Partie 2 :
Logique de déploiement, composantes
et
tendances spatiales des PMI à
Meknès
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Introduction
Au terme de cette analyse sur les
caractéristiques générales des PMI à Meknès
et de leur poids socio-économique qui a été menée
sur la base d'un ensemble d'indicateurs à la fois quantitatifs et
qualitatifs, il importe à présent d'approcher ce segment du tissu
productif sous un autre angle, autre que socio-économique. Il s'agit en
effet, de mettre en
relief les composantes spatiales de ce secteur à
travers l'analyse de la logique de son déploiement, des formes de sa
localisation et de la stratégie mise en oeuvre pour une
répartition harmonieuse des unités relevant de ce secteur dans
l'espace urbain de Meknès.
Nous privilégions dans notre démarche de partir
des interrogations suivantes:
- Quels sont les critères ayant influé sur la
localisation des PMI à Meknès?
- Comment se présente la distribution spatiale de ces
entreprises dans l'espace urbain Meknassi?
- Quelle est la stratégie adoptée par la
planification urbaine pour repartir ces unités de façon
harmonieuse dans l'espace ?
La réponse à ces questions va nous permettre,
d'une part, d'apprécier l'impact des PMI dans la structuration de
l'espace urbain de Meknès et d'autre part, d'avoir une idée sur
la portée réelle des efforts déployés par les
pouvoirs publics pour la mise en place d'un environnement industriel favorable
à ces entreprises notamment, dans le domaine des infrastructures
d'accueil des investissements.
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Chapitre 1: Facteurs déterminants de la
localisation des PMI à Meknès.
Les problèmes de la localisation des activités
revêtent une grande importance pour les entreprises car les coûts
de production en dépendent. Mais aussi pour les collectivités
locales et l'Etat, parce qu'ils ont en charge la répartition harmonieuse
des activités dans l'espace.
Les questions relatives à la localisation des
activités économiques en général et des industries
en particulier, ont très tôt intéressé l'analyse
économique. D'une part parce que le problème de la localisation
se situe dans le prolongement même du développement
économique et social et d'autre part parce que, avec l'avènement
du capitalisme, le sol urbain sera doté de la fonction
supplémentaire de production à côté de sa fonction
traditionnelle d'espace résidentiel.
En effet, même si les géographes ont très
tôt établi la relation entre l'implantation industrielle et la
présence des matières premières, de la main d'oeuvre, du
marché et de l'énergie, leurs études de la localisation
industrielle demeurent pour l'essentiel "descriptives et
conduisent à la construction de typologies ou à
l'énumération des facteurs qui butent rapidement sur la
diversité des cas particuliers. L'absence de
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schéma théorique de référence et
rigoureux ne permet ni de mettre en évidence l'articulation de ces
facteurs ni d'intégrer les résultats sur d'autres modèles
plus généraux " 1. Ce sont
essentiellement les économistes qui ont essayé de formuler un
certain nombre de théories relatives à la localisation
industrielle que ce soit au niveau de la macroéconomie qu'au niveau de
la micro-économie en situant la décision d'implantation d'un
établissement industriel dans le cadre d'une politique d'entreprise.
Cela nous amènera dans un premier lieu à nous
interroger sur les fondements théoriques relatifs à la
localisation industrielle et sur l'incidence que pourrait avoir la
taille de l'entreprise en matière de choix
d'implantation ( section 1) avant d'examiner par la suite, les
facteurs ayant influé sur les décisions de localisation des PMI
à Meknès et les exigences idéales en matière de
localisation telles qu'elles sont perçues par les chefs de ces
entreprises ( section 2).
Section I: Fondements théoriques
et relations entre localisation et taille des entreprises
L'étude des mécanismes déterminant la
localisation des PMI à Meknès nécessite tout d'abord
d'opérer un rapide détour théorique pour mieux
appréhender cette question de localisation industrielle devenue
incontournable aussi bien face à l'analyse économique qu'à
l'épreuve de la réalité spatiale.
Nous nous attacherons dans un premier lieu à passer en
revue les différentes approches de la localisation industrielle, aussi
bien classiques qu'actuelles (paragraphe 1). Nous traiterons dans un
2ème et dernier lieu, des corrélations qui puissent exister
entre
le choix de localisation et la taille des entreprises (
paragraphe 2).
Paragraphe I : Théories de localisation
Selon G.B. BENKO, le but de la théorie de la
localisation est de " fournir une explication de
l'organisation spatiale des firmes , d'identifier les variables qui
déterminent la localisation et d'offrir des solutions analytiques. Elle
doit aussi apporter des réponses détaillées aux nombreuses
questions qui concernent l'éclatement spatial des firmes, l'influence de
l'environnement, etc. "1.
