CONCLUSION
Le choix de notre sujet de mémoire a été
guidé à la fois par la curiosité et la volonté de
découvrir l'histoire d'une nouvelle technologie. La blockchain
n'a encore fait l'objet que de peu de recherches. Ces dernières portent
principalement sur l'aspect technique de l'informatique ou de la cryptographie,
ou sur l'aspect monétaire du bitcoin. Notre approche a été
celle des liens économiques avec l'entreprise, des incertitudes et des
risques inhérents, mais aussi des apports à la croissance de la
valeur de celle-ci.
Les nouveaux outils mis à la disposition des dirigeants
par l'intermédiaire des smart contracts représentent une vague
d'innovation de grande amplitude qui est à même de bouleverser les
échanges internationaux. Les sociétés qui commencent
à se les approprier ont pour objectifs de s'engager dans une refonte des
rouages à la fois de leur organisation et aussi de leurs relations avec
leurs fournisseurs et clients.
La société de consommation du
XXIème siècle a développé des exigences
de sécurité, de transparence et de traçabilité
envers l'ensemble des produits à sa disposition.
Pour preuve, entre 2016 et 2017, plusieurs secteurs majeurs de
l'économie internationale (l'agroalimentaire, les transports maritimes)
ont porté une attention grandissante à cette technologie
innovante. Des sociétés comme Walmart aux USA, Alibaba en Chine,
ou Carrefour en France mettent, en place des blockchains pour créer des
chaînes logistiques numériques.
Bien sûr ces entrepreneurs savent qu'en intégrant
ces nouveaux processus ils ne règleront pas toutes leurs
difficultés. Il est toutefois incontestable que le suivi en temps
réel, grâce à des capteurs électroniques fiables,
réduira les fraudes, la contrefaçon et les « disparitions
» de palettes ou de conteneurs. L'historique de leurs parcours, inscrit
sur la blockchain, codé, horodaté et infalsifiable, facilitera la
détection de l'incident qui retarde voire invalide une livraison. Les
données sont consultables par l'ensemble des parties concernées
par la transaction. La réactivité, qui sera d'autant plus rapide,
permettra de trouver des solutions moins coûteuses et plus
appropriées que si un long délai s'était
écoulé, en réponse à des aléas climatiques,
une rupture de chaîne du froid et un ralentissement sur le temps de
parcours.
Les premiers résultats tangibles de l'utilisation de la
technologie apparaissent dans la diminution des frais de fonctionnement, la
réduction des délais, les recours aux tiers de confiance moins
fréquents.
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Les apports de blockchain paraissent prometteurs dans les
secteurs de la supply chain (logistique de l'approvisionnement). En
particulier, le secteur du transport maritime des conteneurs est actuellement
soumis à une très fréquente et nombreuse production de
documentation pour justifier l'origine, le trajet et la destination finale des
marchandises. Le port de Rotterdam (source Blockchain France) a commencé
à tester l'utilisation de la blockchain pour simplifier et
sécuriser son organisation. Ce projet d'envergure a pour champ
d'expérimentation les parcours des bateaux qui doivent faire subir
à leur cargaison en moyenne 30 contrôles avec visa sur support
papier. La rationalisation et la numérisation des données va de
toute évidence simplifier ces contrôles en les automatisant. Le
coût de traitement et d'administration représentant
1/5ème des coûts de fret maritime, à terme, ce
sont des économies de plusieurs milliards qui sont attendues.
Compte tenu du poids économique et de l'implication
d'entreprises de niveau international, il sera particulièrement
intéressant que des études soient menées pour analyser les
résultats et les conséquences de ces bouleversements dans le
commerce maritime.
Après quelques années de pratique, les
procédures vont sans doute se perfectionner et se diversifier et seront
utiles alors à ces établissements précurseurs pour se
différencier de leurs concurrents.
Certes, l'enjeu commun à la création de ces
blockchains est d'instaurer ou de renouer la confiance entre les partenaires.
La qualité et l'authenticité de leurs produits et la
fiabilité de leurs services feront d'autant plus partie de leur image
qu'elles la valoriseront. La start-up Everledger utilise la blockchain en
rendant possible le suivi d'un diamant de son extraction à sa ou ses
vente(s) successive(s) en inscrivant ces données de manière
incorruptible dans le registre crypté et décentralisé.
Cette particularité diminue le risque de fraude par rapport à des
certifications papiers (modifiables) en dépôt chez un seul
détenteur, tiers de confiance (faillible). Elle développe pour
ses clients diamantaires des critères d'expertise augmentant la
qualité de ses services par rapport à celles de ses
concurrents.
En conclusion, nous reprenons les interrogations de Patrick
Waelbroeck, professeur à Télécom ParisTech,
publiées en août 2017, dans le cahier de veille de la Fondation
Mines-Télécom. « De par sa nature
décentralisée, la technologie blockchain nourrit les espoirs de
forger une confiance robuste entre les acteurs économiques. Mais bien
qu'elle présente des atouts uniques, elle n'est pas non plus parfaite.
Comme pour toute technologie, le facteur humain est à prendre en compte.
À lui seul, il justifie de considérer avec
précaution
le plébiscite formulé à
l'égard de la blockchain, et de rester vigilant sur les arbitrages
effectués par les communautés de décideurs
»98.
Bien loin d'être uniquement techniques, les enjeux de la
blockchain ont trait à la gouvernance et à la définition
même des solutions qui permettront de répondre à la
question de confiance dans les interactions humaines. Certes, mais il faudra
qu'elle tienne aussi sa promesse la plus ambitieuse, celle d'être un
outil de relation d'égal à égal au service de tous.
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98 Waelbroeck, P. (2017), Les enjeux économiques de la
blockchain, Réalités Industrielles, Annales des Mines,
août.
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