La contribution de la microfinance au développement socio-économique dans la commune de Carrefour: le cas d'ACME pour la période 2000-2009( Télécharger le fichier original )par Jonathan SAINT JEAN Université d'état d'Haà¯ti - Licence ès Sciences Economiques 2015 |
CHAPITRE 6 INTRODUCTION GÉNÉRALEContexte et Justification L'accession à l'indépendance dans des conditions difficiles au début du 19e siècle n'a pas été sans conséquences pour Haïti. Jusque vers la fin des années soixante, l'économie haïtienne était caractérisée par une prédominance agricole basée sur la petite exploitation paysanne et de faible productivité (Montas, 2005), qui ne pouvait guère répondre aux besoins de la première république noire, libre et indépendante. En milieu urbain l'économie est liée au commerce international, faible en volume, en valeur et en part relative du produit intérieur brut. L'industrialisation étant restée relativement faible, ralentie en partie par une agriculture qui s'est montrée incapable de satisfaire la demande urbaine malgré les efforts de modernisation économique amorcés au début des années soixante-dix. Depuis des années, Haïti est connu comme le pays le plus pauvre de la Caraïbe (MPCE, 2004) voire du continent américain (Montas, 2005). Les données sur la pauvreté et des inégalités en Haïti révèlent qu'en 2001, 56% de la population haïtienne, soit 4.4 millions d'habitants sur un total de 8.1 millions, vivait en dessous de la ligne de pauvreté extrême de 1$ US par personne et par jour. En 2005, Haïti a régressé dans l'échelle du développement passant du 146e rang en 2000 au 153e rang. L'IHSI, conjointement avec le Centre Latino-Américain de Démographie (CELADE) et le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), estime l'espérance de vie à la naissance à 58,1 ans (2000-2005), sur la base des données du Recensement de 2003 (MPCE, pp.14-15, 2007). En vue d'un redressement de cette situation, beaucoup de programmes ont été mis sur pied. Nous citons, entre autres, les programmes d'ajustements structurels du Fonds monétaire international (FMI) et de la banque mondiale (BM), le Cadre de Coopération Intérimaire (CCI) en 2004, la stratégie des Grands Chantiers présentée en juillet 2006, le Document de Stratégie Intérimaire de Réduction de la pauvreté (DSRP-I) en septembre 2006. On peut citer en outre, le programme d'apaisement social (PAS) de l'administration du président René PREVAL appuyé par la Banque Interaméricaine de Développement (BID). Mais tous n'ont pas abouti à produire les résultats escomptés. En 2007, l'administration du président René PREVAL implémente le Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (DSNCRP) ayant la vision de relever avec succès quatre défis majeurs, dont le premier consiste à impulser une dynamique forte de rattrapage des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD)1(*), prônés par le PNUD, dans le sens d'un développement social plus consistant (MPCE, p.17, 2007). Malheureusement, comme pour tous les autres programmes et projets, les conditions de vie en Haïti ne sont pas améliorées avec le DSNCRP. Par conséquent, le pays est dans l'obligation de trouver un instrument qui puisse l'aider à faire le grand saut pour sortir de la pauvreté. En effet, plusieurs courants d'idées et organismes de développement considèrent la microfinance comme un levier de croissance et de développement économique en faveur des pauvres, qui sont des exclus des services bancaires classiques (Augustin, 2008). La microfinance doit donc proposer des services financiers diversifiés, ajustés à la demande et distribués de manière responsable au plus grand nombre. « Nous sommes tous des entrepreneurs potentiels », témoigne Maria Nowak (ADA, 2003). Le microcrédit offre l'opportunité à ceux qui n'ont pas les moyens de développer leur activité et d'atteindre l'indépendance et l'inclusion sociale et financière, poursuit-elle. Sabrina Djéfal de son côté, constate que beaucoup de personnes ayant contracté des prêts auprès d'organisations de microfinance ont ainsi pu développer leurs activités ou voir leurs conditions de vie s'améliorer très nettement. Elle estime que la microfinance apparaît comme un « remède miracle » parce qu'elle cristallise ainsi les aspirations des praticiens du développement depuis les années 1960, en ce qu'elle représente une sorte de « catalyseur » qui parviendrait (enfin) à enclencher le mouvement de développement tant recherché depuis cette époque. Les organisations multinationales s'arrangent au côté de la microfinance également. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) croit que les initiatives privées peuvent favoriser la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). C'est dans cet optique qu'il proclame l'année 2005, l'année internationale du microcrédit avec l'objectif d'atteindre plus de 100 millions de pauvres. « Nous reconnaissons la nécessité d'assurer l'accès des pauvres en particulier aux services financiers, notamment grâce à la microfinance et au micro crédit », telle fut la déclaration des chefs d'Etats et gouvernements réunis au siège des Nations Unis lors du Sommet Mondial en septembre 2005 (Condé, 2007). Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), a plaidé en faveur de l'accès des plus pauvres aux services financiers pour favoriser une croissance durable et la stabilité financière. « En permettant aux individus et aux familles de mettre à profit des opportunités économiques, l'inclusion financière peut être un facteur puissant de croissance »2(*), a déclaré Mme. Lagarde. La Banque Mondiale de son côté, voit la microfinance comme un instrument permettant de stimuler la croissance et de réduire l'écart entre les riches et les pauvres. Pour la banque mondiale (BM) la microfinance est la fourniture de services financiers, y compris des services de l'épargne, de crédit, d'assurance et de paiement, aux personnes à faibles revenus (Paul, 2011). Plus de quatre (4) millions de la population haïtienne vivent en situation de pauvreté. Or la microfinance est en plein développement en Haïti (Augustin, 2008 ; Paul et al., 2010 ; Paul, 2011). Selon le recensement de l'industrie de la microfinance en Haïti pour l'exercice 2008-2009, le secteur de la microfinance gérait un portefeuille brut de 4 446 967 664 gourdes, alors qu'il était de 4 101 313 194 gourdes en 2008 ; et le nombre d'emprunteurs en 2009 se chiffrait à 233 186 répartis entre environ 200 institutions de microfinance (IMF) (USAID, 2011). Avec cette croissance du portefeuille de plus de 8.42% pour une seule année, il est clair que le secteur affiche une maturité confirmée. L'inclusion financière pourrait bien permettre aux pauvres Haïtiens de développer des activités entrepreneuriales pouvant les aider à améliorer leurs conditions de vie. La microfinance a connu une forte croissance à travers le monde au cours de ces deux dernières décennies. Durant cette période, l'évolution du secteur a permis, à partir d'initiatives centrées sur les services de crédit, d'embrasser une gamme toujours plus étendue de services financiers, jusqu'à la volonté de construction d'un véritable système d'intermédiation financière « inclusif » au service des pauvres et des populations à bas revenus (Morvant-Roux et Servet, pp. 55-66, 2007). Ce qui pourrait impliquer une participation des pauvres à la croissance économique. Or la croissance économique est en quelque sorte un tremplin pour le développement économique et social. Problématique La microfinance consiste à donner accès aux moyens de financement à un maximum de personnes pauvres et leur permettre de mettre à profit leurs capacités en faveur d'un développement durable (ADA, 2003). En Haïti, la microfinance a été privilégiée comme stratégie de lutte contre la pauvreté grâce à l'aide de plusieurs organisations d'aide internationale, et mobilisant principalement les ressources sociales dont disposait la population (Lustin, 2005). Certains pensent que l'accès au crédit pourrait permettre aux pauvres de créer leur propre emploi, puisque le chômage ne se laisse pas défaire facilement dans le pays. On n'est pas censé ignorer la capacité des haïtiens de pratiquer des activités entrepreneuriales parfois même de très petite taille. On peut lister des marchands d'eau, des marchands de boissons dans des bouteilles en plastiques, des marchands de pistaches, de vêtements, de provisions alimentaires... Ces activités sont entreprises fort souvent par un simple prêt d'un proche ou des prêts usuraires communément appelés `'kout ponya''. Malgré cette volonté manifeste de ces