1.1. NOTION DE SYSTEME SOCIAL
Il convient de comprendre un système social à la
fois comme un agencement des parties en relation d'interdépendance
mutuelle et comme un lieu de convergence des forces capables d'engendrer, au
sein de cet agencement, des changements. Ces changements se manifestent en
événements qui constituent les points de repères des
« itinéraires » de l'histoire. Il est évident
que ces forces ne sont pas toutes endogènes au système lui-
même. Des facteurs exogènes, tels que le climat, les
séismes, les migrations animales, etc., jouent un rôle souvent
considérable dans l'évolution des sociétés
humaines. Il en va de même des facteurs qui relèvent de
l'organisation biologique des êtres humains, comme le vieillissement, la
capacité de reproduction, la plus ou moins grande résistance aux
épidémies.
La société est donc composée des
sous-systèmes à la fois autonomes et interdépendants. Les
sous-systèmes sociaux (comme le droit, la politique, l'économie)
se constituent comme des instances « auto
poïétiques », c'est-à-dire qui se
génèrent elles-mêmes, par un principe
d'auto-organisation.
- · Le système social, pris dans sa
généralité, est un système « complexe
adaptatif auto-producteur », qui fait de l'objet d'une discipline
particulière appelée systémique sociale. Celle-ci ne
considère pas que le système social constitue une
totalité concrète ou une partie d'une telle totalité.
L'étude des systèmes sociaux s'intègre dans la
théorie générale des systèmes, dont l'un des
représentants est le biologiste américain d'origine autrichienne
Ludwig Bertalanffy pour qui, un système peut être défini
comme un complexe d'éléments en interactions,
comme cela apparaît à travers le schéma ci-dessous :
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-
-
-
- Schéma n°2 : L'analyse du système
- Flux autonome
-
- SYSTEME
-
-
A
- Flux de sortie
- Flux d'entrée
-
- Environnement
-
B
C
D
-
- Source : LAPIERRE J.W., L'analyse du système.
L'application aux sciences sociales, Paris, Syros, 1992. p.31.
- · Le système est alimenté par des
éléments intrants, qui constituent le flux
d'entrée, lesquels proviennent d'autres systèmes, lesquels
composent l'environnement du système en question. Il en sort des
éléments extrants qui constituent le flux de
sortie. Une partie de ce flux de sortie est destinée à
réalimenter le système lui-même suivant une boucle de
rétroaction qui favorise ainsi le maintien de la stabilité du
système, en contrôlant à la fois les flux d'entrée
et les flux de sortie. Le restant des extraits va nourrir les systèmes
de l'environnement, ce qui permet de dire que, dans le cas des systèmes
ouverts, ce que sont dans une certaine mesure tous les systèmes (sauf le
système global de l'univers, toute hypothèse d'intervention
transcendante était ici écartée), tout système
contribue à produire son propre environnement.
- · Le système social est composé de systèmes
sociaux identifiables dans la réalité, chacun d'eux
correspondant à une « société »
donnée (chaque société faisant l'objet d'une
définition particulière pour les besoins de la cause : la
société française, la société industrielle,
la société coloniale, etc.). Chacune d' entre elles peut
être subdivisée en sous systèmes, correspondants à
un domaine d'activité qu'il est possible de distinguer de manière
abstraite.
- Ainsi, le sous système éducatif s'alimente entre autres aux
sous-systèmes familiaux, qui lui envoie des intrants, en l'occurrence
les écoliers, et au sous-système de l'emploi, qui lui envoie des
exécutants, sauf la portion d'entre eux qui est directement fournie par
le sous-système scolaire lui-même selon le processus de la
rétroaction (autorecrutement des maîtres par l'école en
son sein. Les extrants sont des diplômés qui passent par le
sous-système de l'emploi pour s'orienter ensuite vers d'autres
sous-systèmes (celui de l'entreprise, ou de l'administration, par
exemple) ou par le sous-système familial sous la forme des
ménagères non rémunérées ou des jeunes gens
en attente d'emploi.
