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Le régime juridique de la double nationalité en droit burundais


par Jean-Baptiste BARUMBANZE
Université du Lac Tanganyika - Licence 2011
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE DU LAC TANGANYIKA (ULT)

FACULTE DE DROIT

LE REGIME JURIDIQUE DE LA DOUBLE NATIONALITE EN DROIT BURUNDAIS

par :
Jean-Baptiste BARUMBANZE
et
Caritas NTARIMA

Sous la direction de :

M. Audace NIYONDIKO

Mémoire présenté et défendu

publiquement en vue de l'obtention du grade de Licencié en Droit

Bujumbura, janvier 2011

DEDICACES

A mes père et mère.

A mes frères et soeur.

A mes neveu et nièces.

A mes frères et soeurs membres de la Communauté de l'Emmanuel.

Jean-Baptiste BARUMBANZE.

Caritas NTARIMA.

A mes père et mère.

A mon époux.

A mes enfants.

Aux familles de mes frères et soeurs.

Enfin, à tous nos amis et connaissances qui ont agrémenté notre vie estudiantine, nous disons sincèrement merci.

REMERCIEMENTS

Ce travail n'aurait pas abouti s'il n'avait pas bénéficié du concours de plusieurs personnes auxquelles nous tenons à exprimer nos sentiments de profonde gratitude.

Nous remercions vivement toutes les personnes qui, de l'école primaire à l'université, ont participé à notre formation tant humaine qu'intellectuelle et plus particulièrement, tous les professeurs de la faculté de Droit à l'Université du Burundi et à l'Université du Lac Tanganyika.

Nos sentiments de reconnaissance vont également à l'endroit de Monsieur Audace NIYONDIKO, notre directeur de mémoire, qui, malgré ses multiples obligations a spontanément accepté de guider nos premiers pas de chercheurs. Ses conseils avisés et sa rigueur scientifique nous ont été d'une grande contribution.

Nous adressons nos sincères remerciements à tous les responsables des différents services qui nous ont fourni des renseignements et une documentation utiles à l'aboutissement de ce travail. Nous pensons notamment au directeur de la diaspora, au chef du service des archives, au conseiller chargé des affaires juridiques au Ministère des relations extérieures et de la coopération internationale, au président du Tribunal de Grande Instance en Mairie de Bujumbura et aux présidents des Tribunaux de Résidence de Rohero et de Nyakabiga.

Nous nous devons, en outre, d'être reconnaissants à l'égard de toutes les personnes qui, pour leur soutien inestimable, ont contribué à notre plein épanouissement.

Que ce travail soit le couronnement des efforts de toutes les personnes qui, par leur encouragement et leur soutien matériel, ont participé à sa réalisation. Nous mentionnons notamment la famille GATOGATO Emmanuel, Monsieur MANIRAKIZA Jean-Berchmans, Madame NAHAYO Dorothée ainsi que les familles NTARIMA, NKANIRA et NDIKUMASABO Etienne.

SIGLES ET ABREVIATIONS

1. A.G.N.U. : Assemblée Générale des Nations-Unies

2. Al. : Alinéa

3. Art. : Article (s)

4. B.O.B. : Bulletin Officiel du Burundi

5. C. : Contre

6. Ch. Civ. : Chambre Civile

7. C.I.D.E. : Convention Internationale sur les Droits
de l'Enfant

8. C.I.J. : Cour Internationale de Justice

9. Cod. Nat. : Code de la Nationalité

10. C.P.F. : Code des Personnes et de la Famille

11. C.P.A. : Cour Permanente d'Arbitrage.

12. D. : Décret

13. D.I. : Droit International

14. (dir.) : (sous la direction de)

15. D.-L. : Décret-loi

16. D.U.D.H. : Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme

17. éd. : édition

18. etc. : et cætera

19. G.M. : Guerre Mondiale

20. H.C.R. : Haut Commissariat pour les Réfugiés

21. Ibid. : Ibidem (même ouvrage, même auteur,
même page)

iv

22. L.G.D.J. : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence

23. Lit. : Litera

24. L.S.R.G.L.A. : Librairie de la Société du Recueil

Général des Lois et des Arrêts

25. n° : numéro

26. N.U. : Nations-Unies

27. O.M. : Ordonnance Ministérielle

28. Op. cit. : Opere citato (ouvrage déjà cité)

29. O.P.U. : Office des Publications Universitaires

30. p. : page

31. P.I.D.C.P. : Pacte International relatif aux Droits
Civils et politiques

32. pp. : De la page...à la page...

33. P.U.F. : Presses Universitaires de France

34. U.L.T. : Université du Lac Tanganyika

35. U.N.E.S.C.O. : United Nations for Educational,
Scientific and Cultural Organization (Organisation des Nations-Unies pour l'Education, la Science et la culture)

36. T. : Tome

37. Voy. : Voyez

Si l'acquisition de la nationalité revêt incontestablement des intérêts pour l'acquéreur, il en va encore davantage de la double nationalité.

1

INTRODUCTION GENERALE

La double nationalité ou la binationalité est le produit objectif des mutations économiques et culturelles s'opérant à l'échelle du monde. La circulation des hommes, des produits et des idées, la grande mobilité sociale et professionnelle, l'installation massive et durable de populations étrangères issues d'aires géographiques et culturelles différentes, en particulier dans les pays d'Europe occidentale, sont autant de facteurs et de motifs qui favorisent le phénomène et le rendent incontournable. Cela est d'autant plus évident que même le Burundi a senti cette nécessité de reconnaître, dans sa législation, la double nationalité comme un droit que quiconque remplit les conditions déterminées par la loi peut exercer.

Bien évidemment, le Burundi n'étant pas un îlot et devant évoluer par rapport au monde contemporain, le besoin s'est fait sentir de faire de l'évolution du droit de la nationalité sa préoccupation. Le législateur burundais a ainsi adopté la loi n°1/013 du 18 juillet 2000 portant réforme du code de la nationalité modifiant le D-L n°1/93 du 10 août 1971 portant code de la nationalité burundaise qui interdisait la double nationalité. De là, la matière de la nationalité en droit burundais a connu une importante modification législative, car la loi précitée venait consacrer le principe de la double nationalité qui, sous l'empire de l'ancienne loi, faisait défaut.

Ainsi, cette loi, à travers son article 1er, alinéa 4 admet formellement le principe en vertu duquel toute personne qui le désire peut avoir la double nationalité si elle remplit les conditions déterminées.

Par contre, l'article 1er litera a bis du D-L n°1/93, disposait que « La nationalité burundaise se perd à (...) l'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère ».

De même, en énumérant les conditions de recevabilité de la demande en naturalisation, l'article 9 du même D-L énonçait, en son litera c que « la loi nationale de l'intéressé ne peut pas lui permettre de conserver son ancienne nationalité en cas d'acquisition d'une nouvelle ».

De ce qui précède, nous nous permettons de conclure que la double nationalité était totalement interdite sous l'empire de l'ancienne loi sur la nationalité.

2

L'intérêt de l'étude du régime juridique de la double nationalité en droit burundais est donc évident.

Inversement, la question de conflits de nationalités, en l'occurrence, les conflits positifs, est une problématique que suscite la double nationalité. Comment, par exemple, sera résolu le problème du respect du devoir de fidélité que chacun des Etats dont les intéressés ont la nationalité est en droit d'attendre de ses ressortissants, si ces Etats sont en guerre ? Comment l'intéressé pourra-t-il exercer son service militaire pour deux Etats en même temps ? Lequel des Etats est le plus habilité à exercer la protection diplomatique en faveur de leurs ressortissants ? Quel sera, en outre, le comportement de l'Etat national de l'individu lésé si la responsabilité incombe à l'autre Etat dont la victime a également la nationalité ?

Il se pose, enfin, un autre problème toujours lié au cumul de nationalités, celui de la loi applicable au statut personnel d'un binational.

C'est à toutes ces questions que nous nous attèlerons de répondre au cours de notre travail.

Nous allons essayer de cerner les contours de la notion de nationalité, de la double nationalité et ses différentes causes, ses avantages et ses inconvénients ainsi que les solutions proposées pour résoudre certaines questions qu'elle pose.

S'agissant de la méthodologie, nous exploiterons essentiellement les textes juridiques tant internes qu'internationaux.

Au point de vue du droit interne, outre la constitution en vigueur actuellement, tant de textes législatifs et réglementaires nous seront d'une grande utilité. Ainsi, en plus de la loi n°1/010 du 18 mars 2005 portant promulgation de la Constitution de la République du Burundi, la loi n°1/013 du 18 juillet 2000 portant réforme du code de la nationalité, elle-même modifiant le D-L n°1/93 du 10 août 1971, sera évidemment au centre de notre travail. Le décret n°100/156 du 14 octobre 2003 portant modalités pratiques d'acquisition de la nationalité burundaise par naturalisation, sans oublier le D-L n°1/024 du 28 avril 1993 portant réforme du Code des Personnes et de la Famille (C.P.F.) nous seront également d'une grande importance et biens d'autres textes juridiques.

3

Sur le plan international, nous ferons notamment recours à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (D.U.D.H.) du 10 décembre 1948 et à la convention de La Haye du 12 avril 1930 relative aux conflits de lois sur la nationalité.

Qui plus est, comme pour tout travail scientifique, nous allons interroger les auteurs ayant émis des arguments probants en matière de nationalité, en général, et de double nationalité, en particulier. Ainsi, la doctrine française et belge et bien d'autres dont les idées nous paraîtront utiles seront consultées.

Des institutions notamment certains services du ministère des relations extérieures et de la coopération internationale, les tribunaux de grande instance et de résidence nous seront d'une grande utilité. La jurisprudence tant nationale qu'étrangère, en matière de double nationalité nous sera aussi d'une importance capitale.

Les sites internet retiendront également notre attention. Le présent travail comprend trois chapitres.

Le premier chapitre est consacré à l'étude des notions générales sur le droit de la nationalité. Le premier objectif est de définir certaines notions-clefs dont la compréhension nous met sur les rails de celle de la nationalité, en général et de la double nationalité, en particulier. Le second est de fournir les différents motifs qui sous-tendent l'acquisition de la nationalité. Enfin, ce chapitre nous permet de comprendre que la double nationalité, bien qu'elle ait été reconnue dans notre pays, n'est pas perçue de la même manière partout dans le monde.

Le deuxième chapitre est axé sur l'analyse des facteurs juridiques de la double nationalité. Le parcours de ce chapitre nous permet de savoir que la double nationalité est le résultat, soit de l'application simultanée des modes d'attribution de la nationalité, soit de l'acquisition de la nationalité par les différents modes prévus par la loi qui s'ajoute à la nationalité d'origine, soit même du recouvrement de la nationalité, étant entendu que l'intéressé doit, dans ce cas, conserver la nationalité qu'il avait acquise au moment de la perte de celle dont le recouvrement est entrepris.

Le troisième et dernier chapitre se focalise sur la problématique de la double nationalité et les différentes solutions aux conflits de nationalités.

Le travail se clôture par une conclusion générale.

4

CHAPITRE I. NOTIONS GENERALES SUR LE DROIT DE LA NATIONALITE

Une bonne compréhension de la nationalité en général, et de la double nationalité en particulier, suppose une étude des généralités sur la nationalité (section 1), des fondements de la nationalité (section 2) et des différentes positions adoptées par les Etats à l'égard de la double nationalité (section 3).

Section 1. Généralités sur la nationalité

Il est ici question d'une étude des différentes notions dont la compréhension s'avère nécessaire pour quiconque voudrait bien appréhender ce qu'est la nationalité.

§1. Notion

Saisir le sens de la notion de nationalité exige que celle-ci soit définie, que soient dégagés les principes qui la régissent, les éléments qui la composent et que sa nature juridique soit mise en lumière.

A. Définition

La nationalité se définit tant dans son sens juridique que dans son sens sociologique. La notion juridique de la nationalité se distingue ainsi de celle sociologique, même si les auteurs sont toujours en quête de leur coïncidence.1

1. Définition juridique

Aux termes de l'article 1er, alinéa 1er du code burundais de la nationalité, « La nationalité est le lien juridique et politique qui rattache un individu à la population constitutive d'un Etat souverain ».

1 Voy. B. AUDIT, Droit international privé, 4e éd., economica, Paris, 2006, p. 743 ; D. HOLLEAUX et alii, Droit international privé, Masson, Paris, 1987, p. 638 ; P. MAYER et V. HEUZE, Droit international privé, Montchrestien, Paris, 2007, p. 24 ; J. DERRUPPE, Droit international privé, 14e éd., Mémentos Dalloz, Paris, 2001, p. 13

5

Cette définition souligne un double lien, juridique et politique, qui existe entre un individu et la population qui constitue un Etat souverain et rejoint par là celle que nous propose le Dictionnaire du vocabulaire juridique selon laquelle la nationalité est une qualité détenue par chaque individu dont l'appartenance à une même communauté politique et territoriale est juridiquement reconnue par un Etat.2 La CIJ a caractérisé plus précisément la nationalité comme un lien juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d'existence, d'intérêts, de sentiments, jointe à une réciprocité de droits et de devoirs.3

Le concept juridique de nationalité se distingue du concept sociologique même si la coïncidence entre les deux est « souhaitable ».4

2. Distinction entre la nationalité juridique et la nationalité sociologique

La nationalité de fait dite aussi sociologique est l'appartenance à une communauté dont la notion relève de la sociologie, mais dont le juriste doit rappeler les traits essentiels pour définir et organiser en connaissance de cause la nationalité de droit.5 De ce qui précède, on remarque que les deux notions de nationalité ressortissent de deux domaines distincts : si la nationalité de droit relève du domaine juridique, la nationalité de fait relève d'un autre domaine, celui de la sociologie.

Ainsi, la nationalité au sens sociologique peut être définie comme le rattachement d'un individu à une nation entendue comme un peuple partageant certaines traditions, certains intérêts et certaines valeurs.6 La nationalité de fait qui sert normalement de support à la nationalité de droit, est elle-même liée à l'idée de nation7 et les deux notions « ne sont guère définissables ».8

2 R. CABRILLAC, Dictionnaire du vocabulaire juridique, 3e éd., LexisNexis Litec, Paris, 2008, p. 281

3 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p. 741

4 Voy. infra, p. 6

5 En ce sens, voy . H. BATIFFOL et P. LAGARDE, Droit international privé, T. I, 7e éd., L.G.D.J., Paris, 1981, p. 59

6 D. GUTMANN, Droit international privé, 2e éd., Dalloz, Paris, 2000, p. 242

7 D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 24

8 Ibid.

6

Le sentiment qui unit les membres d'un même pays peut se fonder sur les facteurs divers : la race, la religion, l'idéal commun, la langue, la proximité géographique, l'histoire vécue ensemble, mais aucun d'eux n'est déterminant en soi et on ne connaît pas la composition du ciment qui soude un peuple pour en faire une nation.9

La doctrine affirme également que « (...) la nationalité résulte du fait qu'une certaine population a pendant un certain temps vécu sur un certain territoire et que cet état de fait a créé une certaine mentalité ».10 M. HAURIOU le précise bien lorsqu'il écrit que « la nationalité est une mentalité ».11 Donc, la nationalité de fait est le soubassement nécessaire de la nationalité de droit12 et la coïncidence entre les deux notions est le souhait de certains auteurs.13

3. Coïncidence souhaitable entre la nationalité de fait et la nationalité de droit

Il est souhaitable que la nationalité juridique coïncide avec la nationalité sociologique. Pendant des siècles, les populations ont été liées au territoire sur lequel elles vivaient et leur sujétion politique pouvait varier avec le sort de celui-ci, lui-même dépendant des vicissitudes militaires ou des alliances dynastiques.14

P. MAYER et V. HEUZE, lorsqu'ils énumèrent les objectifs inspirant la politique de l'Etat en matière de nationalité, abondent dans le sens de ce souhait quand ils soulignent qu'un premier objectif, général, est celui d'une coïncidence aussi parfaite que possible entre la nationalité de droit et la nationalité de fait.15 Pour eux, parlant de la législation française, le droit français de la nationalité sera parfait si toutes les personnes qui se sentent françaises et se comportent comme telles ont la nationalité française, et si aucune des personnes qui ne présentent pas ces caractères ne reçoit cette nationalité.16

9 D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 24

10 Ibid.

11 M. HAURIOU cité par B. AUDIT, op. cit., p.742 et P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 621

12 D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 24

13 Voy. supra, p. 4

14 B. AUDIT, op. cit., p. 742

15 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 638

16 Ibid.

7

De la sorte, la dimension horizontale de la nationalité selon laquelle « l'individu membre de la communauté nationale a des attaches avec ses compatriotes avec lesquels il partage une même histoire et une volonté de vivre ensemble »17 devrait aller de pair avec sa dimension verticale. Cette dernière dimension signifie que « l'individu est lié politiquement et juridiquement à un Etat dont il est ressortissant en vertu des règles posées par ce dernier ».18

Cependant, nous remarquons, et bien d'auteurs le soulignent, que la coïncidence tant souhaitée entre la notion juridique de nationalité et sa notion sociologique laisse à désirer. « On ne peut (...) admettre de façon absolue la subordination du concept juridique de nationalité au concept sociologique. Pratiquement, elle peut se révéler difficile à mettre en oeuvre lorsque plusieurs populations d'origine différente coexistent sur le même territoire. Politiquement, l'attribution de la même nationalité juridique à une population même hétérogène, possède des vertus tant pour la démocratie que pour la paix ».19

Précisons, par ailleurs, que l'existence des différents modes d'acquisition et de perte de la nationalité fausse la règle du jeu et les conséquences en sont connues. Ainsi, parlant du droit burundais de la nationalité, par exemple, un Burundais de fait peut ne pas l'être en droit ; un Burundais de droit peut être, en fait, étranger.20

A défaut donc de pouvoir parler de coïncidence entre la notion juridique et celle sociologique de nationalité, il serait logique de parler, sinon d'interdépendance, mais de complémentarité entre les deux notions. La nationalité de droit ne saurait exister sans la présence de certains éléments de fait qui lui servent de support,21 tout comme la nationalité de fait ne saurait se suffire à elle-même. La nationalité de droit est par là « l'expression juridique de la nationalité de fait ; en quelque sorte, la traduction de cette dernière sur le plan du droit ».22

17 P. COURBE, Droit international privé, HACHETTE Supérieur, Paris, 2007, p. 222

18 Ibid.

19 D. GUTMANN, op. cit., p. 242

20 Un Burundais qui perd sa nationalité devient étranger s'il avait une autre nationalité, étrangère tandis que certains éléments de fait l'attachent au Burundi. A l'inverse, un étranger qui acquiert la nationalité burundaise par naturalisation ou par mariage est burundais de droit bien que certains éléments de fait l'attachent à son Etat d'origine.

21 Voy. supra, p. 5

22 D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 24

8

Définir la notion de nationalité est d'une grande importance et il en va encore davantage de la compréhension des différents principes auxquels les Etats se conforment dans l'attribution du lien de nationalité.

B. Principes régissant l'attribution du lien de nationalité

En proclamant le droit reconnu à chaque individu d'avoir une nationalité, le droit international consacre un principe de nécessité d'une nationalité (1) et si c'est à l'Etat qu'il appartient de conférer cette dernière aux individus, celui-ci doit être souverain (2) et possède, en la matière, un pouvoir qu'il exerce en toute liberté (3).

Il importe, toutefois, de préciser que cette liberté est enfermée dans des limites qui tiennent aux engagements internationaux auxquels l'Etat est partie et au caractère effectif de la nationalité conférée par l'Etat à ses nationaux.

1. Principe de nécessité d'une nationalité

La DUDH du 10 décembre 1948 érige le droit à une nationalité en un droit fondamental de la personne humaine. En effet, aux termes de l'article 15 de la déclaration susvisée, « Tout individu a droit d'avoir une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité ».

Cette disposition condamne, en principe, les congés de nationalité,23 c'est-à-dire qu'elle condamne « toute institution en vertu de laquelle la nationalité se perd automatiquement en raison de la survenance de certains événements prévus par la loi comme devant entraîner la perte de nationalité ».24 Elle condamne, en outre, le principe d'allégeance perpétuelle,25 c'est-à-dire « toute situation de dépendance d'une personne (...) envers l'Etat dont elle a la nationalité »26 qui lui serait imposée toute sa vie durant.

23 F. RIGAUX et M. FALLON, Droit international privé, T. II, Droit positif belge, 2e éd., Larcier, Bruxelles, 1993, p. 29

24 J. DE BURLET, Précis de droit international privé congolais, Ferdinand Larcier, Kinshasa, 1971, p. 27

25 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 29

26 G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, 8e éd., P.U.F., Paris, 2000, p. 47

9

La Déclaration des droits de l'enfant du 20 novembre 1959 abonde dans le même sens et dispose, en son article 3, que « l'enfant a droit dès sa naissance à un nom et à une nationalité ». C'est la consécration du principe selon lequel la nationalité d'origine est un droit de l'homme.27

Il résulte de ces deux dispositions que la possession de la nationalité est le principe, le contraire étant l'exception. Par ailleurs, les cas d'apatridie devraient, sinon être supprimés, mais limités autant que possible car ils emportent de graves conséquences.

Les deux précédents textes sont de simples recommandations dépourvues comme telles de force normative et ils se sont vu reconnaître une valeur morale dans les relations internationales en raison même de la qualité de leur origine.28 C'est pour cette raison que les textes suivants revêtus « d'un caractère obligatoire »29 ont vu le jour : le PIDCP du 16 décembre 1966 et la CIDE du 20 novembre 1989.

Ces instruments juridiques prévoient tour à tour et respectivement que « Tout enfant a le droit d'acquérir une nationalité »,30 que « l'enfant est enregistré aussitôt sa naissance et a dès celle-ci (...) le droit d'acquérir une nationalité »31 et que « les Etats Parties veillent à mettre ces droits en oeuvre conformément à leur législation nationale et aux obligations que leur imposent les instruments internationaux applicables en la matière en particulier dans le cas où faute de cela, l'enfant se trouverait apatride ».32

Cependant, signalons pour ne pas exagérer que « le statut de national n'est pas inhérent à l'existence même de l'individu : il y a partout, de par le monde, des apatrides »,33 mais il serait raisonnable de soutenir l'idée selon laquelle « le droit à la nationalité est et reste un droit individuel de l'homme ».34

27 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 29

28 Ibid.

29 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 30

30 Art. 24, al. 3, PIDCP du 16 déc. 1966, http : //www2.ohch/french/law/ccpr.htm visité le 14 avril 2010 à 16h 10min.

31 Art. 7, al. 1er, CIDE du 20 nov. 1989, http : // www.droitsenfant.com/cide.htm visité le 14 avril 2010 à 15h 46min.

32 Art. 7, al. 2, convention précitée

33 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 30

34 Ibid.

10

C'est pour se conformer à ce principe de nécessité d'une nationalité et aux instruments juridiques internationaux auxquels ils sont parties que les Etats s'efforcent de légiférer en matière de nationalité,35 mais il faut qu'il s'agisse des Etats souverains au sens du droit international public.

2. Principe de souveraineté étatique

La souveraineté est, par définition, la « puissance suprême et inconditionnée dans laquelle l'ordre international reconnaît un attribut essentiel de l'Etat (...) ».36

Il est admis par le droit international public que seul un Etat souverain peut conférer une nationalité.37 L'attribution de la nationalité est un pouvoir reconnu à un Etat au sens international du mot, c'est-à-dire une personne morale reconnue par les autres Etats et ayant l'aptitude à représenter auprès de ces derniers les intérêts de ses nationaux.38

Cette affirmation renferme « le seul principe de droit international qui ait vraiment un caractère impératif ».39 Le principe que seul un Etat souverain peut se voir reconnaître le pouvoir d'octroyer la nationalité a pour corollaire la restriction du « pouvoir de chaque Etat de décider à quelles conditions sa nationalité s'attribue, s'acquiert, se perd et se recouvre sans qu'il puisse porter de norme relative à l'attribution ou à la perte d'une nationalité étrangère ».40 Nous pouvons donc dire qu'en matière de nationalité, le pouvoir de l'Etat se limite là où commence celui des autres.

