Nathalie Monin, maître de mémoire
Elisabeth Berthelot IGS FC - RGRH 58
2019 - 2020
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Quels sont les rôles et missions de la fonction RH pour
mettre en place les formations liées à l'impact de l'intelligence
artificielle sur certains métiers dans le plan de développement
des compétences des établissements de santé en France ?
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1
Table des matières
Préambule 3
Introduction 4
Contexte actuel du secteur santé 4
I. Etat des lieux 6
A. Définitions et mise en contexte 6
1. Qu'est-ce qu'un établissement de santé ?
Comment fonctionne-t-il ? 6
2. Qu'appelle-t-on nouvelles technologies ? Qu'est-ce que
l'intelligence artificielle ? 7
3. Quelles nouvelles technologies pour l'hôpital/la
santé ? 8
4. Qu'est-ce que l'Intelligence Artificielle
appliquée au domaine de la santé ? 10
B. Les Groupements Hospitaliers de Territoire : un contexte
de réorganisation
globale qui influe en parallèle sur tous les
changements à anticiper 11
C. Comment les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle impactent-elles
le secteur de la santé ? 12
D. Quelles conséquences y a-t-il / y aura-t-il sur
les métiers des établissements de
santé / du secteur santé ? 14
1. Les médecins 15
2. Les métiers de soin : Les infirmier.e.s, les
manipulateurs radios, les aides-soignants 20
3. Les métiers administratifs : secrétariats
médicaux et agents d'accueil 23
4. Les autres métiers 25
5. De combien de professionnels parle-t-on ? 26
II. L'accompagnement mis en place 28
A. L'accompagnement mis en place à
l'échelle de l'établissement 29
B. Les médecins 32
1. Comment les médecins appréhendent-ils le
changement ? 32
2. Comment les médecins sont-ils accompagnés dans
ces changements aujourd'hui ? 33
3. Comment les acteurs du secteur santé souhaitent-ils
être accompagnés ? 34
4. Quel accompagnement spécifique les autres acteurs
et/ou décideurs du secteurs santé
souhaitent-ils mettre en place ? 36
C. Les infirmier.e.s 38
1. Comment les infirmiers appréhendent-ils le changement
? 38
2. Comment les infirmier.e.s sont-ils accompagnés dans
ces changements aujourd'hui ? 39
3. Comment souhaitent-ils être accompagnés ? 40
4. Quel accompagnement spécifique les autres acteurs
et/ou décideurs du secteurs santé
souhaitent-ils mettre en place ? 42
D. Les agents d'accueil 43
1. Comment les assistants administratifs et agents d'accueil
appréhendent-ils le
changement ? 43
2. Comment les agents d'accueil sont-ils accompagnés dans
ces changements aujourd'hui ? 45
3. Comment souhaitent-ils être accompagnés ? 46
2
4. Quel accompagnement spécifique les autres acteurs et/ou
décideurs du secteurs santé
souhaitent-ils mettre en place ? 46
E. Les bonnes pratiques d'accompagnement des ressources
humaines 47
1. La culture du changement 47
2. Les évolutions à envisager 47
3. Ce qui fonctionne déjà ou peut être mis en
place à court terme 49
III. Recommandations d'accompagnement
52
Qui définit le plan de développement des
compétences ? 52
Comment est-il financé ? 53
Quelle sera sa forme ? 53
Qui sont les acteurs ? 54
Quels seront les délais ? 55
Quels seront les enjeux ? 55
A. Sensibilisation et Formations conduite du changement
55
1. Étape 1 : former les directions 55
2. Étape 2 : former les comités de pilotage et les
cadres à la conduite du changement 58
B. Formations interdisciplinarité / projets
inclusifs et collaboratifs 59
C. Formations propres à l'évolution des
métiers 64
Les outils : 66
Psychologie : 66
Conclusion 70
Bibliographie mémoire 74
Annexes 78
3
Préambule
J'ai écrit ce mémoire afin de finaliser cette
année d'étude effectuée à l'IGS dans le cadre du
diplôme de responsable de la gestion des ressources humaines, titre
certifié inscrit au RNCP au niveau 6.
Le sujet des formations à mettre en place dans les
établissements de santé dans le cadre de la transformation
numérique et des possibles usages de l'intelligence artificielle est
apparu assez rapidement comme une évidence. Je travaille dans le secteur
sanitaire depuis huit ans. Ce sujet est évoqué de plus en plus
régulièrement par les professionnels de santé. Il me
parait évident qu'il est incontournable et qu'il nécessite un
travail précis et engagé. Il est un levier extraordinaire de
modifications des pratiques de travail à l'hôpital pour aller dans
le bon sens. Comment ne pas s'en saisir quand on en prend conscience ?
J'ai eu le plaisir de lire des ouvrages propres au sujet de
l'intelligence artificielle en santé, d'autres parcourant le
métier de DRH, celui de DRH à l'hôpital, de DRH
confronté au digital et au changement, rédigés par des
professionnels passionnés et plus passionnants les uns que les autres.
J'ai eu la chance et l'honneur de pouvoir échanger sur le sujet avec des
professionnels dont la place n'est pas due au hasard. Si j'ai pris la
décision de retranscrire en intégralité les entretiens que
j'ai eus avec Perrine Cainne, Jérôme Carfantan, Pauline Cuisine,
Nicolas Delmas, Adrien Deudon, Camille Giordano, David Gruson, Marie-Pier
Levesque, Stéphanie Quesnel et le DRH d'un Centre Hospitalier
Universitaire, c'est parce que j'avais anticipé la qualité de ces
entretiens. Le niveau des réponses que j'ai reçues est
élevé et a dépassé largement mes espérances
et exigences. Je ne saurais les remercier suffisamment pour ce temps
donné et ces réflexions et idées qu'ils m'ont tous
partagés avec générosité et envie de faire
avancer... le monde... avec force et humilité.
Nombreux sont ceux qui m'ont soutenue et accompagnée
tout au long de cette année et que je tiens à remercier :
camarades de promotions, professeurs à l'IGS dont Emmanuelle Casati pour
ses conseils à la préparation de ce mémoire, Mariamme
Midot, collègues de stage (je pense plus particulièrement
à Maxime Cauterman et Jonathan Ardouin qui m'ont accueillie dans
l'extraordinaire épopée de Livi France comme responsable des
ressources humaines aux balbutiements de la crise liée à la
Covid, pendant tout le confinement et au-delà), Nathalie Monin,
maître de mémoire, pour ses remarques constructives et son
accompagnement bienveillant, tous ceux qui sur mon chemin m'ont transmis
l'envie d'emprunter cette voie, ils sont nombreux et j'espère qu'ils se
reconnaitront et enfin et surtout ma famille et mes proches qui m'ont
apporté un soutien sans faille durant cette année
spéciale.
4
Introduction
Les métiers de la santé évoluent
constamment ces dernières années. L'hôpital doit en
permanence s'adapter aux nouvelles technologies existantes afin de proposer des
services toujours plus performants au service du patient avec des contraintes
budgétaires conséquentes. Il est important que les acteurs de la
santé se forment non seulement à l'utilisation de ces outils mais
également aux changements qu'ils impliquent au quotidien et dans
l'organisation globale.
Le défi des établissements de santé
aujourd'hui relève de la combinaison de la digitalisation, des
progrès en médecine, de l'accès aux données, de
l'accès et de la maîtrise des nouveaux outils. Il offre des
perspectives incroyables qu'il va falloir encadrer et ce dans un contexte
organisationnel et sanitaire complexe. Au-delà des questions techniques,
légales et éthiques, ce sont des défis d'organisation et
de confiance qui devront être relevés.
Contexte actuel du secteur santé
Il ne s'agit pas ici de décrire le contexte de crise
sanitaire engendré par le Coronavirus ces derniers mois, les nombreux
médias à disposition de l'ensemble de la population s'en chargent
allégrement au quotidien. Il me parait néanmoins important de
rappeler ce contexte afin d'appuyer le mal-être et les difficultés
rencontrés par les professionnels de santé d'une manière
générale. Les enjeux portés aujourd'hui par les ressources
humaines hospitalières sont sous le feu des projecteurs. Voilà de
nombreuses années que le personnel hospitalier, notamment médical
et paramédical, réclame des mesures importantes de réforme
du système de santé. Une démographie qui évolue,
une culture qui change, des réformes précédentes pas
toujours adéquates, des changements de système de financement, un
redécoupage territorial et des évolutions technologiques
bouleversent le système de santé un peu plus chaque jour. Le plan
ma santé 2022 annoncé en septembre 2018 par le président
de la république est destiné à améliorer les
conditions générales de prise en charge des patients de
façon systémique à horizon 2022. Les professionnels de
santé n'y ont pas trouvé les réponses quant à leurs
problématiques quotidiennes et l'ont fait savoir dans la rue et au
travers des différents médias et réseaux sociaux. La crise
sanitaire liée à la Covid 19 accélère et renforce
le malaise des acteurs de la santé. Le gouvernement répond
à ces problèmes majeurs par les accords du Ségur de la
santé établis avec les syndicats professionnels. L'absence de
certains représentants de métiers tels que les sages-femmes, les
orthophonistes, les infirmières de puéricultures, les
aides-soignants, etc., est dénoncée.
5
En termes de santé publique, parmi les faits
marquants et importants, on constate aujourd'hui que le nombre et la
proportion de maladies chroniques sont de plus en plus élevés,
quel que soit l'âge. Après 50 ans, la
majorité des personnes compte au moins une maladie chronique voire plus
tandis que le nombre croissant de possibilités de traitements tant
médicaux que faisant appel à de nouvelles technologies tend
à rendre impossible une pratique sereine de la médecine
par un être humain qui ne peut plus être à jour de
l'ensemble des possibilités. Les erreurs médicales et
des soins inappropriées conduisent à une issue
fatale.1
De plus en plus de médecins sont ainsi sujets au
burnout selon un article de Michael Girouard intitulé « AI in
the Exam Room: Combatting Physician Burnout and Improving Clinical Care
» dans la Harvard Business Review.2
Il devient urgent de modifier le système de
santé actuel et l'ensemble des formations qui y sont
liées. La médecine du futur sera préventive -
et donc moins coûteuse pour tous sur le long terme,
individualisée et prendra en compte l'engagement du patient dans son
propre parcours de soin. De plus en plus d'associations de patients
voient le jour et font entendre leur voix.
De nombreux présupposés sont nécessaires
pour comprendre les sujets dont il est ici question. Le fonctionnement
d'un hôpital et son contexte global sont complexes. La
définition de ce qui se cache derrière les termes de
nouvelles technologies et d'intelligence artificielle, d'autant plus
quand ils sont rattachés à un secteur précis tel
que celui de la santé, n'est pas
évidente, qu'on connaisse le secteur ou pas.
Pourtant les conséquences des mises en place d'outils
et de nouvelles technologies, notamment dotés
d'intelligence artificielle ont un impact direct sur certains
métiers. On peut se demander si tous sont bien accompagnés et de
manière homogène selon les métiers, selon le territoire et
selon l'établissement dans lequel les agents
opèrent. Sur la base de ces éléments,
plusieurs types d'actions peuvent être
préconisées, de la conduite du changement à la
formation des outils en passant par l'apprentissage de modes
de coopérations plus que nécessaires dans le
contexte actuel de l'hôpital.
1 Ran D. Balicer et Chandra Cohen-Stavi, Advancing Healthcare
Through data-driven medicine and artificial intelligence, « Santé
et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et
Cédric Villani, CNRS Editions, 2018
2
https://digital.hbs.edu/platform-rctom/submission/ai-in-the-exam-room-combatting-physician-burnout-and-improving-clinical-care/
6
I. État des lieux
A. Définitions et mise en contexte
1. Qu'est-ce qu'un établissement de santé ?
Comment fonctionne-t-
il ?
Un établissement de santé tel qu'un
hôpital public en France fonctionne avec un système de gouvernance
qui repose sur la collaboration de l'équipe de direction avec le
directoire, composé du directeur de l'établissement, du
président et du vice-président de la Commission Médicale
d'Établissement (un médecin), sous le contrôle du conseil
de surveillance (représentants des collectivités territoriales,
du corps médical et des personnels hospitaliers, personnes
qualifiées et représentants des usagers).
Les établissements de santé sont
organisés en pôles d'activité cliniques ou
médico-techniques sous la responsabilité d'un praticien titulaire
ayant autorité sur l'ensemble des équipes médicales,
soignantes et d'encadrement.
L'essentiel des fonds des hôpitaux provient d'une
branche de la sécurité sociale : l'Assurance Maladie,
elle-même financée par les cotisations sociales des employeurs,
des salariés et des indépendants.3 En 2004, le
système de dotation des hôpitaux a été
modifié pour passer d'un système forfaitaire à un
système de tarification à l'activité, c'est-à-dire
que ce sont les actes de soins et de médecine effectués dans
l'établissement qui déterminent les ressources qui lui sont
alloués. Chaque établissement public est autonome sous
surveillance des agences régionales de santé et chambres
régionales des comptes.4
L'hôpital est une organisation sociétale complexe
soumis à de forts enjeux de sécurité dans des
activités multiples (hospitalisation, consultation et imagerie)
potentiellement divisées en plusieurs pôles de
spécialités et gérant de nombreux métiers
extrêmement différents les uns des autres, qu'ils soient
soignants, techniciens (on trouve derrière ce terme tous les
métiers de la vie courante tels que plombiers, électriciens,
jardiniers, cuisiniers, ...) ou administratifs.
Un établissement de santé peut être public
ou privé. Dans le cas d'un établissement Public de Santé,
c'est l'état qui est à l'origine de l'organisation. C'est donc
lui qui doit être un des moteurs de l'IA en santé. Les enjeux
liés à la transformation numérique des
établissements publics de santé résident en partie sur
l'implication du gouvernement et des ministères concernés qui
devront tout mettre en oeuvre pour être une force plutôt qu'un
frein. Sans action et directives
3 Annexe 1 : le financement des hôpitaux publics
4
https://www.hopital.fr/Nos-Missions/Le-fonctionnement-de-l-hopital
7
concrètes de leur part, les services de ressources
humaines des établissements publics devront redoubler
d'inventivité et de travail de veille pour faire monter les
équipes en compétences.
2. Qu'appelle-t-on nouvelles technologies ? Qu'est-ce
que
l'intelligence artificielle ?
L'encyclopédie Larousse définit les nouvelles
technologies comme les « moyens matériels et organisations
structurelles qui mettent en oeuvre les découvertes et les applications
scientifiques les plus récentes » et l'intelligence artificielle
comme « l'ensemble des théories et des techniques mises en oeuvre
en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence
». Afin de bien comprendre les enjeux qui se cache derrière ces
termes, rappelons quelques points historiques :
? Dans les années 50, Alan Turing évoque le
concept de la machine apprenante et consciente, capable de penser.
? En mai 1997, la machine Deep Blue créée par
IBM battait pour la première fois Gary Kasparov aux échecs. Cette
nouvelle eut un retentissement mondial. Cet événement
était un jalon symbolique de l'avancées des nouvelles
technologies.
Il faut dissocier les domaines que l'on associe
généralement à l'IA : la robotique, le machine learning,
la collecte et l'analyse de données et l'intelligence artificielle
elle-même.5
? La robotique fait partie de notre quotidien
depuis bien longtemps déjà, chez nous, en voiture, dans les
usines, dans l`agriculture, au travail.
? Le machine learning, ou apprentissage
profond, correspond à une méthode d'apprentissage par la machine
elle-même, sans apport théoriques préalable et uniquement
basé sur une analyse des données qu'on lui transmet.
? La collecte et l'analyse de données
sont le terreau et les graines de l'intelligence artificielle. Il ne
peut y avoir d'analyse ni de résultat sans données. Il est
à préciser, même si cela parait évident, que les
données doivent être exploitables, c'est-à-dire qu'elles
doivent être correctes et lisibles ou dans un langage entendu, clair et
sans équivoque (données ordonnées).
5 Daniela Rus, AI, a vector for positive change in
medicine, « Santé et intelligence artificielle », sous la
direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions,
2018
8
? Enfin, concernant l'intelligence artificielle
stricto sensu (à noter que le terme est décrié
par de nombreux spécialistes), il s'agit principalement de mimer la
logique humaine.
3. Quelles nouvelles technologies pour l'hôpital/la
santé ?
A la base de toute technologie d'analyse et de recherche se
trouvent les données ou data. La création de bases de
données au contenu le plus riche en nombre et le plus varié
possible est le fondement de la possibilité d'utiliser l'Intelligence
Artificielle. Aucune analyse profonde n'est possible sans données. La
donnée est la matière première de l'intelligence
artificielle. C'est d'elle que naitra la valeur de l'analyse. Numériser
l'ensemble des données de santé existante est l'une des
principales étapes, qu'il s'agisse des données des hôpitaux
publics, privés, des libéraux médecins, infirmiers,
kinésithérapeutes, des centres d'imagerie, des laboratoires de
biologie, des pharmacies, de la collecte des données
générées par les dispositifs implantés dans
l'organisme tels que les pacemakers ou encore les publications de recherches,
médicales et scientifiques.
Le Health Data Hub reprend les données du
Système National des Données de Santé (SNDS) qui collecte
et regroupe aujourd'hui les bases de données, entre autres, du
Système national d'information inter-régimes de l'Assurance
maladie (SNIIRAM), du Programme de médicalisation des systèmes
d'information (PMSI), des données statistiques relatives aux causes de
décès (BCMD) et l'Entrepôt de Données de
Santé de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (EDS) mais
également d'autres données à l'échelon central
(Direction Générales de l'offre de soin, Haute Autorité de
Santé, Fédérations, ...) ainsi qu'à
l'échelon local (hôpitaux, professionnels de santé,
patients). La mise en commun des données est laborieuse. Ce travail est
important et long.6 Se pose la question de la hiérarchisation
de ces données. Par exemple, le fait qu'une donnée provienne
d'une publication dans une revue à fort impact doit-t-elle donner plus
de valeur à la donnée ? Une étude réalisée
dont le résultat ne donne que peu d'information n'est-elle pas aussi
importante qu'une étude positive en termes de résultats
escomptés (ceci est valable pour tout type d'enquête et notamment
dans le domaine des ressources humaines) ? L'absence de résultats
n'est-elle pas elle-même une information en soi ?
6 Santé et intelligence artificielle, sous la
direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions,
2018
9
De très nombreux dispositifs médicaux (plus
communément retrouvés sous l'anglicisme healthcare devices) sont
aujourd'hui implantés dans les établissements de sanitaires et
médico-sociaux. On entend par dispositif médical « tout
instrument, appareil, équipement, matière, produit, à
l'exception des produits d'origine humaine, ou autre article utilisé
seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels
nécessaires au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le
fabricant à être utilisé chez l'homme à des fins
médicales et dont l'action principale voulue n'est pas obtenue par des
moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont
la fonction peut être assistée par de tels moyens. Constitue
également un dispositif médical le logiciel destiné par le
fabricant à être utilisé spécifiquement à des
fins diagnostiques ou thérapeutiques.7 Cela va des
béquilles aux implants en passant par les lentilles et prothèses.
Aujourd'hui des industriels tels que Gerflor, proposent des « sols
intelligents » et qui peuvent devenir apprenant, c'est-à-dire
indiquer où et comment la personne tombe et ainsi proposer des solutions
de préventions. Des capteurs connectés permettent d'enregistrer
les comportements liés au sommeil, à l'alimentation, aux
déplacements dans le lieu d'habitation et dans la salle de bain afin
d'identifier les changements dans les habitudes qui pourraient
nécessiter une intervention.
Dans un autre domaine, le département CSAIL (Computer
Science and Artificiel Intelligence Laboratory) du MIT (Massachusetts Institute
of Technology), l'un des centre de recherche et université les plus
prestigieux au monde, travaille actuellement sur des capsules de glace à
ingérer renfermant un nanobot capable, contrôlé par un
chirurgien, de prélever des échantillons de tissu, d'extraire un
objet, de soigner une blessure interne, d'administrer un soin spécifique
à un endroit précis sans inciser et en provoquant le moins de
douleur et de soins post-opératoires.8
La télémédecine est également un
élément majeur des nouvelles technologies dans le secteur de la
santé. On a notamment pu le constater avec la crise sanitaire qui aura
permis le développement et l'acceptation de ces pratiques. Le
décret du 19 octobre 2010 les identifie ainsi :
- La téléconsultation (consultation à
distance par un professionnel médical)
- La téléexpertise (consultation à
distance de professionnel médical à professionnel médical
pour avis consultatif sur le dossier médical d'un patient
- La télésurveillance médicale (suivi
médical à distance par des objets connectés)
7 Code de la santé publique (article L.5211-1)
8 Daniela Rus, AI, a vector for positive change in
medicine, « Santé et intelligence artificielle », sous la
direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions,
2018
10
- La téléassistance médicale (assistance
à distance d'un professionnel de santé par un professionnel
médical pour la réalisation d'un acte)9
Le dossier médical partagé, dont on parle
beaucoup actuellement, notamment concernant la sécurisation de ses
données selon le RGPD (Règlement Général sur la
Protection des données), est un carnet de santé numérique
accessible par les professionnels dans le cadre de consultations. Il conserve
l'ensemble des données de santé de chacun telles que les
consultations, les résultats d'analyses, les prescriptions, allergies,
etc. Une application est téléchargeable par et pour
tous.10
4. Qu'est-ce que l'Intelligence Artificielle
appliquée au domaine de
la santé ?
L'intelligence artificielle est apparue pour la
première fois dans le secteur santé dans les années 1970
quand les premiers essais de proposition de traitement par un système de
reconnaissance de certains types de bactéries ont été
faits à l'université de Stanford.
L'intelligence artificielle est principalement
développée sur des applications de surveillance
épidémiologique, d'imagerie médicale et d'analyse de
signal qui annoncent la transition vers une médecine prédictive
et individualisée. Tout cela est encore difficilement applicable aux
autres secteurs de la santé (hors gestion administrative) : le propre de
l'intelligence artificielle aujourd'hui est encore de reconnaitre et
d'interpréter des images. Les raisons en sont simples une fois
énoncées :
- Une image reste une image, si son interprétation peut
évoluer dans le temps en fonction de nouvelles données ou ce
nouveau biais qui viendront l'enrichir, l'image en elle-même ne bougera
pas et est factuelle.
- Nous disposons de millions d'images des différents
organes : sains, malades à différents échelons, de toutes
zones géographiques, de tous niveaux socio-culturels, de tous
âges. - Ce secteur permet une appropriation rapide et constante des
dernières technologies.
- La terminologie est globalement
généralisée et suscite moins de problèmes de
croisement des données.11
9 David Gruson, La Machine, le Médecin et Moi,
Éditions de l'Observatoire, 2018
10 https://www.dmp.fr/
11 Santé et intelligence artificielle, sous la
direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions,
2018
11
L'Intelligence Artificielle est un moyen d'arriver à un
meilleur système de santé. Il n'est certainement pas une
solution. C'est un outil. L'idée générale de
l'Intelligence artificielle est bien d'améliorer nos vies par
l'accès à des postes plus gratifiants, plus créatifs et de
libérer l'esprit des tâches répétitives.
Le Règlement Général sur la Protection
des Données donne un cadre sécurisé au
développement des nouvelles technologies dans un domaine où les
données sont particulièrement sensibles et confidentielles. Il
permettra une meilleure adhésion au changement avec un cadre connu, pour
lequel la communication a été forte, avec un fort sentiment de
sécurité. Ce sentiment de sécurité est soumis aux
aléas des interventions des pirates comme on a pu le constater cet
été avec le piratage des données de
Doctolib.12
Certaines données disponibles ont déjà
permis à la machine de dépasser l'être humain en termes de
qualité d'analyse dans la détection de certaines pathologies mais
il ne s'agit certainement pas de remplacer l'humain. Il s'agit de l'aider,
voire de le guider et d'en garder trace.
D'un point de vue administratif, l'Intelligence Artificielle
permettra l'optimisation pour aider à la soutenabilité du
financement de nos établissements de santé. Elle tiendra
également une place fondamentale dans les secrétariats.
B. Les Groupements Hospitaliers de Territoire : un
contexte de
réorganisation globale qui influe en
parallèle sur tous les changements à anticiper
Afin de bien comprendre le contexte dans lequel
évoluent tous les professionnels de santé aujourd'hui, il me
parait essentiel d'évoquer en quelques phrases certains
éléments de la loi Santé du 26 janvier 2016. Même si
les différents points de cette loi n'ont pas été
décidés du jour au lendemain et résultent de nombreuses
lois antérieures et d'essais précédents de coordinations
entre établissements, celle-ci a la particularité d'imposer
clairement ces coopérations et ne laisse plus d'autre choix que de
travailler ensemble aux établissements sanitaires autour d'une
stratégie commune de prise en charge du patient formalisée par le
projet médical partagé. Le plan ma santé 2022
annoncé par le président de la république en
12
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/07/23/doctolib-victime-d-un-vol-de-donnees
6047078 4408996.html
12
septembre 2018 pousse les professionnels de santé
à aller encore plus loin dans ces processus de rapprochement entre tous
les professionnels de santé, quel que soit le type de structure pour
lequel ils travaillent, public, privé ou libéral alors même
que le milieu de la santé est, jusqu'à aujourd'hui et le
restera probablement encore longtemps, très concurrentiel entre
chaque acteur, qu'il s'agisse des établissements ou des
praticiens eux-mêmes. Des formations allant dans le sens de la
coopération ont déjà été engagées
dans de nombreux établissements.
Il existe aujourd'hui 136 Groupements Hospitaliers de
Territoire.13 L'établissement dit
« support » est en charge de la gestion commune des
fonctions supports DIM (Département d'Information
Médicale), SIH (Système d'Information
Hospitalier), achats et formation.14 La formation inclut
les IFSI (Instituts de Formations en Soins Infirmiers) et les services
formations (dédiés à la formation continue).
D'autres fonctions peuvent et pourront également être
mutualisées telles que la biologie, l'imagerie, les
fonctions logistiques et RH.
Chaque professionnel est désormais rattaché
à un territoire et à un établissement support
auquel il ne s'identifie pas forcément. Toutes ces
réorganisations viennent bouleverser le sentiment d'appartenance
de chacun. A noter que pour le moment depuis leur mise en place, les
mutualisations en termes de ressources non médicales sont encore
très limitées et avec de fortes variations d'un
établissement et d'un groupement à l'autre.
C. Comment les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle impactent-elles le secteur de la santé ?
L'hôpital fait face depuis de nombreuses
années à une forte injonction contradictoire :
être à la pointe de la technologie - car «
la santé n'a[urait] pas de prix » - avec des
machines de plus en plus pointues, de plus en plus chères et qui
évoluent de plus en plus vite avec des contraintes budgétaires de
plus en plus prégnantes et fortes pour des patients de plus en plus au
fait de ce qui existe et donc avec des exigences de plus en plus
élevées. Les enjeux impliquent un haut degré de
réflexions individuelles et concertées de la part des directions
des ressources humaines afin de satisfaire les différents
professionnels, les directions et institutions de régulation du
système de santé et, in fine, le patient que nous sommes tous. On
retrouve des conséquences sur les agents hospitaliers sur tous les pans
de gestion de la
13
https://solidarites-sante.gouv.fr/professionnels/gerer-un-etablissement-de-sante-medico-social/groupements-hospitaliers-de-territoire/article/les-ght-par-region
14
https://www.reseau-hopital-ght.fr/nouvelle-organisation.html
13
direction des ressources humaines : prévention des
risques psycho-sociaux, développement de la qualité de vie au
travail, promotion du bonheur au travail, gestion prévisionnelle des
emplois et des compétences, formation, politiques de
rémunération (car un salarié de plus en plus formé
et avec plus de responsabilité doit supposément être mieux
payé).15
Le processus de modernisation des établissements de
santé a été initié il y a une vingtaine
d'années avec l'informatisation des dossiers de l'ensemble des acteurs
du secteur santé, établissements comme libéraux. Il se
heurte au manque de moyens consacrés, à la complexité du
secteur et de son système de gouvernance renforcé par
l'hétérogénéité des métiers qui le
composent.
Le croisement des données de santé facilitera
à terme le pilotage de l'activité hospitalière
médicale, sa vocation de soin avec les problématiques
économiques. Les pics d'affluence aux urgences pourront par exemple,
grâce aux outils prédictifs, être anticipés dans
certains cas et permettre une gestion globale affinée avec les bonnes
personnes, au bon endroit, au bon moment dans l'hôpital. OpenHealth par
exemple, PME française agréée par la Commission Nationale
de l'Informatique et des Libertés (Cnil), exploite les données de
santé et les partage afin de faire avancer les connaissances des acteurs
de santé, publics, privés, industriels et
pharmaceutiques.16
L'utilisation de technologies dotées d'intelligence
artificielle n'est pas une nouveauté dans le secteur médical.
Elle se diffuse peu à peu depuis de nombreuses années. David
Gruson, dans son livre intitulé La Machine, le Médecin et Moi,
rappelle que « la part humaine dans la décision médicale n'a
cessé de se réduire depuis plusieurs décennies, avec un
développement exponentiel de la robotisation médico-technique
».17 L'ensemble des utilisations de l'intelligence artificielle
dans le domaine de la santé telles qu'elles existent déjà
sont répertoriés dans le rapport de l'institut Montaigne IA
et emploi en santé : quoi de neuf docteur18.
La médecine devient de plus en plus préventive
comme le cancer du sein ou les programmes de prévention de la Clalit
Health Services en Israël sur la prévention des maladies
rénales chroniques (esrd - end stage renal disease). Plus les maladies
sont détectées en amont, plus les patients ont de chance de s'en
sortir.19
15 Matthieu Girer, Directeur des ressources humaines,
carrefour des transformations hospitalières dans Huit regards
sur le métier de DRH hospitalier, coordonné par Jean-Marie
Barbot et Sophie Marchandet, Berger Levrault, 2020
16 Santé et intelligence artificielle, sous la
direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions,
2018
17 David Gruson, La Machine, le Médecin et Moi,
Éditions de l'Observatoire, 2018
18 Annexe 2 : panorama des domaines d'application de l'IA en
santé
19 Ran D. Balicer et Chandra Cohen-Stavi, Advancing Healthcare
Through data-driven medicine and artificial intelligence, « Santé
et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et
Cédric Villani, CNRS Editions, 2018
14
De nouveaux dispositifs médicaux apparaissent chaque
année : moniteurs à distance des paramètres cardiaques,
piluliers électroniques, des capteurs connectés, les
systèmes intégrés de suivi et de surveillance à
distance, sans compter les nombreuses applications mobiles qui permettent le
fonctionnement et la transmission de tous ces dispositifs.20 Avec
plus de suivi à distance et des objets connectés permettant le
soin à domicile, c'est tout le système de santé qui est et
va être de plus en plus changé au fil des années à
venir.
D. Quelles conséquences y a-t-il / y aura-t-il
sur les métiers des établissements de santé / du
secteur santé ?
La manière d'aborder la maladie change, nous nous
dirigeons vers un système ou les traitements des patients sont et seront
de plus en plus individualisés et avec des technologies de pointe. Les
informaticiens et les gestionnaires de bases de données ont une place de
plus en plus importante dans les établissements de santé et les
entreprises du secteur santé. Les données traitées
nécessitent de bien connaître les actes médicaux, leur
terminologie voire la sémantique. Si les bases de données
actuelles sont principalement utilisées aujourd'hui à des fins de
gestion, il est possible de les transformer dans un cadre de recherche. Un
travail par équipes interdisciplinaires est indispensable avec des
médecins, des pharmaciens, des dentistes, des infirmières, des
paramédicaux mais également avec des
épidémiologistes, des économistes de la santé, des
statisticiens, des personnels sociaux, etc. Il va falloir apprendre à
travailler ensemble.
De nombreux métiers liés à l'intelligence
artificielle apparaissent, quel que soit le secteur d'activité. La
plupart de ces métiers partagent la particularité de la double
compétence. Parmi ceux ayant une place dans le domaine de la
santé, on peut citer 21 :
· Le Data Protection Officer (DPO) est chargé de
la sécurité des données en conformité avec le RGPD,
doit être au fait des spécificités des données
médicales. Il cumule compétences juridiques et informatiques.
· Le Psy designer crée des «
personnalités artificielles ». Il analyse les comportements entre
humains et Intelligence Artificielle et travaille à les fluidifier. Il
cumule études en psychologie et compétences informatiques.
20
https://www.louvainmedical.be/fr/article/de-la-medecine-10-la-medecine-30-le-patient-connecte
21 Paul Loubière, Métiers d'Avenir - Quand
L'IA embauche, Challenges n°604, 2019
·
15
L'Ethicien/ne est responsable de la dimension étique
liée à l'IA et est garant des « biais » transmis
à l'IA afin que celle-ci soit conforme aux valeurs qu'on souhaite lui
inculquer et aux principes de droit humain. Des études en psychologie ou
en philosophie sont nécessaires ainsi que des compétences en
numérique.
· L'Architecte big data est chargé de la collecte
des données. Il s'assure que celles-ci soient assimilables par le
système d'information et par tous les logiciels métiers et en
adéquation avec les dernières avancées technologiques. Il
est ingénieur en informatique avec une formation complémentaire
en big data.
· Le Data scientist est un ingénieur de
données. Il trouve sa place dans tous les secteurs d'activités
ayant besoin de statistiques et d'analyse des données. Le data scientist
recoupe les données de diverses sources (contrairement au data analyst),
s'assure de leur viabilité et les transmet à l'IA pour analyse.
Il est ingénieur statisticien.
De nouvelles formations initiales ont été et
vont continuer à être créées. Les directions des
ressources humaines devront trouver la place pour ces nouveaux métiers
et les accompagner dans leur légitimité auprès des
différents professionnels. Tous les professionnels de santé et
chercheurs devront être sensibilisés sur l'importance de la
collecte des données de santé et accompagnés dans leur
mise en place pour que les étapes nécessaires soient
effectuées de manière optimale et que ces nouvelles
données puissent être exploitées et servent à de
nouvelles recherches. On peut aller encore plus loin sur les futurs
métiers en évoquant les profils à double compétence
qui pourront créer du lien et croiser les données de santé
avec les paramètres météorologiques, les pics de pollution
et les pics d'affluence aux urgences par exemple.
Outre les nouveaux métiers, B. Kalis, M. Collier et R.
fu font ressortir dans un article de la HBR les métiers de la
santé qui pourront être impactés : Chirurgie, assistants
infirmiers virtuels, travaux administratifs, dosage, fraude Radiologie,
etc.22
1. Les médecins
Les avancées et pistes de l'intelligence artificielle
appliquée à la santé sont nombreuses : en
réanimation, en imageries, en amélioration des processus de soin,
en dépistage des cancers par les données d'imagerie et les
analyses sanguines. De très nombreuses disciplines médicales vont
voir leurs pratiques évoluer telles que la radiologie, la
dermatologie,
22
https://hbr.org/2018/05/10-promising-ai-applications-in-health-care
16
l'ophtalmologie, la neurologie, la psychiatrie, la
cardiologie, la sénologie, l'hépatologie, l'endoscopie,
l'endomicroscopie, l'anatomopathologie, la radiothérapie et la chirurgie
guidée par l'image.
Actuellement, une salle d'opération regorge
déjà d'équipements médicaux qui
génèrent de la donnée (imagerie, instruments chirurgicaux,
système d'information de l'hôpital pour la partie traitement du
patient à proprement parler et caméras et microphones pour les
communications et documentations destinés à la formation et
à l'éducation). Les images des caméras, de même que
l'enregistrement des gestes chirurgicaux, peuvent servir aux industries de
développement d'outils de réalité augmentée, ou
tout simplement de reconnaissance des gestes et d'enclenchement d'alarmes en
cas de reconnaissance d'anomalie.
On évoque la mise en place de « tours de
contrôle » des salles d'opération, comparable à celle
d'un aéroport, comme au CHRU de Strasbourg23.
Simulation d'image d'une tour de contrôle en centre
hospitalier
Comme on peut le voir en bas à droite de
l'illustration ci-dessus, ce type d'équipement permettrait notamment de
surveiller le placement des installations et les radiations émises par
celles-ci et des différentes personnes présente dans le bloc
opératoire et de détecter les risques de surexposition. Tout le
personnel des blocs opératoires pourra ainsi être
formé à la gestion de ces risques et développer de
nouveaux réflexes sur le long terme.24
23
https://savoirs.unistra.fr/recherche/lintelligence-artificielle-une-intelligence-auxiliaire/un-super-assistant-pour-salles-doperation/
24 Nicolas Padoy, Vers une tour de contrôle des blocs
opératoires, « Santé et intelligence artificielle »,
sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS
Editions, 2018
17
L'intelligence artificielle ne peut fonctionner seule. La
pratique de la médecine est optimisée par l'analyse des
intelligences humaines et artificielles combinées. Il s'agit d'outils
d'aide à la décision. Cette notion est collégiale. «
Comme l'ont montré les récents duels Homme/Machine en
matière de jeux d'échecs, si la machine arrive à vaincre
le champion du monde, ce dernier assisté d'un bon ordinateur
écrase l'homme et la machine. »25 L'ensemble des
professionnels de santé, qu'ils soient médecins,
paramédicaux, administratifs et institutionnels sont d'accord sur ce
point. Ils permettent une prise de décision plus objective basée
sur une analyse des symptômes combinés avec les derniers rapports
publiés, sélectionnés de manière pertinente par la
machine et analyses des banques d'images permettant une analyse
prédictive de l'évolution de la pathologie et ainsi pouvoir
prescrire le traitement qui parait le plus approprié.
Certaines solutions d'aide à la décision par
l'analyse de l'image telles que celles proposées par
Therapixel26 pour les radiologues et oncologues sont
déjà mises en place dans de très nombreux
établissements dans le monde entier et aident ainsi les médecins
dans les diagnostics des cancers du sein, du poumon, de la vessie, du foie, de
la prostate ou de l'oesophage. IBM s'est également distingué dans
la mise en place de ces outils sans toutefois réussir à
s'implanter comme ils le souhaitaient.27 Les résultats
obtenus sont meilleurs et le temps consacré aux recherches est
considérablement diminué.
Certains outils d'analyse des IRM (Imagerie par
résonance magnétique) sont développés pour donner
des résultats chiffrés, adaptés à une lecture par
une machine plutôt que par l'humain. « Tous les métiers
ayant recours à l'imagerie seront impactés : radiologues, mais
aussi cardiologues, ORL, dermatologues... » selon Jacques
Lucas.28
a) Radiologue
D'aucuns pensent que le métier de radiologue est
amené à disparaître compte tenu de la vitesse à
laquelle le métier évolue ces dernières années avec
les technologies de reconnaissance et d'analyse des images. Il est important de
se poser les bonnes questions : quelles sont les conséquences sur le
métier à court, moyen et long terme ? En répondant
à cette question, la formation des radiologues pourra être
adaptée au fur et à mesure, en communiquant clairement et en
évitant ainsi de creuser la pénurie déjà existante
de médecins spécialistes. Si le métier n'est pas
amené à être supplanté par les machines,
l'intelligence
25 Jean-Emmanuel Ray, Droit du travail - droit vivant,
Wolters Kluwer, 2020
26 https://www.therapixel.com/
27
https://www.ibm.com/products/clinical-decision-support-oncology
28 Propos reportés par Delphine Déchaux, Une
assistance pour les médecins, une concurrence pour les
secrétaires, Challenges n°604, 2019
18
artificielle n'est pas en mesure de raisonner de la
manière dont un radiologue établit son diagnostic. Les praticiens
devront inévitablement se former très régulièrement
et être à l'aise avec toutes les nouvelles technologies d'imagerie
et avec le changement. Les applications d'intelligence artificielle passent
essentiellement par l'imagerie et sont amenées à se
développer de plus en plus, on peut donc aisément supposer que le
nombre de demande d'images augmentera ainsi que le besoin de radiologue. Le
métier change et les informations disponibles seront plus importantes.
Elles permettront au médecin radiologue de miser totalement sur son
expertise, traitant des données de plus en plus sophistiquées, et
de manière plus rapide avec des traitements de plus en plus
personnalisés.
Les différents spécialistes se sont
créés des communautés d'experts via les réseaux
sociaux et peuvent ainsi soumettre des cas cliniques à leurs
confrères du monde entier et recevoir une réponse en quelques
secondes influençant ainsi l'enseignement et les diagnostics.
Le médecin aura un rôle de médiateur dans
la compréhension des algorithmes et des technologies et la transmission
de l'information adéquate pour le patient. Il s'agit d'une mise en
pratique individualisée et optimisée du traitement en fonction
des facteurs propres au patient (environnementaux, sociaux, culturels,
familiaux, psychologiques). Il ne s'agit pas de sacrifier le bien-être du
patient au service d'un soin qui pourrait alors devenir
contre-productif.29
Dans la note IA et emploi en Santé : quoi de neuf
docteur ? publiée par l'institut Montaigne en 2019, le Dr
Jean-Philippe Masson résume ainsi les effets à attendre de l'IA
en radiologie : - « L'aide au diagnostic : l'IA permet une analyse
plus rapide des examens, ensuite validée par le radiologue,
- Les outils de formation initiale ou continue : l'IA
permettra le développement de méthodologies de formation à
distance et de modules d'entraînement directement connectés aux
techniques utilisées par les radiologues,
- Le soutien au développement de la recherche :
l'IA contribuera à la recherche dans les nouvelles techniques comme
l'imagerie fonctionnelle et interventionnelle, les banques de données
génomiques et la médecine prédictive. » 30
Il existe aujourd'hui une pénurie de radiologues.
L'intelligence artificielle apporte une solution en dégageant du temps
qualitatif aux radiologues. Il me parait extrêmement important de
maintenir une bonne communication régulière sur les
avancées de l'intelligence artificielle en
29 Mostafa El Hajjam, Vers un radiologue augmenté, «
Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard
Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018
30 David Gruson, Adrien Deudon et Laure Millet, IA et emploi
en Santé : quoi de neuf docteur, Institut Montaigne, 2019
19
imagerie et sur l'évolution du
métier à plusieurs échéances auprès des
professionnels, des professeurs d'université et des
étudiants en médecine. Il ne faudrait pas que les
étudiants cessent de choisir la radiologie par peur de disparition du
métier et qui engendrerait une nouvelle pénurie de
radiologues.
b) Oncologue
Le métier d'oncologue change également
à de nombreux égards. Il existe désormais de
très bons outils d'évaluation de risques de
récidive d'une tumeur par l'intelligence artificielle en
génomique des cancers développés par Therapixel ou
Therapanacea notamment.31 On peut envisager dans les prochaines
années une réduction de 30% des opérations
effectuées dans le cadre d'un cancer du sein grâce
à une intelligence artificielle développée par
des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology à Boston).
Au Japon, un logiciel capable de détecter un cancer du côlon
en moins d'une seconde a été mis au point par une
équipe de chercheurs. En France, Optellum a
développé un logiciel de détection du cancer du poumon
et d'aide à la décision médicale avec pour
conséquence une réduction considérable du nombre
d'interventions.32 L'efficacité des outils
utilisant les méthodes de deep learning a été
prouvée. Ils permettent de très faibles taux
d'erreur pour la détection et la classification des cancers
pulmonaires et des cancers du sein métastatiques.
Les technologies digitales telles que les
méthodes de séquençage de l'ADN amènent à
une médecine prédictive et permettent de
s'attaquer à la cause plutôt qu'aux conséquences. Les
méthodes de soins vont de fait changer. De plus en plus de
cancers seront traités comme des maladies chroniques.
c) Psychiatre/traitement Alzheimer
Dès les années 60, Joseph Weizenbaum avait
développé un chatbot (robot conversationnel), Eliza, avec
système de reformulation des propos des patients sous forme de
questions. Cela fonctionnait déjà très bien.33
De nombreux outils au service de la santé mentale sont actuellement
développés dans le repérage des troubles psychiques ou des
situations à risque.
31
https://www.lesechos.fr/tech-medias/intelligence-artificielle/trois-start-up-de-lintelligence-artificielle-appliquee-a-la-sante-a-suivre-140975
32 David Gruson, La Machine, le Médecin et Moi,
Éditions de l'Observatoire, 2018
33 Laurence Devillers, Robots sociaux et affectifs : une
intelligence artificielle sans conscience mais utile, «
Santé et intelligence artificielle », sous la direction de
Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018
20
d) Urgences
L'accueil du patient aux urgences pourra s'effectuer avec une
connaissance du patient qui permettra d'anticiper la procédure à
suivre dans son cas particulier et de gagner en temps tout en réduisant
les erreurs médicales (exemple d'un patient admis conscient ou non, avec
des allergies) en fonction de son histoire médicale qui apparait dans
son Dossier Médical Partagé. Cela aura d'énormes
conséquences sur toute la médecine d'urgence et sur
l'organisation des services.
e) Les autres spécialités
D'une manière générale, l'IA est
amenée à se développer vers les autres
spécialités de chirurgies courantes. Des robots d'aide à
la réalisation de certains gestes de chirurgie courante comme la suture
sont créés, tels Star (Smart Tissue Autonomous
Robot)34. Ces quantités d'informations ne pourront être
traitées de manière adéquate et utile que si les
médecins travaillent main dans main avec des ingénieurs et des
bioinformaticiens : des data scientists.
Ces avancées majeures auront également une
influence conséquente sur la manière de suivre les patients,
notamment par la mesure de l'efficacité des protocoles appliqués.
Les nouvelles données vont modifier la manière dont l'ensemble du
personnel soignant s'occupe des patients. Plus les machines et outils d'aide
à la décision seront alimentés de données, plus ils
évolueront et assisteront ainsi de plus en plus les professionnels de
santé et les patients dans leur quotidien, principalement par la
prévention et par un conseil personnalisé, propre à la vie
et au contexte (géographique, génétique, social,
psychologique, professionnel, risques toxiques, etc.) de chacun.
2. Les métiers de soin : Les infirmier.e.s, les
manipulateurs radios, les
aides-soignants
Le niveau de connaissance de l'impact des nouvelles
technologies sur les métiers paramédicaux reste incertain. Il
dépendra énormément des décisions liées au
niveau de délégation de certaines tâches
médicales qui leur incombera. Les métiers, qu'ils
s'agissent des professions médicales et paramédicales,
évolueront avec des dimensions d'expertise plus pointues et/ou de plus
en plus tournées vers la communication avec les patients. S'agira-t-il
de se spécialiser ou au contraire d'aller vers les doubles
compétences ? Je pense que les
34 David Gruson, La Machine, le Médecin et Moi,
Éditions de l'Observatoire, 2018
21
deux ne sont pas fondamentalement incompatibles si l'on
choisit bien les compétences que l'on souhaite développer. Il
faudra alors savoir comment effectuer ces changements et
bénéficier de l'accompagnement nécessaire et en
adéquation avec le projet d'établissement de la part des services
de ressources humaines.
a) Les manipulateurs radio
L'évolution des métiers de radiologue et celle
de manipulateurs radio sont particulièrement impactés dès
aujourd'hui sur les enjeux de délégation des actes.
Déjà depuis 2016, un décret précise que le
manipulateur radio peut désormais « réaliser certains
actes sous la responsabilité du radiologue, et non plus en sa
présence ».35
b) Les infirmier.e.s
Les infirmiers seront de plus en plus guidés dans leur
exercice : connexion des systèmes, rappels de prescriptions, mesure des
écarts de données indiquées par les différentes
machines. Je reprends l'exemple des sols intelligents
précédemment évoqués : d'abord dès qu'il y a
une chute d'un patient, les infirmiers sont prévenus ensuite. Dans la
mesure où la machine sera en capacité d'analyser après
quelques temps où et pourquoi le patient chute, cela permettra
d'anticiper ces problèmes, pour le patient lui-même et ensuite
pour tous les patients d'une manière générale. Si le
nombre de chutes de patients diminue considérablement dans les
années à venir, cela a nécessairement un impact important
sur l'ensemble du quotidien des infirmiers et des aides-soignants. Il en va de
même pour de nombreux dispositifs.
Un nouveau pan du métier d'infirmier a
déjà émergé depuis 2018 : Infirmier en Pratique
Avancée (IPA). « Avec la pratique avancée, les
professionnels infirmiers élargissent leurs compétences dans le
champ clinique. Demain, une fois formés, ils pourront renouveler,
adapter voire prescrire des traitements ou des examens, assurer une
surveillance clinique, mener des actions de prévention ou de
dépistage. Ceci se fera en accord avec des médecins qui leur
confieront le suivi de certains de leurs patients dont l'état de
santé est stabilisé. Et à condition d'exercer au sein
d'une équipe de soins (par exemple en maison ou centre de santé,
en établissement hospitalier ou médico-social). [...] Se former
à la pratique avancée nécessite au minimum 3 ans
d'exercice. La formation - qualifiante - est organisée autour d'une
1ère année de tronc commun permettant de poser les bases de
l'exercice infirmier en pratique
35
http://www.sfrnet.org/sfr/professionnels/2-infos-professionnelles/decret-merm/index.phtml
https://www.legifrance.gouv.fr/jo
pdf.do?id=JORFTEXT000033537927
22
avancée et d'une 2nde année centrée
sur les enseignements en lien avec la mention choisie
- Soit pathologies chroniques stabilisées et
poly-pathologies courantes en soins primaires,
- Soit oncologie et hémato-oncologie,
- Soit maladie rénale chronique, dialyse et
transplantation rénale,
- Soit santé mentale et psychiatrie. »36
La spécialité santé mentale et
psychiatrie est nouvelle. D'autres spécialisations pourront
émerger avec le temps et selon les besoins émergents,
particulièrement liés aux glissements de tâches des
médecins.
On parle aujourd'hui de « patients connectés
», c'est-à-dire de patients équipés de dispositifs
médicaux qui transmettent des informations au personnel médical
et paramédical. Le dialogue entre soignants et patients prend ici toute
sa place pour expliquer de manière pragmatique et rassurante comment
fonctionnent ces dispositifs et comment les utiliser.
Si, comme évoqué précédemment,
le médecin aura un rôle de médiateur dans la
compréhension des algorithmes et des technologies et la transmission de
l'information adéquate pour le patient, on peut se poser la
question de l'impact sur le métier d'infirmier et d'où se placera
le curseur de qui donne l'information au patient. Les Infirmiers de Pratique
Avancée (IPA) auront probablement un rôle spécifique
à jouer à ce niveau.
c) Les aides-soignants
Si l'intelligence artificielle n'apparait pas encore du
côté des aide-soignants-brancardiers, les nouvelles technologies
telles que les bed movers, qui permettent d'apporter une aide motorisée,
réduisent le nombre de personnes nécessaires lors des
déplacements de patients. On peut aisément imaginer que les bed
movers pourront très prochainement être pourvu d'IA.37
L'idée n'est pas de réduire le personnel mais de dégager
du temps auprès des patients et de prévenir les troubles
médico-squelettique (TMS) des aides-soignants.38
Même si des robots sociaux et affectifs «
assistants de vie » sont développé pour assister des
personnes en situation de handicap et/ou de perte d'autonomie39,
l'émotion, l'empathie et la
36
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/fiche-pratique-avancees20-05-2019-stdc.pdf
37 David Gruson, La Machine, le Médecin et
Moi, Éditions de l'Observatoire, 2018
38 Hôpital Paris-Saint-Joseph
https://www.youtube.com/watch?v=OJXbditFMmA
39 Laurence Devillers, Robots sociaux et affectifs : une
intelligence artificielle sans conscience mais utile, « Santé et
intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger
et Cédric Villani, 2018
23
créativité restent des qualités
proprement humaines grâce auxquelles tout un champ d'exploration
de l'évolution des métiers médicaux et paramédicaux
reste envisageable.
Il parait nécessaire à ce niveau de repenser
les formations initiales des soignants avec une dimension psychologique
beaucoup forte qu'elle ne l'est aujourd'hui dans les IFSI (Institut de
Formation en Soins Infirmiers) et les IFAS (Institut de Formation pour les
Aides-Soignants).
3. Les métiers administratifs : secrétariats
médicaux et agents d'accueil
Contrairement à ce que l'on pourrait penser,
ce n'est sur les métiers de soin que l'intelligence
artificielle se déploiera le plus à court terme mais sur
les fonctions support. « Par exemple, dans le secteur bancaire,
ces fonctions concentrent 60 % du total des cas d'usage en IA.
»40 Une méthodologie de calcul du taux de
substitution du métier par l'intelligence artificielle a
été déterminée dans le rapport de l'institut
Montaigne IA et emploi en santé : quoi de neuf docteur
?. Il se base sur le niveau d'impact de l'IA sur chaque
activité listée correspondant au métier en
fonction du niveau de maturité de l'IA, de son
acceptabilité sociale et du retour sur investissement
prévisible. Concernant le métier de de secrétaire
médicale, il a été déterminé que le taux de
substitution potentiel des activités par l'IA était de
60%.
Des logiciels de prédiction du nombre de personnes se
présentant aux urgences transforment déjà de nombreux
hôpitaux, et notamment celui de Valenciennes en France. Si ce type de
technologie a un impact sur l'ensemble du personnel hospitalier, il
révolutionne le quotidien des personnels administratifs et des
managers, aux ressources humaines comme dans les secrétariats
médicaux. Il permet entre autres d'adapter au quotidien et sur les
semaines à venir les effectifs nécessaires à la
bonne prise en charge des patients. La société suisse
Callyps, par le recoupement des données historique de
l'hôpital, des données météorologiques, des
événements locaux, nationaux, du trafic permet de
prédire le nombre d'admissions aux urgences sur sept jours (taux
de fiabilité supérieur à 90%) et permet ainsi
à chaque chef de pôle, en étroite collaboration avec le
service des ressources humaines, de déterminer la composition de
l'équipe de manière extrêmement précise et
affinée.41
40 David Gruson, Adrien Deudon, Laure Millet, IA et
emploi en santé : quoi de neuf docteur ?, Institut Montaigne,
2018
41
https://www.bfmtv.com/tech/cet-hopital-francais-utilise-l-intelligence-artificielle-pour-predire-l-afflux-de-patients-aux-urgences
AN-202002090036.html
a) La dématérialisation, la facturation
et les admissions
L'un des premiers postes des secrétariats
médicaux aujourd'hui relèvent de la facturation, notamment du
ticket modérateur pour chambres particulières et de rejets de
factures pour cause de patients non identifiés. Les erreurs
relèvent d'erreurs de saisie : du numéro de
sécurité sociale, du nom ou du numéro de mutuelle ou dans
quelques cas de droits non valides. Aujourd'hui environ cent équivalents
temps plein dans un centre hospitalier de taille intermédiaire sont ou
devraient être dédiés à la vérification des
papiers d'identité et des autorisations des patients aux admissions.
Il est donc important de fiabiliser les données et de
pouvoir récupérer les droits en ligne. La société
Jouve, spécialiste des data dans leur ensemble, dans leur collecte et
leur traitement, propose des solutions automatisées d'admission des
patients en marque blanche pour l'hôpital afin d'éviter les
erreurs et de réduire les étapes des processus d'admission
existants avec un hébergement des données de santé
conforme au RGPD.42 A noter que des partenariats ont
été créées avec des sociétés
proposant des services d'ambulance afin de les équiper directement pour
effectuer la préadmission des patients, toujours dans un cadre de gain
de temps pour tous, d'optimisation des organisations dans une
coopération qui peut désormais sembler
évidente.
b) Les outils de prédictions d'affluence
En utilisant des outils de prédiction d'affluence et
de temps d'attentes aux urgences, on arrive à une meilleure organisation
des plannings des agents d'accueil et amélioration de la prise en charge
des patients, avec des temps d'attentes moins élevés. Si on
connait le nombre approximatif de patients attendus d'une semaine sur l'autre,
c'est une aide sans commune mesure à la gestion de planification
du nombre de professionnels nécessaires pour accueillir les flux de
patient. C'est un des éléments clefs d'une
organisation agile dans le contrôle de gestion sociale avec la
bonne personne, au bon endroit, au bon moment.
c) L'encodage des actes
La tarification à l'activité nécessite
des codages des actes médicaux. Une intelligence artificielle pourrait
s'occuper de l'encodage de ces actes. Cela génèrera un
gain de temps et un traitement des données plus
fiable. L'enrichissement des données de facturation ouvre des
possibilités d'analyse des soins et d'évolution, voire de
changement de modèle économique et de rémunération
des professionnels de santé. Le métier pourra évoluer
vers
24
42 Conférence Jouve Santé janvier 2020
25
deux dimensions : l'un purement administratif et
l'autre en renforcement de la présence auprès des
patients, les rassurer et les orienter.
d) La dictée automatique
La dictée automatique est de plus en plus performante
même sur nos objets de vie courante. Apple et IBM ont notamment beaucoup
investi. Il est évident que l'impact sur le métier de
secrétaire médicale dans leur activité de
rédaction de comptes rendus sera énorme. 43
4. Les autres métiers
Les métiers de la logistique et de pharmacien sont
amenés à évoluer, notamment par la simplification des
fonctions logistiques par la gestion du circuit du médicament, la
gestion de l'approvisionnement des laboratoires.
Afin de recenser l'ensemble des métiers et des
tâches impactés par la transformation digitale, une
grande étude - encore en cours et «
illimitée dans le temps » est réalisée par le fonds
de dotation de la Fédération Hospitalière de
France.44 Ses données ne sont pas encore disponibles.
D'une manière générale,
concernant l'ensemble des professionnels de santé, il me parait
important de noter qu'il existe de grandes disparités
d'un établissement ou d'un Groupement Hospitalier de Territoire
à un autre tant sur les volets médicaux
qu'administratifs. Plusieurs années de décalage sont
à prévoir et à prendre en considération.
Le rapport IA et emploi : quoi de neuf docteur ?
rappelle que, selon une étude du World Economic Forum de septembre
2018, les français sont les salariés qui vont devoir le plus
être formés pour compenser leur retard « quant
à l'utilisation de nouvelles technologies » par rapport
aux autres pays dits développés.
Valérie Brunier parle de création de nouvelles
directions dont celles de direction de la transformation digitale.
45
43 Interview Nicolas Delmas, DRH Hôpital Bichat, Annexe
5 : Interview DRH Nicolas Delmas
44
https://www.ticsante.com/story/5015/le-fonds-fhf-se-penche-sur-les-impacts-de-l-ia-sur-les-metiers-de-la-sante.html
45 Valérie Brunier, DRH territorial :
stratégie et organisation territoriale RH dans Huit regards sur
le métier de DRH hospitalier, Berger Levrault, 2020
26
5. De combien de professionnels parle-t-on ?
Nombre de professionnels travaillant dans les
établissements de santé à l'échelle nationale
|
Total Ensemble des
établissements
|
Total
Établissements publics
|
Total Établissements privés
(à buts lucratif et non lucratif)
|
Personnel médical
|
158 031
|
99 113
|
58 918
|
Spécialités médicales y compris
médecine générale
|
96 611
|
61 394
|
35 217
|
Spécialités chirurgicales
|
32 131
|
15 546
|
16 585
|
Autres disciplines
|
29 289
|
22 173
|
7 116
|
Personnels non médicaux soignants
|
761 699
|
551 862
|
209 837
|
Infirmiers diplômés d'État
|
342 602
|
249 289
|
93 313
|
Aides-soignants
|
245 219
|
185 577
|
59 642
|
Agents de services hospitaliers et autres personnels des
services médicaux
|
99 160
|
66 698
|
32 462
|
Personnel d'encadrement du personnel soignant
|
25 209
|
17 922
|
7 287
|
Rééducateurs
|
31 520
|
18 947
|
12 573
|
Psychologues
|
17 989
|
13 429
|
4 560
|
Personnels non médicaux non
soignants
|
341 466
|
260 295
|
81 171
|
Personnels administratifs
|
147 908
|
102 883
|
45 025
|
Personnels techniques
|
117 279
|
99 379
|
17 900
|
Personnels médico-techniques
|
57 103
|
44 613
|
12 490
|
Personnels éducatifs et sociaux
|
19 176
|
13 420
|
5 756
|
Total général
|
1 261 196
|
911 270
|
349 926
|
|
Tableau établi sur la base des données
DREES
https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/panoramas-de-la-drees/article/les-etablissements-de-sante-edition-2019
On parle donc de sensibiliser, voire de former pour
accompagner la transformation digitale, à l'échelle nationale,
près d'un million trois cent mille de salariés du secteur
sanitaire.
Infirmiers diplomés d'État
Aides-soignants
Personnels administratifs
Personnels techniques
Agents de services hospitaliers et autres
personnels
des services médicaux
Spécialités médicales y compris
médecine générale
Personnels médico-techniques
Spécialités chirurgicales
Rééducateurs
Autres disciplines
Personnel d'encadrement du personnel soignant
Personnels éducatifs et sociaux
Psychologues
800 000
Personnel médical Personnels non médicaux
soignants Personnels non médicaux non soignants
700 000
600 000
500 000
400 000
300 000
200 000
100 000
0
On constate que le personnel non médical
soignant représente de loin la part la plus importante du personnel des
établissements de santé.
Si aucune étude publiée n'a
déterminé à ce jour le taux de substitution de l'IA au
métier d'infirmer, il a été établi, comme vu
précédemment, pour les personnels administratifs et techniques
qui représentent les troisième et quatrième postes du
nombre de professionnels travaillant dans les hôpitaux. Sur l'ensemble
des métiers de ces 2 groupes. Un taux de substitution par l'IA
de 15% en hypothèse basse et de 29% en hypothèse haute des
activités a été établi. On parle, en
cumulés, d'environ 268.000 professionnels en tout donc entre
40.000 et 78.000 emplois en ratio humain qui pourraient être
automatisés sur ces seuls métiers.46
L'idée reste néanmoins bien d'améliorer le parcours de
soin et de mieux répartir les financements de l'hôpital et non de
supprimer ces postes.
27
46 David Gruson, Adrien Deudon, Laure Millet, IA et emploi
en santé : quoi de neuf docteur ? , Institut Montaigne, 2018
28
II. L'accompagnement mis en place
Toutes les structures, qu'elles soient privées ou
publiques, dans le secteur sanitaire ou pas ont un point commun : l'objectif.
Toutes les entreprises et tous les établissements publics
partagent cela : avoir un ou plusieurs objectifs. C'est important de
le rappeler. C'est la base de tout, là où il faut revenir quand
on perd le sens ou qu'on arrive au bout d'une organisation, d'une
manière de travailler. Quel est l'objectif et comment y arriver dans
l'environnement dans lequel nous nous trouvons ? C'est la question que doit se
poser régulièrement tout un chacun dans son contexte
professionnel (cela fonctionne également dans de nombreux autres
contextes de groupes à l'échelle individuelle comme à
l'échelle de la société mais le débat n'est pas
là). Quand on a l'objectif, on a le sens. J'entends
sens tant dans sa définition de signification que de direction à
prendre. Une fois qu'on a tout cela, on peut définir comment y arriver.
L'accompagnement des professionnels est un pan essentiel de la
stratégie d'atteinte des objectifs, qu'il s'agisse de
formation, d'encadrement, d'accompagnement individuel. Il développe ou
renforce les compétences de chacun et de l'entité globale et
satisfait chaque individu aussi bien que l'employeur quand il
est bien fait. C'est une clef de réussite économique et
sociale.
Afin de définir une proposition
d'interprétation de ce qui est mis en place dans le secteur sanitaire
concernant l'accompagnement au changement que représente l'implantation
de nouvelles technologies qui peuvent être dotées d'intelligence
artificielle, j'ai décidé de m'appuyer sur les témoignages
d'une dizaine de professionnels travaillant majoritairement dans ou avec les
établissements de santé. Il me parait intéressant de noter
que la totalité des personnes interrogées, quels que soit leur
âge, leur cursus ou leur métier actuel ont connus plusieurs
contextes professionnels et envisagent encore et toujours le changement.
Certains ont exploré de multiples secteurs d'activité et
mêmes plusieurs métiers parfois très éloignés
et d'autres toujours dans le secteur sanitaire et médico-social mais
avec des enjeux, des contextes et des cultures qui ont pu être
extrêmement différents. A noter que les directeurs d'hôpital
public ont, pour la grande majorité, été formés au
changement et à la pluridisciplinarité dès leur formation
initiale.47
Tous s'entendent sur le fait que le changement, qu'il
s'agisse d'un changement de métier, d'employeur, de contexte
professionnel ou d'évolution sur un même poste a bien plus
47 Sauf exceptions, notamment sur les postes de directeur des
systèmes d'information, directeur des achats et directeurs de la
logistique, les directeurs d'hôpital public ont effectué une
formation, dans le cadre de la formation initiale ou continue, à
l'École des Hautes Eudes en Santé publique (EHESP -
également surnommée École de Rennes), dont le
fonctionnement est similaire à celui de l'École Nationale
d'Administration (ENA) avec une approche pluridisciplinaire
29
d'avantages que d'inconvénients tant sur la
pérennité de l'emploi que sur la capacité à
s'adapter de chacun. A l'échelle d'une collectivité, il doit
être accompagné.
A. L'accompagnement mis en place à
l'échelle de l'établissement
Que l'on parle à l'échelle de l'individu ou
d'une organisation complexe, le changement est nécessaire à un
moment ou un autre. Toutes les structures ne sont pas logées à la
même enseigne. Concernant l'accompagnement mis en place dans les
structures sanitaires, le directeur des ressources humaines d'un grand Centre
Hospitalier Universitaire rappelle à juste titre que : « On
n'est pas sur la même temporalité, sur les mêmes
activités, sur la même maturité quant à
l'intégration des nouvelles technologies dans la prise en charge des
patients. Là où [tel hôpital] était très en
avance sur l'intelligence artificielle, [tel hôpital] très en
retard, [tel hôpital] est à un stade intermédiaire avec la
volonté de mettre en place des outils et une capacité très
impressionnante à se développer au service des patients.
»48. L'accompagnement n'est donc de fait pas le même
d'un hôpital à un autre.
On ne peut pas développer un plan de
développement des compétences intégrant un accompagnement
spécifique lié à un projet d'établissement de
refonte des services d'accueil et administratifs par exemple sans prendre en
compte sa taille ou sa culture comme le rappelle Jérôme Carfantan,
coach agile, lorsqu'il nous parle d'agilité : «
L'agilité, ça ne fonctionne pas s'il n'y a pas un terrain
propice à cette culture de l'agilité. La culture de
l'agilité c'est l'entraide, le partage, l'exemplarité,
l'intelligence collective. Qui dit intelligence collective dit on se fait
confiance. On valide cette confiance par du feed-back régulier.
Ça c'est la culture, en quelques secondes, de l'agilité. Si le
terreau culturel de la structure n'est pas en ligne avec ça, on a un
problème. Traiter ce problème c'est faire du coaching de
dirigeant, je ne vois que ça. Tout le monde ne le fait pas.
Moi-même je ne le fais pas systématiquement. Si ce sont de petites
organisations, je peux le faire. Quand ce sont de grosses structures, je n'ai
peut-être pas le carnet d'adresse suffisant pour le faire. A terme,
j'arriverai peut-être y accéder. Le premier sujet, c'est donc
valider la culture et ce n'est pas le cas dans le milieu médical. C'est
peut-être par là qu'il faut commencer. Ensuite on peut commencer
à diffuser les pratiques. »49.
Les notions de strates hiérarchiques trop importantes
et d'acculturation nécessaire ressort effectivement de la
quasi-totalité des entretiens qui ont été menés et
ont un impact direct sur la manière dont les professionnels sont
accompagnés. Les DRH, que ce soit de CHU,
48 Annexe 4 : Interview DRH CHU
49 Interview Jérôme Carfantan, Auteur,
conférencier, coach agile - Annexe 14 : Interview professionnel
accompagnement Jérôme Carfantan
30
d'établissement de l'AP-HP, l'infirmière ou les
professionnels de l'accompagnement, tous l'ont noté. Pauline Cuisine,
infirmière à l'ESMPI (Établissement de Santé
Mentale Portes de l'Isère) parle même d'interdiction d'envoyer des
requêtes ou des informations directement à la direction des
ressources humaines : « Aujourd'hui, je ne peux pas contacter ma DRH.
Je n'ai pas le droit d'appeler ou d'envoyer un email à ma DRH. C'est
interdit. Si je le fais j'ai un avertissement. Avant on pouvait passer la porte
du DRH, dire bonjour et lui demander un CET par exemple. Maintenant il y a
:
- 1/ Une cadre de proximité - 2/ Un cadre
sup
- 3/ Une directrice des soins - 4/ La DRH
- 5/ La direction générale
J'ai une collègue qui au lieu de passer par la
cadre de proximité a envoyé sa lettre à la directrice des
soins et qui s'est pris un blâme pour ça. Elle a dû faire
une lettre d'excuse à la cadre pour lui dire qu'elle était
désolée de ne pas être passé par elle. Quand on en
est là, on est bien... ça me choque beaucoup de ne pas pouvoir
contacter la DRH, d'autant qu'on n'est pas chez Google, on est une fondation
locale, on est 50. Il y a trop de strates. Ça déshumanise. On
parlait tout à l'heure de communication et pour communiquer tu ne mets
pas 15 personnes au-dessus de toi et le même nombre de strates pour des
demandes simples. Ça donne l'impression que le but est qu'il n'y ait
justement pas de communication. »50
Nicolas Delmas, DRH de l'hôpital Bichat, par rapport
à ses propres expériences, précise que « dans le
secteur public, tout est très hiérarchisé, que ce soit
l'assemblée nationale avec les élus et les parlementaires,
à la cour de justice de l'union européenne et
particulièrement à l'hôpital. Les
contre-exemples existent néanmoins. »
Tous ont à coeur que les choses bougent et sont
eux-mêmes actifs pour les faire bouger en changeant leur manière
de communiquer où en se proposant comme référent sur des
projets clefs. Le directeur des ressources humaines d'un CHU (Centre
Hospitalier Universitaire) est arrivé sur un établissement
où la direction n'est pas située à l'hôpital mais en
centre-ville. « L'enjeu depuis que je suis arrivé est de
remettre tous les gens de la direction générale sur site, de leur
dire : " Maintenant vous allez travailler avec les vrais gens. Vous
arrêtez d'envoyer des mails et vous allez sur le terrain, expliquer,
rencontrer les cadres. " Ce n'était pas le cas avant. Notre
métier va donc être très impacté par ces nouveaux
outils qui vont nous permettre
50 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de
Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine
31
d'être sur le terrain. ».51 Les
nouvelles technologies sont vues à juste titre par certains comme un
levier extraordinaire pour engager le changement par rapport aux nombreuses
défaillances de l'hôpital qui ont été mises en
exergue par le personnel soignant durant toutes les manifestions de ces
dernières années.
Certains établissements ont déjà mis en
place un accompagnement spécifique dans le cadre des groupements
hospitaliers de territoire. Là aussi tous ne sont pas logés
à la même enseigne et il en reste de nombreux dans lesquels rien
n'a été engagé en termes d'accompagnement. Quoiqu'il en
soit, les Directions des ressources humaines doivent continuer à mettre
en place des accompagnements spécifiques afin de créer un
sentiment d'appartenance au groupement hospitalier plutôt qu'au seul
établissement. Tout cela devra être fait en lien direct avec le
projet d'établissement pour donner un sens à tout cela. Adrien
Deudon, consultant en transformation digitale pour les hôpitaux,
l'énonce parfaitement : « L'accompagnement au changement c'est
comprendre d'où on part, savoir où on veut aller et accompagner
les professionnels à sauter d'une étape à l'autre du mieux
possible. Ce n'est pas non plus sans douleur mais c'est clair, cela a du sens,
c'est transparent pour tout le monde. C'est un accompagnement collectif.
»52
A côté de cela, il existe encore des services de
ressources humaines qui ne connaissent pas les projets de leur
établissement ni des services : « la RH nous a récemment
avoué qu'elle attribuait les formations avec un tableau Excel avec des
prix. Ça a pour conséquence que quand une infirmière est
dans l'unité depuis 4 ans et qu'elle demande à faire une
formation en médiation cognitive, la responsable des ressources humaines
refuse à cause du coût que cela représente alors que
l'unité veut faire de la médiation cognitive. Elle a conscience
que l'outil qu'elle utilise n'est pas adapté. »53
Que peut-on déduire d'un tel témoignage ? Que la remise en
question permanente, la connaissance du personnel, des projets de
l'établissement et la veille, non pas uniquement juridique comme
beaucoup auraient tendance à le penser mais également
technologique ne sont pas des options pour un service de ressources
humaines.
Aujourd'hui l'hôpital souffre d'un manque de moyen dans
l'accompagnement du processus de modernisation des établissements de
santé alors que l'accompagnement sur et avec les nouvelles
technologies va de pair avec les défis territoriaux et de
délégation de compétence.
51 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU
52 Interview Adrien Deudon, Consultant en transformation
digitale, Jouve - Annexe 16 : Interview concepteur solution IA Adrien
Deudon
53 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de
Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine
32
« Selon le premier « observatoire de la formation en
santé » présenté en décembre 2018 lors des
Assises nationales hospitalo-universitaires, 73 % des professionnels de
santé interrogés s'estiment mal formés en matière
de numérique, d'intelligence artificielle et de robotisation.
Ils sont presque 90 % à penser que les changements
apportés par ces technologies posent des questions en matière
d'éthique, qu'elles vont transformer leurs métiers et qu'elles
nécessitent de former mieux et plus souvent les acteurs de la
santé. Mais ils sont moins nombreux à penser que cela peut
améliorer les diagnostics (65 %) et la qualité des soins (48%).
»54
B. Les médecins
1. Comment les médecins appréhendent-ils le
changement ?
Si Le cadre de la formation initiale en
médecine est aujourd'hui trop rigide et ne favorise pas
l'interdisciplinarité avec la pratique de la médecine et les
connaissances numériques55, ils sont en revanche
majoritairement portés naturellement vers le changement et vers les
nouvelles technologies. Le travailler ensemble, comme l'attrait pour
les nouvelles technologies, dépend de la sensibilité de
chacun, du type de structure dans lequel ils évoluent et de leur
spécialité.
Le docteur Stéphanie Quesnel, chirurgien ORL
exerçant dans différents types de structures, rappelle que les
bénéfices du changement, notamment
d'établissement, « En médecine [sont]
essentiellement d'enrichir les connaissances et les pratiques, voir comment les
autres travaillent et comment travailler les uns avec les autres. A
l'hôpital on travaille plus par équipe alors que dans le
privé on travaille plus chacun pour soi. Ça change quand
même énormément les pratiques et les échanges entre
les professionnels. Ça permet aussi, au-delà de sa
spécialité, d'élargir le réseau et
d'apprendre sur chaque spécialité ce qui peut aider aussi
après à pouvoir fonctionner et travailler ensemble pour
traiter une personne dans sa globalité et pas appareil par appareil.
»56
54
https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/transformation-numerique-dans-la-sante-la-gouvernance-fait-toujours-defaut-65411/
55 « Santé et intelligence artificielle
», sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric
Villani
56 Interview Stéphanie Quesnel, Docteur en
Chirurgie ORL et cervico-faciale pédiatrique, Hôpital Robert
Debré (AP-HP) / hôpital américain / clinique Ambroise
Paré / cabinet libéral - Annexe 10 : Interview PM/PNM
Stéphanie Quesnel
33
2. Comment les médecins sont-ils accompagnés
dans ces changements aujourd'hui ?
Les médecins n'ont pas la sensation d'être
accompagnés aujourd'hui.
S'il n'y a pas ou peu d'accompagnement, c'est avant tout
parce que les DRH n'ont pas la sensation que ces acteurs aient besoin de
l'être, « c'est le plus souvent un médecin qui vise
à l'implantation de nouvelles technologies. » Aujourd'hui, ce
sont les médecins qui sont demandeurs de formation sur de nouvelles
technologies. « En général ils ont été
abreuvés durant toute leur scolarité d'éléments
physiques, chimiques, mathématiques qui leur disaient : « si on
arrivait à faire ça ce serait génial ». Même si
tous les médecins ne sont pas des geeks, il y a quand même une
proportion plus importante chez les médecins à accepter le
changement même sur d'autres métiers à haute qualification.
» 57 On compte également énormément sur les
éditeurs, les laboratoires les fabricants pour communiquer auprès
des médecins, les sensibiliser et les former : « Quand on fait
le choix d'acheter un équipement il y a toujours une partie
paramétrage et formation des utilisateurs qui est comprise. Certains
sont très bons là-dedans et les formations sont de
qualité. Je pense notamment aux robots chirurgicaux : la formation,
d'après ce que j'en sais, est vraiment robuste pour former les
utilisateurs. »58
Il existe néanmoins des contre-exemples, Camille
Giordano, Directrice Opérationnelle et Directrice des Ressources
Humaines à la clinique Saint Christophe, établissement
privé de soins de suite et de réadaptation (SSR), parle avec
passion des difficultés rencontrées ces dernières
années dans la mise en place du dossier patient informatisé et
notamment sur la formation aux outils. Aujourd'hui la formation liée
à la mise en place de nouveaux outils et à la formation des
nouveaux arrivants suit un processus normé qui reprend les
éléments essentiels et classiques de conduite de changement et de
suivi de projet. « Cela fait partie intégrante de leur mission
et de leur quotidien donc il faut absolument qu'ils maitrisent l'outil dans le
cadre de leur fonction. »59 Le travail a été
fait avec les éditeurs mais sans autre prestataire dans l'accompagnement
au changement grâce à la longue expérience passée de
consultante en ressources humaines dans divers secteurs d'activité de la
directrice des ressources humaines.
57 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU
58 Interview Perrine Cainne, Directrice des Ressources Humaines
du Centre Hospitalier d'Arcachon - Annexe 7 : Interview DRH Perrine Cainne
59 Interview Camille Giordano, Directrice Opérationnelle
et Directrice des Ressources Humaines
Clinique Saint Christophe, Bouc Bel Air, établissement
privé de soins de suite et de réadaptation (SSR)
spécialisée en cancérologie, hématologie, soins
palliatifs, soins polyvalents, nutrition - Annexe 6 : Interview DRH Camille
Giordano
3. Comment les acteurs du secteur santé
souhaitent-ils être
34
accompagnés ?
Même s'il est vrai que la profession médicale a,
en majorité, une appétence certaine et une curiosité
naturelle et qui leur a été transmise, ce n'est
premièrement pas le cas pour tous, comme le rappellent deux des DRH
interrogés qui évoquent « deux types de profils et cela
vaut pour les médecins, les paramédicaux et le personnel
administratif mais c'est encore plus fort chez les médecins : il y a
ceux qui sont prêts à se dire c'est nouveau donc c'est
intéressant et ceux qui se disent, c'est nouveau donc je n'en veux pas.
»60 ou encore des « difficultés avec
[leurs] professionnels libéraux (médecins
spécialistes et kinésithérapeutes) [qui] ont eu
beaucoup de mal à passer du papier à l'informatique. Il a fallu
bien accompagner. C'est moi qui m'en suis occupé et ça a pris du
temps. C'était la plus grosse difficulté et le changement a
été complexe pour les professionnels terrain, surtout les
médecins, qui comptaient le nombre de clics. Ils m'ont dit que ça
avait vraiment fait évoluer leur métier.61
D'autre part, même pour ceux qui lisent
régulièrement la presse spécialisée et sont
habitués aux nouvelles technologies, il y a un souhait de pouvoir
profiter d'autres canaux de communication en interne sur ce qui se fait,
principalement ce qui les concerne évidemment, mais également, en
quantité raisonnable, sur ce qui concerne les autres métiers et
autres spécialités qui pourrait avoir un impact indirect sur leur
propre métier. Le chirurgien interviewé résume assez bien
ce qu'on retrouve dans la littérature spécialisée
concernant ce que souhaite le corps médical : « A court terme,
plus de communication. Je trouve qu'il n'y en a pas ou alors je ne me documente
pas bien. Je trouve que ce n'est pas très facile de trouver des articles
sur ce sujet. A l'hôpital, il n'y en a pas trop mis à part le
robot, que ce soit à l'assistance publique ou à
l'américain. A moyen terme, ce sera de faire des conférences,
qu'il y ait vraiment des formations faites sur le sujet. Dans nos formations
médicales continues, ce n'est jamais proposé. En tout cas pas
encore aujourd'hui. C'est plus sur les termes pratiques, sur de la clinique
pure. Il y a également des formations de robotique. J'ai fait une
formation de robotique mais il faut aller la chercher. Il faut faire un DU en
plus. Ce sont les fabricants du robot qui te forment. Au niveau du conseil de
l'ordre, ce n'est pas des choses qu'ils proposent facilement. Ce n'est pas bien
rentré dans les formations.
Le docteur Stéphanie Quesnel souligne également
un point essentiel de la formation dont elle souhaiterait
bénéficier et que l'on retrouve constamment dans la
littérature étudiée dans le
60 Interview Nicolas Delmas, DRH Hôpital Bichat, Annexe
5 : Interview DRH Nicolas Delmas
61 Interview Camille Giordano, Directrice Opérationnelle
et Directrice des Ressources Humaines
Clinique Saint Christophe, Bouc Bel Air, établissement
privé de soins de suite et de réadaptation (SSR)
spécialisée en cancérologie, hématologie, soins
palliatifs, soins polyvalents, nutrition - Annexe 6 : Interview DRH Camille
Giordano
35
cadre de ce mémoire, celui du cadre éthique et
juridique : « Il y a un problème que je trouve important, qui
est le même que pour la téléconsultation, c'est le cadre
éthique et juridique. Qui est responsable ? On n'est pas en usine
où si on se trompe sur une pièce ou si c'est défectueux on
change. Si tu te trompes de diagnostic ou si tu donnes un mauvais traitement,
ou s'il y a des effets secondaires importants, qui est responsable ? Ce ne sera
pas l'intelligence artificielle. C'est plus le côté éthique
et responsabilités qui est assez flou. Je ne sais pas si c'est
déjà défini. Qui est responsable en cas d'erreur ? Les
fabricants de machine se dédouaneront forcément sur celui qui a
utilisé l'intelligence artificielle. Il faut que ce soit
déterminé dans un cadre strict : vers qui se tourner quand il y a
un problème ou un bug. L'humain fait des erreurs donc la machine en fera
aussi après mais à quel degré ? Ce ne sera certainement
pas pire que l'humain mais pas mieux non plus. On verra. Sur le long terme il
faut des formations pratiques et juridiques dispensées par des
professionnels. C'est bien gentil du côté des fabricants, ils ont
une idée du comment ça fonctionne mais il faut toujours que ce
soit mis en pratique et voir les problèmes que cela pose au quotidien,
la facilité d'utilisation, le rendu du diagnostic, etc. Par exemple,
même si ce n'est pas vraiment de l'intelligence artificielle, je ne
faisais pas du tout de téléconsultations. Tout disait que
c'était super mais ça a vraiment ses limites. Pour s'y former on
est un peu lâché dedans alors l'intelligence artificielle
ça risque d'être un sacré carnage ! »62
On voit bien que les formations dispensées par les
prestataires fabricants ne peuvent pas être l'unique solution et qu'il
est nécessaire voire indispensable d'accompagner les médecins sur
la définition juridique de la responsabilité qu'engage
l'utilisation de certains outils.
Une fois passés les défis techniques,
légaux et éthiques viennent les défis liés à
la confiance des praticiens et des usagers et celui de l'accompagnement
nécessaire pour ajuster l'organisation. Confiance et organisation
s'avèrent être les aspects les plus difficiles. La confiance ne
peut s'instaurer que sur un très long terme dont le processus est
déjà entamé ne serait-ce que par la campagne liée
à la sécurisation des données, notamment de santé.
La nouvelle organisation pourra naitre grâce à cette
confiance.63 La sensibilisation et la communication à
l'échelle nationale doit continuer et s'assortir de plans
individualisés à l'échelle des groupements hospitaliers de
territoire. Avec un bon climat de confiance, le relais vers les
établissements permettant des projets locaux pourra être
démarré en évitant certains blocages qui seraient dus
à un manque de confiance des professionnels.
62 Interview Stéphanie Quesnel, Docteur en Chirurgie ORL
et cervico-faciale pédiatrique, Hôpital Robert Debré
(AP-HP) / hôpital américain / clinique Ambroise Paré /
cabinet libéral - Annexe 10 : Interview PM/PNM Stéphanie
Quesnel
63 « Santé et intelligence artificielle », sous
la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani
36
L'accompagnement souhaité se traduit donc par
de la communication des formations existantes mais également sur les
projets transversaux existants : « Qu'on soit au courant des
formations qui existent, des diverses opportunités : des projets en
cours de façon générale et par spécialité.
C'est surtout notre spécialité qui nous intéresse plus que
l'intelligence artificielle en général. Les radiologues sont les
plus avancés en termes de lecture et de diagnostic. Dans les autres
spécialités, je ne vois pas ou je n'en ai pas connaissance.
Aucune information sur ce sujet n'est donnée, que ce soit à
l'AP-HP, à l'Américain, à la clinique ou au travers de
l'activité en libéral. On a des informations dans les journaux
scientifiques en étant abonné mais comme je ne reçois et
ne lis essentiellement que de l'ORL, les seules nouveautés sont sur la
chirurgie robotique. Concernant les outils d'aide à la décision,
j'aimerais bien voir et comparer, faire mon diagnostic et voir si
l'intelligence artificielle te fait penser à quelque chose auquel tu
n'aurais pas pensé parce que tu ne l'as jamais vu ou jamais
rencontré dans ta pratique. En médecine on a l'habitude
de s'adapter tout le temps dans nos pratiques. »
4. Quel accompagnement spécifique les autres
acteurs et/ou décideurs du
secteurs santé souhaitent-ils mettre en place ?
Si les demandes d'accompagnement aux nouvelles technologies,
entre autres dotées d'intelligence artificielle étaient encore
balbutiantes il y a quelques mois, aujourd'hui, « c'est un sujet sur
lequel il y a une prise de conscience réelle. L'IA
faisait peur, elle fait encore un peu peur mais les choses changent. Il y a une
bascule qui s'opérait déjà au deuxième semestre
2019 que la Covid 19 a encore accentué sans doute. Il y a une
demande très forte d'accompagnement qui sera vue par l'inclusion
de l'IA dans les orientations prioritaires de développement
professionnel continu. » David Gruson a constaté
« une demande croissante d'accompagnement des institutions, des
directeurs sur la connaissance de ces outils. Sur le type d'accompagnement, il
y a ce qu'ils verbalisent comme étant leur demande d'accompagnement et
il y a sans doute ce qui est sans doute ce dont ils ont besoin. Ce qu'ils
verbalisent souvent, c'est « on veut comprendre » et ces
demandes-là, il faut les reformuler : « on va vous aider à
comprendre. Il est bien clair que votre job n'est pas d'être un
algorithmicien. Il faut que vous compreniez à quoi cela sert, quels sont
les recours, quels sont les enjeux éthiques, comment est-ce qu'on les
régule et comment ces technologies peuvent vous aider pour renforcer la
valeur ajoutée de votre organisation, améliorer la qualité
de la
37
prise en charge des patients et ce qu'on peut en
déduire sur l'évolution de vos métiers qui est un champ en
soi. » »64
Pour Adrien Deudon, Consultant en transformation digitale, la
meilleure manière d'accompagner les médecins aujourd'hui serait
de les « impliqu[er] le plus en amont possible notamment sur
la compréhension de leurs besoins. C'est important. Concrètement
il faut :
- qu'ils identifient eux-mêmes le souhait que les
technologies les épaulent,
- les impliquer dans la conception et l'identification de
besoin en intelligence artificielle,
- les accompagner dans la formation à la connaissance
de ces sujets-là, aussi bien sur
les aspects techniques, éthiques, juridiques et tout
l'impact que cela aura pour eux,
- leur expliquer dans quel écosystème cela
s'imbrique, quelle plus-value il y a pour leur métier et pour le
patient dans leur quotidien. Ces intelligences artificielles sont des outils.
