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Dilemme du rapprochement américano-iranien: réflexion sur une politique étrangère d'adaptabilité

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par Christophe BALEMA LIMANGA
Université de Kisangani - Licence 2015
  

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§2. La détention par l'Iran de l'arme nucléaire : l'Iran et le traité de non-prolifération de l'arme nucléaire

La propension d'Iran à innover a toujours été étroitement conditionnée par les données d'un tel débat ; on ne s'étonnera pas de le voir resurgir au 20ème siècle lorsque les sociétés du monde musulman se trouvaient confrontées à la modernité occidentale. Le besoin pour l'Iran devient alors l'acquisition de la technologie nucléaire mais, cette acquisition se double d'un vif débat sur son appréciation par rapport au traité de non-prolifération.

L'introduction de la technologie nucléaire en Iran, comme dans la plupart des pays, a commencé à la fin des années 1950 avec le programme américain « Atomes pour la Paix ». Ce programme consistait à limiter l'accès à la technologie nucléaire aux Etats situés dans une périphérie vis-à-vis de l'influence américaine. Cette coopération sous-entendait une prévention de la nucléarisation de nouveaux Etats en dehors des deux puissances soviétique et américaine. Lors de l'ouverture de l'exposition « Atomes pour la paix » à Téhéran en 1957, le Shah d'Iran annonce la signature d'un accord de coopération pour la recherche sur les utilisations pacifiques de la technologie nucléaire, ce qui fut presque immédiatement suivi par le transfert à Téhéran du centre de formation nucléaire qui opérait à Bagdad dans le cadre du Traité d'Organisation du Moyen-Orient68(*).

Le développement de plusieurs centrales nucléaires sur le sol iranien était l'objectif du Shah d'Iran en coopération avec les puissances du club nucléaire de l'époque. C'est donc dans ce contexte que l'Organisation de l'Energie Atomique d'Iran (OEAI) a été créée en 1974 pour lancer un programme important de construction de centrales nucléaires et de maîtrise du cycle de combustible nucléaire69(*). Le motif qui a conduit à cette décision est que, le Shah d'Iran était particulièrement concerné par le remplacement du pétrole par d'autres sources d'énergie, en particulier pour la production d'électricité. Cependant, la tension qui existait autour du programme nucléaire et ses possibles conséquences militaires et stratégiques a certainement eu des répercussions négatives sur l'avancement du projet70(*).

Par ailleurs, comme disait bien Francis FUKUYAMA, la perception de la menace étrangère - semble-t-il - n'est pas objectivement déterminée par la position de l'Etat dans le système des Etats, mais est fortement liée et influencée par l'idéologie71(*). La prise de position autre que celle de l'occident ; celle d'opposer à la modernité occidentale une modernité spécifique à l'Islam a été le point d'ancrage de la rivalité américano-iranienne. Et malgré les différentes raisons invoquées par l'Iran pour justifier son programme civil, l'activité nucléaire iranienne est devenue l'instrument de toutes les accusations contre l'Iran, où nombre d'hypothèses sur une éventuelle bombe nucléaire iranienne reposent sur un fond d'animosité entre Iran et la communauté internationale.

Dans cette optique, la République islamique d'Iran cherche-t-il à se doter d'arme nucléaire ? A cette question, Nader ENTESSAR démontrait déjà la difficulté de répondre de manière définitive. Néanmoins, cette difficulté n'empêche pas d'obtenir une meilleure image de la question en examinant la perspective nationale du pays quant à sa perception des menaces ainsi que sa prise de position partisane, et son impact sur le débat nucléaire72(*).

Bien que les Etats-Unis et Israël aient depuis longtemps accusé l'Iran d'être à la recherche d'armes nucléaires, il faut noter qu'il n'y a toujours pas de preuves tangibles sur l'aspect militaire du programme ; mais les observateurs internationaux voient un certain nombre de raisons qui soutiennent la stratégie de Téhéran de se doter de l'arme nucléaire73(*).

L'ambition nucléaire de l'Iran s'est affirmée suite à l'utilisation d'armes de destruction massive par l'Irak pendant la guerre qui opposa les deux pays de 1980 à 1988. L'Iran a tiré des leçons du conflit : premièrement, ne plus jamais se retrouver dans une telle position de vulnérabilité stratégique, et deuxièmement, face à la superpuissance mondiale, les conventions et traités ne servent souvent à rien. Les essais nucléaires indiens puis pakistanais en 1974 et 1990 ont également réaffirmé la détermination iranienne74(*).

Quels que soient les véritables buts de la République Islamique - bénéficier de l'énergie nucléaire civile ou se doter de l'arme nucléaire - il est fondamental de comprendre où se situe le programme de Téhéran au regard du droit international. Alors que l'existence d'un programme nucléaire militaire destiné à fabriquer des armes nucléaires n'a pas encore été prouvée, Téhéran clame depuis le début de la crise que son programme nucléaire civil est parfaitement dans la légalité et même garanti en droit international dans le cadre du Traité de Non-Prolifération75(*).

Pourtant, la révélation des activités nucléaires iraniennes clandestines à l'été 2002 a entrainé un débat juridique sur la légalité du programme iranien au regard du droit international. L'argument principal pour la majorité des pays occidentaux, est que le programme nucléaire iranien est illégal au regard des engagements internationaux de l'Iran. La crise iranienne peut être analysée comme une illustration des tensions qui existent au sein même du Traité de Non-Prolifération entre d'une part ceux qui interprètent l'article IV76(*) du Traité comme ouvrant un droit à l'accès à la technologie nucléaire civile et d'autre part ceux qui se concentrent davantage sur les clauses de non-prolifération du Traité (articles I, II et III) et pour qui l'échange de technologie doit être compatible avec les garanties de non-prolifération.

L'argumentation de base des Iraniens se fonde en effet sur l'existence d'un « droit inaliénable » du peuple iranien à développer un programme nucléaire pacifique, droit qui leur est conféré par l'article IV du TNP. De par son ambiguïté et ses diverses interprétations, l'article IV est donc au centre de la controverse entourant la crise nucléaire iranienne77(*).

Le droit aux usages pacifiques constitue un des trois piliers du Traité de Non-Prolifération aux côtés de la non-prolifération et du désarmement. Cependant ce droit fondamental se voit balancé puisqu'il se révèle être « un droit conditionné »78(*). L'exercice de ce doit reconnu à l'article IV du Traité est donc subordonné au strict respect des engagements de non-prolifération de l'Etat partie, en particulier dans la mise en oeuvre de son accord de garanties. L'article IV ne mentionne donc pas de manière explicite le droit à l'enrichissement, la reproduction ou autre technologies sensibles de fabrication du combustible nucléaire, même si certains gouvernements l'ont cependant interprété comme implicitement reconnaissant le droit spécifique des Etats signataires à n'importe quelle activité technologique nucléaire qui peut être qualifiée de pacifique. Sous cette interprétation, tout ce qui est requis est donc qu'un Etat signataire, non doté de l'arme nucléaire, puisse conclure en vertu de l'article III du Traité de Non-Prolifération, un accord de garantie avec l'Agence Internationale de l'Energie Atomique ; et que les inspecteurs de cette agence s'assurent du caractère pacifique du matériel utilisé pour les activités nucléaires de l'Etat signataire. L'Etat signataire doit cependant être en parfaite conformité avec les obligations lui incombant en vertu du Traité de Non-Prolifération et des accords de garanties signés avec l'Agence Internationale de l'Energie Atomique.

La République Islamique d'Iran a cependant poussé l'interprétation de l'article IV jusqu'à l'extrême. Suite à un manque de transparence évident de la part de l'Iran, le conseil des gouverneurs de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique a dénoncé la non-conformité de l'Iran à ses obligations découlant du Traité de Non-Prolifération et de son accord de garantie avec l'Agence Internationale de l'Energie Atomique. Par conséquent, le conseil des gouverneurs, et donc le Conseil de Sécurité des Nations Unies, ont décidé de manière légale que l'Iran devait suspendre toutes ses activités d'enrichissement en attendant que l'AIEA résolve la question de non-conformité de l'Iran à ses obligations juridiques79(*). Cependant en rejetant ces demandes de suspension, les Iraniens ont fait savoir qu'absolument aucune circonstance quelle qu'elle soit - même sa non-conformité au Traité de Non-Prolifération et aux accords de garantie ou les résolutions contraignantes du Conseil de Sécurité - ne peut limiter ce qu'ils interprètent comme étant leur droit spécifique et inaliénable à enrichir, reproduire et toute autre activité sensible de fabrication du combustible nucléaire découlant du Traité de Non-Prolifération.

La crise iranienne souligne la tension qui est au coeur du Traité de Non-Prolifération autour de la nécessité d'empêcher la prolifération tout en permettant les usages pacifiques et civils de l'énergie nucléaire. La crise iranienne, comme la crise nord-coréenne avant elle, ont en effet mis en évidence le risque de voir l'article IV se transformer en une route facile vers la voie de prolifération. A ce titre, un certain nombre de débats de la conférence d'examen du Traité de Non-Prolifération de 2005 ont porté sur la nécessité d'encadrer le droit affirmé dans l'article IV pour éviter que celui-ci ne serve à des fins militaires. Les leçons tirées des deux crises nous apprennent que la vérification des activités nucléaires est cruciale et qu'il convient de s'assurer que les transferts de biens et de technologies tels qu'encouragés par l'article IV ne donneront pas lieu dans le futur à des activités de prolifération clandestines. Outre l'interprétation iranienne de l'article IV que les occidentaux considèrent abusive, leur argument se fonde sur le fait que les activités nucléaires iraniennes n'ont pas été déclarées en bonne et due forme à l'Agence Internationale de l'Energie Atomique et constituent donc une violation des accords de garanties signés entre l'Iran et l'Agence Internationale de l'Energie Atomique80(*).

* 68 Traité d'Organisation du Moyen-Orient ou Pacte de Bagdad signé le 24 février 1955 par l'Irak, la Turquie, le Pakistan, l'Iran et le Royaume-Uni, rebaptisé Traité d'Organisation Centrale ou CENTO après le retrait irakien en 1959.

* 69 ETEMAD, AKBAR, La Question du Nucléaire Iranien: les Défis et les Tensions, Les enjeux géostratégiques entre les Etats-Unis et l'Iran, Mai 2009, pp. 85-102

* 70BOCCAS FAUSTINE, Op.cit., p. 14

* 71 FUKUYAMA, F., La fin de l'histoire et le dernier homme, Paris, Champs Flammarion, 1992, p. 300

* 72NADER ENTESSAR, Comprendre le processus de Prise de décision nucléaire de l'Iran : des leçons pour l'Administration Obama, Mai 2009, p. 5

* 73BOCCAS FAUSTINE, Op.cit., p. 18

* 74 TOLOTTI, S., La crise irano-américaine : pourquoi l'Iran veut la bombe, Alternative internationale, n°22, pp. 6-11

* 75BOCCAS FAUSTINE, Op.cit., p. 22

* 76 Aucune disposition du présent Traité ne sera interprétée comme portant atteinte au droit inaliénable de toutes les Parties au Traité de développer la recherche, la production et l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, sans discrimination et conformément aux dispositions des articles premier et deuxième du présent Traité.

Toutes les Parties au Traité s'engagent à faciliter un échange aussi large que possible d'équipement, de matières et de renseignements scientifiques et technologiques en vue des utilisations de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, et ont le droit d'y participer. Les Parties au Traité en mesure de le faire devront aussi coopérer en contribuant, à titre individuel ou conjointement avec d'autres États ou des organisations internationales, au développement plus poussé des applications de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, en particulier sur les territoires des États non dotés d'armes nucléaires qui sont Parties au Traité, compte dûment tenu des besoins des régions du monde qui sont en voie de développement.

* 77BOCCAS FAUSTINE, Op.cit., p.22

* 78 BOUTHERIN, G., Le Droit International face à la Prolifération des Armes de Destruction Massive et de leurs Vecteurs, Thèse de Doctorat, Aix-en-Provence, 2006

* 79 Conseil des gouverneurs de l'AIEA, Mise en oeuvre des Accords de Garantie du TNP en République Islamique d'Iran, GOV/2005/77, 24 septembre 2005 et Conseil de Sécurité des Nations Unies, Résolution 1696, S/RES/1696, 31 juillet 2006, Résolution 1737, S/RES/1737, 27 décembre 2006, Résolution 1747, S/RES/1747, in BOCCAS FAUSTINE, Op.cit., p.23

* 80BOCCAS FAUSTINE, Op.cit., pp. 24-26

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