UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES FACULTÉ
D'ÉCONOMIE
Master 2 Économie du développement
Parcours «GODI - EPD»
(Gouvernance des Organisations pour le Développement
International)
MÉMOIRE
VERS UNE GOUVERNANCE PARTICIPATIVE DE L'EAU? LA
RÉPONSE AUX CRISES HYDRIQUES DANS L'ÉTAT BRÉSILIEN DU
CEARÁ
Enseignant responsable: FIGUIÈRE Catherine
DAMASCENO PIMENTA Izabela
2
La Faculté d'Économie de l'Université
Grenoble Alpes n'entend donner aucune approbation ni improbation aux
opinions émises dans les mémoires des candidats au Master;
ces opinions doivent être considérées comme propres
à leur auteur.
Le mémoire est un essai d'application des méthodes
et outils acquis au cours de la formation. Il ne saurait donc être
considéré comme un travail achevé auquel la
Faculté conférerait un label de qualité qui
l'engagerait.
Ce travail est considéré a priori comme un
document confidentiel qui ne saurait être diffusé qu'avec le
double accord de son auteur et, le cas échéant, de l'organisme de
stage.
3
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont,
directement ou indirectement, contribué pour la réalisation de ce
travail.
D'abord, je remercie Mme. Catherine Figuière, ma
directrice de mémoire, Maître de conférences à la
Faculté d'Économie de l'Université Grenoble-Alpes, de
m'avoir encadré, orienté et conseillé au cours de ces
derniers mois. Je tiens aussi à remercier M. Pierre-Louis Mayaux,
chercheur du CIRAD à l'UMR G-EAU, mon tuteur de stage, pour les conseils
et les discussions fructueuses. Un grand merci à tous les deux, qui
m'ont guidé pendant tous les processus de construction de ce travail.
Je voudrais encore remercier M. Eric Sabourin, chercheur du
CIRAD, pour sa disponibilité et sa bienveillance envers mes
questionnements. Merci également à toute l'équipe
impliquée dans le Projet Sertões, en France et au
Brésil, pour les échanges qui ont énormément
contribué à alimenter mes réflexions. Je remercie
particulièrement les collègues Mariana Rios et Hela Gasmi, qui
ont partagé leurs expériences de terrain dans le Ceará, et
Lucas Amorim, très souvent avec moi pendant les entretiens
réalisés et dont les réflexions m'ont apporté des
inspirations pour ce travail. Merci également à Marina Hohl, de
s'être mise à disposition pour d'éventuelles corrections et
relectures.
J'adresse également mes remerciements à toute
l'équipe pédagogique de la Faculté d'Économie de
Grenoble responsable de ma formation.
Enfin, je voudrais remercier mes parents, Patrícia et
Túlio pour leur soutien constant et leurs encouragements.
SOMMAIRE
4
INTRODUCTION 9
CHAPITRE I - Quels attributs de la gouvernance vers un
accès à l'eau plus
démocratique? Base théorique et
méthodologique du présent travail 13
CHAPITRE II - Contextualisant les différents niveaux
territoriaux et les paradigmes
de l'action publique de réponse aux crises hydriques
38
CHAPITRE III - Quelle gouvernance de l'eau dans le
Ceará? 39
CONCLUSION 60
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 62
ANNEXES 69
TABLE DES MATIÈRES 81
RÉSUMÉ 82
LISTE DES FIGURES
Figure 1 - Carte politique du Brésil: les 27 unités
fédérales et les 5 grandes Régions Figure 2 - le
Semi-aride Brésilien
Figure 3 - Carte du Brésil identifiant l'État du
Ceará
Figure 4 - Schéma de l'évolution
juridique-institutionnelle de la gestion de l'eau dans le Ceará
Figure 5 - La structure du SIGERH-Ceará
LISTE DES TABLEAUX
5
Tableau 1: Indicateurs du développement durable au
Brésil
LISTE DES ACRONYMES
- CAGECE - Companhia de Água e Esgoto do
Ceará / Compagnie d'Eau et d'Égouts du Ceará
- CBH - Comitês de Bacia Hidrográfica /
Comités de Bassin Hydrographique
- CNRH - Conselho Nacional de Recursos Hídricos
/ Conseil National des Ressources Hydriques
- COGERH - Companhia de Gestão dos Recursos
Hídricos / Compagnie de Gestion des Ressources Hydriques
- COMIRH - Comitê Estadual de Recursos
Hídricos / Comité d'État des ressources hydriques
- CONERH - Conselho Estadual de Recursos Hídricos
/ Conseil d'État des ressources hydriques
- DNOCS - Departamento Nacional de Obras Contra as Secas
/ Département National des Travaux contre la Sécheresse
- FETRAECE - Federação dos Trabalhadores
Rurais Agricultores e Agricultoras Familiares do Estado do Ceará /
Fédération des travailleurs ruraux et des agriculteurs familiaux
du Ceará
- FUNCAP - Fundação Cearense de Apoio ao
Desenvolvimento Científico e Tecnológico / Fondation d'Appui
au Développement Scientifique et Technologique du Ceará
- FUNCEME - Fundação Cearense de
Meteorologia e Recursos Hídricos / Fondation Cearense de
Météorologie et Ressources Hydriques
- IFOCS - Inspetoria Federal de Obras Contra a Seca /
Direction Fédéral de Travaux contre les
Sécheresses
- IOCS - Inspetoria de Obras Contra a Seca /
Direction de Travaux contre les Sécheresses
6
- MST - Movimento Sem-Terra / Mouvement Sans-Terre
7
- PERH - Política Estadual de Recursos
Hídricos / Politique de l'État pour les ressources
hydriques
- PNRH - Política Nacional dos Recursos
Hídricos / Politique Nationale des Ressources Hydriques
- SDA - Secretaria do Desenvolvimento Agrário
/ Secrétariat du Développement Agraire - SEAGRI -
Secretaria de Agricultura Irrigada / Secrétariat de
l'agriculture irriguée - SEMA - Secretaria do Meio-Ambiente /
Secrétariat de l'Environnement
- SEMACE - Superintendência Estadual do Meio
Ambiente / Direction de l'État pour l'environnement
- SIGERH - Sistema Integrado de Gestão dos Recursos
Hídricos / Système Intégré de Gestion des
Ressources Hydriques
- SINGREH - Sistema Nacional de Gestão dos Recursos
Hídricos / Système National de Gestion des Ressources
Hydriques
- SNSH/MDR - Secretaria Nacional da Segurança
Hídrica do Ministério do Desenvolvimento Regional /
Secrétariat National de la Sécurité Hydrique du
Ministère du Développement Régional
- SOEC - Superintendência de Obras do Estado do
Ceará / Direction des travaux de l'État du Ceará
- SOHIDRA - Superintendência de Obras
Hidráulicas / Direction des travaux hydrauliques
- SRH - Secretaria de Recursos Hídricos /
Sécretariat des Ressources Hydriques
- SRHU/MMA - Secretaria de Recursos Hídricos e
Ambiente Urbano do Ministério do Meio Ambiente / Secrétariat
des Ressources Hydriques et de l'Espace Urbain du Ministère de
l'Environnement
- SUDEC - Superintendência do Desenvolvimento do
Estado do Ceará / Direction pour le développement du
Ceará
- SUDENE - Superintendência do Desenvolvimento do
Nordeste / Direction pour le Développement du Nordeste
8
- UFC - Universidade Federal do Ceará /
Université Fédérale du Ceará
9
INTRODUCTION
Les enjeux humains, sanitaires et sociaux qui dérivent
des problèmes liés à l'eau sont considérables,
particulièrement pour les pays en développement (Makkaoui et
Dubois, 2010). Cela d'autant plus si l'on considère que la situation de
pénurie au centre de la crise hydrique découle de questions de
pouvoir, pauvreté et inégalités, et non pas d'une question
de disponibilité physique tout simplement (Jimenez et al., 2020). Ainsi,
l'accès à l'eau devient un droit individuel, collectif, civil et
politique, ainsi que social, économique et culturel, nécessaire
pour la réalisation des autres droits de l'homme (Belaidi, 2010).
À propos de la gestion de cette ressource,
l'intégration des piliers sociaux, économiques et
environnementaux sous l'égide du concept de développement durable
à partir des années 1970's requiert progressivement des nouveaux
cadres de décision, faisant appel au concept de «gouvernance»
(Brodhag, 1999 dans Figuière et Rocca, 2012). Ce concept concerne les
processus de prise et de mise en place de décisions, ainsi que
l'interaction entre structures, procédures et traditions qui y sont
sous-jacentes (Graham et al., 2003 dans Jimenez et al., 2020). La nature de la
gouvernance détermine ainsi la façon dont le pouvoir et les
responsabilités sont exercés, dont les décisions sont
prises et dont les citoyens et d'autres parties prenantes sont engagés
(Graham et al., 2003 dans Jimenez et al., 2020). Il ne s'agit donc pas d'un
concept étranger aux considérations en termes de dynamiques
historiques, de pouvoir et de participation dans les modalités de mise
en place d'un développement durable. C'est dans ce cadre intellectuel et
théorique général que ce travail s'intéressera
à la gouvernance de l'eau dans le Ceará, un État
brésilien localisé dans la zone semi-aride de la région
Nordeste du Brésil.
Le Brésil est aujourd'hui marqué par des
tendances de démantèlement des politiques publiques et
d'institutions responsables pour le développement rural durable sur
plusieurs volets (Sabourin et al., 2020), ce qui pourra avoir un impact sur la
gestion et sur l'état des ressources naturelles au pays. Par ailleurs,
il reste très marqué par des contradictions sociales et des
fortes inégalités, dont les inégalités
régionales sont encore critiques. Parmi les régions
brésiliennes, c'est justement dans la région Nordeste, celle
ayant l'IDH le plus bas et l'Indice de Gini le plus élevé (IPEA,
2016; Barros, 2020), qui se trouve la zone semi-aride la plus peuplée de
la planète, comme discuté dans le deuxième Chapitre. Cette
zone semi-aride abrite la plus grande concentration de
10
population rurale au Brésil (Baptista et Campos, 2017).
Son bilan hydrique négatif soumet cette population à des crises
hydriques importantes (Lemos et al., 2020), et qui sont susceptibles de
s'aggraver suite aux phénomènes liés aux changements
climatiques (Lima e Rocha Magalhães, 2008).
Enfin, le Ceará est justement l'État
brésilien qui présente le plus grand pourcentage de
municipalités officiellement reconnues comme partie du Semi-aride: 175
des 184 municipalités de l'État (soit 95% d'elles) (Lemos et al.,
2020). Historiquement marqué par une distribution très
inégale de l'eau, le Ceará a vécu des nombreuses crises de
pénurie hydrique, lesquelles ont entraîné des collapses
dans la production économique dans l'État, de manière que
le risque hydrologique devient un risque systémique de par son
importance et son potentiel multisectoriel (Ceará 2050, 2018). Ce cadre
général justifie ainsi l'intérêt d'étudier
les mécanismes de gestion et de gouvernance de l'eau dans le
Ceará, où la distribution hydrique, les enjeux de la production
agricole et les dynamiques sociales de domination s'entremêlent de
manière étroite (Burte et al, 2013).
Ce travail s'insère dans le cadre d'un stage au CIRAD -
Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le
Développement, auprès du projet de recherche-action de nom
Sertões1. Soutenu financièrement par l'AFD
pour une durée de trois ans, et porté par le Cirad en partenariat
avec la Fondation de météorologie et ressources hydriques de
l'État du Ceará (FUNCEME), ce projet promeut des échanges
entre de nombreux acteurs, des agriculteurs aux gouverneurs, autour de l'usage
du territoire et de ses ressources. L'objectif est ainsi de co-construire de
nouveaux modes de gouvernance locale de l'eau et des zones rurales, tout en
identifiant les leviers d'une transition agroécologique (CIRAD,
2021).
Plus spécifiquement, le présent travail est
étroitement lié au Produit 3 du Projet Sertões,
lequel correspond à un rapport d'analyse des politiques publiques et des
systèmes de gouvernance dans les secteurs de l'eau et de l'agriculture
dans l'État du Ceará. En termes généraux, il vise
à construire une vision partagée sur la trajectoire des
politiques publiques et de la gouvernance, en particulier dans les secteurs de
l'eau et de l'agriculture. Cela afin d'aider les parties prenantes à
renforcer les processus sous-jacents à une gouvernance efficace des
ressources en question, qui soit inclusive et jouisse d'une large
1 Sustentabilidade e Resiliência hídrica e
Territorial nos sertões nordestinos («Durabilité et
résilience hydrique et territoriale dans les Sertões du
Nordeste»).
11
légitimité. À cette fin, l'objectif
spécifique du produit est de comprendre les instruments et les
paradigmes mobilisés dans la gestion de ces ressources, tenant compte
des particularités socio-économiques de l'État. La
méthodologie pour la production de ce rapport, dont les détails
schématiques se trouvent dans l'Annexe 1, repose fortement sur une revue
bibliographique, mais aussi sur des entretiens semi-directives avec des
acteurs-clés des deux secteurs de l'État du Ceará et sur
des espaces de discussion et de partage avec les différents acteurs.
Dans le processus d'adaptation de ce qui sera
développé dans le cadre du Produit 3 du Projet Sertões
vers le présent Mémoire de Master 2 en Économie du
Développement, le focus sera mis sur le secteur de l'eau, afin de
permettre un approfondissement théorique autour de la gestion et de la
gouvernance de cette ressource. Cela est d'autant plus pertinent que si on
considère que les ressources en eau se trouvent en amont des
systèmes agricoles. En tout cas, l'analyse des mécanismes de
gouvernance de l'eau permettront un regard, de manière subsidiaire,
à ses relations avec le secteur agricole.
Plus spécifiquement, on se concentrera ici à
tester si les mécanismes de la gouvernance de l'eau dans le Ceará
favorisent la participation et la démocratisation des processus de
décision autour de cette ressource. Cela car on le considère un
potentiel élément de promotion d'un accès plus
démocratique à l'eau, et ainsi d'une possible recomposition des
relations sociales et économiques, notamment dans les zones rurales de
l'État. L'hypothèse c'est que la gouvernance actuelle combine des
éléments de démocratisation de la participation, avec des
éléments historiques qui y sont opposés - une forte
sectorisation des discussions, un contrôle encore très
centralisé de la part de l'État et une
prépondérance des intérêts des acteurs plus
puissants économiquement. Ainsi, on se propose de construire un
diagnostic de la gouvernance de l'eau dans l'État du Ceará,
soulignant ses acquis et ses faiblesses en termes de participation. L'objectif
plus large est celui d'apporter des réflexions sur la gouvernance de
l'eau sur un territoire marqué par des conditions climatiques adverses
et par une structure sociétale marquée par des fortes
inégalités.
Pour ce faire, on partira, dans un premier chapitre (I), d'une
revue de littérature sur la gouvernance de l'eau, et les attributs
pertinents pour promouvoir un accès plus démocratique à
cette ressource. Ensuite, le deuxième chapitre (II) fera un état
des lieux du contexte économique et social plus large qui englobent - et
dans une certaine mesure
12
influencent - l'objet de cette étude. On analysera
ainsi les indicateurs de développement du Brésil, du Nordeste et
du Ceará, ainsi que l'évolution des paradigmes de l'action
publique dans le Nordeste Semi-aride en général. Finalement, au
troisième chapitre (III), on procédera à un diagnostic de
la gouvernance de l'eau dans le Ceará, à partir de l'analyse de
la structure organisationnelle de gestion de cette ressource mise en place dans
l'État, ainsi que d'une grille d'analyse issue de la littérature
de base présentée au premier chapitre.
13
CHAPITRE I - Quels attributs de la gouvernance vers un
accès à l'eau plus démocratique? Base théorique et
méthodologique du présent travail
On entame le présent travail à partir d'une
revue de littérature portant sur la gouvernance des ressources
naturelles, et plus spécifiquement de l'eau. Cela afin de repérer
des contributions utiles pour la construction d'une grille d'analyse
cohérente pour étudier la gouvernance de l'eau dans l'État
du Ceará, thème central de ce travail. Suite à la revue de
littérature, on procédera, dans ce chapitre, à une
présentation plus détaillée de la construction
méthodologique de cette étude. Ce Premier Chapitre consistera
ainsi en un exercice intellectuel de construction des bases théorique et
méthodologique qui encadreront la présente analyse.
1.1. Revue de littérature sur la gouvernance de
l'eau
La problématique de l'usage excessif, de la
dégradation et de la durabilité des ressources naturelles a
gagné de l'espace dans la littérature avec la publication, en
1968, de l'article de Hardin sur la «Tragédie des Communs»
(The tragedy of the Commons) (Pereira Cysne, 2012, p. 35). Il soutient
que l'intérêt individuel des usagers les amènerait à
une surexploitation des ressources communes, ayant comme conséquence la
dégradation environnementale. Face à cela, les propositions de
Hardin envisageaient la privatisation ou la centralisation de la gestion par
l'État. Son travail a introduit la question environnementale dans les
discussions sur la gestion des ressources naturelles (Pereira Cysne, 2012),
d'où son importance. Ensuite, dans les années 1970's on assiste
à l'intégration des piliers sociaux, économiques et
environnementaux sous l'égide du nouveau concept de développement
durable, faisant appel à des nouveaux cadres de décision dans la
gestion des ressources, lesquels on rassemble sous le concept de
«gouvernance», thème central du présent travail
(Brodhag, 1999 dans Figuière et Rocca, 2012).
14
La gouvernance est d'abord un terme qui qualifie les processus
de prise et de mise en place de décisions (Graham et al., 2003 dans
Jimenez et al., 2020). Il est donc un concept polysémique dont l'usage
récent renvoie à l'idée de dépassement du
rôle de l'État comme résultat de l'intensification de la
mondialisation: les théories standards de la fin du XXème
siècle préconisaient le retrait de l'État, au profit de
l'exercice accru du pouvoir par des nouveaux acteurs (Figuière et Rocca,
2012). En tout cas, au-delà des théories standards, la
gouvernance présuppose, de manière générale, une
pluralité hétérogène d'acteurs. Pour Graham et al.,
2003 (dans Jimenez et al., 2020), la gouvernance concerne la nature de
l'interaction entre structures, procédures et traditions qui
déterminent la façon dont le pouvoir et les
responsabilités sont exercées, dont les décisions sont
prises et dont les citoyens et d'autres parties prenantes sont engagés
dans la gestion d'une ressource. Ainsi, ce concept englobe les situations
rassemblant une multiplicité de parties prenantes, et qualifie les
configurations de leurs relations (Scheng, 2008), tout en tenant compte de
l'existence de fonctions, d'attributs et de valeurs, individuels ou collectifs,
en jeu (Jimenez et al., 2020). Cette conceptualisation initiale conduit
à des discussions théoriques qui sélectionnent les
critères les plus pertinents pour une gouvernance adaptée au
milieu dans lequel elle est mise en place.