haïtiens, beaucoup sont encore à l'écart d'activités réellement profitables et ce problème est dû certaines fois à l'absence de prêts pouvant faire fructifier leurs affaires et si prêts il y a, ils ne correspondent pas à leur situation. De nos jours, on plaide dans les pays en voie de développement (PVD), en faveur des initiatives individuelles ayant des impacts socio-économiques sur les pauvres-bénéficiaires et financées par la microfinance. Il s'agit alors d'un système financier inclusif solide où les pauvres trouveront la possibilité de camper leurs affaires, d'augmenter leur niveau de vie, de construire un patrimoine et de trouver du travail rémunéré pour investir notamment dans l'amélioration de leur habitat, l'éducation des enfants, les soins de santé ; bref, pour assurer une vie convenable (Djéfal, 2004). Selon l'Association Nationale des Institutions de Microfinance en Haïti (ANIMH), parmi les bénéficiaires de crédit en Haïti globalement, 100 000 étaient des clients des institutions de microfinance ; qui étaient alors au nombre de soixante-dix-neuf (79), avec un portefeuille de 1.235 milliards de gourdes en 2002. En 2007, la microfinance sert 108 778 microentreprises (18% de plus que 2002), avec une nette augmentation du portefeuille (23%) par rapport à 2002 (Dukenson, 2011). En 2009, la microfinance haïtienne est assez diversifiée en termes de services et en termes d'acteurs (Paul, 2011). Mais, la question d'impacts ou de sa contribution au développement reste à vérifier. Nous orientons notre recherche autour de la question suivante: Le développement de la microfinance contribue-t-il au développement socio-économique des bénéficiaires des services offerts par les IMF à Carrefour? Formulation de l'Hypothèse de travail Dans le cadre de cette étude, nous ferons oeuvre qui vaille en vue d'apporter des réponses appropriées à notre interrogation pour l'édification des chercheurs, des décideurs et des analystes sur ce que représente réellement le secteur de la microfinance pour Haïti et particulièrement pour la commune de Carrefour. À cet effet, notre travail est sous-tendu par l'hypothèse suivante : Hypothèse de travail : Le développement de la microfinance contribue au développement socio-économique des bénéficiaires à Carrefour. Objectifs de l'étude Dans le cadre de cette étude, nous poursuivons l'objectif de montrer l'apport réel de la microfinance sur le développement économique et social à Carrefour. Dans un sens plus détaillé nous tenons à montrer que le secteur de la microfinance se développe année après année. Puis, ce développement du secteur a un impact positif sur le niveau de vie, l'éducation et le revenu des bénéficiaires. Aussi par cette étude aiderons- nous le secteur à mieux connaître les besoins des clients pour mieux les servir car ce secteur est peu étudié, surtout en matière d'impact. Pourtant les enjeux de l'évaluation de la microfinance sont si importants, et grandissants avec l'intérêt qu'y apportent les bailleurs de fonds internationaux, que les méthodologies d'évaluation ne cessent de s'améliorer. Autrement dit, les potentialités de la microfinance à contribuer au développement méritent d'être évaluées (Fischer et Sriram, 2002)3(*). Notre étude s'inscrit dans le cadre d'une préoccupation pour ce secteur très prometteur et surtout pour les pauvres en difficultés de financement et des personnes en situation de chômage. A la fin de l'étude, des recommandations seront faites en vue d'aider ce secteur à être plus performant dans la lutte contre la pauvreté. Notre mémoire fait suite aux peu de recherches qui ont déjà été effectuées autour de ce thème, et il servira probablement de documentation aux recherches subséquentes. Limites de l'étude Cette étude ne prétend pas être exhaustive. Elle est limitative en ce sens que l'enquête concerne les activités de microfinance dans la commune de Carrefour et ne prend pas en compte toutes les variables pouvant expliquer le développement. Ensuite, le cas d'étude concerne spécifique des activités d'une seule IMF, l'ACME, avec un survol sur les autres grandes institutions du secteur, et couvre la période 2000-2009. Bref, notre étude est bornée dans le temps et dans l'espace. Elle est aussi limitée pour le fait qu'elle ne concerne que les IMF non-coopératives. Enfin, les données administratives dont nous disposons concernent les activités de microfinance sur l'échelle nationale et non locale. Approche méthodologique Pour vérifier notre hypothèse, nous allons recourir à diverses démarches et approches. Pour la mesure de l'impact socio-économique nous nous inspirons des indicateurs utilisés dans le calcul de l'indice de développement humain (IDH) par l'organisation des nations unies (ONU). Nous aurons à analyser des indicateurs qualitatifs ayant rapport avec les conditions de vie et l'éducation sans oublier les indicateurs quantitatifs notamment le revenu et les dépenses, en vue de la vérification de notre hypothèse de travail. Pour ce faire, nous avons procédé à une enquête de terrain sur un échantillon de bénéficiaires des services de la microfinance dans la commune de Carrefour. La recherche documentaire occupe aussi une place de choix dans ce travail. En premier lieu, nous avons consulté des documents officiels de la République d'Haïti : des forums présentés par certaines instances de l'Etat ; des études et recherches effectuées par le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, de l'Institut Haïtien de Statistiques et d'informatiques, de la BRH etc. Ensuite, nous nous sommes aussi servis des documents de l'Organisation des Nations Unies notamment de certains organismes tels le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA)... En second lieu, nous nous sommes servis des sites dédiés spécialement à la microfinance et d'autres sites d'informations utiles à la réussite de cette étude. Ces institutions cumulent une très riche variété d'ouvrages, d'études et de documents de toutes natures sur ce sujet. Ces sites web seront ajoutés à la bibliographie à la rubrique sitographie. Enfin, nous avons exploré les documents d'auteurs, les mémoires et thèses d'étudiants et des articles de journaux et revues autour du thème. L'enquête a été réalisée sur un échantillon composé de ménages-propriétaires de micro, petites et moyennes entreprises bénéficiant d'un crédit au moins, issu d'une institution de microfinance dans la commune de Carrefour. L'échantillon comportait 31 bénéficiaires des services de microfinance. Articulation du mémoire Ce présent travail comprend quatre (4) chapitres. Le premier présente les considérations générales sur le thème. Il analyse les concepts formant l'hypothèse générale et fait l'historicité du secteur de la microfinance... Le deuxième chapitre fait une revue de littérature sur le thème de recherche. Le troisième chapitre analyse l'environnement socio-économique d'Haïti pour la période d'étude et une présentation du secteur financier haïtien. Le quatrième prendra en compte l'étude empirique de la microfinance dans le processus de développement d'Haïti, particulièrement à carrefour de 2000 à 2009. On y présente l'évolution des activités de l'ACME pour la période 2000-2009 avec un survol sur les autres institutions pour la même période. On présentera les résultats de l'enquête et on en fait une analyse en vue de la vérification de notre hypothèse du travail. * 1 Ce sont un ensemble d'objectifs en huit (8) points fondamentaux visant à réduire la pauvreté de moitié d'ici 2015. Ils sont formulés ainsi : Éliminer l'extrême pauvreté et la faim, Assurer l'éducation primaire pour tous, Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes, Réduire la mortalité infantile et post-infantile, Améliorer la santé maternelle, Combattre le VIH/sida, le paludisme et d'autres maladies, Préserver l'environnement et Mettre en place un partenariat pour le développement * 2 Intervention de madame Christine Lagarde, directrice générale du FMI, à l'ouverture d'un forum international organisé par le gouvernement mexicain sur «l'inclusion financière» le 26 juin 2014, à Mexico, en présence du président mexicain Enrique Peña Nieto. [En ligne] à l'adresse : http://affaires.lapresse.ca/economie/international/201406/26/01-4779133-fmi-lagarde-plaide-pour-linclusion-financiere-des-plus-pauvres.php . Page consultée le 30 juin 2014. * 3 Cette référence est citée par PAUL Bénédique (2011) in « le capital institutionnel dans l'analyse du changement économique et social : application au secteur de la microfinance en Haïti », p. 233. |
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