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Dynamique familiale et gestion de l'environnement en chefferie de Ngweshe. une analyse praxéo-interdiscursive

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par Pierre BAKENGA SHAFALI
Université Officielle de Bukavu - Doctorat en Sociologie 2012
  

Disponible en mode multipage

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INTRODUCTION GENERALE

Cadrage de la thèse

Cette recherche est axée sur la famille, l'environnement et débouche sur le développement, trois secteurs interdépendants et complexes à travers tous les biosphères de l'humanité. Elle étudie la famille dans ses dynamiques, celles-ci s'intéressant aux changements multiples et accumulés, profonds et irréversibles qui affectent la chefferie de Ngweshe, ses cultures et ses structures. Elle s'attelle, aussi et fondamentalement, sur des aspects épistémologiques du fait qu'elle analyse discours et actions au sein de la chefferie de Ngweshe.

Beaucoup de sociologues actuels de la famille tels que C. Cicchelli - Pugeaut, François de Singly et V. Cicchelli émettent des questions bien pertinentes sur la famille. Ils s'interrogent sur le fait que la famille soit un objet à la fois d'observation et d'intervention1(*).

En effet, la famille doit être observée en tant que système social qui donne la vie, solidifie les liens sociaux et prône la cohésion sociale. C'est pour cette raison que beaucoup de scientifiques ont une vue braquée sur la famille, son fonctionnement, ses problèmes et son avenir. Elle est ainsi observée par les médecins, enquêteurs sociaux, juristes, administrateurs et politiciens, hommes d'Eglises, agronomes et écologistes, psychologues, etc. dans tous les milieux de la vie humaine par le fait qu'elle apparaît comme un guide, un vade mecum vital.

De ce point de vue, dans la chefferie de Ngweshe comme partout ailleurs, la famille est perçue comme un système social, mais victime de diverses pathologies sociales à travers sa structure sociale, et toujours confrontée à son environnement dont elle dépend pour son mieux-être et vice-versa. La famille, en dépit de ces sévisses et secousses, doit chercher à se refaire et se parfaire, s'adapter, se maintenir, adapter et maintenir son équilibre et celui de son environnement, produire des discours, en consommer d'autres, (peu importe d'où ils proviennent) ; et réaliser des actions rationalisées, profitables à elle et/ou à toute la communauté. De ce point de vue, la famille doit être une unité de production, laborieuse et entreprenante.

Il s'agit donc d'une famille qui agit, cogite, s'émeut, pour laquelle on agit ; une famille qui demande et reçoit ou ne reçoit pas lorsqu'elle formule et introduit une requête ; une famille qui produit des discours et qui en consomme d'autres plus qu'elle n'en produit d'ailleurs ; une famille en mutation, mise en contact avec d'autres cultures par effet de modernité, de politique, de religion, d' interactions sociales et, dans une simple mesure, de mondialisation ; une famille disposant d'un environnement auquel elle est intimement liée ; un environnement qu'elle gère bien ou qu'elle détruit, par moment, et dont, curieusement, elle dispose tant de mécanismes de gestion et de conservation. Bref, la famille et l'environnement sont, à la fois, objets de changement et de continuité.

La famille est un objet de changement du fait de son dynamisme culturel, social, intégrateur, politique et économique. C'est au sein de la famille que les membres-sujets sociaux entrent en contact avec les premiers processus de la socialisation, d'intégration sociale primaire : ils apprennent à se comporter, à vivre, à produire, à s'adapter aux premiers rudiments de la vie, aux normes sociales, à gérer les biens mis à leur disposition et à la communauté dont ils font membres. C'est elle qui initie et conduit les premiers pas de l'individu humain, ce néophyte social. La socialisation demeure ce processus par lequel une société transmet ses normes et ses valeurs à ses membres. Si la socialisation sociale apparaît comme un apprentissage du code de la vie sous l'arbitrage des adultes, l'intégration sociale est une marque de conformité au catéchisme du comportement social.

Dans son parcours, généralement difficile, constitué d'embuches, la famille doit veiller à perpétuer sa continuité à travers ses diverses fonctions de procréation, de production et de reproduction, d'éducation et d'instruction, de consommation et d'auto-prise en charge. C'est à travers l'exaltation de ces fonctions diverses que la famille se confirme comme système de formation, d'attribution des qualités humaines.

En effet, on ne saurait naître, grandir hors de la famille ou du milieu humain et prétendre devenir un homme à part entière, un homme socialement établi. Le dynamisme familial dispose donc d'une capacité transformatrice de l'agent qui en est ressortissant.

D'une manière générale et purement optimiste, on ne peut prétendre affirmer que la famille n'offre que des aspects positifs dans sa socialisation et son dynamisme. En fait, de l'aspect optimiste et positiviste du regard à porter sur la famille, il est pertinent de signaler que cela n'apparait que comme un idéal à atteindre, lequel, par moment et pour des raisons diverses, peut ne pas être atteint selon les particularités et les spécificités de chaque famille au regard de son environnement. En n'atteignant pas ses objectifs, la famille se retrouve dans une dynamique transformatrice en dehors de ses idéaux. Ainsi, observe-t-on certaines pathologies sociales se développer au sein des communautés, et à travers les familles, malgré leur bon vouloir de ne point prétendre voir en leur sein ce genre de comportement déviant.

Toutefois, que le changement au sein d'une famille soit positif ou négatif, on parlera toujours d'une dynamique familiale, du fait que toute dynamique est à la fois qualitative et/ou quantitative. Ainsi, ces investigations ont permis de découvrir non seulement ce qu'il y a eu de négatif mais aussi ce qu'il y a eu de positif au sein de la famille dans la chefferie de Ngweshe, le tout déterminant le parcours, les défis et les enjeux de la famille au sein de cette univers.

L'étude consacre donc un aspect dynamique ou mieux encore prospectiviste. Il s'agit, ainsi, de mener une étude sur des avenirs souhaités, une réflexion pour aider à construire de familles stables aux fins de répondre le mieux possible à leurs besoins essentiels. Ce sont besoins alimentaires, de logement, de santé, de sécurité, d'équilibre social et environnemental. Cependant, il est bon de rappeler que la famille, sous étude, vient de passer des moments difficiles, des faits des guerres à répétition qui ont sévi la chefferie en cette dernière décennie et qui ont provoqué plusieurs cas de meurtres, de viols et violations des droits de l'homme, des extorsions, des pillages des biens, des récoltes et du bétail, des incendies des maisons et villages entiers. Quatre éléments devront, ainsi, entrer en compte de cette analyse :

- le passage en revue du passé récent et du présent

- les profils des acteurs sociaux

- l'évolution et l'état de l'environnement

- l'aspect prospectiviste et configurationnel

C'est sur base de ces quatre éléments que nous pouvons nous orienter vers des futurs possibles. Nous n'oublierons pas, cependant, des éléments pouvant provenir de l'environnement et qui peuvent se produire indépendamment du bon vouloir des acteurs et qui, par moment, peuvent désorienter le cours tracé pour des activités logiquement et rationnellement initiées.

2. Objet et objectifs de la recherche

Objet

Cette thèse a pour objet d'étude, d'une manière générale, la famille en tant que système social au sein duquel évolue tout homme généralement, et donc, par surcroît, le plus important pour tout être humain. La famille n'est pas statique, elle est dynamique, toujours en perpétuel changement et toujours confrontée à son environnement qui, lui aussi, subit des perturbations voulues et non voulues, lesquelles disposent des répercussions négatives et/ou positives sur la famille. Nous retiendrons, cependant, qu'il ne sert à rien d'étudier la famille si l'on ne peut pas se pencher sur ses aspects actionnalistes et discursifs : ce qu'elle fait, ce qu'elle a fait, ce qu'elle envisage faire, ce qu'elle dit et ce qu'elle entend. C'est en ce sens que nous avons choisi, spécifié un milieu d'étude et axé nos recherches sur des familles bien précises, celles de la chefferie de Ngweshe et sur leur environnement.

Objectifs de la recherche

Il est important de déceler que de ces objectifs, il se dégage un objectif fondamental et qu'ils s'ensuivent bien évidemment d'autres objectifs spécifiques.

1°.  La présente thèse s'engage à déterminer les changements intervenus au sein de la famille et de l'environnement au sein de la chefferie surtout en ces récentes périodes de guerres ; relever les aspects aussi bien positifs que négatifs et proposer des pistes des solutions durables. Ainsi, déterminerons-nous les éléments qui interviennent dans la formation des existentiaux2(*) écologiques, les présenter tels qu'ils apparaissent à l'oeil nu, dépourvu de tout apriorisme tout en les situant dans les cadres logiques préétablis.

Il s'agit donc, selon Jean Fromont, de mettre en lumière des données écologiques de l'existence, c'est-à-dire de visualiser et d'intérioriser par la perception sensorielle le milieu naturel dont le groupe existentiel en est produit.

Pour cet auteur, une étude de ce genre consiste en une description visualisante et verbalisante de la présence écologique dans la conscience collective, phénoménologique, le regard étant fixé sur l'image. Citant Mucchielli, Fromont estime que l'étude d'une communauté couplée à son écologie est une façon de décrire un ensemble qui est toujours donné primitivement comme la vie même, l'analyse ne consistant pas à chercher ses éléments dans une perspective de causalité, mais à les comprendre par leur contexte et par rapport à l'ensemble. Il s'agit donc d'une analyse sociologique, c'est-à-dire d'une interprétation du social, de la gestion de l'environnement et des aspects discursifs produits au sein de l'univers.

En effet, la préoccupation majeure de la sociologie demeure celle d'appréhender, à travers ordre et désordre, en opposition constante au sein du système social, le changement social grâce à un ensemble cohérent des théories interprétatives des transformations sociales au sein des sociétés humaines, ce qui rend possible des repérages, des anticipations, des préventions et même des orientations ( au sein du guidage), des transformations qui s'opèrent sur des sociétés3(*). Ceci résulte du fait que la sociologie dispose de ses spécificités qui la distinguent des autres sciences. Elle étudie l'individu dans la totalité de son expérience comme être social vivant en interrelation avec d'autres individus au sein de la société, l'homme étant un animal social condamné à ne vivre qu'en société, laquelle évolue en interdépendance avec tout ce qui l'entoure et laquelle, encore, produit et consomme des discours divers.

2°. D'une manière plus spécifique, nous poursuivons les objectifs ci-après :

- Etudier la famille de Ngweshe dans sa dynamique interne (praxéologique, interdiscursive, économique, politique, culturelle) et environnementale ;

- Saisir les possibilités de continuité des valeurs culturelles au sein des familles de Ngweshe en dépit de l'environnement toujours changeant ;

- Répertorier les discours et les actions cadrant avec sa transformation et son équilibre à la lumière de la praxéologie interdiscursive ;

- Identifier les pathologies auxquelles sont confrontés les ménages et rechercher les voies d'éradication ;

- Relever les forces et les faiblesses des actions produites de l'intérieur et de l'extérieur des familles ;

- Produire une typologie des familles, des propriétaires, de relations et des modes de production au sein de l'aire de l'étude ;

- Emettre des propositions favorables à son changement qualitatif et quantitatif pour le progrès durable de Ngweshe et ce, à court, moyen et long terme.

3. Etat de la question

Ce travail dispose des fondements qui lui confèrent son originalité scientifique. Ceux-ci relèvent non seulement de rapprochements entre cette étude et ceux sur lesquels elle se fonde, mais aussi sur les divergences et les différenciations entre la présente étude et celles qui lui sont similaires et antérieures.

Il s'agit fondamentalement de travaux ci-après :

André Gide considère la famille comme une valeur, comme une réalité. Il estime que la contestation de la famille ne date pas d'aujourd'hui. Un auteur qui a eu son heure écrivait : «  famille, je vous hais, foyers clos : portes refermées, possessions jalouses du bonheur. »4(*)

Pour Stoetzel, c'est justement cette possession de l'intimité familiale que la très grande majorité des européens recherchent encore aujourd'hui. Dans l'hypothèse d'école d'une semaine de travail réduite à trois jours, entre huit possibilités suggérées d'utilisation des journées devenus libres, celle de les passer en famille arrive en premier lieu. C'est en famille que la majorité des gens préfèrent passer leurs loisirs. Quand on propose l'idée de grands changements désirables dans le mode de vie, 85% pensent qu'il en faudrait davantage sur la vie en famille.

Dans la famille, les deux tiers de ceux qu'on interroge se sentent détendus et en sécurité, même si 9% admettent qu'ils y sont souvent agressifs et 14 % anxieux. Seulement, un sur dix au total s'y reconnaît rarement heureux ou qu'il n'y est jamais heureux.

Maintes fois, à travers d'autres enquêtes, la famille est apparue comme refuge, comme valeur suprême. La famille dont il est question, ici, est certainement conjugale fondée sur le mariage, ou mieux encore, la famille nucléaire composée des époux et leurs enfants restés au foyer5(*).

Ce passage, tiré des enquêtes menées chez les européens sur ce qu'ils pensent de la famille confère à cette étude un caractère et une perception universels, car la famille que nous abordons dans ce travail ne diffère aucunement de celle enquêtée par Stoetzel. On peut ainsi donc affirmer que malgré la diversité, la pluralité des familles, leurs missions restent, d'une manière générale, presque semblables pour tous les peuples : celles de vivre ensemble, procréer, socialiser et d'assurer, autant qu'elles le peuvent, le bonheur à ses membres.

Nous dirions même qu'autant il existe une unité psychique de l'humanité malgré toutes les diversités d'hommes qu'on lui reconnaît, autant il existe une unité psychique familiale à travers le monde. Ceci revient à signifier que la famille, qu'elle soit nantie ou pauvre, les composantes, la mission et les objectifs demeurent les mêmes quand bien même le travail, les résultats de travail, la rationnalité ne soient pas les mêmes.

La famille est, certes, un cadre de vie qui unit, stabilise, harmonise, socialise les individus en son sein et, éventuellement même, autour d'elle. L'anxiété, l'agressivité qui peuvent s'observer au sein de la famille, peuvent, pour la plupart des cas, s'atténuer et se transformer en une véritable harmonie.

Si nous jetons du regard à cette recherche stoetzelienne, c'est parce qu'elle attache une grande considération à la famille en tant que cadre par excellence de vie humaine. Son aspect plus « communautariste qu'individualiste » crée des liens très élargis allant jusqu'aux contrats sociaux, interfamiliaux, interclaniques et même interétatiques. Voilà pourquoi son déséquilibre peut déstabiliser non seulement les membres nucléarisés mais aussi d'autres membres issus de ces alliances collatérales.

En effet, la plus petite unité sociologique se situe à travers les interactions existant entre deux personnes sociales. La famille nucléaire va au-delà de deux individus sociaux et traduit des interactions en son sein, des interactions diverses et diversifiées ; la famille nucléaire est un milieu social par excellence dont le comportement peut influencer toute une communauté et lui conférer par surcroît un qualificatif approprié.

Nous estimons, à ce titre, qu'étudier la famille dans le souci de l'inciter à la praxéologie ou s'imprégner du dynamisme en son sein ou en rapport avec son environnement, c'est de pénétrer l'historicité des communautés en présence.

Parce que la famille est un cadre de vie pouvant être étudié sous divers aspects (sociologique, économique, culturel, politique, juridique, religieux, philosophique ...), bon nombre de chercheurs anthropologues et sociologues se sont intéressés à la famille comme un domaine permanent d'études sociologiques.

A ce sujet, Edgar Morin estime que la sociologie doit relever trois défis :

-la sociologie doit assumer à la fois une vocation scientifique et une vocation essayiste, le sociologue doit assumer les deux cultures auxquelles il participe : la culture scientifique et la culture humaniste (philosophique et littéraire) et il doit relever le défi de l'éclatement et de l'antagonisme entre les deux cultures. Par là, il pourrait jouer le rôle-clé dans la très nécessaire communication et inter fécondation entre ces deux cultures.

- le second défi est celui de la complexité anthropo-sociale. La simplification, la réduction, la mutilation cognitive ne sont seulement impertinentes voire grotesques, elles incitent à des décisions et des politiques aveugles et souffrances des citoyens. Le sens et la méthode de la complexité conduisent nécessairement à une conception anthropo-sociologique articulant en elles toutes les dimensions disjointes dans les disciplines cloisonnées des sciences humaines et conduisent non moins nécessairement à reconnaître le monde concret de la vie quotidienne et les problèmes concrets des individus.

- le troisième défi, qui s'ensuit des deux précédents, est celui de la refondation : la conscience de la complexité débouche sur la prise de conscience de l'indispensable changement de paradigme dans les sciences humaines. Ainsi, la reforme de la pensée conduit à la refondation de la sociologie et lui ouvre un nouveau commencement.6(*)

La réflexion morienne constitue un pilier fort pour cette étude du fait de la clarification qu'elle offre à l'égard de la sociologie comme science et du rôle qu'elle doit jouer dans la société qui n'est constituée fondamentalement que des membres issus de familles. En clair, la famille, c'est à la fois l'homme et les relations ; c'est l'aspect anthropo-social tel qu'abordé par Edgar Morin.

A travers cette étude, un accent particulier sera mis sur les personnes sociales vivant dans la chefferie de Ngweshe et les relations entre ces personnes, entre elles et leur environnement. Il s'agira de jeter un regard critique et incitateur sur la vie quotidienne, sur leur travail, (car la famille est essentiellement travail), sur les problèmes majeurs manifestes et latents de l'entité ainsi que sur les mécanismes initiés localement pour transcender les situations des crises, évaluer l'environnement et s'atteler à le sauvegarder.

Mais, du fait que la famille sous étude émerge de situations des conflits et des crises, il s'avère important qu'avec Edgar Morin, nous examinions la notion de crise et les principes d'une sociologie du présent qui sous-tendent la présente étude. Il s'agit des six principes élaborés par Morin :

1°. Une sociologie qui se veut attentiste et contemporaine de l'événement, de la crise doit être phénoménologique (...), ce terme renvoie :

a) Au phénomène conçu comme donné relativement isolable, non à partir d'une discipline, mais à partir d'une émergence empirique, comme par exemple et par excellence un événement ou une série d'événements en chaines.

b) Au logos, c'est-à-dire à la théorie conçue, elle aussi, au-delà du carcan disciplinaire. Le phénomène adhère donc à la réalité empirique et à même temps appelle la pensée théorique. Le besoin croissant de multidisciplinarité et d'interdisciplinarité traduit timidement le besoin d'une approche adaptée au phénomène et non plus d'une adaptation du réel à la discipline.

2°. L'événement qui signifie l'irruption à la fois de vécu, de l'accident, de l'irréversibilité, du       singulier concret dans le tissu du social est le monstre de la sociologie. (...). Ainsi, on peut       cheminer scientifiquement par les voies d'une sociologie clinique qui considère que :

a. Le champ historico-mondial (y compris la préhistoire et l'ethnographie) est le seul champ expérimental possible pour la science de l'homme social,

b. Une théorie peut être élaborée à partir des phénomènes et situations externes, paroxystiques, « pathologiques, », qui jouent un rôle révélateur

On peut dire que le marxisme, le freudisme et même potentiellement le structuralisme sont des méthodes-théories à deux versants, dont l'un est orienté vers l'aspect diagnostic-clinique et la recherche (investigation et réflexion). C'est le versant qui se trouve à l'ombre, c'est le versant qu'il est légitime de travailler.

3°. L'événement, selon Morin, du point de vue sociologique, c'est tout ce qui ne s'inscrit pas dans les régularités statistiques. Ainsi, un crime ou un suicide n'est pas un événement, dans la mesure où il s'inscrit dans la régularité statistique, mais une « vague » de crimes, une épidémie des suicides peuvent être pris comme des événements, de même que le meurtre du Président Kennedy ou le suicide de Marily Monroe. L'événement, c'est le nouveau, c'est-à-dire l'information, dans le sens où l'information est l'élément nouveau du message. L'événement-information est, par principe, déstructurant (et la grande presse d'information donne quotidiennement lecture d'un monde déstructuré livré au bruit et à la fureur), et, à ce titre, l'information est ce qui perturbe les systèmes rationnalisateurs qui s'efforcent de maintenir une relation entre l'esprit du récepteur et le monde.

4°. L'événement est accident, c'est-à-dire perturbateur-modificateur. Il met en oeuvre une dialectique évolutive- involutive ; d'un côté, il déclenche un processus de résorption, lequel, si l'événement est trop perturbant, déclenche de mécanismes de régression faisant resurgir un fond archaïque protecteur et/ou exorciseur ( ainsi, la mort qui est toujours un événement pour les proches, déclenche les rites magiques de funérailles et de deuil), d'un autre coté des processus d'innovation qui va intégrer et répandre le changement dans la société.

A ce titre, l'événement est doublement riche, puisque il permet d'étudier les processus d'évolution-involution qu'il déclenche et puisque quand il ne s'agit pas d'un cataclysme naturel, il est aussi déclenché par la dialectique d'évolution-involution qui trame le devenir des sociétés.

