Annexe 2 : article sur la gestion des
résultats
Extrait d'interview :
Enseignante-chercheuse en sciences de gestion, Marie-Anne
Verdier appelle à examiner les comptes des entreprises au-delà
des discours de communication.
Marie-Anne Verdier, Enseignante-chercheuse au
LGCO (université de Toulouse-III)
Comment des entreprises peuvent-elles présenter des
résultats qui semblent mauvais sur le plan comptable si elles ne sont
pas en difficulté économique?
Marie-Anne Verdier : Les résultats
comptables permettent de construire une réalité
économique, mais ceux-ci ne sont pas la réalité. Ce ne
sont pas nécessairement les chiffres comptables qui parlent
d'eux-mêmes et qui imposent la décision de licencier. C'est
souvent la volonté de licencier des grands groupes qui va les amener
à construire une réalité économique
dégradée à travers des chiffres comptables. La plupart du
temps, les comptes ne sont pas manipulés. Sauf quand il s'agit
d'entreprises qui procèdent à des suppressions d'emplois. Dans ma
thèse (qui analyse les comptes de 107 entreprises cotées en
France ayant procédé à des réductions d'effectifs -
NDLR), j'ai montré que les grandes sociétés qui annoncent
des suppressions d'emplois ou des licenciements ont plus tendance à
manipuler leurs comptes à la baisse que celles qui ne détruisent
pas d'emplois. Cela ne va pas s'arranger avec la loi travail, qui met en avant
des indicateurs illusoires pour justifier des licenciements économiques,
comme une baisse temporaire de chiffre d'affaires ou de commandes qui ne permet
pas de juger de la santé économique réelle d'une
entreprise.
Quels sont les artifices qui permettent à ces
entreprises de noircir le tableau?
Marie-Anne Verdier : Les
dépréciations d'actifs et les provisions sont les deux postes
principaux qui peuvent être utilisés pour gérer des
résultats à la baisse. Quand PSA procède à plus de
4 milliards d'euros de dépréciations d'actifs et à 500
millions d'euros de provisions pour l'exercice 2012 (année de l'annonce
de la fermeture de l'usine d'Aulnay-sous-Bois et de 8 000 suppressions
d'emplois - NDLR), cela l'amène à présenter des pertes de
5 milliards d'euros, c'est un jeu d'écritures comptables. Ses
dépréciations d'actifs correspondaient au fait
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Gestion stratégique des résultats,
structure de l'actionnariat et gouvernance d'entreprise : une étude
appliquée aux PME défaillantes du secteur agricole
française.
que PSA anticipait qu'elle ne disposerait plus de l'usine
d'Aulnay et ses provisions couvraient notamment le coût du plan social.
Mais on peut mettre un peu tout ce qu'on veut dans des provisions: cela peut
aussi bien relever de l'anticipation de dégâts environnementaux
que d'indemnités éventuelles à payer aux prud'hommes en
cas de recours des salariés. Ces dépréciations d'actifs ou
ces provisions doivent par la suite être réintégrées
en produits, les années suivantes, ce qui gonfle artificiellement les
résultats futurs et contribue à justifier la restructuration a
posteriori.
Comment expliquer que ces chiffres comptables aient pris
autant de pouvoir?
Marie-Anne Verdier : Depuis le début
des années 2000, le discours politique et médiatique autour des
restructurations a largement contribué à ce que les
salariés intègrent l'argumentaire financier. Par manque de
compétences ou d'objectivité, de nombreux journalistes dans les
grands médias reprennent les chiffres tels qu'ils sont
communiqués par la direction, sans regard critique. Et relèguent
le point de vue syndical au second plan. Cela va de pair avec une
prépondérance du discours économique sur le discours
social. Cela amène les salariés concernés eux-mêmes
par des suppressions de postes à se résoudre à accepter la
situation à tort.
Source : Entretien réalisé par Loan Nguyen
Vendredi, 17 Février, 2017
L'Humanité.fr
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