2.4- L'éducation à la santé dans les
prisons
L'Organisation des Nations unies s'est toujours
préoccupée depuis sa création du sort de tous les
êtres humains, singulièrement ceux qui sont en prison. Elle a
créé et adopté nombre d'instruments internationaux,
notamment l'ensemble de règles minima pour le traitement des
détenus32, visant à protéger les droits de
l'homme des détenus et à leur garantir un traitement humain. Car
certains droits et libertés de l'homme sont inhérents à
chaque être humain. Ils constituent la base de
32 Ensemble de règles minima pour le
traitement des détenus, adopté par le 1er
congrès des Nations unies pour la prévention du crime et le
traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et
approuvé par le Conseil économique et social, dans ses
résolutions 663 C du 31 juillet 1957 et 2076 du 13 mai 1977.
47
l'existence humaine (le droit à la vie, à la
liberté, à la sécurité, à la dignité,
à la non-discrimination, à l'égalité devant la loi
et le droit à la santé).
Tous les êtres humains, y compris les détenus,
gardent leurs droits fondamentaux, ils ne peuvent être niés ou
échangés et sont applicables partout, même dans les
établissements pénitentiaires. Dans ces lieux, leurs conditions
de vie doivent être toujours les plus proches à la vie normale,
abstraction faite à la perte de liberté.
C'est donc dire que les détenus ont le droit de jouir
du meilleur état de santé physique et mentale possible et
devraient avoir librement accès aux services de santé existant
dans le pays. Chaque prison devrait disposer des installations sanitaires
appropriées et des services d'un personnel médical
qualifié, permettant de donner un large éventail de soins. La
responsabilité principale des membres du personnel de santé, dans
ce cas, est de protéger la santé de tous les détenus.
Celasignifie qu'ils doivent non seulement fournir les soins curatifs mais aussi
faire en sorte que la morbidité liée à certaines maladies
baisse, d'où la promotion d'une éducation à la
santé.
L'éducation pour la santé, en prison comme
à l'extérieur, consisterait en des partages de connaissances, de
savoir-faire entre individus. Elle devrait les servir à faire des choix
qu'ils pourraient maintenir grâce à une démarche
participative et éducative. Elle implique aussi la responsabilité
individuelle et collective, le respect des personnes, le développement
des connaissances et des habiletés, l'accompagnement vers la
santé, l'accompagnement vers plus d'autonomie.
Comme on le constate, l'intérêt d'une
éducation à la santé en prison est plus d'un. En prison,
le détenu est dans une situation telle que la priorité est autre
que la santé. Il faut savoir dans ce cas, l'orienter de sorte à
inscrire la santé dans ses priorités. Le contexte psychologique
du détenu n'est pas à la motivation, ni à la participation
aux activités. L'éducation à la santé devrait alors
consister en une médiation, en une aide au changement d'attitude. Dans
ce combat, le rôle de l'intervenant en milieu fermé va être
de mieux connaître le détenu, d'échanger
48
régulièrement avec lui, de connaître aussi
ses préoccupations essentielles, c'est-à-dire prendre en compte
son histoire, ses représentations sociales, sa culture afin de lui
transmettre des connaissances et un comportement qui le maintiendrait en
meilleur état de santé. Il s'agira pour l'intervenant aussi de
favoriser une plus grande implication du détenu dans les actions de
sensibilisation en matièred'éducation à la
santé.
Le détenu n'a pas toujours un bon rapport à son
corps, c'est-à-dire que tout ce qui est propriété,
hygiène corporelle et vestimentaire, la beauté ne
l'intéresse pas en premier lieu. Il reviendra à l'intervenant de
susciter une meilleure prise de conscience à l'égard de sa
santé, l'aider à se construire une image positive de soi. Des
études ont démontré l'importance de la dimension
psychique, les affects, les sentiments et les émotions dans le domaine
de la santé, surtout « dans l'organisation de nos
pensées, nos jugements, nos décisions, nos comportements.
». Une étude réalisée par le CRAES
CRIPS33 sur « l'observance des trithérapies dans le
domaine du VIH a bien mis en, évidence l'importance des
représentions du corps et la dimension paradoxale du rapport aux
médicaments qui entrainent des effets secondaires plus lourds que les
symptômes initiaux. »
Par ailleurs, un accent important doit être mis sur
l'estime de soi. Le détenu doit être encouragé à se
dire qu'il a la capacité, le potentiel d'être heureux, de jouir
d'un meilleur état de santé, de le protéger ou le
renforcer. Dans la démarche de la promotion de la santé en milieu
carcéral, hormis les détenus, des actions sont à mener
envers d'autres cibles notamment, les décideurs (administration
pénitentiaire), le service médical, le service social, les
Organisations non-gouvernementales (Ong) intervenant en milieu carcéral
telles que le Comité
33 Collège Rhône-Alpes
d'éducation pour la santé - Centre régional d'information
et de prévention du Sida (Rhône-Alpes/Lyon).
49
international de la Croix-Rouge (Cicr)34 et les
autres organisations visitant les prisons.
Il est important d'impliquer chacune de ces entités
dans la promotion de la santé des détenus. Car de leur
implication dépend la réussite des projets d'éducation
à la santé des détenus. Leurs décisions ou leurs
pratiques oeuvreront à assurer un meilleur état de santé
aux prisonniers. La mise à disposition des moyens matériels,
financiers et humains, d'une part, l'organisation ou la création de
dispositions légales, d'autre part vont contribuer à asseoir une
véritable politique d'éducation à la santé en
milieu carcéral. (Claude Bouchet, 2000)
34 Le Cicr est une organisation internationale
humanitaire, créée en 1863 par un groupe de citoyens de la ville
suisse de Genève, dont faisaient partie Gustave Moynier, Henri Dunant et
Guillaume-Henri Dufour.
50
|