- Selon certains sociologues contemporains, notamment Niklas Luhmann, les
systèmes sociaux seraient doués de la faculté
d'auto-poiésis, c'est-à-dire, non seulement de
la capacité d'auto-reproduction ou de celle
d'auto-organisation, mais aussi de celle d'être
auto-référents, c'est-à-dire de n'être
alimentés, en fin de compte que par leurs propres productions, sous les
espèces d'informations. (C'est nous qui soulignons)
- Un système social se structure ou est structuré d'une
certaine manière. Le terme est lui-même objet
d'interprétations fort diverses. Au sens large, on peut dire qu'il
s'agit de désigner la manière dont les différents
éléments d'un système s'articulent entre eux. La figure
de cette articulation serait alors la structure. Le même mot
utilisé pour désigner d'autres phénomènes, entre
autres le réseau d'interactions et de relations entre membres d'un
groupe en tant qu'ils occupent des positions déterminées et
jouent des rôles déterminés. Ou encore, on appellera
structure un principe d'organisation de phénomènes socioculturels
qui s'impose indéfiniment à l'esprit humain.
- Cette conception se trouve à la base du courant philosophique
appelé structuralisme. Celui-ci est issu historiquement de la
linguistique structurale élaborée au début du
siècle par le Genevois Ferdinand de Saussure. Il a montré que
l'étude d'une langue pouvait être abordée sous un angle
synchronique, puisque le système de significations qui constitue cette
langue (basée sur la correspondance existant entre la série des
signes et la série des sens) peut être ramené à un
ensemble de relations interdépendantes. A chaque moment de l'histoire,
une langue est donc régie par des lois d'équilibre.
- Claude Lévi-Strauss dont le nom reste justement attaché au
structuralisme, s'est inspiré de la pensée saussurienne pour
étudier des phénomènes sociaux tels que les
systèmes de parenté ou les mythes dans les sociétés
dites primitives.
- Dans une conception plus étendue, le structuralisme a
été présenté par certains penseurs comme une
théorie reposant sur la proposition suivante : les divers
subsystèmes composant la société globale sont
structurés de telle manière qu'il existe une homologie entre les
diverses structures. La structure du cerveau serait-elle-même en
homologie avec les structures sociales ? Si l'histoire est possible,
c'est qu'il existe néanmoins un décalage entre les diverses
structures. Par ces failles, pourrait s'introduire l'historicité des
sociétés.
- Parmi les structures des systèmes, écrit Janne, les plus
marquées sont les institutions. Il faut entendre par là que les
institutions constituent des éléments structuraux par
excellence. Dans la tradition durkheimienne, l'institution est un fait social
caractérisé par un haut degré de permanence ; il est
en quelque sorte incrusté dans l'histoire. En effet, chez Marcel Mauss,
le terme « institution » recouvre la
quasi-totalité des faits sociaux. Les seuls faits qui échappent
à cette appellation seraient précisément ceux «
qui se produisent dans la société sans institutions »,
c'est-à-dire les agrégats sociaux ou bien instables et
éphémères comme les foules...». En fait, une
institution est un ensemble d'actes ou d'idées tout institué que
les individus trouvent devant eux et qui s'impose plus ou moins à eux.
- Pour Niklas Luhmann, chaque système fonctionne selon
des lois et des règles d'organisation qui lui sont propres et se
caractérise par la façon dont il s'autonomise vis-à-vis de
son environnement. Se référant aux travaux de la biologie, Niklas
Luhmann énonce que de la même manière que les
systèmes vivants autonomes sont capables de s'auto-engendrer
(phénomène d'autopoiesis), les systèmes sociaux
(l'économique, le politique...) sont auto poïétiques dans la
mesure où ils sont capables d'évoluer de manière autonome
en se reproduisant à partir des seuls éléments qui les
constituent. Les communications sont le moteur déterminant de cette
évolution ainsi que le moyen de « réduire la
complexité » des relations entre les éléments du
système.45(*)
- Les interactions, les interdépendances qui existent à travers
les systèmes sociaux se retrouvent au sein de la famille, même
la plus simple possible.
* 45 . C. JAVEAU,
Leçons de sociologie, 2e édition, Paris, Armand
Colin, 205 ; pp. 120-125.
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