Faculté des sciences
économiques,
sociales, politiques et de
communication
École des sciences politiques et sociales
(PSAD)
|
Déplacement des
populations
des zones en conflits et accès
à
l'état civil :
Cas des enfants réfugiés
centrafricains dans la
région de l'Est-Cameroun
|
Auteur: ENAMA AYISSI THEODORE
Promoteur(s) : Pr. AMOUGOU THIERRY
Lecteur(s) : Pr. CATHERINE GOURBIN
Année académique: 2019-2020
Master en Sciences de la Population et du
Développement, Option
Développement
|
i
I.SIGLES ET ABREVIATIONS v
I.INTRODUCTION GENERALE 1
A.Contexte historique ou géographique de
l'étude 3
B.Pertinence et intérêt du sujet
5
C.Objectifs de l'étude 7
D.Revue de littérature 8
E.Questions de recherche 11
F.Hypothèses de recherche 11
G.Défis éthiques de la recherche
14
H.Présentation et explications du plan de la
recherche 16
CHAPITRE I: PRÉSENTATION DE LA REGION DE
L'EST-CAMEROUN, ZONE D'ÉTUDE ET ÉTAT DES LIEUX
DES CRISES CENTRAFRICAINES 17
I.PRÉSENTATION DU TERRAIN D'ÉTUDE 19
A.La région de l'Est-Cameroun en bref.
20
B.La ville de Mandjou 23
II.ÉTAT DES LIEUX DES CRISES CENTRAFRICAINES 26
A.Les causes internes des crises Centrafricaines
27
B.Causes externes de la crise Centrafricaine
30
CHAPITRE II : ÉTAT DES LIEUX SUR LES TRAJECTOIRES
EMPRUNTÉES DES CENTRAFRICAINS VERS LE
CAMEROUN ET DÉTERMINATION DU STATUT DE REFUGIÉS
33
I.LES TRAJECTOIRES EMPRUNTÉES PAR LES REFUGIÉS
CENTRAFRICAINS VERS LE CAMEROUN 35
II.LE STATUT DES REFUGIÉS 39
A.Le cadre législatif de la déclaration du
statut de réfugié au Cameroun (DSRC) 40
B.Les structures chargées de la mise en oeuvre de
la DSRC 43
CHAPITREIII : LES INITIATIVES RETENUES ET MISES EN OEUVRE PAR LE
CAMEROUN ET L'UNHCR AFIN D'ASSURER L'ÉTABLISSEMENT D'ACTES DE NAISSANCES
AUX ENFANTS REFUGIÉS CENTRAFRICAINS A
MANDJOU 45
III.LE CADRE D'INTERVENTION DE L'ETAT DU CAMEROUN ET DU UNHCR
DANS LE PROCESSUS D'ÉTABLISSEMENT DES ACTES DE NAISSANCES AUX ENFANTS
RÉFUGIÉS CENTRAFRICAINS À
MANDJOU 47
A.L'établissement des actes des naissances pour les
enfants réfugiés : un dispositif humanitaire
privilégié par l'Etat du Cameroun et le
UNHCR dans la ville de Mandjou ? 47
B.La pertinence des objectifs et les outils mis en oeuvre
par l'Etat du Cameroun et le UNHCR 51
CHAPITRE IV : LES INSUIFFISANCES SUSCEPTIBLES DE LIMITER
L'EFFECTIVITE D'ÉTABLISSEMENT D'ACTES DE NAISSANCES AUX ENFANTS
REFUGIÉS CENTRAFRICAINS ET LES PALLIATIFS POTENTIELS 58
IV.LES INSUFFISANCES SUSCEPTIBLES A L'EFFET DE LIMITER LES
INITIATIVES DU CAMEROUN ET DU UNHCR59
II.LES PALLIATIFS POTENTIELS 65
V. 65
III.CONCLUSION GENERALE 69
II
VI.BIBLIOGRAPHIE 72
Table des matières 76
DEDICACES
III
A ma très chère
Maman...
iv
REMERCIEMENT
J'adresse mes sincères remerciements aux personnes
suivantes :
- Pr. Thierry Amougou, mon promoteur dans le cadre de la
rédaction de ce mémoire,
- Ma famille, notamment : Béatrice Enama,
Damien Enama, Emilienne Enama, Alexis Enama, Robert Enama et Derick
Enama
- Aux enseignants de l'UCLouvain
- Aux amis, compatriotes et camarades avec lesquels
nous avons partagé peines et joies au sein de l'UCLouvain
- Enfin, à tous ceux qui, de près ou de
loin, par leurs soutiens multiformes auront contribué
à la réalisation de ce travail.
V
I. SIGLES ET ABREVIATIONS
BUNEC: Bureau National à l'Etat
Civil
CEESR: Commission d'Eligibilité au Statut de
Réfugié
CNPC: China National Petroleum Corporation
DSRC: Déclaration du Statut de
Réfugié au Cameroun
IMC: International Medical Corps
INS: Institut National de la Statistique
KM2: Kilomètre Carré
MICS: Indicateurs Multiples
N°: Numéro
OUA: Organisation de l'Union Africaine
OSH: Objectifs Stratégiques Globaux
PU: Première Urgence
PIS: Plan d'Investigation
Stratégique
RCA: République Centre-Africaine
RDC: République Démocratique du
Congo
RDPC: Rassemblement Démocratique du Peuple
Camerounais
RRRP: Regional Refuge Response Plan
UCAC: Université Catholique d'Afrique
Centrale
UCLouvain: Université Catholique de
Louvain
UNESCO: Organisation des Nations-Unies pour
l'Éducation, la Science et la Culture
UNHCR: Haut Commissariat des Nations Unies pour les
Réfugiés.
1
I. INTRODUCTION GENERALE
La contagion visible des indépendances
promulguées dans divers pays Africains dans les années 1960, n'a
pas épargné la République Centrafricaine (RCA). C'est
clair, le pays accède à son indépendance le 1er
Août 1960. Ancienne colonie Française, la RCA s'est faite
appelée jadis, « la cendrillon de l'Empire1 ».
Cette célébrité a malheureusement été
stoppée dans son envol en cédant la place de nos jours à
des crises sans précédentes érigeant la RCA de par leurs
ampleurs à un Etat fantôme.
On ne dénombre pas moins de sept coups d'Etats en RCA
depuis l'indépendance du pays. Ce qui tend à légitimer une
culture de la violence et de l'impunité politique. Instaurant pour
maxime sacrée, le recours au pouvoir par la force et
l'incompétence politique au mépris d'une véritable culture
démocratique. Si ces procédés non conformes au bon sens
universel ont l'avantage d'octroyer à un seul homme et sa famille
élargie l'accaparement du pouvoir pour une durée, ils sont non
productifs en guise de paix et de stabilité pour la nation.
Parlant de non productivités, le récent coup
d'Etat qui dure depuis 2013 a une fois de plus permis de cerner la chute de
l'Etat avec pour conséquences directes la perte du monopole de la
violence légitime ainsi que la perte du contrôle sur l'ensemble du
territoire, en obligeant les populations civiles à se déplacer
massivement vers les pays limitrophes à l'instar du Cameroun. Et ces
déplacements forcés des populations Centrafricaines vers le
Cameroun, imposent de la part des autorités Camerounaises, des
interventions humanitaires conformément à la Convention de 1951
des Nations-Unies relative au statut de réfugié dont le pays est
signataire depuis le 23 Octobre 1961 ainsi que le protocole de l'OUA du 19
juillet 1969.
A la suite de ce cadre juridique international, le Cameroun
s'est réajusté en interne sur le plan juridique au fil du temps.
De ce réajustement, on note entre autres, la Loi
n°2005-6 du 27 juillet portant statut des réfugiés au
Cameroun, le Décret n°2011/389 du 28 novembre 2011 portant
organisation et fonctionnement des organes de gestion du statut des
réfugiés au Cameroun et
1 Jean-Joël
Brégeon, "Un rêve d'Afrique ; administrateurs en Oubangui-Chari ;
la cendrillon de l'Empire, Denoel, 1999.
https://www.chapitre.com/BOOK/bregeon-jean-noel/un-reve-d-afrique-administrateurs-en-oubangui-chari-la-cendrillon-de-l-empire,952893.aspx
2
le Protocole de transfert des activités relatives
à la détermination du statut de réfugié du 1er
août 2016.
C'est donc sous une forme légale que le Cameroun,
assisté de divers partenaires humanitaires à l'instar du UNHCR se
sont engagés à apporter une aide aux populations
réfugiées Centrafricaines présentes dans la région
de l'Est- Cameroun ainsi que dans diverses autres. Au coeur des aides
apportées aux réfugiés, se situe en grande place l'urgence
d'établissements des actes de naissances des enfants
réfugiés. C'est d'ailleurs, de toutes les autres urgences, celle
ayant mobilisé notre attention dans le cadre de ce travail. Cependant,
sous l'influence de la pandémie du COVID-19, le présent travail
ne s'est pas dérogé de la règle de distanciation en
s'élaborant sur base de délégation d'enquêtes et
d'entretiens à distance.
A. Contexte historique ou géographique de
l'étude
Situé au milieu du lac Tchad, l'océan
Atlantique, et le bassin du Congo, le Cameroun a une superficie quinze fois
supérieure à celle de la Belgique (475000 km2). Ses pays
frontaliers sont le Tchad, la République centrafricaine, le Congo, le
Gabon, la Guinée Equatoriale et le Nigeria. Bien que faisant face
à des turbulences sécuritaires périodiques dans
quelques-unes de ses régions, le Cameroun par sa position
géostratégique constitue une terre d'accueil incontestable en
Afrique centrale.
C'est ainsi qu'au cours de ces trois ou quatre
dernières années, on aperçoit l'arrivée de milliers
de réfugiés originaires des pays voisins. Le Rapport global de
l'UNHCR fait état de plus 259 000 réfugiés centrafricains
qui sont hébergés dans les régions de l'Est, de l'Adamaoua
et du Nord Cameroun ; 21 000 réfugiés et demandeurs d'asile
vivent en milieu urbain (UNHCR, 2017).
En effet ces populations sont forcées de fuir leur pays
d'origine du fait des persécutions et d'une guerre sans relâche en
République Centrafricaine. Cette guerre s'expliquerait à la fois
par des causes lointaines et immédiates. Sur les causes lointaines, tout
serait parti de
« L'échec des efforts de
démocratisation depuis la chute de l'ancien président Jean
Bédal Bokassa, la prolifération des groupes armés et des
armes légères à la suite de multiples coups d'Etats, le
manque de dialogue franc et sincère entre le pouvoir et l'opposition
politique depuis 1992, la concentration du pouvoir de l'Etat par
l'exécutif et la porosité des frontières
centrafricaines2. ».
Les causes immédiates de l'actuelle crise
Centrafricaine sont liées au renversement en mars 2013 du
Président François Bozizé par coup d'Etat et
l'auto-proclamation de son opposant historique Michel Djotodia. C'est en effet
un retour d'ascenseur car, c'est par le même procédé en
20033 que François Bozizé était arrivé
au pouvoir. Et depuis lors, Michel Djotodia,
2 MOHAMED Housseni,
République centrafricaine, « Les conflits armés en
Centrafrique, causes et conséquences », publié en janvier
2014, consulté le 14 mai 2018. URL :
http://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-1011_fr.html
3 LOUBIERE Thomas, Le Monde,
« Six clés pour comprendre le conflit en République
Centrafricaine », publié le 05 décembre 2013, mis à
jour le 14 mai 2014, consulté le 6 Avril 2019. URL :
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/12/05/republique-centrafricaine-le-conflit-en-six-points_3526526169_3212.html
3
responsable de l'Union Démocratique de Forces pour le
Rassemblement (UDFR4), n'avait eu de cesse à vouloir
renverser le régime Bozizé. Ce qui avait d'ailleurs conduit
à un accord de paix en 2007 malgré la dénonciation
continue du régime au pouvoir par l'opposition. En 2011, au terme d'un
scrutin présidentiel, François Bozizé est élu
président de la république mais sera peu légitime car, son
autorité en subira un coup suite à la coalition des membres de
l'opposition en 2012 autour d'un mouvement dénommé la
Seleka5.
A la tête de ce mouvement d'union qui réunissait
divers acteurs rebelles du Nord, se trouvait Djotodia, leader de l'opposition.
C'est force de cette initiative que ce mouvement a réussi à
prendre la capitale Bangui ainsi que plusieurs autres villes centrafricaines,
renversant ainsi François Bozizé du pouvoir en mars 2013. Avec
bien évidemment l'auto-proclamation de Michel Djotodia au pouvoir, ainsi
que la suspension de la Constitution du pays et la dissolution de
l'assemblée nationale pour une durée de trois ans.
En 2013, la Seleka qui s'était constituée en
majorité d'une « coalition de groupes très
hétérogènes appuyés par des mercenaires
étrangers, des brigands et des coupeurs de route, éclate
»6. Cette fragmentation de la Seleka a engendré
d'énormes dérives essentiellement sur les populations civiles.
Les préjudices sont énormes. Selon l'organisation Human Rights
Watch, « Les bandes armées se livrent à des razzias et des
massacres. Des villages sont brûlés, pillés. Les habitants
sont tués ou sont en fuite dans la brousse7» parfois
obligés de traverser les frontières pour séjourner au
Cameroun ou au Tchad. En bref, « l'arrivée au pouvoir de la
Séléka en mars 2013 achève de transformer la Centrafrique
en pot-pourri. Fonctionnement rebelle et banditisme se mêlent au sein de
l'appareil d'État 8».
4 Perspective Monde,
« Renversement du président François Bozizé en
République centrafricaine », publié le 24 mars 2013,
consulté le 14 avril 2018.
URL :
http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=1189
5 Seleka signifie Alliance en
langue Sango. Une langue locale centrafricaine.
6 LOUBIERE Thomas, Le Monde,
« Six clés pour comprendre le conflit en République
Centrafricaine », publié le 05 décembre 2013, mis à
jour le 14 mai 2014, consulté le 6 Avril 2019. URL :
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/12/05/republique-centrafricaine-le-conflit-en-six-points_3526526169_3212.html
7 Cité par LOUBIERE
Thomas, Le Monde, « Six clés pour comprendre le conflit en
République Centrafricaine », publié le 05 décembre
2013, mis à jour le 14 mai 2014, consulté le 6 Avril 2019. URL :
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/12/05/republique-centrafricaine-le-conflit-en-six-points_3526526169_3212.html
8 CHAUVAIN Emmanuel et
SEIGNOBOS Christian, Afrique Contemporaine, « L'imbroglio centrafricain :
Etat, rebelles et bandits, 2013/4 n°248/ pages 119 à 148. ISSN
0002-0478, mis en ligne par Cairn.info le 25 juin 2014. URL :
https://doi.org/10.3917/afco.248.0119
4
5
Ces mouvements de populations centrafricaines vers le Cameroun
engendrent d'énormes défis tant nutritionnel, sécuritaire
et sanitaire qu'administratif.
Le Cameroun étant un Etat partie à la Convention
de 1951 relative au statut de réfugié depuis le 23 Octobre 1961
et à son protocole depuis le 19 juillet 1969, a très tôt
pris conscience de la nécessité de protéger les personnes
en quête d'asile sur son territoire. Cet élan humanitaire s'est
confirmé par la ratification quelques années plus tard, de la
Convention de l'Organisation de l'Union Africaine (OUA) régissant les
aspects propres aux problèmes des réfugiés de 1969 et par
le développement progressif d'un cadre légal favorable à
la protection des réfugiés.
Cependant, le Cameroun ne pouvant pas faire face
individuellement aux besoins énormes des réfugiés
Centrafricains, notamment en matière d'état civil,
particulièrement la composante liée aux actes de naissances des
enfants Centrafricains, bénéficie de l'appui de certains
partenaires humanitaires, à l'instar du UNHCR.
Notre recherche aura pour cadre géographique la
région de l'Est-Cameroun en Afrique centrale. Spécifiquement, il
s'agira de l'arrondissement de Mandjou. En effet le choix de faire notre
étude dans la région de l'Est-Cameroun n'est pas anodin. En 2010,
avec 39 sites mobilisés pour la cause des réfugiés, cette
région regroupe à elle seule 58% du taux de
réfugiés au Cameroun (UNHCR,2011). Pour cause, elle est
située en frontière de la RCA, du Gabon, de la Guinée
Equatoriale et du Congo Brazzaville. Ce qui fait valoir à cette
région une représentation de 23,1 % du territoire national, avec
un paradoxe de 4,1 % de la population totale du Cameroun (Pierre Kamdem, 2017).
C'est d'ailleurs la région du Cameroun ayant la densité
démographique la plus faible. Cette densité qui se situe à
41 habitants au kilomètre carré est la résultante
essentielle des migrants à la fois internes, c'est- à -dire des
autres régions du pays, et externes en provenance des pays voisins
(Tchad, RCA, Congo-Brazzaville, Nigéria).
B. Pertinence et intérêt du sujet
Notre étude fait suite à des recherches
antérieurement menées sur la question des réfugiés
centrafricains au Cameroun, notamment sur les aspects globaux des aides
humanitaires essentiellement axées sur la nutrition, la santé et
l'éducation (Pierre Kamdem, 2017). Mais au vu de ce qui
précède, fort est de constater de façon très
évidente que les problématiques liant les réfugiés
à l'état civil, demeurent assez moins questionnées.
6
Les réfugiés et les déplacés de
guerres sont des personnes vulnérables et donc souvent victimes de
grandes épidémies. Dans ce sillage, les données de
l'état civil peuvent pertinemment être utilisées pour
évaluer les programmes de santé souvent existant dans ces
contextes. La prise en compte d'une étude reliant les
réfugiés et l'accessibilité à l'état civil
est aussi pertinente par l'éveil d'une valorisation potentielle des
données qui y figurent dans l'évaluation des programmes de
planification des naissances, surtout en Afrique subsaharienne où tarde
toujours à s'imposer une « tradition à l'état civil
».
Intégrant spécifiquement l'accès à
l'acte de naissance pour les enfants réfugiés Centrafricains,
cette recherche constituera à coup sûr, une
matérialité sur le terrain des dispositions légales de la
convention de Genève de 1951 relative au statut de
réfugiés. Dispositions dont le Cameroun est signataire. Et dans
le cas de notre étude, il s'agit du pays d'accueil. Mieux encore le pays
garant d'assurer la délivrance des actes de naissances aux enfants
réfugiés (Luc Legroux, 2003 :181). S'il faut encore le rappeler,
l'enregistrement des naissances participe de la lutte contre les abus et
trafics d'enfants. Dans le sens où sans acte de naissance, les enfants
sont beaucoup plus souvent voués à la misère culturelle,
économique et sociale. Ces enfants sans identités deviennent des
proies faciles pour toutes les formes de trafics et d'abus : mariages
forcés, vente d'enfants et même trafics d'adoption, traite des
êtres humains, prostitution, enrôlement comme soldats...
Des enfants déplacés lors de conflits ou
nés dans des camps de réfugiés en dehors de leurs propres
territoires nationaux sont aussi vulnérables puisque les Etats qui les
reçoivent peuvent refuser de reconnaître et d'enregistrer leurs
naissances. Dans ce cas ils deviennent des enfants apatrides et risquent
d'avoir des difficultés à revendiquer leur droit de
résidence lorsqu'ils retournent dans leur pays d'origine.
Par ailleurs, on ne peut garantir entre autres, une meilleure
éducation aux enfants réfugiés sans que ceux-ci n'aient au
préalable leurs actes de naissances. D'où un travail de recherche
qui se situerait en contexte Africain et s'intéresserait à
analyser l'efficacité des méthodes et stratégies
déployées en synergie par le UNHCR, le Cameroun pays d'accueil et
les réfugiés Centrafricains à travers la production des
actes de naissances aux enfants réfugiés aurait le mérite
de rendre compte des facteurs susceptibles d'influencer positivement et
négativement lesdites méthodes et stratégies.
7
Notre travail quoique prenant en compte quelques
données quantitatives est pour l'essentiel qualitatif. Ainsi, il
constitue une contribution dans l'élaboration d'outils d'analyse en
socio-anthropologie. Il accorde une place de choix aux rapports sociaux d'un
ensemble d'initiatives conformes à des directives de la convention de
Genève sur le statut des réfugiés, et les
réfugiés très souvent identifiés comme des
personnes vulnérables.
C. Objectifs de l'étude
Pour cette étude nous avons formulé un objectif
global. De cet objectif global nous avons identifié des objectifs
spécifiques
1. Objectif général
L'objectif global de cette recherche est d'étudier
comment est-ce que l'État Camerounais parvient à assurer
l'établissement d'actes de naissances aux enfants réfugiés
Centrafricains qui résident avec leurs parents en dehors et dans les
camps de réfugiés dans la région de l'Est-Cameroun.
D'autant plus que c'est dans ce sillage que s'inscrit entre autres missions, la
Convention de Genève de 1951 relative aux statuts des
réfugiés. Et dont le Cameroun est signataire depuis 1961.
2. Objectifs spécifiques
- Comprendre les dynamiques sociales, les stratégies
mises en oeuvre par le UNHCR et le Cameroun pour permettre aux enfants
réfugiés centrafricains d'avoir accès à leurs actes
de naissances ;
- Identifier les enjeux sociaux de l'intégration ou de
la participation des parents réfugiés dans le processus
d'accessibilité des actes de naissances de leurs enfants ;
- Proposer des pistes de solutions pour un accès plus
efficace des actes de naissances des enfants réfugiés
Centrafricains.
8
D. Revue de littérature
Pour une question de choix, nous allons bâtir notre
revue de littérature sur la base d'un triptyque expliquant les causes
des conflits de façon générale en Afrique, les
conséquences et les solutions y afférentes. Ce choix fait suite
au fait qu'il n'est pas évident de trouver dans la littérature,
beaucoup de textes qui abordent de façon singulière, la question
de réfugiés au Cameroun ou dans les pays du Sud en
générale. En effet, les textes qui abondent sur les questions
liées à l'immigration ou à l'asile se penchent davantage
autour des déplacements de populations du Sud vers le Nord.
Bien que les « conflits diffèrent selon leur
intensité, leur durée et leur extension territoriale, en Afrique
précisément, ils peuvent être infranationaux,
internationaux ou régionaux » (Hugon, 2006 :33). Toutefois, ces
variables pour Koffi ANNAN, ne changent en rien le fait que « les conflits
armés, notamment africains, résultent de l'enchevêtrement
de plusieurs facteurs culturels, sociaux, politiques, militaires,
géopolitiques » (ANNAN, 1998 : 51).
Mais Collier et Hoeffler semblent ne pas accorder assez
d'importance aux facteurs culturels, sociaux, politiques, militaires et
géopolitiques qui seraient des effets et non de véritables causes
de conflits en Afrique. C'est ainsi qu'ils estiment que les principaux facteurs
explicatifs des conflits en Afrique sont essentiellement liés au rapport
de force entre le faible taux de croissance du PIB et le nombre d'habitants
(Collier et Hoeffler, 2000 : 95). Toutefois, ce point de vue qui met l'accent
sur la croissance ne fait pas l'unanimité car, lorsqu'un Etat fait
montre d'institutions fortes, il parvient à mieux surmonter cet enjeu.
C'est ainsi que Philippe Hugon estime pour sa part qu'une part significative
des causes de conflits en Afrique s'explique par « la faillite du
modèle étatique postcolonial, à laquelle s'est
ajoutée la dévalorisation de l'Etat par l'idéologie
libérale, (qui) ont conduit à des fractionnements territoriaux et
à une montée en puissance de factions s'appuyant sur des
identités claniques, ethniques ou religieuses » (Hugon, 2006 :36).
Ce qui se manifeste par la logique où « chaque fois qu'il y a un
changement de régime, on assiste à un mouvement de population
dans les deux sens. Les anciens réfugiés retournent chez eux et
les nouveaux arrivent de crainte d'être persécutés par les
nouveaux maîtres des lieux » (Bigombe, 1999 : 234).
9
En évacuant la responsabilité des conflits en
Afrique aux seuls Africains, Châtaigner focalise son analyse sur des
causes exogènes, principalement des anciennes colonies. L'enjeu se
structure autour de ce qu'il qualifie de « nouveau commerce triangulaire
», où l'Afrique exporte illégalement vers les pays
occidentaux des matières premières non transformées,
où les pays d'Europe de l'Est exportent vers l'Afrique des armes et des
mercenaires et où se nouent entre les pays de l'ouest et de l'est de
l'Europe des relations financières. Dans de telles circonstances, on ne
souhaite pas nécessairement la fin des hostilités, afin de
pouvoir continuer à se partager les rentes (Châtaigner : 2004,
44). L'histoire de la Centrafrique en est une parfaite illustration car, comme
le martèle Zoctizoum, en 1981 la France a organisé un coup d'Etat
dans le but de renverser le Président David Dacko et de le faire
remplacer par le général André Kolingba au pouvoir.
L'idée de fond visait à donner le pouvoir à un leader
manipulable et susceptible d'être au service des intérêts
français9.
Si face à cet état de choses alarmant « la
cause initiale peut être mineure (...) et devenir incontrôlable
» (Cart, 2005 :76), notons que les incidences sur les populations ne lui
sont pas bénéfiques. Les conflits armés favorisent le
sous-développement économique, le chômage des jeunes, la
pauvreté, les famines et surtout l'impossibilité pour les Etats
d'assurer leurs fonctions régaliennes de sécurité (Azam,
2009 : 69). Dans ce « contexte d'anarchie, de non-respect des
règles et d'absences de contrôle territorial, où de
nombreuses activités deviennent très lucratives » (Hugon,
2006 : 34), le déplacement massif des populations en quête de
refuge dans d'autres Etats (Hugon 2006 :36) est une évidence.
Dans ce sillage, « il revient aux Etats d'accueils
d'assurer leur protection juridique en leur délivrant des titres de
séjours et leur état civil » (Luc Legroux, 2003 : 181). Mais
selon le Nations-Unies, en Afrique certains pays restent dans
l'impossibilité de pouvoir répondre favorablement aux besoins de
leur population en matière d'enregistrement à l'état
civil. Entre autres causes : une législation sur l'état civil non
conforme aux exigences internationales du fait de sa non-révision durant
des décennies ; le sous-financement des systèmes d'enregistrement
et de statistique des faits d'état civil ; l'inaccessibilité des
services d'enregistrement aux populations
9 Zoctizoum Yarisse,
Histoire de la Centrafrique, Violence du Développement, Domination et
Inégalités, Tome 2. (1959-1979), p.89.
résidant dans les zones rurales. Conséquence,
« la couverture et la complétude de l'enregistrement des faits
d'état civil sont très faibles dans presque tous les pays
10».
En Europe en revanche, malgré un contexte
d'enregistrement à l'état civil très performant, les Etats
implémentent « la convention de Genève qui laisse aux Etats
d'accueils la liberté de fixer le statut de réfugié »
sous l'étiquette de « protections subsidiaires » afin de
gérer les déboutés du droit d'asile qu'ils ne savent
comment expulser (Luc Legroux, 2003 : 185). De façon officielle, les
Etats européens sont jusqu'ici les seuls à avoir fait recours
à ce procédé qui est « peu protecteur et n'ouvrant
qu'à un droit au séjour temporaire-en général d'un
an » (Luc Legroux, 2003 : 186). Cette spécificité
européenne se justifierait-elle de la vétusté de la
convention des Nations-Unies de 1951 ? Probablement oui car, Barbara Grainger
faisant suite de son analyse de fond sur ladite convention, publiée par
ailleurs dans un dossier en 1985 par les Nations-Unies11, fait
état de ce que les principales caractéristiques de cette
convention sont de plus en plus dans l'incapacité de répondre aux
exigences actuelles. Elle suggère de ce fait une révision de
celle-ci afin qu'elle puisse s'arrimer aux défis actuels.
Parlant de cette inadéquation de la convention des
Nations-Unies aux besoins réels des populations victimes,
François Audet12 examine l'évolution du terrain
d'actions humanitaires au cours des dernières décennies. Il en
arrive à une conclusion : l'espace humanitaire est de plus en plus
politisé. Pour le démontrer, il fait une illustration des
conflits en Afghanistan et en Irak. De ce côté, les politiques
d'aide humanitaire sont prédéterminées par les objectifs
de politiques étrangères des gouvernements de la coalition
occidentale, plutôt que sur les bases des besoins des populations et des
principes du mouvement humanitaire. Pour François Audet, cette
problématique de la politisation de l'humanitaire laisse l'acteur
humanitaire à la merci de l'Occident, dénaturant les conflits et,
a entrainé depuis la fin de la guerre froide, une augmentation du nombre
d'acteurs transnationaux. Ce flux d'acteurs transnationaux sur les
théâtres d'opérations humanitaires créé sans
doute beaucoup de flou et d'incohérences.
10 Nations-Unies, Rapport
sur l'enregistrement des faits d'état civil et des statistiques de
l'état civil en Afrique, Commission Economique pour l'Afrique,
2017,
URL :
http://apaicrvs.org/sites/default/files/public/REPORT%20ON%20THE%20STATUS%20OF%20CRVS%20IN%
20AFRICA.pdf
11 Nations-Unies et les
réfugiés (1945-1985), in Réfugiés, n°22,
octobre 1985, pp.19-32.
12 Audet, F. (2011). L
'acteur humanitaire en crise existentielle : les défis du nouvel espace
humanitaire. Etudes internationales, 42, (4), 447-472.
https://doi.org/10.7202/1007550ar
10
E. 11
Questions de recherche
- Comment est-ce que l'Etat du Cameroun
assure-t-il l'établissement d'actes de naissances aux enfants
réfugiés Centrafricains ? Cette question centrale
génère les questions connexes suivantes :
- Quelles sont les causes de la crise
Centrafricaine ?
- Comment l'État, les agences
internationales, en particulier le UNHCR et les réfugiés
Centrafricains, spécifiquement les parents mobilisent-ils les ressources
pour faciliter l'établissement d'actes de naissances aux enfants
réfugiés Centrafricains ?
- Quelles sont les contraintes structurelles
et conjoncturelles qui pèsent sur le processus
d'accès des actes de naissances aux enfants
réfugiés ? Quelles leçons tirer ? Quelles recommandations
?
F. Hypothèses de recherche
L'hypothèse d'une recherche se défini selon
Claude BERNARD13 comme étant une interprétation
anticipée et rationnelle qui sert de fil conducteur et de critère
de sélection des données. Le présent travail formule une
hypothèse centrale de recherche. A celle-ci, il va en découler
des hypothèses secondaires.
? Hypothèse centrale
Dans la ville de Mandjou, les actions humanitaires de
l'Etat du Cameroun et de l'UNHCR pour assurer l'établissement d'actes de
naissances aux enfants réfugiés Centrafricains sont multiples et
concrètes mais sujettes à diverses limites.
? Hypothèses secondaires
- Les types de stratégies et d'actions proposés
par l'Etat du Cameroun et de l'UNHCR ne remplissent pas toutes les fonctions
attendues et se heurtent à la vulnérabilité des
réfugiés Centrafricains ;
13 BERNARD Claude,
cité par Jean-Louis Loubet DEL BAYLE, Initiation aux méthodes
de sciences sociales, Paris, L'Harmattan, 2014.
12
- Il n'existe réellement pas de synergies d'actions
entre l'Etat du Cameroun et l'UNHCR dans le processus d'établissement
des actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains.
1. Méthodologie
a- Population et échantillonnage
La population ciblée pour cette recherche sera
composée de trois groupes: les réfugiés centrafricains,
spécifiquement ceux disposant des enfants ayant obtenu ou pas leurs
actes de naissances dans les conditions liées à notre
étude ; les services déconcentrés et
décentralisés de l'Etat du Cameroun impliqués
explicitement dans ce cadre, notamment les personnels de la mairie, des
personnels administratifs des ministères camerounais concernés ;
les acteurs du UNHCR en présence dans le site et les acteurs d'ONG
locales qui accompagnent au quotidien l'Etat et le UNHCR dans l'atteinte de ces
objectifs.
b- Méthodes de recherche
Dans un premier temps, il sera question de collecter de
données quantitatives extraites des registres statistiques des
différents bureaux. Ces données vont s'étaler sur une
période allant de la résolution par le Cameroun, les acteurs tels
le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR)
et ses nombreux partenaires actifs sur le terrain à se pencher sur la
question de l'état civil des réfugiés. À ces
données quantitatives seront étoffées majoritairement des
données qualitatives issues d'une série d'entretiens conduits
dans la zone d'étude. Ces entretiens seront tours à tours
menés auprès des réfugiés parents, individuellement
et collectivement par la méthode de focus group, qu'auprès des
représentations des services décentralisés de l'Etat du
Cameroun, des représentants des services du UNHCR impliqués sur
le terrain. Le croisement des questionnaires et entretiens devrait nous
permettre d'avoir accès à 100 acteurs cibles dont 50 issus de
réfugiés parents repartis dans la localité de
référence à savoir, l'arrondissement de Mandjou.
C'est pourquoi il nous semble pertinent de choisir la
stratégie d'échantillonnage par cas unique. Celle-ci nous aidera
à s'appuyer sur des acteurs susceptibles de nous fournir des
informations pertinentes, conformément à notre recherche.
Concrètement, la stratégie d'échantillonnage par cas
unique nous permettra de mieux comprendre les stratégies
déployées par les composantes choisies pour notre enquête,
qui ne sont pas forcément représentatives mais
caractéristiques de la population cible (Ibrahima Lo, 2013). De mieux
observer et analyser
13
comment chaque acteur s'étend en termes de
stratégies et ruse pour atteindre les objectifs. Enfin les interactions
et les ruses entre acteurs face à la crise.
c- Matériel
Dans le cadre de notre recherche, nous aurions eu besoin
d'enregistreurs, lampe torche, une caisse pharmaceutique, des blocs notes et
stylos et une moto adaptée à l'état de routes
enclavées de la région. Mais sous influence des effets de la
pandémie COVID-19, nous avons davantage privilégié des
échanges par mails et appels téléphoniques et Facebook.
d- Analyse de données
Les théories qui nous permettront d'analyser nos
informations sont l'analyse stratégique et
l'interactionnisme.
? L'analyse stratégique
La théorie d'analyse stratégique dont il est
question ici est celle proposée par Michel Crozier et Erhard Friedberg.
Selon les deux auteurs, l'analyse stratégique consiste à
expliquer l'organisation ou l'action collective qui, dans notre cas est la
synergie d'actions entre les services décentralisés de l'Etat du
Cameroun et le UNHCR dans l'amélioration des conditions d'insertion
à l'éducation des enfants réfugiés via
l'accès à l'acte de naissance. Il s'agit d'une construction
sociale et non un phénomène naturel (Michel Crozier et Erhard
Friedberg, 1977 : 15). A l'intérieur de cette organisation, les acteurs
usent de l'espace de liberté qui leur est réservé pour
agir et conquérir des marges de manoeuvre. Aussi, « par ce concept
central de stratégie, Crozier et Friedberg entendent souligner que le
comportement de l'acteur dans l'organisation est un comportement actif, jamais
totalement déterminé, sans que, cependant l'acteur ait des
objectifs parfaitement clairs et constants » (Pierre Ansart, 1990 :
70.)
Une telle méthode d'analyse sied à notre
étude parce qu'elle nous permettra d'identifier les principaux acteurs
(les représentations des services décentralisés de l'Etat
du Cameroun, l'équipe de gestion des actions du UNHCR sur le terrain, et
les populations réfugiées) de même que les problèmes
et les enjeux auxquels ils font face; d'analyser leurs marges de manoeuvre tout
en tenant compte du contexte économique, politique, social,
environnemental et culturel qui influence dans une certaine mesure les
comportements des uns et des autres. Et
14
d'examiner les stratégies développées par
chaque acteur pour atteindre ses objectifs. Par ailleurs, il conviendra dans le
cadre de notre travail d'étudier les interactions entre ces acteurs afin
d'expliquer les résultats de l'action collective. D'où la
nécessité de la théorie interactionniste.
? L'interactionnisme
L'interactionnisme est un courant de pensée qui a
été développé à l'école de Chicago
vers les années 1950. Il a été beaucoup plus
développé par Erving Goffman qui considère les
interactions comme des systèmes indépendants des individus qui
les vivent. Selon Madeleine Grawitz, « on pourrait résumer les
conclusions de la thèse de Goffman en disant que d'après ses
observations, l'interaction en société implique un mélange
de ruse pour se dissimuler aux yeux de l'autre et même pour le tromper et
en même temps de respect pour lui, afin de maintenir la paix, ne pas
créer d'incident et taire également ce que l'on devine qu'il
dissimule » (Madeleine Grawitz, 2000, p.136). En outre W. Herpi
déclare que « par interaction, on entend à peu près
l'influence réciproque que les partenaires exercent sur leurs actions
respectives lorsqu'ils sont en présence physique, immédiate, les
uns les autres » (Madeleine Grawitz, 2000, p.137). De ce qui
précède, il résulte que l'interactionnisme est
l'étude des faits sociaux comme étant le fruit du comportement
des individus en relation les uns avec les autres.
Dans le cadre de notre étude, il s'agira de constituer
par le biais de l'interactionnisme une analyse des interactions entre acteurs
sociaux relevant des cultures ou sous-cultures différentes. De
procéder à l'inventaire des contraintes respectives auxquelles
les uns et les autres sont soumis par un décryptage des dynamiques
internes et externes de notre objectif de recherche.
G. Défis éthiques de la recherche
Il serait illusoire de prétendre que notre recherche
n'entend point être en marge d'un ensemble de défis susceptibles
d'influencer son contenu et ses objectifs. En effet la sensibilité de
notre thématique nous consolide à une prise en compte du drame
lié à un environnement propice à l'exposition de notre vie
sur le plan sanitaire et psychologique, ainsi que celle des interviewés
(Sriram et al., 2009 ; Ansoms, 2012). Un autre défi majeur auquel
nous-nous préparons à faire face est celui de l'adversité
des pouvoirs étatiques (Emery Mushagalusa M., 2013) qui ont fait de la
situation d'accueil des réfugiés centrafricains un instrument
pour
15
redorer leur blason sur la scène internationale. Il est
donc évident que l'accès à certaines informations va
nécessiter autres ruses que la simple norme de l'interview. Ce qui
pourrait avoir des conséquences sur la fiabilité des
données.
Aussi, bien que nous soyons de nationalité
camerounaise, il faudrait savoir que l'aire géographique de notre
recherche n'est pas la nôtre sur le plan intra-ethnique et tribal. Ce qui
peut limiter l'interaction entre les enquêtés et nous chercheur,
fruit d'un double regard à savoir l'origine et le statut
d'étudiant en Europe. Il va donc falloir s'approprier un ensemble de
valeurs propres au terrain dans le but d'en faire partie, de mieux comprendre
en décryptant les codes d'expressions propres au milieu et de gagner la
confiance. Conscient des ombrages étatiques sur certains faits,
notamment les faits susceptibles de nuire à sa réputation, il
serait mieux de déployer une stratégie qui vise à
protéger les interviewés au moins via l'anonymat de leurs
identifiants. La pertinence de cette approche s'explique par la «
théorie des réseaux et utilité dans la recherche en
milieux dangereux » (Emery Mushagalusa M., 2013) car un des acquis que
nous avons dans cette zone c'est la spécificité des liens
d'amitiés et de camaraderies (Borgatti et Halgin, 2011) avec certains
acteurs exerçant pour la cause. Surtout que l'idée de la
théorie des réseaux en recherche de terrain accorde du
crédit à la nature légale ou illégale des liens qui
nouent les acteurs en présence (Granovetter, 1985). Il convient
également d'étoffer la stratégie des réseaux par
une stratégie de sécurité (Emery Mushagalusa M., 2013) car
la confiance n'exclut pas la méfiance et « les dangers peuvent
être gérés à travers la prévoyance, la
planification et l'habilité du chercheur à manoeuvrer »
(Sluka, 1995, p.277).
Il convient de souligner l'éventuelle obstacle à
pouvoir extirper durant un entretien ce qui est pertinent de ce qui ne l'est
pas au sujet de l'enquête dans les déclarations faites par
l'enquêté. Ce qui connaitra probablement un souci sur la
constitution des synthèses lors de la restitution. Pour en contourner,
Olivier de Sardan propose d'emmener l'interlocuteur à se concentrer ou
alors qu'on prenne simplement une pause (Olivier de Sardan, 1995).
Pour finir, il s'est ajouté contre toute attente, un
autre défi majeur et planétaire lié à la
pandémie du COVD-19. Ce défi qui impose la loi du confinement
n'est pas sans conséquences sur la qualité et la
faisabilité de notre recherche. Ayant constitué une raison de
fermetures des frontières dans divers pays à l'instar du Cameroun
et de la Belgique, la pandémie du COVID-19 nous impose une autre
approche de travail détachée de toute proximité physique.
Cependant, notre stratégie de contournement a porté à
déléguer nos enquêtes de terrain à des amis et
16
connaissances résidants au Cameroun et à
échanger par téléphone et mails avec divers acteurs
exerçant pour le compte du UNHCR et l'Etat du Cameroun. Par ailleurs, la
consultation des sites et pages Facebook n'a pas été en reste.
H. Présentation et explications du plan de la recherche
Le présent travail est structuré autour de
quatre principaux chapitres composés chacun de deux parties et quelques
fois, de sous-parties.
Ainsi le premier chapitre est subdivisé en deux grandes
parties. Il consiste à faire une présentation de la zone
d'étude et consacre une brève explication des
causes du déplacement des populations Centrafricaines. Ainsi,
dans un premier temps, on mettra en exergue l'historique, les
éléments géophysiques, humains et socioéconomiques
de la région de l'Est-Cameroun. Puis, nous allons expliquer les causes
internes et externes des crises centrafricaines, les raisons secondaires de
départ des réfugiés vers le Cameroun.
Le chapitre deux voudrait faire en premier lieu une analyse
basée sur la compréhension et la mise en exergue des
trajectoires empruntées par les populations Centrafricaines
pour se rendre au Cameroun. Ensuite, faire une brève analyse
critique et juridique sur la détermination du statut de
réfugié pour ces populations Centrafricaines, une fois
arrivées au Cameroun.
Le chapitre trois voudrait faire une étude de cas sur
les initiatives du UNHCR et le gouvernement camerounais en
matière d'établissement des actes de naissances
des enfants réfugiés centrafricains dans l'Est-Cameroun.
Cela se découlera bien évidemment d'une analyse et une
interprétation des données de terrain.
Le chapitre quatre pour finir, voudrait s'appuyer sur
les aspects susceptibles de réduire l'ef-ficacité et
l'efficience des actions du Cameroun et de ses partenaires
humanitaires. L'idée en toile de fond étant de proposer
un ensemble d'éléments probablement utile pour l'atteinte des
objectifs y afférents.
17
II. CHAPITRE I: PRÉSENTATION DE LA REGION
DE L'EST-CAMEROUN, ZONE D'ÉTUDE ET ÉTAT DES LIEUX DES CRISES
CENTRAFRICAINES
18
Le présent chapitre sera subdivisé en deux
principales parties. La première est une présentation presque
générale de la zone d'étude. Il s'agit concrètement
de mettre en exergue l'historique, les éléments
géophysiques, humains et socioéconomiques de la région de
l'Est-Cameroun. Cet exercice a la pertinence de contribuer sur la
compréhension des raisons directes et indirectes de la présence
des réfugiés centrafricains dans cette partie du Cameroun.
La deuxième partie quant à elle fait une mise en
perspective des causes internes et externes des crises centrafricaines. Elle y
implique dans ce sillage les raisons secondaires de départ des
réfugiés Centrafricains et les différentes trajectoires
empruntées par ceux-ci dans leurs déplacements vers le
Cameroun.
19
III. PRÉSENTATION DU TERRAIN D'ÉTUDE
Les divisions administratives sont nées au Cameroun
à partir du décret 61/DF du 15 au 20 octobre 1961. Puis, la
révision constitutionnelle du 2 juin 1972 a créé sept
provinces qu'on appelait aussi districts. Avant l'indépendance du pays,
ce qu'on pourrait appeler ancien Cameroun sous protectorat de la France
comptait cinq provinces : la province de l'Ouest, la province du Littoral, la
province de l'Est, la province du Nord et la province du Centre-sud.
Le nombre de ces provinces est passé au double le 22
août 1983 à la suite de la division de la province du Centre-Sud
en province du centre et province du sud et celle du Nord en province de
l'Extrême-Nord, province du Nord et province de l'Adamaoua.
Cependant en 2008, le président Paul Biya a
changé par décret l'appellation des « provinces ».
Dès lors, les provinces du Cameroun ont gardé leur nombre mais
sont désormais appelées « régions ». Cela
à la suite du décret N°2008/376 du 12 novembre 2008 portant
organisation administrative de la République du Cameroun. C'est dans
cette perspective que la province de l'Est est devenue région de l'Est.
Parler ainsi de cette région revient ici à faire une
présentation sommaire et brève (A) et beaucoup plus s'atteler
dans la présentation de la ville de Mandjou-centre (B) qui constitue le
point géographique défini dans le cadre de cette étude.
20
A. La région de l'Est-Cameroun en bref.
Située dans le Sud-Est du pays, la région de
l'Est est l'une des dix régions que compte le Cameroun. Son chef-lieu
est Bertoua. Cette région a pour frontière dans le pays les
régions du Sud, de l'Adamaoua et du Centre. Avec l'extérieur du
territoire camerounais, la région de l'Est est limitrophe à la
République Centrafricaine et à la République du Congo au
Sud. En plus d'être la région du Cameroun la plus vaste, la
région de l'Est est couverte de forêt de type
équatoriale.
Appelée aussi région du soleil levant, la
région de l'Est est une aire écologique dominée par les
grands arbres. On y identifie près de 1500 essences
végétales dont certaines sont entièrement ou partiellement
protégées, ainsi que plus de 500 espèces animales qui
peuplent surtout la réserve du Dja, déclarée Patrimoine
Mondial de l'Humanité14. Ces atouts, nombreux et
variés, prédisposent la région de l'Est à plusieurs
formes de tourisme, notamment l'écotourisme, le tourisme
cynégétique, le safari photo et l'aventure. La région de
l'Est compte 5 à 6 aires protégées : le parc national de
Deng, le parc national de la Lobéké, le parc national de Boumba
Beck, le parc national de Nki et la réserve de biosphère du Dja,
patrimoine mondial de l'UNESCO. Les parcs de la région de l'Est sont
caractérisés par des clairières et des tours d'observation
d'où on peut observer les animaux et les oiseaux tout en prenant des
photos. Des images et prises de vue exceptionnelles s'offrent aux visiteurs
dans les petites et grandes savanes notamment au parc national de
Lobéké.
En plus de cela, la région de l'Est dispose une
position géographique favorable aux échanges économiques.
De même, son sol est fertile. Les activités agricoles et
pastorales sont propices du fait de son milieu physique et son climat.
L'élevage n'est pas en reste car essentiellement pratiqué dans sa
partie nord notamment dans les départements de la Kadey et du
Lom-et-Djerem, tandis que les départements de la Boumba-et-Ngoko et du
Haut-Nyong restent des zones de grande production agricole (café, cacao,
tabac), et surtout d'exploitation forestière15.
Bien que la région de l'Est-Cameroun recèle
d'importantes potentialités, il faut paradoxalement noter que c'est
l'une des régions du Cameroun qui accuse un important retard de
14
https://www.editions2015.com/cameroun/index.php/10-regions-formant-cameroun/region-de-lest/
consulté le 21 octobre 2019 à 18h14.
15 Pierre Kamdem, «
Scolarisation et vulnérabilité : les enfants
réfugiés centrafricains dans la région de l'Est-Cameroun
», Espace populations sociétés [Online], 2016/3 | 2017,
Online since 31 January 2017, connection on 22 October 2019. URL :
http://journals.openedition.org/eps/7019
; DOI : 10.4000/eps.7019
21
développement. « Cette situation est due à
trois principaux maux dont souffre la région. D'abord le sous-peuplement
: (...) l'Est reste la région ayant la plus faible densité
malgré l'apport des immigrants (...). Ensuite la marginalité de
la région en équipement modernes, ce qui a pour
conséquence une difficile intégration des villages dans la vie
moderne. Enfin la région est enclavée 16(...) ».
Cet enclavement de la région a des répercussions sérieuses
dans plusieurs aspects notamment l'enregistrement continu et permanent des
caractéristiques de naissance au registre national de l'état
civil.
Administrativement, la région de l'Est-Cameroun compte
quatre départements à savoir la Boumba-et-Ngoko qui a pour
chef-lieu Yokadouma ; le Haut-Nyong qui a pour chef-lieu Abong-Mbang; la kadey
qui a pour chef-lieu Batouri et le Lom-et-Djérem qui a pour chef-lieu
Bertoua.
La région de l'Est est peuplée, entre autres
tribus, par les pygmées, premiers habitants de la région qui
s'adonnent à la cueillette, au ramassage et à la chasse. Aimables
et accueillants, ils ont su faire de leur environnement un cadre
d'hospitalité visité par de nombreux touristes. En plus des
pygmées, qui sont du groupe ethnique des Baka, la région de l'Est
regorge d'autres groupes ethniques (conf. Photo1).
Carte1 : région de l'Est-Cameroun et ses
différents groupes ethniques.
16 ANGO MENGUE Samson, La
province de l'Est du Cameroun : étude de géographie humaine /
Samson Ango Mengue ; Mémoire ou thèse (version d'origine) sous la
dir. de François Bart Directeur de thèse, Université
Bordeaux Montaigne. Organisme de soutenance Date(s) : 2004,
http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1//SRCH?IKT=12&TRM=079021913&COOKIE=U10178,Klecteurweb,I250,B341
720009-i-,SY,NLECTEUR-i-WEBOPC,D consulté le 21 octobre 2019
à 17h38.
22
Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9giondel%27Est(Cameroun)
A l'image du Cameroun tout entier, la région de l'Est
fait une part belle d'une diversité en termes de groupes ethniques. Ces
groupes ethniques vivent tous de l'agriculture traditionnelle et de la chasse.
Ce sont d'ailleurs leurs principales activités économiques. Bien
que l'extraction du bois de construction reste une éventualité,
il faut reconnaitre que les contraintes légales et surtout l'enclavement
de la région en générale la rendent peu plausible. A ces
populations autochtones s'ajoutent d'autres populations venant du reste du pays
et des pays voisins.
23
B. La ville de Mandjou
La ville de Mandjou s'étend sur une superficie de 8500
km2. Désignée autrefois comme étant la commune
de Bertoua rurale, Mandjou s'est vue décerner l'autonomie de sa commune
en avril 2007. C'est alors une des communes rurales les plus jeunes du
Cameroun. Mandjou est une commune qui s'étend sur 109 km du Nord au Sud
et d'Est. Et sur 53 km de l'Est à l'Ouest. Pour davantage mieux
appréhender la ville de Mandjou, il nous semble pertinent de faire une
présentation de son cadre administratif (1), socio-économique (2)
et Démographique.
1. Le cadre administratif, humain et physique de la ville
de Mandjou
Comme l'ayant précédemment évoqué,
c'est suite au Décret n°2007/115 du 23 avril 2007 portant
création d'arrondissements au Cameroun que la ville de Mandjou est
devenue un arrondissement. Cette ville d'arrondissement fait partie des six
constituant le département du Lom-et-Djerem. A ce titre, elle a à
sa tête administrative un Sous-préfet nommé par
Décret présidentiel.
Cette ville est « un espace carrefour,
bénéficiant d'une position géographique favorable pour les
échanges économiques ». En plus, d'avoir à son sein
divers villages et quartiers, la ville de Mandjou a la particularité
d'être administrée à la fois par les interventions directes
de l'Etat et des organisations internationales. En effet la présence des
organisations internationales dans cette ville se justifie par l'argument que
« les localités telles que Mandjou I, Mandjou II, Bazzama, Letta et
Boulembé qui concentrent la plus grande partie de la population, sont
aussi celles où on retrouve le plus grand nombre de
réfugiés tantôt installés dans des groupements avec
les autochtones et affichant ainsi une probante intégration spatiale,
tantôt à proximité de ceux-ci sous forme d'une cohabitation
pacifique17».
De ce qui précède, il est important de souligner
que c'est à peu près depuis 2005 que se sont installées
les populations réfugiés Centrafricaines dans la ville de
Mandjou. Et leur prise en charge est effective grâce à l'UNHCR.
Cependant si « les données collectées prouvent que ces
17 DAMME W. V. (1999),
« Les réfugiés du Liberia et de Sierra Leone en
Guinée forestière (1990-1996) » in V. Lassailly-Jacob, J.Y.
Marchal, A. Quesnel (dir.), Déplacés et réfugiés La
mobilité sous contraint, Paris, IRD éditions, pp. 343-381
Cité par Pierre Kamdem, « Scolarisation et
vulnérabilité: les enfants réfugiés centrafricains
dans la région de l'Est-Cameroun », Espace populations
sociétés [En ligne], 2016/3 | 2017, mis en ligne le 31
janvier 2017, consulté le 27 octobre 2019. URL :
http://journals.openedition.org/eps/7019
; DOI : 10.4000/eps.7019
24
populations ont accès à l'éducation, aux
soins de santé, aux infrastructures marchandes, hydrauliques et
d'élevage », force est tout de même de constater que les
aspects liés à l'enregistrement des naissances n'y figurent pas.
Est-ce par leur non pertinence ? Serions-nous tentés de demander. La
réponse nous sera donnée ultérieurement.
Parlant toujours des réfugiés Centrafricains
dans cette localité, il est à noter que leur présence est
également bénéfique pour l'administration des besoins
sociaux dans la ville de Mandjou. En titre illustratif, la construction des
« deux forages publics de la petite agglomération de Mandjou est un
des nombreux dons de l'UNHCR. Par ailleurs des écoles, centres de
santé offerts ou aménagés par Première Urgence (PU)
et toujours le UNHCR ». C'est d'ailleurs ce que peuvent attester les
cartes suivantes.
Cart2. Équipements en eau et salle de classe aux
couleurs et logos du donateur, l'UNHCR
Source : Pierre Kamdem-2011.
Par ailleurs, avec à la fois un climat chaud et humide,
la ville de Mandjou est arrosée de quatre saisons. Il s'agit en effet de
deux saisons sèches et de deux saisons de pluies. Le réseau
hydrographique ne comporte pas de grands cours d'eau. Il est constitué
d'un ensemble de ruisseaux dont peu sont pérennes. Ils constituent
d'importants affluents pour de grands cours d'eau (le Lom ou encore la Sanaga).
Le couvert végétal étant constitué de savanes
arborées, constitue une grande opportunité pour « les
réfugiés qui arrivent de la RCA (car ces derniers) sont à
majorité des Bororos qui pratiquent la transhumance. Ils se
déplacent de manière
25
constante vers des zones éloignées à la
recherche des meilleures conditions pour le pâturage18 ».
Cependant, cette instabilité constante des Bororos d'un lieu à
l'autre « empêche alors les communes à leur faire parvenir
les aliments qu'elles ont souvent octroyés à leur faveur
19». Serait-il aussi le cas pour l'établissement des
actes de naissances des enfants ? Nous y répondrons
ultérieurement.
2. Aperçu socio-économique
Selon des données municipales, la population de la
ville de Mandjou serait évaluée à environ 50 000 habitants
en 2012. Ces habitants sont inégalement répartis entre 25
villages et quartiers. Cette structuration territoriale entre villages et
quartiers reflète sa trame mixte comprenant un centre urbain et un
espace rural.
Tableau 1 : Villages composant la localité de
Mandjou
Villages/ quartiers de la ville de Mandjou
Bindia , Mandjou I , Mandjou II , Kouba , Adinkol ,
Gounté , Moïnam , Boulembe , Daïguene , Mboulaye I , Ndembo
(Axe GB) , Grand Mboula , Koubou , Letta , Ndoumbe , Ndanga Ndengue, Bazzama I,
Bazzama II, Ndembo , Ngamboula , Ndemnam , Sambi , Ndong Mbome , Kandara ,
Toungou.
Source : Réalisé par
nous-même sur base d'informations recueillies sur Wikipédia
La localité regroupe de nombreuses communautés
dont les trois principales sont les Gbaya, les Kako et les Bororos. Un examen
socio-économique de la ville de Mandjou fait état de ce que les
profils y relatifs de ces différentes communautés sont distincts.
L'essentiel de l'activité économique semble être
détenu par les Bororos tandis que les Gbaya et les Kako exercent des
activités agricoles, artisanales et occupent subsidiairement des
fonctions administratives ou relevant du service public. Le commerce vivrier
est le fait des femmes Gbaya. Compte tenu de la place centrale de
l'économie via le commerce dans les rapports sociétaux, les
personnes qui exercent dans ce secteur dans le cas d'espèce
principalement les Bororos, bénéficient
18 GAMBO, Les communes
des borderlands camerounais face aux conséquences des conflits
centrafricains de 1960 à 2013. Cas de Garoua Boulai, Ngaoui et
Bertoua, Université de Ngaounderé-Cameroun - Master 2014 in
https://www.memoireonline.com/09/19/10887/Les-communes-des-borderlands-camerounais-face-aux-consequences-des-conflits-centrafricains-de-1960.html
19 Idem.
26
d'excellents rapports avec les autorités. Ces rapports
sont assimilés à du favoritisme par les Gbaya. Il s'agit
là d'un élément important de l'antagonisme entre ces deux
communautés. Il convient de noter néanmoins que ce
problème semble mal posé ou du moins s'appuie sur des
référents factuels faussés. En effet, l'activité
économique semble globalement aux mains d'individus
musulmans20. Ces derniers n'appartiennent pas tous au groupe Bororo.
A ce niveau, l'économie ou plus précisément le
marché du centre urbain de la ville de Mandjou devient également
un lieu de déportation du conflit entre les deux groupes. En effet, les
commerçants Bororos sont souvent accusés d'attitudes violentes
vis-à-vis des femmes Gbaya, vendeuses de produits vivriers sur les
marchés.
IV. ÉTAT DES LIEUX DES CRISES CENTRAFRICAINES
Jadis appelé Oubangui-Chari, la République
Centrafricaine (RCA) est un pays situé au coeur même de l'Afrique.
C'est une ancienne colonie Française ayant obtenu son
indépendance le 13 Aout 1960. Si dans la forme cette indépendance
vaut à ce territoire le statut d'Etat, relevons néanmoins que
dans le fond, il se cache un désir perpétuel de la France de
continuer à gérer pour son propre compte la RCA.
Une des stratégies permanentes de la France pour
obtenir ses fins consiste simplement à mettre en place des
régimes politiques autoritaires susceptibles d'être à ses
ordres en faisant pression contre tous les actes de résistances ou de
désobéissances aux autorités. Conséquence directe,
on assiste à la dissolution des parties politiques, des syndicats et
d'autres associations incompatibles avec l'ordre public ; la censure des
écrits subversifs et l'arrestation officielle des personnes
jugées dangereuses pour le pays à l'instar de Abel
GOUMBA21 ne sont pas en reste. Ces quelques pratiques illustrent en
effet « la tradition d'insécurité que le pouvoir a toujours
imposé à ceux qui pensent autrement 22» et donc
« la faillite du modèle étatique postcolonial ». (Hugon
; 2006 :36). Ce qui plonge le pays dans les tensions permanentes.
20 MINFEGUE ASSOUGA Calvin,
Le conflit entre Gbaya et Mbororo à Mandjou (Est Cameroun) Cameroun.
Entre une autochtonie « virtuelle » et des revendications aux relents
socio-économiques , juillet 2014 in
http://www.irenees.net/bdffiche-analyse-1031fr.html?imprimer=1
21
https://fr.wikipedia.org/wiki/AbelGoumba
consulté le 14 Octobre 2019 à 13h08.
22 MOTAZE AKAM,
Sociologie de Jean-Marc ELA. Les voies du social, Paris, l'Harmattan,
2007, p.14.
27
D'un bout comme dans l'autre, « Il ne faut pas être
un expert en politique pour discerner que la cause première,
évidente, de la crise dramatique que traverse la RCA depuis deux ans,
n'est que le prolongement d'une crise permanente qui n'a fait que s'accentuer.
C'est la crise de la mal-gouvernance, à vrai dire de la
non-gouvernance23 ». Cette assertion de Jean-Arnold De Clermont
expose clairement le déficit d'une bonne gestion de l'appareil
étatique Centrafricain. C'est un Etat plongé dans une
série de violences faites de répressions, de coups d'Etat, des
rébellions. Ce qui fait croire à une certaine opinion qu'il
s'agirait d'« un Etat fantôme, ayant perdu toute capacité
institutionnelle significative, du moins depuis la chute de l'empereur Bokassa
en 197924 ».
Encouragée de fait par l'Occident et principalement la
France, la Centrafrique s'est presque toujours dissoute par la militarisation
de sa politique et surtout l'ethnicisassions de pouvoir au fil des tutelles
lors des périodes coloniales et néocoloniales. Ce qui crée
de façon prépondérante une permanente instabilité
dans tout le pays.
A plus de 50 ans d'indépendance, la RCA comme beaucoup
d'autres pays d'Afrique subsaharienne n'est pas en marge des faiblesses
institutionnelles. Mais avec la particularité des crises permanentes
dans le pays. Les forces étrangères présentes n'arrivent
pas à rétablir la paix surtout que la Centrafrique est
plongée dans une « crise oubliée ». C'est d'ailleurs ce
qu'affirme John Harris. Sans réserve, il pense que l'opinion
internationale reste indifférente et la communauté internationale
accorde peu d'importance à la crise centrafricaine.
A la suite de ce qui précède, il convient de
mieux se pencher sur les facteurs explicatifs des crises centrafricaines en
questionnant leurs sources qui sont à la fois internes et externes.
Autrement dit, les sources des crises centrafricaines sont explicables à
la fois dans des facteurs internes (A) et des facteurs externes (B).
A. Les causes internes des crises Centrafricaines
Pays d'Afrique centrale, la République centrafricaine
est un pays en voie de développement. Géographiquement
entouré du Cameroun à l'ouest, le Tchad au nord, le Soudan et le
Soudan du Sud à l'est, la République démocratique du Congo
et le Congo au sud, la Centrafrique est
23 De Clermont Jean-Arnold,
« Surmonter la crise en Centrafrique », Études, 2015/2
(février), p. 7-17. URL :
https://www.cairn.info/revue-etudes-2015-2-page-7.htm
24 Crisis Group,
République Centrafricaine : anatomie d'un Etat fantôme,
n°13, février 2012, p.3.
28
détentrice d'importantes ressources naturelles,
à l'instar du diamant, de l'eau (il a un fort potentiel
hydroélectrique), des forêts, de l'or et des
minerais25. Mais tout ceci reste très mal ou peu
exploité et ne profite guère à toute la population qui est
estimée à 5 475 135 habitants en 2018. Plus alarmant encore, en
Centrafrique pas moins de « 2,3 millions d'enfants sont touchés par
le conflit. Près de 10 000 auraient été recrutés
par des groupes armés (...) et plus de 430 d'entre eux sont tués
et mutilés chaque année 26». Cependant
d'où provient de façon endogène ce paradoxe lié aux
instabilités sur un territoire hautement riche en ressources naturelles
?
En effet la RCA comme beaucoup d'autres pays d'Afrique
subsaharienne n'échappe pas à « la faillite du modèle
étatique postcolonial, à laquelle s'est ajoutée la
dévalorisation de l'Etat par l'idéologie libérale, (qui)
ont conduit à des fractionnements territoriaux et à une
montée en puissance de factions s'appuyant sur des identités
claniques, ethniques ou religieuses » (Hugon, 2006 :36). Cette pratique
qui a de façon endogène entrainé le pays dans le gouffre
se manifeste dans les faits par la logique où « chaque fois qu'il y
a un changement de régime, on assiste à un mouvement de
population dans les deux sens. Les anciens réfugiés retournent
chez eux et les nouveaux arrivent de crainte d'être
persécutés par les nouveaux maîtres des lieux »
(Bigombe, 1999 : 234). Il va donc de soi que chaque fois qu'il y a un nouveau
Chef d'Etat, celui-ci s'arrange à satisfaire d'abord ses
intérêts égoïstes et ceux des siens. Orchestrant dans
les faits et actes de décisions un regard contraire de la devise du
pays. Ainsi, des concepts de « Unité-Dignité-Travail »
constituant la devise Centrafricaine, on passe plutôt aux concepts de
« Division-Indignité-Oisiveté ». Ce qui a pour effet
direct un climat d'injustices, d'inégalité de chances et de
frustrations chroniques depuis des décennies dans le pays.
La division remplace l'Unité en ce sens que les
transitions de pouvoirs d'un leader à l'autre sont la résultante
de coups d'Etat. Ce qui génère une haine tenace entre les
peuples. Une parfaite illustration a été effective entre les
tribus Kaba et celles Yokoma lors de la perte de pouvoir de André
Kolinga. En effet le départ de Kolinga confirme l'arrivée au
pouvoir de Ange Félix Patassé. Le premier étant originaire
de la tribu Yokoma a tôt fait d'ériger les siens à tous les
privilèges
25
https://www.populationdata.net/pays/republique-centrafricaine/
Consulté le 14/10/2019 à 16h25.
26 LOUBIERE Thomas, Le Monde,
« Six clés pour comprendre le conflit en République
Centrafricaine », publié le 05 décembre 2013, mis à
jour le 14 mai 2014, consulté le 6 Avril 2019. URL :
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/12/05/republique-centrafricaine-le-conflit-en-six-points35265261693212.html.
du pays. Malheur les en ont pris avec l'arrivée au
pouvoir de Ange Félix Patassé qui lui était originaire de
la tribu Kaba. Et comme en RCA la République vient après la
communauté, les partisans de Ange Félix Patassé en ont
été érigés en détenteur de pouvoir et n'ont
pas hésité à rendre aux Yokomas tous les abus subis durant
le règne de André Kolinga. C'est dans ce sillage que l'on a
aperçu les villages Yokomas se faire brûler ainsi que de nombreux
massacres au sein des populations devenues ennemis putschistes. C'est ce qui
est par ailleurs la principale cause de la fracture entre le Nord et le Sud
Centrafricain27.
L'indignité quant à elle s'impose au
détriment de la dignité humaine. En effet les crises
centrafricaines ont la particularité d'imposer une arène
où la vie humaine cesse d'avoir du sens. Le jeu des lois est
régulé par les détenteurs du pouvoir. Mieux, ce sont les
détenteurs de pouvoirs qui font la loi. Et comme la plupart du temps
l'ascension au pouvoir est une dérivée de coups d'Etat, prester
dans les services militaires devient un insigne de noblesse. Et même
lorsqu'on est démocratiquement élu comme l'a été
Ange Félix Patassé, la règle est la même. C'est
ainsi par exemple que Ange Félix Patassé à son
arrivée au pouvoir va prendre sur lui de garantir sa
sécurité en remplaçant la milice de la garde
présidentielle essentiellement constituée de Yokoma par les Kabas
originaires du septentrion. Ce qui fera jaillir de nombreux abus de pouvoir et
exactions sur les civils. On retient d'ailleurs de l'armée en RCA
qu'elle « est à l'origine de beaucoup de massacres, de pillages,
tortures, viols de la population civile28 ».
Par ailleurs, « l'emploi est un impératif pour
l'ancrage de la cohésion sociale. Il constitue un facteur
déterminant pour une paix durable. La pauvreté endémique,
entretenue par le déficit de formation, le chômage et le
sous-emploi, constitue un immense défi à relever », a dit le
Président Touadéra29. « L'une des voies d'une
paix durable en RCA, c'est celle d'avoir les moyens d'améliorer la
productivité ainsi que la capacité de créer emplois et
richesses. Pour la RCA, la bataille pour la promotion de l'emploi et du travail
décent au service de la paix et de la résilience constitue un
défi quotidien. En dépit des difficultés que traverse mon
pays, je viens
27 Sophie ESCOFFIER, Emeline
FERRIER Mia Marie OLSEN, Miranda SHUSTERMAN, Monika NORKUTE, Nature et
formes de la violence, causes du conflit en République Centrafricaine,
Grenoble, février 2014.
http://www.irenees.net/bdf_fiche-bibliographie-25_fr.html
28
https://www.hrw.org/fr/report/2007/09/14/etat-danarchie/rebellions-et-exactions-contre-la-population-civile
consulté le 21 octobre 2019 à 14h49.
29
https://news.un.org/fr/story/2018/06/1016161
RCA : l'emploi, un enjeu majeur de consolidation de la paix, déclare le
Président Touadéra au Sommet de l'OIT. Consulté le 21
octobre 2019 à 15h07.
29
30
ici vous dire notre détermination à surmonter
les obstacles dressés sur le chemin de la paix », va-t-il
conclure.
Ces déclarations du président Centrafricain au
sommet de l'OIT traduisent parfaitement le malaise qui règne en RCA. En
effet malgré un potentiel immense en ressources naturelles, le pays
reste un des plus pauvres de la planète. Incapable de former sa
jeunesse. Pire encore de trouver des emplois à celle-ci. C'est la
débrouillardise et l'oisiveté qui accaparent la jeunesse dans sa
majorité. Avec la faillite de l'Etat et la mal gouvernance, la
Centrafrique est dans l'incapacité de déployer des politiques
publiques susceptibles de garantir le bien-être de la population. En
bref, en dehors de Bangui la capitale politique du pays, l'Etat est absent. Les
jeunes sont ainsi livrés à eux-mêmes et constituent une
proie facile pour l'enrôlement dans les groupes rebelles.
S'il n'y a pas de doute qu'« Il ne faut pas être un
expert en politique pour discerner que la cause première,
évidente, de la crise dramatique que traverse la RCA depuis deux ans,
n'est que le prolongement d'une crise permanente qui n'a fait que s'accentuer.
(Que) c'est la crise de la mal-gouvernance, à vrai dire de la
non-gouvernance 30», il est également à noter que
les influences de l'ancienne métropole qu'est la France et les pays
voisins constituent un encrage très significatif.
B. Causes externes de la crise Centrafricaine
L'Etat Centrafricain n'est pas le seul responsable de ses
diverses crises. Sans tourner autour du pot, la France est l'acteur
indéniable qui agit sans scrupule dans la vie de l'Etat Centrafricain.
En effet, en tant que ex-métropole, la France utilise la RCA comme une
zone stratégique dans sa prédation industrielle en Afrique.
D'ailleurs, la position géographique de la Centrafrique au centre du
continent Africain lui vaut d'être pour la France un lieu
stratégique révélant des objectifs traditionnels de la
politique Française en Afrique. Aux ingérences françaises,
s'ajoutent aussi les implications de certains pays voisins à l'instar du
Soudan, du Tchad, de la RDC et du Congo. Ces pays sont les principaux
pourvoyeurs de rebelles qui contribuent dans les champs d'opérations des
divers coups d'Etats qu'a traversé la Centrafrique jusqu'ici.
30 DE CLERMONT Jean-Arnold,
« Surmonter la crise en Centrafrique », Études, 2015/2
(février), p. 7-17. URL :
https://www.cairn.info/revue-etudes-2015-2-page-7.htm
En effet, pour comprendre les influences extérieures
des causes des différentes crises centrafricaines, il faut remonter dans
le temps et l'histoire de ce pays. C'est dans ce sens qu'on retient que la RCA
n'a toujours pas été un acquis facile pour la France mais, ses
multiples résistances face à la colonie n'ont presque jamais
été un succès. Barthélémy Boganda, homme
d'église Centrafricaine est une figure phare du combat contre le colonat
français. Mais pour un bref temps car, le 29 mars 1959, il est
mystérieusement décédé suite à un accident
d'avion31. Depuis lors, la RCA n'a plus connu de dirigeants capables
de faire une opposition d'idées avec la France. Par la suite,
principalement lors de l'obtention de l'indépendance du pays, il est
succédé par David Dacko, son cousin. Le règne de Dacko ne
va pas faire long feu car, il est renversé par le « putsch de la
Saint-Sylvestre » au bénéfice d'un autre cousin
éloigné, le colonel Jean-Bedel Bokassa.
Toutefois, David Dacko va revenir au pouvoir en 1979
grâce à la volonté française. « David Dacko,
fortement marqué par une illégitimité permanente et
accusé d'usurpation par ses ennemies, a vraisemblablement
approuvé le « putsch par consentement mutuel » du 1er
septembre 1981 à travers lequel le général André
Kolinga prend les rênes du pouvoir 32».
Ces expériences de transitions politiques en RCA sont
en effet inscrites comme des normes dans la vie politique de ce pays. Et ce ne
sont pas les dirigeants Centrafricains à l'instar de Ange Félix
Patassé, François Bozizé, ex-chef d'état-major des
FACA, à la tête d'une coalition rebelle appelée « les
Libérateurs » ; ou encore Michel Am Nondroko Djotodja, chef de la
Séléka, curieuse rébellion qui font exception du «
drame humanitaire et humain dont la saignée semble apaisée avec
l'investiture de Faustin Archange Touadéra, intervenue le 30 mars 2016
33».
A ces implications françaises, s'étoffent les
implications de certains Etats voisins dans les causes et l'entretien des
crises Centrafricaines. Dans la liste desdits Etats, le Tchad y joue un
rôle moteur. En effet, la prise de pouvoir par François
Bozizé en 200334, l'a été grâce au
soutien de
31 Tamekamta A. Z., «
Centrafrique : pourquoi en est-on arrivé là et quelle paix
au-delà de Djotodjia et de la MISCA ? », Note d'Analyses
Politiques, n0 14, Thinking Africa (Abidjan), 23 janvier 2014, consultable sur
http://www.thinkingafrica.org/V2/wpcontent/uploads/2014/01/TANAP14-centrafrique.pdf
32 Idem.
33 TAMEKAMTA, Alphonse
Zozime, « Le Cameroun face aux réfugiés centrafricains:
Comprendre la crise migratoire et les résiliences subséquentes
», Note d'analyses Sociopolitiques, n°01, 01 avril 2018, CARPADD,
Montréal. URL :
https://www.carpadd.com/publications/note-danalyses-sociopo/
34 TAMEKAMTA Alphonse
Zozime, « Gouvernance, rebellions armées et déficit
sécuritaire en RCA: Comprendre les crises centrafricaines (2003-2013)
», Notes d'analyses du GRIP (Bruxelles), 22 février 2013,
consultable sur http/
www.grip.org/fr/node/821.
31
32
N'Djamena. Dans le même sillage, la Séléka
a bénéficié du soutien militaire du Tchad en mars 2013. Le
second rôle est joué par des groupes rebelles pluriels qui
écument les périphéries territoriales du Soudan et de la
RDC35. Massivement recrutés depuis une décennie,
ceux-ci, plus aguerris, composent les principales fractions combattantes et
tirent le meilleur profit de l'exploitation illicite des richesses du
pays36 (diamants, or, bois, espèces animales
protégées etc.). Les soupçons de présence des
gisements de pétrole à Gordil et Boromata, localités
frontalières du Tchad et du Soudan, berceau de la rébellion
Séléka, dont la prospection est assurée par la China
National Petroleum Corporation (CNPC), constitue un indicateur non
négligeable des alliances officieuses qui se nouent en
RCA37.
De ce qui précède, il se dégage un
mal-être au sein des populations civiles. Principales victimes des
intérêts étrangers et de certains acteurs politiques
locaux. Face à cela, le recours aux déplacements forcés
reste une option très sollicitée du fait qu'elle est susceptible
de mieux garantir la vie. Et une des diverses destinations approuvées
par les populations civiles Centrafricaines est le Cameroun. Pays dont ils
s'emploient à rejoindre par l'emprunt de nombreuses trajectoires afin de
bénéficier d'un statut de réfugiés.
35 TAMEKAMTA Alphonse
Zozime., « Centrafrique: pourquoi en est-on arrivé là et
quelle paix au-delà de Djotodjia et de la MISCA ? », Note
d'Analyses Politiques, n0 14, Thinking Africa (Abidjan), 23 janvier 2014,
consultable sur
http://www.thinkingafrica.org/V2/wpcontent/uploads/2014/01/TANAP14-centrafrique.pdf
36 Selon
http://terangaweb.
com/la-centrafrique-face-a-la-malediction-du-diamant
311 784 carats exportés en 2009
37
http://www.humanite.fr/monde/republique-centrafricaine-les-enjeux-petroliers-d-555172.
Consulté le 06/11/2019 à 17h07.
33
V. CHAPITRE II : ÉTAT DES LIEUX SUR LES
TRAJECTOIRES EMPRUNTÉES DES CENTRAFRICAINS VERS LE CAMEROUN ET
DÉTERMINATION DU STATUT DE REFUGIÉS
34
Comme précédemment évoquées, les
crises centrafricaines ont entrainé le non-respect des droits de l'homme
et sont une des principales raisons ayant poussé les populations
centrafricaines à quitter le pays pour se réfugier au Cameroun.
C'est dire que la raison fondamentale de leur déplacement est la
quête de paix et de sécurité. C'est une catégorie de
personnes qui incarnent une vulnérabilité sociale. Leurs enjeux
premiers sont portés vers une quête de mieux être. Ce sont
des familles en déplacement pour une espérance.
Dans ces dynamiques Centrafricaines pour le Cameroun, beaucoup
d'enfants y sont et font face aux trajectoires de déplacement
empruntés (I). D'aucuns avec leurs parents et d'autres pas. Lorsque les
réfugiés centrafricains réussissent l'exploit de traverser
la porosité des frontières, il faut également qu'ils
puissent jouir de reconnaissance au Cameroun afin de bénéficier
du statut de réfugiés (II).
35
VI. LES TRAJECTOIRES EMPRUNTÉES PAR LES
REFUGIÉS CENTRAFRICAINS VERS LE CAMEROUN
Les populations Centrafricaines en générale et
particulièrement celles du Nord sont la principale cible d'exactions des
sudistes depuis l'indépendance du pays. Cet état de faits est
souvent soutenu par les différents leaders politiques s'étant
déjà succédés au pouvoir. Ainsi, en quête
d'un mieux-être, ces populations traversent la frontière
camerounaise pendant les conflits pour atteindre les régions de l'Est,
de l'Adamaoua et du Nord Cameroun.
Pour concrétiser leurs déplacements vers le
Cameroun, les réfugiés souvent en bloc de familles pour certains,
font recours à divers moyens de déplacements. Bien
évidemment, conformément aux capacités financières
et relationnelles de chacun. En plus des capacités financières,
la distance à parcourir pour atteindre le Cameroun est également
une raison importante.
C'est dans ce sillage que certains Centrafricains peuvent se
donner le prestige d'atteindre le Cameroun par avions. Mais cette
catégorie de réfugiés Centrafricains se déplacent
vers le Cameroun pour la protection de leurs avoirs. Et, souvent, choisit
où résider. La plupart d'entre-elle, vit dans les grandes
agglomérations. Leurs enfants, bien que réfugiés,
n'expérimentent pas les mêmes difficultés que d'autres. Du
coup, pour notre étude, cette catégorie de réfugiés
de nous n'intéressera pas. Surtout que dans une certaine classification,
on pourrait les assimiler à des « migrants forcés ». La
spécificité des « migrants forcés » est qu'ils
« fuient la violence menaçant leur sécurité ou bien
quittent un environnement dont les ressources ne sont plus suffisantes pour
assurer leur survie : leur mouvement est une migration dans le sens où
ils gardent une certaine capacité d'initiative aussi réduite
soit- elle 38».
D'autres Centrafricains par contre, et en majorité,
qu'on assimilerait à des « déplacés » migrent
vers le Cameroun en camions militaires, cars de transport et même souvent
à pieds. Ce périple très triste est largement contraire de
celui dédié aux « migrants forcés » dont la
mobilité forcée fait référence à un
mouvement dont ils ont « un choix aussi faible soit-il quant au temps du
départ, - même s'il y a nécessité quasi absolue de
partir - et à la destination, les déplacés
38 Véronique
Lassailly-Jacob, Migrants malgré eux, Une proposition de typologie,
in
https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers4/010017907.pdf
consulté le 28/12/2019 à 20h24.
36
subissent un déplacement sous la pression d'une
contrainte implacable sur laquelle ils n'ont aucune prise
39».
En réalité, les Centrafricains « pauvres
» fuyant les multiples conflits ayant considérablement
dégradé la situation sécuritaire du pays, n'ont souvent
pas assez de choix face au moyen de transport qui s'offrent à eux. C'est
ainsi que certains ayant dans leurs rangs femmes et enfants, parcourent
à pieds et de façon stratégique dans la nuit afin
d'éviter une quelconque rencontre avec leurs protagonistes40.
Lesdits protagonistes qui n'ont pour sacro principe le non-respect des droits
de l'Homme car, vecteurs de « violence physique (coups, tortures etc.),
violences et crimes sexuels, prélèvement illégal des
taxes, disparitions forcées, détentions arbitraires, confiscation
et pillage des biens privés, enrôlement des enfants par les
milices, etc41. »
L'objectif principal des victimes dans cette perspective est
de traverser la frontière, et se mettre à l'abris. Mais quoi
qu'il en soit,
« les trajectoires migratoires des Centrafricains
traduisent, dans une certaine mesure traduisent l'aisance matérielle de
certains acteurs individuels (dignitaires et autres affidés au
régime) à réagir promptement face au péril grave.
Mais aussi, la détermination et l'empressement collectif (pauvres et
riches) à trouver un abri par craintes avec raison d'être
persécutés 42».
L'abris dont il est question dans ce cas se trouve au
Cameroun. Pays situé dans une zone marquée le plus souvent par
des conflits (multiples conflits tchadiens, dictature en Guinée
39 Véronique Lassailly-Jacob,
Migrants malgré eux, Une proposition de typologie,
in
https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleinstextes/divers4/010017907.pdf
consulté le 28/12/2019 à 20h24.
40 Informations obtenues auprès d'un parent
réfugié Centrafricain lors des enquêtes.
41
https://www.carpadd.com/le-cameroun-face-aux-refugies-centrafricains-comprendre-la-crise-migratoire-et-les-resiliences-subsequentes/
Consulté le 28/11/2019 à 11h33.
42 Gabriel PELLO, Migration
transfrontalière et droits économiques et sociaux,
Une lecture des prémices d'un conflit entre migrants et
populations locales dans la ville de Bertoua, 2015,
http://www.irenees.net/bdffiche-analyse-1088fr.html
37
Équatoriale, guerre du Biafra au Nigeria, conflits
centrafricains), et qui traverse également certaines turbulences.
Malgré ces turbulences, les frontières camerounaises sont
toujours restées ouvertes aux différentes populations en
détresse, qu'il s'agisse de Nigérians,
Équato-guinéens, Tchadiens, Rwandais, Congolais, ou autres.
Ainsi, sa population réfugiée n'a cessé d'augmenter. Elle
est estimée en 2010 à environ 100 000 personnes, dont 14 000
réfugiés et demandeurs d'asile résidant dans des zones
urbaines, et 80 900 Centrafricains vivants dans les régions de
l'Adamaoua et de l'Est [UNHCR, 201143].
43 Cité par Pierre
Kamdem, « Scolarisation et vulnérabilité : les enfants
réfugiés centrafricains dans la région de l'Est-Cameroun
», Espace populations sociétés [En ligne], 2016/3 | 2017,
mis en ligne le 31 janvier 2017, consulté le 29 novembre 2019. URL :
http://journals.openedition.org/eps/7019
; DOI : 10.4000/eps.7019
38
Source : Pierre KAMDEM, Matthieu LEE, Université de
Poitiers, 2016.
39
Sur la carte ci-dessus, on observe clairement les flux des
réfugiés Centrafricains. Ceux-ci démontrent par leur
traversée facile de la frontière qu'en réalité,
celle-ci (frontière) n'a aucun effet. Plus encore, les choix des
réfugiés Centrafricains sur les destinations de la région
de l'Est et de l'Adamaoua, principalement Bertoua et Garoua-Boulai tiennent de
ce que dans ces parties du Cameroun, on trouve des groupes ethniques existant
à la fois aussi en RCA. Ainsi, bien que partant d'un pays
étranger, les Centrafricains se rendent vers où leurs us et
coutumes y sont majoritairement partagés. C'est également ce qui
justifie une présence accrue des réfugiés Centrafricains
vivant hors camps. Mais encore faudrait-il se conformer à la
réglementation car, l'octroi de cette qualité et de statut
répond à un certain nombre de lois et organes
habilités.
II. LE STATUT DES REFUGIÉS
Il est important de souligner d'entrée de jeu que le
présent travail n'a pas pour dimension épistémologique
première le droit. Cependant, certaines parties peuvent exiger la mise
en exergue de quelques tournures juridiques. Cela étant dit,
commençons par souligner que selon la Convention de Genève de
1951, principal outil de référence juridique de ce travail, un
réfugié est une personne qui craint avec raison d'être
persécutée pour une ou plusieurs des cinq raisons suivantes : la
religion, la race, la nationalité, l'appartenance à un certain
groupe social et les opinions politiques.
Mais avec le temps et à cause de nouvelles
réalités observées autour du droit à l'asile, et
certainement avec la vétusté de cette convention, il y a lieu de
constater que l'analyse de Barbara Grainger sur ladite convention,
publiée par ailleurs dans un dossier en 1985 par les
Nations-Unies44 et dont la toile de fond vise à prouver que
les principales caractéristiques de cette convention sont de plus en
plus dans l'incapacité de répondre aux exigences actuelles a
porté des fruits. Bien évidemment par des instruments juridiques
à caractère régional. C'est dans ce sillage
qu'émerge la Convention de l'OUA de 1969, applicable dans l'espace
Africain. Cette Convention de l'OUA apporte une précision nouvelle en
définissant le réfugié comme « toute personne
obligée de fuir son pays pour échapper à une situation
d'agression extérieure,
44 Nations-Unies et les
réfugiés (1945-1985), in Réfugiés, n°22,
octobre 1985, pp.19-32.
40
d'occupation, de domination étrangère ou
d'évènements perturbant gravement en partie ou entièrement
le pays 45».
Une fois cette double acception de la notion de
réfugié est rappelée, la question fondamentale qui se pose
dans le cadre de cette présente partie vise à savoir par quel
mécanisme l'Etat du Cameroun peut de façon objective
déterminer que les Centrafricains présents à l'Est du
Cameroun remplissent les critères voués au statut de
réfugiés ? Lequel statut conférant conformément
dans son contenu le droit aux enfants réfugiés de pouvoir obtenir
du Cameroun des actes de naissances. La réponse à cette question
implique que l'on analyse le cadre législatif (A) qui a permis la mise
sur pieds de diverses structures chargées de leur mise en oeuvre (B).
A. Le cadre législatif de la déclaration du
statut de réfugié au Cameroun (DSRC)
En sa qualité de pays ayant ratifié la
Convention de Genève de 1951 relative au statut de
réfugiés, le Cameroun avec sa relative stabilité dans une
zone de turbulence, a très tôt pris conscience de l'importance
à garder sur son territoire les personnes en quête de refuge.
C'est dans ce sillage qu'il s'est doté en plus des conventions
internationales, une pluralité de normes nationales.
- Loi n°2005-6 du 27 juillet portant statut des
réfugiés au Cameroun
Avant l'adoption de cette loi, le Cameroun a accueilli des
réfugiés sur son territoire. C'est dire en effet la lenteur qui
caractérise le processus judiciaire en matière de statut de
réfugié au Cameroun. Est-ce par méfiance des exigences en
termes d'obligations des pays d'accueils sur les réfugiés que
depuis tout ce temps le Cameroun n'avait vraiment pas une loi nationale portant
sur le statut de réfugié ? Nous ne saurons pour l'instant
répondre. Mais, la principale source de droit applicable en
matière de protection des réfugiés au plan national est
une loi adoptée en 2005.
A sa lecture sommaire, nous constatons que le Cameroun
s'inscrit dans la matière en affirmant son accord aux valeurs mises en
exergue par la Convention de Genève de 1951 et celle de l'OUA de 1969 en
matière de protection des réfugiés. En rattachant la
lecture à notre thématique de
45
https://www.unhcr.org/fr/excom/scip/4b30a585e/personnes-couvertes-convention-loua-regissant-aspects-propres-problemes.html
41
recherche, il est clairement dit dans cette loi et
précisément dans l'Article 13 : (1) Toute personne reconnue comme
réfugiée reçoit une carte de réfugié dont la
durée de validité et les modalités de renouvellement sont
fixées par décret. (2) Les réfugiés ont droit, en
outre, à l'établissement du titre de voyage prévu à
l'article 28 de la Convention de 1951 ainsi qu'à toute autre
pièce nécessaire soit à l'accomplissement de divers actes
de la vie civile, soit à l'application de la législation
».
De ce qui précède, le droit à des
documents constitue alors un principe fondamental. Le Cameroun n'en fait pas
exception et se l'impose comme loi dont l'objectif est de permettre aux
réfugiés de jouir des droits comme ceux liés à la
délivrance des autorisations de titres de séjours, les actes
d'état-cil et autres titres de voyages.
Cependant, certains doutes planent sur le caractère
plus centré de ladite lois et exigent un certain desserrement, notamment
de la Commission d'Eligibilité au Statut de Réfugié
(CESR). En effet selon la loi, « c'est l'organe qui est seul
compétent pour admettre une personne demandeur d'asile au statut de
réfugié. Mais il serait judicieux de créer au moins des
délégations régionales de la CESR, car les
autorités chargées d'entendre les réfugiés à
leur arrivée (étant des personnels de diverses administrations)
auront tendance à reléguer ces préoccupations au second
plan 46».
- Décret n°2011/389 du 28 novembre 2011
portant organisation et fonctionnement des organes de gestion du statut des
réfugiés au Cameroun
Il s'agit ici du texte qui permet l'application sur le terrain
de la loi de 2005 relative au statut de réfugié,
précédemment évoquée. Ce décret est «
le fruit d'un plaidoyer de longue haleine porté
46 BOUBAKARI OUMAROU, La
protection des réfugiés au Cameroun, Editions Connaissances
et Savoirs, 194 Avenue du Président Wilson-93260 Saint-Denis, 2018
https://books.google.be/books?id=r7xtDwAAQBAJ&pg=PA213&lpg=PA213&dq=-%09D%C3%A9cret+n%%B02011/389+du+28+novembre+2011+portant+organisation+et+fonctionnement+de
s+organes+de+gestion+du+statut+des+r%C3%A9fugi%C3%A9s+au+Cameroun&source=bl&ots=JXqHUYv715&si
g=ACfU3U0fiqH-xGHqkc9rWcl7LKwfeAaqg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjo25-y3MHmAhWbgVwKHbPnA8cQ6AEwA3oECAoQAQ#v=onepage&q=-%09D%C3%A9cret%20n%%B02011%2F389%20du%2028%20novembre%202011%20portant%20organisation
%20et%20fonctionnement%20des%20organes%20de%20gestion%20du%20statut%20des%20r%C3%A9fugi%C
3%A9s%20au%20Cameroun&f=false
42
par le HCR car, il est venu rendre applicable la loi
adoptée 6 ans plus tôt. C'est en effet à travers ce texte
qu'a véritablement été mis en place le système
national d'asile au Cameroun 47».
A la lecture du présent texte, on perçoit sans
véritablement être juriste qu'il parle de l'asile au Cameroun par
l'articulation de deux principaux organes dont il précise
préalablement l'organisation et le fonctionnement. Après,
s'attèle à fixer les procédures. Cependant si ce
décret met en exergue de façon théorique le point de
départ des activités des organes de gestion de l'asile au
Cameroun, il restait tout de même quelques manquements sur le plan
pratique. Parlant de ces manquements, il s'agit de « la nomination des
membres des 2 commissions ainsi que la structuration du secrétariat
technique. Une fois ces préalables mis en place, un autre blocage a
été relevé : la nécessité d'organiser
formellement le transfert des activités du HCR vers le nouveau
système national. Ce n'est qu'en 2016 que cette condition a
été remplie 48».
- Protocole de transfert des activités relatives
à la détermination du statut de réfugié
du
1er août 2016.
Il est important ici de relever qu'avant ce protocole, la
détermination du statut de réfugié était la seule
initiative du UNHCR. La signature du protocole de transfert des
activités ayant eu lieu le 1er août 2016 entre le
Cameroun, représenté par le Ministère des relations
extérieures et la Représentation du HCR au Cameroun a ainsi
permis de matérialiser des longs échanges entre les deux
entités.
47 Idem.
48 BOUBAKARI OUMAROU, La
protection des réfugiés au Cameroun, Editions Connaissances
et Savoirs, 194 Avenue du Président Wilson-93260 Saint-Denis, 2018
https://books.google.be/books?id=r7xtDwAAQBAJ&pg=PA213&lpg=PA213&dq=-%09D%C3%A9cret+n%%B02011/389+du+28+novembre+2011+portant+organisation+et+fonctionnement+de
s+organes+de+gestion+du+statut+des+r%C3%A9fugi%C3%A9s+au+Cameroun&source=bl&ots=JXqHUYv715&si
g=ACfU3U0fiqH-xGHqkc9rWcl7LKwfeAaqg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjo25-y3MHmAhWbgVwKHbPnA8cQ6AEwA3oECAoQAQ#v=onepage&q=-%09D%C3%A9cret%20n%%B02011%2F389%20du%2028%20novembre%202011%20portant%20organisation
%20et%20fonctionnement%20des%20organes%20de%20gestion%20du%20statut%20des%20r%C3%A9fugi%C
3%A9s%20au%20Cameroun&f=false
43
B. Les structures chargées de la mise en oeuvre de la
DSRC
Dans le cadre de la gestion des demandes d'asile au Cameroun,
la loi de 2005 précédemment évoquée met en
évidence deux principaux organes. Il s'agit clairement de la commission
d'éligibilité et la commission de recours.
Parlant de la commission d'éligibilité, il faut
noter qu'il s'agit en effet de l'organe habilité à gérer
les demandes d'asile en première instance. Comme dans la plupart des
structures publiques au Cameroun, la commission d'éligibilité est
composée de divers fonctionnaires relevant de plusieurs
départements ministériels. Leur mission étant
d'étudier les demandes d'asile afin d'apposer des décisions
conformément à la procédure. Sauf que sur le plan vraiment
opérationnel, beaucoup parmi ces fonctionnaires font montre de beaucoup
de lacunes et d'incompétences. C'est du moins ce que BOUBAKARI OUMAROU
relève et invite d'urgence à un renforcement des capacités
des acteurs49.
Quant à la commission de recours, il s'agit dans le cas
d'espèce de l'instance habilité à juger et à
analyser au niveau supérieur, les demandes d'asile au Cameroun. A
l'image de la commission d'éligibilité, elle est aussi
constituée des fonctionnaires relevant de divers ministères
Camerounais.
La particularité et/ ou la complexité de la
commission d'éligibilité et de la commission de recours se
structure au niveau de leur localisation. Comme nous l'avons relevé
précédemment, ces deux commissions sont nationales et donc non
représentatives de façon directe sur le terrain des
opérations. Pourtant, ce sont-elles qui confèrent le statut de
réfugiés. C'est lorsqu'on a ce statut que l'on
bénéficie de l'aide étatique. Mieux encore, dans le cadre
de notre recherche, c'est lorsque les commissions d'éligibilité
et de recours situées à Yaoundé, capitale des institutions
camerounaises accordent le statut de réfugiés aux Centrafricains
déplacés de leur pays pour la région de l'Est-Cameroun que
les enfants de ces derniers peuvent se faire établir des actes de
naissances. C'est le préalable à tout I
Sur un plan pratique, la loi de 2005 sur le statut de
réfugié a indiqué la présence d'un
secrétariat technique. Celui-ci est composé à son tour des
agents et fonctionnaires de différents ministères. Contrairement
aux commissions, le secrétariat technique est en contact direct avec
49 BOUBAKARI OUMAROU, Op
Cit.
44
les demandeurs d'asile. Leur mission sur le terrain des
opérations est structurée autour de la notification des
décisions rendues par les deux commissions nationales basées
à Yaoundé. Cela se matérialise bien évidemment
après qu'il (secrétariat technique) ait réceptionné
et enregistré les demandes d'asiles pour transmission aux deux
commissions.
A la suite de ces analyses ayant porté sur la
compréhension des emprunts de ralliement des populations
réfugiées Centrafricaines avec les terres Camerounaises afin
d'avoir une reconnaissance juridique et statutaire, notre travail se poursuit
dans le cadre d'un examen plus accentué de terrain. Avec pour
finalité de cerner ce qui est fait sur le terrain au profit des
populations réfugiées Centrafricaines en générale
mais de façon spécifiques sur les enfants dans le cadre de leur
permettre un accès des actes de naissances.
45
III. CHAPITREIII : LES INITIATIVES RETENUES ET
MISES EN OEUVRE PAR LE CAMEROUN ET L'UNHCR AFIN D'ASSURER
L'ÉTABLISSEMENT D'ACTES DE NAISSANCES AUX ENFANTS REFUGIÉS
CENTRAFRICAINS A MANDJOU
46
Après les deux premiers chapitres de ce travail de
recherche qui ont consisté à avoir une compréhension
globale des contextes à la fois historique, sociopolitique et même
juridique, le présent chapitre s'inscrit dans une logique davantage plus
spécifique à notre problématique de recherche. Il s'agit
donc d'une complémentarité de faits.
Cependant, il convient avant toute chose de situer la crise
Centrafricaine et les implications qui s'y trouvent dans le sillage d'une crise
particulière. Particulière dans la mesure où, elle fait
partie des crises humanitaires mondiales qui ont sombrées dans l'oubli.
A en croire Liz Kpam Ahua50, « ...les fonds étaient
redirigés vers d'autres crises d'envergure au sein de la région
au détriment des réfugiés et citoyens de la RCA, alors
accablés par une guerre civile pratiquement
ininterrompue51... ».
Malgré ce handicap financier, l'Etat du Cameroun et
l'UNCHR ont entrepris diverses initiatives afin d'apporter du réconfort
aux réfugiés centrafricains, présents dans plusieurs
régions du Cameroun. Bien évidemment, comme nous a laissé
entendre Madame la Coordonnatrice régionale, « les initiatives en
faveurs des réfugiés se sont inscrites dans une perspective
visant à hiérarchiser leurs besoins afin de maitriser leurs flots
constants ».
Conforme à notre problématique, nous allons dans
le cadre des besoins exprimés ou souhaités et importants pour les
réfugiés centrafricains, relever celles qui sont vouées
à assurer l'établissement des actes de naissances aux enfants
réfugiés centrafricains. Pour ce faire, nous allons structurer le
présent chapitre en deux principales parties.
La première va consister à mener une analyse sur
le cadre d'intervention de l'Etat du Cameroun et du UNHCR dans le processus
d'établissement des actes de naissances des enfants
réfugiés Centrafricains à Mandjou. Le contenu visant
à authentifier si dans les faits d'interventions humanitaires sur le
terrain, la composante liée à l'établissement des actes de
naissances des enfants réfugiés Centrafricains est
véritablement prise en compte.
La seconde partie quant à elle va être une
occasion d'établir d'abord des justificatifs de la pertinence des
objectifs visés par ces interventions humanitaires dans la ville de
Mandjou, tant sur le plan national qu'international. Ensuite, présenter
de façon analytique les outils et
50 Coordinatrice
régionale pour la situation des réfugiés centrafricains et
Représentante régionale du Haut-Commissariat des Nations Unies
pour les réfugiés en Afrique de l'Ouest.
51 Information obtenue lors
de l'enquête.
47
stratégies déployés par les pouvoirs
publics et le UNHCR en faveur de l'établissement des actes de naissances
des enfants réfugiés Centrafricains dans la ville de Mandjou.
IV. LE CADRE D'INTERVENTION DE L'ETAT DU CAMEROUN ET
DU UNHCR DANS LE PROCESSUS D'ÉTABLISSEMENT DES ACTES DE
NAISSANCES AUX ENFANTS RÉFUGIÉS
CENTRAFRICAINS À MANDJOU.
Avant de poursuivre l'analyse et la mise en exergue du cadre
d'intervention de l'Etat du Cameroun et ses partenaires humanitaires dans le
processus d'établissement des actes de naissances des enfants
réfugiés, il nous est important de relever d'abord un doute. Le
doute en effet consiste sur base des informations recueillis si
réellement parmi les interventions privilégiées dans le
dispositif humanitaire, il y'a un point mis sur les actes de naissances (A).
C'est à la suite de cette levée de doute que nous allons analyser
la pertinence et l'efficacité des actions déployées de
façon concrète (B).
A. L'établissement des actes des naissances
pour les enfants réfugiés : un dispositif humanitaire
privilégié par l'Etat du Cameroun et le UNHCR dans la ville de
Mandjou ?
Avant d'apporter une réponse à ce
questionnement, il est important de justifier sa pertinence. C'est dans cette
mouvance que conformément au protocole de 1967, nous avons
précédemment défini le réfugié comme une
personne « craignant avec raison d'être persécutée du
fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance
à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors
du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette
crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si
elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle
avait sa résidence habituelle à la suite de tels
événements. » En clair, il s'agit d'une personne
vulnérable dont le sort dépend désormais de l'assistance
que va lui apporter son pays d'accueil.
Cependant dans un pays comme le Cameroun et
précisément dans une région comme celle de l'Est, il y'a
lieu tout au moins, de s'interroger sur les priorités et les
capacités du système de prise en charge. D'autant plus que cette
partie du pays elle-même n'est pas à l'abris de la
vulnérabilité. Car, confrontée par « ...le
sous-peuplement : (...) l'Est reste la région ayant la plus faible
densité malgré l'apport des immigrants (...). Ensuite la
marginalité de la région en équipement modernes, ce qui a
pour conséquence une difficile intégration des villages dans
la
48
vie moderne. Enfin la région est enclavée
52(...) ». Cet enclavement de la région a des
répercussions sérieuses dans plusieurs aspects notamment
l'enregistrement continu et permanent des caractéristiques de naissance
au registre national de l'état civil.
Bien plus, selon l'enquête par grappe à
indicateurs multiples (MICS) qu'avait réalisé l'Institut National
de la Statistique (INS) en 2014 au Cameroun, la région de l'Est-Cameroun
s'illustre avec un taux de 58% d'enfants de 0 à 5 ans non
déclarés à l'état civil53.
Voulant comprendre un peu plus ce fléau, nous avons
contacté par téléphone un agent en service au Bureau
National de l'Etat Civil (BUNEC) au Cameroun, afin qu'il nous informe des
raisons structurelles qui pourraient de façon susceptible causer cette
impasse. Sans vouloir que nous déclinions son identité, il a
catégoriquement dit que « parmi les principales barrières
qui se dressent sur le cheminent de l'état civil au Cameroun, il y'a la
non implication de l'Etat, pour faire de l'enregistrement des naissances un
droit fondamental humain pour toutes les couches sociales 54».
De prime à bord, cette réponse nous a rendu assez perplexe et
bien évidemment, nous l'avons demandé de développer
davantage. C'est dans ce sillage que poursuivant son raisonnement, il dit :
« prenons une zone comme l'Est et particulièrement Mandjou
où vous menez vos recherches. Ce sont des zones rurales. Savez-vous que
la loi fait des officiers et secrétaires des centres d'état civil
des mendiants ? (Il poursuit :) Conformément à l'ordonnance
n°81-02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil et
complétée par la loi n°2011/011 du 06 mai 2011, dans son
article 11, alinéa 4, les fonctions d'officiers et de secrétaires
d'état civil sont gratuites. Dans ce genre de contexte, qui aura du
temps à perdre 55? »
C'est fort de ces observations alarmantes que nous avons
trouvé bon avant de poursuivre cette recherche d'aller à la
source des acteurs sur le terrain afin de s'acquérir de la prise en
compte ou pas d'une intervention de l'Etat du Cameroun et le UNHCR en faveur de
l'accès des actes de naissances aux enfants réfugiés
centrafricains présents dans la ville de Mandjou dans la région
de l'Est-Cameroun.
52 ANGO MENGUE Samson, La
province de l'Est du Cameroun : étude de géographie humaine /
Samson Ango Mengue ; Mémoire ou thèse (version d'origine) sous la
dir. de François Bart Directeur de thèse, Université
Bordeaux Montaigne. Organisme de soutenance Date(s) : 2004,
http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1//SRCH?IKT=12&TRM=079021913&COOKIE=U10178,Klecteurweb,I250,B341
720009-i-,SY,NLECTEUR-i-WEBOPC,D consulté le 21 octobre 2019
à 17h38.
53
https://www.afrique-54.com/2019/12/27/exclusif-interview-dabdoulaye-adjiali-boukar-sur-letat-civil-au-cameroun/
54 Entretiens
réalisés par téléphone avec un agent du BUNEC du
Cameroun.
55 Entretien
réalisé par téléphone avec un agent du BUNEC du
Cameroun.
49
Ainsi, n'ayant pas eu la possibilité de s'y rendre
physiquement sur le site comme souhaité à cause de la
pandémie du COVID-19, notre curiosité nous a emmené
à rechercher dans le site du UNHCR-Cameroun, les contacts des personnes
à même de nous fournir plus d'explications à nos doutes.
Après quelques échanges de mails, nous avons finalement eu la
chance d'avoir les quelques explications sollicitées auprès de
Melvis Kimbi Lu, en service au UNHCR-Cameroun. C'est dans ce sens que de la
préoccupation qui précède, nous a clairement parvenu de
façon plutôt rassurante car, « en réalité
malgré un certain abandon du principe de solidarité
internationale qui préconise plutôt l'assistance aux pays en
développement qui accueillent un grand nombre de réfugiés,
il serait malhonnête de négliger les efforts du Cameroun au profit
des réfugiés centrafricains ». C'est ce que nous a
laissé entendre Madame Melvis Kimbi Lu, elle a poursuivi en disant avoir
été positivement surprise par ce qui se passe sur terrain. En
effet, « depuis l'arrivée des premiers réfugiés, les
pouvoirs publics camerounais et ses partenaires que nous sommes, octroyons une
assistance humanitaire qui intègre à la fois les besoins
alimentaires, nutritionnelle et sanitaire. Mais aussi, et surtout nous-nous
efforçons à garantir un avenir aux enfants réfugiés
centrafricains, en établissant les actes de naissance ». A la
question de savoir en quoi est-ce que le cas du Cameroun vaut une surprise
positive, elle a rétorqué en évoquant « la
solidarité des populations hôtes qui ne ménage aucun effort
à accueillir même dans leurs domiciles les réfugiés
». D'autant plus que beaucoup y retrouvent des frères dont la
cartographie coloniale a séparé par des frontières
détachées de beaucoup de liens.
Mais ne voulant pas nous contenter des seules informations des
officiels, nous avons essayé de contacter des amis résidants et
travaillant dans cette région du Cameroun avec des questionnaires
précis à destination des parents réfugiés. Ceci dit
c'est par personnes interposées que nous avons appris que les parents
ont confirmé des initiatives d'octroie des actes de naissances à
leurs enfants. Nul doute alors, l'octroi des actes de naissances aux enfants
réfugiés centrafricains est effectif dans la ville de Mandjou.
Pour illustrer cela, nous sommes allés par pure curiosité dans la
page officielle Facebook de l'UNHCR-Cameroun. Là-bas, fort heureusement
dans une publication qui date du 12 mars 2020, nous avons lu avec images
à l'appui, que « l'apatridie est un phénomène
dramatique, qui touche au moins dix millions de personnes dans le monde, dont
un tiers d'enfants qui, faute d'acte de naissance ou de papiers sont souvent
privés de tout : accès à l'éducation, aux soins,
à la santé, à la propriété ou encore au
mariage. Pour lutter contre ce risque, le HCR apporte son soutien aux
autorités
50
Camerounaises afin de faciliter l'établissement des
actes d'état civil aux réfugiés, en mettant notamment
à la disposition de l'administration des registres d'actes de naissance
: un travail couteux et de longue haleine rendu possible grâce à
nos bailleurs de fonds. Ainsi après le site de Timangolo, 429 enfants
réfugiés nés au Cameroun dans les sites de Mandjou et
Mbilé ont reçu leurs actes de naissance. L'occasion de remercier
à nouveaux nos bailleurs et précieux partenaires tels que
International Medical Corps (IMC) pour leur appui sur le terrain 56»
Photo prise dans le compte Facebook de UNHCR
Cameroun.
56
https://www.facebook.com/RefugeesCmr/photos/pcb.2353947334650500/2353938664651367/?type=3&th
eater
51
Après cette levée d'incertitudes, notre prochain
axe vise à mettre en perspective une analyse fondée sur la
pertinence des objectifs et outils mis en oeuvre par l'Etat du Cameroun et le
UNHCR.
B. La pertinence des objectifs et les outils mis en oeuvre par
l'Etat du Cameroun et le UNHCR
Désormais convaincu de ce que l'octroi par l'Etat du
Cameroun et son partenaire central qu'est le UNHCR des actes de naissances aux
enfants réfugiés Centrafricains constitue une intervention
privilégiée, il serait important de faire une analyse sur la
portée de ces initiatives conformément au respect de la
règlementation internationale et nationale sur le statut des
réfugiés (1) ; mais également faire une
présentation des outils qui matérialisent lesdites initiatives
sur le terrain (2).
1. La pertinence des objectifs visés par l'Etat
et le UNHCR dans l'enregistrement des naissances des enfants
réfugiés Centrafricains.
Sur le plan international, la problématique sur les
réfugiés est tellement ancienne. Avec le temps, on a
essayé bien que mal à l'adapter à des conformités
de plus en plus nouvelles. Par ailleurs, bien que sur le terrain on peut encore
observer une certaine inadéquation de la convention des Nations-Unies
aux besoins réels du fait d'un espace humanitaire que François
Audet57qualifie d'être de plus en plus politisé, il
faut ne pas perdre de vue que des améliorations structurelles sont
visibles. Entre-autres de ces améliorations, se hisse fortement la
récente mise sur pied des objectifs stratégiques globaux (OSH) du
HCR58.
Il s'agit de manière générale d'un
partenariat entre les Etats hôtes et le UNHCR qui vise à
promouvoir et à accélérer le déploiement sur le
terrain humanitaire, par la garantie de façon globale des normes
internationales et en veillant à ce que la protection des
réfugiés soit respectée. C'est à ce titre que nous
a clairement laissé entendre Madame Melvis Kimbi Lu
lorsqu'interrogée sur l'objectif visé par le HCR dans le
processus d'accès des actes de naissances aux enfants
réfugiés centrafricains : « notre objectif dans ce que nous
faisons ici sur le terrain s'inscrit en droite ligne avec les attentes
universelles du HCR. Ce n'est donc pas une exclusivité seulement
Centrafricaine au Cameroun. Il est question pour nous d'offrir une protection
mais
57 Audet, F. (2011). L
'acteur humanitaire en crise existentielle : les défis du nouvel espace
humanitaire. Etudes internationales, 42, (4), 447-472.
https://doi.org/10.7202/1007550ar
58
https://www.unhcr.org/fr/4ad2f5b1e.pdf
52
aussi contribuer au respect des droits civils des enfants en
facilitant leur obtention des actes de naissances avec l'appui du Cameroun
59».
Par ailleurs, un enquêté vraisemblablement un
représentant de l'administration publique camerounaise a répondu
à notre questionnaire via un contact au pays et
précisément sur le terrain de la recherche. Celui-ci a
informé que « le Cameroun a décidé de prendre
très au sérieux la question de l'état civil. Pour
éviter de violer une fois de plus les droits des enfants
réfugiés, nous voulons appliquer sur le terrain ce que nous avons
appris dans nos séminaires de formations ». A cette réponse
moins claire, il lui a été demandé d'en dire un peu plus
sur ce qu'il avait appris. C'est alors qu'il a poursuivi ses
déclarations en disant, « la convention dans son article 7
reconnaît que chaque enfant a le droit d'avoir un acte de naissance par
les autorités du pays où il est né. Cela veut dire que
notre présence dans ces lieux et en ces moments précis
témoigne du souci du Cameroun à ouvrir ses registres
d'état civil aux enfants en générale mais davantage aux
enfants réfugiés Centrafricains ».
De ce qui précède, il y ` a point de doutes que
le Cameroun et UNHCR sont en parfaites cohérence avec les objectifs
internationaux et nationaux se rattachant à l'accès des enfants
réfugiés Centrafricains des actes de naissances. D'où la
nécessité d'interroger les stratégies et les outils mis en
oeuvres pour la matérialité desdits objectifs sur le terrain
humanitaire et notamment dans la ville de Mandjou, située dans la
région de l'Est-Cameroun.
2. Les outils et stratégies mises en oeuvre par
l'Etat du Cameroun et le UNHCR
Les outils et stratégies mobilisés par les
pouvoirs publics Camerounais et UNHCR afin de venir à bout du
déficit d'enregistrement des naissances au sein des enfants
réfugiés Centrafricains dans la ville de Mandjou se sont
déclinés de façon normée autour de la
sensibilisation jusqu'à la distribution des actes de naissances.
Concrètement, il s'est agi entre autres de :
a. Sensibilisation des communautés et sites
regorgeant les réfugiés dans la ville de Mandjou sur
l'importance de l'établissement de l'acte de
naissance.
Selon le HCR au Cameroun, depuis janvier 2014, les sites
prévus pour accueillir les réfugiés Centrafricains dans la
région de l'Est-Cameroun ont été débordés de
monde. C'est ainsi que sur les sept (7) sites que compte la région, rien
que 42% de la population réfugiée a accès. Les
59 Entretien
réalisé par échange de mails
53
autres 58% vivent au sein des communautés et en dehors.
Et cette population qui vit en dehors des sites est constituée de 57%
d'enfants et 97% de musulmans Bororos.
Face à ce qui précède, l'Etat du Cameroun
et plus précisément le UNHCR ont misé sur une
sensibilisation efficace au sein desdites communautés. Comme nous
l'indique madame Liz Kpam Ahua, l'idée étant
« d'informer sur ce que nous faisons en termes d'enregistrement des
naissances des enfants mais aussi d'attirer l'attention des parents sur la
nécessité et l'importance des actes de naissances pour leurs
enfants. »
C'est dans cette mouvance que certains chiffres nous ont
été communiqué afin de justifier de façon
quantitative, le succès de cette opération : « Plus de 8 152
personnes ont été touchées, dont 3 052 femmes, 1 296
hommes et 3 804 enfants soit plus de 4 053 à Mandjou1 et 2 (environ 1503
femmes, 512 hommes et 2 038 enfants), 1 033 personnes à Ndong Mbome,
(507 femmes, 205 hommes et 321 enfants), plus de 1535 personnes à
Kandara (358 femmes, 116 hommes et 1 011 enfants) et plus de 1 531 personnes
à Toungou (environ 712 femmes, 412 hommes et 407 enfants). ». A la
question de savoir pourquoi est-ce que certains quartiers ou villages n'ont pas
été comptabilisés, il nous a été
répondu que « la sensibilisation visait les quartiers à
forte concentration des réfugiés centrafricains ».
b. Identification des écoles ayant effectivement
accueilli les élèves bénéficiaires
En réalité, la norme exige pour les enfants,
l'acquisition au préalable des actes de naissances dans le processus de
leur socialisation. Mais, le cas des enfants réfugiés
centrafricains est particulier. Bien que beaucoup d 'enfants au Cameroun et en
Afrique soient sans actes de naissances. On peut donc comprendre dans un
contexte comme celui des enfants réfugiés que l'enregistrement
des naissances soit une problématique de second plan pour l'Etat du
Cameroun et le UNHCR. En effet, les évaluations rapides faites sur le
terrain par le Gouvernement et les partenaires ont montré des besoins
urgents en termes de santé (vaccinations, appui psychosocial); de la
nutrition; de la sécurité alimentaire; de l'eau, de
l'hygiène et l'assainissement mais davantage de l'éducation car,
95% des enfants réfugiés n'ont pas été à
l'école.
Cette phase s'étant presqu'achevée, on
décida alors de faciliter l'accès des actes de naissances aux
enfants réfugiés en ciblant les écoles qui les accueillent
le plus.
Ainsi, dans le rapport d'activité mis en notre
disposition par des connaissances sur le terrain des opérations, il en
ressort les localités et les écoles suivantes :
54
- Localité de Mora : E.P. Amtchali, Sultanat 1 et 2, Mora
massif A et B, Groupe 2A et 2B,
Massaré total, Bourdala, Biwana A et B ;
- Localité de Mémé : E.P. Mémé
1A, 1B, 2A et 2B, Manawatchi A et B, Dargala. - Localité de Kourgui :
E.P. de Kourgui 1A, 1B, 2A, 2B
- Localité d'Igawa : E.P. Igawa.
Au total, 23 écoles ont effectivement accueilli les
élèves bénéficiaires du projet.
Ce procédé a l'avantage d'être plus
efficace et efficient car, comme nous l'explique un enquêté,
« beaucoup de parents trouvent d'abord inutiles toutes les actions qui
visent aux procédures administratives. N'ayant pas cette culture, c'est
un réel perd temps pour eux à consacrer du temps pour
l'établissement des actes de naissances de leurs enfants. Ils sont
plutôt motivés à amener avec eux leurs enfants dans les
savanes pour nourrir leur bétail. C'est pour cette raison que nous avons
jugée mieux de traiter directement avec les enfants dans les
écoles. Déjà que beaucoup de parents ne sont pas
localement stables. Ce sont des nomades ».
c. Appuis techniques et logistiques en faveur de
l'Etat dans le cadre de l'enregistrement des naissances des enfants
réfugiés
Dans le but de réaliser une délivrance des
documents d'identités mais également des actes d'états
civils qui constituent un besoin fondamental pour les populations
réfugiés Centrafricaines au Cameroun, y compris l'enregistrement
biométrique systématique de tous les réfugiés, le
UNHCR s'est vite rendu compte qu'il était impensable de faire face
à cela individuellement. D'autant plus que les chiffres sans cesse
croissants des réfugiés Centrafricains en terre Camerounaise en
générale, et spécifiquement dans la ville de Mandjou ont
contraint lesdites populations à trouver des logements hors des sites
prévus par le UNHCR. Or, il est très important pour le UNHCR et
même l'Etat du Cameroun d'avoir en possession une maitrise fiable des
données et informations nécessaires pour adapter de façon
efficace et efficiente, les stratégies d'établissements des actes
de naissances aux enfants réfugiés. C'est dans ce cadre que le
HCR a pensé qu'il était important dans le cadre du processus
d'élaboration des actes de naissances aux enfants réfugiés
Centrafricains, que les pouvoirs publics Camerounais, notamment les agents
détachés sur le terrain des opérations puissent avoir des
séminaires de renforcement des capacités. Cette démarche
s'est accrue par la fourniture de matériels afin qu'ils puissent
gérer eux-mêmes, à terme, la base de données des
réfugiés.
55
On dénombre alors, selon les informations en notre
possession, « une acquisition, remplissage et certification de 2000
attestations de non existence de souche d'acte de naissance ; une acquisition,
remplissage et certification de 2000 certificats médicaux d'âge
apparent et une acquisition et remplissage de 2000 jugements supplétifs
». Ces stratégies et outils mis en place ont
précédés à proprement parlé
l'établissement des actes de naissances. Mais rappelons-le,
l'établissement d'actes de naissance n'efface en rien la pertinence et
la nécessité au préalable de la mise en exergue de qui a
été fait plus haut car, comme l'explique Madame la
Coordonnatrice, « il était important pour nous d'agir sur terrain
conformément aux urgences visibles et réelles. N'allez pas parler
d'actes de naissances à une famille qui a faim ou qui voit ses enfants
surplace sans aller à l'école. Il faut adapter l'apport
humanitaire aux besoins conformes sur le terrain ». Point de vue que
Barbara Grainger soutenait déjà en faisant suite de son analyse
de fond sur la vétusté de la convention de Genève,
publiée par ailleurs dans un dossier en 1985 par les
Nations-Unies60, où, elle suggère clairement une
révision de celle-ci afin qu'elle puisse s'arrimer aux défis
actuels.
d. Etablissement des actes de naissance
Comme longuement exprimé plus haut dans ce travail, le
Cameroun et le UNHCR ont pris à bras le corps, la question
d'accès des actes de naissances aux enfants réfugiés
Centrafricains. Ceci, en parfaite conformité aux lois nationales et
internationales. C'est dans ce sillage qu'afin de donner une
matérialité des énoncés juridiques par les faits
palpables dans la ville de Mandjou, les autorités publiques et
humanitaires n'ont eu de cesse de travailler en synergie et de réaliser
des scores importants. On peut ainsi dénombrer un stock important de
jugements supplétifs. C'est-à-dire une forme d'autorisation sur
base juridique qui donne ainsi la possibilité aux agents publics
d'attribuer une date de naissance aux enfants. D'autant plus que même les
parents ne maitrisent plus avec certitude les vraies dates de naissance. S'il
faut encore le dire, les parents sont majoritairement des Peuls Bororos et
donc, ouvert culturellement à un fonctionnement social et culturel tout
autre que le planning familial et l'enregistrement administratif des
naissances. Ils n'ont donc pas pour la plupart un niveau scolaire poussé
et qui s'accentue par une scolarisation trop souvent manquée du fait des
instabilités politiques en RCA.
A ces jugements supplétifs obtenus facilement par les
agents publics et humanitaires auprès des tribunaux, s'ajoutent
très souvent, des dépôts de dossiers des actes de
naissances
60 Nations-Unies et les
réfugiés (1945-1985), in Réfugiés, n°22,
octobre 1985, pp.19-32.
56
conformément aux exigences administratives, contenant
entre autres des attestations de non existence de souches d'actes de
naissances, des certificats médicaux d'âges apparent et la liste
des enfants retenus, ajustés d'une requête collective. Selon notre
enquêté, le destinataire du dossier est le Président du
Tribunal de Premier Degré.
Mais dans un pays du « Mapartisme », pour reprendre
un concept développé par le philosophe Camerounais Hubert Mono
Ndzana, rien n'est acquis facilement. Il s'agit en effet selon le philosophe
d'une doctrine qui met en exergue la responsabilité des fonctionnaires
camerounais dans l'échec des multiples projets morts nés dans
l'administration publique. Mieux, malgré le montage bien ficelé
du projet, si le fonctionnaire n'y tire rien à terme personnel, il
préfère le laisser moisir dans ses tiroirs. Cette digression
permet de comprendre la non précision temporelle quant à la
gestion du dossier émis au Président de Premier Degré du
tribunal. En effet, notre enquêté nous a clairement dit, à
propos du temps de traitement du dossier que : « ça dépend I
»
Tout est-il que dans cette logique de « dépendance
» du traitement de dossiers, il faut par la suite une acquisition des
registres d'états civils. C'est alors que les agents publics et
humanitaires pourraient procéder aux remplissages et à la
distribution des actes de naissances.
e. Distribution de 2000 actes de naissances dans les
localités de Mandjou
Après les remplissages des formulaires des actes de
naissances comme précédemment évoqué, on
procède à la distribution des actes de naissances aux enfants
réfugiés Centrafricains. Cette étape est cruciale car,
étant la dernière, c'est elle qui permet de chiffrer les nombres
des récipiendaires sur le terrain et, entrevoir éventuellement le
degré des besoins restant. Et comme à l'entame de
présentation des outils et stratégies mises sur le terrain par
les pouvoirs publics et les HCR, notamment par le repérage des
écoles abritant en grand nombre les enfants réfugiés
centrafricains, la distribution se déploie elle aussi suivant cette
approche. C'est dans cette mouvance que les chiffres qui nous ont
été communiqué dans un rapport d'activité du HCR
font état de qui suit la ville de Mandjou :
- 1 053 actes de naissance distribués dans la
localité de Mandjou 1 et 2 ;
- 468 actes de naissance distribués dans la
localité de Kandara ;
- 373 actes de naissance distribués dans la
localité de Toungou ;
- 106 actes de naissance distribués dans la
localité de Ndembo.
57
Cette distribution d'actes de naissance ne s'est point
déployée sans difficultés car comme l'affirme un
enquêté, « on a malgré tout noté un faible
engagement de certains parents à encourager leurs enfants à aller
à l'école ».
Photos illustratives de la distribution des actes de
naissance
58
V. CHAPITRE IV : LES INSUIFFISANCES
SUSCEPTIBLES DE LIMITER L'EFFECTIVITE D'ÉTABLISSEMENT D'ACTES DE
NAISSANCES AUX ENFANTS REFUGIÉS CENTRAFRICAINS ET LES PALLIATIFS
POTENTIELS
59
Au vu des résultats enregistrés sur le terrain,
on ne saurait manquer de reconnaitre de la pertinence et de l'efficacité
dans les contenus des stratégies et outils employés par les
pouvoirs publics Camerounais et le UNHCR afin de garantir un accès
indéniable aux enfants réfugiés Centrafricains des actes
de naissances. Toutefois, au vu des dérapages observés et
enregistrés sur le terrain, il conviendrait dans le cadre de ce
chapitre, d'abord de les élucider et ensuite, de se pencher sur des
éventuelles propositions susceptibles de booster positivement l'objectif
global qui est celui de l'accès des actes de naissances aux enfants
réfugiés Centrafricains dans la ville de Mandjou, localité
située dans la région de l'Est-Cameroun.
VI. LES INSUFFISANCES SUSCEPTIBLES A L'EFFET DE
LIMITER LES INITIATIVES DU CAMEROUN ET DU UNHCR
1. Manque de données relatives à propos
des enfants réfugiés vivant hors sites.
Il a été donné de constater durant ce
travail que la surpopulation des réfugiés Centrafricains en
terres Camerounaises depuis janvier 2014, a largement été
au-delà des prévisions des sites d'accueils mis sur pied par le
UNHCR. Cependant si la résolution de ce déficit fut le laisser
plus de 58% de cette population réfugiée à trouver des
accueils au sein des domiciles communautaires, relevons que cela ne s'est point
fait sans conséquences sur les stratégies et les outils mises en
oeuvre par les pouvoirs publics et le UNHCR visant à établir les
actes de naissances aux enfants réfugiés.
Il se pose en effet sur le terrain un réel
problème lié aux données effectives des enfants
Centrafricains qui résident en dehors des sites octroyés par le
HCR. Et à y voir avec plus d'attentions, beaucoup de familles
Centrafricaines présentes à Mandjou s'y plaisent car, les
contraintes liées à la surveillance et au contrôle sont
moins exécutées au sein des communautés. D'abord, tout le
monde se préoccupe par sa survie. Ensuite, les réfugiés
étant majoritairement des nomades, et pour la plupart de très
grands éleveurs, c'est les lieux adéquats pour envahir les
savanes.
Stratégiquement, on est là confronté
à une construction sociale dans laquelle, malgré les efforts des
pouvoirs publics et les UNHCR visant à faire face à
l'accès des actes de naissances aux enfants, il demeure une contrainte
liée à la construction des voies de contournement des parents via
l'espace de liberté qui leur est offerte au sein des foyers
communautaires. Ceux-ci
60
en usent afin d'avoir des marges de manoeuvres importantes qui
leur restitue l'éveil culturel et socio-anthropologique malgré
leur positionnement géographique.
Cependant si ces déplacements incessants des
réfugiés centrafricains ont l'avantage d'être à leur
service, relevons tout au moins qu'ils mettent en mal le plein succès
des stratégies et outils mis en exergue par les pouvoirs publics et le
UNHCR afin de venir à bout du déficit d'enregistrement des
naissances pour les enfants réfugiés Centrafricains au Cameroun
et spécifiquement dans la localité de Mandjou.
2. Longue procédure d'établissement des
actes de naissance dans un contexte particulier
Il faut avant toute chose, reconnaitre qu'il y'a un
réel manque de volonté politique au Cameroun pour
l'administration des services d'état civil. Cela s'illustre très
bien par le très faible rang à lui accorder dans les dotations
financières nationales. Cela est d'autant plus regrettable, au vu d'une
législation vétuste qui continue à faire des officiers
d'états civils, de simple acteurs sociaux ayant ou pas des salaires
à juste titre.
Dans un contexte pareil, quelle prestation rapide et efficace
pouvons-nous attendre des officiers d'états civils placés au
niveau le plus bas de la chaine administrative locale ? Certainement rien !
Déjà que beaucoup de ces officiers n'ont pas conscience de
l'importance de leur tâche, et lorsque c'est le cas, il y'a un manque
sérieux de registres et formulaires standardisés. Ce qui justifie
de véritables barrières dans le cadre de la mise en oeuvre des
stratégies d'accès des actes de naissances aux enfants
réfugiés Centrafricains par les agents publics et humanitaires
dans la ville de Mandjou. Malgré la création d'un service central
de l'état civil notamment le BUNEC par le Président de la
République, celui-ci est dans l'incapacité technique et
financière à pouvoir superviser l'enregistrement des naissances.
Et comme l'a reconnu un agent public lors de la récolte des
données, « ...Nous manquons de tout ici pour faire convenablement
notre travail. Et nul n'aurait été l'appui du HCR, que ces
enfants seraient restés sans actes de naissances comme la
majorité de nos propres enfants du village ». C'est dire en effet
que le minimum d'intérêt réservé à
l'enregistrement des naissances dans une localité comme Mandjou est
parfaitement dépendant du soutien apporté aux officiers de
l'état civil.
Par ailleurs, l'enregistrement des naissances en plus
d'être un secteur presqu'à l'abandon du fait de la faible
rémunération et la sous-estimation réservées aux
personnels, accentue une démotivation de la prestation des services,
rendant les processus d'établissements des actes
61
de naissances plus long en termes de durée. Et
même, peut être un moteur de corruption. Ce qui justifie entre
autre l'attitude du Président de Tribunal du Premier Degré dans
le traitement des dossiers devant aboutir à l'élaboration des
actes des naissances des enfants réfugiés Centrafricains.
3. Indisponibilité des registres d'état
civil pendant une longue période
Comme précédemment évoqué, le
BUNEC qui se veut être l'instance centrale de coordination et de
supervision de l'administration dédiée à l'état
civil au Cameroun, tarde jusqu'ici à gagner du terrain. Cela constitue
un impact non productif dans la politique de l'état civil au Cameroun en
général et dans une localité comme Mandjou en particulier.
D'autant plus, que les services administratifs sont très
centralisés. Imposant ainsi le ravitaillement d'une localité
comme Mandjou en registre d'état civil seulement dans la ville de
Bertoua, chef-lieu de la région de l'Est-Cameroun. Ainsi, comme nous a
laissé entendre un enquêté sur le terrain, « l'un des
principaux problèmes que nous rencontrons pour mener à bien notre
projet d'établissement des actes de naissances aux enfants
réfugiés est la rareté des registres d'état civil.
En fait, on a l'impression que le Cameroun n'était pas prêt
à gérer une pareille crise. Tellement les registres se font rares
ici à Bertoua. Nous sommes même allés jusqu'à
Yaoundé question de passer des commandes. On a attendu au moins un mois
et demi. Tellement la demande est grande. N'oubliez pas qu'en plus des
réfugiés Centrafricains, il y ` a les Nigérians qui ont
abandonnés les villages, fuyant le terrorisme de Boko Haram et nos
propres enfants même du pays ».
Ces déclarations démontrent à souhait,
s'il faut encore le dire que l'absence des registres d'état civil dans
des périodes longues concoure franchement à freiner si ce n'est
de façon efficace, mais de façon efficiente le succès des
stratégies mises en oeuvres par les pouvoirs publics et le HCR pour
palier à la crise d'enregistrement des naissances des enfants
réfugiés Centrafricains dans la localité de Mandjou.
4. L'absence d'implication de la société
civile locale dans le processus
A proprement parler, la problématique liée
à l'accès des actes de naissances pour les enfants
réfugiés Centrafricains dans le cadre de sa conception et de sa
mise en oeuvre, déborde largement l'effet d'une politique publique
où, l'Etat du Cameroun tout seul serait doté d'un pouvoir
c'est-à-dire aurait la capacité et les atouts en sa possession et
d'une stratégie claire
pouvant lui permettre (Etat), d'orienter efficacement son
management afin de résoudre le problème. D'ailleurs, l'ouverture
d'espace managérial de l'Etat au UNHCR en dit mieux.
De ce qui précède, on est là en plaint
dans une action publique. Ayant en contenu la pluralité des acteurs, des
outils et des niveaux d'intervention, l'action publique s'éloigne
beaucoup plus d'une approche État-centré, décisionnelle et
linéaire des politiques publiques à une approche plus large des
processus de construction et de mise en oeuvre des affaires61. Et
dans cet ensemble d'acteurs, la société civile constitue un
élément fondamental. Dans le cadre d'une quête
d'efficacité et d'efficience pouvant concourir au succès des
stratégies et outils mis en oeuvre par les pouvoirs publics Camerounais
et le UNHCR, une place de choix se doit être réservée
à la société civile locale. Parce que souvent plus proche
des populations vulnérables, elle a le potentiel requis pour être
un véritable point vocal entre les populations vulnérables que
sont les réfugiés Centrafricains et les pouvoirs publics c'est
-à-dire l'Etat et le UNHCR potentiel bailleur de fonds. Cela est
d'autant rassurant dans la mesure où, les observations que l'on fait sur
le terrain font état d'une grande majorité de migrants d'origines
Peuls et Bororos donc d'obédience religieuse est musulmane. Ceux-ci la
plupart du temps accordent pour certains, une place capitale aux écoles
coraniques conformément à leurs us et coutumes, au
détriment de l'école occidentale qui exigerait au minimum la
détention d'un acte de naissance pour l'enfant. C'est dire combien cet
enjeu est négligeable dans leurs schèmes de pensées. Pour
relever le challenge d'une réussite parfaite de leurs stratégies
et outils, les pouvoirs publics et le UNHCR auraient dû associer dans
leurs démarches la société civile locale qui a le
mérite de mieux être en contact avec les
bénéficiaires et donc de maitriser le décryptage des codes
sociaux desdites populations. Malheureusement, les informations que nous avons
eues sur le terrain nous ont fait état d'une véritable absence
d'implication de la société civile locale dans les processus.
Pourtant elle est bien existante.
5. Non-prise en compte des réalités
culturelles et communautaires
Il est évident de constater que malgré
l'efficacité d'un système d'état civil,
étoffé dans sa quête de succès par une
législation bonne, celui-ci se doit d'être en parfaite synergie
avec la culture et les réalités sociales des communautés
locales. En réalité, les réfugiés Centrafricains
étant
61 Hassenteufel Patrick,
« Chapitre 5 - L'action publique comme construction collective d'acteurs
en interaction », dans : , Sociologie politique : l'action publique.
sous la direction de Hassenteufel Patrick. Paris, Armand Colin, « U
», 2011, p. 115-156. URL :
https://www.cairn.info/sociologie-politique-l-action-publique--9782200259990-page-115.htm
62
majoritairement Peuls et Bororos, il a été
donné de constater un manque plausible de liaisons entre les attentes
affichées des agents publics et humanitaires au sujet de
l'enregistrement des naissances des enfants réfugiés et les
parents. Lesdits parents pour la plupart manquent d'une conscience effective de
la valeur de l'enregistrement des naissances. Ce qui a fragilisé sur le
terrain des opérations, les stratégies mises sur pied par l'Etat
du Cameroun et le UNCHR dans le cadre de leur mission visant à faciliter
mieux, à octroyer les actes de naissances aux enfants
réfugiés centrafricains.
Tenez par exemple les aveux d'un parent qui s'exprimant en
langue locale, nous a clairement laissé entendre que « chez nous la
tradition est sacrée et pour cette tradition, le plus important c'est
l'attribution du nom à l'enfant. L'enregistrement à l'état
civil n'est vraiment pas jugé importante. Mais comme ici nous ne sommes
pas chez nous, on est obligé de faire ce qu'ils nous
demandent62. »
S'inscrivant dans le même sillage, un autre parent qui a
été rencontré en ville se ravitaillant pour retourner dans
une zone relativement plus enclavée que Mandjou d'où il
réside avec sa petite famille a clairement fait savoir qu'il a pris la
décision de se retirer parce que sa femme venait d'accoucher. Pour lui,
« un enfant nouveau-né mérite d'être introduit dans la
société progressivement. Et que pour l'instant, la
préoccupation majeure est de trouver un nom à cet enfant en
observant beaucoup de rites traditionnels ». Ce genre d'attitude peut se
déployer au-delà des délais légaux d'enregistrement
des naissances. A la question de savoir s'il pensait néanmoins faire
établir un acte de naissance à cet enfant, la réponse a
été qu'il n'était même pas au courant de
l'enregistrement des naissances. Mais, nous a-t-on dit, cette réponse a
été démenti car, les vivres en question que tenait ce
père de famille, étaient une retombée des distributions de
vivres hebdomadaires que s'attèle de faire le HCR au profit des familles
réfugiés Centrafricaines. C'est dire qu'il est parfaitement au
courant des activités entreprises mais a fait le choix de ne pas
céder à l'enregistrement de la naissance de son
nouveau-né.
6. Les influences négatives de divers conflits
naissants dans la gestion des réfugiés à
Mandjou
Manager les personnes vulnérables à l'instar des
réfugiés peut être une tâche exaltante mais davantage
complexe et difficile. Une des raisons se justifie par l'exigence
d'énormes ressources humaines et financières. Pour en faire un
petit point, notons par exemple qu'en 2013, il y ` a eu
62 Propos recueillis et traduit par une
connaissance que nous avons chargé de mener l'enquête sur le
terrain.
63
64
la mobilisation d'un fonds à hauteur de 551 millions de
dollars US pour la mise sur pied un Plan d'Investigation Stratégiques
(PIS) dans le but de répondre efficacement aux défis humanitaires
en faveurs des réfugiés Centrafricains. Deux ans après, en
2015, grâce à l'appui de divers donateurs, il y ` a eu une
mobilisation financière de 331 193 888 dollars US dans le but
d'établir un Plan d'Intervention Régional en faveur des
Réfugiés (RRRP, de l'anglais Regional Refugee Response Plan).
De ce qui précède, on est dans une arène
où à coup sûr, les réfugiés sont des gages de
financements. Mieux, on parlerait d'un fonds de commerce. Et l'arène
étant favorable au « Mapartisme », plusieurs acteurs
impliqués dans la prise en charge se font d'énormes richesses. Et
« l'argent étant le nerf de la guerre » comme il est
couramment dit, l'obtention de ces énormes richesses ne se fait point
sans dégénérer des conflits entre acteurs au sein de la
prise en compte des réfugiés.
C'est dans ce sillage que l'on a pu nous informer de certains
conflits de leadership. Une illustration pouvant s'observer sur un
désaccord entre l'autorité municipale de Mandjou et le Gouverneur
de la région de l'Est-Cameroun, au sujet de la localisation et de la
mise en disposition des terrains au profit du UNHCR pour la construction des
sites devant abriter les réfugiés. Il s'est passé que
« le Gouverneur de région voulait délocaliser le site de
Mandjou pour Gado Badjeré dans la commune de Garoua Boulai. Ceci
malgré l'opposition de l'autorité municipale de Mandjou qui avait
pour argument le fait que sa ville abritait déjà les populations
réfugiées Centrafricaines ».
D'autre part, il existe un conflit qui oppose le Maire de
ladite commune et le Sous-préfet de l'arrondissement de Mandjou au sujet
de la gestion des biens fournis par les acteurs humanitaires dans le cadre des
soutiens apportés aux réfugiés. De fait, le
sous-préfet estime être investi des pleins pouvoirs
exécutifs et donc, l'habileté légal à gérer
lesdits biens. Point de vue que récuse le Maire. Dans ces bagarres
d'acteurs institutionnels et administratifs, le seul regret est l'exclusion des
pauvres réfugiés des bénéfices directs que
génèrent les intérêts des uns et des autres. Et
pendant ce temps, les réfugiés ne font qu'envahir l'espace et les
besoins en termes d'actes de naissances sont sans cesses croissants.
Il a également été donné de
constater que la politique n'est pas en reste dans cet éventail de
conflits entre acteurs étatiques qui accompagnent le UNCHR dans la
gestion des besoins des réfugiés Centrafricains. En effet, comme
largement mentionné tout au long de ce travail, les
réfugiés Centrafricains sont majoritairement des Peuls et
Bororos. C'est alors qu'à leur arrivée,
65
ce sont souvent les musulmans vivant dans la ville de Mandjou
qui sont les premiers à les accueillir car, culturellement et
spirituellement plus proches. Mais cette générosité n'est
pas vaine car, l'élite musulmane qui est majoritairement militante de
l'Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) s'y met
davantage pour en faire un « bétail électoral ». A
contrario, l'élite politique du Rassemblement Démocratique du
Peuple Camerounais (RDPC), parti politique au pouvoir, et dont les rangs sont
plus constitués de chrétiens dans la ville de Mandjou, n'y voient
pas d'un bon oeil la venue et l'octroi de statut de réfugiés aux
populations déplacées centrafricaines. C'est alors qu'il se
déploie en fonction des marges de manoeuvres, un ensemble de
contournement de stratégies visant à affaiblir l'UNDP lors des
échéances électorales dans la localité de Mandjou.
De ces stratégies de contournement, naissent entre autres,
l'arrêts de productions des documents administratifs au rang desquels,
les pièces d'identités et les actes de naissances des enfants
réfugiés Centrafricains.
II. LES PALLIATIFS POTENTIELS
Il serait vain de croire dans la globalité que les
outils et stratégies déployés par les pouvoirs publics et
le UNHCR dans le cadre de la facilitation d'accès des actes de
naissances aux enfants réfugiés Centrafricains, sont
dépourvus de pertinence. Voulant renforcer cette pertinence, la
présente sous-partie de ce chapitre vise à apporter, des
éventuelles propositions susceptibles. D'autant plus que lesdites
propositions sont le fruit d'un ensemble de dérapages ayant
été observés sur le terrain. Ainsi, il s'agit alors entre
autre de :
1. Renforcer la sensibilisation des parents
réfugiées Centrafricains sur leurs devoirs au sein des
communautés hôtes
Le statut de réfugiés confère une
protection au sein du pays d'accueil. L'accent est mis sur les droits de
ceux-ci, mais en dehors des discours politiques, il faut des actions
concrètes sur le terrain pour aborder la question des devoirs des
réfugiés dans les pays d'accueils. La
problématique abordée dans le cadre de cette
étude nous donne de remarquer que derrière la
vulnérabilité des réfugiés, se cache un sentiment
de mauvaise foi. Ces derniers pour des logiques de survies, font montre de
beaucoup d'opportunisme car, comment comprendre que d'aucuns choisissent de
façon délibérée de bénéficier de
certaines activités à l'instar de la
66
nutrition et de la santé mais pas de l'enregistrement
des naissances de leurs enfants ? Certainement parce qu'ils sont mentalement
alimentés par l'idée que leur statut de réfugié
leur confère des droits. Mais, les droits en société ne
devraient pas être opérationnels sans une soumission à des
devoirs et obligations. D'autant plus que dans le cas d'espèce, les
parents ont l'obligation de garantir un avenir radieux à leur
progéniture. Et, le point de départ, c'est l'établissement
des actes de naissances aux enfants.
2. Promouvoir une implication plus forte de la
société civile camerounaise dans cette crise
humanitaire
Les organisations de développement et d'assistance
camerounaises sont très peu actives dans le déploiement sur le
terrain en faveur des réfugiés ou des populations hôtes. Si
l'éloignement et l'enclavement de ces zones peuvent justifier cette
absence, il faut reconnaître qu'il y a un problème de perception
de la réalité humanitaire, celle-ci étant malheureusement
considérée par la majorité des acteurs locaux comme «
l'affaire des organisations internationales ». Les quelques structures
locales actives sur le terrain sont limitées par la question des moyens
financiers et il serait stratégiquement opportun de la part des pouvoirs
publics ou des autres bailleurs de fonds de faciliter l'implication des
organisations locales pour renforcer l'effort humanitaire des partenaires
internationaux.
Pour le HCR et ses partenaires, il est souhaitable que de
nouveaux acteurs s'investissent sur la question du renforcement de la
coexistence pacifique entre les communautés autochtones et
réfugiées.
3. L'intégration de l'enregistrement des
naissances avec d'autres services
Intégrer l'enregistrement des naissances dans d'autres
services de base déjà opérationnels, comme la vaccination
ou les soins de santé primaires, peut être un moyen rentable de
fournir un service au niveau de base sans devoir créer un système
de prestations à part. Les initiatives en faveur de l'enregistrement des
naissances seront probablement plus viables si elles sont
intégrées dans des structures légales ou administratives
déjà en place, ou à des programmes réguliers, afin
d'en diminuer les risques d'échecs liés à l'octroi des
actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains. C'est
cette stratégie aurait été adopté dans le cadre des
initiatives mises sur pied par les pouvoirs publics et le HCR en actionnant de
façon étroite l'enregistrement des naissances avec l'accouchement
sous surveillance médicale. Cela aurait
67
une double portée à savoir,
l'élargissement de l'enregistrement des naissances et même des
couvertures de vaccination.
La mise sur pied de ce procédé nous a
été inspiré du Qatar. Là-bas, par exemple, les
systèmes d'enregistrement sanitaire et d'état civil sont
étroitement liés. Les enfants sont enregistrés à
l'hôpital, et les données transmises « en ligne » au
Département de la santé préventive, qui à son tour
en envoie une copie au centre de santé le plus proche du domicile de la
mère, et une autre au Bureau central de Statistiques. Le centre de
santé prend directement contact avec la mère pour la vaccination
et les soins postnatals.
Conscient des difficultés sur le terrain, notamment la
qualité défectueuse et même inexistante du réseau
internet, on pourrait simplement mettre en collaboration les officiers
d'états civils avec les points de santé de façon à
ce que chaque fois que naît un enfant, les données de ces derniers
puissent être enregistrées sur des bulletins qui conditionneraient
l'accès de ces derniers aux vaccinations et soins postnatals. Au moins
on aurait des informations précises et justes. Ce qui aurait l'avantage
d'accélérer les procédures d'établissement des
actes de naissances des enfants réfugiés sans plus perdre de
temps dans des procédures qui très souvent nécessitent des
frais supplémentaires à l'instar du jugement supplétif
auprès des tribunaux.
On peut par ailleurs, également intégrer au sein
des composantes dédiées à la santé, vu l'urgence et
le caractère conjoncturel du problème, la possibilité
d'enregistrer des naissances. D'autant plus que les informations recueillies
sur le terrain nous ont fait état de ce qu'il y a plus de mobilisation
financière pour la santé que la prise en charge de l'état
civil. C'est dire leur forte potentialité à atteindre les zones
reculées.
4. L'urgence d'une instauration de la culture de bonne
gouvernance
Sans vouloir rentrer dans une querelle doctrinale du concept
de bonne gouvernance, notons néanmoins que ce concept est un outil
important dans la rationalisation managériale. Pour ce fait, et de
façon opératoire dans le cadre des actions
déployées par les pouvoirs publics camerounais et le UNHCR dans
le but de résoudre les déficits d'enregistrement des naissances
d'enfants réfugiés Centrafricains, le recours à
l'instauration permanente de la bonne gouvernance constitue à
coup-sûr, un schéma référentiel.
Parce que la bonne gouvernance exige les vertus de
transparence, de rentabilité de compte, d'efficience et
d'efficacité, elle peut mieux contrer la corruption et les divers
conflits qui ont
68
pût naitre entre les autorités administratives et
politiques dans le cadre des interventions humanitaires en faveur des enfants
réfugiés.
Par ailleurs, les stratégies et outils
implémentés par les pouvoirs publics et le UNHCR
s'exécutant dans un contexte où les crises économiques et
financières successives de la fin et des débuts des années
1990 ont fatalement réduis les salaires des agents publics, il a
été illusoire d'espérer de ces derniers une production
efficace et surtout efficiente des prestations. D'autant plus que les projets
et programmes de par leur fort taux de financement, sont l'ultime occasion
d'enrichissement pour ces agents publics. Ainsi, plus ils durent, plus
l'enrichissement des agents est continu. Dans cette logique, les instances
d'audition et de contrôles mises par le UNHCR, principal bailleurs de
fonds sont limités pour cerner de telle toile de fond. Il y a donc
urgence de développer des outils et des indicateurs pratiques de
performances pouvant produire de bons rendements sous le couvert plutôt
de l'évaluation de la gouvernance.
69
III. CONCLUSION GENERALE
Depuis 2013, il s'est accrue à l'encontre de la
population en RCA, la violence et les violations
généralisées des droits de l'homme, s'associant à
des actes de maltraitances, des violences sexuelles, des exécutions
extrajudiciaires et une grande proportion de disparitions forcées. Cet
état des faits très alarmant a pour effet direct, les
déplacements incessants des populations Centrafricaines vers le Cameroun
et dans d'autres pays limitrophes à la RCA. Le Cameroun du fait de sa
relative stabilité dans une sous-région très agitée
; de sa ratification successive à l'échelle internationale et
régionale de la Convention de Genève et le protocole de l'OUA sur
le statut de réfugié, et un réajustement interne sur le
plan juridique a été notre pays de choix dans le cadre de ce
travail dont l'intitulé est déplacement des
populations en zones de conflits et accès à l'état civil :
cas des enfants réfugiés Centrafricaines dans la région de
l'Est-Cameroun.
De ce qui précède, la problématique s'est
fixée pour but de comprendre sur base d'analyses des données
essentiellement qualitatives, Comment est-ce que l'Etat du Cameroun
assure-t-il l'établissement d'actes de naissances aux enfants
réfugiés Centrafricains ? Cette question centrale a
par ailleurs généré les questions subsidiaires suivantes :
Quelles sont les causes de la crise Centrafricaine ? Comment l'État, les
agences internationales, en particulier le UNHCR et les réfugiés
Centrafricains, spécifiquement les parents mobilisent-ils les ressources
pour faciliter l'établissement d'actes de naissances aux enfants
réfugiés Centrafricains ? Quelles sont les contraintes
structurelles et conjoncturelles qui pèsent sur le processus
d'accès des actes de naissances aux enfants réfugiés ?
Quelles leçons tirer ? Quelles recommandations ? Afin de mieux
appréhender cette problématique, nous avons mobilisé une
hypothèse centrale à savoir : dans la ville de Mandjou, les
actions humanitaires de l'Etat du Cameroun et de l'UNHCR pour assurer
l'établissement des actes de naissances aux enfants
réfugiés Centrafricains sont multiples et concrètes mais
sujettes à diverses limites. Laquelle hypothèse centrale nous a
procuré deux autres hypothèses secondaires : Les types de
stratégies et d'actions proposés par l'Etat du Cameroun et de
l'UNHCR ne remplissent pas toutes les fonctions attendues et se heurtent
à la vulnérabilité des réfugiés
Centrafricains (1) ; Il n'existe réellement pas de synergies d'actions
entre l'Etat du Cameroun et l'UNHCR dans le processus d'établissement
des actes de naissances aux enfants réfugiés (2).
Malgré la pandémie du COVIDS-19 qui impose
depuis peu, les fermetures des frontières, le confinement et bien
d'autres restrictions, la vérification de ces hypothèses s'est
arrimée à un
70
processus méthodologique ayant privilégié
la collecte des données. Sur la base de recherches documentaires,
d'entretiens à distance et par délégation, nous avons fait
recours à l'analyse stratégique et l'interactionnisme afin
d'analyser lesdites données collectées.
De ce qui a été dit, il en ressort que
l'avènement massif des populations Centrafricaines en terres
camerounaises, notamment dans la ville de Mandjou, a suscité un
déploiement humanitaire effectif de l'Etat du Cameroun et de l'UNHCR.
Ainsi, au rang des actes posés en faveurs des populations
réfugiés Centrafricaines, il y'a eu un regard sur la promotion de
l'accès des actes de naissances aux enfants réfugiés.
Cette intervention humanitaire ayant eu lieu, il n'en demeure pas moins
beaucoup d'insuffisances. Ce qui confirme par ailleurs notre hypothèse
centrale.
Cependant, en confrontant nos hypothèses secondaires
aux informations recueillies et analysées sur le terrain, nous pouvons
aisément conclure qu'elles sont à la fois
vérifiées, parfois nuancées mais aussi rejetées.
Parlant de leur vérification, il a été clairement
été établi dans le cadre de ce travail que les
stratégies et les actions que les pouvoirs publics Camerounais et les
humanitaires des Nations-Unies ont mis en exergue pour assurer
l'établissement des actes de naissances aux enfants
réfugiés Centrafricains ont quelques-fois manqué
d'incarner une prise en compte réelle et profonde des
spécificités locales. Ce qui donne un aspect de validité
à notre première hypothèse secondaire.
Il convient au demeurant d'avoir un regard tout de même
nuancé sur ces hypothèses secondaires. En effet, autant elles ont
anticipé les limites de succès des stratégies mises sur
pied par le Cameroun et le UNHCR en évoquant le motif de la
vulnérabilité des réfugiés Centrafricains, autant
il conviendrait de marteler que les données recueillies sur le terrain
ont relevé d'autres aspects en occurrence : un manque de données
relatives à propos des enfants réfugiés vivant hors sites
; une longue procédure d'établissement des actes de naissance
dans un contexte particulier ; l'Indisponibilité des registres
d'état civil pendant une longue période ; l'absence d'implication
de la société civile locale dans le processus et les influences
négatives de divers conflits naissants dans la gestion des
réfugiés à Mandjou.
Enfin, notre deuxième hypothèse secondaire est
invalide et rejetée car, en la confrontant à la
réalité des informations sur le site de travail, elle a
visé à tort les limites susceptibles d'affaiblir les actions des
pouvoirs publics Camerounais et humanitaires des Nations-Unies. En effet, les
deux entités sont en parfaites synergies dans le processus
d'établissement d'actes de naissances aux enfants réfugiés
Centrafricains dans la ville de Mandjou.
71
Il faut quand-même reconnaitre que les résultats
de cette étude n'incarnent pas une perfection absolue. Il existe
néanmoins des limites que nous assumons de présenter. La
fondamentale limite étant notre absence physique sur les lieux
d'enquêtes. Il nous serait erroné de croire que les personnes que
nous avons délégué sur le terrain des enquêtes ont
eu les mêmes motivations et exigences que nous aurions eues si l'occasion
nous avait été donné. A cette absence de
présentation, s'ajoute aussi un réel problème de
représentation car, l'échantillonnage nous a semblé
relativement moins représentative.
Toutefois, ce travail nous semble avoir atteint ses objectifs
visant à comprendre les dynamiques sociales, les stratégies mises
en oeuvre par le UNHCR et le Cameroun pour assurer l'établissement des
actes de naissances aux enfants réfugiés Centrafricains. Bien
sûr, en se focalisant de façon précise sur l'identification
des enjeux sociaux de l'intégration ou de la participation des parents
réfugiés dans ce processus d'une part. Et d'autre part, saisir
les limites probables et se permettre d'énumérer de façon
non exhaustive quelques pistes de solutions.
72
VIII. BIBLIOGRAPHIE
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Commission Economique pour l'Afrique, 2017.
76
Table des matières
I.SIGLES ET ABREVIATIONS v
I.INTRODUCTION GENERALE 1
A.Contexte historique ou géographique de
l'étude 3
B.Pertinence et intérêt du sujet
5
C.Objectifs de l'étude 7
1.Objectif général 7
2.Objectifs spécifiques 7
D.Revue de littérature 8
E.Questions de recherche 11
F.Hypothèses de recherche 11
1.Méthodologie 12
G.Défis éthiques de la recherche
14
H.Présentation et explications du plan de la
recherche 16
CHAPITRE I: PRÉSENTATION DE LA REGION DE L'EST-CAMEROUN,
ZONE D'ÉTUDE ET ÉTAT DES LIEUX
DES CRISES CENTRAFRICAINES 17
I.PRÉSENTATION DU TERRAIN D'ÉTUDE 19
A.La région de l'Est-Cameroun en bref.
20
B.La ville de Mandjou 23
1.Le cadre administratif, humain et physique de la ville de
Mandjou 23
2.Aperçu socio-économique 25
II.ÉTAT DES LIEUX DES CRISES CENTRAFRICAINES 26
A.Les causes internes des crises Centrafricaines
27
B.Causes externes de la crise Centrafricaine
30
CHAPITRE II : ÉTAT DES LIEUX SUR LES TRAJECTOIRES
EMPRUNTÉES DES CENTRAFRICAINS VERS LE
CAMEROUN ET DÉTERMINATION DU STATUT DE REFUGIÉS
33
I.LES TRAJECTOIRES EMPRUNTÉES PAR LES REFUGIÉS
CENTRAFRICAINS VERS LE CAMEROUN 35
II.LE STATUT DES REFUGIÉS 39
A.Le cadre législatif de la déclaration du
statut de réfugié au Cameroun (DSRC) 40
B.Les structures chargées de la mise en oeuvre de
la DSRC 43
CHAPITREIII : LES INITIATIVES RETENUES ET MISES EN OEUVRE PAR
LE CAMEROUN ET L'UNHCR AFIN D'ASSURER L'ÉTABLISSEMENT D'ACTES DE
NAISSANCES AUX ENFANTS REFUGIÉS CENTRAFRICAINS A
MANDJOU 45
III.LE CADRE D'INTERVENTION DE L'ETAT DU CAMEROUN ET DU UNHCR
DANS LE PROCESSUS D'ÉTABLISSEMENT DES ACTES DE NAISSANCES AUX ENFANTS
RÉFUGIÉS CENTRAFRICAINS À
MANDJOU 47
A.L'établissement des actes des naissances pour les
enfants réfugiés : un dispositif humanitaire
privilégié par l'Etat du Cameroun et le
UNHCR dans la ville de Mandjou ? 47
B.La pertinence des objectifs et les outils mis en oeuvre
par l'Etat du Cameroun et le UNHCR 51
77
1.La pertinence des objectifs visés par l'Etat et le UNHCR
dans l'enregistrement des naissances
des enfants réfugiés Centrafricains. 51
2.Les outils et stratégies mises en oeuvre par l'Etat du
Cameroun et le UNHCR 52
CHAPITRE IV : LES INSUIFFISANCES SUSCEPTIBLES DE LIMITER
L'EFFECTIVITE D'ÉTABLISSEMENT D'ACTES DE NAISSANCES AUX ENFANTS
REFUGIÉS CENTRAFRICAINS ET LES PALLIATIFS POTENTIELS 58
IV.LES INSUFFISANCES SUSCEPTIBLES A L'EFFET DE LIMITER LES
INITIATIVES DU CAMEROUN ET DU UNHCR59
1.Manque de données relatives à propos des enfants
réfugiés vivant hors sites. 59
2.Longue procédure d'établissement des actes de
naissance dans un contexte particulier 60
3.Indisponibilité des registres d'état civil
pendant une longue période 61
4.L'absence d'implication de la société civile
locale dans le processus 61
5.Non-prise en compte des réalités culturelles et
communautaires 62
6.Les influences négatives de divers conflits naissants
dans la gestion des réfugiés à Mandjou 63
II.LES PALLIATIFS POTENTIELS 65
1.Renforcer la sensibilisation des parents
réfugiées Centrafricains sur leurs devoirs au sein des
communautés hôtes 65
V. 65
2.Promouvoir une implication plus forte de la
société civile camerounaise dans cette crise
humanitaire 66
3.L'intégration de l'enregistrement des naissances avec
d'autres services 66
4.L'urgence d'une instauration de la culture de bonne gouvernance
67
III.CONCLUSION GENERALE 69
VI.BIBLIOGRAPHIE 72
Table des matières 76
UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE
LOUVAIN
Faculté des sciences économiques,
sociales, politiques et de communication
École des sciences politiques et sociales
(PSAD)
Place Montesquieu, 1 bte L2.08.05, 1348 Louvain-la-Neuve,
Belgique |
www.uclouvain.be/psad
|
|