Selon Scheng (n.d.), une analyse de la gouvernance doit tout
d'abord focaliser les acteurs formel ou informellement engagés dans la
prise et mise en place des décisions, ainsi que les structures formelles
et informelles existantes. Figuière et Rocca (2012), à leur tour,
mettent l'accent sur les types d'acteurs qui y sont engagés; les
problèmes auxquels elle vise à répondre; le niveau
pertinent pour sa mise en place; et sa capacité de garantir
l'intérêt général2 - celui-ci compris en
un sens d'émancipation des intérêts particuliers. Aussi,
selon Baron (2003 dans Figuière et Rocca, 2012 p. 9), le concept de
gouvernance doit intégrer la notion de pouvoir afin d'apporter une
véritable valeur ajoutée à l'analyse.
Dans un contexte d'intensification du processus de
mondialisation à la fin du XXème siècle, l'analyse des
caractéristiques et attributs de la gouvernance ont
évolué
2 L'assimilation de l'État en tant qu'un
acteur parmi d'autres, apporte une potentielle complexification dans le
processus de définition de l'intérêt général,
auparavant monopolisé par cet acteur (Denis, 2008 dans Figuière
et Rocca, 2012 p. 17). Cela s'articule avec le constat de Chevalier (1985 dans
Figuière et Rocca, 2012, pp. 17-18) selon lequel une telle gouvernance
s'articule avec une légitimité issue de la base (ce qu'on
pourrait appeller «bottom-up»), imposant donc la participation
effective au travers de l'adhésion et du rôle actif des toutes
parties engagées.
15
d'approches stato-centriques et hiérarchiques vers un
paradigme de «bonne gouvernance», lequel a été, pour la
première fois, défini par le rapport «Governance and
Development» de la Banque Mondiale (1992 apud Jimenez et al., 2020).
Il soutenait la retraite de l'État à partir de la privatisation
et des réformes du service civil comme moyen de promouvoir l'efficience
dans les services publics et la compétition (Williams et Young, 1994
dans Ekundayo, 2017). Pour la Banque Mondiale, les indicateurs de bonne
gouvernance rassemblent: «voice» et
«accountability»; stabilité politique; absence de
violence; effectivité du gouvernement; qualité
régulatoire; état de droit; contrôle et niveau de
corruption (Scheng, 2008).
Il faut considérer que les pays en
développement, intégrés de manière
périphérique au capitalisme mondial, ont souvent
été sous une forte influence des agents internationaux tels que
la Banque Mondiale (Makkaoui et Dubois, 2010). Ainsi, ces derniers ont
directement influencé l'adoption des modèles de gouvernance des
ressources hydriques, préconisant, souvent, de partenariats
publics-privés (Flores, 2006; Martins 2013 dans Mendonça Morais,
2018). Cependant, Estache et al. (2003) montrent que ceux-ci, appliqués
dans le secteur de l'eau, ont bien produit des gains d'efficacité pour
les gouvernements et les opérateurs, mais n'ont jamais
bénéficié aux usagers. Ils ont ainsi été
à l'origine de fortes critiques sur le degré de
compatibilité de la logique de l'action publique (orientée vers
le développement des sociétés) avec celle des
interventions privées (orientée vers la maximisation des profits)
(Makkaoui et Dubois, 2010).
Aussi, cette approche de bonne gouvernance semble ignorer le
fait que les différents acteurs n'ont souvent pas la même
capacité à participer (Figuière et Rocca, 2012, p. 18), de
manière que parler de participation tout simplement ne suffit pas. Les
inégalités en termes de pouvoir et de ressources sont souvent
massives à l'intérieur même des communautés des
usagers de l'eau, pouvant créer des entraves à un résultat
véritablement consensuel et pacifique, pouvant demander un arbitrage de
la part du pouvoir public (Barone et Mayaux, 2019). Bref, les échecs du
paradigme de gouvernance préconisé par la Banque Mondial à
la fin du XXème siècle ont montré le besoin d'une
démarche participative qui focalise une véritable association de
la part de la société civile dans le cadre de la
redéfinition des relations entre l'État et le secteur
privé (Makkaoui et Dubois, 2010).
À ce propos, on peut considérer les idées
d' Elinor Ostrom (1990) comme une troisième voie entre les idées
de Hardin et le paradigme mis en avant par la Banque
16
Mondiale, c'est-à-dire, un chemin entre une
régulation par l'État et une régulation par le
marché (Barone et Mayaux, 2019). Cette auteure soutenait la
capacité des individus de coopérer en faveur d'un objectif
commun, afin de surmonter le dilemme des communs, tout en dépassant une
intervention coercitive de la part de l'État (Ostrom, 1990). Plus
récemment, dans un effort scientifique de rassembler les principales
théories sur la gouvernance des ressources naturelles répondant
à un paradigme qui reconnaît, entre autres, l'importance de
l'action collective, Cox et al (2016) ont identifié les critères
analytiques les plus reconnus par cette littérature. Même si ces
critères sont très divers au sein des différentes
théories, certains ont été identifiés comme
très présentes dans les différents domaines d'étude
qui s'intéressent à la gouvernance des ressources naturelles,
telles que: la Tendance de Condition des Communs (Common Condition
Trend); l'action collective; l'observance3; le niveau de
correspondance et ajustement socio-écologique (Social-Ecological
Fit) entre institutions et systèmes; la résilience des
écosystèmes; les instruments des politiques adoptées; et
le degré de centralisation, cette dernière ayant la plus grande
variabilité dans ses résultats d'impact sur la gouvernance (Cox
et al, 2016).
En ce qui concerne particulièrement cette
dernière, Scheng (2008) explique qu'une décentralisation, en soi,
n'améliore pas forcément la gouvernance, mais elle peut
améliorer le partenariat entre gouvernement et société
civile, ce qui pourrait, à son tour, impacter positivement la
gouvernance. Par ailleurs, la décentralisation a tendance à
favoriser l'adaptation des politiques aux réalités locales (OCDE,
2015). Selon l'OCDE (2015), il existe actuellement une plus grande
reconnaissance que, lors d'une tendance de décentralisation, un
processus de décision ascendante («bottom-up») et
inclusif est fondamental pour le développement de politiques efficaces
dans le secteur de l'eau, même si un tel processus génère
très souvent des défis en termes de formation et de coordination
dans la prestation des services publics. Déjà Ostrom (1990) avait
démontré, dans le cas des nappes d'eaux souterraines et des
réservoirs pour l'eau d'irrigation, que l'élaboration
d'arrangements de délibération et de négociation
directement par les acteurs concernés pourrait conduire à des
meilleurs résultats de gestion (Barone et Mayaux, 2019).
Encore à ce sujet, Makkaoui et Dubois (2010)
argumentent que le principe central de la participation est dual: d'une part,
la participation dans les décisions favorise leur
3 Il faut noter que l'observance, au contraire de
la variable «action collective», présuppose que les acteurs
sont de simples récepteurs des politiques environnementales, alors que
l'action collective les conçoit en tant que coproducteurs de ces
politiques.
17
appropriation et leur acceptation par les différents
acteurs, ce qui favorise la réalisation effective des objectifs
fixés; d'autre part, elle entraîne une amélioration de la
qualité de la base informationnelle, et ainsi des modalités de
compréhension du problème. L'idée centrale c'est que les
démarches participatives valorisent l'échange d'informations, la
négociation, le compromis et les engagements volontaires (Makkaoui et
Dubois, 2010). Tout cela produirait du capital social, lequel limiterait les
risques de comportements opportunistes dans la gestion durable des ressources
(Wade, 1988 ; Ostrom, 1990 ; Baland et Platteau, 1996 dans Makkaoui et Dubois,
2010). Par ailleurs, de telles démarches produisent des réseaux,
valeurs et convictions communes facilitant la coopération et limitant
les coûts de transaction (Makkaoui et Dubois, 2010).
Cependant, ces mêmes auteurs rappellent également
les risques de détournement des approches participatives, en cas
d'inadaptation au contexte appliqué (Van den Hove, 2001 dans Makkaoui et
Dubois, 2010). Ainsi, la mise en place de procédures participatives, en
soi, ne garantit pas forcément la réalisation des objectifs
attendus et ne mène pas forcément aux meilleures solutions
(Makkaoui et Dubois, 2010). Aussi, elles peuvent complexifier le processus
décisionnel. À ce propos, Gutiérrez (2006 dans
Mendonça Morais, 2018) soutient que, pour obtenir une décision
véritablement participative et démocratique, il est
nécessaire de garantir une base technique solide - comprenant la
connaissance des facteurs techniques, mais aussi la prise en compte de la
capacité technique des participants et de leurs niveaux d'engagement.
En ce qui concerne la gouvernance de l'eau,
spécifiquement, il est important de noter que les situations de
pénurie hydrique découlent de questions de pouvoir,
pauvreté et inégalités, et non pas seulement d'une
question de disponibilité physique (Jimenez et al., 2020). Selon
Ménard et al. (2018 apud Jimenez et al., 2020), les interactions entre
les parties prenantes pour l'accès à l'eau peuvent
résulter en accaparement de ces ressources par les élites
(«elite capture»), en opportunisme de tiers et en
corruption. C'est à partir de cette conception fondamentale qu'on
regarde les processus de participation dans la gouvernance des ressources
hydriques.
Jimenez et al (2020) considèrent que les principales
fonctions d'une gouvernance de ressources en eau sont (I) de construction
politique et stratégique; (II) de coordination (multi niveau, multi
secteurs et multi parties); (III) de planification et préparation; (IV)
de financement; (V) de structuration des arrangements de gestion
(management arrangements); (VI) de suivi, évaluation et
apprentissage; (VII) de régulation; et (VIII)
18
de développement de capacités. Elle viserait,
ainsi, à la production de 4 ordres de résultats: (I)
création de conditions pour une initiative de gouvernance (accorder des
objectifs, le niveau d'engagement, etc); (II) production d'un changement de
comportement des usagers et des institutions-clé (y inclus de la forme
dans laquelle ceux-ci interagissent); (III) production de changements
désirés dans les conditions sociétales et
environnementales; et, enfin (IV), production d'un système
socio-écologique dans lequel les conditions désirées sont
promues (de manière durable et soutenable) (Jimenez et al., 2020).
Ainsi, pour atteindre ces fonctions spécifiques, la gouvernance de l'eau
doit comprendre les attributs suivants: une approche multiniveaux,
participation, délibération, inclusion, accountability,
transparence, un processus de décision basé sur
l'évidence, efficience, impartialité et état de droit,
capacité adaptative (Jimenez et al., 2020).
Pour l'OCDE (2015), la gouvernance est bonne si elle permets
de résoudre les principaux défis de l'eau combinant des processus
de coordination ascendants («bottom-up») et descendants
(«top-down») et promouvant des relations constructives entre
l'État et la société, dans le but de répondre aux
réelles nécessités de chaque territoire. Pour cela, elle
doit éviter des coûts de transaction injustifiés (OCDE,
2015). Dans ce cas, la gouvernance doit obéir à trois dimensions:
(I) efficacité, (II) efficience et (III) confiance et compromis. Le
Programme Mondial pour l'Évaluation des Ressources en Eau des Nations
Unies (2020), à son tour, préconise une participation
adéquate du public, afin de renforcer les capacités d'adaptation
à plusieurs niveaux, d'éviter les pièges institutionnels
et de focaliser la réduction des risques pour les groupes socialement
vulnérables, passant par une gestion intégrée des
ressources en eau (GIRE).
Suite à la présentation des discussions
théoriques autour du concept de gouvernance et ses attributs, notamment
ceux liés à une idée de participation, on réalisera
ensuite une sélection des critères décrits ci-dessus pour
la construction d'une grille d'analyse spécifique pour le présent
travail, laquelle composera sa base méthodologique.
1.2. Construction de la base méthodologique
Partant de l'idée que la gouvernance vise à
répondre à un problème d'action collective précis
(Figuière et Rocca, 2012) et présente des fonctions
spécifiques (Jimenez et al., 2020), on identifie la distribution
historiquement très inégale de l'eau (ALEC, 2008; Cortez et al.,
2017; Ramos Vianna et al., 2006) comme un des problèmes centraux
auxquels la gouvernance de cette ressource doit faire face dans l'État
du Ceará. C'est à
19
partir de cette problématique spécifique qu'on
identifie les critères pertinents pour la présente analyse de la
gouvernance. On considère par ailleurs la pertinence d'une analyse
historique, dans la mesure où le territoire est en lui-même
«un construit social, produit d'une histoire» (Laganier et al., 2002
dans Figuière et Rocca, 2012, p. 15). Ainsi, la conception de
gouvernance adoptée dans le cadre de ce travail se présente, tel
que proposé par Figuière et Rocca (2012), comme un vecteur
d'endogénéisation des dynamiques historiques et de pouvoir dans
les modalités de mise en place d'une gestion durable des ressources.
On partira donc d'une analyse historique du contexte
sociétal du Nordeste Semi-aride et du Ceará, principales
échelles territoriales pour ce travail, tout en expliquant les
paradigmes de l'action publique qui ont marqué l'histoire de cette
région: ceux-ci sont utils dans la compréhension des composantes
de la gouvernance actuelle de l'eau. Selon Marinho Alves da Silva (2003),
chacun des paradigmes sont liés à des visions de monde qui
orientent les connaissances et les pratiques des acteurs sociaux,
façonnant l'action publique dans ces territoires. Ces différentes
perspectives et images historiquement construites sélectionnent les
problèmes, les accents spécifiques, et indiquent les formes
valides d'intervention, influençant ainsi les propositions de
développement du Semi-aride brésilien (Marinho Alves da Silva,
2003).
Compte tenu du cadre social du Brésil, et plus
spécifiquement du Nordeste Semi-aride et de l'État du
Ceará, marqués par des inégalités importantes qui
réverbèrent dans l'accès aux services et aux ressources en
eau, le présent travail cherchera à focaliser les attributs
pertinents dans la construction d'une gouvernance plus ouverte à la
participation, et qui se propose plus démocratique. Un tel modèle
de gouvernance est ici interprétée selon le regard de Makkaoui et
Dubois (2010), explicité dans le sous-chapitre précédent,
pour lesquels la participation dans les décisions promeut des nouvelles
modalités de compréhension du problème, la
coopération et le compromis, de manière à favoriser une
réponse effective aux objectifs fixés pour la gestion durable des
ressources.
Sachant que les effets d'une décentralisation sont en
soi un objet de discussion dans la littérature sur la gouvernance, comme
le montre le chapitre précédent, ce travail cherche à
appréhender les aspects de la décentralisation et de la
participation dans les mécanismes de gouvernance de l'eau mis en place
dans le Ceará. On considère également que les
différents attributs de la gouvernance sont liés les uns aux
autres (Jimenez et al., 2020), de manière qu'on focalise ici ceux qui
renforcent l'idée de participation et de
20
démocratisation des décisions, évitant
les risques de détournement et d'inadaptation décrits par
Makkaoui et Dubois (2010), afin de répondre à la
problématique identifiée dans l'objet de cette étude.
Pour ce faire, on partira de la grille analytique suivante:
Cette grille d'analyse rassemblant les attributs
«participative», «intégrée»,
«multi-niveaux» et «transparente» a été
construite à partir des contributions des idées analysées
lors de la revue de littérature, émanant de travaux tels que
Barone et Mayaux (2019), Cox et al. (2016), Figuière et Rocca (2012),
Jimenez et al. (2020), Makkaoui et Dubois (2010), Mendonça Morais (2018)
et OCDE (2015). Il est important de souligner que ces travaux conçoivent
l'importance des aspects historiques et sociaux derrière les questions
de l'accès et de l'usage de l'eau dans l'évaluation de la
gouvernance, en phase avec la base épistémologique décrite
ci-dessus.
Ainsi, l'attribut «participative» est construit
à partir des contributions notamment des travaux de Figuière et
Rocca (2012), de Barone et Mayaux (2019), de Cox et al. (2016), de Jimenez et
al. (2020) et de Mendonça Morais (2018). Ceux-ci soulignent l'importance
des types d'acteurs engagés, de leurs rapports de pouvoir, de la
réunion des conditions pour une véritable participation - comme
un niveau adéquat d'informations - et ainsi de leur capacité
à participer (Figuière et Rocca, 2012; Barone et Mayaux, 2019;
21
Jimenez et al., 2020; Mendonça Morais, 2018). On
considère la pertinence d'une participation dans la construction des
décisions ayant attrait à l'eau par les différentes
parties prenantes, au lieu d'avoir des secteurs de la société se
comportant comme des simples bénéficiaires des décisions
prises (Cox et al., 2016).
L'attribut «transparente» émane du travail de
Jimenez et al. (2020), mais est aussi reconnu en tant que principe majeur pour
la gouvernance de l'eau par les Nations Unies et par l'OCDE, ainsi que par la
littérature sur la résilience dans les systèmes
socio-écologiques (Jimenez et al., 2020). Selon ces auteurs, la
transparence est fondamentale pour créer de la confiance dans des
relations entre différentes parties prenantes, évitant que
l'information soit manipulée pour renforcer les positions de groupes
spécifiques. Comme a été vu, la construction de confiance
est préconisée par l'OCDE (2015) comme une des trois dimensions
de la gouvernance.
L'attribut multi-niveaux est à son tour
préconisé par l'OCDE (2015), dans le but de promouvoir une
gestion à des échelles appropriées aux conditions
territoriales: il s'agit d'une gestion multi-niveaux en termes de types de
parties prenantes (horizontale), mais aussi des différents niveaux de
gouvernement (verticale). Jimenez et al (2020) préconisent
également une gouvernance multi-niveaux reliant cet attribut à
une tendance de décentralisation de la gouvernance.
Enfin, l'attribut «intégrée» vise
à répondre aux défis en termes de coordination (Jimenez et
al., 2020), qu'un mécanisme de décision participatif et
décentralisé peut apporter, comme indiqué par l'OCDE
(2015). Il s'agirait d'assurer que les différents espaces de
délibération se communiquent et soient coordonnés, afin
que la démarche participative puisse effectivement produire les gains
liés à l'échange d'information et à la
création de réseaux, valeurs et convictions communes aux
différentes parties prenantes, tel que décrit par Makkaoui et
Dubois (2010), tout en évitant les pièges institutionnels
(Programme Mondial pour l'Évaluation des Ressources en Eau des Nations
Unies, 2020)
Pour cette analyse, on s'appuiera:
(I) majoritairement, sur une recherche documentaire
rassemblant des sites et des rapports gouvernementaux dans lesquels figurent
les structures organisationnelles pertinentes pour la gestion des ressources
hydriques dans l'État, ainsi que des articles académiques qui
focalisent la logique d'action, les objectifs - explicites et implicites - les
effets et résultats des structures mises en place;
22
(II) à titre d'appui et d'approfondissement par rapport
aux informations apportées par la bibliographie, sur des entretiens avec
des agents liés aux organisations de l'État ou à des
mouvements et organisations sociales, de manière à
appréhender leur perception sur les conditions de participation et de
dialogue entre les diverses parties prenantes.
Concernant ce deuxième élément
méthodologique, ont été réalisés neuf
entretiens avec des agents liés aux structures suivantes: le Mouvement
des Sans-Terres (MST); le Comité de Bassin de l'Acaraú; le
Secrétariat Exécutif de l'Agrobusiness du Secrétariat du
Développement et du Travail - SEDET; l'Institut SISAR (Système
Intégré d'Assainissement Rural); la Fédération des
travailleurs ruraux et des agriculteurs familiaux du Ceará - FETRAECE;
la Direction des Travaux Hydrauliques - SOHIDRA; le Secrétariat du
Développement Agraire - SDA; de la Compagnie de Gestion des Ressources
Hydriques - COGERH; et du Secrétariat des Ressources Hydriques - SRH.
Les agents interviewés font partie d'une liste
non-exhaustive de parties pertinentes pour la compréhension des
mécanismes de gouvernance de l'eau et rassemblent: (I) des agents
liés à des organismes de l'État qui font partie du SIGERH,
ainsi que (II) des représentants de mouvements sociaux ou
d'organisations impliquées dans les grands thèmes du
développement rural, qui n'ont pas forcément un accès
direct aux espaces de délibération du SIGERH. Ces entretiens
permettent ainsi d'avoir des perceptions diverses sur le fonctionnement et les
systèmes de coordination du SIGERH, et de comprendre dans quelle mesure
des acteurs non-étatiques actifs dans les espaces ruraux de
l'État se sentent intégrés (ou pas) dans la gouvernance de
l'eau.
Ces entretiens ont été réalisés
selon la méthode semi-directive, ainsi appelée vu que les
thèmes de l'entretien sont sélectionnés et annoncés
au préalable (Combessie, 2007). Ces entretiens se sont ainsi
basés sur un guide d'entretien adapté, divisé dans les
sections suivantes: (I) évolution institutionnelle (ou création
et évolution du mouvement, le cas échéant), fonctions,
mission, structure organisationnelle, budget, profil des fonctionnaires (en
termes de formation et lien contractuel); (II) leur perception sur
l'évolution de la gestion (et de l'accès à l'eau, pour les
mouvements sociaux) à partir des jalons identifiés lors de la
recherche documentaire; (III) la nature de sa participation au sein du CONERH
(ou des organismes collégiens qui le composent, tels que le COMIRH ou
les Comités de Bassin, pour ceux qui ne sont pas directement
représentés auprès du premier); (IV) et d'éventuels
liens ou mécanismes de dialogues avec d'autres/les organisations de
l'État, intéressés à la gestion de l'eau.
23
Bien que les entretiens ont reposé sur un guide de
questions plus générales, de manière à apporter une
compréhension plus large du fonctionnement des diverses organisations
engagées dans le thème de l'eau et de sa gestion, le traitement
de ces entretiens pour le présent travail focalise les
éléments reliés à la grille d'analyse
présentée ci-dessus. Selon Combessie (2007b), face à des
informations diverses, on a besoin d'établir que chercher, de mobiliser
un sens qui les relie à partir d'une hypothèse ou
problématique. Ainsi, les principales informations exploitées ici
sont celles qui rapportent comment les différents acteurs
conçoivent la participation, la transparence des mécanismes et la
coordination des différents espaces et niveaux de
délibération.
Un tableau de synthèse sur les observations
réalisées à partir des entretiens est visible sur l'Annexe
2 de ce travail. Certaines de ces observations balisent les analyses du
Chapitre 3, dans lequel on croise les résultats de la recherche
empirique avec les fondements théoriques discutés dans le
sous-chapitre précédent (1.1).
Enfin, la structure institutionnelle et le modèle de
gouvernance en vigueur dans le Ceará dialogue certainement avec les les
contours institutionnels fédéraux et leurs mécanismes
d'action, d'où l'intérêt d'entamer la présente
étude à partir d'une compréhension du cadre institutionnel
brésilien et de l'historique de l'action publique fédérale
sur la région, pouvant impacter le contexte majeur dans l'État.
C'est sur cela que se penchera le Chapitre suivant, afin de fonder l'analyse de
la gouvernance qui viendra ensuite.
24
CHAPITRE II - Contextualisant les différents
niveaux territoriaux et les paradigmes de l'action publique de réponse
aux crises hydriques
Afin de mieux comprendre les éléments qui
potentiellement interagissent dans la formation d'un modèle donné
de gouvernance dans le Ceará, on présentera ici le contexte plus
large du modèle de développement brésilien, passant par le
contexte général du Nordeste Semi-aride et débouchant sur
les indicateurs de développement de l'État du Ceará.
2.1. Indicateurs du développement aux
différents niveaux d'analyse et un état des lieux du secteur
hydrique au Brésil
Cinquième pays au monde en extension
territoriale4, le Brésil présente une
population estimée de plus de 213 millions d'habitants
(IBGE, 2021b). Son PIB monte à
7,4 mille milliards de Reais (environ 1,36 mille milliards de
dollars US) (IBGE, 2020),
de manière que le Brésil était la
9ème économie au monde en 2019 (Banque Mondiale,
n.d.). D'autre part, son indice de développement humain
(IDH) cette même année était de
0,765, plaçant le Brésil en 84ème position
mondiale à cet égard5, combiné à un
coefficient
de Gini de 53,3, (Human Developments Report, n.d.), ce qui
indique un niveau
d'inégalités sociales parmi les plus
élevés au monde (Rios et Sena, 2020). Ce contexte
d'inégalités peut être aggravé par la
conjoncture économique du pays, avec une trajectoire
de recul du PIB (-4,1% en 2020) (IBGE, 2021), laquelle a servi
à justifier des tendances
récentes de démantèlement de politiques
publiques environnementales et de
développement social (Sabourin et al., 2020).
Dans les aspects physique et environnemental, le Brésil
est classé comme l'un des
17 pays mega-diverses, et comprend des écosystèmes
uniques au monde (CEPAL, 2018).
Cependant, le processus de dégradation de la
végétation originale, en partie lié aux
développements de son activité agricole, a
entraîné la désertification de 15,7% de son
territoire, problème qui affectait 31,6 millions de
personnes, soit 18,6% de sa population
en 2018 (CEPAL, 2018). En plus, le Brésil compte 27% de
zones dégradées sur son
territoire (Human Development Report, n.d.). Tout cela impacte
négativement la
4 Avec une aire de 8.514.876,599 km2 (PNUD, n.d.).
5 Trajectoire de l'IDH brésilien entre 1990 et
2019 visible sur l'Annexe 4.
25
résilience notamment des économies rurales les plus
vulnérables, retro alimentant les
processus liés à la pauvreté et à la
vulnérabilité (CEPAL, 2018).
On observe ci-dessous un tableau avec des indicateurs importants
pour
appréhender le cadre général du
Brésil en termes de développement durable en 2019:
Tableau 1: Indicateurs du développement durable
au Brésil
Indicateur Valeur pour Moyenne
le Brésil mondiale
|
Moyenne des pays
en développement
|
Valeur pour l'Amérique
latine et
Caraïbes
|
Espérance de vie à la naissance (années)
|
75,9
|
72,8
|
71,3
|
75,6
|
Années de scolarisation escomptées
|
15,4
|
12,7
|
12,2
|
14,6
|
PNB per capita (ppa constant 2017)
|
14263
|
16734
|
10583
|
14812
|
IDH
|
0,765
|
0,735
|
n.d.
|
n.d.
|
Indice de Développement de Genre
|
0,993
|
0,943
|
0,919
|
0,978
|
Pourcentage (%) de la population en
situation de pauvreté multidimensionnelle (moyenne
entre 2008 et 2019)
|
3,8
|
n.d
|
22
|
7,2
|
Pourcentage (%) de la population employée (âge
à partir de 15 ans)
|
56,2
|
57,4
|
57,4
|
59
|
Quantité (tonnes) moyenne d'émissions de dioxyde
de carbone par habitant (donnée relative à 2018)
|
2,2
|
4,6
|
3,4
|
2,8
|
Quantité (kg) moyenne d'émissions de
dioxyde de carbone par unité (1 US$) du PIB
|
0,15
|
0,26
|
0,31
|
0,18
|
Pourcentage (%) des zones forestières sur le total du
territoire (donnée de 2016)
|
58,9
|
31,2
|
27,1
|
46,2
|
Pourcentage (%) de diminution des zones forestières
Pourcentage (%) de prélèvements d'eau douce sur
le total des eaux renouvelables (moyenne sur la période 2007-2017)
Taux de mortalité attribué à l'eau
insalubre et aux conditions des services d'assainissement et hygiène
(per 100.000)
Dégradation des ressources naturelles en pourcentage
(%) du PNB (moyenne sur la période 2015-2018)
Taux de population urbaine (%)
Diminution moyenne par an de la valeur de l'IDH suite aux
inégalités, en pourcentage (%) (moyenne sur la période
2010-2019)
9,9
|
3
|
6,4
|
9,6
|
0,8
|
7,7
|
8,5
|
1,5
|
1
|
11,7
|
14
|
1,7
|
2,6
|
1,3
|
2,4
|
2,8
|
86,8
|
55,6
|
50,9
|
80,7
|
0,7
|
n.d.
|
n.d.
|
n.d.
|
26
Source: À partir de Human Development Report,
n.d.
On observe que le Brésil dispose d'une taille
économique robuste reposant sur un
territoire vaste et abondant en ressources naturelles, mais dont
le modèle de
développement n'a pas été capable de combler
les inégalités et apporte très souvent des
problèmes environnementaux.
|
Comme principales lacunes pour la réalisation du
|
développement durable au Brésil, ont
été identifiées par une commission de la
Société Civile («Grupo de Trabalho da Sociedade Civil
para a Agenda 2030 do Desenvolvimento Sustentável») justement
les inégalités régionales (CTPMI, 2019). À ce
propos, il faut tenir en compte que les régions Nord et notamment
Nordest restent les moins développées dans des thèmes
pertinents tels que revenu, santé, éducation et accès
à des services publics, ce qui suggère l'existence de
différents profils de développement durable dans le pays,
régionalement différenciés (CTPMI, 2019).
27
Figure 1 - Carte politique du Brésil: les 27
unités fédérales et les 5 grandes
Régions
Source: IBGE Educa, n.d. (Code couleur: Nord - vert;
Nordeste - jaune)
Par ailleurs, c'est justement dans la région Nordeste
du Brésil, celle ayant l'IDH le plus bas parmi les régions
brésiliennes6 et l'Indice de Gini le plus
élevé7 (IPEA, 2016; Barros, 2020), qui se trouve une
des trois grandes zones semi-arides de l'Amérique du Sud. Jusqu'en 2017,
cette zone comptait une aire de 982.566 km2, correspondant à
18,2% du territoire brésilien et 53% de la région Nordeste
(Baptista et Campos, 2017). Le semi-aride s'étend par 10 États
brésiliens8, comprenant au total 1.262 municipalités
au pays (Ministério da Integração Nacional, 2017). Elle
représente par ailleurs l'aire semi-aride la plus peuplée de la
planète, avec environ 22 millions d'habitants en 2017, et abrite la plus
grande concentration de population rurale au Brésil (Baptista et Campos,
2017). Son bilan hydrique négatif soumet donc une population
considérable à des crises hydriques importantes (Lemos et al.,
2020), lesquelles sont évidemment susceptibles de s'aggraver suite aux
phénomènes liés aux changements climatiques.
6 0,663 lors de la dernière mesure, en 2016 (IPEA,
2016).
7 0,559 en 2020, contre 0,467 dans la région Sud, 0,537
dans la région Nord, 0,527 pour le Sudest et environ 0,506 pour le
Centre-Ouest en 2020. Par ailleurs, le Nordest est la seule région
à avoir vu l'indice d'inégalité monter en 2020 (Barros,
2020).
8 Ces États sont le Maranhão, Ceará, Rio
Grande do Norte, Pernambuco, Paraíba, Sergipe, Bahia, Piaui, Alagoas et
Minas Gerais, dont 9 de la région Nordeste, et un (le Minas Gerais) de
la région Sud-est, de manière qu'environ 89,5% de l'extension du
Semiaride se trouve sur le Nordeste (IBGE, 2018).
28
Figure 2 - le Semi-aride Brésilien
Source: IBGE, 2018.
En ce qui concerne le secteur des ressources hydriques, l'OCDE
(2015 dans IPEA, 2019a) souligne que le Brésil présente encore
des difficultés pour garantir les usages durables de l'eau dans ses
diverses régions. En termes des spécificités de la
gestion, il faut retenir que la nature juridique des eaux dans ce pays est
celle d'un bien public, où l'État devient non pas son
propriétaire, mais son gestionnaire (Aith et Robarth, 2015). Même
si le gouvernement central a encore la prépondérance sur la
réglementation de l'eau au pays, aujourd'hui on observe une
décentralisation fédérative importante pour la
régulation et l'exploitation de cette ressource, notamment vers le
niveau des états (Aith et Robarth, 2015). Aussi, le fondement de son
Système National de Gestion9 sont les bassins
hydrographiques, tout en prévoyant des instances de participation
sociale (Conseil National de Ressources Hydriques - CNRH et Comités de
Bassins versants fédéraux) (Aith et Robarth, 2015). Cependant, le
statut juridique de l'eau au Brésil reste très complexe et
fragmenté, ce qui rend plus difficile la gestion de cette ressource d'un
côté,
9 Le Système National de Gestion des Ressources
Hydriques (SINGREH) correspond à l'ensemble des organismes et des
instances collégiales qui conçoivent et mettent en oeuvre la
Politique Nationale des Ressources Hydriques. Voir sa structure dans l'Annexe
3
29
et la compréhension et mise en conformité avec
les normes de l'autre (Aith et Robarth, 2015). En plus, la culture en termes
d'organisation politique et institutionnelle pour la gestion de l'eau au
Brésil reste encore très sectorielle, ce qui impose des
difficultés d'intégration et de consolidation d'un système
efficace (ALEC, 2008).
Aussi, tandis que les régions Sud, Sud-Est et
Centre-Ouest présentent des indices proches de l'universalisation de
l'approvisionnement d'eau (respectivement 89,7%, 91,3% et 90,1%), les
régions Nord et Nordeste en restent encore assez loin (57,5% et 73,3%,
respectivement) (IBGE, 2018 dans IPEA, 2019a). Un autre défis, c'est que
30% du volume de l'eau disponible au Brésil se trouve dans la
région Nord, où la demande est la moins importante, alors que des
aires des régions Nordeste et Sud ont vécu des stress hydriques
importants (ANA, 2018 dans IPEA, 2019a). Ce cadre a donc le potentiel de
générer des conflits pour l'eau, entre secteurs et usagers du
pays (IPEA, 2019a).
Il faut noter par ailleurs que l'occurrence de
désastres naturels et de phénomènes de sécheresse
au Brésil sont en train d'augmenter, si on observe la série entre
2003 et 2018 (S2ID/Sedec/MDR, 2019 dans IPEA, 2019b). Évidemment, cette
situation touche plus intensément les populations pauvres et
vulnérables, ce qui accentue les défis liés aux
inégalités au pays. Encore une fois, le Nordeste est la
région la plus affectée par les désastres naturels,
notamment ceux liés aux sécheresses (IPEA, 2019b). L'augmentation
de ces phénomènes climatiques extrêmes est associée
aux changements mondiaux du climat (Marengo, n.d. dans IPEA, 2019b).
Enfin, parmis les États brésiliens dans lesquels
se trouve le Semi-aride, le Ceará est celui qui présente le plus
grand pourcentage de municipalités reconnues officiellement par le
Gouvernement Fédéral brésilien comme faisant partie de ce
régime climatique: 175 des 184 municipalités de l'État
(soit 95% d'elles) intègrent le Semi-aride brésilien (Lemos et
al., 2020). Cet état a une population estimée de 9.187.103 en
2020 , étant donc le 8ème état le plus peuplé au
Brésil. Son territoire de 148.894,442 km2, lui donne la
position de 17ème unité fédérative en extension
territoriale (IBGE, n.d.b). Son PIB a été mesuré en
155.904 milliards de Reais en 2020, 12ème plus élevé parmi
les unités fédératives (IBGE, n.d.c.). En ce qui concerne
son IDH, le Ceará montre des fragilités importantes: 17ème
parmi les 27 unités fédératives brésiliennes, avec
un IDH de 0,682 en 2010 (IBGE, n.d.). Il a par contre vécu une
évolution considérable dès les années 1990 et
depuis les années
30
2000 (présentant des valeurs d'IDH de 0,405 et 0,541,
quand il occupait la 20ème et 16ème positions, respectivement,
parmi les 27 unités fédératives) (IBGE, n.d.).
Figure 3 - Carte du Brésil identifiant
l'État du Ceará
Source: IBGE (n.d.b).
Compte tenu de sa position géographique, avec la
plupart de son territoire sur le Semi-aride, le Ceará est historiquement
caractérisé par de graves crises de sécheresse (Lima e
Rocha Magalhães, 2008). Cette situation a marqué les cycles de
développement de l'État10 (Ceará 2050, 2018),
imposant des impacts socio-économiques importants et faisant appel
à des stratégies permanentes de coexistence avec ses
conditionnalités. Les premiers locaux affectés sont justement les
petites communautés rurales, compte tenu d'un manque ou d'une
insuffisance de sources hydriques de capacité pluriannuelle (Cortez et
al., 2017). Cela démontre, encore une fois, une plus grande
fragilité des espaces ruraux, notamment si on considère la
prédominance d'activités agricoles qui, détenant
très souvent un niveau technologique faible, restent exclusivement
dépendantes de la
10 À ce propos, il reste important de
noter que les phénomènes de sécheresses
représentent un élément qui ralentit la croissance
économique du Ceará, comme vérifié par la Sudene et
l'IPECE (Ramos Vianna et al., 2006).
31
pluviométrie (Lemos et al., 2020). En effet, entre 2010
et 2016, le Ceará a vécu ce qui peut être
considéré la période de sécheresse la plus
sévère des derniers 100 ans, laquelle a coïncidé avec
une crise économique, politique et sociale au Brésil, exacerbant
ses effets (Cortez et al., 2017). C'est dans cette perspective que les
investissements en infrastructure de captation et stockage d'eau, ainsi qu'une
préoccupation accrue avec la gestion des usages de l'eau demeurent
centrales et devront dicter le «modus vivendi» dans cet
État (Ramos Vianna et al., 2006).
