SECTION 2. STRATEGIES POUR
L'ERADICATION DES VIOLENCES SEXUELLES
AU DIOCESE D'UVIRA
2.1. Vers la fin de
l'impunité juridique
Afin de mettre un terme au cycle de violences sexuelles, nos
interviewés ont proposé que l'impunité juridique dont
jouit une certaine catégorie de gens cesse. En effet, la dernière
loi promulguée et réprimant les violences sexuelles inclut
désormais d'autres types de violences sexuelles qui ne figuraient pas
dans les anciennes lois. Les peines de prison encourues par les agresseurs ont
été allongées. Mais il faut maintenant que cette loi soit
systématiquement respectée et que les juristes la prennent en
compte pour que les condamnations suivent. Cela exige pour son application que
les coupables soient jugés et condamnés, les victimes
indemnisées. C'est seulement dans ce cas qu'elle sera connue des
populations et pourrait avoir un réel effet dissuasif.
Relevons en outre certains obstacles liés à la
mise en pratique de la loi réprimant les violences sexuelles :
l'hésitation des femmes victimes de viols à parler de ce
qu'elles ont subi, y compris à leur entourage, à dénoncer
auprès de la police ou à entamer une action en justice. Les
dénonciations et le reportage restent aussi limités car les
victimes n'ont pas suffisamment confiance au système judiciaire
congolais. Quelques - unes qui ont le courage de raconter ce qu'elles ont
vécu, sont bien souvent déçues par les résultats
des actions en justice entreprises. Ensuite, la corruption qui
caractérise certaines personnes préposées à la
justice ainsi que le manque de preuve de viol devant le tribunal obstruent
parfois certaines actions en justice. Enfin, celles qui osent braver ces
obstacles pour entamer des démarches judiciaires voient rarement leurs
agresseurs condamnés et emprisonnés. C'est le cas de Kifaru dont
les éléments avaient violé des centaines de femmes
à Nakiele, Abala et Kanguli en décembre 2012 et dont l'affaire
avait été tue suite aux pressions exercées sur la justice
et les ONG de droits de l'homme comme la CDJP/ Uvira par certaines
autorités militaires et politiques.
On ne peut passer sous silence le fait que les
procédures judiciaires ont tout de même été
améliorées par exemple par l'accélération des
enquêtes préliminaires et en interdisant la résolution des
cas à l'amiable. Des progrès nationaux en matière de
justice sont à relever car on a assisté à l'organisation
des procès contre des autorités militaires, civiles et autres. En
effet, des procès contre de nombreux présumés violeurs ont
eu lieu soit à Uvira soit en chambres foraines en différents
lieux : Kamituga, Baraka et cela grâce au soutien financier des
partenaires de la CDJP/ Uvira. C'est ainsi que le procès de Kibibi, un
commandant des FARDC, dont les éléments avaient violé dans
la nuit du 11 au 12 décembre 2012 à Fizi-centre une trentaine de
femmes, avait été organisé en chambre foraine à
Baraka, procès à l'issue duquel il avait été
condamné à une peine de plusieurs années en prison.
En trois ans, d'après les statistiques établies
par la CDJP/ Uvira, 115 survivantes des violences sexuelles ont
bénéficié des procès pris en charge par cette
organisation. Ces procès pour la plupart se font en plein air afin de
persuader les autres potentiels violeurs à changer de comportement.
Il est nécessaire que tous les acteurs impliqués
dans ce domaine fassent preuve d'engagement dans ce long processus et en
premier lieu d'abord les autorités gouvernementales. La création
de tribunaux de proximité avec des juges, des procureurs et des avocats
déployés dans des zones reculées et inaccessibles - c'est
dans ces zones-là que les violences sont les plus répandues -
serait d'une grande avancée. La collaboration avec les autorités
gouvernementales, les instances internationales, leur implication ainsi que la
prise de conscience de tous dans la mise sur pied des stratégies
opérationnelles pour faire face à ce fléau sera d'un grand
intérêt afin de mettre fin au cercle vicieux de
l'impunité.
|