CHAPITRE II
L'ÉVOLUTION HISTORIQUE DES DÉCHETS DANS
LE MONDE ET EN HAÏTI Dans ce chapitre, nous abordons à
travers une approche chronologique, l'évolution de la question de la
gestion des déchets ménagers à travers le monde et dans
l'agglomération d'Haïti en vue de mettre en lumière le
décalage croissant, existant entre les objectifs du service et les
pratiques réelles qui lui sont associées. A cet effet, ce bref
historique couvrira la période allant de l'antiquité
jusqu'à le monde contemporain. Pour le cas d'Haïti, on va
décrire dans un premier temps le contexte menant à la
création du service officiel de gestion des déchets
ménagers dans l'agglomération de Hinche puis la description du
service tel qu'il avait été conçu dans la
législation haïtienne en vigueur.
26
SECTION I
L'ÉVOLUTION HISTORIQUE DES DÉCHETS DANS
LE MONDE
Depuis longtemps, les déchets se décomposent
naturellement dans la nature. De plus, le nomadisme facilite leur non- gestion
des déchets. C'est grâce à leurs déchets (restes de
repas, coquilles, outils..) que nous avons pu retracer leur histoire (sous la
période néolithique) : les déchets sont utiles car ils
sont témoins de notre passé ! Présentons sur les
différents temps :
1.1-Les Hommes préhistoriques peu
préoccupés par leurs ordures
La Préhistoire est définie comme la
période qui commença voici environ trois à cinq millions
d'années avec l'apparition des premiers humains. Elle semble avoir couru
jusque 3 000 ans avant notre ère, jusqu'à la genèse de
l'écriture. Parce que cette époque a vu naître les premiers
êtres humains, elle a aussi connu l'apparition de différents types
de détritus produits par ces derniers. Ces déchets sont le reflet
du mode de vie relativement sommaire de la Préhistoire. Les Hommes
préhistoriques doivent se nourrir, se vêtir, et se défendre
; ils produisent donc des détritus tels que des silex cassés, des
cendres de bois, des restes de nourriture, des armes devenues inutilisables,
des excréments, etc. Néanmoins, ces détritus
représentent des quantités infimes et leur gestion n'est alors
que très peu problématique. Durant des siècles, ce sera le
cas. Nos ancêtres ne se préoccupent pratiquement pas de
l'élimination de leurs détritus ; ils les abandonnent dans leurs
grottes quand bien même ils encombrent peu à peu leurs espaces de
vie. Lorsque ces derniers en sont envahis, ils partent à la recherche de
nouveaux abris28.
Vers 7 500 avant notre ère, les Hommes
préhistoriques passent d'un état de prédateurs à
producteurs, ils commencent à expérimenter l'élevage et
l'agriculture. Progressivement, ils
28 Marie Rose Bangoura, op cit page 53. Et Marine
Béguin, L'histoire des ordures. Décembre 2013.
27
deviennent sédentaires. Ils doivent alors plus
qu'autrefois se préoccuper et se débarrasser de leurs
détritus qui envahissent leur lieu de vie dans lequel ils s'installent
désormais durablement. Produisant encore peu de déchets, ils
s'essaient à la pratique de l'enfouissement et laissent alors à
la nature le soin de faire disparaître leurs restes. Ils commencent
également à tester le compostage et le brûlage ou bien
encore donnent leurs détritus en pâture aux cochons ou aux animaux
de leur basse-cour. Ces techniques disparaîtront au fil du temps en
raison du développement des agglomérations urbaines et d'autres
pratiques seront inventées pour faire face à une gestion des
déchets qui deviendra de plus en plus problématique.
1.2-Déchet dans l'Antiquité
Les problèmes liés aux déchets commencent
à apparaître avec la sédentarisation. A Athènes,
cité de 250 000 habitants, les Grecs inventent les toilettes publiques
et emportent les déchets hors de la ville : il y avait
déjà une collecte régulière des ordures. A Rome, on
installe également des toilettes publiques ainsi que des fosses en
dehors de la ville où les habitants déposent leurs ordures, les
restes d'animaux sacrifiés et les cadavres. Les riches citoyens ont
toutes les commodités sanitaires (fontaines, bains, thermes...).