Le modèle de développement du Ceará est
encore marqué par une distribution très inégale de
l'eau11 et se caractérise par une absence (ou une
introduction très tardive) de politiques intégrées et
permanentes de lutte contre cette situation (ALEC, 2008). En plus, ses
structures foncière et sociétale sont caractérisées
par des relations historiques de domination clientéliste (Lemos et al.,
2020; Buckley, 2010; Burte et al., 2013). C'est dans ce sens qu'on
contextualise le modèle de développement du Ceará dans
celui du Brésil, lequel n'a pas été capable
d'éradiquer l'exclusion sociale, ni d'analyser les complexités de
son Semi-aride de manière systématique et intégrée
(Mendes, 2018). Ces dynamiques et les réponses historiques à ses
complexités seront mieux abordées dans le sous-chapitre suivant,
et seront importantes pour comprendre les mécanismes de gouvernance de
l'eau, selon les référentiels théoriques
sélectionnés pour le présent travail.
2.2. L'évolution des paradigmes d'action publique sur
le Nordeste Semi-aride
Le problème des sécheresses identifié
dans la région du Nordeste Semi-aride n'est pas exactement lié
à un manque de pluie, mais plutôt à son
irrégularité dans le temps et l'espace (Rocha Queiroz e
Falcão Sobrinho, 2019). Dans cette partie, on analysera comment ont
été traitées les complexités du Semi-aride par le
pouvoir publique, afin d'appréhender comment a évolué
l'orientation de l'intervention publique sur cette zone, y inclut la nature de
ses institutions.
11 En 2008, environ 3 millions des plus de 8 millions de
personnes vivant dans cet État n'avaient pas accès à l'eau
potable, et plus de 5 millions n'étaient pas servis par les services
d'assainissement (ALEC, 2008).
32
Tout d'abord, pour mieu comprendre les enjeux de la
région, il faut noter que le Semi-aride reste remarquablement
caractérisé par les formes de son occupation depuis la
colonisation portugaise (1530-1822), lesquelles comprennent (I) l'expansion de
l'élevage en tant qu'activité économique majeure dans la
région et (II) le système de «sesmarias»12
de distribution des terres, dont les résultats sont souvent
associés à la forte et persistante concentration foncière
(Andrade, 1980 dans IICA, 2013). L'élevage extensif exigeait des grandes
dimensions, et est devenu la base productive des grandes
propriétés rurales («latifúndios») et
du pouvoir de leurs propriétaires - appelés «coroneis»
(Correia de Andrade, 1999; Ribeiro, 1995; Ab'Saber, 2003 dans Marinho Alves da
Silva, 2003).
L'agriculture est devenue un autre axe de l'économie du
sertão, même si limitée à des aires
spécifiques - normalement à des altitudes plus
élevées, qui recevaient plus de pluie (Souza et al., 1992 dans
Buckley, 2010). Par contre, l'élevage extensive diminuait la
viabilité de l'agriculture dans une grande partie du Semi-aride car dans
les périodes de sécheresses le bétail était conduit
aux marges des rivières - justement les zones les plus fertiles -
dommageant des parcelles de sol cultivable (Buckley, 2010). Ainsi, la
rareté de l'eau a pendant longtemps rendu difficile une agriculture
commerciale de grande échelle dans des vastes aires de la zone
semi-aride (Buckley, 2010). Aussi, le modèle d'occupation depuis le XVII
siècle, à l'absence d'infrastructures hydrauliques et de routes,
a formé une société assez vulnérable aux
sécheresses (Martins de Sousa et Vidal de Oliveira, 2015).
D'autre part, les grandes propriétés se
fondaient sur le travail forcé, l'esclavage au Brésil
n'étant abolie qu'en 1888. À ce moment, les esclaves
libérés ont passé à des systèmes de
métayage, payant leur «bail» avec leur production et leur main
d'oeuvre. Progressivement, s'est formé une masse de paysans sans terres
dans la région, qui subsistait à partir d'une combinaison de
production à petite échelle pour subsistance, du travail dans les
schémas de métayage, et d'autres configurations dépourvues
de mécanismes contractuels rassurants et de capital personnel. Ces
groupes restaient, ainsi, particulièrement vulnérables aux
fluctuations d'ordre climatique dans la région (Buckley, 2010). Les
grands propriétaires, à leur tour, restaient relativement
protégés de l'impact
12 Le système des sesmarias était un des types
de concession de terres appliqué par les colonisateurs portugais, dans
le but de stimuler la production agricole à partir de l'allocation des
terres non cultivées à des nouveaux propriétaires,
à condition de les améliorer et rendre productives, sous peine
d'avoir le droit d'accès annulé si cette conditionnalité
n'est pas respectée (Pedroza, 2020).
33
économique des sécheresses, compte tenu des
récoltes excédentaires, qui pourraient être
commercialisées à des prix plus élevés lors des
périodes de crise (Buckley, 2010).
Ces paysans ont depuis été maintenus dans une
relation de dépendance vis-à-vis des grands propriétaires,
lesquels étaient en mesure de conditionner leur accès à
des ressources comme la terre et l'eau ou à offrir de la
«protection» à des groupes plus vulnérables (Forman,
1979 dans IICA, 2013) comme l'affirme Ribeiro (1995, p. 348 dans Marinho Alves
da Silva, 2003):
«entre le pouvoir fédéral et la population
en situation de vulnérabilité, s'interpose la condition de
pouvoir des coroneis, lesquels contrôlent tous les aspects de la
vie dans le sertão: non pas seulement les terres et le
bétail, mais aussi les positions de pouvoir et les opportunités
de travail y inclus auprès de l'état» (Ribeiro, 1995, p. 348
dans Marinho Alves da Silva, 2003).
Ce cadre général aurait façonné la
société rurale du sertão jusqu'à ces jours
et démontre que le système politique et la structure sociale en
vigueur dans cette zone sont au moins aussi importants que la composante
climatique pour comprendre l'impact des sécheresses sur les populations
du Semi-aride (Buckley, 2010).
Le cadre de misère qui s'aggrave pendant les
périodes prolongées de sécheresse est donc
interprété en tant qu'une expression des formes historiques
d'occupation des espaces et de l'utilisation des ressources. Aujourd'hui,
environ 1,5 million de familles agricultrices (28,82% de toute l'agriculture
familiale au Brésil) occupe seulement 4,2% des terres cultivables du
Semi-aride, alors que les grandes propriétés détiennent
38% des terres (Asa Brasil, n.d.). Par ailleurs, données de 2010
montraient que 59,1% des brésiliens en situation d'extrême
pauvreté vivaient au Nordeste, et parmi ceux-ci, 52,5% dans les zones
rurales de la région (IBGE, 2010 dans Asa Brasil, n.d.).
Cependant, les sécheresses dans la région n'ont
été traitées comme une question nationale qu'à
partir de la sécheresse de 1877, laquelle a provoqué une
mortalité importante13. À ce moment, les pertes dans
les troupeaux ont touché directement les
13 La Grande Sécheresse de 1877-1879 est
considérée par Martins de Sousa et Vidal de Oliveira (2015),
comme le pire désastre social déjà abattu sur la
société brésilienne.
34
intérêts économiques des grands
propriétaires, lesquels se sont mobilisés pour réclamer
des ressources publiques d'aide contre les sécheresses. Cependant, ces
ressources ont bénéficié d'avantage cette élite et
ses activités économiques, de manière que la
littérature a dénommée ces pratiques «industrie de la
sécheresse» («indústria da seca»)
(Marinho Alves da Silva, 2003). Selon Buckley (2010), attribuer les crises
hydriques en termes strictement climatiques peut être
interprété en tant qu'une stratégie politique pour obtenir
de l'aide fédérale, sans confronter les
déséquilibres sociaux dans la région.
On parle ainsi en termes d'une instrumentalisation politique
de la sécheresse, laquelle a façonné les formes
particulières d'intervention publique dans le Semi-aride. Au
début du XXème siècle, on assiste à la
création du DNOCS14 - Département National de Travaux
Contre les Sécheresses, désormais un élément
central de la stratégie publique pour le Nordeste Semi-aride. Ses
ingénieurs ne mettaient pas en discussion la structure
d'inégalités sociales qui amplifiaient les effets des
sécheresses sur les populations locales. Leur attention était
plutôt dirigée vers le caractère obsolète des
infrastructures hydrologiques, agricoles et de transports, c'est-à-dire,
aux composantes d'ordre technique seules (Buckley, 2010). Sa stratégie
primordiale au XXème siècle était ainsi de retenir l'eau
de la pluie afin de rendre possible son usage tout au long de l'année et
a donc guidé la construction de politiques publiques fortement
orientées vers la construction de grands barrages dans le Semi-aride
(Araújo Santos, 2019; Buckley, 2010). Il s'agit de ce que la
littérature sur le sujet appelle la «solution hydraulique". Bref,
les actions gouvernementales d'intervention dans cette réalité
ont été construites, à l'époque, sur la base des
caractéristiques suivantes: le caractère d'urgence,
fragmenté et discontinu, alimentant l'industrie de la sécheresse
(Marinho Alves da Silva, 2003).
À ce propos, Marcel Bursztyn (1985 dans Araújo
Santos, 2019) souligne que le DNOCS a joué un rôle important dans
la continuité des relations typiques du compromis entre les
élites nordestines et l'État, vu que celui-ci assurait, du point
de vue économique, l'hégémonie des groupes locaux. Cela
car, très souvent, les structures hydrauliques étaient
construites sur les grandes propriétés privées, et peu
parmis elles étaient effectivement liées à des
réseaux d'irrigation qui pourraient intensifier la production agricole
(Buckley, 2010). Parallèlement, la distribution d'eau aux populations
paysannes est demeurée très
14 Crée en 1909 sous la
dénomination de IOCS (Direction de Travaux Contre les
Sécheresses), et ensuite dénominée IFOCS avant de gagner
son acronyme actuel DNOCS (voir chapitre suivant).
35
insatisfaisante, de manière que celles-ci sont
restées assez dépendantes des camions-citernes
(«caminhões-pipas») (Silva 2006 dans Araújo
Santos, 2019). Ainsi, une telle logique d'action publique rendait possible la
pérennité des élevages des grands propriétaires, au
même temps que maintenait un stock de main d'oeuvre disponible et
dépendant des élites locales. En même temps, à
partir de la construction des réseaux de routes secondaires,
l'État soutenait la circulation de la production de marché
(Bursztyn, 1985 dans Araújo Santos, 2019).
Ce processus a ainsi entraîné une concentration
hydrique et un effet politiquement immobilisateur (Araújo Santos, 2019;
Buckley, 2010). L'économiste brésilien Celso Furtado (1961, 1959
dans Buckley, 2010) argumentait dans les années 50 qu'une telle logique
détournait l'attention des agents de développement des
défis plus fondamentaux dans le Nordeste, c'est-à-dire,
l'organisation politique et sociale. Selon Marinho Alves da Silva (2003), cette
logique d'action fait partie d'un modèle de développement
fondé sur le progrès technique et sur la domination de la nature,
affichant la croissance économique et l'accumulation capitaliste en tant
que ses finalités ultimes. Pour cet auteur, ce paradigme d'action
publique conçoit le Semi-aride à partir d'une perspective
utilitariste d'occupation et d'exploitation de ses ressources: la
sécheresse en devient l'entrave, et doit donc être combattue.
Cependant, il reste intéressant de tenir en compte
l'observation faite par Martins de Sousa et Vidal de Oliveira (2015), qu'avant
la création du DNOCS, la construction des barrages se faisait à
partir de connaissances empiriques tout simplement, et à l'absence
d'études préliminaires. Depuis la création de cet
organisme, par contre, ces études ont progressivement été
réalisées de manière systématique, contribuant au
renforcement de la politique et représentant une base pour des
politiques ultérieures (Martins de Sousa et Vidal de Oliveira, 2015).
Campos (2014), à son tour, argumente que la création
d'institutions fédérales - DNOCS inclus - a
représenté un avancement dans la quête de solutions pour la
problématique des sécheresses. Il aperçoit par ailleurs
une séparation entre les concepts de solution hydraulique, et de
«phase hydraulique de la solution», ce dernier faisant
référence à une politique d'ampliation de l'offre d'eau,
comme une étape nécessaire, même si insuffisante, pour
répondre à la problématique des sécheresses. Il
considère que l'action du DNOCS à la première
moitié du XXème siècle peut être
appréhendée comme une phase hydraulique de la solution (Campos,
2014).
36
D'autre part, c'était encore dans la première
moitié du XXème siècle qu'ont progressivement
émergé des regards critiques sur les causes structurelles et les
conséquences de la misère régionale (Marinho Alves da
Silva, 2003). Comme exemples, on peut citer le Groupe de Travail pour le
Développement du Nordeste (GTDN), coordonné par
l'économiste brésilien Celso Furtado, lequel a introduit des
discussions autour des standards démographiques, des fragilités
de la production de subsistance, de la transformation de l'agriculture
régionale et du réaménagement territorial (Marinho Alves
da Silva, 2003 et Silva, 2006 dans Martins de Sousa et Vidal de Oliveira,
2015). Ensuite, le véritable élan n'est venu qu'à la fin
de la dictature militaire au pays, en 1985. On cite ainsi la constitution de la
Fédération du Semi-aride («Articulação do
Semiárido») (ASA)15 par une cinquantaine d'ONGs
à la fin des années 1990.
Celles-ci ont, conjointement avec des groupes d'assistance
technique, des mouvements sociaux, des associations, syndicats et groupes
religieux, réclamé la création et la diffusion de
technologies et de pratiques alternatives pour faire face de manière
décentralisée à l'enjeu des sécheresses
(Araújo Santos, 2019). Leur perspective valorise les saveurs locals et
la centralité des populations en tant qu'acteurs de leurs propres
histoires. C'est ainsi qu'émerge un référentiel fort pour
la redéfinition de l'action publique dirigée aux populations du
Nordeste Semi-aride: l'articulation des organisations existantes et le partage
de connaissances sur les expériences acquises localement ont
formé la base pour des solutions en termes de gestion et de gouvernance
des ressources (Araújo Santos, 2019). Ses délibérations
indiquaient aussi la nécessité de changements profonds de la
politique agraire et agricole de la région, ainsi que des structures de
domination qui sont renforcées lors des sécheresses (Silva et
al., 2011 dans Araújo Santos, 2019).
En 1999, la ASA a publié, lors de la Troisième
Session de la Conférence des Parties des Nations Unies de la Convention
de Lutte contre la Désertification (COP 3), la Déclaration du
Semi-aride, affirmant que c'est possible une coexistence avec les conditions du
Semi-Aride brésilien, en particulier les sécheresses, tout en
présentant une série de propositions fondées sur deux
principes: celui de la conservation, usage durable et recomposition
environnementale des ressources naturelles; et celui de la fin du
15 L'ASA réunit environ 700 organisations
non gouvernementales, mouvements sociaux et des groupes religieux très
actifs dans le Semi-aride (ASA, 2001 dans Marinho Alves da Silva, 2003).
37
monopole de l'accès à la terre, à l'eau
et aux autres moyens de production (Marinho Alves da Silva, 2003). Ce document
est considéré un document de rupture avec la philosophie et les
actions de la lutte contre la sécheresse, dans la mesure où il
indique des mesures structurantes pour le développement durable dans la
région, y inclus la formulation d'un programme pour la construction d'un
million de cisternes à portée des familles du Semi-aride (Asa
Brasil, n.d.b.; Rocha Queiroz et Falcão Sobrinho, 2019).
Dans le cas spécifique du Ceará,
au-délà de ces technologies sociales des citernes en béton
construites par la population, viennent s'ajouter comme stratégie pour
Vivre avec le Semi-aride des projets de lutte contre la pauvreté, de
formation des agriculteurs locaux, d'inclusion des pratiques
agroécologiques, d'éducation environnementale, parmis d'autres
(Martins de Sousa et Vidal de Oliveira, 2015). Par contre, Martins de Sousa et
Vidal de Oliveira (2015) considèrent que quelques-unes de ces actions
sont localisées et palliatives, alors insuffisantes pour produire et
reproduire des nouvelles formes de connaissance.
De manière générale, la perspective de
vivre avec le Semi-aride présuppose un comportement proactif en face des
phénomènes naturels, profitant de manière durable de ses
potentialités pour la satisfaction des besoins humains. Elle exige donc
un processus culturel, d'éducation, d'apprentissage sur l'environnement,
de perception de la complexité du Semi-aride. Il ne s'agit donc pas d'un
processus exogène, protagonisé par des groupes extérieurs
(Marinho Alves da Silva, 2003). Surtout, «vivre avec le Semi-aride»
présuppose l'amélioration de la qualité de vie des
populations locales, ce qui exige une articulation entre les initiatives de
gestion environnementale avec les initiatives sociales, qui vont bien
au-delà des programmes à caractère d'urgence (Marinho
Alves da Silva, 2003). Ces considérations sont bien en phase avec le
constat central de ce travail: celui de la nécessité d'une
gouvernance de l'eau promotrice d'une démocratisation de l'accès
à cette ressource. Il reste ainsi à savoir si la structure
institutionnelle mise en place pour la gouvernance de l'eau dans le
Ceará se compatibilise et, plus que cela, promeut une telle perspective
de vivre avec le Semi-Aride.
Cependant, avant de procéder à l'analyse du
système de gouvernance de l'eau dans le Ceará, il faut signaler
que les paradigmes de lutte contre la sécheresse et de vivre avec le
Semi-aride, même si présentés comme des idées
antagonistes, coexistent dans l'action publique, puisque le pouvoir publique
absorbe et exprime des intérêts antagonistes au sein
38
de la société (Araújo Santos, 2019).
Comme exemple concret au Brésil, on cite l'intensification de la
relation de l'État avec l'ASA lors de l'ascension de Luiz Inácio
Lula da Silva à la présidence de la République en 2003,
établissant un partenariat direct pour la promotion des idées
mises en avant par ce collectif. Cependant, cela n'implique pas une acceptation
totale, de la part du gouvernement Lula, du modèle de politique publique
proposé par l'ASA: la perspective de la solution hydraulique, qui a
orienté les projets développementistes fortement critiqués
par l'ASA, est aussi représentée dans la gestion de ce
président, illustré notamment par le projet de transposition du
fleuve São Francisco. En tout cas, on ne peut pas dire que ces deux
paradigmes ont été appliqués séparément et
dans des moments différents: il y a eu des moments où ses
éléments ont été discutés et/ou
adoptés en parallèle (Martins de Sousa et Vidal de Oliveira,
2015).