Il se pose la question de savoir s'il est nécessaire que le gouvernement soit reconnu pour que la nationalité octroyée puisse produire ses effets sur le plan international. A cette question, on répond par la négative. Il suffit que l'Etat soit reconnu sans qu'il soit nécessaire que son gouvernement le soit.41 La doctrine donne l'exemple de la période qui a suivi la libération française.

35 Pour se conformer au principe de nécessité, le Burundi a pris soin de légiférer en matière de nationalité. Ainsi, la loi n°1/013 portant réforme du Code de la nationalité a vu le jour le 18 juillet 2000, elle-même modifiant le D.-L. n°1/93 du 10 août 1971 portant Code de la nationalité burundaise.

36 G. CORNU, op. cit., p. 829

37 D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 24

38 Y. LOUSSOUARN et alii, Droit international privé, 8e éd., Dalloz, Paris, 2004, p. 787

39 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 30

40 Ibid.

41 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 787

11

Ainsi, après la libération, le fait que le gouvernement provisoire n'était pas reconnu n'empêchait pas les Français d'avoir la nationalité française.42

Mais une seconde question se pose. C'est celle de savoir si la dimension de l'Etat compte pour que celui-ci puisse attribuer une nationalité opposable aux autres sujets de droit international. On répond que « la reconnaissance de l'Etat est la seule condition ; sa grandeur n'entre pas en ligne de compte ».43 On donne l'exemple de la nationalité monégasque et celui de la cité du Vatican qui donne une nationalité baptisée citoyenneté.44

Si la souveraineté des Etats est un préalable pour que ceux-ci puissent octroyer valablement la nationalité, il faut ajouter que ces mêmes Etats sont également libres dans la fixation des conditions d'attribution de la nationalité.

3. Principe de liberté étatique dans le choix des critères de nationalité

S'il est nécessaire que tout individu ait une nationalité, tout Etat souverain, lorsqu'il détermine les conditions d'octroi de la nationalité, agit en toute liberté. Le droit international général laisse à chaque législateur national la plus large liberté de choix des critères déterminatifs de la nationalité, tant pour l'attribution ou l'acquisition de cette nationalité que pour sa perte ou son recouvrement.45 La compétence de l'Etat est discrétionnaire et exclusive pour déterminer les conditions d'octroi de sa nationalité46 en ce qu'il est un principe universellement reconnu selon lequel chaque Etat est exclusivement compétent pour conférer sa propre nationalité, ce qui confère au droit de la nationalité un caractère « unilatéral ».47 C'est pour souligner le caractère exclusif de la compétence des Etats que la CIJ a affirmé que les questions de nationalité étaient comprises dans le domaine réservé.48

Cependant, si tout Etat dispose du pouvoir d'attribuer ou de retirer sa nationalité selon des critères qu'il estime appropriés, en application du principe sous analyse, il ne s'agit pas d'un pouvoir qu'il exerce d'une façon absolue. Il existe des exceptions à ce principe.

42 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 787

43 Ibid.

44 Ibid.

45 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 31

46 R. RANJEVA et C. CADOUX, Droit international public, E.D.I.C.E.F., Paris, 1992, p. 121

47 D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 23

48 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 625

12

C'est ainsi que l'Etat doit respecter ses engagements internationaux et qu'il devrait se conformer au principe de la nationalité effective.

Parlant de la première exception, ça se passe de tout commentaire que les Etats sont tenus d'exécuter les conventions qu'ils ont conclues. Il s'agit de l'application de l'adage « pacta sunt servanda».

La deuxième exception, le principe de l'effectivité de la nationalité, veut dire qu' « aucun Etat ne peut imposer sa nationalité à des personnes physiques qui n'auraient aucun lien ni avec son territoire ni avec ses sujets ».49

Précisons que ce principe de l'effectivité joue un rôle non moins important dans les solutions aux conflits de nationalités et nous aurons à y revenir dans nos développements ultérieurs.50

Pour que tout individu puisse avoir une nationalité, il faut qu'il y ait un Etat souverain qui la lui attribue et ce dernier exerce son pouvoir en toute liberté. Il y a donc, d'un côté, l'Etat qui donne cette nationalité et l'individu qui la reçoit, d'un autre côté. Mais, il ne faut pas oublier que la nationalité établit un lien entre l'Etat et l'individu.

C. Les éléments de la nationalité

La nationalité est attribuée par un Etat (1) à un individu (2) qui lui est attaché juridiquement et politiquement (3).

1. L'Etat donneur de nationalité

Le premier élément de la nationalité, c'est l'Etat conférant la nationalité. Mais il convient d'emblée de préciser la notion d'Etat donneur de nationalité. Comme nous l'avons déjà évoqué, seul peut donner la nationalité un Etat au sens international du mot, c'est-à-dire une personne morale reconnue par les autres Etats et ayant l'aptitude à représenter auprès de ces derniers les intérêts de ses nationaux.51 Par là, nous revenons au principe de la souveraineté étatique qu'il ne faut jamais oublier. Le seul Etat qui peut attribuer valablement la nationalité est un Etat souverain.

49 F. RIGAUX M. FALLON, op. cit., p. 31

50 Voy. infra, p. 83

51 Voy. supra, p. 10

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Seule la reconnaissance de l'Etat importe, celle de son gouvernement n'a aucune influence sur l'attribution de la nationalité.52 L'éclipse momentané du pouvoir légitime et son remplacement par un gouvernement de fait non encore reconnu par les autres Etats ne fait pas disparaître la nationalité.53 En outre, peu importe la dimension géographique de l'Etat,54 s'il a déjà fait l'objet d'une reconnaissance.

En revanche, le principe de la souveraineté entraîne une conséquence importante en ce que ne peuvent conférer la nationalité les Etats fédérés parce qu'ils n'exercent pas la souveraineté internationale. Seul l'Etat fédéral peut donc conférer la nationalité. Ainsi, par exemple, seuls les Etats-Unis d'Amérique sont internationalement compétents pour octroyer la nationalité ; aucun des Etats composant cette entité n'est juridiquement capable d'accorder ce lien juridico-politique.

Mais au contraire de l'union fédérale, l'union personnelle laisse subsister la souveraineté internationale des Etats membres de cette union, et par conséquent, l'aptitude de ces derniers à conférer la nationalité.55

Il importe, enfin, de préciser qu'il est une distinction à faire entre les notions d'Etat et de Nation. La nationalité est conférée par un Etat et non par une Nation.56 Une Nation est un groupement ethnique, religieux, linguistique, économique, géographique, historique, qui se caractérise par un vouloir-vivre collectif et qui ne coïncide pas toujours avec un Etat au sens juridique.57 Elle évoque le principe des nationalités en vertu duquel les peuples qui ont conscience de former une Nation doivent constituer autant d'Etats indépendants.58

La notion d'Etat se distingue donc de celle de Nation, mais l'idéal à poursuivre est de réaliser la coïncidence de l'Etat avec la Nation.59

L'Etat donne la nationalité, mais il faut qu'il y ait quelqu'un qui la reçoit et il doit s'agir d'un individu.

52 En ce sens, voy. supra, p. 10

53 M. ISSAD, Droit international privé, Les règles matérielles, O.P.U., Alger, 1983, p. 107

54 B. AUDIT, op. cit., p. 744

55 M. ISSAD, op. cit., p. 107

56 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 788

57 Ibid.

58 En ce sens, voy. M. ISSAD, op. cit., p.108

59 En ce sens, voy. Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 788

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2. L'individu bénéficiaire de la nationalité

Quand bien même la doctrine admet que la nationalité peut être octroyée aux personnes morales et aux choses (navires, aéronefs ou bateaux de rivière),60 ce sont des personnes physiques qui sont ici concernées.

Il ressort de la définition donnée dans les précédents développements que la nationalité est un lien unissant des individus et des Etats. La nationalité étant liée à la personnalité juridique, et celle-ci étant reconnue à chaque individu, toute personne physique est appelée à jouir d'une nationalité.61 C'est ce que confirme la DUDH du 10 décembre 1948 et d'autres conventions qui ont été conclues ultérieurement. Et si « toute personne physique peut acquérir une nationalité », ce principe n'exclut pas que certaines personnes puissent avoir plusieurs nationalités. En effet, le rattachement n'étant pas identique dans tous les pays, une même personne peut se trouver liée à plusieurs nationalités.62

Mais ce n'est pas là la seule cause de la multiplicité de nationalités. Chaque Etat peut insérer dans sa législation sur la nationalité une disposition permettant à toute personne ayant déjà une nationalité d'en acquérir une deuxième, dans les conditions déterminées par la loi.

Cependant, le principe que tout individu doit avoir une nationalité n'a pas toujours existé. Ainsi, dans l'ancien droit romain, la nationalité n'était pas accordée aux esclaves.63

Actuellement, il n'existe pas de personnes qui ne peuvent pas avoir de nationalité, du moins théoriquement. Mais, en fait, il existe des individus qui ne sont juridiquement et politiquement rattachés à aucun Etat. Certains peuvent n'avoir reçu aucune nationalité en raison des circonstances de leur naissance, ou peuvent avoir perdu celle qu'ils avaient. Ce sont les apatrides proprement dits.64

La nationalité est donnée par l'Etat à un individu et entre une personne physique (l'individu) et une personne morale (l'Etat) s'établit une relation dite lien juridico- politique.

60 En ce sens, voy. Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 792

61 B. AUDIT, op. cit., p. 745

62 M. ISSAD, op. cit., p. 108

63 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 792

64 B. AUDIT, op. cit., p. 745

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3. Le lien de nationalité entre l'individu et l'Etat

Il faut rappeler que la nationalité est un lien entre l'individu et l'Etat. Comme élément de la nationalité, le lien de nationalité impose que soient recherchés les critères dont s'inspire chaque Etat dans son attribution et la nature juridique de ce lien.

S'agissant des critères suivant lesquels la nationalité est attribuée, nous effleurons tour à tour et distinctement les besoins de l'Etat (a), les aspirations individuelles (b) et les nécessités internationales (c).

a. Besoins de l'Etat

La politique de l'Etat en matière de nationalité, plus ou moins ouverte ou restrictive, est fonction de ses caractéristiques territoriales, historiques et culturelles, de ses ressources et de son environnement.65 La population de l'Etat est un de ses éléments primordiaux66 en ce que, étant nombreuse, elle « peut constituer un facteur de sécurité, par le respect qu'elle impose, et de prospérité économique, par le marché qu'elle représente ».67 Plus le besoin militaire, démographique, et économique sera éprouvé par l'Etat, moins restrictives seront les conditions d'attribution ou d'acquisition de la nationalité.

A contrario, les conditions seront plus restrictives, à mesure que ces besoins se feront beaucoup moins sentir.

Cependant, malgré ses besoins, l'intérêt d'un Etat n'est pas de s'attacher comme nationaux des personnes n'éprouvant pas à son égard un sentiment d'appartenance, ni d'avoir une population trop hétérogène et il pourrait se trouver en peine de faire respecter, le cas échéant, un lien de nationalité ne reposant pas sur une attache permanente (obligation militaire, particulièrement en cas de conflit).68

65 B. AUDIT, op. cit., p. 748

66 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 793

67 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p. 748

68 Ibid.

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b. Aspirations individuelles

La solidité d'un Etat dépend, dans une large mesure, de la volonté de ses nationaux de se considérer comme tels.69 Cela exige que la nationalité des individus soit « celle de l'Etat auquel ils se rattachent par les liens sociologiques les plus étroits, et non imposée par un autre ».70 Il est logique d'ailleurs qu'on ne peut considérer comme un national un individu qui ne veut pas l'être, de nationaliser les gens par la force.71 Dans la mesure où la volonté des individus n'est pas incompatible avec ses besoins, l'Etat doit en tenir compte.72 La volonté individuelle des bénéficiaires peut être exercée dans la mesure où ceux-ci peuvent se voir offrir la possibilité de répudier une nationalité ne correspondant pas, ou plus, à un rattachement effectif.73

c. Nécessités internationales

En attribuant la nationalité, chaque Etat doit garder à l'esprit qu'il n'est pas le seul sujet du droit international. Il doit tenir compte de cet ensemble d'autres Etats dont il fait partie. Il faut, en d'autres termes, tenir compte « de l'existence d'une pluralité d'Etats et de nationalités ».74 L'intérêt de la communauté internationale est que les individus n'aient qu'une nationalité, afin d'éviter les conflits de nationalités.75

Pour atteindre cet objectif, il faut que « les Etats n'attribuent leur nationalité qu'en fonction d'un lien social effectif et prépondérant ; et (...) veillent à ne pas maintenir ce lien juridique lorsqu'il a perdu son effectivité, par une transmission

indéfinie par filiation nonobstant une émigration avérée (allégeance
perpétuelle) ».76

69 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 793

70 B. AUDIT, op. cit., p. 748

71 En ce sens, voy. Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 793

72 Idem, pp. 793-794

73 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p. 748

74 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 794

75 B. AUDIT, op. cit., p. 749

76 Ibid.

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Cependant, exiger qu'un individu n'ait qu'une nationalité serait « trop demander ».77 Si les cas d'apatridie sont rares parce que les Etats n'omettent normalement pas d'attribuer leur nationalité à des personnes présentant avec eux un lien tel qu'il n'en existe de plus fort avec aucun autre, les cas de double nationalité sont en revanche inéluctables.78 L'indépendance des Etats et leurs besoins internes ne leur permettent pas de respecter scrupuleusement le principe qui veut que « chaque individu ait une nationalité et n'en ait qu'une ».79

Précisons, néanmoins, que, comme la nationalité a d'importantes implications internationales, le droit international se permet de limiter la discrétion des Etats en la matière, par exemple, à travers le mécanisme de la reconnaissance et de l'opposabilité.80

Au cours de l'étude des éléments de la nationalité, nous sommes revenus sur le fait que la nationalité est un lien rattachant l'individu à l'Etat. Ce lien est établi par une loi qui est de l'émanation de l'Etat, maître de cette dernière et dont l'application, sur le plan interne, lui incombe à travers ses organes.

L'étude des éléments de la nationalité apparaît donc comme un préalable à celle de sa nature juridique.

D. La nature juridique du lien de nationalité

Le lien de nationalité est un lien légal et non contractuel (1), un lien de droit public (2) et un lien de droit interne (3).

1. Le lien de nationalité est un lien légal et non contractuel

Au début du 19e siècle, une doctrine abondante, notamment française, a soutenu que le lien de nationalité était un contrat synallagmatique entre l'Etat et l'individu.81 Cette thèse reposait sur la liberté des parties et le libre choix de l'individu en matière de nationalité.

77 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 794

78 B. AUDIT, op. cit., p. 749

79 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 794

80 En ce sens, voy. R. KOLB, Les cours généraux de droit international public de l'académie de La Haye, éditions Bruyant, Bruxelles, 2003, p. 462

81 M. ISSAD, op. cit., p. 114

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Cependant, la théorie de nationalité-contrat soutenue notamment par A. WEISS, selon laquelle « c'est dans un contrat synallagmatique, intervenu entre l'Etat et chacun des individus qui le composent, que se trouve le fondement juridique de la nationalité »82 a été battue en brèche. Même si l'individu manifeste sa volonté dans l'acquisition ou la perte (en cas de renonciation) de sa nationalité, on ne peut pas parler de contrat et la thèse de nationalité-contrat ne peut pas être défendue.

L'octroi de la nationalité a pour fondement la volonté unilatérale de l'Etat.83 Il s'agit là d'une vérité qui est confirmée par les législations internes des Etats. Ainsi, s'agissant du droit burundais, « La qualité de Burundais s'acquiert, se conserve, et se perd dans les conditions déterminées par la loi ».84

Cet article de la constitution de la République du Burundi est l'expression du caractère légal du lien de nationalité et ce dernier garde ce caractère alors même que « son acquisition est subordonnée à la volonté de l'intéressé ».85 Si les individus peuvent réclamer une nationalité qui ne leur est accordée que sur demande, la doctrine admet qu'il s'agit d' « une adhésion à un statut de droit public, analogue dans une certaine mesure à la demande d'emploi d'un fonctionnaire ».86 Il faut donc dire que le lien de nationalité revêt un caractère public, en plus de son caractère légal.

2. Le lien de nationalité est un lien de droit public

Nous avons déjà souligné que l'Etat dispose d'une compétence discrétionnaire dans la détermination des conditions d'attribution, d'acquisition, de perte ou de retrait de la nationalité . Ceci est un principe indiscutable et la doctrine est du même avis. Le lien de nationalité est ainsi un lien de droit public puisqu' « il est fixé discrétionnairement par l'Etat en considération de ses besoins propres ».87

82 A. WEISS cité par P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 637

83 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 638

84 Art. 12, Loi n°1/010 du 18 mars 2005 portant promulgation de la constitution de la République du Burundi, in B.O.B. n°3TER/2005

85 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 794

86 Ibid.

87 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 795

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La doctrine nous renseigne que, dans le passé, certaines règles françaises ont été édictées, pour des motifs d'ordre militaire.88 Il y a lieu, en outre, d'ajouter que « Le droit de la nationalité relève partiellement du droit administratif dans la mesure où la naturalisation et la réintégration sont accordées par décrets présidentiels ».89

Cette thèse publiciste a, cependant, été combattue par les partisans de la thèse privatiste. On a tout d'abord critiqué l'analyse publiciste en ce sens que le pouvoir exécutif n'agirait pas en la matière de la même manière que dans les autres ; il se bornerait à reconnaître la qualité de français aux individus qui répondent aux conditions posées par la loi ; de façon plus convaincante, on a fait valoir que la nationalité est un des éléments de l'état des personnes.90

Pour les défenseurs de la thèse privatiste, l'Etat n'est ni objet, ni sujet, partie prenante au lien de nationalité, mais seulement source de droit.91 On relèvera d'ailleurs que le contentieux de la nationalité est dévolu aux juridictions d'ordre judiciaire et que la preuve repose sur la possession d'état, institution du droit civil.92 Et si la thèse publiciste avance le fait que le droit de la nationalité relève partiellement du droit administratif, la thèse antagoniste dit que « le droit administratif et les juridictions administratives n'interviennent que dans une mesure limitée, en matière d'acquisition ou de déclaration de nationalité ».93

Loin de pouvoir mettre un terme à cette controverse, une sorte de synthèse s'est dégagée. En tant que lien entre l'Etat et l'individu, la nationalité appartient au droit public et au droit privé.94 Au surplus, le droit de la nationalité réalise un subtil alliage entre les règles impératives et les règles volontaires tenant en compte ainsi des intérêts de l'Etat et des souhaits des particuliers.95

Pour H. BATIFFOL et P. LAGARDE, il serait plus juste de dire que la nationalité constitue une législation autonome entraînant des effets de droit public et des effets de droit privé.96

88 En ce sens, voy. D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 26

89 Ibid.

90 Ibid.

91 En ce sens, voy. M. ISSAD, op. cit., p. 116

92 Ibid.

93 Ibid.

94 En ce sens, voy. D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 27

95 Ibid.

96 H. BATIFFOL P. LAGARDE cités par M. ISSAD, op. cit., p. 116

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S'il est vrai que la nationalité entraîne des effets de droit international, elle entraîne tout d'abord des effets de droit interne ; d'où le droit de la nationalité doit faire partie de l'arsenal juridique interne de chaque Etat.

3. Le lien de nationalité est un lien de droit interne

Les nécessités internationales ne sont prises en considération que dans la mesure où elles sont compatibles avec les nécessités internes.97

Considérée comme un lien de droit interne, le lien de nationalité joue un rôle très important en matière de compétence personnelle exercée par l'Etat sur les personnes physiques. Ainsi sur le plan interne, la nationalité permet en particulier la différenciation des nationaux d'avec les étrangers. C'est en fonction de cette distinction que l'on peut notamment opérer l'identification des normes s'appliquant aux premiers mais pas aux seconds.98

Cependant, si le lien de nationalité est à titre principal un lien de droit interne, ce caractère n'est pas exclusif. Nous savons que la nationalité entraîne des effets internationaux notamment en matière de protection diplomatique. En outre, envisagée sur le plan international, la nationalité « permet (...) à un Etat d'exercer (...) sa compétence sur certains individus lorsqu'ils se trouvent sur un territoire étranger ou à l'intérieur d'espaces internationalisés »,99 toujours dans le cadre de la compétence personnelle qui lui est reconnue.

Nous pouvons donc nous permettre de dire que le lien de nationalité est à titre secondaire un lien de droit international. Nous rejoignons ainsi par là la position de P.-M. DUPUY qui affirme que la nationalité des personnes physiques présente à la fois un caractère interne et international.100

La nationalité est, soit d'origine, soit acquise, selon qu'elle est attribuée d'après les modes prévus (jus soli et jus sanguinis) ou octroyée par d'autres modes parmi lesquels se trouve la naturalisation.

97 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 795

98 En ce sens, voy. P.-M. DUPUY, Droit international public, 9e éd., Dalloz, Paris, 2008, pp. 75-76

99 Idem, p. 76

100 Idem, p. 75

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§2. La naturalisation

Aux termes de l'article 1er, alinéa1er du code burundais de la nationalité, « La naturalisation est l'acquisition volontaire de la nationalité burundaise par un étranger qui ne l'a jamais possédée auparavant ».

Contrairement aux autres modes d'attribution qui confèrent la nationalité d'origine, la naturalisation est un mode d'acquisition de la nationalité et l'intéressé ne peut se voir octroyer cette dernière que s'il en formule la demande. Ceci signifie que la naturalisation se trouve être une occasion privilégiée où le candidat manifeste individuellement sa volonté.

En outre, en matière de naturalisation, l'administration dispose d'un important pouvoir discrétionnaire qui lui permet de ne pas accorder la nationalité à un sujet remplissant pourtant les conditions réglementaires, et quelquefois à l'inverse d'en dispenser un candidat en fonction des nécessités particulières.101

Il importe de souligner que la distinction entre la grande naturalisation et la naturalisation ordinaire ou petite naturalisation qui était faite par le droit belge a été abandonnée. En effet, depuis l'abrogation en 1991 de l'alinéa 2 de l'ancien article 5 de la Constitution belge qui distinguait implicitement la grande naturalisation de la naturalisation ordinaire, en précisant que « seule la grande

naturalisation assimile l'étranger au Belge pour l'exercice des droits
politiques », le régime de la naturalisation a été unifié : désormais, il n'y a plus qu'une seule naturalisation qui a pour effet d'assimiler le naturalisé au Belge du point de vue de l'exercice de tous les droits sans exception.102

En droit burundais, on ne voit cette distinction ni dans la législation sur la nationalité en vigueur, ni même dans celle antérieure. Le droit burundais limite seulement les droits politiques du naturalisé dans le temps. Ainsi, le code de la nationalité prévoit, en son article 9, que « Les personnes devenues burundaises par naturalisation ne jouissent des droits d'éligibilité qu'après un délai de dix ans à dater de la publication de l'acte de naturalisation au Bulletin Officiel ».

La naturalisation est évidemment un mode d'acquisition de la nationalité ; mais il en existe d'autres dont notamment l'option de nationalité.

101J. COMBACAU et S. SUR, Droit international public, 8e éd., Montchrestien, Paris, 2008, p. 329

102R. ERGEC, Introduction au droit public, T. I, Le système institutionnel, 2e éd., scientia, Bruxelles, 1994, p. 105

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§3. L'option de nationalité

L'option de nationalité est une faculté offerte par la loi à un individu de réclamer ou se faire reconnaître une nationalité déterminée.103 Le droit burundais prévoit deux cas d'acquisition de la nationalité par option. Ainsi, aux termes de l'article 5 du code burundais de la nationalité, « Peut acquérir la nationalité burundaise par option : l'enfant né de parents dont au moins un, par application des articles 2 et 3, est burundais au moment de l'option ; en cas d'adoption plénière, l'enfant adopté par une personne de nationalité burundaise, à condition que l'intéressé réside au Burundi au moment de la déclaration d'option ».

