II- LES RELATIONS SOCIALES DU DÉTENU
L'homme est caractérisé par sa
sociabilité. Mais dès qu'on franchit les portes d'un
pénitencier, cette spécificité humaine a tendance à
se fragiliser. Cette fragilisation se voit aussi bien dans les relations du
détenu avec son nouvel environnement ainsi qu'avec ceux qu'il a
laissé à l'extérieur (famille et amis).
2.1- Les rapports du détenu dans la prison
À l'intérieur de la prison, le détenu est
contraint à un régime qui l'infantilise. Comme un enfant, tout
lui est dicté : les heures du coucher et du réveil (8h - 17h), la
nourriture. Tout est soumis au contrôle, du premier au dernier jour
d'incarcération. Il donne très peu d'avis ou pas du tout sur ce
qu'il le concerne.
L'une des rares fois où il n'est pas soumis à
une quelconque pression, c'est pour sa toilette. Pourtant, dans les
règles édictées par l'Onu, notamment la règle 15 de
l'Ensemble des règles minima pour le traitement des
détenus, il est exigé aux « détenus la
propreté personnelle » et qu' « ils doivent disposer
d'eau et des
45 Les hygiènes sont des détenus qui
sont chargés de la propreté, de l'assainissement du cadre de
vie.
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articles de toilettes nécessaires à la
santé et à leur propreté. » Il n'existe pas dans
la prison un dispositif pour l'application d'une telle règle.
Néanmoins, nous reconnaissons que quelques rares fois
du savon a été distribué aux détenus pour leur
toilette même si cela s'avère très peu pour instaurer chez
le détenu une hygiène irréprochable. Le savon qui est
donné doit servir à la fois pour la toilette et la lessive.
Nous voyons donc par-là, la difficulté pour les
détenus de se laver convenablement et d'avoir des habits propres. Et
c'est certainement pour cette raison que nous avons un nombre
élevé de détenu qui disent se laver avec simplement de
l'eau et d'autres avec une éponge. Cette situation ne contribue en
aucune manière à assurer une hygiène saine aux
détenus et les empêcher de contracter des maladies à
l'image des infections de la peau.
2.2- Les relations avec l'extérieur
Le constat que nous avions fait, c'est que très peu de
détenus reçoivent de la visite. Cela pourrait s'expliquer par le
fait que pour de nombreuses personnes « être prisonnier, c'est
être à moitié mort. » Pour des familles, le
détenu les a déshonorées, il «a mis la honte sur
elles» et elles ne veulent pas que cela se sache. La détention est
alors cachée de l'entourage, des voisins, de la communauté. Elles
sont les seules (père, mère, frère ou soeur,
épouse, enfant, tante ou oncle) se rendre à la prison. Ces
personnes mêmes si elles ne sont pas nombreuses à faire le
déplacement constituent une assistance, un réconfort inestimable
pour le détenu.
Une autre raison pour justifier la non-présence des
familles à côté des détenus est la distance. La
majorité des détenus proviennent d'autres régions. Ils ont
été éloignés de leur famille respective, de
l'assistance quotidienne des leurs. Là-bas, certains recevaient de la
visite chaque semaine mais depuis leur arrivé au camp pénal,
personne n'est venu les voir. Cette situation a pour corollaire la
réduction ou l'arrêt de l'assistance (alimentaire et produits
divers) que les familles apportaient à leurs proches. Pour couronner le
tout, il n'y a pas de moyen de
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communication permettant aux détenus de rester en
contact avec les leurs. Pourtant, dans la plupart des prisons d'où ils
viennent, ils avaient en leur possession des téléphones mobiles.
Ce qui leur permettait de joindre régulièrement les parents pour
poser directement leurs préoccupations. Au camp pénal, pour des
menues choses, il faut passer par les travailleurs sociaux ou par les agents
d'encadrement pour transmettre une commission, demander quelque chose.
Nous disons aussi que l'éloignement, le manque de
communication impactent suffisamment sur les relations avec leur conjointe
(épouse ou concubine) à cause du faible taux des détenus
mariés et celles qui osent franchir le seuil du portail de la prison et
rendre visite à leur conjoint. La vie de couple ne résiste pas
longtemps à la vie carcérale car il est extrêmement
difficile de maintenir des relations familiales.
La rupture, l'isolement ont donc une incidence sur la vie du
détenu tant au niveau affectif, moral, psychologique qu'au niveau
matériel et financier. C'est au cours des visites que de nombreux
détenus reçoivent l'appui matériel, financier et
psychologique des leurs.
Le manque de moyens ou sa rareté ne permet pas au
détenu d'avoir ce qu'il faut pour son hygiène, pour prendre soin
de lui.
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