-' i -'
Epigraphe
« ... Aucune constitution n'est restée telle
qu'elle a été faite. Sa
marche est toujours subordonnée aux hommes et
aux
circonstances ... »
Napoléon
-' ii -'
Dédicace
Au Créateur du ciel et de la terre, le Dieu tout
puissant, immortel et invisible, qui est la source de toute chose pour nous
avoir inspiré à réaliser ce travail,
A vous mon très chers père Roger YALALA
KYATENDA MUKUMBUKUA, pour tant de sacrifices et d'infatigables
encouragements, pour nous avoir témoigné constamment de votre
amour paternel et pour avoir veillé à notre savoir, à
notre savoir-faire et à notre savoir-être.
A ma très chère et tendre mère
Marie Immaculée MIYA MBILIZI, qui ouvrit mes yeux,
conduit mes premiers pas et supporta mes caprices.
A vous mes frères et soeurs : Victor
KATENDA, Bruno LUKABYA, Julienne
WABIGWA, Zita Jessica BYEZYE et à toute la
famille élargie, pour votre sens profond d'une fraternité
véritable, trouvez dans cette plume l'expression de ma gratitude.
A ma future épouse, la mère de mes enfants, je
dédie ce mémoire !
MUGASA YALALA Pascal
-' iii -'
Remerciements
Il est juste pour un auteur au seuil d'une oeuvre scientifique
de reconnaitre que bien peu de ce qu'il écrit lui appartient en propres,
tant il est redevable aux autres du meilleur de ses idées.
Ainsi, disons-nous que la présentation de ce travail
serait un mythe ou une illusion si nous n'avions pas rencontré la
bienveillance du Professeur Jean-Louis ESAMBO KANGASHE qui, en
dépit de ses multiples occupations tant facultaires
qu'extra-académiques, a daigné accepter de présider avec
compétence et sérieux notre travail ; qu'il trouve à
travers ces lignes l'expression de notre gratitude.
Nous exprimons nos sentiments de gratitudes à toutes
les autorités académiques de l'Université Catholique du
Congo en général et en particulier celles de notre faculté
de Droit, pour l'aide scientifique manifestée à notre endroit.
Nous pensons également à notre encadreur
Claude KOMBA pour sa disponibilité et ses orientations,
qui ont été indispensables pour la réalisation de ce
travail.
Nos sentiments de gratitude se veulent au couple
KIBONGE KINENE pour ses encouragements et soutiens.
Nous gardons un souvenir reconnaissant vis-à-vis des
camarades : Clovis OMBA, Gédéon
MANDJA, Josué NDAMUKIA et LOLEKOLA Modeste.
Que tous ceux qui, nombreux dans le silence, n'ont jamais
cessé de nous témoigner leur affection trouvent ici l'expression
de notre reconnaissance.
~ iv ~
Liste des Abréviations et Sigles utilises
·
|
AGI
|
: Accord global et inclusif
|
·
|
CENCO
|
: Conférence épiscopale nationale du Congo
|
·
|
CNS
|
: Conférence nationale souveraine
|
·
|
Ed
|
: Editions
|
·
|
HCR
|
: Haut conseil de la République
|
·
|
MLC
|
: Mouvement de libération du Congo
|
·
|
MPR
|
: Mouvement populaire de la révolution
|
·
|
OP.CIT
|
: Opus citatum
|
·
|
OUA
|
: Organisation de l'unité africaine
|
·
|
P
|
: Page
|
·
|
RCD
|
: Rassemblement congolais pour la démocratie
|
·
|
RCD/ML
|
: Rassemblement congolais pour la démocratie/Mouvement de
libération
|
·
|
RCD/N
|
: Rassemblement congolais pour la démocratie/National
|
·
|
RDC
|
: République démocratique du Congo
|
·
|
UA
|
: Union africaine
|
·
|
UCB
|
: Université catholique de Bukavu
|
·
|
UCC
|
: Université catholique du Congo
|
·
|
UDPS
|
: Union pour la démocratie et le progrès social
|
5
INTRODUCTION
Cette introduction présente la position du
problème (I), une justification du choix de l'étude (II) et de la
délimitation de la recherche (III), des hypothèses (IV), de
l'identification des méthodes et techniques de recherche (V), ainsi que
de la subdivision du travail (VI) avant l'annonce du plan
détaillé (VII).
I. POSITION DU PROBLEME
Si en droit constitutionnel congolais la nomination du premier
ministre a toujours été une compétence du président
de la République, sa désignation quant à elle, n'a jamais
été automatique1. En effet, la pratique
constitutionnelle congolaise a ses particularités par rapport au droit
constitutionnel en général en ce sens qu'elle consacre la
différence entre la désignation, la présentation et la
nomination du premier ministre ainsi que son investiture par le
président de la République.
La présentation du premier ministre au président
de la République constitue la dernière étape de la
procédure de sa désignation, qui a varié selon les
Constitutions2 ; et l'étape finale va de sa nomination
à son investiture par le président de la République.
Cette longue procédure, semble s'expliquer, outre la
théorie de la séparation des pouvoirs et la diversité des
régimes politiques, par le fait que le souci qui a toujours animé
le constituant congolais, à savoir la participation des forces
politiques et des représentants du peuple dans la formation du
gouvernement ; afin d'éviter l'arbitraire
1 Cela s'explique par le fait que l'histoire
constitutionnelle congolaise fait état de plusieurs modalités de
désignation du premier ministre, qui précède sa nomination
par le président de la République ; entre autres
l'élection du premier ministre par la CNS, sa désignation par les
forces politiques nationales, sa désignation au sein de la
majorité parlementaire et sa nomination par le choix volontaire du
président de la République.
2 Pour l'Acte portant dispositions
constitutionnelles relatives à la période de transition, le
premier ministre est élu par la Conférence Nationale Souveraine
; Pour la Loi n°93-001 du 02 avril 1993 portant Acte Constitutionnel
harmonisé relatif à la période de transition, c'est au
président de la République qu'il revient de nommer le premier
ministre après consultation des forces politiques de la nation ;
Pour la Constitution de la RDC du 24 juin 1967 et le Décret-loi
constitutionnel n°003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation du
pouvoir en RDC, le Président est lui-même le Chef du
Gouvernement ; Pour la Constitution du 18 février 2006, le
Premier ministre est issu de la majorité parlementaire.
6
que peut user le président de la République dans
la nomination du chef du gouvernement.
En effet, Dans les jeunes Etats africains et asiatiques, le
président de la République jouit non seulement de pouvoirs
considérables, mais aussi, très souvent, d'un prestige immense au
près de la population qui l'entoure parfois d'un véritable
culte.3
D'où le souci du constituant congolais d'écarter
toute tentative d'abus du pouvoir dans le chef du président de la
République, à la lumière des faits qui se sont
déroulés dans l'histoire politique congolaise4 ; mais
aussi puisque la tendance est que les gouvernants ne souhaitent pas être
placés sous l'autorité de la nation et contrôlés par
ses représentants.5
C'est pourquoi, le constituant congolais a toujours
consacré une procédure spéciale en cette matière,
allant de la désignation6 jusqu'à la
présentation au président de la République d'un premier
ministre qu'il sera appelé à nommer.
Dans la même veine, quelques questionnements
présideront notre étude, d'abord celui de savoir s'il existe une
différence entre la désignation et la nomination du Premier
ministre. En d'autres termes, le président de la République est
constitutionnellement obligé de suivre le choix lui
présenté ; ensuite la question du contenu de l'article 78 de la
Constitution du 18 février 2006 concernant la nomination d'un premier
ministre issu de la majorité parlementaire et enfin la
problématique du non respect des prévisions constitutionnelles
concernant la nomination du premier ministre.
3 CHANTEBOUT B., Droit constitutionnel et
science politique, Paris, 14ème édition, Armand
Colin, 1991, 1997, p. 307.
4 Nous faisons ici allusion à la crise
politique institutionnelle qui a prévalu sous l'emprise de la Loi
fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo où le chef
de l'État et le premier ministre se sont réciproquement
révoqués.
5 GICQUEL J. et GICQUEL J-E., Droit
constitutionnel et institutions politiques, Paris, 23ème
édition, Montchrestien, 2009, p. 388.
6 Cela a été surtout une
réalité en RDC dans la deuxième République avec le
Marechal MOBUTU, qui devenait de plus en incontrôlable ; sans
négliger certaines traces de la dictature observées aussi dans la
troisième République.
7
Telle est l'économie générale des
réflexions qui portent sur cette étude et à ce stade, il
convient d'annoncer la raison d'être et du choix par nous de ce sujet.
II. INTERET DE L'ETUDE
Comme tout travail scientifique, cette étude
présente un double intérêt à la fois
théorique et pratique.
Sur le plan théorique, la recherche a vocation de
contribuer à la vulgarisation de la Constitution en ce qui concerne la
procédure de nomination du premier ministre, principalement les
dispositions organisant les attributs du Chef de l'Etat dans ce domaine.
En effet, il est hors de doute que ces notions
échappent à la majorité des intellectuels, voire une
partie des juristes en formation ; d'où l'intérêt
théorique de cette étude, celui de ressusciter l'histoire
politique congolaise dans ce domaine précis.
Sur le plan pratique, l'étude se propose de faire une
analyse critique des causes et des conséquences de la pratique politique
consistant à passer outre les prévisions constitutionnelles dans
la nomination du premier ministre, pratique ayant revêtu la casquette
d'une coutume constitutionnelle.
Dans ce cadre, la recherche portera la marque d'une
contribution aux prochaines études sur la même question, car nous
estimons que l'effort conjugué est de mettre à la disposition de
la communauté scientifique certaines informations relatives à
cette question.
Cette étude, ne pouvant être menée sans
limite sur le plan temporel et spatial, une délimitation s'impose.
8
III. DELIMETATION DE L'ETUDE
Dans le souci de nous conformer aux exigences scientifiques
de circonscrire notre étude, nous l'avons délimité dans le
temps et dans l'espace.
Sur le plan temporel, notre étude va de la
première République à nos jours. En d'autres termes, il
s'agira d'analyser à la lumière du dispositif constitutionnel, le
régime juridique de la désignation du premier ministre depuis la
première République à nos jours.
Sur le plan spatial comme on peut le constater, nous allons
nous limiter à interroger et à analyser le droit positif
congolais et la pratique politique en la matière.
A ce stade, il convient de donner des hypothèses par
rapport aux problèmes soulevés dans la problématique.
IV. HYPOTHESE DE L'ETUDE
A ce niveau, nous envisageons de répondre
hypothétiquement aux questionnements soulevés dans la
problématique par une hypothèse, qui sera bien approfondie au
cours de cette étude.
En effet, la pratique de la désignation et de la
nomination du premier ministre en droit positif congolais semble toujours
être inconstitutionnelle, dans la mesure où elle n'a que
très peu obéit aux procédures consacrées par la
Constitution dont les causes explicatives seront exposées dans cette
étude.7 Et aussi aux nominations politiques, qui
obéissent aux clauses issues des accords politiques qu'à la
Constitution en vigueur.8
De ce fait, il nous semble que la procédure de
désignation et la nomination du premier ministre peut être
qualifiée dans une certaine mesure, de coutume
7 L'histoire politique de la RDC fait état
d'une part des contestations dans la désignation et la
présentation du premier ministre au président de la
République, appelé à le nommer. Ce qui donnait l'occasion
à cette autorité de passer parfois outre les prévisions
constitutionnelles.
8 La mise en place des gouvernements issus des
accords politiques a toujours été une solution en cas de crise
politique en RDC. Cela peut expliquer certains non respect des
prévisions constitutionnelles dans ce cas d'espèce.
9
constitutionnelle dans ce sens qu'elle se présente
comme une règle de droit non écrite résultant de
précédents concordants auxquels les pouvoirs publics se
soumettent ou acquiescent.9 A cela s'ajoute le fait que cette
pratique a été répétée pendant une assez
longue durée (depuis l'indépendance) au point de donner
le sentiment que cette pratique semble devenir obligatoire.10
En effet, il est évident que la Constitution trouve sa
souplesse dans l'habitude de son adaptation aux situations nouvelles à
ses prévisions ; dans ce cas précis, on fait
référence aux dialogues organisés en vue de solutionner
des crises politiques. De ce fait, cette coutume constitutionnelle trouve son
importance dans sa résolution des lacunes posées par
l'application de la Constitution.
Les hypothèses étant proposées, il serait
convenable que nous identifiions les méthodes et les techniques
d'approches.
V. METHODES ET TECHNIQUES
Dans le souci de bien mener nos investigations, nous allons
recourir à deux approches, à savoir l'approche juridique qui,
dans le cadre de ce travail ne se bordera que sur la méthode
exégétique, et l'approche de science politique, qui ne fera appel
qu'à la méthode empirique.
1. La méthode
exégétique
Etant donné que nos recherches se pencheront plus
à l'analyse des textes juridiques (les Constitutions congolaises et
certains accords politiques), nous optons pour la méthode
juridique, qui s'intéresse à la manière dont le droit
positif entend solutionner une question soulevée.11
Cette méthode nous permettra de faire une analyse
comparative des différentes Constitutions congolaises en rapport avec la
désignation du premier ministre depuis
9 NTUMBA-LUABA LUMU A., Droit constitutionnel
général, Kinshasa, éditions universitaires
africaines, 2007, p. 124.
10 HAMON F. et TROPER M., Droit
constitutionnel, Paris, 32ème édition, Lextenso
éditions, 2011, p. 59.
11 Cette méthode concerne aussi
l'interprétation philologique ou doctrinale d'un texte juridique dont le
sens parait obscur.
10
l'indépendance jusqu'à ce jour ; pour aboutir
à une conclusion selon laquelle soit il y a toujours eu violation de la
constitution à chaque nomination du premier ministre ; soit encore le
contraire dans la mesure du possible.
Pour ce faire, la technique qui nous semble la meilleure est
celle documentaire, elle trouvera sa consistance dans la lecture d'un nombre
important d'ouvrages, articles et les constitutions congolaises, pour atteindre
notre finalité scientifique, à savoir celle de découvrir
les causes et les conséquences de cette pratique politique contredisant
toutes les lois fondamentales connues par la République
démocratique du Congo.
2. La méthode empirique
Cette méthode, qui ne s'appui que sur
l'expérience et l'observation de la réalité politique en
se passant des théories et raisonnements, va nous permettre de
confronter les prévisions constitutionnelles concernant la mise en place
de l'exécutif avec les différentes nominations du premier
ministre depuis l'indépendance, ainsi que les raisons politiques de
toutes ces nominations dans la pratique politique congolaise.
Dans le sens de spécifier les matières ainsi que
la nature des données qui seront traitées dans notre
étude, il nous est indéniable de subdiviser notre travail.
VI. SUBDIVISION DE L'ETUDE
Cette étude se divise en deux chapitres :
? Le premier chapitre traitera le régime juridique de
la désignation du premier ministre par l'analyse de la question tant en
régime présidentiel que parlementaire ;
? Le second portera sur l'examen des modalités
pratiques de désignation du premier ministre aussi bien en régime
présidentiel que parlementaire.
Et notre étude sera bouclée par une conclusion,
qui déterminera si la pratique de désignation du premier ministre
est du domaine constitutionnel ou de la coutume constitutionnelle en droit
positif congolais.
11
VII. DIFFICULTES RENCONTREES
Pour mener cette étude, qui porte sur la
désignation du premier ministre en droit positif congolais, nous nous
sommes à bien des difficultés, notamment :
- L'accessibilité difficile à certains textes
juridiques et constitutionnels, ainsi qu'aux accords politiques ;
- Un autre problème est celui de la documentation
nécessaire, du fait que les éléments nécessaires
à cette étude sont éparpillés.
Du moins, les éléments et textes
constitutionnels trouvés nous ont permis de réaliser cette
modeste étude, dont nous pensons être une contribution
considérable en ce qui concerne l'histoire politique
12
PLAN DETAILLE DU TRAVAIL
Introduction
Chapitre I : Le régime juridique de la
désignation du premier ministre Section I : Désignation du
premier ministre en régime présidentiel
§1. Désignation du premier ministre par le
président de la République
A. Cas de la majorité présidentielle au
Parlement
B. Cas d'absence de la majorité présidentielle au
Parlement
§2. Désignation du premier ministre par le
Parlement
A. Cas d'un premier ministre non parlementaire
B. Cas d'un premier ministre parlementaire
Section II : Désignation du premier ministre en
régime parlementaire
§1. Désignation du premier ministre dans la
majorité parlementaire
A. Garantie de la stabilité
B. La problématique de la variation de la majorité
parlementaire
§2. Désignation du premier ministre dans la
classe politique
A. La consultation de la classe politique
B. Le dialogue entre la classe politique et la
société civile
Chapitre II : Des modalités pratiques de la
désignation du premier ministre en droit positif congolais
Section I : En régime présidentiel
§1. Désignation du premier ministre dans la
première République
A. Désignation du premier ministre sous le régime
de la constitution du 1er Août 1964
§2.Désignation du premier ministre dans la
deuxième République
A. Désignation du premier ministre sous la constitution du
24 juin 1967
13
§3. Désignation du premier ministre pendant la
transition (avec un penchant vers le présidentialisme)
A. La Loi n°002/90 du 05 juillet 1990 portant
révision de certaines dispositions de la constitution du 24 juin 1967
B. L'Acte portant disposition constitutionnelles relatives
à la période de transition du 04 août 1992
Section II : En régime parlementaire
§1. Désignation du premier ministre dans la
première République
A. Sous le régime de la Loi fondamentale du 19 mai 1960
§2. Désignation du premier ministre pendant la
transition avec un penchant parlementariste
A. La Loi n°93-001 du 02 avril 1993 portant Acte
constitutionnel harmonisé relatif à la période de
transition
B. L'Acte constitutionnel de la transition du 09 avril 1994
§3. Désignation du premier ministre dans la
troisième République
§4. La problématique de l'application des accords
politiques dans la désignation du premier ministre dans la
troisième République
Conclusion
Bibliographie
Table des matières
14
CHAPITRE I : LE REGIME JURIDIQUE DE LA DESIGNATION
DU PREMIER MINISTRE
En principe le Premier ministre est nommé par le
président de la République selon que l'on est dans un
régime présidentiel ou parlementaire12. La doctrine va
petit à petit tenter de sérier les différents
régimes politiques et elle va distinguer le régime dit
parlementaire du régime dit présidentiel. De manière
générale, parler du régime juridique de la
désignation du premier ministre, c'est faire forcément allusion
à la théorie des régimes politiques, qui a un fondement
historique et philosophique13 dans lequel on peut retenir qu'elle
fait l'objet d'une « vénération quasi-religieuse par les
constitutionnalistes », qui en ont même fait le socle de la
démocratie libérale.14
Son critère de distinction devient à la fin du
XIXe siècle, avec le constitutionnaliste français Adhémar
ESMEIN, la «séparation des pouvoirs »15.
Selon une traduction, le régime parlementaire est analysé comme
un régime de «collaboration des pouvoirs» et de
séparation souple de ces derniers, tandis que le régime
présidentiel est compris comme un régime de
«séparation stricte des pouvoirs ».16
En fait, il s'agit d'un jeu d'équilibriste visant
à limiter les risques d'abus qu'impliquent nécessairement une
concentration et une confiscation du pouvoir.17
12 Ce principe n'est pas absolu dans tous les cas.
Par exemple au Royaume-Uni où le premier ministre est le chef du
gouvernement et de fait à la tête du pouvoir exécutif.
(Exerçant à la fois les fonctions du chef de l'Etat et du
gouvernement) Le Premier ministre est nommé par la reine qui
choisit le chef de parti susceptible de jouir de la confiance de la Chambre des
communes.
13 Déjà avec Aristote, dans son
ouvrage La Politique ; on y trouvait les germes d'idée d'une
théorie de séparation des pouvoirs (Dans tout gouvernement,
il y a trois pouvoirs essentiels à chacun desquels le sage
législateur doit faire place de la manière la plus convenable. Le
premier est celui de l'Etat, le deuxième comprend toute la magistrature
ou pouvoir constitué, c'est-à-dire deux dont l'Etat a besoin pour
agir. Le troisième embrasse les offices des juridictions). Il y a
aussi John Loke, dans son Essai sur le gouvernement civil ; et Montesquieu,
dans son livre De l'esprit des lois de 1768.
14 TURPIND D., Le régime
parlementaire, Paris, Dalloz, 1997, p. 177.
15 Nous estimons que la séparation des
pouvoirs garde tout son intérêt, même si elle n'est pas
suffisante. A coup sûr, le programme de Montesquieu conserve sa
validité : puisque « tout homme qui a du pouvoir est
porté à en abuser », « tout serait perdu
» si le même homme ou le même corps exerçait les
fonctions exécutive, législative et judiciaire ; il faut donc que
« le pouvoir arrête le pouvoir ».
16 FELDMAN J-P., « Un régime
parlementaire pour les pays d'Afrique », in Audace Institut Afrique,
p. 11.
17 AKA LAMARCHE A., « L'évolution
du régime représentatif dans les États d'Afrique noire
francophone » in Jurisdoctoria n° 9, 2013, p.10.
15
Pour ce qui est de la désignation du premier ministre,
qui s'opère soit par un décret ou une ordonnance selon le cas,
elle est organisée selon qu'il s'agisse d'un régime
présidentiel (Section I), ou d'un régime parlementaire (Section
II).
SECTION I : DESIGNATION DU PREMIER MINISTRE EN
REGIME PRESIDENTIEL
La qualification des régimes politiques est
généralement faite en tenant compte des relations établies
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ; le pouvoir
judiciaire étant mis de côté. C'est pourquoi MONTESQUIEU
qualifie le pouvoir judiciaire de nul parmi les autres pouvoirs traditionnels
de l'Etat.18
La division classique entre régime parlementaire et
régime présidentiel est une commodité pour
l'exposé19 ; créditée d'être une
technique constitutionnelle destinée à contrer le
népotisme du pouvoir par l'aménagement correct des
compétences de chaque pouvoir de l'Etat et la protection des droits de
l'homme et des libertés publiques.20
Lorsque l'on parle de régime présidentiel, on
sous-entend que la fonction dite exécutive appartient à une seule
personne qui fait face à un Parlement chargé de voter la loi,
devant lequel il n'est pas responsable politiquement et dont il ne peut
abréger la durée21 ; du moins on peut dire que le
législatif et l'exécutif sont condamnés à vivre
ensemble : c'est un mariage sans divorce.22
De ce fait, parler de la désignation du chef de
gouvernement dans le régime présidentiel revient à faire
allusion à l'élection du chef de l'Etat, étant
donné que dans
18 MONTESQUIEU a affirmé ceci : «...
Des trois puissances dont nous venons de parler, celle de juger est
quasiment nulle... ».
19 Il s'agit d'une construction de l'esprit dont la
vertu se veut heuristique, à savoir utile à la découverte.
Cela ne veut pas dire que la distinction soit dénuée
d'intérêt : elle renseigne sur la présence ou l'absence
d'un certain nombre de mécanismes ou de techniques juridiques.
20 ESAMBO KANGASHE J-L., Le droit
constitutionnel, Académia-L'Harmattan, Louvain-la-Neuve, 2013, p.
225226.
21 FELDMAN J-P., « Un régime
parlementaire pour les pays d'Afrique » op.cit., p. 11.
22 DUVERGER M., Institutions politiques et droit
constitutionnel, tome I, Paris, 1971, p. 195.
16
ce régime, le président de la République
exerce à la fois les fonctions de chef de l'Etat et de chef du
gouvernement.23
Cela s'explique en sus, par le fait que le
monocéphalisme de l'exécutif qui est l'une des
caractéristiques du régime présidentiel, interdit
l'existence à coté du chef de l'exécutif, d'un cabinet
dirigé par un chef du gouvernement (le premier
ministre).24
Cependant, outre la dégénération du
régime présidentiel en présidentialisme
consulaire25, où tous les pouvoirs sont concentrés
entre les mains du chef de l'exécutif26, nous allons analyser
la désignation du premier ministre dans un de ses dérivés,
à savoir le présidentialisme parlementaire.
En effet, nonobstant l'indépendance organique des
pouvoirs et l'absence des moyens d'action réciproques entre le pouvoir
législatif et l'exécutif comme il est d'application en
régime présidentiel, le présidentialisme parlementaire
quant à lui, correspond à un régime mixte qui emprunte
certains éléments du régime présidentiel
(élection du chef de l'Etat par le peuple) et ceux du
régime parlementaire (responsabilité du gouvernement devant
le parlement).27
Ceci a pour conséquence le fait que seul le premier
ministre et son gouvernement soient responsables politiquement devant le
parlement et la possibilité que le premier ministre soit
désigné soit par le président de la République
(§1), soit par le parlement (§2).
23 NTUMBA-LUABA LUMU A., Droit constitutionnel
général, op.cit., p. 312.
24 ESAMBO KANGASHE J-L., Le droit constitutionnel,
op.cit., p. 229.
25 ESAMBO KANGASHE J-L., Le droit constitutionnel,
op.cit., p. 230.
26 DUBBOUIS L., « le régime
présidentiel dans les nouvelles constitutions des Etats africains
d'expression française »in Penant, n°691, avril-mai 1962,
p.222.
27 ESAMBO KANGASHE J-L., Le droit constitutionnel,
op.cit., p. 231.
17
§1. Désignation du premier ministre par
le président de la République
Cette question semble être la conséquence de la
pratique du régime présidentiel en Afrique, qui selon Louis
DUBBOUIS dégénère toujours en présidentialisme ;
autrement qualifié de la dictature constitutionnelle.28
En effet, le président de la République en
Afrique semble être l'organe ayant la totalité du pouvoir, surtout
dans un régime présidentiel dégénéré.
Dans ce genre de régime, le président de la République
peut à la fois designer et nommer un premier ministre de son choix ;
s'il dispose d'une majorité au parlement.
En d'autres termes, le président de la
République a une complète liberté de son choix. Tel est le
cas lorsque la majorité présidentielle coïncide avec la
majorité parlementaire (A), qui ne fera qu'approuver le choix du
président en accordant leur confiance au premier ministre
désigné et à son gouvernement formé.
La situation est différente en cas de
cohabitation29 entre un président de la République et
une assemblée nationale de tendance opposée. (B)
A. CAS DE LA MAJORITE PRESIDENTIELLE AU PARLEMENT
Une majorité parlementaire peut résulter de
l'alliance entre groupes à l'assemblée ; elle est
évidement susceptible de changements au cours d'une mandature. Ce qui
crée aussi la possibilité à un président de la
République à disposer une majorité présidentielle,
ou une majorité qui le soutient au Parlement.
Dans ce cas, la désignation du premier ministre par le
président de la République ne posera aucun problème en ce
qui concerne la confiance dont le premier ministre aura besoin de la part du
parlement pour faire asseoir son gouvernement et sa politique.
28 DUBBOUIS L., « le régime
présidentiel dans les nouvelles constitutions des Etats africains
d'expression française », op.cit., p.222.
29 C'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas de
majorité présidentielle au parlement.
18
En effet, une tendance est de coutume dans la pratique
politique en Afrique, consistant pour la majorité présidentielle
au parlement de soutenir n'importe quelle décision du président
de la République, qui semble avoir leur soutien
inconditionnel.30
Etant donné que la majorité ne peut pas
forcement restée statique, mais elle est évolutive, le
problème dans la désignation du premier ministre peut se poser
lorsque le président de la République ne dispose pas d'une
majorité au parlement.
B. CAS D'ABSENCE DE LA MAJORITE AU
PARLEMENT
Ce cas de figure fait référence à la
coexistence entre un président de la République, élu au
suffrage universel, et une assemblée nationale, composée
majoritairement des députés hostiles au
président.31 Cette absence de la majorité
présidentielle au parlement explique l'impasse dans la
désignation d'un premier ministre, qui peut ou ne pas être
accepté par le parlement, déjà hostile au président
de la République.32
De ce fait, le président de la République peut
désigner et nommer un premier ministre, qui pourrait
bénéficier ou non de la confiance du parlement entérinant
la composition de la nouvelle équipe gouvernementale.
Cependant, pour s'assurer que le premier ministre de son choix
ait la confiance de la majorité parlementaire, le président de la
République peut demander au parlement de lui présenter une liste
de ses candidats premiers ministres afin qu'il puisse nommer l'un d'entre
eux33; ou carrément, demander au parlement de procéder
par la désignation du premier ministre.
30 Cette affirmation semble avoir un
tempérament avec la démission forcée du président
Sud-Africain, Jacob ZUMA, à la quelle son parti, qui était
majoritaire au parlement a participé considérablement.
31 ANTONIN-XAVIER F., Analyse critique de la
cohabitation sous la Ve République : bilan et perspectives,
Mémoire Maitrise en science politique, Université du
Québec à Montréal, juillet 2007, p. 36.
32 COLLIARD J-C, « Un régime
hésitant et déséquilibré »in
Pouvoirs, n° 4 (1978), p. 122.
33 Ceci est une stratégie pour le
président de la République consistant à faire participer
le parlement à la désignation du premier ministre (pour que
ce dernier ait la confiance des parlementaires), alors qu'en
réalité il sera définitivement désigné et
nommé par le président de la République lui-même.
19
§2. Désignation du premier ministre par
le Parlement
En régime présidentiel, cette modalité de
la désignation semble être le dernier recours du président
de la République lorsqu'il se retrouve coincé par la
majorité parlementaire. Puisqu'étant responsable devant le
parlement, le premier ministre et son gouvernement doivent
bénéficier de la confiance du parlement pour leur
stabilité.
Ceci s'explique dans la mesure où si le
président, dans ce cas d'espèce, passe outre la proposition du
parlement, la désapprobation du projet du gouvernement nouvellement
institué n'est sera qu'une évidence ; d'où pour
éviter d'en arriver à ce stade, le président de la
République, même irresponsable politiquement devant le parlement
doit prendre en compte la proposition désignant le premier ministre,
faite par le parlement.
Cependant, le premier ministre désigné par le
parlement, ne doit pas forcement être un parlementaire. En effet, il peut
être un non parlementaire (A) ou un parlementaire (B) comme ce serait le
cas de la désignation du premier ministre dans un régime
parlementaire.
A. CAS D'UN PREMIER MINISTRE NON PARLEMENTAIRE
Le parlement une fois intéressé par le
président de la République pour la désignation du premier
ministre, a deux choix à faire, à savoir soit designer un premier
ministre en dehors des parlementaires, soit designer un des parlementaires
comme candidat premier ministre.
Lorsque le premier ministre désigné par le
parlement n'est pas parlementaire, aucun problème ne pourrait se poser
dans la pratique politique, étant désigné par ceux qui
sont appelés à le soutenir. Cependant un problème peut se
poser lorsque la constitution en vigueur a prévu que le premier ministre
soit parlementaire.
A ce problème, la pratique politique en Afrique et
principalement en République démocratique du Congo nous montre
qu'à plusieurs reprises les politiques sont passés outre les
prévisions constitutionnelles à cet effet.
20
B. CAS D'UN PREMIER MINISTRE
PARLEMENTAIRE
Comme nous l'avons démontré
précédemment, le président de la République ne peut
utiliser l'ensemble de ses compétences que s'il a le soutien d'une
majorité parlementaire, qui lui est acquise.34 Dans le cas
contraire, le voilà réduit au « ministère de la
parole »35.
Il suffira seulement d'une divergence entre la majorité
présidentielle et la majorité parlementaire pour que le
président de la République soit presque oublié ou
ignoré devant la majorité parlementaire et le premier ministre
issu de celle-ci. Dans un tel contexte, le premier ministre
désigné par le parlement parmi les parlementaires, s'impose comme
la figure principale du régime.
Il assoit son autorité sur l'ensemble du gouvernement
et l'administration. Il détermine la politique du gouvernement et nomme
aux principaux emplois publics.36 Ceci a été le cas en
droit constitutionnel français de la cinquième République
; qualifié par la doctrine d'une « cohabitation quinquennale
»37lorsque par exemple un président de droite
(Jacques CHIRAC) cohabite avec un premier ministre de gauche
(Lionel JOSPIN).38
34 L'acquisition de cette majorité se fait
soit lors des élections législatives, si c'est son parti qui a
beaucoup des sièges au parlement ; ou encore par des alliances ou
coalitions qui peuvent se nouer et former une majorité parlementaire,
qui soutient le président de la République.
35 « Prépondérance
présidentielle et domination parlementaire sous le régime de la
Cinquième République » in Fallait pas faire du droit,
p.6. Article téléchargé sous format pdf le 27
février 2018 à 10h00'
36 Qualifié par certains constitutionnalistes
de la « la politique du fauteuil vide »
37 GILLES CHAMPAGNE, L'essentiel du Droit
constitutionnel, Tome II : les institutions de la Ve République,
Paris, Ed. Lextenso, 2010, p. 73.
38 Cette cohabitation survient après des
législatives provoquées par la dissolution de l'Assemblée
nationale le 21 avril 1997.
21
SECTION II : DESIGNATION DU PREMIER MINISTRE EN
REGIME PARLEMENTAIRE
De manière générale, un régime
politique est dit parlementaire lorsque le gouvernement est responsable
politiquement de ses actes devant le parlement, et que ce dernier n'a pas que
la mission de légiférer, mais aussi celle de contrôler le
gouvernement.39 A la différence du régime de la
séparation des pouvoirs, autrement dit présidentiel, le
régime parlementaire ne se limite pas à avoir un
parlement40, mais se caractérise par la collaboration entre
les organes de l'Etat ou pouvoir public (Exécutif et
Législatif)41 qui disposent des attributions et des
moyens de pressions réciproques42. Il peut être
dualiste ou moniste.
Lorsque l'on parle d'un régime parlementaire, on
sous-entend que le chef du Gouvernement est responsable de sa politique devant
le Parlement ou, à tout le moins, devant l'une de ses chambres.
Aujourd'hui, la doctrine est quasi-unanime à
considérer que le régime parlementaire se définit par la
responsabilité du gouvernement devant le parlement et elle laisse de
côté le plus souvent l'arme corrélative de celui-là
à l'égard de celui-ci ou de l'une de ses chambres, sous la forme
d'un droit de dissolution, c'est-à-dire la décision de mettre fin
à leurs pouvoirs avant l'expiration de leurs mandats.43
Paradoxalement, le critère contemporain du
régime parlementaire, à savoir la responsabilité du
gouvernement devant le parlement ne joue plus guère si le régime
est stable. Les gouvernements chutent lorsque leurs chefs n'ont plus la
confiance de leurs troupes ou lorsque la coalition de partis se déchire
en dehors des chambres.
39 UCB, « Les grandes questions
constitutionnelles: forme de l'Etat, régime politique et systèmes
électoraux. Pour une paix durable en RDC », Publication de la
Faculté de Droit, février 2002, p. 30.
40 Car dans le régime présidentiel on
n'y trouve aussi un parlement
41 NTUMBA -LUABA LUMU A., Droit constitutionnel
général, op.cit., p. 353.
42 ESAMBO KANGASHE J-L., Le droit
constitutionnel, op.cit., p. 232.
43 Quoi qu'il en soit, nous retenons dans le cadre
de ce travail que le régime parlementaire est fondé sur la
confiance : le gouvernement doit disposer à tout moment de l'approbation
de sa majorité parlementaire.
22
Le droit de dissolution44, lui, est utilisé
de manière plus ou moins habituelle, même s'il est exact que la
stabilité de la majorité interdit de décrire ce
mécanisme comme une arme contre le parlement45. En fait, de
tous les moyens de pression dont dispose l'exécutif vis-à-vis du
parlement, le droit de dissolution demeure le plus efficace. Il consiste dans
une révocation collective de tous les parlementaires, qui sont
renvoyés devant leur organe de nomination (c'est-à-dire
devant le corps électoral).
Mais il faut préciser que lorsqu'il y a deux chambres
au parlement (l'assemblée nationale et le sénat) comme
c'est le cas pour la République démocratique du Congo, l'une
d'elles échappe fréquemment à la possibilité de
dissolution ; elle assure alors la continuité de la
représentation nationale. Parfois, l'autorisation de la seconde chambre
est nécessaire pour pouvoir dissoudre la première46 ;
la seconde chambre hésitant généralement à donner
son assentiment, par souci de ne point se trouver en conflit avec la
première si les électeurs y renvoient la même
majorité.47 Aussi, l'interpellation du gouvernement au
sénat ne peut déboucher sur une motion de censure ou de
défiance étant donné que le gouvernement n'est pas
responsable politiquement devant le sénat.48
Cela étant, il nous semble qu'en principe dans ce
régime, le premier ministre ne peut être désigné que
dans la majorité parlementaire (§1) pour que son gouvernement ait
la confiance de cette majorité ; et exceptionnellement, il peut
l'être après consultation de toute la classe politique (§2)
lorsque les circonstances l'exigent.
44 Le droit de dissolution se définit comme
le droit appartenant au gouvernement de mettre fin prématurément,
c'est-à-dire avant le terme légal, au mandat des parlementaires
d'une assemblée et ainsi provoquer de nouvelles élections.
45 FELDMAN J-P., « Un régime
parlementaire pour les pays d'Afrique », op.cit., p. 14.
46 Ceci constitue en effet une limitation
sérieuse aux prérogatives de l'exécutif.
47 DUVERGER M., Institutions politiques et
droit constitutionnel, Paris, Presse universitaire de France, 8ème
édition, 1965, p. 157.
48 NGOMA BINDA P., « République
démocratique du Congo. Démocratie et participation à la
vie politique : une évaluation des premiers pas dans la IIIème
République », in Open Society Initiative for Southern Africa,
2010, p. 171.
23
§1. Désignation du premier ministre dans
la majorité parlementaire
La désignation du premier ministre au sein de la
majorité parlementaire est différente de la désignation du
premier ministre par le parlement, car cette dernière est une
modalité de désignation possible dans le régime
présidentiel.
Cette forme de désignation est la plus originale dans
le régime parlementaire dans la mesure où le premier ministre
dans ce régime, doit nécessairement avoir la confiance de la
majorité parlementaire pour la survie de son gouvernement ; c'est
pourquoi, il est tout à fait logique qu'il soit issu de cette
majorité pour garantir la stabilité de son gouvernement. (A) il
faut aussi noter que lorsque les deux chambres du parlement sont égales,
le premier ministre doit avoir la confiance de toutes les deux chambres,
étant donné que lui et son gouvernement sont
inévitablement responsables devant les deux chambres, car les deux
chambres égales peuvent l'une comme l'autre paralyser la
législation demandée par le gouvernement pour la
réalisation de son programme politique générale et ainsi
le renverser.49
Ce faisant, il nous semble que c'est aussi l'unique
modalité de désignation du premier ministre prévu dans les
constitutions congolaises ayant consacré le régime parlementaire.
C'est aussi le cas pour les constitutions qui ont consacré le
régime mixte (le présidentialisme parlementaire) vu
précédemment, qui est à cheval entre le régime
présidentiel et le régime parlementaire ; et est
caractérisé par la réunion des éléments
positifs de ces deux autres régimes. Il est en outre
caractérisé par l'indépendance organique du Chef de l'Etat
vis-à-vis du parlement50 et par des moyens d'actions
réciproques entre pouvoirs51 et quelques modalités de
collaboration.
Toutes ces considérations doivent être comprises
avec un tempérament étant entendu que la majorité
parlementaire est une donnée variable, d'où le problème de
la
49 JACQUES CADART, Institutions politiques et
droit constitutionnel, Paris, Librairie générale de droit et
de jurisprudence, Tome II, 1975, P.564.
50 Cela s'explique par le fait que le Chef de
l'Etat est aussi un élu du peuple (précisément au
suffrage universel direct)
51 Dans le souci de maintenir le contre poids (la
responsabilité du gouvernement devant le parlement et la
possibilité de la dissolution du parlement par le gouvernement en cas de
crise).
24
confiance que bénéficie un gouvernement par la
majorité parlementaire, peut être relevée une fois que
cette majorité change.52 (B)
A. LA GARANTIE DE LA STABILITE
La stabilité des institutions en droit constitutionnel
est une notion très vaste, qui fait souvent allusion aux
problèmes de changements anticonstitutionnels des gouvernements.
Pour ce qui est de notre étude, nous employons ce terme
« stabilité du gouvernement » pour indiquer les
mécanismes consistant à éviter des crises entre le
gouvernement et le parlement, crises qui ont pour conséquence
l'instabilité du gouvernement. En effet, la désignation du
premier ministre dans la majorité parlementaire est en elle-même
une garantie de la stabilité du gouvernement qui devra être
institué.
Cela est évident dans la mesure où le premier
ministre nouvellement désigné et nommé et
bénéficiera en effet, de la confiance de la majorité
parlementaire dans laquelle il a été désigné et
pourra par la suite asseoir son pouvoir sans beaucoup d'embuches provenant du
parlement. Car comme on l'a évoqué précédemment, le
parlement, en vertu du principe de la responsabilité politique du
gouvernement devant le parlement en régime parlementaire, peut obliger
le gouvernement à démissionner ; ce qui n'est pas autre chose
qu'une sorte de révocation des membres de
l'exécutif.53
A cela, il est évident qu'un problème peut aussi
surgir, à savoir, après la désignation, la nomination et
l'investiture du premier ministre, la majorité parlementaire peut
changer. En d'autre termes, il y a une possibilité que le premier
ministre n'ait plus une majorité au parlement, parce qu'elle s'est
dissoute.
52 En effet, la majorité parlementaire,
souvent formée par plusieurs coalitions des partis politiques, peut
s'effondrer, notamment par la dissolution des coalitions
53 DUVERGER M., Institutions politiques et droit
constitutionnel, op.cit., p.161.
25
B. LA PROBLEMATIQUE DE LA VARIATION DE LA MAJORITE
PARLEMENTAIRE
Cette considération fait allusion à une
situation où lors de la nomination du premier ministre, le
président de la République disposait d'une majorité
présidentielle au parlement. Cependant, étant une donnée
variable, il existe toujours une possibilité qu'elle change lors d'une
mandature. A cet effet, une question se pose ; à savoir, quel est le
sort d'un premier ministre qui a obtenu le soutien et la confiance d'une
majorité parlementaire lors de sa désignation et son investiture
et qui par la suite s'est dissoute.
Comme nous l'avons déjà évoqué, en
principe c'est le président de la République qui nomme le premier
ministre, nonobstant le mode de sa désignation. Mais pour que ce dernier
gouverne, il a besoin du soutien de l'assemblée nationale, si non il y a
risque qu'une majorité des députés adoptent une motion de
censure qui le contraint et son gouvernement de démissionner.
Car en effet, ce n'est pas le programme du président de
la République, mais du premier ministre54 qui est mis en
oeuvre ; essentiellement, tout ce qui relève du domaine de la loi et ne
peut être adopté sans le soutien d'une majorité des
parlementaires.
En d'autres termes, ce vote de confiance, permet au
gouvernement de prouver qu'il détient la confiance des parlementaires,
et lui permet aussi d'exercer ses pouvoirs. Il s'en suit que s'il perd cette
confiance, il doit s'en aller, il doit démissionner. Il ne gouverne que
parce qu'il a la confiance du parlement. C'est d'ailleurs ici que se situe une
sorte d'ambigüité du régime parlementaire, car on peut en
conclure logiquement que le gouvernement est une sorte d'agent d'expression du
parlement ; et les parlementaires en tirent trop facilement la conclusion que
le
54 C'est le programme du premier ministre qui
réussit à réunir une majorité
26
gouvernement est leur chose, leur subordonné, leur
créature55, même si en réalité en
régime parlementaire, le gouvernement et le parlement sont
égaux56
Cependant, outre cette modalité de la
désignation du premier ministre en régime parlementaire, la
pratique politique, nous fait état d'une autre
modalité57, souvent non prévue par la constitution
mais à laquelle on recourt, dans le cas de la République
démocratique du Congo, pour résoudre certains problèmes
qui se posent dans la pratique politique.
§2. Désignation du premier ministre dans
la classe politique
La constitution n'est pas un texte mort et inerte. Elle vit et
développe toute une dynamique. Dans le fonctionnement des pouvoirs
publics apparaissent des pratiques constitutionnelles, des règles de
comportement non formalisés que les acteurs politiques
produisent.58 Ces règles informelles, dénommées
« conventions de constitution », sont différentes de
la coutume en ce qu'elles ne créent pas du droit et elles n'exigent pas
un certain nombre des précédents pour leur
formation.59
D'entrée de jeu, cette possibilité
exceptionnelle de désignation du premier ministre en dehors de la
majorité parlementaire dans un régime parlementaire, peut relever
plusieurs questions de droit, à savoir le rôle du pouvoir
législatif dans cette désignation ; mais aussi la
possibilité pour le pouvoir législatif d'annuler une ordonnance
ou un décret du président de la République
désignant le premier ministre.60
A ces interrogations, la doctrine semble être
divisée par rapport au point de vue.
55 JACQUES CADART, Institutions politiques et
droit constitutionnel, op.cit., p.565.
56 Raison pour laquelle ils disposent chacun des
moyens de pression contre l'autre dans le but de maintenir
l'équilibre.
57 Cette modalité consiste à designer
le premier ministre, non pas dans la majorité parlementaire comme
prévue constitutionnellement, mais en recourant aux consultations de
toute la classe politique (majorité et opposition) pour
résoudre certains problèmes.
58 Le cas le plus probant pour la RDC, c'est la
pratique des pouvoirs publics tendant à recourir aux consultations de la
classe politique et de la société civile ; autrement
appelée le « dialogue » pour résoudre certains
problèmes.
59 NTUMBA-LUABA LUMU A., Droit constitutionnel
général, op.cit., p. 127.
60 Dans la même veine, le journal Le
Potentiel, dans son numéro 6859 du 18 octobre 2016, s'est posé la
question de savoir « de qui répondra le gouvernement issu du
dialogue de l'UA », un gouvernement issu de la classe politique,
partis politiques confondus et de la société civile.
27
Une portion pense que l'intervention aussi bien du
président de la République dans la nomination du premier
ministre, que celle du pouvoir législatif dépendent des
prévisions constitutionnelles en vigueur dans un Etat;
c'est-à-dire, de la manière dont le constituant a organisé
les rapports et les compétences de chacun de ces pouvoirs. Ce point de
vue doctrinal semble être d'application en République
démocratique du Congo, qui depuis son indépendance, chacune de
ses Constitutions connues prévoyaient la procédure de la
désignation et l'autorité de nomination du premier
ministre.61
L'autre partie de la doctrine estime quant à elle que
la déformation autoritaire du régime présidentiel,
qualifiée par Jean-Louis ESAMBO KANGASHE de «
présidentialisme consulaire », contribue au renforcement
exagéré des pouvoirs de l'exécutif aux dépens des
autres organes de l'Etat, notamment, du parlement62 ; ce point de
vue rend impossible toute tentative d'annulation par le pouvoir
législatif d'un acte présidentiel désignant le premier
ministre dans la classe politique lorsque les circonstances l'exigent.
Il existe du moins une autre possibilité pour le
pouvoir législatif d'entraver l'ordonnance ou le décret
présidentiel après son entrée en vigueur, en
désapprouvant le projet du gouvernement présenté par le
premier ministre qui demande aux parlementaires un vote de confiance ; et dans
ce cas, le premier ministre récemment désigné par le
président de la République doit remettre sa démission
à ce dernier qui peut cependant décider aussitôt de le
renommer à ce poste.63
Du moins, on ne recourt à cette modalité
qu'après une longue consultation de toute la classe politique (A) pour
éviter des contestations une fois que le premier
61 Pour l'Acte portant dispositions
constitutionnelles relatives à la période de transition, le
Premier ministre est élu par la Conférence Nationale Souveraine
; Pour la Loi n°93-001 du 02 avril 1993 portant Acte Constitutionnel
harmonisé relatif à la période de transition, c'est au
Président de la république de nommer le Premier ministre
après consultation des forces politiques de la nation ; Pour la
Constitution de la RDC du 24 juin 1967 et le Décret-loi constitutionnel
n°003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation du pouvoir en RDC,
le Président est lui-même le Chef du Gouvernement ; Pour
la Constitution du 18 février 2006, le Premier ministre est issu de
la majorité parlementaire ; pour ne citer que celles-ci.
62 ESAMBO KANGASHE J-L., Le droit
constitutionnel, op.cit., p. 230.
63 Cette possibilité est une forme de motion
de censure contre tout le gouvernement récemment formé. Elle
n'est possible que si le premier ministre n'est pas issu de la majorité
parlementaire. (Sans ignorer le fait que la majorité parlementaire
reste une donnée variable et évolutive).
28
ministre sera désigné ; ou un dialogue entre la
classe politique et la société civile (B), pour éviter ou
résoudre une crise politique non résolue par la constitution et
les lois en vigueur.
A. LA CONSULTATION DE LA CLASSE POLITIQUE
Comme nous l'avons déjà souligné, cette
possibilité n'est pas prévu comme telle en droit constitutionnel
général et moins encore en droit constitutionnel congolais.
Cependant, il s'agit d'un mode auquel les congolais en particulier recourent
lorsqu'une crise politique imminente menacent ou lorsqu'ils se retrouvent dans
une situation non prévue par la constitution ; ou en fin lorsqu'il
s'agit de préserver l'unité de la nation.
Cela étant, il nous semble que dans ce cas
d'espèce, la majorité parlementaire ne joue pas dans le jeu
d'approbation du premier ministre désigné dans la classe
politique étant donné que la consultation préalable de
toute la classe politique, suppose aussi la consultation et en même temps
l'approbation du parlement, étant composée des parlementaires
issus de la classe politique.
Comparativement à la nomination du premier
ministère en régime parlementaire, où il est nommé
dans la majorité parlementaire, le président de la
République, étant le garant de la nation, le gardien de
l'unité de la nation et qui doit assurer la bonne marche des
institutions de la République, a l'obligation de consulter
préalablement à la nomination du premier ministre toute la classe
politique si cela va de l'intérêt de préserver
l'unité du pays et le bon fonctionnement des institutions du
pays.64
Ces consultations de toute la classe politique peuvent aboutir
à des dialogues assortis des clauses que chaque partie à ces
pourparlers doit respecter.
64 Il sied de noter qu'à ce niveau, nous
faisons référence à l'article 69 de la Constitution
congolaise en vigueur, qui confère uniquement au Président de la
république en exercice la compétence d'assurer la
continuité de l'Etat ; en vue de préserver la permanence de la
vie nationale. Il en résulte en d'autres termes que le président
de la République a l'obligation d'assurer le fonctionnement permanant
des institutions afin que ne s'arrête pas la vie de la Nation.
29
B. LE DIALOGUE ENTRE LA CLASSE POLITIQUE ET LA SOCIETE
CIVILE
Au lendemain des indépendances, la plupart des Etats
africains ont sombré dans la dictature des partis uniques qui, au lieu
de faire développer ces Etats nouvellement indépendants, les a
plongé dans la misère et dans une autre forme de colonisation ;
cette fois, une colonisation des africains par les africains.
Cependant, le discours programme de la Baule de l'ancien
président français François MITTERRAND, a ravivé et
attisé le désir des peuples africains de se débarrasser
des partis uniques pour la liberté démocratique.65Les
capitales africaines ont connu des soulèvements populaires revendiquant
la démocratie d'une part, et d'autre part les crises économiques,
politiques, sociales et institutionnelles mettaient en mal les partis uniques ;
d'où il était nécessaire de trouver une
solution.66
C'est l'origine même des conférences nationales
souveraines, qui se sont transformé en nos jours en dialogues entre la
classe politique et la société civile, représentant
l'ensemble du peuple, détenteur de la souveraineté, pour
débattre des questions sur la conduite et la gestion du pays.
Ces dialogues aboutissent pour la plupart aux accords
organisant les modalités de la formation du gouvernement (y compris
la désignation du premier ministre) et la gestion du pouvoir
public, tout en ne faisant pas forcément référence
à la constitution en vigueur ; et souvent ces dialogues sont à
l'origine même d'une nouvelle constitution. Ce qui justifie cette
inflation considérable des textes constitutionnels en RDC ; autrement
qualifié de « mouvement Brownien de constitutionnalisation,
déconstitutionnalisation et réconstitutionnalisation
».67
65 Cfr. Le contenu du discours de la Baule du 20
juin 1990 prononcé par François MITTERRAND, président de
la République française à l' occasion de la séance
solennelle d'ouverture de la 16ème conférence des
chefs d'Etat de France et d'Afrique.
66 Ces soulèvements populaires ont
été provoqué par l'installation dans les décennies
ayant suivi la décolonisation, des régimes politiques à
parti unique, considéré par beaucoup des jeunes Etats africains
comme une solution permettant de garantir la cohésion nationale et de
donner une image de peuple uni et solidaire.
67 VUDISA M., « L'avant projet de la
Constitution », in RDA, Bruxelles, juillet 1998, p. 270.
30
Néanmoins ces pratiques, qui aboutissent souvent
à la mise en place des conventions de constitution, sont
dépourvues de la valeur juridique. Toute fois elles possèdent une
valeur politique. Les violer ou aller à leur encontre peut même
troubler l'opinion publique qui ne manquera pas de s'interroger sur les raisons
de cette dérogation à la pratique.68
A la lumière des théories déjà
étalées, il nous est indéniable d'analyser les
modalités pratiques de la désignation du premier ministre en
droit positif congolais.
68 ARDANT P., Les institutions politiques et
Droit constitutionnel, Cité par NTUMBA-LUABA LUMU A., Droit
constitutionnel général, op.cit., p. 127.
31
CHAPITRE II : DES MODALITES PRATIQUES DE LA DESIGNATION
DU PREMIER MINISTRE EN DROIT POSITIF CONGOLAIS
Depuis son accession à la souveraineté
internationale, la République démocratique du Congo connait
déjà trois changements de Républiques69,
caractérisés par plusieurs changements et révisions
constitutionnels et par conséquent, des systèmes et
régimes politiques. En effet, la République démocratique
du Congo a connu une histoire politique que l'on peut qualifier de hors du
commun, avec des multiples changements anti constitutionnels des dirigeants
politiques, ainsi que des révisions de ces constitutions, autrement dit
d'inflation des textes constitutionnels ou de « kermesse
constitutionnelle »70 ; c'est pourquoi il faut admettre
que l'expérience congolaise en matière de pratique
démocratique manque de profondeur, en terme de
durée.71 C'est ce qui a provoqué des graves
conséquences sur le plan politique jusqu'à ce jour, à
savoir les violations fréquentes de la constitution, notamment en ce qui
concerne l'organisation à intervalles réguliers
d'élections à tous les niveaux, le non respect de la
procédure prévue pour la nomination des premiers ministres, pour
ne citer que ceci.
Paradoxalement, il y a de cela plus de demi-siècle
après l'indépendance de la République démocratique
du Congo et elle compte déjà un grand nombre de
diplômés sortis de toutes les grandes écoles du monde sans
que cette donne n'augmente leur qualité, encore moins leur
capacité d'implication positive dans le relèvement du pays. La
République démocratique du Congo continue donc à chercher
ses intellectuels, au
69 Pour ce qui est de la première
république, elle a été présidée en grande
partie par la constitution du 1er août 1964 outre l'emprise de
la Loi fondamentale. La deuxième république quant à elle a
connu la Constitution dite « révolutionnaire » du 24
juin 1967, révisée par la suite à plusieurs reprises ; et
enfin la troisième république, qui continue d'exister à
ces jours et a connu plusieurs Constitutions (de l'Acte constitutionnel de
la transition d'avril 1994 à la Constitution du 18 février
2006).
70 DJOLI ESENG'EKELI J., Le droit constitutionnel
Tome !! : l'expérience congolaise, Kinshasa, DJES, 2017, p. 25.
71 AKELE ADAU P. et DJOLI ESENG'EKELI J., «
Enjeux de la démocratie en République démocratique du
Congo : questions fondamentales pour la politique chrétien catholique
» in Pour l'épanouissement de la pensée juridique
congolaise-Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau, Kinshasa-Bruxelles, Presses
Universitaires de Kinshasa-Bruylant 2006, p. 22.
32
sens de personnalités capables de recourir à
leur cerveau pour affronter avec intelligence les défis politiques et
sociaux.72
Cette inflation constitutionnelle sans suprématie au
vrai sens du terme n'a pas d'impact positif sur la gestion du pouvoir ; car en
parlant de la suprématie de la Constitution, on sous entend
forcément le contrôle de la conformité des actes
législatifs et réglementaires à la norme fondamentale,
à savoir la Constitution.73 Cependant, en République
démocratique du Congo ces textes constitutionnels sont souvent
utilisés comme des écrans afin de camoufler le despotisme au lieu
de limiter des pouvoirs des gouvernants.
Ainsi, la beauté des textes est trahie par la pratique,
« le living constitution ».74 C'est aussi le cas
en ce qui concerne la désignation du premier ministre en droit positif
congolais, qui semble n'avoir jamais respecté totalement la
procédure prévue dans les constitutions connues par la
République démocratique du Congo. Certains75 estiment
que cette situation a des liens avec l'histoire coloniale congolaise.
En effet, les problèmes que connaît la nation
congolaise dans tous les secteurs de la vie nationale sont à notre avis
liés à la nature de l'Etat dont nous avons hérité
de la colonisation et qui n'a pas fondamentalement changé. Plus de
cinquante ans après l'indépendance, le peuple congolais vit dans
un Etat conçu et organisé pour exploiter les richesses naturelles
de son espace physique en vue d'alimenter les marchés internationaux.
L'administration publique et l'organisation institutionnelle congolaises sont
fortement marquées par cette philosophie.76
Nous estimons que plusieurs maux dont nous souffrons
aujourd'hui ne seront pas résolus si on ne repense pas l'organisation de
l'Etat en fonction du paradigme de l'indépendance, à savoir un
Etat congolais au service des citoyens congolais.
72 BONGELI YEIKELO YA ATO E., D'un
Etat-bébé à un Etat congolais responsable, Paris,
éd. L'Harmattan, 2008, p. 31.
73 DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel
Tome ! : principes structuraux, Ed. Universitaires africaines, 2010, p.
190.
74 DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel
Tome !! : l'expérience congolaise, op.cit, p. 30.
75 Comme KÄ MANA, Jacques DJOLI ESENG'EKILI,
Jean-Louis ESAMBO KANGASHE, Albert NTUMBA-LUABA LUMU et autres.
76 KÄ MANA, « Réflexions sur
l'invention et la refondation de l'Etat en RDC : Créer un nouvel
imaginaire politique », in Gouvernance et refondation de l'Etat en
RDC, Goma, juin 2012, p. IV.
33
C'est aussi le cas avec presque toutes les nominations des
premiers ministres connus dans l'histoire politique de la République
démocratique du Congo, qui n'ont pas respecté les
procédures préétablies ; on peut les qualifier d'ailleurs
de « partage du gâteau » au préjudice du
souverain primaire, qui est presque mis de côté.
De ce qui précède, nous allons analyser les
procédures de désignation des premiers ministres dans les
régimes présidentiels connus en République
démocratique du Congo, avec les conséquences politiques de ces
désignations (Section I), avant de les analyser dans les régimes
parlementaires (Section II).
SECTION I : EN REGIME PRESIDENTIEL
Cette section, consacrée à l'analyse des
modalités pratiques de toutes les désignations des premiers
ministres connus par la République démocratique du Congo depuis
son indépendance jusqu'à ces jours en régime
présidentiel, sera analysée en se basant sur les
Républiques connues par la République
démocratique du Congo depuis son indépendance jusqu'à nos
jours.
Etudier les différents régimes qui se sont
succédés en les qualifiant de
République77 ne fait pas l'unanimité de la
doctrine, car la partie qui s'en oppose estime que définir la
République comme le régime politique où le
pouvoir est chose publique, implique bien entendu que ses détenteurs
l'exercent non en vertu d'un droit propre (droit divin ou
hérédité), mais en vertu d'un mandat
conféré par le corps social.78 Ce qui rend incorrect,
selon cette partie de la doctrine, cette appellation liée au changement
de régime, étant donné que la République
démocratique du Congo a connu, depuis son indépendance à
ces jours, plus des régimes dictatoriaux que ceux
démocratiques.79
De ce qui précède, une question demeure
pendante, celle de savoir si la numérotation des Républiques
doit suivre soit le changement des dirigeants à la tête de
77 PICOTTE J., Juridictionnaire, Centre de
traduction et de terminologie juridiques, 2005, p. 1433.
78 GUINCHARD S., Lexique des termes
juridique, Paris, 19ème édition, 2012, p. 753.
79 Ici nous faisons référence aux
représentants du peuple, élus par ce dernier pour un temps et
responsables devant toute la nation, en d'autres termes, un Etat qui met au
centre du pouvoir le peuple, souverain primaire.
34
l'Etat (même après un coup d'Etat), les
révisions constitutionnelles, l'établissement de nouvelle
constitutions ou le changement des fondements philosophiques des régimes
?
Dans le cadre de notre étude, nous avons opté
pour le cumul de tous ces éléments80 pour parler du
changement de République. Pour ce faire, nous allons analyser
successivement les particularismes liés à la désignation
de tous les premiers ministres congolais dans la première
République (§1), la deuxième République (§2) et
la troisième République (§3).
§1. Désignation du premier ministre dans
la première République
L'accession de la République démocratique du
Congo à la souveraineté internationale ou son indépendance
marque le début de la première République ;
caractérisée par la naissance d'un Etat, qui jadis n'était
qu'une colonie sous tutelle de la métropole. La première
République a été aussi caractérisée par la
présence des animateurs illégitimes ou non élus à
la tête des institutions de la République, outre les rares
élections locales vécues à partir du 08 décembre
1957, date qui coïncide avec l'organisation, dans certaines villes et
communes, des premières élections municipales.81
Ce faisant, nous analyserons la procédure de la
désignation du premier ministre dans la première
République sous le régime de la constitution du 1er
Août 1964, qui est la seule constitution à avoir consacré
un régime présidentiel dans la première République
; tout en faisant la mise au point sur le respect ou non des prévisions
constitutionnelles en rapport avec la désignation et la nomination du
premier ministre.
80 C'est-à-dire le changement des dirigeants
à la tête de l'Etat (même après un coup
d'Etat), les révisions constitutionnelles, l'établissement
de nouvelle constitutions ou le changement des fondements philosophiques des
régimes.
81 ESAMBO KANGASHE J-L., Le droit
électoral congolais, Academia-L'Harmattan, Louvain-la-Neuve, 2015,
Avant propos.
35
DESIGNATION DU PREMIER MINISTRE SOUS LE REGIME DE
LA CONSTITUTION DU 1er AOUT 1964
La constitution du 1er août 1964, dite la
constitution de Luluabourg a été élaborée par
l'application des articles 382 et 483 de la Loi
fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo.
En effet, les articles 3 et 4 de la Loi fondamentale
décrivent cette dernière comme étant une constitution
provisoire ; par conséquent, il appartenait alors au pouvoir constituant
(le chef de l'Etat et les deux chambres parlementaires)
d'élaborer une constitution définitive, qui a été
la constitution de Luluabourg du 1août 1964.84
Cette constitution définitive soumise au referendum du
25 juin au 10 juillet 1964, et promulguée le 1er août
1964 avait pour ambition de vider toutes les ambigüités de la Loi
fondamentale en mettant en place un régime
présidentiel85 avec même un glissement
présidentialiste.86Le président Joseph KASA VUBU
étant resté seul maitre de bord, il n'était pas
étonnant qu'il puisse aménager, à travers la commission
constitutionnelle qu'il avait mise sur pied en lieu et place du pouvoir
constituant prévu par la Loi fondamentale, une commission lui
conférant des larges pouvoirs en tant que chef de
l'exécutif.87 Ce faisant, c'est lui qui nomme le premier
ministre et les autres membres du gouvernement88sans aucune autre
procédure préalable de sa désignation par une autre
institution que le président de la République.
82 Cet article dispose que « les
dispositions qui suivent resteront en vigueur jusqu'à la mise en place
des institutions publiques qui auront été organisées par
la constitution ».
83 L'article 4 dispose que « le chef de
l'Etat et les deux chambres composent le pouvoir constituant »
84 La Section IV de la Loi fondamentale traite de
l'élaboration de la constitution, c'est-à-dire, de la
procédure à suivre pour l'élaboration de la constitution
définitive. Cependant, la Loi fondamentale n'a pas été
appliquée à la lettre dans l'élaboration de cette
constitution définitive. L'Ordonnance n°278 du 27 novembre 1963
avait créé une commission nationale chargée
d'élaborer la nouvelle constitution. Le chef de l'Etat s'était
passé des deux chambres, qui ont refusé d'appliquer le programme
du chef de l'Etat dans l'élaboration de cette constitution.
85 PROMONTORIO V., les institutions dans la
constitution congolaise, Kinshasa, Concordia, 1964, p. 117.
86 ALBERTINI, Le droit de dissolution et le
système constitutionnel français, Cité par DJOLI
ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel Tome II : l'expérience
congolaise, op.cit., p. 96.
87 DJOLI ESENG'EKELI J., Idem.
88 Article 65 de la constitution de Luluabourg du
1er août 1964, Moniteur congolais, numéro
spécial du 1et août 1964.
36
Il faut aussi noter que cette constitution a
présidé la nomination d'un premier ministre qui a
été contesté par le parlement89 ; ce qui a
été à l'origine même du blocage des institutions
politiques par des graves conflits mis fin par le coup d'Etat du
Haut-Commandement de l'armée ; alors que cette constitution, outre les
mécanismes de contrôle parlementaire, entre autres la question
orale ou écrite, l'interpellation, l'audition par les commissions, la
commission d'enquête, l'avertissement ou la remontrance, n'avait pas
consacré la responsabilité politique90 du gouvernement
devant le parlement.91
Telle est l'économie de la première étape
de l'application des dispositions constitutionnelles de la première
République, à savoir lors du règne du président
Joseph KASAVUBU.
Cependant, le coup d'Etat du président
Joseph-Désiré MOBUTU, ayant marqué le début de la
deuxième République92, a consacré la
continuité des anciennes institutions politiques de la République
et la constitution de Luluabourg. Ce faisant, on peut alors parler de la
deuxième étape de l'application ou de l'emprise de cette
constitution.93
89 L'application de cette constitution a
été qualifiée par la doctrine d'impossible : le 13 octobre
1965, lors de son discours d'ouverture parlementaire, le président de la
République destitue le premier ministre sur base de l'article 54 de la
constitution et annonce la désignation d'un formateur du gouvernement en
la personne d'Evariste KIMBA, qui sera rejeté par le parlement le 18
octobre 1965 et sera désigné de nouveau par le président
de la République comme premier ministre et provoqua une crise qui
conduisit le Haut-Commandement à prendre le commandement de la
nation.
90 Cependant l'article 66 de cette constitution
donne le pouvoir d'approbation du gouvernement au parlement avant son
installation. Ce qui fait que si le parlement ne donne pas sa confiance au
gouvernement nouvellement nommé par le président de la
République, ledit gouvernement est réputé
démissionnaire. Ce faisant, nous estimons que le régime politique
institué par cette constitution n'est pas totalement
présidentiel, puisque ayant certains éléments du
régime parlementaire (la confiance du parlement au gouvernement
institué) mais un régime mixte, principalement un
régime semi-présidentiel, avec d'un côté le pouvoir
absolu du président de la République (Cfr les articles 54
à 63 de la Constitution) et de l'autre côté le pouvoir
du parlement de limité dans une certaine mesure ce pouvoir absolu du
président de la République par son approbation du premier
ministre nommé par le président ainsi que tout son
gouvernement.
91 Article 69 de la Constitution de Luluabourg,
Idem.
92 Ce coup d'Etat était justifié par
le Haut-Commandement de l'armée comme étant une solution au
blocage des institutions politiques du pays par les dirigeants politiques,
qualifié par l'armée « d'une lutte stérile pour
accéder au pouvoir sans aucune considération pour le bien
être des citoyens ».
93 Dans cette deuxième étape de
l'application de la constitution de Luluabourg, nous avons deux nominations des
premiers ministres conforment aux prévisions constitutionnelles : du 25
novembre 1965 au 26 octobre 1966 c'est Monsieur Leonard MULAMBA qui
était chef du gouvernement ; entre 1966 et 1977 le président de
la République avait installé un conseil exécutif.
37
§2. Désignation du premier ministre dans
la deuxième République
La deuxième République a été
inaugurée par le coup d'Etat du président
Joseph-Désiré MOBUTU, qui a, au début de son règne,
semblé maintenir la constitution de Luluabourg en vigueur,
(malgré son acte de coup d'Etat, qui est une remise en cause totale
de l'ordre constitutionnel) ainsi que les anciennes institutions de la
première République94jusqu'en juin 1967.
En effet, parler de la deuxième République
revient à parler du régime Mobutu, qui a inauguré et
clôturé cette deuxième République La deuxième
République a été en grande partie sous l'emprise de la
constitution du 24 juin 1967, qui a abrogé la constitution de Luluabourg
et qui semble avoir été l'élément
déterminant ce qui concerne la légalité du régime
Mobutu, qui était jusqu'en 1966 encore illégal et
illégitime.95
Cette constitution a subi des multiples
révisions96, qui ont eu des grandes incidences sur la forme
de l'Etat et la nature du régime politique97 en place.
94 MOBUTU SESESEKO WAZABANGA J-D., Discours,
allocutions et messages, Tome I, Proclamation du Haut-Commandement
militaire des Forces Armées du 24 novembre 1965, p. 14.
95 C'est une des raisons d'être de cette
constitution, car selon une portion de la doctrine, principalement les
constitutionalistes congolais ; ce nouveau régime ne s'accommodait pas
avec l'ancienne constitution. Il fallait donc mettre en place une nouvelle
constitution qui devra poser des nouvelles conceptions du pouvoir et
l'organisation politique et administrative de l'Etat.
96 Cette constitution a connu au moins 17
révisions selon Jacques DJOLI ESENG'EKELI dont les principales sont les
suivantes : La loi du 23 décembre 1970 consacrant
l'institutionnalisation du MPR ; la loi du 15 août 1974 instituant le
Mobutisme comme doctrine du MPR et consacrant la plénitude de l'exercice
du pouvoir par la président de la République et la loi du 15
février 1978 libéralisant l'exercice du pouvoir au sein du
MPR.
97 Notamment avec la révision de 1974 qui a
institué le mobutisme et a consacré un régime politique
adopté est authentiquement Zaïrois (Cfr le Titre 1er
de cette constitution révisée), un régime politique
sui generis qui ne comprend qu'une seule institution, le MPR, qui
détient la plénitude du pouvoir dont le président est
l'incarnation. Il y a aussi la Loi n°002/90 du 05 juillet 1990 portant
révision de certaines dispositions de la Constitution du 24 juin 1967,
qui a révisé et complété la constitution, notamment
en instituant une sorte de multipartisme limité à trois partis
politique ; et la Loi n°90-008 du 25 novembre 1990 portant révision
d'une disposition de la constitution, qui a consacré le multipartisme
intégral que la Loi du 05 juillet 1990 avait limité à
trois partis.
38
DESIGNATIONS DU PREMIER MINISTRE SOUS LA CONSTITUTION
DU 24 JUIN 1967
La lecture de cette constitution98 nous
amène à estimer que cette constitution a consacré un
régime présidentiel99 ou mieux un régime de
type présidentialiste'°° ; c'est pourquoi le
pouvoir du président de la République était fortement
renforcé'°', notamment par toutes les révisions
qu'a subi cette constitution et même la procédure des pleins
pouvoirs lorsque graves événements menacent d'une manière
immédiate la nation.'°2 Si certains ont vu dans une
telle attitude le souci réel d'assurer la survie ainsi que la
stabilité des institutions, il sied que cette logique ne pouvait
qu'être une consécration d'un pouvoir de fait qui devrait
inéluctablement conduire à des abus et à
l'arbitraire.'°3
De ce fait, on peut déjà imaginer ce que
pourraient être les modalités de la désignation du premier
ministre et les autres membres du gouvernement dans un tel régime.
Effectivement le premier ministre et les autres membres du gouvernement sont
directement nommés et révoqués par le président de
la République'°4dont il est lui-même
chef.'°5
A cela, l'histoire politique de la République
démocratique du Congo fait état de sept nominations de premiers
ministres sous l'emprise de cette constitution'°6et que l'on
peut qualifier de nominations constitutionnelles.
98 Principalement les articles qui régissent
les relations entre les pouvoirs à savoir, de l'article 20 à
l'article 55 de ladite constitution.
99 C'est aussi le point de vue de Jacques DJOLI
ESENG'EKELI, lorsqu'il estime que le régime présidentiel est
celui qui, en assurant au maximum l'indépendance des pouvoirs,
réalise leur séparation la plus complète.
100 ESAMBO KANGASHE J-L., Traité de droit
constitutionnel congolais, Paris, L'Harmattan, 2017, p. 203.
101 Cfr le Mémoire explicatif du projet de Constitution
établi sur la base des textes de l'avant projet présenté
au président de la République et sur base des discutions de la
Commission politique du gouvernement, Journal officiel de la République
du Zaïre, Moniteur congolais n°14 du 17 juillet 1967.
102 Article 54 de la constitution du 24 juin 1967.
103 DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel Tome II :
l'expérience congolaise, op.cit., pp. 113-114.
104 Article 29 de la constitution du 24 juin 1967
105 Article 30 Idem.
106 Ces nominations sont les suivantes : du 06 juillet 1977 au
06 mars 1979 le premier ministre était Monsieur MPINGA KASENDA ; la
période allant du 06 mars 1979 au 27 août 1980 était sous
l'autorité de Monsieur BO-BOLIKO LOKONGA comme premier ministre ; entre
le 27 août 1980 et le 23 avril 1981 le gouvernement avait à sa
tête Monsieur Jean-NGUZA KARL-BLOND ; du 23 avril 1981 au 05 novembre
1982 c'était Monsieur Joseph UNTUBE N'SINGA UDJUU, qui était le
chef du gouvernement ; entre le 05 novembre 1982 et le 31 octobre
39
La fin de la deuxième République a
été marquée par une longue période de transition
régie par plusieurs textes à valeur constitutionnelle
qualifiés de « constitutions de la transition ».
§3. Désignation du premier ministre
pendant la transition (avec un penchant vers le
présidentialisme)
La transition peut être définie comme le
processus de transformation qui fait passer un système autocratique vers
une gouvernance démocratique. Autrement dit, une constitution de la
transition est un chef-d'oeuvre dans le domaine de la démocratisation de
la vie politique en République démocratique du
Congo.107
Ces constitutions ont été
élaborées à la suite de la crise politique et/ou militaire
par les accords politiques qui en constituent, par ailleurs, le fondement ;
elles apparaissent provisoires, circonstancielles et tournées vers la
gestion épisodique du pouvoir politique.108
La République démocratique du Congo a connu sa
transition entre 199O et 2006 (qui prend fin par la promulgation de la
constitution du 18 février 2006), qui, selon une partie de la
doctrine, est partagée en trois grandes périodes, à
savoir, la transition disputée, la transition imposée ou
autoritaire et la transition partagée.109 Cependant, il faut
noter que les modalités de la désignation du premier ministre
telles que prévues dans ces textes majeurs à valeur
constitutionnelle pris pendant toute la transition peuvent être
analysées selon le régime politique consacré par chacun de
ces textes constitutionnels.
1986, la primature était gérée par
Monsieur KENGO WA DONDO ; du 27 janvier 1987 au 07 mars 1988 Monsieur MABI
MULUMBA était le premier ministre ; entre le 07 mars 1988 et le 26
novembre 1988 le gouvernement avait pour premier ministre Monsieur SAMBWA PIDA
NBANGUI et enfin entre le 26 novembre 1988 et le 04 mars 1990, c'est Monsieur
KENGO WA DONDO était revenu à la primature.
107 MUKUBI KABALI KAMANGO P., Constitution de la
transition : ses questions essentielles, Kinshasa, Ed. ITONGOA, 2003, p.
9.
108 ESAMBO KANGASHE J-L., Traité de droit
constitutionnel congolais, op.cit., p. 40.
109 DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel Tome II :
l'expérience congolaise, Idem.
40
A. LA LOI N°002/90 DU 05 JUILLET 1990 PORTANT
REVISION DE CERTAINES DISPOSITIONS DE LA CONSTITUTION DU 24
JUIN 1967
Cette loi a été promulguée dans le souci
d'appliquer les décisions prises par le président
Joseph-Désiré MOBUTU lors de son discours du 24 avril 1990,
axé sur l'introduction du multipartisme à trois et le pluralisme
syndical, l'abolition de l'institutionnalisation du MPR comme parti-Etat,
l'instauration d'une période de transition allant jusqu'au 30 avril 1991
et l'élaboration par une Commission Constituante d'une constitution
définitive devant être soumise à un referendum et
appelée à régir la troisième
République.110
Cette loi a maintenu la même nature du régime
politique consacrée par la version initiale de la constitution du 24
juin 1967 outre les éléments du régime parlementaire
contenus dans cette loi constitutionnelle111, qui ne sont que de
façade, sans commune mesure avec la réalité du pouvoir qui
est restée concentrée entre les mains du président de la
République en dépit de la restauration du multipartisme à
trois.112
Pour ce qui est de la désignation du premier ministre,
un seul premier ministre, nommé par le président de la
République, a régné pendant cette première
période de transition connue par la République
démocratique du Congo, à savoir Monsieur Vincent de Paul LUNDA
BULULU ; et sa nomination a été conforme aux prescrits de la
constitution du 24 juin 1967.
Cependant, la période suivant cette première
transition (c'est-à-dire entre avril 1991 et août 1992) a
été marquée par la nomination de quatre premiers
ministres.113
110 Contenu global de l'exposé des motifs de la Loi
n°002/90 du 05 juillet 1990 portant révision de certains articles
de la constitution du 24 juin 1967.
111 Notamment la responsabilité du gouvernement devant
l'assemblée nationale, l'unique chambre du Parlement (article
52), le contrôle parlementaire sur le gouvernement et cela sans
possibilité de motion (de défiance ou de censure)
112 IMBAMBO LA NGANYA J-R., cité par DJOLI ESENG'EKELI
J., Droit constitutionnel Tome II : l'expérience congolaise,
op.cit., p. 137.
113 Entre le 1er avril 1991 et le 29 septembre
1991, le chef du gouvernement était Monsieur MULUMBA LUKOJI ; du 29
septembre 1991 au 1er novembre 1991, Monsieur Etienne TSHISEKEDI
était à la tête du gouvernement ;
41
B. L'ACTE PORTANT DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES
RELATIVES A LA PERIODE DE TRANSITION DU 04 AOUT 1992
Cette constitution a été élaborée
sur base des grandes lignes du discours du président de la
République du 24 avril 1990 et sur base de la configuration
institutionnelle consacrée par la Loi n°002/90 du 05 juillet
1990114, à la seule différence que, le gouvernement
est désormais dirigé par un premier ministre, responsable devant
le Haut conseil de la République, assumant également les
fonctions législatives et de contrôleur de l'exécutif, des
entreprises publiques et des services publics.115
Cependant, il s'est avéré que pour des raisons
politiques116, l'Acte en question n'a pas été
signé conjointement par le président de la CNS et le
président de la République, et surtout n'ayant pas
été promulgué par le président de la
République, et par conséquent non publié au journal
officiel. Il est donc considéré comme un texte
inexistant.117
Cela étant, nous pouvons affirmer que c'est la
constitution du 24 juin 1967 telle que modifiée et
complétée qui demeurait toujours en vigueur pendant cette
période. Et c'est sur base de cette constitution que le 19 août
1992, le président de la République a pris une ordonnance nommant
Monsieur Etienne TSHISEKEDI premier ministre, après avoir
été élu118 par la Conférence nationale
souveraine le 14 août de cette même année.
la période allant du 1er novembre 1991 au 25
novembre 1991 était sous la gouvernance de Monsieur Bernardin MUNGUL
DIAKA comme premier ministre et en fin entre le 25 novembre 1991 et le 15
août 1992, c'est Monsieur Jean NGUZA KARL-BLOND, qui était
à la tête de la primature.
114 A savoir les institutions de la République sont :
le Président de la République, l'Assemblée nationale, le
Gouvernement et les Cours et tribunaux.
115 ESAMBO KANGASHE J-L., Traité de droit
constitutionnel congolais, op.cit., p. 45.
116 Ces raisons peuvent être résumées par
le simple fait que le président Joseph-Désiré MOBUTU n'a
pas voulu consacrer le début du dépouillement de ses
prérogatives constitutionnelles et de son pouvoir.
117 DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel Tome II :
l'expérience congolaise, op.cit., p. 140.
118 Cette élection préalable d'un candidat
premier ministre avant sa nomination par le président de la
République était une innovation dans l'histoire politique
congolaise et en droit positif congolais et cela était du au fait que
seul la CNS convoquée par la président de la République
était le regroupement qui pouvait parler au nom du peuple et de ce fait,
elle a élu Monsieur Etienne TSHISEKEDI à 70,8% des voix contre
Messieurs Thomas KANZA et Clément KANKU, ses adversaires.
42
Il sied de noter que nous allons ignorer dans le cadre de
cette étude, l'analyse du Décret-loi n°003 du 27 mai 1997
relatif à l'organisation et à l'exercice des pouvoirs publics en
République démocratique du Congo, en raison de son organisation
de l'exercice du pouvoir où le chef de l'Etat lui-même joue le
rôle du chef du gouvernement119 ; et par conséquent
cette constitution n'a pas prévu les fonctions du premier ministre.
Il en est de même concernant l'analyse de la
désignation du premier ministre dans la constitution de la transition du
04 avril 2003 approuvée et adoptée par la Plénière
du Dialogue inter congolais le 1er avril 2003 à Sun City en
RSA, et promulguée par le président Joseph KABILA.120
Cette constitution a vu le jour dans un contexte post-conflit que
prétend gérer l'Accord global et inclusif sur la transition
politique en République démocratique du Congo121, la
constitution du 04 avril 2003 aménage, de manière
singulière, les pouvoirs publics avec en toile de fond le partage des
responsabilités entre composantes et entités au dialogue inter
congolais.122
Ce qui fait que malgré la formule 1+4 qui apparait
à la présidence et ferait penser à un exercice
collégial du pouvoir et la présence d'un gouvernement
pluripartite, l'exécutif de la République démocratique du
Congo est monocéphal123 sous cette constitution.
Cette constitution semble être floue quant au
régime politique consacré, du fait qu'elle n'avait pas repris
avec fidélité les prescrit de l'Accord global et inclusif, en
sigle AGI en matière des rapports entre les pouvoirs, principalement,
qui consacre que
119 Cfr les articles 6, 7, 9 et 10 du Décret-loi
n°003 du 27 mai 1997.
120 NZUZI PHUKUTA D., Grandes lignes de la nouvelle
constitution de la transition en RDC, Kinshasa, Publication de la
Fondation Konrad Adenauer, 2003, p. 7.
121 Cet Accord politique est l'oeuvre des composantes et
entités du Dialogue Inter congolais à savoir, le Gouvernement de
la RDC, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), le
Mouvement de Libération du Congo (MLC), l'Opposition politique, les
Forces vives, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie/Mouvement de
Libération (RCD/ML), le Rassemblement Congolais pour la
Démocratie/National (RCD/N) et les Maï-Maï. Et cet accord
avait pour soubassement juridique : l'Accord pour un cessez-le-feu en RDC
signé à LUSAKA les l0, 30 et 31 juillet 1999; les
Résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations
Unies relatives au conflit en RDC ainsi que les Résolutions du Dialogue
inter congolais tenu à Sun-City (Afrique du Sud) du 25 février
2002 au 19 avril 2002.
122 ESAMBO KANGASHE J-L., Traité de droit
constitutionnel congolais, op.cit., p. 50.
123 KAMUKUNY MUKINAY A., « la constitution de la
transition congolaise à l'épreuve du constitutionalisme
» in Pour l'épanouissement de la pensée juridique
congolaise-Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau, Kinshasa-Bruxelles, Presses
Universitaires de Kinshasa-Bruylant 2006, p. 176.
124 Point III.4 de l'Accord global et inclusif sur la transition
en RDC, p. 3. Journal Officiel, n°spécial du 5avril 2003.
43
les institutions de la transition reposeront sur le principe
de la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le
législatif et le judiciaire.124
De ce fait, il va falloir analyser les modalités
pratiques de désignation du premier ministre dans tous les
régimes parlementaires consacrés par les constitutions connues
par la République démocratique du Congo.
SECTION II : EN REGIME PARLEMENTAIRE
Parler des modalités pratiques de la désignation
du premier ministre en régime parlementaire dans l'histoire politique de
la République démocratique du Congo revient à
étudier une partie de la première République (§1),
ayant été sous l'emprise de la Loi fondamentale du 19 mai 1960,
et une partie de la transition (§2) entre avril 1993 et avril 1994 avec
les deux Lois de révision constitutionnelle de la transition ; sans
ignorer l'étude de la constitution ayant inauguré la
troisième République (§3) avec la problématique
d'application des accords politiques en matière de désignation du
premier ministre dans la troisième République (§4).
§1. Désignation du premier ministre dans
la première République
La première République a été
présidée par deux constitutions, à savoir la Loi
fondamentale du 19 mai 1960 et la Constitution de Luluabourg du 1er
août 1964. Chacune de ces constitutions a organisé sa forme de
l'Etat et du régime politique.
Ce qui fait que dans la première République, une
seule constitution a consacré un régime politique parlementaire,
à savoir la Loi fondamentale du 19 mai 1960 qu'il convient d'analyser,
principalement les modalités pratiques de la désignation du
premier ministre sous son emprise dans les lignes qui suivent.
44
SOUS LE REGIME DE LA LOI FONDAMENTALE DU 19 MAI
1960
La Loi Fondamentale du 19 mai 1960 est une constitution dite
octroyée125 dans la mesure où les pouvoirs
constitués et le peuple n'ont pas participé à son
élaboration. Même si nous devons reconnaitre qu'elle a
été élaborée suivant les principes définis
par la table ronde, elle apparait comme une charte octroyée par le
parlement Belge.126 Cette constitution a institué un
régime parlementaire moniste127 en raison de la
responsabilité politique du gouvernement devant la
majorité parlementaire.128Autrement dit, la Loi
fondamentale a consacré l'activité étatique entre les
mains d'une seule volonté politique, celle du gouvernement dirigé
par le premier ministre et cela en prévoyant un exécutif
bicéphale129, un Chef de l'Etat irresponsable politique
devant un parlement130 bicamérale131, le droit de
dissolution.132
Cette constitution donne au chef de l'Etat la liberté
de désigner et l'autorité de nommer le premier ministre ainsi que
les autres membres du gouvernement.133
A cela il faut noter que toutes les nominations134
des premiers ministres sous l'emprise de cette constitution ont respecté
la procédure constitutionnelle135.
125 ESAMBO KANGASHE J-L., Traité de droit
constitutionnel congolais, op.cit., p. 34.
126 DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel Tome II :
l'expérience congolaise, op.cit., p. 71.
127 Selon Jean-Louis ESAMBO, un régime parlementaire
moniste est celui dans lequel le chef de l'Etat s'efface de l'exercice du
pouvoir au profit d'un gouvernement dirigé par un premier ministre ayant
la confiance du parlement.
128 ESAMBO KANGASHE J-L., Traité de droit
constitutionnel congolais, op.cit., p. 36.
129 Outre ce que l'article 17 de la Loi Fondamentale, à
son alinéa 1er prévoit concernant le chef de l'Etat,
à savoir « le pouvoir exécutif appartient à ce
dernier sous contreseing du ministre responsable », l'article 35
prévoit que « le gouvernement est composé du premier
ministre et des ministres » et l'article 346 précise que
« c'est le premier ministre qui conduit la politique de l'Etat en
accord avec le conseil des ministres qu'il préside ».
130 C'est l'article 20 qui consacre l'irresponsabilité
politique du chef de l'Etat, en prévoyant « qu'aucun acte du
chef de l'Etat ne peut produire des effets s'il n'est contresigné par un
ministre qui pour cela s'en rend responsable ».
131 BOMANDEKE BONYEKA B., Histoire parlementaire
congolaise, Konrad adenauer stifuting, 2007, p. 10.
132 LAUVAUX Ph., la dissolution des assemblées
parlementaires, Cité par DJOLI ESENG'EKELI J., Droit
constitutionnel Tome II : l'expérience congolaise, op.cit., p.
81.
133 Article 22 de la Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative
aux structures du Congo, in M.C ; du 02 juin 1960.
134 En effet, il y a eu six nominations des premiers ministres
par le président Joseph KASA VUBU sous l'emprise de la Loi fondamentale
: Du 24 juin 1960 au 5 septembre 1960 le quinquennat du premier ministre
Patrice Emery LUMUMBA ; du 12 septembre 1960 au 20 septembre 1960 est une
période dans laquelle Monsieur Joseph ILEO avait exercé pour sa
premier fois les fonctions du premier ministre ; entre le 20 septembre 1960 et
le 9 février 1961 c'est Monsieur Justin-Marie BOMBOKO qui était
premier ministre ; du 09 février 1961 au 27 juillet 1961 était le
second règne de Monsieur Joseph ILEO en tant que premier ministre ;
entre le 2 août 1961
45
Cette application de la constitution en ce qui concerne la
nomination du premier ministre n'a pas eu des incidents politiques
négatifs en ce qui concerne la cohabitation à la fois du
gouvernement avec le parlement et du premier ministre, garant de la politique
du gouvernement avec le chef de l'Etat.
Cependant, l'incident intervenu en septembre
1960136, à savoir la révocation du premier ministre
par le chef de l'Etat, se fondant sur les articles 20 et 22 de la loi
fondamentale, ainsi que la révocation du chef de l'Etat par le premier
ministre se fondant sur l'article 33 de la Loi fondamentale, a
été provoqué par le fait que la Loi Fondamentale, comme
nous l'avions déjà évoqué, a été
élaborer sans faire participer ses destinataires.
C'est ce que Gérard CONAC qualifie de «
mimétisme constitutionnel » en estimant que la plupart des
constitutions africaines ont été élaborées à
une époque où les pays n'étaient pas indépendants.
Il s'agira donc d'un legs politique et institutionnel muri
ailleurs137 qui pourrait expliquer la tendance naturelle des
anciennes colonies à emprunter à l'ancien dominateur sa
technologie politique.138Un autre incident est celui intervenu lors
de l'ouverture de la session parlementaire de mars 1963, où le
président Joseph KASA VUBU s'est débarrassé du parlement
dans l'examen du projet de la constitution définitive prévue par
la Loi fondamentale, en mettant en place une commission extra-parlementaire
pour l'élaboration d'un projet de constitution qui devra être
directement soumis au referendum.139
Il importe de noter que la deuxième république a
été présidée par une constitution (la
constitution du 24 juin 1967s) ayant consacré un régime
et le 30 juin 1964 c'est Monsieur Cyrille ADOULA qui
était le chef du gouvernement ; en fin du 10 juillet 1964 jusqu'au 13
octobre, après même la promulgation de la nouvelle constitution
définitive, c'est le gouvernement Evariste KIMBA qui était en
place.
135 Ces nominations ont en somme respecté l'article 22
de la Loi fondamentale, qui a donne au chef de l'Etat le pouvoir de nommer et
de révoquer le premier ministre et ses ministres.
136 BOMANDEKE BONYEKA B., Histoire parlementaire
congolaise, op.cit., p. 14.
137 CONAC G., Quelques réflexions sur le nouveau
constitutionalisme Africain, cité par MUGASA YALALA P.,
L'internationalisation des constitutions africaines, cas des Etats
d'Afrique centrale francophone : Le Cameroun, la RDC, la République du
Congo, le Gabon et le Tchad, Travail de fin de cycle, UCC, 2015-2016, p.
14.
138 MEDARD J., « Le modèle unique d'Etat en
question » in Revue international de politique comparée, 2006,
p. 681.
139 Ordonnance n°226 du 29 septembre, cité par
BOMANDEKE BONYEKA B., Histoire parlementaire congolaise, op.cit.,
p. 19.
46
présidentiel.140 Cela étant, nous
allons analyser une partie de la transition en marge de cette constitution
ayant été organisée selon la configuration du
régime parlementaire.
§2. Désignation du premier ministre
pendant la transition (avec un penchant parlementariste)
Cette transition n'a durée qu'une année,
présidée par deux textes principaux, à savoir, la Loi
n°93-001 du 02 avril 1993 (A) et l'Acte constitutionnel de la transition
du 09 avril 1994 (B).
A. LA LOI N°93-001 DU 02 AVRIL 1993 PORTANT ACTE
CONSTITUTIONNEL HARMONISE RELATIF A LA PERIODE DE TRANSITION
Cette constitution a été une initiative du
président de la République dans le but de mettre fin au
dédoublement constitutionnel141qui a plongé l'Etat
dans une forte crise politique.
Afin de résoudre la crise, le président
Joseph-Désiré MOBUTU convoque un conclave politique national au
palais de la nation à Kinshasa du 09 au 19 mars 1993 en vue
d'élaborer un projet de constitution unique devant régir la
transition et mettre en place un gouvernement de large union
nationale.142
Cette constitution a mis en place un régime proche du
parlementarisme143 avec un premier ministre seul responsable devant
le parlement, présenté comme une réponse à la
préoccupation de clarifier la base juridique du fonctionnement des
institutions. Le lendemain de la promulgation de cette constitution de
transition, Monsieur Faustin BIRINDWA, fondateur de l'UDPS a été
nommé par le président de
140 ESAMBO KANGASHE J-L., Traité de droit
constitutionnel congolais, op.cit., p. 203.
141 En effet, entre le mois d'août 1992 et le 19 mai
1993 le pays a traversé une crise au sommet de l'Etat avec deux
constitutions, l'une reconnue par le président de la République
et l'autre soutenue par les formations politiques de l'opposition.
142 DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel Tome II :
l'expérience congolaise, op.cit., p. 142.
143 ESAMBO KANGASHE J-L., Traité de droit
constitutionnel congolais, op.cit., p. 47.
47
la République avec son gouvernement qui sera toujours
combattu.144 Ce qui va amener la classe politique encore à
des négociations faisant naitre une nouvelle constitution.
B. L'ACTE CONSTITUTIONNEL DE LA TRANSITION DU
09
AVRIL 1994
Comme c'était le cas avec la Loi n°93-001 du 02
avril 1993, le projet de cette nouvelle constitution a été
initiée dans le but de résoudre la crise institutionnelle
provoquée par le dédoublement constitutionnel et institutionnel
jamais totalement résolu jusque-là.
Initié par le président du Haut conseil de la
République avec l'accord du président de la
République145, les négociations sont entamées
pour dégager un nouveau cadre constitutionnel. Réuni en
plénière le 20 janvier 1994, le Haut conseil de la
République, HCR en sigle adopte le principe d'intégrer les
membres de l'assemblée nationale et le nouveau parlement devient
«le Haut conseil de la République-Parlement de
transition»146, qui se réunit à son tour en
session extraordinaire et adopte le 30 mars 1994 un nouveau texte
constitutionnel, qui sera à son tour promulgué par le
président de la République le 09 avril 1994.147
Cette constitution organise un régime
parlementaire148dualiste dans lequel seul le premier ministre et son
gouvernement sont responsables devant le parlement (HCR).149Ce
régime institué est aussi qualifié d'un régime
hybride mi-parlementaire, mi-présidentiel autrement qualifié de
semi-présidentiel.150
Cette constitution a consacré une procédure
inhabituelle concernant la désignation du premier ministre et fait la
différence entre la désignation et la nomination du premier
ministre, à savoir le premier ministre est présenté,
après concertation avec la classe
144 DJOLI ESENG'EKELI J., Idem.
145 ESAMBO KANGASHE J-L., Traité de droit
constitutionnel congolais, op.cit., p. 47.
146 BOMANDEKE BONYEKA, Histoire parlementaire congolaise,
op.cit., p. 46.
147 DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel Tome II :
l'expérience congolaise, op.cit., p. 144.
148 Cfr la responsabilité politique du gouvernement
devant le parlement et le rôle du parlement dans la désignation du
premier ministre.
149 Article 81 de l'Acte constitutionnel de la transition du 09
avril 1994.
150 BAKANDEJA WA MPUNGU G., « La nouvelle constitution
de la République démocratique du Congo : sources et innovations
», article téléchargé sous format pdf le 17
avril 2018, à 13h40', p. 14.
48
politique, par la famille politique à laquelle
n'appartient pas le Chef de l'Etat, dans les dix jours à compter de la
promulgation de la constitution (l'Acte constitutionnel de la transition du
09 avril 1994).151Cette nouvelle procédure dans la
désignation et la nomination du premier ministre s'explique selon nous
par le souci de trouver un consensus dans la gestion du pouvoir public entre le
parti au pouvoir, l'opposition, voire les citoyens, afin de mettre fin à
la crise politique qui n'avait que trop durée.152
§3. Désignation du premier ministre dans
la troisième République
La troisième République a commencé avec
la promulgation de la constitution définitive153intervenue en
date du 18 février 2006. En effet, l'exposé des motifs de cette
nouvelle constitution énonce l'essentiel du contexte politique et social
de son élaboration154sans ignorer que c'est une constitution
qui reste marquée par le poids de l'histoire politique du pays et les
crises sociopolitiques récurrentes.155 Cependant si ces
crises récurrentes (politiques, économiques, sociales),
qui ont sévi et sévissent encore dans une certaine mesure en
République démocratique du Congo, ont
151 Extrait de l'article 78 Idem.
152 Sous l'emprise de cette constitution, trois chef de
gouvernement ont été désignés et nommés par
le président de la République, à savoir : entre le 16 juin
1994 et le 02 avril 1997, Monsieur Léon KENGO WA DONDO était
à la tête du gouvernement (il a été élu
le 14 juin 1994), du 02 avril 1997 au 09 avril 1997, Monsieur Etienne
TSHISEKEDI qui n'a pas dirigé parce qu'ayant refusé
d'intégrer dans son gouvernement les alliés du Président
de la République, et enfin entre le 09 avril et le 16 mai (la fin du
règne du Marechal MOBUTU) c'est le Général LIKULIA
BOLONGO qui a dirigé le gouvernement comme premier ministre.
153 Conformément aux articles 98 et 205 de la
Constitution de la transition du 04 avril 2003 qui prévoyaient que cette
dernière devrait cesser de produire des effets à la promulgation
de la constitution de la troisième République.
154 Depuis son indépendance, le 30 juin 1960, la
République Démocratique du Congo est confrontée à
des crises politiques récurrentes dont l'une des causes fondamentales
est la contestation de la légitimité des institutions et de leurs
animateurs. Cette contestation a pris un relief particulier avec les guerres
qui ont déchiré le pays de 1996 à 2003. En vue de mettre
fin à cette crise chronique de légitimité et de donner au
pays toutes les chances de se reconstruire, les délégués
de la classe politique et de la Société civile, forces vives de
la Nation, réunis en Dialogue-inter congolais, ont convenu, dans
l'Accord Global et Inclusif signé à Pretoria en Afrique du Sud le
17 décembre 2002, de mettre en place un nouvel ordre politique,
fondé sur une nouvelle Constitution démocratique sur base de
laquelle le peuple congolais puisse choisir souverainement ses dirigeants, au
terme des élections libres, pluralistes, démocratiques,
transparentes et crédibles. A l'effet de matérialiser la
volonté politique ainsi exprimée par les participants au Dialogue
inter-Congolais, le Sénat issu de l'Accord Global et Inclusif
précité, a déposé, conformément à
l'article 104 de la Constitution de la transition, un avant-projet de la
nouvelle Constitution à l'Assemblée nationale qui l'a
adopté sous-forme de projet de Constitution soumis au
référendum populaire.
155 BAKANDEJA WA MPUNGU G., « La nouvelle constitution
de la République démocratique du Congo : sources et innovations
», op.cit, p. 5.
49
pu faire croire parfois à l'absence du
constitutionnalisme dans ce pays, cela n'est plus le cas aujourd'hui depuis la
promulgation de la constitution le 18 février 2006.
Le pays s'est doté d'une constitution voulue par le
peuple puisqu'elle a été adoptée par
référendum les 18 et 19 décembre 2005 pour mettre un terme
à une longue crise politique.156
Cette constitution a institué un régime
politique qualifié par la doctrine d'un « régime semi
présidentiel ou mixte »157 combinant les
éléments du régime présidentiel
(élection du président de la République au suffrage
universel direct) et ceux du régime parlementaire
(responsabilité politique du gouvernement devant l'assemblée
nationale)158 ; autrement qualifié d'un parlementarisme
rationalisé159 à la congolaise.160
Cette constitution prévoit un exécutif
bicéphale avec un président de la République et un premier
ministre le seul chef du gouvernement161et responsable devant le
parlement162, principalement devant l'Assemblée
nationale.163
Concernant la question de la désignation du premier
ministre et de son gouvernement, cette constitution apporte une
différence entre la désignation du premier ministre qui est
inexistante dans cette constitution (au sens d'une élection
préalable d'un premier ministre par la majorité parlementaire que
le président sera appelé seulement à
nommer)164, sa nomination par le président de la
République165et son investiture qui est faite par
l'Assemblée nationale.166
156 BAKANDEJA WA MPUNGU G., Idem, p. 1.
157 BEBWA J-P., « Projet de constitution, dimension
politique », in CONGO AFRIQUE, cité par DJOLI ESENG'EKELI J.,
Droit constitutionnel Tome II : l'expérience congolaise, op.cit.,
p. 187.
158 ESAMBO KANGASHE J-L., La Constitution congolaise du 18
février 2006 à l'épreuve du constitutionalisme.
Contraintes pratiques et perspectives, Academia-Bruylant,
Louvain-la-Neuve, 2010, p. 109.
159 MBATA MANGU A., «Perspectives du constitutionnalisme
et de la démocratie en République démocratique du Congo
sous l'empire de la constitution du 18 février 2006 » in Pour
l'épanouissement de la pensée juridique congolaise-Liber Amicorum
Marcel Antoine Lihau, Kinshasa-Bruxelles, Presses Universitaires de
Kinshasa-Bruylant 2006, pp. 210-211.
160 BAKANDEJA WA MPUNGU G., Ibidem, p. 28.
161 Article 90 alinéas 1 et 2 de la constitution du 18
février 2006.
162 Article 91 alinéa 4, Idem.
163 Article 100 alinéa 2, Ibidem.
164 En effet, contrairement à la procédure
consacré par l'Acte Constitutionnel de la Transition du 04 avril 1994
consistant à élire un premier ministre dans la classe politique
autre que celle du président de la République et
50
En effet, cette procédure de la nomination du premier
ministre par le président de la République dans la
majorité parlementaire ne fait pas l'unanimité de la
doctrine.167 Une partie qui estime que l'article 78 veut que le
premier ministre soit parlementaire et issu de la majorité
parlementaire.168 Tandis que l'autre partie qui pense que l'esprit
de l'article 78 de la constitution ne fait pas allusion au statut du premier
ministre potentiel, plutôt de sa composante politique qui doit
nécessairement être dans la majorité
parlementaire.169 En effet, cette disposition avait fait
également l'objet d'un compromis entre les partisans du régime
parlementaire et ceux du régime de type présidentiel. Cependant,
elle comporte néanmoins le danger de voir le président manipuler
la majorité parlementaire ou même fragiliser celle-ci en nommant
quelqu'un de son obédience premier ministre après corruption de
la majorité ce qui ouvrirait la voie à d'autres
crises.170
De ce qui précède, nous estimons que l'esprit de
cette disposition fait référence à la nomination dans la
majorité parlementaire et par conséquent le premier ministre doit
être parlementaire ; raison pour laquelle les membres du gouvernement qui
sont issus du parlement, regagnent le parlement une fois que leur mandat prend
fin.
Il sied de préciser que la révision de cette
constitution intervenue en 2011 par la Loi n°11/002 du 20 janvier 2011 n'a
pas eu d'incident sur les modalités de désignation du premier
ministre ; ce qui justifie la non prise en compte de cette loi dans nos
analyses.
Cela étant, nous allons analyser la
problématique de l'application des accords politique en lieu et place
des dispositions constitutionnelles dans la troisième
République.
présenter le candidat désigné au
président de la République pour nomination, la constitution du 18
février oblige le président de la République à ne
nommer la personne de son choix que dans la majorité parlementaire.
165 Article 78 de la Constitution du 18 février 2006.
166 Article 90 alinéas 4 et 5, Idem.
167 Surtout qu'il faut signaler que la pratique congolaise
sous l'emprise de cette constitution fait état de deux nominations des
premier ministres non parlementaires, à savoir monsieur Antoine GIZENGA
(entre le 30 décembre 2006 et le 10 octobre 2008) et Monsieur
Bruno TSHIBALA (du 07 avril 2017 à ces jours)
168 C'est le point de vue de ceux qui se limitent à la
lettre de la loi.
169 Cela revient à dire que selon eux, c'est qui
importe dans l'esprit de l'article 78 est d'une part le composante dans lequel
le président doit nommer le premier ministre, à savoir la
majorité parlementaire et d'autre part, le pouvoir
discrétionnaire du président de la République de nommer un
candidat de son choix, mais issu de la majorité présidentielle
sans forcement être un parlementaire.
170 MBATA MANGU A., «Perspectives du constitutionnalisme
et de la démocratie en République démocratique du Congo
sous l'empire de la constitution du 18 février 2006 » op.cit.,
p. 208.
51
§4. La problématique de l'application des
accords politiques dans la désignation du premier ministre dans la
troisième République
Selon le principe de la séparation de pouvoirs
prôné dans cette norme fondamentale, le président de la
République nomme le premier ministre dans la majorité
parlementaire et met fin à ses fonctions sur la présentation par
celui-ci de la démission du Gouvernement.171
De cette rédaction asymétrique, il
résulte, d'un point de vue juridique, que le chef de l'Etat nomme le
Premier ministre et ne peut le révoquer. Seule une règle
politique (convention de la constitution) peut en décider
autrement.172
En effet, la constitution n'est pas un texte mort et inerte.
Elle vit et développe toute une dynamique. Dans le fonctionnement des
pouvoirs publics apparaissent des pratiques constitutionnelles, des
règles de comportement non formalisés que les acteurs politiques
produisent173 ; c'est ce que l'on qualifie en droit constitutionnel
de « conventions de constitutions ».
La pratique constitutionnelle et politique congolaise fait
état depuis la première transition de plusieurs recours aux
conventions de constitutions ; pratique que l'on peut qualifier dans ce cas
d'espèce de « coutume constitutionnelle
»174 dans la mesure où le recours aux pourparlers
dans la pratique constitutionnelle congolais a toujours été un
des modes principaux de résolution des conflits et crises politiques.
171 Cette constitution a eu pour conséquences
d'institutionnaliser la majorité présidentielle. Elu au suffrage
universel direct, le Président de la République
bénéficie du soutien d'une majorité qui peut
désormais être exactement comptée. Il y a, bien sûr,
une différence entre la majorité présidentielle
formée d'électeurs qui se prononcent directement et la
majorité parlementaire qui est composée en fonction du
comportement des députés, mais ceux-ci doivent se définir
aux fonctions du Président.
172 BAKANDEJA WA MPUNGU G., « La nouvelle
constitution de la République démocratique du Congo : sources et
innovations », op.cit, pp. 28-29.
173 NTUMBA-LUABA LUMU A., Droit constitutionnel
général, op.cit. p. 127.
174 Selon la belle expression de ROYER-CLLARD, les
constitutions « ne sont pas des tentes faites pour le sommeil
», elles évoluent avec le temps. Ainsi, selon NTUMBA-LUABA
LUMU, il existe des décalages entre la constitution écrite et la
constitution effectivement appliquée qui laisse place à des
pratiques et usages, voire des non-usages. Surtout lorsque la rigidité
des constitutions écrites est telle qu'il est difficile de les
réviser expressément, la pratique des pouvoirs publics vient
infléchir dans tel ou tel sens. C'est de cette que naît la coutume
constitutionnelle qui se présente comme une règle de droit non
écrite résultant des précédents concordants
auxquels les pouvoirs publics se soumettent ou acquiescent.
52
Des conférences à huis-clos où la classe
politique se partage le gâteau du pouvoir à l'insu du peuple
émaillent toute l'histoire de notre pays depuis 1960. On peut citer
notamment : le conclave de Lovanium, la conférence de Tananarive, la
conférence de Luluabourg, la rencontre du palais de Marbre I, la
conférence du Palais de Marbre II, la conférence nationale qui
s'est dite souveraine, le Conclave du Palais de la Nation, les Concertations du
Palais du Peuple, les différentes épisodes du Dialogue
inter-congolais (Addis-Abeba, Gaborone, Sun City,
Pretoria)175 et autres rencontres politiques, qui sont souvent
clôturées par des accords politiques appelés à
être appliqués souvent en lieu et place de la norme fondamentale
en vigueur.
On peut aussi citer les concertations nationales du 07
septembre 2013, le dialogue de la cité de l'OUA avec son accord
politique du 18 octobre 2016 et le dialogue sous la médiation de la
CENCO avec son accord du 31 décembre 2016, pour ne citer que
ça.
Dans cette même veine d'idées, la question du
respect de la constitution en vigueur dans la désignation du premier
ministre sous la troisième République soulève des
interrogations d'une part, sur la force probante des accords politiques souvent
appliqués en marge de la constitution et d'autres part, sur la valeur
juridique desdits accords politiques ; puisque selon la doctrine,
dépourvues de valeur juridiquement, les conventions de constitutions
(accords politiques) ou les pratiques constitutionnelles
possèdent néanmoins une valeur politique. C'est pourquoi les
violer ou aller à leur encontre peut même troubler l'opinion
publique176 qui ne manquera pas de s'interroger sur les raisons de
cette dérogation à la pratique.177Nous estimons pour
notre part que le recours aux dialogues et assortis des accords politiques est
une coutume constitutionnelle en droit constitutionnel congolais ; par
conséquent, les nominations des premiers ministres y afférant son
justifié belle et bien.
175 KASONGO-NUMBI K., L'Afrique se recolonise, une lecture
du demi-siècle de l'indépendance du Congo-Kinshasa, Paris,
éd. L'Harmattan, 2008, p. 210.
176 Ici nous prenons le cas des grandes manifestations et
marches dénonçant les violations des clauses de l'accord du 31
décembre 2016 (la Saint Sylvestre) organisée à
plusieurs reprises par les partis de l'opposition et la Communauté
laïc de coordination de la CENCO à Kinshasa et dans certaines
province du pays.
177 NTUMBA-LUABA LUMU A., Droit constitutionnel
général, op.cit. p. 127.
178 KASONGO-NUMBI K., L'Afrique se
recolonise, une lecture du demi-siècle de l'indépendance du
Congo-Kinshasa, op.cit., p.
210.
53
CONCLUSION
Comme nous pouvons le constater, le droit constitutionnel
congolais est un droit qui nous a d'abord été légué
par le colonisateur mais qui, par la suite a évolué et continue
son évolution jusqu'à ces jours. Un droit qui a été
confisqué et manipulé par l'élite congolaise
assoiffée du pouvoir en faisant semblant d'être en quête de
la démocratie. La République démocratique du Congo a connu
des coups d'Etat perpétrés par des groupes d'individus
alléguant vouloir lutter contre la confiscation du pouvoir, dictature et
promouvoir la démocratie et un Etat de droits ; ce qui nous semble
n'avoir jamais été le cas. Ce qui explique toutes les crises
politiques, entre autre l'instabilité des institutions gouvernementales
connues par les pays depuis son indépendance jusqu'à ces
jours.
En effet, le déficit de la démocratie à
l'occidentale provient de la confiscation du pouvoir de l'Etat par
l'élite politique et ses alliés. La problématique de cette
situation est que le peuple congolais, durant plus de quarante ans qui ont
suivi la date de l'indépendance, a été soumis aux lois
qu'il n'avait pas élaborées et dirigées par des personnes
qu'il n'avait pas élues. Il était donc, selon la thèse du
président américain Thomas- Woodrow WILSON, un peuple esclave.
L'indépendance pour lui est encore à conquérir
jusqu'à ces jours. Colonisé par qui ? Par son élite et
plus particulièrement, par sa classe politique qui, de
l'indépendance de 1960 aux élections de 2006, s'est
perpétuée au pouvoir sans la légitimation de ce pouvoir
par le souverain primaire qu'est le peuple.178
Pour ce qui est de la désignation du premier ministre,
la République démocratique du Congo a connu des périodes
dans lesquelles cette question ne pouvait pas se poser ; c'est-à-dire
des périodes pendant lesquelles les constitutions en vigueur ne
faisaient pas la différance entre la désignation et la nomination
du premier ministre, mais qui accordaient directement ce pouvoir de nomination
du premier ministre au
54
président de la République.179 Elle a
aussi connu des périodes pendant lesquelles le poste et les fonctions du
premier ministre étaient inexistants dans les constitutions
puisqu'exercé d'office par le président de la
République180 ; et enfin il y a eu d'autres périodes
pendant lesquelles la nomination du premier ministre était faite selon
certaines formalités et procédures au point que l'on peut arriver
à faire la distinction entre la désignation, la nomination et
l'investiture du premier ministre.181 Cependant, toutes ces
différences, qui devraient constituer une grande richesse en terme de
référence et à l'avancement du pays, n'ont apporté
aucune contribution la pratique politique.
Il est paradoxal de constater que tout en constituant le
centre des activités dans toutes les sociétés humaines, le
champ politique est celui qui fait l'objet des idées les plus plates,
les moins réfléchies. On est même arrivé à
dire, ce qui n'est pas faux, que les aventuriers réussissent mieux en
politique que les hommes réfléchis. Dans notre pays, le champ
politique ne fait pas l'objet d'une attention particulière des
scientifiques. La nature ayant horreur du vide, des charlatans s'y sont
confortablement installés et, en analystes politiques improvisés
et autoproclamés, parlent avec suffisance de choses qu'ils ne
comprennent pas eux-mêmes, semant la confusion dans une matière
pourtant essentielle pour la survie de la nation.182
Ce qui suscite une interrogation à savoir, sommes-nous
capables ou non de saisir le moment historique des échéances
politiques actuelles pour réaliser finalement ce passage de l'Etat
colonial puis post-colonial vers un Etat réellement indépendant
et républicain avec des institutions démocratiques stables et
crédibles, adaptés à notre back round historique,
géopolitique et socioculturel ?183
179 Nous citons à titre d'illustration l'article 22 de
la Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo ; article
62 de la constitution de Luluabourg du 1er août 1964 et
l'article 29 de la constitution du 24 juin 1967.
180 Nous prenons ici les articles 6 et 8 du Décret-loi
constitutionnel n°003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation et
à l'exercice du pouvoir en République démocratique du
Congo et l'article 89 de la constitution de la transition du 04 avril 2003.
181 Article 78 de la constitution du 18 février 2006 pour
ne citer que ça.
182 BONGELI YEIKELO YA ATO E., op.cit., p. 33.
183 AKELE ADAU P. et DJOLI ESENG'EKELI J., « Enjeux
de la démocratie en République démocratique du Congo :
questions fondamentales pour la politique chrétien catholique
» op.cit., p. 22.
55
Le début de la troisième République avec
la promulgation de la constitution du 18 février 2006 était un
espoir de mettre fin aux crises qui ont englouti le pays dans le chaos depuis
son indépendance. Cependant après seulement une décennie,
on a l'impression que l'on semble à la fois progresser tout en reculant
aussi. Malgré cela, il faut espérer une évolution
significative dans le comportement des acteurs politiques pour résoudre
les conflits politiques. La gestion des crises devrait tendre vers la
régulation constitutionnelle plutôt que par la solution militaire.
C'est à ce prix que l'on pourra construire sur des bases solides, des
institutions de l'Etat de droit et de la démocratie en République
démocratique du Congo.184
Une seule question se pose au terme de notre travail aux
lecteurs, à savoir « Combien des générations
faudra-t-il attendre pour récolter les fruits de cette riche histoire
politique propre aux congolais et cette évolution passionnante du droit
constitutionnel congolais qui se fait sous nos yeux ?
184 BAKANDEJA WA MPUNGU G., « Institutions de l'Etat
de droit et de la démocratie en Afrique : l'expérience congolaise
», in Pour l'épanouissement de la pensée juridique
congolaise-Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau, Kinshasa-Bruxelles, Presses
Universitaires de Kinshasa-Bruylant 2006, p. 83.
56
BIBLIOGRAPHIE
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57
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05 février 2011.
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congolaise-Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau, Kinshasa-Bruxelles, Presses
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RDC, la République du Congo, le Gabon et le Tchad, Travail de fin
de cycle, Université catholique du Congo, Faculté de droit et de
science politique, 2015-2016.
61
TABLE DES MATIERES
Epigraphe i
Dédicace ii
Remerciements iii
Liste des Abréviations et Sigles utilises
iv
INTRODUCTION 5
PLAN DETAILLE DU TRAVAIL 12
CHAPITRE I : LE REGIME JURIDIQUE DE LA DESIGNATION
DU
PREMIER MINISTRE 14
SECTION I : DESIGNATION DU PREMIER MINISTRE EN
REGIME
PRESIDENTIEL 15
§1. Désignation du premier ministre par
le président de la République 17
A. CAS DE LA MAJORITE PRESIDENTIELLE AU PARLEMENT
17
B. CAS D'ABSENCE DE LA MAJORITE AU PARLEMENT
18
§2. Désignation du premier ministre par
le Parlement 19
A. CAS D'UN PREMIER MINISTRE NON PARLEMENTAIRE
19
B. CAS D'UN PREMIER MINISTRE PARLEMENTAIRE
20
SECTION II : DESIGNATION DU PREMIER MINISTRE EN
REGIME
PARLEMENTAIRE 21
§1. Désignation du premier ministre dans
la majorité parlementaire 23
A. LA GARANTIE DE LA STABILITE 24
B. LA PROBLEMATIQUE DE LA VARIATION DE LA
MAJORITE
PARLEMENTAIRE 25
§2. Désignation du premier ministre dans
la classe politique 26
A. LA CONSULTATION DE LA CLASSE POLITIQUE 28
B. LE DIALOGUE ENTRE LA CLASSE POLITIQUE ET LA
SOCIETE
CIVILE 29
CHAPITRE II : DES MODALITES PRATIQUES DE LA DESIGNATION
DU
PREMIER MINISTRE EN DROIT POSITIF CONGOLAIS
31
SECTION I : EN REGIME PRESIDENTIEL 33
§1. Désignation du premier ministre dans
la première République 34
62
DESIGNATION DU PREMIER MINISTRE SOUS LE REGIME DE
LA
CONSTITUTION DU 1er AOUT 1964
35
§2. Désignation du premier ministre dans
la deuxième République 37
DESIGNATIONS DU PREMIER MINISTRE SOUS LA
CONSTITUTION
DU 24 JUIN 1967 38
§3. Désignation du premier ministre
pendant la transition (avec un penchant
vers le présidentialisme)
39
A. LA LOI N°002/90 DU 05 JUILLET 1990 PORTANT
REVISION DE CERTAINES DISPOSITIONS DE LA CONSTITUTION DU 24 JUIN 1967
40
B. L'ACTE PORTANT DISPOSITIONS
CONSTITUTIONNELLES
RELATIVES A LA PERIODE DE TRANSITION DU 04 AOUT 1992
41
SECTION II : EN REGIME PARLEMENTAIRE
43
§1. Désignation du premier ministre dans
la première République 43
SOUS LE REGIME DE LA LOI FONDAMENTALE DU 19 MAI 1960
44
§2. Désignation du premier ministre
pendant la transition (avec un penchant
parlementariste) 46
A. LA LOI N°93-001 DU 02 AVRIL 1993 PORTANT ACTE
CONSTITUTIONNEL HARMONISE RELATIF A LA PERIODE DE
TRANSITION 46
B. L'ACTE CONSTITUTIONNEL DE LA TRANSITION DU 09
AVRIL
1994 47
§3. Désignation du premier ministre dans
la troisième République 48
§4. La problématique de l'application des
accords politiques dans la désignation
du premier ministre dans la troisième
République 51
CONCLUSION 53
BIBLIOGRAPHIE 56
TABLE DES MATIERES 61
|