DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE EN
DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
DES RESSORTISSANTS CONGOLAIS »
DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC B.P. 1825
LUBUMBASHI
Travail
du titre de gradué en droit
Par TSHILUMBA MBENDELA Manoah
NOVEMBRE-2020
de fin de cycle présenté en vue de
l'obtention
: « CAS
DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC B.P. 1825
LUBUMBASHI
DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE EN
DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
: « CAS
DES RESSORTISSANTS CONGOLAIS »
Par TSHILUMBA MBENDELA Manoah
Travail de fin de cycle présenté en vue de
l'obtention
du titre de gradué en droit
Directeur : MUNDALA MUNDALA
Dieudonné
Chef de travaux
ANNEE ACADEMIQUE 2019-2020
EPIGRAPHE
« Le Droit international est, pour les Etats, non
seulement, un ensemble normatif, mais aussi un langage commun »
BOUTROS BOUTROS Ghali. Diplomate
II
IN MEMORIAM
A mon feu père Jean-Marc TSHILUMBA KAZADI; Au
regretté papa François MPINDA LWANYI
III
DEDICACE
A Dieu, maître des temps et des circonstances, le
créateur de toute chose;
A ma mère Joëlle DITEMB KAMONG, pour l'amour et le
soutien indéfectible qui ont
été témoignés à notre personne.
Nous dédions le présent travail
TSHILUMBA MBENDELA Manoah
IV
AVANT-PROPOS
Au terme de ce travail sanctionnant la fin du premier cycle de
nos études de Droit, à l'université de Lubumbashi, notre
joie est immense de constater que l'aboutissement du présent travail est
la résultante d'un travail acharné mais surtout d'un courage
inouï et enfin d'une persévérance hors pair que nous
parachevons cette première étape.
L'homme est un être sociable, la nature l'a fait pour
vivre avec ses semblables donc en communauté. Il a tendance à se
rapprocher des autres, car aucun homme ne peut par ses efforts personnels
devenir érudit.
Le moment est venu de m'acquitter d'un devoir moral, celui de
remercier tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, de près ou
de loin ont participé à la rédaction de cette oeuvre
scientifique. Sur ce, nos remerciements vont à toutes les
autorités académiques notamment : les assistants, les chefs de
travaux et les professeurs qui ont garantie notre bonne formation. Une
pensée particulière au chef de travaux Dieudonné MUNDALA
qui en tant directeur a accepté de nous prendre sous son aile dans le
cadre de la direction de ce travail malgré ses multiples occupations,
pour ses conseils et remarques avisés, qu'il reçoive ici nos
sentiments de profonde gratitude.
Je pense ici à mes frères et soeurs : Eliakim
TSHILUMBA MURUND, Aurélie KASHIKU, Leticia TSHILUMBA, Alex ETINDA, Babou
KAZADI; A Joe CHANG, Rebecca KALAPWE, Adjani MBOMBO, Orsenna KAZADI, Yakin
NDYANIAMA, Osée DUKU et à Rodly YAV pour l'encouragement
témoigné à notre modeste personne;
A tous mes amis Arvie LIYEKE, Exaucé MULUMBA, Merveille
BUNGA, Esther KASONGO, Eiffel LUZAISU, Glody MAKABI;
Il serait égoïste de ne dire mot quant au couple
Claude MUTATCH et Marlyne MANKAND qui nous a toujours soutenu dans cette voie
;
A mes oncles et tantes : Aline MUSHIND, Karine VIANNEY, John
MBAV;
Et à vous mes frères d'armes: Jephté
NZANZU, Anicet NGOY, Gracia MAMBEMBE, Gédéon AKEMBA,
Eugène BANZA, Isaac NGOYI, Nephtalie MUYUMBA, Grace OLONGO, Micheline
LINGOLI, Princesse LAKU, Lévi LIANDJA, Raphaël MAPELA, Kevine
NGOYI, Merveil NDUMBI et Jean TSHIULA.
Enfin, je remercie Me Gustave MULUMBATI, les magistrats Serge
EBONDO et Vincent MULUNDA pour le soutien et l'encouragement.
Aux amis et connaissances tous mes sentiments de
reconnaissance. Je vous prie de ne pas m'en vouloir si vos noms ne sont pas
mentionnés sur cette page mais ils sont gravés dans les
profondeurs de mon coeur.
V
LES PRINCIPAUX SIGLES UTILISES
l A.F.D.I : Annuaire français de droit
international
l Ann I.D.I : Annuaire de l'Institut de droit
international
l Ann.: Annuaire
l Art: Article
l C.D.I: Commission de droit international
l C.I.J: Cour internationale de justice
l C.P.I.J: Cour permanente de justice internationale
l Coll.: Collection
l D.I : Droit international
l D.I.P : Droit international public
l I.R.E.S: Initiation à la recherche scientifique
l J.C.L : Juris-Classeur
l Op.cit. : Opus citatum
l p.: Page
l P.U.F : Presses universitaires de France
l Par. : Paragraphe
l Pp. : Pages
l R.C.A.D.I : Recueil des cours de l'Académie de droit
International de La Haye
l R.C.A.D: Recueil des cours de l'académie de droit
international public
l R.D.C: République Démocratique du Congo
l R.G.D.I.P: Revue générale de droit
international public
l R.J.D.I : Revue de jurisprudence de droit des affaires
l Rec. : Recueil
l Recueil C.I.J : Recueil des arrêts de la Cour
International de justice
l S.A : Sentences arbitrales
l U.C.L : Université catholique de Louvain
l U.N.I.K.I.N : Université de Kinshasa
l U.N.I.L.U: Université de Lubumbashi
l Vol : Volume
1
INTRODUCTION GENERALE
1 PRESENTATION DU SUJET
Le droit international public a été
conçu par des Etats pour des Etats1. Pendant longtemps, seuls
les Etats pouvaient être sujets de droit international.
Jusqu'au début du XXème
siècle, l'on pouvait encore définir ce droit comme «
l'ensemble des principes admis par les nations civilisées et
indépendantes pour régler les rapports qui existent ou peuvent
naître entre elles »2. C'est une
manière d'aborder la société internationale et ses
membres.
Actuellement, le caractère du droit international a
évolué d'une manière considérable; de nouveaux
sujets du droit international ont vu le jour, de nouveaux domaines ont
été réglementés par ce dernier.
Le caractère évolutif dudit droit a mis en
exergue de nouvelles notions de droit qu'il faudrait désormais prendre
en considération. A côté des Etats, les organisations
internationales et même les individus ont eu une place de plus en plus
importante dans le droit international3. Ce droit ne s'est pas
limité qu'à régler seulement les relations
interétatiques. Ainsi, la controverse existante entre divers auteurs sur
la représentation de l'individu comme ou non sujet de droit sur la
sphère internationale n'est pas avantageuse.
Il existe bon nombre de cas où un individu se sent
léser dans ses droits propres par les autorités d'Etats
étrangers sur le territoire duquel il réside ou celui sur lequel
il a élu domicile, il fait appel à son Etat d'origine pour
prendre fait et cause en sa faveur en vue de défendre ses droits
farouchement bafoués.
Au regard du droit international public, tout Etat est
considéré comme étant souverain et mis sur un même
pied d'égalité que les autres Etats, qu'il soit grand ou petit,
riche ou pauvre. Toute la doctrine ainsi que la jurisprudence internationale,
s'accordent à reconnaître que l'Etat, en tant qu'entité
souveraine, se caractérise par la réunion de trois
éléments constitutifs et cumulatifs que sont : la population, le
territoire et l'autorité publique4.
1 Cfr., Dictionnaire « ABC du droit
international », éd. Département fédéral des
affaires étrangères, p.4 en ligne sur
www.admin.ch/eda/fr
consulté le 8/01/2020.
2 IAN GORUS cité par JOSEPH Baciseze, la
protection internationale de l'individu comme sujet du droit international :
cas des minorités et réfugiés, mémoire de licence,
Faculté de droit, UNILU, 2008, p. 1.
3 Ibidem
4 Bertrand BAUCHOT, « La protection diplomatique
des individus en droit international, mémoire de DEA, faculté des
sciences juridiques, politiques et sociales, université de Lilles II,
2001-2002, p.8 ;
2
Dans le cadre de cette étude, nous allons nous
intéresser plus particulièrement à l'élément
population de l'Etat5.
Selon MUSAFIRI NALWANGO6, la population constitue
aussi l'ensemble des individus soumis à l'autorité de l'Etat.
C'est dans cette perspective d'idée que l'Etat n'aura pour mission
principale que de protéger les individus qui le composent, où
qu'ils soient à condition qu'ils soient ses nationaux.
Il existe donc, à la charge de l'Etat une obligation
générale de protéger ses nationaux. En d'autres termes, il
incombe à l'Etat la charge de garantir la protection de ses
ressortissants partout où ils se trouveront.
2. CHOIX ET INTERET DU SUJET
1.1.Choix du sujet
Le choix axé sur ce sujet n'est pas fortuit, il est le
fruit d'une longue réflexion mûrie et a été
motivé par une raison valable telle que la représentation des
congolais comme sujets de droit international par rapport aux conflits
interétatiques.
1.2.Intérêt du sujet
Il sied de signaler que l'intérêt de notre sujet
portera sur deux points essentiels à savoir: Sur le plan pratique et sur
le plan scientifique.
l Au niveau pratique
Cette étude contribuera à la
sécurité de personnes vivantes à l'étranger dans la
mesure où elle tente d'apporter une contribution à la recherche
d'un cadre juridique sécuritaire à l'égard des
ressortissants résidant dans un Etat autre que le leur.
l Au niveau scientifique
Ce travail servira de documentation et posera les jalons pour
tous les chercheurs qui s'intéresseront à des sujets similaires.
Ainsi, notre travail est d'un apport considérable dans le monde
scientifique car il répondra à certaines préoccupations et
questions que regorge la protection diplomatique.
5 Dans la même optique, cette étude
entend par « nationaux », de manière générale,
les personnes physiques. Quand une affaire citée aura trait à une
personne morale, il le sera précisé.
6 Paul MUSAFIRI, cours de droit constitutionnel :
Théorie générale, G1 Droit, UNILU, p.7, inédit
3
3. ETAT DE LA QUESTION
Pour l'élaboration de ce travail, nous n'avons pas la
prétention d'être la première personne à porter
notre choix sur ce thème. Il serait donc scientifiquement
malhonnête de prendre l'originalité de cette étude. Ainsi,
il est plus souvent recommandé au chercheur de passer en revue les
autres travaux similaires.
De ce fait, nous ne passerons pas outre cette exigence
scientifique, certains hommes de science ont essayé d'aborder ce
thème sous différents angles bien avant nous.
L'état de la question se définit comme un
relevé de publications antérieures qui, de manière directe
ou indirecte, ont porté sur le même thème et non sur le
sujet que celui abordé par l'auteur7.
1. Bertrand BAUCHOT8 estime que la protection
diplomatique a, au fil des temps et de par l'action des Etats, acquis une
importance telle que l'on peut aisément avancer l'idée d'une
véritable institutionnalisation de la matière, du moins de sa
reconnaissance générale et universelle. Elle se justifie
également par ce lien de souveraineté que chaque Etat exerce sur
ses ressortissants. Ce lien d'allégeance, c'est le lien de
nationalité, qui sera récurrent dans l'étude de
l'institution de la protection diplomatique.
En effet, le lien de souveraineté de l'Etat
confère à celui-ci le droit de protéger ses nationaux
partout où ils se trouvent sur base de la compétence personnelle,
qu'il exerce sur chacun d'eux. Il nous revient de dire que la protection
diplomatique est assujettie à certains rouages qui entravent sa bonne
exécution, il nous revient le droit de trouver des solutions
adéquates en vue de pallier ce problème.
2. Selon Sébastien TOUZE9, la protection
diplomatique, procédé de mise en oeuvre de la
responsabilité internationale, est traditionnellement envisagé
sous l'angle de la théorie du droit propre de l'Etat.
Certes, par rapport à l'idée
susmentionnée par cet auteur, le présent travail a pour
démarcation de mettre en jeu les moyens juridiques pouvant encadrer
l'institution de la
7 KALUNGA TSHIKALA cité par Simplice KWANDA,
« Notes de cours d'initiation à la recherche scientifique »,
G2 Droit inédit, UNILU, 2018-2019, p.53.
8 Bertrand BAUCHOT, op.cit., p.9
9 Sébastien TOUZE, la protection des droits des
nationaux à l'étranger: recherches sur la protection
diplomatique, thèse de doctorat, Paris, Pedone, 2006 en ligne sur : www
:
thèses.fr consulté le
08/08/2020.
4
protection diplomatique, droit de l'Etat par rapports aux
droits de ses nationaux qu'il compte faire valoir.
3. D'après John DUGARD10 , la protection
diplomatique demeure toutefois un mécanisme de droit international
auquel l'Etat continue de recourir pour veiller à ce que ses
ressortissants à l'étranger soient traités de façon
favorable.
Cependant, lorsqu'on veut examiner de nos jours la
manière dont la protection diplomatique s'applique et
s'appréhende, l'on se rend compte que l'individu se retrouve insatisfait
en fin de procédure lui, qui au départ était au coeur de
cette action judiciaire internationale.
4. De sa part Louis CAVARE11 pense que la
protection diplomatique est tout d'abord un procédé diplomatique
reconnu dans certaines conditions par le droit international positif pour
assurer la réparation des torts causés à un individu
établi sur le territoire d'un Etat autre que le sien. Elle fait
paraître, avant tout, un rapport entre deux Etats, l'Etat auteur du
dommage causé à l'individu, sur le territoire duquel se trouve ce
dernier et l'Etat d'origine de l'individu lésé qui intervient
pour protéger son ressortissant.
Eu égard à ce qui précède, nous
estimons que la considération actuelle de la protection diplomatique se
caractérise par le singularisme déficitaire, qui s'accompagne des
manoeuvres qui ne permettent pas la réalisation d'une protection
efficace de l'individu. Notre travail milite pour une sécurité
juridique internationale de l'individu.
5. Pour Paul De VISSCHER12, la protection
diplomatique est prise comme une institution coutumière en vertu de
laquelle tout Etat souverain est habilité à réclamer
réparation des violations de droit international commises par un Etat
étranger au préjudice de ses ressortissants.
Ayant compris l'idée de l'auteur suscité, la
protection revêt des aspects entièrement nouveaux qui doivent
tenir compte de la métamorphose ou de l'évolution des choses et
son amélioration doit avoir comme préoccupation première
la réparation du préjudice subi par l'individu
lésé.
10 John DUGARD, Articles sur la protection
diplomatique, faculté de Droit, Université de Leyde, United
Nations, 2014, p.2,
11 Louis CAVARE, les transformations de la protection
diplomatique, Faculté de droit, RENNES, 1958, p.55 en ligne sur
www.zaoerv.de consulté
10/08/2020.
12 Paul De VISSCHER, « Cours
général de droit international public », R.C.A.D. II, 1972,
vol. 136, p.154.
5
A notre humble avis, nous estimons que la protection
diplomatique est une innovation en droit international, elle est un
mécanisme de mise en oeuvre de responsabilité internationale
consistant à la substitution de l'individu lésé à
son Etat d'origine qui endosse la responsabilité de faire valoir ses
droits en prenant fait et cause pour celui-ci. Droit propre de l'Etat, ce
dernier doit prendre à coeur le plus grand bien de ses nationaux en vue
d'une réparation efficiente en cas de dommage subi par ces derniers.
3. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES
a. PROBLEMATIQUE
L'étude scientifique suscite dans le chef du chercheur
plusieurs questions auxquelles il doit répondre avec congruence pour
qu'elle soit considérée comme telle.
La problématique désigne l'ensemble des
questions posées dans un domaine donné de la science en vue d'une
recherche des solutions dans l'hypothèse13 et on peut aussi
la considérer comme étant la question principale que l'auteur se
pose et à laquelle il entend répondre au bout de ses
recherches14.
Le droit international a longtemps été
caractérisé par la présence des Etats comme sujets, les
individus ont l'aptitude de mettre en oeuvre la responsabilité
internationale.
L'idée selon laquelle : les particuliers ne sont pas
des sujets du droit international était dominante à
l'époque des discussions qui précédèrent la mise en
place de la première juridiction internationale, ayant comme fondement
l'Art.34 du statut qui consacra la règle selon laquelle : seuls les
Etats ont qualité pour se présenter devant la
Cour15.
Toutefois, la Cour internationale de justice eût
à connaître plusieurs litiges impliquant des personnes
privées ou des particuliers. C'est le cas de l'affaire du Vapeur
WIMBLEDON, le dommage survenu en raison du traité de Versailles par
l'Allemagne, avait été dans les faits, supporté par la
société des « affréteurs réunis
»16. A partir de ces instants, l'individu comme
personne physique a pris place sur la scène internationale.
Ainsi, l'Etat qui entend exercer la protection diplomatique
sur un de ses nationaux, doit trouver dans le chef de ce dernier un
comportement qualifié d'irréprochable. C'est la théorie
des mains propres.
13 Simplice KWANDA, op.cit., p.54.
14 KALUNGA TSHIKALA, Rédaction des
mémoires en Droit, guide pratique. Coll. Lubumbashi, 2012, p.16,
inédit
15 Art.34 du statut de la Cour internationale de
justice.
16 C.P.I.J, Affaire Vapeur WIMBLEDON,
arrêt du 17 Aout 1923
6
L'individu ne pourra faire appel à son Etat d'origine
qu'à condition que son comportement ne lui soit pas
préjudiciable. Si son comportement semble dommageable,
répréhensible ou pénalement condamnable, il ne fera aucun
doute que l'Etat se désiste d'exercer la protection diplomatique en sa
faveur, la jurisprudence est assez abondante à ce point17. Le
non-respect de cette obligation entraîne donc le refus de l'accord de la
protection diplomatique.
En résumé, l'Etat n'endosse la
réclamation et ne protégera son ressortissant que si, et
seulement si, ce dernier est son national, qu'il s'est comporté
dignement c'est-à-dire d'une manière telle qu'aucune remarque ne
peut lui être faite et qu'au préalable il a voulu régler le
litige par voie légale. C'est alors en fonction de ces conditions
cumulatives qu'un Etat jugera, par son pouvoir discrétionnaire,
d'amorcer une telle protection à l'égard de son national.
Comme susmentionné, la place de l'individu en droit
international est donc incertaine par le simple fait qu'il soit actuellement un
sujet sur le plan international. Plusieurs facteurs ont valu à
l'individu la reconnaissance de certains droits sur la sphère
internationale, notamment les discriminations de la seconde guerre mondiale.
Dès les années cinquante, s'est
développé et a été reconnu, sous l'impulsion
à la fois des Etats et de nouvelles organisations internationales, toute
une série de droits et libertés fondamentaux inhérents
à la personne humaine18.
»20.
En 1956, le rapporteur spécial de la C.D.I, Amador,
déclarait que la notion classique des sujets de droit international
était devenue incompatible avec le droit international
actuel19 et affirmait en effet que « le droit actuel
reconnaît que l'individu et d'autres sujets, peuvent directement
être titulaires de droits internationaux (...)
De par l'affirmation internationale de ces droits, l'individu
s'est vu, non pas reconnaître un statut propre, mais reconnaître un
certain nombre de droits que l'on qualifie de naturels.
En raison de sa compétence personnelle et de sa
compétence territoriale, c'est à l'Etat que revient le pouvoir
exclusif d'agir à la place des individus, nationaux ou étrangers,
qui
17 Donante, la protection diplomatique des
individus en droit international : « cas de l'Affaire Ahmadou Sadio Diallo
», mémoire de licence, UNILU, p.8.
18 Ainsi, la déclaration universelle des
droits de l'homme fut adoptée en 1948, tandis que deux ans plus tard,
sous l'impulsion du Conseil de l'Europe, fut rédigée la
Convention européenne des droits de l'homme.
19 F.V.GARCIA Amador, Premier rapport sur la
responsabilité de l'Etat, Ann. C.D.I., 1956, vol. II, pp. 176 en ligne
sur
www.un.org/law/french/ilc/index.htm
consulté le 09/02/2020.
20 Ibidem.
7
vivent sur son territoire. Or, il est évident qu'aucun
Etat n'arrive à exercer par sa propre législation ordinaire et
constitutionnelle, à elle seule, une protection
efficace21.
Partant de ce constat étayé avec tous ces
éléments mentionnés, notre problématique sera
axée autour des préoccupations ci-après :
l La protection diplomatique est-elle un mécanisme
satisfaisant de protection de l'individu en droit international ?
l Existe-t-il des cas illustratifs de la protection
diplomatique en faveur des ressortissants congolais ?
b. HYPOTHESES
L'hypothèse du travail est une réponse
provisoire aux questions de la problématique. Elle sert de guide, car
elle est une proposition des questions posées dans la
problématique22.
Pour QUIVY et COMPENDHOUDT, elle est une proposition qui
anticipe une relation entre deux termes qui, selon le cas peuvent être
des concepts ou des phénomènes23.
Telle que définie, notre hypothèse a pour
rôle essentiel de nous éclairer pendant notre enquête en vue
d'y apporter une solution, dans le cas d'espèce.
Si l'utilité de la protection diplomatique n'est pas
mise en doute, force est de constater que cette institution a toujours fait
l'objet de vives critiques. L'un des premiers reproches lui adressés
était son caractère discriminatoire et inégalitaire: seuls
les Etats puissants étant en mesure de la mettre en oeuvre à
l'encontre des plus faibles24.
Elle aurait donc un caractère profondément
inégalitaire, puisque la personne humaine a la possibilité de
voir sa cause internationalisée ou non en fonction de l'État dont
elle relève par le lien de nationalité.
J.R. DUGARD écrit à cet égard que «
Dans la pratique, ce sont avant tout les nationaux des Etats occidentaux
puissants qui ont bénéficié de ce privilège, car
c'était les Etats qui étaient toujours prêts à
intervenir pour protéger leurs nationaux quand le
21 NGUYEN et alii, cité Joseph BACISEZE, la
protection internationale de l'individu comme sujet du droit international :
cas des minorités et des réfugiés, mémoire de
licence, UNILU, 2008, p.9.
22 Madeleine GRAWITZ cité par MPALA MBABULA,
pour vous chercheurs, coll. Lubumbashi, 2014, p.17
23 QUIVY et COMPENDHOUDT cités par Simplice
KWANDA, op.cit., p.55
24 Mohamed BENNOUNA, rapport préliminaire sur
la protection diplomatique, Ann. C.D.I, 1998, p.319 en ligne sur
www.un.org/law/ilc
consulté le 09/02/2020
8
traitement qui leur était réservé ou
infligé n'était pas conforme aux normes ordinaires de la
civilisation, qu'ils fixaient eux-mêmes. »25
Dans le même ordre d'idée, le juge Padilla NERVO
a dénoncé cette situation en ces termes : « L'histoire
de la responsabilité des Etats étrangers, en matière de
traitement des étrangers, est une suite d'abus, d'ingérences
illégales dans l'ordre interne des Etats faibles, de réclamation
injustifiés, de menaces et même d'agressions militaires sous le
couvert de l'exercice des droits de protection, et de sanctions imposées
en vue d'obliger un gouvernement à faire les réparations
demandées. » 26
Il était inévitable qu'ainsi appliqué, le
principe de la protection diplomatique finisse par être
considéré par les nations en voie de développement et
conçu comme un exercice discriminatoire du pouvoir que comme un moyen de
protéger les droits de l'homme des étrangers. Cette situation a
donné naissance à la doctrine Calvo que nous aborderons plus
loin.
Attribut, de la souveraineté de l'Etat, l'exercice de
la protection diplomatique relève de son pouvoir
discrétionnaire27. L'Etat est par conséquent libre
d'accepter ou de refuser d'exercer la protection diplomatique, voire d'y
renoncer en cours de procédure pour des raisons d'ordre politique ou
diplomatique, sans devoir fournir aucune justification.
Du fait que ce soit son droit propre qui est en jeu, et non
celui de l'individu, il parait assez logique qu'il possède le pouvoir de
décision à savoir si oui ou non il activera ce
mécanisme.
Ce principe est également rappelé dans plusieurs
jurisprudences de la C.I.J. C'est le cas de l'affaire Barcelona Traction
: «... dans les limites fixées par le droit international, un
Etat peut exercer sa protection diplomatique par les moyens et dans la mesure
qu'il juge appropriées, car c'est son droit propre qu'il fait valoir. Si
les personnes physiques ou morales pour le compte de qui il agit estiment que
leurs droits ne sont pas suffisamment protégés, elles demeurent
sans recours en droit international. En vue de défendre leur cause et
d'obtenir justice, elles ne peuvent que faire appel au droit interne, si
celui-ci leur en offre les moyens. L'Etat doit être
considéré comme seul maitre de décider s'il accordera sa
protection, dans quelle mesure il le fera et quand il y mettra fin. Il
possède à cet égard un pouvoir
25 John DUGARD, op.cit. p.226
26 C.I.J, Affaire Barcelona Traction, Light and
Power Company, Limited, deuxième phase, Recueil 1970, p.246,
opinion individuelle du juge Padilla Nervo
27 G. SCELLE cité par BORSUS
Hélène., La place de l'individu dans le système de la
responsabilité international, master, faculté de droit, UCL,
2015-2016, p.14 en ligne sur
http://hdl.handle.net/2078.1/thesis:3779
consulté le 11/02/2020.
9
discrétionnaire dont l'exercice peut dépendre de
considérations, d'ordres politiques notamment, étrangers au cas
d'espèce. Sa demande n'étant pas identique à celle du
particulier (...) dont il épouse la cause, l'Etat jouit d'une
liberté d'action totale »28.
Certains auteurs arguent que le bien-fondé de ce
pouvoir discrétionnaire ou de cette large appréciation serait le
fait qu'un ressortissant réclame la protection à mauvais escient
ou qu'une plainte soit sans fondement, afin d'éviter qu'il mette l'Etat
dans la position d'une plainte futile devant la C.I.J29.
Cette raison n'est pas assez valable dans la mesure où
l'Etat se doit de répondre aux besoins de ses nationaux en faisant
valoir leurs droits puisqu'ils ont été lésés eux en
premier lieu et non l'Etat.
Le cas échéant, la réparation sera
versée à l'Etat, en raison d'une violation indirecte de ses
droits, sans considération de la violation directe des droits de
l'individu. Cela est dû au manque d'une norme juridique qui encadre
l'action du pays qui compte protéger son national afin d'apporter une
certaine sécurité à ce dernier. Sous cet aspect,
l'individu lésé disparait complètement de la
procédure.
En somme, le fait que l'exercice de la protection diplomatique
soit laissé d'une certaine manière aux pays puissants (forts
économiquement) met en péril les droits de l'individu dans la
mesure où les ressortissants des pays faibles sont évincés
de leurs droits.
La jurisprudence congolaise diplomatique est quasiment
inexistante à ce sujet, car aucun cas de protection diplomatique
à l'égard des ressortissants congolais n'a été
relevé jusqu'à ce jour. L'on se demande alors la fonction ou le
rôle que joue le ministère des affaires étrangères
dans la protection des sujets congolais parce qu'il serait impossible
d'imaginer qu'aucun congolais n'eût été lésé
par un autre Etat pour que le gouvernement congolais agisse en lieu et place de
celui-ci.
Il ne s'agit pas de sous-entendre que l'Etat congolais soit
incapable d'apporter une protection efficace à ses nationaux à
l'étranger sans pour autant mettre en exergue le principe selon lequel
la mise en oeuvre de la protection diplomatique est au préalable soumis
à des conditions cumulatives suscitées sans lesquelles l'exercice
de ladite protection serait impossible, c'est-à-dire le scénario
dans lequel un ressortissant congolais est lésé en ayant
provoqué lui-même le fait internationalement illicite ou encore
n'ayant pas épuisé les voies
28 C.I.J, Affaire Barcelona Traction, Recueil
1970, p.44
29 Lire à ce propos M. Baker, Documents
officiels de l'Assemblée générale,
cinquante-troisième session, Sixième Commission, 15e
séance (A/C.6/53/SR.15)
10
de recours internes à la suite d'une décision
judiciaire. L'Etat congolais ne peut donc pas intervenir dans le cas
précis.
La seule hypothèse plausible et envisageable est que
l'Etat congolais par le biais de son ministère des affaires
étrangères fait passer en avant plan ses relations diplomatiques
au détriment de la protection et la défense des droits de ses
nationaux.
Le seul cas connu jusqu'à nos jours est celui qui
confronta la Guinée à la République Démocratique du
Congo en 1998, dans l'affaire AHMADOU SADIO DIALLO. La République de
Guinée a fait parvenir à la Cour le 25 septembre 1998 la «
Requête aux fins de protection diplomatique » qu'elle entend exercer
à l'égard d'un de ses ressortissants, M. Ahmadou Sadio Diallo,
contre la République démocratique du Congo pour les graves
violations du droit international qu'elle a commises à l'encontre de M.
Diallo. Dans la requête, la Guinée soutenait que « M. Diallo
Ahmadou Sadio, hommes d'affaires de nationalité guinéenne, avait
été, près de trente-deux ans passés en RDC,
injustement incarcéré par les autorités de cet Etat,
spolié de ses importants investissements, entreprises et avoirs
mobiliers, immobiliers et bancaires puis expulsé ».
5. METHODES ET TECHNIQUES DE RECHERCHE
a. METHODES DE RECHERCHE
Par définition, la méthode désigne une
démarche logique indépendante du contenu particulier de la
recherche, et qualifie des processus et des formes de perception et
raisonnement destinés à rendre intelligible la
réalité à appréhender30 ou encore un
ensemble de démarches raisonnées, suivies pour parvenir à
un but31.
Elle est une voie à suivre, l'issue par laquelle le
chercheur compte mener à bien sa démarche.
Dans le cadre de ce travail, nous userons de deux
méthodes: la méthode fonctionnelle et la méthode
historique. Cette double approche méthodologique sera utile pour
l'élaboration de notre travail.
? La méthode fonctionnelle
30 Loubet del Bayle J.L cité par LUANGE
Célestin, le rôle du juge constitutionnel congolais dans la
régulation de la vie politique: essai de l'exploration
jurisprudentielle, mémoire de licence, Faculté de Droit, UNILU,
2019, p.11.
31 H. MOTULUSKY, Principes d'une régulation
méthodique du droit privé, Dalloz, Paris 1991, p.4.
11
L'analyse fonctionnaliste des phénomènes sociaux
vise à les expliquer par le rôle, la fonction qu'ils assurent dans
l'ensemble social auxquels ils appartiennent32.
Elle vise à attribuer à la règle une
fonction objective qui peut être différente de celle visée
par l'auteur33. Elle sert à analyser le rôle de la
protection diplomatique dans sa mission à l'égard de l'individu
en droit international.
? La méthode historique
Cette méthode vise la reconstruction du passé
par un examen minutieux des événements passés à
partir principalement des documents et archives34. Elle nous est
utile dans la mesure où elle nous permettra de maîtriser et cerner
l'histoire de la protection diplomatique pour mieux l'élucider.
b. TECHNIQUE DE RECHERCHE
La technique de recherche est un moyen ou un instrument
utilisé par le chercheur afin de bien recueillir les informations de
base35. Dans le cadre du présent travail, nous avons
opté pour la technique essentiellement documentaire, appelée
aussi observation directe qui nous mettra en présence des documents
supposés contenir les informations recherchées. Elle nous
permettra de consulter tous les documents relatifs à
l'élaboration de notre travail.
6. DELIMITATION DU SUJET
Délimiter une étude, c'est préciser son
champ d'application ou la circonscrire dans le temps ainsi que dans
l'espace.
a. Sur le plan temporel.
Notre étude porte sur une période allant de
1961, date où a été rédigée la Convention de
Vienne sur les relations diplomatiques jusqu'à nos jours, période
endéans laquelle plusieurs problèmes relatifs à la
protection diplomatique ont eu lieu.
32 Abdesselam OUHAJJOU, méthodes des sciences
sociales, 3ème éd. Dalloz, 2015, p.12.
33 Simplice KWANDA, op.cit., p.65.
34 Ibidem.
35 MULUMBATI NGASHA cité par LUANGE
Célestin, op.cit., p.11.
12
b. Sur le plan spatial.
Comme l'intitulé de notre sujet en dit
déjà beaucoup, cette étude se délimite sur toute
l'étendue du territoire national de la République
Démocratique du Congo.
7. SUBDIVISION DU TRAVAIL
Outre l'introduction générale et la conclusion,
notre travail sera subdivisé en deux grands chapitres : le premier
portera sur le cadre conceptuel général de la protection
diplomatique. Sous ce point, nous définirons certains concepts
inhérents de notre travail, le fondement de l'endossement de l'exercice
de ladite protection et le deuxième chapitre abordera l'état de
la protection diplomatique en RDC avec une analyse critique du caractère
discrétionnaire d'endossement et ses conditions d'exercices.
13
CHAPITRE I : CADRE CONCEPTUEL DE L'ETUDE DE LA
PROTECTION DIPLOMATIQUE
Dans le présent chapitre, il conviendra de
préciser le sens de certaines expressions considérées
comme phares directeurs, d'une part et exposer les considérations
générales en rapport avec ces expressions de la protection
diplomatique pour enfin les critiquer.
SECTION I : DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE
Notre étude porte sur la protection diplomatique en
droit international public : cas des ressortissants congolais.
L'analyse de cette étude n'est pas aisée car la
protection diplomatique a fait l'objet d'innombrables analyses. Elle a
été depuis longtemps et encore aujourd'hui à l'origine
d'une littérature particulièrement abondante qui témoigne
à suffisance d'une part, des problèmes techniques, divers et
actuels et, d'autre part des questions fondamentales qu'elle pose
aujourd'hui.
C'est ce qui a conduit L.CONDORELLI à affirmer que :
« Autrefois institution du système des relations
interétatiques, la protection diplomatique est
généralement perçue aujourd'hui comme une sorte de vieil
outil désormais utilisé et promis sans doute très
prochainement à un rangement définitif au grenier des concepts
d'antan : (...)36 ».
SECTION II : DEFINITION DES CONCEPTS
Cette phase initiale de notre recherche consiste à
élucider les sens des expressions clés autour desquelles
s'articule la présente étude en vue de retenir ceux qui cadrent
le plus avec notre vision. En effet, définir les concepts de base est
une prudence pour tout chercheur afin d'éviter les
interprétations diverses squattées par les écoles de
pensée37.
C'est ainsi que nous allons définir en profondeur les
concepts suivants : le droit international public, l'Etat, la
souveraineté, la protection diplomatique, l'individu.
36 L. CONDORELLI, « L'évolution du champ
d'application », in La protection diplomatique : mutations contemporaines
et pratiques nationales-actes de la journée d'études du 30 mars
2001, Bruxelles, Bruylant, 2003, p.3.
37 Marquet J. et al, Manuel de recherche en sciences
sociales, 5ème édition, Dunod, 2017, p.7
14
§1. Le Droit international public
A. Notion
La notion du droit international est une tâche
essentiellement laissée à la jurisprudence et à la
doctrine.
Par définition, le droit international public est une
branche du droit public qui organise l'ensemble de règles relatives aux
rapports entre Etats (traités internationaux) et au fonctionnement des
organisations38.
Né de la volonté des Etats en vue d'organiser
leurs relations39, le droit international se définit, en
termes simples, comme l'ensemble des règles contraignantes en vigueur au
niveau international et la fonction première du droit international
public est une fonction d'ordre : il régit essentiellement les relations
entre Etats, simplifie la coopération internationale et la rend
prévisible du fait des règles contraignantes qu'il
établit40.
Pour Eric Canal-Forgues et Patrick RAMBAUD41, le
droit international est classiquement défini comme le droit
appelé à organiser les rapports entre Etats et peut aussi
être conçu comme l'ensemble des règles juridiques qui
régissent les rapports entre les personnes de la société
internationale, c'est-à-dire les Etats, les organisations
internationales publiques et, de façon particulière, les
individus42.
Jean SALMON lie la définition du droit international
à divers critères selon que l'on aborde la doctrine43
:
? Selon les sujets régis, le DIP est l'ensemble des
règles juridiques qui président à la conduite des sujets
du droit international.
? Selon les relations régies, il constitue l'ensemble
des règles juridiques qui régissent les relations
internationales.
? Selon l'origine des normes, c'est l'ensemble des normes qui
ont pour origine les accords entre Etats ou qui émanent d'entités
auxquelles les Etats ont accordé ou reconnu le pouvoir de créer
des normes internationales.
38 Gilbert MUSANGAMWENYA, « cours
d'introduction générale à l'étude du droit »,
G1 Droit, UNILU, 2016-2017, p.40, inédit
39 Aspect soulevé par nous
40 Dictionnaire « ABC du droit international
public », p.3 en ligne sur
www.eda.admin.ch/eda/fr
consulté le
10/02/2020.
41 Eric Canal-Forgues, Droit international public,
Champs université, Flammarion, 2007, p.18.
42 Marc de Montpellier, « Introduction au droit
international public », Université d'Etat de Moscou, MTY Moscou,
2012, p.13.
43 J. SALMON, Dictionnaire de droit international,
Bruxelles, Bruylant, 2001, p.387
15
L'on peut entendre par droit international, un ensemble des
règles juridiques régissant les relations entre les Etats et les
autres sujets de la société internationales44.
Dans une autre conception, il est appelé droit des gens
(du latin jus gentium), le droit national ou droit international est
le système ou ensemble des lois qui régissent les rapports des
Etats et des peuples entre eux, il se compose de règles
d'équité, d'usages généralement admis, et de
conventions considérées dans la loi ou dans des
traités45.
Selon Combacau et Sur46, le droit international
public est le droit produit par le concours de deux ou plusieurs Etats.
La jurisprudence internationale n'est pas restée
à son tour silencieuse ou muette à cet effet. La C.P.I.J a
déclaré que le droit international est ce droit qui régit
les relations entre Etats souverains, les règles liant les Etats qui
souscrivent librement à leurs engagements soit par voie de conventions,
soit par voie des usages acceptés par eux47.
Restrictivement, il désigne aussi l'ensemble des
règles juridiques réglementant les relations internationales
entre personnes publiques telles que les Etats et les organisations
internationales48 et est également considéré
comme l'ensemble des dispositions impératives à tous les Etats
organisant les relations interétatiques, les organisations
internationales et l'individu en vue de la sauvegarde de l'ordre public
international49.
§2. L'Etat
A. Notion
Les juristes constitutionnalistes ainsi qu'internationalistes
sont d'un accord unanime pour définir la notion de l'Etat par rapport
aux éléments qui en constituent l'essence.
Etymologiquement, le concept Etat tire son origine du latin
« status» qui veut dire littéralement «
être debout » et de l'ancien français « estas
» littérairement, il énonce l'idée de situation
stable50.
Plus précisément, l'Etat est
considéré comme le regroupement de citoyens établis en
permanence sur un territoire donné et régis par un système
politique déterminé relevant du
44 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 25ème
éd., 2017-2018, Paris, p.821.
45 Http :
www.cosmovisions.com
consulté le 10/02/2020.
46 Jean COMBACAU et Serge SUR, droit international
public, Montchrestien, 4ème éd., Paris, 1999, p.15
47 C.P.I.J, Affaire du Lotus, arrêt du
07 septembre 1927, in R.J.D.I, série A, n°10, p.18.
48 Http : www.glossaire-international-com
consulté le 10/02/2020 (18hr30')
49 Définition soulevée par nous.
50 Dictionnaire français en ligne sur http :
wikitionary.com consulté le
11/02/2020
16
droit international51. Il représente
l'expression institutionnelle juridique de la nation et se conçoit, dans
cette perspective, comme l'ensemble des pouvoirs politiques souverains
conférés à une nation52.
C'est ainsi que Paul MUSAFIRI53 souligne que l'Etat
n'est perceptible en droit que dans la mesure où il exerce sa puissance,
par le biais de pouvoirs publics organisés, sur un territoire
donné, soumettant à ses décisions une population
déterminée, fixée sur ce territoire.
Gérard CORNU définit l'Etat comme une
entité juridique formée de la réunion de trois
éléments constitutifs (population, territoire, autorité
politique) à laquelle est reconnue la qualité de sujet de droit
international54. Il va loin en proposant une autre définition
: « groupement d'individus fixé sur un territoire
déterminé et soumis à l'autorité d'un même
gouvernement qui exerce ses compétences en toute indépendance en
étant soumis directement au droit international55.
Il est vu aussi comme une institutionnalisation de la
société politique en une personne morale de droit public,
exerçant son autorité sur un territoire et sur une population,
titulaire de la souveraineté et bénéficiaire d'une
reconnaissance internationale56.
Il sied de dire que l'Etat est l'élément
juridique principal du droit international, les Etats sont les sujets «
primaires » ou originaires dudit droit. Leur capacité juridique
leur est propre par essence : ils sont à la fois les créateurs et
les destinataires des normes et des obligations de droit
international57.
B. Le statut juridique international de l'Etat
La condition statuaire d'un être, c'est la situation que
lui fait un ordre juridique, en tant qu'il appartient à une
catégorie dont les attributs légaux sont déterminés
collectivement et non cas par cas.
Toute collectivité tire sa qualification comme «
Etat » un statut définit par le droit international et auquel
chacune peut prétendre, quelles que soient ses particularités
individuelles : il y a un statut international d'Etat comme il y a un statut
interne d'enfant
51 Jacques PICOTTE in Recueil des
difficultés et des ressources du français juridique,
faculté de droit, Université de Moncton, 2018, p.1694.
52 Ibidem
53 Paul MUSAFIRI, op.cit., p.53.
54 Gérard CORNU cité par Christian
TSHIBANDA, la souveraineté des Etats en droit international public
à l'orée de ce troisième millénaire, Mémoire
de licence, Faculté de droit, UNIKIN, 2007-2008, p.15
55 Idem, Vocabulaire juridique, 6ème
éd., PUF, Paris, 2004, p.369.
56 Lexiques des termes juridiques, p.916.
57 Ibidem, p.1938.
17
légitime ou de citoyen, de propriétaire ou de
contribuable et à l'instar de ceux-ci, il résulte de l'ensemble
des règles qui le régissent et de celles qui gouvernent ses
rapports avec ses pairs58. Parmi le nombre des acteurs des relations
internationales, l'Etat est le seul dont la condition soit
déterminée statutairement.
Les sujets internes et les organisations internationales sont
des sujets dits « dérivés », qui tiennent le plus gros
de leurs attributs légaux, alors que l'Etat lui-même, est sujet
« originaire » ou « initial » ; il ne tire son existence
d'aucun autre et il a par lui-même un certain nombre d'attributs qui lui
sont communs avec tous ses pairs et lui permettent de parler
légitimement d'un statut d'Etat, même si des actes particuliers
peuvent donner à tels individus de la catégorie des
caractères qui viennent colorer leur condition internationale et
permettent de distinguer parmi les Etats des sous-catégories
remarquables par des éléments complémentaires de
statut59.
§3. La souveraineté
A. Notion
Cette notion peut être appréhendée au
point de vue du droit interne tout comme à celui du droit international.
C'est plutôt sa compréhension au niveau international qui nous
intéresse.
Au sens du droit international, la souveraineté
signifie l'indépendance ; elle implique une égalité de
droit entre les Etats60. Tous les Etats sont alors par
conséquent ex aequo.
Combacau et Sur61 pensent qu'un Etat est souverain
lorsqu'on ne trouve au-dessus de lui aucune autorité dotée
à son égard d'une puissance légale : la
souveraineté internationale se définit négativement comme
la non soumission à une autorité supérieure, le fait de
n'être le sujet (au sens d'assujetti) d'aucun sujet (au sens de personne
juridique).
Au sens droit international, un Etat est
considéré comme souverain lorsqu'il est indépendant de
tous les autres sujets de droit international (Etats, organisations
internationales, ...)62.
En conséquence, il est tenu d'assumer uniquement les
obligations auxquelles il a souscrit et les obligations ancrées dans
normes impératives du droit international public. Quant à
Dénis ALLAND et Stéphane RIALS, ces deux auteurs critiquent avant
cette
58 Jean COMBACAU et Serge SUR, op.cit.,
7ème éd, Paris 2004, p.224.
59 Ibidem, p.225.
60 Dictionnaire ABC du droit international, op.cit.,
21
61 Jean COMBACAU et Serge SUR, op.cit., p.227.
62 Cfr. Dictionnaire brochure ABC, p.37
18
notion de complexe et polysémique pour proposer une
définition en ces mots : « La souveraineté est une
qualité constitutive de l'étaticité de l'Etat,
lui-même par différence avec les organisations
infra-étatiques qu'il subjugue, comme avec les organisations
supra-étatiques qu'il ignore »63 .
Cette conception de la souveraineté nous parait assez
lacunaire car aucun Etat bien qu'étant souverain ne peut dans sa praxie
se constituer sans la conclusion de certains traités et accords
internationaux qui concourent à son bien-être dans la perspective
d'un développement durable.
La souveraineté en droit international n'est pas
synonyme de pouvoir absolu de l'Etat, mais un ensemble de compétences
fixées par le droit international public dont les règles
deviennent de plus en plus précises dans le cadre de codifications en
progrès constant : elle confère à ses détenteurs
des compétences propres dépendant de l'ordre juridique
international...64 ainsi le respect de ces compétences
implique le respect de l'indépendance et de l'égalité
souveraine de chaque Etat, lequel ne peut juger ses pairs conformément
à cette règle coutumière « par in parem non habet
juridictionem65».
Il advient qu'aucun Etat n'est supérieur à un
autre Etat et donc comme il manque d'autorité supérieur en droit
international, la volonté des Etats en vue du commun accord pour la
gestion de leur intérêt respectif, réciproque et mutuel est
le principe qui guide et préside à leurs rapports internationaux.
Il en découle que la souveraineté étatique a pour
corollaire l'égalité souveraine, celle-ci est un principe
sacré en droit international car elle permet à chaque Etat de
s'autodéterminer dans ses convictions et options politiques,
économiques, sociales et culturelles66.
L'Art.2 de la Charte des Nations Unies donne le fondement des
principes de souveraineté et d'égalité des Etats.
L'égalité souveraine donne la possibilité à chaque
Etat de se considérer égal ainsi par tous les Etats.
La souveraineté de l'Etat se manifeste comme
déterminant le pouvoir absolu de l'Etat sur les personnes et les biens
de l'entité territoriale quant à la réalisation de leur
sécurité67.
63 ALLAND D et RIALS S., Dictionnaire de la culture
juridique, PUE, Paris, 2003, p.1434
64 Marc de Montpellier, op.cit., pp.22-49
65 Ibidem
66 Aspect précisé par nous
67 Notre soulignement
19
§4. La protection diplomatique
1. Historique
L'origine de la protection diplomatique remonte très
loin dans l'histoire du droit international public. En 1758, le juriste
Emmerich de Vattel en énonce l'idée maitresse : «
Quiconque maltraite un citoyen offense indirectement l'Etat, qui doit
protéger ce citoyen. Le souverain de celui-ci doit venger son injure,
obliger, s'il le peut, l'agresseur à une entière
réparation ou le punir puisqu'autrement le citoyen n'obtiendrait point
la grande fin de l'association civile, qui est la sûreté
»68.
A la fin du XIXème siècle et au
début du XXème, le principe selon lequel l'Etat a le
droit de protéger ses ressortissants lésés à
l'étranger s'impose dans les relations entre, d'une part, les Etats
d'Europe occidentale et les Etats-Unis et, d'une part, les Etats
d'Amérique latine69.
Les ressortissants des puissances occidentales, nombreux
à l'époque se rendent en Amérique latine pour exploiter
ses ressources naturelles et participer à son essor industriel, entrent
souvent en conflit avec les gouvernements instables et imprévisibles de
la région au sujet de leurs droits patrimoniaux ou personnels et ils
invoquent alors la protection des Etats de leur nationalité, qui
privilégient tantôt le règlement du litige par la voie de
l'arbitrage, tantôt le recours à la force70.
2. Notion
La définition de la protection diplomatique de
l'individu en droit international et la construction de son régime
juridique sont le résultat d'apports successifs de la jurisprudence
internationale et de nombreuses discussions doctrinales.
La protection diplomatique, une institution
étudiée est avant tout une question de litige puisqu'elle
consiste en un « droit pour un Etat de présenter une
réclamation internationale à l'encontre d'un autre Etat lorsque
l'un de ses ressortissants a été victime d'un fait
internationalement illicite de la part de ce dernier »71.
Le président Jules BASDEVANT définit la
protection diplomatique comme l'action : « d'un gouvernement qui, par ses
agents diplomatiques ou éventuellement par voie judiciaire
internationale, s'efforce d'obtenir, à l'égard de ses
ressortissants, le respect du droit
68 E. de Vattel, Le Droit des gens ou principes de la
loi naturelle appliquée à la conduite et aux affaires des Nations
ou des Souverains, Liv. II, chap.VI Carnegie Institution of Washington,
Washington, 1916 p.309, §171
69 John DUGARD, op.cit., p.1
70 Ibidem
71 J. SALMON, op.cit., p.387
20
international par un autre Etat, la réparation des
dommages causés en violation de ce droit, ou, éventuellement
certains avantages à leur profit »72.
Pour Suzanne BASTID, la protection une des manifestations
essentielle de la compétence personnelle de l'Etat à
l'égard de ses ressortissants et définit le système comme
le fait pour un Etat de prendre fait et cause pour son ressortissant, en raison
d'un dommage par lui subit, et pouvant de ce fait entrainer la
responsabilité internationale de l'Etat auteur73.
Nous pouvons aussi citer à cet effet Jean CHAPPEZ qui
considère que la protection diplomatique est susceptible d'une double
définition. Dans une conception large et dans une optique de protection
gracieuse, la protection diplomatique est définie comme un ensemble de
démarches par lesquelles un Etat intervient auprès d'un autre
Etat, sur le territoire duquel se trouvent ses nationaux pour faire respecter
à l'égard leur traitement dû par le droit international.
D'un autre côté, dans une conception restrictive
et cette fois contentieuse, CHAPPEZ estime que la protection diplomatique est :
« action par laquelle un Etat décide de prendre à son compte
la réclamation d'un de ses nationaux contre un autre Etat et de porter
le différend sur le plan international et plus spécialement
devant une juridiction internationale »74.
Pour Georges BERLIA, il s'agit essentiellement d'un «
endossement par un Etat d'une réclamation individuelle restée
jusque-là soit sans aucune satisfaction, soit sans satisfaction
jugée satisfaisante »75.
Rousseau quant à lui va orienter ses
développements sur l'aspect éminemment interétatique de la
protection diplomatique qui selon son point de vue consiste essentiellement en
« l'action diplomatique entreprise par le gouvernement du particulier
lésé auprès du gouvernement présumé
responsable pour obtenir la réparation du dommage causé à
son ressortissant »76. Par une action en protection
diplomatique, l'Etat demande réparation du dommage qu'il a subi du fait
d'une atteinte portée à ces nationaux77.
Joseph, plus soucieux des dommages causés aux
particuliers et de la responsabilité des Etats, estimait quant à
lui que la protection diplomatique peut être définie comme une
72 Pierre Marie DUPUY, Droit international public,
Paris, Dalloz, 1992, pp.334-345
73 BASTID S., Cours de Droit international public,
tome I, 1976-1977, p.614
74 CHAPPEZ J., Protection diplomatique, droit
international vol.4, Édition. J CL, 1999, fascicule 250
75 Berlia G., Contribution à l'étude de
la protection diplomatique, A.F.D.I, 1957, pp.63-72
76 Rousseau C., Droit international public, Tome 5,
Paris, Sirey, 1983, pp.97
77 La protection diplomatique en ligne sur
wwww.Cours-de-droit.net
consulté le 10/02/2020 à 11hr10'.
21
procédure de mise en oeuvre de la responsabilité
de l'Etat en cas de préjudice causé à la personne ou aux
biens d'un citoyen d'un Etat en violation du droit
international78.
Geck pense que la protection diplomatique est la protection
accordée par un sujet de droit international à une personne
physique ou morale, contre toute violation du droit international par un autre
sujet de droit international79.
On peut retenir que dans le cadre de de la protection
diplomatique, l'Etat d'origine intervient en faveur de ses ressortissants
(personne physique ou morale) qui subissent un dommage dû à une
violation du droit international public par l'Etat de
résidence80.
Enfin, cette panoplie doctrinale peut être
complétée par l'approche procédurale de Michel VERWILGHEN
pour qui la protection diplomatique consiste en une aide et assistance
générale qu'apportent les agents diplomatiques et consulaires
à leurs nationaux dans l'exercice de leurs droits ou de leurs
activités légales à l'étranger, [ainsi que] les
demandes de dommages et intérêts que l'Etat protecteur
réclame à l'Etat qui aurait commis un manquement aux
règles de droit international préjudiciable à un ou des
nationaux de l'Etat demandeur 81.
Elle a été codifiée à l'article 3
de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et à
l'article 5 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires qui la
conçoit comme le fait de : « protéger dans l'Etat de
résidence les intérêts de l'Etat d'envoi et de ses
ressortissants, dans les limites admises par le droit international
»82.
La plus récente définition est celle
adoptée par la Commission du droit international en 2006, la protection
diplomatique consiste en l'invocation par un Etat, par une action diplomatique
ou d'autres moyens de règlement pacifique, de la responsabilité
d'un autre Etat à une personne physique ou morale ayant la
nationalité du premier Etat en vue de la mise en oeuvre de cette
responsabilité83 ».
En tant que telle, bien qu'elle soit formulée de
manière à prendre en compte les évolutions qu'a connues le
droit international84, cette définition ne remet pas en
cause
78 Joseph cité par John DUGARD, Premier rapport
sur la protection diplomatique, Annuaire 1999, vol. II (2è
partie), document A/CN.4/506, p.231 en ligne sur
https://legal.un.org consulté
le 11/02/2020 à 16hr15'.
79 Geck cité par Ibidem
80 Protection diplomatique et protection consulaire,
éd. Département fédéral des affaires
étrangères DFAE en ligne sur
www.eda.admin.ch consulté
le 11/02/2020 à 17hr15'.
81 Verwilghen Michel., Conflits de nationalité
pluri nationalité et apatride, in R.C.A.D.I, 1999, vol 277,
p.91
82 Article 3, par.1 b, de la Convention de
Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques.
83 Article 1er du projet d'articles de
la Commission du droit international sur la protection diplomatique
adopté en seconde lecture, in rapport de la Commission du droit
international sur les travaux de sa 58è session (2006), document
n°A/61/10 en ligne sur
http://www.un.org/law/ilc,
p.17.
84 Cf. au commentaire de l'article Ier du
projet d'articles de la C.D.I sur la protection diplomatique adopté en
seconde lecture, ibid., p.26
22
expressément le principe fondamental posé par
l'arrêt de la Cour permanente de justice internationale rendu le 30 Aout
1924 dans l'Affaire Mavrommatis85, qui a consacré le
concept juridique de la protection diplomatique en droit international
général selon une formule restée célèbre :
« c'est un principe élémentaire du droit international
que celui qui autorise l'Etat à protéger ses nationaux
lésés par des actes contraires au droit international commis par
un autre Etat, dont ils n'ont pu obtenir satisfaction par les voies ordinaires.
En prenant fait et cause pour l'un des siens, en mettant en mouvement, en sa
faveur, l'action diplomatique ou l'action judiciaire internationale, cet Etat
fait, à vrai dire, valoir son droit propre, le droit qu'il a de faire
respecter en la personne de ses ressortissants, le droit
international86 ».
Cette conception de ladite protection a pour soubassement le
fait que lorsque le droit international fut mis sur pieds, l'individu n'avait
pas sa place dans l'ordre juridique international et il n'avait ainsi pas de
droits.
Au regard des définitions doctrinales ainsi
énoncées ci-hauts, il semble que les approches de l'arrêt
de la CPJI, de CHAPPEZ et SALMON, Joseph soient les plus larges,
adéquates et les plus complètes, puisque d'une part, elles
précisent le rôle éminent de l'Etat dans l'instance et que
d'autre part elles conditionnent son intervention à une violation du
droit international constituant un fait, illicite fait préjudiciable
à ses nationaux.
3. Fondement
L'étude du cadre d'exercice de la protection
diplomatique de l'individu en droit international public présente un
double intérêt. D'une part, elle permet de délimiter les
contours du domaine conceptuel (a) afin d'inclure ce qui relève de cette
protection de l'individu. D'autre part, elle permet d'en délimiter le
fondement substantiel (b).
a. Redéfinition du domaine conceptuel
Il faudrait d'emblée retenir que la protection
diplomatique a sa place dans les relations entre les Etats au titre de la
responsabilité internationale.
C'est dans cette optique que le domaine conceptuel de la
protection diplomatique est composé de deux éléments :
d'un côté, le système des relations interétatiques
et d'un autre, le contexte de responsabilité internationale.
Au départ, ces deux éléments sont
analysés en prenant uniquement en considération l'Etat, qui est
sujet primaire du droit international public.
85 Mohamed BENNOUNA, op.cit., p.11
86 CPJI, arrêt du 30 août 1924,
Affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine (Grèce c.
Grande-Bretagne), (Exception d'incompétence), Série A,
n°2, p.12
23
Dans l'affaire de la Barcelona Traction, la Cour
internationale de justice a eu l'occasion de souligner que « la
protection diplomatique concerne un secteur très délicat des
relations internationales »87. La protection diplomatique
est l'assortiment des relations interétatiques.
Les relations interétatiques sont comme leur nom
l'indique, les relations bilatérales ou multilatérales entre les
Etats. Elles ont évolué car nous sommes passés d'un monde
international bipolaire à un monde multipolaire. En tant
qu'élément propre des relations interétatiques, la
protection diplomatique a aussi par ricochet évolué elle
aussi.
L'intervention de l'Etat dans le cadre de la protection
diplomatique se fonde sur l'opportunité d'intervenir. Cela signifie que
l'Etat intervient en faveur de ses ressortissants que si cette intervention est
insusceptible de nuire à la conduite de sa politique
étrangère ou de porter atteinte à ses relations
politico-administratives avec un autre Etat88.
L'opportunité d'intervention de cet Etat à
l'égard de ses ressortissants découle du pouvoir
discrétionnaire de l'Etat qui est en fait difficile à saisir car
elle revêt un caractère étroitement subjectif et
dépendant de la pensée chaque Etat selon le cas.
Dans le but de sauvegarder les intérêts en cause,
la protection diplomatique a pu être perçue comme une
ingérence illicite dans les affaires internes d'un autre Etat. La
protection diplomatique est « un outil ayant attiré des
critiques sévères et passionnées de la part de ceux qui
l'analysent comme un moyen mis aux mains des pays riches pour leur permettre de
s'immiscer légalement dans les affaires internes des autres Etats et
empiéter sur leur souveraineté »89.
Dans l'Affaire de la Barcelona Traction, la C.I.J met
en évidence, d'une part, la compétence d'un Etat à
l'égard de ses ressortissants (compétence personnelle ou
extraterritoriale) et, d'autre part, la compétence de l'Etat de
résidence sur les ressortissants d'un Etat étranger
(compétence territoriale) et retient : « La protection
diplomatique concerne un secteur très délicat des relations
internationales puisque l'intérêt d'un Etat étranger
à protéger ses ressortissants se heurte aux droits du souverain
territorial, fait dont le droit général en la matière a
dû tenir compte afin d'éviter les abus et les frictions
»90.
87 C.I.J, arrêt du 5 février 1970
Affaire de la Barcelona Traction, par.37, p.33
88 KASSABO Léon Dié, Les nouvelles
tendances de la protection diplomatique de l'individu en droit international,
Université de Ouaga II, Burkina Faso, p.43 en ligne sur
www.publication.lecames.org
consulté le 15/02/2020.
89 L.CONDORELLI cité par Ibidem, p.43
90 C.I.J, Affaire de la Barcelona Traction,
p.33, par.37
24
Si la protection diplomatique poursuit à ce jour le but
de sauvegarder les intérêts, le développement des relations
interétatiques nous conduit à déduire que celle-ci n'est
pas une ingérence illicite dans les affaires internes d'un autre
Etat.
L'influence considérable des relations privées
et la prise en considération croissante des droits de l'homme sont
à l'origine d'un développement contemporain du contexte des
relations interétatiques. « Etroitement liée dès
son origine au commerce international, la protection diplomatique s'est tout
particulièrement ressentie du développement des relations
économiques internationales ainsi que des transformations profondes qui
se sont produites dans la vie économique des nations91
».
La jurisprudence internationale n'a pas conclue que la
protection diplomatique était une ingérence, licite ou illicite,
dans les affaires internes d'un autre Etat, elle se résumerait
simplement en fait en une limitation de la compétence territoriale d'un
Etat par des règles du droit international en matière de
traitement des étrangers. Etant donné l'accroissement des
échanges de personnes et des activités commerciales à
travers les frontières étatiques, la question des
réclamations représentées par les Etats au nom de leurs
nationaux continuera de revêtir un grand intérêt.
Le développement contemporain du contexte des relations
interétatiques nous amène à considérer que bien
qu'il soit en régression, le domaine conceptuel de la protection
diplomatique demeure toutefois important. Il est maintenant question d'aborder
la notion de responsabilité internationale.
La doctrine de la protection diplomatique est
étroitement liée à la théorie de la
responsabilité des Etats en cas de dommage causé à
l'étranger. D'une manière générale, il était
admis que l'Etat n'était pas obligé à l'égard de
l'Etat d'origine de leur fournir un certain niveau de protection
matérielle et personnelle, conforme à la norme internationale
minimale de traitement des étrangers92.
La protection diplomatique est « une notion bien
précise du droit international public qui s'intègre totalement au
système de la responsabilité internationale de l'Etat
»93. Ainsi, la protection diplomatique est un
élément de la responsabilité internationale de l'Etat.
