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Aide au développement et croissance économique en RDC. Une étude critique du modèle économétrique.

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par Junior Assumani Manyota
Universite de Kindu - Licence 2014
  

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I.3. Les limites du PIB

Le Produit intérieur brut (PIB) mesure la production totale de biens et services d'un pays pendant une période donnée. Sa croissance est considérée comme une mesure de la santé économique d'un pays.

Cependant, que ce soit par son évolution ou par son ratio par habitant, le Produit intérieur brut n'est qu'une mesure globale, une moyenne. Il ne permet d'appréhender ni les inégalités sociales ni leur évolution. On peut très bien avoir un PIB moyen qui augmente alors que les revenus (qu'il est censé mesurer) diminuent pour une majorité de la population et augmentent fortement pour une minorité, ce qui renforce les inégalités.

Le calcul du PIB s'appuie sur la comptabilité nationale, donc sur ce qui est déclaré à l'Etat. Pour rentrer plus en profondeurs et montrer les insuffisances du PIB dans la mesure de la croissance économique d'un pays, examinons les exemples suivants :

- Une société où il y a beaucoup d'accidents de la route, qui vont exiger des soins médicaux, des réparations de véhicules, des services d'urgence, etc., aura tendance, toutes choses égales par ailleurs, à avoir un PIB plus gros qu'une société où les gens conduisent prudemment. Plus précisément, elle aura tendance à orienter une plus grande partie de ses ressources économiques et de ses activités vers la réparation des dégâts, sans progression globale du bien-être, plutôt que vers la production de bien-être supplémentaire ;

- La destruction organisée de la forêt amazonienne est une activité qui fait progresser le PIB mondial. Nulle part, on ne compte la perte du patrimoine naturel qui en résulte, ni ses conséquences diverses sur le climat, la biodiversité, le long terme et les besoins des générations futures. Le PIB ne compte pas les pertes de patrimoine naturel, mais il compte positivement sa destruction organisée.

- De même, une entreprise qui pollue une rivière pour assurer sa propre croissance économique et contribuer ainsi au PIB occasionne des dégâts qui réduisent le bien-être de certaines personnes. Or ces dégâts ne sont pas considérés en tant que tels dans les comptés de la richesse économique.

Premier exemple Si, pour atteindre des taux de croissance élevés, on contraint ou on incite les gens à travailler de plus en plus, et à avoir moins de loisirs et de temps libre, ce phénomène ne sera vu que sous l'angle du progrès du PIB, car le PIB ne considère pas que la progression du temps libre est une richesse digne d'être comptée.

L'activité bénévole ne fait pas partie des activités qui contribuent à la richesse nationale au sens du PIB, justement parce que qu'elle est gratuite, non monétaire. Cette activité ne produit-elle pas des richesses et du bien- être au même titre que l'activité salariée ?

On estime en RDC que le temps total passé au travail domestique non rémunéré est plus important que le temps total de travail rémunéré (Enquête budget temps de 2000). Si l'on décidait par exemple de lui attribuer la même valeur monétaire par heure de travail, cela pourrait doubler le PIB !

On sait bien que le beaucoup-avoir n'est pas le bien - être. Ce dernier peut être approché selon deux grandes dimensions. La première est celle du bien-être subjectif, évalué sur la base d'enquêtes d'opinion ou de satisfaction, qui sont, certes, délicates à interpréter, mais qui permettent toutefois de dresser des constats de divergence possible entre l'évolution du niveau de vie (beaucoup-avoir) et la perception de l'évolution du bien-être.

L'autre approche du bien-être est celle du « bien-être objectif », sur la base de critères multiples comme la bonne santé et l'espérance de vie, l'accès à l'éducation et la maîtrise des connaissances, la sécurité économique, la prévalence de la pauvreté et des inégalités, les conditions de logement et de travail etc. Or le PIB ne mesure que des volumes d'outputs (volume des biens, quantité de services consommés), il ne mesure pas ces outcomes.

La contribution des services de santé à la croissance n'est mesurée (dans le meilleur des cas) que par le volume des consultations, des admissions à l'hôpital, des soins, et non pas sur la base de la contribution de ces services à l'amélioration de l'état de santé et des conditions de vie65(*). Avec une telle mesure une politique efficace de prévention des risques sanitaires aura tendance à diminuer la contribution des services de santé à la croissance, alors qu'elle fera vraisemblablement progresser le bien-être.

Une même croissance de 2% ou 3% par an pendant des années peut, selon les cas, s'accompagner d'un creusement ou d'une réduction des inégalités sociales. Ces phénomènes ne sont pas comptés dans la conception dominante de la richesse.

Est-ce normal ? Est-il indifférent à notre bien-être de vivre dans une société où coexistent une masse de pauvres et une poignée de très riches ? Est-ce qu'un euro ou un dollar de croissance en plus dans la poche d'un pauvre ne produit pas plus de bien-être que la même somme dans le portefeuille d'un riche ? Et pourtant l'hypothèse de ceux qui assimilent PIB, richesse et progrès. Et à nouveau, s'il est vrai qu'aucun comptable national ne défend une telle assimilation, il est clair qu'elle est quotidiennement et massivement pratiquée parce que, dans les jugements de progrès, la domination écrasante des dimensions marchandes et monétaires n'est pas contrebalancée par la présence d'indicateurs alternatifs ayant un poids semblable.

* 65 ODHD (2003), Décentralisation & réduction de la pauvreté, Rapport National 2005 sur le développement humain durable au Mali, Bamako. (Téléchargeable sur www.undp.org).

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo