SECTION II : LA MONTEE DE L'INSECURITE AU MOYEN-ORIENT
: RAISON D'UN DESENGAGEMENT POTENTIEL DES ETATS-UNIS ET D'UNE RECHERCHE DE
MARCHES PETROLIERS ALTERNATIFS
Certains occidentaux, comme l'ancien président
américain Bill CLINTON, soutiennent que l'Occident n'a pas de
problème avec l'Islam mais, seulement, avec les extrémistes
islamistes violents117. L'usage de l'islamisme envers les
États-Unis au Moyen-Orient trouve son explication dans les actions
américaines.
L'instrumentalisation de l'islam, contre les activités
politiques américaines, part du soutien accordé à
Israël et sa politique, certes de survie, considérée comme
impérialiste par nombre de pays arabo-musulmans118.
État modeste aussi bien sur le plan spatial que démographique,
Israël est, de par ses capacités militaires, technologiques et
économiques, l'une des plus grandes puissances de la
région119. Ce statut repose essentiellement sur le soutien
diplomatique et l'importante aide que lui offrent annuellement les
États-Unis afin de s'en servir comme marchepied de leur politique sous
régionale120. Israël apparait par conséquent
comme une place forte, une sorte de base arrière au service de la
politique régionale des États-Unis. C'est, selon les islamistes,
un État-à l'image de la Turquie, qui contrôle militairement
le Moyen-Orient dans l'intérêt des
États-Unis121.
Ainsi, qu'ils l'aient planifié ou non, le soutien des
États-Unis à l'État d'Israël contribue ipso facto
à l'affaiblissement des régimes arabes de la région et ce
faisant tient, d'une certaine manière, les dirigeants arabes en
sujétion, humilie les habitants et menace les pays limitrophes. Aussi
nombre d'experts s'accordent sur le rôle que jouent ces activités
dans la colère des islamistes qui, à travers le monde, se
soulèvent contre les États-Unis et leurs
117 Huntington S. (1997-2000) Le choc des civilisations,
Paris, Odile Jacob, Avril, p 306. L'Islam en effet est une religion
monothéiste qui consiste à répondre à la
volonté ou à la loi de Dieu, tandis que l'Islamisme ou Islam
politique se définit comme un ensemble de courants politico-religieux de
contestation, nés dans des contextes de crise socio-économique et
de malaise identitaire, qui présentent de l'Islam une lecture
éminemment idéologique. Ou désigne des utilisations
politiques de l'Islam. Il doit aussi, par nécessité, être
distingué du fondamentalisme qui peut être défini comme un
retour aux textes fondateurs, le Coran et la tradition prophétique de
Mohammed.
118 T. RAMADAN et GRESH, L'Islam en questions, Nina Berberova,
Actes Sud, 2002, p.94.
119 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », p.246.
120 B. LEWIS, L'Islam en crise, Paris, Gallimard,
2003, p.23. ; N. CHOMSKY, Dominer le monde ou sauver la planète :
l'Amérique en quête d'hégémonie mondiale,
Paris, Fayard, 2003b, p.105.
121 N. CHOMSKY, ibid.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 45
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
intérêts122. Au niveau culturel, les
extrémistes remettent en cause le mode de vie occidental. Les
organisations islamistes, à travers le monde, sont convaincues que la
culture et la politique de l'Occident, particulièrement celles des
États-Unis, corrompent l'Islam123. Ces valeurs sont
considérées comme pernicieuses et ceux qui les pratiquent des
ennemis de Dieu124. Pour les extrémistes, la libre
orientation sexuelle des individus, de leurs pratiques sexuelles, du statut de
la femme dans la société, des modes vestimentaires, du
capitalisme suivi de la recherche effrénée du profit, de
l'égoïsme, de l'individualisme, qui envahissent le quotidien des
sociétés musulmanes, sont remis en cause. Ils condamnent l'art,
la poésie, la littérature, la musique, le théâtre,
le cinéma, la créativité et l'humour. Face à cet
état de fait, c'est l'authenticité, la survie, voire la
dignité de ce que les islamistes ont de plus cher qui est en jeu : leur
culture. Il serait donc important pour eux de se battre au nom de la
dignité du peuple musulman qu'ils veulent restaurer125,
d'où l'islamisme.
Pour ce qui est des activités stratégiques,
c'est la projection de puissance et les activités militaires, qu'ils
considèrent comme un moyen de mettre leurs intérêts
à l'abri de toute menace, qui exacerbent la colère des
organisations islamistes. Ces derniers considèrent que les
Américains exploitent les richesses de la terre d'Islam126.
Plus globalement, nombre d'islamistes soutiennent que depuis la période
coloniale jusqu'à nos jours, l'occident a pillé les richesses de
l'Islam, détruit ses traditions et laissé des
déserts127. Les choix stratégiques des
États-Unis pour accéder aux richesses du Moyen-Orient, les
exploiter et les acheminer sur le marché international, attisent de plus
bel leur colère.
En effet, le maintien des forces militaires Etats-uniennes sur
les lieux saints de l'Islam (en Arabie Saoudite), après la fin de la
première guerre du Golfe, a suscité la colère des
islamistes et notamment des moudjahidin à travers le
monde128. De ces différentes raisons,
présentées par les extrémistes, il s'en est suivi des
attaques aux intérêts américains dans toutes les zones du
monde, à l'exemple des attentats terroristes contre les installations
américaines en Afrique en Nairobi (Kenya) et à Dar Es-Salaam
(Tanzanie) de même qu'au Moyen-Orient. Le point d'orgue de ces attentats
fut celui perpétré le 11 septembre 2001, où les
États-Unis
122 G. F. GAUSE III, « Can democracy stop terrorism ?
» in Foreign Affairs, September-october 2005 ; D. SOURDEL,
L'Islam, Paris, PUF, 21e édition, 2002, p.116.
123 M. MANDANI, Good Muslim, Bad Muslim : America, the Cold
War, and the roots of Terror, Three Leaves Publishing, 2005.
124 B. LEWIS, L'Islam en crise, Paris, Gallimard, 2003,
p.49.
125 Nzeugang, « Les États-Unis en Afrique
après le 11 septembre 2001... », p.248.
126 C. SAINT-PROST, « Géopolitique des Etats-Unis
au Moyen-Orient » in Chauprade, (dir.) A., 2003, Revue
française de Géopolitique, Paris, Ellipses, p.235.
127 M. GOZLAND, Pour comprendre l'intégrisme
islamiste, Paris, Albin Michel, 2002, p.100.
128 M. ZEGHAL, « Les Etats-Unis et l'Islamisme politique
», publié par le centre disciplinaire des faits religieux,
octobre 2002, p.27.
Mémoire en Master II Science Politique François
Xavier NOAH EDZIMBI, UY II-SOA 46
Le projet géostratégique des
États-Unis d'Amérique dans le Golfe de Guinée : analyse
de l'action américaine au Cameroun entre 1997 et 2013
furent frappés de plein fouet chez eux,
entraînant tout d'abord une riposte directe de leur part envers les
États dits voyous par l'administration américaine pendant le
régime républicain de l'ancien président Georges Walker
BUSH en 2003 avec l'aide de certains États amis. Il s'agit de l'invasion
de l'Irak par une coalition constituée de Georges W. BUSH, alors
président des États-Unis, et de l'ancien premier ministre
britannique de l'époque Tony BLAIR (qui a gagné le sobriquet de
caniche du président américain129). L'objectif
déclaré de l'opération baptisée «
liberté pour l'Irak » était de renverser Saddam HUSSEIN et
d'y réaliser un changement de régime par la force des
armes130. Il s'agira aussi du changement de leur politique
internationale, recherchant une alternative à leur désengagement
potentiel au Moyen-Orient, en raison tout d'abord de son coup en terme de
dépenses et de pertes en vies humaines américaines (2000
milliards engloutis dans l'invasion irakienne et 5000 Marines, soldats
américains, morts en Irak131). Cette alternative est le
Cameroun, pays du Golfe de Guinée.
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