Certains habitants utilisent même des vases en terre cuite pour collecter
les ordures, ainsi l'ancêtre de notre poubelle était
né...Et Paris ? La cité des Parisii est si sale lors de la
conquête romaine que les Romains lui donnent le nom de Lutèce qui
signifie boue (lutum) en latin29.
1.3-Déchet au Moyen Age (de 476 à
1453)
Vers l'an 1000, les hommes commencent à se regrouper
dans des villes. Les habitants jettent leurs déchets, excréments,
carcasses d'animaux dans la rue ou dans les rivières. Les demeures
bourgeoises des grandes villes (Munich, Lyon, Paris..) sont certes,
équipées de latrines mais leurs
29 Marie Rose Bangoura, op cit page
53. Et Marine Béguin, L'histoire des ordures. Décembre 2013
28
canalisations débouchent directement dans les rues !
Les rues sont alors boueuses, sales et malodorantes, les rats s'y
répandent. Les porcs et les chiens qui vivent librement dans la rue
nettoient la ville en mangeant les ordures, les vagabonds « traitent
» aussi une partie de ces déchets. On marche même avec des
sabots à hauts talons, pour ne pas se crotter les pieds ! A Paris, le
temps des épidémies. Ne pouvant plus supporter l'odeur, Philippe
Auguste ordonne en 1184 de paver les rues principales et crée des canaux
et fossés centraux pour nettoyer certains quartiers. Quatre cents ans
plus tard, la moitié des rues est seulement pavée. Dans tous les
quartiers, on crée des puits où chacun doit déverser ses
immondices et en 1343, Charles V fait construire des fossés
d'évacuation couverts pour éviter les odeurs30. Les
ordures sont donc stockées dans des endroits excentrés ou des
places publiques réservées, c'est certes un changement... mais il
est limité : on déplace le problème sans le
résoudre... Mais malgré cela les gens refusent le plus souvent de
porter les déchets aux endroits prévus, ils continuent à
polluer la Seine qui sert de vide-ordures et jettent leurs déchets
domestiques dans les rues, ce qui entraîne des infiltrations
bactériennes dans le sol et cause des épidémies de peste,
de choléra et de typhus. En Europe, la plus importante
épidémie fut la Peste Noire de 1347 qui fit 25 millions de morts.
A cette époque, les habitants pensent que c'est l'odeur des
déchets qui rend les personnes malades et ignorent encore que ces
ordures grouillent de bactéries et le Moyen Âge connaîtra un
essor des déchets assez spectaculaire. Les déchets deviennent
engrais ou sont mangés, en partie, par les cochons et les autres animaux
domestiqués. Cette situation ne dure pas. En effet, vers l'an 1 000, le
commerce se développe attirant ceux qui vivent dans les campagnes et,
conséquemment, la population des villes grossit, ce qui entraîne
des problèmes sanitaires importants :
30 Philippe Auguste, op, cit, page ,27 .
29
L'insalubrité de la ville moyenâgeuse est au
reflet des noms de certaines rues, de certaines places des villes
françaises telles que « ruelles Sale ou du Bourbier » de Rouen
ou la « place Marcadal de Lourdes, dont le nom vient de Marcadaladosa ou
quartier fangeux ». Les citadins ont rapidement lié les immondices
aux odeurs et aux risques que ces amas d'ordures génèrent, ces
associations se retrouvent dans le vocabulaire de l'époque, par exemple
« vilenie et ordure ». Pourtant, un paradoxe existe puisqu'en
dépit du lien fait entre immondices et risques, la gestion de la
salubrité ne semble préoccuper personne. Les citadins se
débarrassent de leurs détritus en les abandonnant dans un coin :
la « saleté appelle en quelque sorte la saleté et il existe
des lieux où l'on déverse les ordures de préférence
: des espaces vides, par exemple les limites entre propriétés,
des terrains vagues, des ruines, etc31 ». En outre, les
citadins doivent cohabiter avec des animaux ; les caprins, les ovins qui ne
sont que de passage, les animaux errants, mais également les volailles
ou les porcs qui sont élevés dans l'enceinte des villes. Ce
phénomène heurte la vue, l'ouïe et l'hygiène et
engendre des risques d'épidémies. Certains, inquiets et
dérangés par cette présence, veulent voir
disparaître ces animaux de l'enceinte des villes, mais cela est
compliqué au regard des intérêts et des difficultés
d'application surtout quand les détenteurs appartiennent à la
haute société ». Par ailleurs, les porcs semblent être
les seuls capables d'engloutir les immondices, ils jouent le rôle de
nettoyeurs, d'éboueurs. Les paysans se réjouissent
également de ces dépôts de déchets qu'ils
récupèrent pour les transformer en engrais. La pollution des
villes moyenâgeuses atteint également l'eau puisque, d'une part
les « eaux résiduelles sont tout naturellement
évacuées sur le pavé ou dans les rivières »
et, d'autre part, les habitants des cités jettent leurs déchets
dans les rivières, quand bien même certains citadins boivent l'eau
de la Seine.
31 Marine Béguin (2013). L'histoire des
ordures, France, PUF, page 21.
30
Comme pour la gestion des déchets, celle des
excréments ne pose pas de problème dans les campagnes où
les habitants sont moins nombreux qu'en ville. En revanche, les cités
médiévales ne parviennent pas à les gérer
efficacement. Des latrines publiques existent dans les villes, telles que
Rouen, Amiens, Agen, mais elles sont trop peu nombreuses. Il semble d'ailleurs
que ces installations aient quasiment disparu avec la chute de l'Empire romain.
Par conséquent, les individus satisfont leurs besoins comme ils le
peuvent. Dans certaines villes, des quartiers et des rues sont affectés
à la défécation. Les moins aisés font leurs «
besoins naturels à même le pavé » ; les classes les
plus riches défèquent dans leur jardin ou dans leurs latrines
privées si leur maison en dispose ; c'est d'ailleurs un signe de
richesse que de posséder ce confort au sein de sa
propriété. Il semblerait que ce soit à Paris que se
manifeste le confort maximal. Effectivement, « même des maisons
d'artisans s'offrent le luxe de quatre sièges de latrines à
chaque niveau d'habitation, reliés à des égouts ».
Jean-Noël Biraben en 1995 souligne quant à lui que les latrines
privées sont des dispositifs communs au Moyen Âge : les maisons
seraient presque toutes pourvues d'aisément transportable «
privés », « retraits » ou « longaignes ». Des
latrines sont également à disposition des religieux et des rois,
elles sont presque toujours présentes dans les monastères, dans
les couvents et dans les châteaux féodaux. Les excréments
se déversent, la plupart du temps, dans une fosse d'aisance,
creusée dans la cave, à même le sol. On l'assainit de temps
à autre avec la cendre de bois de la cheminée. Elle n'est
curée que rarement lorsqu'elle déborde. Dès 1300, deux
voiries, Montfaucon et Saint-Marcel, sont principalement affectées aux
vidanges. D'autres systèmes que les latrines sont testés au Moyen
Âge. C'est le cas du puisard : il s'agit d'un trou de faible profondeur,
les déjections s'infiltrent alors dans la terre32. Les cours
d'eau qui traversent les villes permettent également aux habitants de
satisfaire leurs besoins naturels. Enfin, la coutume du «
tout-à-la-rue » reste très utilisée : les citadins ne
se gênent pas
32 Émile Zola (1992. Terre
médiévale, France, édit nouvelle, page 34.