La déclaration d'option est faite devant le Procureur de la République104 tandis que l'option est agréée par ordonnance du Ministre de la Justice.105

En droit belge, par contre, l'acquisition de la nationalité par option résulte d'une décision du juge judiciaire qui est appelé à agréer la déclaration d'option faite par l'étranger.106

L'option de nationalité est un mode d'acquisition de la nationalité, mais elle peut également être à l'origine de la double nationalité si l'individu à la faveur duquel cette faculté est ouverte avait déjà une nationalité.

§4. La double nationalité

Aux termes de l'article 1er, alinéa 4 du code burundais de la nationalité, « La double nationalité est la situation juridique d'un individu qui acquiert une seconde nationalité en plus d'une nationalité d'origine ».

La lecture de cet article nous permet de conclure que la double nationalité a été expressément consacrée par le droit burundais. Cette situation juridique crée des conflits de nationalités dits positifs , par opposition aux conflits négatifs générés par le défaut de nationalité ou l'apatridie.

103 G. CORNU, op. cit., p. 598

104 Art. 13, al. 1er, Loi n°1/013 du 18 juillet 2000 portant réforme du Code de la Nationalité, in B.O.B. n°8bis/2000

105 Art. 16, loi précitée.

106 R. ERGEC, op. cit., p. 104

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§5. L'apatridie

L'apatridie est la situation d'un individu qui, par suite des conflits de législations nationales, ne peut revendiquer la nationalité d'un Etat déterminé.107 Mais, l'apatridie ne résulte pas des seuls conflits de législations, une autre cause peut en être l'origine. Ainsi, le phénomène d'apatridie est constitué par le fait que certains individus ont perdu la nationalité d'un Etat sans acquérir celle d'un autre.108 On distingue ainsi deux types d'apatridie : la première est dite « institutionnelle », tandis que la seconde est appelée « conjoncturelle ».109 Nous allons voir que dans le but d'éviter pareille anomalie, le droit burundais a prévu l'acquisition de la nationalité par présomption légale.

§6. La présomption légale

La présomption est légale lorsque le législateur tire lui-même d'un fait établi un autre fait dont la preuve n'est pas apportée.110

La présomption légale se scinde en présomption irréfragable et en présomption réfragable.

En cas de présomption irréfragable, le législateur impose de passer des faits connus aux faits inconnus de manière, en principe, définitive.111

En cas de présomption simple, en revanche, il est permis de démontrer que le fait que la loi présume n'existe pas en l'espèce.112

Appliqué au droit burundais de la nationalité, le principe de la présomption légale voudrait que certaines circonstances de fait produisent certains effets en matière du droit de la nationalité.

107 EN ce sens, voy. R. RANJEVA et C. CADOUX, op. cit., p. 122

108 P.-M. DUPUY, op. cit., p. 77

109 En ce sens, voy. NGUYEN QUOC DINH et alii, Droit international public, L.G.D.J., Paris, 1999, pp. 491492

110 S. GUINCHARD (dir .), Lexique des termes juridiques, 16e éd., Dalloz, Paris, 2007, p. 385

111 P. DELNOY, Eléments de méthodologie juridique, 1. Méthodologie de l'interprétation juridique, 2. Méthodologie de l'application du droit, 2e éd., Larcier, Bruxelles, 2006, p. 240

112 Ibid.

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Ainsi, le seul fait de naître sur le sol burundais, d'être trouvé au Burundi ou d'avoir un père ou une mère, si la filiation paternelle n'est pas établie, qui acquiert ou recouvre la nationalité burundaise, permet à l'enfant d'avoir la qualité de Burundais. C'est ce que prévoit l'article 3 du code burundais de la nationalité.

Mais, de ce que le litera b in fine dispose : « sauf s'il est établi qu'il n'est pas né sur le sol burundais », nous pouvons déduire que le législateur a prévu l'admissibilité d'une preuve contraire et, dans ce cas, il y a lieu de conclure qu'il s'agit d'une présomption réfragable.

Au regard du droit burundais, on peut avoir la nationalité par présomption légale, mais aussi par déclaration.

§7. La déclaration

La déclaration comme mode d'acquisition de la nationalité est seulement ouverte à la femme. L'article 4, alinéa 1er du code burundais de la nationalité prévoit l'acquisition de la nationalité burundaise par déclaration en faveur d'une femme étrangère qui épouse un Burundais ou dont le mari acquiert cette qualité par option. L'alinéa 2 de cet article subordonne la recevabilité de la déclaration à la célébration d'un mariage valide en disposant ainsi qu'il suit : « (...) l'acquisition de la nationalité burundaise n'est attachée qu'à la célébration d'un mariage valide ».

Par la déclaration, la femme étrangère acquiert la nationalité par une manifestation individuelle de sa volonté mais il existe d'autres modes qui permettent à l'intéressé d'avoir une nationalité sans qu'il ait pu manifester sa volonté. Parmi ces modes, on peut mentionner le lien avec le territoire.

§8. Le droit du sol

Le système du droit du sol est basé sur un fait ; la nationalité d'origine y est, en effet, fonction du lieu de naissance de l'enfant, celui-ci se voyant attribuer la nationalité de l'Etat sur le territoire duquel il naît.113 Le droit burundais, en consacrant le principe de la présomption légale, applique ce système. Les litera a et b de l'article 3 du code burundais de la nationalité sont formels à ce sujet.

113 J. DE BURLET, op. cit., p. 22

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Mais une précision s'impose pour le litera b. Ce dernier attribue la nationalité burundaise à un enfant trouvé au Burundi. Dans l'esprit de cette disposition, l'enfant trouvé au Burundi est présumé avoir été né au Burundi, sauf preuve contraire.

Le lien avec le territoire n'est pas le seul mode d'attribution de la nationalité. Il y a, en outre, le lien de filiation.

§9. Le droit du sang

Le droit du sang est un autre mode qui permet de conférer la nationalité d'origine. Dans ce système, la nationalité est transmise par filiation.114

En droit burundais, la nationalité par la filiation est conférée à titre principal par le père burundais, et à défaut du père, par la mère burundaise. Ainsi, l'article 2 du code burundais de la nationalité dispose de la manière suivante : « Est burundais de naissance : l'enfant légitime né (...) d'un père ayant la qualité de burundais (...), l'enfant naturel (...) qui fait l'objet d'une reconnaissance volontaire, d'une légitimation ou d'une reconnaissance judiciaire établissant sa filiation avec un père burundais, l'enfant naturel (...) qui fait l'objet d'une reconnaissance judiciaire établissant sa filiation avec une mère burundaise, l'enfant désavoué par son père, pour autant qu'au moment du désaveu sa mère possède la nationalité burundaise ».

Il y a lieu de souligner que le droit burundais de la nationalité, quant à la transmission de la nationalité des parents à leurs enfants, est sujet à critique. En effet, il consacre une inégalité entre l'homme et la femme car l'enfant ne se voit transmettre la nationalité de sa mère qu'à défaut d'établissement de la filiation paternelle.

Si les Etats prévoient dans leurs législations internes des conditions d'attribution ou d'acquisition de la nationalité, si les intéressés sentent la nécessité d'avoir une nationalité et si, par ailleurs, le droit international consacre le droit à la nationalité comme un principe universel, c'est que cette dernière a ses fondements : les institutions judiciaires et l'intéressé lui-même y trouvent leur compte.

114 R. RANJEVA et C. CADOUX, op. cit., p. 121

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Section 2. Fondements du droit de la nationalité

La nationalité est indubitablement d'une importance capitale et celle-ci se trouve être le fondement de son acquisition. Elle entraîne, en effet, certains effets de droit nécessaires à la plénitude de la personnalité juridique (§1), elle permet de déterminer la loi applicable en cas de conflit de lois (§2) ainsi que d'éviter l'apatridie (§3).

§1. La nationalité : un des attributs de la personnalité juridique

Outre le nom et le domicile, la nationalité est un troisième attribut de la personnalité juridique. Toute personne physique possédant la personnalité juridique a vocation à avoir une nationalité quel que soit son âge ou sa capacité juridique.115 La nationalité est un facteur déterminant de la qualité de sujets de droits.116

Pour L. LEAH, « La nationalité demeure l'un des attributs nécessaires au bien-être matériel et spirituel des individus. La nationalité confère une identité ».117

Cette identité est, selon l'auteur, liée à une implantation géographique qui implique le droit à la protection des lois en vigueur sur le territoire relevant de la compétence de l'Etat.118 L'auteur défend son argument en plaçant la nationalité sur le plan matériel. Nous avons déjà signalé que l'Etat a des responsabilités touchant à la protection de ses ressortissants sur le territoire d'autres Etats dans le cadre de la protection diplomatique.

Sur le plan de l'identité, la nationalité donne à l'individu le sentiment d'appartenir à une communauté et celui de sa propre valeur.119

Enfin, nous l'avons déjà souligné, le PIDCP prévoit explicitement le droit pour chaque enfant d'acquérir une nationalité.120

115 D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 25

116 En ce sens, voy. H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p. 6

117 L. LEAH, Droits de l'homme, Questions et Réponses, 2e éd., éditions U.N.E.S.C.O., Paris, 1997, p. 118

118 Ibid.

119 Ibid.

120 Voy. Supra, p. 9

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S'il est donc convenu que la personnalité juridique est l'aptitude à être titulaire de droits et d'obligations, la nationalité est un élément important de la personnalité sans lequel l'individu se voit refuser certains de ses droits tandis que certaines obligations ne sauraient peser sur lui.

La nationalité est, bien entendu, un attribut de la personnalité juridique mais elle est, en outre, un critère de rattachement permettant de résoudre certains conflits de lois.

§2. La nationalité : critère de détermination de la loi applicable en cas de conflit de lois

Le conflit de lois est, par définition, le « concours de deux ou plusieurs ordres juridiques émanant d'Etats différents et susceptibles d'être appliqués à un même fait juridique ».121 Le conflit de lois exige le choix entre les lois de ces Etats celle qui sera appelée à régir le rapport de droit considéré. Il faut donc trouver un critère de rattachement permettant de déterminer, entre les différentes lois susceptibles de s'appliquer, celle qui correspond le mieux au cas en l'espèce.

La nationalité est ainsi souvent retenue comme facteur de rattachement selon les cas.

C'est la solution défendue par A. WEISS lorsqu'il note ce qui suit : « Si la loi est personnelle, sa puissance ne connaît pas des limites géographiques : elle s'applique non pas à tel lieu, à telle région déterminée ; elle s'applique à des personnes, à raison de certaines qualités qui leur sont propres, de certains traits qui leur sont inhérents et qui les accompagnent dans leurs déplacements dans tous leurs séjours à l'étranger ; elle doit donc les accompagner, elle aussi, elle doit les régir toujours et partout ».122 Or, il faut entendre par loi personnelle, la loi de la personne en cause, déterminée à partir, soit de la nationalité (loi nationale), soit du domicile (loi du domicile).123 Ici, le critère de rattachement qui nous intéresse, c'est la nationalité.

121 S. GUINCHARD (dir.), op. cit., p. 157

122 A. WEISS, Traité théorique et pratique de droit international public, T. III. Les conflits de lois, 2e éd., L.S.R.G.L.A., Paris, 1912, p. 2

123 J. DERRUPPE, op. cit., p. 69

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Précisons que la prise en considération de la nationalité comme critère de

rattachement dans la résolution du conflit de lois est préconisée par la méthode dite « bilatérale ».124 La méthode est bilatérale, car une catégorie juridique, l'état

des personnes, est rattachée à une loi, la loi du pays dont la personne est ressortissante, par le moyen d'un critère de rattachement, la nationalité.125 Le but

de cette méthode est, au fond, d'assurer l'harmonie internationale des solutions.126

Ainsi, il y a lieu de distinguer les solutions selon que l'on se place sur le plan soit personnel, soit réel.

A. Le statut personnel

La loi de la nationalité de l'intéressé s'applique en ce qui concerne aussi bien le statut individuel (1) que le statut familial (2).

1. Le statut individuel

a) Le nom est soumis à la loi personnelle.127 Cependant, une précision s'impose pour cette affirmation : la transmission du nom par filiation ou par mariage

paraît plutôt devoir être soumise à la loi des effets de la filiation ou du mariage.128

b) La capacité -donc l'incapacité- est soumise à la loi nationale.129 En droit

burundais, l'état et la capacité de l'étranger sont régis par la loi du pays dont il relève.130

124 En ce sens, voy. F. MELIN, Droit international privé, Droit des conflits de juridiction, Droit des conflits des lois, Droit de la nationalité, Condition des étrangers en France, 3e éd., Gualino, Paris, 2008, p. 105

125 P. COURBE, op. cit., p. 33

126 F. MELIN, op. cit., p. 106

127 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 382

128 Idem, p. 382-383

129 D. GUTMANN, op. cit., p. 108

130 Art. 2 du CPF, in B.O.B. n°6/93

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2. Le statut familial

Les conditions de fond du mariage sont soumises à la loi nationale de chaque époux.131

Le mariage est régi, quant à ses effets sur la personne des époux, en l'absence de convention commune, par la loi de la nationalité du mari au moment de la célébration.132 Ici, le choix de la nationalité comme critère de rattachement revêt un caractère subsidiaire. On applique la loi de la nationalité du mari lorsque les parties n'ont pas prévu leur propre convention.

Ailleurs, les effets du mariage sont régis par la loi nationale des époux.133 Mais là encore une précision s'impose. Si la loi nationale est considérée comme une solution de principe, il est un cas qui exige une solution subsidiaire. Ainsi, si les époux sont de nationalités différentes, les effets du mariage sont régis par la loi de leur domicile commun, s'ils n'ont ni nationalité, ni domicile commun, par la loi du for.134

En outre, quant à ses effets sur la personne de l'enfant, le mariage est régi par la loi de la nationalité du père au moment de la naissance. C'est ce que prévoit le CPF burundais, en son article 7 litera d.

Aux termes de l'article 8 du CPF, « Le divorce d'étrangers ne peut être prononcé au Burundi qu'en vertu des causes prévues par leur loi nationale, dans la mesure où elles ne sont pas contraires à l'ordre public burundais ». Il importe ici de faire remarquer que l'exception d'ordre public peut constituer un obstacle à l'application de la loi nationale des époux étrangers en cas de divorce.

B. Le statut réel

Aux termes de l'article 4, alinéa 1er du CPF, « Les actes de dernière volonté sont (...) régis, quant à leurs substances et effets, par la loi nationale du défunt ».

Le 2e alinéa de l'article précité dispose que « (...) l'étranger faisant un acte de dernière volonté au Burundi a la faculté de suivre les formes prévues par sa loi nationale ».

131 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 117

132 Art. 7, lit. b du CPF, in B.O.B. n°6/93 133P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 117 134 Ibid.

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Les actes sous seing privé peuvent être passés dans les formes également admises par les lois nationales de toutes les parties.135

L'acquisition de la nationalité procure un avantage certain dans la mesure où elle permet de résoudre certains conflits de lois, mais encore elle permet d'éviter la situation d'apatridie.

§3. La nationalité : moyen d'éviter l'apatridie

L'apatridie, telle qu'elle a été définie, devrait être évitée, parce qu'elle entraîne des effets néfastes au préjudice de l'intéressé. C'est pourquoi certains moyens permettant de l'éviter ont été prévus. Ainsi, la convention sur la réduction des cas d'apatridie vise à faire obligation à tout Etat d'assurer une nationalité à toute personne née sur son territoire qui, dans le cas contraire, serait apatride, et à empêcher un Etat de retirer la nationalité d'une personne dans le cas où ce retrait en ferait un apatride.136

La lecture de la législation burundaise sur la nationalité nous permet d'affirmer la volonté du législateur de se conformer à l'exigence de la convention susvisée. En ce sens, le droit burundais prévoit l'acquisition de la nationalité par présomption légale. En outre, l'article 30 du code burundais de la nationalité subordonne la renonciation à la qualité de Burundais à la possession d'une nationalité étrangère.

Cependant, si la convention sur la réduction des cas d'apatridie subordonne la perte de la nationalité à la possession ou l'acquisition d'une autre nationalité, il faut préciser que cette obligation se justifie uniquement en cas de renonciation.

En revanche, il n'est guère possible de soumettre à cette condition la déchéance à titre de sanction. On ne saurait, en effet, exiger à l'Etat d'accorder une faveur à celui dont le comportement l'incite à agir. C'est ainsi que, selon l'article 33 du code burundais de la nationalité, toute personne devenue Burundaise par déclaration, par option et par naturalisation, si elle l'a acquise par dol, corruption d'un agent public ou par tout autre procédé illégal, toute personne qui s'engage dans une armée étrangère d'un Etat en guerre déclarée contre le Burundi, peut être déchue de cette qualité.

135 Art. 5 du CPF, in B.O.B. n°6/93

136 L. LEAH, op. cit., p. 119

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On se rend compte que le droit burundais n'exige pas, avec raison bien sûr, la possession d'une autre nationalité avant d'infliger la sanction de déchéance à l'intéressé.

Si tous les Etats comprennent que chaque individu doit avoir une nationalité, il est une situation, normale bien entendu, à l'égard de laquelle les réactions des Etats diffèrent : il s'agit de la double nationalité.

Section 3. Position de certains Etats à l'égard de la double nationalité

Les Etats adoptent des positions différentes à l'égard de la double nationalité, parmi lesquelles le Burundi choisit la sienne.

§1. Vue globale

A l'égard de la double nationalité, les Etats adoptent des positions suivantes :

Certains Etats interdisent expressément la double nationalité et peuvent déchoir un double national de la nationalité concernée. Ainsi, l'article 15 de la constitution haïtienne précise que « La double nationalité haïtienne et étrangère n'est admise dans aucun cas ».137

De même, l'article 10 de la constitution de la République Démocratique du Congo prévoit que « La nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre ».138

D'autres se contentent de ne pas reconnaître la deuxième nationalité. Ainsi, la majorité des pays autorisant la double nationalité ne la reconnaissent pas, c'est-à-dire

'estàdire qu'ils considèrent leurs citoyens comme possédant à un moment donné une seule nationalité.139 C'est le cas notamment de la France.140

Certains, en outre, ne l'interdisent que pour l'exercice de certains mandats politiques ou fonctions publiques. En droit australien, l'alinéa (i) de la section 44 de la constitution précise que « toute personne qui est soumise à toute reconnaissance d'allégeance, d'obéissance ou d'adhésion à une puissance étrangère, ou est un sujet ou un citoyen ou ayant droit aux droits ou privilèges

137 http : // www.haiti-reference.com/histoire/constitutions/const-1987.htm visité le 27/05/2010 à 11h 43min.

138 http : // democratie.francophonie.org/IMG/pdf/constitution-de-la-RDC.pdf visité le 04/01/2011 à 10h 32min.

139 http : // fr.wikipedia.org.wiki/Double-nationalit%C3%A9 visité le 27/05/2010 à 11h 51min.

140 http: // fr.wikipedia.org.wiki/Double-nationalit%C3%A9 visité le 27/05/2010 à 11h 51min.

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d'un sujet ou d'un citoyen d'une puissance étrangère (...) sera incapable d'être choisie ou de siéger en tant que sénateur ou membre de la chambre des représentants ». En d'autres termes, un double national ne peut être candidat à des élections fédérales.141

D'autres enfin reconnaissent purement et simplement la double nationalité. En Espagne, la double nationalité est explicitement reconnue par la constitution, dont l'article 11-3 énonce : « L'Etat pourra conclure des traités de double nationalité avec les pays ibéro-américains ou avec ceux qui ont maintenu ou qui maintiennent des liens particuliers avec l'Espagne.

Les espagnols pourront se faire naturaliser sans perdre leur nationalité d'origine, dans ces pays, même si ceux-ci ne reconnaissent pas à leurs citoyens un droit réciproque ».142

De même, l'article 7, alinéa 3 de la constitution rwandaise dispose que « la double nationalité est permise ».143

§2. Le droit positif burundais

La loi n°1/013 du 18 juillet 2000 portant réforme du code de la nationalité, après avoir défini la double nationalité à l'article 1er , dispose, en son article 21, que « tout burundais, à qui la loi attribue cette qualité à titre originaire, a droit d'avoir une double nationalité ». Nous remarquons ainsi que la loi précitée a marqué un pas très remarquable en matière de nationalité par rapport à la loi du 10 août 1971 sur la nationalité. En effet, les articles 4, 6 et 9 de l'ancienne loi subordonnaient l'acquisition de la nationalité burundaise à la renonciation de la nationalité d'origine tandis que les articles 14, 15 et 16 érigeaient l'acquisition de la nationalité étrangère en une cause de perte de la nationalité burundaise.

Depuis donc le 18 juillet 2000, date à laquelle la loi susmentionnée a été modifiée par le D-L n°1/013 qui lui a succédé, le Burundi reconnaît expressément la double nationalité.

L'étude des notions générales sur la nationalité, effectuée au cours de ce chapitre, nous a permis de mettre en lumière le droit de la nationalité en général

141 Droit de vote, ethnicité et nationalité en Australie sur fr.wikipedia.org/wiki/double-nationalit%C3%A9 visité le 27/05/2010 à 12h 08min.

142 http : fr.wikipedia.org/wiki/constitution-espagnole-de-1978 visité le 04/01/2011 à 10h 48min.

143 http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-22460032.html visité le 04/01/2011 à 10h 40min.

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et la double nationalité par ricochet, étant entendu que cette dernière est une somme de deux nationalités. En outre, nous avons pu montrer que l'acquisition de la nationalité est justifiée pour plusieurs raisons et il en va encore davantage de la double nationalité bien que des Etats adoptent des positions différentes à son égard. Cependant, voulue ou non, la double nationalité est et reste un phénomène réel dont les facteurs sont diversifiés.

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CHAPITRE II. LES FACTEURS JURIDIQUES DE LA DOUBLE NATIONALITE

Le fait qu'un individu soit le national de deux Etats ne constitue pas une impossibilité logique, et ne suppose aucun abus de la part de l'un d'eux : on peut présenter avec un Etat certains liens qui justifient l'inclusion dans sa population constitutive et avec un autre des liens différents mais tout aussi solides, provoquant une réaction identique.144 La double nationalité est donc un phénomène réel et normal qui prend une allure de plus en plus grande dans le monde contemporain. La double nationalité peut avoir plusieurs facteurs juridiques différents. Ainsi, une personne peut se voir attribuer la latitude de recouvrer son ancienne nationalité tout en gardant la seconde nationalité acquise (section 1) ; elle peut aussi acquérir une autre nationalité tout en conservant sa nationalité d'origine (section 2). On peut, en outre, acquérir la qualité de double national du père ou, à défaut d'établissement de la filiation paternelle, de la mère (section 3) ; le statut de double national peut également se transmettre aussi bien par le père que par la mère (section 4). Enfin, une autre cause fréquente de binationalité réside dans le fait que certains Etats connaissent l'attribution de la nationalité à raison de la filiation tandis que d'autres préconisent une attribution à raison de la naissance et que les deux systèmes peuvent être appliqués simultanément (section 5).

Section 1. Le recouvrement de la nationalité

Il s'agit ici du recouvrement de la nationalité d'origine effectué par l'intéressé qui l'avait perdue pour certaines raisons (§1) et de celui effectué par l'enfant adopté (§2).

§1. Le recouvrement de la nationalité d'origine

Pour donner lieu à la situation de double nationalité, le recouvrement de la nationalité d'origine suppose que l'intéressé ait acquis une autre nationalité, qu'il garde, à laquelle s'ajoute celle qu'il recouvre.

144 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 629

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A. Condition préalable : une nationalité acquise et gardée

Il se peut qu'une loi sur la nationalité permette à une personne d'acquérir une nouvelle nationalité en subordonnant cette acquisition à la perte de la nationalité d'origine. Il s'agit, dans ce cas, d'une législation caractéristique des Etats qui interdisent la double nationalité. Il en était ainsi du D-L n°1/93 du 10 août 1971 portant code de la nationalité burundaise.

D'un côté, le D-L ci-devant évoqué n'a pas voulu violer le principe consacré par l'article 15 de la DUDH qui prévoit que nul ne peut être arbitrairement privé du droit de changer sa nationalité. D'un autre côté, il s'est caractérisé par le refus catégorique de la double nationalité. C'est dans ce sens qu'il prévoyait la perte de la qualité de Murundi en cas d'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère.145

La loi n°1/013 du 18 juillet 2000 portant réforme du code de la nationalité permet à toute personne d'acquérir la double nationalité et le recouvrement de la nationalité d'origine en est une des causes.

B. Le recouvrement de la nationalité

Il résulte de l'article 22 du code burundais de la nationalité que « Toute personne, ayant possédé la nationalité burundaise à titre originaire et l'ayant perdue pour avoir acquis une nationalité étrangère, peut redevenir burundaise à condition d'en faire la demande et garder sa seconde nationalité ». Il s'agit là d'une consécration formelle de la double nationalité et l'article précité est un article du chapitre III du code susmentionné, intitulé « De la double nationalité ».

Tout comme l'acquisition de la nationalité, le recouvrement de la nationalité exige qu'une certaine procédure soit suivie.

145 Art. 15, lit. a, D-L n°1/93 du 10 août 1971 portant Code de la nationalité, in B.O.B. n°9/71

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1. La procédure en recouvrement

La loi burundaise sur la nationalité prévoit la possibilité de recouvrer la nationalité burundaise par simple déclaration pour toute personne l'ayant possédée à titre originaire et l'ayant perdue, par application de l'ancien code burundais de la nationalité, en raison de l'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère. Selon l'article 39, la déclaration est souscrite devant le Ministre de la Justice.

En droit français, on parle de réintégration par déclaration.146 Les personnes qui ont perdu leur nationalité française peuvent y être réintégrées sur une simple déclaration de volonté, dans deux cas où la perte de nationalité résulte elle-même d'une déclaration : acquisition volontaire d'une nationalité étrangère, mariage avec un étranger .

Mais en plus de la déclaration, le droit français subordonne la réintégration à une autre condition : l'ancien Français doit avoir conservé ou acquis avec la France des liens manifestes, notamment d'ordre culturel, professionnel, économique ou familial.147

En droit burundais, pareille exigence n'est pas prévue par la loi. Le droit burundais ne fait pas de la conservation des liens d'attachement avec le Burundi une condition de recevabilité de la demande en recouvrement de la nationalité. On présume ainsi le danger que cet état de choses puisse engendrer : une personne qui demande de recouvrer la nationalité burundaise, après un long séjour à l'étranger, risque d'avoir perdu tout lien d'attachement avec le Burundi.

Selon l'article 40 du code burundais de la nationalité, le recouvrement de la nationalité burundaise donne lieu au paiement d'un droit dont le montant est fixé par Ordonnance conjointe du Ministre de la Justice et du Ministre des Finances. Il n'y a qu'une catégorie de personnes qui sont dispensées du paiement de ce droit : il s'agit des indigents.

Il convient de souligner que l'ordonnance qui était prévue par le Code a vu le jour le 30 juillet 2001. Il s'agit de l'OM n°550/540/523/2001 portant fixation des frais de recouvrement de la nationalité burundaise.

146 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 670

147 Ibid.

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Ainsi, aux termes de l'article 1er de cette ordonnance, « Les frais relatifs au recouvrement de la nationalité burundaise sont fixés à cinq mille Francs Burundais (5000fBu) ».

2. Publication de l'acte de recouvrement

L'acte de recouvrement doit être porté au registre-répertoire des actes modificatifs ou déclaratifs de nationalité et sa prise d'effet est subordonnée à sa publication au Bulletin Officiel.148

La procédure en recouvrement de la nationalité peut aussi être ouverte en faveur de l'enfant adopté.

§2. Le recouvrement de la nationalité par l'enfant adopté

Aux termes de l'article 1er, alinéa 1er de la loi n°1/004 du 30 avril 1999 portant modification des dispositions du Code des personnes et de la famille relatives à la filiation adoptive, l'adoption s'entend de la création par jugement d'un lien de filiation entre deux personnes qui, sous le rapport du sang, sont généralement étrangères l'une à l'autre.

Sous l'empire de l'ancienne loi sur la nationalité, l'enfant burundais adopté par une personne de nationalité étrangère perdait ipso facto la nationalité burundaise.

En revanche, avec la loi n°1/013 du 18 juillet 2000 portant réforme du code de la nationalité, le recouvrement de la nationalité burundaise effectué par un enfant adopté lui permet d'acquérir la qualité de double national à condition de garder la nationalité étrangère de son auteur adoptif. Il aura donc la nationalité qu'il avait perdue par suite de son adoption par un étranger mais dont le recouvrement lui fait réacquérir et la nationalité étrangère, celle qu'il avait acquise à ce moment précis de l'adoption. C'est ce qui ressort de l'article 23 du code burundais de la nationalité lorsqu'il dispose que « L'enfant adopté peut, à sa majorité, demander de recouvrer la nationalité burundaise sans perdre celle de son auteur adoptif ».

Ainsi, l'expression « recouvrer la nationalité burundaise sans perdre celle de son auteur adoptif » signifie acquérir la double nationalité.

148 Art. 41, Cod. Nat., in B.O.B. n°8bis/2000

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Le recouvrement de la nationalité n'est pas la seule cause de la double nationalité, il y a aussi l'acquisition de la nationalité.

Section 2. L'acquisition de la nationalité

La nationalité d'origine étant conservée par l'intéressé, l'acquisition d'une autre nationalité permet à ce dernier d'avoir la qualité de double national. On peut ainsi devenir double national par adoption (§1), par naturalisation (§2) et par mariage (§3).

§1. L'acquisition de la nationalité par adoption

La double nationalité étant consacrée comme principe en droit burundais, il est fort normal et logique que l'enfant étranger adopté par un Burundais ait la double nationalité s'il garde sa nationalité étrangère. En droit burundais, l'acquisition de la nationalité par adoption est prévue par l'article 5 litera b.

En vertu de cette disposition « peut acquérir la nationalité burundaise : en cas d'adoption plénière, l'enfant adopté par une personne de nationalité burundaise, à condition que l'intéressé réside au Burundi au moment de la déclaration d'option ».

La lecture de cette disposition nous amène à faire l'observation suivante : seule l'adoption plénière produit des effets en matière de nationalité. Or, la mention d'une chose implique l'exclusion d'une autre. La conclusion suivante se dégage : l'adoption simple ne permet pas, du moins en droit burundais, d'acquérir la nationalité et, par conséquent, ne confère pas la double nationalité.

Ailleurs, l'adoption simple confère la nationalité. Mais, à la différence de l'adoption plénière « l'adoption simple n'exerce de plein droit aucun effet sur la nationalité ».149 Ainsi, par exemple, en droit français, l'adoption plénière d'un enfant étranger par un Français entraîne l'attribution de la nationalité française d'origine.150

149 M. REVILLARD, Droit international privé et communautaire : pratique notariale, 6e éd., Defrénois, Paris,

2006, p. 234

150 Idem, p. 24

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En revanche, l'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu'à sa majorité, déclarer qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France.151

Cependant, cette condition de résidence ne s'impose pas dans tous les cas en droit français. L'obligation de résidence est supprimée lorsque l'enfant a été adopté par une personne de nationalité française n'ayant pas sa résidence habituelle en France.152

Nous remarquons donc que le droit burundais exige la résidence au Burundi en cas d'adoption plénière alors que cette condition s'impose en cas d'adoption simple en droit français.

La naturalisation est un autre mode d'acquisition de la nationalité et peut être à l'origine de la double nationalité.

§2. L'acquisition de la nationalité par naturalisation

La double nationalité peut résulter « de ce qu'une personne acquiert du fait (...) de sa naturalisation une seconde nationalité sans que la législation de l'Etat d'origine fasse de cet événement une cause de perte de sa propre nationalité, ou que celle de l'Etat d'accueil subordonne sa faveur à une renonciation à la nationalité d'origine ».153

Le droit burundais reconnaît la double nationalité, comme le précise l'article 21 du code burundais de la nationalité. En vertu de cet article, en effet, « Tout burundais, à qui la loi attribue cette qualité à titre originaire, a le droit d'avoir une double nationalité ».

En outre, le Code prévoit que toute personne peut acquérir la nationalité burundaise par naturalisation lorsque certaines conditions de fond et de forme sont réunies.

151 En ce sens, voy., F. MELIN, op. cit., p. 221

152 M. REVILLARD, op. cit., p. 24

153 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p. 333

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A. Conditions de fond de recevabilité de la requête en naturalisation

Les conditions de fond de la naturalisation sont limitativement énumérées à l'article 7 du code burundais de la nationalité et reprises à l'article 2 du Décret n°100/15 du 14 octobre 2003 portant modalités pratiques d'acquisition de la nationalité burundaise par naturalisation. La lecture de ces deux dispositions nous permet de relever cinq conditions, dont les trois premières peuvent être constatées objectivement, tandis que les deux dernières supposent une appréciation subjective de l'administration.

1. Condition d'âge

Au moment de la demande, l'intéressé doit être âgé de vingt-et-un ans au moins, ou, s'il s'agit d'un enfant dont la demande est introduite en même temps que celle de son père ou de sa mère, de vingt ans au plus.154

Pour cette condition d'âge, le droit burundais prévoit deux cas possibles : le cas où la demande est formulée à titre principal et où l'intéressé doit avoir un âge minimum de vingt-et-un ans et celui où l'intéressé introduit la demande accessoirement à celle de son père ou de sa mère. Dans ce dernier cas, un âge maximum de vingt ans est exigé.

En principe donc, ne peut acquérir la nationalité burundaise par naturalisation, toute personne qui n'a pas atteint l'âge de vingt-et-un ans, l'exception ne pouvant être admise qu'en cas de demande d'un enfant introduite accessoirement à celle de ses parents. Ici, l'âge se prouve par la production « des extraits de l'acte de naissance (...) ou, à défaut, tous documents en tenant lieu».155

154 Art. 7, lit. a, de la loi n°1/013 du 18 juillet 2000 portant réforme du Code de la nationalité, in B.O.B. n°8bis/2000

155 Art. 4 du D. n°100/156 du 14 octobre 2003 portant modalités pratiques d'acquisition de la nationalité burundaise par naturalisation, in B.O.B. n°10/2003

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2. Absence de condamnation

Le candidat à la naturalisation doit être exempt de toute condamnation résultant d'un crime ou d'un délit.156 Ici, la loi précise bien qu'il doit s'agir d'un crime ou d'un délit qui constitue un obstacle à l'acquisition de la nationalité par naturalisation.

Par conséquent, parmi les personnes ayant déjà subi une condamnation, seules celles qui l'ont été pour contravention peuvent acquérir la nationalité burundaise par naturalisation.

Selon l'esprit de la loi sous analyse, « une société a le droit de s'opposer à l'acquisition de la nationalité par une personne ayant subi des condamnations attestant un comportement gravement délictuel ».157

3. Condition de résidence permanente

L'intéressé doit avoir résidé en permanence au Burundi pendant une durée d'au moins dix ans.158 La résidence permanente au Burundi pendant ce délai est une garantie sérieuse d'assimilation à la communauté burundaise. Cette condition prévue par le droit burundais est analogue à celle que le droit français qualifie de condition de stage. En droit français, en effet, le code civil subordonne la naturalisation à l'accomplissement d'un stage antérieur, consistant en une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent le dépôt de la demande.159

Le code civil français distingue ainsi la condition de stage et la condition de résidence. Cette dernière condition signifie, en droit français du moins, que le candidat à la naturalisation doit résider en France au moment de la signature du décret de naturalisation.160 Le droit burundais est muet à ce propos ; il ne précise pas si l'intéressé doit obligatoirement résider au Burundi, au moment de la signature du décret de naturalisation.

156 Art. 2, lit. b, du D. n°100/156, in B.O.B. n°10/2003

157 P. COURBE, op. cit., p. 240

158 Art. 2, lit. d, du D. n°100/156, in B.O.B. n°10/2003

159 P. COURBE, op. cit., p. 240

160 Ibid.

42

Cependant, si, en principe, le délai de résidence est fixé à un minimum de dix ans par le droit burundais, ce dernier a prévu une exception en la matière. Le délai de dix ans est réduit à cinq ans en faveur des étrangers mariés à des burundaises ainsi qu'à des étrangers qui ont rendu des services exceptionnels au Burundi.161

4. Condition de moralité

Le requérant doit être de bonnes conduite, vie et moeurs.162 Nul ne peut donc être naturalisé, s'il n'est pas de bonnes conduite, vie et moeurs. Si la loi exige le respect de cette condition, elle veut signifier que dans l'examen de la recevabilité des demandes de naturalisation, il est tenu compte du comportement social du postulant.163

A propos de cette condition de moralité, il se pose la question de détermination de bonnes conduite, vie et moeurs. Quel est, en effet, le contenu de ce qu'il convient d'appeler moralité ? Dans la jurisprudence française, il a été jugé que le candidat à la naturalisation, divorcé ou père de trois enfants mineurs qui s'était soustrait à son obligation alimentaire ne justifie pas de bonnes vie et moeurs.164 Le droit burundais ne donne pas de précision à ce propos.

5. Condition d'attachement et d'assimilation

En vertu de l'article 7, litera c, « le requérant doit justifier de son attachement à la nation burundaise et de son assimilation aux citoyens burundais ». Mais ici se pose la question de connaître les critères de justification de cette condition. Le Décret n°100/156 du 14 octobre 2003 portant modalités pratiques d'acquisition de la nationalité burundaise par naturalisation, en son article 2, litera d y répond de la manière suivante : « Peuvent notamment être considérés comme critères de justification de l'attachement à la nation burundaise et d'assimilation aux citoyens burundais : la connaissance de la langue nationale, le Kirundi ; le fait d'être domicilié au Burundi et d'y posséder des biens ; l'exercice d'une activité professionnelle ».

161 Art. 2, lit. d, du D. n°100/156, in B.O.B. n°10/2003

162 Art. 2, lit. b, D. n°100/156, in B.O.B. n°10/2003

163 P. COURBE, op. cit., p. 240

164 Idem, pp. 240-241

43

Afin de pouvoir prouver que les conditions qui viennent d'être énumérées sont réunies pour permettre à l'intéressé de se voir conférer la nationalité par le procédé de la naturalisation, certaines pièces doivent être fournies et celles-ci font l'objet du point concernant les conditions de forme et de procédure.

B. Les conditions de forme et de procédure.

Après le dépôt de la requête de l'intéressé (1) et l'enquête de l'administrateur communal (2), le dossier est transmis au Ministre de la Justice (3) qui propose à l'autorité compétente de prendre la décision de naturalisation (4). Cette dernière, une fois prise, doit être signifiée à l'intéressé (5) avant de faire objet de l'enregistrement et de la publication (6).

1. Dépôt de la requête.

Toute requête en naturalisation portant la signature de celui qui la forme165

« doit être adressée au Ministre de la Justice sous couvert du Procureur de la République compétent. Celui-ci en informe l'administrateur communal du lieu de résidence du requérant ».166 En vertu de l'article 6 du Décret n°100/156,

« Dès la réception de la requête en naturalisation, le Procureur de la République procède à son affichage par extrait afin de permettre à toute personne qui aurait d'éventuelles objections à formuler de les lui faire connaître. L'affichage dure au moins trois mois ».

Après l'affichage de la requête effectué par le Procureur de la République, cette dernière fait l'objet d'un second affichage, celui effectué par l'administrateur communal.

En effet, en vertu de l'article 7, alinéa 1er du Décret « Dès la réception du dossier, l'administrateur communal procède à l'affichage par extrait de la requête en naturalisation. L'affichage dure au moins trois mois ».

Il importe de préciser que la requête en naturalisation doit être accompagnée des pièces établissant que les conditions de sa recevabilité sont réunies.

165 Art. 3 du D. n°100/156 du 14 octobre 2003 portant modalités pratiques d'acquisition de la nationalité par naturalisation, in B.O.B. n°10/2003

166 Art.5 du D. n°100/156, in B.O.B. n°10/2003

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L'article 4 du Décret énumère les pièces suivantes :

· un curriculum vitae du requérant : celui-ci permet à l'autorité compétente d'avoir des renseignements suffisants sur les services déjà rendus au Burundi par l'intéressé.

· des extraits d'acte de naissance du requérant et de ses enfants mineurs ou, à défaut, tous documents en tenant lieu : ce document servira à la détermination de l'âge du requérant.

· un certificat de nationalité du requérant ou tout autre document prouvant sa nationalité ;

· une attestation délivrée par les services d'immigration établissant la durée de séjour au Burundi ; le cas échéant, ce document sera accompagné des pièces établissant que l'intéressé peut bénéficier de la réduction du délai prévue par l'article 2, litera d du présent décret ;

· une attestation de bonnes conduite, vie et maeurs ;

· un extrait du casier judiciaire, pour prouver l'absence de condamnation pour crime ou délit ;

· tous documents prouvant l'attachement du requérant au Burundi et son assimilation aux citoyens burundais.

2. Enquête de l'administrateur communal

L'administrateur communal du lieu de résidence du requérant, après avoir reçu et affiché la requête en naturalisation, procède aux investigations. Il « vérifie notamment si le requérant remplit les conditions exigées par l'article 2 du présent décret ».167

Aux termes de l'article 7, alinéa 3 du code burundais de la nationalité, « après clôture de l'enquête dont la durée ne peut excéder six mois à dater du jour de la réception du dossier, l'administrateur communal transmet au Procureur de la République sous pli confidentiel les résultats de l'enquête ».

167 Art. 7, al. 2 du décret n°100/156 du 14 octobre 2003, in B.O.B. n°10/2003

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3. Transmission du dossier au Ministre de la Justice

Le procureur de la République, après s'être assuré que tous les éléments requis par la loi et le présent décret ont été réunis, transmet le dossier complet accompagné de son rapport au Ministre de la Justice.168

4. Décision de l'autorité compétente

La naturalisation est octroyée par décret sur proposition du Ministre de la Justice. Il s'agit donc d'un acte émanant du Président de la République. C'est par là que nous admettons que la naturalisation est un mode d'acquisition de la nationalité par décision de l'autorité publique.

En droit belge, la naturalisation est accordée par acte du pouvoir législatif conformément à l'article 9 de la constitution.169

Il importe de rappeler que même si elle est recevable, la demande n'est pas toujours admise : l'opportunité de la décision relève du pouvoir d'appréciation de l'autorité compétente,170 ce qui signifie qu'elle peut prendre une décision d'octroi ou de refus de la nationalité.

Il convient, en outre, de préciser qu'une commission consultative pour la naturalisation, chargée de donner des avis en la matière, a été créée par Ordonnance du Ministre de la Justice.171

5. Signification de la décision

La décision d'octroi ou de rejet de la naturalisation est signifiée au requérant endéans deux ans à dater de son enregistrement à l'office du Procureur de la République compétent.172

168 Art. 8 du décret précité, in B.O.B. n°10/2003

169 R. ERGEC, op. cit., pp. 104-105

170 Voy. Supra, p. 21

171 Art. 1er, O.M. n°550/1158 du 28 novembre 2006 portant nomination des membres de la commission consultative pour la naturalisation, inédit.

172 Art. 15, al. 1er du D. n°100/156 du 14 octobre 2003, in B.O.B. n°10/2003

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Lorsque la requête en naturalisation a été rejetée, aucune autre requête ne peut être introduite avant l'expiration d'un délai de trois ans à dater de la signification de la décision de rejet par le Ministre de la Justice. C'est ce qui ressort de l'article15, alinéa 2 du présent décret.

6. Enregistrement et publication

En vertu de l'article 16 du Décret n°100/156 du 14 octobre 2003, le décret de la naturalisation est enregistré au registre-répertoire des actes modificatifs ou déclaratifs de nationalité et publié par extrait au Bulletin Officiel du Burundi selon le modèle défini par Ordonnance du Ministre de la Justice.

Aux termes de l'article 17 du Décret précité, « Les frais d'enquête et de publication sont déterminés par Ordonnance conjointe des Ministres des Finances et de la Justice ». Ils sont fixés à cinquante mille francs burundais, pour l'enquête et à dix mille francs burundais par tranche de une à douze lignes, pour la publication.173

La naturalisation permet à l'intéressé d'avoir la qualité de double national par elle-même, mais la double nationalité peut s'acquérir également par le biais d'un acte juridique, le mariage.

§3. L'acquisition de la nationalité du conjoint

D'une façon générale, l'un des époux a la possibilité d'acquérir la nationalité de son conjoint. Cependant, le droit burundais de la nationalité se caractérise par sa particularité par rapport à la règle générale.

A. Pratique générale

Pour comprendre comment l'un des époux se trouve en situation de double nationalité, lorsqu'il acquiert la nationalité de son conjoint, il faut partir de deux postulats de départ selon lesquels il est difficile d'exiger que la nationalité d'origine soit perdue,174 d'une part, et la nécessité « de tenir compte (...) du désir des époux d'avoir la même nationalité »,175 d'autre part.

173 Art. 1er, O.M. conjointe n°550/540/713 du 17 juin 2004 fixant les frais d'enquête et de publication, inédit.

174 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p. 753

175 Ibid.

47

Le mariage doit donc normalement ouvrir la possibilité d'acquérir la nationalité du conjoint, soit par naturalisation, soit par déclaration.176

Il faut, en outre, tenir compte du principe moderne selon lequel le mariage avec un étranger (ou une étrangère) ne doit pas produire d'effet automatique sur la nationalité. Ce principe a été consacré par diverses résolutions internationales, notamment la résolution 1040 (XI) dans laquelle fut ouverte à la signature et à la ratification la convention sur la nationalité de la femme mariée du 20 février 1957, par l'AGNU et par la convention des Nations Unies du 1er mars 1980 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Ainsi, ces deux instruments juridiques internationaux énoncent respectivement que « ni la célébration ni la dissolution du mariage entre ressortissants étrangers, ni le changement de nationalité du mari pendant le mariage, ne peuvent ipso facto avoir d'effet sur la nationalité de la femme »177 et que « les Etats parties (...) garantissent en particulier que ni le mariage avec un étranger, ni le changement de nationalité du mari pendant le mariage ne change automatiquement la nationalité de la femme (...) ni ne l'oblige à prendre la nationalité du mari (...) ».178 Ces deux dispositions internationales ont ceci de commun qu'elles refusent tout effet automatique du mariage sur la nationalité de la femme.

L'opposition à une transmission automatique de la nationalité par mariage explique donc que l'époux qui acquiert la nationalité du conjoint trouve une occasion de manifester sa volonté. Il le fera, soit par une demande en naturalisation, soit, comme c'est le cas au Burundi, par déclaration et la nationalité du conjoint ne lui sera octroyée que si certaines conditions se trouvent réunies.

176 B. AUDIT, op. cit., p. 753

177 Art. 1er de la convention sur la nationalité de la femme mariée, http : // untreaty.un.org/French/TreatyEvent2001/14htm visité le 27/05/2010 à 11h 22min.

178 Art. 9, alinea 1er de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 1er mars 1980,

http : // www.un.org/womenwatch/daw/cedaw/text/convention.htm visité le 27/05/2010 à 10h 47min.

179 Voy. Supra, p. 24

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B. Particularité du Burundi

En droit burundais, la loi permet à une femme étrangère qui épouse un Burundais ou dont le mari acquiert cette qualité par option d'acquérir la nationalité burundaise par déclaration.179

Il résulte de ce qui précède qu'un étranger qui épouse une Burundaise ne peut pas acquérir la nationalité burundaise. La loi consacre ainsi l'inégalité entre l'homme et la femme pourtant condamnée par la convention du 1er mars 1980.