Aussi, le fait que la lutte contre la sécheresse soit
considérée représentative d'un modèle de
développement obsolète cache possiblement des nuances, celles-ci
mises en avant par Campos (2014). Cet auteur affirme que la «phase
hydraulique de la solution», comme discuté ci-dessus, a
été la base pour le développement des
sociétés et ont permis l'avancement de la connaissance sur les
pratiques de gestion des stocks d'eau (Campos, 2014). Par ailleurs, Martins de
Sousa et Vidal de Oliveira (2015) rappellent que les actions pour vivre avec le
Semi-aride, même si cruciales pour modifier les situations de
pénuries qui se rétro-alimentent de la structure
sociétale, n'arrivent pour l'instant à résoudre de
manière satisfaisante la problématique, car ils ne comptent pas
suffisamment de incentives et des ressources financières.
Dans ce cadre majeur d'action publique dans le Nordeste
Semi-aride, il reste ainsi à placer et à analyser l'action
publique au niveau de l'État du Ceará. Cet État est
souvent présenté dans la scène brésilienne en tant
qu'expression de la transformation de la structure traditionnelle de pouvoir,
notamment pour ce qui est de la gestion de l'eau (Sousa Monte, 2008). L'analyse
qui se poursuivra aidera ainsi à retrouver l'influence de ces paradigmes
dans les mécanismes qui ont été construits pour la
gouvernance de l'eau, et quels sont les effets observés à ce jour
sur la capacité de participation et de démocratisation des
décisions entourant cette ressource.
39
CHAPITRE III - Quelle gouvernance de l'eau dans le
Ceará?
On procède ici à l'analyse de l'évolution
du système institutionnel et des instruments de gestion de l'eau qui
fondent le modèle actuel de gouvernance de cette ressource. Une fois
connue la structure de ce système, on réalisera l'analyse de la
gouvernance à partir de la grille retenue dans le premier Chapitre.
3.1. Le système de gestion de l'eau dans le
Ceará: institutions et instruments
Le modèle actuel de gestion des ressources en eau du
Ceará est le résultat d'un long processus de lutte contre les
sécheresses et de débat politique. Comme on a vu dans le
sous-chapitre précédent, la politique de l'eau dans la
région du Nordeste Semi-aride - ainsi que dans l'État du
Ceará, plus spécifiquement (ALEC, 2008) - est née de
manière associée à la rareté quantitative des
ressources en eau. La proposition de la solution hydraulique a donc
persisté dans la première moitié du XXème
siècle, et a permis le transfert d'eau de la saison humide à la
saison sèche et des années humides aux années
sèches. En tout état de cause, il convient de noter que les
investissements nécessaires à la mise en oeuvre de la solution
hydraulique ont été alloués de manière
éparse et souvent comme une réponse politique à un
épisode de sécheresse (ALEC, 2008).
On peut attribuer la mise en place du cadre institutionnel du
secteur hydrique au Ceará au gouvernement César Cals, avec la
création, par la loi n° 9.498 du 20 juillet 1971, de la Direction
des travaux de l'État du Ceará (SOEC). Celle-ci avait comme
attribution, entre autres, la construction de barrages et de puits. À
cette même année, la Compagnie des eaux et des égouts du
Ceará (CAGECE) a été créée (Soares Rocha et
al., 2011). En 1972, la Fondation Cearense de
Météorologie et Pluies Artificielles (actuelle FUNCEME) a
été créée dans le but de promouvoir des
études météorologiques spécialisées et
intensives (IPECE, 2014).
À son tour, le cadre technico-juridique de l'actuel
système institutionnel des ressources hydriques en vigueur dans
l'État a vu le jour en 1983. Suite à une période de cinq
ans de déficit pluviométrique au Ceará (1979-1983), le
gouvernement a créé un groupe de travail composé de
représentants de plusieurs institutions travaillant sur les ressources
en eau, afin de formuler une nouvelle politique publique en la matière.
Pour la
40
première fois, ces institutions se sont engagées
à discuter et à identifier ensembles des stratégies
d'action pérennes, tout en tenant compte des bassins hydrographiques
(Plan stratégique des ressources hydriques du Ceará, 2009). De
cette réflexion collective est né le Conseil d'État des
ressources hydriques - CONERH (IPECE, 2014). Il est interprété
que la création du CONERH a été motivée par
l'observation, de la part du gouvernement de l'État, de la
multiplicité d'institutions travaillant sur les ressources en eau, avec
des liens administratifs divers et de manière non coordonnée
(Peixoto, 1990 apud Soares Rocha et al., 2011).
En 1987, lors de l'ascension de Tasso Jereissati (1987-1991)
au Gouvernement, s'est produite la rupture politique qui a permis de renouveler
le discours et l'approche de traitement des effets de la sécheresse
ainsi que des ressources hydriques de l'État, représentant un
changement de paradigme dans la conduite des politiques publiques sur le sujet.
Désormais, l'action Étatique affirme ouvertement sa
priorité de concevoir les politiques publiques pour le secteur au profit
d'une meilleure distribution sociale des résultats économiques
(Ramos Vianna et al., 2006). Cependant, il n'y avait pas encore d'idée
claire en termes du modèle de gestion de l'eau à adopter. Il
visait en tout cas à discipliner et à rationaliser l'utilisation
des ressources en eau, ainsi qu'à équilibrer l'offre et la
demande en eau afin d'assurer leur durabilité (Ramos Vianna et al.,
2006). Deux aspects de ce plan méritent d'être soulignés :
(I) l'intérêt d'élargir l'accès des petits
producteurs aux terres productives et, en même temps, d'augmenter
l'extension de la zone irriguée dans l'État, ce qui aurait
certainement un impact sur la demande en eau ; et (II) la critique
adressée à la politique de l'eau dominante au Ceará
jusqu'alors, très marquée par les interventions d'urgence et
d'assistance, ainsi que par la logique de la solution hydraulique (Ramos Vianna
et al., 2006). Ainsi, son plan gouvernemental souligne l'importance des
solutions intégrées, structurelles et permanentes, une
idée qui viendrait fonder les politiques et institutions de gestion des
ressources en eau.
À partir de 1987, l'État du Ceará a
commencé à mettre en place une structure institutionnelle pour
les ressources en eau, dont les institutions sont encore actives aujourd'hui:
le Secrétariat des ressources en eau du Ceará (SRH),
désormais le noyau organisateur du système de ressources
hydriques, et la Direction des travaux hydrauliques (SOHIDRA16). En
outre, l'ancienne Fondation Cearense pour la météorologie et les
pluies
16 Celle-ci a absorbé les fontions de la SOEC.
41
artificielles - FUNCEME a reçu sa dénomination
actuelle (Fondation Cearense de Météorologie et Ressources
Hydriques) et a été placée sous le SRH (ANA, 2019).
Désormais, la FUNCEME se consacre davantage au thème des
ressources hydriques, en réalisant la tâche de produire des
données sur le stock et le volume des barrages: une attribution
fondamentale en termes de gestion des ressources hydriques (Ramos Vianna et
al., 2006). La création de ces organismes, notamment le SRH, a
amplifié l'espace de participation du personnel technico-scientifique
à l'élaboration et à l'exécution de la politique
des ressources hydriques de l'État (Ramos Vianna et al., 2006).
Au cours de la même période, la promulgation
d'une nouvelle Constitution pour l'État du Ceará, en 1989,
à la suite de la Constitution fédérale brésilienne
de 1988, définit les aspects et objectifs de la gestion des ressources
hydriques de l'État qui guident le système actuel, comme
transcrit ci-dessous :
"Art. 326. (...) §1° La gestion des ressources en eau
doit : I - favoriser l'utilisation multiple des eaux et réduire leurs
effets négatifs ; II - être décentralisée,
participative et intégrée par rapport aux autres ressources
naturelles ; III - adopter le bassin hydrographique comme base et
considérer le cycle hydrologique, dans toutes ses phases" (Constitution
de l'Etat de Ceará, 1989).
Cependant, l'appareil d'État n'avait toujours pas de
vision claire de la nécessité d'une gestion
intégrée de l'eau, celle-ci restant limitée à des
actions visant à augmenter l'approvisionnement. Aussi, le SRH
était alors fortement axé sur une utilisation sectorielle
spécifique : l'irrigation. Ce panorama ne changera qu'avec le Plan de
l'État des Ressources Hydriques - PERH (1991) et la Loi de l'État
sur les Ressources Hydriques (1992) (Soares Rocha et al., 2011). Le PERH est
devenu, à l'époque, l'étude technique la plus importante
déjà consolidée au Ceará, représentant un
instrument incontournable pour la planification sectorielle de l'eau et
constituant la base du modèle actuel de gestion des ressources en eau de
l'État. Le plan susmentionné s'est également
inspiré d'expériences internationales,
42
le modèle français17 ayant une
influence prépondérante sur la formation des principes du
modèle de ressources en eau cearenses.
Le PEHR a donc contribué à la
vérification du déséquilibre spatial en termes de
capacité de stockage d'eau dans l'État, lequel entravait la mise
en oeuvre harmonieuse des entreprises agricoles, industrielles et urbaines.
Cette observation a implicitement suggéré l'idée de
transposition de bassins (Ramos Vianna et al., 2006). Sous l'influence de
l'environnement créé par le PERH, on peut percevoir dans le plan
gouvernemental susmentionné quelques fragments d'une nouvelle politique
des ressources hydriques. Celle-ci comprend désormais la valorisation de
l'eau, à partir de la planification et de la compatibilité du
potentiel et de la disponibilité de l'eau avec les besoins actuels et
futurs, ainsi que l'objectif d'articulation entre tous les niveaux de
l'administration publique. En outre, trois nouveaux aspects émergent du
discours politique, visibles dans ce Plan de gouvernement : (i) l'apparition
d'une (nouvelle) rationalité dans le traitement du problème de
l'eau ; (ii) l'établissement d'une hiérarchie de priorités
au sein de la structure des usagers, dont l'objectif principal devient la
satisfaction des besoins humains ; et (iii) la proposition d'augmenter la
capacité de stockage de l'eau de manière
décentralisée, dans le cadre du concept de bassins
hydrographiques (Ramos Vianna et al., 2006). Ainsi, une politique de gestion
commence à émerger, en plus de la politique préexistante
d'augmentation de l'offre d'eau (Ramos Vianna et al., 2006).
En 1992 entre en vigueur la loi de l'État pour les
ressources hydriques (Loi 11.996/1992), laquelle conçoit l'eau comme une
ressource limitée ayant une valeur économique, et crée la
Politique de l'État de Ressources Hydriques (ANA, 2019). Cette
dernière a institué (i) en tant qu'instruments de gestion des
ressources en eau l'octroi de droits d'utilisation, la redevance et le partage
des coûts des travaux ; (ii) le Plan de l'État des Ressources
Hydriques; (iii) le Système Intégré de Gestion des
Ressources Hydriques (SIGERH) ; et (iv) les collèges de coordination et
de participation - à savoir les Comités des Bassins
Hydrographiques, le CONERH et le Comité de Ressources Hydriques -
COMIRH, ce dernier en tant qu'organisme de conseil technique du CONERH. Puis,
en
17 Le modèle français de gestion de l'eau en France
se fonde sur le bassin hydrographique en tant qu'unité territoriale de
la gestion, sur l'implication d'une multiplicité d'acteurs et
d'échelles politiques et administratives produisant ses propres
règles (l'Europe, la France, les bassins hydrographiques, les
régions, les départements et les communes françaises),
ainsi que sur les agences de l'eau et les comités de bassin (Braga et
Argollo Ferrão, 2015).
43
1993, est créée la Compagnie de gestion des
ressources hydriques (COGERH) (ANA, 2019), qui répond également
au besoin, dans le cadre du SIGERH, d'un organisme spécialisé
dans la gestion indépendante des infrastructures et de l'utilisation de
l'eau (Ramos Vianna et al., 2006).
Parallèlement, l'augmentation de la capacité de
stockage et d'approvisionnement d'eau s'est poursuivie avec la construction de
barrages, de canaux, et d'autres infrastructures. Les études
technico-scientifiques ont également été approfondies,
servant à mettre à jour le PERH (Ramos Vianna et al., 2006). En
tout cas, depuis la loi d'État sur les Ressources Hydriques, le
gouvernement du Ceará a promulgué une série de lois et de
décrets visant à compléter le modèle de gestion,
dont la liste figure à l'Annexe 5. Parmi les principaux décrets
de l'époque, citons ceux qui réglementent la redevance de
l'utilisation de l'eau et la mise en oeuvre des Comités des Bassins
(Ramos Vianna et al., 2006).
Par ailleurs, l'État a établi un partenariat
avec la Banque Mondiale pour la question de l'eau dès 1994, ce qui a
contribué à façonner le système de gestion des
ressources hydriques dans l'État (Sousa Monte, 2008). Cet engagement de
la Banque Mondiale a introduit le contrôle des instruments de gestion, la
réforme institutionnelle, la modernisation des procédures
administratives, et a exigé une amélioration de la
capacité technique des ressources humaines dans le système de
gestion de l'eau (Sousa Monte, 2008). Selon Sousa Monte (2008), tout cela est
lié à une idée de «Ceará moderne» et de
«modernité hydrique».
Un autre développement institutionnel important a
été la séparation définitive de la fonction
d'irrigation par rapport au SRH. À cette fin, le 31 décembre
1998, le gouvernement a créé le Secrétariat de
l'agriculture irriguée (SEAGRI, lequel deviendrait plus tard l'actuel
Secrétariat du développement agraire - SDA) (Ramos Vianna et al.,
2006). Cette évolution institutionnelle est pertinente dans le sens
où elle met fin au biais vers l'irrigation au sein du SRH, adaptant le
système au paradigme de gestion selon lequel l'organisme qui gère
l'eau ne peut pas, en même temps, faire usage de cette ressource (Ramos
Vianna et al., 2006).
En résumé, on peut comprendre l'évolution
juridique-institutionnelle de la gestion de l'eau dans le Ceará selon le
schéma suivant:
44
Figure 4 - Schéma de l'évolution
juridique-institutionnelle de la gestion de l'eau dans le
Ceará
Source: À partir de Aith et Rothbarth, 2015; ALEC,
2008; Buckley, 2010; Campos, 2014; Lemos et al., 2020; Soares Rocha et al.,
2011; Nys et al., 2016.
45
Enfin, la structure organisationnelle du SIGERH a alors
été définie en trois systèmes : le système
de gestion (organismes responsables de la planification, de l'administration et
de la réglementation) ; le système d'exécution (organismes
responsables de l'approvisionnement, de l'utilisation et de la conservation) et
les systèmes connexes (organismes responsables de la planification et de
la coordination générale, des incitations fiscales et
économiques, de la science et de la technologie, de la défense
civile et de l'environnement). Il y a aussi les organes représentatifs
des usagers de l'eau et de la société civile organisée,
puisqu'au cours de cette période ont été mis en
fonctionnement le CONERH, les 12 comités de bassins hydrographiques et
68 commissions d'usagers et de gestionnaires de barrages, organes
collégiaux qui, dans leur ensemble, sont chargés de la gestion
participative des ressources hydriques (ANA, 2019). Ainsi, sous une forme
simplifiée, la structure est la suivante :
Figure 5 - La structure du
SIGERH-Ceará
Source: À partir de Ceará, 2009
Passons maintenant à l'explication des principales
institutions représentées dans l'organigramme.
46
- Le CONERH, directement subordonnée au gouverneur, est
un organisme de coordination, de délibération collective et
à caractère normatif, dont l'objectif est de (I) promouvoir
l'articulation institutionnelle et communautaire ; (II) négocier et
clarifier les politiques d'utilisation, d'approvisionnement et de
préservation des ressources en eau ;
(III) promouvoir l'articulation entre les organismes
Étatiques, fédéraux et municipaux ; et
(IV) délibérer sur les questions liées
aux ressources en eau (IPECE, 2014). Outre les institutions Étatiques,
il réunit également des institutions fédérales,
telles que le DNOCS.
- Le SRH, en tant qu'organisme de gestion du SIGERH, est
chargé de (I) promouvoir l'utilisation rationnelle et
intégrée des ressources en eau de l'État ; (II)
coordonner, gérer et rendre opérationnels les études, la
recherche, les programmes, les projets, les travaux, les produits et les
services liés aux ressources en eau ; et (III) promouvoir la
coordination des agences et entités de l'État travaillant dans le
secteur de l'eau avec les agences et entités fédérales et
municipales (SRH, n.d.).
- La FUNCEME, qui est liée au SRH depuis 1987 (avec une
interruption entre 1993 et 1997, lorsqu'elle était liée à
ce qui était alors le Secrétariat d'État à la
science et à la technologie), est une institution de R&D en
météorologie, ressources en eau et environnement qui s'est
consacrée à des études sur les modifications artificielles
du temps, afin de trouver des solutions aux graves sécheresses qui
frappent le Ceará - ce qui permet également de contribuer
à la recherche de solutions dans d'autres États de la
région Nordeste (FUNCEME, n.d.). En 1988, la FUNCEME a absorbé
une partie des activités de la Direction pour le développement du
Ceará (SUDEC), aujourd'hui disparue (Soares Rocha et al., 2011).
- La SOHIDRA est une autarcie également liée au
SRH, chargée (I) de la collecte et de l'organisation d'informations
concernant le bilan hydrique ; (II) de l'exécution d'études et
projets qui visent à l'utilisation des eaux souterraines et de surface;
(III) de l'exécution de travaux et de services d'ingénierie
hydraulique ; (IV) de la gestion des systèmes et de l'utilisation
socio-économique des zones d'influence des bassins hydrauliques publics
; et (V) de la réalisation d'études, de projets et de la mise en
oeuvre des systèmes d'irrigation de l'État. Elle a gagné
de l'importance, notamment entre 1995 et 2006, en tant qu'agence
d'exécution des travaux hydrauliques (SOHIDRA, n.d.). Suite à la
construction de barrages, de conduites d'eau et de systèmes d'irrigation
par la
47
SOHIDRA, ces ouvrages sont transférés à
la COGERH, à la CAGECE ou au SDA pour être gérés.
- La COGERH, organisme d'Administration Publique Indirecte
lié au SRH, a pour fonction de gérer l'approvisionnement des
ressources en eau du domaine de l'État, afin de mettre en
équation les questions relatives à leur utilisation et à
leur contrôle. Cette fonction implique (I) le suivi et la redevance de
l'utilisation des ressources en eau ; (II) la formation et le conseil aux
comités de bassin hydrographique ; (III) l'exploitation et l'entretien
des réservoirs publics ; (IV) la réalisation d'études
liées à la gestion des ressources en eau ; (V)
l'opérationnalisation de la gestion participative des ressources en eau
à travers la définition participative de l'exploitation des
réservoirs publics. Il est important de noter que le jalon du processus
d'opérationnalisation d'une gestion participative au Ceará
pourrait être défini à partir de la création de la
COGERH. Cela car c'était cet organisme qui a commencé le travail
de mobilisation et de soutien de l'organisation des usagers de l'eau, afin
qu'ils puissent participer à la gestion de cette ressource (Soares Rocha
et al., 2011). Enfin, il convient de noter que la loi fédérale
sur les ressources en eau a créé les agences d'eau, une
entité qui n'était pas prévue dans la législation
sur les ressources en eau du Ceará, de sorte que la COGERH a
occupé ce vide et assumé les fonctions que la législation
nationale prévoit pour ces agences (Soares Rocha et al., 2011).
- Les Comités de Bassin Hydrographique sont
définis par la loi de l'État n° 14.844 comme "entités
régionales de gestion des ressources en eau avec des fonctions
consultatives et délibératives, agissant dans les bassins,
sous-bassins ou régions hydrographiques", liés au Conseil
d'État des Ressources en Eau - CONERH. Ils sont considérés
comme l'instance la plus importante de participation et d'intégration de
la planification et des actions dans le domaine des ressources hydriques (SRH,
n.d.b). C'est dans le cadre des comités de bassin que sont
définies, de manière participative et démocratique, la
quantité et la période pendant laquelle l'eau sera mise à
disposition pour ses différents usages, à travers le processus
d'allocation négociée de l'eau (Cortez et al., 2017). Afin de
mettre en pratique le processus de gestion participative des bassins versants
(Soares Rocha et al., 2011), sa composition présente la distribution et
le pourcentage de participation suivants : usagers (30%) ;
société civile (30%) ; pouvoir public municipal (20%) ; pouvoir
public Étatique/fédéral (20%) (SRH, n.d.b). Tous les
membres ont le droit de vote et peuvent se présenter aux postes du
conseil
48
d'administration (président, vice-président et
secrétaire général, avec des mandats de deux ans) (SRH,
n.d.b).
Le processus de constitution des Comités de Bassins
Hydrographiques (CBH) a été mené depuis 1993 par la
COGERH, à travers une équipe d'organisation d'usagers, comprenant
la formation de conseils de gestion des systèmes hydriques, et la
constitution de règles d'utilisation et de préservation d'une
source déterminée (Gouvernement de l'Etat de Ceará, 2006).
Ainsi, l'organisation de comités dans l'État, bien que
prévue dans la loi d'État sur les ressources hydriques de 1992,
n'a effectivement commencé qu'en 1994, avec l'entrée du personnel
technique de la COGERH (Governo do Estado, 2006). Au Ceará, les
ressources collectées ne sont pas gérées par les
comités et ceux-ci ne participent pas à la planification de leur
utilisation, ce qui diffère de ce que prévoit la loi
fédérale 9433/97 (Mendonça Morais et al., 2018).
- Les Directions des Bassins ont l'objectif de réaliser
les actions de gestion et d'appui à l'organisation des usagers d'eau
dans les bassins de manière décentralisée, tel que
préconisé par la COGERH. Ainsi, à partir de 1997, a
été mise en place la première Direction de Bassin, celle
des bassins du Baixo et Médio Jaguaribe. Aujourd'hui existent 8
Directions de Bassins dans l'État, lesquelles réalisent d'actions
importantes pour le maintien et le suivi des systèmes hydriques
gérés par la COGERH (Ceará, 2018).
- Les commissions de gestion des systèmes hydriques
sont des organismes de bassin liés aux comités de bassin
hydrographique. Elles sont composées d'usagers de l'eau, de
représentants de la société civile organisée et de
représentants des pouvoirs publics, avec une plénière et
un secrétariat dans sa structure, et agissent uniquement dans le cadre
du système d'eau qui fonctionne de manière isolée (COGERH,
2015).
- La SEMACE - Direction de l'État pour l'environnement,
ne fait pas partie du SIGERH directement, mais reste pertinente dans les
discussions pour la gestion des ressources en eau (Soares Rocha et al., 2011).
Liée à la SEMA (Secrétariat de l'environnement) (SEMACE,
n.d.), c'est l'organisme chargé de garantir la qualité et la
protection des ressources en eau (Soares Rocha et al, 2011).
- Finalement, le COMIRH est le Comité d'État des
ressources hydriques, un organisme collégié consultatif,
composé de techniciens des institutions Étatiques de
49
ressources hydriques, et ayant pour objectif d'analyser les
questions liées au thème d'un point de vue technique (Soares
Rocha et al, 2011).
Enfin, la loi de l'État n° 14.844, du 28
décembre 2010, a établi les instruments de gestion suivants :
octroi du droit d'utilisation des ressources hydriques et exécution de
travaux et/ou de services hydriques ; redevance de l'utilisation des ressources
hydriques ; plans de ressources hydriques ; Fonds de l'État pour les
Ressources Hydriques ; classification des masses d'eau en classes d'utilisation
prépondérantes ; surveillance des ressources hydriques. Il
convient toutefois de noter que cette dernière n'est pas présente
dans la politique nationale sur les ressources hydriques (Ramos Vianna et al.,
2006). Parmi ceux-ci, méritent quelques observations succinctes les
instruments d'octroi et de redevance.
L'octroi est conditionné aux priorités
d'utilisation établies dans les plans de ressources en eau et doit
respecter la classification de la masse d'eau, étant accordé par
le SRH, en accord avec l'avis de la COGERH (Ramos Vianna et al., 2006). Les
permis d'utilisation de l'eau ne seront pas accordés dans les cas
suivants : i) rejet de déchets solides, de déchets radioactifs,
de métaux lourds et d'autres déchets toxiques dangereux dans
l'eau ; et ii) rejet de polluants dans les eaux souterraines (Aragão
Martins de Araújo, 2012). Il convient de noter que, lors d'un entretien
avec un agent du SRH le 19 mai 2021, il a été rapporté que
quelque 2 000 à 3 000 demandes d'octroi sont reçues par an, dont
"la grande majorité" est acceptée, étant, "dans les rites
sommaires, presque une simple formalité".
Au Ceará, la redevance de l'utilisation de l'eau,
cruciale pour le fonctionnement autonome des comités de bassin, a
été instituée par la loi 11.996/92 et
réglementée par le décret 24.264/96, la COGERH
étant l'agence responsable de sa mise en oeuvre, notamment en ce qui
concerne l'établissement des prix. Ramos Vianna et al. (2006) ont
soutenu que le critère de définition de la valeur est assez
subjectif, ou des fois presque symbolique, et qu'il ne touche pas encore tous
les segments d'utilisateurs - notamment les agriculteurs.
Enfin, au-delà des instruments prévus par la
loi, dans la pratique il existe un septième, qui n'est pas formellement
institutionnalisé, mais qui reste central pour la définition de
la façon dont les ressources sont distribuées: il s'agit de
l'allocation négociée
50
de l'eau, un mécanisme très spécifique de
la réalité cearense. Lors de la mobilisation des usagers
par la COGERH, tel que décrit ci-dessus, la situation critique des
barrages d'Orós et de Banabuiú demandait un plan d'urgence pour
la répartition de l'eau (Álvares da Silva et al., n.d.).
C'était à cette occasion qu'a été mise en place un
processus participatif de délibération, aujourd'hui connu sous le
nom d'allocation négociée de l'eau. Celui-ci peut être
compris comme l'ensemble des processus et instruments de
délibération autour du partage des ressources en eau, envisageant
les meilleures scénarios en termes de développement
économique, de protection de l'environnement et d'utilisation
rationnelle de la ressource. Les conseils d'usagers et les comités de
bassin hydrographique, sous la supervision des organes de gestion, discutent,
négocient et définissent les volumes d'eau qu'il est prévu
de consommer tout au long de l'année et les risques qu'ils sont
prêts à prendre (Lopes et Freitas, 2007 apud Spolidorio, 2017).
L'allocation négociée de l'eau est promue
annuellement, toujours après la saison des pluies au Ceará, car
ce n'est qu'après cette période qu'il est possible de
définir la disponibilité en eau de chaque barrage, en fonction de
la recharge en eau reçue (Álvares da Silva et al., n.d.). Des
séminaires sont organisés au cours desquels la situation actuelle
(offre relevée par la COGERH) et les projections sont
présentées, la demande est évaluée, le débit
à libérer est défini, et un comité d'usagers de
l'eau est formé pour suivre l'opération. Cependant, Aragão
Martins de Araújo (2012), souligne que les informations climatiques ne
sont pas prises en compte comme une limitation dans les projections de
scénarios, base des discussions pour le processus d'allocation
négociée de l'eau.
Les délibérations ont lieu dans le cadre de
réunions impliquant les différentes parties prenantes (usagers,
membres des comités de bassin, chambres techniques,
société civile, etc.), où sont prises les décisions
concernant l'allocation de l'eau dans l'État. Ces
délibérations sont consignées dans des
procès-verbaux signés par les participants, constituant un
document de référence officiel pour l'exploitation des barrages
(Álvares da Silva et al., n.d.). Enfin, ces décisions sont
suivies par la COGERH et par les membres des comités de bassin, de sorte
qu'en cas de débit insuffisant pour répondre à la demande,
ces entités communiquent et établissent un accord avec un nouveau
débit d'approvisionnement.
La COGERH procède également à une
évaluation préliminaire de la procédure afin de
vérifier si ce qui est fait permet de résoudre efficacement le
problème identifié, et
51
d'apporter les ajustements nécessaires (Aragão
Martins de Araújo, 2012). Les informations obtenues
révèlent que dans les 10 bassins versants qui utilisent les
comités de bassin pour la prise de décision sur l'allocation, il
existe des procédures standard qui sont suivies ainsi que des
procédures uniques, inhérentes à chaque bassin
(Aragão Martins de Araújo, 2012).
Dans l'État du Ceará, ce processus d'allocation
négociée est réalisé à la fois pour les
barrages isolés (généralement des barrages de taille
moyenne qui imprègnent une vallée spécifique de
manière isolée, avec une portée localisée) et pour
les systèmes stratégiques (grandes vallées
imprégnées par un groupe de barrages).
3.2. Analyse du degré de participation dans la
gouvernance de l'eau dans le Ceará: un diagnostic
À partir de cette exposition des lignes majeures du
système de gestion de l'eau dans le Ceará, on reprend la grille
d'attributs formulée au sous-chapitre 1.2., afin d'appréhender
les formes de participation dans la gouvernance de l'eau dans l'État du
Ceará.
Attribut 1: Participative
La Loi des Ressources Hydriques de l'État (11.996/1992)
a institué les collèges de coordination et de participation au
sein du SIGERH, à savoir le COMIRH, le CONERH et les Comités de
Bassin Hydrographiques, lesquels comprennent la participation des organismes de
l'État (SRH, notamment), des municipes et du gouvernement
fédéral, ainsi que des utilisateurs, publiques et privés,
des universités et institutions de recherche et de la
société civile de manière générale (Loi
11.996, 1992).
Le COMIRH est présidé par un agent du SRH, ayant
comme participants des représentants de fondations de planification, de
technologie et de recherche de l'État du Ceará, ainsi que de la
Compagnie Énergétique, des Entreprises de Recherche, d'Extension
Rurale et de Développement Agricole, de la Compagnie d'eau et
assainissement (CAGECE), des Directions d'Environnement et de
développement urbain de l'État, de la
52
FUNCEME et de la SOHIDRA. Dans la plupart, ce sont ainsi des
organismes de l'État ou des entreprises de capital mixtes avec une forte
participation de l'État.
Le CONERH, dont le Secrétariat Exécutif est
dirigé par le Directeur du Département de Gestion du SRH,
rassemble encore d'autres secrétariats de l'État
(d'Infrastructure, de S&T, de Planification, de l'Éducation, du
Développement Agricole, de l'Agrobusiness et de l'industrie, et de
l'environnement), un seul représentant pour tous les (douze)
Comités de Bassin Hydrographique, le DNOCS, le syndicat des travailleurs
du secteur de l'eau, une organisation civile de ressources hydriques, deux
représentants d'institutions d'éducation supérieure et
recherche, quatre représentants des usagers (dont les secteurs de
l'agrobusiness et de l'industrie) (SRH, n.d.)
En ce qui concerne la seule représentation pour les
douze Comités de Bassins, un membre du Comité de Bassin de
l'Acaraú, interviewé le 02 juin 2021, rappelle que cette
représentation n'a été approuvée que très
récemment. Elle interprète ainsi le CONERH comme une instance
marquée par un contrôle très fort de la part de
l'État, et pose des questionnements sur la véritable place des
Comités de Bassins - considérés officiellement la base du
système de gestion de l'eau - dans la gouvernance effective de cette
ressource. Ce questionnement est central lorsqu'on discute la nature de la
participation dans la gouvernance de l'eau dans le Ceará, vu que c'est
dans le cadre des Comités de Bassins que sont définies la
quantité et la période pendant laquelle l'eau sera mise à
disposition pour ses différents usages, à travers du processus
d'allocation négociée de l'eau (Cortez et al., 2017). Dans ces
structures, les usagers et la société civile ont plus de
représentants que le pouvoir public (60% contre 40%, respectivement)
(Cortez et al., 2017). Ces comités sont ainsi considérés
comme l'instance de délibération participative et
démocratique par excellence du système. Un autre agent
interviewé, rattaché au SRH, associe directement
l'approfondissement de l'idée d'une gestion plus démocratique et
participative au processus de constitution des CBHs.
Encore à ce propos, le processus d'allocation
négociée de l'eau mérite un regard attentif de par son
caractère très spécifique au modèle
cearense, et l'importance que ce mécanisme a gagné,
même s'il n'est pas officiellement prévu. La littérature
montre une évolution positive de l'allocation négociée de
l'eau, illustrée par la réduction du flux de libération
d'eau d'un des barrages entre 1994 et 2000, même si les zones
irriguées et les zones urbaines ont augmenté leur consommation
dans la période (Álvares da Silva et al.,
53
n.d.). Depuis, le nombre de réservoirs
gérés par le modèle participatif a augmenté
progressivement au début des années 2000 : en 2002, le total
était d'environ 64 réservoirs, contre 96 en 2005, permettant la
pérennisation de 2.247 km (Álvares da Silva et al., n.d.). On
peut envisager ici une indication de partage d'objectifs et de construction
d'une approche plus coopérative entre les différents acteurs.
En ce qui concerne les réunions au sein des
Comités de bassins, les agents de la COGERH interviewés le 10
juin 2021 ont rapporté que ces rencontres sont ouvertes au public en
général, lequel ne peut pas délibérer directement,
mais peut assister aux discussions. À propos de la sensibilisation du
public par rapport à l'importance de ces processus, les
interviewés ont affirmé que les réunions sont largement
diffusées au public - par voie d'émissions à la radio, par
exemple. Cependant, le membre interviewée du Comité de Bassin de
l'Acaraú a affirmé qu'il n'y a pas un fort degré de
sensibilisation du public par rapport à l'intérêt de ces
réunions. Cette divergence indique, au moins, que les éventuels
instruments de sensibilisation du public sont insuffisants.
D'autre part, c'est remarquable le fait que, à
l'absence des Agences d'Eau, ce soit la COGERH l'organisme responsable de fixer
et de recevoir les valeurs relatives à la redevance pour l'usage de
l'eau dans tous les bassins hydrographiques. Comme on a vu, les Comités
de bassins ne participent pas à la planification de l'utilisation des
ressources financières provenantes de la redevance, ce qui crée
une situation de dépendance des comités vis-à-vis de la
COGERH, pour rappel, un organisme d'Administration Publique indirecte,
majoritairement contrôlé par l'État. On considère
ici que cette situation peut limiter la capacité de
délibération et de prise de décision autonome de la part
des Comités, par rapport au contrôle de l'État. Par
ailleurs, c'était justement la COGERH la responsable de la formation des
comités et de la mobilisation et organisation des usagers de l'eau,
composant le processus d'allocation négociée de l'eau.
Finalement, en ce qui concerne l'accès de l'agriculture
familiale et des familles des zones rurales du Ceará Semi-aride à
l'eau, le membre du MST (Mouvement des Sans-Terres) interviewé affirme
que leurs demandes ont de l'espace plutôt au sein du Secrétariat
du Développement Agricole - SDA, organisme de l'État membre du
CONERH. En ce qui concerne leur capacité de participer aux
décisions, il a affirmé qu'ils arrivent à participer
davantage dans des échelles municipales et communautaires,
l'accès aux sphères plus «macro» (comme au niveau de
l'État) restant encore très limité. Ainsi,
54
on peut penser que leur représentation au sein du
CONERH, instance principale de délibération collective pour la
gestion de l'eau, se fait de manière prioritairement tutellée,
notamment par le SDA. Le membre de la FETRAECE, à son tour, a
affirmé qu'il y a une présence forte des syndicats des
travailleurs ruraux dans plusieurs instances, mais qu'ils ne sont pas toujours
entendus. Pour rappel, les familles et petits agriculteurs de la zone rurale du
Ceará représentent une population considérable de sa zone
semi-aride, comme montré dans le sous-chapitre 2.1. Par ailleurs, une
préoccupation commune par rapport à l'accès des familles
rurales à l'eau provenante des grands projets hydrauliques plus
récents peut dénoter une manque de participation de ces groupes
dans les processus de décision entourant ces structures. Ce manque de
confiance peut aussi être relié à l'attribut suivant, celui
de la transparence des processus.
Attribut 2: Transparente
Au-delà de la loi et des instruments de planification
tels que le PNRH, lesquels définissent les paramètres de la
gestion de l'eau, les règles d'utilisation et de préservation des
sources d'eau sont formulées dans un contexte de mobilisation des
usagers, ce qui tend à indiquer des procédures avec un
degré de transparence pour les parties prenantes. Par ailleurs, les
décisions prises lors de l'allocation négociée de l'eau
sont consignées dans un document de référence officiel, ce
qui constitue un registre formel des décisions et des orientations des
participants.
Cependant, quelques thèmes spécifiques de la
gestion de l'eau sont passibles d'être moins diffusés au public en
général. Un possible exemple c'est le processus de
décision concernant la distribution de l'eau des grandes transpositions,
comme cité ci-dessus. D'autres possibles points de faiblesses par
rapport au degré de transparence des processus et mécanismes de
la gouvernance ont été indiqués lors de l'entretien avec
le membre du Comité de Bassin de l'Acaraú. Le premier est le fait
que les comités de bassins n'ont pas un accès direct à
l'information concernant le nombre de permis d'usage octroyés dans leurs
respectifs bassins, un élément important dans la
compréhension des possibles évolutions en termes de
disponibilité de l'eau. Cette information est centralisée par la
COGERH, et les comités doivent la solliciter. Selon la personne
interviewée, cette procédure a déjà fait l'objet de
questionnement de la part des comités de bassins au niveau du CONERH,
mais la situation n'a jamais changé.
55
Le deuxième est le fait que les usagers ne sont pas
suffisamment sensibilisés par rapport au rôle de la redevance, de
manière que quelques secteurs (notamment l'agriculture) sont encore
très résistants à l'accepter et à soutenir
effectivement cet aspect du modèle cearense de gestion. Cela
peut affaiblir le potentiel d'amélioration de la gouvernance à
partir de la participation, décrit par Makkaoui et Dubois (2010) au
sous-chapitre 1.1., selon lesquels la participation améliore la
qualité de la base informationnelle, favorise l'appropriation et
l'acceptation des décisions, valorise le compromis et les engagements
volontaires, limitant les risques de comportements opportunistes et promouvant
la coopération (Makkaoui et Dubois, 2010).
Attribut 3: Multi-niveaux
Comme identifié à partir de la recherche
documentaire - et aussi des entretiens -, les décisions prises lors de
l'allocation négociée de l'eau sont suivies par la COGERH, de
manière que si des changements de conjoncture ou un débit
insuffisant sont identifiés, le processus est repris pour
l'établissement d'un nouvel accord qui puisse être effectif.
D'autre part, la COGERH réalise une évaluation
préliminaire de la décision des CBHs, afin de vérifier si
ce qui a été retenu est en phase avec une possible
résolution efficace du problème identifié. Cela peut
être interprété comme un mécanisme favorisant que la
décision soit effective, mais aussi comme un mécanisme de
contrôle et de forte présence de la part de l'État,
représenté par l'action de la COGERH, c'est-à-dire, une
forte présence d'une approche «top-down», tel que
décrit par l'OCDE (2015).
Dans ce même sens, selon ce qui a été
rapporté par le membre du Comité de l'Acaraú
interviewé, les résolutions des CBH sont soumises au CONERH pour
validation, ce qui dénote aussi une prépondérance de la
sphère de l'État sur le niveau des bassins pour la prise de
décision. Cela surtout dans la mesure où le CONERH s'est
déjà positionné contrairement à des
décisions des CBHs, comme décrit à l'occasion de
l'entretien: lorsque des comités ont présenté des
décisions d'allocation de l'eau qui mettaient en tension
l'approvisionnement de la région métropolitaine de la capitale de
l'État, Fortaleza, le CONERH a déterminé une
décision en contraire, favorisant cette dernière. À partir
de ce même entretien, a été appris que, à d'autres
occasions, les CBH qui ont été sollicités à
renforcer l'approvisionnement de la région métropolitaine de
Fortaleza ont conditionné cette libération à des actions
de sensibilisation de la population
56
de la capitale sur un usage rationnel de l'eau, et sur sa
provenance des bassins de la zone semi-aride. Cependant, rien n'a
été fait dans ce sens.
Cela démontre que la décision, même si
prise dans un processus considéré démocratique et
participatif au niveau des bassins (l'allocation négociée de
l'eau), peut impacter négativement les intérêts d'autres
parties prenantes dans l'État. Une prise de décision
multi-niveaux peut servir à coordonner ces intérêts, mais
elle peut aussi s'avérer autoritaire à un certain niveau. Dans
les cas décrit, on peut encore identifier une potentielle
prépondérance de l'approche top-down.
À propos des conflits d'intérêt entre la
région métropolitaine de Fortaleza par rapport à d'autres
bassins, il reste intéressant de noter l'importance croissante du Port
du Pecém pour l'écoulement de la production du secteur de
l'agrobusiness et de l'élevage. Ce port se localise justement à
la région métropolitaine mentionnée, et représente
un élément important de la demande d'eau dans cette zone. Les
interviewés du MST ont affirmé une opposition frontale à
ce que l'eau des nouvelles structures hydriques de l'État soit
destinée au Port du Pecém, au détriment des petits
agriculteurs et des familles plus vulnérables de la zone rurale.
Cependant, la valeur de la redevance provenant du Port de Pecém est
incontournable pour le système des Comités de Bassins entretenu
par la COGERH, selon rapporté par l'agent de cette compagnie
interviewé. Ainsi, on peut penser que le système de redevance
actuel a tendance à renforcer le rôle de la COGERH sur les
Comités de Bassins, ce qu'on interprète ici comme un
élément qui rétro-alimente le manque d'autonomie de ces
derniers et, possiblement, la prépondérance des
intérêts d'un territoire spécifique - le Port du
Pecém/Région Métropolitaine de Fortaleza - sur les besoins
de la zone Semi-aride.
Selon Sousa Monte (2008), cette dynamique illustrée par
la centralité du Port du Pecém renvoie à la
création d'une structure institutionnelle orientée vers la
matérialisation de la modernisation hydrique, celle-ci fondée
dans une certaine mesure sur l'engagement de l'État du Ceará avec
la Banque Mondiale. Cela impose des configurations et de caractères
spécifiques et dessine une nouvelle configuration territoriale dans
l'État du Ceará, transformant son espace géographique dans
l'espace de la rationalité technique au service d'intérêts
privés. Son interprétation est que la sécheresse est
encore instrumentalisée, non plus par l'industrie de la
sécheresse, mais comme justification pour l'accumulation d'eau pour
bénéficier l'industrie, (y inclues
57
agro-industries) en tant que réponse pour le
développement (Sousa Monte, 2008). Elle affirme que le processus de
modernisation a ainsi été créé de façon
incomplète ou accaparé par des intérêts
spécifiques (Sousa Monte, 2008). Cette observation apporte des
éléments intéressants pour analyser plus en détail
d'éventuelles tendances dans les décisions prises par le CONERH -
représentation d'un niveau plus «macro», en contraposition aux
niveaux plus locaux de décision.
Attribut 4: Intégrée
Le CONERH est justement l'instance de
délibération collective et ainsi de coordination et articulation
entre les différents espaces de communication et de négociation
pour la gestion de l'eau. Par ailleurs, le processus d'allocation
négociée de l'eau, très caractéristique de
l'État du Ceará, représente un important mécanisme
rassemblant les différentes parties prenantes, y incluant les usagers,
les membres des comités de bassin, les chambres techniques et la
société civile de manière générale.
Il est intéressant de noter que leurs
délibérations sont basées sur les études techniques
fournies par la COGERH. Cet organisme peut d'ailleurs être
considéré comme un élément intégrateur du
système, vu qu'il (I) entretien le système des comités des
bassins, distribuant les ressources financières provenantes de la
redevance et organisant leurs réunions, y inclues celles du forum des
présidents des bassins; (II) fournit des informations techniques de base
pour la prise de décision et réalise un diagnostic des bassins;
(III) mobilise les ressources et connaissances nécessaires pour la
construction des plans des bassins; (IV) appuie la constitution des chambres
techniques rassemblant des représentants d'un secteur spécifique,
afin de coordonner leur action face au CONERH - comme c'est l'exemple de la
chambre technique pour le secteur agricole (cité lors de l'entretien
avec représentant de la SEDET, exposé dans l'Annexe 2). Ainsi,
elle fournit un travail de base afin de viabiliser le fonctionnement et
l'articulation des pièces du système. Il s'agit,
évidemment, d'un agent d'articulation très représentatif
de l'État, car partie de l'administration publique indirecte.
Enfin, au-delà d'une intégration des niveaux
verticaux de la gouvernance, on peut penser à une intégration
horizontale, entre différents secteurs qui font l'usage de l'eau par
exemple. À ce propos, on note, d'après les entretiens avec
membres de la SEDET, de la SDA et de la FETRAECE, une tendance de
sectorisation, déjà entre les segments de
58
l'agrobusiness et de l'agriculture familiale, sachant que le
secteur de l'agriculture est un de ceux qui exercent le plus de pression sur le
SIGERH. À ce propos, on peut reprendre l'observation de l'ALEC (2008),
de la culture politique et institutionnelle fragmentée et sectorielle au
Brésil de manière générale, d'où
l'importance d'un système qui promeut un dialogue effectif entre les
différentes parties.
Avec ces éléments, on procède à
quelques conclusions générales. Tout d'abord, on remarque qu'en
2006 le propre gouvernement de l'État du Ceará (2006) avait
évalué que la gestion participative dans l'État n'avait
pas encore été consolidée et appropriée par la
société. Les défis identifiés vont de la faible
participation de certains segments au discrédit d'autres
impliqués dans ce modèle de gestion, ce qui apporte des limites
au fonctionnement du SIGERH. Dans cette optique, le gouvernement de
l'État a cherché à donner la priorité au
renforcement des comités dans l'exercice correct de leurs fonctions, en
tant que stratégie pour le système dans son ensemble. À
cette fin, un processus de planification stratégique des comités
de bassins hydrographiques a été réalisé (Governo
do Estado do Ceará, 2006).
Cependant, à partir de la présente analyse,
basée sur une recherche documentaire et sur des entretiens avec des
diverses parties prenantes dans la gestion de l'eau dans l'État, on
vérifie que des telles limitations persistent à des certains
degrés, et que le processus de renforcement des comités de
bassins n'est pas abouti, présentant toujours de limitations
considérables liées à un manque d'autonomie par rapport
à la COGERH, mais aussi, quelques fois, à un manque
d'effectivité de leurs décisions face aux
délibérations du CONERH.
Ainsi, il reste clair que des organismes de
délibération et de représentation ont été
créés et renforcés au fil des années, rassemblant
aussi les usagers et des différents groupes de la société
civile. On interprète ce processus dans une orientation vers le
changement de la logique des rapports sociétaux décrits au
Chapitre 2 et vers le développement des mécanismes pour Vivre
avec le Semi-aride, associé aux transformations dans les rapports
politiques et à la plus grande perméabilité du
système par les groupes de la société civile dans le
contexte de la redémocratisation du pays (tel que décrit dans le
sous-chapitre 2.2.). Au cours de la décennie passée,
l'État proposait, par exemple, une politique pour vivre
59
avec le Semiaride, produit de deux années de recherche
et de discussions interinstitutionnelles, afin de combattre les
inégalités entre la zone semi-aride et le reste de l'État
(Gurjão, 2019). Cependant, on a observé avec cette analyse que le
processus n'est pas encore abouti.
À ce propos, il reste à améliorer en
termes d'espaces d'expression directe pour les représentants des
segments les plus vulnérables de la société, tels que les
mouvements sociaux, dont les demandes semblent être encore
absorbées et tutellées par un secrétariat
spécifique au sein du CONERH (le SDA). Aussi, la priorité
donnée à l'approvisionnement de la région
métropolitaine de Fortaleza, justifiée par l'usage prioritaire
(usage humaine), peut aussi être en partie lié au Port du
Pecém, stratégique pour l'économie de l'État. Cela
reste un point d'attention, à vérifier si des telles orientations
ont le potentiel de dégrader l'accessibilité des familles de la
zone rurale semi-aride à l'eau. Enfin, il est crucial que les
Comités de Bassins Hydrographiques continuent à être
renforcés, de manière à combler leurs limitations en
termes d'autonomie, de participation à l'application des ressources
provenantes de la redevance et d'effectivité de leurs décisions.
On considère ces éléments pertinents pour
l'amélioration du processus participatif et, possiblement, pour la
poursuite du processus de démocratisation de l'accès à
l'eau, fortement entamé dans l'État depuis quelques
décennies.
60
CONCLUSION
Comme on l'a vu dans le sous-chapitre 3.1., la gestion de
l'eau dans l'État du Ceará se propose
décentralisée, participative et intégrée, tel
qu'énoncé par la Constitution de l'État. Une telle
orientation est présente dans les instruments de la politique hydrique,
et dans des institutions qui ont été construites à partir
des années 1980's. Le système hydrique en étude dans ce
travail est compris dans son ensemble, comme partie d'une réalité
complexe, déterminée par les formes d'occupation territoriale,
par l'appropriation des ressources naturelles, par les relations sociales et
économiques historiquement établies, par les types d'utilisation
de l'eau, par les formes organisationnelles et institutionnelles, entre autres.
Ainsi, la conception de gouvernance adoptée dans cette étude a
endogénéisé les dynamiques historiques, de pouvoir, de
participation et des échelles territoriales dans la construction de ses
mécanismes, comme préconisé par les bases
théoriques décrites au Chapitre 1.
À partir d'une recherche documentaire et des entretiens
avec des parties prenantes de la gouvernance de l'eau dans le Ceará, les
résultats de ce travail indiquent des limitations en termes d'une
gouvernance participative et démocratique, en partie liées
à une nécessité de renforcement du rôle et de
l'autonomie des comités de bassins hydrographiques, mais aussi à
la capacité des groupes les plus vulnérables de se faire entendre
aux niveaux plus «macro» de prise de décision, le CONERH, dont
l'action reste encore très marquée par un contrôle fort de
la part de l'État, et qui a la prérogative de valider - ou pas -
les décisions des CBHs. Aussi, des épisodes de conflits par
l'eau, illustrés dans le Chapitre 3, dénotent encore une force
des intérêts particuliers liés à un paradigme
modernisateur (et conservateur) de développement. Par ailleurs,
l'équilibre entre l'observance des décisions des
différents CBH avec la coordination des besoins des différents
territoires exige la construction d'approches et de démarches
partagées. Ainsi, si on regarde l'hypothèse de base pour ce
travail, laquelle attribuait les limitations de la gouvernance à la
sectorisation des discussions, à un contrôle encore assez fort de
la part de l'État et à une prépondérance des
intérêts des acteurs plus puissants économiquement, on peut
dire que ces élément sont encore présents - à
différents dégrés - et en jeu dans l'État,
même si moins qu'au passé.
61
Beaucoup d'avancements ont été identifiés
à compter des années 1980's. On interprète ce processus
dans une orientation vers le changement de la logique des rapports
sociétaux de domination, notamment dans la zone rurale Semi-aride de
l'État. D'autre part, la réponse technique reste très
présente et nécessaire pour la réponse aux contraintes
d'ordre climatique imposées à cette zone, quelques fois mettant
en avant des intérêts industriels, y inclus d'ordre privé.
On observe donc la coexistence des deux paradigmes de l'action publique
décrits dans le Chapitre 2: la lutte contre la sécheresse et le
vivre avec le Semi-aride, façonnant ainsi les acquis et les limitations
de la gouvernance actuelle de l'eau dans cet État.
Enfin, compte tenu du contexte social et historique qui marque
la réalité du Ceará et du Semi-Aride, ce travail a
focalisé les mécanismes de participation dans la gouvernance de
l'eau. Cependant, au-delà d'une analyse générale de la
participation, une étude critique de quelques composantes
spécifiques de la gestion, tels que le système actuel de
redevance et d'octroi de permis d'usage, se font pertinents pour comprendre la
base de la gouvernance actuelle et appréhender jusqu'à quel point
celle-ci est capable de favoriser un développement plus durable et
inclusif dans le Ceará.
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econ
omia,852168/desigualdade-social-cai-no-brasil-mas-continua-vergonhosa.shtml
SRH (n.d.). Conselheiros do CONERH - Biênio 2020-2022.
Disponible en:
https://www.srh.ce.gov.br/conselheiros-do-conerh-bienio-2017-2019/
69
ANNEXES
Annexe 1 - Schéma méthodologique pour le
rapport du Produit 3 - Projet Sertões
débat et partage de ce qui a été accompli
Construction du rapport
2. Espaces pour des discussions collectives entre les
partenaires engagés dans le Produit 3 (une trentaine, associant
chercheurs et représentants institutionnels)
Concepts
Interactions avec la structure sociétale et les divers
intérêts
Paradigmes
Priorité pour les 50 dernières années
(création de nombreuses institutions au début des
années 1970)
programmes publics, rapports
officiels, production académique, documents des donateurs
internationaux et
sources médiatiques
Usages sociologiques comprehensifs : perceptions et
représentations des différents acteurs
Fins informatives et narratives : reconstitution des
trajectoires
3. Entretiens semi-directives
Sur les actions publiques passées, mais surtout sur les
actions plus récentes et peu documentées
Entretiens semi-structurés avec des représentants
des principales institutions impliquées dans la gestion des ressources
en eau et les politiques agricoles (au moins
quinze).
1. Revue bibliographique (principal
élément méthodologique)
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des représentants de toutes les institutions
impliquées dans les ressources en eau et l'agriculture au niveau
de l'État et, éventuellement, des municipalités
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Atelier(s) pour discuter de la première version du
rapport
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représentants des mouvements sociaux
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Mouvement des Sans-Terres (MST)
Nom de
l'organisation de l'acteur interviewé
- Leurs demandes en termes d'accès à l'eau ont de
l'espace plutôt au sein du SDA, lequel est, à son tour, membre du
CONERH.
- Ont amélioré leur accès à des
politiques publiques notamment à partir des années 1980/1990's,
suite à des actions revendicatives, mais considèrent qu'un mieux
dialogue avec l'État ne vient qu'en 1991, avec le gouvernement Ciro
Gomes, quand le SDA s'est ouvert aux mouvements sociaux et à leur
participation dans la formulation des politiques de développement rural.
Ils reconnaissent que les partis de gauche ont aussi joué un rôle
important dans cette ouverture
- En ce qui concerne la gestion de l'eau, le MST arrive à
participer des discussions dans quelques Comités de Bassins, ou aux
niveaux municipal et communautaire, rapportant des difficultés pour
accéder à d'autres espaces ou échelles de
délibération.
- Leur représentation auprès des organismes qui
composent directement le SIGERH ne se fait que dans quelques Comités
de Bassins.
- Affirment participer de quelques chambres techniques
Participation
OBSERVATIONS PAR THÈME
- dénoncent des dépenses excessives et des forts
impacts environnementaux ou sociaux (le déplacement forcé de
communautés locales) autour des grands projets pour augmenter l'offre
d'eau (les transpositions par exemple); et expriment une doute par rapport
à la destination de l'eau provenant de ces travaux hydrauliques (elle
sera distribué aux populations locales ou pas?). Selon eux, toutes ces
dimensions ne sont pas assez claires
Transparence des mécanismes
Coordination des espaces et niveaux
de délibération
70
Annexe 2 - Synthèse des observations faites
à partir des entretiens
Comité de Bassin de
l'Acaraú
71
- Manque de participation des comités dans les
délibérations autour des mécanismes d'octroi des droits
d'usage. Par ailleurs, la détermination de la valeur de la redevance est
discutée par la COGERH avec les organismes de gestion et coordination
(à savoir SRH et CONERH), mais les Comités sont encore une fois
exclus de ces délibérations. L'interviewé indique cela
comme une fragilité du système de gestion.
- Les CBH ont gagné une représentation
auprès du CONERH seulement très récemment, et, il faut le
remarquer, il s'agit d'une seule représentation pour tous les
comités, qui sont assez divers en termes de problématiques et
besoins.
- Les CBH ont, aujourd'hui, un taux fixe de participation pour
les communautés traditionnelles de l'État. Ces acteurs exercent
beaucoup de pression sur l'État autour des questions environnementales.
Cette participation est plus ou moins forte selon le comité.
- Considère que les capacitations pour les CBH,
préconisées par le système de gestion, sont très
techniques, et amène donc à une dépolitisation
- Dans les territoires ruraux, les communautés qui ne sont
pas organisées en associations demeurent sans représentation face
au système de gestion de l'eau.
- Le DNOCS est encore un membre originaire de tous les CBHs
- Affirme qu'il n'y a pas un fort degré de sensibilisation
du public par rapport à l'intérêt et l'importance des
réunions d'allocation négociée de l'eau, de manière
que le public en général n'y participe pas
systématiquement. L'organisme responsable pour cette sensibilisation est
la COGERH, les CBH y participent très peu. Ainsi, ce qui est
discuté dans les CBH's «reste dans le CBH seulement».
- Considère que les usagers ne sont pas suffisamment
sensibilisés par rapport au rôle de la redevance, de
manière que quelques secteurs (notamment l'agriculture) sont encore
très résistants à l'accepter et à soutenir
effectivement cet aspect du modèle cearense de gestion
- Les comités de bassins n'ont pas un accès direct
à l'information concernant le nombre de permis d'usage octroyés
dans leurs respectifs bassins. Cette information est centralisée par la
COGERH, et les comités doivent la solliciter. Cette procédure a
déjà fait l'objet de questionnements de la part des
comités de bassins au niveau du CONERH, mais la situation n'a jamais
changé.
- A été rapporté un niveau de connaissance
très faible des CBHs par rapport aux aires irriguées. Par contre,
le groupe des irrigants est parmi ceux qui font plus de pression sur le
système de gestion de l'eau.
- Les décisions des CBHs sont officialisées sous
forme d'une résolution, lesquelles sont soumises à la validation
du CONERH: seulement après la décision pourra être
effectivement adoptée. Sachant que le CONERH est présidé
par le SRH, il reste clair que le contrôle de l'État sur le
système de gestion de l'eau est assez fort. Par ailleurs, le CONERH a
déjà fait preuve d'un contrôle assez autoritaire
vis-à-vis des CBHs: lorsque ceux-ci ont présenté des
décisions d'allocation de l'eau qui mettaient en tension
l'approvisionnement de la région métropolitaine de la capitale de
l'État, Fortaleza, le CONERH a déterminé une
décision en contraire, favorisant cette dernière.
- Les CBHs sont très divers et particuliers en termes de
problématiques et de dynamiques politico-sociales. Aussi en termes
économiques, car il y en a quelques-uns qui sont excédentaires
(notamment celui de la Région Métropolitaine de Fortaleza), alors
que tous les autres sont déficitaires. C'est ce
déséquilibre qui amène la COGERH à
centraliser cette partie de la gestion et distribuer les ressources: s'il
existait une séparation, il est bien possible que quelques
comités ne seraient pas en mesure de tenir leur fonctionnement par
manque de ressources financières. Cependant, à cause de ce
système, elle affirme que les CBHs se considèrent sans
autonomie.
- Encore comme espace de délibération il y a le
forum des présidents des comités, représentant un espace
plus «résistant» par rapport au contrôle de
l'État, et où les participants s'articulent pour faire plus de
pression sur le CONERH. Cependant, cette instance aussi est organisée
par la COGERH (y inclus en termes de ressources financières). Même
si le CONERH invalide des fois les décisions des CBHs,
72
il est mis sous forte pression par ces derniers. Le même
est vrai pour les commissions de gestion des systèmes hydriques, dont
les dynamiques de réunions sont encore très dépendantes de
la COGERH. Son observation est que la structure du système rend les
instances participatives très dépendantes de l'État.
- A été rapporté un manque
d'intégration entre les politiques des divers secteurs ayant attrait
à la question de l'eau: comme exemple, le Secrétariat
Exécutif de l'Agrobusiness a formulé un projet d'irrigation sans
que les CBH's des bassins impliquaient participent des discussions.
- A été observée une difficulté
d'intégrer les informations climatiques produites par la FUNCEME dans
les délibération des CBHs. Seulement les informations produites
par la COGERH sont véritablement prises en compte.
- Le diagnostic des bassins au niveau des CBHs afin de
créer les Plans de Bassin sont aujourd'hui guidé conjointement
par l'Université Fédérale du Ceará mais notamment
par la COGERH
73
Sécrétariat Exécutif
de l'Agribusiness/ Sécrétariat
du Dévéloppement et du Travail (SEDET)
|
Pas d'observations spécifiques
|
Pas d'observations spécifiques
|
- Avec la création récente du Secrétariat
Exécutif de l'Agrobusiness au sein de la SEDET, la perception c'est que
le dialogue avec l'État s'intensifie. Selon lui, cette tendance fait
partie de l'objectif de l'actuel gouverneur de l'État d'augmenter le PIB
agricole au Ceará.
|
- A été rapportée la création d'une
Chambre Technique présidée par le Secrétaire
exécutif de l'Agrobusiness, et rassemblant les organismes
impliqués dans la gestion de l'eau tels que le SRH, la FUNCEME et la
COGERH, ainsi que le forum des présidents des CBH. Cette chambre
centralise les demandes du secteur agricole afin de mieux mobiliser leur
capacité de négociation au sein du CONERH. Le secteur de
l'agriculture familiale a déjà effectué ses
demandés auprès de cette chambre technique.
Institut SISAR - Système Intégré
d'Assainissement Rural
|
- S'agissant d'un modèle de gestion partagée de
l'assainissement dans des zones rurales, le SISAR effectue une capacitation
sociale, afin d'habiliter la population à réaliser les
activités de gestion du réseau: pour l'interviewé, il
s'agit d'un travail de renforcement de la citoyenneté pour la population
rurale.
|
- La CAGECE rend un fort appui technique, social et administratif
au SISAR. Ainsi, même si le SISAR est une association de droit
privée, il reçoit un fort appui de l'État.
|
Fédération des travailleurs ruraux et des
agriculteurs familiaux du Ceará
(FETRAECE)
74
- Affirme que la FETRAECE a eu un rôle majeur,
conjointement avec l'ASA, le MST et les organisations du réseau
d'extension rural (reliées à l'État), dans la construction
du paradigme d'action pour vivre avec le Semi-aride.
- Démontre une préoccupation avec la destination
des structures hydrauliques plus récentes: se questionne si la
population rurale va en recevoir les bénéfices ou si elle va en
être exclue.
- Rapporte des conflits entre les secteur de l'agrobusiness et
celui de l'agriculture familiale, affirmant que celle-ci est, plus que le
premier, amenée à adopter des pratiques de rationnement de
l'usage de l'eau. Il s'agit de deux secteurs qui ont des types de relations
différentes avec l'État.
- Il rapporte une plus grande ouverture de la part du
gouvernement de l'État pour négocier avec les mouvements sociaux,
notamment à partir des années 1990's. Ainsi, la FETRAECE assume
un rôle de stimuler le gouvernement à penser des politiques
publiques favorables au travailleurs ruraux
- A été rapporté que dans tous les 12 CBHs
les syndicats sont présents. Ils sont très souvent
présents au CONERH aussi. L'interviewé considère le
système assez démocratique, même s'il reconnaît que
des fois il ne sont pas entendus.
- Les puits d'accès à l'eau construit par la
FETRAECE ou par le gouvernement pour la population rurale sont
gérés par des associations de la population locale.
- La FETRAECE a une relation institutionnelle avec plusieurs
secrétariats de l'État, y inclus avec le SRH, avec qui elle a des
conventions.
Pas d'observations spécifiques
SOHIDRA
Secrétariat
du Développement Agricole
|
- Rapporte une relation de partenariat importante avec les
mouvements sociaux, comprenant des réunions fréquentes et
ouvertes, afin de discuter le déroulement des actions et les besoins
spécifiques
|
Pas d'observations spécifiques
|
- Le SDA fait l'intermédiation entre entités
locales et la sphère fédérale pour la mise en place de
technologies sociales d'accès à l'eau pour la population rurale.
Pour cela, elle a un registre des informations concernant chaque
municipalité de l'État, qui lui permet d'en sélectionner
les prioritaires. L'exécution de ces projets et la sélection des
familles bénéficiaires restent dans les mains des entités
locales, notamment.
- Le SDA a des cellules responsables pour des thèmes
exclusivement liés à l'eau. Toutes les technologies sociales
d'accès à l'eau sont sous la responsabilité du SDA. Ces
cellules n'ont pas toujours une
|
communication directe avec le SRH.
75
- Suite aux décisions d'allocation au sein des CBHs, sont
réalisées les réunions de suivi des flux accordés.
Dans ce cadre, la COGERH apporte du support technique, mais ce sont
plutôt les usagers qui délibèrent.
- Les interviewés affirment que la COGERH réalisent
une invitation pour les membres du CBH lors de la convocation pour les
réunions, mais aussi à toute la société, de
manière générale (invitation à des associations,
coopératives, mouvements sociaux, ainsi que des émissions via
radio).
- La communauté technique et scientifique
délibère auparavant avec les techniciens de la COGERH, et
apportent les résultats de leurs discussions aux réunions des
CBHs. Il existe ainsi trois niveaux de délibérations au sein des
CBHs: les discussions techniques et scientifiques préliminaires; des
discussions plus larges dans la session plénière du
Comité; et les discussions encore plus larges dans le cadre de grands
séminaires.
- Auparavant, la FUNCEME ne faisait pas partie directement du
SIGERH. Une fois qu'elle est inclue dans ce système, on aperçoit
une intégration plus forte entre SRH, COGERH et FUNCEME.
- 3% des ressources des redevances, centralisées par la
COGERH, sont transférées au système
- Nécessité d'approfondir la logique d'une
planification claire dans les plans des bassins, et promouvoir son absorption
par les membres des comités
COGERH
76
- Affirment travailler en partenariat avec l'Université
Fédérale du Ceará (UFC) et la Fondation Cearense d'Appui
au Développement (FUNCAP) sur les 12 plans de bassins à
élaborer ou réviser. Affirmer réaliser également un
travail de sensibilisation des participants des CBHs.
- La COGERH a construit un indicateur de participation sociale
dans la gestion des ressources hydriques, lequel est suivi par le gouvernement,
à partir de forums de suivi, depuis 2003/2004. En 2019, cet indicateur a
été de 73% de gestion participative. Les interviewés n'ont
pas su expliquer la construction de cet indicateur.
- Intéressant de noter que la valeur de la redevance
provenant du Port de Pecém est incontournable pour le système des
Comités de Bassins
entretenu par la COGERH, et est donc très importante pour
le maintien de tout le système de gestion par CBHs.
Secrétariat
des Ressources Hydriques
- Le SRH travaille avec un appui fort de la COGERH, à
partir d'analyses quantitatives et qualitatives des corps hydriques, y inclus
pour le système d'octroi de droits d'usage.
- Il attribue les valeurs de participation dans la gestion de
l'eau à la présence de la coopération allemande dans les
années 1980. Mais le DNOCS était encore très
présent à cette époque et très résistant
à cette idée. En tout cas, le modèle participative gagne
de la force dans les années 1990's avec le début de la
constitution des CBHs
- Il conçoit le SRH comme la «tête» qui
créé les directives et coordonne le système, dont
l'exécution reste avec la SOHIDRA, la COGERH et la FUNCEME.
77
- Conçoit la politique des ressources hydriques
aujourd'hui plus orientée vers la promotion de la participation que vers
une logique de sanctions.
- Dans la construction des Plans de Ressources Hydriques de
l'État, c'est le CONERH, présidé justement par le SRH, qui
construit l'ordre du jour et ainsi qui mène les processus de
discussions.
- Affirme que le SRH se relatione beaucoup avec les Directions de
Bassins, notamment pour l'analyse des droits d'usage octroyés et pour la
fiscalisation: le dialogue est fluide à cet égard. Il affirme que
le même est vrai pour le Secrétariat Exécutif des
comités: le dialogue est récurrent notamment au niveau du Forum
des présidents des CBHs.
- Reconnaît une sectorisation forte entre les politiques
environnementales et de ressources hydriques dans l'État, et que ces
deux systèmes pourraient dialoguer et se coordonner plus.
L'approximation de la SEMACE par rapport au SIGERH peut aider dans une certaine
mesure dans cette coordination.
Annexe 3 - Structure du SINGREH
78
Source: À partir de Governo do Brasil, n.d. (mis
à jour)
Annexe 4 - Trajectoire de l'IDH brésilien entre
1990 et 2020
Source: Human Developments Report, n.d.
79
Annexe 5 - Liste des instruments juridiques qui ont
servi à compléter le système de gestion de l'eau dans
l'État du Ceará
a) Loi n° 11.996 du 24 juillet 1992 : prévoit la
politique de l'État en matière de ressources hydriques. Cette loi
a été instituée :
- Octroi du droit d'utiliser les ressources en eau ;
- Tarification de l'utilisation des ressources
hydroélectriques ;
- Le partage des coûts des travaux d'infrastructures
hydrauliques ;
- Le Plan d'Etat des Ressources Hydriques (PERH) ;
- Les conseils de coordination et de participation
(comités) ;
- Le système de gestion intégrée des
ressources hydriques (SIGERH)
- Le Fonds d'État pour les ressources
hydroélectriques (FUNORH)
b) Loi n° 12.217, du 18 novembre 1993 : a
créé la Compagnie de gestion des ressources hydriques du
Ceará (COGERH)
c) Décret n° 22.485 du 20 avril 1993 : approuve
le règlement du Département des ressources hydriques.
d) Décret n° 23.038, du 1er février 1994 :
approuve le règlement du Comité d'État des ressources
hydriques (COMIRH).
e) Décret n. ° 23.039, du 1er février 1994 :
approuve le règlement interne du Conseil national des ressources
hydriques (CONERH).
f) Décret n° 23.047, du 3 février 1994 :
régit le Fonds national des ressources hydriques (FUNORH).
g) Décret n° 23.067, du 11 février 1994 :
crée le système de subventions pour l'utilisation de l'eau.
h) Décret n° 25.391, du 1er mars 1999 :
crée les comités des sous-bassins hydrographiques du Baixo et du
Médio Jaguaribe.
i) Décret n° 26435 du 30 octobre 2001 : crée
le Comité du sous-bassin de Banabuiú
j) Décret n. 26.462 du 11 décembre 2001 :
crée le Système Intégré de Gestion des Ressources
Hydriques (SIGERH), concernant les Comités de Bassin Hydrographique -
CBHs
k) Décret n° 26603 du 14 mai 2003 : création
des comités de sous-bassin hydrographique de l'Alto Jaguaribe et du
fleuve Salgado.
l) Décret n° 26902 du 16 janvier 2003 : crée
le Comité des bassins hydrographiques de la région
métropolitaine de Fortaleza - CBH-RMF
m) Décret n° 27.647, du 07 décembre 2004 :
crée le Comité du bassin hydrographique d'Acaraú -
CBH-ACARAÚ.
80
Source : Ramos Viana et al., 2006.
81
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS 3
SOMMAIRE 4
LISTE DES FIGURES 5
LISTE DES TABLEAUX 5
LISTE DES ACRONYMES 6
INTRODUCTION 9
CHAPITRE I - Quels attributs de la gouvernance vers un
accès à l'eau plus
démocratique? Base théorique et
méthodologique du présent travail 13
1.1. Revue de littérature sur la gouvernance de l'eau
13
1.2. Construction de la base méthodologique 18
CHAPITRE II - Contextualisant les différents niveaux
territoriaux et les paradigmes
de l'action publique de réponse aux crises hydriques 38
2.1. Indicateurs du développement aux
différents niveaux d'analyse et un état
des lieux du secteur hydrique au Brésil 24
2.2. L'évolution des paradigmes d'action publique
sur le Nordeste Semi-aride
31
CHAPITRE III - Quelle gouvernance de l'eau dans le Ceará?
39
3.1. Le système de gestion de l'eau dans le Ceará:
institutions et instruments 39
3.2. Analyse du degré de participation dans la
gouvernance de l'eau dans le
Ceará: un diagnostic 51
CONCLUSION 60
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 62
ANNEXES 69
TABLE DES MATIÈRES 81
RÉSUMÉ 82
82
RÉSUMÉ
Historiquement marqué par une distribution
inégale de l'eau, l'État brésilien du Ceará a la
plupart de son territoire sur la zone semi-aride la plus peuplée de la
planète. Cet État a vécu des nombreuses crises de
pénurie hydrique, dans lesquelles le risque hydrologique devient un
risque systémique de par son importance et son potentiel multisectorial.
C'est dans ce cadre général qu'on se propose, dans ce travail, de
tester si les mécanismes de la gouvernance de l'eau dans le Ceará
favorisent la participation et la démocratisation des processus de
décision autour de cette ressource, ceux-ci pouvant être
considérées comme des éléments de promotion d'un
accès plus démocratique à l'eau, et ainsi d'une possible
recomposition des relations sociales et économiques, notamment dans les
zones rurales de l'État. L'objectif est ainsi de construire un
diagnostic de la gouvernance de l'eau dans l'État du Ceará,
soulignant ses acquis et ses faiblesses en termes de participation. La
présente analyse débouche sur le constat d'un modèle
hybride de gouvernance, combinant des éléments de deux
différents paradigmes de réponse aux crises hydriques dans
l'État.
MOTS-CLÉS
Brésil, Ceará, Nordeste, Semi-aride, Ressources
Hydriques, Gouvernance, Participation
ABSTRACT
Historically marked by an unequal distribution of water, the
Brazilian State of Ceará has most of its territory in the Brazilian
Semi-Arid, the most populated semi-arid zone of the planet. Thus, this state
has experienced numerous crises of water scarcity, in which the hydrological
risk becomes a systemic risk due to its importance and multisectoral potential.
Within this general framework, this work proposes to test if the mechanisms of
water governance in Ceará favor the participation and democratization of
the decision-making processes around this resource, considering these features
as a
potential element for promoting a more democratic access to
water, and thus a possible re-composition of social and economic relations,
especially in the rural areas of the state. The objective here is to analyze
water governance in the state of Ceará, highlighting its achievements
and weaknesses in terms of participation. This analysis leads to the finding of
a hybrid model of governance, combining elements of two different paradigms of
response to water crises in the state.
KEYWORDS
83
Brazil, Ceará, Nordeste, Semi-arid, Water resources,
Governance, Participation
|