31
pour jeter par la fenêtre le contenu de leurs pots de
chambre. Cette habitude contribue d'ailleurs à la formation d'une boue
épaisse et immonde dans les rues des villes.) dans son roman La Terre
décrit parfaitement cette habitude médiévale : « Par
la fenêtre ouverte, de l'ordure venait d'être jetée à
pleine main. Une volée de merde ramassée au pied de la haie
».33...
1.4- Déchet à la Renaissance
(XVème et XVIème siècle)
Les excréments sont toujours jetés dans les rues
qui ne sont pas toutes pavées et il y a toujours beaucoup de boue puante
! Les agriculteurs utilisent alors ces boues pour fertiliser leurs champs...
Les déchets parisiens sont toujours déversés dans la Seine
qui devient un véritable égout ! De plus, il n'y a toujours pas
d'hygiène : les bains publics sont des lieux de « mauvaise
fréquentation » et comme il n'existe pas d'installation
individuelle, source d'eau ou bains pour se laver, les gens sont sales. Les
habitants ne respectent pas les initiatives de Louis XII et François 1er
qui font nettoyer les rues et porter les immondices hors de la ville. Louis XII
décide en 1506 que la royauté se chargera du ramassage des
ordures et de leur évacuation. À la taxe prévue pour ce
service s'ajoute celle destinée à financer l'éclairage des
rues. La taxe prend le nom de «taxe des boues et des lanternes».
L'hostilité générale enterra cette ordonnance pour
longtemps. Les règlements impressionnent peu les habitants et en 1522,
c'est de nouveau la peste ! En 1553, le Parlement doit encore leur
défendre de jeter les immondices par les fenêtres et faire
condamner toute personne pour avoir jeté ses déchets dans la
rivière. Il y a donc de nouvelles épidémies entre 1500 et
153034.
33 Marie Rose Bangoura, op cit page 53. Et Marine
Béguin, L'histoire des ordures, décembre 2013
34 Solidarité Laïque avec le soutien du
Fonds MAIF pour l'éducation, version actualisée de 2013
32
1.5-Déchet au XVIIème
siècle
Les gens pauvres récupèrent les vieux
vêtements, les chiffons, les os d'animaux et toutes sortes d'objets
pouvant être réutilisés. Un corps de métier est
né : les chiffonniers. Ce sont les premiers « recycleurs »
(avec les os, une fois bouillis, on obtient une graisse pour fabriquer des
bougies ; avec les tissus et les « chiffons », on fait du papier).
À cause de leur misère et de leur métier, ils sont souvent
méprisés et abusés, alors qu'ils sont très utiles
à la société. En France, au siècle dernier, le
secteur de la récupération et du recyclage fait vivre 500 000
personnes.
Aujourd'hui encore, (notamment dans de nombreux pays du Sud),
de nombreuses personnes survivent grâce à la
récupération et au recyclage des déchets.
1.6-Dechet aux XVIIIème et XIXème
siècles
L'hygiène générale est toujours peu
développée. La rue ne cesse d'être un dépotoir
public, et certains vident encore tous les matins leur pot de chambre par la
fenêtre ! Sous Louis XVI, la situation commence à
s'améliorer parce que la police taxe lourdement les gens qui ne
respectent pas les règlements. Après la Révolution
française, une ordonnance de police impose aux propriétaires et
locataires parisiens de balayer chaque jour devant leur logis. Du
côté des techniques, la première Révolution
Industrielle (1769 : machine à vapeur de Watts) permet de produire
davantage et moins cher, augmentant la production de déchets. Pour
fonctionner, ces machines ont besoin de charbon, les terrils se multiplient :
les cités minières sont encrassées par la poussière
de charbon et deviennent les « pays noirs ». C'est aussi le
début de l'industrialisation des villes avec l'invention de la
sidérurgie (1856), les usines se multiplient, l'exode rural est
important : les ouvriers se regroupent dans les villes. Mais les
inégalités sociales sont très fortes et les
inégalités face à l'hygiène et la maladie
persistent : en 1832 à Corbeil, une
33
forte épidémie de choléra touche les
classes les moins nourries35. Parallèlement, l'époque
est aussi caractérisée par l'essor de la chimie minérale
(découverte des propriétés décolorantes du chlore
(1785: eau de Javel), fabrication de la soude artificielle (1780),
découverte de l'acide sulfurique (fabriqué par combustion du
soufre). L'étude des goudrons est le point de départ d'une chimie
nouvelle, la chimie organique, qui commence en 1856 avec le premier colorant de
synthèse, les matériaux progressivement se complexifient et
créent de nouveaux types de déchets. L'agriculture se modernise
également (inspirée par le mouvement anglais des «
enclosures ») et découvre les engrais artificiels (superphosphates)
dont on ne connaît pas encore les effets nocifs, et ce d'autant plus
qu'ils changent les données du problème de la subsistance:
à partir de 1860, les crises de surproduction succèdent aux
crises de pénurie. Mais qui dit surproduction, dit plus de
déchets36...
La fin du XIXème siècle : le début d'une
réelle gestion des déchets La fin du XIXème siècle
marque un tournant dans l'histoire des déchets des villes occidentales,
notamment Paris. Les découvertes de Louis Pasteur (1870) mettent en
évidence le lien entre l'hygiène et la santé. A Paris, la
période des grands travaux entrepris par Haussmann transforme le paysage
urbain : les réseaux d'eau potable et de tout-à-l'égout
font alors, peu à peu, leur apparition. Les égoutiers
enlèvent les boues. On aménage les voies pour qu'elles soient
nettoyées facilement et le ruisseau central est rejeté sur les
côtés de la chaussée : les caniveaux sont
créés. Une invention célèbre. En 1884,
Eugène Poubelle, Préfet de Paris, ordonne le dépôt,
devant les portes, des ordures ménagères dans des
récipients spéciaux munis d'un couvercle. Elles ne sont alors
plus éparpillées dans la rue avant d'être ramassées
par les services municipaux. La poubelle est née ! Avec
déjà l'idée d'un tri sélectif ! Paris montre la
voie et dispose de centres de traitement de déchets
35 Solidarité Laïque avec le soutien du
Fonds MAIF pour l'éducation, version actualisée de 2013
36 Ibid
34
particulièrement performants dès 1896. Des
ouvriers qui se trouvent directement dans la fosse attirent la boue dans un
transporteur tandis que des chiffonniers récupèrent les papiers,
chiffons, os, boîtes de conserve... et que d'autres ouvriers retirent les
ferrailles, poteries, tôles émaillée afin de ne laisser
passer que les matières utiles à l'agriculture. Cette terre
détrempée, cette « gadoue » triée est ensuite
broyée et transformée en engrais. Tout ce qui ne peut être
vendu à l'agriculture est détruit dans des fours qui produisent
de la vapeur et de l'électricité. Au niveau des pratiques
agricoles et du travail des chiffonniers, les réalités changent.
Ainsi, les agriculteurs deviennent de plus en plus réticents à
utiliser les boues des villes. La peur des maladies, la modification des
déchets et l'apparition des engrais chimiques rendent ces boues moins
désirables. Quant aux chiffonniers, l'utilisation de la pulpe de bois au
lieu des chiffons pour produire le papier remet en cause l'utilité de ce
corps de métier qui disparaît petit à
petit37...
1.7-Dechet au XXème siècle
Quand matériaux, techniques et matières
s'emmêlent et s'en mêlent... les déchets sont de plus en
plus divers... Le nucléaire : la première pile nucléaire
fonctionne à Chicago le 2 décembre 1942. Le projet Manhattan mis
sur pied par les États-Unis aboutira à la fabrication de la bombe
atomique, expérimentée le 16 juillet 1945 et employée
contre le Japon (Hiroshima et Nagasaki). L'énergie nucléaire sera
ensuite appliquée à la propulsion des bateaux. Les
premières centrales nucléaires sont mises en service en 1957
(Chinon en France). Aciers et alliages : la métallurgie s'est
développée à partir des années 1950 dans les aciers
à haute résistance : les alliages
industriels nés du besoin de certaines techniques sont
de plus en plus performants. Les matériaux de synthèse : ils
voient le jour entre les deux guerres mondiales grâce à de
nouveaux procédés de distillation du pétrole. Pendant la
Seconde Guerre mondiale, la recherche
37 Solidarité Laïque avec le soutien du
Fonds MAIF pour l'éducation, version actualisée de 2013.
