3. Aide MultiCritère à la Décision via
un Système d'Information Géographique
L'aide multicritère est définie par Chakhar
[2006] comme suit : « l'aide multicritère à la
décision vise à fournir à un décideur des outils
lui permettant de progresser dans la résolution du problème de
décision où plusieurs points de vue, souvent contradictoires,
doivent être pris en compte ». Les méthodes d'Aide
MultiCritère à la Décision (AMCD) résolvent le
problème de la multiplicité des facteurs. Les SIG ajoutent
à l'AMCD les capacités de gestion et d'analyse de données
à références spatiales, ainsi qu'un outil pour
représenter les résultats visuellement [Chakhar, 2006].
Malczewski [2006] liste 319 travaux qui ont intégré SIG et AMCD
durant la période 1990-2004, dans le domaine de la science,
planification urbaine, environnement, transport, agriculture, écologie,
télédétection, biologie et ingénierie [Malczewski,
2006].
La protection de l'environnement, la nuisance, le gaspillage
des ressources financières, etc. sont généralement les
principales causes d'annulation ou de suspension d'un projet [Polatidis et
Morales, 2016]. Par conséquent, des acteurs impliqués peuvent
empêcher un projet éolien planifié sur le plan
théorique de s'exécuter [Ibid.].
Le SIG est un outil d'aide à la décision dans
les domaines dédiés à l'énergie éolienne.
Ainsi, la base des données d'entrée est constituée par des
dizaines de paramètres à évaluer (carte des vitesses des
vents, distance aux routes, etc.), et le résultat des traitements et des
analyses est la carte finale des sites optimaux à l'implantation
d'éoliennes.
3.1 Contraintes et critères d'implantation
d'éoliennes
L'évaluation de l'énergie éolienne est
souvent difficile car il s'agit d'une notion subjective. Certaines
études en Europe et aux États-Unis ont montré que la
perception de l'énergie éolienne comme source d'énergie
100% propre et renouvelable dépasse l'impact visuel [Ouammi et
al., 2012]. D'autres études trouvent cela inesthétique et
d'autres considèrent qu'il peut s'agir du syndrome NIMBY5. Il
est donc nécessaire d'effectuer une étude préliminaire
pour le choix du site d'implantation des éoliennes, en suivant certaines
normes pour éviter les barrières économiques,
environnementales et psychologiques.
On distingue deux types de variables dans l'approche
multicritère : les contraintes et les critères. Les contraintes
regroupent les restrictions naturelles ou artificielles [Chakhar, 2006], et
excluent de l'analyse les sites considérés comme strictement non
appropriés au développement d'un projet [Hansen, 2005]. Par
exemple, il existe des lois qui interdisent d'implanter un parc éolien
dans les zones urbaines, les zones protégées, les sites d'une
valeur historique, sur les infrastructures hydrauliques, etc.
[Sánchez-Lozano et al., 2016]. Au-delà des contraintes,
les critères (appelés aussi facteurs) permettent d'évaluer
un site, ils sont associés à des paramètres
5 « Not In My BackYard » signifiant « pas dans
mon arrière-cour », c'est le syndrome de la personne voulant tirer
profit d'un projet mais tout en étant loin de son environnement.
23
de préférence (ex. poids, seuils de
discrimination, etc.) en fonction de leur importance [Chakhar, 2006]. Ce sont
les séries de contraintes et de critères environnementaux,
économiques et sociaux qui évalueront les différents sites
[Gigoviæ et al.,, 2017].
La bibliographie que nous avons choisie concerne surtout
l'analyse multicritère traitée via un outil
d'information géographique afin de trouver un site potentiel pour
bénéficier de l'énergie éolienne. Une recherche
bibliographique à partir du catalogue et des bases de données
bibliographiques disponibles est synthétisée dans le Tableau 3.
Il s'agit des critères et des contraintes susceptibles d'être pris
en compte pour le développement d'un gisement éolien. Cela
dépend des pays, essentiellement des décisions politiques,
économiques, environnementales et sociales.
Ce tableau nous a permis de choisir des paramètres
pertinents pour notre étude. La colonne de gauche indique les facteurs
cités dans la littérature, et les colonnes suivantes le seuil
pour qu'un site soit potentiel. Les couleurs désignent le niveau
d'exigence par élément.
24
Tableau 3 : Limites d'implantation d'un parc éolien
évoquées dans la littérature
Données : Synthèse bibliographique
réalisée à partir de
Baban et Parry, 2001 ; Bennui et al., 2007 ; Aydin et al.,
2010 ; Jeffry D. Harrison, 2012 ; Mentis, 2013 ; Gass et al., 2013 ; Miller et
Li, 2014 ; Latinopoulos et Kechagia, 2015 ; Atici et al., 2015 ; Noorollahi et
al., 2016 ; Anwarzai et Nagasaka, 2017 ; Gigoviæ et al., 2017
25
Nous remarquons que les contraintes sont à peu
près les mêmes dans les douze travaux mentionnés. Les
nuances des seuils entre les pays sont en lien avec les aménagements et
les planifications territoriales et paysagères. Elles sont plus ou moins
rigoureuses d'une région à une autre selon des enjeux locaux.
Par exemple, la Turquie et l'Iran sont situés dans des
zones à hauts risques sismiques, le facteur de proximité aux
failles est étudié pour des raisons de sécurité
mais avec un faible poids par rapport aux autres facteurs [Atici et
al., 2015 ; Noorollahi et al., 2016]. La structure
géomorphologique karstique a été exclue de l'étude
sur la région située entre Washington State et l'Oregon, puisque
les risques liés au développement de cette formation sont
variés. Le karst est instable et vulnérable pour être
développé en souterrain par des cavités et des grottes
(phénomène de dissolution), et ainsi induire des effondrements
[Jeffry D. Harrison, 2012]. Bennui et al. [2007] sont les plus
exigeants sur la distance entre un parc éolien et les espaces ruraux
(> 2 500 m) et urbains (> 1 000 m). Leur choix peut être lié
aux vastes espaces ruraux et peuplés de la Thaïlande. Autre
exemple, la législation turque impose des seuils concernant la pollution
sonore, la sécurité, les réserves naturelles et la
dimension des surfaces occupées par les éoliennes [Atici et
al., 2015]. En revanche, elle considère les forêts comme
sites potentiels [Aydin et al., 2010].
Aucune distinction entre les types des routes n'est faite dans
les articles cités, mais la distance aux axes principaux doit être
supérieure à la distance aux routes secondaires et routes
montagneuses [Noorollahi et al., 2016].
Nous avons choisi douze normes pour l'installation
d'éoliennes au Liban : la distance aux routes, aux villes, à
l'habitation, aux réseaux électriques, aux rivières, aux
lacs, aux patrimoines culturels, aux forêts et réserves, aux
aéroports, la vitesse du vent, la pente et l'élévation.
Elles seront développées dans la partie suivante.
|