5°. Les crises constituent des sources d'une extrême richesse pour la sociologie qui ne concentre pas toute sa mise sur les moyennes statistiques, les échantillons représentatifs ou les modèles structuraux de la linguistique :

a. Les crises sont des concentrés explosifs, instables, riches des phénomènes involutifs-évolutifs qui, à un certain degré, deviennent révolutionnaire ;

b. L'hypothèse que la crise est un révélateur signifiant des réalités latentes et souveraines, invisibles en temps dit normal, est heuristique par rapport à l'hypothèse contraire qui considérerait la crise comme épiphénoménale ;

c. Cette hypothèse est directement reliée au postulat scientifique de Marx et Feud donnant la primauté à la part immergée invisible (latente, inconsciente dans les deux cas, infrastructurelle) dans l'homme et la vie sociale ;

d. La crise est, en principe, un phénomène conflictuel et mérite d'autant plus d'intérêt si l'on adopte le postulat Marxien-Freudien selon lequel le caractère conflictuel est un caractère sociologique et anthropologique essentiel ;

e. Finalement, la crise unit en elle, de façon trouble et troublante, répulsive et attractive, le caractère accidentel (contingent, événementiel), le caractère de nécessité (par la mise en oeuvre des réalités les plus profondes, les moins conscientes, les plus déterminantes) et le caractère conflictuel.

6°. L'opposition se poursuit sur le plan de techniques et méthodes de recherche. Saisir donc la crise sous ses trois auspices renvoie au processus historico-déstructurant, comme processus structurant-déstructurant, renvoie aux anthropologies fondées sur le déséquilibre permanent (qu'on rencontre chez Marx et Freud)7(*).

Il importe, à travers cette étude, de nous rapprocher aux principes moriens de la Sociologie du présent. En effet, cette thèse ne se situe pas dans un cadre historico-descriptif, mais elle analysera plutôt un certain nombre d'événements auréolés des moments de crises profondes mais aussi d'espoirs et d'activités intenses appropriées ou inappropriées agissant favorablement sur la famille et son environnement au sein du terrain d'étude. Les événements tels que décrits dans notre univers démontrent qu'il a existé, au sein de cette chefferie, des processus évolutifs : les uns pour avoir contribué à la régression ou à la récession de certaines pratiques sociales, les autres pour avoir provoqué du changement qualitatif et/ou quantitatif.

Il s'agit, certes, de situations de crise qui ont déstructuré la communauté, modifié le cours ou la dynamique du processus de la vision sociale concertée et orientée dans un cadre communautariste et développementaliste.

Cette déstructuration n'existe pas seulement au niveau des acteurs, ce qui paraît important est que l'écartèlement n'a pas été définitif, mais semble avoir incité, inspiré un souffle nouveau, un ressaisissement, une prise de conscience, un moment de déstructuration-restructuration qui a conduit la population à la vigilance, à la conscience collective, à une redéfinition des objectifs pour son maintien et celui de son environnement.

Cet aspect lié à la Sociologie du Présent implique que cette thèse n'envisage pas pour objet d'exalter la fatalité d'une population rurale, mais plutôt le goût de l'espoir qui se traduit à travers des actions concrètes et praxéologiquement mises en oeuvre. Elle consiste, ainsi, à relever les différents événements survenus au sein des familles de notre univers et son environnement, leur aspect transitionnel, leur dynamique, les faits « crisologiques déstructurant-restructurant et structurant » en leur sein.

A l'autre versant socio-logistique, nous souscrivons aux études des sociologues du langage tel que Kambaji wa Kambaji. Ses travaux étayent des aspects de la praxéologie interdiscursive, deux travaux de cet auteur demeurent déterminants dans l'élaboration de la présente étude, ils lui fournissent des éléments fondamentaux qui rendent possible l'élargissement de la sociologie fondamentale à la sociologie de la famille :

1°. « Quelques réflexions sur les fondements épistémologiques de la connaissance sociologique. Problèmes théoriques et perspectives » (1988).8(*)

A travers cette étude, l'auteur commence par jeter un regard rétrospectif sur les conditions historico-génétiques de la production de la sociologie. Il suggère la nécessité permanente d'autopsie épistémologique interne et externe comme garde-fou d'un fonctionnement et développement positifs de la connaissance sociologique. Une telle étude des possibilités et limites de la construction ou reconstruction sociologique de la réalité sociale puise donc son intérêt théorique et pratique dans un double souci : d'une part, celui de retour à la fondamentalité en Sciences de l'homme en général et en sociologie, en particulier.

2°. « La problématique de l'objectivité scientifique en sciences de l'homme »

L'auteur débat des problèmes de l'objectivité en Sciences Sociales et des ruptures en épistémologie sociologique dont la non maîtrise par le savant entraine inévitablement la crise de ces disciplines, hypothèque leur avenir et menace le développement de la culture humaine.

Cette réflexion de l'auteur, axée sur la praxéologie et l'interdiscursivité, nous appuie dans la construction de notre objet de connaissance qui porte sur la famille en vertu de ce qu'elle est. La famille, comme dit plus haut, est essentiellement travail, car, réellement, la famille n'est et ne doit être, en tout temps, en toute circonstance et en tout lieu, que travail. Elle se définit, n'existe, ne se détermine, ne se maintient et ne s'améliore qu'à travers le travail et son environnement. Dans ce contexte, la famille comme tout système productif doit fonctionner sur base de cinq règles du management, à savoir : prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler.

Etant donné que le système de la famille est multisectoriel (comportant économie, politique, éducation, culture...), nous avons recouru, pour mieux l'appréhender aux analyses de Michel de Coster et François Pichault en matière de travail.

En effet, ces deux auteurs estiment que «  le travail est d'abord analysable en termes d'activités ; c'est le sens qui vient essentiellement à l'esprit. Selon cette dimension, le travail se définit comme une activité productive, ou si l'on préfère, comme une activité créatrice d'utilité économique. C'est, notamment, dans cette perspective qu'on l'oppose au loisir qui, bien que pouvant être socialement utile, se relève être rigoureusement improductif en ce sens qu'il ne donne pas lieu à la création des richesses nouvelles.

Le travail est ensuite un statut : c'est une dimension qui n'est pas sans rapport avec la précédente mais qu'il faut bien cerner. La notion du statut ne doit pas être confondue avec le régime juridique ou contractuel qui définit légalement la situation du travailleur. Bien que susceptible de s'analyser en un ensemble des droits d'obligation socialement déterminés, le statut représente, au fond, l'aspect normatif du rôle ou le processus d'institutionnalisation qui façonne cet aspect.

Le travail est un espace. L'espace qui est aussi un fait social, moins sans doute, parce que les rapports sociaux ne s'y nouent qu'en raison du fait qu'il est, à l'instar du temps, l'objet de représentations collectives particulières susceptibles de varier avec les civilisations, les classes sociales et les groupes sociaux. Au surplus, son aménagement influence les interactions des individus en sorte qu'on peut dire avec Ledrut, que l'espace s'identifie davantage à une manifestation de la réalité sociale qu'à sa simple projection ».9(*)

En fait, cette étude ne s'inscrit pas dans la stricte sociologie du travail. Mais comme nous l'avons estimé plus haut, il n'existe pas de famille sans travail, de la même manière qu'il n'existe pas de travail et de famille sans espace. Or, le milieu de notre étude est un espace et comporte des familles qui survivent grâce à leur travail et lequel leur confère un statut. C'est, en fait, cet espace qui constitue une démarcation nette entre le Traité de De Coster et la présente étude qui, elle, voudrait s'interroger sur la personne qui vit, où elle vit, de quoi elle vit, comment elle vit, et sur ce qui l'entoure. A ce niveau, la réflexion se propose de considérer la Sociologie du travail comme un des couloirs d'échanges, car la famille ne peut être étudiée sous un seul aspect mais plutôt sous une approche pluridisciplinaire.

En effet, s'inscrivant dans une sociologie de la famille, Edgar Morin aborde la question de l'amour et du vieillissement, car, en fait, dans chaque famille, l'on naît, l'on grandit, l'on vieillit, l'on s'aime ou l'on ne s'aime pas, l'on s'y sent heureux ou malheureux.

L'analyse d'Edgard Morin nous relate ce qui suit : « l'idée du bonheur monte au zénith des civilisations individualistes. L'effondrement des valeurs traditionnelles et les grandes transcendances s'opèrent à son profit. Dès que la lutte pour survivre, la contrainte ou le besoin élémentaire s'allègent, le bonheur s'incorpore à l'idée même de vivre ».10(*)

Et l'auteur de poursuivre par rapport à l'amour : « l'amour est devenu thème obsessionnel de la culture de masse ; celui-ci, le fait d'apparaitre dans des situations où il ne devait pas être normalement impliqué influe sur tout (...). Sans amour, on est rien du tout, dit la Goualante du pauvre Jean ».11(*)

Ce passage n'instruit pas sur les relations charnelles entre les individus. Il a pour but de susciter un amour sincère au sein des foyers sans lequel certains individus seraient annihilés par rapport aux autres. Qu'il y ait amour et bonheur dans une famille, les membres ne sont pas exempts du vieillissement. La considération d'Edgar Morin par rapport au vieillissement est différente de celle que nous aborderons dans cette étude. Pour cet auteur, il ne convient en rien de vieillir, il faut demeurer jeune à jamais pour disposer de la sagesse. Par contre, dans notre univers sémantique, c'est la vieillesse qui confère la sagesse. Pour conquérir cette dernière, la sénescence s'acquiert prématurément. On vieillit à trente ans, « au lendemain de son mariage ».

Pour Edgar Morin, « le sage vieillard est devenu le petit vieux retraité. L'homme mur est devenu croulant. Le père déchu ou amical s'efface en un fondu au gris dans l'imaginaire cinématographique. La femme est partout présente, mais la mère enveloppante a disparu. Le nouveau modèle, c'est l'homme à la recherche de la réalisation de soi, à travers l'amour, le bien-être, la vie privée. C'est l'homme et la femme qui ne veulent pas vieillir, qui veulent rester toujours jeunes pour toujours s'aimer et toujours jouir du présent. Ainsi, le thème de la jeunesse ne concerne-t-il pas seulement les jeunes, mais aussi ceux qui vieillissent, ceux-ci ne se préparant pas à la sénescence, mais, au contraire, luttent pour rester jeunes ».12(*) (C'est nous qui soulignons).

Il s'observe ainsi une dialectique entre la vision de Morin sur la jeunesse qui doit toujours caractériser les époux, les personnes de tout âge et la considération ou l'attachement que les personnes de notre univers réservent à la vieillesse.

Pour ce même auteur, le vieillissement n'est pas physique mais mental et psychologique, il écarte, ainsi, le concerné de la dynamique transformatrice. Ainsi, le vieillissement des paysans accorderait la sagesse à ceux qui y sont parvenus. D'où, il faut vieillir vite pour s'attirer une considération sociale approuvée et éprouvée.

Il s'agit, donc, d'une dynamique transformatrice tant au niveau du physique que du mental et du psychologique, le tout influant sur l'individu social et son environnement.

S'attelant aussi sur la question de la famille, Jean Fourastié aborde l'aspect lié au fait que la société devient de plus en plus nombreuse. Voici brièvement comment il s'embarque dans cette analyse : « L'homme riche découvre des facultés et des aptitudes nouvelles, il cherche à les satisfaire d'une manière de plus en plus intense et de plus en plus différenciée. Pour cela, il occupe de plus en plus d'espace et développe de plus en plus son action physique. Or, il se trouve que, parallèlement à l'évolution qui lui permet de développer ainsi son autonomie, son originalité, sa prise sur le monde physique, une évolution se produit et couvre la terre des milliards d'hommes ».

Les mécanismes de cette expansion démographique sont simples. Dans la période traditionnelle, nos mères avaient beaucoup d'enfants, mais la mortalité était telle qu'un nombre élevé de ces enfants mouraient avant de parvenir au mariage. La moitié des enfants nés étaient exclus de la reproduction, aujourd'hui presque tous les enfants nés enfantent à leur tour, la croissance de la population dépend de deux facteurs mortalité-fécondité (aptitude à reproduire). La fécondité est restée, semble-t-il, la même. Par contre, la mortalité dans la tranche d'âges de 0 à 25 ans est tombée de 500 pour 1000 environs à 40 pour 1000. Le résultat, compte tenu des personnes célibataires, affiche que, pour maintenir la population en chiffre stable, il fallait une moyenne de l'ordre de 4.5 enfants par ménage. Aujourd'hui 2.2 suffisent. Or, nos femmes (et nous autres hommes encore plus aisément) sont aptes à en avoir 4 ou 5... ».13(*)

Le contexte dans lequel Fourastié aborde la question est différent du nôtre. En son lieu et temps, bien que la population augmente, la taille de la famille diminue sensiblement. Elle est estimée à 2.2 enfants par famille. La mortalité est manifestement en baisse, la natalité aussi, et donc, l'espérance de vie s'accroît, allant jusqu'au-delà de 80 ans.

Il s'affiche, ainsi, une dialectique de lieu, de temps et d'événements. Si la mortalité, la natalité se réduisent sensiblement en Europe et que, corollairement l'espérance de vie augmente, la situation n'est pas la même au sein de notre univers. Sur le terrain d'investigations, la natalité est très élevée de même que la mortalité, l'espérance de vie est réduite et estimée à 45 ans, la taille de la famille est élevée : sa moyenne est de 8 enfants par famille. Les problèmes sont multiples et liés surtout aux besoins primaires (santé, alimentation, habillement et scolarisation). C'est en fait une façon de dire que le monde dispose des réalités divergentes, variant selon le temps, l'espace, les cultures, l'environnement, les ressources, etc.

C'est dans cet entendement que Fourastié met en opposition l'homme nouveau et l'homme traditionnel. Ce dernier semble se retrouver au sein de notre univers sémantique si pas entièrement, au moins en termes des survivances.

Pour l'auteur, «  l'homme traditionnel ne juge pas en fonction du passé. Au contraire, l'homme nouveau, non seulement oublieux, mais aussi ignorant du passé, juge les contraintes subsistantes non par rapport aux anciennes, mais par rapport à la situation présente, à ses besoins actuels, ses désirs, ses aspirations. Ainsi, peut-il en venir à les juger aussi durement que l'homme traditionnel jugerait les siennes ».14(*)

Ce principe est pour Fourastié celui de « l'importance marginale des contraintes des rationnements, lequel est général et applicable aux besoins. Pour qu'une contrainte soit ressentie comme contrainte ou besoin dans un domaine considéré de satisfactions économiques ou psychologiques, il faut et suffit que ces contraintes jugées plus dures ou les besoins jugées plus pressantes soient satisfaits ».15(*)

L'homme dont parle Fourastié est différent de celui dont il est question à travers cette étude. Sur un aspect dichotomique, Fourastié considère un homme riche, propriétaire de vastes espaces et qui développe son action physique. Il s'agit donc d'une perception physique et dialectique de la considération de l'homme en ce qu'il est, ce qu'il possède et ce qu'il fait. Notre paradigme d'homme concerne un personnage pauvre, propriétaire des espaces fort réduits et développant très peu d'initiatives physiques et intellectuelles.

André Bruguière nous relate une situation relative à une famille ouvrière qu'il retrouve même dans les sociétés industrielles. Laborieuse, elle ne vit que de son travail rationalisé.

De ce point de vue, nous réaffirmons que la famille, en tout temps ne peut se maintenir qu'à travers le travail. Il n'y a et n'existera point d'époques qui favoriseraient l'oisiveté des membres des familles au profit de leur promotion. A contrario, toute oisiveté ou passiveté familiale ne contribue qu'à son écartèlement et sa chute. En d'autres termes, la dynamique familiale qualitative et quantitative positive n'émane que du travail bien fait. Et donc, la famille doit travailler, tous ses membres doivent se mettre rationnellement au travail pour transcender ses défis, car sa vie, son progrès, selon Bruguière, « se déroulent dans le cadre de la famille nucléaire »16(*) nécessitant la participation de toutes les personnes valides.

Au-delà du travail, la famille se détermine par ce qu'elle dit et de la façon dont elle appréhende les discours dont elle est auditrice.

A ce sujet, Pie-Aubin Mabika17(*) nous fournit un exemple impressionnant d'analyse, de compréhension, d'interprétation des chants au Congo. Les chants sont des discours, ils transmettent un message qu'il faut comprendre. Cet auteur répertorie de nombreux chants produits au Congo par les musiciens congolais, il en donne le sens et la signification pour chaque chant. L'importance de cette oeuvre est de considérer le chant comme un discours qui transmet un message qu'il faut entendre à travers le plaisir issu du son, qu'il faut ensuite interpréter et en saisir le sens. Le chant, comme tout autre discours a une dimension praxéologique. Il incite à l'action, à la méditation, au pragmatisme.

En effet, les habitants de Ngweshe exécutent des chansons en des moments de joie comme en ceux de détresse et ce sont les moments qui les différencient tant par le son, la tonalité, le rythme, le sens et le message.

Françoise Rullier-Theuret, elle, analyse le dialogue au sein du roman. Pour cet auteur, « le dialogue des personnages est un simulacre du réel qui semble venir d'un hors-texte et qui conserve, de cet ailleurs une part du mystère, l'instance narrative prend en charge la situation, le récit qui entoure le dialogue a souvent un rôle d'élucidation. Selon que l'auteur dissimule les factures, ou qu'il utilise les effets de ruptures, les paroles de personnages resteront plus ou moins « en l'air » ou intégrées à du narratif et portées par contexte par rapport auquel elles trouveront tout leur sens ».18(*)

Ce qu'il convient de retenir de cet auteur est qu'il ne faut pas lire un roman d'une façon superficielle. Il faut pénétrer les mots et en saisir le sens que leur a conféré l'auteur. C'est pour cela qu'elle estime que la maîtrise du sens de mots dans un roman exige une recherche de la part du lecteur que nous considérons, ici, comme auditeur par rapport à l'auteur qui apparaît comme locuteur. Dès lors, cette lecture a des influences sur le lecteur : elle suscite en lui une réaction positive ou négative. Elle produit un sens nouveau.

La langue comme la lecture contribue à l'épanouissement du multiculturalisme. A ce sujet, Maddalena de Carlo écrit : « La coprésence de diverses ethnies et cultures dans les mêmes espaces n'est pas un phénomène complètement inédit dans l'histoire mais ce qui lui confère les caractéristique des sociétés contemporaines, c'est la rapidité de son évolution et la portée de son extension. Le rapport avec l'altérité est donc devenu un sujet incontournable pour la compréhension d'un monde où les échanges et la circulation non seulement du bien et de capitaux, mais aussi d'individus, de groupes, d'idées, d'informations, de projets de vie..., s'identifient de jour en jour. Pour des raisons historiques, ce sont les USA qui ont du, les premiers, faire face à la pluralité d'ethnies et de cultures, c'est donc en milieu nord américain que le débat sur le multiculturalisme a vu le jour. Andrea Sempirini remarque que cinq aspects constituent le cocktail propre au peuplement de ce pays et permettent de cerner les spécificités :

- la présence sur le territoire américain des populations autochtones

- l'importance massive d'esclaves d'Afrique occidentale

- la présence, parmi les premiers colons, de groupes religieux

- l'origine anglo-saxonne des élites économiques et politiques

- le rôle de l'immigration dans le peuplement du pays.

Le terme « interculturel », poursuit l'auteur, est plus généralement en opposition à « multiculturel » non seulement comme appartenant à des milieux d'origine distincts, français et anglo-saxons respectivement, mais aussi comme exprimant deux perspectives distinctes : l'une plutôt descriptive, l'autre plus centrée sur l'action.

A ce propos, M.Abdallah-Preitcelle définit l'interculturel comme une construction susceptible de favoriser la compréhension des problèmes sociaux et éducatifs, en liaison avec la diversité culturelle, tandis que le multiculturel, tout en reconnaissant la pluralité des groupes, et se préoccupant d'éviter l'éclatement de l'unité collective, n'a pas de visée clairement éducative.

Les deux termes se rapporteraient donc à des contextes différents. Si la migration des populations répond à des exigences de survie matérielle et existentielle, les facteurs qui ont mené à cette planétarisation des relations humaines dépassent largement les capacités de contrôle, non seulement des individus mais aussi des pouvoirs locaux : l'interculturel se définit alors comme un choix pragmatique face au multiculturalisme qui caractérise les sociétés contemporaines.

C'est justement l'impossibilité de maintenir séparés les groupes qui vivent en contact constant qui entraine la nécessité de construire des modalités de négociation et de médiation des espaces communs.

L'emploi du mot interculturel implique nécessairement, si on attribue au préfixe « inter » sa pleine signification, interactions, échanges, élimination des barrières, réciprocité et véritable solidarité.

Si au terme de culture, on reconnait toute sa valeur, cela implique reconnaissance des valeurs, des modes de vie et des représentations symboliques auxquelles les êtres humains, tant les individus que les sociétés, se référent dans les relations avec d'autres et dans la conception du monde ».19(*)

A vrai dire, les interactions, les échanges, la solidarité, la réciprocité entre les hommes ne sont possibles et efficaces qu'à travers le langage. C'est ainsi que la langue dispose d'une dimension conative, elle incite à l'action. Dans une étude portant sur la dynamique d'une communauté, saisir les aspects discursifs parait une préoccupation indispensable en ce sens que tout part d'une idée, laquelle, en se verbalisant et en se matérialisant, devient une action à travers laquelle l'individu et la communauté, se reconnaît, se définit et s'évalue.