En outre, la loi sous analyse est contraire à la constitution. En effet, l'article 19, alinéa 1er de la constitution de la République du Burundi dispose de la manière suivante : « Les droits et les devoirs proclamés et garantis (...) par (...) la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes font partie intégrante de la constitution de la République du Burundi ».

Le 2ème alinéa de l'article précité ajoute que « Ces droits fondamentaux ne font l'objet d'aucune restriction ou dérogation, sauf dans certaines circonstances justifiables par l'intérêt général ou la protection d'un droit fondamental ».

Il résulte de ce qui précède que l'article 4, alinéa 1er du code burundais de la nationalité est inconstitutionnel en ce qu'il consacre une discrimination à l'égard de la femme car aucune circonstance ne justifie la restriction ou la dérogation en matière d'acquisition de la nationalité.

1. Conditions de la déclaration

L'article 4, alinéa 2 du code burundais de la nationalité soumet l'acquisition de la nationalité burundaise à la célébration d'un mariage valide. Il découle de cette affirmation que la nullité du mariage entraîne la perte de la nationalité burundaise. Il y aura déchéance de la nationalité burundaise car celle-ci aura été acquise par dol. C'est dans ce sens que l'article 33 du code burundais de la nationalité prévoit que « peut être déchue de la nationalité toute personne devenue burundaise par application des article 4, 5, ou 6, si elle l'a acquise par dol (...) ».

49

Cependant, en cas de nullité du mariage, la sanction de déchéance n'est pas toujours infligée à l'époux dont le mariage lui fait conférer la nationalité de son conjoint. En droit français, la nullité du mariage ne rend caduque l'acquisition de la nationalité française que si l'intéressé l'avait contracté de mauvaise foi.180 Si donc l'époux était de bonne foi, la nullité du mariage n'a aucunement pour effet de lui retirer la nationalité qu'il avait acquise par ce fait.

A propos de l'acquisition de la nationalité par mariage évidemment, il convient de faire remarquer que, contrairement au droit français, le droit burundais n'a pas aggravé les conditions d'acquisition de la nationalité.

En droit français, pour éviter des mariages de complaisance, les conditions d'acquisition de la nationalité française par mariage sont régulièrement aggravées. Le droit français institue un délai de communauté de vie,181 délai en deçà duquel l'époux ne peut pas acquérir la nationalité du conjoint par mariage. Ce délai (qui était d'un an) est porté à deux ans si le déclarant peut justifier, en outre, d'une résidence ininterrompue en France pendant au moins un an à compter du mariage, et à trois années s'il ne justifie pas d'une telle résidence.182 Il n'y a rien de pareil en droit burundais.

2. La procédure en déclaration

L'article 10 du code burundais de la nationalité prévoit que « La femme étrangère acquiert par mariage la nationalité de son conjoint burundais par simple déclaration ». Cette déclaration reçue et enregistrée par l'officier de l'état-civil est souscrite à tout moment pendant ou après la célébration du mariage. Nous venons de voir que le droit français assigne un délai à cette déclaration.

Il convient, cependant, de souligner que si la déclaration est nécessaire pour acquérir la nationalité par mariage, elle n'est pas suffisante. L'article12 du même code soumet la prise d'effet de la déclaration à son enregistrement ; autrement dit, « cette déclaration prend effet de plein droit à partir de son enregistrement » par l'officier de l'état-civil.

180 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 658

181 En ce sens, voy. M. REVILLARD, op. cit., p. 35

182 Idem, p. 36

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Les causes de la double nationalité que nous venons d'effleurer sont des modes d'acquisition de la nationalité, mais il n'est pas exclu que l'intéressé puisse acquérir la double nationalité de sa mère ou de son père.

Section 3. L'acquisition de la double nationalité par la mère ou par le père

Un enfant mineur peut, à défaut d'établissement de la filiation paternelle, acquérir la double nationalité de la mère. Par déduction, il se comprend bien que le père ayant la qualité de double national peut, lui aussi, la transmettre à ses enfants mineurs au cas où la filiation paternelle à leur égard serait dûment établie.

Ces deux derniers cas sont prévus par le code burundais de la nationalité en son article 25. Selon le prescrit de cet article, « est binational de plein droit l'enfant mineur lorsque son père ou, si la filiation paternelle n'est pas établie, lorsque sa mère acquiert une double nationalité».

Il va de soi que les deux cas produisent cet effet car « l'acquisition d'une nationalité nouvelle par une personne doit (...) entraîner le même effet à l'égard de ses enfants mineurs (...), afin de ne pas provoquer une disparité de statuts au sein de la famille ».183 Or, il est convenu que les enfants ont, au départ, la nationalité de leurs parents, du moins s'il s'agit d'une nationalité jure sanguinis à laquelle s'ajoute la nationalité nouvellement acquise, celle-ci entraînant des effets collectifs à l'égard de la famille.

L'individu peut non seulement se voir transmettre la double nationalité de son père ou de sa mère, mais aussi il peut avoir la double nationalité de ses parents, chacun lui transmettant sa nationalité.

Section 4. La transmission par filiation maternelle et paternelle (double droit du sang)

Si nous admettons l'équivalence de la paternité et de la maternité, il est normal que l'enfant se voit transmettre et la nationalité de sa mère et la nationalité de son père. Il y aura ainsi transmission de la nationalité jure sanguinis par la mère aussi bien que par le père.184

183 B. AUDIT, op. cit., p. 752

184 Idem, p. 761

51

Sous peine d'en faire un apatride, on ne saurait décider autrement que d'attribuer à l'enfant la nationalité de chacun de ses parents.

Ainsi, un enfant issu des oeuvres d'un Burundais et d'une Anglaise aura la double nationalité. En effet, en droit burundais, l'enfant né d'un père ayant la qualité de Burundais est Burundais de naissance ;185 la loi anglaise de 1981 décide que l'enfant d'un citoyen186 britannique devient britannique par filiation.187 L'enfant sera donc burundais si l'on considère la nationalité burundaise de son père et anglais si l'on considère la nationalité anglaise de sa mère.

Outre la transmission par filiation maternelle et paternelle, l'application simultanée des modes d'attribution de la nationalité d'origine peut aussi donner lieu à la double nationalité.

Section 5. L'application simultanée des critères du droit du sang et du droit du sol

La double nationalité peut résulter du fait que le pays d'origine confère à une personne sa nationalité en application du jus sanguinis, tandis que le pays d'accueil applique le système du jus soli.188 Il s'agit d'une situation fréquente car les Etats sont libres, rappelons-le, dans la détermination des conditions d'attribution de la nationalité.

Ainsi, un enfant né sur le territoire britannique d'un parent ayant la nationalité burundaise est bipatride. En application de la loi burundaise, l'enfant aura la nationalité burundaise, mais en même temps, de ce que « tout enfant né au Royaume-Uni de parents étrangers établis au Royaume-Uni au moment de la naissance de l'enfant est britannique »,189 cet enfant a des liens d'attache avec l'Etat britannique, du simple fait de sa naissance sur le territoire de ce dernier. De ce fait, l'enfant aura la double nationalité.

185 Voy. Supra, p. 25

186 La loi britannique ne distingue pas à cet égard selon qu'il s'agit du père ou de la mère ; chacun d'eux transmet la nationalité jure sanguinis.

187 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 789

188 D. GUTMANN, op. cit., p. 245

189 http : // fr.wikipedia.org/wiki/jus-soli visité le 27/05/2010 à 12h 16min.

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Cependant, si l'application simultanée des deux critères permet à l'intéressé d'avoir la double nationalité, le droit français a institué la faculté de répudiation permettant à la personne née à l'étranger de renoncer à la nationalité française qui lui avait été attribuée par filiation « si un seul des parents est français » et cela, « dans les six mois précédant sa majorité et (...) dans les douze mois la suivant ».190 Dans ce dernier cas, l'enfant n'aura la double nationalité que s'il renonce à sa faculté de répudiation ou « si le parent étranger (...) acquiert la nationalité française durant la minorité de l'enfant ».191

Selon les options politiques du moment, chacun des Etats peut appliquer le système qu'il juge lui être utile. Certains Etats peuvent d'ailleurs combiner les deux critères. L'application de l'un et l'autre de ces systèmes est justifiée.

§1. Application du droit du sang

L'adoption du droit du sang est toujours justifiée pour un Etat car ce droit entraîne indéniablement des avantages quand bien même des inconvénients n'en manquent pas.

A. Justification du système

Selon le système du jus sanguinis, le lien de filiation doit être considéré comme un critère pertinent d'attribution de la nationalité à la personne : l'enfant d'un ressortissant d'un Etat se verra ainsi reconnaître la même nationalité que son parent.192 On parle de nationalité transmise par filiation. Le critère de jus sanguinis comme mode d'attribution de la nationalité d'origine est pertinent dans la mesure où « le mode de vie et les valeurs de l'enfant sont nécessairement influencés par ceux de son parent ».193 Aussi paraît-il judicieux de tenir compte de l'origine de la personne pour l'intégrer à la population juridiquement constitutive d'un Etat.194

190 E n ce sens, voy. M. REVILLARD, op. cit., p. 23

191 Ibid.

192 D. GUTMANN, op. cit., p. 242

193 Ibid.

194 Ibid.

53

Le caractère pertinent du système est affirmé par d'autres auteurs. Ainsi, selon B. AUDIT, « Le facteur premier de formation de la personnalité est le milieu familial. L'individu y acquiert la langue dite « maternelle », les coutumes, la religion, les premiers modes de pensée. La filiation constitue donc un critère incontestable d'attribution d'une nationalité ».195

Le système du jus sanguinis est appliqué par le droit burundais de la nationalité. Cependant, il convient de faire remarquer que ce dernier opère une distinction en matière de filiation.

Contrairement au droit français qui attribue la nationalité française à l'enfant dont un seul des parents est français « sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'il s'agit du père ou de la mère »,196 le droit burundais, lui, consacre la primauté du jus sanguinis paterni.

La filiation paternelle permet de reconnaître la qualité de Burundais seulement à l'enfant légitime et l'enfant naturel reconnu ou ayant fait l'objet d'une légitimation par le père.197 Autrement dit, la transmission de la nationalité par le sang est en principe réservée au père.

La filiation maternelle revêt, quant à elle, une importance subsidiaire. Elle vient ainsi au secours de l'enfant naturel non reconnu par le père et de l'enfant désavoué par son père ;198 en un mot, seuls les enfants illégitimes ont la nationalité burundaise de leur mère, mais à la seule condition que la filiation maternelle soit établie la première.

Nous remarquons donc que l'enfant ne peut pas avoir la nationalité par filiation maternelle dans les autres cas que ces deux derniers. Par là, le législateur rompt le principe de l'égalité de l'homme et de la femme, quant à la transmission de la nationalité à leurs enfants, principe pourtant consacré par la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes à laquelle le Burundi est partie.199

195 B. AUDIT, op. cit., p. 750

196 Idem, p. 775

197 Voy. Supra, p. 25

198 Voy. Supra, p. 25

199 En ce sens, voy. Art. 19 de la loi n°1/610 du 18 mars 2005 portant promulgation de la constitution de la République du Burundi, in B.O.B. n°3TER/2005

54

Ce dernier point de vue nous permet d'affirmer que la législation burundaise sur la nationalité se situe à une époque où se trouvait la législation belge, c'est-à-dire à la veille de l'entrée en vigueur du nouveau code de la nationalité belge (loi du 28 juin 1984)200 car cette législation « se distinguait par l'inégalité qu'elle maintenait (...) entre l'homme et la femme ».201

Un pas reste donc à faire pour le Burundi dans la mise en oeuvre de la convention susmentionnée, ce qui, par ailleurs, lui permettra de se mettre en accord avec les principes internationaux et de se conformer à l'article 19 de la constitution de la République du Burundi.202

Cependant, malgré les critiques élevées à son égard, le droit burundais de la nationalité a le mérite d'attribuer la qualité de Burundais sans distinguer selon qu'il s'agit d'un enfant légitime ou naturel du moment que la filiation légitime ou naturelle est dûment établie à l'égard du père.203

Les Etats ont des raisons de choisir ce système, même si à ses avantages s'ajoutent des inconvénients.

B. Avantages et inconvénients du droit du sang

Le lien de filiation a non seulement des avantages mais aussi des inconvénients. 1. Les avantages

Le jus sanguinis fait coïncider habituellement la nationalité avec la race ; l'individu se trouve par, conséquent, soumis à la loi de la race, c'est-à-dire à des lois adaptées, en principe, à son tempérament et au milieu auquel il est appelé à vivre.204

En outre, le jus sanguinis répond à « l'idée d'éducation familiale, créatrice de pensées et de sentiments communs ».205

200 J. HANSENNE, Introduction au droit privé, édition Kluwer, Bruxelles, 2000, p. 263

201 Idem, p. 264

202 Voy. Supra, p. 48

203 Voy. Supra, p. 25

204 J. DE BURLET, op. cit., p. 21

205 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 639

55

2. Les inconvénients

Au titre des inconvénients, dans la mesure où une famille est amenée à vivre, à travailler et à se développer en dehors de son pays d'origine, l'octroi aux enfants de cette famille de la nationalité de leurs père et mère risque de constituer un sérieux handicap pour ces enfants.206 Il aura pour conséquence de faire de ces derniers des étrangers par rapport au milieu local dans lequel ils seront appelés à évoluer et de les soumettre à un statut personnel qui risque de s'avérer inadapté à leur mentalité.207

Un autre inconvénient s'ajoute à ce premier. Il s'agit de celui relatif à la preuve de la nationalité ainsi acquise : pour établir sa nationalité, l'individu doit prouver celle de son auteur et ainsi de suite.208

Enfin, l'attribution de la nationalité jure sanguinis se prête à une transmission indéfinie malgré l'émigration définitive de l'ascendant dont on tient cette nationalité.209

§2. Application du droit du sol

L'importance du lien avec le territoire justifie son adoption. Ceci est d'autant plus vrai que le système comporte des avantages à côté de ses inconvénients.

A. Justification du système

A côté du lien de filiation, le lien avec le territoire est, lui aussi, un important mode d'attribution de la nationalité d'origine. Ce système insiste, quant à lui, sur la pertinence du lieu de naissance et/ou de résidence.210 L'importance du critère justifie qu'il soit pris en considération par de nombreux systèmes. A ce propos, un certain auteur a affirmé qu'« un individu né dans un pays et y vivant prendra les moeurs, les habitudes, les façons de sentir et de penser des habitants de ce pays, deviendra semblable à ceux-ci, s'agrégera à leur groupe ».211

206 J. DE BURLET, op. cit., p. 21

207 Ibid.

208 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p. 750

209 Ibid.

210 En ce sens, voy. D. GUTMANN, op. cit., pp. 242-243

211 MAURY cité par P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 639

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Ce système souligne donc la place essentielle du milieu social (scolaire notamment) dans l'évolution individuelle.212 Il favorise ainsi l'accès à la nationalité de l'Etat d'accueil pour les enfants d'étrangers nés ou résidant sur le territoire.213

Rappelons que le système du jus soli est appliqué par le droit burundais. Mais contrairement au droit français qui applique le double droit du sol, le droit burundais, lui, applique le simple droit du sol. La naissance de l'enfant sur le sol burundais suffit, le droit burundais n'exige pas qu'un de ses parents au moins y soit lui-même né.

En droit français, la naissance en France n'est à elle seule cause d'attribution de la nationalité française que lorsqu'elle constitue le seul rattachement de l'enfant à un Etat, et permet ainsi d'éviter l'apatridie.214

Dans d'autres cas, c'est le double lien avec le territoire français qui est pris en compte.

Ainsi, selon le double droit du sol et en application de l'article 19-3 du code civil français, « est français l'enfant, légitime ou naturel, né en France lorsqu'un de ses parents au moins y est lui-même né ». Pour acquérir la nationalité française, l'enfant doit donc naître en France d'un parent étranger qui y est lui-même né.215

Cependant, si le simple droit du sol n'est admis en droit français que lorsqu'il permet d'éviter l'apatridie, nous ne saurions passer sous silence le fait que, même en droit burundais, le système a été institué dans l'intérêt des enfants qui, à défaut de ce dernier, se trouveraient en situation d'apatridie.

Comme le droit du sang, le droit du sol présente quelques avantages même s'il ne manque pas d'inconvénients.

212 En ce sens, voy. D. GUTMANN, op. cit., p. 243

213 Ibid.

214 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 648

215 J. BUBELLIN-DEVICHI (dir.), Droit de la famille, Dalloz, Paris, 2001, p. 672

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B. Avantages et inconvénients du système

Le système du droit du sol comporte des avantages et des inconvénients.

1. Avantages

Le jus soli est supérieur au jus sanguinis en ce sens qu'il permet tout d'abord de rapporter aisément la preuve de la nationalité d'origine par la production du certificat de naissance de l'individu dont la nationalité est contestée ; le fait que les parents soient inconnus ou apatrides demeure sans influence sur le contentieux de la nationalité.216

Deux autres avantages s'ajoutent à ce premier. L'un, d'ordre social, est celui qui a été déjà évoqué dans les précédents développements : le jus soli a le mérite d'éviter l'apatridie,217 car le lien avec le territoire permet d'attribuer la nationalité à une personne qui, à défaut de ce critère, deviendrait apatride ; l'autre est d'ordre économique : le jus soli permet d'intégrer dans la population des pays qui, vieillis ou trop neufs, souffrent d'un manque de main d'oeuvre, les enfants des travailleurs étrangers.218 Le critère du jus soli convient donc particulièrement à des pays qui appellent l'immigration.219

2. Inconvénients

S'agissant des inconvénients, toute application rigide du jus soli risque de conduire à des conflits de nationalités.220 Ceci est d'autant plus réel que, comme nous l'avons déjà précisé, l'application simultanée de ce critère avec celui du jus sanguinis aboutit à la situation de double nationalité.

Il conviendrait que les Etats combinent le jus soli et le jus sanguinis et ne confèrent la nationalité « jus soli » qu'à des individus dont la naissance sur leur territoire n'est pas le résultat d'un pur hasard et qui n'auraient avec le pays de leur naissance aucune attache sérieuse.221

216 En ce sens, voy. J. DE BURLET, op. cit., p. 22

217 Voy. Supra, p. 56

218 En ce sens, voy. J. DE BURLET, op. cit., p. 23

219 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p. 750

220 J. DE BURLET, op. cit., p. 23

221 Ibid.

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Cependant, les Etats ne sont pas en mesure d'éviter la situation de conflit de nationalités. Nous savons, en effet, qu'il est un principe de liberté étatique en matière de nationalité selon lequel les Etats sont libres dans la fixation des conditions d'attribution ou d'acquisition de la nationalité. Des solutions sont là qui permettent de faire face aux conflits de nationalités hélas difficiles à éviter.

Le système du jus soli présente un autre inconvénient. Il risque de se fonder sur un fait qui peut être le résultat de circonstances fortuites.222

Le parcours du deuxième chapitre nous permet de conclure qu'il existe plusieurs causes de la double nationalité dont la plupart sont prévues par le droit burundais de la nationalité : il s'agit du lien de filiation appliqué simultanément avec le jus soli, du mariage, de l'adoption, de la naturalisation, du double jus sanguinis, du recouvrement de la nationalité, etc.

Il reste à préciser que quelle que soit la cause de la double nationalité, le droit burundais prévoit que « la qualité de double national sera obligatoirement mentionnée dans le registre-répertoire des actes modificatifs ou déclaratifs de nationalité ».223

En vertu de l'article 29, alinéa 2 du code burundais de la nationalité, il sera, en outre, clairement indiqué le nom de l'autre Etat dont le double national est ressortissant.

Le registre susmentionné est ainsi un important outil dans la détermination de l'effectif des personnes ayant acquis la qualité de double national selon le droit burundais. Cependant, le Ministère de la Justice ne nous a pas permis d'avoir accès audit registre, ce qui nous a empêchés d'atteindre cet objectif.

La double nationalité a des causes multiples mais encore elle entraîne beaucoup d'inconvénients quand bien même elle ne manque pas d'avantages. Elle entraîne ainsi des conflits de nationalités dits positifs, par opposition aux conflits négatifs et tous ceux-là seront analysés, en même temps que leurs solutions, au cours du troisième chapitre.

222 J. HANSENNE, op. cit., p. 262

223 Art. 29, al. 1er, Cod. Nat., in B.O.B. n°8bis/2000

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CHAPITRE. III. PROBLEMATIQUE DE LA DOUBLE NATIONALITE ET SOLUTIONS AUX CONFLITS DE NATIONALITES

Le cumul de nationalités ne doit pas être considéré comme une situation anormale.224 Il s'agit d'une situation fréquente et inévitable parce que, comme nous l'avons souligné, les Etats gardent leur pleine liberté dans la détermination des conditions d'attribution ou d'acquisition de leurs différentes nationalités. Le caractère normal du cumul de nationalités, et plus précisément de la double nationalité, a été perçu par beaucoup d'Etats dans le monde au point que certains en sont venus à consacrer la situation comme un principe reconnu dans leurs législations internes respectives en matière de nationalité.

La binationalité devient donc une réalité et il ne saurait en être autrement car elle comporte des avantages au bénéfice du double national (section 1).

Cependant, la double nationalité ne comporte pas que des avantages, elle entraîne, en outre, des inconvénients, des conflits dits positifs (section 2) auxquels il importe de remédier par des solutions prévues par les différentes dispositions juridiques tant internes qu'internationales (section 3).

A l'antipode des conflits positifs générés par la double nationalité se trouvent des conflits dits négatifs, rares, qui sont liés à la situation d'apatridie. Ces derniers conflits seront étudiés accessoirement aux conflits positifs qui constituent le thème central de ce chapitre.

Section 1. Avantages de la double nationalité

La double nationalité permet à l'intéressé de cumuler les droits et les protections diplomatiques (§1), de bénéficier des effets des traités (§2) et d'avoir droit à un double passeport (§3).

224 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p. 333

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§1. Le cumul des droits et des protections diplomatiques

La double nationalité entraîne indéniablement des avantages, en ce sens que le double national voit ses droits et protections diplomatiques cumulés.

A. Le cumul des droits

La double nationalité n'est généralement pas préjudiciable aux intérêts des individus concernés. Ceux-ci peuvent, en effet, exercer les droits reconnus par les deux Etats en cause à leurs nationaux.225 Le double national se trouve donc dans une situation privilégiée par rapport à un simple national. Ceci se comprend aisément. S'il est convenu que la nationalité permet à l'intéressé de jouir des droits à l'égard de l'Etat dont il est le national, il est a fortiori compréhensible que « ses droits sont accrus puisque dans chaque pays il a le statut d'un national ».226

Il s'en suit donc que le double national se trouve dans une situation réconfortante dans tous les cas. S'il arrive qu'un droit ne soit pas prévu par la législation de l'un des deux Etats dont il a la nationalité, il en bénéficiera dans l'autre ; de nombreuses facilités lui sont ainsi offertes comparativement à un simple national.

Ainsi, le double national a le libre accès aux emplois publics dans les deux pays dont il a la nationalité.

De même, la double nationalité offre des avantages en matière des protections diplomatiques en ce sens que celles-ci sont cumulées.

B. Le cumul des protections diplomatiques

Par définition, la protection diplomatique est l' « action par laquelle un Etat décide d'endosser, de prendre à son compte la réclamation d'un de ses nationaux contre un autre Etat et de porter par là le litige sur le plan international par voie diplomatique ou juridictionnelle ».227

225 F. MELIN, op. cit., p. 214

226 J. DERRUPPE, op. cit., p. 16

227 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 688

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Tout individu soumis à l'allégeance de deux Etats est susceptible de pouvoir bénéficier de la protection diplomatique exercée par ces derniers. Cela est d'autant plus logique qu'« un individu possédant deux ou plusieurs nationalités pourra être considéré par chacun des Etats dont il a la nationalité comme son ressortissant ».228

Ainsi, le droit burundais de la nationalité, en prévoyant qu' « à l'étranger, le citoyen burundais bénéficiant d'une double nationalité a droit à la protection diplomatique et aux services consulaires »229 s'inscrit dans la perspective de la disposition de la convention de La Haye du 12 avril 1930 concernant certaines questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité qui accorde à chacun des Etats dont l'intéressé a la nationalité la compétence de le défendre.

Le cumul de nationalités se traduit donc pour l'intéressé par un certain nombre de facilités en ce sens qu'il pourra théoriquement invoquer la protection diplomatique liée à chacune d'elles ; selon l'Etat tiers à l'encontre duquel il est appelé à faire jouer cette protection, l'une peut être plus efficace que l'autre.230

En matière de protection diplomatique, « la responsabilité internationale d'un Etat ne peut être engagée que si l'Etat national de l'individu lésé prend fait et cause pour lui ».231 En d'autres termes, l'Etat donneur de nationalité endosse, prend à sa charge la réclamation de l'individu lésé par un fait internationalement illicite commis à l'étranger.

La protection diplomatique, telle qu'elle a été définie, se distingue de la protection fonctionnelle. Tandis que la première est accordée par l'Etat à ses nationaux ou à certaines catégories d'autres individus, la seconde est exercée par une organisation internationale au profit de ses fonctionnaires.232

En outre, la notion ne doit pas être confondue avec la protection dont jouissent les agents diplomatiques grâce aux immunités diplomatiques.233

228 Art. 3 de la convention de La Haye du 12 avril 1930 sur certaines questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité.

229 Art. 27 du Cod. Nat., in B.O.B. n°8bis/2000

230 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p. 761

231 M. DEYRA, Droit international public, Gualino éditeur, Paris, 2007, p. 166

232 L. CAVARE, Droit international public positif, T. I, Notion de droit international public, structure de la société internationale, 3e éd., éditions A. PEDONE, Paris, 1973, p. 295

233 En ce sens, voy. D. RUZIE, Droit international public, 19e éd., Dalloz, Paris, 2008, p. 72

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L'endossement de la réclamation de l'individu fait dans le cadre de la protection diplomatique tire son fondement dans le lien qui existe entre l'Etat et l'individu (1) ; il entraîne en outre certaines conséquences (2) tandis que sa recevabilité est subordonnée à certaines conditions (3).

1. Fondement de la protection diplomatique

La protection diplomatique vient de l'idée que le ressortissant fait partie du portefeuille de l'Etat, lui appartient, et si on lui cause préjudice, c'est l'Etat lui-même qui est préjudicié.234 Les propos d'E. de Vattel, lorsqu'il note que « quiconque, traite mal un citoyen porte indirectement préjudice à l'Etat qui doit protéger ce citoyen »235 sont très expressifs. Cette idée se comprend aisément car les nationaux d'un Etat constituent son « patrimoine humain »236 et il est logique que celui-ci doit être protégé où qu'il se trouve. La doctrine affirme elle-même que « la population de l'Etat est un de ses éléments primordiaux ».237

Il résulte de ce qui précède que lorsque l'Etat prend fait et cause pour son national, celui-ci n'exerce pas un droit reconnu à la personne protégée.

Ce fondement de l'endossement fait que ce dernier emporte certaines conséquences sur le plan international.

2. Conséquences de la protection diplomatique

Une fois l'endossement de la réclamation accepté par l'Etat, il entraîne d'importantes conséquences.

Ainsi, dès que l'affaire est portée sur le plan international, la réclamation s'internationalise. En d'autres termes, ce qui est en cause maintenant, ce n'est plus une question relevant du droit interne de l'Etat contre lequel l'action est menée, mais une question de droit international, celle-là même que l'étranger n'a pas pu faire trancher avec succès par les autorités nationales de l'Etat.238 A partir du moment où l'Etat saisit, en protection de son national, une instance judiciaire internationale, l'affaire prend une ampleur internationale.

234 En ce sens, voy. E. KAGISYE, Cours de droit des affaires, inédit, 2e licence, Droit, Bujumbura, U.L.T., 2008-2009, p. 100

235 E. de Vattel cité par E. CANAL-FORGUES et P. RAMBAUD, Droit international public, éditons Flammarion, Paris, 2007, p. 450

236 M. DEYRA, op. cit., p. 87

237 Voy. Supra, p. 15

238 En ce sens, voy. J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p. 534

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En outre, le principe que la protection diplomatique suppose l'endossement de la réclamation de la personne lésée par l'Etat entraîne une conséquence importante : « changement du statut de la réclamation (...) en ce que, par la voie de l'endossement, elle devient interétatique, c'est-à-dire met face à face l'Etat auquel le dommage est imputé et l'Etat protecteur qui se substitue purement et simplement au particulier ».239 Le particulier s'éclipse donc complètement devant l'intervention de l'Etat qui se substitue à lui dans sa réclamation.

L'endossement de la réclamation fait par l'Etat n'est recevable que si plusieurs conditions sont remplies.

3. Conditions de recevabilité de la protection diplomatique

Pour que l'endossement de la réclamation puisse avoir lieu, le réclamant doit justifier d'un rattachement avec l'Etat protecteur (a), adopter une attitude correcte (b) et épuiser les voies de recours internes (c).

a. La nationalité de la victime

Un Etat ne peut exercer sa protection diplomatique qu'au profit de ses nationaux, c'est-à-dire des personnes physiques qui lui sont rattachées par un lien de nationalité.240 La conséquence de cette règle est importante. Il n'y a pas de protection diplomatique dont puissent bénéficier les personnes sans nationalités (apatrides),241 sauf disposition contraire. La jurisprudence internationale est constante sur ce point et s'exprime de façon catégorique : « En l'absence d'accords particuliers, seul le lien de nationalité donne à l'Etat le droit de protection diplomatique ».242

Signalons à toutes fins utiles que l'Etat n'est pas obligé d'intervenir, dans tous les cas, même pour ses nationaux. La doctrine nous renseigne que la décision d'exercer la protection diplomatique pour le compte d'un national est en général discrétionnaire et un gouvernement s'abstiendra normalement de le faire pour une personne qui possède sa nationalité alors que ce lien apparaît dans son cas formel.243

239 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p. 535

240 NGUYEN QUOC DINH et alii, op. cit., p. 772

241 J. VERHOEVEN, Droit international public, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 636

242 NGUYEN QUOC DINH et alii, op. cit., pp. 772-773

243 B. AUDIT, op. cit., p. 763

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Cependant, si l'Etat peut s'abstenir d'assurer la protection internationale de son national, la jurisprudence admet que « Le national ne saurait renoncer à l'exercice de cette protection ».244 Il s'agit de l'interdiction de la clause Calvo, du nom de son inventeur, homme d'Etat et jurisconsulte argentin, qui vécut de 1824 à 1906,245 selon laquelle « Les contrats conclus entre certains Etats du centre et du sud de l'Amérique et des étrangers ne peuvent être appréciés que par les juridictions internes ».246

b. La conduite du réclamant

Il s'agit de la théorie des « clean hands » qui implique que la victime ne puisse se voir reprocher une conduite incorrecte comme une action contraire au droit interne ou international, ou une imprudence.247

Par conséquent, l'individu qui affiche une attitude incorrecte dans un pays d'accueil perd tout droit à la protection diplomatique. L'étranger résidant dans un pays est tenu à une certaine attitude faite de discrétion, de loyauté envers l'Etat sur le territoire duquel il se trouve.248 S'il se méconduit, il mérite une sanction de la part de l'Etat de sa résidence, et il serait inconcevable, voire illogique qu'il puisse se prévaloir de la protection diplomatique du moment que le traitement par lui subi a été dicté par son comportement fautif.

c. L'épuisement préalable des voies de recours internes

La protection diplomatique ne peut intervenir qu'en l'absence de voies de recours internes ou si celles-ci ont été épuisées.249 Cette règle a pour but de ne pas privilégier d'emblée le ressortissant étranger par rapport aux citoyens d'un

Etat.250

244 L. CAVARE, T. I, op. cit., p. 292

245 L. DELBEZ, Les principes généraux du droit international public, Droit de la paix, droit préventif de la guerre, droit de la guerre, 3e éd., L.G.D.J., Paris, 1964, p. 373

246 L. CAVARE, Droit international public positif, T. II, Les modalités des relations juridiques internationales, Les compétences respectives des Etats, 3e éd., éditions A. PEDONE, Paris, 1973, p. 442

247 M. DEYRA, op. cit., p. 166

248 L. CAVARE, T. I, op. cit., p. 287

249 M. DEYRA, op. cit., p. 167

250 R. KOLB, op. cit., p. 463

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Il importe de faire remarquer que la règle de l'épuisement préalable des voies de recours internes ne joue pas si l'individu ne s'est pas soumis à l'ordre juridique étranger, par exemple s'il subit des dommages par l'action d'un Etat tiers sur le territoire de l'Etat dont il est ressortissant.251

Comme avantage de la double nationalité, outre les protections diplomatiques exercées par les Etats dont il a la nationalité, l'individu tire aussi profit des traités ratifiés par ceux-là.

§2. Le bénéfice des effets des traités

La double nationalité procure un avantage indéniable à l'intéressé en matière de traités. En effet, ce dernier « peut, toujours dans un Etat tiers, prétendre bénéficier des traités les plus favorables passés avec cet Etat par chacun de ceux dont il tient la nationalité ».252 Ainsi, par exemple, si une personne X a la nationalité des Etats A et B et que ces derniers ont conclu, chacun, des conventions avec l'Etat C, celui-ci ne peut pas invoquer le fait que l'intéressé bénéficie du traité conclu avec l'Etat A, pour lui refuser l'avantage qu'il pourrait tirer du traité passé avec l'Etat B.

L'avantage que le double national tire de sa qualité en matière de traités est certain en ce sens que, dans ce domaine même, l'application du principe d'effectivité de la nationalité, comme solution au conflit de nationalités, est écartée. En matière de traités, dans l'hypothèse où l'intérêt du conflit de nationalités est l'application d'un traité conclu par l'Etat du for avec l'un des deux Etats dont l'intéressé a la nationalité, le respect par l'Etat du for de la souveraineté de l'Etat contractant devrait l'obliger à appliquer le traité à tous les individus que cet Etat reconnaît comme ses nationaux même s'ils possèdent « plus effectivement » la nationalité d'un Etat tiers.253

Non seulement la double nationalité permet à l'intéressé de jouir des avantages sur le plan de l'application des traités à son égard, mais aussi la situation rend sa liberté d'aller et de venir de plus en plus accrue.

251 NGUYEN QUOC DINH et alii, op. cit., p. 740

252 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p. 761

253 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p. 84

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§3. Le droit à un double passeport

La double nationalité procure un autre avantage de taille sur le plan de la mobilité internationale. La circulation internationale de l'intéressé se trouve facilitée par la possibilité d'obtenir plusieurs passeports.254 Cette idée se comprend aisément car chacun des Etats à l'allégeance desquels l'individu est soumis lui délivre un passeport.

Si la constitution burundaise prévoit que « Tous les citoyens burundais ont le droit de circuler et de s'établir n'importe où sur le territoire national, ainsi que de le quitter et d'y revenir »,255 il va de soi que l'intéressé se voit reconnaître cette liberté à l'égard du Burundi, mais aussi à l'égard d'un autre Etat dont il est également citoyen et dont la législation fondamentale interne prévoit sans doute une disposition similaire. Le double national navigue ainsi sans problème entre son pays d'origine et son pays d'accueil et, pour reprendre les propos de Hichem, cette qualité lui « permet d'être un citoyen du monde ».256

Nous pouvons donc simplement dire que la double nationalité permet à l'intéressé de quitter chez lui pour aller chez lui : lorsqu'il quitte, par exemple, le Burundi pour aller au Royaume-Uni dont il est également le national, il va chez lui et lorsqu'il quitte ce dernier pays pour revenir au Burundi, il revient chez lui.

Ainsi, une personne ayant la double nationalité, par exemple burundaise et suisse a un avantage certain au point de vue de la libre circulation. Etant au Burundi, elle voyage facilement dans la région, notamment en Ouganda et au Rwanda tandis que, étant en Suisse, elle peut circuler facilement dans toute l'Europe.

Il est incontestablement admis que la double nationalité offre beaucoup de facilités au regard des avantages précédemment relevés. Cependant, des inconvénients sont là qui requièrent des remèdes et ce sont là les points faibles de la double nationalité.

254 J. DERRUPPE, op. cit., p. 16

255 Art.33 de la loi du 18 mars 2005 portant promulgation de la constitution de la République du Burundi, in B.O.B. n°3TER/2005

256 http : // www.actualite.el-annabi.com/archive-actualite/article.php3?id-article=3796 visité le 04/01/2011 à 10h 06min.

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Section 2. Les points faibles de la double nationalité

Outre les avantages précédemment examinés, la double nationalité entraîne des difficultés dans l'accomplissement des obligations militaires et la mise en oeuvre du devoir de fidélité (§1), dans l'exercice des protections diplomatiques (§2) ainsi que dans le domaine d'état et de capacité des personnes (§3).

§1. Difficulté à accomplir les obligations militaires et le devoir de fidélité

Le conflit positif présente des difficultés au cas où les deux Etats qui reconnaissent une personne pour leur national lui réclame un devoir total d'allégeance. Ces difficultés naissent ainsi dans l'accomplissement du service militaire (A) ainsi que dans la mise en oeuvre du devoir de fidélité (B).

A. Accomplissement des obligations militaires

Pour comprendre l'ampleur du problème, il convient d'emblée de préciser que « l'Etat est fondé à réclamer de ses nationaux même à l'étranger l'assistance par les armes, qui est le premier devoir de tout citoyen vis-à-vis de la patrie menacée ».257 Le jus avocandi, c'est-à-dire le droit de mobiliser ses citoyens en cas de guerre, est aussi incontestable que d'usage universel258 et il appartient à l'Etat national de fixer « librement lui-même les conditions dans lesquelles ses nationaux (...) satisferont à leur obligation de service militaire ».259

Le double national éprouve, par conséquent, une difficulté de concilier ces obligations incompatibles car il est possible que l'un et l'autre Etat dont il a la nationalité en exigent l'exécution durant la même période.260

Le problème que nous soulignons ici est évident. Si la constitution burundaise en vigueur dispose, en son article 7, alinéa 1er que « Tous les citoyens sont tenus de s'acquitter de leurs obligations civiques et de défendre la patrie », cette dernière disposition crée une situation embarrassante au préjudice d'un binational car, indubitablement, en accomplissant son obligation à l'égard du Burundi, ce dernier y aura manqué à l'égard d'un autre Etat dont il est

257 En ce sens, voy. L. DELBEZ, op. cit., p. 194

258 Ibid.

259 Ibid.

260 En ce sens, voy. F. RIGAUX, Droit international privé, T. I, Théorie générale, Larcier, Bruxelles, 1977, p.

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également le national et qui lui impose, aussi une obligation de ce genre. Or, le manquement aux obligations résultant de la nationalité peut être sanctionné dans certaines conditions par la perte de celle-ci.261 Ceci est d'autant plus vrai qu'en agissant en faveur d'un seul des deux Etats, l'intéressé aura manqué à son devoir de fidélité, du moins si les deux Etats sont en guerre.

B. La mise en Suvre du devoir de fidélité

Le devoir de fidélité est étroitement lié à l'obligation militaire et sa mise en oeuvre se trouve être un autre problème juridique découlant de la double nationalité. Cette situation peut créer des conflits de devoirs,262 entraînant ainsi pour le binational le problème de « respect du devoir de fidélité que chacun des Etats est en droit d'attendre de ses sujets »263 au cas où une guerre serait déclarée entre les deux Etats. L'intéressé se trouve ainsi devant un dilemme : défendre l'Etat B et se comporter en ennemi de l'Etat A et vice-versa.

La conséquence de la situation est évidente. Il est hors de toute discussion que pareille situation fasse peser sur l'intéressé la lourde punition de la déchéance de la nationalité et c'est là la position du droit français. C'est ainsi que l'article 25, 4o du code civil français prévoit une cause de déchéance fondée sur le défaut de loyalisme : le fait de s'être « livré au profit d'un Etat étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France ».264

En droit burundais, « le double national ne peut se prévaloir de sa qualité d'étranger au Burundi pour se soustraire à l'exécution des obligations civiques ».265 L'interprétation de cette disposition nous mène à la conclusion que le binational qui y contrevient s'expose à des sanctions, notamment la perte de la nationalité burundaise.

261 D. GUTMANN, op. cit., p. 244

262 R. RANJEVA et C. CADOUX, op. cit., p. 122

263 F. RIGAUX, op. cit., p. 159

264 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 668

265 Art. 26 du Cod. Nat., in B.O.B.n°8bis/2000

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L'intéressé court ainsi le risque de se voir retirer la qualité de national au cas où, embarrassé par la situation, il s'abstient d'accomplir ses obligations militaires dans les deux pays dont il a la nationalité, pouvant de cette manière devenir apatride et perdant, par la même occasion, tout droit à la protection diplomatique dont l'exercice pose, par ailleurs également, problème en cas de double nationalité.

§2. Problème d'exercice de la protection diplomatique

Si la double nationalité entraîne tant de difficultés, c'est surtout dans l'exercice de la protection diplomatique que le problème apparaît puisque cet exercice n'est ouvert qu'à l'Etat national de la victime supposée d'un agissement illicite de l'Etat défendeur.

Il est question de déterminer la qualité pour introduire la réclamation. La question est aisément résolue dans les rapports entre l'un des Etats nationaux et un Etat aux yeux de qui la victime est de toute façon étrangère : celui-ci ne peut opposer à la réclamation d'un Etat qui la considère comme son ressortissant une irrecevabilité tirée de ce qu'elle aurait également la nationalité d'un autre.266

La question devient plus embarrassante lorsque changent les interlocuteurs dans l'affaire, plus précisément dans l'hypothèse d'une protection exercée par l'un des Etats nationaux contre l'autre. La pratique internationale n'y apporte pas de réponse uniforme.267

Les difficultés attachées à la double nationalité ne s'arrêtent pas là. La matière d'état et de capacité des personnes n'est pas épargnée par les problèmes juridiques découlant de la double nationalité.

266 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p. 334

267 Voy. Infra, p. 72 et p. 84 ; aussi, Comparez J. VERHOEVEN, op. cit., p. 637 et D. CARREAU, Droit international, 5e éd., Pedone, Paris, 1997, p. 448

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§3. La double nationalité et les questions d'état et de capacité des personnes

Nous avons déjà souligné que la nationalité peut être un critère de rattachement lorsque l'on a besoin de déterminer la loi applicable en cas de conflit de lois. Si la question paraît facilement soluble en ce domaine lorsqu'il s'agit d'une nationalité « simple », la réalité est tout autre en cas de binationalité, quand il est question de déterminer laquelle, entre deux lois nationales, est susceptible de s'appliquer. La compétence de la loi nationale se heurte en tout domaine et plus précisément dans celui de l'état et de la capacité des personnes aux cas de double nationalité.268

L'autorité saisie est à ce moment embarrassée par la question de savoir laquelle des deux lois nationales il lui est loisible de choisir afin de l'appliquer au cas concret posé. Deux principes, celui de la primauté de la nationalité du for et celui de l'effectivité de la nationalité, sont susceptibles de contribuer à la résolution du problème quand bien même les solutions sont loin de recueillir l'unanimité.

Toutes les difficultés découlant de la double nationalité que nous venons de relever exigent que des solutions leur soient apportées.

Section 3. Solutions aux conflits de nationalités

Les conflits de nationalités se scindent en conflits positifs (§1), résultant de la double nationalité et en conflits négatifs (§2), ceux-ci étant le résultat de l'apatridie. On perçoit la nécessité d'examiner les conflits négatifs dont l'étude, bien que n'étant pas principalement concernée par notre travail, est de nature à assurer la complétude de la compréhension de la notion de conflit de nationalités.

§1. Conflits positifs

La résolution des conflits positifs de nationalités passe par leur prévention (A), leur élimination (B), la suppression de certains de leurs effets (C), l'adoption de la solution tenant compte de la fonction que remplit la nationalité (D) ainsi que par d'autres solutions diverses (E).

268 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p. 497

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A. Prévention des conflits

La première solution aux conflits de nationalités consiste dans la prévention de la situation de double nationalité. Pour y parvenir, les Etats procèdent à la conclusion des conventions tendant à réduire les cas de cumul de nationalités. C'est le cas de la Convention de Strasbourg du 6 mai 1963 adoptée dans le cadre du conseil de l'Europe. Celle-ci « vise à pallier les inconvénients de la plurinationalité et à en prévenir la survenance en exigeant de chaque partie qu'elle délie de son allégeance tout ressortissant qui acquiert volontairement la nationalité d'un autre Etat.269 L'article 1er de la convention susvisée est formel à ce sujet. En vertu de cette disposition, « Les ressortissants majeurs des Parties contractantes qui acquièrent, à la suite d'une manifestation expresse de volonté, par naturalisation, option ou réintégration, la nationalité d'une autre Partie, perdent leur nationalité antérieure, ils ne peuvent être autorisés à la conserver ».

Qui plus est, la Convention des NU du 20 février 1957 sur la nationalité des femmes mariées « qui exclut toute (sic) effet automatique du mariage sur la nationalité de la femme »270 est de cette catégorie des conventions dont le rôle est d'assurer la prévention des cas de cumul de nationalités.

Les deux instruments juridiques nous proposent une solution, mais ce n'est pas à proprement parler une solution car le problème n'a pas eu l'occasion de se poser ; il s'agit en réalité d'un refus catégorique du principe même de la double nationalité.

La doctrine antérieure à la deuxième guerre mondiale semble avoir été unanime au sujet de la prévention des conflits de nationalités.271 Toutefois, de nos jours, les esprits ont considérablement évolué et certains auteurs n'hésitent pas à qualifier cette directive de droit international sur la prévention des conflits de nationalités de « principe abstrait et tout théorique » en invitant les législateurs nationaux à « ne pas être obnubilés par la crainte de créer des cas de double nationalité ».272

269 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p. 334

270 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 634

271 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 32

272 Ibid.

72

On ne saurait donc pas, à l'heure actuelle, prêcher en faveur de cette solution dont l'adoption systématique par les Etats n'aurait pour effet que de faire reculer le droit de la nationalité.

Nous pensons que c'est la raison pour laquelle l'Etat burundais n'a souscrit à aucune convention relative à la prévention des conflits de nationalités, la double nationalité ayant été consacrée par la loi n°1/013 du 18 juillet 2000 portant réforme du code de la nationalité.

Il reste que lorsque les lois nationales sur la nationalité sont ouvertes, celles-ci donnent naissance à des cas de conflits de nationalités dont l'élimination peut être envisagée.

B. Elimination des conflits : renoncement à l'une des nationalités

Les mesures prévues pour éliminer les conflits positifs consistent le plus souvent en possibilités de renonciation de la nationalité. Sans uniformiser ni coordonner les règles relatives à l'attribution de leur nationalité, plusieurs Etats peuvent convenir des solutions communes tendant à éliminer certains conflits entre deux nationalités respectives.273

Une technique recommandée par les articles 6 et 11 de la Convention du 12 avril 1930 relative aux conflits de lois sur la nationalité et mise en oeuvre par l'article 2, §2, de la convention européenne du 6 mai 1963 sur la réduction des cas de pluralité de nationalités et les obligations militaires en cas de pluralité de nationalités consiste à prévoir la faculté, pour le bipatride, de renoncer à l'une de ses nationalités.

Ainsi, les deux articles de la première convention disposent respectivement que « Sous réserve du droit pour un Etat d'accorder une plus large faculté de répudier sa nationalité, tout individu possédant deux nationalités acquises sans manifestation de volonté de sa part pourra renoncer à l'une d'elles, avec l'autorisation de l'Etat à la nationalité duquel il entend renoncer » et que « La femme qui, d'après la loi de son pays, a perdu sa nationalité par suite de son mariage, ne la recouvre que si elle en fait la demande et conformément à la loi de ce pays [et] dans ce cas, elle perd la nationalité qu'elle avait acquise par suite de son mariage ».

273 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 160

73

L'article 2, §2, de la convention de Strasbourg assure la mise en oeuvre de la convention du 12 avril 1930 dans la mesure où il dispose que l'autorisation de renoncer à la nationalité prévue par celle-ci « ne sera pas refusée par la Partie contractante dont le ressortissant majeur possède de plein droit la nationalité, s'il a depuis au moins dix ans, sa résidence habituelle hors du territoire de cette Partie et à la condition qu'il ait sa résidence habituelle sur le territoire de la Partie dont il entend conserver la nationalité ».

L'exercice effectif de pareille renonciation élimine les conflits de nationalités pour autant que l'Etat à la nationalité duquel il est renoncé admette la perte de celle-ci par l'effet de la renonciation.274

La solution qui consiste à renoncer à l'une des nationalités, pour éliminer les conflits de nationalités, n'est pas prévue par le code burundais de la nationalité.

A défaut de pouvoir éliminer les conflits de nationalités, il y a lieu de supprimer certains de leurs effets.

C. Suppression de certains effets du conflit de nationalités

Une troisième méthode de solution « consiste, non pas à éliminer le conflit, mais à écarter l'un ou l'autre de ses effets jugé particulièrement nocif »275. La suppression de certains effets du conflit de nationalités est une solution préconisée dans le domaine de la protection diplomatique (1) ainsi que dans celui des obligations militaires (2).

1. La protection diplomatique

A titre de rappel, la question de la protection diplomatique est résolue par l'article 4 de la convention de La Haye du 12 avril 1930 en vertu duquel : « Un Etat ne peut exercer sa protection diplomatique au profit de l'un de ses nationaux à l'encontre d'un Etat dont celui-ci est aussi le national ».

274 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 160

275 Idem, p. 161

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Cette disposition semble s'être dégagée de l'affaire Canevaro qui opposa l'Italie au Pérou et dont la décision a été rendue le 3 mai 1912. A cette occasion, le tribunal de la Cour Permanente d'Arbitrage, présidé par le juriste français Renault, rendit une décision de principe sur les conflits de nationalités en matière de protection diplomatique des personnes physiques.276 Après avoir constaté que Canevaro avait autant la nationalité péruvienne qu'italienne, le tribunal décida que « Le prétendant à la protection diplomatique ne peut pas avoir la nationalité de l'Etat qui est à l'origine du dommage ».277

Ce principe dégagé par l'arrêt Canevaro et repris par la Convention de La Haye a fait l'objet d'une application par des Etats.

En effet, la pratique de nombreux Etats, dont la France, est-elle de s'abstenir d'exercer la protection diplomatique d'un national qui a également la nationalité de l'Etat défendeur.278

Le droit burundais de la nationalité n'apporte pas de solution à ce problème. Il affirme seulement que « Le citoyen burundais bénéficiant d'une double nationalité a droit à la protection diplomatique (...) »,279 sans toutefois préciser ce qui adviendrait si l'intéressé avait également la nationalité de l'Etat défendeur. On ne recense aucun cas de protection diplomatique exercée par l'Etat du Burundi en faveur d'un Burundais ayant également une nationalité étrangère, ni même d'un Burundais ayant une seule nationalité.

Il reste que cette limite des Etats en matière de protection diplomatique est fondée. Elle n'est au fond que la conséquence logique du principe de la liberté étatique, si on veut bien entendre la liberté non comme le désordre, mais comme la faculté pour chaque Etat de rechercher lui-même l'ordre à établir : chaque Etat ayant reconnu que les autres peuvent légitimement déterminer eux-mêmes leurs ressortissants, doit respecter le jeu de la loi étrangère sur le territoire où elle est en vigueur, à l'encontre de ses agents diplomatiques et consulaires, dont la mission est subordonnée à la compétence première de la loi locale.280

276 B. TCHIKAYA, Mémento de la jurisprudence du droit international public, 4e éd., HACHETTE Supérieur,

Paris, 2007 , p. 24

277 Ibid.

278 B. AUDIT, op. cit., p. 762

279 Art. 27 du Cod. Nat., in B.O.B .N°08/2000

280 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., pp. 80-81

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Ainsi donc, permettre l'exercice « d'une telle action reviendrait à s'immiscer, au nom du droit de la condition des étrangers tel que l'envisage le réclamant, dans le traitement par le défendeur de ceux qu'il tient de son côté pour ses nationaux ».281

La suppression des effets du conflit de nationalités s'applique également en matière d'obligations militaires.

2. Les obligations militaires

La solution de principe consiste dans la dispense du service militaire (a) et n'affecte pas la double nationalité dans d'autres domaines (b).

a. Solution de principe

Le cumul de nationalités entraîne le cumul d'obligations militaires et nous avons déjà évoqué le fait que cet état de choses crée, au préjudice de l'intéressé, une situation embarrassante, d'où de nombreuses conventions bilatérales ou multilatérales par lesquelles les Etats sont convenus de décharger le bipatride de l'accomplissement de ses obligations militaires dans l'un des deux pays ont été conclues.282 Ces conventions déterminent le critère de rattachement (telle la résidence) en vertu duquel le bipatride doit faire son service militaire dans l'un des pays Parties au traité, les autres Etats renonçant à lui imposer les obligations militaires qui découlent normalement de la nationalité également établie à leur égard.283

Au titre des conventions dont l'objet est de résoudre les conflits de nationalités en matière d'obligations militaires, nous pouvons mentionner la Convention de Strasbourg conclue le 6 mai 1963 dans le cadre du Conseil de l'Europe. Cette convention pose une règle générale que « tout individu qui possède la nationalité de deux ou plusieurs Parties contractantes n'est tenu d'accomplir ses obligations militaires qu'à l'égard d'une seule de ces Parties ».284

281 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p. 335

282 En ce sens, voy. F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 161

283 Ibid.

284 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 633

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En plus de cette convention multilatérale (elle est en vigueur entre neuf Etats dont la France285), des conventions bilatérales ont été également passées, toujours dans l'optique de supprimer les effets néfastes du cumul de nationalités.

La Belgique a ainsi conclu plusieurs traités bilatéraux pour résoudre les difficultés que provoque, en matière d'obligations militaires, une double nationalité.286 Les premières conventions conclues par la Belgique avec des pays amis et portant, soit incidemment, soit expressément sur le service militaire datent du siècle passé ou au début de ce siècle : il y en eut avec la Bolivie, les Etats-Unis, la France, les Pays-Bas et le Portugal.287

En outre, il y a lieu de mentionner qu'un arrangement amiable avait été conclu à Bonn le 22 octobre 1983 entre les représentants des gouvernements belge et allemand, selon lequel il serait souhaitable de n'appeler les bipatrides belgo-allemands sous les drapeaux que dans l'Etat où ils ont leur résidence habituelle et de tenir compte du service militaire accompli dans les forces armées de l'autre Etat avant de procéder à l'appel.288

Notons, en plus, que la solution qui consiste dans la dispense des obligations militaires n'est pas toujours conventionnelle. La dispense peut aussi revêtir un caractère unilatéral. Ainsi, le code français du service national dispense, dans certains cas, du service actif en temps de paix le Français qui possède également la nationalité d'un autre Etat.289

La solution burundaise résultant de l'article 26 du code de la nationalité qui consiste à ne prendre en considération que sa propre nationalité et à laisser, par conséquent, subsister les obligations militaires à charge du bipatride n'est pas satisfaisante du tout. Il s'agit d'une solution avantageuse du point de vue de la défense de la patrie mais qui n'est pas de nature à assurer la protection de l'intéressé dans ses relations avec l'autre Etat dont il a également la nationalité, avec toutes les conséquences que pareille situation peut entraîner comme nous l'avons précédemment souligné.290

285 B. AUDIT, op. cit., p. 788

286 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 14

287 Ibid.

288, F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 15

289 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 633

290 Voy. supra, p. 68

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Soulignons que l'Etat burundais n'a jusqu'ici souscrit à aucune convention internationale relative aux obligations militaires.

La conclusion des conventions n'est envisageable que lorsque les Etats s'entendent pour supprimer les effets néfastes du cumul de nationalités et ne peut avoir que ce seul objectif en matière d'obligations militaires.

b. Limite de la solution

Très souvent, les dispositions conventionnelles relatives aux obligations militaires en cas de double nationalité prévoient expressément que la solution apportée à ce problème particulier n'affecte pas la condition juridique des intéressés en matière de nationalité, ce qui permet à l'Etat ayant renoncé à soumettre son ressortissant à des obligations militaires d'attacher tous autres effets au lien d'allégeance qu'il revendique.291 L'exemple concret allant dans ce sens est celui des conventions bilatérales passées par la Belgique. Ces instruments précisent souvent que leurs dispositions n'affectent en rien la condition juridique des intéressés en matière de nationalité ; en d'autres termes, le conflit de nationalités persiste ; seul un de ses effets est réglé.292

Cela est d'autant plus vrai et logique que l'Etat ne s'est engagé, par voie conventionnelle, que de s'abstenir de tout exercice de sa compétence personnelle du seul point de vue des obligations militaires et rien que cela. Le lien d'allégeance subsiste donc pour les autres obligations du national à l'égard de l'Etat donneur de nationalité et un raisonnement contraire serait synonyme du refus du principe même de la double nationalité.

La règle qui consiste à supprimer les effets néfastes du cumul de nationalités ne résout pas tous les problèmes juridiques attachés à la double nationalité. Elle se limite aux cas de protection diplomatique et d'obligations militaires. Ainsi, il y a lieu de retenir une autre solution, celle qui prend en compte la fonction que la nationalité est appelée à remplir.

291 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 161

292 En ce sens, voy. F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 14

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D. La solution fonctionnelle du conflit de nationalités

La règle de la solution fonctionnelle s'applique à divers cas de conflits de nationalités.

1. Principe

La solution fonctionnelle consiste à « apprécier la nationalité de fait en fonction du résultat à atteindre ».293 L'adoption d'une telle solution exige que soit abandonnée toute attitude dogmatique qui ferait prévaloir de façon systématique et générale, ou la nationalité du for, ou celles des deux nationalités, effectivement pratiquée au profit d'une approche pragmatique, le choix entre la nationalité du for et la nationalité étrangère étant alors fonction du problème posé au juge et du résultat à atteindre.294

Pour les partisans de la solution fonctionnelle, il conviendrait de substituer au principe absolu de la primauté de la nationalité du for une recherche de la « fonction que remplit la nationalité dans l'hypothèse considérée ».295 Cette solution s'oppose donc à celle prenant en compte la nationalité de l'autorité saisie en ce qu'elle est contre toute adoption d'une règle générale et abstraite applicable à tous les cas et veut qu'à chaque problème concret qui se pose il soit apporté une solution appropriée.

2. Application du principe

La solution fonctionnelle est prévue par la Convention de La Haye du 12 avril 1930 et s'applique en cas de conflit entre la nationalité de l'Etat du for et une nationalité étrangère (a) et celui de conflit entre les nationalités de deux Etats tiers (b).

293 D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 23

294 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 791

295 D. GUTMANN, op. cit., p. 246

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a. Conflit entre la nationalité de l'Etat du for et une nationalité étrangère

Simple règle permissive, l'article 3 de la Convention du 12 avril 1930 n'interdit pas à l'Etat contractant d'attacher à une situation particulière les effets découlant de la nationalité étrangère et que l'éviction de celle-ci par la nationalité de l'Etat du for aurait fait écarter.296

Comme nous l'avons déjà précisé, la solution est ici adoptée en fonction de l'objectif poursuivi par l'autorité saisie.

C'est le cas, par exemple, lorsqu'une loi belge impose, dans une matière particulière, de faire prévaloir la nationalité étrangère sur la nationalité belge, comme en cas de séquestre de biens ennemis.297

Qu'un sujet ennemi puisse se prévaloir en même temps de la nationalité de l'Etat du for, ne suffit pas à le faire échapper aux mesures frappant les sujets ennemis, si son comportement a démontré qu'il méritait ce dernier qualificatif.298

Normalement, il se comprend bien qu'il serait difficile de sacrifier sa propre nationalité au profit d'une nationalité étrangère, mais, bien entendu, poursuivant son propre intérêt, celui de sanctionner le binational, l'Etat du for y procède facilement et, à plus forte raison, il ne pourrait pas hésiter d'opérer un choix lorsque le conflit se pose entre deux nationalités étrangères.

b. Conflit entre les nationalités de deux Etats tiers

Quand une personne ayant la nationalité d'un Etat avec lequel le pays d'accueil a conclu un traité de réciprocité et la nationalité d'un autre Etat réclame le bénéfice du traité, le pays d'accueil doit reconnaître les effets juridiques découlant de l'obligation conventionnelle qu'il a contractée.299

Ainsi, dans tous les pays du Marché Commun, le ressortissant d'un autre Etat membre qui aurait en même temps la nationalité d'un Etat tiers a le droit de jouir de la condition privilégiée qui découle de la première nationalité sans que le

296 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 16

297 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 25

298 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 163

299 Idem, p. 164

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pays d'accueil puisse refuser la jouissance de ces droits pour le motif que l'intéressé se rattache plus effectivement à l'Etat tiers.300

En plus de celles précédemment évoquées, d'autres solutions aux conflits de nationalités existent.

E. Autres solutions

L'autorité saisie peut être confrontée à un cas où l'intéressé a en même temps la nationalité de son Etat et la nationalité étrangère (A), tout comme il peut avoir à trouver une solution au cas d'un individu ayant deux nationalités toutes étrangères (B).

1. Cas de conflit mettant en cause la nationalité de l'autorité saisie : primauté de la nationalité du for

La règle de la primauté de la nationalité du for a ses propres raisons de s'appliquer.

a. Enoncé du principe

Quand l'une des nationalités en conflit est celle du juge saisi, celui-ci ne peut qu'appliquer purement et simplement sa propre loi sans égard à aucune autre et il en va de même de l'autorité administrative.301

La règle de la primauté de la nationalité du for a fait l'objet des législations nationales ou a reçu des applications dans les juridictions internes des différents Etats, notamment au Burundi, en Belgique, en France, etc.

En droit burundais, « pour le règlement d'éventuels conflits de nationalité, le juge saisi fera application de la loi burundaise ».

En droit belge, la jurisprudence est claire. En effet, « Pour le juge belge, seule la nationalité belge du binational peut être retenue ».302

En droit français, selon un arrêt Kasapyan de la première chambre civile du 17 juin 1968, le juge doit prendre en compte la nationalité française lorsque

300 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 164

301 En ce sens, H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p. 79

302 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 24

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l'individu bénéficie à la fois de la nationalité française et une nationalité étrangère.303

En droit burundais, les cas de jurisprudence mettant en cause les justiciables ayant la double nationalité sont presque inexistants.304

Le principe de la primauté de la nationalité du for, malgré ses limites, ne manque pas de fondements.

b. Justification du principe.

Le principe de la primauté de la nationalité du for se trouve justifiée aussi bien dans l'ordre interne que dans l'ordre international.

1°. Dans l'ordre interne.

En droit, la règle est justifiée par le fait que le juge et l'administration ne peuvent se mettre en opposition avec le pouvoir dont ils tiennent leur mission et que, par conséquent, ils ne peuvent faire prévaloir une autre conception de l'ordre international que celle qu'a choisie le législateur.305 Il est donc aisément compréhensible que l'autorité saisie considère la nationalité du for car la pratique traditionnelle des Etats est qu'elle n'a à tenir compte que de la nationalité conférée par l'Etat dont elle tient ses pouvoirs.306 Dans les exemples déjà donnés, l'intéressé sera considéré comme Burundais au Burundi, comme Belge en Belgique et comme Français en France.

Il s'en suit que, dans l'ordre interne, l'application du principe est justifiée par le principe de séparation des pouvoirs : les règles d'attribution de la nationalité étant fixées par le législateur, les autorités administratives et judiciaires chargées de l'application de la loi ne s'estiment pas fondées à remettre en cause les dispositions édictées par le premier.307

En outre, d'un point de vue théorique, le principe de la primauté de la nationalité de l'autorité saisie s'appuie notamment sur l'idée selon laquelle, puisque chaque

303 F. MELIN, op. cit., p. 214

304 Le seul cas d'un burundo-néerlandais qui a été relevé dans le tribunal de résidence de Rohero ne mérite pas une attention particulière de notre part car on ne nous a pas permis d'accéder à tous les éléments que nécessite un jugement pour être cité. En plus, il ne s'agit pas à proprement parler d'un cas de conflit de nationalités, quand bien même se trouve impliqué un double national dans cette affaire.

305 En ce sens, voy. D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 28

306 En Ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p. 762

307 Ibid.

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législateur a seul compétence pour déterminer ses nationaux, l'autorité saisie ne saurait écarter la nationalité du for de l'intéressé, fut-elle dénuée de toute effectivité, sans introduire un cas de perte de la nationalité non prévu par la

loi.308

Enfin, d'un point de vue pratique, cette fois-ci, il présente l'avantage de la simplicité d'application et de la sécurité juridique.309

2°. Dans l'ordre international

Dans l'ordre international, on justifie ce principe de solution par la souveraineté et l'égalité des Etats dans l'attribution de leur nationalité.310 Un Etat est fondé à s'en tenir aux choix qu'il a effectués, alors même qu'il n'a pu lui échapper que certains de ceux-ci pouvaient se traduire par des cumuls de nationalités et il n'en serait éventuellement autrement que s'il attribuait sa nationalité en l'absence de tout rattachement sérieux.311

308 En ce sens, voy. D. GUTMANN, op. cit., p. 246

309 D. GUTMANN, op. cit., p. 246

310 B. AUDIT, op. cit., p. 762

311 Ibid.

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2. Cas de conflit de nationalités étrangères

Lorsque le conflit positif de nationalités se situe entre deux nationalités étrangères, le rôle de l'autorité ou de la juridiction consiste d'abord à vérifier si la personne en cause remplit les conditions auxquelles les lois étrangères attribuent leur nationalité de manière à s'assurer qu'il y a vraiment cumul et à déterminer les nationalités étrangères en cause.312

Elle doit ensuite trancher le conflit, soit en considérant la nationalité la plus effective (a), soit en prenant en compte une nationalité unique parmi les deux (b).

a. Solution en faveur de la nationalité effective

La solution de la nationalité effective s'applique dans diverses matières du droit international.

1°. Principe

La théorie de la nationalité effective se conçoit comme étant un « raisonnement consistant à privilégier, en cas de pluralité de nationalités, le lien correspondant à la réalité des attachements de la personne concernée à un Etat ».313

En Droit International Public, seule la nationalité effective est prise en compte, à savoir celle ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d'existence, d'intérêts, de sentiments joints à une réciprocité de droits et de devoirs.314 Ce principe de la nationalité effective veut dire, d'après la CIJ qui a eu à juger l'affaire Notteböhm, que la nationalité accordée par un Etat, pour être opposable à un Etat tiers, ne devrait pas être fictive.315

D'après la Cour d'appel de Bruxelles, la détermination de la nationalité effective ou active « doit se faire en recherchant tous les faits susceptibles d'indiquer une préférence de la part de [l'intéressé] (sic), d'établir le lien le plus effectif

312 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 25

313 R. CABRILLAC, op. cit., p. 281

314 M. DEYRA, op. cit., p. 87

315 D. CARREAU, op. cit., p. 337

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qu'avait la personne intéressée avec une des législations de ce pays et de faire prévaloir la nationalité effective ou active ».316

Notons que la notion de nationalité effective est une question de fait laissée à l'appréciation souveraine du juge de fond. Certains critères permettent ainsi au juge de faire son appréciation. Il peut s'agir notamment de : la connaissance de la langue nationale, les séjours prolongés, la possession d'immeubles, les attaches familiales, historiques ou présentes, l'acquisition d'un diplôme dans un établissement du pays, l'exercice d'un emploi dans le secteur public,317 la résidence de l'individu,318 le domicile, le comportement de la personne constitué notamment par le choix du pays où il a effectué le service militaire, la nationalité des enfants ou du conjoint,319 son mode de vie, le passeport qu'elle possède,320 le siège de ses affaires,321 etc.

Même si nous avons dit que la nationalité effective est une question de fait, il reste que la solution n'en est pas, pour autant, dépourvue de fondement juridique : le Droit International Public admet que chaque Etat détermine législativement sa population mais dans la mesure où cette législation prétend s'appliquer à des individus qui en fait lui échappent, elle perd son autorité internationale car elle ne contribue plus à une répartition objective des personnes : les Etats tiers sont donc fondés à examiner si en fait un individu donné relève de l'autorité de tel ou tel Etat.322

Cette attitude que la nécessité a imposée en cas de conflits de deux nationalités étrangères, peut valoir même dans le cas extrême où une personne ne serait réclamée que par un seul Etat, mais à l'encontre de toute allégeance réelle. Précisons en effet que la protection diplomatique ne peut être exercée par l'Etat qu'en faveur de l'individu dont la nationalité est effective et cela, même en dehors de toute question de conflit de nationalités.

Le principe de la nationalité effective s'applique dans différents domaines de la vie juridique.

316 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 26

317 Ibid.

318 F. MELIN, op. cit., p. 214

319 En ce sens, voy. D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 23

320 En ce sens, voy. Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 790

321 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p. 84

322 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p. 83

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2°. Application du principe

Le caractère effectif de la nationalité s'applique à tout conflit où il est question de déterminer lequel, entre deux Etats est habilité à exercer la protection diplomatique en faveur du binational ainsi que dans tous les cas où l'autorité saisie fait face à un conflit qui exige la détermination de l'un ou l'autre des Etats dont la loi s'applique en matière d'état et de capacité des personnes.

-La protection diplomatique

En matière de protection diplomatique, la double nationalité entraîne une situation de conflit dans la mesure où il se pose la question de savoir lequel entre deux Etats dont la personne lésée a la nationalité est le plus compétent pour assurer sa protection. La question se résout de la manière suivante : la protection diplomatique ne peut être mise en oeuvre que par l'Etat dont la nationalité est la plus effective, étant entendu que celle-ci ne peut être exercée contre l'Etat dont la victime a également la nationalité, fut-elle moins effective.323

Le principe de la nationalité effective a été appliqué par la CIJ dans l'affaire Notteböhm.324

Ainsi, Friedrich Notteböhm, né en Allemagne, à la fin du XIXe siècle, s'établit au Guatemala, en 1905. Il conserva les relations étroites (familiales et professionnelles) avec l'Allemagne. A la veille de la seconde GM, il obtient, en moins d'un mois, la nationalité du Liechtenstein. Ce qui ne l'empêcha pas d'être traité, durant la seconde GM, comme ressortissant ennemi par le Guatemala et lui vaut d'être interné et de faire l'objet de mesures contre ses biens. Le Liechtenstein prend fait et cause pour son national et porte, finalement, l'affaire devant la CIJ. Le problème était de savoir si le Liechtenstein pouvait exercer sa protection diplomatique à l'égard de Notteböhm, ce qui supposait l'opposabilité de la nationalité du Liechtenstein au Guatemala. La Cour écarte, tout d'abord, comme étant sans pertinence le fait que les autorités de police guatémaltèques auraient reconnu le changement de nationalité, en procédant à certaines formalités, car il s'agissait de formalités résultant des déclarations de Notteböhm.

323 J. VERHOEVEN, op. cit., p. 637

324 D. RUZIE, op. cit., p. 261

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Examinant la situation de Notteböhm, la Cour constate que la nationalité acquise au Liechtenstein était inopposable au Guatemala, en raison de l'absence d'effectivité de cette nationalité, qui ne reposait pas sur un rattachement de fait suffisamment étroit entre l'intéressé et le Liechtenstein. Ses liens avec ce dernier pays étaient, en effet, très ténus.

L'application du principe de l'effectivité de la nationalité ne se limite pas seulement à la protection diplomatique, mais s'étend également à la question d'état et de capacité des personnes.