Elles ne seront que des outils qui doivent s'inscrire dans quelque chose de
plus large pour que le sens qu'elles auront pour eux soit
intégré. »65
« Il faut se servir des médecins acteurs de
ce changement pour venir expliquer à leurs confrère
l'intérêt qu'il y a à s'en servir et ainsi améliorer
les pratiques collectives. Les médecins doivent être les portes
paroles du changement à venir. C'est le meilleur moyen pour
réussir. »66
La médecine s'inspire grandement de
l'aéronautique pour accompagner les médecins, on a
déjà évoqué la tour de contrôle. Concernant
les pilotes, tout est placé sur la formation. Il s'agit :
· d'entrainement sur des simulateurs et
· de sensibilisation à la sécurité
et aux risques et au droit à l'erreur, sans sanction,
et au contraire en communiquant dessus et en restant à
l'écoute des préoccupations des erreurs commises et de la peur
des erreurs potentielles.
Certains congrès de spécialistes tel que celui
des pathologistes en Amérique du nord - l'USCAP - proposent des
formations aux réseaux sociaux pour tous les âges et tous les
niveaux. En France, le groupe NEHS MNH propose également ce type de
formation à tous les professionnels de santé, notamment avec les
associations d'élèves pour favoriser les communautés de
professionnels et d'échanges de pratiques.
64 Interview David Gruson, Directeur Programme Santé
Jouve, Fondateur d'Ethik-IA, Auteur - Annexe 8 : Interview David Gruson
65 Interview Adrien Deudon, Consultant en transformation
digitale, Jouve - Annexe 16 : Interview concepteur solution IA Adrien
Deudon
66 Interview Nicolas Delmas, DRH Hôpital Bichat, Annexe
5 : Interview DRH Nicolas Delmas
38
C. Les infirmier.e.s
1. Comment les infirmiers appréhendent-ils le
changement ?
Les différents interlocuteurs s'entendent sur le fait
que la manière d'appréhender le changement n'est pas la
même selon le corps de métier. Ce n'est pas le métier
lui-même qui influe sur le changement, mais la culture qui y est
liée, « derrière un métier, il y a une culture
avec des niveaux de hiérarchie plus ou moins marqués
».67 On retrouve, comme chez les médecins mais de
manière un peu plus marquée, « des personnes motrices et
d'autres avec des freins à main. »68 Là
où le médecin va généralement faire preuve d'une
curiosité naturelle, il va falloir prouver à l'infirmier que le
changement est soit, et c'est le plus important pour le soignant,
bénéfique pour le patient, soit qu'il relèvera de
réelles améliorations dans le quotidien du soignant et
idéalement les deux. Une infirmière relève le paradoxe :
« On est quand même une profession super adaptable. Si on ne
s'adapte pas on meurt et pourtant la résistance au changement c'est
abominable dans les métiers paramédicaux. Il y a tellement de
gens qui disent : « il ne faut pas changer c'était mieux avant
», même des infirmières de 45 ans. »69
« Majoritairement, ils n'envisagent pas
l'évolution de leur métier »70, d'autant
qu'« Il y a un blocage sur les technologies parce qu'on travaille dans
l'humain et que ce n'est pas humain. On souffre de la déshumanisation
des institutions. C'est pour ça qu'on va dans la rue. Parce que c'est
déshumanisé et qu'on nous méprise.71
La culture du changement et ses nombreux
bénéfices sont pourtant enseignés dans les IFSI mais la
culture du métier à la peau dure. « Le burnout
professionnel existe dans le soin, comme partout, et au lieu d'attendre, il
faut changer. C'est même quelque chose qu'on nous a appris à
l'école. L'avantage de mon métier c'est qu'il y a de nombreuses
possibilités différentes. Infirmière, c'est très
résumé par rapport à tout ce qu'on fait, à tous les
métiers qu'il y a derrière. Et pourtant le fait de «
râler » et de « se plaindre » est presque un principe,
déjà national - la réputation des français n'est
plus à faire - mais très imprégné chez le corps
infirmier.
Encore une fois, les exceptions existent et c'est sur ces
exceptions qui n'hésitent pas à changer de métier dans
leur profession et d'établissement qu'il va falloir miser.
67 Interview Jérôme Carfantan, Auteur,
conférencier, coach agile - Annexe 14 : Interview professionnel
accompagnement Jérôme Carfantan
68 I nterview Nicolas Delmas, DRH Hôpital Bichat,
Annexe 5 : Interview DRH Nicolas Delmas
69 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de
Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine
70 Interview Perrine Cainne, Directrice des Ressources
Humaines du Centre Hospitalier d'Arcachon - Annexe 7 : Interview DRH
Perrine Cainne
71 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de
Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine
39
2. Comment les infirmier.e.s sont-ils accompagnés
dans ces changements aujourd'hui ?
L'accompagnement est très hiérarchique d'une
manière générale et passe par de nombreux canaux de
hiérarchie avec des allers-retours. Un infirmier qui souhaite faire une
formation en formule la demande auprès de son manager, à savoir
le cadre de santé. Le cadre de santé rapporte les demandes de son
équipe à son supérieur hiérarchique, le cadre de
santé qui lui-même retransmet les demandes au directeur des soins.
Le directeur des soins travaille de concert avec la direction des ressources
humaines sur l'adéquation des demandes dans le plan de
développement de compétences, les valide ou les invalide et pour
celles qui sont validées, les transmet au service de formation continue
de l'établissement. La démarche manque clairement
d'agilité.
a) Sur les outils déployés à
l'échelle de l'établissement
Concernant la formation aux nouvelles technologies
déjà mises en place telles que le dossier patient
informatisé, on relève non pas un manque mais une absence
quasi-totale de formation dans certains établissements alors même
que les infirmiers l'utilisent quotidiennement. « Ça n'a jamais
été le cas, ni à l'hôpital, ni ailleurs.
L'accompagnement c'est : « il y a un outil, tu te débrouilles, tu
l'utilises. » A l'hôpital il y a les logiciels de patient
informatisé et d'événement indésirable quand il
arrive un problème et que l'information va directement à la
direction. C'est une tannée : tu n'es pas formé, c'est un outil
machine à gaz qui te demande un code que tu n'as jamais. En revanche
[concernant le logiciel d'événements
indésirables] on voit tout de suite que cela monte à la
direction parce qu'en général on a une réponse dans les
vingt-quatre heures. C'est bien mais encore une fois on n'est pas formé.
A l'hôpital les autres ne voulaient pas le faire. J'étais une des
rares à le faire. Je pars du principe que si on ne dit pas que ça
ne va pas on n'aura jamais de personnes en plus ou de meilleurs outils.
»72
Heureusement certains établissements misent sur la
formation et accompagne les paramédicaux au moins autant que les
médecins. Pour anticiper le changement, les cadres font partie
intégrante du projet, dès le début même
dans la phase de recherche et de sélection du prestataire avec donc des
méthodes agiles, comme au moment du déploiement du dossier
patient informatisé à la Clinique Bouc Bel Air : « Elles
- je dis elles car il s'agit de femmes - ont fait partie du process au
même titre que le médecin référent qui venait
en
72 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de
Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine
40
représentation de tous les autres médecins.
Ça s'est fait avec eux. J'étais toujours présente
également avec le responsable informatique. On a pris les
décisions ensemble ».73
b) Sur des formations métier
Concernant certaines spécificités
nécessaires à l'arrivée d'outils médicaux, il ne
peut pas s'agir, tant qu'il s'agit de spécificité et non de
pratiques à grande échelle, d'« un plan de formation
unique [...]. C'est du sur-mesure et de la couture. C'est le plus souvent un
médecin qui vise à l'implantation de nouvelles technologies dans
son service qui demande à ce que les infirmières soient
formées. [Le service des ressources humaines] est très
suiveur pour le moment. Cela peut être le médecin qui demande
directement à l'infirmière qui accepte et ils arrivent tous les 2
avec une solution clé en main. Aujourd'hui il n'y a pas de plan
systémique de l'intégration de l'innovation. Ce n'est pas la
direction qui porte : [Le service des ressources humaines] reste
prestation support. Si ce n'est pas le médecin qui propose à
l'infirmier.e, le problème n'est pas tant la définition de
l'action de formation en faisant de l'achat mais plutôt de trouver le bon
profil pour accompagner le changement. »74
3. Comment souhaitent-ils être accompagnés
?
Les infirmiers souhaitent être accompagnés par
de la formation, encore et toujours. Elle est nécessaire, au-delà
de se former stricto sensu, « pour prendre du recul, pour se parler
entre professionnels, interroger les professionnels qui souhaitent [leur]
faire utiliser un nouvel outil. » Ils souhaitent pouvoir aller en
formation à plusieurs, tout au moins deux d'une même unité
pour « ne pas être un seul référent d'une
unité » et parce que cela « crée des liens et
des débats pour permettre d'être porte-paroles dans son
institution. »75
Comme le personnel médical, le personnel
paramédical évoque le souhait d'être tenu au courant des
avancées technologiques qui concernent l'hôpital dans son ensemble
et ce qui pourra avoir un impact sur leur métier sur le long terme.
« Sur l'intelligence artificielle par exemple, ce serait se poser une
demi-journée ou une journée avec un professionnel qui explique ce
qu'est l'intelligence artificielle, comment l'appliquer, comment la mettre en
perspective dans les établissements avec des exemples concrets et des
témoignages. La communication doit être orale. L'écrit, on
n'a pas le temps. » Là où le professionnel
médical
73 Annexe 6 : Interview DRH Camille Giordano, Directrice
Opérationnelle et Directrice des Ressources Humaines
74 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU
75 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de
Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine
41
prend généralement le temps de lire la presse
spécialisée, a minima sur sa spécialité, les
infirmiers ne prennent pas le temps de tenir une veille professionnelle. Les
rythmes imposés, la difficulté du métier, tant physique
que psychologique et les mauvaises conditions de travail qui sont
dénoncées ne leur permettent pas de pouvoir envisager de le
faire. Seuls les temps de formations peuvent y pallier. Les paramédicaux
fonctionne beaucoup par la transmission orale, et particulièrement dans
le milieu psychiatrique.
Concernant les outils, il faut tout simplement former
correctement les professionnels aux outils et ne pas juste leur indiquer qu'ils
doivent travailler dessus comme c'est le cas bien souvent. Cela a pour
conséquences beaucoup de temps perdu et des outils qui sont
utilisés à peine à moins de 10% de leurs
capacités. Ne pas former, c'est, sur le long terme, et
même sur le moyen, source d'erreurs et de perte de beaucoup de temps et
d'argent.
Il faut également impliquer « les gens dont
c'est le métier d'avoir des patients dans la construction de [leur]
arborescence. Aujourd'hui, on utilise des logiciels qui sont faits par des
informaticiens pour qui les patients sont des numéros. »,
preuve en est sur des développements établis pour des
évaluations patients dans le dossier patient informatisé d'un
établissement comme sur le risque suicidaire. « Ce
questionnaire n'est aujourd'hui pas du tout adapté. Il faut
répondre oui ou non comme si c'était aussi facile. C'est
très manichéen. A chaque question, les patients me
répondent « ça dépend ». [...] Personne ne nous
a expliqué ce que c'était, comment l'utiliser et l'outil n'est,
encore une fois, pas adapté. Comme j'ai une formation suicide en octobre
j'ai proposé à ma cadre d'être référente
dessus et de communiquer dessus quand l'outil sera adéquat
».76 La mise en place de bons outils et la formation qui
va de pair avec existent aujourd'hui notamment grâce à des
soignants sur lesquels il faut s'appuyer, il faut encourager ces prises
d'initiatives. L'idéal serait d'impliquer également des patients,
de créer un comité réunissant un soignant, un patient, un
informaticien et une personne des ressources humaines.
Afin de répondre au besoin de sécurité
et de confiance des soignants, d'autres types de formations, même
très courtes, peuvent être envisagées. « Il n'y a
pas longtemps on a eu une formation d'une heure et demie par un cadre sup sur
l'espoir. Ça, dans ma profession, c'est important. Il y a un truc qui
m'énerve chez les infirmiers c'est qu'ils râlent et ne sont jamais
contents, parce qu'effectivement on a de mauvaises conditions de travail et
qu'on n'est pas bien payé. Alors cette formation m'a fait un bien fou.
Les histoires des patients sont horribles, on a de mauvaises conditions de
travail, on est mal payé, on a très peu de formation et
ce
76 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de
Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine
42
type de formation peut être un vrai levier
au changement. Le changement c'est d'arrêter de
râler et de trainer des pieds et à aller toquer aux bonnes portes
et bouger pour faire de son métier quelque chose d'agréable
à défaut d'avoir un bon salaire. »77
4. Quel accompagnement spécifique les autres
acteurs et/ou décideurs du
secteurs santé souhaitent-ils mettre en place ?
Le métier des paramédicaux, notamment des
infirmiers et des aides-soignants, va évoluer et la formation initiale
devra être revue à divers égards. Un plan de
restructuration des écoles avec la création d'un
établissement d'enseignement supérieur, une structure unique qui
forme tous les professionnels et tous les métiers avec une équipe
pédagogique unique, est déjà en cours dans un des plus
gros centres hospitaliers en France. Douze mille élèves des
instituts paramédicaux de la région Rhône Alpes sont
également actuellement formés à l'IA. « On voit
qu'il y a un vrai changement, non pas simplement des outils utilisés
mais du coeur du métier. L'IA va être - elle l'est
déjà - un adjuvant très puissant à l'extension des
compétences de ces professions paramédicales en permettant
d'accéder à des éléments de diagnostic
médical sous intermédiation d'une profession paramédicale.
»78
Pour tous ceux qui travaillent déjà, c'est la
formation continue qui devra permettre à chacun de se tenir à
jour et d'anticiper ces changements. Dans un entretien, un directeur de CHU
évoque l'obligation « de mettre en place des plans de
formation pour l'adaptation à l'évolution prévisible des
emplois comme le prévoit la réglementation sur la formation
à l'hôpital. C'est plus compliqué parce
qu'on va sur des transformations de métiers qui sont consubstantiels.
L'infirmière devra faire de l'assistance à prédictions de
diagnostic en lien avec l'intelligence artificielle avec laquelle travaille le
médecin. Elle se rapproche progressivement de la profession
médicale là où elle était la petite main parmi les
petites mains il y a encore 50 ans. » Le ticket d'entrée en
matière de compétences va être de plus en plus
élevé. Aujourd'hui, « on change de métier : on a
fait des études à l'Institut de Formation en Soins Infirmiers
(IFSI) pour un certain métier et quand on arrive à l'unité
médico-chirurgicale cardiologique de [tel hôpital] on ne fait pas
son métier d'infirmière comme on l'a appris à
l'école. On va faire de l'analyse de mesure, de l'accompagnement du
médecin, dans de la coopération sophistiquée.
»
77 Interview Pauline Cuisine, infirmière CMP de
Villefontaine - Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine
78 Interview David Gruson, Directeur Programme Santé
Jouve, Fondateur d'Ethik-IA, Auteur - Annexe 8 : Interview David Gruson
43
On peut d'ores et déjà se poser la question des
salaires si on demande de plus en plus de compétences à ces
professionnels. A l'hôpital public, en France, [et dans de
nombreux hôpitaux privés] on ne paie pas assez. Chez
Bioserenity à la clinique du sommeil par exemple, ils payent leurs
infirmières entre 3200 et 3400 euros nets mensuels là où
on les paie entre 2200 et 2400 euros à l'hôpital public.
79
Ces modifications du métier directement liées
notamment à la délégation de compétences de la part
des médecins entre autres pour certains actes pratiqués en
télémédecine comme la téléassistance
médicale (cf. définition p.10) entrainent des formations
spécifiques aux outils mais nécessitent également des
formations en psychologie plus pointues qu'elles ne le sont actuellement pour
accompagner les patients.
Les formations elles-mêmes se modernisent
évidemment en même temps. Les formats ne sont les mêmes. Les
soignants peuvent désormais se former avec des outils
développés par SimforHealth ou Laerdal, assez connu pour leurs
mannequins en simulation avec des corps qui réagissent. On peut
prévoir avec eux « du e-learning et de l'apprentissage en
présentiel à réalité augmentée. Les agents
peuvent se former sur des mannequins de simulation de patient Laerdal avec un
casque de réalité augmentée dans une salle comme s'ils
étaient dans un bloc opératoire. L'enseignant peut même
être à distance en dehors de la pièce avec un
contrôle retour directement dans l'environnement numérique.
L'ensemble sera mis en application [dans tel établissement]
à échéance septembre 2021.80
D. Les agents d'accueil
1. Comment les assistants administratifs et agents
d'accueil appréhendent-ils le changement ?
Le personnel administratif est peu enclin au changement. La
part de réfractaires est plus importante que la part de personnes
enthousiastes ou ouvertes aux changements. Le rapport au changement peut
être radicalement différent chez une même personne selon le
sens du changement. Prenons l'exemple d'un agent d'accueil dont
l'établissement vient de faire l'acquisition d'une solution de
dématérialisation de l'admission administrative d'un patient avec
laquelle le patient pourra directement faire les démarches
administratives, déposer ses pièces administratives et remplir un
formulaire avec un certain nombre de données le concernant à
79 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU
80 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU
44
distance depuis chez lui via un ordinateur ou depuis son
mobile. Les patients qui pourront utiliser cette solution ne passeront plus par
la borne d'accueil. « Cela nécessite, à partir de ce
moment-là, que des gestionnaires soient détachés dans leur
métier actuel au contact du patient pour tous ceux qui ne l'utiliseront
pas et, a contrario, pour les patients utilisant cette solution d'admission
à distance, il faudra qu'il y ait des gestionnaires qui soient dans des
missions de back office, dans un bureau, qui reçoivent ces informations
et qui les traitent sans contact physique ni échange avec le patient si
ce n'est des messages mails. Ça change la position et le quotidien d'un
gestionnaire. S'il fait le métier derrière le guichet avec des
patients toute la journée, il a un contact relationnel très fort
et ça ne sera plus du tout le cas quand il fera la même chose
à distance. Cela se rapprochera beaucoup plus d'un métier
administratif de gestionnaire pur. On voit très bien qu'il y a des
compétences du métier qui vont évoluer.
Si je suis gestionnaire et que j'ai fait ce
métier-là, c'est soit :
· 1 : que je trouve un intérêt dans le
contact au patient, que ce que j'aime bien c'est aider le patient, le rassurer,
l'orienter dans l'établissement et finalement la saisie de
données administratives n'est qu'un prétexte pour être au
contact du patient. Demain ce profil-là aura du mal à y trouver
son compte si on le met dans un bureau et qu'on lui demande de ne se concentrer
plus que sur l'activité de saisie et de contrôle des
pièces.
· 2 : que j'ai plutôt envie de faire un
travail administratif et de pouvoir lisser ma charge de travail sur la
journée, ne pas être stressé par des pics de travail
à telle et telle heure et que je dois faire face au patient, que je
reste aimable parce que je suis la porte d'entrée de
l'établissement et que cela m'impose un stress fort là je vais
être content de faire ce travail-là, d'être
protégé au back office et pouvoir m'organiser comme je veux sur
la journée du moment que je réalise les tâches que j'ai
à faire.
On voit bien que la manière d'exercer le
métier dans le premier ou dans le deuxième cas n'est pas la
même. On ne parle plus du même métier, plus du même
quotidien. Ça peut susciter de l'engouement si je me retrouve
plutôt dans le cas de figure 2 et a contrario si j'ai un profil où
je prenais plaisir à être face au patient et que je nourrissais
plutôt l'intérêt de mon métier dans le relationnel,
là je vais avoir une résistance au changement sur le fait que
l'adoption de cette solution va changer mon métier. »
Certains DRH qui sensibilisent en anticipant la mise en place
de ce type de solution ont la sensation que ces changements ne sont pas pris au
sérieux : « Ce sur quoi je me bats actuellement c'est de faire
comprendre aux agents que ça va être comme ça, cela reste
de la science-fiction pour eux. C'est un grand saut dans l'inconnu et les
agents pensent que les
45
décisions seront mauvaises car elles ne seront pas
contrôlées. C'est le principe de logique de responsabilité.
L'autre chose c'est de leur faire comprendre comment on paramètre les
outils pour qu'ils soient utiles et là aussi c'est très
compliqué. »
Tout dépend aussi évidemment de la
manière dont le changement est conduit. Quoiqu'il arrive et même
en appliquant les méthodes les plus inclusives, s'il ne reste pas au
moins quelques réfractaires, il restera toujours quelques personnes qui
rencontreront des difficultés importantes avec l'outil.
2. Comment les agents d'accueil sont-ils
accompagnés dans ces
changements aujourd'hui ?
Aujourd'hui tous les établissements ont modifié
la manière de traiter les données administratives du patient ne
serait-ce que lors de la mise en place du dossier patient informatisé
devenu obligatoire. D'autre part, « l'effet de la technologie et
l'effet de la Covid 19 amènent à générer des
impératifs de distanciation physique. C'est un stimulus de court terme,
peut-être. Le court terme depuis 6 mois devient du moyen terme mais c'est
un stimulus très puissant qui va amener des recompositions très
fortes pour le back office du système de santé. »81
On constate de fortes disparités d'un
établissement à l'autre dans la manière d'accompagner
le personnel administratif (comme pour le personnel
médical). Cela tient beaucoup :
? A la culture de l'établissement (pratiques agiles),
? A la personnalité du manager du bureau des
entrées,
? A la manière dont le projet et piloté et
suivi,
? Au profil des agents concernés,
? Au recours ou non à un prestataire extérieur
suivant nécessité en lien avec les 3 points
précédents.
En fonction de tous ces critères, les agents sont,
dans un cas, impliqués dès le début du processus de
modification du système d'information ou de prise ou charge du patient
et, dans de nombreux autres, forcés à utilisés une
solution sur laquelle ils ne sont pas formés, qu'ils ne trouvent,
à juste titre puisque les utilisateurs n'ont pas été
impliqués, pas adéquat et qui génère erreurs,
frustration, perte de temps et d'argent.
81 Annexe 8 : Interview David Gruson, Directeur Programme
Santé Jouve, Fondateur d'Ethik-IA, Auteur
46
3. Comment souhaitent-ils être accompagnés
?
Tous comme les autres métiers, les agents
administratifs souhaitent être informés et impliqués selon
Adrien Deudon, en lien régulier avec les utilisateurs de la solution de
dématérialisation proposée par la société
pour laquelle il travaille. Les personnels d'accueil se sentant concerné
par le sujet, malgré l'importance qu'il va revêtir pour eux, sont
difficiles à trouver et à ce jour, aucun agent d'accueil
sollicité dont l'établissement a mis en place des solutions de
dématérialisation pour l'accueil n'a répondu favorablement
pour échanger dans le cadre de ce mémoire. Faut-il en tirer des
conclusions et quelles pourraient-elles être ? Je me garde, faute
d'information et d'enquête terrain de pouvoir formuler la moindre
supposition.
4. Quel accompagnement spécifique les autres
acteurs et/ou décideurs du secteurs santé souhaitent-ils mettre
en place ?
Aujourd'hui ces solutions et les accompagnements à
mettre en place sont décidées à l'échelle de
l'établissement et non à l'échelle du groupement
hospitalier de territoire et encore moins à l'échelle nationale
même s'il existe une stratégie gouvernementale pour la
transformation numérique en santé. « En
général ce sont le directeur financier et le directeur des
systèmes d'information d'un établissement [qui
décident]. »82
Ensuite concernant l'accompagnement d'une équipe
à proprement parler, « on doit d'abord envisager ces
transformations sous l'angle de la GPEC : telle personne qui part
à la retraite dans 2 ans va rester sur son poste, telle autre dans 10
ans donc on va lui proposer d'aller aux admissions ou à l'accueil
plutôt que dans le service des ressources humaines, untel qui ne souhaite
pas s'orienter de cette manière souhaite-t-elle se reconvertir comme
assistante sociale ou apprendre un nouveau métier qui n'a rien à
voir avec le secteur sanitaire. On fait ensuite du suivi individuel des agents.
Une fois que la nouvelle organisation est posée, on met l'IA ou la
nouvelle technologie en relation avec le besoin. »83
Toutes les personnes interrogées s'accordent à
dire qu'il est absolument nécessaire de travailler avec des
méthodes agiles et impliquer un voire plusieurs référents
de chaque métier concerné par le changement dès l'amont du
projet. Les nouveaux décideurs sont issus des générations
X et Y et ont bien l'intention de travailler en coopération. Les aspects
négatifs d'une hiérarchie trop marquée s'effacent de plus
en plus au profit d'une intelligence collective
82 Interview Adrien Deudon, Consultant en transformation
digitale, Jouve - Annexe 16 : Interview concepteur solution IA Adrien
Deudon
83 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU
47
et si ce n'est pas toujours par conviction intime cela peut
être par l'observation simple d'organisations qui fonctionnent et dans
l'idée de tirer le meilleur parti de tous les professionnels avec qui
l'on travaille. Toutes les « strates de la hiérarchie » sont
impliquées dès le début, au moment de la définition
du besoin et du choix du prestataire même si le travailler ensemble n'est
encore un réflexe pour personne.
E. Les bonnes pratiques d'accompagnement des
ressources humaines
1. La culture du changement
Afin d'accompagner de manière optimale les
professionnels de santé, la vision de ce qu'est être un bon
directeur des ressources humaines a énormément changé.
Parmi ces changements justement, on remarque la culture du changement et
l'appropriation de ses vertus. On ne pourrait plus correspondre aux attendus en
restant au même poste, dans le même établissement trop
longtemps. « Je pense qu'à un moment tu te retrouves dans un
environnement que tu maîtrises et quand tu es dans une maîtrise de
l'environnement tu arrives avec une idée précise de ce que tu
veux faire. Tu le fais. A partir d'un certain moment tu te réinventes
mais la réinvention à ses limites. Faire venir quelqu'un d'autre
à ta place pour avoir d'autres idées et conduire le changement
dans un autre sens ou vers une version plus évoluée c'est souvent
la meilleure façon pour soi de considérer que la mission est
terminée et pour l'organisation de continuer à progresser. Je
suis convaincu qu'on arrive à changer les choses sur deux/trois ans. Au
bout de trois ans on atteint un palier qui est plus ou moins
éloigné en fonction de la maturité au changement de
l'organisation. Une fois que tu as atteint ton palier, soit tu te
désengages et tu laisses « la boutique vivre », soit tu
laisses la place et la boutique continue à changer. C'est l'idée
du changement d'établissement tous les trois, quatre voire cinq ans. Une
personne ne peut pas apporter du changement pendant dix ans. Une fois que tu as
fait bouger les choses tel que tu avais envie de les faire bouger d'autres
feront mieux après toi. »84
2. Les évolutions à envisager
« L'hôpital est un gros employeur et
l'intelligence artificielle va assurément supprimer certains
métiers, y compris les plus élevés dans la
hiérarchie des compétences. A terme, on peut tout à fait
imaginer que la machine pourra prendre des décisions
stratégiques, poser un diagnostic
84 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU
48
et prescrire un traitement par exemple. [Le]
rôle de DRH est d'accompagner les professionnels dans ces changements
pour qu'ils puissent s'adapter et les vivre le plus sereinement possible.
»85 Les directions des ressources humaines anticipent les
adaptations à prévoir. Si des actions spécifiques n'ont
pas encore été prévues dans de nombreux
établissements, elles sont conscientes des enjeux sur le très
long terme.
Sur les enjeux des métiers liés aux services de
ressources humaines, on me rapporte à juste titre et de manière
très pragmatique que « Le métier ne va pas vraiment
changer dans les prochaines années sur le plan des missions. Les
ressources humaines cela reste faire des choses avec les gens : du social, de
l'organisation, du suivi de parcours... Il y aura toujours des salariés
dans l'entreprise et il y aura toujours des DRH dans l'entreprise. Ce qui va
changer dans notre métier ce sont les outils qu'on utilise pour le
faire. Les outils que l'on utilise en ressources humaines vont évoluer
sur deux axes :
- Celui du datamining, c'est-à-dire tout ce qu'on
va pouvoir faire avec les informations dont on dispose sur les gens, sur les
organisations pour être plus prédictif, avoir des réponses
qui sont plus pertinente au regard des problématiques que les agents et
que les services rencontrent.
- Tout ce qui va être autour de la mobilité
et de la dématérialisation. Actuellement la
dématérialisation transforme notre façon de travailler
tous les jours. Je n'ai plus besoin d'avoir comme j'avais à [tel
hôpital] ou à [tel hôpital] un bureau. Aujourd'hui le
problème de [tel hôpital] c'est que la solution informatique
derrière la dématérialisation est insuffisante : elle est
trop compliquée, trop limitée et elle ne donne pas le service
qu'on attend d'elle. Nous sommes donc assez limités en matière de
dématérialisation mais le directeur général
souhaite qu'on avance très vite et il souhaite notamment que
progressivement la direction générale soit rassemblée dans
les établissements de santé. »86
Les manières de coopérer entre métiers,
entre services et entre établissement ne sont pas encore idéales.
Une consultante québécoise réputée
spécialisée dans la conduite du changement qui connait
très bien les hôpitaux français et leur fonctionnement pour
travailler régulièrement avec le constate de manière
très nette : « Je travaille surtout dans de très gros
hôpitaux et ce que je vois beaucoup ce sont des projets
développés en vase clos par une entité comme la direction
des ressources humaines, l'informatique, la pharmacie, le laboratoire, ... Ils
développent des choses en vase clos sans consulter, sans informer, et
le
85 Interview Perrine Cainne, Directrice des Ressources Humaines
du Centre Hospitalier d'Arcachon - Annexe 7 : Interview DRH Perrine Cainne
86 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU
49
jour où ils sortent ça comme un projet les
gens ne sont pas prêts et on a des résistances alors que si on
avait de la gestion du changement en même temps qu'on développait
le projet, il n'y aurait pas toute cette
résistance.87
Cette culture bouge et va dans le bon sens. Ces
démarches restent difficiles au quotidien mais il en va de la
responsabilité de chacun de continuer de s'engager dans cette voie.
3. Ce qui fonctionne déjà ou peut être
mis en place à court terme
Il ressort de tous ces entretiens que si les professionnels
de santé, personnel médical et non médical
(paramédicaux et administratifs) sont à peu près au fait
de ce qui existe et de ce qu'il est possible et sera possible de faire demain
sur leur propre métier, ils ne le sont pas du tout sur celui des autres.
Il en va de la responsabilité des services de ressources humaines de
maintenir « une veille technologique régulière,
d'être au contact et de recevoir des start-up créatrices
d'innovations et de tester des solutions sur différents
périmètres. Ensuite, cela implique un changement culturel qui en
France est très compliqué à faire admettre aux
équipes : c'est qu'on a le droit de se tromper. C'est
une façon de penser très anglo-saxonne. Veille
technologique, expérimentation technologique et changement
culturel au service de l'expérimentation sont la base du
travail. Une fois qu'on est au clair sur ce qu'on sait faire et ce qu'on saura
faire dans 3 ans - ce qu'on arrive à avoir quand on discute avec les
startups et qu'on lit les journaux spécialisés
régulièrement - ensuite on peut, non pas identifier ce que l'IA
va faire mais comment on va changer l'organisation elle-même pour
faire de la place à l'intelligence artificielle.
»88
Concernant tout simplement les demandes de congés
évoqués par l'infirmière dans ce chapitre (point A, p.30),
le DRH de CHU confirme ces pratiques alors même qu'ils travaillent dans
des établissements très différents (taille de
l'établissement de plusieurs milliers de salariés versus une
cinquantaine, spécialité psychiatrique pour l'un des deux,
région, public vs privé, etc.) et les dénoncent
également. Le service RH de cet établissement met actuellement en
place un système de « parapheur électronique »
avec « contrôle de décision
décentralisée » afin de « supprime[r] quatre
niveaux de contrôle ». Il va falloir travailler sur le sens
qu'on donne aux choses et communiquer sur le fait que les changements sont
là pour changer ce qui justement n'a pas de sens.
87 Interview Marie-Pier Levesque, Consultante changement,
conflits, leadership, performance grandes entreprises et services publics au
Québec, en France et en Suisse - Annexe 13 : Interview professionnel
accompagnement Marie-Pier Levesque
88 Interview DRH CHU - Annexe 4 : Interview DRH CHU
50
Exemple d'un agent qui souhaite poser un congé
parental et va voir le cadre ou le gestionnaire de proximité :
ACTIONS
Agent
Agent
Adjoint des cadres
Le gestionnaire de proximité:
la direction centrale qui
· regarde si la décision est possible
· prépare le document
· transmet le document à
· refais le contrôle,
· agréé le raisonnement de l'agent de
terrain,
· Met le document en signature au directeur correspondant
et
· fait partir la décision sur le terrain.
Le gestionnaire de proximité:
· analyse sa situation et prépare la
décision
· La soumet au directeur pour signature
· La donne à l'agent.
NIVEAUX DE HIERARCHIE NECESSAIRE
Attaché de site
|
|
|
|
RH de proximité
|
|
|
Agent administratif de contrôle
|
|
|
|
|
|
|
L'adjoint des cadres qui encadrent les agents administratifs de
contrôle
|
|
|
|
|
|
|
|
Un directeur
|
l'attaché qui encadrent les adjoints des cadres qui
encadrent les agents de contrôle
|
|
|
|
le directeur qui encadrent les attachés
|
|
|
|
Graphique créé sur la base des
éléments de témoignage du DRH de CHU
51
On constate que les nouvelles technologies sont au service de
problèmes importants existant depuis de nombreuses années. On
arrive à un virage où on va pouvoir communiquer sur le fait que
ces outils vont faire gagner du temps aux soignants autant qu'aux
administratifs avec des exemples concrets.
Afin de réguler l'ensemble du processus global de
déploiement des nouvelles technologies en santé,
l»initiative Ethik IA, fondée par Judith Mehl et David Gruson,
propose « cinq clefs de régulation pour le déploiement de
l'IA et de la robotisation en santé » 89 :
Clé 1
|
Information et consentement du patient
|
Le patient doit connaitre et comprendre l'implication du
dispositif d'intelligence artificielle
|
Clé 2
|
Garantie Humaine de l'IA
|
Des vérifications par l'humain doivent être
effectuées régulièrement et le « deuxième
regard » de diagnostic humain doit pouvoir être
systématiquement accordé s'il y a demande, du patient ou du
praticien.
|
Clé 3
|
Graduation de la régulation en fonction du niveau de
sensibilité des données de santé
|
|
Clé 4
|
Accompagnement de l'adaptation des
métiers
|
Il y a une nécessité d'accompagnement par
la formation initiale et continue qui peut être financée
directement par le gain opéré par le déploiement de
l'intelligence artificielle elle-même
|
Clé 5
|
Intervention d'une supervision externe indépendante
|
Pour vérifier régulièrement le respect de la
mise oeuvre de l'ensemble et vérifier par des études
régulières les effets du déploiement de l'intelligence
artificielle et que les processus internes soient adaptés
|
89 David Gruson, La Machine, le Médecin et
Moi, Éditions de l'Observatoire, 2018
52
III. Recommandations d'accompagnement
Il s'agit là d'inclure un certain nombre
d'accompagnements et de formations au plan de développement des
compétences des établissements de santé afin de
répondre aux enjeux de la transformation numérique et du
développement de l'intelligence artificielle. Cela doit s'imbriquer dans
un ensemble cohérent répondant à la stratégie du
projet d'établissement. Les formations, tout comme les nouveaux outils,
doivent avoir du sens. Elles doivent être utiles et tout un chacun doit
en être convaincu.
Les nouveaux outils sont généralement
demandés, soit dans un but purement médical par les
médecins, soit dans un contexte administratif ou de suivi administratif
des patients par le directeur financier et/ou le directeur des systèmes
d'information. Encore une fois, toutes ces demandes doivent être
regroupées afin de former un ensemble cohérent sur lequel la
direction peut s'appuyer pour son projet d'établissement. Nouveaux
outils, besoin de formation et projet d'établissement doivent
s'alimenter les uns les autres de manière suivie. C'est la direction des
ressources humaines qui doit s'en assurer. Où souhaite-t-on aller ?
Quelle expérience pour le patient souhaite-t-on ? Il faut donner du sens
au projet.
Qui définit le plan de développement des
compétences ?
Le plan de développement des compétences des
établissements de santé est décidé à
différents échelons :
· Le ministère de la santé, via la
Direction Générale de l'Offre de Soin, émet des
préconisations.
· Dans le cas des établissements publics de
santé, l'ANFH90 définit un plan stratégique
régional.
· Le GHT définit un plan global pour les
établissements qu'il regroupe et
· l'établissement le met en place en affinant
suivant ses contraintes particulières. Il est articulé au projet
d'établissement, défini à partir des besoins et des
attentes identifiés en termes de savoir-faire, de montée en
qualification... Chaque établissement dispose néanmoins
d'une marge de manoeuvre individuelle assez large dans la mesure où il
s'agit de préconisations et non de directives et qu'il choisit de
manière autonome comment utiliser 85% de l'enveloppe
dédiée au plan de formation de l'établissement.
Il est défini par la direction des ressources humaines.
90 Association nationale pour la formation permanente du
personnel hospitalier : organisme qui collecte et gère les fonds
dédiés à la formation des établissements publics de
santé
Comment est-il financé ?
La réglementation oblige les établissements de
santé à utiliser 2,1% minimum de la masse salariale du personnel
non médical et 0,75% pour le personnel médical pour son plan de
développement des compétences. 91
53
On parle de plan de formation pour le personnel médical
et de DPCM - Le Développement Professionnel Continu Médical -
pour le personnel médical.
Quelle sera sa forme ?
Le plan de formation visera tout d'abord à sensibiliser
les différentes directions quant à l'importance dudit plan de
formation en organisant formations et accompagnement à l'agilité,
d'abord pour la direction sur la base du projet du plan de formation de
l'année à venir. Il s'agira du projet pilote pour mettre en
exergue les avantages des changements d'habitudes. Il devra être
accompagné par une personne dédiée au projet,
idéalement externe à l'organisation. Cette première
démarche devra réunir la direction générale, le
président de la commission médicale d'établissement, la
direction des ressources humaines, des finances, des soins, des
91
https://www.anfh.fr/se-former-dans-la-fph/le-plan-de-formation
https://www.anfh.fr/sites/default/files/fichiers/filrougefeuillets25092015.pdf
54
achats, de la communication, de la recherche, des
systèmes d'informations, etc., toutes les personnes impliquées
dans le projet d'établissement.
Durant les itérations dédiées à ce
projet, pourront être définies, si ce n'est déjà
fait, le comité de pilotage en charge de la transformation
numérique et celles en charge, à l'intérieur de ce
comité de pilotage, des accompagnements et formations
nécessaires. La direction des ressources humaines devra
particulièrement s'impliquer dans ces projets, voire en être
moteur, s'agissant d'un sujet fort de Gestion Prévisionnelles des
Emplois et des Compétences. La définition du nombre de
professionnels qui sont concernés par les changements, la mesure dans
laquelle ils le sont et les modifications à prévoir dans leur
métier sur les années à venir sont à la fois des
clefs et des enjeux majeurs de la manière de mener ces
projets.
La transformation numérique et l'utilisation de
l'intelligence artificielle ne sont finalement qu'un changement comme un autre.
Les managers et les personnes identifiées avec un fort leadership (cela
peut, voire doit être dans n'importe quel métier et à tous
les niveaux de hiérarchie) pourront tous suivre des formations
spécifiques à la conduite du changement. Ces formations devront
être suivies entre personnes de différents services et de
différents corps de métier afin de favoriser une connaissance
globale des sujets, des autres services, des autres métiers et des
autres personnes.
Une fois ces modes de coopérations entamés et en
fonction des projets qui auront été déterminés et
choisis par les comités de pilotage, des formations aux outils pourront
être effectuées.
Voir Annexe 17 : Processus de
recommandations p.160
Qui sont les acteurs ?
La totalité des professionnels de
l'établissement, qu'il s'agisse de personnel médical, non
médical soignant ou non médical administratif doit être a
minima sensibilisée sur le projet. La direction devra insuffler le
mouvement de mise en marche avec une exemplarité continue suivie par les
comités de pilotages puis par les managers et référents.
Les acteurs principaux et à l'initiative du projet sont ceux
cités dans la forme du projet à savoir la direction
générale, le président de la commission médicale
d'établissement, la direction des ressources humaines, des finances, des
soins, des achats, de la communication, de la recherche, des
55
systèmes d'informations, etc., toutes les personnes
impliquées dans le projet d'établissement en ajoutant les
référents, les prestataires fournisseurs d'outils et de solutions
et les praticiens. Les praticiens ont toujours dû se former
régulièrement face aux avancées constantes dans le domaine
de la médecine. Les transformations actuelles rejaillissent
également sur l'ensemble du corps médical avec une adaptation
permanente des procédures et un besoin majeur de recours à la
formation. Ils peuvent être d'excellents leviers de communication quant
aux bienfaits du changement et du recours aux nouveaux outils.
Quels seront les délais ?
Les premières mesures énoncées devront
idéalement s'étendre sur une durée de quinze mois,
comprenant la phase de formation de la direction en amont de la mise en oeuvre
systémique du projet.
Quels seront les enjeux ?
L'appropriation des outils numériques par
l'ensemble des personnels hospitaliers et plus particulièrement des
médecins est un point essentiel pour une répartition
homogène de l'accès aux dernières technologies de soin au
plus grand nombre de patients sur le territoire français et dans le
monde.
A. Sensibilisation et Formations conduite du
changement
1. Étape 1 : former les directions
Aujourd'hui, on ne peut plus parler de changement, de
modernité et d'organisation qui s'adapte sans penser agilité.
L'agilité est la caractéristique qui permet à une
organisation de prospérer dans un environnement de changement constant
et imprévisible. C'est la capacité à apprendre au
quotidien tout en remettant en question d'anciens apprentissage,
acquérir de nouvelles compétences en groupe pour viser
l'amélioration continue avec une adaptation permanente. La satisfaction
client est au centre des préoccupations. A l'hôpital, il s'agira
de la satisfaction des patients. On s'appuie sur des équipes
motivées. Pour les motiver, on va s'assurer qu'elles sont
auto-organisées en augmentant l'autonomie de chacun. On
va leur faire confiance. On va s'adapter en permanence
à l'environnement dans une dynamique d'amélioration
continue pour apporter de la valeur au patient. L'agilité
fonctionne si on fait preuve d'intelligence collective. Elle est aujourd'hui
sous-exploitée dans les organisations. Pour faire
56
preuve d'intelligence collective, il y a des
compétences de savoir être telles que la curiosité,
l'esprit critique, l'exemplarité des dirigeants et des encadrants, la
confiance.92
La première valeur du manifeste agile93,
c'est de favoriser l'interaction plus que les processus. Si on
souhaite que les équipes acceptent cette manière de fonctionner,
la direction se doit d'être exemplaire. C'est elle qui donne le souffle
indispensable, le sens, la direction et la manière d'y aller. Si la
direction donne le sentiment aux professionnels d'être inaccessible, tout
paraitra inaccessible. Les fortes notions de hiérarchie à
l'hôpital doivent être gommées pour que tous puissent
s'impliquer dans un système d'intelligence collective où
chacun est conscient de ce qu'il apporte, de ce qu'il peut apporter ou
qu'il peut apporter quelque chose s'il est bien accompagné.
Même si le projet est ambitieux et difficile
d'accès et c'est justement ces difficultés
d'accès qu'il faut gommer, il est absolument
indispensable de former la direction générale et les
différentes directions à l'agilité. Dans le
contexte qu'est celui de la santé, et particulièrement dans le
secteur public, l'idéal serait même d'attaquer ces
problématiques au coeur des différentes strates des institutions
telles que les Agences Régionales de Santé (ARS), la Haute
Autorité de Santé (HAS), la Direction Générale de
l'Offre de Soin (DGOS), le ministère des solidarités et de la
santé mais également le conseil de l'ordre des médecins et
l'Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier
(ANFH), tant au niveau national que dans les antennes régionales.
Outre ces accompagnements sur la culture du changement et sur
l'agilité. L'ensemble de la direction ou a minima un de ses membre,
idéalement le directeur général, devra prendre des cours
de communication ou être accompagné par un professionnel expert
afin de comprendre les sciences du langage et comment bien communiquer pour
être entendu et transmettre. Il faut un leader qui sache faire
preuve de charisme pour donner aux personnes l'envie de suivre sa
vision.
Ces formations à la conduite du changement, à
l'agilité et à la communication, interne principalement mais
également externe, pour les directions pourront être
effectuées avec et en partie par un coach agile à
échéances régulières, avec un planning qui doit
être prédéfini et respecté par tous. Des cas
concrets serviront de base à ces apprentissages tels que la
création d'un comité de pilotage spécifique aux
formations qui doivent être mises en
92 Jérôme Carfantan, Webinar L'impact
de l'agilité sur les RH, avril 2020
93
https://fr.wikipedia.org/wiki/Manifeste_agile
57
place dans le cadre de la transformation
numérique. Ce comité pilotage devra selon moi être
en lien direct et permanent avec le comité de pilotage de la partie
transformation numérique du projet d'établissement. Si ce dernier
n'existe pas, il devra également être pensé tant pour la
définition de mesures des impacts culturels et économiques que
pour la réflexion de la trame du développement lui-même
à l'instar du « conseil national de la transformation
numérique » chez Orange94, du pôle «
stratégique de la transformation numérique en santé »
du ministère des solidarités et de la santé ou d'une
direction « du grand défi IA en Santé » au cabinet du
premier ministre. Ces deux comités pourront n'être qu'un seul en
fonction des spécificités de chaque établissement. Ils
devront quoiqu'il arrive compter un minimum de membres en commun.
Un budget devra être établi en amont pour cette
partie spécifique concernant la direction.
Ces itérations de conduite de projet agile devront
être effectuées par demi-journées. Elles se tiendront
toutes les 2 semaines sur une durée de trois mois. Il y
aura donc six itérations, idéalement en
présentiel et animées par un coach professionnel de
l'agilité.
Des coachings individuels devront être
également budgétés avec une durée plus ou moins
longue selon les enjeux du poste (notamment concernant la
communication et le leadership pour la direction générale
- point essentiel sur lequel il ne faudra pas rogner et ne pas
hésiter à faire appel à un professionnel très
aguerri) et selon le niveau d'imprégnation culturel
à faire évoluer. S'agissant plus d'accompagnement que de
formation dans sa forme, il pourra être décidé d'attribuer
les dépenses au plan de formation ou non. Les dépenses à
prévoir sont :
- Coûts pédagogiques (coût
journée des intervenants) :
o Coach agile : six demi-journées + nombre d'heures de
coaching individuel selon besoin
o Coach professionnel en communication et leadership pour la
direction générale
- Ni Coûts salariaux ni coût de
réservation de salle dans la mesure où il s'agit de
réunions qui doivent être effectuées et qui seront
« juste » encadrées
|
94 Clotilde Coron, Arnaud Franquinet et Florent
Noël, Digital et RH, Les 4 défis stratégiques,
Vuibert, 2019
2. Étape 2 : former les comités de pilotage
et les cadres à la
conduite du changement
Avant la constitution officielle des comités de
pilotage, les partenaires sociaux devront être
consultés, voire même impliqués. Une fois
le ou les comités de pilotage créés, une communication
générale doit être effectuée
régulièrement. Elle peut être effectuée de
manière informelle par l'intermédiaire de référents
afin que l'information circule dans les étages si cette pratique
fonctionne. Elle peut également se faire par l'intermédiaire des
formations de conduite du changement que suivront les cadres.
Pour entamer les processus de formations ultérieures.
Une bonne communication en amont est nécessaire. Les formations à
la conduite du changement aideront les différents échelons du
système de santé à communiquer sur ce qui changera,
à quel moment et comment. Les formations conduites du changement sont
une étape fondamentale pour une bonne évolution empirique des
changements et des formations à mettre en place.
Certains peuvent avoir besoin de coaching individuel. Quand on
parle d'agilité, on parle d'auto-organisation et quand on parle
d'auto-organisation que devient le manager qui avait l'habitude de
contrôler au quotidien les tâches de ses collaborateurs ? comment
doit-il se positionner.95
58
95 Webinar L'impact de l'agilité sur les RH,
avril 2020
59
Les formations à la conduite du changement sont
effectuées sur une durée qui va de deux à cinq
journées, pas forcément consécutives. Dans le contexte
énoncé, tant de changements importants que de restrictions
budgétaires, je suggère un format de deux journées
consécutives en présentiel puis d'une journée à
distance qui pourra éventuellement (mais pas idéalement)
être effectuée en vidéo conférence afin
d'échanger sur les réussites et les blocages
rencontrés.
Si le budget global le permet, la taille de groupe
idéale est de 12 personnes. Mieux vaut éviter d'aller
au-delà de 16 personnes. La qualité des échanges s'en
trouverait altérée. Chacune de ces formations devra être
budgétée et en anticipant le roulement
d'absences pour formation de l'ensemble des participants :
- Coûts pédagogiques (environ
1.500€ par jour et par groupe),
- Coûts salariaux,
- Coût des supports de communication
s'il est décidé qu'ils sont nécessaires et
- Coûts de réservation de salle.
Si les budgets le permettent, l'idéal reste, dans le cadre de ce type de
formation sur le changement, de changer de contexte et de les
organiser à l'extérieur de l'établissement. Pour les
établissements publics, les ANFH régionales, qui collectent et
gère les fonds de formation pour les établissements publics de
santé, ont des salles de formation dans leurs locaux. Cela peut
être une bonne alternative. Si les budgets ne le permettent pas, ces
formations pourront être organisées dans les salles de formation
de l'établissement.
Un questionnaire d'évaluation de la formation à
chaud sera effectué.
B. Formations interdisciplinarité / projets
inclusifs et collaboratifs
Le développement d'une culture commune est le premier
jalon de l'interdisciplinarité. « Ma Santé 2022 met en son
coeur l'ambition d'intégrer la prévention à tous les
cursus et de favoriser l'interdisciplinarité. »96 Il est
nécessaire de revoir les modes collaboration entre professionnels
à l'hôpital et de « recourir de façon accrue aux
démarches collaboratives inspirées des usages des réseaux
sociaux. »97 Cela devrait être d'autant plus facile,
si on fait preuve de bonne volonté et qu'on est accompagné pour
pouvoir le faire, que les outils eux-mêmes facilitent la communication
entre équipes. Les modes de coopérations sont évidemment
des sujets à placer au coeur des discussions avec les partenaires
sociaux.
96
https://www.iledefrance.ars.sante.fr/adapter-la-formation-et-les-metiers-0?parent=7490
97 Virginie Valentin, La digitalisation de l'hôpital,
une opportunité stratégique pour les DRH, Huit regards
sur le métier de DRH hospitalier, 2020
60
L'interdisciplinarité et la coopération
sont la clef de voute de la mise en place des nouvelles technologies à
l'hôpital : collecteurs de données, analystes, ressources
humaines, praticiens, métiers de la santé tels que cliniciens,
radiologues, pathologistes, biologistes, généticiens, infirmiers
mais également les industriels, notamment les professionnels de
l'informatique, les institutions, les hôpitaux universitaires, les
laboratoires pharmaceutiques. On doit faire travailler ensemble les
métiers historiques et les nouveaux métiers, d'autant que la
donnée médicale ne sera exploitable que par le biais d'un travail
collaboratif (usage de l'opendata). Les nouveaux métiers
à double compétences peuvent être des leviers pour cette
coopération, elles peuvent être les personnes
ressources.
Derrière la coopération, il y a également
l'idée de déléguer. Cela peut être
de déléguer à un collaborateur, à un pair, à
un collègue ou bien également à une machine. Le
médecin par exemple, doit pouvoir apprendre à
déléguer certaines tâches à des infirmiers
spécialisés qui auront été formés et
autoriser à pratiquer tel acte ou encore à déléguer
à un confrère un problème qu'il n'arrive pas
résoudre sans le vivre comme un échec comme cela peut être
le cas parfois.98
Comment transformer des individus en équipe ? Il faut
commencer par être exemplaire. C'est ce qui est prévu dans la
première préconisation en prévoyant d'abord de former les
directions et d'amorcer une coopération s'agissant du plan de
développement des compétences qui ne doit pas être
décidé par les RH seuls mais réfléchi en amont par
les différentes directions, différents services. Le service des
ressources humaines doit être moteur et chacun des membres du service
doit pouvoir s'approprier le concept afin de montrer l'exemple et d'être
en mesure de l'expliquer, particulièrement son service formation.
Différentes approches apparaissent à ce niveau.
Des formations Ennéagramme99 puis le lancement d'un projet
concret commun d'une équipe d'un même service avec un coach
spécialisé pourrait être une bonne approche. Que
cherche-t-on à créer ici ? Parle-t-on de cohésion
d'équipe ou d'interdisciplinarité ? La notion
d'interdisciplinarité me fait dire que le
co-développement professionnel est à privilégier pour
arriver au but souhaité sur le long terme même si un
apprentissage de l'Ennéagramme pourrait également être
utile.
98 Dr Loïc Etienne, Les Sorciers du futur -
Santé : l'intelligence artificielle pourra-t-elle nous guérir
?, Marabout, 2020
99 Ennéagramme : diagramme et système
d'étude de la personnalité destiné à mieux se
connaître et à mieux comprendre l'autre. Source :
http://www.cee-enneagramme.eu/enneagramme/
61
Le co-développement professionnel consiste à
réunir des groupes de discussion et de résolution de
problèmes avec des personnes de métiers et de services totalement
différents et avec des problématiques différentes pour
favoriser l'interdisciplinarité. On pourra par exemple, de la même
manière qu'on a réuni l'équipe de direction mais avec une
dimension différente, réunir un chirurgien, un architecte big
data, un éthicien, un cadre supérieur en ressources humaines, un
ingénieur hospitalier et un médecin régulateur ou encore
un externe, une infirmière, un cadre administratif, un technicien
hospitalier et un assistant de régulation médicale. L'idée
est en théorie de réunir des personnes de services
différents mais à hiérarchie à peu près
égale. Le médecin n'ayant pas « d'égal autre qu'un
autre médecin » par exemple, le principe devra être
adapté selon ce qui apparaitra comme étant le plus logique dans
chaque établissement pour constituer les groupes de travail. On pourra
également créer des groupes médicaux rassemblant pourquoi
pas un radiologue, un chirurgien cardiaque, un médecin interniste, un
oto-rhino-laryngologiste, un gériatre et un pédopsychiatre. Ces
groupes seront définis par le comité de pilotage en charge des
accompagnements spécifique à la transition numérique dans
lequel la direction des ressources humaines aura un rôle important. Il
s'agira notamment d'identifier les personnes ressources qui seront des
leviers de communication de ces bonnes pratiques pour intégrer ces
groupes.
L'idée est véritablement d'apprendre à
travailler ensemble et de créer une intelligence collective. On pourrait
presque parler de coopétition concernant la coopération entre
médecins. « La coopétition est une collaboration ou une
coopération de circonstance ou d'opportunité entre
différents acteurs économiques qui, par ailleurs, sont des
concurrents ("competitors", en anglais). Ce mot « coopétition
» est un mélange des deux mots coopération et de
compétition (concurrence). »100
C'est directement ce que favorise la maitrise des
réseaux sociaux pour appel aux communautés d'experts à
grande échelle ou encore le programme de recherche Epidemium qui
réunit sur la base du volontariat des compétences et des
disciplines variées et plus précisément dans le domaine du
big data et de la cancérologie dans le but d'accélérer
l'émergence de nouvelles idées et de faire progresser la
médecine préventive.
Le but est à la fois de s'autonomiser
et de mieux communiquer avec ses pairs et avec les
autres professionnels.
100 Source wikipedia
62
A prévoir en amont : déterminer le nombre
de professionnels et les profils recherchés
Projet : Installer un cadre systémique et
constructiviste, avoir la capacité à
gérer un processus de groupe pour garantir le respect des
règles nécessaires à l'engagement, mettre en oeuvre les
modalités d'évaluation et d'information permettant de valoriser
les dispositifs et l'implication de chacun et de la direction.
Parcours : Conforter et enrichir sa pratique
professionnelle, Travailler en transverse, Mieux se connaître et
découvrir ses propres ressources, Développer ses capacités
d'accompagnement (écoute, questionnement, feedback)
Ces réunions devront être effectuées par
demi-journées. Elles se tiendront tous les mois
sur une durée de six mois. Il y aura donc six
itérations, idéalement en présentiel et
animées par un coach professionnel du co-développement
professionnel ou Codev.
Ces réunions ayant pour but de favoriser les
échanges se dérouleront idéalement en
présentiel mais pourront éventuellement, en fonction des
disponibilités de chacun et de la situation sanitaire, être
effectuées en vidéo conférence.
Si le budget global le permet, la taille de groupe
idéale est de 6 personnes afin que chacun puisse
présenter une problématique vécue. Le nombre de
réunions pourra être réduit à 4 et le nombre de
membres de chaque groupe de travail pourra aller jusqu'à 7 pour une
qualité d'échange correcte.
Chacune de ces formations devra être
budgétée et en anticipant le roulement
d'absences pour formation de l'ensemble des participants :
- Coûts pédagogiques (environ
800€ par demi-journée et par groupe),
- Coûts salariaux,
- Coût des supports de communication
s'il est décidé qu'ils sont nécessaires et
- Coûts de réservation de salle.
Si les budgets le permettent, l'idéal reste, dans le cadre de ce type de
formation sur le changement, de changer de contexte et de les
organiser à l'extérieur de l'établissement. Cela peut-etre
comme vu précédemment, concernant les établissements
publics, une salle de l'ANFH régionale. Un questionnaire
d'évaluation de la formation à chaud sera effectué.
63
Focus : bien communiquer pour bien
coopérer
Il s'agit là de s'assurer que tous les professionnels
d'une même structure parlent la même langue. A titre d'exemple, si
le recours massif aux acronymes et autres sigles est
généralisé à tous les métiers de
l'hôpital, il est également bien présent chez les
directions et institutions. Ce mode de communication ne favorise pas
l'interopérabilité et la coopération. Il suscite
incompréhension, frustration de celui qui ne comprend pas, voire
quiproquo quand plusieurs corps de métiers utilisent le même sigle
pour désigner des choses différentes, sans parler des
professionnels d'autres pays francophones.
Quelques exemples :
- DPI = Diagnostic Pré-Implantatoire ou
Démarche Précoce d'Insertion,
- CS = Consultation spécialisée ou Cadre de
Santé et CSS = Centre de Services Sociaux ou Cadre
Supérieur de Santé selon qu'on se trouve au
Québec ou en France,
- DSI = Direction des Soins Infirmiers ou Direction des
Systèmes d'Information,
- ETP = Education Thérapeutique ou Equivalent Temps
Plein,
- GHT = Groupement Hospitalier de Territoire ou Groupe
Homogène de Tarif (dans un
contexte d'Hospitalisation à Domicile),
- SIH = Syndicat Inter-Hospitalier (ancêtre du GHT) ou
Système d'Information Hospitalier.
Source : Pilar Institute
Si le langage des oiseaux peut être un point important
de reconnaissance sociale, notamment entre pairs, et ce quel que soit le
domaine professionnel ou groupe social, il est aussi et surtout un frein
à la communication et à la coopération entre tous. Il peut
s'avérer nécessaire dans certains cas qui doivent rester rares et
suffisamment discrets pour ne pas mettre mal à l'aise un tiers qui
pourrait mal interpréter des propos, voire se sentir exclu, et ainsi
rendre les relations sociales tendues.
Il s'agit là d'une modification culturelle très
compliquée à mener dans le secteur hospitalier et dans bien
d'autres (secteur bancaire, etc.). A défaut de réussir à
revenir en arrière quant à ces pratiques très
ancrées, il s'agirait de ne pas multiplier davantage leur utilisation
avec le recours exponentiel aux outils numériques, l'informatique ayant
également nombre de sigles et d'acronymes. A noter également
qu'ils sont de plus en plus courants dans la sphère privée et
particulièrement chez les jeunes générations. Ces
pratiques sont à surveiller et à encadrer.
64
C. Formations propres à l'évolution des
métiers
Afin de pouvoir mettre en place les ajustements
nécessaires à la formation liée à
l'évolution des métiers des professionnels, il est
essentiel de penser au sens de tout cela à différentes
échelles. Pour donner du sens, il est nécessaire de comprendre,
au moins en partie, de se sentir rassuré, en
sécurité. C'est l'un des éléments essentiels de la
pyramide de Maslow. Si celle-ci peut être aujourd'hui
décriée dans sa forme et dans son ordre (Maslow
lui-même l'a reconnu), on ne peut nier l'existence des
besoins et des désirs qu'il liste, peu important l'ordre dans
lesquels ils doivent apparaitre selon la hiérarchie interne de chaque
individu.101 Il apparait donc comme nécessaire de
démystifier l'Intelligence artificielle et ses possibles afin de
créer la confiance nécessaire au projet.
L'intelligence artificielle et l'exploitation des
données nécessaire à sa mise en place suscitent
de nombreuses questions éthiques, des inquiétudes qui ont
généré de nombreux groupes de discussions au sein des
hôpitaux et des institutions. Il faut informer les professionnels, les
patients et les citoyens qu'ils sont, comme l'AP-HP a
commencé à le faire avec sa plateforme EDS, tant sur ses
avantages que sur le respect de la confidentialité des
données.
Pour rappel, le Règlement Général de
Protection des Données (RGPD) renforce le droit des personnes.
Il s'applique depuis mai 2018 et donne un cadre sécurisant
propice à la mise en confiance nécessaire des professionnels de
santé et des patients, tant pour les données de
santé à proprement parler que pour l'hébergement
des plateformes d'échange des experts spécialistes. Dans
le domaine de la santé, il consiste principalement à crypter tout
ce qui relève de l'identification du patient, la
pseudonymisation.102 Les solutions d'anonymisation
permettent l'accès aux données pour l'usage de la formation
initiale ou continue pour créer des simulations de
situations réelles. Les systèmes d'anonymisation, comme ceux
d'Openhealth, vont en s'améliorant. Il faut communiquer sur ces exemples
pour amener à la confiance par la démonstration et par
la transparence et pas seulement sur les exemples de piratages de
données.103
Le rapport de confiance est lié à la protection
des données mais pas uniquement. Le statut réglementaire de ces
objets doit être clair pour chacun ainsi que leur niveau de
fiabilité : l'objet
101
https://www.xerficanal.com/strategie-management/emission/Eric-Jean-Garcia-En-finir-avec-la-pyramide-de-Maslow_3747589.html
102 Article 4 du RGPD
103
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/07/23/doctolib-victime-d-un-vol-de-donnees_6047078_4408996.html
65
ou le logiciel utilisé est-il bien conforme aux
attentes du patient et/ou du personnel médical et paramédical
?104 Il est important de toujours bien garder l'objectif en
tête et de savoir l'expliquer de manière claire et non
équivoque.
Le but est donc de réussir à faire comprendre
que l'informatisation est au service du patient : produire une donnée
est l'une des étapes de la production de soins. L'acceptation de
transformer des informations personnelles sous forme de données est dans
l'intérêt des patients sur le long terme et à une
échelle plus globale.
Si la mise en confiance doit passer par des actions de
communication nationales et locales afin de sensibiliser et de rassurer le plus
grand nombre par la compréhension des outils et des enjeux liés
à leur utilisation, c'est par les professionnels de santé que la
diffusion de la confiance sera la plus efficace. Il est donc essentiel qu'ils
comprennent de quoi il est question, qu'ils sachent utiliser les outils, qu'ils
comprennent les enjeux, qu'ils y croient et qu'ils soient formés
à la fois pour parler de l'outil lui-même mais également
pour accompagner et rassurer quant à son utilisation. Il faut par
exemple adapter le discours du médecin pour qu'il soit
personnalisé à l'image de la médecine aidée par
l'intelligence artificielle et envisager plus d'enseignement de la psychologie
aux personnels soignants.
Focus : bibliothèque de formations en ligne
accessible à tous les professionnels
Au-delà des formations spécifiques dont aura
besoin chaque professionnel pour se former, afin de satisfaire aux
besoins de connaissance globale et d'interopérabilité
énoncés précédemment pour continuer
à évoluer avec la médecine d'aujourd'hui et de demain,
l'établissement de santé devrait mettre à disposition une
bibliothèque de micro-formations en ligne qui pourront
aller d'une définition sommaire de l'intelligence artificielle et des
enjeux en santé à l'apprentissage du codage ou bien de la gestion
de projet, l'élaboration d'un tableau de bord, les dernières
innovations managériales, d'actes précis paramédicaux,
etc., homologuées par l'ANDPC et éventuellement avec
possibilités de certifications à la clef, à l'instar de ce
que propose Santé Académie pour les médecins et
infirmiers.105 Un infirmier peut par exemple apprendre à
communiquer sur les réseaux sociaux, à faire un business plan,
à coder.... Cela favorise la mobilité, la montée en
compétences et les doubles compétences qui deviennent de plus en
plus nécessaires. Une campagne de communication sur la création
de
|
104 David Gruson, La Machine, le Médecin et Moi,
Éditions de l'Observatoire, 2018
105
https://www.santeacademie.com
66
cette « bibliothèque de formation » devra
être menée afin que tous les professionnels, quels que soit leurs
métiers, puissent y accéder.
L'idée me vient d'une initiative du groupe Poult qui
propose des formations d'intrapreneuriat et de leadership. Les équipes
sont ouvertes à tous et animées par un coach volontaire en se
saisissant d'un sujet d'entreprise.106
Cette solution permettra de sensibiliser l'ensemble des
professionnels quel que soit le sujet et l'actualité sur le long terme.
Ici, il s'agira de les initier à l'intelligence artificielle et de ses
enjeux dans le secteur de la santé.
L'idéal serait de trouver un prestataire qui propose ce
type de solution clef en main pour les établissements avec un
système d'abonnement.
Les outils :
Si les choses ont été initiées
correctement, dans le bon ordre et avec les bonnes personnes, comme
évoqué précédemment, l'outil, quelles que soient
ses fonctionnalités et le service dans lequel il sera utilisé,
aura été consciencieusement choisi après avoir clairement
identifié les objectifs par une équipe de pilotage
composée entre autres d'utilisateurs.
La construction des formations spécifiques à
l'outil devra de la même manière être pilotée par une
équipe composée d'utilisateurs, de concepteurs, de managers. Ils
devront choisir le support idoine pour la formation, choisir le prestataire et
l'inclure dans les réunions de pilotage de construction de formation en
intelligence collective.
Psychologie :
L'implication des patients est un présupposé
indispensable comme suggéré par Ethik IA (cf tableau des clefs de
régulations P.51) ou dans l'ensemble des différents articles et
ouvrages sur le sujet. Le patient doit être informé du recours
à un algorithme.
Si on souhaite que la communication externe soit bien
établie, une bonne communication interne et des formations
spécifiques à la communication doivent être mises en
oeuvre. Aujourd'hui, par exemple, le patient a accès à la
connaissance et à l'information. La communication doit se faire
autrement. Si un patient n'accepterait pas de se faire soigner par une
intelligence artificielle seule, en revanche il est rassuré de savoir
que le médecin est aidé d'outils de technologie de pointe pour
établir son diagnostic et le soigner, encore faut-il que cela lui soit
expliqué de manière claire.
106 Clotilde Coron, Arnaud Franquinet et Florent Noël,
Digital et RH, Les 4 défis stratégiques, Vuibert,
2019
67
Si on évoque la capacité nécessaire du
médecin ou de l'infirmier à expliquer le recours à un
algorithme en aide à la décision, on parle à la fois de
connaissance de l'outil et de psychologie. Il y a nécessité de
faire appel, pour préparer les vidéos de support de
micro-learning à des formateurs comprenant les algorithmes, capables de
les expliquer au personnel soignant et de faire en sorte que ces derniers
sachent le réexpliquer aux patients (double compétence de
psychologie et de connaissance des algorithmes à l'instar du psy
designer - définition p.15). Le principe doit être transmis
avec différents niveaux de vulgarisation. Il s'agira de comprendre les
principes de l'analyse de données et de la modélisation des
systèmes et des processus de décision, pas d'une formation
approfondie ni technique. Cela participera par la même occasion à
créer la confiance et l'adhésion du praticien.
Les formats et processus de formation aux outils et
à la psychologie
Les formats et le processus de formation seront les
mêmes qu'il s'agisse de formations aux outils ou à la psychologie,
aussi étonnant que cela puisse paraitre. La formation peut prendre la
forme de mooc, cooc, de micro learning, de web-serie, de simulation, de serious
game et peut utiliser plusieurs de ces formes combinées.
Voir Annexe 18 : Les typologies de
formations
Je distingue trois étapes classiques : la théorie,
la pratique et le suivi :
· Étape 1 : partie théorique
Format : Les formations doivent être courtes, en «
micro-learning » entre sept et quinze minutes par session maximum, pour
répondre aux problématiques de temps disponible réduit des
professionnels et de capacité de concentration. Le format doit
être ludique, comme des web-séries pédagogiques, pour
susciter une meilleure concentration et tout simplement l'envie de continuer
à suivre lesdites formations. La vidéo est un bon support
à moindre frais. Chaque vidéo initiera à une partie de
l'outil qui pourra être mise en pratique en étape deux. Une salle
dédiée avec des ordinateurs devra être mise à
disposition.
· Étape 2 : partie pratique :
Format : Mettre à disposition des outils de simulation
dans une salle dédiée (cela peut être la même que
pour l'étape 1 avec des ordinateurs, ses casques et équipements
de réalité virtuelle, des tablettes, des mannequins.
68
Quelques exemples :
Formations
|
Outils
|
Psychologie
|
Ordinateurs
|
Pour s'entrainer avec des cas fictifs comme pour le DPI à
Bouc Bel Air107
|
|
Casques et équipements de réalité
virtuelle
|
Comme NeuroVR pour les actes de chirurgie
|
Pour simuler un entretien
avec un patient
|
Tablettes
|
Comme pour un serious
game de simulation de
patient entrant pour les assistantes médicales
|
Comme pour les serious
game de simulation d'entretien avec un patient
|
Mannequins
|
Types Laerdel, Creaplast ou pour les actes médicaux et
paramédicaux
|
-
|
|
· Étape 3 : le suivi
Format : Favoriser le mentorat et créer les
binômes « sachant professionnel aguerri à la technique »
/ novice et mettre en place des indicateurs de suivi au service des ressources
humaines.
Si on évoque la capacité nécessaire du
médecin ou de l'infirmier à expliquer le recours à un
algorithme en aide à la décision, on parle à la fois de
connaissance de l'outil et de psychologie. Il y a nécessité de
faire appel, pour préparer les vidéos de support de
micro-learning à des
107 Annexe 6 : Interview DRH Camille Giordano, Directrice
Opérationnelle et Directrice des Ressources Humaines Clinique Saint
Christophe, Bouc Bel Air
69
formateurs comprenant les algorithmes, capables de les
expliquer au personnel soignant et de faire en sorte que ces derniers sachent
le réexpliquer aux patients. Le principe doit être transmis avec
différents niveaux de vulgarisation. Il s'agira de comprendre les
principes de l'analyse de données et de la modélisation des
systèmes et des processus de décision, pas d'une formation
approfondie ni technique. Cela participera par la même occasion à
créer la confiance et l'adhésion du praticien.
Chaque groupement hospitalier de territoire a sa propre
identité et sa propre dynamique qui nécessitent et
nécessite des ajustements dans les préconisations.
Ces formations seront donc suivies individuellement
sous différents supports. Des réunions courtes
et itératives (tous les mois par exemple en fonction de la
solution) sous forme de conférence avec une limite de nombre de
participants élevée avec un cadre référent, le
concepteur de l'outil et le psychologue concepteur de la formation
devront être organisées afin que les utilisateurs
puissent être réunis et poser les questions dont
les réponses pourront améliorer leur pratique.
Le budget global de la formation sera
déterminé à partir du projet de l'outil. Il
s'agira d'une enveloppe globale sans notion de nombre de personnes à
former. Avec le temps, ces solutions de formations seront peut-être
directement proposées par les fournisseurs qui auront eux-mêmes
pensé ces projets en collaboration avec des prestataires de formations
et un établissement pilote.
S'agissant de formations en format court, l'impact
sur les roulements de temps de travail des professionnels sera faible et plus
facile à organiser.
- Coûts pédagogiques = coûts
généraux de création de la formation et des
supports nécessaires
- Coûts salariaux même si faibles,
- Coût des supports de communication non attribués
à la formation s'agissant d'un projet
stratégique pour l'établissement,
- Pas de coûts de réservation de salle mais il
sera nécessaire de trouver une ou des salles dédiées
à ces formations qui seront aménagées en adéquation
avec les projets dans l'établissement.
Des indicateurs de suivi de l'utilisation des outils
et de la capacité à rassurer le patient dans le cadre de leur
utilisation seront mis en place par le service des ressources
humaines.
70
Conclusion
Je ne crois ni au changement de paradigme, ni à la
disruption digitale ni autre révolution copernicienne sur une
échelle de temps courte mais à l'évolution progressive des
pratiques. Si ces expressions peuvent trouver un sens dans des cas
précis qu'il n'est possible de définir qu'avec un recul et une
distanciation dans le temps, elles sont majoritairement mal employées
dans le contexte dont il est sujet ici et d'une manière
générale. Les changements que nous connaissons aujourd'hui sont
les conséquences de nombreuses découvertes des années et
décennies précédentes.
Persuadée avant de commencer à traiter ce sujet
que l'intelligence artificielle et le secteur de la santé étaient
des éléments de contexte très particuliers et qu'ils
nécessitaient une conduite spécifique, je me rends compte
à la fin de ce mémoire qu'il n'en est rien. Une conduite de
projet qui amène du changement reste identique, quel que soit le sujet
et le secteur d'activité, avec ses spécificités et ses
ajustements évidemment, mais c'est bien toujours le cas. Elle doit
surtout amener du sens.
Les changements liés à la transformation
numérique des établissements de santé ont commencé
il y a plusieurs décennies mais les projets n'ont pas toujours
été menés comme ils auraient dû l'être, en
impliquant les professionnels de santé et les patients dès le
début de chaque nouveau projet et en apprenant à tous à
bien travailler ensemble. Les problèmes que connait l'hôpital
aujourd'hui en découlent nécessairement, mais pas uniquement, et
rendent la tâche d'autant plus difficile un peu plus chaque jour si on ne
change pas la culture de l'hôpital. L'interopérabilité,
qu'il s'agisse d'outil ou de culture reste le maître mot. Il faut
continuer à agir, à créer et à échanger en
ce sens.
Il est évident que cette culture de la
coopération entre pairs mais et aussi entre métiers, que ces
derniers existent déjà ou non, doit être
intégrée par tous les professionnels. Aujourd'hui c'est au
travers de la formation continue qu'on essaie de transmettre cette nouvelle
culture mais demain, il est indispensable de l'intégrer aux cursus de
formation initiale, tant pour les médicaux, les paramédicaux que
pour les cadres et directeurs. Il en va de même de la connaissance des
outils informatiques. On ne peut plus aujourd'hui se contenter de
maîtriser la pack Office. Intégrer la sensibilisation au
changement, aux bénéfices de la médecine 2.0 et même
au-delà du sujet de la santé, non pas dès
l'université mais dès le collège serait une solution. Les
nombreuses start-up d'enseignement de codage à destination des
collégiens
71
comme Magic makers108 sont un premier pas.
A quand l'intégration de ces enseignements directement dans le
cursus scolaire ? Il en va de même sur la base de la psychologie. Dans un
monde où les machines seront de plus en plus présentes,
c'est sur les échanges et donc sur l'apprentissage a
minima des bases de la psychologie qu'il est nécessaire d'investir dans
les cursus scolaires. Ce constat ne sera-t-il pas valable
à l'échelle de la société et des
apprentissages de tous les secteurs ?
L'intelligence artificielle n'a pas vocation
à remplacer les médecins, elle ne peut pas
s'assoir avec un patient, discuter avec lui de son diagnostic
ni de l'adaptation du traitement prévu mais il peut
aider les médecins à mieux identifier toutes les options.
L'une des particularités du secteur santé,
c'est la notion de relativité de la valeur des
connaissances dans un secteur sensible, et la modestie face à la vie et
à la maladie. A quoi peut ressembler l'apprentissage de
l'humilité aux machines ?
Beaucoup s'interrogent, experts du sujets et
médecins, sur les méthodes d'apprentissage
profond, ou deep learning, dont les résultats sont meilleurs
mais dont le système de classification reste obscur. Dans le cas
d'une erreur de traitement, qui serait responsable, le médecin
ou la machine ? Le constructeur de la machine ? Une mise à disposition
et une vulgarisation des rapports des comités d'éthique
sur la portée de l'intelligence artificielle comme outil d'aide,
notamment en santé pour les médecins, l'ensemble du personnel
soignant et les patients augmenterait les chances
d'adhésion et fluidifierait ainsi les échanges entre
professionnels de santé et patients.
Les parcours professionnels vont changer, tant sur la
formation initiale que continue, les liens entre les professionnels de
santé de ville et les différentes structures sanitaires et
médico-sociales vont se resserrer, les technologies seront de plus en
plus présentes tout le long du parcours santé. Tous ces
éléments continueront à modifier en permanence les
stratégies de ressources humaines dans le secteur santé. La DRH
devra toujours poser la première pierre de la remise en question afin
de pouvoir exercer son métier et mettre en oeuvre le
parcours des professionnels de santé en adéquation avec
les situations d'actualités. Les services de ressources
humaines doivent être au front du sujet de la digitalisation et
de l'intelligence artificielle à l'hôpital et faire preuve
d'exemplarité « en digitalisant ses propres pratiques
»109 tels que les process de recrutement ou en adaptant les modes
d'apprentissage en formation.
108
https://www.capital.fr/votre-carriere/magic-makers-la-start-up-qui-initie-les-enfants-au-codage-1353056
109 Virginie Valentin, La digitalisation de l'hôpital,
une opportunité stratégique pour les DRH, Huit regards
sur le métier de DRH hospitalier, 2020
72
L'utilisation d'un SIRH performant, la mise en place de
solutions data mining, forme d'approfondissement de la GPEC, et une veille
technologique continue révolutionneront les ressources humaines en
prenant en compte la nécessité que chacun change de contexte
professionnel tous les 3, 4, 5 ans et pour mieux anticiper l'évolution
des métiers et les formations nécessaires.
Le fil rouge de ce mémoire, que l'on parle
d'intelligence artificielle, de data, de diagnostic, de management, de culture
ou encore de formation, c'est le rapport de confiance. Rien ne pourra arriver
ou se dérouler dans un contexte serein, droit et éthique sans ce
rapport de confiance. Si on peut l'acquérir en travaillant sur les
différents points évoqués, le choix d'une solution qui
n'est pas européenne et donc non soumise à la
réglementation européenne, Azur de Microsoft, pour
héberger les données de santé du Health Data Hub risque de
ne pas simplifier ce rapport de confiance et pourrait remettre en question ce
qui est supposé améliorer considérablement la recherche en
santé et le système de soin. A l'instar de Google en cette
rentrée de septembre 2020, on peut aisément supposer que
Microsoft pourrait ouvrir dans les mois à venir une filiale d'assurances
santé. La base de la médecine et du serment d'Hippocrate repose
sur le secret médical et donc de la confidentialité des
données. Comment faire adhérer les médecins qui sont le
levier principal de la transformation numérique des
établissements de santé, quand bien même on leur promet des
outils et des recherches qui feront avancer leur métier et tout le
système de santé, si on ne peut leur garantir le respect de ce
serment ? Tout cela recouvre des enjeux qui sont bien au-delà de ce que
l'on peut contrôler, décider ou processer à
l'échelle des établissements.
Il me parait pourtant bien nécessaire de transformer
la pratique des professionnels de santé au bénéfice de la
santé des citoyens d'autant plus dans un contexte de vieillissement de
la population.
La mise en oeuvre de plans stratégiques d'implantation
de nouvelles technologies dotées d'intelligence artificielle est un
levier énorme qui permettrait de revoir en profondeur les pratiques
à l'hôpital. Il ne faut pas passer à côté. Il
s'agit d'un levier en plus d'un enjeu crucial. Il faut accorder à tous
ces nouveaux dispositifs l'importance nécessaire pour améliorer
le système de santé français dans sa globalité. Si
nous ne le faisons pas, c'est une médecine à deux vitesses qui
s'établira, permettant à ceux qui ont les moyens de partir se
faire soigner là où la médecine sera à la pointe de
l'innovation.
Je terminerai sur une notion d'éthique de la vie au
sens large en citant les mots d'un autre. J'ai particulièrement
apprécié ces quelques mots du professeur Guy Vallancien,
chirurgien et
73
universitaire : « Le médecin que je suis
utilisera tous les moyens numériques et génomiques pour
réparer l'homme, la femme et l'enfant malades, blessés ou
handicapés, mais jamais ne s'engagera dans l'augmentation de nos
capacités si la maladie ne les a pas déduites. La mémoire
de l'ordinateur me sert tous les jours : l'aide à la décision
diagnostique ou thérapeutique que m'apporte la machine est indispensable
à l'amélioration de la prise en charge des patients en
réduisant d'autant les marge d'erreur ; tout comme la robotique
chirurgicale m'aide à agir au plus profond de l'anatomie humaine. Mais
le grand marché planétaire juteux de l'augmentation pour
l'augmentation est une perversion de l'humanité que je réprouve.
Mais l'homme est tel qu'il est, capable de se laisser tenter. Quand il aura
créé de toutes pièces un monstre, il comprendra
peut-être qu'on ne joue pas impunément avec la Nature. Si nous
sommes les êtres vivants les plus aboutis de l'Évolution, nous
n'en sommes pas les maîtres. »110
110 « Santé et intelligence artificielle »,
sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS
Editions, 2018
74
Bibliographie mémoire
Livres
Titre
|
Nom de l'auteur
|
Date de parution
|
Éditeur
|
8 regards sur le métier de DRH hospitalier
|
Sous la direction de Jean-Marie Barbot et de Sophie
Marchandet
|
Septembre 2019
|
Berger-Levrault
|
Directeur des ressources humaines, carrefour des
transformations hospitalières
|
Matthieu Girier
|
|
Valérie Brunier
|
|
Virginie Valentin
|
|
David Gruson
|
Novembre 2018
|
L'observatoire Eds De
|
Santé et intelligence artificielle
|
Bernard Nordlinger Cédric villani
|
Octobre 2018
|
C.N.R.S. Eds
|
L'intelligence artificielle et la santé de
demain
|
Cédric Villani et Bertrand Rondepierre
|
|
Ran D. Balicer et Chandra Cohen-Stavi
|
|
Daniela Rus
|
|
Marie Zins et Marcel Goldberg
|
|
75
Les données médico- administratives de
l'assurance maladie
Claude Gissot
|
|
|
Comment la base SNIIRAM - PMSI permet l'étude des
pratiques en chirurgie
|
Bertrand Lukacs
|
|
Christel Daniel et Elisa Salamanca
|
|
Alain Livartowski
|
|
Michèle Arnoe
|
|
Jean-Yves Robin
|
|
Christine Duval et Georges Uzbelger
|
|
Jacques Rouessé et Amain Livartowski
|
|
Johan Brag
|
|
Nicolas Padoy
|
|
|
|
76
Vers un radiologue augmenté
Mostafa El Hajjam
|
|
|
Image virtuelle et anamopathologie
|
Cécile Badoual
|
|
Jean-Philippe Vert
|
|
Jean-Yves Blay, Jurgi Camblong et François Sigaux
|
|
Mehdi Benchoufi et Olivier de Fresnoye
|
|
Jeanne Bossi-Malafosse
|
|
Gérald Bronner
|
|
Laurence Devillers
|
|
Guy Vallancien
|
|
Jean-Patrick Lajonchère
|
|
Charles-Henri Besseyre des Horts
|
Septembre 2015
|
DUNOD
|
|
77
Digital et RH Les 4 défis stratégiques
Clotilde Coron Arnaud Franquinet Florent Noël
|
Octobre 2019
|
Vuibert
|
Droit du travail - droit vivant
|
Jean-Emmanuel Ray
|
Wolters Kluwer
|
2020
|
Alerte sur la banquise
|
John Kotter
|
Février 2018
|
Pearson France
|
Les sorciers du futur Santé : l'intelligence
artificielle pourra-t-elle nous guérir ?
|
Dr Loïc Etienne
|
Janvier 2020
|
Marabout
|
|
Revues/Articles
Vos données de santé dans une « super-base
» : ce qu'il faut savoir du Health data hub
|
Loup Besmond de Senneville
|
Décembre 2019
|
La Croix
|
Intelligence artificielle : pas de crainte pour les
médecins, mais les administratifs vont douiller
|
|
Janvier 2019
|
What's up doc
|
Intelligence artificielle - les eldorados de l'emploi
|
|
Avril 2019
|
Challenges
|
La fin de la disruption digitale
|
|
Février-mars 2020
|
Harvard Business review
|
Spécial formations
|
Delphine Déchaux Paul Loubière
|
Novembre 2019
|
Challenges
|
|
Etudes
IA et emploi en santé : quoi de neuf docteur
|
David Gruson Adrien Deudon Laure Millet
|
Janvier 2019
|
Institut Montaigne
|
|
78
Annexes
Annexe 1 : le financement des hôpitaux publics
79
Annexe 2 : panorama des domaines d'application de l'IA en
santé 80
Annexe 3 : QUESTIONNAIRE VIERGE DRH ET INSTITUTIONNELS
81
Annexe 4 : Interview DRH CHU 83
Annexe 5 : Interview DRH Nicolas Delmas 93
Annexe 6 : Interview DRH Camille Giordano 100
Annexe 7 : Interview DRH Perrine Cainne 111
Annexe 8 : Interview David Gruson 118
Annexe 9 : QUESTIONNAIRE VIERGE PERSONNEL MEDICAL /
PERSONNEL NON MEDICAL 125
Annexe 10 : Interview PM/PNM Stéphanie Quesnel
127
Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine 132
Annexe 12 : QUESTIONNAIRE VIERGE COACHS ET PROFESSIONNELS
ACCOMPAGNEMENT / CONDUITE
DU CHANGEMENT 138
Annexe 13 : Interview professionnel accompagnement
Marie-Pier Levesque 139
Annexe 14 : Interview professionnel accompagnement
Jérôme Carfantan 145
Annexe 15 : QUESTIONNAIRE VIERGE CONCEPTEUR DE SOLUTIONS
IA 152
Annexe 16 : Interview concepteur solution IA Adrien
Deudon 154
Annexe 17 : Processus de recommandations 160
Annexe 18 : Les typologies de formations 161
Annexe 1 : le financement des hôpitaux publics
Soins de ville
L'assurance maladie bénéficie d'un
système de dotation calculé sur la base des dépenses de
l'année précédente et prenant en compte un taux
d'augmentation : L'ONDAM : objectif national des
dépenses d'assurance maladie
86,6 MD€
Etablissements de santé
79,2 MD€
Assurance Maladie
Etablissements et services médico- sociaux
20,1 MD€
Sécurité sociale
L'URSSAF est le contributeur principal de la
sécurité sociale
Retraite Accidents du travail Famille
Fonds
d'intervention régional
3,2 MD€
Autres prises en charge
1,7 MD€
Exemple du financement des hôpitaux publics sur la base
des chiffres 2017
Source :
https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgos
cc 2018 02 16 a web pages hd.pdf
79
80
Annexe 2 : panorama des domaines d'application de l'IA en
santé
Extrait p.6 de la note IA et emploi en santé :
quoi de neuf docteur - Institut Montaigne, Janvier 2019
81
Annexe 3 : QUESTIONNAIRE VIERGE DRH ET
INSTITUTIONNELS
Rappel des éléments contextuels :
· Mémoire RH Elisabeth Berthelot
· Sujet du mémoire :
Quels sont les rôles et missions de la fonction RH
pour mettre en oeuvre les formations liées à l'impact de la
diffusion de nouvelles technologies dotées d'intelligence artificielle
sur certains métiers dans le plan de développement des
compétences des établissements de santé en France
?
· Public concerné : Jury de DRH ne
connaissant pas spécifiquement les questions d'intelligence artificielle
ni le secteur santé
La transcription de l'entretien sera annexée au
mémoire. Elle peut être rendue anonyme.
Partie 1 : Questions générales - contexte
personnel
1. Avez-vous déjà changé de contexte
professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples ?
2. Si non, êtes-vous prêt à changer
d'établissement ou à passer par un détachement hors de
votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels
et ainsi pérenniser votre employabilité dans différents
types d'établissements ?
3. Quels sont selon vous les bénéfices des
changements de contexte professionnel ?
4. Selon-vous, votre métier est-il amené
à changer dans les prochaines années ? Quels sont les changements
à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies
?
5. En quelque mots, que savez-vous des implications de
l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ? Est-ce un
sujet auquel vous vous intéressez ?
6. Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s)
(positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?
7. D'après vous, quelles sont les actions à
mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans votre
quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus
spécifiquement à l'intelligence artificielle à court,
moyen et long terme ?
8. On parle d'intelligence artificielle en comparaison de la
vision/perception que nous avons de l'« intelligence » humaine. Si
toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées aux
machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre ?
Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ? Jusqu'où
doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide à la
décision ?
82
Partie 2 : métiers concernés et
accompagnement
9. En fonction des impacts (positifs/négatifs) des
nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils
accompagnés ?
10. En fonction des impacts (positifs/négatifs) des
nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus
spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ?
11. En fonction des impacts (positifs/négatifs) des
nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires
médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés
?
83
Annexe 4 : Interview DRH CHU
ENTREVUE, DRH CHU
Partie 1 : Questions générales - contexte
personnel
Avez-vous déjà changé de contexte
professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples
?
On ne peut pas dire que j'ai changé de contexte
professionnel dans la mesure où je n'ai pas été chez
Renault chez EDF puis dans l'hôpital public mais on peut parler de
contexte professionnel qui soit assez différent notamment en termes de
maturité sur l'intégration des nouvelles technologies. Entre les
[différents hôpitaux dans lesquels j'ai exercé], on voit
beaucoup de différences en matière de contexte. On n'est pas sur
la même temporalité, sur les mêmes activités, sur la
même maturité quant à l'intégration des nouvelles
technologies dans la prise en charge des patients. Là où [tel
hôpital] était très en avance sur l'intelligence
artificielle, [tel hôpital] très en retard, [tel hôpital]
est à un stade intermédiaire avec la volonté de mettre en
place des outils et une capacité très impressionnante à se
développer au service des patients. Il y a beaucoup de retard concernant
les fonctions supports.
Si non, êtes-vous prêt à changer
d'établissement ou à passer par un détachement hors de
votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels
et ainsi pérenniser votre employabilité dans différents
types d'établissements ?
Oui je changerai d'établissement. Cela viendra
après. Dans quelle temporalité je ne suis pas encore en
capacité de le dire.
Quels sont selon vous les bénéfices des
changements de contexte professionnel ?
Je pense qu'à un moment tu te retrouves dans un
environnement que tu maîtrises et quand tu es dans une maîtrise de
l'environnement tu arrives avec une idée précise de ce que tu
veux faire. Tu le fais. A partir d'un certain moment tu te réinventes
mais la réinvention à ses limites. Faire venir quelqu'un d'autre
à ta place pour avoir d'autres idées et conduire le changement
dans un autre sens ou vers une version plus évoluée c'est souvent
la meilleure façon pour soi
84
de considérer que la mission est terminée et
pour l'organisation de continuer à progresser. Je suis convaincu que on
arrive on changer les choses sur deux/trois ans. Au bout de trois ans on
atteint un palier qui est plus ou moins éloigné en fonction de la
maturité au changement de l'organisation. Une fois que tu as atteint ton
palier, soit tu te désengages et tu laisses « la boutique vivre
», soit tu laisses la place et la boutique continue à changer.
C'est l'idée du changement d'établissement tous les trois, quatre
voire cinq ans. Une personne ne peut pas apporter du changement pendant dix
ans. Une fois que tu as fait bouger les choses tel que tu avais envie de les
faire bouger d'autres feront mieux après toi.
Selon-vous, votre métier est-il amené
à changer dans les prochaines années ? Quels sont les
changements à envisager spécifiquement liés aux nouvelles
technologies ?
Le métier ne va pas vraiment changer dans les
prochaines années sur le plan des missions. Les ressources humaines cela
reste faire des choses avec les gens : du social, de l'organisation, du suivi
de parcours... Il y aura toujours des salariés dans l'entreprise et il y
aura toujours des DRH dans l'entreprise. Ce qui va changer dans notre
métier ce sont les outils qu'on utilise pour le faire. Les outils que
l'on utilise en ressources humaines vont évoluer sur deux axes :
Celui du datamining, c'est-à-dire tout ce qu'on va
pouvoir faire avec les informations dont on dispose sur les gens, sur les
organisations pour être plus prédictif, avoir des réponses
qui sont plus pertinente au regard des problématiques que les agents et
que les services rencontrent.
Tout ce qui va être autour de la mobilité et de
la dématérialisation. Actuellement la
dématérialisation transforme notre façon de travailler
tous les jours. Je n'ai plus besoin d'avoir comme j'avais à [tel
hôpital] ou à [tel hôpital] un bureau. Aujourd'hui le
problème de [tel hôpital] c'est que la solution informatique
derrière la dématérialisation est insuffisante : elle est
trop compliquée, trop limitée et elle ne donne pas le service
qu'on attend d'elle. Nous sommes donc assez limités en matière de
dématérialisation mais le directeur général
souhaite qu'on avance très vite et il souhaite notamment que
progressivement la direction générale soit rassemblée dans
les établissements de santé. Aujourd'hui la direction
générale est sur un site à part. L'enjeu depuis que je
suis arrivé est de remettre tous les gens de la direction
générale sur site, de leur dire : « Maintenant vous allez
travailler avec les vrais gens. Vous arrêtez d'envoyer des mails et vous
allez sur le terrain, expliquer, rencontrer les cadres. ». Ce
n'était pas le cas avant. Notre métier va donc être
très impacté par ces nouveaux outils qui vont nous permettre
d'être sur le terrain.
85
Que savez-vous des implications de l'intelligence
artificielle dans le domaine de la santé ?
La vision que j'en ai c'est qu'on a recours à
l'intelligence artificielle sur 3 types d'activités :
· Le premier type d'activité c'est l'assistance
prédictive au diagnostic. On commence à en faire en imagerie,
dans le suivi des populations qui sont atteints de cancer. On commence à
voir des choses apparaître sur des bases statistiques.
· Le deuxième domaine sur le plan clinique qui
est en train d'évoluer c'est, au-delà de la prescription sur le
diagnostic, c'est la mise en série de diagnostics pour construire un
parcours de santé type et orienter plus vite le patient c'est ce que les
PU (PU-PH : Professeur des universités-praticien hospitalier)
de [tel hôpital] appelle la fin de l' « evidence based medecine
». C'est finalement ne plus traiter les individus individuellement pour
leurs problèmes de santé mais rentrer toutes les data de la vie
des gens : variations de poids, variations de tension, examens de sang, etc.,
et laisser l'intelligence artificielle dire si la situation d'un patient
s'améliore ou se dégrade et adapter sa prise en charge. Aller
au-delà de la thématique du simple diagnostic pour aller sur des
parcours de soins. C'est un projet qu'on est en train de mener avec
BioSerenity, issue de l'incubateur de la Pitié-Salpêtrière
qui a développé 3 programmes de médecine prédictive
dont sur le sommeil et le cardiaque.
· La troisième thématique, c'est
l'intelligence artificielle au service des fonctions supports. C'est le recours
à la fonction prédictive de l'IA pour accompagner tout ce qui va
concerner la partie hôtelière, l'organisation des services,
l'optimisation du fonctionnement. C'est tout ce qu'on a pu voir à [tel
hôpital] dans les expérimentations qu'on a menées avec
PetalMD, société québécoise sur l'IA au service de
la programmation, des unités de consultations externes et de
programmation de listes de gardes numériques. Cette solution n'a pas
très bien fonctionné en France car elle est très
chère et le produit est conçu selon le corpus de règles du
code du travail québécois. Il n'a pas été possible
de l'adapter au code du travail français et au code de la fonction
publique, il ne pouvait pas absorber l'ensemble de ces données. Ce n'est
qu'un début. D'autres solutions moins onéreuses et en
capacité de s'adapter viendront.
86
Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s)
(positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?
En positif, Je vous dirais une flexibilité et une
agilité plus importante. C'est la capacité d'avoir la bonne
information au bon moment et d'avoir des diagnostics justes sur les
organisations et les parcours des agents.
Les aspects négatifs, c'est qu'on risque de perdre
notre capacité d'analyse. En confiant la capacité d'analyse
à un système informatique de plus en plus performant, on risque
de ne plus être capable de reproduire le raisonnement et de
déshumaniser la relation. Comme diraient les syndicats, « dans RH
il y a H et h c'est humain alors il faut être humain ! ». Le
problème qu'on a avec la mise en place de l'intelligence artificielle
c'est que si on lui confie une trop grande latitude décisionnelle on
risque de se retrouver avec des décisions qui sont plus des
conséquences normatives que de réels accompagnements
individualisés.
D'après vous, quelles sont les actions
à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans
votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus
spécifiquement à l'intelligence artificielle à court,
moyen et long terme ?
À court, moyen et long terme l'analyse est la
même pour pouvoir mettre en place et anticiper les changements
liés aux nouvelles technologies dans mon métier. Il faut d'abord
savoir ce que fait l'intelligence artificielle : ce qu'elle est capable de
faire à un instant T. Cela implique une veille technologique
régulière, d'être au contact et de recevoir des start-up
créatrices d'innovations et de tester des solutions sur
différents périmètres. Ensuite, cela implique un
changement culturel qui en France est très compliqué à
faire admettre aux équipes : c'est qu'on a le droit de se tromper. C'est
une façon de penser très anglo-saxonne. Veille technologique,
expérimentation technologique et changement culturel au service de
l'expérimentation sont la base du travail. Une fois qu'on est au clair
sur ce qu'on sait faire et ce qu'on saura faire dans 3 ans - ce qu'on arrive
à avoir quand on discute avec les startups et qu'on lit les journaux
spécialisés régulièrement - ensuite on peut, non
pas identifier ce que l'IA va faire mais comment on va changer l'organisation
elle-même pour faire de la place à l'intelligence artificielle.
Sur la simple dématérialisation, aujourd'hui
à [tel hôpital] quand un agent a besoin par exemple de poser un
congé parental il doit :
·
87
aller voir son gestionnaire de proximité qui
o regarde si la décision est possible
o prépare le document
o transmet le document à la direction centrale qui
refais le contrôle,
agréé le raisonnement de l'agent de terrain,
Met le document en signature au directeur correspondant et
fait partir la décision sur le terrain.
Actuellement on est en train de passer au parapheur
électronique et au contrôle de décision
décentralisée. L'objectif c'est que l'agent de
terrain qui souhaite poser un congé parental par
exemple puisse :
· Aller voir l'agent qui :
o analyse sa situation et prépare la décision
o La soumet au directeur pour signature
o La donne à l'agent.
Je supprime alors 4 niveaux de contrôle. Cela implique 2
choses : - que l'agent sur le terrain soit mieux formé et - que je
repositionne l'encadrement.
Là où j'ai aujourd'hui :
· L'agent ;
· Son adjoint des cadres
· l'attaché de site
· l'agent administratif de contrôle
· L'adjoint des cadres qui encadrent les agents
administratifs qui contrôlent
· l'attaché qui encadre les adjoints des cadres qui
encadrent les agents de contrôle
· le directeur qui encadre les attachés Demain
j'aurai :
· L'agent administratif encadré par
· Un RH de proximité qui rencontre
· Un directeur
On passe à un système de
production/visa/validation/signature. On gagne environ 30% de temps de travail
dans la validation grâce aux nouvelles technologies.
88
Ce sur quoi je me bats actuellement c'est de faire comprendre
aux agents que ça va être comme ça, cela reste de la
science-fiction pour eux. C'est un grand saut dans l'inconnu. Les agents
pensent que les décisions seront mauvaises car elles ne seront pas
contrôlées. C'est le principe de logique de responsabilité.
L'autre chose c'est de leur faire comprendre comment on paramètre les
outils pour qu'ils soient utiles et là aussi c'est très
compliqué.
Pour que les solutions soient mieux acceptées, je
demande aux équipes (agents de catégorie C, B et A) de rencontrer
des sociétés qui proposent des solutions, de leur poser toutes
les questions qu'ils veulent et de restituer l'entretien avec les points
positifs et les inconvénients. Une fois au clair on revoit la solution
qu'ils souhaitent prendre et on creuse ensemble. À [tel
établissement] les personnes n'ont pas l'habitude de travailler
ensemble.
On parle d'intelligence artificielle en comparaison
de la vision/perception que nous avons de l' « intelligence »
humaine. Si toutes les qualités humaines pouvaient être
inculquées aux machines, quelles seraient selon vous les principales
à transmettre ? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il
possible ? Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil
d'aide à la décision ?
Les 3 lois de la robotique de La fondation de Isaac Asimov
ont été reprises dans les éléments industriels que
l'on voit aujourd'hui. Le contenu des lois n'est pas tout à fait le
même mais c'est un clin d'oeil à cette oeuvre
littéraire.
Recherche annexe : Ces trois lois sont :
- loi numéro 1 : un robot ne peut porter atteinte
à un être humain ni, restant passif, permettre qu'un être
humain soit exposé au danger ;
- loi numéro 2 : un robot doit obéir aux
ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en
conflit avec la première loi ;
- loi numéro 3 : un robot doit protéger son
existence tant que cette protection n'entre pas en conflit avec la
première ou la deuxième loi.
89
Partie 2 : métiers concernés et
accompagnement
En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils
accompagnés ?
Il y a 2 choses la première c'est que les
médecins sont des scientifiques et sont assez naturellement
portés à jouer avec tout ce qui est innovant à partir du
moment où la spécialité s'y prête. En
général ils ont été abreuvés durant toute
leur scolarité d'éléments physiques, chimiques,
mathématiques qui leur disaient : « si on arrivait à faire
ça ce serait génial ». Même si tous les
médecins ne sont pas des geeks, il y a quand même une proportion
plus importante chez les médecins à accepter le changement
même sur d'autres métiers à haute qualification.
Il y a trois choses qui peuvent les pousser à changer la
première c'est que :
· L'innovation et les nouvelles technologies peuvent les
amener à avoir un positionnement plus sécurisant dans leur
diagnostic. S'appuyer sur l'intelligence artificielle c'est aussi avoir une
démonstration mathématique que la décision que l'on prend
à un instant T a une valeur mathématique et scientifique qui est
plus importante que la décision d'un médecin seul dans son
bureau. Il y a un aspect médico-légal et de sécurisation
de la décision qui leur plait.
· La deuxième chose, c'est la conviction que si
eux ne le font pas d'autres le feront à leur place dans l'environnement
de concurrence qui est le leur et cela peut avoir des conséquences sur
leur positionnement. C'est aussi une façon pour eux de réaffirmer
leur positionnement en tant que médecin. La maîtrise des
technologies extrêmement complexes reste l'apanage du médecin.
Dans un monde où le sachant et la connaissance sont très
importants, savoir maîtriser tel ou tel outil est un marqueur social.
· La troisième c'est l'attrait pour l'innovation
elle-même.
En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus
spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ?
Concernant les paramédicaux, la logique est
différente : on est sur des transformations de métier. On est
obligé de faire un accompagnement externe. Là où les
médecins vont se former eux-mêmes, chercher l'information à
l'extérieur. Avec les paramédicaux on est obligé de
90
mettre en place des plans de formation pour l'adaptation
à l'évolution prévisible des emplois comme le
prévoit la réglementation sur la formation à
l'hôpital. C'est plus compliqué parce qu'on va sur des
transformations de métiers qui sont consubstantiels. L'infirmière
devra faire de l'assistance à prédictions de diagnostic en lien
avec l'intelligence artificielle avec laquelle travaille le médecin.
Elle se rapproche progressivement de la profession médicale là
où elle était la petite main parmi les petites mains il y a
encore 50 ans.
On ne met pas un plan de formation unique en place. C'est du
sur-mesure et de la couture. C'est le plus souvent un médecin qui vise
à l'implantation de nouvelles technologies dans son service qui demande
à ce que les infirmières soient formées. On est
très suiveurs pour le moment. Cela peut être le médecin qui
demande directement à l'infirmière qui accepte et ils arrivent
tous les 2 avec une solution clé en main. Aujourd'hui il n'y a pas de
plan systémique de l'intégration de l'innovation. Ce n'est pas la
direction qui porte : on reste prestation support. Si ce n'est pas le
médecin qui propose à l'infirmier.e, le problème n'est pas
tant la définition de l'action de formation en faisant de l'achat mais
plutôt de trouver le bon profil pour accompagner le changement. Il y a un
ticket en matière de compétences qui est élevé. On
change de métier : on a fait des études à l'Institut de
Formation en Soins Infirmiers (IFSI) pour un certain métier et quand on
arrive à l'unité médico-chirurgicale cardiologique de [tel
hôpital] on ne fait pas son métier d'infirmière comme on
l'a appris à l'école. On va faire de l'analyse de mesure, de
l'accompagnement du médecin, dans de la coopération
sophistiquée. Ensuite il y a une raison financière. A
l'hôpital public, en France, on ne paie pas assez. Chez Bioserenity
à la clinique du sommeil par exemple, ils payent leurs
infirmières entre 3200 et 3400 euros nets mensuels là où
on les paie entre 2200 et 2400 euros à l'hôpital public. D'autre
part il y a des difficultés dans le fait de faire venir les bons
paramédicaux à [tel hôpital]. Bioserenity, en tant
qu'opérateur privé peut faire venir des paramédicaux de
partout puisque leur contrat les autorise à le faire. Il y a un
problème de statut de la fonction publique qui ne nous permet pas de
trouver forcément de bons profils.
Il y a également un problème de formation
initiale qu'on va essayer de résoudre partiellement. Dans le pôle
de ressources humaines de [tel hôpital] il y a 14 écoles et
instituts dont 2 IFSI111 qui forment à eux deux 1000
infirmiers chaque année, 3 promotions de 350. On a engagé depuis
que je suis arrivé un grand plan de restructuration des écoles
avec la création d'un établissement d'enseignement
supérieur, une structure unique qui forme tous les professionnels et
tous les métiers avec une équipe pédagogique unique, ce
qui aujourd'hui n'est pas le cas. L'objet est de faire émerger une
identité de formation, c'est-à-dire donner une
111 Institut de Formation en Soins Infirmiers
91
formation à haute valeur ajoutée à tous
les professionnels quelle que soit la formation dans laquelle ils s'engagent
à [tel hôpital]. Aujourd'hui chaque IFSI a son propre tropisme. On
restructure tout en les rassemblant, on fait remonter le niveau de
productivité et on égalise la quantité de travail de
chacun. Cela permet d'économiser des ETP, notamment chez le corps
enseignant.
Avec l'argent qu'on économise on travaille sur la
simulation avec SimforHealth ou avec Laerdal, assez connu pour ses mannequins
en simulation avec des corps qui réagissent. On prévoit avec eux
du e-learning et de l'apprentissage en présentiel à
réalité augmentée. Les agents peuvent se former sur des
mannequins de simulation de patient Laerdal avec un casque de
réalité augmentée dans une salle comme s'ils
étaient dans un bloc opératoire. L'enseignant peut même
être à distance en dehors de la pièce avec un
contrôle retour directement dans l'environnement numérique.
L'ensemble sera mis en application à échéance septembre
2021.
En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires
médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés
?
Avec le personnel administratif, c'est encore plus
compliqué. Ils sont peu enclins au changement. On travaille sur 2 axes
la première c'est la conduite du changement et la conduite de
l'outplacement des personnels qui ne sont pas forcément adaptés
à accompagner de nouveaux processus administratifs avec un
rajeunissement à la clé des équipes qui est très
important. On va également travailler à la réduction des
effectifs. On change complètement l'organisation (voir la ci-dessus
la modification des processus de validation par exemple) avant de pouvoir
parler de personnes qui sont compatibles avec le changement. Quand on annonce
un changement, 70% ne suivent pas. On doit d'abord envisager ces
transformations sous l'angle de la GPEC : telle personne qui part à la
retraite dans 2 ans va rester sur son poste, telle autre dans 10 ans donc on va
lui proposer d'aller aux admissions ou à l'accueil plutôt que dans
le service des ressources humaines, untel qui ne souhaite pas s'orienter de
cette manière souhaite-t-elle se reconvertir comme assistante sociale ou
apprendre un nouveau métier qui n'a rien à voir avec le secteur
sanitaire. On fait ensuite du suivi individuel des agents. Une fois que la
nouvelle organisation est posée, on met l'IA ou la nouvelle technologie
en relation avec le besoin.
92
Les formations de conduite du changement sont pour les
managers. Au-delà de la conduite du changement, c'est quasiment de la
formation culturelle. La formation de conduite du changement est une formation
culturelle et mentale : qu'est-ce que le changement ? Comment peut-on faire ?
Quelles sont les recettes d'un changement réussi ? Après on
décline en fonction des populations et des objectifs. Il faut qu'ils
oublient les canevas intellectuels dans lequel ils ont travaillé : le
spectre du juridique n'est pas prioritaire dans l'organisation de
l'hôpital : on est là pour soigner les gens, on n'est pas
là pour émettre des décisions. Quand on dit qu'il faut
émettre une décision en urgence, on ne peut pas faire appel
à telle ou telle procédure interne qui dit qu'il faut 6 semaines
sur tel type de demande. Il y a des patients derrière. Il faut rappeler
au quotidien au personnel administratif qu'il y a des patients derrière.
On essaie de les tremper dans un environnement culturel qui est très
différent de celui dans lequel ils ont évolué. Certains
disent « chouette », d'autres « pourquoi pas » et encore
d'autres « surtout pas ». On ne les laissera pas ces derniers sur le
bord de la route mais il faut néanmoins que l'institution avance. S'ils
ne changent pas il va falloir leur trouver une place qui soit à la
hauteur de leurs attentes mais qui ne les mette pas en difficulté dans
la conduite des nouveaux process mis en en place.
93
Annexe 5 : Interview DRH Nicolas Delmas
ENTREVUE NICOLAS DELMAS, Directeur adjoint des Ressources
Humaines - Hôpital Bichat / APHP. Nord - Université de Paris
Partie 1 : Questions générales -
contexte personnel
Avez-vous déjà changé de
contexte professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels
multiples ?
C'est mon 3e métier aujourd'hui. Aujourd'hui je suis
directeur d'hôpital et c'est mon premier poste comme DRH. Avant
j'étais collaborateur parlementaire et auparavant j'ai travaillé
à la cour de justice de l'union européenne en charge des
questions posées par les juridictions françaises à la cour
de justice de l'union européenne. C'est mon troisième contexte
professionnel et les trois n'avaient rien à voir les uns avec les
autres.
Si non, êtes-vous prêt à changer
d'établissement ou à passer par un détachement hors de
votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels
et ainsi pérenniser votre employabilité dans différents
types d'établissements ?
Ces changements de postes n'étaient pas tant pour
pérenniser mon employabilité que pour ce qu'apporte le changement
lui-même.
Quels sont selon vous les bénéfices des
changements de contexte professionnel ? Je trouve que c'est hyper
intéressant de changer de contexte professionnel d'une part parce que
cela permet de découvrir d'autres choses, sans doute de renouveler ses
idées, de trouver des pistes d'amélioration - tout ne tombe pas
du ciel - plus on échange avec d'autres personnes, plus on change de
contexte, plus on va avoir de nouvelles idées. On va garder des
idées que l'on va reprendre d'établissement à
établissement qui vont s'affiner et s'améliorer parce qu'on aura
eu d'autres échanges avec d'autres personnes. Il peut également y
avoir des idées qui vont être très bien dans un contexte et
qui ne passeront pas dans un autre contexte.
Un exemple très simple qui peut être
représentatif de ce qui est transposable, c'est de toujours tenir
à disposition des bonbons pour les agents. C'est très bête
mais cela fait toujours plaisir. Un point commun entre les trois postes que
j'ai occupé dans le secteur public : tout est très
94
hiérarchisé, que ce soit l'assemblée
nationale avec les élus et les parlementaires, la cour de justice de
l'union européenne et particulièrement l'hôpital. Les
contre-exemples existent néanmoins : j'ai effectué auprès
du secrétariat général des affaires européennes,
organisme rattaché au Premier Ministre et ce n'était pas du tout
hiérarchisé, cela m'avait beaucoup plu. Quand on avait une
information capitale, il fallait aller vite. D'une manière
générale, je regrette que cela soit trop hiérarchique dans
l'administration. J'essaie de changer cela à mon niveau.
Selon-vous, votre métier est-il amené
à changer dans les prochaines années ? Quels sont les changements
à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies
?
Oui, comme tous les métiers de la fonction publique.
Certains changeront uniquement sur la forme et d'autre même sur la
façon de procéder. Tous les ans à l'hôpital on
reçoit les campagnes d'évaluations des entretiens
professionnelles par papier qui doivent être renvoyées
signées par le DRH pour l'ensemble des agents de l'hôpital. C'est
un circuit logistique et administratif qui est imbuvable. On va bientôt
changer la forme puisqu'on va passer à l'évaluation
numérique. Cela ne changera pas le fond de l'évaluation. Et
à l'inverse, notamment sur le recrutement, Cela va tout changer point on
ne recrute plus du tout de la même manière. On recrute notamment
aujourd'hui sur Indeed ou LinkedIn depuis deux ans et c'est beaucoup plus
efficace. Tout le process a également été modifié,
on est sur des offres d'emploi dynamiques qui mettent en valeur les avantages
d'être à l'AP-HP 112 et non plus sur des fiches de
poste. Ça a été un changement des mentalités assez
intense.
En quelque mots, que savez-vous des implications de
l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ? Est-ce un
sujet auquel vous vous intéressez ?
L'innovation m'intéresse. J'ai fait l'année
dernière un stage durant lequel je m'occupais des questions de
télémédecine à l'AP-HP.Centre - Cochin, Necker,
Pompidou. Concernant l'intelligence artificielle à l'hôpital, on
pense tout de suite à la radiologie, à l'interprétation
des clichés de radiologie, c'est une évidence. Les clichés
de radiologie ont vocation à être traités par des machines
suffisamment « intelligentes » pour pouvoir interroger les bases de
données et interpréter l'image en indiquant qu'il s'agit d'un
cancer ou d'autre chose. Il y a un formidable outil de gestion. Un autre sujet
que je vois, au-delà des données numériques en
santé, c'est leur mise en commun globale réunissant la ville et
l'hôpital et de manière anonyme pour avoir
112 Assistance Publique - Hôpitaux de Paris
95
des données épidémiologiques qui n'auront
jamais été aussi justes et affinées. Toutes les politiques
de prévention en santé vont être modifiées.
Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s)
(positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?
L'impact positif, c'est qu'il y a des tâches qui vont
pouvoir être faites par les machines. On va mettre l'humain sur le coeur
de métier qui est de prendre soin du malade. Cela va avoir à
terme sur certains métiers et certaines disciplines de santé qui
vont être clairement réduites par la machine qui les aura
remplacés ou aidés suffisamment pour qu'on ait moins besoin de
personnes. C'est clair qu'il y aura un impact humain sur le moyen terme.
Certaines études démontrent que le métier de radiologue
est voué à quasiment disparaitre d'ici 20 ou 30 ans, en tout cas
concernant la partie radiologie interprétative, pas la radiologie
interventionnelle. Pour un DRH ou pour in directeur des affaires
médicales, cela aura un impact potentiel. Si demain, Google qui a de
grands projets sur ce sujet, est capable d'avoir 100% d'exactitude sur une
analyse d'image, la radiologie interprétative est quasiment morte. Le
coeur des métiers des radiologues va changer et cela va redistribuer
l'offre de soin. Cela va permettre de répondre à une demande qui
ne pouvait pas être prise en charge par manque de professionnels.
D'autres métiers moins considérés aujourd'hui comme
aide-soignant ou infirmier, vont rester essentiels parce qu'on ne pourra pas
les remplacer par des machines. C'est une bonne chose. Les patients voudront
toujours de l'humain. Dans quelques dizaines d'années, une machine
pourra faire une intervention chirurgicale complexe mais les patients auront
toujours besoin d'être pris en charge par un être humain.
D'après vous, quelles sont les actions
à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans
votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus
spécifiquement à l'intelligence artificielle à court,
moyen et long terme ?
Pour moi, il y a deux types de changements. Par exemple, le
métier d'archiviste est amené à disparaitre, les
métiers liés à la facturation en grande partie
également avec les pré-admissions en ligne. Beaucoup de
tâches des métiers de secrétariat vont être
effectuées par des machines. Néanmoins, on annonce des
disparitions de métiers pour dans vingt ans mais cela met plus de temps
en réalité. Il n'y a pas encore eu de rupture définitive.
On en n'est pas
96
encore au moment où l'on considère qu'un
secrétariat est inutile. Pour le moment aucune machine n'est capable de
les remplacer. Il faut quand même le garder en tête.
On parle d'intelligence artificielle en comparaison
de la vision/perception que nous avons de l' « intelligence »
humaine. Si toutes les qualités humaines pouvaient être
inculquées aux machines, quelles seraient selon vous les principales
à transmettre ? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il
possible ? Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil
d'aide à la décision ?
Il y a un très beau film qui s'appelle Dark City dans
lequel des extra-terrestres implantent des souvenirs fictifs dans l'esprit des
gens pour voir leurs réactions. Typiquement, si on a le souvenir
d'être un tueur en série, est-ce qu'on continue à
perpétuer des meurtres ensuite ou est-on maître de nos actes ? Le
héros finit par se révolter. Il ne s'agit pas là de
machines mais d'aliens mais le principe est le même. Les aliens cherchent
des réponses dans la tête au lieu de les chercher dans le coeur.
Je pense que la machine ne doit pas uniquement penser froidement son
raisonnement, elle doit avoir aussi un coeur au sens littéraire. On ne
peut bien user de certaines déterminations : une vie humaine c'est tant
d'euros, un homme de 65 ans par rapport à un enfant de 10 ans ça
vaut tant et l'arbitrage qu'il faut faire selon les cas mais la décision
humaine, qui contient certes une marge d'erreur, qui n'a pas de quadrillage de
décision unique, permettra toujours de prendre une meilleure
décision. Je préfère des cas extrêmes (du plus
mauvais au meilleur) qu'une moyenne lisse.
Partie 2 : métiers concernés et
accompagnement
En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils
accompagnés ?
Dès le début de la rupture, que ce soit pour la
télémédecine ou pour l'intelligence artificielle, il y a 2
types de profil et cela vaut pour les médecins, les paramédicaux
et le personnel administratif mais c'est encore plus fort chez les
médecins : il y a ceux qui sont prêts à se dire c'est
nouveau donc c'est intéressant et ceux qui se disent, c'est nouveau donc
je n'en veux pas. Il y aura toujours une résistance au changement d'une
partie d'entre eux quoiqu'il arrive et d'autres qui seront même à
l'avant-garde du changement, ça les intéresse, ils ont
déjà
97
compris les enjeux, ils se sont déjà saisis du
sujet et ils n'ont pas besoin de nous pour qu'on s'en saisisse avec eux. Il
faut s'appuyer sur ces derniers. C'était le cas pour la
télémédecine. Les médecins ne comprenaient pas ce
que couvrait ce terme. Il faut se servir des médecins acteurs de ce
changement pour venir expliquer à leurs confrère
l'intérêt qu'il y a à s'en servir et ainsi améliorer
les pratiques collectives. Les médecins doivent être les portes
paroles du changement à venir. C'est le meilleur moyen pour
réussir.
En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus
spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ?
On peut procéder en partie de la même
manière pour les paramédicaux. Cela sert toujours d'avoir un pair
qui est moteur pour expliquer les opportunités liées à une
nouveauté ou à un changement. Il y a un aspect très
confraternel entre médecins avec une présomption de confiance
qu'on retrouve moins dans les métiers paramédicaux. Ce sont
déjà des professions très hétéroclites :
cela va de l'aide-soignant aux kinésithérapeutes, ce n'est pas du
tout le même nombre d'années d'études. Entre pairs cela
marche toujours mais il faut mettre dans la boucle l'encadrement de
proximité. Il faut que l'encadrement de proximité soit porteur du
changement. Là, c'est pareil, on retrouve des personnes motrices et
d'autres avec des freins à main. Il faut se servir des gens moteurs pour
capitaliser sur les expériences. On peut s'appuyer, avec les
paramédicaux, sur ce que telle nouvelle technologie ou intelligence
artificielle va permettre pour soulager leur travail ou améliorer la
prise en charge du patient. Ce sont ces biais-là qui vont les
intéresser. Je n'ai pas encore vu de menace directe des nouvelles
technologies dotées d'intelligence artificielle sur les professions
paramédicales. Des publications e santé du PIPAME113
indique que le métier d'infirmier ne sera pas impacté par ces
nouvelles technologies. L'infirmier d'aujourd'hui est l'infirmier de dans
trente ans, à l'inverse d'un radiologue ou d'un chirurgien. Comme ils ne
sont pas menacés, on peut les convaincre si on leur prouve que cela va
améliorer leur quotidien en leur faisant gagner du temps pour d'autres
actes et qu'il n'y a pas de discours caché disant : « grâce
à ça vous allez pouvoir économiser du temps et on va
pouvoir économiser trois postes. ». Il y a un gros point de
vigilance pour la direction des ressources humaines là-dessus.
113 Le Pôle interministériel de Prospective et
d'Anticipation des Mutations économiques
https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-statistiques/prospective/Intelligence_artificielle/2019-02-intelligence-artificielle-etat-de-l-art-et-perspectives.pdf
98
En fonction des impacts (positifs/négatifs) des
nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires
médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés
?
Il faut encore une approche différente pour le
personnel administratif, particulièrement à l'hôpital car
il y a la question du ratio entre personnel administratif et personnel
soignant. Contrairement à ce qu'on pense, la proportion de personnel
soignant est bien plus élevée. Si on imagine une nouvelle
technologie capable de prendre instantanément un compte rendu de
manière exacte, c'est clairement une menace pour les secrétariats
médicaux. Ce ne serait pas objectifs de dire le contraire et les agents
sont suffisamment intelligents pour le savoir. Là-dessus, il va y avoir
une vraie rupture et particulièrement sur les secrétariats.
D'ailleurs il y a de moins en moins de candidats qui postulent à ces
postes. On trouve de moins en moins de secrétariats médicaux
parce qu'il y a de moins en moins de candidats qui font ces formations.
Aujourd'hui on peut se débrouiller pour avoir des comptes rendus par
d'autres moyens et on est plus très loin de la technologie qui permette
de prendre un compte rendu parfait en trois minutes chrono. Il va falloir
repenser ces métiers là même s'ils resteront très
importants pour les médecins qui auront toujours besoin de
secrétariats médicaux pour s'occuper de ses déplacements,
de ses congrès, de prendre les rendez-vous pour les patients
privés à côté. Il y a un vrai sujet que l'on
n'anticipe pas totalement. On peut encourager des démarches mais c'est
difficile de dire aux gens que leur métier changera dans 5 10 ou 15 ans
et qu'il faut anticiper leur reconversion. Il y a des gens qui sont très
volontaires et qui s'en rendent compte et il y a ceux qui ne voient pas ou qui
ne veulent pas voir. On peut les inciter à faire des formations mais
tant qu'on n'a pas de date précise, c'est compliqué. C'est
beaucoup plus simple d'avoir une échéance précise.
A Bichat on a le cas du regroupement Bichat/ Beaujon 114 et
Saint-Ouen. Il va y avoir des réorganisations les gens le savent et
peuvent l'anticiper. En 2028, on se réunit et on repense les services.
Les agents savent qu'il y aura des réorganisations. Les gens peuvent se
préparer car il y a une date fixée. Elle peut évoluer
à quelques mois près mais la date existe. Si on parle
d'une rupture qui aura lieu à une échéance
indéterminée et qu'on lui demande de faire des formations pour
s'y préparer car cela arrive bientôt mais que cela n'arrive pas,
ou bien plus tard. Si on le forme trop tôt, il partira. Il aura
envisagé un projet professionnel dans lequel il aura envie de
s'impliquer, quitte à ce que ce soit ailleurs si cela n'arrive pas. La
dictée phonique n'est pas encore géniale. Pourtant certains
annoncent depuis dix qu'elle le sera le lendemain, un peu comme la 3D au
cinéma. Encore une fois, il faut une date. Préparer au changement
avec une
114 Hôpitaux de l'AP-HP
99
date hyper floue, c'est compliqué. La manière de
l'envisager ensuite va dépendre du temps et de l'espace que prend le
changement. Si l'hôpital d'à côté envisage le
changement six ans plus tard et que l'agent n'est pas prêt à
changer, on peut envisager des choses par rapport à ça. S'il est
global et que tout le monde change en même temps, cela nécessite
que l'encadrement de proximité passe du temps avec eux, les rassure.
C'est différent s'il s'agit d'un changement de métier ou d'un
métier qui disparait. Si le métier disparait, c'est très
difficile pour l'agent. On pourra faire toutes les conduites de changement
qu'on veut, si la personne a été formée pour son
métier et encore plus si elle a un diplôme rattaché
à son métier et qu'on lui annonce qu'il va disparaitre, cela
reste extrêmement dur.
Annexe 6 : Interview DRH Camille Giordano
ENTREVUE CAMILLE GIORDANO, Directrice Opérationnelle
et Directrice des Ressources Humaines
Clinique Saint Christophe, Bouc Bel Air, établissement
privé de soins de suite et de réadaptation (SSR)
spécialisée en cancérologie, hématologie, soins
palliatifs, soins polyvalents, nutrition
Partie 1 : Questions générales -
contexte personnel
Avez-vous déjà changé de
contexte professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels
multiples ?
Oui. J'étais consultante avant : en stratégie
d'entreprise et en développement RH. J'ai travaillé à la
fois dans des secteurs financiers, industriels, dans du service à la
personne, dans tout un tas de contextes dans lesquels il y a une
nécessité de s'adapter à chaque fois dans de nouvelles
entreprises, avec de nouveaux modes de fonctionnement, de nouvelles
équipes. J'ai fait ça pendant huit ans. C'est un métier
qui m'a permis de découvrir de nombreux secteurs et que les
différences relèvent uniquement de ces secteurs. Dans
l'organisation, dans les problématiques et dans ce qu'il se passe
structurellement, on est toujours sur des choses qui sont relativement
similaires.
Si non, êtes-vous prêt à changer
d'établissement ou à passer par un détachement hors de
votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels
et ainsi pérenniser votre employabilité dans différents
types d'établissements ?
J'ai besoin de projets et de me renouveler dans ce que je
fais. Aujourd'hui, je suis actionnaire et dirigeante de l'établissement
donc à ce jour ce n'est pas du tout prévu mais dans quelques
années, c'est quelque chose de tout à fait possible. La porte
n'est pas fermée. Quand j'aurai fait le tour si je ne m'épanouis
pas comme je le souhaiterais dans mon métier, je me poserai les
questions qu'il faut pour changer, soit dans cet établissement, dans
cette structure et la faire évoluer, soit changer tout court
d'entreprise.
100
101
Quels sont selon vous les bénéfices des
changements de contexte professionnel ?
Je le vois en matière de RH à la clinique : on
a des personnes qui restent dans l'établissement et qui font des
carrières de vingt, trente, trente-cinq ans chez nous, d'autres qui,
avec les nouvelles générations, vont rester trois, quatre ans ou
même moins. Tout dépend des personnes.
Personnellement c'est quelque chose qui m'a beaucoup
apporté. C'est aussi pour ça que j'avais choisi le métier
de consultante à la base : je n'avais pas envie de me mettre dans UNE
voie, dans UN secteur d'activité spécifique. J'avais vraiment
envie de découvrir un maximum de choses, de rencontrer des personnes,
surtout avec des expériences différentes et cela a vraiment
été le cas. Au bout de huit ans, j'ai quand même eu envie
de me poser dans une entreprise. Ça dépend vraiment des moments
de vie aussi, de ce qu'on souhaite découvrir. J'en ressort beaucoup de
positif parce que je pense que j'ai gagné en adaptabilité
et surtout aussi en connaissance des différents secteurs qui
peuvent exister. Aujourd'hui, ça me sert au quotidien dans mon
métier. J'ai une double casquette : je suis DRH mais je suis aussi
directrice opérationnelle. Mon métier c'est de m'assurer que tout
fonctionne au quotidien. J'ai beaucoup de casquettes et le fait d'avoir
travaillé dans des secteurs variés ou sur des missions
variées me permet de m'adapter aux différentes situations que je
peux avoir, à la fois en matière de RH et sur les
problématiques organisationnelles.
C'est vraiment l'adaptabilité et se dire aussi qu'en
fait ce n'est pas que dans ce secteur là qu'il y a ces
problématiques. Ce n'est pas parce que je suis dans un métier
où on s'occupe d'une prise en charge de patients que cela ne reste pas
une entreprise pour autant. C'est une entreprise qui travaille dans le soin
mais cela reste une entreprise, comme une usine dans laquelle j'ai pu
travailler où il y a des problématiques RH, des
problématiques de temps de travail, des problématiques de
turn-over, etc. La seule chose qui change, c'est le secteur d'activité.
Les problématiques sont vraiment similaires.
EB : le métier de DRH dans une structure
sanitaire, parce qu'il est dédié au patient, n'est pas
différent de celui de DRH dans d'autres secteurs d'activité
?
Ce n'est pas faux mais pas que. La dimension et le sens du
métier sont juste extrêmement importants parce que ce n'est pas un
produit à la fin de notre chaine, c'est une personne. Cela rend le
métier quand même bien sûr spécifique mais quand on
prend de la hauteur sur notre façon de gérer, cela reste une
entreprise. Pour toutes les décisions qu'on prend, on regarde bien
sûr la qualité de prise en charge mais au bout du compte on a
quand même des salaires
102
à payer et des charges à payer. C'est une
entreprise, une entreprise du soin. Quand on part avec Sabine, mon
associée, et qu'on va dans d'autres pays - on est parti voir dans
d'autres pays comment ça se passait, en Europe et en Amérique du
Nord - ce sont des entreprises, c'est beaucoup moins tabou. C'est vraiment
très français tout ça. Je le dis à certains
professionnels qui sont là, oui bien sûr qu'on a à coeur de
faire bien les choses, on a un patient et notre métier c'est de prendre
en charge ces patients là mais on doit être une entreprise
efficace, une entreprise qui optimise, on doit être efficient. On est
soumis à toutes les charges classiques que toutes les entreprises ont en
France. On est des entreprises de la santé. Après on n'a pas la
même vision que notre directeur financier qui n'a pas fait que de la
santé. Il n'aura parfois pas la même compréhension sur
certaines problématiques où je vais dire par exemple qu'il faut
qu'on investisse un peu plus, qu'on prenne quelqu'un en plus parce qu'il faut
qu'on améliore notre prise en charge et lui va me dire que ça ne
va pas passer en termes de coûts. On reste quand même une
entreprise du soin. C'est là que le soin va prendre une part plus
importante dans le sens où on a à coeur de tellement bien faire
les choses qu'on va quand même plus investir dans le soin même si
on sait qu'en termes de coût, on n'est pas bon. On va essayer de revoir
notre modèle économique pour que ça passe. A certains
moments on va privilégier le soin et prendre plus de risques financiers
parce qu'on est dans une entreprise qui traite des patients.
Selon-vous, votre métier est-il amené
à changer dans les prochaines années ? Quels sont les changements
à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies
?
Mon métier, j'espère qu'il va changer ou
évoluer plutôt. J'ai à coeur de voir évoluer les
choses et de traiter de nouvelles choses. On a sans cesse de nouveaux
challenges dans notre secteur actuellement. Il y a de grandes réformes.
Forcément mon métier évoluera. Ce qui n'est pas simple
c'est qu'il évolue vers un fonctionnement peut-être moins
tourné vers l'humain. Je pense que le challenge pour moi et pour les
dirigeants d'établissements de santé sera de trouver
l'équilibre entre établissement de santé et entreprise de
la santé. On rentre tellement dans un système de tarification
où il faut qu'on code chaque acte réalisé par l'infirmier,
par le médecin, par l'aide-soignant, par le psychologue, etc. Je
l'entends par mes équipes aujourd'hui, parce qu'on code notre
activité et que notre activité est contrôlée via les
codes, nos professionnels passent énormément de temps sur
l'ordinateur. Ça remet en question et cela a un impact important sur la
relation entre le patient et le professionnel de santé. C'est ma
crainte. C'est un vrai risque et on ne veut pas tomber là-dedans. Il
faut qu'on organise les choses pour que ça se fasse, parce que de toutes
façons on n'aura pas le choix. On le fera
103
tout en gardant cette relation qui est si importante pour nous
entre le professionnel de santé et le patient.
En quelque mots, que savez-vous des implications de
l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ? Est-ce un
sujet auquel vous vous intéressez ?
Je ne maitrise pas forcément le concept à fond.
Ce que j'aimerais qu'on fasse via l'intelligence artificielle au sein de
l'établissement c'est qu'on utilise les nouvelles technologies en
complémentarité des compétences de nos professionnels. On
commence à se pencher sur les personnels administratifs. La nouvelle
technologie qu'on va utiliser c'est le dossier patient informatisé. On a
un dossier patient informatisé partagé par tous les
professionnels de l'établissement hormis les personnels hôteliers
comme les ASH115 et les fonctions cuisine. On a une mutualisation de
l'information, il y a un vrai partage d'infos. Il y a également la
pré admission qu'on aimerait mettre en place parce que je pense que
ça permet de traiter une partie du process via l'IA et ensuite de faire
intervenir la secrétaire aux admissions qui va alors être sur un
poste qui sera différent. Aujourd'hui elle est sur un poste où
elle est dans son bureau toute la journée. Ce qu'on se dit c'est que si
on a cette borne d'accueil qui permet de traiter déjà quelques
infos et de faire par exemple 40 à 50% de l'entrée, Elle va
pouvoir, avec un caddie ou un chariot roulant compléter l'entrée
dans la chambre, au lit du patient. Ça nous permet de réorganiser
son temps de travail et ça lui permet d'être en contact avec le
patient de façon plus personnelle. Et c'est plus pratique pour le
patient. Une partie administrative aura déjà été
traitée donc c'est plus enrichissant pour elle.
Sur les médecins on se pose la question de la
télémédecine et des téléconsultations mais
on manque un peu d'infos sur la partie tarification. On est en attente
d'éléments de la part de l'ARS116 pour pouvoir
travailler là-dessus. On aimerait mettre en place notamment des
consultations de médecins spécialistes via la
télémédecine pour éviter les déplacements du
patient parce que ça reste une démarche fatigante pour nos
patients. Il y a des consultations qui pourraient vraiment se faire via la
téléconsultation. Dès qu'on sentira qu'on pourra le faire
on le fera. Aujourd'hui on n'a pas suffisamment de billes, on ne sait pas
comment les facturer, il y a un flou à ce niveau-là. Après
il suffira de déterminer qui reste dans la chambre avec le
115 Les agents des services hospitaliers (ASH) sont
chargés de l'entretien et de l'hygiène des locaux dans les
hôpitaux et les structures médico-sociales. Ils participent aux
tâches permettant d'assurer le confort des malades. Ils ne participent
pas aux soins aux malades et aux personnes hospitalisées ou
hébergées. Source
hopital.fr
116 Agence Régionale de Santé
104
patient pendant la consultation, comment le flux s'organise,
comment on sécurise les données, etc. Il faut qu'on
s'intéresse à tout ça. Ça nous permettrait
d'optimiser nos mouvements de patients.
On travaille également sur la fonction
hôtellerie pour les ASH à l'utilisation de tablettes qui
permettent d'avoir un suivi des chambres que nous avons à la clinique.
On développe un projet d'hôtellerie car on part du principe que
les patients restent longtemps chez nous et on souhaite qu'ils s'y sentent
bien. Ça permettrait aux ASH de dire qu'une chambre est prête,
qu'elle a été faite. L'info est automatiquement partagée
avec les admissions de la clinique et le patient entrant peut entrer dans cette
chambre-là. Cela permettrait également de noter des
dysfonctionnements comme un problème au niveau de la douche, du lavabo,
etc., et d'avoir une information qui se transmet automatiquement à notre
équipe d'entretien qui pourra alors intervenir et indiquer si c'est
résolu ou non. Le process sera un peu plus sécurisé.
Aujourd'hui c'est quelque chose qu'on fait de personne à personne ou par
un cahier de liaison. Parfois il y a des manquements et on souhaiterait
justement utiliser les nouvelles technologies pour y pallier. Ça peut
aussi être valorisant pour les ASH qui remontent souvent que
l'information a été transmise mais que le problème n'est
pas réglé derrière. Elles auront ainsi une preuve qu'elles
ont notifié le problème et suivre ce qui est fait. C'est assez
positif en termes de cohésion.
Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s)
(positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?
Le vrai risque c'est d'avoir un professionnel qui va passer
plus de temps sur une machine et moins auprès d'un patient, notamment
pour les médecins et tous les paramédicaux. Ils nous le disent
aujourd'hui. Quand on a mis en place le dossier patient informatisé, on
n'a pas eu de résistance au changement particulière. Tout le
monde savait très bien qu'il fallait y aller, c'était
cohérent. Plus aucun établissement ne fonctionne sur des dossiers
médicaux papier. On a créé un comité
d'éthique depuis de nombreuses années. On y met toujours à
l'ordre du jour la place de l'ordinateur dans la relation
soignant/soigné. Ce n'est pas anodin. Pas plus tard qu'hier, un
médecin m'a dit : « une entrée d'un patient, ça me
prend 45 minutes. Ce n'était pas le cas avant. Quand on écrit,
ça va plus vite, on écrit rapidement sur un dossier. J'arrivais
vraiment à gérer ma relation avec le patient. Ça me
manque. ». Ça fait partie des risques. Aujourd'hui on essaie
d'organiser leur temps de travail pour qu'ils arrivent à concilier ce
temps avec le patient et à sortir de la chambre en se prévoyant
un temps de saisie. On essaie, en fonction des métiers, de
prévoir les temps de saisie. Pareil pour les coachs sportifs, ils ne
sont
105
pas dans le soin directement ni dans un acte technique de soin
mais ils ont aussi l'obligation de saisir des transmissions et des informations
dans un dossier sport sur le dossier patient informatisé. Tout
ça, ça prend du temps. Il y a le métier, l'acte qu'ils
vont réaliser auprès du patient mais il y a aussi ce qu'ils vont
devoir saisir parce que, ce qu'on leur demande aujourd'hui, c'est de tracer
leur activité pour que derrière on code l'acte. Il y a un vrai
changement dans leur métier, à tous niveaux.
En positif, ça permet une mutualisation
d'informations. Certaines personnes, en termes d'organisation de temps de
travail, ne se croisent pas. Si les dossiers sont correctement saisis, en
allant sur le portail médical, on voit ce qui a été saisi
par le coach, on voit ce qui a été saisi par la
diététicienne, le médecin, etc. Les droits d'accès
sont différents en fonction des professions et de la
confidentialité mais il y a un vrai partage d'informations. On sait
même, en fonction d'un agenda, si le patient est dehors en consultation
externe ou s'il est dans la clinique. Il y a donc des aspects positifs qui sont
ressentis par les professionnels mais l'aspect négatif reste le risque
de distanciation entre le professionnel et le patient.
D'après vous, quelles sont les actions
à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans
votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et
à l'intelligence artificielle à court, moyen et long terme
?
Ce qui m'a fait m'interroger sur ma fonction, c'était
le confinement. On a piloté la clinique à distance parce qu'on
s'est dit qu'on faisait partie du personnel administratif et qu'on
n'était pas essentiel sur le terrain. Notre objectif était de
minimiser le nombre de personnes sur la clinique donc on a travaillé
à distance sur un maximum de fonctions. Je me suis dit que finalement,
tous les déplacements que j'étais amenée à faire
n'étaient pas indispensables. Il y a plein de nouveaux outils qui
peuvent m'éviter d'aller à Paris, à certaines
réunions. Il ne s'agit pas de les supprimer. On avait tendance à
se déplacer souvent, surtout sur la partie opérationnelle, moins
RH, sur des réunions de syndicats, des congrès. C'est super
intéressant et cela va me permettre de me poser, même si je reste
à la clinique et d'avoir une prise de recul particulière en
étant seule. Dans les congrès, on se retrouve toujours avec plein
de personnes. D'un côté c'est très bien parce qu'on peut
discuter, ça fait du bien, on voit que ce n'est pas plus simple dans les
autres établissements ou qu'on se débrouille plutôt bien et
c'est satisfaisant mais il doit y avoir des moments pour soi. Écouter un
congrès via un ordinateur c'est aussi très intéressant.
106
Je traite beaucoup d'informations qui viennent de nos
logiciels de patient informatisé puisqu'on a tout à
l'intérieur : notre gestion aussi puisque la facturation, le
médical et la pharmacie sont dedans. Ça fait partie des outils
que j'utilise au quotidien. Aujourd'hui je dois l'utiliser à 40%. Je ne
sais pas encore bien m'en servir. Il nous a fallu tellement de temps pour
apprendre à l'utiliser et le remplir le plus correctement possible,
d'avoir une bonne maitrise de l'outil. Maintenant on est dans la phase de : je
me sers de l'information qui est rentrée dans notre gestion. On
travaille avec notre prestataire pour qu'il nous aide à traiter les
données en créant des passerelles de traitement données.
C'est long mais on a un outil qui est le reflet de toute notre activité.
A la fois médicale et soignante mais aussi en gestion et en finance. En
un clic, on peut savoir quelle est la durée moyenne de séjour, le
nombre de patient, notre taux d'occupation à la seconde, pas
d'information RH en revanche. Ça permet d'avoir des informations plus
rapidement sur l'activité de la clinique. A plus long terme, j'aimerais
mieux maitriser l'outil pour mieux piloter.
On parle d'intelligence artificielle en comparaison
de la vision/perception que nous avons de l' « intelligence »
humaine. Si toutes les qualités humaines pouvaient être
inculquées aux machines, quelles seraient selon vous les principales
à transmettre ? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il
possible ? Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil
d'aide à la décision ?
Comme je le disais tout à l'heure, je pense que la
machine est un outil d'aide à la personne. Qu'on parle des personnes aux
admissions, des ASH, des médecins, l'outil est essentiel. Je pense qu'il
ne peut pas remplacer, ou sur un poste très administratif, et encore.
Quand on est parti au Canada, on voyait que dans des centres de
téléconsultation il n'y avait plus personne à l'accueil.
Ils avaient mis des bornes et la personne devait saisir son nom, devait dire
qu'elle était arrivée et cela envoyait directement l'info aux
médecins. Ça marche dans ce genre de situation. Dans notre
établissement de soins de suite, l'outil peut vraiment être
intéressant sur une partie très administrative mais ça
reste un outil d'aide. On s'est engagé depuis très longtemps dans
notre établissement à être dans une démarche qui
soit la plus humaine possible. Aujourd'hui notre vision, peut-être
qu'elle évoluera, c'est de se dire qu'on va utiliser la machine pour
aider nos professionnels.
En ce moment on est en train de développer la musico
thérapie dans la clinique et on va le faire via des tablettes. Ce sont
des tablettes numériques sur lesquelles on va bientôt être
formé. Ce sont des machines, je pourrais très bien donner la
tablette directement au patient mais quel est le sens de cette action ? Il faut
que ce soit accompagné, qu'on ait des référents
107
musicothérapie, que le soignant puisse venir
présenter cette démarche et qu'il accompagne le patient lors de
sa séance. Ça va donc venir proposer de nouvelles disciplines
mais toujours avec l'humain à côté.
Partie 2 : métiers concernés et
accompagnement
En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils
accompagnés ?
Oui, ils sont accompagnés. Cela fait partie
intégrante de leur mission et de leur quotidien donc il faut absolument
qu'ils maitrisent l'outil dans le cadre de leur fonction.
On a travaillé sur des parcours
d'intégration pour les médecins qu'on a mis en place en
2017. On accompagne les médecins dans l'utilisation du dossier patient.
Le médecin est à la base du dossier patient. Si la prescription
n'est pas faite du traitement médicamenteux, si on ne prescrit pas les
actes ou les consultations et s'il ne saisit pas ses observations
médicales dans le dossier patient, on est quand même très
embêté. C'est essentiel dans leur métier. Au cours de ce
parcours d'intégration, il y a une partie binôme avec le
médecin titulaire qui va présenter l'organisation du quotidien du
médecin et il va y avoir après un temps de formation à
l'outil informatique. En fonction de la spécialité de nos
services, ce parcours est plus ou moins long. Il est adapté. Certains
services sont plus techniques, avec des prescriptions et demandent plus de
formation.
En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus
spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ?
C'est la même chose pour les paramédicaux. On a
des parcours d'intégration pour les Infirmiers et les aides-soignants,
en binôme avec une infirmière titulaire et en formation avec la
cadre de santé ou une infirmière « tuteur » qui
s'occupe de l'intégration aux outils
108
informatiques. Il faut que l'infirmière sache remplir
ses transmissions dans un dossier patient, sache compléter un plan de
soin puisqu'à chaque fois qu'une infirmière donne un
médicament à un patient, il faut que ce soit saisi dans le
dossier patient. Il faut que tout ça soit fait, il faut qu'elle sache le
faire et il faut qu'on lui donne les moyens de savoir le
faire. Ça fait partie de ce qui est effectué en
journées d'intégration.
Les parcours d'intégration, c'est ce qu'on fait au
quotidien. Quand on a déployé l'outil, on a pris des
référents, des personnes qui se sont portés volontaires
pour être formés par le prestataire concepteur du
logiciel, accompagnés des cadres de santé. Tous nos cadres de
santé sont référents sur le dossier patient
informatisé. Il y a également deux IDE117. Tous ont
été formés, moi aussi parce que je me suis dit que, dans
le cadre de ma fonction, il fallait impérativement que je sache comment
ça fonctionne. Une fois que nos référents ont
été formés par notre prestataire, on a
déployé des formations en interne en binôme cadre de
santé/IDE. On a formé toutes nos équipes de titulaires et
nos vacataires long terme dans des mini formations. On a créé des
parcours parce que c'était assez conséquent en termes de
compétences à acquérir. On l'a fait sous forme de mini
formations pour que ce soit interactif et ludique avec des mises en situation.
On a mis des ordinateurs à disposition, ils ont pu essayer avec un
dossier test sur lequel on pouvait faire n'importe quoi et ça permettait
de pratiquer comme ça.
On a fait un premier parcours qui était
l'environnement du dossier : montrer globalement comment ça se
présentait : la page d'accueil, les différents liens, le portail
médical, tout l'environnement global. Après, on est rentré
dans le détail. Pour les IDE ce qui était important
c'était de savoir où aller trouver les transmissions, comment
saisir une transmission, voir ce qu'il y a dans un plan de soin : le traitement
médicamenteux, les prescriptions du médecin en termes d'actes. Le
troisième niveau était optionnel pour apprendre à utiliser
l'agenda et ainsi savoir où est le patient. Ce n'est pas essentiel mais
c'est intéressant de savoir le faire.
Les cadres ont fait partie intégrante du
projet, même dans la phase de recherche et de sélection
du prestataire. Quand on a choisi le prestataire et qu'on s'est retrouvé
à la réunion de lancement en 2016, avant le déploiement,
il fallait mettre à plat tout notre fonctionnement papier. Un jour on
est arrivé, notre prestataire nous a dit qu'il leur fallait tous nos
papiers. On a tout mis sur la table. On s'est retrouvé avec une
quantité de papier incroyable. On s'est rendu compte du nombre de
papiers qu'il y avait. Elles - je dis elles car il s'agit de femmes - ont fait
partie du process au même titre que le médecin
référent qui venait en représentation de tous
117 Infirmier Diplômé d'Etat
109
les autres médecins. Ça s'est fait avec
eux. J'étais toujours présente également avec le
responsable informatique. On a pris les décisions ensemble.
Comme il y a quatre services et qu'il y a eu vraiment beaucoup de
réunions, tous ne pouvaient pas être systématiquement
présents donc on a créé des groupes de travail par
service. Je n'ai pas pris de consultant externe, on a vraiment
géré ça en interne avec notre prestataire. Ce
moment-là nous a permis de nous réorganiser puisque ça
nous a demandé de revoir complètement l'organisation de nos
services. On l'a fait ensemble. La casquette que j'avais de consultante m'a
bien servie puisque c'est moi qui ai piloté tout le projet. On l'a
vraiment fait ensemble.
Là où on a eu des difficultés,
c'était avec nos professionnels libéraux (médecins
spécialistes et kinésithérapeutes). Là
c'était compliqué parce que c'était des personnes qui se
sentaient moins impliquées, elles viennent de façon ponctuelle.
Il a fallu les impliquer dans le process. Ils ont eu beaucoup de mal à
passer du papier à l'informatique. Il a fallu bien accompagner. C'est
moi qui m'en suis occupé et ça a pris du temps. C'était la
plus grosse difficulté et le changement a été complexe
pour les professionnels terrain, surtout les médecins, qui comptaient le
nombre de clics. Ils m'ont dit que ça avait vraiment fait évoluer
leur métier.
En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires
médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés
?
Leur parcours d'intégration a été
vraiment revu car ce n'est pas simple d'utilisation sur la partie gestion. Il y
a des journées d'intégration qui sont vraiment
nécessaires. On a essayé de former un maximum de personnes pour
mutualiser les compétences et ne pas avoir une seule et unique personne
qui sache faire chaque tache : par exemple un agent d'accueil qui sache faire
l'accueil, une secrétaire qui sache faire l'admission. On a
essayé de les former à plusieurs profils, pas tous non plus car
ce serait trop compliqué, mais au moins à deux
compétences. On arrive ainsi à les remplacer plus facilement.
On n'a pas eu de réfractaires mais des personnes qui
ont eu des difficultés à utiliser l'outil. Les personnes savent
que de toute façon on n'a pas le choix donc elles l'ont fait. Il y a
effectivement des personnes qui sont là depuis longtemps, qui ont leurs
habitudes et qui voient leur métier et leur fonction évoluer. Ce
n'était pas simple mais il y a eu pas mal d'accompagnement des managers
sur les profils administratifs et pas que des formations. Pendant plusieurs
jours, un référent est resté à côté
d'une personne à l'accueil ou à la facturation pendant des jours
entiers pour bien l'aider à manipuler l'outil.
110
EB : vous avez tout misé sur la formation aux
outils pour qu'ils soient à l'aise et avec du temps et de
l'écoute.
Oui. Ça a été lourd et difficile. Ces
formations prennent du temps. On a 150 personnes sur la clinique. Ça
fait vraiment beaucoup de temps. On accompagnait un maximum de fonctions
différentes le même jour parfois parce qu'on ne voulait pas que
certains aient le sentiment d'être privilégié ou pas par
rapport à d'autres. Il fallait que tout le monde se sente
accompagné. C'est une période qui a été très
fatigante et très éprouvante.
Aujourd'hui l'outil est bien en place. On est dans
l'optimisation maintenant et c'est intéressant. On est dans
l'optimisation en termes de gestions et de pilotage mais aussi optimisation de
l'outil. On essaie de voir comment on peut le manipuler autrement parce qu'on
le connait mieux : pour essayer de gagner du temps, pour privilégier
notre relation soignant/ soigné et de le perfectionner en interne. Ce
qui est compliqué avec l'outil, c'est que ce n'est pas lui qui va
s'adapter à l'établissement, on n'a pas le choix, c'est
l'établissement qui s'adapte à l'outil et on ne nous l'avait pas
vendu comme ça. On pensait leur donner tous nos dossiers papier pour
qu'ils les paramètrent et que ça ne changerait pas. En fait, ce
n'est pas du tout ça ! Il y a eu cette période de flottement
où on ne se retrouvait plus dans ce fonctionnement et il a fallu qu'on
apprenne à fonctionner avec cet outil. C'est nous qui nous sommes
adaptés à l'outil et pas le contraire. Ça a
été une refonte complète de notre organisation.
111
Annexe 7 : Interview DRH Perrine Cainne
ENTREVUE PERRINE CAINNE, Directrice des Ressources Humaines
du Centre Hospitalier d'Arcachon
Partie 1 : Questions générales -
contexte personnel
Avez-vous déjà changé de
contexte professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels
multiples ?
Je suis sortie de l'école de Rennes118 en
2013 dans la continuité de ma formation initiale. J'ai effectué
mon stage professionnel au Centre Hospitalier Universitaire de Toulouse et j'ai
pris mon premier poste au centre hospitalier d'Albi en tant que directrice des
affaires financières119. Je m'occupais aussi du
contrôle de gestion, des admissions et, au départ, des
systèmes d'information remplacés ensuite par la gouvernance
après une révision des périmètres. Ensuite je suis
arrivée au centre hospitalier d'Arcachon comme directrice adjointe,
toujours chargée des finances mais également des achats avec
notamment le projet de mise en oeuvre de la fonction achat mutualisée au
niveau du groupement hospitalier de territoire. Nous avons piloté ce
projet en binôme avec le directeur des achats du CHU de Bordeaux.
J'occupe la Direction des Ressources Humaines, des affaires médicales et
des affaires générales depuis un peu plus d'un an, toujours au
centre hospitalier d'Arcachon. Cela m'a permis de découvrir à la
fois deux établissements différents et surtout des directions
fonctionnelles et des périmètres très
différents.
Êtes-vous prête à changer
d'établissement ou à passer par un détachement hors de
votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels
et ainsi pérenniser votre employabilité dans différents
types d'établissements ?
Oui, tout à fait. Pas forcément pour
pérenniser mon employabilité mais plutôt par
curiosité personnelle et professionnelle, pour développer mes
compétences et ma motivation aussi. J'ai besoin de changer
régulièrement d'établissement ou de fonction : soit en
restant dans le
118 École de Rennes : École des Hautes
Études en Santé Publique (EHESP)
119 La formation de directeur d'hôpital à l'EHESP
est une formation pluridisciplinaire, avec un fonctionnement similaire à
celui de l'ENA (École Nationale d'Administration) amenant à
exercer à tous les postes de direction au sein des établissements
publics et administrations du secteur sanitaire et médico-social.
112
secteur hospitalier public, soit même en envisageant de
découvrir d'autres horizons. Ce sont des perspectives qui me
plaisent.
Quels sont selon vous les bénéfices des
changements de contexte professionnel ?
Pour moi il y a un double bénéfice, il y a le
bénéfice que j'en retire personnellement et le
bénéfice pour les établissements dans lesquels j'apporte
ma contribution.
C'est important de développer mes compétences
pour maintenir ma motivation. Quand on reste dans le même
établissement, on a tendance à croire que les modes de
fonctionnement auxquels on participe sont immuables. Dans le premier
établissement dans lequel j'ai travaillé, j'ai découvert
comment fonctionne un établissement de santé et je me suis
rapidement habituée à certaines pratiques et organisations. En
changeant de structure, on se rend compte que les choses ne fonctionnent pas du
tout de la même manière d'un établissement à
l'autre. Pour cela, c'est vraiment important de changer : pour se rendre compte
que toutes les organisations sont vraiment modifiables et ne pas le perdre de
vue. Il y a toujours la possibilité de modifier les organisations si on
prend le temps d'accompagner le changement.
Pour les établissements, le bénéfice
c'est d'avoir régulièrement un regard neuf et de nouvelles
idées. Les personnes extérieures qui viennent avec leur
expérience et leurs compétences permettent d'impulser des
changements. Elles ont une ouverture d'esprit et la conscience que cela peut
fonctionner différemment.
Selon-vous, votre métier est-il amené
à changer dans les prochaines années ? Quels sont les changements
à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies
?
Je me considère avant tout comme une directrice
d'hôpital avant de me considérer comme une DRH. J'ai
découvert la fonction de DRH il y a un an et j'adore vraiment ce que je
fais mais je me positionne plutôt comme directrice d'hôpital avec
cette possibilité d'exercer différentes fonctions au cours de ma
carrière. C'est aussi lié au fait d'exercer dans un
établissement de taille moyenne : bien sûr chacun a son
périmètre mais on mène beaucoup de projets transversaux et
on est au coeur de la stratégie.
J'ai déjà vu pas mal de changements en sept ans
sur le métier de directeur d'hôpital. L'hôpital est
aujourd'hui sous le feu des projecteurs. Avec la crise sanitaire qu'on
traverse, il va y avoir
113
des réformes à concevoir et à mettre en
place au niveau du fonctionnement de l'hôpital public et forcément
cela impacte le métier de directeur. Cela avait déjà
démarré avec les groupements hospitaliers de territoire et
l'ouverture de l'hôpital qui s'ouvre sur la ville, le
médico-social, la prévention. On décloisonne de plus en
plus. La gouvernance hospitalière avait bien évolué aussi
avec les pôles d'activité et cela va continuer. On parle d'aller
encore plus loin dans la médicalisation du pilotage des hôpitaux
c'est aussi quelque chose qui aura un impact sur notre métier : le
binôme directeur/médecin est essentiel ! Il est amené
à se consolider.
Quant à l'évolution par rapport aux outils
numériques, c'est plutôt dans le positionnement de l'hôpital
dans son environnement territorial qu'on sent vraiment leur importance. C'est
un domaine qui avait été un peu mis de côté dans les
hôpitaux. Chacun a développé ses propres outils
indépendamment, il n'y avait pas eu de stratégie
générale mise en place et il y avait de fortes disparités.
Le premier plan « Hôpital numérique » a essayé de
lancer une dynamique pour que tous les établissements priorisent les
mêmes choses dans leur développement numérique et
atteignent des niveaux de maturité équivalents. Il y a
désormais un nouveau palier à passer pour à la fois
atteindre un niveau de numérisation plus important et pour
échanger plus facilement. Aujourd'hui, nous n'avons pas les mêmes
outils et cela complexifie la communication entre établissements. C'est
un vrai défi pour demain.
En quelque mots, que savez-vous des implications de
l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ? Est-ce un
sujet auquel vous vous intéressez ?
Ce n'est pas un sujet auquel je me suis
intéressée de façon systémique. Je ne me suis pas
demandée comment j'allais le développer dans mon
établissement. En revanche effectivement nous en sommes entourés
et cela infuse tous les domaines : le domaine de la technologie médicale
est probablement le plus mature et développé dans certaines
activités comme l'imagerie et la chirurgie. Dans le domaine
administratif, dans les outils qu'on nous propose, on voit désormais des
systèmes qui intègrent l'intelligence artificielle.
Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s)
(positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?
Spontanément, je n'ai pas d'appréhension
négative quant à l'intégration de l'intelligence
artificielle à l'hôpital. Je vois une vigilance à avoir
pour les intégrer à bon escient et faire en
114
sorte que cela puisse être des technologies
complémentaires, qui viennent en appui d'une stratégie. Je ne
crois ni à l'outil pour l'outil ni au process pour le process, il faut
toujours valider le but qu'ils poursuivent.
L'hôpital est un gros employeur et l'intelligence
artificielle va assurément supprimer certains métiers, y compris
les plus élevés dans la hiérarchie des compétences.
A terme, on peut tout à fait imaginer que la machine pourra prendre des
décisions stratégiques, poser un diagnostic et prescrire un
traitement par exemple. Mon rôle de DRH est d'accompagner les
professionnels dans ces changements pour qu'ils puissent s'adapter et les vivre
le plus sereinement possible.
Quant à mon métier de DRH, il existe
déjà de nombreux outils pour automatiser les process RH, pour
développer les échanges avec les professionnels, des algorithmes
permettant de faire des recrutements, de la gestion prévisionnelle des
métiers et des compétences, etc.
D'après vous, quelles sont les actions
à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans
votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus
spécifiquement à l'intelligence artificielle à court,
moyen et long terme ?
Il faut vraiment qu'il y ait une vision, une
stratégie, il faut toujours avoir ça en tête quel que soit
son niveau hiérarchique ou fonctionnel. Il ne faut pas céder
uniquement au côté « gadget » qui peut plaire à
certains ou, au contraire, en rebuter d'autres. Si on l'intègre dans une
réflexion générale, alors il peut y avoir de nombreux
bénéfices et on peut partager cette approche avec l'ensemble de
la communauté hospitalière. À un moment donné on
veut développer une politique. Pour la mettre en oeuvre on va avoir
besoin d'un outil. Qu'il y ait, ou pas, de l'intelligence artificielle dans
l'outil ne change pas la donne ni la manière de procéder.
115
On parle d'intelligence artificielle en comparaison de
la vision/perception que nous avons de l'« intelligence » humaine. Si
toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées aux
machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre ?
Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ? Jusqu'où
doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide à la
décision ?
Je ne suis pas experte du domaine mais je pense que la
machine peut aller beaucoup plus loin que l'homme en matière
d'intelligence pure. On est au-delà du simple modèle
mathématique que peut sortir un ordinateur : on est sur une
décision, a priori la meilleure, sans biais et validée par la
prise en compte de paramètres beaucoup plus nombreux que ne peut en
contenir un cerveau humain. Cela peut être très intéressant
pour sécuriser. La qualité et la sécurité des soins
sont attendus de la part de la population et des professionnels. L'intelligence
artificielle peut nous aider à sécuriser encore davantage les
pratiques.
On parle également beaucoup aujourd'hui du risque de
perte d'humanité dans les établissements. C'est ce que les
professionnels mettent en avant durant les grèves : le manque de moyens
dans les hôpitaux, qu'on n'a plus forcément de temps pour prendre
en charge les patients, pas uniquement sur le plan technique, mais surtout sur
le plan humain. Si on pouvait transmettre des qualités humaines aux
machines, je pense qu'il y faudrait prioriser le respect, l'éthique,
l'écoute et la bienveillance. Toutes ces choses qui participent au
prendre soin et qui sont des valeurs essentielles des professionnels de
santé en général. Lors d'enquêtes ou dans les
groupes de réflexion qui existent à l'hôpital, ce sont
souvent ces termes qui ressortent. On ne travaille pas à l'hôpital
par hasard, quel que soit son poste. C'est parce qu'on a conscience et envie
d'incarner ces valeurs-là.
Partie 2 : métiers concernés et
accompagnement
En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils
accompagnés ? Comment souhaiteraient-ils être accompagnés ?
Quel accompagnement spécifique, s'il y en a un, les institutions et les
directions d'établissement souhaitent-elles mettre en place
?
Je ne suis pas sûre aujourd'hui qu'il y ait des modules
spécifiques aux outils dotés d'intelligence artificielle dans la
formation initiale des médecins. Il y a des diplômes
universitaires qui commence à se développer et certains
médecins demandent à être
116
accompagné pour effectuer ce type de formation. Le plan
de formation médicale peut nous aider à les accompagner dans
cette voie mais il faudrait davantage les inciter. Aujourd'hui ce sont souvent
les éditeurs et les fournisseurs qui accompagnent. Quand on fait le
choix d'acheter un équipement il y a toujours une partie
paramétrage et formation des utilisateurs qui est comprise. Certains
sont très bons là-dedans et les formations sont de
qualité. Je pense notamment aux robots chirurgicaux : la formation,
d'après ce que j'en sais, est vraiment robuste pour former les
utilisateurs.
En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus
spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ? Comment
souhaiteraient-ils être accompagnés ? Quel accompagnement
spécifique, s'il y en a un, les institutions et les directions
d'établissement souhaitent-elles mettre en place ?
C'est très difficile de généraliser mais
majoritairement ils n'envisagent pas l'évolution de leur métier.
Chaque année il y a un entretien professionnel qui est effectué
avec tous les agents paramédicaux qui porte sur l'année qui vient
de s'écouler, les faits marquants, la manière de servir, les
objectifs atteints/non atteint et ceux à atteindre pour l'année
à venir. C'est suivi par un entretien de formation où justement
on va faire le point avec la personne sur ses besoins de formation : soit pour
acquérir des compétences qui lui manquent par rapport à sa
fonction, soit pour développer elle-même certaines
appétences ou pour accompagner un projet professionnel. Force est de
constater que le personnel en général est assez peu acteur de son
parcours de formation. On demande aux personnes de venir avec un projet, avec
une proposition et ils ne le font que rarement. Pour ceux qui le font, je vois
très peu de demandes liées aux nouvelles technologies ou à
l'intelligence artificielle. Je pense que ce n'est pas quelque chose qui
intéresse pour le moment ou qui puisse être perçu comme
pouvant être aidant pour l'exercice de sa profession, pour le
développement de sa compétence et pour l'avenir.
117
En fonction des impacts (positifs/négatifs) des
nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires
médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés
?
C'est la même chose pour ces fonctions-là. Les
demandes qu'on a sont des souhaits de formations classiques : les bases des
outils bureautiques, se former sur des logiciels métier existants mais
assez peu d'autres demandes de formation. Côté cadres, que ce soit
les cadres de santé ou les cadres administratifs, c'est
différent. J'ai en tête un exemple qui m'a interpellé et
que justement j'ai trouvé très intéressant : c'est une
personne qui est formatrice à l'institut de formation des
aides-soignants, qui a un projet pour évoluer et passer sur une fonction
cadre. Au-delà de développer ses capacités et ses
compétences en pédagogie et en encadrement, elle s'est
tournée vers une formation qui intégrait aussi des nouvelles
technologies. J'ai trouvé ça très intéressant parce
que justement dans la formation, il faut aller chercher du côté
des nouvelles technologies. Son choix de formation est quelque part lié
à la crise sanitaire : les instituts de formation ont dû mettre en
place dans l'urgence des formations à distance. Elle avait
l'appétence pour et elle a vu qu'elle allait de plus en plus pouvoir le
mobiliser dans ses fonctions. Son cheminement est vraiment
intéressant.
Je ne vois pas aujourd'hui de démarche
générale et d'effet d'entraînement. Chaque formation est
« outil dépendant ». S'il y a un outil qui est mis en place
dans un groupement hospitalier de territoire, il va y avoir des formations
mises en place autour de cet outil. On part de besoins très
spécifiques ou d'une stratégie sur un domaine en particulier mais
il n'y a pas cette dynamique qui consisterait à dire : « le
groupement hospitalier de territoire ou l'établissement met l'accent sur
les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle aujourd'hui
».
118
Annexe 8 : Interview David Gruson
ENTREVUE DAVID GRUSON, Directeur Programme Santé Jouve /
Fondateur d'Ethik-IA
Partie 1 : Questions générales -
contexte personnel
Avez-vous déjà changé de contexte
professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples ?
J'ai envie de dire oui et non. En fait, je n'ai pas
changé de contexte professionnel, j'ai toujours évolué
dans un environnement qui touche au secteur sanitaire et médico-social
avec une notion de numérique. Ça a toujours été la
toile de fond, une toile de fond stable en termes de champs d'intervention
professionnelle mais avec des postes et des organisations d'accueil
différents : que ce soit la direction d'établissement de
santé au CHU de la Réunion, la contribution à des
fonctions nationales pendant ma phase de Matignon ou durant mes phases de
présence à la cour des comptes et les fonctions
opérationnelles maintenant dans le champ du numérique dans le
secteur privé mais c'est bien la même trame de fond
professionnelle.
Si non, êtes-vous prêt à changer
d'établissement ou à passer par un détachement hors de
votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels
et ainsi pérenniser votre employabilité dans différents
types d'établissements ?
Pas tout de suite. Je suis sur un projet qui doit être
mené sur la durée pour réussir mais évidemment
l'environnement de numérique en santé requiert de la
mobilité.
Quels sont selon vous les bénéfices des
changements de contexte professionnel ?
Il n'y a pas que des bénéfices. II ne faut pas
perdre de vue qu'il peut y avoir des changements professionnels contraints.
J'ai la chance de n'en avoir connus que peu. Je considère que c'est
plutôt bien d'avoir une phase d'évolution et de mobilité.
Il ne faut pas non plus tomber dans l'écueil de la surmobilité
qui est un peu une caractéristique de l'époque actuelle. A moins
que je n'aie pas les bons référents, ce qui est possible,
adaptés à l'époque mais j'ai toujours plutôt
considéré qu'il fallait rester au moins deux ans dans un job pour
apporter quelque chose. Après cela dépend comment on compte.
Quelle est l'unité de temps ? Je vois dans le contexte privé
119
du développement de l'activité économique
que l'unité de temps n'est pas tout à fait la même, de la
même manière que l'unité de temps à Matignon,
où on était plutôt sur de la durée, n'était
pas tout à fait la même. Arrive le seuil au-delà duquel il
faut bouger pour pouvoir apporter dans un environnement nouveau. Il faut savoir
le déterminer er en fonction de l'organisation. Quand j'étais au
CHU de la réunion, je considérais que 4 ans c'était une
bonne durée. Je n'ai jamais fait plus de 4 ans dans un job. Je ne sais
si on considère que c'est court.
Selon-vous, votre métier est-il amené
à changer dans les prochaines années ? Quels sont les changements
à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies
?
Cela dépend du métier. Je serais assez en peine
de dire le métier que je fais. En tout cas le champ numérique et
santé bouge beaucoup. Par construction il est intrinsèquement
lié aux mutations des nouvelles technologies puisqu'une partie
essentielle de mon job est d'en produire. L'avenir des fonctions que j'exerce
aujourd'hui est lié aux changements que ces nouvelles technologies
apporteront ou n'apporteront pas sur la société dans son
ensemble.
En quelque mots, que savez-vous des implications de
l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ? Est-ce un
sujet auquel vous vous intéressez ?
Je m'y intéresse avec un angle particulier. Même
si j'ai eu quelques rudiments de formation à l'ia d'un point de vue
technique, je ne suis pas un informaticien. Je regarde le sujet du point de vue
de ses applications pratiques et de son impact sur les métiers. Avec les
fonctions que j'occupe aujourd'hui, je travaille avec des développeurs
pour entrer plus concrètement dans la turbine concrète de
production de ces algorithmes.
Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s)
(positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?
S'il n'y a pas d'lA, je n'ai plus de métier. Mon
métier c'est de faire de l'IA donc l'impact est assez puissant.
120
D'après vous, quelles sont les actions à
mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans votre
quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus
spécifiquement à l'intelligence artificielle à court,
moyen et long terme ?
C'est aussi une méta question mais c'est
intéressant pour moi ! Comme une partie de mon travail consiste à
aider les gens à accompagner ces évolutions, l'accompagnateur des
évolutions d'une certaine manière doit s'imbiber des
évolutions des métiers des autres elles-mêmes. Là
où il y a une répercussion sur ce que l'on fait c'est qu'il faut
qu'on prenne en compte, dans les technologies qu'on développe et les
protocoles de déploiement qu'on met en place, leur
appropriabilité par les professionnels sur le terrain. C'est là
où il faut avoir ce méta raisonnement : on peut avoir des supers
technologies hyper efficaces, si elles ne sont pas appropriables ou si elles ne
correspondent pas au temps d'évolutions des métiers, on sera
à côté de la plaque. Je prends un exemple précis de
ce que l'on fait avec Jouve sur l'IA d'automatisation de l'admission. On
travaillait depuis juillet 2019 sur une version très dense
technologiquement de solution d'IA allant très vite avec un process
d'automatisation assez complet de l'admission et en fait le Covid 19 a
amené une demande forte plus urgente un peu moins aboutie
technologiquement et on s'aperçoit que c'était la bonne
manière de faire pour qu'elle soit appropriée par les personnels
des admissions qui là maintenant sont prêts à admettre la
2ème étape technologique. Il y a à graduer la
densité technologique avec son appropriation sur le terrain.
On parle d'intelligence artificielle en comparaison
de la vision/perception que nous avons de l'« intelligence » humaine.
Si toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées
aux machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre
? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ?
Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide
à la décision ?
Il y a dans la question un présupposé qui
mériterait d'être remis en perspective qui est l'idée que
nous serions forcément meilleurs que les machines. En fait, sur toute
une série de processus, elles sont bien meilleures que nous. La
principale qualité humaine à transmettre aux machines et sur
l'essentiel des processus est la qualité à déléguer
ces processus aux machines. Ça ne vaut pas dire, et c'est cela le sens
du principe de garantie humaine qu'on a porté avec Ethik-IA qu'il faut
les laisser agir sans supervision et c'est là que se pose la question de
jusqu'où doit aller la machine. Elle doit aller jusqu'où on lui
dit d'aller et il faut qu'elle reste
121
sous supervision et que son intensité et son
degré d'exposition qu'elle emporte notamment dans le champ santé
pour la sécurité des patients apaisés, il faut avoir des
processus de garantie humaine un peu cadrés. C'est ce qu'on fait en
déployant des collèges de garantie humaine avec les premiers cas
pilotes qui se mettent en place dans le domaine dentaire sous l'égide de
l'union française pour la santé bucco-dentaire. Il y a tout un
champ de réflexion aujourd'hui sur la cognition en IA pour
l'appropriation des émotions par l'IA. La question est de savoir si l'IA
deviendra un jour ou pas consciente. Je pense que ce sont de beaux
débats mais qui n'ont pas de portée opérationnelle. Tout
dépend de la définition que l'on met derrière les termes.
Pour moi la question de la conscience est réglée au sens
où une machine qui est capable de prendre des décisions à
partir d'informations qu'on lui donne et de faire en partie de manière
autonome agit selon un processus conscient. Mais ce n'est pas la conscience
comme on l'entend nous et d'ailleurs comme on l'entend à tort, comme
quelque chose de spécifiquement humain. Il y a toute une série
d'êtres vivants qui sont conscients et qui pourtant ne sont pas humains.
La conscience n'est pas spécifiquement humaine. Si on doit le
définir un peu plus platement, c'est un processus par lequel une
entité réalise ce qu'elle est en train d'effectuer. Et là,
l'IA, quand elle exécute un process algorithmique, quand elle descend
une chaine décisionnelle, elle réalise parfaitement qu'elle est
en train d'exécuter le processus algorithmique. Simplement, à la
différence de nous, elle n'y met pas ce que l'on appelle des
émotions. Là aussi il faudrait aller un peu plus finement dans la
définition et c'est là où s'arrête ma
compétence. Comme régulateur de l'IA, je vois plutôt du
danger à ce que l'on cherche à inculquer de l'émotion
humaine à l'intelligence artificielle. Cela risque de la dérouter
de son rationalisme et cela risque de nous donner « bonne conscience
» en se disant que comme elle se rapproche de nous, on va la laisser
décider. Je pense que c'est une erreur d'analyse. Il faut la garder sous
revue humaine qui elle implique du non rationnel et de l'émotion. Pour
une bonne régulation éthique, c'est plutôt notre
matière à nous. Cela m'inquiéterait beaucoup de savoir que
l'IA ait des émotions. Les deux extrêmes du sujet sont
inquiétants : un extrémisme rationaliste serait une IA dangereuse
et une IA émotionnelle et fleur bleue qui verserait des larmes à
chaque fois qu'elle aurait des décisions compliquées serait tout
aussi dangereuse. Restons sur une ligne de partage qui est à peu
près claire à ce stade-ci de l'évolution de la
technologie. Évidemment elle va se brouiller au fil du
développement des machines. On a des machines qui exécutent des
process algorithmiques à partir de traitement de données dans une
dynamique rationnelle par essence et nous, humains régulateurs, essayons
de positionner le principe de garantie humaine qui peuvent intégrer des
éléments irrationnels.
122
Partie 2 : métiers concernés et
accompagnement
En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils
accompagnés ? Comment souhaiteraient-ils être accompagnés ?
Quel accompagnement spécifiques les décideurs du secteurs
santé (institutions/directeurs) souhaitent-ils mettre en place
?
C'est un sujet sur lequel il y a une prise de conscience
réelle. L'IA faisait peur, elle fait encore un peu peur mais les choses
changent. Il y a une bascule qui s'opérait déjà au
deuxième semestre 2019 que le Covid 19 a encore accentué sans
doute. Il y a une demande très forte d'accompagnement qui sera vu par
l'inclusion de l'IA dans les orientations prioritaires de développement
professionnel continu. On a exécuté avec Ethik-IA les premiers
programmes de DPC médical pendant le confinement. De la même
manière, il y a une demande croissante d'accompagnement des
institutions, des directeurs sur la connaissance de ces outils. Sur le type
d'accompagnement, il y a ce qu'ils verbalisent comme étant leur demande
d'accompagnement et il y a sans doute ce qui est sans doute ce dont ils ont
besoin. Ce qu'ils verbalisent souvent, c'est « on veut comprendre »
et ces demandes-là, il faut les reformuler : « on va vous aider
à comprendre. Il est bien clair que votre job n'est pas d'être un
algorithmicien. Il faut que vous compreniez à quoi cela sert, quels sont
les recours, quels sont les enjeux éthiques, comment est-ce qu'on les
régule et comment ces technologies peuvent vous aider pour renforcer la
valeur ajoutée de votre organisation, améliorer la qualité
de la prise en charge des patients et ce qu'on peut en déduire sur
l'évolution de vos métiers qui est un champ en soi.
En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus
spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ? Comment
souhaiteraient-ils être accompagnés ? Quel accompagnement
spécifiques les décideurs du secteurs santé
(institutions/directeurs) souhaitent-ils mettre en place ?
Évidemment c'est à peu près la
même toile de fond avec un point complémentaire qui est majeur,
pas encore tout à fait vu dans le débat public mais majeur qui
est que la diffusion des technologies algorithmiques en santé est
parallèle au déverrouillage des délégations de
123
compétences et des pratiques avancées pour les
professions paramédicales. En fait, on a bien deux mouvements qui sont
distincts mais très connexes, qui s'irriguent l'un l'autre qui sont pour
élargir le champ d'intervention des infirmières. On
déploie pour la région Auvergne - Rhône Alpes le premier
programme de formation numérique à l'IA pour les 12.000
élèves de leurs instituts paramédicaux. On commence cette
année par un programme d'IA pour les infirmiers de pratique
avancée. On voit qu'il y a un vrai changement, non pas simplement des
outils utilisés mais du coeur du métier. L'IA va être -
elle l'est déjà - un adjuvant très puissant à
l'extension des compétences de ces professions paramédicales en
permettant d'accéder à des éléments de diagnostic
médical sous intermédiation d'une profession paramédicale.
Il y a là à réfléchir sur tout ce que cela
amène en termes de gain d'accessibilité au soin pour les
patients, d'enrichissement des pratiques professionnelles de ces professions
paramédicales mais aussi à tout cela requiert comme besoin de
régulation médicale. On retrouvera les besoins d'avis de
spécialistes sans doute en fin de parcours. Cela se codifie et cela se
regarde quasiment spécialité par spécialité et non
pas simplement à un instant T mais au fil du temps et de
l'évolution technologique. C'est un message plus général
sur l'impact RH de l'IA c'est que toute prédiction au-delà de
trois à cinq ans n'a aucun sens pratique vu le rythme de l'innovation.
Ce sont plutôt des méthodologies d'évaluation continue de
ces impacts qu'il faut regarder.
En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires
médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés ?
Comment souhaiteraient-ils être accompagnés ? Quel accompagnement
spécifiques les décideurs du secteurs santé
(institutions/directeurs) souhaitent-ils mettre en place ?
Il faut de l'évaluation continue. Dans le débat
public sur l'IA, depuis 2/3 ans, on s'est beaucoup focalisé sur quelques
professions médicales, les radiologues notamment, en annonçant
leur disparition, ce qui était évidemment une erreur d'analyse.
On le sait maintenant. Des spécialités médicales
menacées de disparition rapide, il y en a en fait très peu. La
seule que j'identifie, c'est l'anatomopathologie qui va sans doute se
redispatcher sur l'imagerie et sur l'oncologie. Pour le reste, il n'y pas
d'annonce fracassante de disparition de spécialité
médicale à faire. En revanche, sur les fonctions du back office,
personnel administratif / secrétaires médicales / agents
d'accueil et fonctions d'admissions, là, la rupture est très
nette et beaucoup plus rapide que ce qu'on pense. L'effet de la technologie et
l'effet de la Covid 19 amènent à générer des
impératifs de distanciation physique. C'est un stimulus de court terme,
peut-être.
124
Le court terme depuis 6 mois devient du moyen terme mais c'est
un stimulus très puissant qui va amener des recompositions très
fortes pour le back office du système de santé. Ce n'est pas
très étonnant au fond : quand on avait fait une étude sur
les impacts RH de l'IA pour l'institut Montaigne en 2019, on constatait
déjà, on l'avait pronostiqué, que le champ de
développement sans doute le plus rapide en termes d'impacts RH pour l'IA
en santé serait les fonctions de back office. On y est. En août
2020, il y a une rupture massive et on fait toujours le même constat
qu'il y a dix-huit mois qui est que ça reste un sous-objet du discours
public et cela reste un sous-objet des stratégies d'accompagnement
à la conduite du changement. Les choses évoluent aussi un petit
peu, il y a des structures plus avancées que d'autres mais sur ces
fonctions support, administration, logistique, transport malade, logistique
médicotechnique, il y a un vrai plan de transformation massive qui est
en cours avec évidemment des impacts RH possiblement très
puissants.
Voilà un peu le tableau en résumé. C'est
un tableau qui bouge. La fonction RH doit s'y adapter. Il y a des
métiers nouveaux qui émergent qui sont ceux, cette fois, auxquels
on pensait : data scientist, manager de données, l'évolution des
métiers de l'information médicale, les métiers strictement
nouveaux, ceux qu'on ne connaissait pas en tant que tel, apparaissent moins. Je
pense qu'il va y avoir un champ de jobs nouveaux, de missions nouvelles autour
de la garantie humaine de l'IA maintenant que le principe est reconnu, au
croisement de la politique qualité et des fonctions de DPE. On va
être sur des emplois de niche d'animation de fonctions. Il y a en tout
cas un enjeu majeur d'accélérer l'accompagnement à la
transformation RH du numérique et de l'IA en santé.
125
Annexe 9 : QUESTIONNAIRE VIERGE PERSONNEL MEDICAL / PERSONNEL
NON MEDICAL
Rappel des éléments contextuels :
· Mémoire RH Elisabeth Berthelot
· Sujet du mémoire :
Quels sont les rôles et missions de la fonction RH
pour mettre en oeuvre les formations liées à l'impact de la
diffusion de nouvelles technologies dotées d'intelligence artificielle
sur certains métiers dans le plan de développement des
compétences des établissements de santé en France
?
· Public concerné : Jury de DRH ne
connaissant pas spécifiquement les questions d'intelligence artificielle
ni le secteur santé
La transcription de l'entretien sera annexée au
mémoire. Elle peut être rendue anonyme.
Partie 1 : Questions générales - contexte
personnel
12. Avez-vous déjà changé de contexte
professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples ?
13. Si non, êtes-vous prêt à changer
d'établissement ou à passer par un détachement hors de
votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels
et ainsi pérenniser votre employabilité ?
14. Quels sont selon vous les bénéfices des
changements de contexte professionnel ?
15. Selon-vous, votre métier est-il amené à
changer dans les prochaines années ?
16. Quels sont les changements à envisager
spécifiquement liés aux nouvelles technologies ?
17. Que savez-vous des implications de l'intelligence
artificielle dans le domaine de la santé ?
18. Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s)
(positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?
126
19. D'après vous, quelles sont les actions à mettre
en place pour anticiper l'évolution des changements dans votre quotidien
professionnel liés aux nouvelles technologies et plus
spécifiquement à l'intelligence artificielle ?
· A court terme
· A moyen terme
· Sur le long terme
20. On parle d'intelligence artificielle en comparaison de la
vision/perception que nous avons de l'« intelligence » humaine. Si
toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées aux
machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre ?
Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ? Jusqu'où
doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide à la
décision ?
Partie 2 : questionnaire spécifique
métiers professionnels de santé
21. Êtes-vous accompagné aujourd'hui dans les
changements de votre métier liés aux nouvelles technologies et
notamment celles dotées d'intelligence artificielle ? Si oui, comment
?
22. Comment souhaiteriez-vous être accompagné d'une
manière générale ? Pour les changements liés
directement ou directement à la mise en place de nouvelles technologies
?
127
Annexe 10 : Interview PM/PNM Stéphanie Quesnel
ENTREVUE Stéphanie Quesnel, Docteur en Chirurgie ORL et
cervico-faciale pédiatrique Hôpital Robert Debré (AP-HP) /
hôpital américain / clinique Ambroise Paré / cabinet
libéral
Avez-vous déjà changé de contexte
professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples
?
Oui. J'ai travaillé et je travaille encore à
l'assistance publique des hôpitaux de Paris, j'ai un cabinet
libéral en ville, je travaille à l'hôpital américain
et je travaille aussi en clinique. Ça fait 4 structures de soins
différentes, qui ne fonctionnent pas de la même manière et
qui n'ont les mêmes perspectives en termes d'activités et
d'objectifs de soin finalement et pas les mêmes budgets non plus pour
faire fonctionner toutes les structures.
Si non, êtes-vous prêt à changer
d'établissement ou à passer par un détachement hors de
votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels
et ainsi pérenniser votre employabilité ?
Non, je ne peux pas changer plus et faire d'autres choses encore
.
Quels sont selon vous les bénéfices des
changements de contexte professionnel ?
En médecine c'est essentiellement d'enrichir les
connaissances et les pratiques, voir comment les autres travaillent et comment
travailler les uns avec les autres. A l'hôpital on travaille plus par
équipe alors que dans le privé on travaille plus chacun pour soi.
Ça change quand même énormément les pratiques et les
échanges entre les professionnels. Ça permet aussi,
au-delà de sa spécialité, d'élargir le
réseau et d'apprendre sur chaque spécialité ce qui peut
aider aussi après à pouvoir fonctionner et travailler ensemble
pour traiter une personne dans sa globalité et pas appareil par
appareil.
128
Selon-vous, votre métier est-il amené
à changer dans les prochaines années ?
En ORL probablement en partie, pas sur toutes les parties. En
chirurgie je pense peu. En consultation peut-être, et encore, c'est assez
limité. Je l'ai vu dans le cadre de la téléconsultation
pendant le confinement. On n'est pas une spécialité qui est
adaptée aux outils numériques, en tout cas actuellement. Pour
certaines spécialités, ça marche pour la mienne, ça
ne fonctionne pas.
Quels sont les changements à envisager
spécifiquement liés aux nouvelles technologies ?
Il y a la téléconsultation. En ORL, c'est
limité ou alors il faudrait des outils où les gens puissent par
exemple montrer l'intérieur d'une oreille. La bouche, on peut
l'examiner. Une oreille, ce n'est pas possible. Il y a quand même de
fortes limitations. Tout ce qui est tests auditifs et explorations
physiologiques, on ne peut pas les faire non plus. Ce qui est le plus
développé dans ma spécialité, c'est la chirurgie
robotique. La chirurgie robotique, ce n'est pas vraiment de l'intelligence
artificielle. C'est plus une aide à la pratique. C'est de la belle
technologie mais il y a quand même aujourd'hui encore besoin de l'humain
derrière qui fait fonctionner le robot. Ce n'est pas une intelligence
artificielle autonome.
Que savez-vous des implications de l'intelligence
artificielle dans le domaine de la santé ?
C'est surtout utilisé en radiologie où il y a
des logiciels qui, avec les images, sont capables de faire des diagnostics
radiologiques. C'est de la vraie autonomie. Certains sont en train de
créer des robots qui peuvent analyser les images aussi bien, a priori,
qu'un radiologue même si pour le moment il y a quand même une
relecture humaine. Concernant l'analyse d'images établies en ORL, la
question c'est qui fait la radiologie ?
· Si on parle de fibroscopie ou d'examen un peu invasif
- on passe quand même des caméras dans le nez et dans la gorge et
ça je ne vois pas un robot le faire - la lecture seule des images
pourrait être analysée auquel cas il faut que les examens soient
tous faits de la même manière. Par exemple de commencer par la
fosse nasale droite puis par la fosse nasale gauche, qu'il y ait une sorte de
systématisation. Je ne suis pas sûre que la machine puisse
s'adapter si tu commences un coup à droite, un coup à gauche.
C'est peut-être possible mais cela me semble un peu compliqué.
·
129
Si on parle d'analyse d'images de tympan, oui peut-être
parce que c'est une image fixe. On te dit otite, pas otite, poche de
rétraction ou pas... concernant certaines pathologies cela peut
être possible. Encore une fois, qui va prendre l'image, c'est plus
l'accès à l'image. Aujourd'hui c'est l'ORL qui le fait. Je ne
pense pas qu'il puisse y avoir une machine qui le fasse. Déjà
c'est tout bête mais il ne faut pas qu'il y ait de bouchon de
cérumen. Qui retire le bouchon pour voir le tympan derrière quand
l'accès est bloqué. Dans ma spécialité, c'est un
peu plus limité que dans d'autres spécialités qui ont plus
besoin de radiologie pure où là les diagnostics sont faits plus
rapidement ou le cardiologue pour des analyses de battement cardiaque,
d'enregistrements d'électrocardiogrammes parce que ce n'est pas invasif.
C'est le côté invasif qui pose des limites à l'intelligence
artificielle. Peut-être qu'on y arrivera mais aujourd'hui cela me semble
compliqué.
Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s)
(positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?
Pour les diagnostics simples c'est un gain de temps et cela
permet de se concentrer sur des choses plus compliquées. Si
l'intelligence artificielle est formatée pour rentrer dans des cases,
avec des arbres décisionnels parfois cela ne rentre pas dans les cases.
Est-ce que l'intelligence artificielle sera capable de mettre tout bout
à bout et de sortir un diagnostic cohérent si cela ne rentre pas
dans les cases ? Il y a un problème que je trouve important, qui est le
même que pour la téléconsultation, c'est le cadre
éthique et juridique. Qui est responsable ? On n'est pas en usine
où si on se trompe sur une pièce ou si c'est défectueux on
change. Si tu te trompes de diagnostic ou si tu donnes un mauvais traitement,
ou s'il y a des effets secondaires importants, qui est responsable ? Ce ne sera
pas l'intelligence artificielle. C'est plus le côté éthique
et responsabilités qui est assez flou. Je ne sais pas si c'est
déjà défini. Qui est responsable en cas d'erreur ? Les
fabricants de machine se dédouaneront forcément sur celui qui a
utilisé l'intelligence artificielle. Il faut que ce soit
déterminé dans un cadre strict : vers qui se tourner quand il y a
un problème ou un bug. L'humain fait des erreurs donc la machine en fera
aussi après à quel degré ? Ce ne sera certainement pas
pire que l'humain mais pas mieux non plus. On verra.
130
D'après vous, quelles sont les actions à
mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans votre
quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus
spécifiquement à l'intelligence artificielle ? A court terme,
moyen et sur le long terme.
A court terme, plus de communication. Je trouve qu'il n'y en
a pas ou alors je ne me documente pas bien. Je trouve que ce n'est pas
très facile de trouver des articles sur ce sujet. A l'hôpital, il
n'y en a pas trop mis à part le robot, que ce soit à l'assistance
publique ou à l'américain.
A moyen terme, ce sera de faire des conférences, qu'il
y ait vraiment des formations faites sur le sujet. Dans nos formations
médicales continues, ce n'est jamais proposé. En tout cas pas
encore aujourd'hui. C'est plus sur les termes pratiques, sur de la clinique
pure. Il y a également des formations de robotique. J'ai fait une
formation de robotique mais il faut aller la chercher. Il faut faire un DU en
plus. Ce sont les fabricants du robot qui te forment. Au niveau du conseil de
l'ordre, ce n'est pas des choses qu'ils proposent facilement. Ce n'est pas bien
rentré dans les formations.
Sur le long terme il faut des formations pratiques et
juridiques dispensées par des professionnels. C'est bien gentil du
côté des fabricants, ils ont une idée du comment ça
fonctionne mais il faut toujours que ce soit mis en pratique et voir les
problèmes que cela pose au quotidien, la facilité d'utilisation,
le rendu du diagnostic, etc. Par exemple, même si ce n'est pas vraiment
de l'intelligence artificielle, je ne faisais pas du tout de
téléconsultations. Tout disait que c'était super mais
ça a vraiment ses limites. Pour s'y former on est un peu
lâché dedans alors l'intelligence artificielle ça risque
d'être un sacré carnage.
On parle d'intelligence artificielle en comparaison
de la vision/perception que nous avons de l'« intelligence » humaine.
Si toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées
aux machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre
? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ?
Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide
à la décision ?
Tout ce qui est rigueur et professionnalisme, on peut
l'inculquer à une machine. Il n'y a pas plus carré à
faire. Après dans le domaine de la médecine, ce qui manquera
toujours c'est ce que les gens demandent : de l'empathie et de l'écoute.
C'est le côté humain. Les gens aiment bien, quand on les a en
consultation, qu'on prenne le temps de les écouter et qu'on interagisse
avec eux. Après je ne sais pas si l'intelligence artificielle pourra
remplacer ce côté humain de
131
la médecine et de l'échange. Je trouve que c'est
la limite. Sur tout ce qui est diagnostic et rigueur, si cela rentre dans des
cases, la machine peut faire aussi bien que l'humain. C'est le
côté humain et empathie qui manquent.
En quoi cela me parait possible ? Possible, je ne sais pas.
Je pense que c'est plus une aide au diagnostic, un outil complémentaire
qu'un remplacement d'actes ou de spécialités. L'intelligence
artificielle on doit pouvoir s'appuyer dessus pour aider à progresser,
pour être meilleur en diagnostic ou en résolution de
problème ou de chirurgie mais vraiment comme une aide. Il ne faut pas
que ça remplace ce qui existe déjà.
Êtes-vous accompagné aujourd'hui dans
les changements de votre métier liés aux nouvelles technologies
et notamment celles dotées d'intelligence artificielle ? Si oui, comment
?
Non, pas d'accompagnement. C'est non, c'est très
clair.
Comment souhaiteriez-vous être
accompagné d'une manière générale ? Pour les
changements liés directement ou directement à la mise en place de
nouvelles technologies ?
Surtout par des formations. Qu'on soit au courant de
formations qui existent, des diverses opportunités : des projets en
cours de façon générale et par spécialité.
C'est surtout notre spécialité qui nous intéresse plus que
l'intelligence artificielle en général. Les radiologues sont les
plus avancés en termes de lecture et de diagnostic. Dans les autres
spécialités, je ne vois pas ou je n'en ai pas connaissance.
Aucune information sur ce sujet n'est donnée, que ce soit à
l'AP-HP, à l'Américain, à la clinique ou au travers de
l'activité en libéral. On a des informations dans les journaux
scientifiques en étant abonné mais comme je ne reçois et
ne lis essentiellement que de l'ORL, les seules nouveautés sont sur la
chirurgie robotique.
Concernant les outils d'aide à la décision,
j'aimerais bien voir et comparer, faire mon diagnostic et voir l'intelligence
artificielle te fait penser à quelque chose auquel tu n'aurais pas
pensé parce que tu ne l'as jamais vu ou jamais rencontré dans ta
pratique.
En médecine on a l'habitude de s'adapter tout le temps
dans nos pratiques.
132
Annexe 11 : Interview PM/PNM Pauline Cuisine
ENTREVUE PAULINE CUISINE, Infirmière, Centre
Médico-Psychologique de Villefontaine, Établissement de
Santé Mentale « Portes de l'Isère »
(Établissement de santé privé d'intérêt
collectif)
Partie 1 : Questions générales -
contexte personnel
Avez-vous déjà changé de contexte
professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples
?
Oui. J'ai changé de contexte professionnel. J'ai
changé trois fois de métier dans le privé, dans le
marketing. Ensuite dans le soin, j'ai travaillé à
l'hôpital, en pédopsychiatrie, en libéral, en addictologie,
en précarité et en psychiatrie.
Si non, êtes-vous prêt à changer
d'établissement ou à passer par un détachement hors de
votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels
et ainsi pérenniser votre employabilité ?
Oui, je suis très pour le changement. C'est même
quelque chose qu'on nous a appris à l'école. Le burn-out
professionnel existe dans le soin, comme partout, et au lieu d'attendre, il
faut changer. L'avantage de mon métier c'est qu'il y a de nombreuses
possibilités différentes. Infirmière, c'est très
résumé par rapport à tout ce qu'on fait, à tous les
métiers qu'il y a derrière. Le changement ne me fait pas peur.
J'ai changé plusieurs fois de structure entre l'hôpital,
l'associatif, le privé à but non lucratif, le libéral et
je le referai.
Quels sont selon vous les bénéfices des
changements de contexte professionnel ?
Les bénéfices des changements sont la remise en
question, étoffer son réseau, changer de pratique,
améliorer sa qualité de soin, éviter la routine.
133
Selon-vous, votre métier est-il amené
à changer dans les prochaines années ?
Je suis infirmière en santé mentale, c'est
particulier. Oui le métier va changer et grâce aux soignants.
L'année prochaine, je vais peut-être devenir infirmière
zoothérapeute. Il existe une formation de 10 jours qui coûte
1900€ qui est uniquement ouverte aux soignants et aux praticiens du social
à l'institut français de zoothérapie. C'est un
métier à double compétences.
Quels sont les changements à envisager
spécifiquement liés aux nouvelles technologies ?
Je ne sais pas. J'utilise peu les nouvelles technologies dans
mon travail. On nous parle en formation d'applications pour les patients mais
je ne connais pas aujourd'hui ce qui existe.
Avec le dossier patient informatisé, le changement, ce
serait que cela fonctionne correctement. Le changement qu'il faudrait faire, ce
serait d'impliquer les soignants dans le projet de structuration de l'outil. Je
l'utilise depuis peu de temps pour des évaluations. Il y a un
questionnaire qui s'appelle risque/urgence/danger par rapport au risque
suicidaire et je me fais un point d'honneur à le faire car il est
possible que je devienne référente sur ce sujet. Ce questionnaire
n'est aujourd'hui pas du tout adapté. Il faut répondre oui ou non
comme si c'était aussi facile. C'est très manichéen. A
chaque question, les patients me répondent ça dépend. Les
changements à envisager seraient d'impliquer les gens dont c'est le
métier d'avoir des patients dans la construction de l'arborescence des
outils. Aujourd'hui, on utilise des logiciels qui sont faits par des
informaticiens pour qui les patients sont des numéros.
Un autre changement à envisager, c'est de former les
gens qui les utilisent parce que je n'ai jamais été formée
à l'outil. On m'a balancée en me disant : tu travailles sur
cariatides. Je l'utilise à 4% de ses capacités parce que je ne
fais que bidouiller avec. Je n'ai jamais eu de formation. Le changement
à envisager c'est former et dégager du temps pour pouvoir faire
ça. Ça prend beaucoup de temps d'utiliser les outils
informatiques en soin. Si aujourd'hui je reçois mon patient pendant une
heure, ensuite je dois retranscrire ce qu'il s'est passé sur
l'ordinateur donc j'ai au moins une demi-heure en plus pour utiliser
l'outil.
134
Que savez-vous des implications de l'intelligence
artificielle dans le domaine de la santé ?
Rien.
Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s)
(positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?
L'intelligence artificielle je ne sais pas. Les nouvelles
technologies l'impact négatif aujourd'hui c'est le temps que ça
prend et le fait que ce ne soit pas adapté car ce sont des cases
à cocher et qu'on traite de l'humain. L'impact positif, si on prend les
applications d'éducation thérapeutique pour les patients, c'est
que ça permet au patient de s'autonomiser. En
psychiatrie, il y plein d'applications qui existe sur : c'est quoi ma maladie,
c'est quoi mon traitement, ce que je dois faire si tout à coup je me
mets à entendre, des voix avec des arborescences de prise de
décision. A priori ce sont de supers outils. Je n'ai encore jamais
rencontré de patient qui les utilisent. En tout cas cela permet au
patient de s'autonomiser dans ses soins. C'est ce qu'on se souhaite dans la
mesure où il n'y a plus d'argent dans la santé. On souhaite
qu'ils puissent se soigner eux-mêmes.
D'après vous, quelles sont les actions
à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans
votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus
spécifiquement à l'intelligence artificielle ?
A court terme
A moyen terme
Sur le long terme
En plus d'investir les soignants dans la mise en place des
outils, ce serait d'impliquer aussi les patients. Pour anticiper les bonnes
mises en oeuvre, il faut prendre du temps, rencontrer des soignants et des
patients et construire les choses ensemble. Imposer de
manière verticale, ça ne fonctionne pas aujourd'hui. Ce serait de
mettre en place des comités de pilotage et des comités de projet
par outil en expliquant le but de l'outil avec un soignant, un patient,
informaticien et un rh par exemple et de travailler ensemble. Ensuite, on met
en place des formations de l'outil pour tous en expliquant ce à quoi
ça sert, d'où ça vient et on la fait tester avec une
évaluation à trois mois pour voir si cela fonctionne.
135
Il pourrait y avoir des communications faites sur le projet en
amont mais la réalité du métier c'est qu'on n'a pas le
temps. On n'a pas d'espace de veille. Je vois quinze patients par jour et je
n'ai pas le temps. Aujourd'hui sur mon propre projet je me dégage un peu
de temps mais pas assez. Clairement un paramédical aujourd'hui n'a pas
le temps de se tenir informé donc si je reçois un email qui dit :
« on en est là du COPIL », clairement je ne le lirai pas. Pour
la communication, ça pourrait passer par le cadre en réunion ou
même de manière informelle. On est très dans l'informel en
psychiatrie. Il y a des mémoires qui sont écrits sur les temps
informels en psychiatrie, que ce soit avec les institutionnels, entre
professionnels et avec les patients. Il très important.
On parle d'intelligence artificielle en comparaison
de la vision/perception que nous avons de l'« intelligence » humaine.
Si toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées
aux machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre
? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ?
Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide
à la décision ?
L'intelligence émotionnelle ! Savoir identifier les
émotions chez quelqu'un, de quelle émotion il s'agit, ce que la
personne ressent dans son corps et ce à quoi je pense. Ça me
permettrait d'être plus pertinente dans mon activité, aujourd'hui
je ne gère que les émotions des gens. Après, une machine
peut-elle comprendre ce qui se passe dans un le corps d'un patient puisqu'elle
n'en a pas et comment peut-elle l'analyser ? C'est un débat
philosophique.
Partie 2 : questionnaire spécifique
métiers professionnels de santé
Êtes-vous accompagné aujourd'hui dans
les changements de votre métier liés aux nouvelles technologies
et notamment celles dotées d'intelligence artificielle ? Si oui, comment
?
Non, je ne suis même pas accompagnée sur le
logiciel que j'utilise. Ça n'a jamais été le cas, ni
à l'hôpital, ni ailleurs. L'accompagnement c'est : « il y a
un outil, tu te débrouilles, tu l'utilises. » A l'hôpital il
y a les logiciels de patient informatisé et d'événement
indésirable quand il arrive un problème et que l'information va
directement à la direction. C'est une tannée : tu n'es pas
formé, c'est un outil machine à gaz qui te demande un code que tu
n'as jamais. En revanche on voit tout de suite que cela monte à la
direction parce qu'en général on a une
136
réponse dans les vingt-quatre heures. C'est bien mais
encore une fois on n'est pas formé. A l'hôpital les autres ne
voulaient pas le faire. J'étais une des rares à le faire. Je pars
du principe que si on ne dit pas que ça ne va pas on n'aura jamais de
personnes en plus ou de meilleurs outils.
Comment souhaiteriez-vous être
accompagné d'une manière générale ? Pour les
changements liés directement ou indirectement à la mise en place
de nouvelles technologies ?
Je suis très formation. Aujourd'hui pour moi RH
ça ne sert qu'à une chose c'est d'être un interlocuteur de
formation parce qu'on a besoin de formations tout le temps. La RH nous a
récemment avoué qu'elle attribuait les formations avec un tableau
Excel avec des prix. Ça a pour conséquence que quand une
infirmière est dans l'unité depuis 4 ans et qu'elle demande
à faire une formation en médiation cognitive, la responsable des
ressources humaines refuse à cause du coût que cela
représente alors que l'unité veut faire de la médiation
cognitive. Elle a conscience que l'outil qu'elle utilise n'est pas
adapté.
La formation c'est de la communication car c'est du temps
dégagé pour prendre du recul, pour se parler entre
professionnels, interroger les professionnels qui souhaitent te faire utiliser
un nouvel outil. Et il faut aller en formation à plusieurs et ne pas
être un seul référent d'une unité à aller en
formation. Ça crée des liens et des débats pour permettre
d'être porte-paroles dans son institution. Sur l'intelligence
artificielle par exemple, ce serait se poser une demi-journée ou une
journée avec un professionnel qui explique ce qu'est l'intelligence
artificielle, comment l'appliquer, comment la mettre en perspective dans les
établissements avec des exemples concrets et des témoignages. La
communication doit être orale. L'écrit, on n'a pas le temps.
On fonctionne déjà avec des
référents. Il y a une référente pour le logiciel
Cariatides mais qui n'est pas suffisamment impliquée. Je vais
moi-même être référente comme évoqué
sur le questionnaire tentative de suicide. Un protocole autour de ce
questionnaire a été créé par le service
qualité après un suicide mais personne ne nous a expliqué
ce que c'était, comment l'utiliser et l'outil n'est, encore une fois,
pas adapté. Comme j'ai une formation suicide en octobre j'ai
proposé à ma cadre d'être référente dessus et
de communiquer dessus quand l'outil sera adéquat.
137
Je fais des demandes de formation tout le temps parce que
c'est le seul moment où je peux m'arrêter, réfléchir
et rencontrer des gens. Ça permet de discuter sur ce qui fonctionne et
ce qui ne fonctionne pas d'une manière générale. En dehors
de ça on travaille sans s'arrêter.
Il n'y a pas longtemps on a eu une formation d'une et demi
par un cadre sup sur l'espoir. Ça, dans ma profession, c'est important.
Il y a un truc qui m'énerve chez les infirmiers c'est qu'ils
râlent et ne sont jamais contents, parce qu'effectivement on a de
mauvaises conditions de travail et qu'on n'est pas bien payé. Alors
cette formation m'a fait un bien fou. Les histoires des patients sont
horribles, on a de mauvaises conditions de travail, on est mal payé, on
a très peu de formation et ce type de formation peut être un vrai
levier au changement. Le changement c'est d'arrêter de râler et de
trainer des pieds et à aller toquer aux bonnes portes et bouger pour
faire de son métier quelque chose d'agréable à
défaut d'avoir un bon salaire.
On est quand même une profession super adaptable. Si on
ne s'adapte pas on meurt et pourtant la résistance au changement c'est
abominable dans les métiers paramédicaux. Il y a tellement de
gens qui disent : « il ne faut pas changer c'était mieux avant
», même des infirmières de 45 ans. Il y a un blocage sur les
technologies parce qu'on travaille dans l'humain et que ce n'est pas humain. On
souffre de la déshumanisation des institutions. C'est pour ça
qu'on va dans la rue. Parce que c'est déshumanisé et qu'on nous
méprise. Aujourd'hui, je ne peux pas contacter ma DRH. Je n'ai
pas le droit d'appeler ou d'envoyer un email à ma DRH. C'est interdit.
Si je le fais j'ai un avertissement. Avant on pouvait passer la porte
du DRH, dire bonjour et lui demander un CET par exemple. Maintenant il y a :
1/ Une cadre de proximité 2/ Un cadre sup
3/ Une directrice des soins 4/ La DRH
5/ La direction générale
J'ai une collègue qui au lieu de passer par la cadre
de proximité a envoyé sa lettre à la directrice des soins
et qui s'est pris un blâme pour ça. Elle a dû faire une
lettre d'excuse à la cadre pour lui dire qu'elle était
désolée de ne pas être passé par elle. Quand on en
est là, on est bien... ça me choque beaucoup de ne pas pouvoir
contacter la DRH, d'autant qu'on n'est pas chez Google, on est une fondation
locale, on est 50. Il y a trop de strates. Ça déshumanise. On
parlait tout à l'heure de communication, pour communiquer tu ne mets pas
15 personnes au-dessus de toi et le même nombre de strates pour des
demandes simples. Ça donne l'impression que le but est qu'il n'y ait
justement pas de communication.
138
Annexe 12 : QUESTIONNAIRE VIERGE COACHS ET PROFESSIONNELS
ACCOMPAGNEMENT / CONDUITE DU CHANGEMENT
Rappel des éléments contextuels :
· Mémoire RH Elisabeth Berthelot
· Sujet du mémoire :
Quels sont les rôles et missions de la fonction RH
pour mettre en oeuvre les formations liées à l'impact de la
diffusion de nouvelles technologies dotées d'intelligence artificielle
sur certains métiers dans le plan de développement des
compétences des établissements de santé en France
?
· Public concerné : Jury de DRH ne
connaissant pas spécifiquement les questions d'intelligence artificielle
ni le secteur santé
La transcription de l'entretien sera annexée au
mémoire. Elle peut être rendue anonyme.
23. Quel(s) accompagnement(s) spécifique(s) pourrait
être mis en oeuvre dans les établissements sanitaires sur le long
terme dans le cadre des changements à venir liés à
l'implantation croissante d'outils technologiques, notamment ceux dotés
d'intelligence artificielle ?
24. Quelles adaptations suggérez-vous suivant les
familles de métiers : médicaux, paramédicaux et personnel
administratif ?
25. Pourquoi tel type d'accompagnement plutôt qu'un autre
? En quoi ce type d'accompagnement se distingue-t-il des autres ?
26. Le type de structure et les enjeux que représente
l'hôpital nécessitent-ils des aménagements
spécifiques par rapport à ce type de formation / d'accompagnement
?
139
Annexe 13 : Interview professionnel accompagnement Marie-Pier
Levesque
QUESTIONNAIRE MEMOIRE Marie-Pier Levesque, Consultante
changement, conflits, leadership, performance grandes entreprises et services
publics au Québec, en France et en Suisse
Quel(s) accompagnement(s) spécifique(s)
pourrait être mis en oeuvre dans les établissements sanitaires sur
le long terme dans le cadre des changements à venir liés à
l'implantation croissante d'outils technologiques, notamment ceux dotés
d'intelligence artificielle ?
L'accompagnement d'un changement de type technologique, c'est
le même type d'accompagnement que d'autres changements. Je pense qu'il y
a des règles et des pistes à suivre qui sont les mêmes.
L'intérêt de celui-là c'est qu'on est sur un changement qui
doit être développé avant d'être implanté.
Parfois il y a des changements que tu dois implanter comme une nouvelle
réglementation ou un nouvel outil et il faut juste procéder
à la gestion du changement pour l'implanter. Ce qui est
intéressant ici c'est que la gestion du changement peut commencer au
moment du développement des outils. On peut faire participer beaucoup
plus de gens, avoir des démarches beaucoup plus innovatrices, qui
peuvent être beaucoup plus créatives et c'est beaucoup plus
emballant de développer ce type de changement-là que des
changements qui sont déjà prédéterminés.
Si on commençait au tout début, dans les
principes de conduite du changement, il faut penser à de l'information,
à de la formation, à de la rétro information, à des
groupes de travail, à déléguer des décisions, etc.
Il y a beaucoup de canaux qu'on peut utiliser pour accompagner le changement.
Dans un hôpital par exemple la première chose à faire
serait d'essayer de faire un tour des experts et de voir exactement ce qui
existe, ce qui est envisageable, quel créneau est le plus
intéressant pour l'hôpital parmi tout ce qui existe et de
déterminer des orientations : se dire par exemple que dans tout ce qui
existe on pourrait se spécialiser dans les patchs, les pilules
interactives, la physiothérapie, choisir une
orientation.
A partir de ça, commencer à mobiliser les gens
ou à les impliquer dans des projets pour ensuite faire des sites
pilotes, se connecter avec des acteurs externes, avec la recherche et impliquer
le plus de gens possibles. Ça ferait un projet qui serait innovateur
choisi par l'institution, porté par des participants volontaires. Alors
le projet serait sans résistance parce qu'il est pris dès
140
le départ, les gens peuvent choisir dans quoi aller et
comment le développer. Plus tu peux donner de marge de manoeuvre, plus
c'est intéressant et le moins tu as de résistance.
En contrepartie, s'il y a une crise qui arrive, le projet
risque d'être mis de côté. De même s'il y a un
changement informatique plus urgent. Ce sont des projets qui peuvent vite
tomber dans l'inertie car il y a moins de pression que quand on a un changement
urgent. La Covid en revanche demandait à ce qu'on développe
beaucoup de solutions à distance, de télémédecine
et il y avait peut-être aussi du temps qui était
dégagé pour de la recherche. C'est devenu une opportunité
pour développer ce genre de projet.
Le reste de ce que je suggérerais sont des choses assez
traditionnelles : faire des choix, faire un groupe de travail pour faire des
choix, chercher des gens pour aller dans un groupe de recherche, on fait
plusieurs groupes, on met en place des moments où ils peuvent
échanger ensemble, on fait des expériences. On peut aller vers
une stratégie de foyer contaminant qui commence et puis quand ça
marche d'autres groupes se joignent. Tout du long il doit y avoir beaucoup
d'information. Il faut que personne dans l'entreprise, même ceux qui ne
sont pas impliqués, ne puisse avoir l'impression d'être pris par
surprise. Comme il y a beaucoup d'informations, on peut inventer un journal sur
le projet ou s'il y en a déjà un une rubrique spécifique
qui parle de ce projet régulièrement et que tout le monde
progresse, même ceux qui n'y participent pas.
Ensuite il faut réfléchir à comment
ça va changer l'avenir et si tu veux une organisation agile, c'est bien
que régulièrement les équipes fassent des moments de
réflexion pour voir comment toutes ces nouvelles technologies vont
changer l'avenir, d'où on vient, vers quoi on pourrait aller, quels
seraient les différents scenarii. Il y a beaucoup de choses à
faire de ce côté-là.
Pour ceux qui sont déjà dans le changement et
des expériences, c'est important qu'il y ait des mécanismes qui
soient suivis, qu'il y ait du feed-back, qu'on voit comment évoluent les
choses. On doit leur donner des objectifs et vérifier s'ils les
atteignent, si les choses se passent bien, quels problèmes ça
crée, c'est quoi les interférences avec les autres
systèmes, ce qu'il faut corriger, est-ce que ces personnes ont du
plaisir, pas de plaisir, qu'est-ce qu'ils recommandent, le temps qu'ils ont
à disposition ou au contraire qu'ils n'ont plus pour faire le reste du
travail. Ce sont des mécanismes de feed-back. Les mécanismes de
feed-back ça peut être surveiller l'information de gestion,
ça peut être d'avoir des sondages, ça peut être
également d'aller voir au niveau des erreurs, la qualité, les
atteintes d'objectifs.
141
Il peut y avoir du benchmarking qu'on peut mettre en place
avec d'autres organisations qui font des projets semblables.
Quelles adaptations suggérez-vous suivant les
familles de métiers : médicaux, paramédicaux et personnel
administratif ?
Dans les résistances, la première résistance
est celle qui est liée au sens et à la pertinence.
Les médecins voient tout de suite l'impact pour les
patients et pour eux aussi. Ça c'est la deuxième
résistance : ce que je gagne ou je perds. Pour eux c'est assez
évident que ces changements sont intéressants.
Pour les professions paramédicales, dans la mesure
où si on leur explique que si c'est bon pour les patients ils vont finir
par l'accepter il faut quand même leur montrer les gains qu'il y a de
leur côté. Il y en a moins que pour les médecins. Ça
prend plus d'efforts pour les persuader mais on peut trouver d'autres gains
qu'on peut leur apporter en parallèle pour que ce soit plus attrayant
pour eux.
Pour le personnel administratif la pertinence est encore plus
difficile à comprendre parce qu'ils s'identifient moins au patient.
C'est plus difficile de trouver du sens et ils n'y gagnent probablement rien !
Il faut s'interroger sur ce qu'ils pourraient gagner, comment ils pourraient
être soulagés dans ce qu'on trouve dans les logiciels, qu'est-ce
qui facilite leur travail, est-ce que ça leur permet d'avoir un travail
un peu plus varié, être plus polyvalent, est-ce qu'ils peuvent se
remplacer plus facilement. A un moment il va peut-être falloir
décider de passer en force mais il faut aussi calculer ce que va
coûter ce passage en force : est-ce qu'ils vont faire de la
résistance, est-ce qu'ils vont travailler moins bien, quelle importance
accorde-t-il au fait d'adhérer à ce changement ? C'est un calcul
entre l'effort et les retombées.
Pour les impliquer je vois surtout la piste de beaucoup
d'explications, de leur parler avec intelligence de quelle est leur
contribution dans l'avenir de l'institution pour qu'ils sentent bien qu'ils
font partie de l'établissement et de ces nouveaux projets et non pas
qu'ils sont là juste pour soutenir ceux qui mènent ces projets.
Il faut aussi idéalement leur trouver des avantages à eux dans
tous ces projets et peut-être leur donner des compensations. Est-ce que
ce ne serait pas le bon moment pour leur donner ce qu'ils demandent depuis
longtemps, par exemple des bureaux un peu plus agréables, du meilleur
matériel, des bureaux communs, un
142
local de pause plus agréable ? Il faut s'interroger sur
ce qu'on pourrait leur donner pour que l'effort soit
récompensé.
Et est-ce qu'ils peuvent participer dans l'élaboration
du projet ? Peut-on les mettre dans des groupes de travail pour donner leur
avis ? C'est peut-être difficile sur l'élaboration mais sur
l'impact administratif, le choix du logiciel et comment les adapter, il y a
moyen de les impliquer d'une manière ou d'une autre. Quand on les fait
participer ils sont toujours plus partie prenante. S'ils ne sont pas d'accord
ils pourront le dire et on pourra chercher des solutions. Essayer de voir
comment les impliquer dans le développement du projet à leur
niveau et les informer en continue.
Pourquoi tel type d'accompagnement plutôt qu'un
autre ? En quoi ce type d'accompagnement se distingue-t-il des autres
?
Les techniques habituelles que je viens de mentionner sont
très bien. Encore une fois l'avantage ici c'est de pouvoir vraiment
commencer en amont, d'intéresser tout le monde ensemble, que tout le
monde sache où on en est, quelles sont les orientations possibles, ce
vers quoi on pourrait aller, choisir ensemble l'orientation à partir de
différents projets et de différents niveaux et que ce soit
décliné jusqu'au personnel administratif. Il s'agit de construire
quelque chose ensemble. Ça me parait l'idéal. Il y a quand
même beaucoup de projets potentiels dans tout cet univers des
technologies.
Une des choses qu'on peut mettre sur pied dans les petites
structures, c'est créer des relais d'information qui vont vraiment
jusque dans toutes les strates de l'organisation, chercher les états
d'esprit, les suggestions, faire remonter ça jusqu'à un groupe de
pilotage, prendre des idées à partir du groupe de pilotage, les
faire redescendre à la base, les valider. Il faut s'appuyer sur des
cadres ou des personnes qui ont du leadership pour aller chercher des
idées et les faire circuler, qu'elles fassent des allers-retours dans
les étages, faire remonter des idées et les valider. Ça
dans les hôpitaux, ça m'a toujours semblé assez porteur. On
travaille toujours en vase clos : c'est l'informatique qui va développer
quelque chose, qui va envoyer son projet et les cadres vont devoir le mettre en
place alors qu'ils n'ont pas été impliqués avant.
Ça arrive un peu comme un cheveu sur la soupe et ça devient
difficile dans l'implantation du changement. A l'hôpital on devrait
procéder un peu plus à l'utilisation de ces relais par la
hiérarchie ou par des employés qui ont du leadership dans des
groupes de travail.
143
Après, il y a la stratégie des foyers
contaminants. Quand un groupe se lance dans un projet, tu fais beaucoup de
publicité autour, ça intéresse tout le monde et
normalement ça attirera un autre groupe qui voudra aussi le mettre en
place. C'est une approche de conduite de changement qui se fait assez par
volontariat. Il faut avoir du temps pour le faire, il ne faut pas être
trop pressé. S'il y a plusieurs petits comme dans plusieurs
départements de médecine, chacun avec un projet différent,
on peut aussi créer une émulation entre les différents
services et ça peut générer beaucoup de motivation chez
les collaborateurs. S'ils sentent qu'ils sont impliqués dans un projet,
qu'il faut avancer et qu'ils savent qu'il y en a d'autres qui sont dans un
autre projet, qu'il y en a trois, quatre ou plus qui sont
intégrés dans l'hôpital ça donne vraiment une
impression que l'organisation apprend, qu'elle se développe, qu'elle a
une vision, qu'elle va vers quelque part.
Le type de structure et les enjeux que
représente l'hôpital nécessitent-ils des
aménagements spécifiques par rapport à ce type de
formation / d'accompagnement ?
Je travaille surtout dans de très gros hôpitaux
et ce que je voie beaucoup c'était des projets développés
en vase clos par une entité comme la direction des ressources humaines,
l'informatique, la pharmacie, le laboratoire, ... Ils développent des
choses en vase clos sans consulter, sans informer, et le jour où ils
sortent ça comme un projet les gens ne sont pas prêts et on a des
résistances alors que si on avait de la gestion du changement en
même temps qu'on développait le projet, il n'y aurait pas toute
cette résistance. Je vois beaucoup ça dans les hôpitaux.
Tout le monde est pris dans son truc et tout à coup il y en a un qui
arrive avec un projet tout ficelé prêt à être
implanté dans une unité mais l'unité n'a pas de place, le
cadre n'en peut plus de négocier. On donne un objectif, une date, un
budget et il faut que ça passe. C'est ce que je déplore dans le
monde hospitalier : beaucoup de travail en vase clos qui rendent les choses
difficiles.
EB : le fait que cela soit un patient en bout de ligne et
non un produit ou un client nécessite-t-il des ajustements
spécifiques ?
Le patient a de l'impact mais pas tant que ça. Le
patient n'est pas le même d'une unité à l'autre. La
pédiatrie, la gériatrie et la chirurgie n'ont pas la même
mission ou les mêmes patients. Il y a des nombreuses chapelles entre les
unités, les corps d'emploi, les spécialités. S'il pouvait
y avoir un projet unificateur, pas juste pour la chirurgie de la hanche, pas
juste pour la pharmacie mais qui réunisse plusieurs chapelles, plusieurs
services et plusieurs professions
144
ça pourrait être assez porteur d'une
collaboration intéressante. Chacun peut avoir son propre projet mais il
faudrait que chacun soit lié dans un projet plus global ou qu'ils aient
plus de visibilité. J'appellerais ça des projets levier qui
permettrait à l'hôpital de dire : « ça a
réussi, ça a été intéressant, tout le monde
s'est mobilisé. Vite on en veut un autre ! ». Le premier projet qui
va passer, il faut que ce soit un projet levier. Il faut qu'il soit
intéressant, il faut qu'il y ait des ressources, beaucoup de gens
impliqués pour être sûr que ce soit un succès. Il
faut qu'il donne une renommée à l'hôpital et à ceux
qui auront travaillé dessus. En bout de ligne ça va être un
moteur pour ceux qui suivraient. Je ne sais pas si c'est réaliste, je
parle de façon tout à fait abstraite quand je dis ça.
145
Annexe 14 : Interview professionnel accompagnement
Jérôme Carfantan ENTREVUE Jérôme Carfantan,
Auteur, conférencier et Coach Agile
Quel(s) accompagnement(s) spécifique(s)
pourrait être mis en oeuvre dans les établissements sanitaires sur
le long terme dans le cadre des changements à venir liés à
l'implantation croissante d'outils technologiques, notamment ceux dotés
d'intelligence artificielle ?
Quand je suis en accompagnement agilité, j'essaie de
d'abord de comprendre la culture de l'organisation et si cette culture est
propice à mettre en place des façons de travailler un peu
différentes. Si la culture n'est pas propice, il faut aller au plus haut
niveau de la hiérarchie pour essayer de comprendre pourquoi cette
culture traditionnelle à la hiérarchie très marquée
et au contrôle très fort est en place et essayer de coacher
à ce niveau-là, au niveau hiérarchique le plus haut pour
faire comprendre qu'il y a d'autres façons de faire et faire comprendre
que pour que ces autres façons de faire soient diffusées, il faut
avant tout être exemplaire sur ces sujets-là. Quand on ne montre
pas l'exemple : si tout le monde te vouvoie, si tout le monde se met au
garde-à-vous quand tu arrives dans un bureau, si tu montres cette
exemple-là, toute ta garde rapprochée va montrer cet
exemple-là et diffuser cette culture au sein de l'organisation.
L'agilité, ça ne fonctionne pas s'il n'y a pas
un terrain propice à cette culture de l'agilité. La culture de
l'agilité c'est l'entraide, le partage, l'exemplarité,
l'intelligence collective. Qui dit intelligence collective dit on se fait
confiance. On valide cette confiance par du feed-back régulier.
Ça c'est la culture, en quelques secondes, de l'agilité. Si le
terreau culturel de la structure n'est pas en ligne avec ça, on a un
problème. Traiter ce problème c'est faire du coaching de
dirigeant, je ne vois que ça. Tout le monde ne le fait pas.
Moi-même je ne le fais pas systématiquement. Si ce sont de petites
organisations, je peux le faire. Quand ce sont de grosses structures, je n'ai
peut-être pas le carnet d'adresse suffisant pour le faire. A terme,
j'arriverai peut-être y accéder. Le premier sujet, c'est donc
valider la culture et ce n'est pas le cas dans le milieu médical. C'est
peut-être par là qu'il faut commencer. Ensuite on peut commencer
à diffuser les pratiques.
En général on commence par un projet pilote. Il
ne faut pas qu'il soit trop simple ni trop confidentiel, suffisamment visible,
que le dirigeant le connaisse et sur lequel il ait envie de communiquer. Il ne
faut pas que cela soit trop compliqué non plus parce que si ça ne
fonctionne pas on pointera notre méthode comme étant la cause de
l'échec. Si c'est trop
146
simple on dira que de toute façon c'était
tellement simple que quelle que soit la méthode cela aura
fonctionné. Il faut donc trouver le bon projet pilote.
Ensuite, il faut trouver au sein de l'organisation les
personnes qui sont volontaires pour changer de façon de travailler. On
ne travaille pas avec celui qui n'a pas envie. Pour un projet pilote, on est
sûr de se planter. Une fois identifiées ces personnes et le projet
pilote, on communique avec eux sur la nouvelle façon de travailler. Une
fois que le projet a réussi. On communique de manière plus
globale sur la réussite du projet. Il faut faire attention à ce
qu'on entend par réussite d'un projet. En termes d'agilité ce
n'est pas : « ok je suis dans mon budget, dans mes délais dans le
périmètre que j'avais imaginé. » mais plutôt
est-ce que l'utilisateur final du produit qu'on a sorti est satisfait par
rapport à ce qu'on lui a délivré comme outil ou comme
service. S'il y a une vraie satisfaction en face, c'est une réussite. Si
c'est une réussite, tu communiques sur cette réussite en montrant
que l'utilisateur ou ton client est content.
Une fois que tu as fait ça tu vas essayer par
capillarité ou par effet virale essayer de le diffuser. Cela peut
prendre du temps. Cela va dépendre de la taille de la structure dans
laquelle tu arrives et de sa culture. Tu vas également suivre ce
changement de façon agile. Tous les deux mois par exemple tu vas faire
des rituels pour essayer d'identifier où tu en es, si tu dois pivoter,
si tu vas dans le bon sens, si on a choisi les bons projets. J'essaie de
synthétiser au maximum ce qu'on peut faire quand on est dans une
dynamique d'accompagnement au changement agile.
Le type de structure et les enjeux que
représente l'hôpital nécessitent-ils des
aménagements spécifiques par rapport à ce type de
formation / d'accompagnement ?
Concernant la dimension structurelle de création d'une
direction commune (il parle des groupements hospitaliers de
territoire), cela peut être contradictoire avec l'agilité.
L'agilité c'est aller vite dans les décisions et parfois, faire
appel à un centre d'achat qui ne va pas prendre ta demande en
priorité ou ne pas acheter le produit exact que tu avais demandé
parce qu'il a trouvé moins cher, ça ne correspond pas. Vouloir
regrouper, cela part toujours d'une bonne intention d'un point de vue
budgétaire mais souvent cela amène à une perte de
qualité, une perte de temps voire une perte de sens. L'aspect structurel
est aussi important. Il est parfois compliqué d'obtenir de simples
post-it ou un PC pour travailler avec un service achat centralisé avec
des process dans tous les sens pour tout. C'est plus facile à mettre en
place dans des petits établissements. Il faut peut-être commencer
par ça : montrer que ça peut fonctionner
147
dans un petit établissement et après essayer de
diffuser cela sur des établissements un peu plus conséquents.
L'agilité il ne faut pas vouloir commencer gros tout de suite.
L'idée c'est d'avoir du feed back et pour avoir du feed back il faut
commencer petit, apprendre de ce qu'on voit sur le terrain et en fonction on
ajuste. On ne vient pas avec des méthodes toutes faites. Il y a plein de
méthodes mais ce sont des méthodes qui s'adaptent, qui s'ajustent
au contexte.
Quelles adaptations suggérez-vous suivant les
familles de métiers : médicaux, paramédicaux et personnel
administratif ?
Ça ne va pas être le métier qui va
déterminer l'accompagnement. En revanche, derrière un
métier, il y a une culture avec des niveaux de hiérarchie plus ou
moins marqués. C'est la culture qui drive la façon
d'aborder l'accompagnement. Les médecins ayant une culture ouverte au
changement, c'est avec eux qu'il faut travailler. Il faut commencer par eux.
Eux ont l'habitude de se mettre à jour régulièrement, ils
sont curieux, c'est leur métier qui veut ça. Ils sont
obligés d'être à la pointe au niveau technologique, ils ont
besoin d'aller vite parce qu'ils ont des patients en face qui ont besoin de
réponses rapides parce qu'ils sont malades. C'est une population qui
à mon sens est une bonne candidate pour expérimenter des
façons de travailler différentes.
Le médecin a autre chose à faire que de penser
à une méthode de travail. Il a sa façon de travailler pour
soigner ses patients, pour le reste il sera ouvert. L'idée c'est de
faire une petite acculturation d'une demi-journée ou d'une heure ou deux
pour expliquer ce qu'il y a derrière l'agilité, ses
bénéfices. Il faut que ce soit raccord avec le reste de la chaine
de décision. Si ce n'est pas le médecin qui décide, tu as
beau l'avoir convaincu, il faut quand même aller voir la personne
décisionnaire sur le projet. Tu peux t'appuyer sur le médecin une
fois que tu l'as convaincu pour qu'il aille en parler à la bonne
personne.
Quoiqu'il arrive, il faut donner un rythme au projet. Il n'est
pas forcément nécessaire d'avoir une date de mise en place. Le
rythme fait que tu vas avoir plein de dates. L'agilité, c'est impulser
un rythme. Tous les deux mois on se voit et tous les deux mois on montre
quelque chose. On avance. Je dis deux mois mais cela peut être beaucoup
plus court. Si tu prends la méthode Scrum qui est la plus connue, ils
disent deux semaines. Toutes les deux semaines, on sait qu'on a un rendez-vous
durant lequel on va faire grandir le projet. C'est itératif et
incrémental. Ça permet d'avoir du feed back toutes les deux
semaines sur : « est-ce qu'on va dans la bonne direction ? ».
148
Ça me fait penser à un article que j'ai lu hier
sur SpaceX et Elon Musk. Ce type est fou. C'est un ingénieur hyper
intelligent. Il faut le connaître, c'est le nouveau Steve Jobs. S'il y a
un successeur, c'est lui. Il a entre autres 2 entreprises : Tesla,
désormais tout le monde connait, on commence à en voir de plus en
plus dans la rue et SpaceX. Son projet, c'est d'aller sur Mars. Il a une
vision. Sa vision, il n'a pas posé de date dessus. Il sait que, si
ça se trouve, lui n'ira pas mais il sait que l'humanité ira sur
Mars. Il n'a pas dit c'est dans 12 ans par exemple. Il a dit que
l'humanité irait sur Mars. Une fois qu'il a posé ça, tout
ce qu'il fait au quotidien, tout ce que font ses employés, c'est dans
cette direction-là. Donc en fait tu n'as pas besoin d'avoir une date
à 12 ans, tu as juste besoin de connaître la destination. C'est
quoi la destination d'un hôpital demain ? C'est ce qu'avait fait Kennedy
avec la Lune. Il a réussi à canaliser tout le monde pour aller
sur la Lune et ils l'ont fait. Certains vont dire qu'il ne l'a pas fait mais
c'est encore autre chose. Certains disent aussi que la terre est plate. Tout
ça pour dire que ce n'est pas tant la date qui importe et si elle est
lointaine, c'est la vision. Qu'est-ce qu'on veut faire ? Où on veut
aller ? Est-ce qu'on veut aller sur Mars ? J'aime bien cet exemple-là :
il est gros, il est grossier, peut-être qu'il ne le fera jamais mais en
tout cas il a une vision et a une histoire à raconter. Si on prend
Tesla, il y a peut-être un peu plus de 300.000 véhicules vendus
par an alors que Toyota en vend des millions et pourtant Tesla vaut plus sur
les marchés financiers en termes de capitalisation boursière. Il
a tellement une histoire à raconter que tous les financiers misent sur
lui pour ses voitures mais aussi pour aller sur Mars. En ayant ces
idées-là, il arrive à concurrencer Ariane Espace. Ariane
Espace ça existe depuis des dizaines d'années alors que SpaceX a
un peu plus de dix ans. Ils ont fait le premier vol habité il y a
quelques mois. Thomas Pesquet va bientôt repartir dans l'espace avec
SpaceX. C'est le principal partenaire de la Nasa aujourd'hui, concurrent et
partenaire. Si on prend Ariane 6, ils ont un projet, ils ont une date à
laquelle ils doivent sortir une fusée. Elon Musk, il n'a pas de date
mais il a un projet. Ce qu'il fait, c'est qu'il embauche les meilleurs en
faisant ça. Parce qu'il raconte une vraie histoire. Tous les
ingénieurs, aujourd'hui, si tu leur demandes s'ils
préfèrent travailler pour Ariane, pour la Nasa ou pour SpaceX, tu
peux être certaine que 99% des ingénieurs dans
l'aérospatial vont répondre que SpaceX, c'est quand même
plus sympa parce que chez SpaceX, on me raconte une vraie histoire. On a
éradiqué une chose chez SpaceX également, c'est la
bureaucratie. Elon Musk a une aversion à la bureaucratie et c'est
beaucoup ce qu'il y a derrière l'agilité. L'agilité c'est
un peu essayer d'enlever tout ce qui est bureaucratie. Tout à l'heure
quand je parlais des achats, je sentais que ça piquait un peu mais tout
ce qui est bureaucratie ça peut te gangrener une organisation, ça
empêche d'avancer. D'une manière générale, ce qu'il
faut retenir c'est que ce n'est pas la date qui importe, c'est la vision.
149
Elisabeth Berthelot : Il y a un présupposé
pour que cela fonctionne : c'est que le directeur doit avoir
énormément de charisme.
Oui ! Pour moi un directeur doit avoir
énormément de charisme. S'il n'en a pas c'est qu'il n'est pas
à sa place. Ce n'est peut-être pas le cas dans les hôpitaux,
je ne sais pas, je ne les connais pas. Le problème c'est qu'en France,
dans les directions, on a que des politiques et pour moi les politiques n'ont
pas forcément énormément de charisme. C'est un
problème. Ils sont souvent sur leur intérêt personnel par
rapport à leur plan de carrière et oublient
l'intérêt général. Elon Musk, encore une fois,
l'argent lui tombe dessus parce qu'il raconte une histoire. C'est ce qui manque
aujourd'hui : des gens qui racontent de vraies histoires. Pas des histoires
individuelles qui montrent qu'ils sont plus forts que le copain mais des
histoires pour embarquer tout le monde. Aujourd'hui, on n'a pas ça, quel
que soit le secteur.
Pourquoi tel type d'accompagnement plutôt qu'un
autre ? En quoi ce type d'accompagnement se distingue-t-il des autres
?
L'agilité, pour conduire le changement, n'a rien
inventé. On s'inspire de choses qui existent déjà. Les
façons de faire, tu les retrouves dans toutes les façons de
conduire le changement. Si tu as une culture du contrôle et de
non-exemplarité, que tu n'es pas agile, tu vas mettre en place une
conduite du changement traditionnelle qui ne sera pas efficace. La proposition
de valeurs de l'agilité c'est d'arrêter de croire que tout seul on
va y arriver. C'est dans la force du collectif qu'on va s'en sortir.
Croiser les compétences est une clef. Mettre les
experts ensemble pour qu'ils sortent un produit, il ne faut pas les cloisonner.
A la fin, ils portent un regard fier sur le produit collectivement.
Elisabeth Berthelot : Quelles différences y a-t-il
avec le co développement professionnel par exemple ?
L'agilité est un aspirateur à bonnes pratiques.
Le codéveloppement professionnel par exemple est une pratique agile. Il
y a un proverbe africain qui dit : « tout seul on va plus vite mais
ensemble on va plus loin. » et l'idée n'est pas d'aller plus vite
mais d'aller plus loin, d'aller sur Mars par exemple. L'idée est d'aller
plus loin vers une vision fédératrice qui embarque tout le monde.
Pour faire cela, on est obligé de le faire à plusieurs. Elon Musk
ne construit pas sa fusée tout seul dans son garage, il a
embauché les meilleurs pour le faire et pour embaucher les meilleurs, il
a raconté une histoire. J'en reviens toujours à lui parce que
c'est un bon
150
exemple. C'est en cela que l'agilité est
intéressante et passionnante, c'est qu'on ne prétend pas
détenir la vérité. Il y a déjà plein de
pratiques qui existent comme le codev. Quand on les découvre, si elles
vont dans le sens de ce qu'on souhaite mettre en place quand on veut être
agile demain on prend et on y va. S'il y a une habitude de faire ce genre de
choses dans l'organisation, on dit ok : on prend et on y va. Scrum est le
format de réunion agile le plus connu. On pourrait tout à fait
combiner le scrum et le codev. Il y a une réunion de résolution
de problème dans le Scrum et on pourrait se dire que pendant cette
réunion de résolution de problème on va faire un codev.
C'est totalement compatible. Dans Scrum, il y a plein
d'événements (ou réunions), on appelle ça des
itérations. A la fin d'un sprint ou itération, on a un meeting
qui va durer quelques heures en fonction de la taille du sprint, qui va
être dédié à résoudre les problèmes
qu'on a pu rencontrer pendant l'itération pour les résoudre et/ou
ne pas les rencontrer à nouveau sur les prochaines itérations. Il
y a cette dynamique d'amélioration continue dans l'agilité.
L'agilité, ce n'est surtout pas une méthode.
Certains disent que c'est un état d'esprit. C'est un état
d'esprit ET les pratiques qui vont avec. L'état d'esprit sans les
pratiques qui suivent ça n'a pas de sens et des pratiques sans
état d'esprit non plus. Il y a eu une définition dans les
années 90 qui disait : « C'est un moyen d'être performant
dans un environnement complexe. ». Aujourd'hui on est dans un
environnement complexe et incertain. Avec la digitalisation et l'intelligence
artificielle on a complexifié et rendu incertain plein de choses.
L'agilité est une réponse à ce climat d'incertitude et de
complexification. Ce sont des compétences à acquérir pour
une organisation, notamment la capacité d'apprendre mais aussi
d'oublier, de désapprendre. Apprendre c'est avant tout
désapprendre ce qu'on faisait bien hier mais qui n'est plus
adapté à notre monde aujourd'hui. C'est être en
capacité d'apprentissage permanent et de désapprendre ce qui nous
entrave. Et ce n'est pas parce qu'il faut le désapprendre aujourd'hui
que ce n'était pas bien de le faire hier.
L'agilité vient du monde de la stratégie
d'entreprise. En 2001, il a été repris par le monde de l'IT, par
des experts de l'informatique qui ont inventé des façons de
travailler différentes qui permettent de satisfaire le client. Ces 17
experts ont rédigé un manifeste agile. C'est là que le mot
agile a pris toute sa dimension et a pris corps, avec toutes les pratiques
qu'ils avaient mis en place. Ils avaient plusieurs méthodes,
différentes, qui fonctionnaient et se sont demandé quel
était le dénominateur commun. Ces dénominateurs communs,
ils les ont mis noir sur blanc dans un manifeste agile qu'ils ont
rédigé et signé et qui tient sur une feuille A4. Ce
manifeste agile, c'est ce dont je parlais sur la culture : c'est le partage,
c'est l'entraide. L'idée c'est l'intelligence collective plus que les
processus et les outils. On retrouve les concepteurs de Scrum, de eXtrême
Programming (XP), Rational Unified Process (RUP), Dynamic Systems
151
Development Method (DSDM) et d'autres. Tout ça c'est
hérité de la pensée Lean qui vient de Toyota pour
éviter les gaspillages, mettre en place un flux d'activité qu'on
peut visualiser, faire de l'amélioration continue, etc. Il y a
l'approche Kanban qui est très connue aujourd'hui qui hérite
totalement du Lean. Encore une fois, l'agilité est un état
d'esprit et une éponge à bonnes pratiques.
Mon métier est passionnant parce qu'on touche à
de l'organisationnel, à du structurel, à de l'intelligence
collective d'équipe, à de l'individuel aussi : on peut faire du
coaching individuel pour essayer de comprendre des blocages. Quand on est sur
de l'individuel, on apprend aussi de la psychologie. C'est juste passionnant.
La base de tout, ce sont les échanges.
152
Annexe 15 : QUESTIONNAIRE VIERGE CONCEPTEUR DE SOLUTIONS
IA
Rappel des éléments contextuels :
· Mémoire RH Elisabeth Berthelot
· Sujet du mémoire :
Quels sont les rôles et missions de la fonction RH
pour mettre en oeuvre les formations liées à l'impact de la
diffusion de nouvelles technologies dotées d'intelligence artificielle
sur certains métiers dans le plan de développement des
compétences des établissements de santé en France
?
· Public concerné : Jury de DRH ne
connaissant pas spécifiquement les questions d'intelligence artificielle
ni le secteur santé
La transcription de l'entretien sera annexée au
mémoire. Elle peut être rendue anonyme.
Partie 1 : Questions générales - contexte
personnel
27. En quelque mots, que savez-vous des implications de
l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ?
28. Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s)
(positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?
Partie 2 : métiers concernés et
accompagnement
29. En fonction des impacts (positifs/négatifs) des
nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils
accompagnés ?
30. En fonction des impacts (positifs/négatifs) des
nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus
spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ?
31. En fonction des impacts (positifs/négatifs) des
nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires
médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés
?
32. Quel(s) accompagnement(s) spécifique(s) pourrait
être mis en oeuvre dans les établissements sanitaires sur le long
terme dans le cadre des changements à venir liés à
l'implantation croissante d'outils technologiques, notamment ceux dotés
d'intelligence artificielle ?
33. Pourquoi tel type d'accompagnement plutôt qu'un autre
?
153
34. Le type de structure et les enjeux que représente
l'hôpital nécessitent-ils des aménagements
spécifiques par rapport à ce type de formation / d'accompagnement
?
154
Annexe 16 : Interview concepteur solution IA Adrien Deudon
ENTREVUE Adrien Deudon, Consultant en transformation digitale, Jouve
Partie 1 : Questions générales - contexte
personnel
En quelque mots, que savez-vous des implications de
l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ?
Le secteur de la santé un des secteurs qui suscite le
plus d'innovations et de cas d'usage de l'intelligence artificielle parmi les
différents secteurs d'activité. Cela a été
identifié à plusieurs reprises comme étant un secteur
prioritaire en France comme terrain d'application de l'IA.
Il y a des préjugés : quand on pense à
l'intelligence artificielle en santé on pense à tout ce qui
relève du domaine médical qui est le plus visible, le plus
médiatisé et qui suscite l'intérêt du grand public.
Il ne faut pas oublier que c'est un secteur d'activité comme un autre
avec ses fonctions support sur lesquelles il y a également beaucoup
d'innovations en IA.
Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s)
(positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?
Les impacts positifs c'est que ça va permettre de
gagner du temps, d'éviter des tâches laborieuses et
répétitives. Tout ce qui peut être automatisé et
simplifié avec l'intelligence artificielle facilitera mon quotidien. Si
je suis amené par exemple à faire des reportings, un compte-rendu
ou à retranscrire un entretien, il y a un logiciel qui me permet
d'écrire en même temps que je parle et de le retranscrire.
L'impact négatif c'est qu'on sait bien que plus on est
assisté par la technologie et par l'intelligence artificielle, plus
certaines compétences humaines vont être mises de
côté. Si cela correspond à des compétences que je
n'ai pas envie de développer, tant mieux et si ça correspond
à des compétences que je dois exercer et qui sont cruciales dans
mon métier, cela va nécessiter que je me positionne sur d'autres
activités ou en tout cas que je change mon quotidien et que je sois
bouleversé dans mes habitudes.
Partie 2 : métiers concernés et
accompagnement
En fonction des impacts (positifs/négatifs) des
nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils
accompagnés ?
Ils peuvent être accompagnés par le fait
d'être impliqués le plus en amont possible notamment sur la
compréhension de leurs besoins. C'est important.
Concrètement il faut : qu'ils identifient eux-mêmes le souhait que
les technologies les épaulent,
les impliquer dans la conception et l'identification de besoin
en intelligence artificielle,
les accompagner dans la formation à la
connaissance de ces sujets-là, aussi bien sur les aspects
techniques, éthiques, juridiques et tout l'impact que cela aura pour
eux,
leur expliquer dans quel écosystème cela
s'imbrique, quelle plus-value il y a pour leur métier et pour le patient
dans leur quotidien. Ces intelligences artificielles sont des outils. Elles ne
seront que des outils qui doivent s'inscrire dans quelque chose de plus large
pour que le sens qu'elles auront pour eux soit intégré.
En fonction des impacts (positifs/négatifs) des
nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus
spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ?
Pour les professions paramédicales, on risque d'avoir
des glissements de tâches qui auparavant étaient faites par les
médecins et qui vont devoir être de plus en plus
déportés vers les professions paramédicales et en
l'occurrence les infirmières. Pour être très concret, si on
développe la télémédecine couplée avec de
l'intelligence artificielle à une analyse de diagnostic par rapport aux
images qui vont être prises par la télémédecine, le
médecin, après contrôle du diagnostic qui est tiré,
pourra le valider ou l'invalider à distance. Il faudra bien que
quelqu'un, dans une bonne partie des cas, accompagne le patient, lui explique
qu'il doit s'allonger, qu'il doit bien regarder dans tel endroit, que l'examen
qu'il va subir va consister à faire telle et telle chose, que le
médecin ne sera pas là physiquement mais qu'il entendra. Il y a
un accompagnement nécessaire et toutes les tâches qui peuvent se
faire au contact du patient seront déportées sur les
professionnels paramédicaux pour permettre au médecin d'utiliser
la téléconsultation et les outils d'aide au diagnostic.
155
156
En fonction des impacts (positifs/négatifs) des
nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires
médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés
?
Prenons le cas de figure de la solution qu'on (Jouve)
développe : c'est une solution informatique qui permet de
dématérialiser l'admission administrative d'un patient. Cela lui
permet de faire les démarches administratives, de déposer ses
pièces administratives et de remplir un formulaire avec un certain
nombre de données le concernant à distance depuis chez lui via un
ordinateur ou depuis son mobile. Ces données vont être mises
à la connaissance des gestionnaires qui sont chargés d'accueillir
les patients en temps normal de manière physique pour recueillir ces
informations et les saisir dans leur logiciel établissement. Auparavant
100% des patients étaient invités à passer à ce
bureau d'entrée et à rencontrer physiquement le gestionnaire pour
réaliser ces opérations et demain, ce qu'on propose, c'est qu'une
partie de ce flux patients puisse le faire à distance.
Cela nécessite, à partir de ce moment-là,
que des gestionnaires soient détachés dans leur métier
actuel au contact du patient pour tous ceux qui ne l'utiliseront pas et, a
contrario, pour les patients utilisant cette solution d'admission à
distance, il faudra qu'il y ait des gestionnaires qui soient dans des missions
de back office, dans un bureau, qui reçoivent ces informations et qui
les traitent sans contact physique ni échange avec le patient si ce
n'est des messages mails. Ça change la position et le quotidien d'un
gestionnaire. S'il fait le métier derrière le guichet avec des
patients toute la journée, il a un contact relationnel très fort
et ça ne sera plus du tout le cas quand il fera la même chose
à distance. Cela se rapprochera beaucoup plus d'un métier
administratif de gestionnaire pur. On voit très bien qu'il y a des
compétences du métier qui vont évoluer.
Si je suis gestionnaire et que j'ai fait ce
métier-là, c'est soit :
· 1 : que je trouve un intérêt dans le
contact au patient, que ce que j'aime bien c'est aider le patient, le rassurer,
l'orienter dans l'établissement et finalement la saisie de
données administratives n'est qu'un prétexte pour être au
contact du patient. Demain ce profil-là aura du mal à y trouver
son compte si on le met dans un bureau et qu'on lui demande de ne se concentrer
plus que sur l'activité de saisie et de contrôle des
pièces.
· 2 : que j'ai plutôt envie de faire un travail
administratif et de pouvoir lisser ma charge de travail sur la journée,
ne pas être stressé par des pics de travail en telle et telle
heure et que je dois faire face au patient, que je reste aimable parce que je
suis la porte d'entrée de l'établissement et que cela m'impose un
stress fort ben là je vais être
157
content de faire ce travail-là, d'être
protégé au back office et pouvoir m'organiser comme je veux sur
la journée du moment que je réalise les tâches que j'ai
à faire.
On voit bien que la manière d'exercer le métier
dans le premier ou dans le deuxième cas on ne parle plus du même
métier, plus du même quotidien. Ça peut susciter de
l'engouement si je me retrouve plutôt dans le cas de figure 2 et à
contrario si j'ai un profil où je prenais plaisir à être
face au patient et que je nourrissais plutôt l'intérêt de
mon métier dans le relationnel, là je vais avoir une
résistance au changement sur le fait que l'adoption de cette solution va
changer mon métier.
On s'est rendu compte, en discutant avec eux, que les
motivations des professionnels qui sont à ce poste-là sont
différentes. Parfois ce sont des postes sur lesquels la personne a
été reclassée compte tenu de restriction médicales
alors qu'elle était soignante auparavant. La motivation d'une personne
avec ce profil ne sera plus forcément d'être au contact du
patient. Elle a connu ce que c'était et aujourd'hui ce n'est plus ce
qu'elle recherche. On retrouve différents profils de par la
carrière que ces personnes ont eue et de par les affinités
qu'elles ont. Il y a vraiment deux profils de motivation dans ce même
poste. Soit c'est un lien d'accompagnement au patient, soit c'est plutôt
la volonté de faire un travail plus administratif et plus
éloigné du patient. Pour certains la solution est une
réponse et pour les autres un obstacle. C'est intéressant de
faire de l'accompagnement du changement parce qu'en fonction des profils
d'utilisateur on va avoir deux types de réaction.
A ce stade, pour être très transparent, dans la
mesure où on est concepteur d'une solution et que notre métier
c'est d'abord de mettre en place cette solution, qu'elle réponde aux
besoins de l'établissement d'un point de vue technique et que
derrière ce soit déployé, testé,
paramétré comme il faut. Ça c'est notre métier
premier. Ensuite on se rend compte qu'en fonction des l'établissement,
la possibilité de créer et d'animer une équipe projet pour
donner vie à cette solution dans le réel du professionnel n'est
pas la même. Dans ces cas-là il y a un besoin d'accompagnement des
professionnels qu'on pourrait pousser un peu plus moyennant que cela soit
convenu avec l'établissement. C'est plutôt un enjeu
identifié dont on a bien conscience mais dont l'établissement
doit également prendre conscience pour qu'on puisse les aider et faire
une prestation sur ce sujet. C'est très dépendant du manager du
bureau des entrées dans notre cas et de la manière dont il va
traiter le sujet. Soit il en a conscience et c'est lui qui va le faire
directement auprès de ses équipes, soit il en a moins conscience
ou n'a pas le temps de le faire et dans ce cas-là on se retrouve avec un
besoin là-dessus qui n'est pas couvert ou pas suffisamment.
158
Quel(s) accompagnement(s) spécifique(s) pourrait
être mis en oeuvre dans les établissements sanitaires sur le long
terme dans le cadre des changements à venir liés à
l'implantation croissante d'outils technologiques, notamment ceux dotés
d'intelligence artificielle ?
Clairement il y a des prestations d'accompagnement au
changement à concevoir autour des outils qui doivent être faites
très amont. A partir du moment où la direction d'un
établissement identifie qu'elle veut, en l'occurrence, pour parler de
notre métier, redéfinir son parcours administratif et
l'expérience du patient à ce niveau, il faut bâtir un
projet dédié à cela avec des personnes qui soient
détachées et impliquées dès le départ pour
penser à la cible, c'est-à-dire penser à ce qu'on voudrait
mettre en place demain dans l'établissement et après se poser la
question de l'usage des outils, qui peuvent avoir de l'intelligence
artificielle ou bien définir le besoin que l'on a pour trouver les bons
outils par rapport à ce qu'on veut mettre en place en termes
d'organisation et pas acheter une solution et après se poser la question
d'adapter l'organisation et les métiers à la solution. Il serait
plus vertueux de faire l'inverse. Avec la réalité du quotidien et
la pression opérationnelle qu'on a tous les jours, ce n'est pas
évident de toujours pouvoir faire les choses dans le bon sens.
Le secteur de la santé va être culturellement
à cheval sur certaines valeurs, et heureusement. La valeur de l'humain y
est très forte. L'aspect technologique n'est pas toujours vu d'un
très bon oeil spontanément. On oppose tout de suite la
technologie aux humains en général. C'est un biais cognitif qu'on
peut avoir et qui est, à mon avis, amplifié dans le secteur de la
santé.
Qui sont les demandeurs de ce type de solution
?
En général ce sont le directeur financier et le
directeur des systèmes d'information d'un établissement.
Aujourd'hui c'est à l'échelle d'un établissement, pas d'un
GHT.
Avez-vous des éléments à ajouter
?
L'idée fondamentale c'est de faire attention de ne pas
se poser la question de l'organisation et de l'évolution des
métiers a posteriori de l'achat d'une solution. Il faudrait vraiment
inverser les raisonnements et d'abord se poser la question de ce qu'on veut
faire et dans un établissement de santé il n'y a qu'une seule
chose qui compte et qui est fédératrice c'est le
159
patient. Il faut partir du patient et se demander se qu'on
veut mettre en place pour améliorer l'expérience du patient au
niveau administratif. De là, on se pose la question de l'organisation et
des outils qui en découlent. Ça permet une chose fondamentale :
c'est de donner de la cohérence et du sens au projet. C'est la
première pierre à l'édifice dans l'accompagnement au
changement. Porter des programmes d'accompagnement au changement sur des
projets qui n'ont pas de sens, c'est compliqué et ce n'est
agréable pour personne. Je défends une vision de l'accompagnement
du changement qui n'est surtout pas de faire passer la pilule. Ça ce
n'est pas de l'accompagnement au changement. L'accompagnement au changement
c'est comprendre d'où on part, savoir où on veut aller et
accompagner les professionnels à sauter d'une étape à
l'autre du mieux possible. Ce n'est pas non plus sans douleur mais c'est clair,
cela a du sens, c'est transparent pour tout le monde. C'est un accompagnement
collectif. Un accompagnement individuel est possible mais c'est autre chose.
Dans le cadre d'un accompagnement collectif, accompagner le changement, c'est
le faire à l'échelle du groupe. Tous ne se retrouvent pas dans un
changement collectif, c'est toute l'ambivalence et les incohérences
auxquelles on est confronté dans un accompagnement du changement. Il
faut structurer les choses du mieux possible en amont pour garder le cap du
projet collectif et pas traiter les cas individuellement.
Annexe 17 : Processus de recommandations
Légende :
Étapes du projet
Actions/ Projets d'équipe RH à mener en
parallèle
Accompagnement de la direction
Formations agilité et conduite du changement Formations
agilité et coopérations Formations évolutions du
métier
Recherche des
prestataires et choix d'une solution durant les
premières
itérations
Ajouter le contact fournisseur de la solution dans les
itérations du projet
Création copil projet
A
Exemple : projet d'acquisition
d'une solution d'automatisation d'admission des patients
Copil composé du cadre chef des entrées, de
2 assistantes utilisatrices de la solution, d'un membre de
l'équipe RH, du DSI, de l'architecte big data
Formation du comité de pilotage
à l'agilité et au
co- développement professionnel
Comment avancer dans le projet et travailler
ensemble en intelligence collective
Créer un copil de projet de transformation
numérique
exemple : projet d'acquisition d'un outil d'aide à
la décision en chirurgie cardiaque
Copil composé du chef de service de chirurgie
cardiaque, , d'une infirmière cadre, d'une infirmière
IBODE, d'un membre de l'équipe RH, du DSI, de l'architecte
Big data
Création copil projet
B
Investissement dans un SIRH modernisé
Veille permanente sur les
risques psycho-sociaux
Projet interne au service des
Ressources Humaines d'adaptation du dispositif de
Gestion Prévisionnelle des Emplois et
des Compétences
Former la direction à l'agilité
Créer une acculturation et un changement
Consultation et implication des partenaires
sociaux
Sensibilisation de l'ensemble de l'équipe RH au
processus
en cours
Création d'une banque de formations en ligne en
format court sur des sujets divers et variés permettant
la montée en compétence de tous les
collaborateurs. Parmi ces formations, une sensibilisation
à l'intelligence artificielle en santé devra être
mise en avant
Créer un copil annexe ou identique ou avec des
membre
en commun de formations à mettre en place dans le cadre
de
la transformation numérique
Formation des cadres à la conduite
du changement dans le cadre de la transformation numérique
avec, au coeur de l'action de formation, la transmission
des éléments clefs des projets en cours pour
transmission
Formations
communication et psychologie pour le personnel médical et
paramédical en commençant par
ceux dont les
spécialisations ont déjà
évolué ou sont amenées à évoluer rapidement
suivant les projets retenus
(services de
radiologie et de
chirurgie cardiaque
par exemple
Formations au co-développement professionel pour
le personnel médical et paramédical
Apprendre à
travailler
ensemble et avec
de nouveaux
métiers
émergents
Année N
Année N+1
161
Annexe 18 : Les typologies de formations
MOOC
MOOC signifie « Massive Open Online Courses ». En
français, cela veut dire que ces cours proposés par des
écoles et des universités, voir des entreprises, sont accessibles
à tous gratuitement sur Internet. Les MOOC sont ouverts et rassemblent
plusieurs milliers de personnes. Mieux que le e-learning et les simples
tutoriels, les MOOC ont l'avantage de créer une forte
interactivité entre apprenants, mais aussi avec les intervenants. Les
MOOC, après évaluation pédagogiques, sont certifiants.
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COOC
Le COOC (Corporate Online Open Course) est un cours en ligne
dispensée par une entreprise auprès de ses clients, de ses
salariés ou de ses fournisseurs/prestataires. Cette méthode
permet aux apprenants de bénéficier de toutes les
modalités pédagogiques : travail collaboratif, travail
distanciel, gamification, etc. Un outil puissant pour accompagner la
transformation digitale au sein d'une organisation et pour développer
les compétences de chaque collaborateur.
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MICRO-LEARNING
Ce sont des modules de formation très courts qui
peuvent être suivis à tout moment de la journée. Les
modules les plus courts ont une durée comprise entre 20 et 30 secondes,
les plus longs durent en principe 5 minutes. Cette modalité
pédagogique permet d'être «consommée» à
tout moment de la journée (entre deux rendez-vous, lors d'une pause,
dans les transports en commun...).
Ces modules de fast-learning répondent à
l'acronyme anglais ATAWADAC : AT pour anytime (n'importe quand), AW pour
anywhere (n'importe où), AD pour any device (sur n'importe quel support)
et AC pour any content (tout type de contenus). Cette universalité
s'inscrit parfaitement dans une démarche dite « BYOD » (Bring
Your Own device) qu'adoptent de nombreuses entreprises ce qui signifie que
l'apprenant peut apprendre en utilisant ses propres outils.
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WEB SERIE PEDAGOGIQUE
La websérie (ou web-série) peut être
définie comme un produit audiovisuel de fiction composé de
vidéos diffusées principalement sur Internet. Ce mode de
diffusion pousse les créateurs du genre à l'originalité
pour se faire remarquer parmi la masse de vidéos disponibles. Le fait
d'être sur le web permet aussi une grande liberté de ton et une
audace que l'on ne peut pas envisager de la même manière sur un
média plus formaté. L'intérêt étant de
raconter des histoires différentes et de profiter de
l'interactivité que permet Internet. La durée d'un épisode
de websérie est généralement de quelques minutes,
même si certains peuvent être plus longs.
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LA SIMULATION
La formation par la simulation consiste à simuler un
cas réel de situation rencontrées dans le domaine professionnel.
Elle connait un engouement sociétal public depuis que se sont
développés des domaines aussi différents que le jeu
vidéo, le pilotage virtuel de véhicules ou la vulgarisation
scientifique basée sur le numérique.
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SERIOUS GAME
Un jeu sérieux (de l'anglais serious game : serious,
« sérieux » et game, « jeu ») est une
activité qui combine une intention « sérieuse » -- de
type pédagogique, informative, communicationnelle, marketing,
idéologique ou d'entraînement -- avec des ressorts ludiques. De
manière synthétique, un jeu sérieux englobe tous les jeux
de société, jeux de rôle et jeux vidéo qui
s'écartent du seul divertissement.
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