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Les zones a defendre: d'un mouvement de contestation sociale à un nouveau courant de pensée politique

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par Antoine Vieu
Université de Bordeaux - Master 2 2016
  

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Titre : Les zones à Défendre : d'un mouvement de contestation sociale à un nouveau courant de pensée politique.

Résumé :

Notre mémoire d'analyse des idées politiques se concentre sur la pensée politique zadiste.

Ce phénomène politique nouveau, véritable fer de lance de la contestation sociale et environnementale, renouvelle une critique du système politique actuel tout en proposant la mise en place de nouvelles alternatives. A travers notre travail d'analyse des documents zadistes, nous cherchons à comprendre la pensée politique zadiste. Notre hypothèse principale suggère que les zads développent une conception et une critique cohérente du politique qui permet de comparer la pensée politique zadiste à certaines idéologies.

Mots clés : Zad, Idéologie, Mouvement, Anticapitalisme, Autonomie, Autogestion, Altermondialisme, Ecologie radicale, Municipalisme libertaire.

Title : A Zone to Defend : from a new social protest movement to a new political ideal.

Abstract :

Our thesis focuses on the political ideals of the zadist movement, which is leading contemporary social and environmenatal protests. It is renewing criticism of the current political system while suggesting the establishment of an alternative way of living. Through analysing zadist documents, our thesis aims to understand such political ideals. Our main hypothesis is that the zads are constructing a consistent conception and critique of politics allowing us to compare their political ideals with other ideologies.

Keywords : Zad, Ideology, Movement, Anticapitalism, Autonomy, Self-governance, Antiglobalisation, Ecology, Libertarian municipalism.

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Introduction

Le 26 juin 2016, 55,17% de la moitié des électeurs de la région Loire-Atlantique interrogé par consultation locale, s'est prononcé favorable au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Le gouvernement, à l'origine de cette consultation, estime que ce résultat justifie l'évacuation de la Zone A Défendre (Zad) de Notre-Dame-des-Landes qui empêche le début des travaux depuis maintenant plus de sept ans.

Le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes ne date pas d'hier. Le choix du site pour la construction est décidé en 1967. Il doit alors ouvrir en 1985. C'est en 1972 que la préfecture annonce publiquement la volonté de construire un nouvel aéroport auprès des habitants concernés. Cette même année est créée l'ADECA, Association de Défense des Exploitations Concernés par le projet d'Aéroport. En 1974, un arrêté préfectoral institue une Zone d'Aménagement Différé (ZAD) qui permet au Conseil Général d'acquérir une partie des terrains en vue de la future construction. La contestation ne dépasse pas encore le cadre local.

Le projet demeure lettre morte jusqu'en 2000, lorsque Lionel Jospin, alors Premier Ministre relance l'idée de la nécessité de construire l'aéroport qui doit alors être fini en 2010. Quelques mois après se crée l'ACIPA, Association Citoyenne Intercommunale des Populations concernées par le projet d'Aéroport qui deviendra l'un des piliers de la mobilisation anti-aéroport.

C'est à partir des années 2000 que sont mis en place les premiers débat et enquête publique accompagnant le « tournant délibératif » engagé par les pouvoirs publics à l'occasion des débats sur l'énergie et plus particulièrement sur le nucléaire. Parallèlement, la contestation s'étend peu à peu à toute la région et, en 2007, s'ouvre la première maison occupée sur la zone d'aménagement : Les Rosiers. Une année plus tard, l'annonce de la Déclaration d'Utilité Publique (DUP) entraîne l'intensification de la mobilisation contre le projet d'aéroport. Les différentes associations mobilisées et certains partis politiques et syndicats organisent les premiers rassemblements sur la zone d'aménagement qui s'accompagnent des premières occupations par des individus extérieurs à la zone. Mais il faut attendre l'organisation de la « Semaine des résistances » et l'installation du premier Camp Action Climat en France à Notre-Dame-des-Landes pour que la Zone d'Aménagement Différé soit rebaptisée Zone A Défendre et que l'appel à débuter une occupation permanente est lancé. A l'automne 2012, le gouvernement entreprend l'expulsion de la Zad par la force lors

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de l'Opération César mais échoue. L'ampleur et l'échec de cette Opération marquent une nouvelle étape dans la mobilisation contre l'aéroport. Elle s'étend sur tout le territoire national. La Zad de Notre-Dame-des-Landes devient le symbole d'une lutte qui dépasse l'enjeu local de construction d'un nouvel aéroport. Il s'agit de lutter contre la domination arbitraire de l'Etat et contre l'économie capitaliste qui dévasterait le monde. La zad devient progressivement un outil pour lutter contre l'aménagement urbain et plus particulièrement contre ce que les militants nomment les « Grands Projets Inutiles et Imposés »1 (GPII). Ainsi, le projet de construction d'une retenue d'eau est avorté après la création d'une zad et la mort dramatique du militant écologiste Rémi Fraisse. A Roybon en Isère, pour empêcher la construction d'un Center Parcs, des opposants au projet créent à leur tour une zad. Le phénomène s'est réitéré plus récemment dans la forêt de Bure contre un projet d'enfouissement des déchets nucléaires. Le chercheur Philippe Subra qualifie le terme zad de « label contestataire »2 dans le sens où les opposants à un projet utiliseraient cette appellation pour « attirer la sympathie d'une partie de l'opinion publique » et donc en quelque sorte, légitimer leur lutte. Le terme de « label » est contestable tant les différents écrits zadistes réfutent toute idée de filiation avec la Zad de Notre-Dame-des-Landes. Pour autant, le terme de zad s'est exporté depuis 2012 dans toute la France ainsi que dans d'autres pays.

Historiquement, certains projets d'aménagements du territoire ont engendré une opposition qui a eu des répercussions sur le plan national similaires aux zads. Outre le cas du Larzac abordé dans la seconde partie de ce mémoire, il faut déjà citer la lutte contre le projet de construction d'une centrale nucléaire dans la commune de Plogoff à la fin des années 1970. Le mouvement d'opposition local est vite rejoint par celui des antinucléaires qui commence alors à prendre de l'importance. Le projet est abandonné avec la victoire de François Mitterrand en 1981. Un autre projet nucléaire, qui a également connu une forte contestation durant la même décennie, est celui du surgénérateur Superphénix. A la différence de Plogoff ou du Larzac, une manifestation violente a lieu et Vital Michelon est tué par l'explosion d'une grenade offensive. Le dernier projet important à citer et celui du Tunnel du Somport. Ce dernier a occupé une moindre place que les autres mouvements d'opposition mais il partage certains points communs avec la Zad de Notre-Dame-des-Landes. Les manifestations sont plus violentes et donnent lieu à une occupation de la zone3. Ces différentes mobilisations partagent

1 CAMILLE Le petit livre des grands projets inutiles, édition Le Passager Clandestin, Neuvy-en-Champagne, 2015

2 SUBRA Philippe, Zones A Défendre : De Sivens à Notre-Dame-des-landes, La Tour d'Aigues, L'Aube, 2016, p.18.

3 A ce titre, l'ouvrage Des camions et des Hommes écrit par André Cazetien, maire honoraire de la ville de Mourenx durant la lutte est une très bonne introduction à ce conflit qui mériterait une étude approfondie.

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certains points communs avec les zones à défendre et permettent de comprendre certains de ses aspects. Pour autant l'échelle temporelle est trop grande pour amener à une compréhension suffisante du phénomène zadiste.

Les zads et leurs définitions

Un reportage d'Enquête exclusive, une émission télévisuelle, diffusé sur M6 le 29 mars 2015 débute en s'interrogeant sur l'identité des zadistes : «écolos, extrémistes ou marginaux ? »1. Il n'y aurait aucune utilité de mentionner ce reportage s'il n'était pas utilisé dans certains travaux de recherche que nous avons consultés pour réaliser ce travail. Le chercheur Eddy Fougier se réfère, avec précaution, à ce reportage lorsqu'il aborde la question de la violence sur les zads2 et plus particulièrement la consommation de drogue et « l'omniprésence » d'alcool. Le fait d'utiliser un reportage télévisuel dans un travail scientifique souligne la difficulté de trouver des informations scientifiques concernant les différentes zads. Trop peu de travaux de science politique ou de sociologie ont été réalisés ou sont en cours de réalisation. Les définitions issues de la littérature zadiste restent volontairement vagues. Le reportage a d'ailleurs été repris et fortement critiqué dans un texte par un « sympathisant zadiste »3 qui appelle à le déconstruire.

Eddy Fougier définit simplement la zad comme une « zone à défendre » composée de zadistes4. Il poursuit en expliquant l'objectif de la zad, à savoir bloquer le territoire pour éviter le début des travaux et mettre en place des « pratiques alternatives » pour lutter contre un système qu'ils rejettent. Pour le chercheur Philippe Subra une zone à défendre existe à partir du moment où le terrain d'aménagement est occupé de « façon permanente pour une durée relativement longue »5. Il faut que le terrain occupé soit l'objet d'un futur projet d'aménagement. En regroupant les deux analyses, nous pouvons observer que les deux chercheurs reconnaissent l'existence de plusieurs zads. Ils ne considèrent pas La Zad de Notre-Dame-des-Landes comme un phénomène unique. De plus, le projet d'aménagement peut être d'origine publique ou privée. Enfin, la création d'une zad peut tout à fait être légale.

1 M6 « Ecolos, extrémistes ou marginaux, qui sont ces zadistes qui défient l'Etat », Enquête exclusive, [en ligne] le 29 mars 2015

2 FOUGIER Eddy, Les zadistes : la tentation de la violence, Paris, Fondation pour L'INNOVATION POLITIQUE, 2016, p.25.

3 ANONYME, « Enquête exclusive, ceci est un ressenti personnel », grenoble.indymedia.com [en ligne] URL : https://grenoble.indymedia.org/IMG/pdf/Enquete Exclusive - ceci est un ressenti personnel.pdf [réf. 25 avril 2016].

4 FOUGIER Eddy, Les zadistes : un nouvel anticapitalisme, Paris, Fondation pour l'INNOVATION POLITIQUE, 2016.p. 11

5 SUBRA Philippe, Zones A Défendre : De Sivens à Notre-Dame-des-landes, La Tour d'Aigues, L'Aube, 2016.p.20.

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D'autre part, les deux auteurs voient dans les zads une nouvelle forme de contestation sociale qui regroupe une hétérogénéité d'individus et d'idées avec comme point commun la critique du système capitaliste. Ils expliquent qu'en plus de lutter contre un projet d'aménagement, les zadistes entreprennent la mise en place d'une alternative au système actuel.

Il est plus difficile de trouver une définition commune de la zad dans les écrits zadistes. Le Collectif Mauvaise Troupe1 préfère utiliser le terme zad plutôt que ZAD car il considère que les zads dépassent le cadre de zone à défendre et s'étendent à la défense du « territoire »2. Il ne s'agit pas « d'un simple acronyme mais d'un substantif qui désigne bien plus que la préservation d'un terrain contre un projet d'aménagement ». Le « territoire en lutte » implique aussi bien l'aspect géographique que la présence humaine et le mode de vie. Pour Henri Mora, opposant au Center Parcs de Roybon et auteur de nombreuses analyses sur le sujet, les zadistes « n'ont pas une identité propre et unique. Ils occupent un territoire qu'ils défendent contre son saccage et s'en emparent pour expérimenter d'autres relations sociales et humaines en dehors de l'utilitarisme économique »3. Le Collectif Mauvaise Troupe estime que la création de nouvelles zads comme à Roybon ou Sivens marque la naissance d'un « mouvement » zad. Il le définit de « social », « guerrier » et « artistique »4. Les zadistes définissent leur lutte de « sociale » car se limiter à la qualification de lutte environnementale reviendrait à négliger toute une partie de leurs revendications.

En reliant les définitions des chercheurs et des zadistes, les zads apparaissent comme une nouvelle forme de contestation sociale bien plus large que la défense de l'environnement. En habitant le territoire, les zadistes entreprennent la mise en place d'alternatives au système capitaliste actuel. Mais la notion de zad est un terme récent. Elle a connu une transformation avec le temps. D'un phénomène singulier à Notre-Dame-des-Landes, le terme zad fut utilisé pour nommer d'autres foyers de contestation à travers le pays. La multiplicité des zads a obligatoirement des conséquences sur sa définition. Les événements du présent ne peuvent

1 Ce collectif explique dans ses ouvrages que certains de ses membres se sont installés sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes.

2 COLLECTIF MAUVAISE TROUPE, Contrées : histoires croisées de la zad de Notre-Dame-des-Landes et de la lutte No TAV dans le Val Susa, Paris, L'éclat, 2016, p.266

3 CHAMBARANS.UNBLOG, « Center Parcs dans les Chambarans, utopie ou cauchemar touristique ? Entretien avec Henri Mora » Chambarans.unblog.fr [en ligne] le 8 mai 2013 ; URL : http://chambarans.unblog.fr/2013/05/08/center-parcs-dans-les-chambarans-utopie-ou-cauchemar-touristique-entretien-avec-henri-mora/ [réf. 15 mai 2016].

4 COLLECTIF MAUVAISE TROUPE, Contrées ..., Op.cit., p.368.

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être compréhensibles qu'en prenant compte du processus de formation de ces différentes zones à défendre.

Vue l'absence de sources précises et le peu de travaux scientifiques effectués sur les zads, nous avons opté pour une définition large qui définit la zad comme un territoire habité par des individus s'opposant à un projet d'aménagement public ou privé et contestant sa légitimité et sa viabilité. Ces individus proposent une alternative, au système économique et politique à l'origine de ces projets, qui repose sur des principes d'autonomie et d'autogestion en adoptant une économie sans rapport marchand et en rejetant toute relation de domination. Nous écrivons zad en minuscule (qui s'accorde au pluriel) lorsqu'il s'agit du phénomène. La majuscule indique le nom propre. Enfin nous n'utilisons pas l'acronyme ZAD pour Zone A Défendre car la lutte des zadistes s'étend au-delà d'une simple zone géographique et au-delà d'un projet d'aménagement. Le terme zadiste doit se comprendre au sens large et signifie tout individu habitant sur le territoire de la zad. Les médias et les chercheurs distinguent les zadistes des « habitants historiques » à savoir, les individus habitant sur la zone avant la relance des travaux par le gouvernement Jospin. Cette distinction nous apparaît difficile à effectuer sans un travail de terrain pour vérifier son intérêt scientifique. Nous ne l'utiliserons donc pas.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote