GEOSTRATEGIE ENERGETIQUE EN AFRIQUE DE L'OUEST ( Cas
de la chine et le golfe de guinée)
DEMBA BA
ING51
Cïntenue du mémïire
Sources et bibliographies
Table des matières
remerciements
Introduction
Conclusion
Sommaire
Annexes
Plan
2
INTRÏDUCTIÏN
Pour les paléoanthropologues, l'Afrique est le
continent où serait née l'espèce humaine. Pour les
géographes, l'Afrique est le troisième continent du globe, dont
la surface recouvre 6 % de la planète. Pour les climatologues, l'Afrique
est un continent chaud, avec une température moyenne supérieure
à 21°C, neuf mois sur douze, et avec une intensité de
rayonnement solaire constamment élevée. Pour les
démographes, l'Afrique est le continent dont la population a le plus
augmenté en pourcentage depuis le début du XXe siècle, et
qui pourrait en 2050 être peuplé de 2,4 milliards d'individus,
soit 25 % de la population mondiale.
L'Afrique de l'Ouest est une région terrestre
couvrant toute la partie occidentale de l'Afrique subsaharienne. Elle comprend
approximativement les pays côtiers au nord du golfe de Guinée
jusqu'au fleuve Sénégal, les pays couverts par le bassin du
fleuve Niger ainsi que les pays de l'arrière-pays
sahélien.
Berceau des empires successifs du Ghana, du Mali et
Songhaï, l'Afrique de l'Ouest est un ensemble de pays qui possèdent
des influences et un héritage communs.
L'Afrique de l'Ouest est aujourd'hui une communauté
de peuples, qui tend à se reconstituer politiquement, avec notamment la
Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest
(Cédéao), et un espace de civilisation forgé par une
histoire millénaire5. Selon le FMI, le PIB PPA global des États
membres de la Cédéao s'élève à 564,86
milliards de dollars ce qui en fait la 25e puissance économique du
Monde6. Les États ouest-africains ont créé la
Cédéao avec le but initial de créer une union
économique et monétaire ouest-africaine. Toutefois, en 1990, son
pouvoir est étendu au maintien de la stabilité régionale
avec la création de l'ECOMOG, groupe militaire d'intervention qui
devient permanent en 1999 ce qui lui confère d'importants moyens de
pression diplomatique. Néanmoins d'importants dysfonctionnements
apparaissent au sein de la Cédéao suite transitions
démocratiques difficiles en Guinée (2009) et en Côte
d'ivoire (2010). Ils s'amplifient face à l'émergence de divers
groupes djihadistes qui constituent aujourd'hui la première menace
sécuritaire dans la région. Ainsi, en 2012, des groupes
armés prennent le contrôle du Nord du Mali qui est contraint de
demander l'intervention militaire de la France face à l'inaction de la
Cédéao et aucune réponse militaire commune n'a
été mise en place face à l'insurrection djihadiste au
Nigeria menée depuis 2009 par Boko Haram et Ansaru.
L'Afrique de l'Ouest présente une grande
variété géographique et culturelle entre l'océan
Atlantique à l'ouest et au sud, le Sahara au nord, et approximativement
le 10e méridien à l'est. Tandis que le fleuve Niger est
généralement considéré comme la frontière
septentrionale de la région, sa frontière orientale est plus
floue. Certains la placent le long du Bénoué, d'autres sur une
ligne reliant le mont Cameroun au lac Tchad. Les États de la CEDEAO
revendiquent ouvertement leur caractère ouest-africain tandis que la
Mauritanie y est incluse dans la définition de l'Organisation des
Nations unies. La Mauritanie a quitté la CEDEAO en 2000 et fait
désormais partie de l'Union du Maghreb arabe et de la Ligue
arabe.
? Les ressources énergétiques et
démographie ?
1. L'Afrique de l'ouest a des réserves fossiles et ne
pas les utiliser pour développer sa croissance pourrait paraitre
injuste. Aujourd'hui, 94 % de son l'électricité provient du
charbon. Pourtant son terrain est aussi particulièrement propice aux
énergies renouvelables et le manque d'infrastructures existantes devrait
pousser à se tourner vers des énergies renouvelables hors
réseau.
2. Les prévision demographiques sont claires 1/4
de l'humanité vivra en Afrique en 2050 : aujourd'hui l'Afrique compte
1,2 milliard d'habitants et à la population la plus jeune du monde,
cependant l'afrique de l'ouest a la population la plus jeune du continent. 50 %
des francophones de la planète vivent en Afrique en ce moment. Le
continent représente 15 % de la population mondiale et 3,6 % des
émissions mondiales de CO2. La consommation énergétique
moyenne est de 0,5 tep/hab. contre 1,2 en moyenne mondiale. 4,4 % : c'est la
croissance africaine sur les 5 dernières années (dont 25 pays
entre 6 et 13% : aucun autre continent ne fait mieux).
3. En Afrique 650 millions de personnes vivent sans
électricité (soit 70 % de la population).
L'électricité coûte en moyenne jusqu'à 3 fois plus
cher qu'en Europe ou aux Etats-Unis. 8 % des réserves
pétrolières mondiales en Afrique, 8 % du gaz (principalement en
Afrique du Nord et dans les pays riverains du Golfe de Guinée) et 4 % du
charbon (Afrique australe). 1/3 des réserves minières sont en
Afrique. Le Nigéria, premier producteur du continent, est au
sixième rang des exportateurs mondiaux de pétrole. (OPEP :
nigérian) Le Nigéria est représentatif de l'exploitation
de colossales ressources énergétiques marquée par une
répartition inégale des richesses : deux millions de barils par
jour produits par le Nigéria et 100 millions de pauvres sur une
population de 173 millions. Selon la Banque mondiale, l'Afrique aurait besoin
d'un apport annuel de 7 GW de production électrique pour faire face
à la demande croissante d'électricité, alors que seulement
1 GW est effectivement ajouté chaque année.
Quelles sont les capacités en termes de
renouvelables en Afrique de l'ouest ?
1. L'Afrique de l'Ouest fait partie des régions les
plus ensoleillées de la planète, car le soleil est présent
quasiment toute l'année. Dans plusieurs pays la volonté politique
d'utiliser les énergies renouvelables semble présente notamment
au Maroc : la centrale solaire NOOR 1 développe 160 MW depuis le 4
février 2016 et à terme ce sera 580MW. Le Maroc vise 42 % de sa
production d'électricité grâce aux renouvelables d'ici
2020. Mais le véritable défi du continent sera d'amener
l'électricité dans les zones rurales.
2. 63 % de la population d'Afrique sub-saharienne vit dans
ces zones.
3. L'accès à l'électricité y est
actuellement tout simplement impossible car le coût de l'extension du
réseau est prohibitif : entre 7 000 et 15 000 euros le kilomètre.
Il faudrait 830 milliards de dollars pour réussir à raccorder
toute l'Afrique au réseau électrique avant 2030.Selon un rapport
de l'Agence internationale de l'énergie : « en 2040, deux tiers des
systèmes autonomes et des mini-réseaux des zones rurales seront
alimentés par le solaire photovoltaïque, de petites centrales
hydroélectriques ou l'éolien ». L'Afrique pourrait
donc
5
trouver son émancipation énergétique par
des solutions « hors réseau » et renouvelables. La population
n'attend plus la solution de grand plans étatiques mais prend son destin
en main en utilisant des offres à son échelle
Qu'en est-il de la géostratégie mis en
place depuis les années d'indépendance ?
1960 est la date ou la plupard des pays de l'afrique ont
eu leur indépendance. Cependant niveau acces a l'energie, ce n'est pas
encore regler pour la plupart de la population.
Aujourd'hui en 2017 on se rend compte que cette Afrique
peine encore à subvenir à ses besoins
énergétique.Comme le montre le graphe Cette problemetique est
plus visible lorsqu'on parle de l'afrique de l'ouest. L'Afrique ne peut
continuer à éclairer les autres continents grâce à
ses ressources en restant elle-même dans l'obscurité », a
lancé le président sénégalais Macky
Sall à la tribune de l'Assemblée générale
de l'ONU, le 21 septembre dernier.
Cette phrase à elle seul résume la situation
énergétique de l'afrique actuel. En effet depuis la
découverte spectaculaire d'importants gisements
pétrolifère au golfe de guinée, cette partie de l'afrique
fait l'objet de convoitise de puissance étrangère afin de
garantir leur indépendance énergétique. Cela est d'autant
plus que d'actualité aujourd'hui avec la venue sur le continent d'autre
puissance notamment la chine les usa jusqu'alors présent qu'au moyen
orient. Au XXI siècle l'Afrique de l'ouest n'arrive déjà
pas à satisfaire 100% de la demande énergétique de sa
population locale. « Pour les pays africains, la question de
l'énergie reste donc un enjeu vital parce qu'il ne peut y avoir
d'industrialisation et de développement sans accès à
l'énergie (...).
Quel sont les principaux vecteurs qui freine ce processus
pourtant indispensable au développement de l'Afrique de l'ouest.
Qu'adviendra-il de ce problème avec une population qui
augmente de façon exponentielle.
C'est ce que le travail qui sera développer dans les
moindres détails afin de mieux appréhender la question. On se
penchera sur les politiques mis en place par les pays de l'Afrique de l'ouest
ainsi que leur manière d'aborder le marcher mondiales, leur poids
économique.
GLOSSAIRES
A- CLARIFICATION CONCEPTUELLE
Pour une meilleure compréhension de cette
étude, il est méthodologiquement important de clarifier trois
concepts : jeux, enjeux et offensive.
1- Jeux
Expression polysémique, le jeu est conçu ici
comme une manière particulière d'agir. On peut distinguer trois
classes de jeu, selon le rôle qu'y jouent la coopération et la
lutte. En effet, selon ces deux critères, nous pouvons distinguer les
jeux de coopération à l'état pur, les jeux de lutte
à l'état pur, et les jeux de lutte et de
coopération.
Dans les jeux de coopération à l'état
pur, tous les joueurs ont des intérêts concordants, de sorte
qu'ils forment une coalition se comportant comme un joueur unique. Par contre,
dans les jeux de lutte à l'état pur, aucune possibilité de
coopération n'existe entre les joueurs. Il en résulte que ces
jeux sont des duels, c'est-à-dire des jeux à deux joueurs dont
les intérêts sont strictement opposés. Enfin, dans les jeux
de lutte et de coopération se rencontrent simultanément des
intérêts concordants et divergents.
Dans le cadre de ce travail, nous nous intéresserons
en particulier aux jeux de coopération à l'état pur,
où les joueurs mettent en commun leurs moyens d'action au service d'une
finalité collective. Dans cette optique, nous démonterons qu'en
réalité, dans la gestion de la question pétrolière
en Afrique, les responsables politiques africains et les multinationales
pétrolières (chinoises en l'occurrence) ne forment plus qu'un.
Car, une fois que ces derniers lui garantissent un accès
préférentiel aux ressources naturelles, pétrole notamment,
Pékin établit avec eux des " relations spéciales
".
2- Enjeux
L'enjeu peut s'entendre comme la chose pour la possession ou
le contrôle duquel une entreprise est engagée. C'est ce que l'on
gagne ou perd dans un jeu. Dans le cadre du présent travail, il s'agira
dans un premier temps d'analyser les motivations réelles et profondes de
l'offensive pétrolière chinoise sur le continent. Eu égard
à ces motivations, il sera davantage question d'étudier les
différentes manoeuvres ourdies par la Chine pour accéder au
pétrole africain en général, et à celui du golfe de
guinée en particulier.
3- Offensive
Expression très souvent utilisée dans le
jargon militaire, l'offensive est une action d'envergure menée par une
force armée et destinée à imposer à l'ennemi sa
volonté. Seulement, cette
7
conception de l'offensive s'applique beaucoup plus dans un
contexte de guerre. La géostratégie ne servant pas uniquement
à faire la guerre, il devient important de la relativiser, pour
plutôt la percevoir comme une action d'envergure visant à remettre
en cause ou à modifier un ordre existant.
Cette autre conception de l'offensive nous permettra de
démontrer que par sa prise d'initiative, la Chine veut mettre fin au
statu quo, au " patronage exclusif " des pays occidentaux dans le golfe de
guinée, notamment en ce qui concerne l'accès aux ressources
naturelles (pétrole en l'occurrence).
PRÏBLEMATIQUE & DELIMITATIÏN DU
SUJET
Notre sujet de mémoire qui s'intitule : " GEOSTRATEGIE
ENERGETIQUE EN AFRIQUE DE L'OUEST( Cas de la chine et le golfe de
guinée) ", pose en toile de fond la question de la place de l'Afrique de
l'ouest et plus précisément du golfe de guinée dans le
redéploiement de puissances étrangère sur le continent et
surtout celui de la nouvelle puissance chinoise.
Au plan temporel, la présente étude se propose
d'étudier la dynamique chinoise dans le golfe de guinée autour du
pétrole depuis 1993. En effet, l'important redéploiement de la
Chine dans la sous-région depuis cette date est la preuve de son
intérêt stratégique croissant pour la diplomatie
chinoise.
La zone du golfe de guinée étant assez vaste
pour être entièrement couverte dans le cadre d'un travail de DEA.
Il sera davantage question d'une vue générale de la
sous-région. Cependant, un accent particulier sera mis sur trois pays :
le Nigeria, l'Angola et la Guinée Equatoriale. Ce choix tient à
la place qu'occupent ces pays dans la géopolitique et la
géostratégie du pétrole du golfe de guinée d'une
part, et à l'intérêt à eux porté par
Pékin pour la diversification de ses sources d'approvisionnement et la
satisfaction de ses besoins énergétiques d'autre part.
REVUE DE LA LITTERATURE
La question de la dynamique chinoise autour du pétrole
dans le golfe de guinée, est plutôt récente et très
peu développée. Aussi la recherche bibliographique se
résume-t-elle à quelques ouvrages, articles, revues et travaux de
recherche.
Cédric De LESTRANGE ; Paillard C.A ; ZELENKO P. (2005)
insistent entre autre sur l'importance du pétrole pour la satisfaction
des besoins énergétiques des grandes puissances. Ils
présentent des grandes zones pétrolifères mondiales, et
l'assaut qu'elles subissent de la part des grands pays consommateurs. Cet
ouvrage pose également la question du conflit d'intérêt et
celle du redéploiement stratégique des principales puissances
industrielles autour de l'enjeu pétrolier.
L'article de Michael T. KLARE (2008), quant à lui
s'est consacré à l'enjeu pétrolier dans le monde. L'accent
y est mis sur la relation entre matières premières et
redéploiement stratégique des grandes puissances. De façon
spécifique, il est question de la percée de la
8
Chine sur de nombreux théâtres. L'auteur aboutit
à la conclusion selon la quelle, l'approvisionnement en pétrole
et en matières premières en voie de raréfaction est devenu
l'enjeu géostratégique majeur déterminant de la politique
des grandes puissances.
Ainsi, dans son rapport annuel intitulé : " Puissance
militaire de la République Populaire de Chine ", le ministère de
la défense chinois suggère que la Chine renforce ses
capacités de "projection de puissance " dans les régions qui
fournissent à Pékin les ressources dont l'importance est
critique, en particulier les combustibles fossiles.
COPINSCHI P. ; NOEL P. (2005) dressent un brillant tableau de
la place du golfe de guinée dans la géopolitique
pétrolière mondiale. Le golfe de guinée y est
présenté comme l' " autre golfe " un nouveau Moyen-Orient. S'il
n'est certes pas comparable au golfe arabo-persique, il concentre tout de
même l'essentiel des réserves pétrolières d'Afrique
subsaharienne. Les atouts de la région et de son pétrole y sont
vantés. Le pétrole africain est présenté comme
étant au coeur de la politique de diversification des sources
d'approvisionnement du marché mondial.
NTUDA EBODE(2004) a également mené une
étude approfondie de la géopolitique pétrolière
dans la sous-région. Pour lui, l'Afrique en général et le
golfe de guinée en particulier constituent depuis quelques années
une zone pivot du jeu géopolitique mondial du pétrole. En effet,
l'érection du golfe de guinée en zone d'intérêt
stratégique majeur confère à cette sous-région, un
certain nombre d'enjeux, notamment sécuritaire, développemental,
économique et géostratégique.
Wullson MVOMO ELA (2005) quant à lui
s'intéresse à la place centrale qu'occupe le pétrole dans
la sécurité énergétique mondiale (40 % de la
production mondiale d'énergie). Le golfe de guinée y est
présenté comme un "espace - enjeu " de la géopolitique du
pétrole en ce début de 21e siècle. Le recul de
la France sur ce théâtre est observé, en même temps
que la montée en puissance de nouveaux acteurs étatiques
(Etats-Unis, Chine, Inde...). L'auteur propose enfin une logique de gouvernance
collective de cette région par les différents pays qui la
composent.
S'intéressant également à cette
question, Marie JOANNIDIS (2002) met un accent particulier sur l'importance du
pétrole africain en perpétuelle croissance ainsi que sur
l'offensive des grandes puissances, pour la diversification de leurs sources
d'approvisionnement et la garantie d'une sécurité
énergétique. De ce fait, le pétrole africain constitue une
priorité stratégique et relève désormais d'une
question d'intérêt national pour ces dernières. L'auteur
interpelle les responsables politiques africains des pays producteurs de
pétrole à une meilleure négociation des contrats
d'exploitation avec les firmes pétrolières internationales. De
même, l'auteur insiste sur la gestion peu orthodoxe de la question
pétrolière dans son ensemble, mais aussi sur l'impact
négatif de l'exploitation pétrolière sur l'environnement,
l'économie et l'évolution politique des pays africains. Autant
d'obstacles qui empêchent de faire de la manne pétrolière,
un véritable outil de développement.
Côme Damien AWOUMOU(2005) procède à une
délimitation précise de la région du golfe de
guinée, autant sur le plan géographique, culturel et
institutionnel. Il étudie la problématique des convoitises et sa
nécessaire régulation. Quant aux questions de savoir : qui
convoite le golfe de guinée ? Pourquoi ? Comment se manifeste cette
convoitise ? Avec quelle
résistance ? Les réponses de l'auteur sont
précises et édifiantes.
9
A la question de savoir : Qui convoite ? La réponse de
l'auteur est précise et détaillée. Sous l'instigation des
Etats-Unis, le golfe de guinée est convoité par les occidentaux
(France ; Grande Bretagne ; Belgique ; Espagne), les orientaux (Chine ; Japon ;
Inde ; Israël), les pays du Sud (Brésil), et d'Afrique (Afrique du
Sud ; Nigeria ; Libye ; Maroc), et par les acteurs privés de toutes
natures : multinationales, institutions internationales, etc.
Le golfe de guinée et notamment sa composante Afrique
centrale, bénéficie d'une position géostratégique
qui le met en contact avec les toutes autres régions. La ruée
vers le golfe de guinée peut donc être perçue comme une
quête de puissance par le biais du contrôle d'une zone
jusque-là négligée, l'expression d'un besoin de
diversification des sources d'approvisionnement en matières
premières, notamment le pétrole.
La convoitise se manifeste quant à elle sous forme
d'investissements politique, militaire et économique.
Les résistances sont nombreuses et diverses. Mais
celles qui retiennent davantage l'attention ici sont celles qui émanent
des populations riveraines des zones d'exploitation. Ceci du fait d'un
éventuel accroissement des conflits de localisation, de type
expropriatif et de nature affective.
Pour tirer le meilleur avantage de ces convoitises, l'auteur
propose l'érection d'un leadership collégial. Un axe Abuja
Yaoundé Luanda lui semble à cet effet approprié.
Alain FOGUE TEDOM (2008) quant à lui présente
tout d'abord l'Afrique comme une terre de convoitise de tout temps. Les
ressources du golfe de guinée (hydrocarbures en l'occurrence) y sont
ensuite présentées comme importantes, de bonne qualité et
à l'abri des tensions sociales, mais aussi compte tenu de sa
facilité d'évacuation. La ruée chinoise observée
depuis quelques années autour de ce pétrole s'explique à
la fois par les atouts sus évoqués de ce pétrole, mais
surtout par l'incapacité des autorités politiques à
protéger cette ressource rare en raison de leur cécité
stratégique et du faible niveau de développement industriel des
pays de la région.
S'agissant de l'offensive chinoise sur les pays de la
région, CHOMTANG (2007) affirme que eu égard à la place
qu'elle occupe désormais dans l'économie mondiale, la Chine
nourrit les ambitions de grande puissance. Sa dépendance progressive
vis-à-vis des ressources énergétiques l'amène
à redéfinir sa politique à l'égard de l'Afrique. Le
golfe de guinée, espace qui jouit d'une position
géostratégique indéniable et d'un potentiel
énergétique important, ne peut que susciter les appétits
d'une telle puissance. Par une offensive diplomatique et commerciale,
pékin entend investir le golfe de guinée afin de s'assurer le
contrôle et l'exploitation des matières premières.
Pierre Antoine BRAUD(2005) étudie la stratégie
pétrolière chinoise dans les relations qu'elle entretient avec
l'Afrique. La Chine est devenue un partenaire de première importance au
sud du Sahara, tandis que le continent africain présente des
opportunités certaines pour trois aspects de la politique
extérieure chinoise :
i. l'entretien d'un réservoir de voix au Nations
Unies ;
ii. l'approvisionnement en ressources naturelles et la
création de nouveaux débouchés à son
économie ;
10
iii. l'isolement de Taiwan.
L'offensive chinoise sur le continent africain constitue
également le principal centre d'intérêt de Philippe HUGON.
Il présente l'offensive économico- diplomatique lancée par
pékin sur l'Afrique en ce début du 21e siècle.
Les pays tels que le Nigeria, l'Angola et la Guinée Equatoriale sont au
centre de cette offensive. Second consommateur mondial de pétrole,
l'Afrique lui fournit jusqu'à 30%8(*) de ses
approvisionnements, même si dans l'ensemble les relations commerciales
entre la Chine et l'Afrique demeurent à l'exception de l'Afrique du sud-
sur un model postcolonial. L'Afrique exporte des matières
premières, alors que la Chine exporte des produits
manufacturés.
S'agissant enfin du couple pétrole et
développement des pays de la région, notre attention sera
principalement portée sur l'ouvrage de Michel KOUNOU (2006). Dans cet
ouvrage l'auteur procède à une analyse minutieuse de
l'exploitation pétrolière dans le golfe de guinée depuis
1956. Contrairement à ce qui est observé dans les autres
continents, le pétrole n'est pas une ressource assurant le
progrès économique et social en Afrique, mais plutôt une
ressource productrice d'insécurité pour les peuples
d'Afrique.
L'intérêt de cette étude réside
entre autre aspect sur une exigence de démarcation par rapport aux
travaux sus-évoqués. Sans vouloir remettre en cause leur
pertinence, il convient tout de même de préciser que nous
essayerons d'analyser, outre les raisons de l'offensive Chinoise, sa
stratégie d'accès aux ressources africaines en
général, et au pétrole du golfe de guinée en
particulier. Par ailleurs, un accent sera mis sur l'impact de cette offensive
sur la démocratie et la paix en Afrique.
VI-HYPÏTHESES
Les hypothèses sont des tentatives de réponse
à une ou plusieurs questions théoriques ou observations
empiriques. Ce sont en fait des explications provisoires d'une
réalité. Elles doivent alors être confirmées ou
infirmées à la fin par les résultats de l'étude. Ce
sont aussi des outils de sélection pour le chercheur, car elles aident
ce dernier à choisir les faits, à les interpréter et
à suggérer les procédures de recherche (Bokalli E. S.2006
:10).
La " macro-hypothèse " (Sindjoun L.2002 :20) autour de
laquelle s'ordonne notre recherche est la suivante : Du fait de la place
qu'elle occupe désormais dans l'économie mondiale, la Chine
nourrit des ambitions de grande puissance. Sa dépendance
énergétique l'amène à reconsidérer sa
politique vis-à-vis de l'Afrique. Le Golfe de Guinée, espace qui
jouit d'un potentiel énergétique important et d'une position
géostratégique indéniable, ne pouvait que susciter ses
appétits. Par une offensive politique, économique, diplomatique
et militaire, pékin entend investir le Golfe de Guinée afin de
s'assurer entre autre, le contrôle et l'exploitation des matières
premières en présence, pétrole en l'occurrence. Seulement,
engagé dans cette entreprise stratégique, pékin se souci
peu du respect des valeurs démocratiques et des droits de l'Homme. En
effet, le soutien politique qu'il apporte aux régimes africains
s'avère être une sorte de caution à leur gestion, les
conforte dans leur immobilisme politique, constituant ainsi un péril
pour la démocratie et la paix.
De cette hypothèse originelle, dérive les
« micro-hypothèses » (Sindjoun L.2002 :20) suivantes :
-
11
l'offensive pétrolière chinoise en Afrique,
notamment dans la sous-région du Golfe de Guinée s'explique en
partie par son déficit énergétique. Lui-même
lié à la croissance de la demande énergétique
nationale par les différents secteurs d'activité et à
l'épuisement progressif des réserves nationales.
- l'important potentiel énergétique, les
nombreux atouts du pétrole et de la région du golfe de
guinée, mais aussi et surtout l'incapacité politique et
technologique des dirigeants à contrôler et à exploiter les
ressources expliquent également la ruée de la Chine dans la
sous-région.
- L'âpreté de la compétition entre
puissances pour un accès privilégié et à un moindre
coût aux ressources africaines, et notamment au pétrole du golfe
de guinée a conduit la Chine à ne négliger aucune
démarche pouvant concourir à la réalisation de son projet
géostratégique. De ce fait, elle va s'approprier les recettes qui
depuis les indépendances africaines permettent aux pays occidentaux de
transformer l'espace africain au mieux de leurs intérêts.
Celles-ci sont diplomatiques, politiques, économiques et militaires.
L'extraversion dont souffrent les Etats de la sous-région et le subtil
stratagème utilisé par pékin constituent un
véritable catalyseur à la mise en oeuvre de cette
offensive.
- La détermination de la Chine à
accéder par tous les moyens au pétrole africain en
général et à celui du Golfe de guinée en
particulier, l'a conduit à soutenir politiquement les régimes
africains en indélicatesse avec la communauté internationale pour
des raisons de non-respect de la démocratie et des droits de l'Homme. Ce
soutien pourrait s'avérer être un obstacle majeur à
l'évolution politique des pays africains vers la démocratie et
constituer une véritable menace pour la paix en Afrique.
PREMIERE PARTIE :
? LES ENJEUX DE L'OFFENSIVE PETROLIERE CHINOISE DANS
LE GOLFE DE GUINEE
Depuis le milieu de la décennie 1990, la
coopération sino-africaine semble avoir pris une nouvelle tournure. Pour
Pékin, le pragmatisme a pris le pas sur la rhétorique. Du fait de
la forte industrialisation que connaît le pays depuis quelques
décennies, la Chine se livre à une quête
effrénée de matières premières, en l'occurrence le
pétrole à tous les points stratégiques de la
planète. Animé par un esprit réaliste, Pékin s'est
rendu compte de l'impérieuse nécessité d'une
réorientation de sa politique vis-à-vis de l'Afrique. En effet,
comme l'écrit Eric Patrick MOUPAYA (2008 :1) " la croissance et
même la survie économique de la chine dépendent, et pour
une part croissante, de l'Afrique ". La Chine absorbe désormais 25% de
tout le cuivre consommé à travers le monde, 40% du charbon, 35%
de l'acier, 10% du pétrole et sa demande ne cesse de croître, et
90% de tout l'aluminium (Moupaya E. ; 2008 : 1). Une économie
dévoreuse d'énergie, boulimique en matières
premières, qui s'est tout naturellement tournée vers la
région du monde la mieux pourvue.
Aussi, selon toute vraisemblance, l'offensive
pétrolière de la chine dans cette sous région aujourd'hui,
pourrait-elle s'expliquer à la fois par une demande
énergétique interne en perpétuelle croissance (chapitre1),
et par le potentiel énergétique important de la sous
12
région, couplé aux nombreux avantages de son
pétrole. Mais aussi et surtout par l'incapacité politique et
technologique des dirigeants à contrôler et à exploiter les
ressources (chapitre2).
La dépendance énergétique de la
Chine
Jusqu'à présent, le débat autour de la
dépendance pétrolière de la Chine reste ouvert. Si pour
certains, la dépendance chinoise en termes d'énergie
pétrolière est une illusion, obéit tout comme les autres
puissances industrielles, à une volonté politique de ce pays de
préserver ses réserves pétrolières pour l'avenir.
Pour les autorités chinoises par contre, la dépendance
pétrolière du pays est une réalité, un défi
à surmonter pour rester compétitif sur le marché
international. S'il est vrai que la plupart de pays industrialisés
aujourd'hui évoquent cette dépendance énergétique
pour justifier l'expansion de leurs firmes pétrolières à
travers le monde, il n'en demeure pas moins vrai que ces mêmes pays
optent pour la préservation de leurs réserves, visant ainsi
à constituer des réserves stratégiques,
représentant de dizaines d'années de consommation. Donc,
dépendance supposée ou réelle, notre objectif n'est pas de
prendre position. Il est simplement question d'analyser les données
recueillies tout au long de nos recherches.
Par dépendance, nous entendons un assujettissement,
une absence d'autonomie. La dépendance énergétique quant
à elle peut être perçue comme le fait que le pays ne puisse
plus subvenir à ses besoins par la production nationale et doit par
conséquent importer la différence. La Chine a en effet longtemps
cru qu'elle pourrait rester autonome énergétiquement, mais face
à la croissance de sa consommation, elle va devoir se résigner
à importer de plus en plus de pétrole. Se retrouver tributaire du
marché mondial n'est certes pas une sensation très rassurante
pour Pékin, mais c'est le lot de la plupart de pays
industrialisés, pays dont la Chine aspire à faire partie au cours
de ce siècle.
Dans le cadre de ce travail, la dépendance
pétrolière de la chine sera analysée à travers son
déficit énergétique interne (section1), mais aussi
à travers l'absolue nécessité de ses importations
(section2).
SECTIÏN I : Le déficit
énergétique de la Chine
De nos jours, la Chine se dessine comme la seule puissance
capable de contenir ou de contester l'hégémonie des Etats-Unis
d'Amérique, elle est même devenue l' « adversaire reflet
»de ces derniers. En effet, seul l'Empire du milieu peut réellement
constituer une véritable menace pour les intérêts
américains. Pourtant, la Chine se heurte à un véritable
obstacle, celui de sa dépendance énergétique.
Deuxième consommateur d'énergie dans le monde, la chine doit
désormais nourrir une machine industrielle dont l'appétit semble
insatiable. Or, ses ressources énergétiques tarissent à un
rythme inquiétant et le pays est redevenu depuis 1993, un importateur de
pétrole.
La mise en valeur de nouveaux gisements, notamment dans le
bassin de Tarim dans le Xinjiang, reste très lente et ne permet pas de
répondre à la hausse régulière de la consommation
de pétrole, multipliée par deux depuis 1995. Cette situation
s'explique essentiellement par la hausse de la production industrielle,
l'augmentation régulière du parc
13
automobile et la constitution depuis 2003 d'une
réserve stratégique (représentant un trimestre de
consommation), comme dans les grands pays industrialisés.
C'est à travers l'insuffisance des réserves et
de la production (paragraphe1), mais également par la croissance de la
demande intérieure par les différents secteurs de
l'économie nationale chinoise (paragraphe2), que nous étudierons
le déficit énergétique de la Chine.
Paragraphe 1 : Insuffisance des réserves et de la
prïductiïn
Compte tenu de la forte croissance économique que
connaît la Chine depuis quelques décennies et de la forte
industrialisation qui s'en est suivie, la demande énergétique
chinoise ne cesse de croître .C'est ce que semble d'ailleurs indiquer la
baisse de l'offre énergétique. En effet, le taux de couverture de
la Chine en pétrole ne cesse de chuter et s'établissait en 2002
à 69% (Chomtang Fonkou : 2007 : 9).
Aussi, la baisse, voir la chute du taux de couverture de la
Chine en pétrole sera-t-elle analysée ici à travers
l'insuffisance des réserves (A) et de la production (B).
A- Des réserves limitées
Les réserves de pétrole de la Chine font
l'objet d'estimations contradictoires. L'agence de l'énergie des
Etats-Unis estime les réserves prouvées en pétrole de la
Chine à 2,5 milliards de tonnes, tandis que la British Petroleum (BP)
avance le chiffre de 3,2 milliards de tonnes, et l'OCDE pense que ce chiffre
atteint près de 4 milliards de tonnes et représenterait 2,3% des
réserves mondiale.
Le pétrole en Chine, particulièrement au Nord
du pays est un pétrole lourd et visqueux, riche en paraffine, ce qui le
rend onéreux à raffiner. Les gisements de pétrole se
situent principalement dans quatre zones.
Il y a tout d'abord la province du Heilongjiang qui constitue
le centre principal de production du pétrole de la Chine avec 34% de la
production nationale. Vient ensuite le champ de Daqing, l'un des plus vastes au
monde qui représente à lui seul près du tiers de
l'exploitation pétrolière nationale. Mais, mise en valeur depuis
un peu plus d'un demi-siècle, sa production ne devrait guère
pouvoir augmenter dans les années à venir. La région du
Xinjiang quant à elle représente aujourd'hui 20% de la production
de pétrole en Chine. Les principaux gisements du Xinjiang sont le bassin
de Tarim Occidental, le champ de Karamay dans le bassin de Junggar et le bassin
de Turpan-Hami. La province du Shandong représente quant à elle
16,6% de la production nationale. Enfin, nous avons les gisements off shore en
mer de Chine et dans la mer de Bohai qui représentent moins de 10% de la
production nationale. Les prospections restent par ailleurs gênées
par les différends frontaliers avec le Vietnam. Les estimations des
réserves (possibles et prouvées) contenues dans la mer de Chine
sont très contradictoires. Dans l'hypothèse la plus favorable,
ces réserves peuvent permettre d'envisager une production annuelle
oscillant entre 19 mille et 50 mille tonnes par jour, soit l'équivalent
de 10% de la production nationale.
Seulement ces grands gisements sont de nos jours
confrontés à un certain épuisement, ceux du nord en
particulier. En effet, les principaux champs pétroliers chinois comme
Daqing, Sengli et Liaohe qui assurent 80% de la fourniture nationale de
pétrole, ont atteint leur pic de production dans les années 1980
et leur exploitation devient de plus en plus coûteuse.
14
L'insuffisance et la vulnérabilité des
infrastructures de transport entre les ressources de l'Ouest et le reste du
pays sont une autre explication au déséquilibre de la balance
pétrolière chinoise. Sur ce déficit d'infrastructures
vient se greffer le problème de la minorité Ouïgour (la plus
importante des minorités de Chine). Les visées panturques du
mouvement autonome Ouïgour inquiètent de plus en plus le
gouvernement chinois qui craint que la sécurité de ses
approvisionnements, notamment en provenance du Kazakhstan et du Tadjikistan, ne
soit à terme menacée par les actes terroristes.
B- Une production insuffisante
La Chine a été l'une des premières
nations à exploiter le pétrole avec son puits situé
à Taiwan en 1878. Historiquement, la Chine a été le
premier pays à utiliser le pétrole quand la République fut
fondé en 1949, la production annuelle n'atteignait que 120 milles tonnes
(ou 2,400 baril par jour) (Thalman P. (Dir.) ; 2006 : 28) et elle faisait
partie des pays sous développés en consommation d'énergie,
à cause entre autre des guerres. La production chinoise a
progressivement augmentée jusque dans les années 1980, faisant
alors de la Chine en 1985 un exportateur de pétrole avec 6,21 millions
de tonnes exportées (Thalman P. (Dir.) ; 2006 : 28). En 1996, la
production pétrolière chinoise a dépassé 156
millions de tonnes, contre 147 millions en 1995 et 144 millions en 1994, un
chiffre inégalé à ce jour (De Lestrange Cédric ;
Paillard Christophe Alexandre ; Zélenko Pierre ; 2005 : 173).
En 2003, la Chine a produit en moyenne 2,3 millions de barils
par jour, la grande majorité (90% de ce pétrole) est extraite
d'exploitation terrestres (on shore) et un tiers de cela provient du gisement
de Daqing, principal champ pétrolier situé dans le nord Est et
produisant 1 million de barils par jour, même si 50% de ces
réserves ont d'ores et déjà été
exploitées (De Lestrange Cédric ; Paillard Christophe Alexandre ;
Zélenko Pierre ; 2005 : 173).
Concernant l'exploitation off shore, la plus grande d'entre
elles se trouve dans la baie de Bohai, dans la mer jaune et a été
découverte au début des années 1960. L'ouverture de cette
réserve off shore aux compagnies étrangères à la
fin des années 1970 a permis d'augmenter la production de manière
significative. En effet, en 2003, ces sites off shore contribuaient pour 90%
à l'augmentation annuelle de la production chinoise.
La dépendance pétrolière de la Chine
s'accroît rapidement, car ses réserves et la croissance de sa
production nationale sont insuffisantes. En effet, le taux de couverture en
pétrole ne cesse de chuter, ceci sous le poids d'une forte croissance de
la demande interne. On peut même aujourd'hui raisonnablement faire
l'hypothèse que la croissance de la production pétrolière
chinoise ne sera pas en mesure de compenser celle de la demande.
Paragraphe 2 : Une demande intérieure en pleine
explosion
L'extraordinaire développement que connaît la
Chine est assortie d'une demande croissante en matières premières
et en ressources énergétiques : du gaz naturel, mais surtout du
pétrole. Selon de récentes prévisions, l'économie
chinoise va croître de 9% par an et ce pour les 20 prochaines
années. La Chine est devenue en 2004 le deuxième plus gros
consommateur mondial de pétrole, avec l'utilisation de 7 millions de
barils par jour. De l'avis de nombreux experts, la consommation chinoise de
pétrole devrait doubler d'ici 2010. A ce rythme, il est logique de
s'attendre à ce que la Chine devienne à moyen terme aussi
gourmande que les Etats-Unis. La croissance de la demande
énergétique chinoise sera étudiée à travers
la
15
demande des principaux secteurs de l'économie
nationale, à savoir la production d'électricité et le
transport (A), ensuite l'industrie, le chauffage et le consommateur domestique
(B).
A- La production d'électricité et le
transport
La croissance économique de la Chine semble
incontrôlable et sa demande d'énergie insatiable. Cette croissance
galopante de la demande énergétique chinoise sera
étudiée ici à travers la demande énergétique
pour la production d'électricité (1) et de transport (2).
1- La production
d'électricité
En 1980, la production d'électricité
représentait environ 12% de la consommation en pétrole de la
Chine. Depuis, la part de l'électricité dans les besoins en
pétrole n'a cessé de baisser. Car, le pétrole est
facilement substituable dans ce secteur. Il est désormais question pour
la Chine de mettre en place des politiques lui permettant d'éviter
l'emploi du pétrole dans la production d'électricité.
Ainsi, les alternatives au pétrole sont nombreuses (gaz, charbon,
nucléaire, hydraulique, solaire, éolien). La croissance de la
production électrique chinoise a surtout été possible par
un recours massif au charbon. Seulement, le charbon et surtout le charbon
chinois, majoritairement de mauvaise qualité est responsable d'une
importante pollution de l'air (Thalman P. (Dir.) ; 2006 : 11). La combustion du
charbon a pour conséquences les pluies acides, la création des
particules fines (comme les sulfates), sans oublier bien sûr les
émissions de CO2. Seulement, en raison de son faible coût, on
observe un recours au charbon, recours qui pourrait devenir un recours au
pétrole. En effet, dans certaines zones côtières, le
pétrole qui débarque dans les ports est moins cher que le charbon
acheminé de loin par voie ferroviaire. Dans ces conditions, on avance un
quadruplement de la consommation pétrolière dans le secteur
électrique d'ici à 2020(Thalman P. (Dir.) ; 2006 : 13).
2- Les transports
Les transports ont connu ces dernières années
un développement extraordinaire, parallèlement au
développement économique de la Chine. En effet, des routes ont
été construites, de nouvelles lignes de chemin, des
aéroports. Toutefois, on remarque d'importantes différences dans
le niveau d'équipement en infrastructures selon les régions. Plus
les régions sont riches (côte Est et Sud, grandes villes), plus
elles en sont dotées.
L'ouverture de la Chine au commerce extérieur a
entrainé le développement des transports. Le flux des populations
est devenu plus important et la richesse augmentant, ont aussi contribué
à ce développement. Par exemple, de 1980 à 2002, le
transport de fret a quadruplé et le transport des passagers a
été multiplié par six. C'est surtout le transport par
route et par avion qui a connu la plus forte augmentation.
De l'avis de THALMAN, " La part de la consommation totale
d'énergie de la Chine dédiée au transport est
passée de 5 à 9% entre 1991 et 1999. L'énergie
utilisée pour le transport en Chine est surtout le pétrole (88%
du total)" (2006 : 17). En Effet, tous les modes de transport font appel au
pétrole comme quasi seule source d'énergie. Même les trains
consomment du pétrole, puisqu'une grande partie des lignes de chemins de
fer n'est pas électrifiée.
Le cas du transport routier par exemple semble très
préoccupant, puisque sa consommation d'énergie a augmenté
d'un tiers en 10 ans. La Chine connaît donc un accroissement rapide
du
16
trafic routier. Il faut donc de plus en plus
d'énergie, et dans ce cas de pétrole, pour transporter ou
acheminer des quantités de plus en plus importantes de fret et de
personnes. La population rurale consomme deux fois plus d'énergie dans
les transports personnels que la population urbaine. Ceci est dû au
pouvoir d'achat grandissant des chinois qui remplacent peu à peu leurs
vélos par des motos. En effet, Près d'un quart des chinois
possèdent une moto, et le nombre de deux roues motorisées devrait
atteindre 500 millions en 2010 (Thalman P. (Dir.) ; 2006 : 19). On peut aussi y
ajouter l'augmentation fulgurante du nombre de voitures privées. A cet
égard, un scientifique du ministère français de la
défense affirme : " Dans dix ans, la Chine sera le plus gros
consommateur mondial de pétrole, avec un parc automobile
équivalent à celui du reste de la planète " (Pinel F. ;
2006 : 1).
3- L'industrie, le chauffage et la consommation
domestique
La croissance de la demande énergétique
chinoise sera étudiée ici à travers la demande
industrielle (1), du chauffage et de la consommation domestique (2).
a) L'industrie
Il est important de préciser que dans le cadre de ce
travail, nous ne comptons pas les raffineries de pétrole dans notre
analyse des industries chinoises utilisant le pétrole. Les industries
chinoises prennent de l'importance et deviennent de taille multinationale et
elles sont ainsi plus que jamais boulimiques en énergie. Les industries
qui consomment le pétrole peuvent être divisées en deux
grandes catégories :
- l'industrie pétrochimique qui transforme le
pétrole en des sous produits ;
- l'industrie qui utilise le pétrole comme source
d'énergie
L'industrie pétrochimique est le secteur industriel
qui utilise le plus de produits pétroliers, soit 56,9% de la
consommation industrielle chinoise en 2003 (Thalman P. (Dir.) ; 2006 : 7).
Viennent ensuite les minerais non métalliques, c'est-à-dire
l'industrie du ciment, avec 11,5%, la sidérurgie avec 5,6% et la
construction avec 4,8%. Outre ces secteurs, viennent également les
machines et les métaux ferreux.
b) Le chauffage et la consommation
domestique
Le mode de vie du milliard et demie d'habitants que compte la
Chine est un autre élément qui permet de déterminer sa
future consommation d'énergie. Une étude récente a
essayé de quantifier l'impact sur la consommation d'énergie du
mode de vie des populations chinoises. Deux types d'impacts ont
été pris en compte, l'impact direct, qui découle
d'activités consommatrices d'énergie (le chauffage, l'utilisation
d'appareils électriques et l'éclairage), et l'impact indirect,
qui provient de l'énergie utilisée pour produire des biens de
consommations achetés par la population.
Les différences de mode de vie entre populations
urbaines et rurales sont flagrantes en ce qui concerne les formes
d'énergie utilisées dans l'impact direct. Le charbon compte pour
plus de deux tiers de l'énergie utilisée directement par les
habitants des campagnes, contre un quart pour les habitants des villes. Ceci
s'explique par le fait que la cuisson des aliments ainsi que le chauffage se
fait en campagne majoritairement par le charbon. Le pétrole quant
à lui, représente un quart de la consommation d'énergie de
la population urbaine, contre à peine
17
10% pour celle rurale. Ainsi, la hausse de la demande en
pétrole est liée étroitement à l'expansion des
mégapoles chinoises de Pékin et de Shanghai de ces
dernières décennies.
Bien que la population rurale semble responsable d'une
consommation irréfléchie et inefficiente d'énergie, pour
ce qui est de la consommation de pétrole, c'est bel et bien les
habitants des villes qui en consomment le plus, ceci malgré le fait que
la majorité de la population soit rurale. La contribution indirecte des
résidents ruraux, n'est que d'un tiers de l'impact total (Thalman P.
(Dir.) ; 2006 : 26). Ceci s'explique par l'énergie mise en place pour
construire et faire fonctionner les habitations, les écoles et toutes
les infrastructures que comptent les villes. En 2002, 40% de la population
chinoise habitaient les villes. Face au développement de ces
dernières, l'exode rural devient de plus en plus massif, et si ces
nouveaux habitants des villes imitent leurs homologues, la demande en
énergie et en pétrole croîtra d'autant plus.
Tableau n° 1 :
Consommations énergétiques chinoises et évolutions
|
Pétrole
|
Gaz
|
Charbon
|
2002
|
25.4%
|
2.8%
|
65.7%
|
2003 (estimations)
|
26%
|
2.8%
|
65%
|
2015 (prévisions)
|
28.9%
|
9.4%
|
53.2%
|
2020(prévisions)
|
31.3%
|
12%
|
47.8%
|
Source :
Géopolitique du pétrole Op. Cit. page.174.
Comme nous pouvons le constater dans ce tableau, la
consommation chinoise de charbon connait une relative baisse depuis 2002,
tandis que celle du pétrole et du gaz naturel connait une hausse
significative.
L'accroissement des besoins énergétiques et
pétrolier va entraîner la réorientation de la politique
étrangère de la Chine, en faveur des intérêts
pétroliers (Chomtang Fonkou : 2007 : 93).
SECTION II : Les importations d'hydrocarbures : une
absolue nécessité
La très forte croissance de l'économie chinoise
génère une demande en hydrocarbures que la production nationale
n'est pas à même de fournir, et les importations nettes qui
étaient de 61,91 millions de tonnes en 2002 devraient atteindre au
minimum 200 millions de tonnes en 2020 (Miginiac Jean Philippe ; 2006 : 12). En
2010, la moitié des besoins pétroliers de la Chine
dépendra ainsi de ses importations, lesquelles importations
constitueront en 2020, jusqu'à 80% de ses besoins pétroliers
(Miginiac Jean Philippe ; 2006 : 12).
Aussi, pour faire face à ce nouveau défi, la
Chine a-t-elle lancé un véritable « quadrillage »
diplomatique des principales zones pétrolières mondiales. Cette
offensive politique pétrolière chinoise, dénote le
caractère structurant du pétrole dans la formulation de la
politique
18
étrangère chinoise (paragraphe1). Elle nous
permet également de comprendre l'important redéploiement de
Pékin dans les zones pétrolifères mondiales (paragraphe
2).
Paragraphe 1 : le pétrole : un enjeu majeur de la
politique étrangère chinoise
Le pétrole est considéré ici comme un
enjeu majeur de la politique étrangère de la Chine eu
égard à la subtile diplomatie menée par pékin pour
le conquérir (A), mais aussi compte tenu de l'instrumentalisation ou de
l'utilisation de ses compagnies pétrolières comme de
véritables outils de politique étrangère (B).
A- La diplomatie pétrolière
chinoise
La diplomatie pétrolière chinoise est un
concept qui, en réalité n'est qu'un néologisme nous
permettant de traduire l'idée d'une diplomatie au service des
intérêts pétroliers. Pour la Chine en effet, la diplomatie
constitue le cheval de Troie de son offensive pétrolière. Les
autorités chinoises ont compris que pareillement aux Etats-Unis, le
pétrole est d'un intérêt vital pour leur économie.
Il semble donc évident à l'analyse que les offensives
diplomatiques chinoises sur la scène internationale sont le juste reflet
de cette ambition. Pékin entend en effet par le dynamisme de sa
diplomatie tisser des liens de coopération étroits avec les pays
producteurs de pétrole. C'est ce qui explique le quadrillage des
principales zones pétrolifères mondiales par l'ensemble de son
corps diplomatique.
L'attention médiatique de ces dernières
années portée sur l'ouverture de la Chine et sa conquête du
monde, démontre la crainte que l'Occident éprouve pour ce pays,
jusqu'alors isolé et à l'histoire émaillée par la
dictature et l'autoritarisme. La Chine utilise toutes les astuces pour se faire
les amis parmi les pays producteurs de pétrole. Pour pékin en
effet, la diversification et la garantie de ses approvisionnements
extérieures contribueraient à limiter sa dépendance
vis-à-vis du marché international et le mettrait à l'abri
des chantages des pays ou groupes de pays tels que l'OPEP.
B- Les compagnies pétrolières
chinoises : de véritables instruments de politiques
étrangères.
Les compagnies pétrolières chinoises,
instruments de la quête chinoise d'hydrocarbures, sont les suivantes :
China National Petroleum Corp. (CNPC), Petro china, China National Off Shore
Oil Corp. (CNOOC), China National Oil Development Corp. (CNODC), China National
Star Petroleum (STAR), China National Petrochemical Corporation (SINOPEC),
China National Chemicals Import and Export Corporation (SINOCHEM), China United
Petroleum Corporation (CHINA OIL) et China United Petrochemical Corporation
(UNIPEC) (De Lestrange Cédric; Paillard Christophe Alexandre ; ZELENKO
Pierre; 2005: 175).
Pour mener à bien cette nouvelle stratégie de
présence dans les zones productrices, la Chine privilégie le
déploiement de son réseau d'entreprises pétrolières
avec une multiplication des projets d'exploration et de production dans des
pays peu occupés par les compagnies internationales et où la
concurrence provient le plus souvent des compagnies Russes. La CNPC a ainsi
acquis des concessions au Kazakhstan, au Venezuela, au Soudan, en Iraq (avant
2003), en Iran et au Pérou, sans autres véritables justifications
que d'occuper les secteurs pétroliers encore vacants :
19
" Dans ce cadre, la stratégie chinoise d'alliance tout
azimut dans le monde pétrolier a de nombreuses cibles, comme l'Egypte,
l'Algérie ou le Gabon. Ceci s'est traduit dans ces derniers cas en 2004
par des accords de prospections et d'exploitations, puis des contrats de
commercialisation entre les compagnies opérant dans les pays producteurs
et le groupe chinois SINOPEC" (De Lestrange Cédric; Paillard Christophe
Alexandre; Zélenko Pierre; 2005: 175).
Accédant aux ressources des pays producteurs par le
biais de ces compagnies pétrolières dont il est l'actionnaire
principal, l'Etat chinois peut ainsi " sécuriser " une partie de son
approvisionnement. Les nombreux accords de partage de la production
signés par les compagnies pétrolières chinoises dans les
pays producteurs témoignent de la réussite de ces
stratégies.
Tableau n° 2 :
Principaux fournisseurs en pétrole de la Chine en 2003 (En % des
importations chinoises)
Arabie saoudite
|
15.6
|
%
|
Iran
|
15 %
|
Oman
|
11.3
|
%
|
Angola
|
9 %
|
|
Soudan
|
7.7
|
%
|
Yémen
|
5.2
|
%
|
Russie
|
4.5
|
%
|
Indonésie
|
4 %
|
|
Malaisie
|
2.3
|
%
|
Guinée équatoriale
|
2.2
|
%
|
Congo
|
1.5
|
%
|
Gabon
|
1.2
|
%
|
Cameroun
|
1.1
|
%
|
Algérie
|
0.75 %
|
Nigeria
|
0.6
|
%
|
Egypte
|
0.3
|
%
|
Autres
|
17.75 %
|
Source : François LAFARGUE, op.cit page
50.
Tel que nous pouvons le constater dans ce tableau,
après les pays du Golfe arabo-persique, les pays du Golfe de
Guinée occupent une place importante parmi les principaux fournisseurs
en pétrole de la Chine. Les pays tels que l'Angola, le Nigeria, la
Guinée Equatoriale, le
20
Congo, le Gabon et le Cameroun fournissait en 2003
jusqu'à 15,6% des importations chinoises de pétrole.
La Chine a intérêt aujourd'hui à
diversifier ses sources d'approvisionnement, et nous pouvons dès lors
nous interroger sur les nouvelles régions où elle souhaite
désormais étendre son influence.
Paragraphe 2 : Les offensives chinoises sur la
scène internationale : une stratégie de diversification
Depuis 1995, le gouvernement chinois mène une
politique énergétique internationale globale afin de minimiser sa
dépendance excessive vis-à-vis du pétrole du Moyen Orient.
En effet, depuis cette date, les importations chinoises ont sans cesse
progressé pour atteindre 42,9% (Thalman P. (Dir.) ; 2006 : 9). La Chine
ne néglige aucune zone susceptible de lui assurer un approvisionnement
pétrolier. D'où le véritable quadrillage de la
scène pétrolière internationale par cette dernière.
Il sera donc question de montrer le souci de Pékin de diversifier au
maximum ses sources d'approvisionnement en pétrole. Aussi,
commencerons-nous tout naturellement par le Moyen Orient, centre
névralgique de la scène pétrolière mondiale (A),
ensuite l'Afrique et les autres régions du monde (B).
A- Le Moyen Orient
L'examen minutieux des sources d'approvisionnement
pétrolier de la Chine nous permet de constater que le Moyen-Orient
représente 45% des importations chinoises (Thalman P. (Dir.) ; 2006 :
9). Les principaux fournisseurs de pékin sont : L'Arabie Saoudite (14%),
l'Iran (11%), Oman (13%), et d'autres pays 7%(Yémen, Iraq,...). La part
du Moyen-Orient devrait même passer à 80% en 2010 (De Lestrange
Cédric; Paillard Christophe Alexandre; Zélenko Pierre; 2005:
176).
Seulement, à l'analyse, on a la nette impression que
la Chine n'est cliente de cette zone que pour des raisons de proximité.
En effet, la Chine reconnaît elle-même la faiblesse de son
influence dans la région, sa position étant précaire que
la situation du moyen est instable et donc contraignante. Le pouvoir de
contrôle de l'Etat chinois sur son ravitaillement en pétrole en
provenance de cette zone demeure faible.
Au delà des facteurs d'ordre politique, ressortent
également des contraintes techniques. En effet, une partie du
pétrole en provenance du Moyen Orient est lourdement chargée en
sulfure, ce qui exige certaines installations de raffinage dont la Chine ne
peut indéfiniment augmenter la capacité, à moins
d'investir massivement dans le renouvellement de ses raffineries. La Chine doit
donc tenter de diversifier au maximum ses sources d'importations en même
temps qu'elle doit continuer à rechercher les sources stables.
B- L'Afrique et les autres régions du
monde
Comme les puissances occidentales plusieurs décennies
avant, la Chine découvre au milieu des années 1990, l'importance
du pétrole africain pour son essor industriel et économique. En
effet, la Chine considère l'Afrique comme une véritable terre
promise (Fogue Tedom A.; 2008 :157). La part de l'Afrique dans les importations
chinoise représente environ 30%de la totalité des importations de
pétrole de la Chine et ce taux ne cesse de croître. Ce qui importe
le plus pour la Chine, ce sont les opportunités d'investissements
directs. Celles-ci peuvent être considérées sous deux
angles : il s'agit soit de réaliser des projets de prospection par le
biais
21
de joint-venture, soit d'acquérir des gisements pour
diminuer la dépendance vis- à -vis du marché.
Les principaux fournisseurs africains de la Chine sont :
l'Angola (4e rang des pays fournisseurs de la Chine, et le premier
africain), l'Egypte, le Nigeria, la Guinée Equatoriale, le Congo
Brazzaville, Gabon et le Cameroun.
En ce qui concerne les autres zones pétrolières
mondiales, la diplomatie pétrolière chinoise y est
présente et comparable à une véritable " toile
d'araignée ".
En Amérique latine, zone d'influence des Etats-Unis,
la Chine est tout aussi active. Durant sa visite dans plusieurs pays sud
américains en novembre 2004, le président chinois HU JIN TAO a
annoncé que la Chine investirait 100milliards de dollars en
Amérique Latine au cours des 10 années à venir (Miginiac
Jean Philippe ; 2006 : 13); (le président Jiang Zemin avait
déjà effectué un tour d'Amérique Latine en 2001).
Parmi les projets, un contrat énergétique de 10milliards de
dollars au Brésil et plusieurs projets énergétiques au
Venezuela, au Cuba, en Equateur, en Bolivie, au Pérou, en Colombie et en
Argentine.
L'Asie centrale, qui concentre 6% (De Lestrange
Cédric; Paillard Christophe Alexandre; Zélenko Pierre; 2005: 177)
des réserves pétrolières mondiales, connaît
également la présence de la Chine. En effet, la Chine y est
active depuis 1997, quand la CNPC prit une participation de 60% dans la
compagnie Casaque, Aktioubinsk oil. La Chine cherche tout
particulièrement à renforcer sa présence au Kazakhstan,
dans les champs pétroliers d'Aktioubinsk et d'Ouzen. Par ailleurs,
Pékin et Moscou travaillent de concert à la cohésion des
Etats du "Shanghai cooperation organization " (Chine, Russie, Kazakhstan,
Kirghizstan, Tadjikistan, Ouzbékistan) pour leur permettre de mieux
résister à l'enracinement des Etats-Unis dans la région
depuis les attentats du 11septembre (Miginiac Jean Philippe ; 2006 :
13).
La diplomatie Chinoise du pétrole a même permis
l'accès de Pékin aux ressources Canadiennes, directement dans "
le jardin des Etats-Unis " (les ressources canadiennes sont actuellement
considérées comme les deuxièmes réserves mondiales,
derrière celles de l'Arabie Saoudite) (Miginiac Jean Philippe ; 2006 :
13). En 2004, à la suite de la visite en Chine du premier ministre
canadien Paul Martin, les deux pays ont conclu une série d'accords
énergétiques (canada-china statement on energy cooperation in the
21st Century) pour une implication de la Chine dans le développement des
secteurs pétrolier, gazier et nucléaire canadiens. En avril 2005,
PETROCHINA (filiale de la CNPC) et la canadienne ENBRIDGE signaient un
mémorandum of understanding pour investir 2 milliards de dollars dans la
construction d'un pipeline qui devrait transporter le pétrole canadien
vers sa cote ouest, afin d'y être acheminé par tankers vers
l'Asie. De nouveaux contrats sont par ailleurs en cours de signature entre les
compagnies chinoises et canadiennes.
Ailleurs dans le monde, la Chine poursuit une politique
identique de développement de ses participations. C'est ainsi qu'on
retrouve la diplomatie pétrolière chinoise aux confins de la
planète. Notamment en Australie, en Papouasie Nouvelle Guinée, en
Indonésie, à Burma. Par ailleurs, proche de ses
frontières, la diplomatie chinoise est engagée dans nombre de
disputes territoriales avec ses plus proches voisins [Malaisie, Philippines,
Taiwan, Vietnam, Bornéo (Iles Spratley et Paracel), Japon, etc.].
Derrière chacune de ces disputes, s'accumulent des réserves
potentielles de pétrole ou de gaz.
22
La dépendance énergétique
(pétrolière en l'occurrence) de la Chine peut en partie expliquer
son offensive dans les différentes zones pétrolières
mondiales, notamment dans la sous région du golfe de guinée.
Seulement, à l'analyse, elle ne peut à elle seule suffire
à comprendre ou à véritablement cerner les
différents contours de cette offensive. Aussi, sommes-nous amenés
à aller chercher ailleurs, notamment en Afrique même, les
véritables raisons de cette ruée. Le golfe de guinée
étant de loin un géant pétrolier, comment comprendre cette
offensive quasi systématique des principales puissances industrielles,
notamment de la Chine dans cette sous région ? Qu'est-ce qui dans le
golfe de guinée peut aider à comprendre les réelles
motivations de cet assaut pétrolier chinois ?
23
CHAITRE II :
LE GOLFE DE GUINEE : UNE ZONE PRIVILEGIEE DE LA SCENE
PETROLIERE MONDIALE.
Comme l'écrit Alain Fogue Tedom (2008 : 133), "Au
regard des attentes actuelles et surtout à venir des puissances
industrielles par rapport aux ressources naturelles africaines en
général et en particulier par rapport au pétrole du golfe
de guinée, on est en droit de s'interroger sur la validité de
l'analyse qui, au début des années 1990, soutenait l'idée
qu'avec la fin de la guerre froide l'Afrique noire avait perdu tout
intérêt stratégique pour les grandes
puissances ". Même si économiquement l'Afrique
noire n'a qu'un poids marginal dans le commerce mondial, son sous- sol demeure
l'un des plus riches du monde en matières premières. Le continent
africain regorge en effet de nombreux gisements de pétrole dont
l'industrie occidentale reste très demandeuse. Par ailleurs, à
cause de son déficit d'autonomie stratégique et politique, elle
offre aux compagnies étrangères la possibilité
d'acquérir des concessions et de s'offrir des marchés captifs
qu'elles ne peuvent trouver nulle part ailleurs (Fogue Tedom ; 2008 : 133).
Cependant, malgré la richesse de son sous-sol en ces matières
premières, l'Afrique noire, traversée par la corruption
politique, est incapable de rationaliser leur gestion afin d'en tirer le
meilleur profit.
Du fait de la place qu'il occupe désormais dans la
géopolitique pétrolière mondiale, notamment dans la
politique de diversification des sources d'approvisionnement
énergétique des grandes puissances industrielles, le golfe de
guinée est désormais un point névralgique de la
scène pétrolière internationale. Sa position
géostratégique, son important potentiel énergétique
et les multiples atouts de son pétrole (section1), couplés
à l'incapacité politique et technologique des autorités
politiques locales à contrôler et à exploiter ses
ressources (section 2), font de cette sous région une zone
privilégiée de la scène pétrolière mondiale
et une réponse éventuelle à la dépendance
énergétique de la Chine.
SECTION I : Potentiel énergétique et
atouts du brut du golfe de guinée
Troisième région mondiale productrice de
pétrole, l'Afrique détient 10% (Kounou Michel ; 2006 : 16) des
réserves mondiales et connaît depuis quelques temps une
véritable ruée de la part des grands pays industrialisés.
En effet, longtemps située dans un « angle mort » de la
politique extérieure des principaux pays consommateurs (Etats-Unis,
Chine, Japon), elle est aujourd'hui l'objet d'un véritable assaut. Jadis
écartée des enjeux géostratégiques et des jeux des
grandes puissances, l'Afrique en général et le golfe de
guinée en particulier est devenu l'objet de convoitises des puissances
consommatrices de pétrole.
Avant de procéder à une étude des
différents atouts du brut du golfe de guinée (paragraphe 2), il
serait judicieux au préalable de présenter le potentiel
énergétique de cette sous région (paragraphe 1).
Paragraphe 1 : Le potentiel énergétique
du golfe de guinée
Doté d'un potentiel énergétique
important et de sources d'énergies diverses et variées
(pétrole, gaz, biomasse, etc.), le golfe de guinée, jadis
réputé pour la qualité de ses produits agricoles, est
devenu depuis quelques années un véritable eldorado
pétrolier (Ntuda Ebode ; 2004 : 44). Dans un contexte international
marqué entre autre par la dépendance
énergétique
des pays industrialisés (Etats-Unis, Chine, Japon,
Union Européenne), le golfe de guinée regorge d'un pétrole
non seulement réputé pour sa qualité, mais aussi et
surtout des réserves en pleine croissance (A). Par ailleurs, le volume
de la production y est particulièrement élevé
(B).
A- Des réserves de plus en plus impïrtantes
La région du golfe de guinée, où se
concentre l'essentiel des réserves d'Afrique subsaharienne, est devenue
depuis quelques années l'une des zones-phares de la scène
pétrolière mondiale. Certes, elle n'est pas un " nouveau
Moyen-Orient ", mais les réserves prouvées dans l'ensemble des
pays de la région sont sans cesse revues à la hausse. Elles
s'élèvent aujourd'hui à 55milliards de barils, soit 4.8%
des réserves mondiales (Copinschi P. ; Noel Pierre. ; 2005 :
29).
L'Afrique subsaharienne, le golfe de guinée en
particulier, compte des Etats détenteurs de pétrole ou en devenir
dont les fonds terrestres et marins regorgent d'importantes réserves de
pétrole brut. C'est par exemple le cas du Nigeria, de l'Angola et de la
guinée Equatoriale.
Le Nigeria est de loin le pays détenteur de
pétrole le plus important d'Afrique subsaharienne. Ses réserves
prouvées sont passées de 31,5 milliards de tonnes en
décembre 2002 à 35,2 milliards en avril 2005 (Kounou Michel ;
2006 : 33). Elles sont si importantes qu'elles représentent plus du
double des réserves des autres Etats africains détenteurs (Kounou
Michel ; 2006 : 33). En fin 2006, les réserves du Nigeria
s'élevaient à environ 36,2 milliards de barils (Poissonnier H. ;
Huissoud J. M ; 2008 : 20).
L'Angola quant à lui est un autre géant
pétrolier africain, ses réserves s'élevaient en 2006
à 9 milliards de barils (Poissonnier H. ; Huissoud J. M ; 2008 : 20).
Aux dernières évaluations, les réserves angolaises
s'élevaient à 12 milliards de barils20(*).
Pour ce qui est de la guinée Equatoriale, ses
réserves étaient estimées, en fin 2006, à 1,8
milliards de barils (Poissonnier H. ; Huissoud J. M ; 2008 : 20).
Tableau n° 3 :
Productions et réserves d'hydrocarbures en Afrique (fin 2006)
Pétrole
|
Gaz
|
Pays
|
Réserv e milliar ds de barils
|
% mondi al
|
Réserv es en années de prod.
|
Prod. Millie rs de barils/ j
|
% mondi al
|
Réserv es (billion s de m3)
|
% mondi al
|
Réserv es en années
|
Prod. Milliar ds M3
|
% mondi al
|
Algérie
|
12.3
|
1.00 %
|
16.8
|
2005
|
2.20 %
|
4.5
|
2.50 %
|
53.2
|
84.5
|
2.90
|
Angola
|
9
|
0.70%
|
17.6
|
1409
|
1.80 %
|
|
|
|
|
|
Autre
|
0.6
|
0.10 %
|
24.6
|
68
|
0.10 %
|
1.21
|
0.70 %
|
100+
|
8.2
|
0.30
|
Cameroun
|
|
|
|
63
|
0.10
|
|
|
|
|
|
25
|
|
|
|
|
%
|
|
|
|
|
|
Egypte
|
3.7
|
0.30 %
|
15
|
678
|
0.80 %
|
1.94
|
1.10 %
|
43.3
|
44.8
|
1.60
|
0Gabon
|
2.1
|
20 %
|
25.3
|
232
|
0.30 %
|
|
|
|
|
|
Guinée Equatoria le
|
1.8
|
0.10 %
|
13.8
|
358
|
0.50 %
|
|
|
|
|
|
Libye
|
41.5
|
3.40 %
|
61.9
|
1835
|
2.20 %
|
1.32
|
0.70 %
|
88.9
|
14.8
|
0.50
|
Nigeria
|
36.2
|
3.00 %
|
40.3
|
2460
|
3.00 %
|
5.21
|
2.90
|
100+
28%.2
|
|
1.00 %
|
Rep. Du Congo
le)
|
(Brazzavil%
1.9
|
0.20
|
19.9
|
262
|
0.30 %
|
|
|
|
|
|
Soudan
|
6.4
|
0.50 %
|
44.2
|
397
|
0.50 %
|
|
|
|
|
|
Tchad
|
0.9
|
0.10 %
|
16.1
|
153
|
0.20 %
|
|
|
|
|
|
Tunisie
|
0.7
|
0.10 %
|
27.5
|
69
|
0.10 %
|
|
|
|
|
|
Total Afrique
|
117.2
|
9.70 %
|
32.1
|
9990
|
12.10 %
|
14.18
|
7.80 %
|
78.6
|
180.5
|
6.3 %
|
Sïurce : Enjeux n°
36 Juillet 2008, page 20.
Dans ce tableau, nous notons que dans la plupart de pays
africains, les réserves et la production d'hydrocarbures (pétrole
et gaz naturel) sont loin d'être négligeables. En effet, 2006,
l'Afrique produisait un peu plus de 12% du pétrole mondiale et 6.3% de
gaz. Les réserves de pétrolé s'élevaient quant
à elles à 117.2 milliards de barils, soit 9.70 % des
réserves mondiales. Pour ce qui est du gaz, en cette date, les
réserves africaines s'élevaient à 14.18 millions de m3,
soit 7.80 % des réserves mondiales.
B- Une prïductiïn massive
Le développement rapide de la production
pétrolière en Afrique (plus 40% entre 1990 et 2004) permet au
continent africain d'assurer aujourd'hui 12% de la production
pétrolière mondiale (Poissonnier H. ; Huissoud J. M ; 2008 : 20)
en augmentation constante depuis quelques années. La production
africaine est en effet un élément clé de
l'approvisionnement du marché mondial. Non pas que sa part dans la
production totale soit très importante, mais
l'homogénéité des produits pétroliers est telle que
l'équilibre du marché, et donc le prix, sont
déterminés par les « barils marginaux » (Charnoz
Olivier ; 2003 :21).
Le secteur pétrolier africain, en pleine croissance,
acquiert donc un poids stratégique supérieur au simple volume de
sa production. A travers son pétrole, l'Afrique acquiert une nouvelle
stature internationale, et suscite un regain d'intérêt
stratégique. En effet, avec une production de 4 millions de barils par
jour, dont l'essentiel provient du golfe de guinée, l'Afrique
subsaharienne affiche une capacité de production s'élevant
à 6 % des extractions mondiales. Davantage, dans 10 ans cette production
aura augmenté de 30 % contre 16 seulement pour les autres continents (P.
Bernard ; 2004 :4)2 e).
Dans le cadre de ce travail, nous présenterons la
production du golfe de guinée à travers l'exemple des producteurs
majeurs de la sous région, que sont : le Nigeria (1), l'Angola (2) et la
Guinée Equatoriale (3).
1- Le NIGERIA
Récemment déclassé par l'Angola, le
Nigeria est aujourd'hui le deuxième producteur africain de
pétrole. La production pétrolière nigériane est
restée jusque là concentrée dans les marécages du
Delta du Niger au Sud, mais également en off shore, en 2006, elle
s'élevait à 2460 millions de barils par jour (Poissonnier H. ;
Huissoud J. M ; 2008 : 20), et pourrait avoisiner 4.4 millions de barils par
jour en 2020 (Kounou Michel ; 2006 : 40). Seulement ces dernières
années, eu égard aux attaques à répétition
que subissent les installations pétrolières, la production
connaît une certaine baisse. En effet, loin d'être
sécurisée, la production nationale, après avoir fortement
progressée entre 2002 et 2004, régresse à nouveau. Elle a
chutée de 5 à 7 % selon les sources en 2006 et d'environ 4 % sur
les huit premiers mois de 2007 (Maury Fréderic ; 2008 : 134).
Toutefois, pour certains analystes, avec la mise en service
de nouveaux puits, la production connaîtra à nouveau une
croissance régulière.
2- L'ANGÏLA
Eternel deuxième producteur de brut d'Afrique
subsaharienne, en juin 2008, l'Angola a raflé la première place
du palmarès au Nigeria (Meunier Marianne ; 2008 : 72). Une victoire
symbolique, conséquence de la montée en flèche de sa
production : multipliée par deux entre 2003 et 2007, elle a atteint 1,9
millions de barils par jour au premier semestre 2008 (Meunier Marianne ; 2008 :
72). L'avenir pétrolier de l'Angola parait radieux, le pays a rejoint
l'organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) en janvier 2007
(Maury Fréderic ; 2008 : 138).
Entre 2004 et 2006, l'extraction pétrolière
angolaise avait déjà progressé de 44% (Maury
Fréderic ; 2008 : 138). Cette performance s'explique en partie, par la
mise en production de nombreux champs en eaux profondes dont les perspectives
ne cessent d'être révisées à la hausse. Selon les
analystes, la production angolaise pourrait atteindre un pic à plus de
2.5 millions de barils par jour entre 2010 et 2012, avant de retomber à
son niveau actuel en 2020 (Maury Fréderic ; 2008 : 136).
A partir de 2002, la stabilisation politique explique le
« boom pétrolier » angolais. EXXON MOBIL, TOTAL, CHEVRON : les
trois majors constituent le trio de têtes des opérateurs dans le
pays. Derrière elles, le chinois SINOPEC exploite lui aussi sa part du
brut, pour le plus grand bonheur de Pékin, premier acheteur du
pétrole angolais. La société nationale
27
d'hydrocarbures (SONANGOL, concessionnaire) dispose
également d'une filiale active dans la production.
3- LA GUINEE EQUATORIALE
La Guinée Equatoriale a été pendant
longtemps considérée comme un « désert en
hydrocarbures » (Ewangue Lucien ; 2006 : 20). Cependant, avec la
découverte dans les eaux territoriales équato-guinéennes
d'importantes réserves de pétrole, cette perception a
radicalement évolué. C'est avec la découverte du gisement
de ZAFIRO par MOBIL en 1995, que le pays arbore véritablement la stature
de pays producteur de pétrole, alors qu'il importait encore la
totalité de son pétrole une décennie auparavant. Plusieurs
champs importants sont exploités en permanence : ceux situés dans
l'île de BIOKO (ALBA, ZAFIRO, et JADE) et ceux situés sur le
continent (CIBA, etc.). En 1996, la production de brut s'élevait
à 40.600 barils par jour (Kounou Michel ; 2006 : 4). Elle a
augmenté lors des deux derniers exercices de l'ordre de 40%. C'est avec
l'exploitation du gisement de Mbini, à 40km au sud de Bata que la
capacité de production s'est vue renforcée.
Ce gisement serait actuellement le plus important du golfe de
guinée, selon les premières estimations. Avec une augmentation de
20 %, la production de pétrole, favorisée par la
découverte de nouvelles réserves, a presque triplé,
passant d'environ 125 milles barils par jour en 2002 à 350 milles barils
par jour en 2005. Le petit ruisseau pétrolier
équato-guinéen s'est transformé en véritable
torrent et on pourrait dépasser les 500 milles barils par jour à
l'horizon 2010 (Kounou Michel ; 2006 : 44). MALABO se positionne aujourd'hui
comme le troisième producteur au sud du Sahara et est devenu le premier
producteur pétrolier de la zone CEMAC. Selon toutes les projections, les
eaux profondes équato-guinéennes feraient de cet Etat, un des
plus grands producteurs de pétrole de l'heure et des années
à venir.
Au-delà de son potentiel énergétique
important, le brut du golfe de guinée présente de nombreux atouts
qui attisent les convoitises des principaux pays industrialisés,
notamment la Chine dont la demande énergétique semble
insatiable.
Paragraphe 2 : les atouts du brut du golfe de
guinée
Plusieurs facteurs expliquent le regain
d'intérêt actuel pour le brut du golfe de guinée. Ce
pétrole, comme celui de l'Afrique noire en général
présente des avantages qui le soumettent aux convoitises et aux
rivalités des principales puissances consommatrices : sa qualité,
sa situation offshore (A), ses atouts d'ordre économique (B), enfin le
caractère incitatifs des régimes contractuels et fiscaux(C) dans
les pays de la région.
A- Un pétrole de qualité et à
l'abri des tensions sociales 1. La qualité du brut du golfe de
guinée
Traditionnellement, deux critères déterminent
la qualité du pétrole : sa viscosité (léger, moyen,
lourd) et sa teneur en souffre (doux ou sulfuré) (Kounou ; 2006 : 29).
En effet, plus il est léger et doux, meilleur est sa qualité.
C'est par exemple le cas du "Bonny light" qui fournit de rendements
élevés en essence. Le pétrole du golfe de guinée
est réputé de bonne qualité, tant il est léger et
doux. La qualité de ce pétrole en fait un produit très
demandé par les puissances industrielles de l'heure, en l'occurrence la
Chine.
28
2. un pétrole à l'abri des tensions
sociales
D'origine maritime pour l'essentiel, le pétrole du
golfe de guinée est offshore, et par conséquent à l'abri
des troubles sociaux et politiques. En effet, comme le souligne robert MURPHY,
conseillé pour l'Afrique au département d'Etat Américain,
situés pour la plupart en mer, les gisements du golfe de guinée
sont relativement à l'abri des troubles sociaux et politiques qui
pourraient subvenir dans la région. La production offshore
présente en effet l'avantage de limiter les interactions potentiellement
explosives entre les compagnies et les populations locales. Le risque
politique, du point de vue des compagnies en est réduit d'autant. Si
l'instabilité politique est dans certains pays comme le Nigeria l'un des
problèmes majeurs entravant la croissance de la production, en Angola et
au Congo Brazzaville, la quasi-totalité de la production est offshore,
c'est ce qui en partie explique le fait qu'elle n'ait jamais été
interrompue malgré les conflits qui s'y sont déroulés
(Copinschi P. ; Noel P ; 2005 : 31).
B- Les avantages d'ordre
économique
Les avantages d'ordre économique tiennent aux
spécificités de la région elle-même, ces
spécificités sont liées à la nature
géologique des zones prospectées. En effet, pour NTUDA EBODE
(2004 : 47) :
" Celles-ci permettent de réduire les délais
entre la mise à jour des découvertes et leur exploitation. Les
investisseurs pouvant ainsi rapidement récupérer leurs capitaux.
Comparée à la mer du Nord, la région
bénéficie en outre d'un climat plus clément, ce qui
facilite les opérations au large des cotes. Par ailleurs, son taux de
réussite de forage des puits d'exploitation est d'environ 50%, alors
qu'il n'est que de 10% dans le reste du monde. Davantage, 50 à 60% des
puits d'exploration qui y sont forés permettent de découvrir un
gisement d'une capacité supérieure à 100 millions de
barils ".
Bien plus, les Etats pétroliers de la région
sont largement ouverts aux investisseurs étrangers et aucun n'a jamais
véritablement nationalisé les activités
pétrolières, pas même le Nigeria et l'Angola pourtant
membres de l'OPEP. Il est par conséquent plus facile d'agir sur le prix
de leur production pétrolière. Contrairement au Moyen-Orient, au
Mexique, au Venezuela, à la Russie ou encore à l'Afrique du Nord,
l'Afrique subsaharienne fait pleinement partie du segment concurrentiel de
l'industrie pétrolière internationale.
De plus, la facilité d'évacuation est un atout
supplémentaire face à d'autres régions comme l'Asie
centrale dont l'enclavement constitue l'un des principaux obstacles à la
croissance de la production. Enfin, le coût d'exploitation est
relativement bas, car les bassins étant proches des côtes, il est
facile de faire passer sans frais de transport supplémentaires, le
pétrole des puits de forage vers les tankers.
C- Des régimes contractuels et fiscaux
incitatifs
Les conditions contractuelles et fiscales y sont
particulièrement incitatives. Il s'avère que les producteurs
pétroliers africains traitent avec désinvolture les relations
contractuelles avec les grandes ou moyennes compagnies exploiteuses du
pétrole africain (Kounou Michel ; 2008 : 10). En effet, les
gouvernements africains, du fait des difficultés financières
auxquelles ils
29
sont confrontés, ont tendance à assouplir les
législations et les régimes fiscaux applicables aux compagnies
pétrolières étrangères. Ainsi, il est en effet
assez curieux de constater que les associations (joint-ventures), jadis
prisées depuis les années 1970 par les gouvernements africains,
sont presque systématiquement remplacées par des contrats de
partage de la production(CPP), rédigés en des termes
généralement plus avantageux pour les compagnies
étrangères (Kounou Michel ; 2008 : 10). La Guinée
Equatoriale constitue dans ce sens un véritable cas d'école. En
effet, la répartition des bénéfices du pétrole n'y
est pas favorable à l'Etat, qui ne recueille que 25% du chiffre
d'affaire, abdiquant 75% aux compagnies étrangères. Pour attirer
les investissements étrangers, les autorités ont cru devoir
à ce point brader le pétrole, même si aujourd'hui Malabo
proclame qu'avec les nouveaux contrats, cette part ténue des dividendes
pétroliers s'élèvera à 40%.
En Angola, plusieurs compagnies se distribuent les puits et
intérêts pétroliers, au détriment de la compagnie
nationale Angolaise (SONANGOL).Cette dernière procède
généralement par joint-venture pour des gisements offshore du
Cabinda, et se trouve en minorité depuis des années -SONANGOL
(41%), Cabinda Gulf Oil Chevron (39.2%), Agip (9.8%) et Elf (10%) (Kounou
Michel ; 2008 : 11).
Au Nigeria, deux principales associations lient la
société nationale aux compagnies
étrangères. La première regroupe la NNPC
(55%) et Shell (45%) ; tandis que la deuxième est constituée de
la NNPC (60%) et EXXON MOBIL, Chevron Texaco, ENI/Agip et TotalFinaElf (40%)
(Favennec JP ; Copinschi P. ; 2003 : 137). Dans les négociations des
contrats pétroliers, contrairement aux autres pays producteurs
africains, le Nigeria s'en sort relativement mieux. En effet, dans les deux
contrats signés avec les compagnies étrangères, la part de
la compagnie nationale NNPC est nettement supérieure, au regard des
chiffres publiés.
Au total, on s'aperçoit de manière
générale que quelle que soit la modalité contractuelle
retenue, les compagnies pétrolières étrangères
engrangent d'énormes profits. Elles s'accaparent en effet d'une part
importante de la production pétrolière africaine pour en tirer un
plus grand bénéfice sur les marchés internationaux. D'un
point de vue purement réaliste, l'attitude de ces compagnies
s'avère être assez compréhensive. Mais, ce qui est tout de
même curieux, c'est le fait que ce soit avec la complicité des
africains qu'elles parviennent ainsi à spolier le continent de ses
richesses.
Donc, dans le souci de mieux cerner les différents
contours de cette offensive chinoise dans la sous région, il est
nécessaire d'intégrer à notre analyse la volonté de
la classe dirigeante africaine à servir cette initiative ou du moins
à faciliter sa mise en oeuvre.
SECTION II : L'incapacité politique et
technologique des dirigeants à contrôler et à exploiter les
ressources.
Parmi la panoplie de raisons qui pourraient être
évoquées pour expliquer l'offensive pétrolière de
la Chine dans le golfe de guinée, le caractère
prépondérant de l'incapacité politique et technologique
des dirigeants à contrôler et à exploiter les ressources
s'impose à l'analyste. Ainsi, le déficit d'autonomie politique et
stratégique, compris comme étant l'absence ou l'insuffisance
d'autonomie dans la définition des objectifs politiques et la gestion
des affaires publiques, nous permettra de démontrer qu'en
réalité, l'extraversion étatique, caractéristique
de l'Etat postcolonial africain est une cause prépondérante de la
ruée de pékin dans la sous région depuis quelques
années. En effet, à travers ces pans de
souveraineté
30
que les pays africains en général, et ceux du
golfe de guinée en particulier concèdent à leurs
partenaires extérieurs dans la définition, voire l'orientation de
leur gestion quotidienne, la possibilité pour ces derniers de
transformer ces espaces au mieux de leurs intérêts demeure
élevée. C'est donc cette possibilité de pouvoir influer
sur l'orientation des politiques locales qui structurent majoritairement
l'offensive de pékin, comme celle des autres puissances industrielles
dans la sous région.
Aussi, l'étude minutieuse de cette extraversion
étatique nous permettra-t-elle de mieux cerner les différents
contours de cette incapacité politique des dirigeants à
contrôler et à exploiter les ressources (paragraphe 1). Par
ailleurs, à travers la faible demande énergétique des pays
de la sous région liée à une sous industrialisation, nous
étudierons cette incapacité technologique (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'incapacité politique
Il sera question ici de démontrer que le
déficit d'autonomie politique et stratégique dont souffrent les
Etats du golfe de guinée peut être invoqué pour expliquer
l'incapacité des autorités politiques locales à
contrôler et à exploiter les ressources. C'est dire que
l'offensive de la Chine dans le golfe de guinée pourrait en partie
s'expliquer par la possibilité qu'a Pékin de pouvoir influer sur
la gestion de la question pétrolière de ces Etats. Le
déficit d'autonomie politique et stratégique entretenu à
la fois par l'élite politique africaine et par les puissances
étrangères constitue une passerelle que pékin pourrait
utiliser pour mettre en oeuvre ses objectifs.
Cette incapacité politique sera analysée ici
à travers l'extraversion des Etats de la sous région (A). Il sera
ensuite question de montrer que le pétrole du golfe de guinée est
politiquement à la portée des multinationales à
visée stratégique, chinoise en l'occurrence
(B).
A- L'extraversion des Etats du golfe de guinée
: un élément structurant de leur incapacité politique
à contrôler et à exploiter leurs
ressources
L'incapacité politique de la classe dirigeante
africaine à contrôler et à exploiter les
ressources, peut à plusieurs égards se
présenter comme la conséquence de leur extraversion
étatique. En effet, le concept d'extraversion étatique en Afrique
noire renvoie à la question centrale du déficit d'autonomie
stratégique et politique dont souffrent de nombreux pays. Il met en
lumière les espaces de souveraineté que les pays africains
laissent à leurs partenaires étrangers pour l'élaboration
de leurs politiques. Nombre de pays africains en effet, au mépris de la
maxime chère à Georges Washington (1732-1799) selon laquelle,
aucune nation ne doit être crue au-delà de son
intérêt, associent leurs partenaires étrangers, (la Chine
en l'occurrence) à la définition des sujets vitaux pour leur
indépendance et leur survie. Cette situation les prive ainsi de toute
autonomie stratégique. De ce fait, ces derniers deviennent incapables de
maîtriser ou de contrôler, même de façon relative,
leur destin politique, stratégique et économique. Du fait de
cette extraversion, leurs partenaires étrangers ont la
possibilité d'influer sur la gestion de la question
pétrolière, comme sur celle d'autres questions importantes. C'est
justement cette capacité à pouvoir influer sur la
définition, voire l'orientation de la question pétrolière
dans ces Etats qui explique en majeur partie l'offensive de pékin, comme
celle des autres puissances industrielles dans la sous région du golfe
de guinée.
31
En effet, le golfe de guinée étant de loin un
géant pétrolier, l'offensive dont il est aujourd'hui l'objet de
la part des grandes puissances industrielles s'explique davantage par cette
possibilité pour ces dernières de pouvoir interférer dans
la gestion de leur politique pétrolière. Avec plus de
pétrole que le golfe de guinée, la Russie par exemple, en raison
de sa maturité stratégique n'est pas l'objet des mêmes
convoitises.
Toutefois, il est important de préciser que cette
extraversion est la résultante de la rencontre des intérêts
des partenaires étrangers qui, en l'organisant se sont
ménagés des monopoles économiques et des marchés
captifs à travers le continent d'une part, et d'autre part, celui d'une
classe dirigeante africaine désireuse de prendre appui sur des
alliés extérieures pour se maintenir au pouvoir contre la
volonté de leurs peuples.
B- Un pétrole politiquement à la
portée des multinationales
Intentionnellement, les régimes africains ont
préféré faire dépendre leur pouvoir des soutiens
extérieurs, dans le but d'imposer plus facilement leur autorité
à leurs populations. C'est ce qui explique la perte de monopole
politique des dirigeants sur la gestion de la question
pétrolière, comme d'ailleurs dans plusieurs autres secteurs
clés de la vie nationale. Cette perte de monopole entraîne une
dépendance voire une vulnérabilité de l'élite
politique africaine en même temps qu'elle permet à ses partenaires
étrangers de transformer l'espace africain au mieux de leurs
intérêts. C'est dire que eu égard à la collusion
d'intérêts entre l'élite politique africaine en
général et celle du golfe de guinée en particulier, et les
multinationales à visée stratégique, les ressources
africaines sont désormais politiquement à la portée de ces
dernières. C'est ce qui explique majoritairement cette ruée quasi
systématique des grands pays industrialisés, notamment de la
Chine dans la sous région du golfe de guinée.
L'opacité créée et entretenue autour du
volume réel de la production de pétrole illustre assez cette
réalité. En effet, la ruée des multinationales
pétrolières en Afrique s'explique en partie par la
difficulté, voulue et entretenue, des autorités politiques
locales à instituer un contrôle hermétique sur le volume
réel de la production quotidiennement extrait des entrailles du
continent (Kounou Michel ; 2006 : 116). C'est ce qui explique d'ailleurs
l'intensité avec laquelle cette ressource stratégique est
pompée.
Les méthodes utilisées pour entretenir le flou
autour du volume réel de la production sont multiples et variées.
La première méthode (la plus utilisée), consiste à
sous estimer la quantité de brut vendu ou la quantité
livrée, en contre partie des substantielles commissions versées
par les acheteurs (Airault Pascal ; 2008 : 33). C'est donc dire que c'est
volontairement et surtout complaisamment que les autorités politiques
locales se fient aux chiffres fournis par les compagnies
étrangères. Davantage, le phénomène de «
tankers fantômes », dont la cargaison s'évapore sans laisser
de traces, est une autre méthode couramment utilisée. Ces
fameuses " cargaisons fantômes" (Airault Pascal ; 2008 : 33), ces tankers
non déclarés dont le contenu s'évapore
mystérieusement, constituent malheureusement un phénomène
à la mode dans le golfe de guinée.
Ainsi, à travers ces différentes
méthodes, les compagnies pétrolières réussissent
à entretenir le flou autour du volume réel de la production
extraite quotidiennement, ceci avec la complicité bienveillante des
autorités politiques locales. Cette complaisance relève
elle-même d'un fait : l'incapacité technologique.
32
Paragraphe 2 : Incapacité
technïlïgique
L'incapacité technologique des Etats du golfe de
guinée à exploiter les ressources est étroitement
liée à leur déficit d'autonomie politique et
stratégique. En effet, l'extraversion dont souffrent ces Etats, se
caractérisant par une absence de vision stratégique et de
volonté politique, peut être évoquée ici pour
expliquer cette incapacité technologique des Etats à exploiter et
à transformer eux-mêmes leurs ressources. La faiblesse de la
consommation énergétique locale (A), liée à
l'absence voire à l'insuffisance de structures de raffinage (B) nous
permettra donc d'étudier cette incapacité technologique.
A- La faiblesse de la demande
énergétique lïcale
Si le golfe de guinée est aujourd'hui
désigné comme la réserve mondiale d'hydrocarbures, c'est
moins parce qu'il détient les plus importantes réserves que parce
qu'il regorge d'un pétrole facile d'accès pour les puissances
industrielles en raison de la faible demande des pays de la sous région
comparée à leur capacité de production (Fogue Tedom ; 2008
: 163). Le regain actuel pour le golfe de guinée s'explique donc aussi
par l'incapacité des Etats à exploiter eux-mêmes leurs
ressources, mais également par leur faible besoin en énergie
lié à une sous industrialisation. Comme l'affirme Géraud
Magrin (2008) " La consommation énergétique en Afrique
sub-saharienne est en effet très faible et estimée à 0,5
tonne équivalent pétrole (tep)/an/habitant, contre 4 en Europe et
8 aux Etats-Unis". La faible consommation d'énergie est à la fois
un symptôme de pauvreté et un obstacle à
l'amélioration économique et sociale : l'insuffisance et le
coût de l'énergie pénalisent l'industrie, le transport et
toutes les activités modernes. De plus, l'accès aux
énergies modernes (électricité, gaz, produits
pétroliers) est très limité. Les énergies dites
traditionnelles, issues des matières premières renouvelables
(bois et charbon de bois) et de sous-produits agricoles (résidus de
culture, déjections animales), occupent une place
prépondérante.
Si le continent dispose d'importantes ressources,
(énergie renouvelable ou d'énergie fossile), celles-ci sont
très nettement sous-exploitées. La consommation
énergétique est de ce fait très faible en Afrique, ne
représentant que 5,5 % de la consommation mondiale pour une
démographie équivalente à 13 % de la population de la
planète (Leroux Florence ; 2004). Elle s'oriente essentiellement vers la
biomasse, composée notamment du bois de chauffe et de ses
dérivés
Quand la rareté, l'inaccessibilité et la
pauvreté se conjuguent pour limiter l'usage de ces sources modernes ou
traditionnelles, le recours à l'énergie animale (dromadaires,
bovins, équins) ou humaine s'impose. Dans les pays les plus riches en
ressources mais pauvres en énergie disponible, la dépendance
énergétique et pétrolière illustre la sous
valorisation des potentialités naturelles.
B- L'insuffisance de structures de
raffinage
L'insuffisance des structures de raffinage est une parfaite
illustration de cette incapacité technologique des Etats à
exploiter et à transformer eux-mêmes les ressources. En Afrique
subsaharienne, et dans le golfe de guinée en l'occurrence, les
activités d'exploration, de production, de raffinage et de
commercialisation pétrolière ; de même que les technologies
utilisées, autant que les capitaux investis, sont et demeurent
étrangers. Les pays de la sous région concèdent leur
souveraineté en matière pétrolière à des
multinationales à visée stratégique. C'est ce qui explique
en partie leur incapacité à pouvoir mettre en oeuvre une
33
politique pétrolière logique et
cohérente. Ainsi, ils ne sont toujours pas en mesure de structurer une
stratégie lucide de gestion de toute la problématique
pétrolière. De ce fait, seules quelques petites raffineries ont
été construites pour des besoins immédiats des entreprises
étrangères basées localement, et ces petites raffineries
n'opèrent que dans des conditions minimales, c'est-à-dire en
dessous de leurs capacités (Favennec JP ; Copinschi Philippe ; 2003 :
142).
Les quantités de pétrole raffinées
localement sont en effet extrêmement faibles, pour ne pas dire
insignifiantes. Davantage, les opérations de raffinage et la
détermination des coûts des produits raffinés chez eux leur
échappent et leur échapperont encore, tant et aussi longtemps que
demeurent les lois commerciales roublardes et iniques actuelles (Kounou Michel
; 2008 : 10). L'insuffisance criarde de structures de raffinage sur l'ensemble
du continent peut en partie s'expliquer par une volonté occidentale de
maintenir une sorte de " tutelle technologique " dans ses relations avec
l'Afrique. En effet, dans les relations qu'elle entretient avec l'Afrique,
l'Occident, tout comme les autres partenaires entendent perpétuer la
dépendance technologique de l'Afrique.
Le Nigeria par exemple, un géant pétrolier
africain ne dispose que de quatre raffineries à port Harcourt Rivers
state I (150.000 barils/jours), à Warri (118.000), à Kaduna
(110.000), à port Harcourt-Alésa Eleme II (60.000) (Kounou Michel
; 2006 : 59). Ses capacités de raffinage sont largement suffisantes,
mais ne couvrent pas les besoins internes ; c'est dire que le Nigeria se trouve
dans une situation ambivalente d'un pays ayant les moyens de fournir
suffisamment de pétrole raffiné à sa population ,mais
paradoxalement, le pays continue à subir les contrecoups de
pénuries à la pompe. Voilà pourquoi le gouvernement a pris
des mesures visant à emmener les compagnies pétrolières
à raffiner au moins 50% du pétrole au pays à partir de
2006 (Kounou Michel ; 2006 : 61). Cependant, les raffineries nigérianes
sont en proie à des problèmes multiples, qui incluent des actes
de sabotage, des incendies spontanés, une négligence chronique de
la maintenance et la corruption. Tous ces maux ont contribué à la
baisse de la production du pays. L'Angola, premier producteur de brut africain
depuis juin 2008 (Meunier Marianne ; 2008 : 72), ne dispose paradoxalement que
d'une raffinerie digne de ce nom, la Fina petroleos De Angola. Située
à Luanda, elle a une capacité de traitement journalier de (39.000
barils/jours). Quant à la Guinée Equatorial, jusqu'en fin 2006,
elle ne disposait toujours pas de structures de raffinage.
Tableau n° 4 : Dotation
en raffineries et activités de raffinage des Etats pétroliers
africains en janvier 2005
|
Nombre de raffineries 1er/1 2005
|
Localisation et capacité des
raffineries en baril/j au 1er janvier 2005
|
Terminaux importants d'évacuation rapide au 1er
janvier 2005
|
Nigeria
|
4
|
Port Harcourt-Rivers State
(150 000 barils/j), warri
(118 750), Kaduna (110 000), Port Harcourt-Alesa Eleme (60
000).
|
Bonny Island, Bass River, Escravos, Forcados, Odudu,
Pennington, Kwa Iboe
|
Angola
|
1
|
Fina Petroleos De Angola, Luanda (39 000).
|
Luanda, malango (Cabinda), Palanca,
Quinfuquenn
|
Congo
Brazzaville
|
1
|
Congolaise de raffinage (CORAF), pointe noire (21
000)
|
Pointe Noire
|
Guinée
Equatoriale
|
0
|
|
Proposition pour Bioko en 2007
|
Gabon
|
1
|
Sogara, Port Gentil (17 300)
|
Cap Lopez, Oguendjo, Gamba.
|
Soudan
|
4
|
El Gily (50 000), Khartoum
(50 000), Port Soudan (21 700), El Obeid (10 000)
|
Port Gentil Offshore, Lucina. M'bya
Port- Soudan
|
Cameroun
|
1
|
SONARA
|
Limbé, Kribi
|
Afrique du Sud
|
4
|
Shell/BP-Durban (172 000), Caltex-Cape Town (110 000),
Engen-Durban (150 000), National petroleum- Sasolburg 8 747)
|
Durban; Cape Town, Sasolburg.
|
RD Congo
|
1
|
|
-
|
Côte-d'Ivoire
|
1
|
Abidjan, (65 200).
|
Abidjan
|
Tchad
|
0
|
-
|
-
|
Ghana
|
1
|
Tema (45 000)
|
Accra
|
Bénin
|
0
|
-
|
-
|
Mauritanie
|
0
|
-
|
-
|
Sao Tome & Principe
|
0
|
Freetown (10 000)
|
Freetown
|
Sïurce : Michel KOUNOU,
Op.cit., page 60
De ce tableau, il ressort clairement que malgré la
place de plus en plus importante qu'ils occupent dans le paysage
pétrolier mondial aujourd'hui, les pays africains demeurent très
faiblement dotés en raffineries. Cette absence ou cette insuffisance de
structures de raffinage explique en partie les fréquentes
pénuries de pétrole à la pompe, malgré le fait que
ces pays soient d'importants détenteurs et producteurs de
pétrole.
Si l'offensive pétrolière chinoise en Afrique
en général, et dans le golfe de guinée en particulier,
s'explique à la fois, par un important besoin énergétique
interne liée à une croissance de la demande nationale, les atouts
du pétrole et de la région du golfe de guinée,
couplés au déficit d'autonomie politique et stratégique
dont souffrent les Etats de la sous région constituent à
l'analyse le modus vivendi de cette offensive chinoise. De ce fait, dans la
nouvelle ceinture pétro stratégique qu'est aujourd'hui le golfe
de guinée (Owona Nguini E.M. ; 2008 : 6), le redéploiement
stratégique des grandes puissances industrielles étatiques (Chine
en l'occurrence) constitue le principal centre d'intérêt de notre
étude. C'est dire qu'après avoir procédé à
l'analyse des motivations de l'offensive pétrolière chinoise dans
le
golfe de guinée, il est désormais question de
s'intéresser aux stratégies mises en oeuvre par pékin pour
accéder au pétrole. Aussi, est-il important pour nous de mener
une étude de la démarche suivie par la Chine pour accéder
au pétrole du golfe de guinée d'une part, et de l'impact
politique de cette offensive chinoise sur l'évolution de la
démocratie et de la paix en Afrique en général, et dans le
Golfe de Guinée en particulier, d'autre part.
36
DEUXIEME PARTIE :
DE LA STRATEGIE PETROLIERE CHINOISE ET DE SON IMPACT
POLITIQUE
EN AFRIQUE
Eu égard à la compétition
économico- diplomatique que se livrent les pays industrialisés
pour le contrôle des ressources pétrolières africaines en
général et le pétrole du golfe de guinée en
particulier, il devient particulièrement intéressant d'analyser
les différentes démarches utilisées par ces derniers. En
effet, dans un contexte africain marqué par une concurrence accrue des
différentes firmes multinationales pour un accès
préférentiel au pétrole, leur capacité à
mettre en oeuvre de nouvelles stratégies, à se démarquer
de leurs concurrents, garantira le succès de leurs différentes
initiatives. La Chine, nouvel acteur étatique majeur de la scène
pétrolière africaine, déploie elle aussi des
stratégies lui permettant non seulement de se distancer des autre
puissances industrielles présentes sur le continent, mais de s'octroyer
cette ressource stratégique tant convoitée (chap.3).
Par ailleurs, la Chine ne plaçant aucune condition
politique autre que la non-reconnaissance de Taiwan à
l'établissement des relations diplomatiques avec ses partenaires
africains, son soutien aux régimes africains pourrait constituer une
sorte de caution politique à leur gestion archaïque de la
société et provoquer un immobilisme politique, réveillant
ainsi en eux l'habitus autoritaire. Aussi, le processus de
démocratisation laborieusement entamé en Afrique dans les
années 1990, risque-t-il d'être sérieusement
entravé, ceci du fait du soutien de la Chine aux régimes
africains. C'est dire que dans sa détermination à soutenir ses
partenaires africains qui lui fournissent du pétrole et bien d'autres
matières premières, la Chine pourra constituer un sérieux
frein à la démocratie et à la paix en Afrique
(chap.4).
DE LA STRATEGIE PETRÏLIERE CHINÏISE DANS LE
GÏLFE DE GUINEE
Dans son étymologie grecque, la stratégie
signifie : « conduire la guerre ». C'est le général
prussien Friedrich Wulheim Bülow qui vulgarise ce concept en 1794.
Au-delà des définitions courantes élaborées par les
grands stratégistes classiques, de Karl Von Clausewitz à Basil h.
Liddel Hart et à Raymond Aron, qui considèrent la
stratégie comme étant l'art d'employer les forces militaires pour
atteindre les résultats fixés par la politique. Dans le cadre de
ce travail, nous concevons la stratégie comme étant l'art de
cordonner des actions, de manoeuvrer habilement pour atteindre un but. Il sera
donc question d'étudier les différentes manoeuvres ou
démarches utilisées par la Chine pour s'octroyer du
pétrole dans le golfe de Guinée.
Dans sa quête et sa conquête du pétrole
africain en général, et celui du golfe de guinée en
particulier, la Chine a mis en oeuvre une stratégie
énergétique globale, se déployant aussi bien dans les
domaines politiques et économiques (section 1), que diplomatiques et
militaires (section 2).
37
SECTION I : Les piliers politique et économique
de la stratégie pétrolière chinoise
Dans son déploiement stratégique autour du
pétrole du Golfe de Guinée, la politique et l'économie
constituent deux socles importants sur lesquels repose l'offensive chinoise. En
effet, dans la course qui l'oppose aux autres puissances industrielles en
Afrique pour la quête et le contrôle des ressources, la Chine a
choisi de faire reposer sa stratégie sur deux importants piliers : la
politique et l'économie. De ce fait, son soutien aux régimes
africains, sous le couvert des principes de neutralité et de
non-ingérence (paragraphe 1) constitue le pilier politique de cette
stratégie. Par ailleurs, s'étant rendu compte de l'important
déficit infrastructurel dont souffrent ses partenaires africains,
Pékin a logiquement choisit de faire reposer son offensive
économique sur une dotation en infrastructures (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'instrumentalisation des principes de
neutralité et de non-ingérence
Alors que la problématique qui structure la
scène politique africaine au lendemain de la guerre froide porte sur la
démocratisation, la Chine se présente comme un soutien
inconditionnel aux régimes africains (Fogue Tedom ; 2008 : 158). Ce
soutien se matérialise par une démarche assez subtile de la Chine
consistant à se réfugier derrière certains principes
consacrés du droit international : à savoir les principes de
neutralité et de non-ingérence. Il est en effet assez curieux de
constater que pendant que les chancelleries occidentales et l'ensemble de la
communauté internationale décrient régulièrement la
gestion archaïque du pouvoir en Afrique, la Chine quant à elle se
complait à une non prise de position, invoquant de façon quasi
permanente les principes de neutralité et de non-ingérence.
D'où la nécessité pour nous de nous interroger sur le
sérieux de cette attitude. Aussi, serait-il judicieux dans un premier
temps de présenter de façon assez sommaire le contenu de ces
principes consacrés de droit international (A), pour ensuite montrer
l'instrumentalisation que pékin fait de l'utilisation de ceux-ci
(B).
A- La neutralité et la non-ingérence : deux
principes consacrés de droit international
La non-ingérence ou la non-intervention est un
principe de droit international renvoyant à une interdiction faite
à un Etat d'interférer dans le domaine de compétence d'un
autre Etat, en vertu des principes d'égalité et de
souveraineté des Etats.
La neutralité quant à elle est un acte
unilatéral par lequel un Etat renonce ponctuellement ou de façon
permanente à intervenir dans un conflit armé international, ou le
cas échéant à prendre position vis-à-vis de la
gestion interne d'un autre Etat.
C'est dire que sur un plan purement normatif, la non prise de
position de la Chine par rapport à la gestion interne de ses partenaires
africains est tout à fait compréhensible. La Chine, tout comme
les autres Etats de la scène internationale dans leur collaboration avec
les pays africains devraient respecter la souveraineté de ces derniers,
en évitant toute forme d'ingérence. Cette conformité, du
moins formelle, de la Chine au droit international devrait à priori
être saluée. Seulement, il serait assez naïf de croire que la
Chine engagée qu'elle est dans la course aux hydrocarbures en Afrique
puisse autant se soucier du respect du droit international. Croire ainsi
à la bonne foi de la Chine dans de pareilles circonstances serait faire
preuve d'un angélisme coupable. S'inscrivant dans une perspective
essentiellement réaliste, la Chine instrumentalise à merveille le
droit international à des fins politiques.
38
B- La lïgique d'instrumentalisatiïn
Dans les relations que la Chine entretient avec ses
partenaires africains, la neutralité et la non ingérence ne sont
en réalité que des instruments au service de sa quête de
pétrole. La Chine ne respecte pas uniquement ces principes en tant que
textes consacrés, mais s'en sert pour atteindre son objectif
(accéder au pétrole de la sous région). En effet, pour les
dirigeants africains, la non prise de position de la Chine vis-à-vis de
leur gestion interne constitue une sorte de caution politique à leur
action, surtout dans un contexte où ils sont au quotidien
critiqués pour leur gestion quelque peu rudimentaire du pouvoir. En
adoptant cette attitude, Pékin espère se rapprocher davantage des
dirigeants africains et obtenir un accès préférentiel
à leurs ressources, le pétrole en l'occurrence.
En se réfugiant derrière le principe de
neutralité, la Chine refuse de juger l'action des dirigeants africains
et ne pose pas de condition politique autre que la non reconnaissance de Taiwan
à l'établissement des relations diplomatiques avec ses
partenaires africains. Ceci, contrairement aux occidentaux qui, sous la
pression de leurs électeurs, exigent (du moins officiellement), le
respect de la démocratie, des droits de l'Homme et des libertés
individuelles comme pré-condition à l'établissement des
relations de coopération. C'est dire que dans le but de mieux rassurer
ses partenaires, la Chine entend fonder ses relations sur la
non-ingérence et la neutralité. Cette disposition du partenariat
stratégique sino-africain s'inscrit dans la panoplie des actes de
rupture avec le modèle de développement et de coopération
promu par les anciennes puissances coloniales. Elle constitue une
perpétuation de la logique de bloc qui veut que la Chine et l'Afrique,
même après la fin de la guerre froide, s'identifient au même
camp. En effet, pour la Chine, la variable démocratique ne doit
aucunement influencer ses relations avec les dirigeants africains. Ce soutien
de la Chine aux régimes africains en indélicatesse avec la
communauté internationale s'illustre parfaitement au Nigeria.
Dirigé d'une main de fer par le général Sani ABATCHA
arrivé au pouvoir après un coup d'état en 1993, le Nigeria
est officiellement mis au banc de la communauté internationale. Pour
apporter son soutien au pays et le sortir de son isolement international, le
premier ministre chinois y effectue en 1997 une visite officielle. Cette visite
est perçue par le gouvernement sanguinaire nigérian comme un
soutien politique majeur. D'ailleurs, quelques mois plus tard, elle aboutit
à la signature de deux protocoles de coopération portant sur la
prospection chinoise dans le Bassin du Tchad et dans le delta du Niger (Fogue
Tedom; 2008 : 159).
En ce qui concerne le principe de non- ingérence, la
démarche chinoise est la même et vise le même objectif. En
invoquant cet autre principe, pékin peut alors soutenir les
régimes africains peu soucieux de la notion de gouvernance. La Chine se
présente donc comme une alternative aux régimes occidentaux
jugés trop pressants sur les pratiques démocratiques. Mais, ce
qui compte pour la chine, c'est l'accès au pétrole, peu importe
les moyens.
Comme nous avons pu le constater, sur le plan politique, la
stratégie chinoise d'accès aux ressources de la sous
région repose sur une habile instrumentalisation des principes de
neutralité et de non-ingérence. Cette stratégie lui permet
de se rapprocher davantage des dirigeants africains, favorisant ainsi une
étroite collaboration dans le domaine énergétique. Par
ailleurs, l'important investissement infrastructurel chinois en Afrique en
général et dans le golfe de guinée en particulier suscite
des interrogations. En effet, pékin semble vouloir s'appuyer sur cette
dotation infrastructurelle pour accéder au pétrole.
39
Paragraphe 2 : Pétrïle cïntre
infrastructures
L'absence criarde d'infrastructures en Afrique a très
vite été constatée par la Chine et semble selon toute
vraisemblance être le socle sur lequel repose sa stratégie
économique d'accès aux ressources. Pour obtenir de nouvelles
concessions pétrolières ou des contrats pétroliers
à long terme, la Chine propose en échange de construire des
infrastructures routières, ferroviaires ou hydrauliques chez ses
fournisseurs en hydrocarbures. Tout se passe, comme si les dirigeants africains
avaient sous-traité aux Chinois leurs responsabilités
étatiques: construire des routes et des chemins de fer, des logements,
des réseaux d'eau et d'électricité. Dans une posture
essentiellement clientéliste, pékin propose à ses
partenaires africains la réalisation des projets d'infrastructures, en
contre partie d'exportations de pétrole vers la Chine. S'il est vrai que
cette pratique est observable sur l'ensemble du continent, dans le cadre de ce
travail, l'accent sera mis sur les pays du golfe de Guinée. Notamment,
le Nigeria (A), l'Angola (B) et la Guinée Equatoriale (C).
A- Le Nigeria
Pour obtenir des exportations de pétrole vers la
Chine, pékin a conclut avec les autorités fédérales
nigérianes plusieurs accords de partenariat dans le domaine des
infrastructures. Le besoin urgent du Nigeria en infrastructures rencontre une
industrie chinoise de la construction très compétitive au niveau
international. Aussi, Le président Nigérian, Umaru Yar'Adua,
a-t-il préconisé la mise en place d'un partenariat
stratégique mutuellement bénéfique entre les deux parties,
pour le développement rapide du secteur de l'énergie et des
infrastructures de transport du Nigeria sous la houlette de la Chine. En effet,
lors d'une visite officielle en Chine en février 2008, Umaru Yar'Adua a
déclaré au chef de l'Etat chinois que son administration mettait
déjà en place un cadre réglementaire pour l'implication
des investisseurs privés étrangers dans le développement
des infrastructures publiques au Nigeria."Le Nigeria est au point de
départ de son voyage vers l'année 2020, où nous
espérons nous joindre au groupe des vingt pays les plus
industrialisés du monde", a déclaré
M. Yar'Adua. "Nous avons besoin de ce partenariat
stratégique avec la Chine qui, nous en sommes convaincus, sera
mutuellement bénéfique pour les deux pays. Nous nous penchons sur
le rôle que la Chine peut jouer dans des secteurs essentiels comme ceux
de l'électricité, de l'énergie et du transport. Je suis
également sûr que vous vous intéressez au rôle que
peut jouer le Nigeria pour la garantie de la sécurité
énergétique en République populaire de Chine", a poursuivi
le chef de l'Etat nigérian. Il a insisté sur le fait que son pays
a besoin des investissements étrangers directs de la Chine pour
développer ses infrastructures de
transport, particulièrement les voies ferrées
et les voies navigables et pour développer son réseau
d'approvisionnement en gaz domestique, ainsi que sa production et sa
distribution d'électricité. De ces différentes prises de
positions du président Nigérian il ressort clairement la
disposition de son gouvernement à troquer son pétrole contre les
infrastructures chinoises.
De ce fait, pékin s'est engagé au Nigeria dans
divers projets locaux, notamment, la réhabilitation des chemins de fer
(Chung Lian Jiang ; 2004 : 5). Par ailleurs, le
gouvernement fédéral a signé un
protocole d'accord avec le conglomérat du gouvernement chinois GUANDOND
XINGUAND INTERNATIONAL GROUP pour la construction d'un lien ferroviaire rapide
de Lagos à Abuja, ainsi qu'un lien ferroviaire entre l'aéroport
international Nnamdi AZIKEWE et le centre ville d'Abuja.
La Chine a également remporté un important
contrat routier au Nigeria. La compagnie chinoise CHEC (China Harbour
Engineering) a signé un accord prévoyant la construction
40
d'une rocade autour de la ville pétrolière de
Port Harcourt au Nigeria, pour un montant d'un milliard de dollars
Des représentants de la CHEC ont signé un
protocole d'accord, pour la construction d'un périphérique
à six voies d'une longueur de 125 km. En effet, Le gouvernement
fédéral a fait du développement des infrastructures dans
la région de Port Harcourt l'une des pièces maîtresses de
ses efforts pour y ramener le calme.
Davantage, la Chine a même lancé en orbite un
satellite de télécommunication pour le compte du Nigeria. Ce
satellite géostationnaire couvrira l'Afrique, une partie du proche
Orient et le sud de l'Europe. Il apportera de grands changements pour les
services de télécommunication, de diffusion et de l'Internet en
Afrique.
B- L'Angïla
En Angola, en échange de contrats pétroliers
à long terme, la Chine propose de construire des infrastructures
routière, ferroviaire ou hydraulique à des tarifs
préférentiels. Elle va notamment construire plusieurs milliers de
logements à Luanda. Les relations entre l'Angola et la Chine se sont en
effet considérablement resserrées depuis le début de
l'année 2005, avec l'octroi par la China Eximbank d'un prêt de
deux milliards de dollars pour la remise en état des routes et des voies
ferrées, notamment à Benguela, province stratégique pour
les exportations de minéraux. Par ailleurs, la Chine devient un
important débouché pour les exportations de pétrole, les
entreprises chinoises récupérant les anciens permis de la
compagnie pétrolière Total dont la réputation pâtit
de ses démêlés avec la justice française. Les
entreprises chinoises se positionnent rapidement dans les secteurs angolais du
BTP, des télécommunications, de l'énergie et des
mines.
Ces investissements dans les infrastructures font partie des
conditions préalables à la consolidation de la paix et de la
résolution de graves problèmes sociaux, engendrés par 27
ans de guerres civile et de gabegie économique. Le projet financé
par des prêts chinois concerne non seulement la réhabilitation des
trois grandes voies ferrées du pays- les 1336km de la ligne de bengela
reliant Lobito à la frontière orientale avec la Zambie et la
République démocratique du Congo ; les 479km de la ligne de
caminho de Ferro de Luanda reliant la capitale à Malanje ; et les 907 km
de la ligne intérieure moçamedes, depuis la ville
côtière de namibe- mais aussi la construction de plusieurs
tronçons transversaux entre les trois lignes existantes Est-ouest. Par
ailleurs, ayant déjà réhabilité l'aéroport
du 17 septembre, la Chine se verra également confier la construction
d'un nouvel aéroport dans la province centrale de Benguela.
C- La Guinée
Equatïriale
La stratégie pétrolière chinoise
consistant à troquer des infrastructures contre des exportations de
pétrole vers la Chine est également observable en Guinée
Equatoriale. En effet, à travers la construction des logements et autres
infrastructures routières, les entreprises chinoises du BTP y gagnent de
plus en plus du terrain. Le président équato-guinéen
Teodoro Obiang Nguema avait indiqué en octobre 2005, à son retour
d'un voyage à Pékin, que la Chine serait désormais "le
principal partenaire du développement de la Guinée
équatoriale"). Il avait également implicitement ouvert
aux Chinois les portes de l'exploitation pétrolière en
Guinée équatoriale, jusqu'ici quasi-exclusivement aux mains
d'entreprises américaines, affirmant avoir offert au gouvernement
chinois la possibilité de pouvoir exploiter certaines de leurs
ressources naturelles. Dans le cadre de cette coopération entre
la
Guinée équatoriale et Pékin, une
quinzaine d'entreprises chinoises vont construire quelques 10.000 logements
sociaux et 2.000 km de route dans le pays. Par ailleurs, deux compagnies
chinoises construisent déjà des routes sur la partie
continentale, la plus vaste et plus peuplée du pays, tandis qu'une autre
réalise à Malabo, sur l'île de Bioko, le futur siège
de la Radiotélévision nationale (RTVGE). Li Zhaoxing, le ministre
chinois des affaires étrangères a posé la première
pierre d'un ensemble de 400 logements qu'une entreprise chinoise doit
construire à Malabo. De son côté, la Guinée
Équatoriale a choisi une compagnie chinoise pour rénover le
réseau électrique très vétuste de la capitale
(Katendi François ; 2007).
Comme nous avons pu le constater, la politique et
l'économie sont deux socles essentiels sur lesquels repose la
stratégie chinoise d'accès au pétrole du Golfe de
Guinée. Seulement, l'offensive pétrolière chinoise dans la
sous région repose également sur d'autres éléments,
qu'il est désormais question de présenter. En d'autres termes, il
s'agit d'étudier l'usage fait par la Chine de ses dispositifs
diplomatiques et militaires à la mise en oeuvre de son offensive
pétrolière dans le Golfe de Guinée.
SECTION II : Dispositifs diplomatiques et
militaires
Les dispositifs diplomatiques et militaires sont de
véritables indicateurs des ambitions géopolitiques des grandes
puissances dans une région donnée, autour d'un enjeu
déterminé. En effet, comme l'affirme François Thual (1996
: 26) " que ce soit en temps de paix ou de guerre, la structuration des moyens
militaires est un des indices les plus parlants des ambitions
géopolitiques d'un pays, (...) analyser les dispositifs militaires c'est
s'attaquer à l'aspect le plus significatif des moyens dont dispose un
Etat pour asseoir ses prétentions". Par ailleurs, afin de garantir le
succès de ses objectifs géopolitiques, tout pays met en place un
dispositif diplomatique, un dispositif de gestion de ses relations
extérieures.
La Chine, puissance émergente de ce début de
21ieme siècle entend justement prendre appui sur ces instruments pour
accéder au pétrole du golfe de Guinée. Aussi, est-il
question pour nous d'étudier les différentes manoeuvres
diplomatiques (paragraphe 1) et militaires (paragraphe 2) entreprises par la
Chine autour du pétrole du Golfe de Guinée.
Paragraphe 1 : la diplomatie : le coeur de la
stratégie pétrolière chinoise
La diplomatie chinoise, à pied d'oeuvre dans le golfe
de guinée depuis un peu plus d'une décennie, est à coup
sûr l'élément le plus visible de son redéploiement
stratégique dans la sous région. La diplomatie
énergétique de la Chine se présente le plus souvent sous
la forme d'une offre multidimensionnelle pour les pays d'accueil. Ces derniers
ont souvent en commun les caractéristiques suivantes : implantés
dans des zones de crise désertées par les majors
pétroliers occidentaux (cas de l'Angola et du Soudan), ils sont souvent
engagés dans un bras de fer avec la communauté internationale
pour des raisons de politique intérieure; ils disposent, par ailleurs,
de réserves pétrolières peu convoitées ou n'offrant
aucune rentabilité immédiate. La stratégie d'implantation
des compagnies pétrolières chinoises s'adapte au cas de chaque
pays (Mbaye Cisse ; 2007 : 9). C'est donc à une véritable
diplomatie pétrolière, articulée en fonction des
circonstances que se livre pékin en Afrique. De ce fait, il sera
précisément question ici d'analyser les différentes
recettes utilisées par la diplomatie chinoise pour s'octroyer le
pétrole. A cet effet, les exemples Nigérian(A) et Angolais(B)
sont illustratifs à plus d'un titre.
A-
42
Le Nigeria : pétrole contre promesse
diplomatique
Au Nigeria, la diplomatie chinoise fait preuve d'une
parfaite adresse adaptée aux circonstances. Pour pénétrer
ce marché, pékin fait preuve d'une habileté diplomatique
déconcertante. Si les prédécesseurs du
président Hu Jin tao avaient accordé leur soutien politique au
dictateur nigérian Sani Abacha, l'actuelle diplomatie chinoise valse sur
le soutien potentiel qu'elle pourrait apporter au Nigeria engagé dans la
course à un siège permanent africain au Conseil de
Sécurité de l'ONU (Mbaye Cisse ; 2007 : 10). En effet, la Chine
soutient l'élargissement du conseil de sécurité et
proclame la nécessité d'accorder des sièges aux pays
africains, une volonté clairement affichée par
l'ex-président Nigérian Olesegun Obasanjo. C'est dire que contre
des garanties d'accès au pétrole, la Chine se propose de soutenir
la candidature du Nigeria. Lors de la visite à Abuja du ministre chinois
Tang Jiaxuan en 2000, le président Nigérian Olesegun Obasanjo a
exprimé sans réserve sa forte insatisfaction en ce qui concerne
la non-représentation des pays africains au sein du siège
permanent du conseil de sécurité des nations-unies. Obasanjo a
fait comprendre qu'il souhaitait une aide de la part de la Chine pour obtenir
deux sièges permanents en faveur des pays africains, sous-entendu le
Nigeria (Chung Lian Jiang ; 2004 : 5).
L'engagement chinois a été confirmé par
un communiqué conjoint sino-nigérian, dans son article 9,
signé lors de la visite de Jiang Zemin à Abuja du 14 au 16 avril
2002. L'article 2 de ce communiqué se termine par une valorisation de la
coopération dans le secteur énergétique, la Chine
étant encouragée et soutenue dans sa participation à
l'exploitation des hydrocarbures au Nigeria (Chung Lian Jiang ; 2004 : 5).
Grace à sa souplesse diplomatique, la Chine a réussi à
s'insérer sur le marché pétrolier du Nigeria.
B- L'Angola : pétrole contre soutien
économique
La pratique de la diplomatie énergétique
chinoise se révèle également efficace en Angola, pays
meurtri par plusieurs décennies de guerre et devenu aujourd'hui le
premier fournisseur de pétrole de la Chine en Afrique subsaharienne.
Tirant profit de son long compagnonnage avec le gouvernement de Luanda,
notamment la vente régulière d'armes pendant la guerre de
libération angolaise des années 1970, et de l'affaiblissement des
intérêts français consécutif à l'Affaire
Falcone, la China Petroleum & Chemical Corporation (CPCC) réussit en
novembre 2004, à arracher, devant la compagnie française Total,
l'exploitation du bloc 3/80 au nord du pays (Mbaye Cisse ; 2007 : 9). Cette
belle percée coïncide avec les tentatives du Fonds Monétaire
International et de la Banque mondiale d'amener Luanda, à plus de
transparence sur les fonds pétroliers : "l'Angola, alors 3éme sur
102 pays les plus corrompus selon Transparency International, avait vu, en
2001, un tiers des revenus de l'Etat s'évaporer, alors qu'un quart de la
population souffrait de famine et attendait une aide alimentaire
extérieure. Pékin mit alors à la disposition de Luanda un
prêt de 2 milliards de dollars à 1,5% d'intérêts sur
17 ans, en échange de 10.000 barils de pétrole par jour" (Mbaye
Cisse ; 2007 : 9). Les autorités angolaises pouvaient désormais
s'opposer au FMI et à la BM. Le pragmatisme chinois portait une fois de
plus ses fruits, car en 2005, le géant asiatique supplante les
Etats-Unis et devient le premier importateur du pétrole Angolais.
Davantage, en 2006, l'Angola devenait le premier fournisseur africain de la
Chine.
43
Paragraphe 2 : La coopération militaire
sino-africaine : un instrument au service des intérêts
pétroliers chinois
Même si la diplomatie pétrolière demeure
au coeur des préoccupations chinoises, il n'en reste pas moins que
Pékin use d'autres instruments pour asseoir sa position en Afrique et
accéder au pétrole. La gamme d'initiatives bilatérales et
multilatérales s'étend à la coopération militaire.
Aujourd'hui, la coopération militaire a revêtu les mêmes
allures que la coopération économique, sous couvert du sacro
saint principe de la non-ingérence. Pékin n'apporte plus son
soutien aux mouvements de libération africains, comme il le fit dans les
années 1970 à l'union nationale pour l'indépendance totale
de l'Angola (UNITA) ou au front de libération du Mozambique (FRELIMO)
(Niquet Valérie ; 2006). Il est beaucoup plus question aujourd'hui d'un
partenariat stratégique visant à un rapprochement dans le domaine
énergétique. Ce partenariat stratégique concerne la
fourniture d'armes (A) et la formation du personnel militaire (B).
A- Pétrole contre matériel militaire
Les contrats de vente d'armes passés par la Chine avec
ses partenaires africains prennent souvent la forme d'un échange
d'articles d'armement contre des matières premières. En effet,
pour assurer des livraisons régulières de pétrole en
provenance de l'Afrique, consolider ses liens bilatéraux et payer ses
factures de pétrole, la Chine adopte des démarches diverses,
parmi lesquelles la livraison d'armes et de matériel militaire. C'est ce
que semblent confirmer (De Lestrange Cédric ; Paillard Christophe
Alexandre ; Zélenko Pierre ; 2005 : 175) lorsqu'ils affirment : "Les
livraisons d'armes permettent aux chinois de négocier l'obtention des
concessions auprès des pays producteurs. (...) l'Angola et le Nigeria
acceptèrent cet échange".
Cette stratégie chinoise d'accès au
pétrole africain est observable sur l'ensemble du
continent. En effet, Le marché africain, comme dans le
domaine des BTP, est l'occasion de tester un matériel souvent rustique
et peu prisé sur les marchés occidentaux. C'est en Afrique que la
Chine trouve un débouché pour ses avions d'entraînement K8,
fournis à la Namibie, au Soudan et au Zimbabwe. La Chine pourvoit des
hélicoptères au Mali, à l'Angola et au Ghana, de
l'artillerie légère et des véhicules blindés
à la quasi-totalité des pays de la région australe, ainsi
que des camions militaires, des uniformes, du matériel de
communication(Niquet Valérie ; 2006). La coopération est
particulièrement étroite avec le Zimbabwe depuis le début
des années 1980 et s'est renforcée en 2004. Pékin lui
fournit des chars, de l'artillerie, des blindés ainsi que des camions,
des vedettes rapides et des batteries de défense antiaérienne
(Mbaye Cisse ; 2007 : 12).
Par ailleurs, l'empire du Milieu va même jusqu'à
recourir à la vente de technologies de pointe et d'équipements
nucléaires en échange d'importations pétrolières.
La Chine maintient souvent des relations militaires avec ses fournisseurs de
pétrole. De ce point de vue, les cas de l'Angola, du Soudan et du
Nigeria sont révélateurs. La Chine n'a pas hésité
à vendre au Soudan des avions de surveillance F-7 et des avions de
transport Y-8 en pleine guerre civile, pendant la période où ses
compagnies pétrolières étaient engagées dans
l'exploitation des gisements pétroliers de Muglad (Mbaye Cisse ; 2007 :
13). Ces ventes sont réalisées le plus souvent par la North
Industry Corporation (NORINCO) et Polytech Industries, la plus importante firme
de vente d'armes de l'armée chinoise.
44
En 1995, lorsque le Nigeria a été isolé
et sanctionné par la Communauté internationale pour
l'exécution de neuf dissidents politiques ogonis, Pékin a
continué à vendre des armes à ce pays, en dépit de
la forte pression occidentale (Chung Lian Jiang ; 2004 : 4). En Angola,
pékin a soutenu militairement toutes les parties ennemies : le mouvement
populaire pour la libération de l'Angola (MPLA) ; le Front National de
Libération de l'Angola(FNLA) et l'union nationale pour la
libération totale de l'Angola(UNITA) (Fogue Tedom ; 2008 : 162).
Les pays africains sont devenus les premiers acheteurs
d'armes et d'équipements militaires chinois. Dans un continent aussi
instable, regorgeant déjà de matériel de guerre,
l'arrivée d'armes supplémentaires n'est pas vraiment souhaitable.
Mais, comme l'a dit le ministre des Affaires étrangères chinois,
Zhou Wenzhong, " les affaires sont les affaires et la Chine ne mélange
pas les affaires et la politique" (Mbaye Sanou ; 2006).
B- La fïrmatiïn du persïnnel militaire
Dans le domaine de la formation, on assiste depuis quelques
années à une augmentation significative du nombre de stages de
formation militaire dans tous les domaines, à un moment où les
portes des académies militaires européennes sont de plus en plus
fermées aux élites africaines. Nombreux sont les cadres
militaires africains qui depuis quelques années se sont formés en
Chine. La Chine s'est même engagée à former dans les trois
prochaines années, environ 15000 africains, dont une bonne partie de
militaires (Mbaye Cisse ; 2007 : 13).
La Chine offre également à de nombreux pays
africains d'importants programmes de formation du personnel en Chine pour des
officiers qui y effectuent des stages de plusieurs mois, ou sur place avec des
instructeurs chinois. C'est le cas de l'Angola, où des instructeurs
chinois ont formé des militaires. Seulement, et comme il fallait s'y
attendre, la Chine attend en contre partie des conditions
préférentielles à la coopération dans le domaine
pétrolier.
Ainsi, comme nous avons pu le constater, la stratégie
chinoise visant à accéder au pétrole du Golfe de
Guinée repose sur une offensive aussi bien politique et
économique, que diplomatique et militaire. Cependant, la mise en oeuvre
de cette stratégie a d'importantes conséquences politiques en
Afrique. En effet, le déploiement stratégique de la Chine autour
du pétrole africain en général, et celui du Golfe de
Guinée en particulier, se traduit quelque fois par un soutien
inconditionnel et une vente incontrôlée d'armes aux régimes
autoritaires. Ce qui entrave sérieusement l'enracinement d'un embryon de
démocratie en Afrique, et transforme en véritable mythe de
Sisyphe les efforts de restauration d'une paix durable.
45
DE L'OFFENSIVE CHINOISE, DU PROCESSUS DEMOCRATIQUE ET
DE LA PAIX EN AFRIQUE
Il est important de préciser que si nous avons choisi
d'aborder dans le cadre de ce chapitre uniquement l'impact de l'offensive
Chinoise sur la démocratie et la paix, cela ne signifie aucunement que
cette offensive n'a pas d'effets sur d'autres secteurs tels l'économie,
le social, ou encore l'environnement.
Jusqu'ici, notre étude a spécifiquement
porté sur l'offensive pétrolière chinoise dans le Golfe de
Guinée. Néanmoins, signalons que ce cas peut être
perçu comme un reflet, illustrant de manière
générale l'offensive chinoise et même des autres puissances
industrielles en Afrique. Aussi dans ce chapitre, parlerons-nous non seulement
de la Chine, mais également des puissances occidentales. Plus encore,
nous ne restreindrons plus notre analyse au cas spécifique du Golfe de
Guinée, mais nous élargirons notre champ d'étude à
l'Afrique en général.
Faire une étude portant sur la démocratie exige
que l'on s'entende sur le sens à accorder au mot. Les auteurs tels que
Joseph Schumpeter et Robert Dahl ont retenu de la démocratie une
définition simpliste et minimaliste. Dans leur acception de la
démocratie, ils mettent en relief les mécanismes participatifs
réduits au vote (Mbatchom: 2007). Samuel P. Huntington semble y
souscrire lorsqu'il dit : " Si l'élément fondateur de la
démocratie réside dans l'élection des dirigeants par le
peuple, alors le moment décisif du processus de démocratisation
est celui où un gouvernement choisit selon des critères autres
que démocratiques se trouve remplacé par un nouveau gouvernement
adopté au cours d'élections libres, ouvertes et honnêtes"
(Huntington, 1991 : 7). Selon Mbatchom ( 2007) :
" L'on ne saurait cependant s'arrêter à cette
définition qui fait de la démocratie une
" electoral democracy " pour reprendre Hans-Jurgen PUHLE. En
effet, ce dernier stigmatise l' "electoral democracy". Cette dernière
d'après lui a le mérite d'intégrer en plus du vote, les
principes tels que le "Checks and balances ", l'Etat de droit, la garantie des
libertés civiles et politiques. L'on aboutit à ce qu'il appelle
"democratic rechsstaat" (Etat de droit démocratique) (PUHLE, 2005 : 7)
".
C'est dire que contrairement aux partisans de la conception
minimaliste qui réduisent la démocratie au vote, dans le cadre de
ce travail, c'est à cet "Etat de droit démocratique" que nous
nous intéresserons. Surtout dans un contexte où, la Chine,
régulièrement critiquée par l'ensemble de la
communauté internationale pour l'absence de démocratie et le
non-respect des droits de l'Homme, jette son dévolu sur
l'Afrique.
En effet, l'ampleur de l'offensive chinoise sur le continent
africain ne laisse pas
indifférent, tant les enjeux qu'elle suscite sont
multiples. Le retour remarqué de la Chine intervient dans un contexte
géopolitique mondial caractérisé par la
redéfinition d'un nouvel ordre politique dans lequel l'Afrique peine
à trouver ses repères. Cette situation survient également
à un moment critique où le continent, bien que traversé
par de multiples conflits, amorce un mouvement de démocratisation sous
l'oeil vigilant des anciennes puissances coloniales, mais également sous
la poussée significative des populations, dont les aspirations à
un peu plus de citoyenneté ne cessent de se faire valoir (Mbaye Cisse ;
2007 : 14). En effet,
46
la chute du mur de Berlin en novembre 1989, n'a pas seulement
marqué la fin des totalitarismes en Europe de l'Est. Elle a
répandu les vents de la démocratie à travers les
continents en appelant à une plus grande participation des peuples aux
choix de leurs destins respectifs (Mbaye Cisse ; 2007 : 14). En Afrique, les
années 90 inaugurent l'ère des conférences nationales et
de la démocratisation de la vie politique. A partir de cette date, on a
assisté à la mise en place progressive de l'aide,
désormais jaugée à l'aune des efforts de
démocratisation des régimes africains.
Grosso modo, le retour de la Chine survient à un
moment où la recherche d'un environnement politique stable,
commandé par des règles de dévolution du pouvoir
transparentes, est en marche. Qu'en sera-t-il avec l'arrivée de la Chine
?
L'analyse de l'impact politique de l'offensive chinoise sur
la démocratie en Afrique ne peut se faire indépendamment de la
posture des démocraties occidentales par rapport au même
processus. Les multiples dénonciations occidentales faites à
l'encontre de l'offensive chinoise ne seraient en réalité qu'une
sorte de lutte de positionnement, visant à jeter le discrédit sur
cette dernière, avec des buts inavoués de disqualification de la
Chine. En effet, s'il est vrai que les démocraties occidentales ont, de
par les multiples pressions exercées sur les gouvernements,
contribué à l'enracinement d'un embryon de démocratie en
Afrique, il n'en demeure pas moins vrai que face à la sauvegarde de
leurs intérêts, la promotion des valeurs démocratiques a
très souvent été reléguée au second rang
(section 2). En plaçant ses relations avec les pays africains sur le
socle immuable et sacro-saint de la neutralité et de la
non-ingérence, la chine semble constituer un frein à
l'évolution de la démocratie et un péril pour la paix et
la stabilité en Afrique (section 1).
SECTION I : L'offensive chinoise : une menace pour la
démocratie et la paix ?
L'un des principaux avantages de la coopération
sino-africaine, aux yeux des dirigeants africains, réside dans le fait
qu'elle n'est pas soumise aux contraintes d'un cadre juridique, institutionnel
et moral rigide dans lequel l'occident entre en interaction avec l'Afrique
(Nkoa Colin François ; 2007 : 39). Le fait que la Chine soit une
dictature qui supplante les démocraties occidentales en Afrique Noire
peut se traduire par le durcissement du non respect des droits de l'Homme, le
renforcement des régimes autoritaires et des conflits (Amougou ; 2008 :
3). En effet, Contrairement aux pays occidentaux, la coopération
chinoise ne fait pas du respect des droits de l'homme, des principes
démocratiques et de bonne gouvernance, une conditionnalité pour
bénéficier de son aide financière. Faisant la
déclaration suivante : " business is business and we import from every
source we can get oil from", les officiels du ministère chinois du
commerce entérinent ainsi l'idée selon laquelle seul
l'intérêt compte (Taylor : 2004). Si à première vue
cette politique semble être pour les Etats africains un moyen de mener
une politique de développement autonome en sortant du diktat des
conditionnalités de financements accordés par les institutions
financières internationales et les pays occidentaux, elle comporte aussi
un danger. C'est de servir de couverture aux dictateurs africains. Le principe
de non ingérence qu'instrumentalise ainsi la Chine pour ne pas froisser
ses fournisseurs de matières premières et ses clients africains
comporte donc ce danger potentiel de renforcer les dictatures qui trouvent en
elle un allié de poids (Amougou ; 2008 : 13-14). Ce soutien de la Chine
aux régimes africains constitue pour ces derniers une alternative
politique et diplomatique face aux conditionnalités imposées par
l'ensemble de la communauté internationale, et représente un
véritable péril pour la démocratie(A) et la paix (B) en
Afrique.
47
Paragraphe 1 : une menace pïur la
démïcratie
La présence de plus en plus remarquable de la Chine en
Afrique témoigne, sans doute, de l'étroitesse des liens qui
existent désormais entre cette puissance émergente et ses
partenaires africains. Ces derniers voient en l'arrivée de la Chine un
moyen de réaliser leur développement et une alternative face aux
mesures draconiennes imposées jusque là par les partenaires
occidentaux (Chomtang Fonkou ; 2007 : 102). En effet, contrairement aux
institutions financières internationales et aux pays occidentaux qui ne
se privent pas d'imposer le respect des critères de bonne gouvernance et
des droits de l'Homme comme préalables à leur aide, outre la
non-reconnaissance de Taiwan, pékin ne pose pas de conditions politiques
à l'aide économique ou à l'établissement des
relations diplomatiques. Cette situation affaiblit les conditionnalités
de démocratisation et de respect de droit de l'homme en Afrique dans la
mesure où les Etats courtisés face à cette alternative que
leur offre la Chine, ont très souvent tendance à retrouver leur
habitus autoritaire. En effet, en Afrique, les efforts de
démocratisation soutenus par l'ensemble de la communauté
internationale se voient minés par l'alternative offerte par
Pékin à des régimes politiques peu enclins à se
soumettre aux règles de démocratisation et de bonne gouvernance.
Le soutien de la chine aux régimes Zambien (A) et zimbabwéen (B)
illustre assez bien cette réalité.
A- L'ingérence chinïise dans la vie
pïlitique zambienne
De prime à bord, il est important de préciser
que dans le cas de la Zambie, l'intérêt de la Chine pour ce pays
est davantage tourné vers l'exploitation minière et non
pétrolière. Mais, l'attitude de pékin reste et demeure la
même chaque fois qu'il s'agit de la quête de matières
premières en général.
L'intervention de la Chine dans la vie politique zambienne
lors de récente élection présidentielle a suscité
beaucoup d'interrogations. Contrairement au principe de non ingérence
tant utilisé par pékin pour justifier sa non prise de position
vis-à-vis de la gestion des affaires publiques de ses partenaires
africains, le soutien officiel de la Chine au régime sortant a surpris
plusieurs. C'est donc dire que Lorsque la situation le commande, la Chine peut
violer ce principe de non ingérence et s'immiscer dans les affaires
internes de ses partenaires. En effet, la Chine, tout comme les puissances
occidentales avant elle soutient les régimes africains et
s'ingère dans la gestion locale des affaires publiques à mesure
que la sauvegarde de ses intérêts l'exige. Cette attitude
constitue un sérieux frein à l'évolution politique de ces
pays, notamment à l'avancée de la démocratie pourtant si
indispensable au développement du continent. Malgré son discours
de non ingérence, les intérêts de la Chine en Afrique
l'amènent très souvent à se prononcer vis-à-vis de
la gestion interne de certains pays.
En 2006, lors des présidentielles Zambiennes,
l'ambassadeur chinois a mis en garde l'opinion publique que l'élection
du candidat antichinois Michael Sata, allait sérieusement compromettre
l'engagement chinois dans le pays. Celui-ci surfait sur la vague de
mécontentement liée à la réputation des entreprises
chinoises d'exploiter les travailleurs locaux dans des conditions de
sécurité et d'hygiène déplorables. La victoire du
sortant, Mwanawasa, a mis fin à la mini-crise diplomatique. Selon
Thompson j-p (2007) : "En
Zambie, la désapprobation des actions chinoises s'est
fait ressentir jusque dans les urnes. En 2006, le candidat à
l'élection présidentielle Michael Sata, a fait campagne sur des
thèmes anti-Chine. Plusieurs Zambiens ont été très
affectés par l'exploitation des mines de cuivre par les compagnies
chinoises et par l'arrivée massive de produits chinois dans les
marchés du
48
pays. (...) À cette occasion, en rupture flagrante
avec sa politique de non-ingérence, la Chine avait menacé de
couper les liens économiques avec la Zambie si le candidat Sata
remportait les élections".
Tous les pays africains devraient méditer sur cet
exemple qui montre que la Chine n'hésitera pas à s'engager sur le
terrain de la politique intérieure si ses intérêts
économiques sont menacés.
B- La Chine : une heureuse alternative pïur le
régime zimbabwéen
Malgré les multiples pressions exercées par
l'ensemble de la communauté internationale sur le régime
zimbabwéen, le président Robert MUGABE demeure impassible et
continue à mener une politique répressive, et à museler
l'opposition. Avec la dégradation continue du niveau de vie des masses
populaires, le gouffre économique et social, la politique de
prébendes, de copinage, de castes d'anciens résistants, le
gouvernement Zimbabwéen gravit chaque jour des sommets de despotisme.
Ceci grâce au soutien du gouvernement chinois. Les déclarations du
président Zimbabwéen Robert MUGABE illustre assez bien cette
réalité. En effet, lors du 25eme anniversaire de l'accession de
son pays à l'indépendance, il affirmait : "il nous faut nous
tourner vers l'Est, là où le soleil se lève, car la Chine
apporte une aide et établit un partenariat qui vise à promouvoir
une coopération réciproque sans poser de conditions
préalables" (Amougou; 2008). C'est dire que pour les dictateurs
africains qui peuplent le continent, pékin constitue une réelle
alternative aux conditionnalités imposées par l'occident. Les
relations étroites que la Chine entretient avec le Zimbabwe montrent
bien l'indifférence de Pékin vis-à-vis des critiques de
l'ensemble de la communauté internationale. Ce soutien de la Chine au
régime du président MUGABE constitue pour ce dernier une
importante caution politique et le conforte dans son immobilisme politique.
Seulement, cette attitude de la Chine représente une véritable
menace voire un réel péril pour la démocratie dans ce
pays. Malgré la création, le 13 février 2009, d'un
gouvernement d'union national, plusieurs observateurs avertis de la
scène politique zimbabwéenne demeurent sceptiques quant à
l'évolution du pays vers une démocratie consensuelle et
l'amélioration de la situation des droits de l'Homme dans le
pays.
Davantage, la vente régulière d'armes chinoises
au régime Zimbabwéen permet à ce dernier d'exercer une
pression permanente sur l'opposition. Selon le journal Britannique the
Guardian, les dockers sud-africains ont refusé, le 29 mars 2008, de
débarquer sur leur sol la cargaison d'un navire chinois, le An yue
Jiang, porteur de 77 tonnes d'armes envoyées par le régime
communiste chinois pour soutenir Robert MUGABE (Girard, Aurélien :
2008). Cette cargaison comprenait : 3.5 millions de munitions ; des fusils
d'assaut AK47 ; 1500 roquettes de 40mm ; des lance roquettes, des obus de
mortier. Ces armes sont parties de pékin le 1er Avril, soit
trois jours après les élections générales, au
moment où très probablement les résultats réels des
élections ont été connus par le pouvoir zimbabwéen
(Girard, Aurélien : 2008).
Mais pour certains analystes, les gouvernements occidentaux
n'ont pas le droit de pointer du doigt la politique de la Chine, car ils
investissent eux-mêmes dans des pays producteurs de pétrole comme
la Guinée équatoriale où, selon les groupes de
défense des droits de l'Homme, le régime en place est tout aussi
répressif. En effet, comme nous l'avons vu plus haut, les régimes
occidentaux ont une conception à géométrie variable des
«Droits de l'Homme», jugent la politique des autres États "non
démocratiques" à l'aune de leurs intérêts.
Aussi,
49
aboutit-on aisément à la conclusion selon
laquelle, la Chine ne pourra pas imposer la démocratie en Afrique pas
plus que la France, les Etats-Unis n'ont pu le faire.
Cette situation représente une menace pour
l'édification de l'Etat de droit en Afrique. En premier lieu, le soutien
de la Chine constitue une bouée de sauvetage à des régimes
politiques souvent décriés. Elle perpétue ensuite la mal
gouvernance politique du continent sous prétexte de respect de la
souveraineté des Etats (Mbaye Cisse ; 2007 : 15). Le partenariat
stratégique sino-africain n'offre guère de perspectives
politiques viables tant la Chine elle-même continue d'être
régulièrement mise au ban des accusés sur les questions
des droits de l'homme.
Paragraphe 2 : un péril pïur la paix ?
Loin d'assurer le développement de l'Afrique, le
partenariat stratégique sino-africain soulève également
des interrogations légitimes sur l'avenir de la paix et de la
sécurité. Le soutien militaire inconditionnel de Pékin
à des régimes politiques décriés, la vente
incontrôlée d'armes par les firmes chinoises et les tentatives
d'une implication militaire directe de Pékin dans la sécurisation
de ses investissements pétroliers sont autant de sujets
préoccupants (Mbaye Cisse ; 2007 : 25). La détermination de la
Chine à accéder par tous les moyens aux ressources
pétrolières africaines la conduit souvent à opter pour des
choix en contradiction totale avec les idéaux de paix pourtant
prônés par sa politique africaine. En effet, sur un plan purement
formel, la Chine prétend vouloir "appuyer les efforts actifs de l'UA et
des autres organisations régionales africaines ainsi que des pays
concernés pour régler les conflits locaux et leur fournir une
assistance dans la mesure du possible. Pousser énergétiquement le
conseil de sécurité des Nations-Unies à suivre de
près les conflits régionaux africains et apporter son assistance
au règlement de ces conflits. Continuer à soutenir l'action de
l'ONU pour le maintien de la paix en Afrique et à y prendre part"
(Chomtang Fonkou ; 2007 : 132133). Seulement, au-delà de ces initiatives
louables, dans la quête de ses intérêts pétroliers en
Afrique, la Chine ne se soucie guère de son influence sur la paix et la
stabilité. L'importance des investissements consentis par la Chine
à travers plusieurs pays africains, notamment dans le secteur
pétrolier, pourrait se traduire concrètement sur le plan de la
sécurité par un engagement plus marqué de Pékin
(Mbaye Cisse ; 2007 : 20). L'attitude de Pékin au Tchad (A), en
Angola(B), et au Soudan(C) est assez illustrative de cette
réalité.
A- Pékin et l'instrumentalisatiïn de la
rébelliïn tchadienne
Au Tchad, nouveau pays pétrolier convoité par
Pékin malgré ses relations diplomatiques avec Taiwan, la crise
institutionnelle progressive a connu son paroxysme en 2006 avec la crise au
Darfour et les offensives répétées des mouvements
rebelles. La montée des mouvements d'opposition armée s'est
traduite par de nombreuses attaques visant à renverser le pouvoir du
Président Idriss Deby. En janvier 2006, l'un des chefs de file de
l'opposition a été reçu à Pékin, alimentant
les soupçons d'une aide chinoise à son combat (Mbaye Cisse ; 2007
: 21). Ndjamena n'hésite plus à dénoncer l'aide militaire
chinoise accordée au Rassemblement pour la Démocratie et la
Liberté de Mahamat Nour, depuis les dernières attaques de
novembre et décembre 2006. La Chine est accusée d'être de
connivence avec le Soudan pour accélérer la chute du
Président Idriss Deby et procéder à une nouvelle
redistribution des cartes pétrolières (Mbaye Cisse ; 2007 :
21).
Très intéressée par les
potentialités pétrolières Tchadiennes, la Chine est
prête à déstabiliser le régime du président
Deby ou du moins à le faire chanter, espérant elle aussi
participer à
50
l'exploitation du pétrole du pays. En effet, un
tronçon d'oléoduc Tchad-Soudan permettrait de rediriger les flux
tchadiens vers la Mer rouge (à destination de la Chine via Port-Soudan)
et non plus vers l'Atlantique (via Kribi au Cameroun). Aussi, en jouant la
carte du soutien à la rébellion, la Chine espère-t-elle
suffisamment inquiéter le gouvernement tchadien et l'amener à lui
concéder une part dans l'exploitation de son pétrole. La crainte
qu'inspire la Chine au gouvernement tchadien s'est d'ailleurs confirmée
par le renouement des relations diplomatiques entre les deux pays, le 6 aout
2006, ceci après 9 années de rupture (Bergevin : 2006). Pour se
faire une place sur le marché pétrolier tchadien, Pékin
utilise le spectre de l'instabilité politique.
B- Le sïutien de la Chine au régime de Luanda :
une menace pïur la paix ?
Après un peu plus de deux décennies de guerre
civile, les "blessures" à peine pansées, l'Angola risque de
retomber dans un cycle infernal de violence. En effet, le soutien de la Chine
au régime de Luanda, considéré par l'opposition comme une
sorte de bouclier, sur lequel s'appuie le gouvernement pour commettre plusieurs
exactions, risque de précipiter à nouveau le pays dans une
instabilité endémique. Mbaye Cisse (2007 : 21) affirme à
cet effet : "En Angola, pays à peine sorti d'une longue guerre civile en
1997, la Chine s'est engagée dans une vaste opération de charme
qui inquiète les observateurs. (...) Elle est accusée par
l'opposition politique de financer la campagne électorale du parti au
pouvoir, le MPLA. Sans préjuger de l'avenir des prochaines
élections, initialement prévues à l'autonome 2006 mais
encore repoussées en 2008- 2009, il n'est pas exclu que ce pays en
reconstruction ne retombe dans les démons de la violence du fait de la
capacité de la classe dirigeante à se soustraire aux critiques et
à l'arbitrage de la communauté internationale grâce
à la manne chinoise".
C'est dire que le soutien de la Chine au régime
angolais pourrait amener les dirigeants à davantage fermer le jeu
démocratique, hypothéquant ainsi toute chance d'alternance au
pouvoir. De ce fait, l'opposition pourrait aboutir à la conclusion selon
laquelle, la prise des armes reste et demeure le seul moyen d'accéder au
pouvoir. Aussi, risque-t-elle de se transformer en rébellion
armée, plongeant à nouveau le pays dans un cycle de violence
infernale. Selon Fogue Tedom (2008 ; 144) : "Dans la problématique des
conflits politiques africains (...), le mauvais fonctionnement de l'Etat et des
institutions politiques en Afrique Noire est en cause. C'est
l'incapacité de l'Etat à assurer la cohésion nationale et
à créer les conditions d'un débat politique
contradictoire, susceptible d'éviter que la violence ne demeure le seul
moyen d'expression qui fasse réagir les autorités politiques, qui
génère l'insécurité politique".
Le soutien de la Chine aux régimes africains (angolais
en l'occurrence) conforte les dirigeants dans leur immobilisme politique, les
amène, du fait de leur déficit de légitimité
politique, à recourir à l'intimidation et à la
répression politique pour étouffer toute velléité
contestataire et soumettre leurs adversaires. Seulement, l'inconvénient
de cette dérive autoritaire est que, paradoxalement, la terreur et la
peur qu'elle répand, loin de susciter l'adhésion, renforcent
plutôt la défiance et persuadent les adversaires politiques du
pouvoir en place que, seul le recours aux armes peut conduire à
l'alternance (FOGUE TEDOM ; 2008 : 144). Ainsi, aussi longtemps que les
dictateurs africains exerceront une oppression sur l'opposition politique ou
syndicale, ceci avec la bénédiction de leurs partenaires
extérieures, la crainte et la soumission recherchée risqueraient
bien de se transformer en défiance.
51
C- Le véto chinois et la perpétuation des
exactions du régime soudanais au Darfour
Le soudan constitue aujourd'hui un véritable sujet de
discorde entre pékin et la communauté internationale. En 2004,
face au conseil de sécurité qui menace Khartoum de sanctions sur
sa production pétrolière, la Chine brandit une menace de
véto et s'abstient, en septembre, de voter l'embargo sur les armes.
Malgré les accusations portées par le gouvernement
américain en l'encontre du régime soudanais sur le
déplacement de milliers de civils des zones pétrolières,
la Chine opte pour la protection d'un pays, fournisseur de 7% de ses
importations de brut (Pinel, Fabienne ; 2006 : 1). En avril 2005, elle s'est
abstenue au cours de la saisie de la Cour Pénale Internationale (CPI)
visant à traduire en justice les responsables soudanais supposés
impliqués dans des crimes de guerre au Darfour. Aujourd'hui, le Soudan
s'oppose toujours au déploiement de troupes onusiennes sur son sol, avec
le soutien discret de Pékin (Mbaye Cisse ; 2007 : 15). Cette attitude
pour le moins irresponsable de la Chine, au regard du rôle de grande
puissance qu'elle entend jouer au cours de ce 21e siècle,
conforte le gouvernement soudanais et constitue pour ce dernier une sorte de "
parapluie " face aux différentes critiques de la communauté
internationale en général et aux sanctions du conseil de
sécurité de l'ONU en particulier.
Depuis le début de la crise du Darfour, la junte
soudanaise est passée maîtresse dans l'art d'éviter les
sanctions, ce qui lui a permis de continuer de procéder aux exactions en
toute impunité, avec le soutien, d'un allié de poids, la Chine.
Le président Omar el-Béchir s'est opposé au
déploiement des troupes onusiennes (17 000 militaires et 3 000
policiers) en remplacement des soldats de l'Union africaine. La Chine, qui n'a
pas voté la résolution s'est aussi opposée à
l'adoption de toute sanction contre le régime soudanais. Au
détriment d'une action commune internationale dans le cadre du
règlement d'un conflit, Pékin a plutôt
privilégié ses intérêts avec Khartoum (Samson Didier
; 2006). Quand bien même le président chinois Hu Jin tao demande
à son homologue soudanais de trouver "une solution correcte au Darfour
et de continuer à améliorer la situation humanitaire", on
comprend que ce n'est qu'une clause de style, visant uniquement à
apaiser le courroux de la communauté internationale.
Pire encore, par une fourniture régulière
d'armes à l'armée soudanaise et à sa milice armée,
les jenjawids, pékin contribue à entretenir cette violence
infernale sur les populations civiles du Darfour. En effet, la Chine est le
principal fournisseur d'armes du soudan. "Selon certaines sources, parmi les
avions de chasse chinois vendus au Soudan depuis les années 90 figurent
plus de 40 Shenyang J-6 et J-7, et plus récemment des chasseurs
supersoniques F-7, version améliorée du MiG-21 Fishbed russe. La
Chine aurait fourni 50 hélicoptères Z-6 au Soudan en 1996. En
2001, la société chinoise Harbin Dongan Engine aurait
signé un contrat de réparation d'hélicoptères Mi-8
pour le Soudan .L'Iran aurait financé en partie l'achat par le Soudan de
21 avions de chasse J-6 et de deux avions-cargo Y-8 D, une version de l'Antonov
An-12 fabriquée sous licence en Chine,..." (Bergevin ; 2006 ;
7).
Seulement, ce soutien sans faille de la Chine au
régime soudanais contribue à perpétrer les massacres au
Darfour. Aujourd'hui, la Chine participe indirectement à la continuation
de ce que la communauté internationale qualifie désormais de
génocide. En fournissant du matériel militaire, une aide
économique considérable, surtout en empêchant à
l'ONU de déployer ses forces de maintien de la paix au Darfour,
pékin contribue à la perpétuation des massacres
constatés au Darfour. Tout en espérant que la Chine n'utilisera
pas cette fois encore son droit de véto pour empêcher
l'exécution du mandat d'arrêt international délivré
le 04 mars 2009
52
par la cours pénale internationale contre le
président Béchir et deux de ses acolytes pour crime de guerre et
crime contre l'humanité.
S'il est vrai que cette attitude pour le moins irresponsable
de la Chine en Afrique lui vaut de nombreuses critiques de la part de
l'ensemble de la communauté internationale, nous ne devons aucunement
oublier le fait qu'en réalité la Chine n'innove pas. Les
puissances occidentales avant elle ont, et continuent d'ailleurs à faire
pareil chaque fois que leurs intérêts stratégiques
l'exigent.
SECTION II : la posture occidentale vis-à-vis de
la démocratie en Afrique
En Afrique, la posture des démocraties occidentales
vis-à-vis de la promotion des valeurs démocratiques semble
prêter à confusion. En effet, en fonction des circonstances, ces
dernières mènent une politique de deux poids deux mesures. De
tradition libérale, on se serait attendu à ce que ces puissances
mènent une politique essentiellement tournée vers la promotion de
la démocratie. Seulement, inscrites dans une démarche
réaliste, elles font très souvent passer la promotion de leurs
intérêts stratégiques avant celle de l'idéologie
libérale. C'est ce qui amène Fogue Tedom (2008 : 51) à
constater que : " Dans les pays africains riches en matières
premières stratégiques, les réformes démocratiques
butent encore sur des considérations géostratégiques. Dans
ces pays, en fonction de leurs intérêts et non sur la base des
critères démocratiques, les puissances occidentales ont par leurs
soutiens multiformes-directs/indirects-aux parties engagées dans la
course au pouvoir, contribué à retarder l'évolution du
processus démocratique ". C'est donc dire qu'en dépit de leurs
prises de position apparentes en faveur de la démocratie, la promotion
et la sauvegarde de leurs intérêts restent et demeurent l'objectif
primordial de leur engagement sur le continent. Raison pour laquelle il serait
impératif de présenter au préalable le rôle
joué par l'occident en faveur de la démocratie (paragraphe1) ;
avant de circonscrire les facteurs qui constituent un frein au processus de
démocratisation en Afrique (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le rôle de l'occident en faveur de
la démocratie en Afrique
Les partenaires traditionnels de l'Afrique ont, de part les
multiples pressions exercées sur les régimes africains,
contribué directement ou indirectement à la promotion de la
démocratie sur le continent. En effet, ces derniers soumettent
généralement les africains à un double ajustement
politique (démocratisation, respect des droits de l'Homme) et
économique (bonne gouvernance, réformes structurelles) pour
bénéficier de leur aide (Nkoa François Colin ; 2007 : 39).
L'accord de Cotonou signé en juin 2000 et qui régit la
coopération entre les pays de l'UE et 77 pays ACP, pour une durée
de 20ans est un exemple de ce type de coopération conditionnée.
La coopération UE-ACP telle que définie par l'accord de Cotonou
dépasse le cadre étroit de la coopération
économique et commerciale pour intégrer d'autres
éléments considérés comme essentiels au
développement et qui constituent autant de conditions pour
bénéficier de l'aide communautaire. Il s'agit de la consolidation
de la paix, la prévention et la résolution des conflits, le
respect des droits de l'Homme, les principes démocratiques et l'Etat de
droit, la bonne gestion des affaires publiques (Nkoa François Colin ;
2007 : 39). Dans le cadre de ce travail, c'est à travers les exemples de
la France (A) et des Etats-Unis (B) que nous étudierons la contribution
de l'occident à la promotion de la démocratie en Afrique.
53
A- La France et la démïcratie en Afrique
Il est question d'étudier la contribution de la France
à la promotion voire à l'enracinement d'une culture
démocratique en Afrique. En effet, dans les années 1990, la
France opère un changement de cap vis-à-vis de sa politique
africaine, même si elle redoute la démocratisation du continent,
synonyme de l'éveil de l'opinion publique africaine et de possible
remise en question de ses intérêts, elle participe tout de
même dans la mesure de la préservation de ses
intérêts, à la vulgarisation de la démocratie sur le
continent. La XVIème conférence des chefs d'Etat de France et
d'Afrique de juin 1990 à la Baule en France, offre au président
Français François MITTERAND l'occasion de tenter d'apaiser le
courroux de l'opinion publique africaine. Lors d'une conférence de
presse, il adopte une posture progressiste en totale rupture avec
l'archaïsme traditionnel de la politique africaine de la France, en
déclarant à propos de l'aide à l'Afrique, " C'est
évident que cette aide traditionnelle, déjà ancienne, sera
plus tiède en face des régimes qui se comporteraient de
façon autoritaire, et qu'elle sera enthousiaste pour ceux qui
franchiront ce pas avec courage et autant qu'il leur sera possible " (Fogue
Tedom ; 2008 : 107). Cette approche a été plus ou moins maintenue
par son successeur Jacques Chirac pour qui, "être donneur d'aide
aujourd'hui, c'est en règle générale appartenir à
la grande famille des nations industrialisées et démocratiques.
Une famille qui a sa culture, ses solidarités et ses réflexes,
notamment la bonne gouvernance, la transparence, le dialogue, la rigueur,
l'efficacité. C'est pourquoi les donneurs tendent à se
détourner des pays aidés qui ne respectent pas ces mêmes
critères que, par ailleurs, ils s'imposent à eux-mêmes"
(Mbaye Cisse ; 2007 : 14). Toutefois, il faut bien le noter, ces apparentes
prises de position en faveur de la démocratie ne constituent aucunement
l'objectif visé par Paris. Subrepticement, le président MITTERAND
laisse l'opportunité à l'archaïsme structurant la politique
africaine de son pays de réapparaitre une fois la tempête
démocratique maitrisée. L'un des enjeux d'un tel discours est
d'exorciser définitivement tout attachement à l'idéologie
communiste et au non alignement, et surtout de disqualifier le communisme qui
venait d'échouer. Ce discours entendait également briser les
liens avec le communisme qui constituait un grand frein à la
préservation des pré- carrés et des chasse-gardées
occidentales.
Selon Fogue Tedom (2008 : 107) " l'absence de maturité
politique et stratégique de l'opinion publique africaine aidant,
celle-ci ne réalise pas la ruse voire la supercherie politique du
président français. Elle s'enthousiasme devant ce qu'elle
interprète naïvement comme une subite adhésion de la France
à leur soif de liberté. Ce qu'elle retient de la Baule c'est une
prise de position claire du président MITTERAND sur
l'universalité de la démocratie et surtout sur la
nécessité pour les régimes autoritaires africains de s'en
accommoder ".
S'il est vrai comme nous venons de le voir que la France
contribué à lancer l'idée de la promotion de la
démocratie en Afrique, qu'elle sera la position des Etats-Unis par
rapport à la diffusion de cette même démocratie sur le
continent, si tant est vrai que depuis la fin de la guerre froide, ils ne
cachent plus leur détermination à s'attaquer aux monopoles
économiques et politiques de leurs anciens alliés
Européens ? Autrement dit, dans cette offensive américaine ou
dans cette nouvelle vision de leur politique africaine, qu'elle sera la place
accordée à la démocratie ?
B- Les Etats-Unis et la promotion de la démocratie en
Afrique
Parler de promotion de la démocratie exige un instant
que l'on précise qu'il s'agit en réalité d'assistance
à la consolidation démocratique. En effet, la démocratie
n'est pas une apparition spontanée mais bien plus, le résultat
d'un processus appelé démocratisation ; cette dernière
commence avec l'ouverture du régime autoritaire qui laisse
apparaître quelques fissures (Mbatchom : 2007). De ce fait, il sera
davantage question d'étudier la contribution des Etats-Unis à la
consolidation ou à l'enracinement de la démocratie en Afrique.
Dès le début de la décennie 1990, les discours des
officiels américains avaient comme leitmotiv la démocratie et le
développement de l'Afrique. Ainsi, Le 25 avril 1990 M. Herman COHEN
alors secrétaire d'Etat adjoint chargé des affaires africaines
déclarait : "Reformes politiques et économiques sont
étroitement liées à la croissance et au
développement en Afrique " (Afrique Etats-Unis N°9
du 15 juin 1990). Le 27 octobre 1991, Nancy KASSEBAUM ; sénatrice
à Washington considérait que l'Administration américaine
devrait coopérer avec les Africains pour créer les conditions
propices à l'épanouissement de la démocratie. Le 10
octobre 1996, le Secrétaire d'Etat M. WARREN CHRISTOPHER
prononçait à ADDIS-ABEBA un discours lors du sommet de l'O.U.A.
Il disait en substance que la démocratie est la seule condition pour le
développement durable en Afrique (Mbatchom : 2007).
Par ailleurs, dans le cadre de la coopération entre
les Etats-Unis et l'Afrique matérialisée par l'existence de la
loi sur la croissance et les opportunités en Afrique, plus connu sous le
sigle AGOA (African growth and Opportunity Act), un certain nombre de
conditions politiques sont imposées aux gouvernements africains. L'AGOA
est une loi visant à promouvoir le commerce entre l'Afrique et les
Etats-Unis sous la bannière de la promotion de critères
politiques très sélectifs allant de la démocratisation,
à la libéralisation, en passant par la bonne gouvernance et le
respect des droits de l'homme. En effet, selon (Nkoa Colin François
(2007 : 39) :
" Les avantages offerts par l'AGOA (...) font l'objet d'une
évaluation et d'un contrôle par le congrès américain
qui peut ainsi décider de retirer de manière unilatérale
ces préférences. Ce contrôle est exercé en
s'appuyant sur des éléments tels que le respect des droits de
l'homme, les principes démocratiques, la bonne gouvernance. En cas de
violation de ces principes, les avantages octroyés par les Etats-Unis
dans le cadre de cette initiative sont retirés. La Cote d'Ivoire, la
Mauritanie et l'Erythrée ont déjà ainsi été
sanctionnés ".
Donc, par une politique de conditionnalité et de
multiples pressions exercées sur les gouvernements africains, les
Etats-Unis ont contribué à la promotion de la démocratie
en Afrique. Toutefois, s'il est vrai comme nous venons de le constater que les
Etats-Unis et la France ont joué, volontairement ou non, un important
rôle en faveur de la démocratie en Afrique, comment comprendre
leur propension à soutenir ou à promouvoir une
indigénisation de la démocratie sur le continent ? Autrement dit,
les prises de position américaines et françaises en faveur de la
démocratie en Afrique ne sont-elles pas en réalité une
simple manière de contenter l'opinion publique africaine en mal de
changement ?
55
Paragraphe 2 : L'occident et la tropicalisation de la
démocratie en Afrique
Il est peut être contradictoire de parler d'occident et
de la tropicalisation de la démocratie. Car, la seule évocation
de l'occident nous fait penser à priori à la diffusion de
l'idéologie libérale. Seulement, dans leurs relations avec
l'Afrique, les démocraties occidentales, considérées
à tort ou à raison comme les défenseurs de la
démocratie, ont très souvent fait passer leurs
intérêts stratégiques avant la promotion des valeurs
démocratiques. En effet, selon Fogue Tedom (2008 : 139) :
" Le débat autour de l'intérêt et de la
nécessité de démocratiser le continent africain a souffert
des enjeux géostratégiques des principales puissances
occidentales engagées en Afrique. Dans ce débat, la
résistance française ou encore le revirement américain
lors de la tournée africaine de BILL CLINTON à Entebbe en Ouganda
en mars 1998 ne peuvent se comprendre qu'à l'aune de ces enjeux. La
démocratisation de l'Afrique implique une émancipation politique
des africains et le développement de leur esprit de discernement.
Dès lors, elle peut apparaitre dangereuse pour la réalisation de
certains des objectifs géostratégiques de ces puissances
".
C'est donc dire que c'est dans le souci de défendre ou
de promouvoir leurs intérêts stratégiques en Afrique que
les démocraties occidentales (France et Etats-Unis en l'occurrence) ont
soutenu l'idée d'une indigénisation de la démocratie en
Afrique. Aussi, verrons-nous que le discours progressiste du président
français François MITTERAND en 1990 à la Baule en France
n'était en rien un coup fatal porté à l'autoritarisme en
Afrique comme ont bien voulu nous le faire croire certains (A). Davantage, au
regard de l'attitude américaine visant elle aussi à faire passer
avant toute chose la défense de ses intérêts, les espoirs
de l'opinion publique africaine vis-à-vis de l'offensive
américainene risquent-ils pas d'être bafoués (B) ?
A. La Baule : une démocratisation en trompe
oeil
Convaincue que la démocratisation, synonyme de prise
de conscience de l'opinion africaine constitue une menace pour ses
intérêts en Afrique, sous la pression des populations africaines
et de l'ensemble de la communauté internationale, la France feint lors
de la conférence de la Baule de juin 1990 d'opter pour la
démocratisation du continent. En effet, la Baule est un soutien en
trompe oeil à la lutte pour la démocratie que les populations
africaines semblent déterminées à mener.
Prisonnière des considérations géostratégiques, la
France ne veut pas prendre le risque de soutenir la démocratisation du
continent, démocratisation susceptible de remettre en cause ses
intérêts sur le continent. Mais pour contenter l'opinion
africaine, elle adopte une posture progressiste. Pour Fogue Tedom (2008 : 109)
:
" Le discours de la Baule, abusivement et surtout
idéologiquement considéré comme " le détonateur du
processus de démocratisation en Afrique " (Michel ROUSSIN, Afrique
majeure, paris, Ed. France-Empire, 1997, pp 14-15), n'est rien d'autre qu'un
exercice géostratégique de transformation des contestations
politiques africaines du début des années 1990 au mieux des
intérêts de la France. En effet, redoutant les conséquences
de la montée incontrôlée de ces contestations pour les
pouvoirs qui lui garantissent un " patronage exclusif " dans ses anciennes
colonies et donc pour elle-même, la France était
stratégiquement dans l'obligation de donner l'impression à la rue
africaine qu'elle était à ses côtés. Dans le
même temps pour
des raisons géostratégiques, elle ne pouvait
courir le risque de voir les populations africaines devenir maitresse de leur
destin politique et par conséquent, les Etats de son
pré-carré s'émanciper de sa tutelle politique,
stratégique et économique au moment même où,
après avoir déclaré le nouvel ordre mondial, les
Etats-Unis venaient de proclamer la libre concurrence politique et
économique entre les anciens de la guerre froide ".
Lors de cette même conférence, le
président MITTERAND appelle à l'indigénisation ou à
la tropicalisation de la démocratie en affirmant, " Si la
démocratie est un principe universel, il ne faut pas oublier les
différences de structures, de civilisations, de traditions, de moeurs.
Impossible de présenter un système tout fait...La France n'a pas
à décider je ne sais quelle loi constitutionnelle qui
s'imposerait de facto à l'ensemble des peuples qui ont leur propre
conscience et leur propre histoire ".
Soulignant cette duplicité française, Jean
Pierre COT, ancien ministre français de la coopération affirmait
: "c'est très caractéristique de la politique française
(en Afrique) - et notamment celle de François MITTERAND - que de tenir,
d'un côté, un discours généreux, d'entretenir des
espoirs, et d'autre part, de pérenniser une pratique qui vise exactement
le contraire ". En clair, malgré ses prises de position en faveur de la
démocratisation du continent, la France devait garantir la survie de ses
" amis fidèles ", même au prix du maintien des Etats africains
dans l'immobilisme et l'archaïsme politique. De la survie politique des
régimes africains dépendait la survie des intérêts
français en Afrique.
C'est ce que confirme d'ailleurs l'étude des relations
qu'elle entretien avec ses partenaires africains depuis la décennie
1990. En effet, l'analyse des relations franco-africaine depuis cette
période laisse paraitre un soutien multiforme et quasi permanent de la
France aux régimes africains. Cela se vérifie par exemple
à travers l'élection présidentielle de 1992 au Cameroun. A
l'issue de cette première élection présidentielle
pluraliste, qui mettait aux prises Paul BIYA soutenu par la France et John FRU
NDI soutenu par la diplomatie américaine, élection favorable au
candidat Paul Biya. Le Floch Prigent, président d'ELF de l'époque
fait des déclarations selon lesquelles c'est avec l'appui de sa
compagnie que le président BIYA a pu s'imposer (Le Floch Prigent,
l'express du 12/12/1996, p.66).
Pareillement, au Congo, après la décision du
nouveau président élu, Pascal LISSOUBA, de vendre la part de
l'Etat congolais dans l'exploitation du principal gisement du pays à la
compagnie américaine OXY, Jusqu'à lors tenue à
l'écart de l'exploitation congolaise par l'ancien pouvoir au profit
exclusif de la compagnie française ELF, la France réussit
après de nombreuses tractations diplomatiques et économiques
à obtenir le rachat de la dette d'OXY. Mais, désormais, il est
clair que le nouveau président représente une menace pour la
sauvegarde des intérêts français au Congo. De ce fait, la
France s'arrangera à le faire partir. C'est ainsi qu'après une
première guerre civile en 1992, une seconde en 1998 aboutira au
renversement de LISSOUBA. Le rôle actif de la France dans ce renversement
semble se confirmer par les déclarations de Le Floch Prigent, lorsqu'il
affirmait que parmi ses missions diplomatiques en Afrique figurait le "maintien
du Congo dans ses liens avec la France (...) " (Cf. l'express 12/12/1996, pp
68-69).
Au regard de cette politique de deux poids deux mesures
menée par la France en Afrique, qui consistait à soutenir d'une
part, l'idée de la nécessité de la démocratisation
du continent, mais continuant paradoxalement à soutenir les
régimes africains d'autre part, on comprend très vite que Paris
est inscrit dans la dialectique des intelligences. En effet, la France n'est
pas prête à sacrifier ses intérêts
stratégiques en Afrique sur l'autel de la Démocratie.
D'ailleurs,
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sa maturité stratégique ne lui interdit-elle
pas de faire passer la promotion des valeurs démocratiques avant la
recherche et la sauvegarde de ses intérêts ? Qu'en est-il de
l'offensive américaine aux allures progressistes ?
B. Les Etats-Unis et l'indigénisatiïn de la
démïcratie en Afrique
Au-delà des apparences, et contrairement aux espoirs
que l'opinion publique africaine lui voue, l'offensive américaine sur le
continent est réfléchie et s'inscrit en droite ligne dans la
dialectique des intelligences, visant le renversement du " patronage exclusif "
des anciennes puissances coloniales et l'ouverture du marché africain
aux investisseurs américains. En effet, les Etats-Unis n'entendent pas
continuer à assister impassibles au partage du " gâteau africain "
par les différentes chancelleries européennes. Pour s'attirer un
certain capital de sympathie au sein de la population africaine, la diplomatie
américaine dans son ensemble feint d'adhérer à
l'idée de la nécessité de démocratiser le
continent. Seulement, les prises de position de l'ancien président
américain Bill CLINTON en faveur de la tropicalisation de la
démocratie, à ENTEBBE en OUGANDA en 1998, apparait comme un coup
fatal au processus démocratique laborieusement engagé sur le
continent.
C'est en effet pendant son voyage en Ouganda que Bill CLINTON
à l'occasion avait réuni autour de lui plusieurs chefs d'Etat
africains : l'ougandais Yoweri MUSEVENI, le congolais Laurent
Désiré KABILA, le Rwandais Pasteur BIZIMUNGU, le Kényan
Arap MOI et le Tanzanien Benjamin MKAPA déclarait qu' " il n'ya pas de
modèle établi pour les institutions ou la transformation
démocratique " (Fogue Tedom ; 2008 : 60). Le président
américain venait d'annoncer aux progressistes africains que son pays ne
pouvait sacrifier ses intérêts économiques sur l'autel de
la défense des libertés politiques en Afrique. En effet, " en
soutenant qu'il n'ya pas de model de démocratie, dans un réalisme
qui ne peut que renforcer la lecture essentiellement
géostratégique de l'action de tous les partenaires
étatiques étrangers de l'Afrique, Bill CLINTON, après les
puissances européennes responsables du " pouvoir de la minorité "
que la nouvelle politique africaine des Etats-Unis entendait combattre, venait
de souscrire lui aussi à une indigénisation de la
démocratie en
Afrique " (Fogue Tedom ; 2008 : 60).
C'est par exemple le cas au Cameroun où, après
la longue période de défiance qui a précédé
l'élection présidentielle de 1992, afin de mieux servir leurs
intérêts dans le pays, les Etats-Unis décident de changer
d'attitude et de cohabiter harmonieusement avec le pouvoir de Yaoundé.
Le soutien américain au régime du président Paul BIYA
s'illustre à la veille de l'élection présidentielle de
1997. Redoutant les trucages électoraux, l'opposition refuse de se
présenter devant les électeurs, tant que les garanties de
transparence ne seront pas données par le pouvoir. Dans l'espoir que les
Etats-Unis fassent pression sur le président BIYA pour garantir la
transparence du scrutin, un des leaders de l'opposition, Samuel EBOA rencontre
le successeur de Frances COOK (ancienne ambassadrice des Etats-Unis au
Cameroun) qui lui répond que, " c'est la stabilité politique du
Cameroun qui intéresse les Etats-Unis et non le soutien à tel ou
tel candidat ou formation politique " (Ela Pierre ; 2002 : 100). Selon Fogue
Tedom (2008 : 84) :
" La réponse du diplomate américain, en fait un
revirement au regard de 1992, (...) et annonçait par le fait même
le renoncement de son pays par rapport à sa volonté initiale et
officielle de ramener aux africains en même temps que le
libéralisme économique, la démocratie. Elle
dévoilait la réconciliation intervenue entre le gouvernement
camerounais et les intérêts américains. C'est donc sans
surprise qu'après la création en 1999 de la
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multinationale américaine EXXONMOBIL, fruit de la
fusion d'ESSO et de MOBIL, jusqu'ici limité en Afrique Noire dans le
raffinage et la distribution, on apprendra qu'elle a obtenu des
autorités camerounaises le permis de prospecter du pétrole sur
deux gisements off-shore : Ebodjé et Ebomé Marine ".
Au regard de ce qui précède, il ressort que
malgré leur contribution à la promotion voire à
l'enracinement d'un embryon de démocratie en Afrique, le principal souci
de la France était de sauvegarder ses intérêts, tandis que
pour les Etats-Unis, il était avant tout question de remettre en cause
la main mise européenne sur l'exploitation des richesses africaines. La
France et les Etats-Unis s'intéressent aux richesses africaines,
à la seule différence que la France veut garder la main mise sur
leur exploitation, alors que les Etats-Unis veulent avoir droit au chapitre.
Aussi les Etats-Unis cristallisent-ils leur critique autour de la politique
africaine de la France. Fondent leur offensive sur un discours sur la
démocratie, les droits de l'Homme et la bonne gouvernance. Se sentant
menacée par cette offensive américaine, la France feint elle
aussi de s'inscrire dans cette logique progressiste. En effet, le contexte de
démocratisation dans lequel intervient la mise en oeuvre de leur
nouvelle politique africaine les oblige à s'inscrire dans la dialectique
des intelligences. Feignant d'opter pour l'idée de la
nécessité de la démocratisation du continent, ils
continuent en fonction des circonstances et surtout chaque fois que leurs
intérêts l'exigent à soutenir les régimes africains
même autoritaires. Les donneurs de leçons se
révèlent être les meilleurs amis des régimes
dictatoriaux. Leurs différentes prises de position en faveur de la
démocratie ne constituent en réalité qu'une manière
subtile d'accroître leur capital de sympathie auprès des
populations africaines.
De ce fait, au vue de la percée chinoise sur le
continent, un conflit entre intérêts occidentaux et chinois sur le
continent est à prévoir. En effet, Il est évident que les
puissances occidentales qui profitaient du " consensus de Berlin ", et qui
s'appropriaient les richesses du continent africain ne la voient pas d'un bon
oeil, et ils ont dressé un certain nombre d'obstacles devant la Chine
pour l'empêcher de menacer leur position monopolistique. Obstacles
consistant pour l'essentiel à obscurcir au maximum l'offensive chinoise
en Afrique. En réalité, la pénétration chinoise en
Afrique dérange au plus haut point.
Au-delà de leur différence de posture
vis-à-vis de la démocratie en Afrique-contrairement aux
démocraties occidentales qui par un ensemble de conditionnalités
imposées aux pays africains prétendent soutenir l'idée de
la démocratisation de l'Afrique, la Chine, outre la non reconnaissance
de Taiwan, ne pose pas de conditions politiques à l'établissement
des relations diplomatiques avec ses partenaires africains- la Chine, tout
comme les puissances occidentales visent avant tout la défense de leurs
intérêts. En effet, selon Fogue Tedom(2008 : 158) : " A ce sujet,
il faut souligner que si les démocraties occidentales affirment soutenir
sans réserve l'opinion africaine qui aspire à la liberté,
exige les réformes démocratiques effectives et soulève la
question de la légitimité politique des gouvernants, dans les
faits, tétanisés par leurs intérêts
géostratégiques elles constituent au contraire un obstacle
à l'émancipation politique des africains (voir l'attitude de la
France dans la gestion de la succession du président togolais en 2005 ou
encore la complaisance des Etats-Unis face aux dérives autoritaires du
président MUSEVENI en OUGANDA). A partir de cette lecture, si le soutien
politique des autorités chinoises aux régimes africains
réfractaires aux réformes démocratiques est tout à
fait logique au regard de la nature autoritaire du gouvernement de
pékin, il est nécessaire de souligner que ce positionnement
chinois n'est différent qu'en apparence de celui de ses rivaux que sont
les démocraties occidentales ". C'est dire que même
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quand les valeurs sont présentées comme les
motivations dans la politique internationale, il faut être prudent, ne
pas prendre pour explication ce qui mérite explication.
Dans leur quête effrénée de
matières premières, ces puissances ont transformé
l'Afrique en un simple champ de manoeuvre où se déploient au
quotidien leurs conflits d'intérêts autour de la quête et du
contrôle des matières premières stratégiques
(pétrole en l'occurrence). Seulement, leurs luttes de positionnement
n'est pas sans effets sur la démocratie et la paix en Afrique.
CÏNCLUSIÏN GENERALE
Parvenus au terme de ce mémoire portant sur les : "
enjeux et jeux pétroliers chinois en Afrique : étude de
l'offensive chinoise dans le Golfe de Guinée ", il convient de
dresser un bilan et de fixer quelques perspectives.
La problématique de ce travail, faut-il le rappeler,
relevait de la place du Golfe de Guinée dans le redéploiement de
la nouvelle puissance chinoise en Afrique. En fait, il s'est agi, grâce
aux instruments des méthodes géopolitique et stratégique,
d'étudier outre les motivations profondes de l'offensive
pétrolière chinoise dans le Golfe de Guinée, le
déploiement stratégique de la Chine autour du pétrole. Il
s'est agi également de mesurer l'impact politique de cette offensive sur
l'avenir de la démocratie et de la paix en Afrique.
La question centrale du sujet fut donc la suivante : En quoi
est-ce que le Golfe de Guinée constitue à la fois un enjeu et un
terrain du jeu pétrolier chinois en Afrique ? Autrement dit, quelles
sont les raisons de l'offensive pétrolière chinoise et les
stratégies mises en oeuvre par pékin pour accéder aux
ressources africaines en général et au pétrole du golfe de
Guinée en particulier? Davantage, hormis la non reconnaissance de
Taiwan, Pékin ne s'encombrant pas de conditions politiques à
l'établissement des relations diplomatiques avec ses partenaires
africains, quel peut être l'impact d'une telle attitude sur
l'évolution de la démocratie et de la paix en Afrique ? Au total,
doit-on se réjouir ou redouter la dynamique chinoise autour du
pétrole africain ?
A cette question centrale, nous avons émis une
hypothèse principale qui postulait que, du fait de la place qu'elle
occupe désormais dans l'économie mondiale, la Chine nourrit des
ambitions de grande puissance. Sa dépendance énergétique
l'amène à reconsidérer sa politique vis-à-vis de
l'Afrique. Le Golfe de Guinée, espace qui jouit d'un potentiel
énergétique important et d'une position
géostratégique indéniable, ne pouvait que susciter ses
appétits. Par une offensive politique, économique, diplomatique
et militaire, pékin entend investir le Golfe de Guinée afin de
s'assurer entre autre, le contrôle et l'exploitation des matières
premières en présence, le pétrole en l'occurrence.
Seulement, engagé dans cette entreprise stratégique, pékin
se soucie peu du respect des valeurs démocratiques et des droits de
l'Homme. Pékin n'a en effet pas la réputation d'être un
grand défenseur de la démocratie et des droits de l'Homme. Le
soutien politique qu'il apporte aux régimes africains peut
s'avérer être une sorte de caution à leur gestion, les
conforter dans leur immobilisme politique, constituant ainsi une menace pour la
démocratie et la paix.
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Au terme d'un tel processus, après enquête et
analyse visant à vérifier notre hypothèse initiale, les
informations collectées, traitées et organisées dans ce
mémoire nous conduisent aux conclusions suivantes, dont le
caractère partiel et précaire est évidemment de
mise.
1) La Chine, manufacture du monde, dont la consommation de
pétrole, de gaz naturel et de charbon est bien supérieure
à la production de ses combustibles, se heurte à un
déficit énergétique croissant. Pour faire face à sa
dépendance croissante vis-à-vis du pétrole, pékin
relance, depuis les années 2000, sa longue marche commerciale et
stratégique pour diversifier ses sources d'approvisionnement à
travers le monde. Quasiment absente de l'Afrique, il ya à peine 25 ans,
la Chine est aujourd'hui le troisième partenaire commercial de l'Afrique
et un acteur important sur le continent dans le domaine
énergétique. Comme le souligne Valérie Niquet, directrice
du centre Asie de l'Institut Français des Relations Internationales
(IFRI), la Chine dont la croissance demeure particulièrement gourmande
en énergie et en matières premières trouve en l'Afrique un
nouveau grenier où s'approvisionner en pétrole. La
présence chinoise actuelle en Afrique est une affaire
d'intérêts. En effet, "la quête de ses intérêts
l'oblige à passer par l'Afrique". Plus de 30 % des importations
chinoises de pétrole proviennent actuellement de l'Afrique, dont la
majorité du Golfe de Guinée. C'est donc cette boulimie
énergétique de la Chine qui l'a conduit à lancer cette
offensive pétrolière en Afrique en général et dans
le Golfe de Guinée en particulier.
2) Dans la nouvelle ceinture pétro stratégique
qu'est le Golfe de Guinée, les atouts du pétrole et de la
région, couplés au déficit d'autonomie politique et
stratégique dont souffrent les Etats de la sous région
constituent à l'analyse le modus vivendi de cette offensive chinoise. En
effet, le Golfe de Guinée semble désormais être, du fait de
la place qu'il occupe dans la géopolitique pétrolière
mondiale, notamment dans la politique de diversification des sources
d'approvisionnement énergétique des grandes puissances
industrielles un point névralgique de la scène
pétrolière internationale. Aussi, la Chine, puissance
émergente, boulimique en matières premières
espère-t-elle y satisfaire ses importants besoins
énergétiques, surtout quand on sait qu'en raison de leur
extraversion étatique, la plupart des dirigeants des pays de la sous
région sont prompt à servir les intérêts
étrangers une fois qu'ils obtiennent en retour de leurs partenaires
extérieures la garantie d'une " assurance vie politique ".
3) Pour s'octroyer le pétrole du Golfe de
Guinée, pékin fait preuve d'un réalisme et d'un
pragmatisme à nul autre pareil, use des moyens aussi bien politique et
économique, que diplomatique et militaire.
Au niveau politique, l'Empire du milieu use d'une
neutralité bienveillante et met en avant l'un des principes
sacrés de la coexistence pacifique, celui de la non-ingérence
dans les affaires intérieures des Etats avec lesquels elle
coopère (Chomtang Fonkou ; 2007 : 123).
Au niveau économique, la Chine la Chine fait preuve
d'une habileté déconcertante, en faisant reposer son offensive
pétrolière sur une politique de dotation infrastructurelle. En
échange des importations de pétrole, la Chine, offre à ses
partenaires africains des infrastructures, si importantes pour leur
développement (routes, voies ferrées, hôpitaux,
écoles,...). Même si la qualité de ces infrastructures est
très souvent remise en question, cette politique clientélaire a
permis à la Chine de remettre en cause le leadership des puissances
occidentales sur le contrôle et l'exploitation des matières
premières stratégiques et de se hisser parmi les principaux pays
importateurs du pétrole africain.
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Sur le plan diplomatique, la Chine a su faire preuve d'une
subtile diplomatie adaptée aux circonstances. En effet, en fonction des
besoins conjoncturels des pays concernés, Pékin a subtilement mis
en oeuvre une réponse diplomatique adéquate. Ce qui au finish lui
a permis de resserrer les liens avec ces pays et à accéder aux
ressources naturelles (le pétrole en l'occurrence), dont son industrie
est si demandeuse.
Sur le plan militaire enfin, l'offensive chinoise a reposer
sur une politique consistant à la fois à tronquer du
matériel militaire contre des importations de pétrole, et
à la formation du personnel militaire africain.
4) L'offensive pétrolière chinoise dans le
Golfe de Guinée, eu égard au soutien accordé par
Pékin aux régimes africains en indélicatesse avec la
communauté internationale pour des raisons de non respect des droits de
l'Homme, ne sera pas sans effets sur l'avenir de la démocratie et de la
paix. En effet, dans un contexte où les régimes africains sont au
quotidien fustigés par l'ensemble de la communauté internationale
pour leur gestion rudimentaire du pouvoir, le soutien de la Chine semble
constituer pour ces derniers une sorte de " bouée de sauvetage ".
Confortant ainsi ces dirigeants dans leur logique de pouvoir perpétuel.
Par ce comportement, la Chine est restée fidèle à une
logique qui lui est propre, son idéologie et le réalisme dans les
relations internationales. En s'inscrivant dans cette logique, la Chine
n'innovait aucunement, les puissances occidentales avant elle, avaient et
continuent d'ailleurs à faire passer avant toute chose la promotion de
leurs intérêts. En effet, nul besoin de se le cacher, sur la
scène internationale, la promotion des intérêts surpasse
celle des valeurs.
En somme, l'examen de l'offensive pétrolière
chinoise dans le Golfe de Guinée soulève quelques
inquiétudes. En effet, dans sa détermination à
accéder par tous les moyens au pétrole de la sous région,
la Chine risque de se comporter comme un éléphant dans un magasin
de porcelaine et annihiler les efforts de démocratisation laborieusement
entamés sur le continent depuis les années 1990. Par ailleurs, la
vente incontrôlée d'armes à des régimes africains
décriés risque de raviver plusieurs foyers de tension et plonger
à nouveau le continent dans une instabilité endémique. Au
demeurant, la Chine semble avoir la même carte de l'Afrique que les
puissances Européenne et américaine : celle du pétrole et
des mines. Leur déploiement dans le Golfe de Guinée à
l'aube du 21e siècle n'a donc rien d'anodin, et l'on craint
à la longue une nouvelle forme de pillage des ressources du continent
par le géant asiatique (Chomtang Fonkou ; 2007 : 124), ceci avec la
complicité bienveillante des autorités politiques locales. Face
à cette offensive chinoise aux allures "messianiques", les africains
devraient restés très lucides, éviter de se laisser une
fois de plus embobiner. Eviter que leurs partenaires extérieurs en
général ne transforment le continent en simple réservoir
de matières premières et en déversoir de produits
manufacturés. Le modèle chinois et ses effets présents et
potentiels en Afrique noire peuvent être comparés à une
symphonie politique et économique déjà jouée par
les anciennes puissances occidentales.
Avec l'arrivée ou l'entrée en scène du
géant asiatique, nous assistons à une intensification du pillage
des ressources pétrolières africaines. Les questions que nous
devons dès lors nous poser sont les suivantes :
- comment préserver l'Afrique de ce pillage ?
- comment tirer profit au maximum de la manne
pétrolière ?
- comment rendre ce partenariat avec la Chine
véritablement gagnant-gagnant ?
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