Dans ce cadre, il y'a lieu de signaler que plusieurs approches
ont été proposées, mais on peut distinguer globalement
deux grandes approches: Les théories classiques et les théories
actuelles.
1-2 : Théories classiques de
localisation
Les théories classiques sont dites aussi weberiennes,
portant ainsi le nom du père de la plus ancienne analyse
théorique de la localisation : Alfred Weber (1909) qui a
constitué le point de départ de bon nombre de réflexions
sur le même thème. Ces théories ont cherché suivant
le principe de la localisation optimale liée aux coûts de
transport, à
( 1 ) BENKO ( G..B) : Géographie des
téchnopoles, . Edition Masson, Paris 1991 , p: 15.
(1) BENKO ( G.B) : Géographie des téchnopoles
,opp cité, p: 16.
(2) Idem.
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déterminer les facteurs pris en considération
par les entreprises dans leur décision d'implantation. Les
éléments mis en avant sont : Les coûts relatifs d'obtention
de matières premières, ceux qui concernent l'accès au
marché et enfin les coûts différentiels du travail,
auxquels s'ajoutent les facteurs d'agglomération et les économies
externes (2 .
Selon ces mêmes théories, les entreprises
déterminent alors leur localisation en fonction des avantages
comparatifs que possèdent les espaces au regard de ces différents
facteurs. Il s'agit essentiellement de déterminer les normes de
localisation d'une entreprise soucieuse de maximiser l'utilité ( les
profits) en mettant l'accent sur les décisions individuelles.
Les principales reproches faites à ces théories
de localisation tournent autour de la question fondamentale suivante: Les
hypothèses de rationalité obligent à introduire dans les
théories, des fonctions individuelles de comportement dans lesquelles
les variables explicatives ont un caractère exclusivement
économique (les facteurs de coût et de rentabilité sont
ceux qui déterminent les comportements individuels). Or comme l'a
souligné J.R.Cuardo " les facteurs de caractère strictement
économique peuvent avoir une incidence réelle moins importante
que celle qu'il semblerait raisonnable d'imaginer à priori "1 cela est
dû surtout dans le cas des petites et moyennes entreprises, au fait de
méconnaître les circonstances économiques qui interviennent
dans des localisations alternatives.
Autrement dit ajoute le même auteur " l'hypothèse
de rationalité économique qui imprègne les modèles
néo-classiques et qui présuppose que tout processus de
décision implique une recherche de la solution optimale parmi l'ensemble
des localisations possibles, vient buter contre la rigidité et les
limites découlant des voies d'information et conduit au concept de
rationalité limitée établi par SIMON "2.
Outre le fait que grand nombre de décisions
d'investissement ne tiennent guère compte de localisations alternatives,
les limites de cette optique économique s'expliquent aussi par le fait
que le problème de choix d'implantation n'est qu'un aspect du processus
d'investissement. Ce dernier exige pour sa compréhension l'examen d'un
grand nombre d'aspects dont la plupart sont de nature personnelle, culturelle,
sociale ...en somme des problèmes non économiques.
1-2: Théories actuelles de
localisation.
La théorie de la localisation a pris depuis les
années 70, une dimension particulière due selon G.B.BENKO
à " la rapidité des modifications technologiques et à
l'accélération des processus d'innovations qui font
apparaître de nouvelles activités dont on connaît mal la
logique d'organisation "3.
Le rôle de ce facteur en matière
d'évolution des choix de localisation des entreprises, a
déjà été mis en exergue par B. Dezert et C.Verlaque
en soulignant que "les choix d'implantations sont liés dans les pays
anciennement industrialisés, dans le temps,
2
(1) CUARDO ROURA ( J.R) : " Facteurs de localisation
industrielle: Nouvelles tendances" in revue économie
régionale et urbaine n° 3.Année 1989,pp:471-555.
( 2) Idem.
( 3 ) BENKO ( G.B) : Géographie des téchnopoles
,opp cité, p: 16.
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aux innovations dans le domaine technique (Techniques de
fabrication, processus d'organisation, modes de transport utilisés,
etc.)1 .
De son côté Alain Sallez, en se basant sur ce
même critère, distingue quatre grandes phases historiques
caractérisant les rapports des entreprises avec leurs territoires
2:
- L'ère de la dispersion: les facteurs
fixent l'industrie (1750-1850).
La localisation des entreprises est déterminée
par la présence de facteurs nécessaires à la production (
Matières premières, énergie, eau, voies de transport).
- L'ère de la polarisation
(1850-1955).
Cette ère se caractérise par la concentration
des entreprises industrielles dans les métropoles et grandes villes.
Concentration favorisée par le développement des moyens de
communication.
- L'ère de la division spatiale du travail
( 1955-1975).
Cette ère se caractérise par la tendance des
firmes américaines et européennes à décomposer leur
processus de production et à délocaliser certaines de leurs
activités vers les pays du tiers monde ( zones de bas salaires).
- L'ère de la technopolisation.
Cette quatrième phase non achevée selon l'auteur
trouve son origine dans l'introduction des applications de
l'électronique dans la production et dans le développement des
différentes formes de la télématique ( FAO, CAO, travail
à distance).
Les entreprises face à la concurrence de plus en plus
forte, rapprochent donc la recherche du développement et le
développement de la production au sein d'unités
intégrées. Ces mouvements se réalisent dans un contexte de
mobilisation des investissements nationaux et internationaux au profit des
agglomérations urbaines les mieux dotées en main d'oeuvre
qualifiée et en potentiels de recherche. Ces éléments
étant devenus déterminants dans le choix de localisation pour les
entreprises " innovantes".
Quelles sont donc les théories qui tentent d'expliquer
la naissance et l'implantation géographiques des nouveaux espaces
industriels: Les technopôles* .
Plusieurs approches ont été proposées
dans ce cadre parmi lesquelles nous retenons: la théorie du milieu
innovateur et les autres approches basées sur la recherche de facteurs
de localisation spécifiques aux industries de haute technologie.
* La théorie du " milieu innovateur":
La notion du milieu innovateur a été
définie par C. Perrin ( 1989) comme étant "un ensemble
territorialité dans lequel des réseaux innovateurs se
développent par l'apprentissage que font leurs acteurs des transactions
multilatérales génératrices d'extérnalités
spécifiques à l'innovation et par convergence des apprentissages
avec des formes de plus en plus performante de création technologique (1
.
(1) DEZERT ( B) et VERLAQUE ( C) : L'espace industriel. Edition
Masson, 1978, p, 47.
( 2 ) SALLEZ ( A) : " les nouveaux territoires de
l'entreprise.Analyses et pratiques...
* Le vocable technopole désigne tantôt une zone
aménagée spécifiquement pour accueillir de manière
sélective des activités de haute technologie " high tech"
: Le technopole; tantôt il désigne l'ensemble
géographico-économique, ville, métropole recelant ces
activités: La technopole ( du grec polis, ville).
( 1) Cité par BENKO ( G.B): Géographie des
téchnopoles, opp cité, p:15.
Cette approche du milieu innovateur développée
par Aydalot, pose l'hypothèse du rôle déterminant
joué par les milieux locaux comme incubateurs de l'innovation. Les
comportements innovateurs dépendent de variables définies au
niveau local ou régional. Le passé des territoires, leur
organisation, leur capacité à faire apparaître un projet
commun et le consensus qui les structure sont à la base de l'innovation.
De même l'accès à la connaissance technologique, la
présence du savoir-faire, la composition du marché du travail et
bien d'autres composantes déterminent des zones de plus ou moins
réceptivité à l'innovation (2) .
Ce sont évidemment les grandes agglomérations
qui sont considérées comme des espaces propices à
l'innovation et plus aptes à jouer le rôle d'incubateurs. Ce-ci,
est dû au fait qu'elles intègrent tous les "ingrédients
économiques, techniques, politiques, culturels nécessaires pour
qu'émerge un ensemble socio-spatial représentatif de l'une de ces
zones liées à la condensation en un même lieu
d'activités de formation et de recherche, d'établissements
à la fois industriels et tertiaires de services supérieurs, de
réseaux informatifs multiples et croisés, qui
caractérisent les nouvelles cités technologiques "3
* Approches se basant sur la recherche de facteurs de
localisation spécifiques aux industries de haute
technologie.
Dans ce cadre plusieurs critères et facteurs
spécifiques ont été avancés pour
caractériser ces espacés : Existence d'universités et
instituts de recherches, Accumulation de laboratoires de recherche capables de
développer des découvertes susceptibles d'être
transférées vers des entreprises intermédiaires,
présence de services et de climat politique des affaires, importance des
économies d'agglomérations ou de grande urbanisation, existence
d'un système d'informations et d'échanges, d'interrelations
fluide et performant, organisation de l'espace qui assure à cet ensemble
une bonne fonctionnalité, etc.
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