35
technologique s'intensifie pour suppléer à la
raréfaction des matériaux naturels : la fabrication des
matériaux de synthèse (caoutchoucs de synthèse,
polyesters, polyéthylène, silicones) devient massive vers
195038. Les plastiques : ils apparaissent, en 1865, avec le
Celluloïd mais leur véritable développement commence vers
1960. Leur production, depuis 1980, dépasse en volume celle des
métaux. Aujourd'hui, les plastiques sont présents dans tous les
domaines de l'activité humaine, depuis l'emballage jusqu'à la
fusée interplanétaire; aussi pouvons-nous désormais nous
considérer comme entrés dans « l'âge des plastiques
». Les composites : depuis la fin du XXe siècle, ils sont
réalisés selon des alliages propres qui modifient les
propriétés de matériaux traditionnels (verre,
céramiques, métaux, plastiques) ou qui sont à l'origine de
nouveaux matériaux. Agriculture et chimie : le secteur agricole est
devenu au XXe siècle de plus en plus dépendant de l'industrie :
le machinisme agricole, les engrais chimiques et les pesticides, la prise en
compte des besoins des consommateurs ont transformé une production
paysanne en industrie agroalimentaire et de plus en plus nombreux !
Dans les années 1960, la consommation est devenue reine
: les déchets ont donc été multipliés par 10 avec
l'industrie chimique et les nouvelles matières, surtout les plastiques.
Depuis, nous avons versé dans l'ère du jetable (stylos, rasoirs,
piles....) et du prêt à consommer : restauration rapide,
lingettes, plats cuisinés emballés, légumes pré
cuits emballés ont conduit au doublement des déchets
ménagers39. Les changements sociaux expliquaient aussi en
partie l'augmentation des déchets : les foyers célibataires comme
le nombre de portions et d'emballages individuels ont fait un bond ! Depuis
longtemps déjà, les industriels cherchent à réduire
le poids des emballages. Ainsi, le poids d'un pot de yaourt vide en
polystyrène a été réduit de moitié entre
1970 et 1990. Depuis 1998, un décret stipule que le poids et le volume
d'un emballage doivent
38 Solidarité Laïque avec le soutien du
Fonds MAIF pour l'éducation, version actualisée de 2013.
39 Ibid
36
être limités au minimum nécessaire tout en
assurant l'ensemble de ses fonctions. (ADEME, guide mieux jeté, mieux
trié). Mais les emballages remplissent toujours nos poubelles !
Heureusement en France, cette tendance s'inverse enfin depuis 2005 avec un
changement des mentalités et des comportements plus raisonnés.
Depuis peu, on assiste à une tendance baissière des
déchets - à mettre en regard avec l'augmentation de la mise en
déchetterie- qui atteste de nouvelles pratiques quotidiennes de
consommation, de gestion des biens et d'une prise de conscience collective plus
durables. Le geste de tri est également entré durablement dans le
quotidien des habitants40. En 1907 à Paris, il existe quatre
usines pour traiter les déchets de l'agglomération
appelées "usines de broyage et d'incinération". Dans certains
pays européens, on s'oriente de plus en plus vers l'incinération
des déchets. Après des siècles de mauvaise hygiène,
on mise aveuglément sur les vertus purificatrices du feu. Par la suite,
on se rendra compte des problèmes de pollution de l'air que cette
méthode comporte. Dans d'autres pays, on se tourne plutôt vers
l'enfouissement des résidus. C'est le cas au Canada et aux
États-Unis. Après la Seconde Guerre mondiale, les sites
d'enfouissement sanitaire connaissent un essor foudroyant. Puis, les
récessions économiques et la prise de conscience que nos sacs
verts contiennent des ressources incroyables ramènent, à la page,
les activités de la récupération et le recyclage...
Aujourd'hui, la récupération et le recyclage prennent de
multiples visages. Mais si la collecte municipale des déchets
ménagers s'est peu à peu développée dès la
fin du XIXe siècle dans les grands centres urbains, elle est
restée pratiquement inexistante dans les communes rurales jusqu'à
récemment. La gestion des déchets ne faisant pas l'objet d'une
réglementation nationale, chaque commune s'organisait comme elle
l'entendait. A l'heure actuelle, la plupart des municipalités ont un
programme de collecte du papier, du verre, du plastique et du métal. Il
y a encore des gens démunis et des brocanteurs qui font le tour des rues
et ruelles avant les collectes
40 Solidarité Laïque avec le soutien du
Fonds MAIF pour l'éducation, version actualisée de 2013.
37
de déchets. Ainsi il aura fallu attendre près
d'un siècle entre l'invention de la poubelle et la mise en place d'une
véritable collecte et de lieux de stockage des déchets ! En
France, la première grande loi-cadre sur la gestion des déchets a
été promulguée le 15 juillet 1975. Elle instaure
l'obligation pour chaque commune de collecter et d'éliminer les
déchets des ménages. À Paris, il faudra attendre novembre
1997 pour qu'une expérience de collecte sélective en porte
à porte soit proposée dans un arrondissement. La
généralisation de cette collecte sélective débute
en juin 2000 dans 5 arrondissements. Depuis fin 2002, la collecte
sélective est installée dans tous les arrondissements.
Malgré les dispositions de la loi de 1975, des déchets
ménagers étaient envoyés en décharge, ce qui
représentait un énorme gaspillage de matières
premières et des risques de pollution. Le gouvernement instaure alors
une nouvelle loi en 1992, la loi « Royal » définit de
nouvelles règles de gestion des déchets et interdit la mise en
décharge. Au même moment, dans de nombreuses communes
françaises, la société Eco- Emballages
(agréée par les pouvoirs publics) lance un programme de
récupération et de valorisation des déchets d'emballages
ménagers et les industriels payent une taxe pour financer
l'élimination de leurs déchets et obtenir le logo
vert41. Les déchets deviennent source de matière
première et d'énergie, ils sont valorisés. Mais le «
total recyclage » n'existe pas, ni le « zéro déchet
». Que deviennent alors ces déchets qu'on appelle «
déchets ultimes » interdits depuis 2002 par la législation
de mise en décharge ? Problème : dans les années 70, jeter
une tonne de déchets ménagers dans une décharge
coûtait 50 euros, aujourd'hui, ces ordures, triées,
recyclées, valorisées reviennent à 250 euros la tonne
(sans parler du coût des déchets industriels
dangereux...)42. Même si le secteur du tri, de la
dépollution est un secteur créateur d'emplois et de
compétitivité technologique, la recherche et ces services sont
très onéreux pour les communes. Les collectivités locales
et territoriales peinent
41 Solidarité Laïque avec l'aide du Fonds
MAIF pour l'éducation, version actualisée de 2013.
42 Ibid
38
à faire face à la quantité de
déchets à cause essentiellement du « boom de l'emballage
» : pas assez de sites d'enfouissement (solution alternative à la
décharge !), de recyclages, d'incinérateurs... Pourtant il le
faudra bien. Au plan national, la loi de programmation n° 2009967 du 3
août 2009 relative à la mise en oeuvre du Grenelle Environnement
conforte la priorité accordée à la réduction des
déchets. Cette priorité doit être envisagée
dès la fabrication du produit (dans une logique d'éco conception)
mais également lors de sa distribution.
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