La responsabilité internationale repose sur le lien de
causalité entre le fait internationalement illicite et la
conséquence de celui-ci c'est-à-dire le dommage. Il existe
91 Ibidem, par.37, p.33
92 Joseph cité par John DUGARD, op.cit.,
p.230
93 J-P. PANCRACIO cité par KASSABO Léon
Dié, op.cit., p.46
25
donc un automatisme entre le fait internationalement illicite,
ce fait engage directement la responsabilité de l'Etat94.
L'originalité du droit international de la
responsabilité selon laquelle la responsabilité n'était
qu'une affaire d'Etat à Etat est à l'origine d'une
circonscription classique du système de la responsabilité
internationale.
En vertu de l'article 3 du projet d'articles de la C.D.T sur
la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite
(2001), le fait internationalement illicite suppose un comportement contraire
à une règle du droit international. Le comportement peut
consister soit en une action, soit en une omission et est imputable à un
Etat.
Dans l'Affaire de l'Immunité d'un Rapporteur
spécial de la Commission des droits de l'homme95, la
Cour internationale de justice a retenu que « selon une règle bien
établie du droit international, le comportement de tout organe de l'Etat
doit être regardé comme fait de cet Etat ».
Puis le Chapitre TT de la première partie du projet
d'articles de la Commission du droit international sur la responsabilité
de l'Etat pour fait internationalement illicite (2001) énumère
les comportements attribuables à l'Etat tels que le comportement des
organes de l'Etat, celui d'une personne mis à la disposition d'un Etat
par un autre Etat.
Le fait internationalement illicite consiste quant à
lui en la violation d'une obligation internationale. Une obligation est «
lato sensu le lien juridique par lequel un sujet de droit
international est tenu envers un ou plusieurs autres, d'adopter un comportement
déterminé ou de s'en abstenir96 ».
Elle connait une pluralité de qualifications selon le
contenu (obligations de donner, de faire ou de ne pas faire), selon le but
(obligation de résultat ou de comportement), selon le nombre de sujets
(obligation unilatérale, bilatérale ou multilatérale) ou
encore, selon la source (obligation coutumière ou conventionnelle). A
titre d'exemple dans l'Affaire LaGrand97, la Cour
Internationale de Justice estime que les Etats-Unis ne se sont pas
acquittés de l'obligation de comportement qui consistait pour eux
à prendre toutes les mesures dont ils disposaient pour que Walter
LaGrand ne soit pas exécuté tant qu'une décision
définitive n'était pas rendue.
94 Notre soulignement
95 C.I.J, avis consultatif du 2 avril 1999, Affaire du
Différend relatif à l'immunité de juridiction d'un
Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, Rec.1999,
p.87, par.62.
96 J.SALMON, op.cit., p.765.
97 C.I.J, Affaire LaGrand, Recueil
2001, (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique), p.508, par.115
26
La violation de l'obligation internationale consiste dans le
non-respect de la règle de droit international sans que l'on se
préoccupe de la source conventionnelle ou coutumière ou du
contenu de l'obligation internationale98. Elle suppose que l'Etat
soit lié par l'obligation internationale au moment où le fait se
produit99 si elle n'a pas un caractère continu ou «
s'étend sur toute la période » si elle a un caractère
continu100 ou au moment où le fait illicite est
constitué lorsqu'elle résulte d'un fait composite101.
Elle peut être classée selon le degré
d'illicéité ; ainsi, la deuxième partie du projet
d'articles de la Commission du droit international sur la responsabilité
de l'Etat pour fait internationalement illicite (2001) traite dans son chapitre
III des violations graves d'obligations découlant de normes
impératives du droit international général.
En outre, le fait internationalement illicite cause un dommage
et suppose une réparation. Le dommage est une « atteinte subie
par une personne (...)102. Il existe plusieurs types
de dommages. Tout d'abord, le dommage peut être matériel lorsqu'il
porte atteinte au patrimoine de la personne ou moral lorsqu'il porte atteinte
à l'honneur par exemple103. Ensuite, en fonction de l'origine
du dommage, il peut être direct ou indirect ; le dommage direct
découle directement du fait internationalement illicite et est seul
susceptible d'engager la responsabilité internationale de
l'Etat104.
Enfin, en fonction de la personne lésée, il peut
être immédiat c'est-à-dire causé directement
à un sujet de droit international tel que l'Etat ou médiat
c'est-à-dire causé à l'Etat par l'intermédiaire
d'un individu.
Une fois le dommage subi, il existe plusieurs modalités
de réparation. En effet, l'article 30 du projet d'articles de la C.D.I
sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite
(2001) prévoit la cessation qui consiste à mettre fin au fait
internationalement illicite et la non-répétition105
qui vise à ce que le fait illicite ne se reproduise pas. Ce projet
prévoit d'articles également la restitution, l'indemnisation et
la satisfaction. La restitution consiste dans le rétablissement de la
situation telle qu'elle était avant la commission du fait illicite et
est soumise aux conditions de ne pas être matériellement
impossible et de ne pas imposer une charge trop lourde à l'auteur du
fait
98 Cf. article 12 du projet d'articles sur la
responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite
(2001).
99 Article 13 du projet d'articles sur la
responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite
(2001).
100 Article 14 par.1 du projet sur la responsabilité de
l'Etat pour fait internationalement illicite (2001).
101 Article 15 par.1 du projet d'articles cité
ci-dessus.
102 G.CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit., p.323.
103 Article 31 par.2 du projet d'articles suscité.
104 C.P.I.J, Affaire Vapeur Wimbledon (France c.
Allemagne), arrêt du 17 août 1923, Rec., série A, n°1,
p.32.
105 C.I.J, Affaire LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis),
arrêt du 27 juin 2001, Rec. 2001.
27
illicite106. La satisfaction est une
réparation morale qui consiste en la reconnaissance de la violation de
l'obligation internationale, en l'expression de regrets ou en la
présentation d'excuses par exemple107.
On doit retenir que l'extension contemporaine du
système de la responsabilité internationale d'un Etat nous
amène à observer que le domaine conceptuel de la protection
diplomatique n'a pas été élargi.
Ainsi, les mutations des éléments du domaine
conceptuel de la protection diplomatique conduisent à le
redéfinir sans avoir contribué ni à le réduire, ni
à l'étendre.
b. Redéfinition du fondement substantiel
Le fondement substantiel de la protection diplomatique est sa
nature juridique. Il est, selon John DUGARD une des questions
fondamentales108.
Le droit d'exercer la protection diplomatique appartient
historiquement à l'Etat dont la personne lésée a la
nationalité. Il est fondé sur le principe qu'un dommage
causé à un particulier est directement assimilé à
un dommage causé à son Etat d'origine.
Au départ, et à la lecture du
célèbre dictum de la C.P.I.J dans l'Affaire des
Concessions Mavrommatis en Palestine109, le fondement de la
protection diplomatique est le droit propre de l'Etat.
Aussi, Paul REUTER reprenait cette position adoptée en
affirmant que « la protection diplomatique reste sur le plan
international un droit de l'Etat ; ni dans son déclenchement, ni dans
ces conditions, elle n'apparait comme un droit individuel
»110. La protection diplomatique a pour fondement le droit
propre de l'Etat de voir le droit international respecté en la personne
de ses ressortissants.
Cependant, l'évolution de la place de l'individu en
droit international a remis en cause ce principe parce qu'il se pose la
question de savoir si l'Etat qui exerce la protection diplomatique au
bénéfice d'un de ses ressortissants fait valoir son droit propre
ou les droits de l'individu111. Le droit propre de l'Etat est le
fondement substantiel classique de la protection diplomatique retenu par
plusieurs pratiques étatiques.
En effet, l'évolution de la place de l'individu en
droit international est la première cause de la mutation du fondement
substantiel de la protection diplomatique.
106 C.P.I.J, arrêt du 13 septembre 1928, Affaire de
l'Usine de Chorzow, (Allemagne c. Pologne), Rec. Série A,
n°17, p.47.
107 Article 35 du projet d'articles sur la responsabilité
de l'Etat pour fait internationalement illicite (2001).
108 John DUGARD, op.cit., p.18, par.61.
109 C.P.I.J, arrêt du 30 aout 1943, Affaire des
Concessions Mavrommatis en Palestine, p.12.
110 P. REUTER cité par KASSABO Léon Dié,
op.cit., p.48.
111 G. GAJA cité par KASSABO Léon Dié,
op.cit.
28
Elle est fondée sur l'idée exprimée par
Vattel que le préjudice causé au national d'un Etat est un
préjudice causé à cet Etat. En bonne logique, il
résulte de cette pensée qu'un dommage causé à
l'individu entraine un dommage pour l'Etat de sa nationalité et fonde le
droit propre de l'Etat d'endosser la protection diplomatique pour en obtenir
réparation. La doctrine a pu considérer que l'individu
était l'objet d'un droit réel de l'Etat. Une telle idée
est véhiculée par une vision dualiste des rapports juridiques
internationaux et aurait pour point de départ le lien
d'allégeance entre l'individu et l'Etat.
ANZILOTTI, par exemple, assimilait d'une part le droit de
protection d'un Etat sur ses nationaux à « la manifestation du
pouvoir de l'Etat sur les individus qui lui sont soumis, afin d'empêcher
à leur égard toute atteinte injustifiée de la part des
autres Etats 112» et d'autre part l'individu à un
objet de la puissance de l'Etat113.
Dans la mesure où la place de l'individu en droit
international a évolué depuis 1924 (date de l'Affaire des
Concessions Mavrommatis en Palestine), le droit propre de l'Etat a
été remis en question au profit des droits de l'individu.
L'évolution de la place de l'individu en droit
international a conduit à une remise en cause de la pertinence de la
théorie de la fiction et à une réflexion sur les
conséquences des droits de l'individu comme fondement substantiel de la
protection diplomatique.
La pertinence de la théorie de la fiction a
été notamment remise en cause par John DUGARD qui a
souligné dans son septième rapport sur la protection diplomatique
que les conditions d'exercices de la protection diplomatique indiquaient que la
réclamation était celle de l'individu et non celle de
l'Etat114.
Si le fondement substantiel de la protection diplomatique
n'était pas le droit propre de l'Etat mais les droits de l'individu,
cela aurait un impact sur la protection diplomatique. Ainsi, si l'on retenait
les droits de l'individu comme fondement substantiel de la protection
diplomatique, cela reviendrait à dire que l'individu serait
associé tant au niveau de la procédure qu'au niveau d'une
éventuelle transaction indemnitaire ; l'individu se verrait donc
reconnaitre un rôle crucial.
Cela voudrait aussi dire, d'une part, que l'Etat n'endosserait
la protection diplomatique de l'individu sans son consentement et, d'autre
part, que la personne physique pourrait renoncer à la protection
diplomatique de son Etat de nationalité. Bref, l'on changerait le
concept de la protection diplomatique dans toute sa structure.
112 D. ANZILOTTI, « La responsabilité internationale
des Etats à raison des dommages soufferts par des étrangers
», R.G.D.I.P, 1906, pp.529.
113 Ibidem, pp.8-9.
114 John DUGARD, Septième rapport sur la protection
diplomatique, op.cit., p.3, n°3.
29
Selon notre conception, il semblerait que cela n'ait pas
été l'option privilégiée et qu'il ait
été préféré d'envisager une interconnexion
entre les deux types de droits. Cette interconnexion amène à
considérer que le fondement substantiel de la protection diplomatique
est revu. Il se pose alors la question fondamentale de savoir si l'on ne peut
pas aller loin dans l'évolution concevoir les droits de l'individu comme
fondement nouveau, unique et exclusif de la protection diplomatique.
Le fondement substantiel traditionnel de la protection
diplomatique est le droit propre de l'Etat. Par voie de conséquence, la
considération portée à la théorie du droit
individuel aurait entrainé la disparition du droit propre de l'Etat
comme fondement substantiel de la protection diplomatique.
La théorie du droit individuel consiste à dire
que le fondement substantiel de la protection diplomatique est les droits de
l'individu car il n'est pas besoin de rappeler que, avant l'Etat, c'est
l'individu lui-même qui est victime du préjudice qui conduit
à l'endossement. Elle s'est développée par l'apport
successif de la doctrine suite à l'évolution de la place
l'individu en droit international. Les travaux de la C.D.I, et notamment le
premier rapport sur la protection diplomatique, font état de la
nécessité de prendre en compte le développement du droit
international en matière de reconnaissance et de protection des droits
de l'individu.
Passé de simple objet, l'individu est devenu
actuellement un véritable sujet de droit international.
§5. L'individu
A. Notion
Selon Jean SALMON, l'expression « individu » renvoie
à l'idée de l'être humain, personne privée, personne
humaine, particulier ; il ajoute que ces différents termes sont
synonymes115.
La déclaration universelle des droits de l'homme parle
plus souvent de « personnes » (Art.8, 10 à 14, 17, 18, 20
à 28), mais aussi quelque fois d' « individu » sans pour
autant le définir ; Art.3 sur le droit à la vie ; Art.15 sur la
liberté d'expression. L'individu a des devoirs envers la
communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de
sa personnalité est possible116.
115 J.SALMON, op.cit., p.573.
116 Déclaration universelle des droits de l'homme de
1948
30
Le pacte international relatif aux droits civils et politiques
emploie rarement le mot « individu » (Art.9) et préfère
opter pour le mot « personne » sans que cette distinction paraisse
avoir une portée quelconque.
B. La place de l'individu dans l'ordre juridique
international
Il est question d'aborder la vision classique de l'individu en
droit international(1) et de voir l'émergence de l'individu en droit
international (2).
1. L'individu titulaire de droits internationaux
Comme l'a rappelé la C.P.J.I dans l'Affaire du
Lotus, « Le droit international régit les rapports entre
des Etats indépendants »117. Les tenants de la
conception traditionnelle des sujets de droit international se fondaient sur ce
principe pour établir que seul l'Etat pouvait avoir acquérir des
droits de nature internationale118.
La responsabilité internationale était
considérée comme constituant exclusivement une relation d'Etat
à Etat119.
Les individus étaient naturellement exclus de cette
structure classique. Ainsi, comme l'affirme
Decencière-Ferrandière en 1925, « Ils (les
individus) ne peuvent fonder sur lui (le droit international)
aucune prétention de même qu'ils ne peuvent le violer en
aucune manière pour la raison bien simple que le droit international ne
s'adresse pas à eux »120.
De même, pour D. Anzilotti, « La conduite de
l'Etat, du point de vue du droit des gens, peut donc être contraire au
droit d'un ou plusieurs autres Etats, mais elle ne peut pas se trouver en
contradiction avec un droit de l'individu (...) »121.
Et de son côté Charles ROUSSEAU
préfère développer les effets, sur la réclamation,
de ce droit étatique. En effet, il retient que : « Les effets
de l'endossement ou de la protection diplomatique se ramènent à
cette idée que, lorsque l'Etat endosse une réclamation, il l'a
fait senne : d'individuelle, celle-ci devient nationale et étatique
»122
Les trois parviennent à la conclusion selon laquelle
les conventions internationales ou les règles coutumières peuvent
avoir pour objet d'attribuer des droits à des personnes
privées123. Dans cette hypothèse, l'obligation,
née dans le chef d'un Etat de se comporter d'une manière
déterminée à l'égard d'individus, n'existe pas
envers ces derniers mais envers
117 C.P.J.I, Affaire du Lotus, 7 septembre 1927, Rec.
CPJI, série A n°10, p.18
118 F.V.GARCIA Amador, op.cit, p.193.
119 A. DECENCIERE-FERRANDIERE cité par BORSUS
Hélène.
120 Ibidem
121 D.ANZILOTTI, op.cit., p.6.
122 Rousseau C., op.cit., p.190.
123 Ibidem.
31
un ou plusieurs autres Etats124. Il ne fait donc
aucun doute que la protection diplomatique est analysée par la doctrine
comme un droit de l'Etat.
Naturellement, ce sont uniquement ces Etats, titulaires du
droit, qui pourront mettre en oeuvre la responsabilité internationale
lorsque l'Etat, sur qui repose l'obligation, ne l'a pas
respectée125. Par ailleurs, la source des droits de
l'individu ne peut être que des normes internes même si celles-ci
ont pour objet de transporter des traités internationaux attribuant des
droits aux individus126.
Pour ces trois auteurs, les individus visés ne seront
pas qualifiés de « sujets » de droits internationaux mais
« d'objets » de la norme internationale.
2. L'émergence de l'individu en droit international
La place de l'individu en droit internationale est
jusqu'à ce jour mal définie ou floue et à ce sujet, la
doctrine a été vivement controversée par divers points de
vue.
En 1956, le rapporteur spécial de la C.D.I,
déclara que la notion classique des sujets de droit international
était devenue incompatible avec le droit international
actuel127. Plus de trois décennies plus tard, le rapporteur
spécial de la C.D.I sur la protection diplomatique soulignait à
son tour que « le développement des droits de la personne
humaine, à laquelle on reconnait de plus en plus la qualité de
sujet de droit international, devrait amener la Commission à
reconsidérer le droit classique en matière tel qu'affirmé
avec force en l'affaire des Concessions Mavrommatis
»128.
Par opposition aux théoriciens classiques, de nombreux
auteurs ont admis que le particulier ou l'individu peut être doté,
sous certaines conditions, d'une personnalité juridique internationale.
L'évolution du statut de l'individu est perceptible dans la doctrine
dès les années vingt mais son étendue et son fondement
varient selon les auteurs.
En 1922, P. Fauchille déclarait que l'homme
était doté d'une individualité propre. Selon l'avocat
français, la distinction entre un Etat et un individu résidait
dans l'idée que ce dernier, sujet de droit international et de droit
interne, présentait un caractère mixte129.
G. Scelle, quant à lui, qualifiait les individus d'
« agents juridiques internationaux »130. Il s'opposera sur
cette base à la pratique classique de la protection
124 Ibidem.
125 Ibidem, pp. 6-7.
126 A.DECENCIERE-FERRANDIERE cité par BORSUS
Hélène, op.cit., p.3
127 F.V.GARCIA Amador, op.cit. p.193.
128 Mohamed BENNOUNA, op.cit. p.319.
129 P. Fauchille cité par BORSUS Hélène,
op.cit., p.5.
32
diplomatique qui a pour effet, selon l'auteur d'évincer
le particulier pourtant « véritable sujet de droit
»131.
S'il est aujourd'hui acquis que la qualité de sujet de
droit international n'est plus réservée à l'Etat, la
doctrine majoritaire reconnait que la capacité juridique
conférée aux particuliers est limitée et soumise à
plusieurs exigences.
La plus évidente d'entre elles implique que des normes
internationales, d'origine coutumière ou conventionnelle,
établissent des droits ou des obligations dont les destinataires sont
les personnes privées132.
La C.P.J.I et à son tour, la C.I.J ont explicitement
reconnu dans plusieurs affaires qu'une convention internationale avait pu faire
naitre des droits individuels dans le chef des particuliers133.
En 1928, la C.P.J.I fut invitée à rendre un avis
consultatif à propos de la compétence des tribunaux de Dantzig
dans un litige opposant des fonctionnaires dantzikois, passés au service
de l'administration polonaise en vertu d'un traité international, et la
Pologne134.
»136.
La C.P.J.I rappelle le principe en vertu duquel un accord
international ne peut, comme tel, créer directement des droits et des
obligations pour les particuliers135. Elle ajoute toutefois qu'on ne
saurait contester « que l'objet même d'un accord international,
dans l'intention des parties contractantes, puisse être l'adoption, par
les parties, de règles déterminées, créant des
droits et des obligations pour des individus (...)
En 1999, l'Allemagne a introduit devant la C.I.J une action
contre les U.S.A. pour violation de la Convention de Vienne sur les relations
consulaires137. Karl et Walter Lagrand étaient des
ressortissants allemands qui, après avoir été
condamnés à mort par les juridictions américaines pour
meurtre aggravé, furent tout deux exécutés. L'Allemagne
estimait qu'en n'informant pas les frères Lagrand des droits
prévus à l'article 36, §1, b) de la Convention, les U.S.A.
ont, d'une part, privé l'Allemagne de la faculté de fournir son
assistance consulaire et, d'autre part, violé les droits individuels de
Karl et Walter Lagrand.
Sur ce dernier point, les U.S.A. ont soutenu que
c'étaient les Etats et non les individus qui étaient titulaires
des droits que reconnait la Convention. Rejetant cet argument, la C.I.J a
130 G. Scelle cité par Ibidem.
131 Ibidem
132 G. COHEN-JONATHAN cité par BORSUS
Hélène, op.cit., p.6.
133 Lire à cet égard le commentaire de l'article 33
du projet de 2001 : Projet d'articles sur la responsabilité de
l'état pour fait internationalement illicite et commentaire y
relatifs.
134 C.P.J.I, 3 mars 1928, Compétence des tribunaux de
Dantzig, Rec. C.P.J.I., Série B, n°15, pp.17-18.
135 Ibidem
136 Ibidem
137 Cfr. Arrêt Lagrand.
33
conclu que « le paragraphe 1 de l'article 36
crée des droits individuels qui, en vertu de l'article premier du
protocole de signature facultative, peuvent être invoqués devant
la Cour par l'Etat dont la personne détenue a la nationalité
»138.
Si l'attribution de droits individuels par des conventions
internationales a donc été admise par la doctrine et la
jurisprudence internationale, une seconde condition,
régulièrement invoquée par les auteurs comme
préalable à la reconnaissance de la personnalité
internationale des individus, pose plus de difficultés.
La qualité de sujet immédiat de droit
international ne sera en effet généralement reconnue qu'aux
personnes capables de faire valoir elles-mêmes leurs droits devant une
juridiction ou un organe international139.
La protection diplomatique demeure, en ce qui concerne la
responsabilité engagée pour violation des autres droits reconnus
aux particuliers, la pratique dominante.
A ce stade, nous précisons que la liste des concepts
définis dans le cadre de ce chapitre n'est pas exhaustive140,
d'autres concepts peuvent être définis si nécessaire dans
le chapitre suivant.
138 Ibidem, §77.
139 C. TH. EUSTATHIADES cité par Borsus
Hélène, op.cit., p.7.
140 Ce sont des concepts comme compétence personnelle,
responsabilité internationale, fait internationalement illicite...
34
CONCLUSION DU PREMIER CHAPITRE
Il a été question dans le présent
chapitre de définir certains concepts de base, ceci dans l'objectif
d'une exigence scientifique comme le dit MERTON141, un chercheur
conscient de ses besoins ne peut passer outre la nécessité de
clarifier, car une exigence essentielle de la recherche est que les concepts
soient définis avec une clarté suffisante pour lui permettre de
progresser et afin d'apporter une bonne compréhension dans la lecture du
présent travail.
En effet, nous sommes partis de l'idée de classifier le
droit international public qui est une branche de droit public qui régit
d'une manière générale les relations entre Etats qui
l'octroient la qualité de sujet « originaire » et voire les
autres membres de la société internationale (organisations
internationales, l'individu).
Parlant de la souveraineté, il fallait signifier que
chaque Etat jouit d'une portion d'autorité en droit international au
même titre que tous les autres Etats souverains, ce qui revenait à
dire qu'il n'y a pas d'autorité supérieure établie en
droit international.
Concernant la protection diplomatique, il a été
question de mettre en exergue les fondements de manière
systématique de par sa vision classique qui incarnait l'idée
selon laquelle l'objet de cette protection serait la promotion du droit propre
de l'Etat au détriment du droit de l'individu qui est au
l'élément déclencheur de ladite protection.
Pour l'individu, la place de celui-ci en droit international a
été jusque-là floue. Ainsi, la controverse doctrinale a pu
démontrer qu'aujourd'hui l'individu pouvait être
considéré comme l'un des sujets dérivés du droit
international pouvant éventuellement être titulaire des droits et
d'obligations dans la sphère internationale.
141 MERTON, Dictionnaire universel, édition
HACHETTE, Paris, 1996-1997, p.52
35
CHAPITRE II : L'ETAT DE LA PROTECTION EN REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU CONGO ET LES CONDITIONS D'EXERCICES DE LA DITE PROTECTION.
La compréhension du présent chapitre qui
constitue le socle et l'assise de ce travail s'articulera autour de trois
sections principales, à savoir :
1. L'état de la protection diplomatique en R.D.C.
2. Analyse critique du mécanisme d'endossement de la
protection diplomatique.
3. Les conditions d'exercices de la protection diplomatique.
SECTION I : L'ETAT DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE EN
R.D.C
L'analyse minutieuse de la protection diplomatique en
République Démocratique du Congo nous pousse à croire que
l'Etat congolais privilège plus ses relations diplomatiques au
détriment des droits de ses nationaux lésés à
l'étranger. Etant donné que tous les Etats en droit international
sont au même pied d'égalité, la R.D.C est aussi souveraine
que les Etats-Unis. C'est ainsi que notre pays étant pleinement
souverain devrait considérer avant tout les besoins de ses nationaux en
les apportant selon le cas, une assistance judiciaire au niveau
international.
Ce mécanisme de protection diplomatique est
parsemé d'embuches car l'Etat qui est l'organisation parfaite du pays
est empêché par des considérations politiques d'ordres
internes qui ne permettent l'actionnement d'une protection efficace des
ressortissants congolais. Il est vrai que si l'Etat congolais veut intervenir
pour un national de manière discrétionnaire, cette intervention
dépendra de toute une série de considérations qui ne
peuvent rien à voir avec l'espèce mais qui semblent vitales pour
la bonne entente des Etats.
Il est clair que le pays ne défendra pas un national
lésé par un pays avec qu'il a noué une bonne et solide
relation diplomatique, il serait alors malaisé de détruire une
relation bilatérale issue de plusieurs sacrifices simplement pour la
défense d'un national. Dans le cas d'espèce, c'est
l'intérêt supérieur du pays qui passe avant celui de
l'individu.
Parmi ces considérations parfois purement mercantiles,
l'on peut trouver aussi bien des Traités commerciaux ou des accords
d'association, dont le respect passe parfois par le refus d'endossement, dans
le but du bon équilibre des relations interétatiques, et bien
entendu
36
au détriment de la victime'42. Cette
conception a été vivement critiquée par Georges Scelle,
ennemi des fictions, pour qui la protection diplomatique étant une
compétence liée, « et non l'octroi d'une faveur, elle doit
être exercée toutes les fois qu'une situation juridique est mise
en péril »'43.
A cet égard, il convient de relever cependant que
l'Etat congolais devrait intervenir toutes les fois que l'exigent,
c'est-à-dire quand les droits de ses nationaux seraient
lésés injustement pour réaffirmer sa souveraineté
et son égalité face à tous les autres Etats sur le plan
international.
SECTION II : ANALYSE CRITIQUE DU CARACTERE
DISCRETIONNAIRE D'ENDOSSEMENT DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE.
Qui dit en matière de protection diplomatique droit
propre de l'Etat, dit logiquement droit discrétionnaire.
L'endossement de la protection diplomatique est une fiction et
entant que telle, fait du préjudice subit un individu à un
préjudice subi par son Etat. C'est ce que l'on qualifie de novation du
préjudice d'autant plus que l'objet de la protection diplomatique est de
substituer un sujet de droit international à une personne privée
afin que sa cause soit plaidée et défendue sur la scène
internationale'44.
En dépits des grandes théories classiques qui
font de la protection diplomatique un droit exclusif de l'Etat qui l'exerce
selon sa volonté, le constat est que l'individu est au centre de cette
institution. Il est l'élément déclencheur principal,
l'acteur même de cette action judiciaire au niveau
internationale'45. En effet, point n'est besoin de rappeler qu'avant
l'Etat, c'est l'individu lui-même qui est victime du préjudice qui
conduit à l'endossement.
Dans les faits, c'est l'individu qui subit un véritable
dommage dans ses droits qui engage ensuite l'Etat de ce dernier. Reconnaitre
à son Etat la qualité de victime fictive semblerait donc
insoutenable, dès lors qu'il n'a subi aucun préjudice
direct'46 mais force est de constater que dans la mise en oeuvre de
ladite protection, en prenant fait et cause pour ses ressortissants, l'Etat
fait valoir son «droit propre» et non celui des particuliers. Il y a
donc
142 Bertrand BAUCHOT, op.cit., p.6O.
143 G. Scelle cité par BORSUS Hélène,
op.cit., p.61.
144 Donante, op.cit., p.23
145 Aspect précisé par nous
146 Bertrand BAUCHOT, op.cit., p.90
37
substitution entre la «personne privée» de
l'individu à celle «publique internationale» de l'Etat.
L'institution diplomatique n'a de sens que si le national a
subi un préjudice causé par un Etat étranger. Pour cela,
malgré la position plus qu'ambiguë de l'individu en droit
international, il n'en demeure pas moins qu'il s'est vu reconnaitre un statut
particulier lui permettant de participer, certes indirectement, à
l'instance de la protection diplomatique. De par son statut, le national est
totalement exclu au profit de l'Etat.
De côté, il est possible de constater qu'à
de nombreux points de vue, l'on assiste à une métamorphose, voire
une mutation, de l'institution de la protection diplomatique. Depuis quelques
temps, la place de l'individu au sein de cette institution, semble avoir pris
beaucoup plus d'ampleur147. Une tendance nouvelle du droit
international, prenant plus en considération les intérêts
particuliers, semble reconnaitre à l'individu un droit simplement
subjectif à la protection diplomatique, ou du moins, un droit restreint
à cette protection en favorisant les prérogatives
étatiques.
Cela s'explique par le fait que lorsque le droit international
a pris naissance, l'individu n'avait pas sa place dans l'ordre juridique
international et il n'y avait donc aucun moyen de protéger ses droits.
Les Etats étaient les seuls à qui étaient reconnus la
personnalité juridique internationale, le seul moyen de protéger
un national lésé à l'étranger était de
recourir à une fiction, la fiction selon laquelle le préjudice
qui était causé à ce national était causé
directement à l'Etat lui-même148. Le préjudice
causé au national était imputé à l'Etat pour
faciliter l'assistance judiciaire.
Ainsi, le fait pour un national d'un Etat A séjournant
sur le territoire d'un Etat B, y soit lésé dans ses
intérêts, celui-ci ne lui ouvre aucune voie directe ou ne lui
donne pas un droit d'obtenir réparation dans l'ordre juridique
international. Cette fiction n'était toutefois qu'un moyen, la fin
étant la protection des droits d'un national lésé.
Actuellement, la situation est totalement différente.
L'individu fait l'objet de nombreuses règles primaires du droit
international, coutumier ou conventionnel, qui le protègent dans son
pays, contre les gouvernements étrangers. L'individu jouissant
actuellement de certains droits considérés de naturels pouvant le
mettre sur la scène internationale, nous pensons que chacun Etat devrait
prendre à coeur le plus grand bien de ses nationaux qui ont subi le
préjudice et veiller à ce qu'ils soient indemnisés.
147 Ibidem
148 Annuaire de la commission du droit international, Rapport
de la commission à l'Assemblée générale sur les
travaux de sa cinquante-huitième session, Volume II, 2006, p.25.
38
Selon plusieurs auteurs, la plupart des Etats protecteurs
reversaient déjà en pratique l'indemnisation reçue aux
particuliers lésés'49 et c'est ainsi que l'Art. 19 du
projet d'article dispose désormais que l'Etat exerçant sa
protection diplomatique « devrait transférer à la personne
lésée toute indemnisation pour le préjudice obtenu de
l'Etat responsable, sous réserve de déductions raisonnables
»'50. Sans l'imprécision des termes «
déductions raisonnables », la disposition va à l'encontre de
la règle du droit discrétionnaire de l'Etat énoncé
de la « fiction Mavrommatis ».
Dans l'arrêt rendu dans l'Affaire Diallo en 2012, la
C.I.J. n'hésite pas à affirmer que « l'indemnité
accordée à la Guinée, dans l'exercice par celle-ci de sa
protection diplomatique à l'égard de M. Diallo, est
destiné à réparer le préjudice subi par celui-ci
»'5'. Certes, l'affirmation ne figure pas au dispositif de
l'arrêt, mais il n'en demeure pas moins, comme l'a soulevé A.
Tournier, qu'elle illustre parfaitement l'évolution de la conception de
la protection diplomatique'52.
Il sied de noter que c'est le préjudice subi par les
individus qui sert de base à l'évaluation de l'indemnisation.
L'indemnisation est le résultat de l'action en protection diplomatique.
Dans la mesure où l'endossement de la protection diplomatique
relève du pouvoir discrétionnaire, celle-ci relève
également du pouvoir discrétionnaire de l'Etat. Le pouvoir
discrétionnaire de l'Etat dans l'indemnisation signifie que l'Etat est
tout à fait libre dans l'endossement que dans la détermination et
dans le versement de celle-ci.
L'évolution de la place de l'individu nous amène
à réfléchir à la relativisation de ce pouvoir
discrétionnaire. En effet, le pouvoir discrétionnaire dans la
détermination de l'indemnisation a tendance à connaitre un
encadrement du fait de la prise en compte du dommage causé à
l'individu. Dans l'Affaire de l'Usine de Chorzow'53 la Cour
permanente de justice internationale retient que bien que le dommage
causé à la personne privée ne soit jamais identique en
substance au préjudice subi par l'Etat, il peut fournir « une
mesure convenable de la réparation due à l'Etat ». Il
découle que d'une part, le dommage subi par l'individu est la mesure du
dommage subi par l'Etat et, d'autre part, que la liberté de l'Etat dans
la formulation de sa réclamation est subordonnée à la
consultation de l'individu. Le
149 John DUGARG, septième rapport sur la protection
diplomatique, op.cit., p.40.
150 Projet d'articles sur la protection diplomatique et
commentaires y relatifs, op.cit., p.97.
151 C.I.J., arrêt Diallo, op.cit., §57.
152 A. Tournier cité par BORSUS Hélène,
op.cit., p.30.
153 C.P.I.J, Arrêt du 26 juillet 1927 (compétence),
Affaire de l'Usine de Chorzow (Allemagne c. Pologne), Rec.
Série A, n°9, p.28.
39
pouvoir discrétionnaire de l'Etat dans la
détermination de l'indemnisation est établi mais il est
encadré par la prise en considération du dommage individuel.
SECTION III : LES CONDITIONS D'EXERCICES DE LA
PROTECTION
DIPLOMATIQUE.
En droit international, comme le note un auteur, « Tous
les Etats sont confrontés à la nécessité de
définir leur patrimoine humain »154. Ce patrimoine est
la population et c'est en fonction de la compétence personnelle
exercée sur elle qu'il fonde sa protection diplomatique.
Tout Etat est libre d'accepter ou de renoncer à
l'accord de la protection diplomatique à son national mais dans la
mesure où il accepterait, il existe des conditions que le national doit
remplir. Ces conditions universellement admises peuvent être
ramenées à l'ensemble des conditions de l'ordre que dessous : le
lien de nationalité, l'épuisement des voies de recours internes
et le national doit avoir les mains propres ou la théorie des mains
propres.
§1. Le lien de nationalité
L'exercice de la protection diplomatique nécessite un
lien qui rattache l'Etat protecteur à la personne physique ou morale
protégée. A partir du moment où l'attribution d'une
nationalité relève exclusivement de la compétence
souveraine d'un Etat, il est claire que la condition de nationalité,
dans le contentieux de la protection diplomatique, présente alors un
caractère éminemment étatique.
Toute personne est normalement liée à un Etat,
qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale et c'est sur base de cette
fonction que s'exercice de la protection diplomatique. L'Etat en droit
d'exercer la protection diplomatique est l'Etat de
nationalité155. La compétence personnelle d'un Etat
sur ses ressortissants peut se concevoir comme un lien d'allégeance
particulier qui lui subordonne à une personne
donnée156. Cette allégeance est la nationalité
qui est un élément inhérent à toute personne
humaine.
La protection diplomatique, en tant que compétence de
souveraineté, n'a vocation à s'appliquer en principe qu'à
l'égard des nationaux de l'Etat157. L'exigence d'un lien
de
154 Verwilghen Michel., op.cit., p.47.
155Art. 3, du projet d'articles de la Commission du
droit international sur la protection diplomatique adopté en seconde
lecture, in rapport de la Commission du droit international sur les travaux
de sa 58è session (2006), document n°A/61/10 en ligne sur
http://www.un.org/law/ilc,
p.27.
156 Nguyen et alii, cités par Joseph BACISEZE,
op.cit., p.12.
157 Paul De VISSCHER, op.cit., p.154.
40
nationalité entre un Etat et l'individu est une des
conditions nécessaires à l'exercice de la protection
diplomatique. Il serait donc théoriquement impossible de mettre en
oeuvre la protection diplomatique pour un individu qui n'est pas
rattaché à un quelconque Etat158.
A. Définition
Il sied de signaler que le concept nationalité ne fait
pas l'objet d'une définition doctrinale unanime, plusieurs auteurs
divergent sur la portée exacte de ce concept.
Il semblerait plus judicieux qu'on puisse cependant se fier
à la définition énoncée par la Cour Internationale
de Justice dans l'affaire Nottebohm. Selon cette haute juridiction
internationale, la nationalité constitue : « (...) lien
juridique ayant à sa base un fait social de rattachement, une
solidarité effective d'existence, d'intérêts, de sentiments
jointe à une réciprocité de droits et de devoirs.
»159
Selon la Convention européenne sur la
nationalité signée le 6 novembre 1997 à Strasbourg sous
les auspices du Conseil de l'Europe, la nationalité désigne :
« le lien juridique entre une personne et un Etat et n'indique pas
l'origine éthique de la personne »160. Ces
définitions sont l'oeuvre de l'esprit du droit international concernant
la nationalité.
Le concept nationalité est plus abordé en droit
constitutionnel, qui est un droit interne. En effet, la nationalité dans
l'ordre juridique interne est avant tout un lien juridique et politique entre
un individu et un Etat. De par ce lien, l'individu sera soumis à la
compétence personnelle de son Etat. C'est dans cette vision
d'idée que la possession pour un individu d'une nationalité lui
confère toute une série de droits et l'astreint à
certaines obligations, tant envers le groupement d'individus auquel il
appartient qu'envers l'Etat lui-même dont il est sujet de son ordre
juridique interne161.
B. La détermination de la nationalité :
un pouvoir réservé à l'Etat
En fait, la nationalité doit être analysée
comme un des corollaires de l'existence des Etats, quelle qu'en soit la forme
de gouvernement ou de la population qui y vit. La nationalité permettra
de déterminer l'existence de cette population162.
Comme le remarque l'auteur Audit, l'Etat va donc exercer :
« (...) à l'égard de ses nationaux une compétence
dite personnelle, reconnue par le droit international. Celle-ci
158 Exceptionnellement dans le cas des apatrides.
159 C.I.J., Affaire Nottebohm (Liechtenstein c.
Guatemala), 6 avril, Recueil 1955, p.23.
160 Article 2 de la Convention de Strasbourg sur la
nationalité.
161 Bertrand BAUCHOT, op.cit., p.21.
162 Il est question ici de la définition classique de
l'Etat.
41
permet de prendre des mesures à leur égard
où qu'ils se trouvent : les nationaux ne sont soumis au pouvoir normatif
de l'Etat que du seul fait qu'ils franchissent la
frontière.»163
En tant que lien juridique de rattachement, la
nationalité produit donc des effets tant au plan interne qu'au plan
international à l'égard de ses détenteurs. Parmi ces
effets, il serait impossible de ne pas inscrire la protection diplomatique.
Nous estimons que, c'est en raison de l'incapacité traditionnelle des
individus de se pourvoir devant les juridictions internationale que se justifie
la protection diplomatique d'un Etat envers un individu. A ce sujet, Perrin
pense que : « l'une des conditions de l'exercice de cette protection
est l'existence d'un lien juridique rattachant l'individu à l'Etat qui
veut intervenir en sa faveur. »164.
Il ressort de ce lien que chaque Etat jouit d'une
liberté d'en fixer les règles et les conditions d'octroi de sa
nationalité au nom de l'égalité souveraine, c'est ce qui
ressort en tout cas de l'Avis consultatif de la Cour permanente dans l'affaire
des Décrets de nationalité en Tunisie et au Maroc. La cour a
estimé que : « (...) dans l'état actuel du droit
international, les questions de nationalité sont, en principe, de
l»avis de la Cour, comprises dans le domaine réservé des
Etats165 ». Selon la position prise par la Cour, il appartient
à l'ordre juridique interne de chaque Etat de fixer la
nationalité sur ses sujets car toute question au point de savoir si un
individu possède la nationalité d'un Etat doit être
résolue conformément aux dispositions en vigueur de cet Etat.
Cette position a été confirmée par le
rapport du projet d'article qui énonce : « Aux fins de la
protection diplomatique d'une personne physique, on entend par Etat de
nationalité un Etat dont cette personne a acquis la nationalité,
conformément au droit de cet Etat, par sa naissance, par filiation, par
naturalisation, à la suite d'une succession d'Etats ou de toute autre
manière non contraire au droit international166.
C. Analyse de la règle de la nationalité
de la personne protégée.
La règle traditionnelle de la continuité de la
nationalité, exigeait de l'individu qu'il possède de
manière ininterrompue la nationalité de l'Etat à partir du
moment de la survenance du dommage jusqu'à celui de la
présentation de la réclamation167.
163 Audit cité par Bertrand BAUCHOT, op.cit., p.22.
164 Perrin G., Les conditions de validité de la
nationalité en droit international public, in Hommages à
Paul Guggenheim, I.H.E.I, 1968, pp., 853-883.
165 C.P.I.J, Affaire des Décrets de nationalité
promulgués en Tunisie et au Maroc, A.C du 7 février 1923
série B, n°4, p.42.
166 Article 4ème du projet d'articles de la
Commission du droit international sur la protection diplomatique adopté
en seconde lecture, op.cit., p.22.
167 Mohamed BENNOUNA, op.cit. p. 321.
42
Dans le célèbre arrêt Nottebohm,
la C.I.J. eut à se prononcer sur l'existence du lien de
nationalité entre Monsieur Nottebohm et le Liechtenstein. Monsieur
Nottebohm de nationalité allemande, résidait au Guatemala depuis
1905 et y dirigeait une société. En 1939, il obtint, sans y avoir
jamais vécu, la nationalité liechtensteinoise. Le Liechtenstein,
exerçant sa protection diplomatique, agit contre le Guatemala en raison
de certaines mesures prises à l'encontre de la personne et des biens de
monsieur Nottebohm qu'il estimait contraire au droit international. Le
Guatemala contesta la recevabilité de la demande à raison du
non-épuisement des voies de recours internes et de
l'irrégularité de l'acquisition de la nationalité
liechtensteinoise par monsieur Nottebohm. La C.I.J. s'appuyant sur les liens
extrêmement tenus qui liaient Monsieur Nottebohm au Liechtenstein, jugea
que la nationalité n'était pas effective et ne pouvait dès
lors permettre l'action du Liechtenstein168.
Pour J.-F. Flauss, l'exigence d'effectivité de la
nationalité ne s'expliquerait qu'en raison de la particularité
des faits de l'affaire et ne devrait pas constituer un principe
général169.
§2. La théorie des mains propres
Il ne suffit pas à un individu d'être
détenteur la nationalité d'un Etat quelconque pour espérer
de ce dernier une protection diplomatique, mais aussi d'avoir un comportement
irréprochable ou une bonne conduite dans l'Etat de séjour qui
constitue l'une des conditions de recevabilité de la protection
diplomatique.
Etroitement liée au comportement de l'individu, la
théorie des mains propres est l'une des conditions procédurales
clef de l'endossement étatique. En effet, l'Etat ne prendra fait et
cause pour son national que si et seulement si celui-ci a eu, dans l'ordre
juridique interne de l'Etat responsable, un comportement irréprochable
ou non dommageable. Un Etat ne pourrait pas faire valoir les droits d'un
national qui a commis une faute.
Le comportement de l'individu est pris en compte dans la
détermination de la responsabilité de l'Etat hôte ; la
faute de la victime peut être (réelle), peut ainsi être
invoquée soit pour atténuer celle-ci soit pour
l'exonérer170.
168 Arrêt, Nottebohm, 6 avril 1955
169 J.-F. Flauss cité par BORSUS Hélène,
op.cit., p. 11.
170 M. BENNOUNA, op.cit. p. 321.
43
A. Analyse d'un comportement irréprochable
Selon la théorie des mains propres, pour les juristes
anglophones : « la personne physique ou juridique étrangère
doit avoir eu une conduite correcte envers l'Etat territorial, s'en tenant
à ses lois et ne se mêlant pas de ses affaires politiques internes
pour pouvoir se réclamer de la protection diplomatique de son propre
Etat »171.
Dans le cadre d'un différend international, et devant
la Cour internationale de justice, les Etats, lorsqu'ils présentent des
exceptions préliminaires, ont souvent la coutume d'aborder celles
relatives au comportement dommageable de l'individu qui se dit victime d'un
préjudice de la part de l'Etat hôte. Les divergences doctrinales
de point de vue ont été assez abondantes en ce qui concerne la
base de cette règle. A cet égard, Borchard retient que : «
La protection diplomatique peut être refusée à un national
ou retirée à ce dernier et une demande en sa faveur peut
être rejetée ou rayée du rôle si la conduite
blâmable de ce national lui a fait perdre le droit à la protection
nationale »172. Il s'avère que si l'Etat du national
oeuvrait tout de même en faveur de son national malgré son
comportement dommageable, il serait qualifié d'Etat irresponsable.
Dans la même perception, Louis CAVARE écrit que
l'individu, se trouvant à l'étranger est tenu, voire
obligé de se conformer à une certaine attitude de faire
discrétion et de loyauté envers l'Etat sur le territoire duquel
il se trouve173. D'après cette conception, le recours
à la protection diplomatique ne pourra être envisageable
qu'à la condition que cette conduite blâmable ait
été involontaire. En somme, l'individu ne doit pas avoir, de par
son comportement, enclenché le dommage dont il est victime pour
espérer bénéficier de son Etat une protection quelconque.
Il importe de dire que si l'individu est accepté par la pays où
il réside, il est tenu par contre de se conformer à ces
règles et d'en respecter les prescriptions.
Dans la Sentence arbitrale rendue le 5 janvier 1935 par la
Commission arbitrale Canada-Etats-Unis, l'affaire dite du I'm
alone174, certains auteurs ont reconnu que les arbitres ont
estimé, à juste titre que, bien que le bateau canadien
coulé par les garde-côtes américains contenait un
chargement illégal et frauduleux d'alcool et de contrebande, il n'en
demeurait pas moins que le gouvernement canadien devrait être
indemnisé de la perte de l'équipage. En effet, il ne pouvait
être indemnisé de la perte du chargement frauduleux et du bateau,
mais il
171 Garcia-Arias cité par Salmon J.A, Des « mains
propres » comme condition de recevabilité des réclamations
internationales, A.F.D.I, 1964, pp. 225-266.
172 Ann. I.D.I, éditions Pédone, 1931, pp.
423-424.
173 Louis CAVARE, Le droit international public positif,
3ème édition, Pedone, 1967, vol I, p. 806
174 Affaire du I'm alone, Commission des réclamations
Canada-Etats-Unis, S.A, 5 janvier 1935, R.S.A, vol. II, pp. 1611-1618.
44
avait subi un préjudice du fait de la disparition de
ses nationaux. Il en ressort que ces derniers, au regard de la théorie
des mains propres et, eu égard aux faits, n'étant pas directement
responsables du dommage qui leur a coûté la vie.
Cette position est plus que discutable puisque, même
s'il est reconnu que ce sont les Etats-Unis qui, les premiers, sont à
l'origine directe du dommage, il est évident que les victimes n'avaient
pas eu un comportement irréprochable étant donné qu'ils
étaient au courant du contenu de la cargaison, celle-ci avait une
origine frauduleuse et était destinée à un trafic
illégal. En ce sens, on peut estimer que, selon la théorie des
mains propres, les marins canadiens étaient, en raison de leur
comportement, responsables de leur dommage. Tout sera donc une question
d'appréciation du juge.
B. Comportement reprochable comme cause
d'irrecevabilité
Comme il a été fait mention, l'individu
participe donc, directement, à l'instance en ayant un comportement
irréprochable. Ce sera donc en appréciant souverainement la
nature de ce comportement que l'Etat acceptera de prendre fait et cause pour
son ressortissant lésé. En effet, l'absence d'une conduite
inconvenante envers l'Etat territorial, l'Etat de nationalité ne pourra
intervenir. Bien que ce comportement soit non préjudiciable,
l'intervention de l'Etat de nationalité reste discrétionnaire
quand bien même la condition des mains propres serait remplie. Ainsi, les
Etats peuvent légitimement s'abstenir de prendre fait et cause pour
leurs nationaux, en endossant leurs réclamations, s'ils ne les estiment
pas dignes de leur appui175.
Malgré les confrontations doctrinales y relatives, le
constat observé est que le non-respect de la théorie des mains
propres constitue à lui seul une véritable cause
d'irrecevabilité de la demande. Donc toute demande résultant d'un
fait individuel reprochable. Il incombe alors à l'individu
résidant à l'étranger, s'il veut éventuellement
voir sa cause internationalement défendue par son Etat, de se comporter
de manière raisonnable, correcte et licite dans l'ordre juridique de
l'Etat de résidence.
C'est seulement à cette condition que l'individu pourra
exiger à son Etat d'intervenir en sa faveur pour enfin plaider sa cause.
Cette pratique est énoncée déjà en 1793, par le
président américain, Georges Washington qui déclarait :
« (...) celui des citoyens des Etats-Unis qui se rendra punissable de
châtiment ou de confiscation en vertu du droit des gens en commettant,
aidant ou encourageant des hostilités contre une des dites puissances
(Autriche,
175 Bauchot BERTRAND, op.cit., p.110.
45
Prusse, Sardaigne, Grande-Bretagne, Pays-Bas et France) ou
en lui transportant un des articles considérés comme contrebande
par l'usage actuel des Nations ne recevra pas la protection des Etats-Unis
contre cette punition ou confiscation176 ».
Déjà à cette époque, et les
exemples de ce genre nombreux, le non-respect de la théorie des mains
propres entrainait directement le refus de l'endossement. A contrario, cette
proclamation est la confirmation de l'importance que l'individu a de devoir se
comporter convenablement, s'il souhaite se voir diplomatiquement
représenté par son Etat de nationalité.
§3. L'épuisement des voies de recours
internes
Comme énoncé ci-haut, il ne suffit pas à
un individu d'avoir la nationalité ou encore moins d'avoir les mains
propres pour attendre l'intervention de son Etat d'origine, mais aussi d'avoir
épuisé les voies de recours internes devant les juridictions de
l'Etat responsable.
La condition de l'épuisement des voies de recours
internes est l'une des trois conditions de recevabilité de l'action en
protection diplomatique. Cette condition procédurale qui, plus
explicitement, fera participer l'individu à l'instance, est ainsi
essentielle à l'exercice de la protection diplomatique.
Elle signifie que l'individu doit avoir préalablement
épuisé les local remedies177avant que l'Etat
de nationalité endosse la protection diplomatique. Elle fait de la
protection diplomatique un mécanisme subsidiaire de la protection des
droits car celle-ci n'est mise en oeuvre que si les voies de recours internes
n'ont permis à l'individu d'obtenir satisfaction.
Il faudrait d'abord que l'individu ait tenté d'obtenir
justice par les juridictions internes de l'Etat qui l'aurait causé
préjudice, et ce n'est qu'après n'avoir pas obtenu gain de cause
qu'il pourra ensuite demander l'implication de son Etat de nationalité.
Cette règle est retenue tant dans la doctrine que dans la jurisprudence.
Il a été avancé l'idée que la responsabilité
internationale était intrinsèquement liée à la mise
en oeuvre de cette règle.
Nombreuses sont les affaires pouvant être
annexées pour appuyer cet argumentaire. Comme c'est le cas dans la
célèbre affaire Mavrommatis, la Cour permanente retient que :
« C'est un principe élémentaire du droit international que
celui qui autorise l'Etat à protéger ses nationaux
lésés par des actes contraires au droit international commis par
un autre Etat
176 Proclamation de Georges Washington du 22 Avril 1973
portant déclaration de neutralité des Etats-Unis dans la guerre
de coalition contre la France cité par J. Salmon, op.cit., p.223.
177 D. RUZIE cité par KASSABO Léon Dié,
op.cit., p.60.
46
dont ils n'ont pu obtenir satisfaction par les voies
ordinaires178 ». Il assez est clair que l'épuisement des
voies de recours internes revêt le caractère d'une règle
coutumière du droit international.
De plus, dans son arrêt du 14 avril 1939 relatif
à l'affaire de La Compagnie d'électricité de
Sofia et de Bulgarie, la Cour Permanente a estimé qu'un arrêt
en Cassation n'était pas une voie de droit extraordinaire. Cette
décision doit être considérée comme
définitive, puisque la Cour de cassation bulgare est l'ordre juridique
suprême. Ainsi, selon la Cour : « La règle de
l'épuisement des recours internes (...) implique l'épuisement de
tous recours y compris ceux devant la Cour de cassation, laquelle seule peut,
soit-en cassant la sentence de la Cour d'Appel renvoyer l'affaire pour un
nouvel examen, soit en rejetant le pourvoi-rendre la sentence
définitive179 ».
Il sied de noter que cette position est explicite en ce sens
qu'elle précise que quel que soit le degré de la juridiction
nationale devant laquelle est exercé le recours, tant qu'elle est du
pays territorial alors elle reste interne.
A. Analyse du fondement de l'épuisement de voies
de recours internes
L'épuisement des voies de recours est une règle
tendant au respect de la souveraineté de l'Etat causant
préjudice. Si cette règle existe, c'est pour permettre à
l'Etat du préjudice de réparer le dommage causé par lui,
selon ses propres règles juridictionnelles internes. D'origine
coutumière, cette règle bien connue trouverait son origine dans
le devoir de respect dû à la souveraineté de l'Etat dont la
souveraineté est engagée180.
Si un Etat cause préjudice à un individu
résidant sur son territoire, il est donc assez logique que, du moins au
stade préliminaire de la procédure, ses règles de droit
interne interviennent pour le réparer.
Sans l'exercice des voies de recours internes, l'implication
directe de l'Etat pour le compte de son national sera mal observée, et
ce pour deux raisons. En premier lieu, ce serait une violation grave d'un
principe sacro-saint du droit international et qualifié par la Cours en
ce sens « d'un grand principe du droit international
coutumier181 ». Ce genre d'interventions aurait donc des
conséquences graves et serait considéré comme une
ingérence dans les affaires intérieures d'un Etat. Comment
imaginer que l'individu puisse faire appel à son Etat
178 C.P.I.J, Affaire Mavrommatis, op.cit., p.12.
179 C.P.I.J., Affaire de la Compagnie
d'électricité de Sofia et de Bulgarie (Belgique c.
Bulgarie), 14 avril 1939, série A/B, n°77
180 Paul De VISSCHER cité par BORSUS Hélène,
op.cit., p.11.
181 Bertrand BAUCHOT, op.cit., p.119.
47
de nationalité pour régler le différend,
alors que les moyens de droit interne sont ainsi à sa disposition ? Dans
ce cas, il y aurait bel et bien ingérence dans les affaires internes de
l'Etat territorial.
L'épuisement des voies internes a véritablement
pour bien fondé le respect de la souveraineté de l'Etat
territorial sur les individus se trouvant sur son territoire. Dans ce sens,
l'on se rapprocherait de l'idée évoquée par le juge
Cordova dans l'Affaire de l'Interhandel qui pense que la raison de
l'existence de cette règle (...) est la nécessité absolue
d'harmoniser les juridictions internationales et nationales assurant le respect
dû à la juridiction souveraine des Etats (...) L'on parvient
à cette harmonie, à ce respect de la souveraineté des
Etats, en accordant priorité à la juridiction des tribunaux
internes de l'Etat dans les affaires où des étrangers
introduisent un recours contre un acte des autorités exécutives
ou législatives182.
Pour pallier ces problèmes d'ingérence et de
violation de la souveraineté étatique, les Etats ont
adopté, dans leurs relations conventionnelles, de
légiférer le recours de cette règle. En application de
cette règle, l'Accord de coopération franco-américaine du
28 juin 1948, ayant trait à l'application en France du plan Marshall
prévoit son article 10 alinéas 3 : « Il est également
entendu qu'aucun des deux gouvernements ne présentera aux termes du
présent article, de réclamations d'un de ses ressortissants avant
que celui-ci n'ait épuisé les voies de recours qui lui sont
ouvertes devant les tribunaux administratifs et judiciaires du pays où
la réclamation prend naissance »183.
§4. La clause de Calvo
La clause de Calvo est considérée comme une
entorse à l'exercice de la protection diplomatique. C'est suite à
de nombreux abus survenus dans l'exercice de la protection diplomatique que
certains Etats latino-américains ont décidé de poser une
barrière en vue de tempérer ce débordement.
D'après cette clause insérée dans un
contrat, conclu entre un individu et Etat étranger, cet individu
s'engage volontairement à renoncer, en cas de litige, au recours
à la protection diplomatique. Cette clause s'avère contradictoire
avec la fiction de l'endossement, elle n'a pas de raison d'être en droit
international car c'est l'Etat du ressortissant lésé qui engage
sa
182 C.I.J., Affaire Interhandel, Rec. 1959, p.246,
opinion personnelle du juge Cordova.
183 Accord de coopération économique entre la
France et les Etats-Unis du 28 juin1948 relatif à l'application du
programme de relèvement européen.
48
responsabilité pour plaider éventuellement la
cause de l'individu et non ce dernier qui accepte ou refuse l'intervention de
son Etat d'origine en pactisant avec l'Etat de résidence.
49
CONCLUSION GENERALE
Comme il a été constaté tout au long de
notre travail, la protection diplomatique reste et demeure l'un des
mécanismes de protection dont jouit l'individu sur la scène
internationale ; cette pratique ancrée dans les moeurs des Etats
relève de la responsabilité de ces derniers qui l'appliquent par
le biais de la compétence personnelle exercée sur ses
ressortissants.
Nous avons démontré que la protection
diplomatique vue sous un certain angle était inefficace, car
considérée comme institution inégalitaire que seuls les
Etats puissants étaient en mesure de mettre en oeuvre en faveur de leurs
ressortissants, il s'agit de l'idée selon laquelle son exercice devrait
être l'apanage de tout Etat dont le ressortissant est lésé
sans discrimination et surtout sans la prise en compte du statut
économique ou de la position de cet Etat.
Concernant la RDC, il a été constaté
qu'aucune action en protection diplomatique n'a été
amorcée à l'égard d'un seul ressortissant congolais, un
constat amer de la part de nos autorités congolaises. Ce silence
diplomatique se justifie par la promotion des relations multilatérales
qu'entreprend notre pays avec ses semblables au détriment de droits de
ses nationaux.
En effet, il convient de signaler que le sujet du
caractère discrétionnaire de la protection diplomatique a
posé beaucoup de controverses au sein de la doctrine. L'Etat est sujet
par excellence de droit international, ainsi le fondement de la protection
diplomatique est le droit propre de l'Etat. Notre analyse a prouvé que
cette position était plus que discutable car il ne faudrait pas
écarter l'idée selon laquelle, de prime abord, c'est l'individu
qui subit directement le préjudice en engageant par conséquent
l'intervention de son Etat d'origine et aussi qu'actuellement l'individu fait
l'objet d'une certaine reconnaissance et jouit d'une portion de droits
internationaux.
C'est à travers des préalables ou des conditions
de recevabilité que se fondent l'exercice de la protection diplomatique.
Ces conditions concourent à une bonne administration de la protection
diplomatique, elle rend cette dernière effective.
50
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39
55
TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE 1
IN MEMORIAM II
DEDICACE III
AVANT-PROPOS IV
LES PRINCIPAUX SIGLES UTILISES V
INTRODUCTION GENERALE 1
1 PRESENTATION DU SUJET 1
2. CHOIX ET INTERET DU SUJET 2
3. ETAT DE LA QUESTION 3
4. PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES 5
a. PROBLEMATIQUE 5
b. HYPOTHESES 7
5. METHODES ET TECHNIQUES DE RECHERCHE 10
a. METHODES DE RECHERCHE 10
b. TECHNIQUE DE RECHERCHE 11
6. DELIMITATION DU SUJET 11
a. Sur le plan temporel. 11
b. Sur le plan spatial. 12
7. SUBDIVISION DU TRAVAIL 12
CHAPITRE I : CADRE CONCEPTUEL DE L'ETUDE DE LA
PROTECTION
DIPLOMATIQUE 13
SECTION I : DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE
13
SECTION II : DEFINITION DES CONCEPTS 13
§1. Le Droit international public 14
§2. L'Etat 15
§3. La souveraineté 17
§4. La protection diplomatique 19
§5. L'individu 29
CONCLUSION DU PREMIER CHAPITRE 34
CHAPITRE II : L'ETAT DE LA PROTECTION EN REPUBLIQUE
DEMOCRATIQUE DU
CONGO ET LES CONDITIONS D'EXERCICES DE LA DITE
PROTECTION. 35
SECTION I : L'ETAT DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE EN
R.D.C 35
SECTION II : ANALYSE CRITIQUE DU CARACTERE
DISCRETIONNAIRE
D'ENDOSSEMENT DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE.
36
SECTION III : LES CONDITIONS D'EXERCICES DE LA
PROTECTION DIPLOMATIQUE.
56
§1. Le lien de nationalité 39
§2. La théorie des mains propres
42
§3. L'épuisement des voies de recours
internes 45
§4. La clause de Calvo 47
CONCLUSION GENERALE 49
BIBLIOGRAPHIE 50
|