-L'état et la capacité des personnes

La double nationalité crée des conflits de nationalités en matière d'état et de capacité des personnes en raison de l'incertitude qui pèse sur le statut personnel lorsque celui-ci est régi par la loi nationale.

Pour trancher ce conflit, le juge doit rechercher et faire prévaloir la nationalité effective, c'est-à-dire celle que pratique l'intéressé par son comportement.325 C'est là la solution qui s'impose lorsque le juge a affaire à un cas où la personne en cause a deux nationalités étrangères.

Ainsi par exemple, si le mineur a une double nationalité étrangère et si un conflit de représentation se pose devant les tribunaux français, ceux-ci retiendront la nationalité effective de l'intéressé.326

La jurisprudence burundaise ne fait état d'aucun cas mettant en cause un justiciable ayant deux nationalités toutes étrangères.

L'autorité saisie d'un cas où la personne en cause a deux nationalités peut, non plus choisir celle qui lui paraît la plus effective, mais considérer une seule nationalité et uniquement celle-là.

b. Considération de la nationalité unique de l'intéressé

La solution qui consiste à ne prendre en considération qu'une seule nationalité est préconisée par l'article 5 de la Convention de La Haye du 12 avril 1930. Ainsi, dans un Etat tiers, l'individu possédant plusieurs nationalités devra être traité comme s'il n'en avait qu'une.

325 J. DERRUPPE, op. cit., p. 16

326 M. REVILLARD, op. cit., p. 591

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La doctrine reconnaît en outre cette solution, lorsqu'une juridiction internationale est saisie. Ainsi donc, lorsqu'une juridiction internationale est requise de sanctionner l'utilisation qu'a faite ou que veut faire, un Etat de sa compétence à l'égard de l'un de ses nationaux, elle doit en principe retenir la nationalité de l'Etat qui se prétend compétent, s'il l'a réellement attribuée, sans se demander si, par ailleurs, l'individu concerné ne possède pas aussi une ou plusieurs nationalités, même plus effectives.327

Par exemple, si l'Etat A veut protéger contre l'Etat B son national, peu importe que celui-ci ait également la nationalité de l'Etat C, même si elle est la plus effective, pourvu que la nationalité A ait tout de même l'effectivité minimale sans laquelle elle est inopposable à l'Etat B.

La solution donne ainsi à l'autorité saisie la latitude de prendre arbitrairement en considération une seule des deux nationalités, sans aucun critère objectif.

Le droit burundais de la nationalité ne prévoit pas de solution en cas de conflit de deux nationalités toutes étrangères. Ainsi, saisi d'un tel cas, le juge burundais se trouvera embarrassé. Et, puisqu'il doit, de toute façon, trancher, il le fera sans aucun critère objectif avec le danger que cet état de choses peut susciter.

Le parcours de toutes les solutions aux conflits positifs de nationalités nous révèle que la liste de ces solutions est très étendue et, en la matière, les solutions adoptées ne rencontrent pas l'assentiment de tous les auteurs.

Certains font prévaloir la nationalité qui correspond à leur idéal tandis que d'autres donnent le choix au demandeur ou tiennent compte de l'ordre chronologique dans lequel les deux nationalités ont été attribuées ou du domicile.328

Nous pouvons ainsi dire qu'il n'y a pas de solution juridiquement satisfaisante au cumul de nationalités, comme d'ailleurs l'avait bien affirmé M. ISSAD.329 Pour ce dernier auteur, la solution est politique et suppose des choix et des renoncements, étant entendu qu'on n'appartient pas à deux nations à un degré

égal.330

327 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 630

328 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 790

329 M. ISSAD, op. cit., p. 123

330 Ibid.

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Mais malgré ces critiques, les solutions restent nécessaires pour résoudre les conflits positifs de nationalités et, à plus forte raison, pour résoudre les conflits négatifs résultant de l'apatridie qui, elle, est une situation tellement préjudiciable pour l'intéressé.

§2. Conflits négatifs

C'est pour faciliter la compréhension du lecteur que nous abordons ce sujet, car il lui est nécessaire de savoir que, à côté des conflits positifs de nationalités, il existe des conflits négatifs.

Il faut en effet montrer qu'à l'opposé de la double nationalité qui a des avantages et des inconvénients, il existe une autre situation, bien sûr désavantageuse, car elle comporte beaucoup d'inconvénients au préjudice de l'intéressé. L'apatridie est ainsi une situation problématique (A) à laquelle on tente de remédier (B).

A. Position du problème

L'apatridie place l'intéressé dans une situation déplorable car il n'est soumis à l'allégeance d'aucun Etat ; en d'autres termes, aucun Etat ne le considère comme son national. Il se pose ainsi, en pareille circonstance et en raison de la situation précaire de l'apatride, le problème de rattachement lorsqu'il est besoin de déterminer la loi applicable à l'intéressé, en matière de statut personnel. En outre, l'apatride peut être expulsé de partout et ne peut obtenir de passeport.

B. Différentes solutions

Les solutions résultent aussi bien du droit interne (1) que du droit international (2).

1. Solution de droit interne

Les remèdes généraux à l'apatridie dont peut user le législateur consistent tout d'abord à aménager l'attribution et l'acquisition de sa nationalité de manière à éviter qu'échappe à son emprise quiconque a un lien avec le pays suffisamment effectif pour que les pays étrangers ne le considèrent pas comme leur

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ressortissant.331 C'est dans ce sens que le droit burundais a consacré les modes d'attribution de la nationalité tendant à éviter l'apatridie.

Mais c'est surtout dans l'organisation des cas de perte de la nationalité que peut se manifester la préoccupation d'éviter l'apatridie.332 En ce sens, nous rappelons le fait que les Etats subordonnent, à travers leurs législations respectives, la perte de la nationalité à l'acquisition d'une autre.

L'apatride bénéficie aussi d'un statut que lui aménage le droit international. 2. Solution de droit international

Il y a lieu d'améliorer le statut de l'apatride sur le plan de sa protection internationale (a) ainsi que sur le plan de son statut personnel (b).

a. La protection internationale

Il faut mettre à part la situation de l'apatride réfugié, c'est-à-dire celui qui, par crainte d'une persécution, a quitté le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle.333

Le réfugié bénéficie en effet de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, et du protocole de New York du 31 janvier 1967, qui lui accordent entre autres avantages, une protection internationale assurée par le HCR.

En revanche, l'apatride proprement dit, peut seulement invoquer les dispositions de la Convention de New York sur le statut des apatrides du 28 septembre 1954 qui organisent pas mal de protections. Celles-ci sont prévues par différentes dispositions de la convention susvisée, notamment les articles 14, 15, 16, respectivement pour la propriété intellectuelle, les droits d'association et le droit d'ester en justice.

L'article 14 dispose de la manière suivante : « En matière de protection de la propriété industrielle notamment d'invention, dessins, modèles, marques de fabrique, nom commercial, et en matière de protection de la propriété littéraire, artistique et scientifique, tout apatride bénéficiera dans le pays où il a sa résidence habituelle de la protection qui est accordée aux nationaux dudit pays.

331 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p. 82

332 Idem, p. 83

333 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 635

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Dans le territoire de l'un quelconque des autres Etats contractants, il bénéficie de la protection qui est accordée dans ledit territoire aux nationaux du pays dans lequel il a sa résidence habituelle ».

A son tour, l'article 15 prévoit que « Les Etats contractants accorderont aux apatrides qui résident régulièrement sur leur territoire, en ce qui concerne les associations à but non politique et non lucratif et les syndicats professionnels, un traitement aussi favorable que possible et de toute façon, un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qui est accordé dans les mêmes circonstances aux étrangers en général ».

Enfin, l'article 16, §2, énonce que « dans l'Etat contractant où il a sa résidence habituelle, tout apatride jouira du même traitement qu'un ressortissant en ce qui concerne l'accès aux tribunaux, y compris l'assistance judiciaire et l'exemption de la cautio judicatum solvi.

Cependant, malgré la protection assurée par cette convention, son application se heurte à la résistance des impératifs nationaux en matière de démographie.334

Ce précédent texte juridique prévoit également des dispositions applicables à l'apatride en matière de statut personnel.

b. Le statut personnel

Concernant le statut personnel de l'apatride, en dehors de certaines thèses restées isolées qui proposent le rattachement à la loi de la dernière nationalité de l'intéressé ou à la loi du lieu de naissance, la loi du domicile ou de la résidence rallie les suffrages de la doctrine et de la jurisprudence dominante.335 Il résulte de ce qui précède que le statut de l'apatride ne peut être régi par sa loi nationale, qui n'existe pas. On procède donc à l'application d'un critère subsidiaire, critère d'exception par rapport à la loi nationale applicable aux personnes qui justifient d'une nationalité.

La prise en considération du domicile de l'apatride ou, à défaut de son domicile, de sa résidence comme critère de son rattachement est prévue par la Convention des NU du 28 septembre 1954 qui reprend sur la plupart des points la

334 En ce sens, voy. R. RANJEVA et C. CADOUX, op. cit., pp. 122-123

335 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 792

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Convention de Genève du 28 juillet 1951 applicable aux réfugiés. Il s'agit de l'article 12 de cette Convention.

L'alinéa 2 de l'article précité prévoit le respect des « droits précédemment acquis par l'apatride et découlant du statut personnel, et notamment ceux qui résultent du mariage ».

Les précédents développements nous permettent de conclure que, malgré la protection internationale dont il bénéficie, l'apatride continue à souffrir d'un sérieux handicap à cause de la situation précaire qui le caractérise, comparé à une personne qui a une nationalité. La meilleure solution serait donc de lui attribuer la nationalité pour enfin lui permettre de jouir des droits et des protections attachés à la nationalité.

Le lien avec le territoire est un critère efficace permettant d'éviter l'apatridie car il est de nature à attribuer la nationalité à une personne qui, autrement,

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CONCLUSION GENERALE

L'on ne comprend la notion de double nationalité que si l'on essaie de comprendre celle de « simple » nationalité. Cette dernière se conçoit comme étant un lien juridico-politique entre l'individu et l'Etat.

La notion de nationalité nous fournit, en outre, une différence entre la nationalité sociologique et la nationalité juridique, la coïncidence entre les deux, même si elle n'est pas toujours possible, est plus que souhaitable.

De surcroît, l'attribution de la nationalité est dominée par certains principes de droit international.

Ainsi, la nationalité se veut nécessaire pour les individus. Elle est attribuée par un Etat souverain qui exerce son pouvoir discrétionnairement.

De là apparaissent deux éléments de la nationalité auxquels vient s'adjoindre le troisième, celui du lien entre l'individu et l'Etat qui évoque les critères dont s'inspire chaque Etat dans l'attribution de sa nationalité. Ces critères veulent que, dans son rôle de donneur de nationalité, l'Etat tienne compte de ses besoins, des aspirations des individus demandeurs de nationalité, dans la mesure où les intérêts de ces derniers s'avèrent compatibles avec les siens, sans oublier bien sûr que les nécessités internationales doivent également entrer en ligne de compte.

En outre, la triple nature juridique de la nationalité nous révèle que le lien de nationalité est un lien légal, en dépit de l'opinion contraire tendant à lui conférer le caractère contractuel. Il est aussi un lien de droit public en ce que seul l'Etat peut accorder la nationalité à l'intéressé, quand bien même une partie de la doctrine soutient l'idée que la nationalité constitue une législation autonome produisant des effets de droit privé et des effets de droit public. De même, la nationalité est un lien de droit interne entraînant des effets internationaux.

La nationalité peut être, soit d'origine si elle est attribuée selon les modes prévus, c'est-à-dire le lien de filiation et le lien avec le territoire, soit acquise si elle est conférée par naturalisation, par déclaration, par option et par recouvrement.

93

deviendrait apatride. Il s'agit d'une présomption qui a été prévue par la loi dans le but de réduire autant que possible les situations d'absence de nationalité.

La nationalité est un critère de rattachement dans tous les cas où l'on a besoin de déterminer la loi applicable dans l'hypothèse de conflit de lois, elle assure la plénitude de la personnalité juridique tandis que son acquisition permet d'éviter l'apatridie.

La plupart des modes d'attribution ou d'acquisition de la nationalité sont celles-là même qui se trouvent être les facteurs juridiques de la double nationalité. A l'égard de cette dernière, les Etats adoptent des attitudes différentes, mais il faut mentionner que le Burundi adopte une attitude de reconnaissance pure et simple de la binationalité.

Ainsi donc, comme facteurs juridiques de la double nationalité, outre l'application simultanée du jus soli et du jus sanguinis, cette situation peut résulter du recouvrement de la nationalité, de la naturalisation, de la transmission de la nationalité aussi bien par le père que par la mère, de la transmission de la double nationalité par le père ou par la mère, etc.

A ce niveau, il convient de souligner que le droit burundais consacre une inégalité entre l'homme et la femme car, d'un côté, la loi prévoit la possibilité pour une femme étrangère d'acquérir la nationalité de son mari burundais alors que le contraire n'est pas possible, d'un autre côté, seul l'homme confère, en principe, sa nationalité aux enfants, la femme ne pouvant la leur conférer qu'à titre subsidiaire, lorsque la filiation paternelle n'est pas établie.

En plus, en droit burundais, au contraire de l'adoption simple, seule l'adoption plénière confère la nationalité et, partant, la double nationalité à l'adopté.

La double nationalité crée des conflits, soit positifs, soit négatifs.

Ainsi, sans ignorer qu'elle procure des avantages à l'intéressé notamment en augmentant les chances de la protection diplomatique, en accroissant la liberté d'aller et de venir et les droits du double national, la double nationalité plonge l'intéressé dans une situation embarrassante, en matière d'obligations militaires, elle crée le problème d'exercice de la protection diplomatique et ce problème s'accentue lorsque la prétendue victime a également la nationalité de l'Etat défendeur.

Des problèmes naissent aussi en matière d'état et de capacité des personnes.

94

La doctrine propose des solutions dont la plupart résultent des conventions internationales, notamment la prise en considération de la nationalité unique de l'intéressé, de la solution qui tient compte du but à atteindre, la prise en compte de la nationalité la plus effective et celle de la nationalité du for. C'est cette dernière qui est préconisée par le droit burundais même si elle n'est pas satisfaisante. Ce dernier prévoit également une solution en matière d'obligations militaires qui n'est qu'un expédient car elle laisse subsister les obligations civiques à charge d'un double national sans prévoir une solution au cas où ce dernier se verrait appelé sous les drapeaux par un autre Etat dont il a aussi la nationalité et cela, au même moment.

En cas de conflit de deux nationalités étrangères, le droit burundais ne prévoit aucune solution.

Les conflits négatifs, quant à eux, sont le résultat de l'apatridie. L'apatride connaît ainsi des problèmes de rattachement, en matière de statut personnel, des problèmes de protection diplomatique tandis qu'il a toujours la crainte de se voir expulsé, etc.

Des conventions internationales ont été conclues en vue d'assurer la protection de l'apatride et de déterminer le critère de son rattachement en matière de statut personnel. Là aussi, les solutions ne sont pas satisfaisantes car les exigences nationales en matière démographique passent avant les intérêts des apatrides.

Sur le terrain de la pratique, notre constat est que les cas de jurisprudence sont limités. Nous ne prétendons pas avoir épuisé l'étude de tous les contours de la question. Le sujet mérite d'être approfondi et nous espérons que d'autres chercheurs voudront bien nous compléter.

Nous déplorons en outre que certaines des voies que nous avions voulues emprunter dans le but d'améliorer notre travail ne nous aient pas été accessibles.

Cependant, par de-là toutes les difficultés rencontrées, les efforts fournis nous ont permis de détecter quelques lacunes dans l'arsenal juridique burundais, ce qui nous amène à émettre les recommandations suivantes :

Le législateur burundais devrait permettre à la femme de conférer sa nationalité à ses enfants sans aucune autre considération ; permettre à un mari étranger d'acquérir la nationalité burundaise de son épouse ; compléter l'article 28 du code burundais de la nationalité, en indiquant au juge la solution à adopter en cas de conflit de deux nationalités étrangères ; en matière de protection

95

diplomatique, clarifier la situation de la victime, lorsque celle-ci a également la nationalité de l'Etat défendeur ;

L'Etat du Burundi devrait inventorier les Etats dont les nationaux ont également la nationalité et conclure avec eux des conventions tendant à résoudre tous les conflits positifs de nationalité, plus particulièrement en matière d'obligations militaires.

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102

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103

TABLE DES MATIERES

DEDICACES............................................................................ ..i

REMERCIEMENTS ii

SIGLES ET ABREVIATIONS. ................................................. iii

INTRODUCTION GENERALE. .....................................................1

CHAPITRE I. NOTIONS GENERALES SUR LE DROIT DE LA

NATIONALITE 4

Section 1. Généralités sur la nationalité 4

§1. Notion 4

A. Définition. ..............................................................................4

1. Définition juridique 4

2. Distinction entre la nationalité juridique et la nationalité sociologique 5

3. Coïncidence souhaitable entre la nationalité de fait et la nationalité de

droit. .....................................................................................6

B. Principes régissant l'attribution du lien de nationalité.............................8

1. Principe de nécessité d'une nationalité...............................................8

2. Principe de souveraineté étatique...................................................10

3. Principe de liberté étatique dans le choix des critères de nationalité.......... 11

C. Les éléments de la nationalité.......................................................12

1. L'Etat donneur de nationalité........................................................12

2. L'individu bénéficiaire de la nationalité...........................................14

3. Le lien de nationalité entre l'individu et l'Etat....................................15

a. Besoins de l'Etat.......................................................................15

b. Aspirations individuelles.............................................................16

c. Nécessités internationales............................................................16

104

D. La nature juridique du lien de nationalité..........................................17

1. Le lien de nationalité est un lien légal et non contractuel........................17

2. Le lien de nationalité est un lien de droit public..................................18

3. Le lien de nationalité est un lien de droit interne.................................20

§2. La naturalisation.....................................................................21

§3. L'option de nationalité..............................................................22

§4. La double nationalité................................................................22

§5. L'apatridie............................................................................23

§6. La présomption légale...............................................................23

§7. La déclaration........................................................................24

§8. Le droit du sol........................................................................24

§9. Le droit du sang......................................................................25 Section 2. Fondements du droit de la nationalité.................................... 26

§1. La nationalité : un des attributs de la personnalité juridique...................26

§2. La nationalité : critère de détermination de la loi applicable en cas de

conflitde lois. .......................................................................27

A. Le statut personnel. ..................................................................28

1. Le statut individuel....................................................................28

2. Le statut familial.......................................................................29

B. Le statut réel...........................................................................29

§3. La nationalité : moyen d'éviter l'apatridie.......................................30 Section 3. Position de certains Etats à l'égard de la double nationalité.... ......31

§1. Vue globale...........................................................................31

§2. Le droit positif burundais. .........................................................32

105

CHAPITRE II. LES FACTEURS JURIDIQUES DE LA DOUBLE NATIONALITE...................................................34

Section 1. Le recouvrement de la nationalité.........................................34

§1. Le recouvrement de la nationalité d'origine......................................34

A. Condition préalable : une nationalité acquise et gardée.........................35

B. Le recouvrement de la nationalité..................................................35

1. La procédure en recouvrement......................................................36

2. Publication de l'acte de recouvrement..............................................37

§2. Le recouvrement de la nationalité par l'enfant adopté..........................37 Section 2. L'acquisition de la nationalité.............................................38

§1. L'acquisition de la nationalité par adoption......................................38

§2. L'acquisition de la nationalité par naturalisation................................39

A. Conditions de fond de recevabilité de la requête en naturalisation............40

1. Condition d'âge........................................................................40

2. Absence de condamnation...........................................................41

3. Condition de résidence permanente.................................................41

4. Condition de moralité.................................................................42

5. Condition d'attachement et d'assimilation.........................................42

B. Les conditions de forme et de procédure..........................................43

1. Dépôt de la requête...................................................................43

2. Enquête de l'administrateur communal............................................44

3. Transmission du dossier au Ministre de la Justice. ..............................45

4. Décision de l'autorité compétente...................................................45

5. Signification de la décision....................................................... 45

6. Enregistrement et publication 46

106

§3. L'acquisition de la nationalité du conjoint.......................................46

A. Pratique générale.....................................................................46

B. Particularité du Burundi.............................................................48

1. Conditions de la déclaration........................................................ 48

2. La procédure en déclaration.........................................................49 Section 3. L'acquisition de la double nationalité par la mère ou par le père.....50

Section 4. La transmission par filiation maternelle et paternelle (double

droitdu sang)............................................................. 50

Section 5. L'application simultanée des critères du droit du sang et du droit

dusol. ........................................................................51

§1. Application du droit du sang.......................................................52

A. Justification du système.............................................................52

B. Avantages et inconvénients du droit du sang. ....................................54

1. Les avantages...........................................................................54

2. Les inconvénients.....................................................................55

§2. Application du droit du sol.........................................................55

A. Justification du système..............................................................55

B. Avantages et inconvénients du système............................................57

1. Avantages..............................................................................57

2. Inconvénients..........................................................................57 CHAPITRE. III. PROBLEMATIQUE DE LA DOUBLE NATIONALITE

ET SOLUTIONS AUX CONFLITS DE

NATIONALITES. ...............................................59

Section 1. Avantages de la double nationalité........................................59 §1. Le cumul des droits et des protections diplomatiques.......................... 60

A. Le cumul des droits................................................................ 60

B. Le cumul des protections diplomatiques..........................................60

107

1. Fondement de la protection diplomatique..................................... 62

2. Conséquences de la protection diplomatique. 62

3. Conditions de recevabilité de la protection diplomatique 63

a. La nationalité de la victime 63

b. La conduite du réclamant 64

c. L'épuisement préalable des voies de recours internes 64

§2. Le bénéfice des effets des traités 65

§3. Le droit à un double passeport 66

Section 2. Les points faibles de la double nationalité 67

§1. Difficulté à accomplir les obligations militaires et le devoir de fidélité 67

A. Accomplissement des obligations militaires.................................. 67

B. La mise en oeuvre du devoir de fidélité 68

§2. Problème d'exercice de la protection diplomatique 69

§3. La double nationalité et les questions d'état et de capacité des

personnes......................................................................... 70

Section 3. Solutions aux conflits de nationalités.....................................70 §1. Conflits positifs......................................................................70

A. Prévention des conflits...............................................................71

B. Elimination des conflits : renoncement à l'une des nationalités................72

C. Suppression de certains effets du conflit de nationalités........................73

1. La protection diplomatique...........................................................73

2. Les obligations militaires............................................................ 75

a. Solution de principe...................................................................75

b. Limite de la solution..................................................................77

D. La solution fonctionnelle du conflit de nationalités..............................78

108

1. Principe.................................................................................78

2. Application du principe...............................................................78

a. Conflit entre la nationalité de l'Etat du for et une nationalité étrangère.......79

b. Conflit entre les nationalités de deux Etats tiers..................................79 E. Autres solutions.......................................................................80

1. Cas de conflit mettant en cause la nationalité de l'autorité saisie :

primautéde la nationalité du for........................................................80

a. Enoncé du principe................................................................... 80

b. Justification du principe............................................................. 81 1°. Dans l'ordre interne..................................................................81 2°. Dans l'ordre international. .........................................................82

2. Cas de conflit de nationalités étrangères...........................................83

a. Solution en faveur de la nationalité effective......................................83 1°. Principe....................... .........................................................83 2°. Application du principe............................................................. 85

b. Considération de la nationalité unique de l'intéressé.............................86 §2. Conflits négatifs..................................................................... 88

A. Position du problème. ...............................................................88

B. Différentes solutions..................................................................88

1. Solution de droit interne..............................................................88

2. Solution de droit international.................................................... 89

a. La protection internationale 89

b. Le statut personnel 90

CONCLUSION GENERALE 92

BIBLIOGRAPHIE.....................................................................96 TABLE DES MATIERES..........................................................103

109






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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera