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En Europe, la traçabilité des produits de la mer permet-elle de contribuer à  lutter contre les pêches illicites?


par Bruno MORIN
Université de Nantes - Master en droit des activités maritimes et océaniques 2015
  

Disponible en mode multipage

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La traçabilité des produits de la mer permet-elle de lutter contre les pêches INN ?

Master 2 DSAMO - 2015

Page : 1

Mémoire pour obtenir le diplôme de :
MASTER 2 RECHERCHE
Spécialité
DROIT ET SECURITE DES ACTIVITES MARITIMES ET OCEANIQUES
Délivré par
UNIVERSITE DE NANTES
Cohabilité par :
ECOLE NATIONALE DE SECURITE ET D'ADMINISTRATION DE LA MER- ENSAM
Présenté par :
Bruno MORIN
Administrateur des Affaires Maritimes

En Europe,

la traçabilité des produits de la mer

permet-elle de contribuer à lutter

contre les pêches illicites ?

Soutenance le 7 mai 2015

Composition du jury :

Patrick CHAUMETTE Professeur, Docteur en droit social

Directeur du Centre de Droit Maritime et Océanique Université de Nantes

Cédric LEBOEUF Docteur en droit, chercheur post-doctorant, université de Nantes

Gaëlle CHAIGNEAU Administrateur de 1ère classe des Affaires Maritimes Docteur en géographie, université de Nantes

Morgan BOURHIS

Administrateur Principal des Affaires Maritimes

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Résumé :

92 Millions de tonnes de poissons sont pêchés dans les océans en une année, dont 30 % de manière illégale selon certaines estimations. L'Organisation des Nations unies et les pays industrialisés, dont l'Europe, ont décidé de lutter activement contre ces pêches illicites, non déclarées ou non règlementées. Parmi les moyens Européen mis en place, la certification de l'origine permet d'attester que les produits commercialisés sont légaux. Cependant la complexité du système, tant sur la mondialisation du marché que sur l'aspect juridique rend difficile les inspections. Ainsi, parallèlement à la traçabilité sanitaire, une nouvelle forme de traçabilité externe, permettant de remonter immédiatement à l'origine d'un lot a été mis en place en Europe. La mise en oeuvre de ce nouveau mode de surveillance du marché est en phase de déploiement en France et rencontre des problématiques qui devront être surmontées. Mais face à la difficulté de mettre en place ce nouveau système, et devant la mondialisation de ce commerce, la traçabilité externe peut-elle permettre de lutter efficacement contre ces pêches illicites ?

Mots clés : pêche illégale - certification - origine - traçabilité

Abstract

92 million fish are caught in the oceans in one year. 30% are illegal according some estimates. United Nations Organization and industrialized countries (as Europe) have decided to fight actively against fisheries illicit declared or non-regulated. Among the European capacities, the certification of origin provides to certify that the products are legal .However, the complexity of the current system both on the globalization of the market and the legal aspect complicates inspections. Thus, alongside the health tracking, a new form of external traceability, to go immediately back to the origin of a lot has been in place in Europe. The implementation of this new mode of market surveillance is in phase of deployment in France and encounter issues that must be overcome. But faced with the difficulty of implementing this new system, and the globalization of trade, can external traceability allow to effectively combat these illegal fisheries?

Key words: illegal fishing - certification - origin - traceability

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Remerciements :

Je tiens avant tout à remercier l'Administrateur de 1ère classe des Affaires Maritimes et docteur en géographie Gaëlle CHAIGNEAU pour son aide et l'apport de son expérience dans les diverses réflexions qui m'ont permis la rédaction de ce mémoire. Son exigence m'a grandement stimulé tant pour reprendre mes études que pour les réussir.

Je souhaite également remercier mon Directeur de Mémoire, le docteur en droit Cédric LEBOEUF, pour le temps qu'il a consacré à m'apporter les outils méthodologiques indispensables à la conduite de cette recherche.

Je remercie en particulier l'Administrateur en Chef de 2ème classe des Affaires Maritimes Gaël HOLLIER , de la Direction interrégionale de la Mer de Nantes, pour toutes les informations fournies et pour les longs moments d'échanges où il a pu me faire profiter de son expérience et de ses connaissances.

Merci également à l'Administrateur de 2ème classe des Affaires Maritimes Frédéric SCHMITT de la Direction des Pêches Maritime et de l'Aquaculture et à jean BOUDEAU, inspecteur de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes, de la Direction Départementale de la Protection des Populations de Vendée, pour tous les documents et analyses qu'ils ont eu la gentillesse de me communiquer et commenter.

Je suis également reconnaissant envers l'association OCEANA et notamment Nicolas FOURNIER et Vanya VULPERHORST qui m'ont accordé du temps dans leurs bureaux Bruxellois pour m'aider dans mes recherches.

Enfin un grand merci à ma femme et mes enfants pour m'avoir encouragé et supporté durant tous ces moments de vie étudiante.

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Abréviations et acronymes

INN : Illicite, Non déclaré, Non réglementé

TAC : Taux Admissible de Capture

RMD : Rendement Maximum Durable

FAO: Food and Agriculture Organization

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique

TIDM : Tribunal International du Droit de la Mer

ONU : Organisation des nations Unies

ORGP : Organisation Régionale de Gestion des Pêches

UE : Union Européenne

EM : Etat Membre

CTOI : Commission des Thons de l'Océan Indien

CICTA : Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique

BOL: Barcode Of Life

FDA: Food and Drug Administration

IRSN : institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire

OAV : Office Alimentaire et Vétérinaire

HACCP: Hazard Analysis Critical Control Point

DPMA : Direction des Pêches Maritimes et de l'Aquaculture

DGCCRF : Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des

Fraudes

DGAL : Direction Générale de l'ALimentation

RASSF: Rapid Alert System for Food and Feed

CNUDM: Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer

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Table des matières :

Introduction 6

I - Lutter contre les pêches illicites, une priorité Européenne 14

A - Les moyens européens pour lutter contre ces pratiques illégales 14

1 - La Politique Commune de la Pêche et la l'éradication de la pêche INN 14

2 - Les moyens européens déployés pour lutter contre ces pêches pirates 18

3 - La fraude américaine peut-elle exister en Europe ? 23

B - Identifier les produits de la mer d'origine INN, un enjeu important pour l'UE 25

1 - Quels sont les enjeux dans cette lutte contre la pêche INN ? 25

2 - Solutions techniques et juridiques mises en place par l'Europe? 27

3 - Les données d'origine d'un produit sont-elles suffisantes ? 29

4 - Les limites juridiques du système existant 32

5 - La certification sanitaire d'un produit peut-elle servir à rechercher son origine ?34

II - la traçabilité des produits de la mer, du bon état sanitaire à la bonne origine des lots,

exemple de la France 37

A - Le marché des produits de la mer, d'une traçabilité séquentielle à une traçabilité de

contrôle 37

1 - Deux traçabilités pour deux finalités différentes 37

2 -La mise en place complexe de la traçabilité externe 40

3 - la responsabilité de l'Etat Membre, le cas de la France 42

B - Certifier l'origine d'un produit, les responsabilités de chacun 46

1 - Les portages de responsabilité des différents opérateurs du marché 46

2 - Les limites de la responsabilité des opérateurs 50

3 - La défaillance de la traçabilité externe, un risque économique réel 52

Conclusion - Lutter contre la pêche illicite en se servant de la traçabilité, une utopiste

réalité 55

Bibliographie 56

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Introduction :

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« La pêche en mer est libre, car il est impossible d'en épuiser les richesses » écrivait en 1609 le juriste Grotius, dans son livre Mare liberum, texte de référence du droit maritime international proclamant le fait que les océans étaient des territoires internationaux libres d'usage pour toutes les nations. Cette citation, maintes fois reprise, était basée sur la connaissance scientifique du monde de l'époque, avec une vision inépuisable des ressources halieutiques dans un univers où la théologie apportait des réponses à l'incompréhension des mystères de la nature. Cependant ce postulat fut mis à mal au XXème siècle lorsque les hommes développèrent la pêche industrielle et se mirent à exploiter l'intégralité des océans. Ce siècle de développement des transports maritimes, de l'extraction sous-marine et de l'exploitation mondiale des stocks halieutiques, même les plus éloignés, répondait à la base aux besoins alimentaires, voire cosmétiques, de l'expansion démographique galopante de la planète.

Durant ce siècle exceptionnel de découvertes et d'inventions, l'exploitation des ressources des océans est devenue un enjeu de pouvoir et de puissance des Etats et des sociétés. Ainsi certaines nations ont déployé des flottes de plus en plus importantes afin de pêcher dans des endroits jusqu'alors inaccessibles, dans des conditions pouvant être hostiles, telles les eaux poissonneuses des îles australes de Kerguelen, Sandwich, Bouver ou Macquarie.

Jusque dans les années 1980, la production halieutique n'avait qu'un seul objectif, la recherche de la pêche miraculeuse, prélevant ainsi le plus grand nombre possible de poissons sans s'imaginer que ce productivisme, cette surexploitation de la nature, allait générer un effondrement de certains stocks. Même si la pêche existe depuis la nuit des temps, celle-ci a considérablement changé depuis une centaine d'années, depuis que les ressources halieutiques ont apporté une chose supplémentaire à la notion de nutrition, la notion de profit. En effet, outre l'aspect purement alimentaire qui, dans une certaine limite, pourrait excuser un comportement de prédateur, la pêche mondiale a développé un commerce, pouvant générer énormément d'argent, autour de cette activité. Certaines espèces halieutiques ont même été tellement valorisées que des marchés, à l'identique de marché financiers, ont été créés comme ce fut le cas pour le thon rouge sur le marché de

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Tokyo où les prix de vente de cette espèce ont atteint des records allant jusqu'à 6 000 euros du kilo1.

D'autres espèces ont été également surexploitées à des fins de commerce de masse comme ce fut le cas du cabillaud de l'atlantique, du thon blanc, ou encore de la légine et de beaucoup d'autres espèces. Les quantités de production sont passées de 20 millions de tonnes de production mondiale en 1950 à 92 millions en 20062, soit une multiplication par presque 5 de ces captures alors que la population mondiale a été multipliée par 2,5 passant de 2,52 milliards à 6,46 milliards d'habitants en 2005. La croissance des captures de poissons a donc évoluée deux fois plus vite que la population du globe, ce qui s'explique par deux facteurs principaux, l'amélioration des méthodes de conservation de cette denrée alimentaire qui a permis de pouvoir les transporter et les commercer sur des marchés éloignés des zones côtières, et la valorisation de ces produits en faisant dans certains cas de la consommation d'espèces, comme le thon rouge, le saumon ou l'anguille, un met de luxe et donc convoité.

Malgré plusieurs signaux alarmants concernant la destruction de certaines espèces, comme ce fut le cas pour la pêche baleinière où une convention internationale fut mise en place en 1946 pour encadrer cette pêcherie, la première réelle prise de conscience de la surexploitation des océans fut actée en 1958 avec la convention sur la pêche et la conservation des ressources biologiques de la mer signée à Genève.

Cependant, il a fallu attendre les années 80, pour que les Etats s'accordent sur le fait qu'il était réellement nécessaire de mettre en place des mesures de gestion mondiales des mers et de limiter ou réguler les captures de ressources halieutiques. La convention des Nations Unies pour le Droit de la Mer, signée à Montégo Bay en 1982 mit en place, entre autre, le système de gestion actuelle de ces exploitations de ressources basé sur des notions de taux admissibles de capture, quotité maximum que devrait prélever, ou laisser prélever, un Etat côtier d'une espèce pour ne pas la surexploiter et la conduire à son extinction partant du fait que même si les poissons sont des res nullius, le devenir de l'humanité allait dépendre des océans et qu'il fallait s'entendre pour pérenniser ces ressources et déterminer de réelles conditions de gestion de ces espèces.

1 : Le 5 janvier 2013, un thon de 222 kilos a été vendu 1,38 million d'euros sur le marché au poisson de Tsukiji au Japon.

2 : Source : FAO fisheries - The State of World Fisheries and Aquaculture, 2008 ( www.fao.org)

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En 1995, la convention sur les stocks migrateurs, dite de New York, entérina l'existence des organisations régionales de gestion des pêches en leur octroyant la possibilité de gérer les stocks chevauchants et les espèces migratrices afin d'éviter la surexploitation de ce stock.

La même année, la Food and Agriculture Organization, de l'Organisation des Nations Unies mit en place un code de bonne conduite pour une pêche responsable.

Cette prise de conscience internationale de la nécessité de préserver les océans et d'organiser une exploitation pérenne, a débouché sur la création de nouveaux concepts comme le développement durable et le rendement maximum durable qui seront explicités dans ce mémoire.

Malheureusement, comme toute activité générant des profits, le développement de la pêche industrielle a également vu apparaitre des activités de pêche ne respectant pas ces principes de bonne gestion et s'affranchissant de toute idée de préserver l'avenir des ressources marines en ne pensant qu'au profit réalisé sur l'instant, au détriment des générations futures qui seront dépendantes des protéines issues des océans.

Ce type de pêche frauduleuse se décline en trois types de mode opératoire, la pêche Illicite, pratiquée dans des zones sous souveraineté d'un état sans son accord ou sous une zone de gestion d'une ORGP sans respecter ses règles, la pêche Non déclarée, s'affranchissant de toutes règles déclaratives de gestion des stocks et la pêche Non règlementée, réalisée par des navires apatrides ou dont l'état du pavillon ne met pas en place de règlementation alors que cela s'avère nécessaire. Cette pêche dite Illicite, Non déclarée et Non réglementée, ou INN, est devenu un fléau pour les océans. Un rapport de l'Organisation de Coopération et Développement Economique (OCDE), paru en 2005, estime que la pêche INN représente 30 pour cent des captures totales dans certaines pêcheries importantes3. D'après ce rapport, les facteurs institutionnels incitant à pratiquer de telles pêches pirates sont : la recherche de chiffre d'affaires et de réduction de coûts sociaux, les lacunes des dispositifs juridiques internationaux, la mise en application insuffisante des règlements nationaux et internationaux, l'existence de paradis fiscaux dans des pays non coopérants, la médiocrité des conditions économiques et sociales de certains Etats, et de façon générale l'absence de moralité de ces fraudeurs.

Des systèmes pour lutter contre cette pêche illégale ont été initiés par la FAO, les ORGP et l'Union Européenne, première importatrice de produits de la mer dans le monde. Ces moyens de lutte, allant du contrôle in situ par le déploiement de moyens hauturiers de

3 : source OCDE - Pourquoi la pêche pirate perdure : les ressorts économiques de la pêche INN - 2005 ( www.ocde.org)

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contrôle ou par l'observation satellite comme le fait la France dans ses eaux australes, au contrôle au débarquement et à la certification de l'origine des captures lors d'échanges commerciaux. L'Europe a lancé une vaste lutte contre, aussi bien la pêche INN , que sa commercialisation sur son territoire, se dotant d'outils juridiques élaborés et développant la coopération tant au sein de l'Union qu'avec les Etats tiers importateurs de produits de la mer. De vastes campagnes ont été mises en place, telle les plans de déploiement conjoint en Méditerranée où l'ensemble des Etats Membres déploient des navires de contrôle lors de la campagne de pêche au Thon rouge et contrôlent, sous l'égide de l'ORGP concernée, l`ensemble des navires pêchant cette espèce, quel que soit leur pavillon.

Outre ce déploiement de moyens sur les zones de pêche, la recherche de la bonne origine des produits de la mer est devenue une des solutions plébiscitée par l'ensemble des Etats comme moyens de lutte efficace contre ces pêches INN.

Ainsi, tant l'OCDE dans son rapport de 2005 que l'union Européenne dans plusieurs règlements et la FAO, via une directive de février 2014, ont mis en avant que la méthode la plus efficace serait d'être capable de tracer tous les produits mis sur le marché et de déterminer la zone, la date et le navire qui a capturé l'espèce commercialisée.

La détermination et la possibilité de vérifier la véracité d'un affichage d'origine s'avère donc être une méthode que l'ensemble des acteurs, tant étatiques que commerciaux, voudraient pouvoir développer. Cependant, la problématique de pouvoir vérifier des éléments de certification sans enfreindre la souveraineté ou les droits souverains d'un Etat côtier s'avère complexe, car si cet Etat ne coopère pas avec les autres Etats, nul ne peut lui imposer d'autoriser une quelconque vérification. Cette analyse a récemment été confirmée par le Tribunal International du Droit de la Mer (TIDM) suite à une demande d'avis consultatif de la Commission sous régionale des pêches concernant les obligations de l'Etat du pavillon en cas de pêche illicite , non déclarée et non réglementée4.

La seule solution étant de faire pression sur ces Etats non coopérants en essayant de réduire le chiffre d'affaires des navires de ces Etats pratiquant ces pêches illicites ou en augmentant significativement leurs charges d'exploitation. Là encore, l'OCDE préconise des sanctions fortes, allant de l'interdiction d'importation à la mise en place de sanctions sévères, notamment la prison, la confiscation des navires et des captures, en passant par l'éradication des paradis fiscaux.

4 : Source : TIDM - Demande d'avis consultatif soumise par la commission sous régionale des pêches - 29 novembre 2013 ( www.itlos.org)

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Finalement, cela démontre que tant que les opérations de pêches illicites, non déclarées et non réglementées resteront rentables, il sera extrêmement difficile de les supprimer.

Cependant être en capacité de détecter une fraude sur un lot vendu et de pouvoir trouver et sanctionner le commettant ne peut passer que par une phase de détermination de l'origine du produit vendu.

Cette méthode de traçage de l'origine de la chose vendue est dénommée traçabilité. Ce concept, essentiellement utilisé jusqu'à récemment à des fins de sécurité alimentaire, parait devenir un élément clé de la sécurité des stocks halieutiques.

Depuis l`antiquité, la traçabilité, qu'elle soit commerciale ou sanitaire, a toujours été un élément essentiel du commerce des animaux. Du marquage indélébile au fer rouge, comme imposé par le code d'Hammourabi en Mésopotamie il y a 3800 ans, aux règles sanitaires du Codex Alimentarus imposées de nos jours sur le plan international, en passant par le marquage et les certificats mis en place entre la XIV et XIX siècle pour lutter contre les épizooties ou encore l'arrêt du conseil du Roi de France du 16 juillet 1784 pour lutter contre les maladies contagieuses des animaux, l'existence de risque a toujours incité les dirigeants à prendre des mesures de prévention et de surveillance, ce que nous appellerions aujourd'hui l'analyse de risque.

Dans sa notion internationale, la traçabilité des produits s'est particulièrement développée au XXème siècle, suite à l'internationalisation des échanges et du commerce, afin de répondre dans un premier temps au modèle Fordiste de production de masse. Ce mode de production, relancé par les besoins de reconstruction d'après-guerre, mit sur le commerce des volumes de produits de plus en plus considérables sur l'ensemble de la planète.

Afin d'obtenir la confiance des acheteurs et du système, il fallut maitriser la parfaite et immédiate identification des objets de transaction. Avec ces nouveaux marchés mondialisés, l'échelle de risque change également, si bien que des possibilités de produire des erreurs en série ou de fraudes à grande échelle deviennent des réalités et il s'avère impératif d'être en capacité de retrouver facilement la série d'origine de ces produits ou de pouvoir retrouver leur destination pour éventuellement les retirer du marché.

La traçabilité mise en place fut déclinée en trois approches distinctes, la traçabilité ascendante, descendante et en amont, l'ensemble étant la traçabilité de l'entreprise5.

5 : Source : Lee Hong Tnah - la traçabilité géographique, Ed Blais P. 190 à 198

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La traçabilité ascendante est la capacité de pouvoir retrouver l'ensemble du processus de commercialisation et d'intervenants ayant manipulé ce produit, afin de remonter, en passant par chaque stade, à son origine.

La traçabilité descendante qui se révèle être la prise en charge par un intermédiaire du produit et une identification du lot, engage ainsi la responsabilité de cet intermédiaire du marché sur la qualité du produit.

La traçabilité en amont désigne les procédures et outils mis en place pour pouvoir retrouver un produit et éventuellement procéder à un retrait d'urgence du marché.

On peut ainsi se rendre compte que finalement la certification sanitaire est un concept ancien dont l'esprit est de protéger les populations contre des risques sanitaires.

Cependant, la traçabilité, telle que nous la concevons aujourd'hui, est beaucoup plus qu'une certification de la chose vendue, elle permet de connaitre toutes les phases de manipulation entre sa genèse et sa fin. Cette approche a évolué dans un monde ou la communication entre les gens, entre les peuples à grandement changé et où le consommateur veut connaitre ce qu'il mange, souvent dans un esprit de doute ou de suspicion de consommer un produit à risque.

« La traçabilité répond ainsi à une fulgurante ascension de nos peurs et de nos angoisses dans un univers de risques ». Cette analyse, écrite par Philppe Pédrot6, directeur du Centre d'Etudes et de Recherches Appliquées aux Nouvelles Technologies, reflète parfaitement le sentiment que bon nombre de consommateurs ressentent face à une quantité et un choix important de denrées dont l'origine est affichée mais dont les fraudes fréquentes et médiatisées laissent à penser qu'il est possible que la chose achetée ne soit pas ce qu'elle devrait être.

Toutes les règles en matière de traçabilité sont déterminées par des normes et des organismes de contrôle nationaux ou internationaux7 et sont souvent amenées à évoluer afin de suivre les progrès techniques et scientifiques du marché.

Lorsqu'un produit a une genèse tellurique, les méthodes de traçabilité existantes peuvent donc permettre de trouver, en remontant par la traçabilité ascendante chaque stade de la vie du produit, l'origine de celui-ci. En cas de fraude avérée, une rupture de la traçabilité permettra aux services d'enquête d'identifier le responsable de cette fraude car il ne sera pas en capacité de prouver l'origine de la chose achetée. En effet, même dans le cadre de commerces internationaux, il est possible de vérifier physiquement une production de

6 : Source : Philippe PEDROT - Traçabilité et responsabilité - ed. Economica (2003) P.IX

7 : Source : Union Européenne, livre blanc sur la sécurité alimentaire, 2009, P.20

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produits car, outre la vérification documentaire, un inspecteur pourra se rendre sur la zone de production et établir si celle-ci existe ou pas et si elle respecte les critères règlementaires établis. Notre bonne connaissance de l`ensemble des terres de notre planète permet ainsi de pouvoir s'assurer que la production annoncée par les données de traçabilité existe. Par exemple, la viande ovine, consommée en France pourra venir d'élevages Argentins ou Néo calédoniens et pourra être contrôlée à tous les stades de transformation, même lors de l'élevage. Ainsi, tous les aliments, issus du mode de production agricole, pourront, certes parfois avec difficultés, être tracés.

Ce système peut arriver à fonctionner car il est basé sur deux éléments clés, un endroit géographique de productions vérifiable physiquement et une production quantitative issue de l'élevage ou de cultures quantifiables. En effet, un producteur ou un éleveur ne pourra pas dépasser un niveau de production par hectare ou de pâturage, ce qui permet de déterminer si ce qu'il commerce correspond à ses capacités de production.

Mais lorsque l'un de ses deux paramètres n'est plus vérifiable, ou est inexistant, la vérification devient plus difficile et approximative. En effet, un producteur dont il s'avère impossible de connaitre réellement sa surface de production peut mettre sur le commerce autant de produits qu'il le désire, même d'origine frauduleuse, puisqu'il ne sera pas possible de déterminer si la quantité de produits vendue est en adéquation avec la quantité produite. Dans le même état d'esprit, s'il est impossible de vérifier la véracité de la zone de production, la traçabilité sera donc d'une efficacité très limitée.

De nos jours, cette sécurité alimentaire et sanitaire est mondialisée car il n'existe pratiquement plus d'endroit terrestre de la planète qui ne puisse répondre aux critères de traçabilité imposés sur le plan international, dès lors bien sûr que ces produits soient commercés avec d'autres Etats.

Depuis le début des années 2000, une nouvelle forme émergente de traçabilité a vu le jour avec une finalité différente de celle que nous connaissions, ce fut la mise en place de la traçabilité des produits de la mer, pas sur un plan sanitaire, mais sur le plan de l'origine du produit. Cette traçabilité, dite externe ou de contrôle, a pour vocation la sécurité des stocks halieutiques. En Europe, deux règlements essentiels de 2009 et 2011, ont imposé cette forme de traçabilité à l'ensemble des Etats membres. Cependant, cette traçabilité, actuellement en cours de mise en place au sein de l'Union, se heurte aux principes précédemment évoqués, de zones géographiques vérifiables et de capacité de production. En effet, autant nous connaissons avec précision les surfaces telluriques, autant les océans, représentant 70 pour cent de la surface de la terre, sont encore, en grande partie, mal

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connus voire inconnus. Aussi, les critères élaborés pour la traçabilité sanitaire et le modus operandi nécessaire aux contrôles doivent être différents et sont en cours de mise en place car les objectifs alloués par l'Union Européenne sont des objectifs de résultat et non de méthode.

Cependant, cette nouvelle forme de traçabilité des produits de la mer, outil nécessaire à la bonne gestion de ressources fragiles et surexploitées, peut-elle permettre de lutter contre les pêches illicites, non déclarées et non réglementées ?

Il faut tout d'abord comprendre le risque et l'engagement des Etats, et en particulier de l'Europe face aux pêches INN, et pour ce faire appréhender les outils mis en oeuvre dans cette lutte pour pérenniser les ressources halieutiques. En effet, cette approche permettra, dans un premier temps de comprendre les enjeux et la position unanime de tous les Etats Membres.

Après la mise en évidence que l'Union Européenne s'est fortement engagée dans cette lutte, la mise en application de ces règles, et la confrontation aux méthodes existantes en matière de traçabilité permettra de mieux aborder la valeur ajoutée de cette recherche de trace et les difficultés de mise en oeuvre. Pour se faire, l'exemple de l'application au sein d'une Etat Membre, en l'occurrence la France, donnera au lecteur une vision plus détaillée des problématiques d'application rencontrées.

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PARTIE I: Lutter contre les pêches illicites, une priorité pour Européenne

A- Les moyens européens pour lutter contre ces pratiques illégales

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1 -La Politique Commune de la Pêche et l'éradication de la pêche INN

Lors de la genèse de la politique commune des pêches, l'approche des États Membres en matière de gestion de la ressource était productiviste. Les politiques mises en place avaient pour objectif de nourrir les populations et de développer le secteur économique des pêches. Ces politiques, issues du traité de Rome et conduites jusque dans les années 70, n'avaient pas encore intégré des notions d'épuisement des ressources halieutiques, et encore moins de Rendement maximum Durable8. La mise en place de taux admissibles de capture (TAC) dans ce qui était encore la Communauté Européenne fut le départ d'une prise de conscience de la nécessaire bonne gestion des ressources. En effet, cette notion de TAC, novatrice pour l'époque, avait pour objectif de définir les capacités globales maximales de captures afin d'éviter la surpêche. Cette notion est apparue dans le règlement de 1983, portant la politique commune des pêches, qui fût rédigée à la même époque que l'élargissement des Zones Économiques Exclusives des États Membres à 200 Milles marins, suivant ainsi le mouvement international insufflé par la Convention de Montégo Bay sur le droit de la mer9.

Cette convention, sur le droit de la mer, a prévu, dans son article 61, également cette notion de taux admissibles de capture, en édictant des règles d'échanges ou de commerce de ces captures entre États. Ainsi, un État côtier, qui ne pêche pas l'ensemble du TAC d'un stock doit autoriser, éventuellement par le biais de licences ou d'autorisations, les captures dans sa Zone Économique Exclusive par un État Tiers. Ce système international de commercialisation des TAC fût un des piliers de la mise en place du volet extérieur de la PCP

8 :http // : ec.europ.eu : « .Le rendement maximal durable (RMD) est le volume optimal de capture qui peut être prélevé chaque année sur un stock de poisson donné sans menacer sa capacité de reproduction future.

9:www.un.org « convention des nations unies sur le droit de la mer »- 1982

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tandis que les États Membres mettaient en commun leurs ZEE afin de se fédérer et ainsi ne pas créer de distorsion de concurrence au sein de la Communauté.

Lors de ses différentes réformes, la Politique Commune de la Pêche a progressivement intégré des notions de risque d'épuisement des ressources, tout d'abord avec cette notion de TAC et de quotas10 , puis, lors de la réforme de la PCP de 2002 (nota RCE), avec la notion de développement durable. Ce concept, créé en 1987 par Madame Gro Harlem Bruntland dans son rapport « Notre avenir à tous »11 définit cette notion comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs».

Cette nouvelle approche apporte une vision prospective de la pêche en proposant de mettre en place des politiques prenant en compte, outre les nécessaires captures et commerces de celles-ci, des objectifs de respect de l'environnement et de développement socio-économique. Le délicat équilibre à trouver entre ces trois piliers est plus que toujours d'actualité. Cependant, la récente réforme de la Politique Commune de la Pêche de 201312, renforce les objectifs en intégrant, entre autre, la recherche du rendement maximum durable pour les stocks sous TAC d'ici 2025.

Cette prise de conscience progressive par les Etats Membres d'une gestion pérenne des ressources a amené l'Europe à se poser la question du risque de dépassement des captures sur des stocks soumis à TAC, notamment par la surpêche. Durant la phase productiviste de la PCP, l'objectif étant la quantité et le commerce, il fallait trouver des approvisionnements nécessaires au marché et donc soit ces captures provenaient d'un Etat Membre soit d'un État tiers, sachant que l'Union Européenne importe environ 60 % des produits de la mer consommés13. Avec la mise en place des notions de développement durable, et notamment du volet environnemental, l'Europe a voulu s'orienter vers un respect des taux admissibles de capture et une fin de la surpêche.

Autant il était aisé de surveiller les captures dans les ZEE européennes, autant cet exercice commençait à être plus difficile sur les navires battant pavillon d'un État Membre et pêchant dans les eaux d'un pays tiers, mais connaître l'état des pêcheries d'un État tiers, voire

10 : Règlement CEE 170/83

11 : « Notre avenir à tous » (Our Common future) - Commission mondiale sur l'environnement et le développement de l'ONU - 1987

12 : Règlement UE 1380/2013 du 11 décembre 2013

13 : Site de la commission européenne - http://ec.europa.eu

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connaître, et éventuellement surveiller, les capacités et l'effort de pêche des État non membres était difficilement envisageable. En effet, la gestion des ressources biologiques de la mer dans les ZEE relèvent des droits souverains, de l'imperium de l'État côtier14.

Quant aux captures réalisées en haute mer, elles peuvent être réalisées dans le cadre d'Organisations Régionales de Gestion des Pêches (ORGP)15, ou d'accords internationaux, tels les accords des stocks chevauchants16, ce qui nécessite l'adhésion de l'État, dont le navire effectue ces captures, à ces accords, traités ou organisations. La CNUDM incite les États à adhérer à ces organisations et accords et demande de tout mettre en oeuvre pour amener les États non contractant à accepter les règles de gestion de ces ORGP.

Face à la difficulté d'aller réguler les captures réalisées par ces navires battant pavillon d'État non partie aux accords internationaux, ou ayant ratifié ces derniers mais ne respectant pas les termes de ces accords, et afin cependant de rechercher l'éradication de pêches entamant la pérennité des ressources halieutiques, la Food and Agriculture Organization (FAO)17 a créé la notion de pêche Illicite, Non déclarée ou Non réglementée, dans un premier temps en actant le fait que les États devraient empêcher la surexploitation de leurs stocks, par son code de bonne conduite18 (1995) puis en durcissant les exigences de lutte contre les pêches illicites en prenant un plan d'action «visant à prévenir, contrecarrer et éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée » 19.

Cette notion, ayant pour objectif de fédérer l'ensemble des Etats dans une démarche constructive de pêche responsable, permet ainsi de catégoriser des navires ou États n'ayant aucune démarche de lutte contre les surcapacités ou contre le commerce des ressources issues de ces pêcheries.

L'union européenne, 5? producteur mondial et premier importateur mondial de produits de la mer, et conformément à l'esprit basé sur le développement durable de sa politique commun de la pêche de 2002, a mis en place des mesures réglementaires pour lutter contre les pêches INN. Partant du postulat que « la pêche INN appauvrit les stocks de poissons,

14 : Convention de MontegoBay -CNUDM- article 56

15: Les ORGP sont créées par les États côtiers conformément aux articles 63, 64,65 et 118 de la Convention de MontegoBay

16 : Accord relatif à la conservation et à la gestion des stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs - New York - 1995

17 : Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (Rôme)

18 : www.fao.org

19 : Plan d'action édité à Rome par la FAO - 2001

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détruit les habitats marins, entraîne une distorsion de concurrence pour les pêcheurs honnêtes et affaiblit les communautés côtières, notamment dans les pays en développement »20, l'Union a mis en place une réglementation permettant de lutter contre ces pratiques.

Ainsi, en 2008, un règlement destiné à lutter contre les pêches INN a été pris par le Conseil, arguant dans ses considérant que : « La pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) représente l'une des menaces les plus graves pesant sur l'exploitation durable des ressources aquatiques vivantes et met en péril le fondement même de la politique commune de la pêche et des efforts déployés à l'échelle internationale en faveur d'une meilleure gouvernance des océans. »21.

Cette volonté affirmée de l'Union Européenne de s'engager dans la lutte contre ces pratiques illicites a également comme fondement la stabilité de la balance commerciale de l'UE concernant le marché des produits de la mer. En effet, l'UE étant la principale importatrice de ces produits, elle ne peut accepter la mise sur le marché européen de produits à des prix trop bas, ce qui est la première particularité des ressources issues de la pêche INN de par le faible coût de production, créant une concurrence déloyale, un risque de pertes de parts de marché et à terme un effondrement économique de la filière de production halieutique européenne. Ce règlement donne aussi la possibilité d'inscrire sur une liste les navires pratiquant la pêche INN et de pays tiers non coopérants, permettant ainsi de leur interdire tout accès aux ports de l'UE ou toute importation de produits de la mer.

Ce règlement de 2008 fut complété par un règlement d'application en 200922 qui définit les modalités d'encadrement du contrôle des navires de pêches des États tiers dans les ports des États Membres et édicte les règles encadrant la certification de capture applicable aux importations et aux exportations de produits de la mer.

20 : Site de la commission européenne - http://ec.europa.eu

21 : Règlement (CE) n° 1005/ 2008 du conseil du 29 septembre 2008 ( http://eur-lex.europa.eu)

22 : Règlement (CE) n° 1010/2009 du 22 octobre 2009 portant modalités d'application du Règlement (CE) 1005/2008 ( http://eur-lex.europa.eu)

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2 - Les moyens européens déployés pour lutter contre ces pêches pirates

L'Union Européenne, est membre de droit de nombreuses ORGP car, dans le cadre de la pêche, et conformément au traité sur le fonctionnement de l'UE23, elle défend les intérêts de l'Europe auprès des États Tiers et des ORGP. Ce volet de politique extérieure de l'Union, prévu et détaillé dans le règlement portant politique commune de la pêche24, permet la mise en place de liens forts avec les partenaires internationaux pour lutter contre les pêches illicites.

En effet, les Organisations Régionales de Gestion des Pêches ont établi des listes de navires de pêche INN suite aux divers constats effectués dans leurs zones de compétences. Fort de cela, l'Union Européenne a permis d'intégrer directement ces listes de navires sur les listes du Règlement INN25 et d'appliquer ainsi l'ensemble des mesures coercitives prévues par les textes. La mise en place de cette mesure se traduit par la parution au journal officiel de l'Union Européenne d'un règlement établissant la liste des navires INN. Le dernier règlement paru a été établi en 201026 et une mise à jour est en cours d'élaboration. Les navires ainsi identifiés font l'objet d'une exclusion des eaux de l'UE et ne peuvent accéder aux ports des États membres, bénéficier de services portuaires ou débarquer dans ces ports, nonobstant bien sûr, les cas de force majeure ou de détresse prévus par la CNUDM27.

Cette disposition, simple dans sa forme, revêt un endroit juridique très important. En effet, ce modus opérandi permet d'intégrer des infractions constatées par des navires de contrôle d'États membre d'une ORGP dans le droit de l'Union. Ainsi, un navire de contrôle, battant pavillon de la République de Madagascar, qui contrôlerait un navire en infraction aux règles de gestion édictées par la Commission des Thons de l'Océan Indien (CTOI)28, pourrait faire inscrire le navire contrevenant sur la liste INN de la CTOI. Cette liste étant intégrée dans la réglementation de l'Union Européenne, ce navire serait classé INN dans les eaux Européennes. Donc, l'action coercitive d'un État, non membre de l'UE, peut indirectement

23 : Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne, Article 43, paragraphe 2 - http://eur-lex.europa.eu

24 :Règlement UE 1380/2013 du 11 décembre 2013 Partie VI ( http://eur-lex.europa.eu)

25 : Règlement (CE) n° 1005/ 2008 article 30 ( http://eur-lex.europa.eu)

26 : Règlement (UE) n° 468/2010 de la commission du 28 mai 2010 établissant la liste de l'UE des bateaux engagés dans des activités de pêche illicite, non déclarée et non réglementée

27 : Convention de Montego Bay -CNUDM- article 18

28 : CTOI - ORGP couvrant les thons de l'océan Indien - site : www.iotc.org

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être validée par le droit de l'Union Européenne. Cette démarche d'intégration de ces listes au sein du droit européen démontre la volonté forte de l'Union d'utiliser tous les outils possibles pour lutter activement contre ces pêches illégales.

Les principales ORGP ont également un système d'échange de liste de ces navires, ce qui permet ainsi une lutte active mondiale contre les navires pêchant de façon illicite.

En sus de la liste de navires INN, l'union a également classé certains pays comme non coopérant. Ce classement a pour effet de suspendre tout commerce de produits de la mer et de navires de pêche avec ces États afin de les inciter à adopter des pratiques de pêche conformes aux règles soit de l'Union, soit des ORGP de leurs eaux de capture. Lors d'une décision en date du 24 mars 201429, le Conseil a classé le Belize, la République du Cambodge et la Guinée comme État non coopérant et lors de sa décision du 27 janvier 201530 a ajouté le Sri Lanka à cette liste et certains Etats, comme la République des Philippines, ont reçu une décision valant avertissement31 .

Cependant, l'Union ne voulant pas stigmatiser un État tiers de par son actuel comportement complaisant au regard de la pêche INN, la réglementation, continue d'inciter cet État à mettre en place une gestion cohérente avec les politiques internationales et européennes de bonne gestion des ressources halieutique. Ainsi, lorsqu'un État apporte « la preuve qu'il a remédié à la situation ayant justifié son inscription sur la liste »32, l'UE pourra lever ce classement INN et éventuellement inscrire cet État dans un partenariat commercial.

Ce partenariat peut être aidé financièrement par l'UE, comme le prévoit le règlement PCP, ce qui a pour effet d'inciter ces États non coopérants à entamer des démarches constructives de lutte contre les pêches INN et d'éviter tout isolement commercial.

Ces accords doivent cependant s'inscrire dans une démarche de « pêche durable », c'est-à-dire une exploitation des ressources halieutiques dans le respect des TAC, voire une recherche du RMD. Ces États peuvent être soutenus dans cette démarche par l'Agence Européenne de Contrôle des Pêches (AECP)33, qui fournit l'expertise technique nécessaire comme prévu par le règlement PCP article 30.

29 : Décision n° 2014/170/UE établissant une liste des pays tiers non coopérants dans le cadre de la lutte contre la pêche INN ( http://old.eur-lex.europa.eu)

30 : Décision n° 2015/200/UE établissant une liste des pays tiers non coopérants dans le cadre de la lutte contre la pêche INN ( http://old.eur-lex.europa.eu)

31 : Décision n° 2014/ c 85/03/UE relative à la notification d'un pays tiers que la Commission pourrait considérer comme pays tiers non coopérant ( http://eur-lex.europa.eu)

32 : Règlement (CE) n° 1005/ 2008 - article 34

33 : http :// efca.europa.eu

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Pour arriver à lutter efficacement contre les pêches illicites, l'Union Européenne, a essentiellement axé son corpus juridique sur l'aspect commercial des flux de produits biologiques de la mer. Dans l'ensemble de la réglementation européenne, les moyens mis en place se focalisent sur les entrants et les sortants. En effet, l'inscription sur une liste des navires pratiquant des pêches INN, ou le classement d'États en États non coopérants, ne sont qu'une partie de la méthode de lutte contre ces modes de production illicites, car, in fine, l'objectif est de garantir que les produits issus de ces pêches ne soient pas mis en vente sur le marché européen. Le règlement INN impose donc des moyens complémentaires à ces listes afin de lutter activement contre ces pratiques.

Dans son chapitre II, le règlement INN prévoit la mise en oeuvre d'inspection au port. Ce régime d'inspection a pour objectif de centraliser sur des points précis les débarquements des produits de la mer des navires en provenance d'états tiers, ou les opérations de transbordement entre un navire provenant de ces États et un navire d'un État membre. Outre ces obligations de débarquement ou transbordement dans des ports dits désignés, devant être clairement identifiés par chaque État membre, une notification préalable à l'accès au port, assortie d'une autorisation, est prévue dans ce règlement. En effet, le territoire de l'Union Européenne est tellement vaste, qu'il paraissait indispensable au législateur de canaliser ces flux entrants de produits dans des points donnés afin de pouvoir mettre en place des contrôles stricts de la marchandise.

Des objectifs quantitatifs de contrôle de débarquement de produits de la mer provenant de navire d'États tiers, à hauteur de 5 %, sont imposés par cette réglementation. Ces contrôles étant axés sur un croisement de données, entre la déclaration des captures effectuées par le capitaine du navire de pêche et les espèces contrôlées par les inspecteurs des pêches. Cet objectif de contrôle est complété par un système de ciblage dont l'objet est essentiellement basé sur les listes INN ou sur la suspicion de pratiques liées à la pêche INN. Ce modus operandi a d'ailleurs été repris en 2009 par la FAO dans le cadre de son accord relatif aux mesures de l'état du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche INN34.

34 : Accord approuvé par la résolution n° 12/2009 FAO du 22 novembre 2009 - www.fao.org

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Pour compléter ce dispositif, l'Union Européenne a mis également en place un système de certification des captures pour les importations et exportations des produits de la pêche. Dans son article 12, le règlement INN érige comme élément de base que « l'importation de produits de la pêche INN est interdite ». Partant de cette base, tous les produits de la mer importés, lorsqu'ils touchent le territoire de l'union soit dans un port désigné pour les débarquements, soit via un poste d'inspection frontalier (PIF), doivent être accompagnés d'un certificat de capture. Certaines organisations régionales de gestion des pêches ont édicté également ce système de certification, l'union reconnaît ces certificats comme équivalents aux certificats INN exigés par l'Union35.

Ces certificats, devant être communiqués auprès de l'État membre dans lequel le produit est importé, est validé par l'État du pavillon du navire de pêche. Si les produits transitent par un État intermédiaire, ce dernier, en sus du certificat de capture, devra attester que ces produits n'ont pas subi de transformation.

Au regard des quantités importantes importées depuis des pays tiers, et afin de sécuriser au maximum ces circuits d'importation, l'UE a créé un statut d'opérateur économique habilités. Ce statut, créé par le règlement établissant le code des douanes communautaires36 avait à la base pour vocation une simplification des formalités douanières et octroyant à des entreprises une habilitation après vérification du système de gestion interne desdites entreprises et un système de suivi et d'audit interne. Le règlement d'application INN de 2010 a étendu le champ d'habilitation de ces opérateurs économiques à l'importation de produits de la mer. Ainsi, ces opérateurs bénéficient de simplifications douanières et de simplifications administratives pour importer des produits de la mer certifiés.

Cette certification est établie par l'Etat du pavillon du navire de pêche et a pour objectif d'attester l'origine du produit de la mer concerné et certifier que le produit en question a été pêché selon des critères respectant les règles de bonne gestion des stocks halieutiques. Ces critères sont essentiellement liés au respect des TAC dans les ZEE, selon les règles édictées par la CNUDM et par le respect des résolutions, accords ou traités internationaux ou régionaux dans le cas des ORGP. Cette certification, basée sur la confiance de l'UE envers les Etats importateurs, est également régulièrement évaluée par des membres de la Commission Européenne, assisté par des experts de l'Agence Européenne de Contrôle des

35 : Règlement (CE) n° 1005/ 2008 - article 13

36 : Règlement (CE) n° 2454/93 du 2 juillet 1993fixant certaines dispositions d'application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire

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pêches dans le cadre d'audits. Ces Etats, dont la majeure partie bénéficie d'aides financières prévues par la Politique Commune des Pêches, ont tout intérêt à coopérer lors de ces audits.

En cas de manquements suspectés lors d'une inspection dans un des ports de l'Etat membre, où lors d'un contrôle de certificat d'importation, les éléments de constatation et de preuves peuvent conduire à lancer des investigations de la part de la commission. S'il s'avère qu'un navire ne respecte pas les critères minimaux de capture conformes à la bonne gestion des pêcheries imposés par l'UE, ce navire sera inscrit sur la liste des navires INN avec toutes les conséquences économiques que cela peut entrainer.

Concernant les Etats tiers, si ces derniers ne respectent pas les règles en matière de gestion des ressources halieutiques de leur ZEE en adoptant un régime de lutte contre les pêches INN, ou s'ils ne luttent pas effectivement contre des pratiques INN de la part des navires battant leur pavillon, ces Etats s'exposent à une impossibilité de commerce de produits de la mer, ou de navires de pêche, avec l'Union Européenne.

Cette forme de protectionnisme du marché des produits de la mer européen aurait pu être mal perçue par l'ensemble des Etats de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) car ce système positionne l'Union Européenne en situation de monopole commercial de par le fait que certains Etats ne commercent ces produits qu'avec l'UE. Cependant, ce système ayant des bases fondamentales dans les diverses résolutions et accords internationaux portés par l'Organisation des Nations Unies et la FAO, aucun Etat tiers ne peut s'engager dans une démarche de contestation du système européen d'importation des produits de la mer.

En effet, tous les États ayant des flux commerciaux de ressources halieutiques avec l'UE sont, certes, astreints à un régime de certification, mais sont également aidés et assistés par l'Union pour leur permettre de développer et soutenir une « pêche durable »37 .

La mise en place de ces règlements européens, axés essentiellement sur la maitrise des flux entrant et sortant, a pour objectif d'être en capacité de déterminer si un produit a licitement été capturé. Cette certification de l'origine d'un produit, si elle n'est pas appliquée peut avoir des répercussions économiques fortes et créer une concurrence déloyale auprès des producteurs de l'État d'importation. Une étude récente, réalisée au sein

37 : Règlement INN 1005/2008 - Titre II -art :31 ( http://eur-lex.europa.eu)

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des États Unis d'Amérique a démontré les incidences que peut produire une non-certification des captures.

3 - La fraude Américaine peut-elle exister en Europe ?

En février 2013, l'organisation non gouvernementale OCEANA38 a rendu un rapport concernant une étude sur le marché américain en analysant, selon une méthode d'échantillonnage scientifique basée sur l'analyse ADN des produits de la mer commercialisés sur le marché des USA. Cette étude portait sur 1251 échantillons de poissons collectés dans 674 points de vente sur le sol américain.

L'objectif de cette ONG était de vérifier l'adéquation entre l'origine des produits proposés à la vente et l'étiquetage de ces produits.

Pour établir l'origine de ces ressources halieutiques, OCEANA s'est basée sur une analyse comparative entre l'ADN des poissons collectés et une base de données publique. Ces données publiques ont été collectées via un système de plate-forme collaborative internationale, initié en 2003 par Paul Hebert, chercheur à l'Université de Guelph, dans l'Ontario (CANADA). Cette base de donnée, nommée BOL (Barcode Of Life) 39 est incrémentée par les données ADN fournies par plusieurs laboratoires d'analyses internationaux, en partenariat avec le « DNA Data Bank of Japan » Japonais, le « GenBank » Américain et le « European molecular Biology Lab » européen.

A ce jour, plus de 350 000 espèces et sous espèces animales ont été répertoriées dont les principales espèces halieutiques commerciales (Soles, Cabillaud, Thons, Vivaneaux,...), et l'intégralité des informations ADN de ces spécimens sont accessibles au public. Le projet BOL a pour vocation de créer une base de données mondiale accessible à tous, et permettant de conserver les codes ADN de toute la vie sur notre planète. Ainsi, outre les prélèvements effectués sur les espèces vivantes, le système Barcode DATA40 collecte également les données issues des Muséums d'Histoire Naturelle, ou tous les tissus cellulaires d'espèces disparues mais dont on peut encore extraire de l'ADN.

38 : ONG financée par Pex Charitable Trust - site : www.oceana.org

39 : Site : http://www.boldsystems.org

40 : Site : http://www.barcodeoflife.org

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L'étude d'OCEANA, utilisant ce système a donc pu vérifier l'origine d'un produit et comparer la véracité des éléments d'étiquetage présents. Ainsi, cette ONG a pu démontrer qu'environ 33 % des espèces commercialisées sur le sol américain possédaient un étiquetage frauduleux41. Cette vaste fraude sur l'origine des produits de la mer concernait aussi bien des poissons d'élevage que des espèces surexploitées. De plus, certaines espèces, dont la teneur en mercure était élevée et déconseillée aux enfants et aux femmes enceintes, selon l'agence américaine des produits alimentaires et des médicaments (FDA)42 ont fait l'objet d'une substitution d'étiquetage, comme le bar, avec les risques sanitaires et sur la santé que cela entraînait. Cette fraude aux origines a donc eu un impact médiatique fort et le gouvernement américain, fort de ce constat, a mis en place une politique de lutte contre le marché du poisson d'origine frauduleuse.

Le 18 juin 2014, le bureau du secrétaire de la Maison-Blanche a publié une fiche d'information sur la protection des océans et des zones côtières. Lors d'une déclaration, Barack Obama, Président des États Unis d'Amérique, en date du 17 juin 2014, a donné des instructions 43 aux agences fédérales afin d'élaborer un programme global visant à contrecarrer la pêche illicite et la fraude à l`étiquetage. Cette prise de conscience américaine sur les risques liés aux pratiques des pêches INN est assez novatrice dans la méthode de détection du problème, car elle est à l'initiative d'une ONG et est axé sur les problématiques liées à l'incidence du non-respect des origines des produits commercialisés sur la santé et le commerce et non dans une approche sur la pêche durable ou, à minima, respectueuse des règles internationales.

D'après l'administration américaine, ces commerces illégaux, sont « évalués à 20 % des prises de poisson à l'état sauvage et coûterait 23 milliards de dollars par an aux entreprises de pêche légitimes dans le monde ».

De l'autre côté de l'océan Atlantique, l'Europe a plutôt axé ses moyens de lutte contre les pêches INN sur le débarquement et la certification de l'origine d'un produit par un État tiers. Cette nouvelle approche de l'identification de l'origine d'un produit par des méthodes autres

41 : Rapport « Oceana Study reveals Seafood Fraud Naton wide » - février 2013 (auteurs : Kimberly Warner, Ph.D., Walker Timme, Beth Lowell et Michael Hishfield, Ph.D) - site : www.oceana.org

42 : FDA Food and Drug Administration - site : http://www.fda.gov

43 : Cette déclaration se trouve sur le site : http://iipdigital.usembassy.gov

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que la certification administrative pourrait être transposé dans le système européen, car l'objectif premier de la politique commune de la pêche est de « garantir que les activités de pêche soient durables à long terme sur le plan environnemental et gérées en cohérence avec les objectifs visant à obtenir des retombées positives économiques, sociales et en matière d'emploi et à contribuer à la sécurité de l'approvisionnement alimentaire ».

À travers cet objectif principal, et afin de ne pas se retrouver dans une situation similaire aux fraudes constatées sur le marché américain, garantir une bonne origine des produits commercialisés sur le marché européen paraît devenir un enjeu important.

B - Identifier les produits de la mer d'origine INN, un enjeu important pour l'UE

1- Quels sont les enjeux dans cette lutte contre la pêche INN ?

La mise sur le marché de produits d'origine illicite ou douteuse peut avoir des incidences importantes dans plusieurs domaines. Dans un premier temps sur la ressource halieutique et sa gestion pérenne comme détaillé dans le chapitre précédent, mais les incidences peuvent être également économiques, sociales, voire sanitaires. En effet, la mise sur le marché de produits INN provoque une baisse de compétitivité des productions européennes, car ce coût de production des produits de la mer des États membres, ayant l'obligation de respecter les exigences techniques, de sécurité et sociales européennes, est de fait plus élevé que le coût d'un État tiers ayant une législation et un revenu moyen par marin ou ouvrier aquacole beaucoup plus bas. De plus, selon, une étude la FAO réalisée en 201444, l'importation de produits de la mer devrait augmenter de 3 million de tonnes, passant de 10 à 13 millions de tonnes, d'ici 2030.

Cette concurrence, si elle est déloyale, peut conduire à des phénomènes de surpêche, car pour essayer de faire baisser ce coût de production, les pêcheurs compensent en augmentant au maximum les quantités capturées et rentre dans un cercle non vertueux de

44 : « The State of World Fisheries and Aquaculture 2014 », p. 201, publié par FAO ( www.fao.org)

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pêche excessive, dépassant parfois les TAC et quotas alloués. Ces dépassements et surpêche pèsent lourd sur l'économie des États membres concernés, car la Commission Européenne impose le respect de ces règles. Ainsi en date du 11 août 2014, la Commission a réduit les quotas de 10 États membres pour compenser cette surpêche45. Cette réduction aura directement un impact économique sur les entreprises propriétaires des navires de pêche.

Un rapport, nommé « Jobs lost at sea »46, rédigé par NEF, une organisation non gouvernementale, estime que plus de 100 000 emplois ont été perdus à cause de la surpêche en ayant comme argument que les captures réalisées au-delà des quotas par ces pêcheurs auraient pu bénéficier à d'autres dans le cadre d'une répartition équitable. Dans ce rapport, la notion de surpêche n'est pas considérée comme une pêche au-delà des quotas mais comme une pêche au-delà du rendement maximum durable.

Cette quête de l'équilibre entre ce que les ressources biologiques de la mer peuvent fournir sans être impactées et donc exister durablement, et les besoins socio-économiques des entreprises et salariés du secteur halieutique revêt aujourd'hui un enjeu majeur pour le futur.

Parallèlement à cela, la nécessité de garantir les apports de matières première halieutique est également une préoccupation de l'Union. Le 3 décembre 2012, le Conseil a pris un règlement spécifique pour suspendre les taxes et droits financiers à l'importation sur certains produits de la mer afin de diminuer le coût de production de certains transformateurs européens de ces produits et qu'ainsi ils puissent rester compétitif sur le marché47.

Sur l'aspect sanitaire, la lutte contre la pêche INN revêt un enjeu crucial de santé publique. En effet, un produit introduit sur le marché européen dont l'origine est incertaine pourrait être contaminé, par exemple avec des métaux lourds, tel le mercure que l'on peut trouver dans le bar, et se retrouver dans l'assiette des consommateurs. À la suite de la catastrophe de Fukushima48, l'Institut de la Radioprotection et de la Sûreté Nucléaire (IRSN)49 a mis en

45 : Communiqué de presse : Lutte contre la surpêche: la Commission européenne annonce des déductions sur les quotas de pêche de 2014 - source : http://europa.eu

46 : Rapport : « jobs Lost at sea, Overfishing and the jobs that never were » - février 2012 - (auteur Rupert Crilly et Aniol Esteban) - source : http://assets.ocean2012.eu

47 :Règlement (UE) N o 1220/2012 du Conseil du 3 décembre 2012 relatif à des mesures commerciales visant à garantir l'approvisionnement des transformateurs de l'Union en certains produits de la pêche de 2013 à 2015,

48 : Accident nucléaire industriel majeur qui a eu lieu le 11 mars 2011 au Japon, à la suite du séisme et du tsunami de 2011 de la côte Pacifique du Tôhoku.

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place un réseau de surveillance de contamination au Césium50 des poissons migrateurs particulièrement sensibles à ce contaminant. Dans le cas de mises sur le marché de ces espèces, issues d'une pêcherie INN, le risque en matière de santé serait très élevé, particulièrement pour les personnes fragiles comme les enfants et les femmes enceintes.

Les enjeux de lutte contre les pêches INN couvrent, comme cela a été démontré, un spectre en matière de risque très large allant de l'équilibre écosystémique, à la santé humaine en passant par le développement socio-économique. Pour lutter activement contre ces fraudes, l'Union Européenne s'est dotée d'outils juridiques venant compléter l'ensemble de la réglementation INN.

2 - Solutions techniques et juridiques mise en place par l'Europe

La réglementation européenne de lutte contre la pêche INN a été mise en place parallèlement à d'autres réglementations techniques relatives au contrôle des pêcheries. En effet, les deux règlements de 2008 et 2010 ont édicté les principales règles concernant les apports du marché des produits de la mer et la certification de ceux-ci en provenance des États Tiers ou suspectés d'être pêché de façon illicite.

En 2009, le Conseil a pris un règlement, nommé « règlement contrôle »51, qui avait pour objectif de synthétiser l'ensemble des règlements techniques pris par l'UE depuis les années 90 concernant le contrôle des pêches et qui avait pour vocation de clarifier et d'harmoniser les méthodes d'inspections des États membres. Cette réglementation, devenu le document de référence du système de contrôle de la pêche européenne, fût complété par un règlement d'application en 201152.

Ce corpus réglementaire a fourni un certains nombres d'outils permettant aux inspecteurs de lutter activement contre les apports et la mise sur le marché de ressources halieutiques

49 :IRSN :établissement public de l'État à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle conjointe des ministres chargés de la défense, de l'environnement, de l'industrie, de la recherche et de la santé en charge, entre autre, de la veille permanente en matière de radioprotection

50 : Contaminant Isotope hautement radioactif

51 : Règlement (CE) No 1224/2009 DU CONSEIL du 20 novembre 2009 instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche.

52 : Règlement d'exécution (UE) N o 404/2011 de la commission du 8 avril 2011 portant modalités d'application du règlement (CE) n o 1224/2009 du Conseil instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche

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issues de pêche INN. De plus, ces règlements ont imposé aux États membres des systèmes de sanction dont l'objectif fut d'harmoniser les pratiques entre États Européens et de s'assurer que tous les États membres s'impliquaient dans la lutte contre les pêches illicites. Ces outils juridiques ont pour vocation de faire respecter la bonne application de la politique commune de la pêche. La lutte contre les pêches INN étant le premier objectif de la PCP, le règlement contrôle et son règlement d'application sont donc les outils juridiques techniques complémentaires aux règlements INN.

Parmi les outils mis en place par ces règlements, l'encadrement de la mise sur le marché européen des produits de la mer s'avère le système principal choisi par l'Union.

Que ce soit lors des débarquements, puis lors de la première mise sur le marché, l'ensemble des produits de la mer doivent être certifiés quant à leurs origines. Le règlement contrôle donne la possibilité de pouvoir contrôler le marché des produits de la mer sur l'ensemble du territoire européen en imposant un système de communication entre États membres, et en donnant une validité des constats d'infractions à l'échelle européenne. Ainsi, un rapport d'inspection d'un inspecteur dûment accrédité, soit communautaire, soit d'un État membre, aura une valeur juridique dans un autre État membre pour engager des poursuites administratives ou judiciaires53.

Ce règlement encadre également les débarquements avec une pesée différée, ce qui permet une certaine souplesse concernant la mise sur le marché des flux de produits de la mer. En effet, un navire battant pavillon d'un État tiers, pourra débarquer dans un port d'un État membre, en respectant les notions de préavis et d'autorisation de débarquement et de transmission de la certification de capture, ainsi que les éventuels contrôles au port, et pourra faire peser sa marchandise par un opérateur de pesée qui se trouvera dans un autre État membre, sous réserve qu'un plan de contrôle commun, validé par la Commission Européenne, entre ces deux EM soit mis en oeuvre.

Enfin, le 25 octobre 2012, l'Union Européenne, a donné par voie réglementaire, pouvoir à la Commission54 pour prendre des mesures d'exécution pour limiter ou interdire tout accès au marché européen aux produits de la mer issus d'un pays autorisant une pêche non durable.

53 : Règlement 1224/2009 du 20 novembre 2009 - article 77

54 : Règlement (UE) n ° 1026/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 concernant certaines mesures aux fins de la conservation des stocks halieutiques en ce qui concerne les pays autorisant une pêche non durable

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Au travers de ce texte, l'Union crée une nouvelle disposition réglementaire définissant le statut d'un État pratiquant une pêche non durable et laissant la possibilité d'appliquer des restrictions identiques aux États non-coopérants.

Cette disposition réglementaire a également pour objectif de permettre une réactivité en adéquation avec les importations de ces produits sans avoir à attendre la mise en place d'un règlement spécifique qui mettrait beaucoup de temps à être applicable de par le système européen de codécision.

En effet, un règlement européen doit, pour être adopté, être voté par le Conseil et le Parlement dans des termes identiques55. Cette procédure, particulièrement démocratique, a l'inconvénient de pouvoir être très longue, parfois sur plusieurs années, ce qui ne correspond pas à l'échelle de temps d'un marché économique basé sur l'importation, comme celui des produits de la mer.

3 - les données d'origine d'un produit sont-elles suffisantes ?

L'esprit de l'ensemble des textes réglementaires ayant comme objet la lutte contre les pêches illicites est axé sur l'échange d'informations en États membres. Le but étant de suivre le plus efficacement possible les flux de produits de la mer circulant sur le territoire de l'Union Européenne.

Le point névralgique du système mis en place est basé sur l'allotissement des produits débarqués ou importés.

Cette notion de lot est la clé de voûte de l'ensemble du système permettant de certifier l'origine d'un produit. En effet, l'ensemble des produits débarqués ou importés doivent être identifiés afin de pouvoir s'assurer que l'origine soit légale, que ces produits proviennent d'un pays tiers ou d'un État membre. Allotir des produits entrant et circulant sur le sol de l'Union Européenne permet de posséder une clé numérique d'identification afin de permettre de remonter jusqu'à l'origine de ces produits. La notion de lot découle donc de la certification d'une capture, que ce soit par l'importation ou pour les produits issus des pêcheries des États membres.

55 : Principe, appelé législature ordinaire, mis en place par le traité de Lisbonne. - Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne article 288 et suivants. - source : http://europa.eu

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Le marché étant organisé à l'échelle européenne, un règlement spécifique d'organisation commune a été pris en 1999 puis a été révisé en 2013 pour être en adéquation avec la nouvelle politique commune de la pêche. Ce dernier règlement, portant organisation commune des marchés (OCM)56 dans le secteur des produits de la pêche, a pour objet d'harmoniser le marché européen afin d'éviter toute concurrence déloyale, tout en offrant une sécurité alimentaire et une information complète du consommateur concernant les produits mis sur le marché.

La principale difficulté que rencontre le système de lutte contre la mise sur le marché de produits d'origine INN étant la possibilité de remonter jusqu'à l'origine d'un lot, le règlement OCM impose des normes d'étiquetage des lots tout au long de la chaîne commerciale. En effet, que le produit soit issu d'une importation, d'un débarquement d'un navire d'un État tiers ou d'un État membre, le règlement OCM impose des normes d'étiquetage pour l'ensemble des produits afin d'identifier l'origine de ceux-ci, notamment, la dénomination commerciale, le mode de production, la zone de capture et la congélation éventuelle. Ces informations minimales, à destination du consommateur, sont complétés soit par une identification de lot pour les produits issus des pêcheries européennes, soit du certificat de capture pour les produits en provenance d'un État tiers ou d'un navire battant pavillon d'un État tiers.

Rechercher l'origine d'un lot issu d'une pêcherie européenne est, normalement, possible car les règles issues des règlements « contrôle » et OCM permettent aux inspecteurs, non seulement d'avoir accès à des données d'identification du lot, mais également de pouvoir prendre des renseignements nécessaires à leur inspection auprès de l'État membre où le lot a été mis pour la première fois sur la marché. En effet, chaque État membre dispose d'un bureau unique, prévu par l'article 5 du règlement 1224/2009, qui est le point d'entrée en ce qui concerne la collecte d'informations sur le contrôle des pêches et peut donc être saisi par la commission ou l'agence européenne de contrôle des pêches ou directement par un autre État membre.

Lors d'une inspection d'un lot de produits issu d'une pêcherie non européenne, les données disponibles accompagnant ces produits devraient permettre aux inspecteurs de pouvoir

56 :Règlement (UE) N o 1379/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 11 décembre 2013 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture, modifiant les règlements (CE) n o 1184/2006 et (CE) n o 1224/2009 du Conseil et abrogeant le règlement (CE) n o 104/2000 du Conseil

source : http://europa.eu

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retrouver, dans un premier temps, le point d'entrée sur le territoire de l'Union, puis de déterminer l'origine de ce lot avec les mêmes outils réglementaires que les lots issus des pêcheries européennes. Cependant, après avoir identifié le point d'entrée sur le territoire de l'Union et posséder un certificat de capture mentionnant l'origine des produits, établir la véracité des informations de ce certificat s'avère plus compliqué.

Sur les pêcheries européennes, quel que soit l'endroit sur la planète, les navires de pêche possèdent un système de suivi de navires (SSN), une balise, permettant de connaître leur position, leur route et leur vitesse. Les données issues de ce système sont transmises auprès de chaque État membre dont le navire bat pavillon et peuvent être disponible, sur demande, par la Commission ou l'Agence.

De plus, une autre balise, dite de détection des navires, ayant pour objet l'anticollision durant la navigation, est également disponible via plusieurs accès publics et libres de droits. Ainsi, le croisement de l'historique de ces données permet de déterminer si la zone des captures déclarées par le capitaine du navire de pêche ciblé est conforme. Ensuite, un croisement de données avec les éléments de licence, de note de vente établit lors de la première mise sur la marché permet de vérifier l'intégralité des éléments liés à l'origine des lots de produits de la mer.

De même, pour la production aquacole, des registres d'élevages sont disponibles auprès des opérateurs et permettent de vérifier l'adéquation entre l'étiquetage et l'origine d'un lot.

Dans le même état d'esprit que le système, Barcode Of Life, un programme de mise en place d'une base de données ADN européenne des produits de la mer a été lancé en 2007. Ce programme, appelé FishPopTrace57 est financé par le 7ème programme cadre de recherche de l'Union Européenne. A la différence du système BOL, la base de données européenne édicte clairement un objectif de lutte contre les pêches illégales en instituant des méthodes de recherches criminalistiques. L'objectif de ce programme étant de fournir aux services d'inspection des données de référence, permettant de comparer le lot inspecté avec le stock d'origine, via une analyse comparative de l'ADN. Cette démarche, très novatrice, se base sur les évolutions technologiques à venir, notamment la possibilité de pouvoir effectuer des analyses rapidement et à faible coût.

Cette volonté d'utiliser l'ADN comme moyen de vérification de l'origine d'un lot est plébiscité par l'Union Européenne dans plusieurs règlements en vigueur. Ainsi, dans le

57 : Système « FichPopTrace » consultable sur le site : https// fishpoptrace.jr.ec.europa.eu

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règlement portant organisation commune des marchés, le considérant 23 stipule que « ... le présent règlement devrait utiliser pleinement les technologies disponibles, notamment les tests ADN, en vue de dissuader les opérateurs d'étiqueter les captures de poisson de manière trompeuse ». Le règlement « contrôle » donne également la possibilité à la Commission d'imposer l'utilisation de dispositifs de contrôles électronique et d'outils de traçabilité telles les analyses génétiques58.

L'Union européenne s'est dotée de nombreux outils techniques et juridiques permettant de contrôler la véracité de l'origine d'un lot, cependant, lorsque ces vérifications s'opèrent sur des produits issus de pêcheries ou d'aquacultures en provenance d'un État Tiers, ces outils se heurtent à des limites fondamentales de droit.

4 - Les limites juridiques du système existant

La maîtrise des flux des produits de la mer circulant sur le territoire de l'Union Européenne est, comme cela a été abordé, un enjeu majeur pour la pérennité des apports et l'économie de ce secteur. Le système européen offre le modus operandi nécessaire pour remonter jusqu'au point d'entrée de l'Union des produits issus de pêcheries ou d'aquaculture provenant d'un État tiers.

En amont de ce point d'entrée, les seules données accessibles sont les certificats de capture émis par ces États. Ainsi, vouloir vérifier l'origine d'un lot de produits au-delà des frontières de l'Union, ne peut se faire qu'avec l'accord et la collaboration de l'État certificateur. En effet, l'ensemble de la réglementation européenne octroie une compétence rationeloci aux inspecteurs de l'Union, uniquement sur le territoire ou les navires de l'Union.

Il existe également des compétences délivrées aux inspecteurs membres des ORGP, pour permettre l'inspection de navires membres de cette ORGP. Cependant, la compétence d'inspection délivrée aux inspecteurs dans État tiers relève du droit souverain de cet État. Les inspecteurs de l'Union Européenne n'ont donc aucune compétence dans ces États.

Il semble donc que la possibilité de vérifier la véracité d'un certificat de capture relève davantage de la forme diplomatique que de l'inspection classique. L'accès aux données permettant de vérifier un certificat, que ce soit des données déclaratives provenant des pêcheurs ou électroniques comme les balises SSN, sera réalisé obligatoirement par l'état

58 : Règlement 1224/2009 -article 13 - J.O du 22/11/2009

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certificateur, sauf si ce dernier communique déjà ces informations auprès de l'ORGP de la zone de pêche.

Cette principale problématique limite donc la possibilité de récolter quelques éléments de preuves valides permettant de confirmer ou d'infirmer la véracité de l'origine de captures émanant d'un pays tiers. Lors d'une suspicion concernant l'origine d'un lot, l'UE n'ayant pas de légitimité pour diligenter une inspection au sein de l'État tiers concerné, ne pourra agir qu'au travers du système d'inspection de cet État. Si ce dernier est défaillant, des mesures coercitives, allant jusqu'au classement de cet État en État non coopérant pourraient être prises.

Cependant, au regard du nombre d'inspection menées dans le cadre du contrôle des pêches59, et aux énormes quantités de produits de la mer circulant sur le marché européen (12,3 millions de tonnes en 2011)60, les inspecteurs de l'Union auront beaucoup de difficultés pour vérifier l'origine affichée d'un lot.

Les moyens mis à disposition pour surveiller ces importations, s'articulent sur des priorités. La première d'entre elles étant la sécurité alimentaire. Aussi, un État faisant commerce de denrées alimentaires avec l'Union Européenne doit accepter des conditions d'audit de la Commission. Ainsi, chaque année, l'Office Alimentaire et Vétérinaire (OAV) 61 de la Commission européenne conduit des audits dans des États tiers afin de garantir la bonne qualité sanitaire des produits importés sur le territoire de l'UE.

Ces audits ont pour vocation d'évaluer la qualité des méthodes de production, que ce soit par la capture ou l'élevage, et de rechercher des éléments qui présenteraient des risques pour la santé humaine ou animale. Ces audits ne traitent pas la question de gestion durable des pêches ou de lutte contre les pêches INN mais uniquement de questions sanitaires. Cependant, ces règles en matière d'hygiène alimentaire imposent des systèmes, notamment un système de traçabilité issu d'une méthode basée sur l'analyse de risque, nommé HACCP62, qui impose à tous les acteurs commerciaux de denrées alimentaires ou animales de pouvoir garantir la qualité sanitaire des aliments vendus. Ce système de suivi sanitaire semble pouvoir être utilisé pour rechercher l'origine d'un produit.

59 : 12752 inspections réalisées selon le journal « le marin » - édition du 06 mars 2015

60 : « Le Marché Européen du Poisson » - Edition 2014 - Commission Européenne - EUMOFA (European Market Observatoy for Fisheries and Aquaculuture Products) Tableau 4 p. 7 - source : http://ec.europa.eu/fisheries/market-observator

61 : Site de l `OAV : http://ec.europa.eu/food/food_veterinary_office/index_en.htm

62 : Hazard Analysis Critical Control Point

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5 - La certification sanitaire d'un produit peut-elle servir à rechercher son origine ?

La base normative internationale encadrant le commerce des denrées alimentaires est encadré par le « Codex Alimentarius», code alimentaire rédigé sous l'égide de la FAO et dont les normes ont pour objet de « garantir des denrées alimentaires sûres et saines pour tous et partout »63. Dans une directive de 2003 et révisée en 2006, le Codex demande que les systèmes de contrôle des importations alimentaires doivent prévoir la reconnaissance du système de contrôle des aliments appliqué par le pays exportateur.64 C'est dans cet état d'esprit que l'Union Européenne a mis en place une réglementation sanitaire, reconnaissant et listant les exportateurs agréés.

Plusieurs règlements ayant trait à cette matière et dont l'ensemble est surnommé le « paquet hygiène » ont été pris en 200465. Ces textes ont pour objet de définir les normes et contraintes sanitaires minimales obligatoires pour effectuer un commerce de denrées alimentaires sur le territoire de l'Union. Les produits de la mer importés ou débarqués par des navires battant pavillon d'un pays tiers sont, de fait, soumis à ces normes.

Ce système communautaire de suivi sanitaire des importations de produits alimentaires est basé sur la responsabilité qui incombe à l'importateur dans le cas de produits halieutiques importés ou du contrôle sanitaire de l'État membre dans le cas des produits débarqués, puis sur la responsabilité de chaque intervenant. Ceux-ci doivent être enregistrés et posséder un agrément sanitaire, délivrés par l'autorité en charge de la sécurité sanitaire de l'État membre.

La base du système de surveillance sanitaire des denrées alimentaires est la capacité de garantir qu'à chaque étape de la commercialisation d'un produit, celui-ci ne présente aucun risque pour le consommateur. Cette notion est basée sur la responsabilité engagée des opérateurs de la chaine de commercialisation. Ainsi, un intermédiaire, commerçant un produit alimentaire devra posséder un agrément délivré par l'autorité chargée de la surveillance sanitaire pour chaque Etat membre. Pour obtenir cet agrément, l'opérateur doit respecter des normes d'hygiène de travail de ces denrées mais aussi être en capacité de

63 : Site : http://www.codexalimentarius.org

64 : Directive CAC:GL 47-2003 du Codex alimentarius - article 13 p. 5 ( http://www.codexalimentarius.org/standards/list-of-standards/)

65 : Règlement 852, 853 et 854 du Parlement et du Conseil du 29 avril 2004 - JOUE 25/06/2004

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produire un plan de traçabilité interne à son entreprise dons la finalité est d'être capable de justifier de l'identité du fournisseur de ses produits. En effet, dans le cadre de la règlementation européenne sanitaire, un opérateur appose sur la denrée alimentaire vendue, sauf pour la vente directe en petite quantité, un numéro d'agrément sanitaire, attestant ainsi que la denrée vendue est en bon état sanitaire. En cas de problème, un enquêteur ou inspecteur pourra donc connaitre l'opérateur qui a vendu ce produit et effectuer des vérifications auprès de cette entreprise. Cette dernière fournira l'origine du produit acheté, c'est-à-dire les noms et adresse de son fournisseur.

Grâce à ce système, il sera possible, en cas de problème, de remonter au fournisseur précédent afin de déterminer les causes de l'anomalie. Cette capacité de retracer un produit jusqu'à l'origine du problème peut s'avérer complexe car les enquêteurs devront inspecter tous les intermédiaires d'une chaine de commercialisation pour trouver l'origine de l'anomalie. Ce genre d'enquête, si de plus elle doit être menée à l'échelle européenne, peut prendre plusieurs années, ce qui fut le cas pour le scandale de la viande de cheval, vendue entre autre par la société française Spanghero66, dont les investigations ont commencé en septembre 2012 pour une mise en examen des protagonistes en novembre 2014. Ces investigations, dont le but était de rechercher l'origine des lots grâce à la traçabilité sanitaire dura donc plus de deux ans et mobilisa un nombre très important d'inspecteurs et d'enquêteurs. De plus, étendre ces investigations à l'extérieur des limites territoriales de l'Union Européenne s'avère difficile car cela nécessite l'entière collaboration des services sanitaires de l'Etat tiers concerné, et s'effectue sous son entière juridiction. Seuls les moyens de pressions commerciales, liés aux importations sur le sol de l'Union, permettent de faciliter ce genre d'investigations.

L'une des bases essentielles de la sécurité alimentaire, édictée par ces règlements est donc la traçabilité67. Cependant, cette notion de trace ayant pour vocation la surveillance du bon état sanitaire de la chose, montre ses limites quant à la recherche de l'origine de la chose. Même si elle peut permettre de rechercher cette origine, elle ne peut cependant s'appliquer facilement que sur des produits issus de l'élevage ou de production classique. Dans le cas de produits capturés en mer, et commercialisés sur un marché mondialisé, comme les

66 : Fraude détectée le 17/09/12 par un inspecteur sanitaire de Newry en Irlande du nord lors d'un contrôle sur de la viande utilisée dans des lasagnes, ce scandale impliqua 6 pays européens (Royaume Uni, France, Roumanie, Chypre, Luxembourg et Suède).

67 : Règlement 853/ 2004 - considérant n°15 - JOUE 25/06/2004

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ressources halieutiques, la traçabilité sanitaire est essentiellement destinée a garantir la sécurité du consommateur. En effet, la vocation première de la recherche de la bonne origine sanitaire d'une denrée animale est de garantir une absence de risque pour le consommateur et non une surexploitation de la ressource consommée.

Afin de répondre à ce nouveau défi qu'est la recherche d'une capture de ressources halieutiques respectant des principes de TAC, voire de RMD, l'Union Européenne a développé une nouvelle notion de traçabilité, dite traçabilité de contrôle.

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PARTIE II : la traçabilité des produits de la mer, du bon état sanitaire à la bonne origine des lots, exemple de la France

A- Le marché des produits de la mer, d'une traçabilité séquentielle à une traçabilité de contrôle

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1 - Deux traçabilités pour deux finalités distinctes

La mise en oeuvre des règles en matière de traçabilité sanitaire s'appuie sur un système dit séquentiel ou interne. En effet, chaque intervenant du marché porte la responsabilité du lot qu'il vend doit être capable de fournir les coordonnées de son fournisseur et de ses clients. Cette succession d'intervenant forme la chaine de commercialisation et chacun est garant du bon état sanitaire de la chose. Ainsi, le détenteur d'un agrément sanitaire engage sa responsabilité en affirmant que la chose vendue est consommable sans risque, conformément aux règlements européens et au livre II du code rural et de la pêche maritime. En cas d'anomalie détectée sur un lot, l'opérateur à l'obligation d'informer son fournisseur et les acheteurs du lot68 mais ne porte la responsabilité du bon état sanitaire de la chose que pour la séquence de commercialisation qui le concerne, sauf en cas de tromperie avérée69. Ainsi, conformément aux règles européennes en vigueur, le choix des systèmes de traçabilité est du ressort de l'opérateur qui doit avoir un système et des procédures et qui engage sa responsabilité dans le choix de la traçabilité dans son entreprise70.

Ce système s'avère être pérenne si la qualité recherchée de la chose vendue est organoleptique ou bactériologique car cette traçabilité s'appuie sur des notions de responsabilité de la chose par le vendeur et ne présage pas l'engagement de sa responsabilité si, lorsqu'il a acheté ce produit, ce dernier était contaminé et qu'il ne pouvait en avoir connaissance. Cette première forme de traçabilité, plus commune et plus connue a

68 : Code rural et de la pêche maritime - article L 232-1

69 : Code de la consommation - Article L 215-3

70 : Règlement (CE) No 178/2002 du parlement européen et du conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires

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donc comme objectifs la protection des consommateurs et la protection économique du marché. En cas d'anomalie sur la qualité des produits commercialisés, des systèmes d'alerte et d'information ont été mis en place au niveau de l'Union Européenne, tel le système RASFF (Rapid Alert System for Food and Feed), afin de pourvoir intervenir rapidement sur l'ensemble du territoire européen et retirer du marché des produits présentant un risque pour le consommateur.

Cependant, si la finalité de l'information de traçabilité recherchée est axée sur l'origine écologique, environnementale ou ecosystémique de la chose, le système séquentiel ne répond que très difficilement à cette finalité. Ainsi, un lot vendu en bout de chaine de commercialisation, indiquant juste la nature du produit, par exemple du cabillaud, même s'il indique qu'il s'agit de cabillaud pêché et non élevé, ne pourra répondre à des critères liés aux notions de quotas, de légalité de capture ou d'origine d'un stock précis, sachant que certaines espèces identiques, ayant le même nom vernaculaire pourront provenir de stocks différents (par exemple le cas du cabillaud du stock de la mer du nord et du cabillaud d'atlantique).

Pour répondre à ces nouveaux enjeux liés à la pérennisation des ressources, une nouvelle traçabilité dite de « contrôle », mise en place par le règlement 1224/2009, a appliqué le concept de traçabilité de l'origine de la chose et non sur la trace laissée par la chose. Cette nouvelle notion a d'ailleurs été abordée au niveau international par la FAO par son sous-comité du commerce du poisson en mettant en place une directive sur les pratiques optimales en matière de traçabilité, mais cette volonté d'harmoniser les pratiques sur l'ensemble du marché mondial du poisson n'en est pour l'instant, qu'au stade de projet71.

Cette forme de traçabilité n'était auparavant appliquée que dans la traçabilité humaine. En effet, cette notion de trace, d'origine criminalistique, est très ancienne car elle avait pour objet la recherche de la personne à l'origine d'un crime. Dans le cas de la traçabilité de l'homme, l'origine recherchée est l'identité de la personne, que ce soit au travers d'empreintes, ou d'ADN. L'enquêteur recherchera l'identité du criminel en remontant sa trace, car à l'origine il y a un seul individu ayant commis le crime, celui-ci étant fiché et ayant une seule et unique identité.

Dans le cadre de la recherche de l'origine d'une espèce halieutique, comme l'exige la règlementation européenne, la démarche est très proche, car il n'est possible de mettre sur le marché des produits de la mer que si l'enquêteur peut remonter jusqu'au stade de la

71 : Directive sur les pratiques optimales en matière de traçabilité - réf : COFI : FT/XIV/2014/7 - FAO - Bergen (Norvège) du 24 au 28 février 2014 (site : www.fao.org)

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capture ou de la récolte72. Donc la recherche de l'origine d'un produit, son identité première, doit pouvoir être retrouvée tout au long de la chaine commerciale, et s'affranchit donc du système séquentiel de la traçabilité sanitaire. Les recherches actuellement menées sur l'identité ADN des produits de la mer commercialisés s'inspirent d'ailleurs de méthodes d'investigations criminalistiques.

Ces deux formes de traçabilité sont pourtant complémentaires, l'une assurant la sécurité alimentaire et l'autre la sécurité de la ressource dans un esprit de principe de précaution.

Il est cependant nécessaire de dissocier la traçabilité, quelle que soit sa forme, de l'étiquetage des produits, la finalité étant différente. En effet, l'étiquetage est une information destinée au consommateur afin qu'il puisse effectuer un choix, en toute transparence, sur un produit73. Par opposition, la traçabilité est la composante de police administrative détenant les informations, parfois sous forme de codes électroniques (code barre, ...), destinée à assurer la sécurité des consommateurs ou des ressources. Les informations contenues dans ces deux formes de traçabilité n'étant pas transformable en une étiquette lisible et compréhensible pour tous.

Ces contraintes administratives imposant d'être capable de connaitre l'origine du produit et la qualité du produit peuvent cependant être interprétées comme un obstacle au libre-échange en étant qualifiées de protectionnisme. Cependant, les différents scandales concernant l'origine de produits alimentaires, comme celui de la vache folle, démontre la nécessité de construire la confiance du consommateur qui, seule, permet un libre échange durable74.

La mise en oeuvre de la traçabilité sanitaire est actuellement pleinement appliquée sur le territoire de l'Union Européenne et se montre plutôt efficace, tandis que la traçabilité de contrôle est en cours de mise en oeuvre.

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72 : Règlement 1224/2009 - article 58 paragraphe 3

73 : M.A. HERMITTE -« La traçabilité des personnes et des choses » - TRACABILITE ET RESPONSABILITE - ed. Economica (2003) - p. 29

74 : M. Matthee - « L'identification et l'étiquetage des OGM : la démocratie existe-t-elle sur le marché des aliments génétiquement modifiés ? » - Le commerce international des OGM, la documentation française, p. 97

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2 - la mise en place complexe de la traçabilité externe

Le Règlement 1224/2009 impose, dans son article 58, plusieurs mentions de traçabilités obligatoires en se basant sur une identification de lot lors de la première vente, le code alpha75 de l'espèce, la date de capture ou de production et le nom du navire de pêche ou de l'unité de production aquacole. Ces mentions de traçage d'origine devront suivre en permanence les produits, même si ceux-ci sont divisés en sous-lots. Cependant la mise en place des systèmes et procédures permettant d'effectuer le lien entre les opérateurs, c'est-à-dire d'être capable de remonter à tout moment à l'origine du lot, relève du ressort de l'Etat Membre. Ainsi, l'Union Européenne édicte des règles basées sur le résultat et non sur la méthode, laissant à chaque Etat la possibilité de mettre en place leur propre système national.

Ainsi, chaque opérateur devra être capable de fournir à tout moment les mentions d'origine du lot qu'il commercialise, soit sous la forme d'un document commercial qui doit accompagner physiquement le lot, soit sous forme électronique du type code, code barre, puce électronique ou dispositif semblable76. Cette dernière forme de marquage électronique étant obligatoire pour les espèces soumises à plan pluriannuel77 et à l'aquaculture.

Les produits importés hors de l'Union Européenne, relevant du champ d'application du règlement INN 1005/2008 et ayant donc déjà un certificat de capture, ne sont pas concernés par les mentions imposées par le règlement « contrôle ». Ils restent cependant soumis à l'obligation de résultat concernant la disposition des mentions d'origine du lot.

Cette notion de résultat concernant l'origine du lot s'applique avec difficulté sur le territoire de l'Union. En effet, chaque Etat membre mettant en place son propre système de traçabilité « contrôle » et n'ayant pas forcément le même niveau en matière de gouvernance administrative, la mise en place de cette traçabilité de façon optimale sur l'ensemble du territoire de l'union n'est toujours pas atteinte. Ainsi, certains Etats, dont la France, sont toujours en cours de mise en oeuvre de cette règlementation.

En outre, le règlement d'application 404/2011 demande aux Etats Membres de coopérer entre eux afin de se communiquer les éléments nécessaires afin de retracer l'origine d'un lot

75 : Code international de trois lettres dit « code alpha 3 » correspondant à une espèce édicté par la FAO ( www.fao.org)

76 : Règlement 404/2011 - article 67 paragraphe 5

77 : Au terme de l'article 4.5 du règlement (CE) 1224/2009, sont définis comme « plan pluriannuels » : « les plans de reconstitution visés à l'article 5 du règlement (CE) n° 2371/2002, les plans de gestion visés par l'article 6 du règlement (CE) n° 2371/2002, ainsi que d'autres dispositions spécifiques adoptés sur la base de l'article 37 du traité CE et établissant des mesures de gestion spécifiques applicables à des stocks de poissons particuliers pour plusieurs années »

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et s'ils utilisent des moyens électroniques de traçage, ces derniers doivent « être élaborés sur des normes et spécifications internationalement reconnues »78.

Enfin, la problématique principale concerne la division ou la fusion de lots. Lorsqu'un opérateur acquiert plusieurs lots de la même espèce, mais d'origines différentes, les transforme et les commercialise en plusieurs lots, il s'avère complexe de déterminer pour chaque sous-lots vendus l'origine de chaque produit. Ces operateurs intermédiaires doivent être en capacité au sein même de leur entreprise de mettre en oeuvre une traçabilité interne permettant de ne pas perdre les informations liées aux lots transformés ou manipulés, ce qui correspond aux principes de la traçabilité sanitaire, dite traçabilité interne. En sus de ce traçage classique, et pour respecter le principe de la traçabilité de contrôle, une traçabilité externe doit donc également être réalisée dont l'état d'esprit correspond au principe suivant : « du cul de chalut à l'assiette »79.

Autant un opérateur maitrisera sans difficultés particulières sa traçabilité interne car il aura dû mettre en place ce système pour obtenir son agrément sanitaire, autant il s'avère complexe d'incrémenter un système de traçabilité externe, surtout sur un marché de la taille de l'Union Européenne. En effet, pour qu'un système de traçabilité « contrôle » soit efficace, il faut que l'opérateur puisse disposer sans difficultés des informations d'origine du lot, qu'il vienne du marché national, européen ou international. Or, la disponibilité de ces informations n'est pas encore harmonisée sur le territoire de l'Union. Ainsi, un opérateur se fiera aux données transmises par son fournisseur, via toute forme de support commercial ou électronique, ce qui revient à la même méthode que la traçabilité sanitaire. De plus, plus les lots sont divisés et fusionnés, plus le nombre d'informations accompagnant le sous lot vendu augmente. Ainsi, un opérateur fournissant un lot de filets d'une espèce, par exemple du cabillaud, ayant acheté à trois opérateurs différents cette espèces et ayant mélangé les produits de ces operateurs devra fournir un document de traçabilité édictant le fait que le lot vendu est issu de trois navires, de trois captures différentes et de trois lots initiaux. Si les fournisseurs de cet opérateur ont eux aussi chacun acheté ces produits à trois navires différents, le lot final aura donc 9 origines différentes, ce qui complexifie considérablement la documentation de traçabilité. Si, en plus un des lots d'origine est importé, il faudra ajouter les mentions du certificat d'importation prévu par la réglementation INN. En finalité, un lot de filet de poisson pourra posséder un nombre très important de documents de traçabilité

78 : Règlement 404/2011 article 67 paragraphe 8

79 : Lignes directrices de la commission européenne - CE MARE/A/4/VL D (2012)

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externe qu'un enquêteur aura du mal à vérifier, ce qui ne renforcera pas, la lutte contre les produits commercialisés d'origine illicite.

Face à cette masse importante d'information de traçabilité, seule une solution informatique et numérique peut permettre de remonter rapidement et efficacement aux origines du lot. A cette fin, le règlement « contrôle » et son règlement d'application imposent donc une solution par code barre, puce électronique ou système équivalent. Cependant, un tel système demande qu'une base de données soit mise en place et puisse être incrémentée par les opérateurs. Chaque Etat Membre portant la responsabilité du résultat final de la mise en oeuvre de la traçabilité de contrôle au sein de son territoire, une telle base informatique ne peut être portée qu'à minima au niveau de chaque Etat membre.

La France a opté pour un tel système, mis à disposition auprès des opérateurs, sans pour autant l'imposer car certains opérateurs, notamment la grande distribution ayant ses propres navires de capture, ont élaboré leur propre système de traçabilité externe en sus de la traçabilité sanitaire, interne.

3 - La responsabilité de l'Etat Membre, le cas de la France

L'autorité française en charge de la traçabilité « contrôle » ou externe du marché halieutique est la Direction des Pêches Maritimes et de l'Aquaculture (DPMA), direction dépendante du Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie (MEDDE).

Jusqu'en mai 2012 cette direction relevait du Ministère de l'Agriculture de l'Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l'Aménagement du Territoire (MAPRAT) et le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux de ce ministère avait, dans un rapport de janvier 201280, préconisé la mise en place d'un système national de traçabilité des produits de la mer. Ce rapport a également mis en avant la nouvelle norme internationale proposée par l'organisation internationale de normalisation, norme ISO81 ayant pour objectif d'éviter le doublement des procédures de traçabilité sanitaire et externe, surtout à des fins d'exportations hors du territoire de l'Union. La mise en oeuvre de cette norme par un

80 : P. FERLIN & N. LUCAS - CGAAER - « Mise en place d'un système national de traçabilité des produits de la mer » - Janvier 2012 - site : http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/CGAAER_11105_2012_Rapport_cle0298ff.pdf

81 : Norme ISO 12875 :2011 - Traçabilité des produits de la pêche - Spécifications relatives aux informations à enregistrer dans les chaines de distribution de poissons issus de la pêche - www.iso.org

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opérateur pourrait même lui permettre d'envisager une certification qualité sur la traçabilité des produits issus de la pêche qu'il commercialise.

Dans la continuité de ce rapport, la DPMA, qualifiée d'autorité unique au sens de la règlementation européenne82 et point d'entrée et de sortie des informations concernant tous les problèmes halieutiques entre la France, l'Union Européenne et les Etats tiers, a continué à mettre en place ce système de management de la traçabilité dans la concertation et le dialogue avec tous les acteurs de la filière.Parallèlement à cette direction, la Direction Générale de l'Alimentation (DGAL) du MAPRAT, devenu Ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Foret (MAAF), est, quant à elle, chargé de l'application de la traçabilité interne, et du système de veille et d'alerte sanitaire83. Ces deux directions ayant des attributions et des objectifs différents mais complémentaires, lors de l'élaboration du système de base de données français de traçabilité externe, conformément au règlement « contrôle », la DPMA a étroitement associé la DGAL dans la conception de cet outil informatique.

Le résultat de ces échanges, commencés en 2012, fut la création d'un outil national informatique, non obligatoire, nommé Système Automatisé en Ligne de Traçabilité pour les Opérateurs (SALTO)84. Ce système devrait, dans les mois qui viennent, permettre de répondre aux obligations édictées par le règlement « contrôle » et son règlement d'application.

Cette base de données sera basée sur le principe de l'allotissement des produits débarqués ayant comme base un numéro de lot et celui-ci s'incrémentera du numéro d'entreprise ayant acheté le produit. Ensuite cet acheteur alimentera cette base avec le numéro de son client et ainsi de suite. Ce système devrait permettre de pouvoir remonter à tout moment à l'origine du lot.

La direction des pêches a également édictée une note technique en novembre 201485 afin de clarifier l'ensemble des éléments de traçabilité qui doivent être obligatoirement mis en place par les opérateurs et, en l'attente de l'application pleine et entière des obligations européennes dans ce domaine par la mise en route de SALTO, permettre aux opérateurs de

82 : Règlement (CE) n° 1224/2009 -article 5 paragraphe 5

83 : Décret n° 2014-412 du 16 avril 2014 relatif aux attributions du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

84 : Source : http://www.developpement-durable.gouv.fr/(Accueil du site> Mer et littoral > Les pêches maritimes et l'aquaculture > Espace professionnel > Traçabilité )

85 : Note technique du 6 novembre 2014 relative à la mise en oeuvre de la traçabilité des produits de la pêche et de l'aquaculture au titre du règlement (CE) n°1224/2009 du Conseil du 20 novembre 2009 instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche (www.circulaire.gouv;fr)

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ne pas porter la responsabilité du retard de la mise en oeuvre nationale de la traçabilité contrôle.

En outre, la recherche de produits de la mer illicites étant une priorité, la note technique relative au plan national de contrôle des produits de la pêche maritime et de l'aquaculture marine bisannuel 2014-2015 imposée par la DPMA aux services de contrôle stipule dans ses objectifs que le respect des obligations déclaratives86 « ... sont le support de la lutte contre la pêche INN et du système de traçabilité, toutes les captures devant être documentées et

tracées. » .
Ce plan national est décliné au sein de chaque région en plan régionaux, car les préfets de régions sont juridiquement les autorités administratives en charge de l'application du volet régalien de la police des pêches et ont été désignés, en septembre 200087, par le premier ministre pour animer et coordonner le contrôle des pêches. Cette position de pilotage de politiques régaliennes ayant été à nouveau confirmée par une récente instruction du gouvernement du 17 février 201588. Ces plans régionaux définissent des objectifs de contrôle précis, basés sur une analyse de risque et place le contrôle des obligations déclaratives comme un des objectifs principaux en cherchant ainsi à lutter activement contre le commerce de produits pêchés ou importés illégalement.

Afin d'aller encore plus loin dans la lutte active contre ces pratiques illicites, certaines initiatives régionales ont été prises pour créer de nouveaux outils de lutte contre la commercialisation des pêches INN.

Ainsi la Direction Interrégionale de la Mer de la zone Nord Atlantique Manche Ouest (DIRM NAMO) a mis en place un réseau d'agents interrégional entre la région Pays de la Loire et Bretagne, nommé réseau INN, afin d'optimiser l'efficience du dispositif existant en matière de contrôle des pêches et de permettre des investigations à grande échelle afin de lutter contre ces pratiques illicites.

Ce réseau, associé aux autres services de contrôle comme les services de la répression des fraudes, de la gendarmerie ou de l'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), doit permettre de rechercher des produits de la mer d'origine INN écoulés sur l'ensemble du territoire et ce malgré un système commercial complexe et vaste en se basant

86 : Note technique du 31 octobre 2014 relative au plan national de contrôle des produits de la pêche maritime et de l'aquaculture marine bisannuel 2014-2015 (www.circulaire.gouv;fr)

87 : Circulaire du 8 septembre 2000 relative à l'organisation générale du contrôle des pêches maritimes et des produits de la pêche ( www.legifrance.gouv.fr)

88 : Instruction du Gouvernement du 17 février 2015 relative à la coordination opérationnelle du régime de contrôle applicable à la politique commune des pêches ( www.circulaire.gouv.fr)

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sur des principes de comptabilité de la chose achetée et vendue. Ainsi, ce nouvel outil permettra de détecter si les quantités de produits écoulés correspondent bien aux quantités légales débarquées ou importées initialement.

Dans le domaine de l'information des consommateurs, l'étiquetage des produits de la mer est un élément qui découle de facto des éléments de traçabilité. Afin de vérifier la véracité des éléments affichés, et donc de contribuer à rechercher d'éventuelles origines frauduleuses de produits de la mer commercialisés, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), direction placée au sein du Ministère des Finances, a élaboré en septembre 2014 une note d'information89 relative à l'information des consommateurs reprenant les obligations en matière d'étiquetage des règlements OCM et « contrôle ».

Le but recherché par la France est non seulement de respecter les principes édictés par l'Union Européenne en matière de traçabilité mais surtout de préserver le marché et d'éviter toute forme de concurrence déloyale et néfaste à son économie. A cette fin, l'ensemble des acteurs de l'Etat, issus de plusieurs ministères différents, s'associe à la DPMA pour mettre en oeuvre les dispositions nécessaires à l'application des règles de traçabilité, sanitaire ou interne, de « contrôle » ou externe et d'information des consommateurs permettant, à terme, de sécuriser le marché national et ainsi de lutter activement contre la commercialisation de produits illicites.

Ce dispositif de lutte contre l'écoulement de ces produits illicites impose de fait la participation des opérateurs de la filière et leur confère des responsabilités qui sont variables en fonction du type traçabilité appliquée ou recherchée.

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89 : Note d'information de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n°2014-176 du 23 septembre 2014 relative à l'information des consommateurs sur les produits de la pêche et de l'aquaculture ( www.circulaire.gouv.fr)

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B - Certifier l'origine d'un produit, les responsabilités de chacun

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1- Le portage de responsabilités des différents opérateurs du marché

La filière de commercialisation des produits de la mer est forte de plusieurs types d'opérateurs, allant du producteur et de l'importateur au détaillant en passant par les halles à marée, les grossistes, les conserveries et les grandes et moyennes surfaces dotées de centrale d'achat. Ce vaste réseau commercial doit donc s'accorder avec les règles en matière de traçabilité sanitaire, de contrôle de la bonne origine et respecter l'étiquetage des produits.

En matière sanitaire, la responsabilité de l'opérateur est pleine et entière. Comme cela a déjà a été mentionné précédemment, un opérateur mettant sur le marché des denrées alimentaires porte la responsabilité du bon état sanitaire de la chose vendue. En effet, le règlement européen n° 178/2002 édicte le fait que « Les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l'alimentation animale veillent, à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution dans les entreprises placées sous leur contrôle, à ce que les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux répondent aux prescriptions de la législation alimentaire applicables à leurs activités et vérifient le respect de ces prescriptions90 ». Cette obligation, reprise par le paquet hygiène de 2004 et reprise en droit national par le code rural et de la pêche maritime, est une obligation de résultat que seul l'opérateur porte. En cas de défectuosité qualitative de la denrée alimentaire, l'opérateur devra la retirer du marché, voire mettre en place un rappel de produit. Cependant, la trace sanitaire devra être remontée pour comprendre et faire cesser la cause de la corruption du lot incriminé. Dans ce cas, la responsabilité de l'opérateur portera sur le résultat et non sur l'origine. Ainsi, un exploitant vendant des denrées altérées, portera une responsabilité en cas de dommage causé à des tiers, aura l'obligation de rappeler les produits incriminés, mais ne sera pas forcement tenu pour responsable de la chose si lui-même a été victime de son fournisseur. En outre, un retrait de produits demandé par l'autorité sanitaire ne pourra permettre à l'opérateur de justifier une diminution de ses effectifs sociaux et il devra

90 : Règlement (CE) No 178/2002 du parlement européen et du conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires - article 17 ( www.eurlex.eu)

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assumer cette perte financière91. Ce portage plein et entier de responsabilité civile incitera donc les opérateurs à contracter des assurances de perte d'exploitation pour prévenir ce risque. Ces exploitants ont donc un intérêt particulier à respecter les normes sanitaires et la traçabilité attachée à celle-ci afin de ne pas, en sus de la responsabilité qu'ils portent, perdre des parts de marché.

De même, les informations en matière d'étiquetage, à destination des consommateurs, relèvent également de la responsabilité pleine et entière de l'opérateur. Ces informations, dont le cadre général est couvert par un règlement européen commun à toutes les denrées alimentaires92 et dont les spécificités en matière halieutique sont régies par le règlement européen portant organisation commune des marchés, doivent être portées à la connaissance de l'acheteur. L'incomplétude ou l'absence de ces mentions seront directement opposable à l'operateur qui s'exposerait à des poursuites pénales en vertu du code de la consommation93. Ces mentions ont pour objectif de permettre au consommateur de mieux choisir le produit acheté, dans un univers ou la médiatisation de l'appauvrissement des océans en ressources halieutiques est souvent un sujet d'actualité, voir l'objet de reportages ou de films cinématographiques. Cependant l'intégralité des mentions exigées, comme le nom vernaculaire et commun de l'espèce ainsi que la zone et le type de production, ne peuvent exister que si une trace de l'origine du produit existe. Les manquements en la matière doivent inciter les services de contrôle à investiguer pour identifier l'origine de ce manquement, c'est-à-dire soit une défaillance de l'opérateur, qui sera donc pénalement responsable, soit, si celui-ci a acheté de bonne foi ce produit, une possible vente de produits d'origine illicites.

Concernant l'origine du produit vendu, les opérateurs doivent être capables de fournir les données de traçabilité externe, ou « contrôle », de la chose vendue. Le règlement « contrôle » leur confère cette responsabilité mais en l'état actuel du système français, l'application de l'article 58 du règlement n° 1224/2009 est en attente de la mise en place du système SALTO. La note de la DPMA du 6 novembre 2014 permet aux opérateurs de fournir les données de traçabilité soit sous forme électronique, si l'opérateur en question est doté d'un tel système, soit sous forme documentaire. Un délai de 24 heures est octroyé aux

91 : Cours de cassation - Chambre sociale - audience publique du mercredi 20 octobre 1999 - N° de pourvoi: 97-42820

92 : Règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires

93 : Code de la consommation - article R214-13

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opérateurs pour fournir les documents de traçabilité externe demandés lors d'une inspection avec la possibilité de consigner les produits en attente de ces informations. Ce délai, accordé par l'administration française peut être interprété comme non conforme au règlement « contrôle » qui impose dans son article 58 une transmission immédiate de ces informations. Une application stricto sensu de cet article engagerait ainsi la responsabilité de l'opérateur alors que le système national n'est toujours pas opérant. Le modus operandi accordé pour permettre aux opérateurs de réunir et communiquer les informations nécessaires aux fins de contrôle de la traçabilité externe édictée par la DPMA permet ainsi aux exploitants de ne pas porter la responsabilité de la carence d'informations immédiates sur ce sujet. Cet engagement de l'administration française parait logique car les opérateurs, même s'ils sont collaborateurs de la création du système SALTO, ne peuvent porter la responsabilité du retard de mise en place de ce système. Donc, les opérateurs sont responsables de fournir les données de traçabilité externe lors d'un contrôle, mais dispose d'un délai pour cela afin de collecter les documents demandés. Cette disposition particulière prendra normalement fin lors de la mise en place de la base de données SALTO, prévue dans les prochains mois.

Lorsque ces produits sont issus de l'importation, le certificat de capture, sera de fait la forme documentaire de la traçabilité externe de ces produits.

Le système de traçabilité externe ou de contrôle prend donc la forme du schéma suivant :

Source : DPMA - Cahier des charges du volet Traçabilité du Règlement « Contrôle »

Ainsi le lot « X », lors d'un contrôle, et dans l'attente du système informatique SALTO, devra être accompagné des documents de traçabilité permettant de remonter aux trois navires

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FRA1, FRA2 et FRA3 soit une masse documentaire très importante et complexe à vérifier pour les services d'inspections.

Si les services d'inspections veulent vérifier les documents de traçabilité externe des espèces figurant sur la photo ci-dessous, transmis sous forme de document accompagnant la marchandise, cela s'avérera extrêmement difficile et chronophage. En effet, si l'on prend l'exemple précédent d'un lot avec trois navires à l'origine du lot et donc trois historiques de traçabilité externe à vérifier et qu'on le multiplie par le nombre d'espèces de l'illustration suivante, soit une douzaine, les services d'inspection devraient vérifier 36 origines différentes pour un seul étal.

Source : photo du site « mes courses à la loupe » avec leur autorisation

L'informatisation et l'électronisation de cette traçabilité externe apparait donc être une condition sinequanon à la bonne réalisation de la surveillance du commerce des produits de la mer quant à la vérification de l'origine des lots.

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2 - Les limites de la responsabilité des opérateurs

Malgré ce système mis en place, et le délai accorder, un opérateur ne pourra cependant fournir que les données dont il dispose. En effet, lors d'une transaction commerciale, le fournisseur délivrera les documents de traçabilité externe concernant les produits de mer vendu, documents qu'il détiendra de son propre fournisseur. Ainsi, au bout de la chaine de commercialisation un détaillant pourra être l'operateur final de plusieurs intermédiaires. Lors d'une inspection, cet opérateur devra fournir, sous un délai de 24 heures les informations concernant l'origine du lot. Cette exigence sera particulièrement difficile à satisfaire s'il ne possède pas une documentation parfaite des produits vendus. En effet, si un document s'avère incomplet, ou manquant, l'opérateur demandera à son fournisseur de lui fournir le complément d'information. Ce dernier aura peut-être la nécessité de demander à son propre fournisseur, et ainsi de suite jusqu'au point de débarquement ou d'importation du produit. Le délai pour réunir ou corriger un défaut de traçabilité peut s'avérer long, et largement dépasser les heures allouées. Ainsi, l'operateur final devrait vérifier systématiquement, lorsqu'il achète un lot, que l'ensemble des informations de traçabilité externe accompagne bien le lot en question. Cependant, le système tel qu'il est actuellement organisé ressemble étroitement à la traçabilité sanitaire. En effet, les opérateurs sont dépendants de leurs fournisseurs quant à l'accès aux informations de traçabilité et ne peuvent, en l'état actuel des choses, remonter à l'origine du produit commercialisé de façon immédiate. La traçabilité externe, telle qu'elle est actuellement mise en oeuvre dans l'attente du système SALTO, ne présente qu'une valeur ajouté minime au regard des objectifs assignés par le règlement « contrôle ».

Pourtant, les obligations déclaratives imposées aux producteurs, faisant l'objet d'un suivi très strict de par les systèmes de surveillance électroniques (VMS, journal de pêche électronique) mis en place ainsi que les objectifs de contrôle imposés par la réglementation européenne et le plan national de contrôle des pêches, ou aux importateurs dans le cadre de la certification de captures, permettent de recueillir de façon fiable l'intégralité des informations sur l'origine des produits lors des débarquements. La difficulté principale réside dans la division et la fusion de lots, surtout s'ils sont accompagnés de supports documentaires qui se démultiplieront autant de fois qu'il y aura de mélange ou division de lots. De plus les applications informatiques liées aux activités de production ne sont pas communicables ou ineffaçables avec l'application SALTO ce qui générera donc un surcroit de

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travail de saisie informatique auprès des premiers acheteurs et imposera aux producteurs de communiquer les informations de zone et de date de capture en double, une pour saisie sur les applications réglementaires électroniques à bord et une pour le premier acheteur.

Cette complexité du marché de par sa taille et le nombre d'intermédiaires ne parait pas pouvoir, de façon fiable, permettre un retraçage rapide vers l'origine d'un lot sans informatisation de l'ensemble des informations incrémentées tout au long de la chaine. Aussi, la responsabilité des opérateurs devient de fait, limitée aux éléments dont il peut avoir accès. Malgré l'obligation de résultats édictée par la règlementation européenne qui incombe à ces opérateurs, si l'Etat membre est défaillant dans la mise en place de moyens permettant de tracer l'origine des produits de la mer commercialisés, les opérateurs incriminés ne pourront être responsables de ces carences, sauf s'il s'agit d'une tromperie volontaire de leur part.

Actuellement, seul le Thon Rouge, (thunnus thynnus) fait l'objet d'une traçabilité externe élaborée. En effet, cette espèce, pêchée sous l'égide de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (ICCAT ou CICTA)94, ORGP dont l'ensemble des pays commercialisant cette espèce en sont membres. Ainsi, conformément aux recommandations de cette organisation, l'ensemble des thons rouges commercialisés doit être accompagné d'un document de capture, nommé « Bluefin Catch Document », obligation également reprise dans un règlement européen95 spécifique, qui suit chaque lot et la division de ces lots jusqu'au détaillant. Ainsi, il s'avère donc normalement possible de remonter à tout moment l'origine du thon rouge vendu.

Cette particularité n'est évidemment pas applicable à toutes les espèces car cela représenterait non seulement une masse documentaire considérable, mais imposerait une gestion mondiale de la traçabilité de contrôle même si cette dernière évolution correspond à la volonté affichée de la FAO. Ainsi, un étal de détaillant bien achalandé devrait posséder plusieurs dizaines, voire centaines, de documents de traçabilité externe des produits qu'il commercialise ce qui parait très difficilement réalisable mais qui pourtant est, dans l'attente de SALTO, la seule solution. Aussi, la position Française, d'avoir acté dans une note, un

94 : Organisation intergouvernementale, crée en 1969 dont le siège est à Madrid. (www.iccat.int)

95 : Règlement (CE) n° 302/2009 du conseil du 06/04/09 relatif à un plan pluriannuel de reconstitution des stocks de thon rouge dans l'Atlantique Est et la Méditerranée

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système transitoire en attendant cette application informatique, permet également à l'ensemble de la filière de se concerter et de préparer la mise en place de cet outil de la façon la plus efficace possible.

Cependant, dans l'attente des évolutions à venir, l'absence ou la difficulté d'obtenir ces éléments sur l'origine de la chose vendue peux générer des difficultés importantes tant lors d'inspections que de commerce vers un autre Etat membre.

3- La défaillance de la traçabilité externe, un risque économique réel.

Récemment, une entreprise française a obtenu un marché italien concernant un lot de quelques tonnes de produits de la mer. Ainsi, cette entreprise a expédié, via un transporteur frigorifique, le lot commandé. Lors de l'arrivé de la cargaison en Italie, une inspection de la marchandise a été réalisée par les services sanitaires italiens. Ces derniers, malgré le constat d'un bon état sanitaire et des éléments de traçabilité interne parfaits, ont bloqué ce lot car les mentions de traçabilité « contrôle » étaient incomplètes. En effet, la tolérance accordée par l'administration française concernant la mise en place de la traçabilité externe n'a de valeur que sur le marché français. Il aura donc fallu l'intervention de la direction des pêches française auprès du gouvernement Italien pour que ce lot soit débloqué.

Cette affaire a démontré les limites du système actuellement mis en place et le manque d'harmonisation au sein du territoire de l'Union pose de réels problèmes pouvant avoir un impact négatif sur la filière commerciale des produits de la mer.

En effet, tous les produits qui transitent sur le territoire de l'Union doivent être traçables, mais si lors d'inspections les produits commercialisés sont bloqués ou consignés, la perte financière pour l'opérateur sera très importante. De plus le risque de perte de parts de marché s'avère grandissant si un exploitant ne peut expédier ses produits hors du sol national en toute quiétude. La mise en place d'un système harmonisé entre Etats membres s'avère donc nécessaire afin de ne pas risquer de bloquer ou de dégrader le commerce de cette filière. De plus, l'électronisation de cette traçabilité parait indispensable du fait du nombre très important d'informations que peuvent accompagner un lot. Le risque de surcoût de traitement de l'information, du au temps nécessaire à la mise a disposition actuelle des documents accompagnant les lots, est très élevé. Ce qui a pour finalité

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d'augmenter les charges des operateurs alors que paradoxalement cette traçabilité externe a vocation à garantir une sécurité de la ressource pour assurer un développement de l'économie liée aux produits de la mer.

En outre, le risque de mise en oeuvre partielle ou approximative des règles en matière de traçabilité externe pourrait également générer des distorsions de concurrence au sein même de l'Union Européenne car s'il existe une inégalité d'application des règles et que cette inégalité génère des surcouts pour certains opérateurs, toute l'économie de production halieutique de l'Etat membre ayant ce surcoût pourrait s'effondrer.

Actuellement, le système français de contrôle de la filière de commercialisation des produits de la mer est essentiellement basé sur la vérification des mentions d'étiquetage et éventuellement de traçabilité externe. En effet, les contrôles ciblés sur les espèces halieutiques font partie de plans nationaux ou régionaux de contrôle propre à chaque type de traçabilité ou de commercialisation, il existe donc des plans de surveillance sanitaire, de conformité à l'étiquetage ou des pêches. Les agents de ces ministères étant plutôt spécialisés dans leur domaine de compétence, ils auront pour objectif premier l'application des contrôles édictés par leur direction et collaboreront à l'atteinte des objectifs des plans des autres directions.

Ainsi, la répartition des effectifs de contrôle correspondra aux principaux centres d'intérêts des plans de l'administration dont dépend l'unité de contrôle. Les agents des Directions Départementales de la Protection des Populations (DDPP), ayant pour direction de tutelle la DGAL ou la DGCCRF seront en premier lieu focalisés sur les contrôles liés à l'aspect sanitaire ou au respect du code de la consommation. Les agents des douanes, sous l'autorité du ministère des finances, seront axés sur la bonne validité des certificats de capture dans les postes d'inspection frontaliers. Enfin, les agents du Dispositif de Contrôle et de Surveillance (DCS) de la Direction des Affaires Maritimes seront plutôt axés sur l`application des plans de contrôle des pêches et notamment l'application de la traçabilité externe.

Cependant, même si l'ensemble des inspecteurs participent aux inspections sur cette traçabilité externe, les enjeux liés à ces actions de contrôle ne peuvent pas être perçus à l'identique des agents du DCS dont c'est le coeur de métier. En effet, les notions d'épuisements des stocks halieutiques, de lutte contre les pêches INN, de maintien de l'activité socio-économique de la pêche ne seront pas forcément les infractions recherchées par un inspecteur d'une administration concourante à ces plans et qui exerce, par exemple,

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dans l'Est du territoire Français, à plusieurs centaines de kilomètres de la mer. De plus, les agents spécialisés dans ce domaine étant essentiellement basés le long des départements littoraux, ils ne conduisent pas d'inspection au sein du territoire national, exception faite des investigations menées par le réseau INN de la DIRM NAMO qui, pour l'instant, reste à l'échelle des régions Pays de Loire et Bretagne.

Le risque économique de par le manque de spécialisation des unités de contrôle est réel car l'écoulement des produits issus de modes de productions illégaux se feront sur des marchés de masse, de par la quantité vendue. Ces marchés étant évidement proportionnels aux populations, les grandes métropoles sont principalement les zones ou l'écoulement de produits d'origine illégale se fera plus facilement. Si ces métropole ne dispose pas d'un système d'inspection spécialisé, ou si les systèmes en place ne sont pas suffisamment formés, il sera aisé pour un opérateur mal intentionné de commercialiser des produits frauduleux. En effet, un inspecteur n'ayant pas une expertise particulière à l'architecture du système de traçabilité contrôle pourra facilement croire qu'une absence de mention peut être un simple oubli, ou bien ne verra pas forcément qu'une espèce présentée sur un étal est commercialisée malgré une interdiction de capture, un quota fermé ou provenant d'un état non coopérant.

Le fait que la surveillance de la traçabilité externe ne puisse se faire sans pouvoir vérifier immédiatement la légalité de l'origine de la chose vendue, crée un risque que des circuits frauduleux se pérennisent au détriment des activités légales de production et de commercialisation.

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Conclusion - Lutter contre la pêche illicite en se servant de la traçabilité, une utopiste réalité.

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Etre en capacité de remonter à l'origine d'un produit de la mer en partant de n'importe quel point de la filière commerciale est en soit un objectif plébiscité par l'ensemble des pays occidentaux et particulièrement par l'Union Européenne. Les différentes réglementations, ainsi que les résolutions et recommandations internationales, ont toutes comme objectif de vouloir préserver les océans en luttant activement contre les pêches Illicites, Non déclarées et Non réglementées avec, pour action principale, de certifier l'origine des captures. Sur le territoire européen, les règles en matière de traçabilités externe existent mais se heurtent à des difficultés importantes de mise en oeuvre de par la complexité du marché et la différence des types de gouvernance nationale.

Les pouvoirs alloués tant aux inspecteurs qu'au système d'inspection peuvent permettre, de façon laborieuse actuellement, le temps que cette réglementation se mette en place, de remonter jusqu'à l'origine d'un produit. Mais le fait qu'il n'existe pas de système identique dans chaque Etat Membre peut facilement poser des problèmes de communication d'information de traçage entre ces Etats.

Cependant cette origine ne pourra être que le point d'entrée sur le territoire de l'Union. En effet les limites juridiques des pouvoirs des Etats ne peuvent permettre d'enquêter sur un sol étranger. Cela restreint donc les effets de cette traçabilité comme outil de lutte contre les pêcheries illicites car il ne sera que très difficilement possible de vérifier l'origine d'un produit au delà des frontières de l'Europe.

La traçabilité externe pourra surement être le meilleur moyen de lutter contre les pêches illicites, si et seulement si les règles en la matière deviennent internationales et fassent l'objet, à l'identique de certaines pratiques maritimes illicites, telle la piraterie, d'un traité ou accord international permettant de mener des actions de contrôle sur tous les navires suspects et offrant la possibilité de sanctionner lourdement ces pilleurs des océans.

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· Règlement (UE) n° 468/2010 de la commission du 28 mai 2010 établissant la liste de l'UE des bateaux engagés dans des activités de pêche illicite, non déclarée et non réglementée

· Décision n° 2014/170/UE établissant une liste des pays tiers non coopérants dans le cadre de la lutte contre la pêche INN ( http://old.eur-lex.europa.eu

· Décision n° 2015/200/UE établissant une liste des pays tiers non coopérants dans le cadre de la lutte contre la pêche INN ( http://old.eur-lex.europa.eu)

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery