Chapitre quatrième. Démocratie et
instauration du nouvel ordre politique au Maghreb
Il sera question, dans ce dernier chapitre, de se demander
pourquoi il y a eu changement d'avis dans le chef des armées qui
soutenaient jadis les régimes dictatoriaux en place dans le Maghreb,
d'une part (section I), et l'inertie des chefs d'États à ne pas
céder ou changer d'avis, d'autre part (section II).
Enfin, une dernière section sera consacrée sur
l'organisation de la transition au Maghreb (section III).
Section I. Attitudes des armées
Au début des manifestations en Tunisie comme en
Égypte, les forces de l'ordre avaient riposté au moyen des bombes
lacrymogènes et avaient procédé à des arrestations
arbitraires avant de faire usage de leurs armes à feu201.
C'est comme en Tunisie par exemple où, pour contenir les protestataires,
l'armée les encerclait afin de les empêcher de défiler dans
la rue (mission principale) ; recourait à la force armée dans le
cadre de légitime défense ; procédait à des
interpellations musclées, mais aussi à des rapides
libérations202. Etant donné que le rôle
primordial de l'armée est de protéger les citoyens ainsi que
leurs biens, plus tard, ces armées ont compris qu'il ne fallait pas
continuer à faire périr la population civile revendiquant leur
droit le plus légitime. C'est alors qu'elles se sont ralliées aux
côtés des manifestants et grâce à elles les chutes
des régimes dans ces deux pays seront très vite une
réussite.
En Libye par contre, l'armée a directement
commencé à réprimer violemment les manifestants et
jusqu'à la preuve du contraire, elle continua à servir aux
côtes de Mouammar El-Kadhafi malgré quelques défections
enregistrées dans son camp.
§1. Le rôle de l'armée tunisienne
L'armée nationale tunisienne a joué un
rôle majeur dans le renversement du président. La troupe refusant
de faire tirer aux manifestants, avait fraternisé avec ceux-ci alors que
les affrontements restaient très durs avec la police fidèle au
gouvernement. L'armée aurait alors
201 ABDELAZIZ BARROUHI, « Sidi Bouzid, ville en
colère » in Jeune Afrique, n°2607, du décembre
2010 au 08 janvier 2011, p.20.
202 ABDELAZIZ BARROUHI, « Cinq questions pour comprendre la
révolution tunisienne », Op. Cit., p.43.
Idées politiques et révolutions au
Maghreb arabe. 86
poussé le président vers la sortie et «
maîtrisé les membres de l'appareil sécuritaire qui
pouvaient être tentés par un durcissement face à la rue
». Le général démissionnaire Rachid AMMAR aurait
conseillé à Ben Ali de s'en aller en lui disant : « Tu es
fini ! »203.
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