Ainsi, « le langage, institution majeure, dont les structures varient lentement (la grammaire, la syntaxe, les éléments phonétiques, etc.) s'impose dès sa naissance au petit d'homme survenant, et conditionne la manière dont il lira et interprétera le monde. Le survenant n'a pas de choix de la langue qu'on va lui imposer. C'est celle de ses parents, de son milieu d'origine. Il n'a pas davantage, au demeurant, le choix du niveau de la langue qu'il va utiliser : la langue qu'on parle dans les milieux pauvres n'est pas celle qu'on parle dans les milieux riches. Entre autres choses, la langue va marquer sa position sur l'échelle des hiérarchies sociales. »20(*)

La langue se situe toujours et strictement dans les paradigmes sociologiques, (le paradigme qui, selon le philosophe et historien des sciences, Thomas Kuhn, désigne un cadre de pensée dominant au sein d'une communauté scientifique et propre à une époque donnée).21(*)

Marc Luyckx Ghisi22(*), se basant sur les définitions de Karl Popper et Willis Harman, estime que le paradigme est la base de la manière de percevoir, de penser, de juger et d'agir qui est associée à une vision particulière de la réalité.

Le paradigme d'une civilisation détermine la manière dont celle-ci se perçoit, dont elle voit la nature de la réalité, la société, le monde qui l'entoure et le but de l'existence. Les paradigmes déterminent non seulement nos pensées, mais la manière même dont nous percevons la vie. Lorsqu'une civilisation quitte un paradigme pour un autre, ce basculement touche au coeur même de ces populations.

Pour cet auteur, le paradigme est la paire de lunettes invisibles à travers lesquelles nous regardons, interprétons et comprenons la vie. Les lunettes sont invisibles, là est la réelle difficulté, car personne n'est conscient d'être dans le paradigme. Par contre, parfois le paradigme d'autres personnes peut plaire et agacer fortement. A ce jour, nous pouvons estimer que le paradigme de démocratie des peuples occidentaux plait aux africains même si ces derniers ont difficile à s'y conformer scrupuleusement. Nous reviendrons un peu plus bas sur ces aspects paradigmatiques, mais disons d'abord que la langue se base fondamentalement les paradigmes suivants23(*) :

1° Le paradigme holistique ou de la structure selon lequel le tout ou le social est différent de ses composantes, c'est-à-dire les individus. Malgré que la langue soit une institution sociale et un tout, elle permet à chaque usager d'avoir son propre parler qui lui est spécifique.

Le paradigme holistique est une émanation de Durkheim : il tire son origine du grec (holos : qui forme un tout). Pour lui et ceux qui se réclament de son héritage, la société est un holon, un tout qui est supérieur à la somme de ses parties, elle préexiste à l'individu et les individus sont gouvernés par elle. Dans ce cadre, la société englobe les individus et la conscience individuelle n'est vue que comme un fragment de la conscience collective.

Selon ce point de vue, l'objet des recherches sociologiques est le fait social, qu'il faut traiter comme une chose, sa cause devant être cherchée dans des faits sociaux antérieurs. Le fait social, qui fait l'objet d'une institutionnalisation, est extérieur à l'individu et exerce une contrainte sur ce dernier. Les individus sont donc encadrés dans des institutions, elles-mêmes insérées dans des structures homologues les unes par rapport aux autres. La sociologie est alors la science des invariants institutionnels dans lesquels se situent les phénomènes observables.

A titre d'exemple, l'on dira que le mariage est un invariant par rapport au divorce, que l'école en est un autre par rapport aux échecs des écoliers, etc.

2° Le paradigme atomiste

Le point de vue de Max Weber est différent de celui d'Emile Durkheim, c'est le paradigme atomistique qui détermine l'action sociale. Pour lui, et plus certainement encore pour Georg Simmel, chaque individu est un atome social. Les atomes agissent en fonction de motifs, intérêts, d'émotions propres et sont liés aux autres atomes. Un système d'interactions constantes entre les atomes produit et reproduit la société.

Selon ce point de vue, l'objet des recherches sociologiques est l'action sociale. L'accent est porté sur la cause des actions sociales et le sens donné par les individus à leurs actions. On ne cherche plus des arrangements d'institutions mais un horizon de significations qui servent de références. L'institution est là mais elle sert les motifs et les intérêts des agents et les enserre : c'est la « cage de fer » de la bureaucratie.

3° Le constructivisme social

Le constructivisme social envisage la réalité sociale et les phénomènes sociaux comme étant « construits », c'est-à-dire produits et institutionnalisés. L'émergence récente d'une analyse sociologique fondée sur les réseaux sociaux suggère des pistes de recherche dépassant l'opposition entre approche holistique et approche atomistique. De même, la sociologie pragmatique a considérablement modifié les manières de lier logiques d'enquêtes, productions de modèles et styles de restitution des travaux.

Ainsi, on peut considérer la langue comme étant un élément produit par la société et les individus usagers bien que celle-ci préexiste avant l'individu social.

4° Le paradigme normatif : la langue est un corps de règles au même titre que d'autres institutions tels que l'Etat, la famille, le droit, l'armée...

Au-delà des paradigmes linguistiques, la société regroupe d'autres éléments tels que l'imaginaire social qui regroupe partiellement les catégories du pensé et de l'impensé sociaux. Le pensé peut être codifié. L'impensé peut être l'objet de ce qui pourrait par hypothèse s'apparenter à un refoulement collectif. Du coté du pensé, l'imaginaire irrigue les « univers symboliques » tels que les idéologies et les religions.

Du coté de l'impensé, il se nourrit des mythes lesquels sont des récits fabuleux d'origine populaire et non réfléchie, dans lesquels les agents impersonnels le plus souvent les forces de la nature, sont représentés sous forme d'êtres personnels, dont les actions ou les aventures ont un sens symbolique.24(*) Nous pourrions ajouter que chaque époque a sa pensée qui lui est spécifique et développe, ipso facto, des paradigmes qui lui sont appropriés.

Ainsi, Marc Luycky Ghisi a établi un critérium des paradigmes se rapportant aux époques prémoderne, moderne et transmoderne.

Tableau n° 1. : Comparaison entre trois paradigmes

Critères

Prémoderne

Moderne/Postmoderne

Transmoderne

1. Pouvoir

Vertical

Vertical/privé

Démocratique

2. Patriarcalité

Patriarcal

Patriarcal

Post patriarcal

3. Vérité

Intolérant=une vérité

Intolérant = une vérité, pas de vérité

Tolérance

4. Sécularité

Blasphème

Libération

Repenser le lien Religion et société

5. Stabilité

Oui

Non : progrès

Non : transformation

7. Enchantement

Oui

Non : désenchantement

Oui : réenchantement

8. Clergé

Oui, pouvoir politique et religieux

Experts technocrates économistes

Pas d'intermédiaires

9. Science

Seule la théologie+Philosophie

Naissance des sciences

Redéfinition de la science et de la vie

10. Sacré

Le sacré est naturel

Le sacré est banni

Redécouverte du sacré de la vie

Source : M. Luyckx Ghisi, Au-delà de la modernité, du patriarcat et du capitalisme. La               société réenchantée, p. 51.

Commentaire :

Trois paradigmes sont présentés dans ce tableau, et à chaque paradigme correspond des critères dont les sens et les considérations varient selon les époques. Au sein de notre univers, il importera de voir comment les paradigmes ont évolué. Ont - ils été statiques ou ont-ils évolué, ou varié selon les circonstances et les péripéties de la vie ? Le tout fait référence à notre préoccupation de départ selon laquelle la famille est à la fois objet d'observation, de changement et de continuité, ce qui lui confère ces différents paradigmes

Disons, enfin, qu'un paradigme est le détail d'une représentation du monde, une manière de voir les choses, un modèle cohérent de vision du monde qui repose sur une base définie (matrice disciplinaire, modèle théorique ou courant de pensée...).

Selon Claude Javeau, le social brut tel qu'il se manifeste peut se représenter de la manière suivante :

Tableau n° 2 : Le schéma du social

 

Matériel

Mental

Niveau I

Pratiques courantes

Représentations courantes

Niveau II

Système d'actions dont : institutions matérielles

Système de représentations (imaginaire structuré) dont : idéologie

         Source : C. Javeau, Leçons de sociologie, p. 51.

Les différents éléments qui figurent dans le schéma sont en constante interaction. Il serait erroné, par exemple, de faire d'une idéologie un simple reflet d'une institution matérielle (le militarisme comme reflet de l'armée) ou à l'inverse, d'une institution la simple concrétisation de la pensée marxiste-léniniste).

Enfin, Aristide Kagaragu a décrit la famille des Bashi qu'il qualifie de  « famille modèle », avec un père responsable, une mère douce, respectueuse, fort soumise à son mari, bonne éducatrice, bonne ménagère, croyante, courageuse, relationnellement et culturellement équilibrée.25(*)

Tous ces aspects et bien d'autres qu'il s'agisse des discours, de la religion, de l'idéologie, de mythes, du pensé et de l'impensé, le tout se réalise et ne se manifeste qu'à travers le verbe, c'est-à-dire le discours. Les interactions sont ainsi permanentes entre les différents locuteurs et les multiples auditeurs, une adéquation entre ces acteurs doit être de mise pour éviter tout mal entendu.

Ce bref parcours des ouvrages ayant traité de la famille démontre qu'il existe d'innombrables auteurs qui se sont penchés sur l'étude de la famille en tant que système social, mais aucun n'abordé cette trilogie « famille- discours et environnement » dans une dynamique réciproque. C'est là que se situe l'originalité de cette thèse si modeste, soit-elle. Il s'agit, pour ce fait, d'étudier une famille en tant que locutrice et auditrice, une famille qui lutte, et toujours confrontée à des obstacles et à son environnement, mais qui tente de se transcender dans le but d'aller de l'avant à travers des faits conçus et matérialisés ou praxéologisés, c'est-à-dire, une famille insérée dans un processus de pragmatisme et d'autodétermination.

4. Problématique

Dans cette lutte praxéologique de l'autodétermination, la famille devra combattre contre elle-même, combattre ses insuffisances, la peur en son sein et combattre les injustices qui font que certaines familles soient aisées et d'autres démunies par effet d'irresponsabilité politique.

A ce sujet, Jean Duvignaud écrit : « si le soleil ne brille que pour les bourgeois (...), nous éteindrons le soleil. »26(*)

La situation telle qu'elle est énoncée, à travers cette étude, constitue réellement l'existence d'un problème lequel mérite une étude particulière imposant des solutions durables et efficaces. Gordon Mace et François Petry définissent le problème comme étant « un écart constaté entre une situation de départ insatisfaisante et une situation d'arrivée, un processus de recherche est alors entrepris afin de combler cet écart ».27(*)

Quant à Mascosth Nday wa Mande, le problème est «  un ensemble des difficultés qui s'érigent en obstacle dans le cours normal d'une société, d'un milieu et qui indisposent les habitants. »28(*)

Pour notre part, nous estimons que le problème, c'est tout ce qui entrave la réalisation des objectifs qu'on s'était assignés en lieu et temps fixés et qu'il faille anéantir pour arriver au bout de ses objectifs.

Ces deux auteurs précités nous inspirent l'idée d'appréhender une situation, la façon d'apprécier son niveau de nuisance et d'en proposer un projet de remise à niveau afin de passer de l'état d'insatisfaction à celle plus satisfaisante.

Etant donné que notre univers de référence demeure la Chefferie de Ngweshe et que nous nous proposons de passer en revue ce qu'est la famille, ce qu'elle a été et ce qu'elle deviendra en ce lieu, il sied de palper du doigt les différentes situations et péripéties qui ont contribué au déséquilibre de la famille et de son environnement. Ces situations, une fois cernées, seront soumises à des propositions de résorption, des proscriptions et des prescriptions sociologiquement étudiées.

Il s'agit, ici, de débattre de la question sociale dans une entité bien déterminée pour aboutir, les possibilités le permettant, à des initiatives sociales palliatives. Celles-ci peuvent être comprises comme étant « toute action visant directement ou indirectement l'adéquation des réponses données par un groupe d'individus aux besoins reconnus comme siens et qui concerne l'innovation sociale. Elle se définit, soit dans le choix de la souveraineté (invention des solutions nouvelles), soit dans celui des solutions classiques par leur adaptation à la transformation ou à la diversification des besoins ».29(*)

La notion de question sociale a été aussi abordée par Durkheim. Pour lui, il y a question sociale, à partir du moment où la vie sociale ne correspond plus aux aspirations humaines les plus profondes, ayant constaté que l'homme aspire avant tout à l'intégration dans une collectivité.30(*)

Ainsi, donc, la famille étant la cellule mère de toute société et que celle-ci est toujours confrontée à son environnement ; aborder cette question, c'est vouloir pénétrer une question sociale bien préoccupante.

La chefferie de Ngweshe est une entité physique, politique, économique et culturelle ; elle dispose de diverses ressources et d'un environnement dont elle n'est pas dissociée et auquel elle s'identifie, avec lequel elle fait corps. Elle est « une société » en ce sens qu'elle en dispose des éléments matériels et formels.

Sur le plan matériel, on lui reconnaît un territoire et une population.

Sur le plan formel, la chefferie de Ngweshe englobe des éléments tels que l'activité, la relation, l'institutionnalité et la conscience collective.

De ce point de vue, la société peut être définie comme un ensemble d'individus localisables, disposant de relations entre eux, menant des actions pour leur promotion, disposant des règles de socialisation et d'une détermination des membres à vivre ensemble à travers une conscience collective qui constitue le ciment de la communauté.

En tant qu'activité, toute société dispose, en son sein, d'un certain nombre d'activités qui lui permettent de vivre, de nourrir ses membres et se faire prévaloir vis-à-vis des autres sociétés et ses partenaires. Ce sont des activités telles que l'agriculture, l'élevage, la pêche, le commerce, l'artisanat, l'industrie, etc.

En tant que relation, tous les membres d'une communauté sont en relations permanentes. Celles-ci peuvent être tendres ou tendues, constructives ou destructives, mais demeurent pour autant des relations. Elles caractérisent le système auquel elles se réfèrent.

En tant qu'institutionnalité, toute société n'est qu'un corps des règles, des normes qui orientent les conduites sociales. Est bon citoyen, celui qui se conforme aux normes socialement tracées et reconnues. La non-conformité aux normes sociales pour un membre de la société implique une désintégration sociale, et lorsque celle-ci se vit manifestement, elle devient une pathologie sociale. Elle déséquilibre partiellement ou globalement toute la société. C'est par exemple, les cas de corruption, de violences, de banditisme, des vols à main armée, de prostitution bien que celle-ci soit considérée par certains comme étant une soupape de sécurité et de rééquilibrage individuel.

En tant que conscience collective, la société n'existe et ne se maintient que de par la conscience collective qui doit caractériser ses membres. C'est à travers elle que les membres de la société ou de la communauté s'en reconnaissent membres et s'en sentent fiers. La conscience collective se traduit par la fierté sociale la communautaire. Si je suis fier d'être congolais, cela veut dire que je suis conscient de l'être, que je respecte et aime ma nation, que je travaille pour son progrès, pour les générations actuelles et futures. La conscience collective n'est pas un acquis, elle se construit du jour au jour. C'est le fruit, la conséquence logique de la socialisation et de l'intégration.

François Dubet estime que « la société existe, qu'elle apparaît comme un ensemble objectivement intégré des fonctions, de valeurs, voire des conflits centraux. Elle est en même temps moderne et, incarnée dans le cadre d'un Etat-nation, c'est un personnage et un ensemble réel. La société existe aussi parce qu'elle produit des individus qui en intériorisent les valeurs et en réalisent les diverses fonctions ».31(*)

Toute communauté, à travers son parcours traverse de bons et de difficiles moments de vie, c'est ce que François Dubet appelle des conflits centraux qui, en fait, déterminent l'histoire et la dynamique de la communauté. Edgar Morin a procédé à la théorisation de la crise qu'il envisage « comme une conséquence de surcharge ou double bind. (...).

La crise apparaît comme une absence de solution (phénomène de dérèglement et de désorganisation) pouvant du coup susciter une solution nouvelle, une régulation, une transformation évolutive ».32(*)

La vision marxiste et freudienne ne considère pas la crise comme un état de fatalité ou de désespoir. Ces deux conceptions démontrent que la crise peut être à la fois un « révélateur et un effecteur ». La crise peut révéler ce qui est caché, latent, virtuel. La crise, en tant qu' « effecteur » met en marche, ne serait-ce qu'un moment, tout ce qui peut apporter changement, transformation et évolution.33(*)

Au - delà de toutes ces variantes de crise sociale, déséquilibre, question sociale, malaise, problème social, mutation, la chefferie de Ngweshe a mené son parcours à travers de tels genres de phénomènes et a pu subsister contre vents et marées à travers et avec son environnement victime d'autant de vicissitudes. Dans cette dynamique, certains défis ont été répertoriés comme menaçants le système social global et microcosmique, c'est-à-dire, se situant tant au niveau individuel, familial, communautaire, national, continental que mondial. Il s'avère ainsi qu'aucune communauté humaine n'évolue en dehors des problèmes, lesquels disposent d'une propension d'affecter, de près ou de loin, les entités voisines. Bien que toujours existants et menaçants, il faut à tout moment rechercher comme atténuer les problèmes et leurs effets sur les populations en proposant des solutions appropriées, efficaces et durables.

A ce sujet, Mendoze et ses collaborateurs ont pu relever vingt défis pour le troisième millénaire : il s'agit du défi de la vie, de mentalité, de l'enfant, de l'école, de la famille, de la société, de la femme, de l'identité, de la monnaie, de la mondialisation, de l'environnement, de la ruralité, de la ville, de la science et de la technologie, du droit, de la politique, de la religion, de la langue, de la communication, de la paix et de la solidarité.34(*)

A la prise de connaissance de tous ces défis, il appert de savoir que la vie n'est pas rose au sein de notre univers de référence. Des problèmes d'ordre alimentaire, sanitaire et ceux liés au logement, le problème d'ordre vestimentaire, démographique, sécuritaire et bien d'autres défis se posent avec acuité dans la chefferie de Ngweshe et marquent le cours de son histoire. Il est important de souligner que ces problèmes multiples et diversifiés ne datent pas d'aujourd'hui. Ils avaient existé bien avant, mais ils ont été exacerbés avec les récentes guerres de 1996, 1998, 2000 et l'insécurité permanente et croissante à l'Est de la RD Congo qui a été l'une des conséquences majeures ayant résulté de ces guerres. Au cours des années de paix troublée, Ngweshe a été un véritable champ de bataille, tout a été susceptible ou victime de destruction : hommes, cheptel, faune, institutions sociales, sol et sous-sol..., rien n'a été épargné. Les groupements de Kaniola, Mulamba, Tubimbi, Burhale, Mushinga, Lubona, Luchiga, Nduba, Irongon, Karhongo et Walungu (soit 11 sur 16) ont été plus séquestrés, sinistrés, endeuillés, pillés, violentés plus que d'autres pendant cette période de belligérance.

Il y a eu, au cours de cette période de troubles, des déplacements massifs des populations, des massacres, des viols, des violences sexuelles les plus odieuses, des extorsions, des pillages du bétail, des récoltes, des cultures, des incendies des villages entiers et des déportations des hommes, des femmes et enfants dans la foret. Des chefs coutumiers, symbole de la cohésion sociale, les leaders locaux furent tués et d'autres mis en fuite ou portés captifs. Dès lors, «  la communauté » s'est trouvée écartelée, essoufflée, exsangue. Il s'est affiché tout simplement une occasion de déséquilibre social, de désintégration sociale apparente et réelle. Il y a eu des éléments liés à l'intégration sociale qui ont fait défaut.

Pour J. Fromont, les individus sont intégrés dans leur milieu par les liens chronologiques (espace vital), trophiques (alimentaire)  et génétique (hérédité). Les individus sont, ensuite, intégrés dans leur milieu par le processus neurophysiologique de perception sensorielle : reflexostructurel, reflexogénétique, réflexologique.35(*)

C'est à travers cet état de choses, bien que décrit sommairement qu'a pu évoluer la Chefferie de Ngweshe en ces dix dernières années. Qu'il s'agisse d'un contexte méso ou macrosociologique, il sied de reconnaître que la RDC a connu, depuis son indépendance, des tumultes, des guerres, des rebellions, un pouvoir dictatorial lassant, une mauvaise gestion de la chose publique et de l'environnement, l'irresponsabilité des gouvernants, la prédation au sein de l'administration publique, une armée non suffisamment engagée au service du peuple. Ce sont là quelques caractéristiques saillantes de la RDC depuis ses 50 ans d'indépendance. Ce qui se vit en RDC se retrouve dans d'autres pays africains et, c'est le cas de le dire, ici, cette situations se répercute sur les entités «  primaires ».

A ce sujet, Samuel Solvit, menant une réflexion sur la RDC, déclare : « depuis sa création en 1885, la RDC est en proie à des situations difficiles quasi permanentes. Du caoutchouc dans les années 1890 - 1900 au coltan-cassitérite, à l'or ou au pétrole dans les années 2000 en passant par le cuivre, l'uranium ou le diamant dans les années 1960, ces ressources sont au coeur des conflits congolais évoluant avec les besoins, les acteurs et les enjeux internationaux. Abondantes, centrales pour l'économie du pays, les ressources naturelles jouent un rôle très particulier dans ces conflits. D'où la RDC connaît de nombreux surnoms : deux d'entre eux sont particulièrement évocateurs : le scandale géologique et la gâchette de l'Afrique. L'un a été donné par les colonisateurs belges et l'autre par l'écrivain Frantz Fanon. »36(*)

Elargissant le champ d'étude, Jean Pierre Biyiti bi Essam estime que le continent africain aborde les rivages du troisième millénaire de façon qu'on croie qu'un mauvais sort lui aurait été jeté. Et à René Dupont de renchérir que l'Afrique était mal partie, elle est en panne, bloquée, elle est en rade au bord du chemin, seule, tout à fait seule, étranglée.37(*)

La situation telle que présentée ici par ces auteurs se retrouve dans un cadre macrosociologique africain. Elle s'étend sur les niveaux méso et microsociologique. La Chefferie de Ngweshe, cet espace mésosociologique, n'a pas été épargnée de cette réalité tumultueuse. Elle incarne aussi le vécu quotidien africain. Toutefois, nous ne perdrons pas de vue que Ngweshe dispose de ses spécificités qui la démarquent des autres contrées de l'Afrique, de la RDC et la Province du Sud-Kivu en termes d'actions. Il faut strier ces spécificités comme sociologue et se démarquer de la pensée que peut en disposer un homme de la rue.

Pour Claude Dubar, «  l'homme de la rue ne soucie pas d'habitude de ce qu'est le réel, pour lui et pour ce qu'il connait, tout apparait comme réel, à moins qu'il ne soit arrêté tout net par un problème quelconque, il considère sa « réalité » et sa « connaissance » comme acquises. Le sociologue ne peut agir ainsi à cause de sa conscience systématique du fait que l'homme de la rue considère comme pré-données des réalités très différentes d'une société à autre. »38(*)

Etant donné qu'il faut étudier scientifiquement les actions et les discours ayant caractérisé la chefferie dans son parcours, disons que dans la perspective parsonienne, l'action se situe dans quatre contextes :

- le contexte biologique, celui de l'organisme neurophysiologique, avec ses besoins et ses exigences ;

- le contexte psychique, qui est celui de la personnalité étudiée par la psychologie ;

- le contexte social, celui des interactions entre les acteurs et les groupes, étudié surtout par la sociologie ;

- le contexte culturel, celui des normes, modèles, valeurs, idéologies et connaissances que l'anthropologie a particulièrement étudié.

Toute action concrète est toujours globale, « molaire », c.à.d. qu'elle s'inscrit dans les quatre contextes à la fois et résulte toujours d'une interaction de forces ou d'influences provenant de chacun d'eux, (...), chacune des «  sciences de l'homme » doit, donc, toujours considérer le contexte ou le secteur spécialisé qu'elle approfondit par rapport à ce que Parsons appelle  «  le cadre de référence de l'action », parce que celui-ci est à la fois le plus général et le seul qui soit théoriquement et empiriquement valide. Le cadre de référence de l'action est donc le terrain commun sur lequel se rejoignent toutes les sciences de l'homme.39(*)

A travers cette thèse, notre attention devra se focaliser sur divers aspects, notamment :

- celui de considérer la famille de Ngweshe comme un cadre de référence de l'action et de dynamique sociale ;

- celui de prendre en compte son environnement ; statuer sur son état, sa gestion, son niveau de dégradation et les mécanismes de sa remise à niveau et son maintien ;

- celui d'évaluer les actions menées, les discours produits en son sein et en dehors d'elle ; identifier les discours et les actions ont été plus déterminants dans son parcours transitionnel ;

- envisager des mécanismes praxéologique de transformation durable, en tenant compte des expériences sociales dont disposent les communautés.

En effet, «  l'expérience sociale est une activité cognitive, c'est une manière de construire le réel et surtout de le vérifier, de l'expérimenter, ..., c'est une façon de construire le monde. La notion de l'expérience n'a de sens et d'utilité que si l'action est totalement socialisée. Quand les acteurs sont socialement dominés, l'exit devient une alternative abstraite. Un acteur « hypo-social » est soumis à des lois aussi bien que son rival « hyper-socialisé ».

L'objet d'une sociologie de l'expérience est la subjectivité des acteurs. Cette sociologie compréhensive exige le double refus de la stratégie du soupçon et de la naïveté, de l'image d'un acteur totalement aveugle ou totalement clairvoyant.

Donc, il faut par ce plan-là, suivre des postulats d'une sociologie phénoménologique étant donné qu'il n'est pas de conduites sociales qui ne cessent de s'expliquer, de se justifier, y compris parfois pour dire que les conduites sont automatiques ou traditionnelles, qu'elles sont ce qu'elles sont parce que c'est ainsi qu'elles doivent être.

L'expérience sociale n'est ni une éponge ni un flux de sentiments et d'émotions, elle n'est pas l'expression d'un être ou pur sujet, car elle est socialement construite. L'expérience sociale appelle un code cognitif désignant les choses et les sentiments, identifiant des objets en puisant dans le stock culturel disponible.40(*)

Un questionnement s'avère nécessaire en vertu des aspects liés aux actions, aux discours, à l'expérience sociale de la famille de Ngweshe et son environnement.

- Au regard de la nature des aspects praxéologiques et discursifs qui ont caractérisé la famille de Ngweshe dans sa dynamique permanente et évolutive, quelles mesures à caractère prospectiviste sont-elles envisageables pour son équilibre et celui de son environnement ?

- Que faire pour que ces mesures s'inscrivent dans un contexte molaire (physique, psychologique, social et culturel) et durable ?

5. Thèse et Hypothèses

Hypothèses de travail

Les réponses à ces questions nous fourniront des fils conducteurs, des conjectures ou des hypothèses de cette recherche. Celles-ci seront déterminées sur base des principes fondamentaux de la science :

- Le premier principe se résume par la célèbre phrase d'Albert Einstein : «  Dieu ne joue pas aux dés avec l'univers », autrement dit, les phénomènes tant physiques que sociaux ne se produisent pas au hasard : l'univers est cohérent et obéit aux règles :

- Le deuxième principe affirme que l'être humain a le pouvoir de comprendre l'univers physique comme l'univers social. Pour la plupart des croyants, seul le créateur possède l'intelligence toute puissante permettant d'appréhender les mystères de l'univers ;

- Le troisième principe établit que les explications scientifiques des phénomènes ne doivent pas se contredire, (...), si l'univers est cohérent, les explications que nous donnons de son fonctionnement doivent l'être aussi ;

- Le quatrième principe est celui de la nécessité de procéder à l'examen minutieux de diverses manifestations d'un phénomène, ce principe fait référence à ce qu'on appelle «  la base empirique de la science » ;

- Le cinquième principe est la foi dans la raison.41(*)

D'une part, c'est sur base de ces cinq principes scientifiques que se construisent et se vérifieront les hypothèses de travail, lesquelles paraissent comme une notion devant à tout moment être falsifiables. D'autre part, la conception de Merton, cité par Grawitz et Pinto, selon laquelle « toute recherche suscite, répond, réoriente et clarifie les concepts », assigne à tout chercheur à se faire une proposition qui anticipe une relation entre deux termes qui, selon le cas peuvent être des concepts ou des phénomènes.42(*)

En tout état de cause, nos hypothèses de travail découlent naturellement de ce questionnement mais se rapportent en même temps sur ces cinq principes scientifiques. Il importe de souligner qu'en testant ces hypothèses, nous prendrons en compte le fait que « famille et environnement » sont des systèmes qui évoluent au sein l'unique activité humaine et non divine et, de ce fait, seules les données empiriques peuvent orienter notre démarche.

Ainsi, nous retiendrons provisoirement que :

1. Les aspects praxéologiques et discursifs, à travers la famille de Ngweshe, à ce jour, seraient de nature à ne pas favoriser sa dynamique dans une vision évolutive, de changement qualitatif et quantitatif ; au regard d'une telle nature, certaines mesures devraient être envisagées pour son équilibre et celui de son environnement.;

2. Ces mesures ne peuvent être fiables et durables que si et seulement si elles s'inscrivent dans une dynamique interne, rationnelle et concertée à la base, ce qui amènerait la chefferie vers un développement durable.

Thèse

Dans sa dynamique, une famille qui n'est pas au centre permanent d'études d'actions de changement n'est pas en ordre avec elle- même et avec son environnement. Elle ne peut pas, au niveau interne, produire des discours praxéologiques et rationnels. Elle se rend incapable de savoir analyser et appréhender les discours externes. La gestion durable d'elle-même et de son environnement est par conséquent compromise.

La thèse est, par définition, une position qu'on a, et, défend par rapport à une situation, un phénomène ou même une idée afin d'éclairer l'opinion sur des aspects qui pourraient prêter à confusion. Cette thèse sera, ainsi, axée sur des positions fondamentale et subsidiaires :

- Position fondamentale

La famille demeure une unité sociale structurée et hiérarchisée. Elle évolue positivement ou négativement de par son travail, son dynamisme, les aléas de la vie et à travers son environnement. Elle produit des discours et en consomme d'autres. C'est une unité sociale praxéologique, socialisante et intégratrice. Elle doit plus viser à s'autonomiser qu'à dépendre de qui que ce soit en vue d'être une véritable actrice de développement et conservatrice de l'environnement.

Nous reconnaissons, cependant, qu'aucune étude de ce genre, qui articule discours et praxis, ne peut se prévaloir d'aucun mérite si elle n'est fondée sur des principes épistémologiques scientifiquement avérés.

a) Position subsidiaire

Les discours et les actions constituent des enjeux à maîtriser sociologiquement pour parvenir à une transformation des déséquilibres dont la famille est victime malgré les multiples interventions des organisations non gouvernementales avant, pendant et après les conflits qui ont sévi la chefferie.

La famille, considérée comme champ d'historicité, devra être porteuse du « sujet »43(*) et du « capital » susceptibles de conduire à une dynamique de transformation efficace, durable et de gestion rationnelle, familiale et environnementale. La sociologie de l'autodétermination devra être un mécanisme de recherche des acquis déterminants de l'équilibre familial au sein de cet univers.

Enfin, nous retiendrons que l'Epistémologie est, et demeurera, pour le scientifique ce que le niveau d'eau est au maçon, c'est grâce à ce petit outil que le maçon se rassure parfaitement de la droiture du mur en chantier. Plus le mur est droit plus il est apprécié et plus il résistera aux intempéries et secousses internes et extérieures.

6. La méthode

Notre cheminement, à travers cette recherche, a été guidée par la Méthode praxéo-interdiscursive de Kambaji Wa Kambaji. Cette méthode, bien que devant apparaître à travers tout le travail, devra être élucidée dans le troisième chapitre axé sur les fondements épistémologiques qui abordent méthode, théories, concepts et ruptures.

Le choix de cette méthode se justifie par le fait qu'elle demeure la voie pouvant permettre d'analyser avec cohérence les actions et les discours qui se sont produits à Ngweshe surtout pendant et après les périodes de tumulte qu'a connues la chefferie. Or, il va sans dire que toute communauté agissante ne s'émeut et ne se confirme qu'à travers ce qu'elle réalise, ce qu'elle dit et la manière dont elle appréhende ce qu'elle entend, c'est-à-dire ce qu'on lui relate en termes des discours.

En effet, la praxéologie interdiscursive nous permettra de passer en revue les actions, certains discours qui se sont produits au sein de notre univers, de jauger la capacité des locuteurs, des auditeurs et de la société-histoire, analyser la transmutation créatrice de l'énergie conscientielle concentrée, identifier les problèmes majeurs au sein de l'entité et proposer une thérapie sociologique schématisée, systématisée, appropriée, efficace et durable.

7. Délimitation spatio-temporelle et typologique

Sur le plan spatial, cette recherche est axée sur la chefferie de Ngweshe, une entité qui a connu beaucoup de perturbations d'ordre politique, économique et culturel émaillées des situations de guerres et de conflits divers. Elle mérite une attention particulière dans son parcours et sa dynamique sur les plans géographique, humain, sociologique, culturel, historique et politique 

De ce point de vue, Ngweshe est un territoire vaste disposant d'une population qui lui est reconnue et estimée à plus de 600 000 habitants, diverses interactions se sont tissées en son sein développant ainsi des réseaux des relations intenses et durables, tantôt du genre irénique, tantôt du genre agonistique (tendre, pacifiste ou conflictuel, le conflit étant inhérent à tout milieu de vie). Les communautés de Ngweshe disposent de leurs cultures, ses diverses manières d'être, de penser et d'agir qui leur sont spécifiques bien que devant être situées principalement dans la pensée bashi et même bantou. L'histoire de Ngweshe est riche et variée de beaucoup de péripéties : un peuple brave, travailleur, rationnel avec des rois dynamiques qui ont fait l'honneur de ce peuple et surtout la digne et brave femme M'Naluganda qui a dirigé la chefferie depuis 1960 jusqu'en 1992 pendant que son fils Pierre Ndatabaye était aux études ou en dehors de la chefferie. Elle a administré la chefferie avec compétence, maîtrise et responsabilité. Paix à son âme.

Sur le plan temporel, ce travail, du fait, en partie, de vouloir aborder l'aspect transitionnel de la famille, fait usage d'une approche historique qui irait dans un profond lointain de la vie de cette entité. Toutefois, les éléments les plus marquants sont ceux qui concernent la période ayant couru depuis 1994, année à partir de laquelle, la chefferie a connu des perturbations dans tous les domaines même au sein de son environnement physique. Elle a connu des troubles internes et externes qui ont abouti à une opération « chasse aux sorciers » : tous ceux qui étaient connus ou supposés sorciers ont été tragiquement tués, leurs cases incendiées et leurs biens emportés. A ce phénomène succédèrent, immédiatement, à partir de 1996 des guerres, des constitutions de plusieurs groupes armés, des massacres odieux, des viols massifs, des déportations des populations en forêts et un exode rural impressionnant. A partir de 2010, une autre forme de banditisme a vu le jour ; c'est le phénomène « kabanga » qui consiste à étrangler clandestinement une personne par une corde. Il semble que cette corde avec laquelle le bourreau réalise son forfait dispose d'un pouvoir magique. Le bourreau a plus donc besoin de la corde que de la victime. Il s'agit là d'un phénomène sur lequel il conviendra d'attirer de l'attention pour mieux le comprendre.

Sur le plan typologique, cette recherche, sans s'écarter de fondements épistémologiques, aborde les aspects liés à la famille, au discours, au développement et à l'environnement. Ces domaines sont importants pour tout acteur social. La famille est un cadre de vie d'une grande importance. Elle assure à l'individu la socialisation primaire qui contribue efficacement au développement physique, psychologique, moral de l'individu qui en est issu. La famille tend à tout moment à améliorer son bien-être pour accéder au mieux-être. Ce passage voulu à tout moment et peut-être non atteint ou atteint selon les milieux, est appelé, ici, développement. Nous retiendrons cependant que chaque famille vit dans un environnement qu'il influence et dont il dépend fondamentalement. Ces considérations sont générales, positives et idéales.

A ce jour, la famille dispose d'une autre perception négative, notamment chez les marxistes qui estiment que la famille n'est pas un cadre d'harmonie pour plusieurs raisons : elle anéantit la liberté de ses membres, elle est souvent un cadre des tensions entre les conjoints, entre les parents et leurs enfants, et entre les enfants eux-mêmes. Ce sont des défis qu'il convient de relever.

Enfin, nous estimons que cette thèse, bien qu'axée sur des systèmes sociaux tels que la famille, le langage et l'environnement, s'inscrit en même temps dans la Sociologie fondamentale du fait que la Sociologie du discours et la Praxéologie interdiscursive sont des élargissements à la Sociologie fondamentale. Elle s'oriente vers la sociologie du discours, la sociologie de la famille, la sociologie du changement ou du développement, de l'environnement et de la continuité.

8. Difficultés rencontrées

Elles étaient liées surtout à l'immensité de l'espace de la recherche, aux ressources financières et aux circonstances sociales et familiales inattendues et imprévues. Nous avons fournis des efforts énormes pour transcender tous ces aléas en appliquant la Loi Mascosth du cours d'eau. En effet, le cours d'eau coule toujours de l'amont en aval et rien ne l'arrête dans son parcours, il s'attaque et traverse même des digues les plus solidement érigées.

La maladie qui conduisit, prématurément, à la mort, notre Promoteur du Mémoire du mémoire de D.E.S et avec qui nous avons construit l'architecture de cette thèse, est une phase fort parlante dans la rédaction de cette oeuvre.

Nous ne cesserons jamais de clamer notre reconnaissance au Professeur Kazadi Kimbu Timothée qui a pallié, spontanément, à cette disparition fort tragique en conduisant cette thèse jusqu'en son terme.

9. Structure de la thèse

Trois parties, en sept chapitres, composent cette thèse.

La première partie comprend trois chapitres :

Le premier chapitre explique le cadre théorique en abordant les notions liées au système social, la famille et le langage.

Le deuxième chapitre s'attelle à considérer le Sociologie comme une science de l'action : il se penche sur la présentation de la Sociologie praxéologique, l'Actionnalisme d'Alain Touraine, les Théories du changement social, l'Economie du développement et la notion de l'environnement.

Le troisième chapitre affiche le cadre méthodologique : il présente la méthode praxéo-interdiscursive avec tout son protocole descriptif, il étale les techniques qui ont servi dans la récolte et dans l'analyse de traitement des données, les problèmes épistémologiques, les couloirs d'échange, l'approche praxéo- configurationnelle ainsi que les limites de la méthode.

La deuxième partie, est une présentation et une interprétation des résultats. Elle décrit et analyse des aspects morphologiques du milieu d'étude, évalue à travers des analyses, les ressources. Elle établit et interprète une typologie des familles de la chefferie. Elle comprend deux chapitres.

Le chapitre quatrième décrit la morphologie de l'univers à travers les milieux physique, humain, économique, historique, culturel...

Le cinquième chapitre analyse les ressources et établit une typologie des familles selon leurs actions et croyances, selon leurs propriétés et selon leurs modes de production ;

La troisième partie est complémentaire à la précédente : c'est celle de l'interdiscursivité praxéologique et l'essai de l'implantation des principes locaux de stabilité familiale et environnementale. Elle comprend deux chapitres.

Le sixième chapitre aborde, à travers des analyses, la question des discours et des actions menées, leur pertinence sur le terrain, les faits envisageables et la façon de les matérialiser. C'est ici qu'est présentée l'Approche participo-praxéo dynamique, avec son principe directeur de l'unanimité participative rationnelle, comme voie de la stabilité familiale.

Le septième chapitre, dans son inventivité, analyse cinq principes sur lesquels peut reposer la stabilité des familles de Ngweshe et son environnement. Il se clôture par une analyse évaluative et des prospectives d'avenir.

Toute la thèse dispose d'une introduction et d'une conclusion générales.

Première partie

BALISAGE EPISTEMOLOGIQUE

INTRODUCTION

Cette partie, à travers deux chapitres se consacre à fournier un éclairage épistémologique, méthodologique et théorico-conceptuel.

En effet, l'Epistémologie est définie comme étant la Science des Sciences ; elle table sur la validité, la légitimité, la cohérence et l'acceptabilité des produits scientifiques. A travers les aspects épistémologiques minutieusement respectés par l'auteur, l'oeuvre scientifique acquiert un équilibre entre tous les éléments dont il est constitué, à savoir ; l'objet réel, l'objet de connaissance et le langage. Ces éléments apparaissent dans un triangle épistémologique dont l'adéquation entre eux confère à l'oeuvre son caractère scientifique indéniable. Ce triangle se présente comme suit :

Schéma n° 1 : Le triangle épistémologique

L

Légende :

b a L : langage

OC : objet de connaissance

OC OR OR : objet réel

c (a) ; (b) ; (c) : degré d'adéquation

Source : NDAY WA MANDE, Mémento des méthodes de recherche en sciences sociales, 1ère partie, Collection Livre, Lubumbashi, Edition du Cresa, 2004, p. 25.

Une oeuvre scientifique n'est épistémologiquement correcte que si et seulement si il existe, dans cette oeuvre, une adéquation entre l'objet réel, l'objet de la connaissance et le langage dans lequel cet objet de connaissance est traduit. Il sied de faire remarquer que malgré l'adéquation devant exister entre l'OC et l'OR, cela n'enlève en rien l'irréductibilité entre les deux objets. L'OC est irréductible à l'OR.

Au- delà du triangle épistémologique, certains principes doivent être respectés dans la collecte des données, notamment :

- Le principe de la concentration exigeant qu'un phénomène social ne s'étudie que là où il est concentré ;

- Le principe du plus ample informé : le chercheur ne pourra se fier qu'à un enquêté supposé disposer des données fiables. On devra aussi tenir compte des problèmes relatifs au questionnaire et à l'entretien : il s'agit de la compétence, la sincérité, la fidélité des répondants et de la compréhension sémantiques des questions elles-mêmes.

- Le principe de négligeabilité : toutes les données reçues par le chercheur ne doivent pas être prises en compte. Ces données doivent être recoupées, triées pour ne retenir que celles conformes aux objectifs que le chercheur s'est fixés.

Quant à la méthodologie, elle comprend méthode, approche et techniques. La méthode est la voie intellectuelle qui oriente l'analyse dans la recherche. L'approche est une façon de voir les choses, d'appréhender un phénomène. Les techniques sont des outils au service de la méthode. On en distinguera dans cette thèse, celles de collecte des données et celles de traitement et d'analyse de contenu.

La méthode est sous-tendue par les théories et les concepts. Etant donné que la famille est essentiellement « travail, discours, changement et continuité », qu'elle est actrice dans le développement, et du fait qu'elle s'identifie par rapport à un environnement, des théories relatives à tous ces aspects ont été abordées pour justifier ainsi l'interaction, l'interdépendance et la complémentarité entre la famille et tous ces aspects, qui de ce fait, constituent les concepts opératoires dans cette thèse.

Ainsi, cette partie est constituée de trois chapitres qui seront abordés l'un après l'autre : le cadre théorique, la sociologie à travers l'action et la méthodologie.

Chapitre premier

CADRE THEORIQUE

INTRODUCTION

De lignes thématiques de ce chapitre, il se dégage qu'il sera abordé successivement des aspects d'ordre théorique qui sous-tendent cette thèse. Les théories sociologiques sont des cadres théoriques complexes. Les sociologues les emploient pour expliquer et pour analyser différemment comment l'action sociale, les processus sociaux et les structures sociales fonctionnent.

On les appelle parfois les théories sociales bien que la limite postérieure se rapporte généralement à la théorie interdisciplinaire. En cherchant à comprendre la société, les sociologues emploient la théorie sociologique et les théories sociales interdisciplinaires pour organiser la recherche sociale.

Considérant la diversité d'éléments que contient le thème de famille, il importe de signaler que la famille, en tant que système social ne peut être abordée sous un seul aspect, son appréhension et sa compréhension exige une réflexion axée sur ses fonctions, aux actions produites en son sein, au langage usagé, à la culture, etc.

Cependant, à travers cette étude, la famille sera considérée à la fois comme une structure sociale et comme un groupe social qui travaille, s'émeut, initie et innove des actions en son sein et qui est auditrice et locutrice. C'est donc une vision hétérogène qui nous amène à une théorisation plurielle.

Cette étude est conçue sur base des paradigmes de famille nucléaire et celui de l'action collective44(*) lesquels incitent à l'action en vue d'appuyer la famille dans la transcendance de ses faiblesses et la communauté de Ngweshe à parfaire son historicité, la capacité de se promouvoir intégralement à travers un environnement sain et équilibré. De ce point de vue, les théories d'appui seront celles du système social parce que la famille en est véritablement un, de la famille, la praxéologie du langage, du développement et de l'environnement. Mais pourquoi tant de théories ? A première vue, il apparaît comme si on présentait toute une panoplie de théories encombrantes. Non, du fait que la famille, en tant que système social, toujours confrontée à plusieurs sévices, vise à se parfaire, recherche continuellement son équilibre à travers son travail, le discours et son environnement, son étude ne peut être que multisectorielle ou mieux encore pluridisciplinaire.

C'est pourquoi il est malaisé de parler de la famille sans aborder les notions de système, de langage, du développement et de l'environnement dont elle dépend. Il s'opère bien d'interactions permanentes entre ces systèmes qu'il s'est avéré important de leur trouver, dans cette thèse, une certaine associativité trasnsciplinaire.

1.1.  NOTION DE SYSTEME SOCIAL

Il convient de comprendre un système social à la fois comme un agencement des parties en relation d'interdépendance mutuelle et comme un lieu de convergence des forces capables d'engendrer, au sein de cet agencement, des changements. Ces changements se manifestent en événements qui constituent les points de repères des « itinéraires » de l'histoire. Il est évident que ces forces ne sont pas toutes endogènes au système lui- même. Des facteurs exogènes, tels que le climat, les séismes, les migrations animales, etc., jouent un rôle souvent considérable dans l'évolution des sociétés humaines. Il en va de même des facteurs qui relèvent de l'organisation biologique des êtres humains, comme le vieillissement, la capacité de reproduction, la plus ou moins grande résistance aux épidémies.

La société est donc composée des sous-systèmes à la fois autonomes et interdépendants. Les sous-systèmes sociaux (comme le droit, la politique, l'économie) se constituent comme des instances « auto poïétiques », c'est-à-dire qui se génèrent elles-mêmes, par un principe d'auto-organisation.

A

B

C

D

1.2.  THEORIES DE LA FAMILLE

Ce chapitre s'annonce très complexe, il aborde des aspects liés à la théorie de la famille, aux concepts-clés de cette étude, à la dynamique familiale à travers ses propres actions et la façon dont elle gère son environnement. Nous estimons que la socianalyse comme sociologie des mains sales et des pieds nus est cette dimension physique et intellectuelle de l'homme qui l'embarque dans des actions praxéologiques, transformatrices et progressistes. En effet, la famille comme groupe social doit se heurter à des problèmes inhérents à son existence. Mais elle ne doit pas se laisser sombrer pour autant que les difficultés persistent. Elle doit développer des mécanismes de transcender le défi. Ces mécanismes se retrouvent à travers des tactiques et stratégies prises singulièrement ou communautairement pour faire face au défi.

C'est par ici que tout membre valisde d'une famille doit comprendre et retenir que la vie n'est pas une fatalité. Elle est plus ce que nous voulons qu'elle soit que ce que nous pensons qu'elle est. Elle est une lutte permanente, raisonnée, méthodique et orientée vers des buts. Et de ce point de vue, les personnes qui dirigent les familles doivent être déterminées à se dépasser.

A ce sujet, Passou Lundula estime qu' «  être homme, c'est poser un contre regard sur la société, sur son environnement, sur le monde..., c'est savoir rester fidèle aux principes de l'éthique humaine..., c'est savoir se faire soi-même,..., c'est être lucide..., c'est savoir se détacher du troupeau pour suivre sa propre voie sans se préoccuper des qu'en dira-t-on, ..., c'est être capable de faire un choix... c'est savoir dire non à toute situation qui ne cadre pas avec la dignité, ..., c'est abhorrer tout sentimentalisme, ..., c'est être tolérant,..., dialectique.

L'homme doit, outre les avis et les conseils, n'écouter que sa propre conscience, se battre pour l'amélioration de sa condition terrestre ».46(*)

Ce chapitre évoluera dans cette vision de transcender les problèmes qui amoindrissent la capacité de l'homme à s'affirmer au sein de sa famille et de sa communauté. Dans ce cheminement, la théorie de la famille appliquée à la socianalyse, les concepts-clés seront abordés simultanément sans qu'il y ait apparence d'une présupposée leçon de vocabulaire qui aborderait séparément tel ou tel autre concept, à savoir famille, socianalyse, tactique, stratégie, environnement, dynamique sociale... En fait, une théorie n'est constituée que des concepts qui lui sont spécifiques.

1.2.1. Famille et socianalyse.

Dans la définition du concept « famille », Jean- Etienne et ses collaborateurs reprennent l'acception que l'ethnologue Robert Murdock avait proposée en 1949 : «  la famille est un groupe social caractérisé par la résidence en commun et la coopération d'adultes de deux sexes et des enfants qu'ils ont engendrés ou adoptés ».47(*)

Selon ces auteurs, la famille suppose donc l'union d'adultes de deux sexes opposés et, de ce point de vue, on peut opposer deux types de mariages : la polygamie et la monogamie. Cette première désigne, selon ces auteurs, toutes les formes d'union impliquant plus de deux conjoints. On distingue ainsi la polygynie (qui correspond à la situation où un homme épouse plusieurs femmes) de la polyandrie (qui est le cas symétrique où une femme serait épouse, à la fois, à plusieurs maris). Si la polyandrie est devenue un phénomène rare à ce jour, la polygynie serait aussi sous une allure décroissante officiellement, mais beaucoup d'unions libres existent clandestinement surtout dans les milieux urbains.

Pour Emile Durkheim, il existe une monogamie de fait assez répandue dans certaines sociétés primitives pour des raisons économiques et la monogamie de droit qui correspond à la situation des pays occidentaux contemporains dans lesquels il est juridiquement interdit de se marier simultanément avec plusieurs personnes.

Les formes de famille se différencient également en fonction du nombre des générations présentes sous un même toit. On peut ainsi opposer la famille étendue qui regroupe plusieurs générations (ascendants, descendants, collatéraux) et la famille restreinte appelée aussi famille conjugale qui ne comprend que les parents et leurs enfants non encore mariés.

Talcott Parsons a développé dans les années 1990 la thèse de la nucléarisation de la famille. Il explique que le développement de la société industrielle suppose, de manière concomitante, la généralisation du modèle de la famille nucléaire caractérisée par le domicile séparé et la rupture des liens entre enfants mariés et la parentèle.

De ce point de vue, et pour cet auteur, le développement de la famille nucléaire répondrait ainsi aux exigences de mobilité que requiert les sociétés industrielles. La famille, quelle que soit sa taille traduit des liens de parenté et constitue une forme des « cité ».

Luc Boltanski distingue six sortes de cités :

- Dans la « la cité domestique », inspirée par un écrit de Bossuet, le lien entre les êtres est conçu sur le modèle du lien de parenté. L'intéressé de ces liens s'exprime en termes de proximité, et leur contenu est celui de relations de dépendance et de protection existant dans une famille, une lignée, une maison. Bossuet assimilait le roi à un père se sacrifiant pour ses sujets. Aujourd'hui, on en trouve l'expression dans les discours qui désignent les gens importants comme des chefs, des patrons, ou encore des parents. Les positions sont acquises par recommandation et les relations entretenues par des cadeaux et des invitations.

- Dans la « cité civique », inspirée par le Contrat social de Rousseau, les êtres sont liés entre eux par la notion d'intérêt général. Les relations sont caractérisées par la légalité et la représentativité. Dans cette « cité », les personnes sont grandes lorsqu'elles agissent en vue du bien commun. Un bon exemple est celui des délégués syndicaux, dont la légitimité est fondée sur le respect des procédures de désignation et le dévouement au collectif des travailleurs.

- La «  cité industrielle » est celle de l'efficacité. De Saint-Simon aux manuels de management, le discours industriel est dominé par les impératifs de productivité, d'organisation et de programmation de l'avenir. Dans cette cité, ce qui compte est d'être un expert, de mettre en oeuvre des méthodes, et d'utiliser des outils opérationnels. Les choses doivent y être organisées, mesurables, fonctionnelles, standardisées, reproductives.

- La « cité marchande », définie par Adam Smith, est celle où le lien social est assuré par la convoitise partagée envers des biens rares. La « grandeur » des personnes dépend de leur capacité à s'assurer la possession de biens désirés par les autres. Dans un monde marchand, les êtres qui importent sont les acheteurs et les vendeurs. Ils sont grands quand ils sont riches. Leurs qualités principales sont l'opportunisme, la liberté d'action, et la distance émotionnelle. Les relations sont dominées par la rivalité et les obligations d'affaires.

- La « cité  de l'opinion », inspirée par la description que fait Hobbes de l'honneur, est celle où la position de chacun dépend de l'opinion exprimée par les autres. Dans cette « cité » - version moderne- les gens importants seront ces personnalités connues, les leaders d'opinion, les journalistes. Leur valeur est celle de la reconnaissance publique. Ils manipulent des messages, et le contenu des relations est fait d'influence, d'identification et de séduction.

- La « cité inspirée », tirée des écrits de saint Augustin sur la grâce, désigne un monde où les personnes se situent par rapport à des valeurs des autres. La sainteté, le génie relèvent de ce domaine, mais aussi la créativité, le sens artistique, l'imagination. Les avant-gardes politiques, les innovations, les originaux, voire les désespérés, se situent dans cette grandeur.48(*)

La famille, en tant que groupe social, peut se retrouver à travers tous les différents   « mondes » ou «  cités », mais en même temps l'on reconnaîtra que les différents animateurs de différentes cités proviennent ou vivent principalement dans des familles. La notion de « cité », bien qu'importante ne peut pas nous éloigner des autres caractéristiques que revêt la famille, de ses fonctions traditionnelles, ni de la distinction qui existe entre elle et d'autres groupes qui lui sont assimilés tels que le ménage, la parenté, etc.

Schéma n° 2. Famille, ménage et parenté

Famille au sens étroit :

ensemble des Groupe ;

Famille au sens personnes apparentées et domestique, Ménage 

large : Parenté : coresidant ensemble de personnes

ensemble des personnes corésidant

qu'elles corésident ou non

Source : Nicole Pinet, citée par Jean-Etienne, Dictionnaire de sociologie, p. 125.

La famille, comme institution sociale, dispose de diverses fonctions :

1° la fonction économique

Cette fonction renferme en son sein des sous-fonctions praxéologique productive, la sous-fonction de consommation et de réalisation et la sous-fonction d'accumulation ou patrimoniale.

- La sous-fonction praxéologique productive : Cette fonction résulte de tout l'arsenal des activités de type formel et informel qu'exerce toute famille à travers son travail. Toute famille doit produire rationnellement au risque d'être pathologique envers elle- même et envers le groupe au sein duquel elle vit et d'autres groupes environnants.

- La sous-fonction de consommation et de réalisation

C'est une fonction importante car c'est grâce à elle que toute famille vit, subsiste et se maintient. Elle consomme ce qu'elle a produit, elle se refait et se vivifie, se réalise à travers cette fonction. Mais alors que consommerait-elle si elle n'a pas produit, comment se réaliserait-elle ? Il va sans dire que la fonction de consommation et de réalisation est dépendante de celle praxéologique et productive qui se situe en amont et l'autre en aval. Lorsqu'il y a inadéquation entre les deux fonctions, la famille devient déséquilibrée, elle plonge dans des insatisfactions permanentes, elle se met en face des demandes accrues et inassouvies. Elle produit des agents nuisibles à la communauté et dans certains cas à la famille qui les a produits. Il s'affiche une débâcle sociale au niveau de la famille.

- La sous-fonction d'accumulation ou patrimoniale

A travers cette fonction, la famille accumule des ressources, des biens meubles, immeubles et financiers. Elle concerne les biens ou le reliquat, le reste des biens gardés après la consommation. C'est un processus d'épargne continuelle, d'abnégation et de sacrifices qui assure à la famille la capacité patrimoniale ou cumulative. La grandeur d'une famille repose, en fait, sur sa capacité d'accumuler honnêtement des biens. Elle résulte de sa capacité de travail, de bonne et rationnelle gestion et d'abandon de tout caractère de prodigalité.

- La fonction relationnelle ou du capital social

Les relations entretenues par la famille avec d'autres familles constituent pour elle un capital important. On le voit, par exemple, lors des cérémonies de mariages, des cas de maladies et des funérailles. Une famille ayant joué convenablement cette sous-fonction s'acquitte plus aisément de ces problèmes. On assiste alors à des contributions importantes, à son endroit, en argent, en bétail, en denrées alimentaires, en tenues vestimentaires moins qu'on le ne réalise pour les pauvres.

Facilement, la communauté se cotise plus pour une famille X et moins pour une famille Y, les deux vivant ensemble, bien souvent selon que la famille X dispose de plus de biens que la famille Y. Pourquoi s'acharne-t-on à intervenir plus pour l'une de ces famille et beaucoup moins pour l'autre ? Vraisemblablement, c'est en vertu de ce que cette famille a produit en termes de capital matériel lequel a créé et solidifié le capital relationnel.

2°. La fonction de socialisation

C'est la famille qui assure l'intégration primaire des individus dans toute société. Même si l'intégration secondaire fournie à l'individu par l'Eglise, l'école,..., reste indispensable, on ne le dira jamais assez, un enfant né et qui a pu grandir en dehors de la famille dès le très bas âge, dispose de beaucoup d'insuffisances d'intégration sociale.

3°. La fonction affective

Au sein de la famille, - entre les enfants, entre les parents eux-mêmes, entre les parents et leurs enfants, entre tous les membres de la famille, proches et collatéraux - la culture de l'amour, est toujours recommandée. Il y a des sentiments de pardon, d'estime mutuelle, de don de soi, d'acceptation de l'un et de l'autre qui doivent primer au sein d'une famille. De plus, les enfants, dès qu'ils ont grandi et responsabilisés, doivent prendre en charge leurs parents vieillis sous n'importe quelle forme. C'est à travers cette affectivité que la famille entretient de bonnes relations en son sein, avec d'autres familles et individus vivants ou morts et que cette affection se répercute, se manifeste et se perpétue entre des générations prochaines et lointaines. La famille est une courroie de transmission culturelle. Mais, au-delà, de l'aspect strictement culturel, la famille doit jouer une fonction instigatrice praxéologique communautaire. Et de ce point de vue, parce qu'il n'existe pas, généralement, d'individu humain non issu d'une famille, il s'avère important que toute famille s'autonomise, accumule des ressources, se rassure et devienne véritablement et rationnellement « travail productif ».

4°. La fonction d'identité 

A travers tout l'espace enquêté, il ressort que toute personne n'est connue suffisamment qu'à travers sa famille. On ne se dit connaître une personne que lorsqu'on reconnaît sa famille, ses parents et ses frères. De ce point de vue, nous estimons qu'au-delà de la simple connaissance du nom d'une personne, la maîtrise des noms de ses parents, ses frères, est nécessaire pour s'assurer de son identité. D'ailleurs, il est rare chez les bashi en général et ceux de Ngweshe en particulier que quelqu'un demande à un quidam son nom sans se renseigner sur celui de son père. La question est toujours récurrente : «  de qui es-tu fils ou fille » ? On va même plus loin en se rassurant de sa lignée familiale et clanique. Il convient de signaler même que dans les pratiques traditionnelles lesquelles subsistent encore aujourd'hui sous forme des survivances, les fiançailles des jeunes se concluaient plus entre leurs parents et familles que par les futurs mariés.

Outre ses fonctions, la famille, moderne, plus spécialement dispose de trois traits essentiels, selon François de Singly49(*) :

La famille moderne est relationnelle

La famille moderne est individualiste

La famille moderne est privée/publique

Les charmes et les dangers du repli de la famille sur elle-même.

Le repli de la famille et la compétition sociale

La critique de la conjugalisation

Crises de société influant négativement sur la famille actuelle

1.3. LA SOCIOLOGIE DU LANGAGE

Etant donné, que cette thèse analyse les interactions entre familles, il importe que nous recourions à la Sociologie du langage pour bien appréhender les faits, car la vie, en fait, n'est qu'un langage permanent. Il se traduit à travers le verbe et les organisations scientifiques et culturelles...

Le discours du pouvoir est composé des « archèmes ». Ce sont des unités symboliques (forme et contenu) rendant compte de rationalité de la domination sociale. Il comprend aussi les « technèmes » qui constituent un sous-ensemble des archèmes. Ce même discours comprend, ce que Kambaji appelle des « généléxémes » qui sont des unités symboliques critiques de l'ordre social existant et génératrices d'un nouvel ordre, des éléments significatifs du discours possédant de la logique de libération sociale, du processus contestataire de l'idéologie de la classe populaire.52(*)

1°. Définition de la sociologie du discours

Cette étude ne se fixe pas une ferme détermination de mener une étude de la sociologie du discours, mais, à travers celle-ci, nous dégagerons certains concepts, notamment les archèmes, les généléxémes, le discours du pouvoir, et d'autres, afin que nous puissions relever systématiquement ce qui paraît juste, cohérent, constructif, évolutif, contrairement au fallacieux, à l'incohérent, à l'injuste ou l'anti-valeureux, et ce, à travers des discours réduits tels qu'ils ont pu exercer une influence sur les communautés de Ngweshe.

L'analyse de discours est une approche multidisciplinaire qui s'est développée en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis à partir des années 1960. Elle emprunte de nombreux concepts aux champs de la sociologie, de la philosophie, de la psychologie, de l' informatique, des sciences de la communication, de la linguistique et de l' histoire. Elle s'applique à des objets aussi variés, par exemple, le discours politique, religieux, scientifique, artistique. Dans sa définition traditionnelle, l'analyse de discours s'intéresse aux concepts, à la linguistique et à l'organisation narrative des discours oraux et écrits qu'elle étudie.53(*)

De ce point de vue, nous définirons la sociologie du discours comme étant une science qui part d'une réflexion sur la connaissance des pratiques langagières caractérisant des groupes sociaux en interaction sociale en vue. Elle a pour objet, d'une part, de dégager, comprendre et expliquer l'ordre ou le changement social, la nature réelle des rapports sociaux qui lient ces groupes et, d'autre part, de reconstituer, à la lumière de l'expérience sociale ou historique le « sens sociologique ou praxéologique » réel, effectif de ces pratiques langagières collectives. Elle cherche à dégager les sens des discours collectifs produits dans la société, les interprétations qu'ils appellent ainsi que les types de conscience, de praxis et de l'ordre social qu'ils sont susceptibles d'entraîner ou qu'ils entrainent.54(*)

2° Les éléments de la praxéologie du langage

Cette sociologie s'articule autour de la praxéologie du langage qui est une théorie sociologique qui part du fait que toute production langagière (mot, phrase, discours ) est une praxis, une activité signifiante pouvant véhiculer ou non des significations-marchandises nouménales (archémiques) ; c'est-à-dire des connotations léxématiques porteuses de « plus-value discursive » propre à engendrer chez les individus ou groupes des attitudes d'aliénation ou des actions de reproduction sociale au profit du producteur discursif. Le langage dispose de dimensions syntagmatique, symbolique, paradigmatique et praxéologique telles que vues précédemment.

Pour Kambaji, il existe une double dialectique des positions discursives qu' implique la production de quatre modalités interdiscursives de classe, c'est-à-dire des possibilités de production langagières différentes et/ou contradictoires (archémiques et généléxémiques) selon que la classe dirigeante croise la classe dominée ou la classe contestataire d'une part, ou que la classe dominante entre en interaction sociale avec la classe contestataire d'autre part.

Parmi ces possibilités, Kambaji relève, pour la classe supérieure, les langages « archémiques-modernisateurs ou négociateurs », archémiques-passéistes », et pour la classe populaire, les langages « archémiques d'auto-défense », généléxémiques-affirmatifs (sous ses différentes formes revendicative, d'emprise, d'emprise décisionnelle ou réformiste) ou «  généléxémiques critique » (à ses différents niveaux de maturation conformément au tableau ci-dessous.

Tableau n° 3 : Transmutation praxéologique dans un système social

Classification

Luttes

Luttes affirmatives

Luttes critiques

Caractéristiques

Système d'actions

Nature-sens du langage généléxémique-affirmatif

Niveau de classe affirmative

Types d'actions conflictuelles

Nature-sens du langage généléxémique critique

Niveau de conscience critique

Types d'actions conflictuelles.

1. Champ d'historicité (acteurs historiques)

Langage participatif réformiste

Conscience de participation associative ou substitutive

Mouvement social

Langage alternatif

Conscience anticipatrice

Mouvement révolutionnaire

2. Synthèse institutionnel politique (acteurs politiques)

Langage d'emprise décisionnelle

Conscience de participation institutionnelle ou décisionnelle

Pressions institutionnelles politiques

Langage de blocage institutionnel

Conscience privatrice institutionnelle

Actions de blocage

3. Système organisationnel (acteurs sociaux)

Langage revendicatif

Conscience revendicative

Actions de revendication cumulative ou de participation militante

Langage de privation socio-économique et technique

Conscience privative socio-économique et technique

Actions de critique

Source : NDAY WA MANDE, op. cit, p. 27.

Commentaire ;

Ce tableau donne une classification des luttes où l'auteur distingue les luttes affirmatives de luttes critiques qui caractérisent le système d'actions selon qu'on est dans un champ d'historicité ou dans les systèmes institutionnel, politique ou organisationnel.

Pour l'auteur, le champ d'historicité est composé des acteurs historiques tandis que le système institutionnel politique est fait des acteurs politiques, alors que système organisationnel est animé par les acteurs sociaux. Dans le cadre de cette thèse et à travers la chefferie sous étude, les acteurs historiques sont les différentes personnes, au sein de la communauté, engagées dans le changement ; les acteurs politiques sont les partis politiques, les gouvernements national et provincial et toutes les institutions politiques, juridiques et administratives. Les acteurs sociaux sont toutes les organisations, associations et mouvements socioprofessionnels poursuivant une lutte dans le contexte de l'auteur.

Dans une lutte affirmative, la nature et le sens du langage généléxémique affirmatif, dans un sous -système d'action appelé champ d'historicité, ce langage est participatif réformiste, c'est-à-dire que la mobilisation du peuple se fixe pour objectif de changer l'ordre, les attitudes en vue de tendre vers un avenir meilleur. C'est par exemple, à travers des travaux communautaires tels que le « salongo » ou les patrouilles nocturnes visant à barrer les actions des malfaiteurs.

A ce niveau, la conscience dans une lutte affirmative, la participation associative devient substitutive, c'est-à-dire que l'organisation populaire se manifeste à travers de petits groupes pour intervenir dans des cas constituant une question sociale dans laquelle l'Etat n'intervient que très peu ou pas du tout.

Dans une lutte affirmative, le langage généléxémique est un langage d'emprise décisionnel, c'est-à-dire que l'Etat s'impose à travers certaines actions d'intérêt public telles que les taxes, l'enregistrement des nouveau- nés à l'Etat civil, la fermeture des maisons de tolérance et de proxénétisme, la défense de consommation des boissons fortement alcoolisées, etc. A ce niveau, la conscience populaire se traduit en une conscience de participation institutionnelle ou décisionnelle. Cette participation peut être manifeste à travers les instances telles les cours et tribunaux, le parlement, le gouvernement. Le type d'action conflictuelle se traduit par des pressions institutionnelles et politiques, c'est-à-dire par l'application rigoureuse de la loi, les normes, les règles sociales, la constitution, les décrets, les ordonnances, les arrêtés ministériels, les décisions, les édits des assemblées provinciales et autres documents officiels contraignants.

Dans le sous-système organisationnel, le langage généléxémique est revendicatif, c'est-à-dire qu'il prône le respect de droits humains à travers des faits tels que la sécurité, la liberté d'expression, le payement des salaires décents et réguliers, la lutte contre les violences faites aux femmes, la scolarisation de toutes les filles. A ce niveau, la conscience revendicative doit répondre à des objectifs et des actions communautaires exigeant à l'Etat d'honorer ses devoirs et promesses ou le remercier pour des actions réalisées. Cela peut se faire à travers des marches pacifiques, de colère ou de soutien, de grèves,... Dans ce cas, le type d'action conflictuelle est une action de revendication cumulative de participation militante et collective et de positionnement. Les individus sociaux s'engagent dans la mobilisation populaire, se portent garants dans la défense des droits humains afin de constituer en des leaders locaux, c'est la recherche du leadership local.

A l'inverse, dans le champ d'historicité de luttes critiques, la nature et le sens du langage généléxémique-critique est alternatif, c'est-à-dire que les réactions populaires peuvent être négatives ou positives. Par exemple, le boycottage de travaux communautaires ou l'implication de toute la communauté dans une action profitable à toute l'entité sociale. C'est, par exemple, l'engagement de toute une communauté dans la construction d'un pont, une école, un marché, un centre de santé, une source, ou un tracé routier...

En outre, dans un sous-système institutionnel politique, la nature et le sens du langage généléxémique-critique se manifestent à travers des blocages institutionnels, tels que la corruption, le détournement des deniers publics. Son niveau de conscience se caractérise par des privations institutionnelles et le non respect des normes établies. C'est alors que le type d'action conflictuelle peut se traduire par des actions de blocage, d'insoumission, la guerre, la haine, le tribalisme, etc.

Enfin, dans le sous-système organisationnel, le langage généléxémique critique est un langage de privation socio-économique et technique. C'est le cas, par exemple, lorsque l'Etat, pour de raison de faille ou d'incapacité, abandonne certains secteurs socio-économiques ou techniques à des initiatives des particuliers. Dès lors, le type d'action conflictuelle se traduit en une action de crise consistant à créer un état de chômage au sein de la population de par la fermeture de certaines entreprises, des grèves dues au manque des fonds nécessaires pour payer les ouvriers.

Dans un système social, il peut se produire simultanément ou à tour des rôles trois formes des discours, quel que soit le sous-système où l'on se trouve :

- Le discours généléxémique qui consiste à dire vrai, à éviter la démagogie dans le langage. On peut alors distinguer le langage généléxémique critique poussé par une classe contestataire ou un mouvement révolutionnaire, et un langage généléxémique affirmatif qui se présente sous forme de participation et de tendance à un idéal d'un bien-être social et du compromis.

- Le discours archémique est un faux discours, basé sur le langage démagogue de l'acteur ou du locuteur. Ce langage peut être archémique-modernisateur lorsqu'il incite à une action réformiste poussant à la recherche, par exemple, de la paix, l'ordre ou l'unité. Il peut être archémique passéiste lorsqu' il prône le retour vers les valeurs du passé. Dans la plupart des cas, les discours des campagnes électorales, dans nos milieux congolais, relèvent de discours archémiques à la fois réformistes et passéistes.

- Le discours pakaviliste ne prône pas le changement du système social, il est statique, il est du genre : «  laisse qu'il en soit ainsi » !

D'après Kambaji, la double dialectique des classes détermine l'action de chaque classe qui est, à la fois, la réponse à l'adversaire et orientation directe vers le modèle culturel.  Cette double dialectique produit quatre modalités interdiscursives de classe :

a. En effet, lorsque les rapports s'établissent entre une classe dirigeante et une classe défensive (dominée), le rôle de l'Etat est faible à cause des ambitions de la classe montante qui cherche à exercer directement sa domination sur l'ensemble de la société : dans ce cas, cette classe développe un langage « archémique modernisateur » poussant à une action réformiste et se fait passer pour celle qui apporte la paix , l'ordre, l'unité, la modernité... Par contre, la classe dominée peut développer un double langage : d'une part « archémique d'autodéfense » basé sur des avantages professionnels, sociaux, culturels acquis poussant à une action passive d'adaptation au courant réformateur-intégrateur, d'autre part, un langage généléxémique-affirmatif sous ses formes revendicative et décisionnelle poussant à des « actions revendicatives » ou des pressions institutionnelles limitées.

b. Dans le cas où c'est la classe dominante qui croise la classe défensive (dominée), situation correspondant à une faible référence au système d'action historique, l'Etat joue un rôle important de répression et d'intégration idéologique à travers ses instruments de domination culturelle, à savoir l'école et l'Eglise. Dans cette situation, l'Etat adopte un langage de la classe dominante, un langage archémique-passéiste, c'est-à-dire tourné vers le passé. De son coté, la classe défensive développe soit un langage archémique d'autodéfense, soit un langage généléxémique-affirmatif, sous ses formes revendicatrices et décisionnelle poussant à des actions de revendication passive ou de participation militante ou de pressions institutionnelle très limitées.

c. Quand c'est la classe dirigeante qui affronte la classe contestataire, l'action de l'Etat consiste à rejoindre les exigences du système d'action historique et les mécanismes institutionnels, à contrebalancer les conflits de classe par l'appel à la modernisation et au traitement des conflits.

Dans ce cas, l'Etat adopte un langage « archémique modernisateur et négociateur » poussant à des actions de compromis, une action visant par ailleurs à accroitre son emprise sur le champ d'historicité et sur les mécanismes institutionnels de prise de décisions. L'Etat restera animé par le langage de la classe contestataire, un langage « généléxémique-affirmatif » sous la forme réformiste poussant au compromis ou au « mouvement social ».

d. En dernier lieu, quand on est en présence d'une classe dominante et d'une classe contestataire, l'intervention étatique est animée par l'effort de la classe populaire pour contrôler le système d'action historique et conquérir le pouvoir de l'Etat. Dans ce cas, l'Etat adopte le langage « archémique-passéiste » de la classe dominante sous pression de la contestation populaire. Par contre, la classe contestataire produit un langage « généléxémique-critique » sous sa forme alternative reflétant ou poussant à un mouvement révolutionnaire, c'est-à-dire une action de classe qui est tournée vers l'avenir, combat le pouvoir et le langage de l'Etat établi et vise principalement à détruire la domination de classe pour un ordre nouveau.

Par ailleurs, elle peut, lorsque sa pression, sa force de contestation ou de mobilisation populaire n'est pas très élevée, produire un langage « généléxémique-affirmatif » sous sa forme participative reflétant ou poussant à un « mouvement social » ou au compromis55(*).

La théorie de la sociologie du discours est un soubassement à cette recherche car elle conduit à analyser les discours produits par les acteurs sociaux, leur applicabilité et leur pouvoir praxéologique à travers toutes les circonstances observées dans la dynamique familiale et le maintien de l'équilibre familial et la gestion de l'environnement à travers toute la Chefferie de Ngweshe.

Il conviendra donc, sur base de la sociologie du discours, parvenir à appréhender les discours tels qu'ils ont été produits dans le milieu, les effets qu'ils ont eu sur les auditeurs, les réactions de locuteurs et la projection de nouveaux discours en remplacement ou en affirmation de ceux ayant été jugés d'efficaces ou d'inefficaces. Une telle approche exige une appréhension du contexte dans lequel se produisent les discours et l'impact qu'ils ont eu dans la Chefferie de Ngweshe, notamment, sur les façons d'être, de penser et d'agir, sur les innovations, le changement tant qualitatif que quantitatif et le mode de comportement dans tous les domaines de la vie et de l'environnement.

Conclusion partielle

La famille demeure une unité sociale composée de ses membres. Les plus traditionnellement connus sont les parents de deux sexes opposés et les enfants qu'ils ont, soit engendrés, soit adoptés. Elle a pour mission de procréer, socialiser et produire. De par les interactions en son sein, l'interdépendance entre ses membres, la famille est un système social par excellence. Elle est une unité praxéologique du fait que son existence, son maintien et son équilibre dépend principalement de son travail pour autant qu'il est exécuté en toute rationalité. Dans ses interactions entre ses membres et son environnement humain, la famille entretient régulièrement des discours pour manifester ses opinions, ses projets, ses réalisations, ses émotions, etc. Elle en consomme aussi d'autres et son comportement en dépend, le plus souvent. C'est à titre d'exemple que la consommation du discours religieux qui détermine les conduites sociales, et dans le cas d'espèce, à travers toute la chefferie de Ngweshe est fort déterminante. La famille peut avoir parmi ses membres des éléments pathologiques ou paraître, elle-même, entièrement pathologique. Ce comportement déviant influe négativement sur la société d'appartenance. Nous estimons que si toutes les familles au sein d'une entité donnée, étaient suffisamment socialisées et intégrées, leur entité d'appartenance n'en serait pas autrement, comme pour dire qu'une société n'est que ce que sont ses familles.

Ne perdrons pas de vue qu'à ce jour les fonctions de la famille sont remises en cause. Certaines opinions estiment que la famille anéantit la liberté de ses membres, qu'elle désocialise plus qu'elle ne socialise. Certaines crises de la société, à ce jour ont des conséquences néfastes sur la famille. A titre d'exemple, nous pouvons citer le mariage homosexuel, les viols et violences sexuelles, les guerres, le VIH/SIDA, etc. A travers tous ces aléas, la famille « se bat » pour se maintenir. C'est ainsi que nous abordons, dans le chapitre suivant, certaines notions à caractère conatif, pragmatique ou d'incitation à l'action.

Chapitre deuxième

LA SOCIOLOGIE COMME SCIENCE DE L'ACTION

A travers ce chapitre, nous aborderons successivement la sociologie praxéologique; l'actionnalisme d'Alain Touraine et d'autres théories apparentées à l'action parce que la famille est essentiellement travail, elle ne peut subsister et se transformer que conséquemment aux actions qu'elle a produites. Des notions telles que l'agir communicationnel, la socianalyse et la mobalité seront brièvement passées en revue. Il en sera de même pour les notions de développement et de croissance, de sous-développement et de l'environnement.

2.1. La sociologie praxéologique

La sociologie praxéologique est un courant sociologique et une connaissance à quatre paliers dialectiquement liés, à savoir :

a) le palier existentiel

Elle va à l'encontre de l'homme dans son milieu d'existence avec ses problèmes et aspirations aux besoins réels ainsi que différents obstacles qui empêchent leur résolution ou satisfaction. A travers le palier existentiel, et en nous reportant sur le terrain de recherche, il sied de réveiller les consciences des populations afin d'identifier les problèmes majeurs, les hiérarchiser et en proposer des pistes d'éradication ou d'atténuation.

b) le palier de la contingence

Il s'agit d'une contingence relative qui implique l'insertion des faits microsociologiques dans des ensembles sociaux plus vastes où il faut définir de manière significative mes conditions (économiques, psychologiques, politiques, ...) et les moyens (humains, financiers, matériels, techniques, symboliques, ...) à utiliser ou à combiner.

Certes, Ngweshe dispose de ressources tant humaines, matérielles, financières qu'environnementales. Leur gestion rationnelle doit nécessairement contribuer à nouvel élan vers le développement de la Chefferie, il va sans dire que ce nouvel élan constitue l'heure de la capacitation des ressources diverses pour un avenir meilleur. Cet aspect manifestement théorique apparaîtra à travers les actions préconisées réalisables ou réalisées par la Chefferie au cours de la décennie courant de 1990 à 2010.

c) le palier interventionniste

Comme aux paliers précédents, et dans le contexte de cette étude, l'identification des conditions, le choix et la combinaison rationnels des moyens appropriés (opérations de deuxième étage) ; ces opérations doivent déboucher sur une action de libération et/ou de développement , elles doivent permettre au sociologue d'intervenir, ensemble avec les acteurs sociaux concernés par le milieu en étude, dans la transformation dialectique réciproque, c'est-à-dire pour la promotion des conditions existentielles des acteurs.

a. le palier de la prospective

Le sociologue praxéologue, au vu de la situation en présence, doit pouvoir entreprendre des actions, des projets pour un avenir meilleur. Ce sont, principalement des actions de planification car toute planification implique une prospective.

2.2. L'actionnalisme d'Alain Touraine

a) L'auteur

 
 
 
 
 
 

Touraine, Alain (1925- ), Sociologue français, Fondateur du Centre d'étude des mouvements sociaux (Cemes) en 1970, et du Centre d'analyse et d'intervention sociologiques (Cadis) au sein de l'École des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) en 1981, est connu pour avoir développé une réflexion théorique originale, l'actionnalisme, et créé l'intervention sociologique.

Né à Hermanville-sur-Mer, Alain Touraine rejoint au milieu des années 1950 le Centre d'études sociologiques de Paris dirigé par Georges Friedmann. Ses premiers travaux, notamment l'Évolution du travail ouvrier aux usines Renault (1955), sont influencés par la sociologie industrielle naissante. Il inaugure en 1958, le laboratoire de Sociologie industrielle à l'École Pratique des Hautes Etudes et cofonde, l'année suivante avec Michel Crozier et Jean-Daniel Reynaud, la revue Sociologie du travail. Depuis cinquante ans, les sujets de ses travaux évoluent, correspondant aux changements sociaux qu'il constate et tente de comprendre. Après s'être surtout intéressé à l'industrialisation et au mouvement ouvrier, il étend son analyse aux mouvements sociaux consécutifs aux événements de mai 1968. Depuis le milieu des années 1980, c'est à l'individu comme acteur social mais aussi sujet individuel en quête de sens qu'il consacre ses travaux.

b) La théorie

C'est dans Sociologie de l'action (1965) et Production de la société (1973), qu'Alain Touraine expose l'« actionnalisme ». Sa démarche vise à comprendre le changement social en se référant aux divers systèmes d'action qui rassemblent à la fois les rapports de classe et les orientations culturelles en jeu dans les divers groupes sociaux ; selon lui, ces systèmes déterminent la nature du conflit social, qui débouche inéluctablement sur un clivage entre groupes antagonistes. Dans ces deux ouvrages, mais aussi dans de plus récents, comme Critique de la modernité (1992) ou Qu'est-ce que la démocratie ? (1994), la vision d'Alain Touraine se dessine précisément : s'éloignant de la conception généralement admise, qui voit dans la société un ensemble de structures (État, famille...) et de fonctions (rôles professionnels ou sociaux, telle la fonction parentale), il analyse la société comme le résultat, en constante évolution, de l'action sociale de groupes organisés, ainsi que des conflits et des relations entre les individus. Y cohabitent le sujet (c'est-à-dire l'individu et son projet de vie) et l'acteur social, qui correspond au mouvement collectif, porteur d'« historicité ». Notion importante de l'oeuvre d'Alain Touraine, l'historicité désigne la concentration des forces, l'influence collective sur les orientations de la société et du monde.

Présents dans ses réflexions théoriques, les groupes sociaux se trouvent aussi au coeur de ses recherches de terrain, centrées dans un premier temps sur le milieu ouvrier (Ouvriers d'origine agricole, en 1961, ou encore le Mouvement ouvrier, en 1984, coécrit avec François Dubet et Michel Wieviorka).

c) L'étude des mouvements sociaux par intervention sociologique

Alain Touraine étudie longuement divers mouvements sociaux : étudiants (Lutte étudiante, 1978), activistes antinucléaires (la Prophétie antinucléaire, 1980), mouvement polonais Solidarnooeæ (Solidarité, 1982), grâce à une méthode originale, élaborée dans le cadre de la sociologie de l'action : l'intervention sociologique, qu'il expose en détail en 1978 dans la Voix et le regard. Pour comprendre le sens de l'action collective et les rapports sociaux entre les militants, le sociologue joue un rôle actif en se mêlant au mouvement social au lieu de l'observer. Son objectif est d'accroître les capacités d'action des militants en les amenant à analyser leur action et à réfléchir aux conditions qui permettent la réussite de leur projet collectif. L'intervention sociologique a été créée pour rendre compte de l'émergence de mouvements collectifs, et de leur capacité à entraîner une nouvelle dynamique sociale. Cependant, cette méthode révèle à Alain Touraine qu'aucun des mouvements sociaux qu'il étudie n'est porteur d'un solide projet de société, contrairement au mouvement ouvrier.

d)

La recherche d'un nouveau paradigme

Engagé dans le débat sur les effets de la mondialisation et sur le multiculturalisme, Alain Touraine s'alarme, dans son essai Pourrons-nous vivre ensemble ? (1997), de la montée des intégrismes et de l'assimilation culturelle, potentielles menaces pour la démocratie. Selon lui, il faut tenter de concilier les règles de vie sociale, applicables à tous, et la diversité des identités culturelles (langue, religion, sexualité, etc.).

Dans Un nouveau paradigme (2004), celui qui demeure l'un des plus importants sociologues français contemporains constate le déclin du paradigme social (qui définissait les individus et les groupes par leurs relations sociales) et l'apparition d'un paradigme culturel : alors que l'individu s'est longtemps réalisé à travers des idéaux collectifs, il doit désormais trouver un sens personnel à sa vie, dans le respect et la reconnaissance de l'autre.56(*)

e) Idées maitresses et fondement

L'actionnalisme est la voie sociologique privilégiée par l'analyse du travail et de la conscience historique. L'on parle aussi de l'analyse actionnaliste. L'actionnalisme est une connaissance de la société construite par des instruments conceptuels comme l'historicité, le système d'action, la classe sociale. Autrement, l'on parle de l'historicité, le système d'action historique, les rapports de classes, le système institutionnel, l'organisation sociale et les mouvements sociaux.

En fait, le concept fondamental de l'actionnalisme d'Alain Touraine demeure la notion d'historicité ; cette action d'une société d'agir sur elle-même, cette capacité d'une société de se faire et de se refaire ou de se transformer. Il va sans dire que le niveau d'historicité se diffère entre les peuples, certains ont plus de capacité transformatrice que d'autres. Ainsi, distingue-t-on des Etats plus avancés que d'autres, tout cela dépendant de l'historicité de chacun. Elle comporte trois éléments essentiels : le capital symbolique ou mode de connaissances, le modèle culturel ou orientation politique et l'accumulation ou capital. L'historicité est, d'après Alain Touraine, cette distance que prend la société par rapport à son activité et cette action par laquelle elle détermine les catégories de sa pratique. La société, en somme, n'est pas ce qu'elle est, mais ce qu'elle se fait d'être, ce dont elle est capable.

Schéma n°4 : l'historicité sous forme d'un triangle

Capital symbolique (ou mode de connaissance)

L'historicité entraîne directement l'existence et le conflit de classes sociales opposées. C'est-à-dire que la société ne se retourne pas sur elle-même pour s'orienter ou pour se transformer. C'est la classe dirigeante qui gère le mode de connaissance (le capital symbolique : diplôme, grades académiques, ingéniorat...), l'accumulation et le mode culturel. Elle s'identifie à l'historicité, mais elle n'est qu'une partie de la société et par conséquent identifie aussi l'historicité à ses intérêts privés, confond le modèle culturel et sa propre idéologie.

Le fondement de l'actionnalisme réside dans la pensée des auteurs comme Karl Marx, Max Weber, Emile Durkheim, Georg Friedmann, Georges Gurvitch, Talcott Parsons, Jean Paul Sartre et Claude de Lévi-Strauss.

f) Le système d'action historique

C'est le système d'emprise de l'historicité sur la pratique sociale. IL assure le lien entre l'historicité et le fonctionnement de la société. En raison des tensions existant entre l'historicité et l'action sociale, le système d'action historique va être lui-même lieu d'exercice de ces tensions que Touraine articule autour de trois couples :

- Mouvement-ordre : c'est la tension, dans le champ d'historicité, entre dépassement du fonctionnement social (mouvement) et l'organisation sociale (ordre)

- Orientation- ressources : les orientations de l'historicité (modèle culturel) s'opposent aux ressources (naturelles, techniques, biologiques, psychologiques).

- Culture-société : C'est le passage d'un modèle culturel, modèle de créativité à un modèle de consommation situé du coté de l'ordre et des ressources.

Tous ces couples se résument de la manière ci-dessous:

Mouvement Ordre

Orientation

Modèle culturel

Hiérarchisation

Mobilisation

Besoins

Ressources

N.B. Le modèle culturel, la mobilisation (met les ressources au modèle culturel) ; la hiérarchisation (qui organise l'activité socio-économique et plus particulièrement la répartition des ressources) et les besoins (une définition des besoins et un mode de consommation.

C'est ce qui a poussé Alain Touraine à construire quatre formes de société :

- La société programmée (ou post-industrielle) où ce qui est accumulé est la capacité de produire la production, à savoir la connaissance ;

- La société industrielle où l'accumulation porte sur l'organisation du travail ;

- La société marchande où l'accumulation porte sur la répartition ;

- La société agraire ou société à faible accumulation.

g) Les rapports de classes

Les rapports de classes constituent la deuxième composante du champ d'historicité. Tandis que le modèle culturel commande le système d'action historique effectuant le lien entre l'historicité et le fonctionnement de la société, c'est par l'accumulation que les rapports de classes assurent le lien entre l'historicité et l'organisation sociale.

C'est ainsi que A. Touraine distingue deux classes sociales :

Supérieure Dominante

Dirigeante

Classe Contestation

Populaire

Dominée

La double dialectique des classes sociales oppose la classe supérieure à la classe populaire. La première expression sociale du modèle culturel exerce une contrainte sur l'ensemble de la société. Elle réalise le modèle culturel et se l'approprie. C'est pourquoi elle est en même temps classe dirigeante et classe dominante. A l'opposé, la classe populaire est dirigée et dominée car elle participe à la mise en oeuvre du modèle culturel sans le gérer. Elle est donc défensive tout en étant contestataire par rapport aux contraintes que lui fait subir la classe supérieure.

Il est à noter que les deux classes ne peuvent jamais être identifiées à deux groupes concrets. La connaissance d'une classe passe par l'analyse des mouvements sociaux (action concrète des classes, action collective, conduite de classes).

En définitive, nous pouvons retenir que l'actionnalisme d'Alain Touraine prend en considération deux éléments : l'acteur et le sujet.

L'acteur est la personne qui raisonne, identifie le problème au sein de la communauté et se décide d'y apporter une solution à travers un projet de transformation, lequel est appelé  sujet. Cela veut dire que tout individu imbu de l'esprit de changement doit être porteur d'un sujet, c'est - à- dire, un projet initié localement, individuellement ou collectivement et qui a la prétention de transformer la communauté. Plus il y a des acteurs ayant un esprit imaginatif, créatif, inventif, et raisonnablement établi, plus il s'affiche des sujets, c'est-à-dire des projets ayant pour but de transformer le vécu quotidien des individus membres de la communauté. Ceci permet ainsi de mettre à nu et merveilleusement l'historicité  de tout un peuple et ce, à partir de certains membres de la communauté. Il appert ainsi que l'historicité d'une société, bien que profitant majoritairement au plus grand nombre, ne provient qu'une d'une fine minorité de personnes qui ont réfléchi et décidé de changer le cours de l'histoire, c'est-à-dire le changement qualitatif et quantitatif.

2.3. Autres théories apparentées à l'action

Nous avons pu voir que la théorie actionnaliste met l'attention sur l'action, elle qui est le facteur indispensable du changement. Les acteurs sociaux ne se manifestent qu'à travers leurs actions. Plus ces actions sont intelligiblement conçues et rationnellement exécutées, plus elles conduisent vers un changement voulu par la communauté. Mais, il n'y a pas que l'actionnalisme qui prône l'action de changement. Il y a bien d'autres théories qui consacrent l'action comme moteur indispensable du changement. D'une façon non exhaustive et très brève, nous pouvons parler de l'agir communicationnel, l'analyse stratégique, la socianalyse et la mobalité ou sociologie d'autodétermination.

2.3.1. L'agir communicationnel

Cette théorie a été élaborée par Jürgen Habermas (né en 1929). Pour l'auteur, le concept d'agir communicationnel concerne l'interaction d'au moins deux sujets capables de parler et d'agir qui engagent une relation interpersonnelle à travers des moyes verbaux ou extra-verbaux. Les acteurs recherchent, alors, une entente sur une situation d'action afin de coordonner consensuellement leurs plans et de là même leurs actions. Dans l'agir communicationnel, le médium langagier occupe une place importante car c'est dans ce type d'agir que toutes les fonctions du langage sont représentées.57(*)

Seul l'agir communicationnel présuppose le langage comme un médium d'intercompréhension non tronqué où locuteur et auditeur se complètent mutuellement. L'agir communicationnel évite de parler en vase clos, il faut réfléchir, parler er agir. Ainsi, la raison n'apparait pas comme un instrument du langage mais un reflet du langage. Le langage est à prendre dans un sens beaucoup plus large, allant au-delà du verbe. Exemple : un bâtiment, une marche des étudiants, l'art, le jeu, la musique, le pleur d'un enfant ou d'un adulte, ..., sont de langage.

L'agir communicationnel suppose la raison, un langage qui parle et agit, qui engage deux ou plusieurs individus dans une interaction verbale conduisant à une action. A travers l'agir communicationnel, on peut donner un sens à ce qui est social, à ce qui est métasocial.

2.3.2. L'analyse stratégique

Cette théorie est de Michel Crozier qu'il applique à la Sociologie des organisations. D'autres auteurs se sont inspirés de l'apport de M. Crozier. C'est le cas d'Henri Amblard, Philippe Bernouk, Gilles Hereros et Yves Fréderic Livian.58(*)

La Sociologie des organisations tente de répondre à un problème crucial pour donner des clés de compréhension et d'actions aux acteurs engagés dans des situations organisationnelles. L'analyse stratégique met l'accent sur l'acteur, elle vise à rendre compte de l'émergence des problèmes dans les organisations. Il faut arriver à savoir comment se construisent les actions collectives à partir des comportements des individus. Dans ce processus, on part de l'acteur, de ses stratégies qui sont fonction, d'une part du jeu des autres acteurs et d'autre part de ses ressources disponibles.

L'analyse est stratégique, en ce sens, que le comportement des acteurs dépend moins des objectifs clairs et conscients qu'ils se donnent de contraintes de l'environnement, des atouts qui sont à leur disposition et des relations dans lesquelles ils sont insérés. La stratégie n'est ni un projet conscient et clair ni un objectif au sens habituel du mot, mais une logique que l'on repère après coup.

Le concept « stratégie » comprend deux aspects : l'aspect offensif et l'aspect défensif. On agit pour améliorer sa capacité d'action et /ou pour protéger ses marges de manoeuvre. De ce fait, les projets des acteurs sont rarement clairs et cohérents, mais le comportement n'est jamais absurde, car chaque comportement est actif. Si ces derniers aspects constituent les principes de l'analyse stratégique, celle-ci dispose aussi des postulats :

Premier postulat : L'organisation est un construit et une réponse. C'est même un construit contingent. Les acteurs ont bien conscience de contraintes auxquelles ils doivent faire face.

Deuxième postulat : l'acteur est relativement libre, mais il n'est jamais totalement enfermé dans son rôle.

Troisième postulat : il y a toujours une différence entre les objectifs de l'organisation et ceux des individus. Leurs intérêts se recouvrent mais jamais complètement.

Quatrième postulat : pour parvenir à ses fins, l'acteur calcule, mais le fait dans une personnalité limitée. L'acteur tente d'augmenter ses gains et de limiter ses pertes dans le jeu au prix du conflit de la négociation ou de l'intégration. En ce sens, l'acteur agit par intérêt.59(*)

Enfin, disons que l'analyse stratégique s'articule autour de trois concepts: le pouvoir, l'incertitude, le système d'action concret.

- Le pouvoir : renvoie à la notion des ressources, de capacité à employer ces ressources lorsqu'il rencontre de résistance. Le pouvoir est d'abord une relation incluant réciprocité et négociation. Tout pouvoir s'appuie sur la légitimité dont aucun pouvoir ne peut se passer.

- L'incertitude : l'incertitude ne désigne pas les turbulences imprévues, internes ou externes auxquelles toute organisation est soumise. Il ne faut pas tout porter à la connaissance des acteurs et des partenaires.

- Le système d'action concret : il désigne la manière dont les acteurs régulent leurs relations, les règles qu'ils se donnent pour faire fonctionner l'organisation, les alliances qu'ils nouent.

Nous venons ainsi de créer un couloir d'échange entre Sociologie de la famille et sociologie des organisations. En effet, à travers les deux systèmes, l'acteur principal est l'homme, bien que dans les organisations, la machine joue un rôle capital, mais en amont comme en aval, l'acteur principal demeure l'homme. En outre, au travers de ces deux sociologies, l'élément essentiel, c'est l'action, c'est elle qui détermine ce qu'est le système, elle qualifie le système de régressif, de progressif, d'actif, d'inactif ou d'amorphe.

2.3.3. La socianalyse

La théorie socianalitique a été élaborée par Bolle de Bal. Elle s'inscrit dans ce qu'on appelle la « sociologie des mains sales » où le sociologue qui est à la fois acteur ne se préoccupe pas de ses mains. Ce sociologue s'affronte à deux problèmes majeurs : l'objectivité de son action et son indépendance. Dans la socianalyse, le sociologue doit avoir un coeur battant (un homme disposant de l'esprit et du corps) et des pieds nus (c'est-à-dire qu'il est et il agit). Il devient alors un sociologue au corps transmuant et à l'esprit raisonnant, c'est-à-dire un homme qui libère l'énergie sociale. On parlera ainsi de la socio-énergétique.

On parle de la libération de l'énergie car on a d'un côté :

- l'instituant qui nous conduit à une énergie sociale libre ;

- l'institué nous conduit à l'énergie liée par les normes et l'ordre social

D'un autre coté, on a le sociologue analyseur et l'esprit catalyseur : c'est ainsi qu'on aboutit à la socianalyse. Le sociologue devenant analyseur, catalyseur, il dispose alors des pieds nus, des mains sales et du coeur battant. A travers les pieds nus, il exerce son activité en dehors du milieu académique, à travers les mains sales, il s'engage activement dans l'action sociale, et, par le coeur battant, il assume sa subjectivité.60(*)

2.3.4. La mobalité congolaise ou sociologie d'autodétermination

1°. Origine du terme

Le terme de mobalité dérive du mot « mobali » en lingala du Congo qui signifie « l'homme ». Mais ici, il ne faut prendre le mot dans son sens superficiel d'homme simple. Etre « mobali » veut dire qu'on a fait montre d'être un véritable homme, un homme d'actions, intelligent et engagé résolument dans le changement de sa vie et sa collectivité.

2°. Exposé de  la théorie « mobaliste »

Gaspard Kilumba Katutula qui préface l'oeuvre de Kazadi Kimbu Musopua définit la Sociologie comme la science de l'action sociale dans la mesure où la société est le produit des actions des hommes qui agissent en fonction des valeurs, des motifs. Pour lui, expliquer le social, c'est rendre compte de la façon dont les hommes donnent sens à leur action.

A travers son oeuvre, l'auteur estime que le bien-être des congolais et le devenir de la nation congolaise dépendent de la capacité des congolais de compter d'abord sur leurs propres forces dans leur propre prise en charge et dans la prise en charge de leurs collectivités : leur famille, leur village, leur territoire, leur rue, commune, ville, université, ..., leur Etat-nation.

- Le principe de l'indépendance

A travers ce principe, l'auteur démontre que pour qu'une société devienne autodéterminée, il faut que ses membres fassent de l'autodétermination un principe de travail et de vie.

- Le principe de l'autodétermination

L'autodétermination reposerait sur une indépendance maîtrisée reposant sur la mise en oeuvre des stratégies de régénération, d'organisation et de mobilisation autonome des forces productives locales. Elle se fonde sur la politique de combat contre l'extraversion de l'économie nationale.

- L'autodétermination ou la pratique de l'indépendance. S'autodéterminer, selon l'auteur, c'est devenir sujet de sa propre histoire, c'est apprendre à compter sur ses propres forces.

Pour ce thèse, la théorie de l'autodétermination est un soubassement de taille. En effet, nous nous trouvons dans univers confronté à des difficultés multiples issues des guerres, de l'insécurité, de l'appauvrissement du sol, des maladies endémiques, de la mentalité non ajustée au contexte de vie actuelle, etc. Les gens ont tendance à se confier plus à la divine providence, à la superstition, à la magie, au désespoir, aux discours superflus plutôt que de développer en soi, individuellement, d'abord et collectivement, ensuite, des sentiments, des idées d'autodépassement et d'autodétermination dans le travail conçu comme la seule voie pouvant améliorer leurs lendemains.

Il faut absolument rééduquer la population à cette prise en charge, les amener à réfléchir sur leur vie et la façon de l'améliorer, de protéger et améliorer leurs ressources dans tous les secteurs de la vie et tendre ainsi vers un changement qualitatif et quantitatif.

2.4. Le changement social

On peut dire, à juste titre que tout peuple ne prône que le changement, un changement positif. Bien qu'il ne soit pas toujours facile à atteindre, il demeure un idéal pour tous les peuples de l'humanité depuis les périodes préhistoriques jusqu'à l'époque contemporaine. C'est à travers des actions rationnellement conçues et réalisées, à travers sa capacité transformatrice qu'une communauté quelconque passe d'un temps tel à des lendemains meilleurs. Ceci fait que tout acteur social rationnellement agissant n'envisage que le changement de sa communauté et pour que celui-ci soit profitable, il faut qu'il soit durable, perceptible dans la continuité, remarquable à travers diverses transformations. Ainsi, ce thème englobera conjointement changement et prospective, cette dernière étant la prétention d'envisager des lendemains souhaités.

En effet, chaque jour, nous agissons tous individuellement ou collectivement en fonction de l'avenir, en fonction de l'image que nous en faisons. Nous subissons certes des contraintes : celles de l'environnement dans lequel nous sommes plongés et aussi celles de notre passé. Notre environnement, notre histoire personnelle et celle de la collectivité à laquelle nous appartenons pèsent parfois lourdement sur nos actes. Ces contraintes, prises en compte, déterminent notre avenir, notre agir quotidien et façonne notre comportement.

Une réflexion prospectiviste est, en ce sens, une réflexion sur les avenirs possibles d'une communauté humaine, une réflexion non pour prévoir l'avenir mais pour aider à construire un avenir qui réponde aux aspirations de cette communauté pour préparer de meilleures décisions qui auront plus de chances de conduire au futur souhaitable. C'est une réflexion difficile et le choix d'une méthode pour la guider est crucial.61(*) Trois éléments entrent en compte dans tout processus prônant un changement : l'analyse du passé et du présent, les projets des acteurs, l'évolution de l'environnement.

Evolution de

l'environnement

Analyse du Projets des acteurs

Passé et du

Présent

Futurs possibles

sgr eeeeee

Source : un guide pour les réflexions prospectives en Afrique, p.20.

Fig. n° 1 : les composantes d'une réflexion prospective

Toute réflexion prospective exige :

1°. Le choix de méthode

Les méthodes de la prospective ont été proposées par Philippe Hugon et Olivier Sudrie. Il s'agit de :

- méthodes de scénario décrivant des futurs possibles, eux mêmes déterminés par l'évolution à long terme des facteurs clés ;

- méthodes de prévision basées sur la construction des modèles formalisant le comportement des acteurs ;

- méthodes basées sur l'histoire raisonnée, c'est-à-dire sur des tendances lourdes du passé, tendances qui peuvent subir des ruptures ;

- méthodes basées sur le fil d'Ariane d'une façon motrice dont l'action déterminera les futurs possibles.

2°. Les étapes d'une réflexion prospective

- L'identification des aspirations qui font l'objet d'un large consensus au sein de la communauté et en fonction de ces aspirations, identifier les problèmes qui seront traités dans l'étude.

- La construction de la base, c'est-à-dire le rassemblement des éléments et l'analyse des données nécessaires pour l'exploration du futur. Cette seconde étape est la plus cruciale, car, de la qualité des données rassemblées et de la qualité des analyses faites dépendront la pertinence de l'exploration, donc la pertinence de la réflexion stratégique et l'efficacité des actions qui seront proposées.

- L'analyse rétrospective : elle consiste à dresser un état des lieux (du système et son environnement), puis à analyser les processus qui ont caractère global et embrasser tous les aspects de la vie de la communauté aussi bien dans le milieu naturel que dans les divers aspects de la vie en société. L'analyse rétrospective doit s'enfoncer profondément dans le passé et insister sur l'histoire des trois dernières décennies qui ont vu les sociétés africaines accéder aux indépendances. Elle doit déboucher sur :

a) les invariants qui sont des relations qui ne changent pas ou qui ne changent qu'imperceptiblement à l'échelle d'une génération

       Ex. : le desséchement d'une contrée, une insécurité qui a trop duré.

b)   les tendances lourdes qui n'évoluent que très lentement mais qui sont susceptibles d'être infléchies à l'échelle d'une génération

Ex. : le système de production agricole, le rétablissement de la paix, la reconstitution d'un cheptel décimé par la guerre et des pillages.

c). les germes de changement porteurs de transformations et susceptibles de modifier à long terme les tendances lourdes 

d). le choix des variables : on en distingue quatre principales telles que reprises dans la figure

ci-dessous :

Influence

Variables d'entrée Variables relais

(motrices, peu dépendantes) (motrices et dépendantes)

Variables exclues variables résultats

(peu motrices, peu dépendantes) (Dépendantes)

Source : Un guide pour les réflexions prospectives en Afrique, p.75.

Fig. n° 2 : Les variables dans le plan influence-dépendance

Commentaire :

Les variables d'entrée : sont motrices et peu dépendantes. Ce sont elles qui feront évoluer le système et auxquelles il faudra accorder une attention particulière dans la construction des scénarios et la réflexion stratégique ;

Les variables exclues : sont peu motrices et peu dépendantes. Elles font figure d'invariants dans le système. Elles seront aussi utiles pour l'élaboration des scénarios ;

Les variables relais : motrices et dépendantes, elles ne jouent pas de rôle dans la construction des scénarios, mais pourront aider à la réflexion stratégique ;

Les variables résultats : sont fortement dépendantes et peu motrices.

3) le choix de la méthode

La méthode recommandée est celle qui aide à analyser le jeu des acteurs lorsqu'on considère de nombreux acteurs et une série d'enjeux. C'est la méthode Mactor ou Méthode d'analyse des acteurs. Elle comporte sept phases :

1°. Construire le tableau des stratégies des acteurs, c'est-à-dire établir pour chaque acteur important identifié une carte d'identité avec ses objectifs, ses projets, ses contraintes, ses forces...

2°. Identifier les enjeux stratégiques et les objectifs associés

3°. Positionner les acteurs et mettre en évidence les convergences et les divergences d'intérêts. On construit une matrice acteurs-objectifs en indiquant pour chaque acteur et chaque objectif son accord (noté +1) ; son désaccord (noté -1) ou sa neutralité (notée +0). On peut aussi mettre en évidence les groupes d'acteurs qui ont des intérêts convergents et ceux qui s'opposent.

4°. Hiérarchiser pour chaque acteur ses priorités d'objectifs

5°. Evaluer les projets de force des acteurs en construisant un graphique dans un plan influence-dépendance des acteurs.

6°. Intégrer les rapports de force dans l'analyse des convergences et des divergences, ce qui donne une nouvelle présentation des alliances et des conflits potentiels entre acteurs en tenant compte de la hiérarchie de leurs objectifs et de leurs rapports de force.

7°. Formuler des recommandations stratégiques compte tenu des jeux d'alliance et les conflits potentiels.

4) Elaborer des scénarios

La méthode qui consiste à élaborer des scénarios dans l'exploitation des futurs possibles a été proposée par Herman Kahan dès les années 1950 aux Etats-Unis et développée en France par Datar.

Un scénario, pour les cinéastes, est un résumé de l'action qui va constituer la trame d'un film à partir d'une situation de départ donnée, il développe ce que vont faire les acteurs au cours de différents séquences.

Un scénario, dans une étude prospective est un ensemble formé par la description d'une situation future et du cheminement des événements qui permettent de passer de la situation origine à la situation future.

C'est une description riche et détaillée d'un futur possible, un portrait aux couleurs suffisamment vives pour que le planificateur puisse clairement voir le problème, les défis, les opportunités qu'un tel futur présenterait.

Un scénario doit comporter deux aspects :

- Une image plausible du futur de la communauté à une date déterminée

- La description du cheminement qui conduit de la situation actuelle à l'image du futur. C'est au cours de ce cheminement qu'il est possible d'agir pour réaliser un projet.62(*)

Nous retiendrons, avec Michel Godet qu'un scénario ne décrit pas la réalité future, qu'il n'est pas une prédiction, qu', il n'est pas non plus un modèle de simulation, mais qu'il est un moyen commode de représenter une réalité future plausible, d'en donner une image simplifiée pour éclairer l'action présente à la lumière des futurs souhaitables.

On distingue deux sortes de scénarios :

- Les scénarios exploratoires : celles qui conduisent à des images des futurs possibles, vraisemblables à partir de la situation actuelle et des tendances passées et présentes faisant des hypothèses sur les incertitudes liées à l'environnement et sur les facteurs du changement.

- Les scénarios normatifs sont ceux qui sont construits à partir de différentes images du futur, des futurs qui peuvent être souhaités ou au contraire redoutés.63(*)

La grille ci- dessous nous éclaire sur la façon de constituer une grille sur des lendemains meilleurs :

Grille des sondages sur l'avenir

= ce qui est souhaitable = ce qui est prévisible

= ce qui est jugé comme

Bon ou mauvais parmi

Les futurs possibles

= ce que l'on se déclare = ce que l'on éprouve disposé à faire comme sentiment

1. Les attentes à

L'égard du

futur

2. Les images du futur

3. Les grands espoirs

Les grandes craintes

Concernant le futur

5. Optimisme ou pessimisme à l'égard du futur.

4. Les attitudes à l'égard du futur

Fig. n° 3 : Une grille d'analyse de sondages

Source : Futuribles, l'avenir, hier, aujourd'hui et demain, p. 33.

Commentaire :

Comme cela apparaît à travers cette figure, l'élaboration du futur repose sur des attentes, des espoirs et des craintes. A cela s'ajoutent des attitudes d'optimisme, de pessimisme car il est tout normal que tout en étant optimiste dans le projet que l'on veut monter, il n'en demeure pas moins qu'il s'affiche des doutes de réalisation dudit projet. Ceci étant, les sondages sur la perception du futur portent très souvent sur le pessimisme et l'optimisme à l'égard de l'avenir, c'est-à-dire sur un sentiment plus ou moins global d'inquiétude ou de sérénité qui est éprouvé lorsque l'on évoque les années à venir.

Certes, dans l'univers où se mène cette étude, il y a des problèmes et des attentes par rapport à ces problèmes et, ainsi, l'on s'y construit une certaine image du futur. Cette image en perspective exige des attitudes qui peuvent être optimistes ou pessimistes selon les acteurs, et selon l'ampleur du problème, les stratégies mises en oeuvre, les moyens et les ressources nécessaires. Dans tous les cas, l'élaboration du futur possible exige une certaine hiérarchisation, car on ne saurait pas embrasser tous les problèmes au même moment.

Il va sans dire qu'une communauté qui se fixe pour objectif de réfléchir régulièrement sur ses futurs a plus de possibilités de se développer que celle qui ne dispose que des tendances forts attentistes et qui se voue à la recherche des solutions à ses problèmes, essentiellement par la prière ou par des aides extérieures. Ce sont, fort dommage, des telles tendances parmi tant d'autres qui ont maintenu nos sociétés africaines dans le sous-développement.

Considérons, enfin, avec Guy Rocher, que le changement social dispose de cinq caractéristiques :

- Il est un phénomène collectif qui affecte les conditions et les modes de vie de toute une collectivité ;

- Il concerne un changement de structure en ce sens que l'organisation est sollicitée dans sa totalité ou dans certaines de ses composantes ;

- Le changement social est identifiable dans le temps, et par rapport à un point de référence ;

- Le changement social a un caractère de permanence en ce sens qu'il présuppose des transformations profondes, durables et non superficielles ni éphémères ;

- Le changement social affecte le cours de l'histoire d'une société64(*).

A titre d'exemple, le passage, en République Démocratique du Congo, de la dictature à la démocratisation relève d'un véritable changement social dans notre pays.

2.5. Economie du développement pour les pays en sous-développement

L'expression « économie du développement » a été utilisée pour la première fois en 1943 par Paul Roseintein-Rodan dans un article de l'Economic journal traitant de l'industrialisation de l'Europe de l'Est et du Sud-Est.

A.W.Lewis définit l'économie du développement comme l'analyse de l'économie des pays les plus pauvres.

Pour Stéphanie Treillet, on ne pourrait s'en tenir à définir l'économie du développement comme se rapportant à une partie du monde ; on se référera donc ici au caractère global et systémique de l'économie de développement, pour la définir comme l'étude des transformations structurelles sur le long terme des sociétés, en même temps que des blocages spécifiques qui entravent ces transformations - ce qu'on appelle sous- développement.65(*)

Cette rubrique sera, ainsi, très complexe parce qu'elle abordera sommairement des notions de sous-développement que sous-tend l'économie du développement, la notion de croissance et de progrès qui impliquent l'amélioration des conditions de vie sur le plan tant quantitatif que qualitatif ou encore le développement.

2.5.1. Notion de développement et croissance

a) Notion de développement

Etant donné que le thème abordé relève d'une dynamique d'un peuple dans ses actions transformatrices, il est bon qu'au terme développement qui sous-tend ces transformations nous donnions une définition qui nous permette d'évaluer les actions menées sur le terrain, leurs impacts tant positifs que négatifs.

Ainsi, nous estimons que le développement est une situation de mieux- être provenant d'un effort ardu, de mécanismes et des actions ayant tenu compte d'une situation antérieure précaire ou jugée insuffisante et qui se sont inscrits dans un cadre participatif communautaire et global et ce, à travers une stricte rationalité.

De cette définition découlent quatre éléments fondamentaux que nous examinerons tour à tour : la situation antérieure, l'effort dans les actions entreprises, l'aspect participatif communautaire et la rationalité.

1°. La situation antérieure 

C'est la situation du moment, analysée et évaluée négativement ou positivement qui éclaire les besoins ressentis, qui incite à des mécanismes nouveaux de transformation, des stratégies et des tactiques de développement. De ce point de vue, toute communauté ne se développe qu'à partir d'un point de départ jugé insignifiant et qu'il faut améliorer. C'est d'ailleurs pour cela que Walter Whitman Rostow, Conseiller des Présidents américains Kennedy et Johnson, estime que toutes les sociétés évoluent en franchissant cinq étapes :

- la société traditionnelle

- la société de transition ou le décollage

- le décollage (Take off)

- la maturité

- la société de consommation.66(*)

C'est la situation présente, antérieure au développement qui incite à de nouvelles transformations.

2°  L'effort

Les actions de développement exigent un effort soutenu et rationnalisé. Le développement n'est pas un état issu de la paresse et de l'immoralité, bien au contraire. C'est à travers la rigueur, des programmes rationnellement conçus et exécutés que les peuples accèdent à des situations améliorées.

3°  L'aspect participatif communautaire

Le développement n'est pas l'affaire d'un individu. Au sein d'une communauté, toutes les forces pensantes et agissantes devraient participer aux initiatives entreprises localement. Ces dernières peuvent provenir de n'importe qui, mais dès lors qu'elles sont jugées valables et rentables, pourquoi n'importerait-il pas que la dynamique soit globalisante ? C'est ainsi que tout ouvrage appartenant à la communauté doit être sous la protection de tous. C'est cette phase d'appropriation communautaire qui fait montre de responsabilité, pérennise les actions et incite à des actions nouvelles beaucoup plus améliorées.

4° La rationalité 

Il n'y aura jamais de développement dans le désordre et l'irrationalité. Le processus du développement exige la prise de conscience, les initiatives, le courage, la discipline, l'ordre et l'autoévaluation permanente. C'est par le fait d'être consciente, de ce principe que la chefferie s'est dotée de cette devise : « l'ordre fait le progrès ».

Nous estimons, enfin, que le développement se réalise par étapes à travers d'énormes difficultés qu'il faut surmonter. Il ne se fait pas avec facilité. C'est processus exigeant de travaux de longue haleine. Ki-Zerbo estime que « le développement n'est pas une course olympique ».67(*)

Ainsi, le terme de développement, selon Mukaba Mputu,68(*) trouve sa signification à travers cinq approches :

1°. L'approche étymologique : développer signifie : ôter l'enveloppe ; déployer ; faire apparaître ou argumenter. Amener à un stade plus avancé.

2°. Approche dite universelle : cette approche signifie tout simplement « recherche de mieux- être ». C'est donc une aspiration universelle puisque tout homme où qu'il soit et qui qu'il soit recherche le mieux-être. Mais une question se pose : qui définit ce mieux-être ? C'est ici que la notion de bien-être devient relative puisque variant selon les sociétés et les cultures.

3°. Approche dite opérationnelle : cette approche est dite également vulgaire, populaire ou pratique. Le terme « développement » contient au niveau de cette approche deux dimensions qui sont : la dimension « croissance » et la dimension « progrès ». La croissance se réfère à l'augmentation du taux de production alors que le progrès reflète le degré d'amélioration de cette même production.

La simple accumulation ne fait pas le développement, comme la simple amélioration n'apporte pas non plus de développement. Mais lorsque la dimension « croissance » s'accompagne de celle du « progrès » pour le même phénomène, on peut alors parler du développement. Ainsi, « développement » égale « croissance » plus « progrès ».

4°. L'approche conceptuelle : toutes les cultures et sociétés reconnaissent, à ce jour, que toute conception du développement ne peut tourner qu'autour de l'homme. L'homme est le seul acteur et bénéficiaire du développement. L'homme est l'alpha (agent, fondement, acteur) l'oméga (bénéficiaire et finalité du développement). Le développement s'adresse à tout homme et tout l'homme, c'est-à-dire l'homme à travers toutes ses spécificités et son intégralité, tenant compte de lui physiquement, moralement et culturellement. Comme dit plus haut, le développement est donc le résultat d'un effort de concertation, de solidarité, de travail et d'unité. C'est un idéal auquel tous les hommes veulent tendre malgré leurs multiples diversités culturelles.

5°. L'approche interventionnelle : elle définit l'effort que les agents et experts doivent fournir pour conduire leur nation au destin du développement. Ainsi, le développement est, conclut l'auteur, un choix de modèle que les sociétés définissent librement et qui leur assure plein épanouissement.

Notre point de convergence, ici, avec cet auteur se situe au fait que le développement est à la fois un effort, un idéal et une dynamique globalisante et rationnalisée.

Ce cheminement de recherche de mieux-être constitue ce que nous appelons « politique de développement » qui doit tenir compte du temps qui englobe stratégie et tactique de développement.

Une tactique de développement est une politique à court terme, elle est annuelle et repartie sur moins d'une année. Elle s'appelle aussi politique conjoncturelle.

Quant à la stratégie de développement, elle est aussi une forme de politique de développement mais qui implique une durée dans l'intervention. Cette durée est à moyen ou long terme. Elle porte aussi le nom de politique de perspective ou de planification. Elle peut être de trois ans ou plus selon qu'elle est dite à moyen terme ou à long terme. Une stratégie de développement utilise une idéologie propre, c'est-à-dire un monde de valeurs, d'idées, de conceptions, de pensées et de réflexions. Cette idéologie recherche à donner un sens à la politique, laquelle doit être soutenue par un système d'organisation. A ce jour, on parle de plus en plus du développement durable qui parait plus déterminant pour les communautés présentes et futures.

Selon la définition proposée en 1987 par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement dans le rapport Brundtland[], le développement durable est : « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion :

· le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d'accorder la plus grande priorité ;

· l'idée des limitations que l'état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir »69(*).

Le concept de développement désigne donc tantôt un état, tantôt un processus, connotés l'un et l'autre par les notions de bien-être, de progrès, de justice sociale, de croissance économique, d'épanouissement personnel, voire d'équilibre écologique.70(*)

b) Notion de croissance 

Selon Madeleine Grawitz, la croissance est un processus cumulatif d'augmentation de la production et du potentiel de la production71(*). Ainsi, considérée, la croissance implique d'importantes ressources (matérielles, humaines, financières) et une production tant qualitative que quantitative. Elle est une phase importante du développement. La croissance est un processus et une conséquence de travail et de gestion rationnels.

2.5.2. Notion de sous-développement

Si le développement est un état de satisfaction, de mieux-être, d'amélioration des conditions de vie d'un peuple, le sous -développement constitue un défi à relever pour atteindre ce niveau de satisfaction. Nous en donnons, ici, d'une manière non exhaustive ses caractéristique : niveau de vie très bas, espérance de vie très limitée, faible niveau d'instruction et analphabétisme, croissance démographique et notion de planning familial non respecté, conflits meurtriers, faible productivité, industrialisation faible ou inexistante, malnutrition, mortalité infantile élevée, fuite des cerceaux, insécurité alimentaire...

2.6. Notion de l'environnement

L'environnement, c'est l'ensemble des caractéristiques physiques, chimiques et biologiques des écosystèmes plus ou moins modifiées par l'action de l'homme72(*).

On trouve « environnement» en français dès 1265 dans le sens de « circuit, contour » puis à partir de 1487 dans le sens « action d'environner »[]. Deux dictionnaires au XIXe siècle attestent un emprunt à l'anglais environment[].
Le mot provient du verbe environner, qui signifie action d'entourer. Lui-même est un dénominatif de environ, qui signifie alentour.][]

Le mot environnement est polysémique, c'est-à-dire qu'il a plusieurs sens différents. Ayant le sens de base de ce qui entoure, il peut prendre le sens de cadre de vie, de voisinage, d'ambiance, ou encore de contexte (en linguistique).
L'environnement au sens d'environnement naturel qui entoure l'homme est plus récent et s'est développé dans la seconde moitié du XXe siècle.

Le mot environnement est à différencier du mot nature qui désigne les éléments naturels, biotiques et abiotiques, considérés seul], alors que la notion d'environnement s'intéresse à la nature au regard des activités humaines, et aux interactions entre l'homme et la nature. Il faut également le différencier de l'écologie, qui est la science ayant pour objet les relations des êtres vivants avec leur environnement, ainsi qu'avec les autres êtres vivants [8], c'est-à-dire, l'étude des écosystèmes.

La notion d'environnement englobe aujourd'hui l'étude des milieux naturels, les impacts de l'homme sur l'environnement et les actions engagées pour les réduire.

Alors qu'il se dégradait, l'environnement a acquis une valeur de bien commun, et a été compris comme étant aussi le support de vie nécessaire à toutes les autres espèces aussi bien animale, végétale et qu'humaine.

Pour ce qui concerne le couvert forestier, il est bien de noter que celui-ci joue trois fonctions capitales dans l'équilibre de la nature :

« - la fonction de production : c'est grâce à elle que nous jouissons de l'oxygène et du bois nécessaires pour nos besoins multiples ;

- la fonction de protection qui régularise l'écoulement des eaux, qui efface les crêtes climatiques et participe au maintien des sols soumis à l'érosion, filtre les pollutions...

- la fonction du musée ou du sanctuaire qui offre le calme à l'individu, favorise la réflexion, sauvegarde la vie sauvage, etc. ».73(*)

En tant que patrimoine devant être géré rationnellement pour pouvoir le léguer aux générations futures, l'environnement est le support de nombreux enjeux esthétiques, écologiques, économiques, socioculturels, éthiques et spéculatifs (comme puits de carbone par exemple).
L'ONU rappelle dans son rapport GEO-4 que sa dégradation « compromet le développement et menace les progrès futurs en matière de développement » (...) et «  menace également tous les aspects du bien-être humain. Il a été démontré que la dégradation de l'environnement est liée à des problèmes de santé humaine, comprenant certains types de cancers, des maladies à transmission vectorielle, de plus en plus de zoonoses, des carences nutritionnelles et des affectations respiratoires».

Ce même rapport rappelle que l'environnement fournit l'essentiel des ressources naturelles vitales de chacun (eau, air, sol, aliments, fibres, médicaments, etc.) et de l'Économie ; « presque la moitié des emplois mondiaux dépendent de la pêche, des forêts, ou de l'agriculture. L'utilisation non-durable des ressources naturelles, englobant les terres, les eaux, les forêts et la pêche, peut menacer les moyens d'existence individuels ainsi que les économies locales, nationales et internationales. L'environnement peut grandement contribuer au développement et au bien-être humain, mais peut tout aussi bien accroître la vulnérabilité de l'homme, en engendrant de l'insécurité et des migrations humaines lors de tempêtes, de sécheresses, ou d'une gestion écologique déficiente. Les contraintes écologiques encouragent la coopération, mais elles contribuent aussi à la création de tensions ou de conflits ».[]

L'histoire de l'environnement est une sous-division de l' histoire qui intéresse de plus en plus de chercheurs.

L'environnement est défini comme « l'ensemble des éléments (biotiques ou abiotiques) qui entourent un individu ou une espèce et dont certains contribuent directement à subvenir à ses besoins », ou encore comme « l'ensemble des conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques) susceptibles d'agir sur les organismes vivants et les activités humaines »[].

Dans ce contexte, l'environnement n'est pas seulement l'ensemble de montagnes ou de forêts, de la biomasse qui nous entourent. Pour un sociologue, l'environnement va au-delà de ces considérations physiques. Il prendra en compte le monde ambiant, les comportements associés ou en interaction avec les communautés avoisinantes. Ainsi donc, sur le plan microcosmique, l'environnement d'une famille peut influer négativement ou positivement sur une famille qui lui est proche. Dans le langage courant, en ce qui concerne l'éducation et le comportement des jeunes, on estime qu'une mauvaise compagnie peut influer sur la réussite d'un élève emporté aveuglement par ses condisciples. L'on dit alors que la mauvaise compagnie l'a conduit à l'échec. Il en est de même du comportement sexuel des jeunes filles ou des garçons qui se droguent. En fait, tout comportement déviant ne s'arrête jamais à son état initial, il se répand en tache d'huile en se comportant de la manière d'un conquérant à la recherche de nouveaux adeptes.

Il est peu raisonnable de croire qu'un comportement n'a que des influences négatives. Non, il peut et bien souvent contribuer à un changement spectaculaire d'un déviant. Tout dépend de la force morale ou comportementale, des objectifs et des stratégies de la personne ou de l'entité sociale qui se fixe pour mission ou qui se propose d'améliorer les conduites d'un individu. Ainsi, bien de familles ont changé de comportement, de modes de vie pour le simple fait d'avoir été en contact avec d'autres. On a donc tort de croire, dans le jargon populaire, qu'il n'y a que la mauvaise herbe qui peut et toujours croitre.

Du fait que le comportement tout comme la culture ne sont pas innés mais appris, pour, l'individu, dès ses premiers contacts avec un autre, il s'opère rejets et emprunts ; ces derniers peuvent être négatifs ou positifs et changer tout le comportement traditionnel ou initial de l'individu apprenant. Mais tout cela ne relève que l'environnement social et culturel, c'est-à-dire que les manières d'être, d'agir et de penser ou de sentir de la personne peuvent avoir des répercussions négatives ou positives sur son voisinage.

Selon encore Wiképédia, la notion d'environnement naturel, souvent désignée par le seul mot « environnement », a beaucoup évolué au cours des derniers siècles et tout particulièrement des dernières décennies.

L'environnement est compris comme l'ensemble des composants naturels de la planète Terre, comme l' air, l' eau, l' atmosphère, les roches, les végétaux, les animaux, et l'ensemble des phénomènes et interactions qui s'y déploient, c'est-à-dire tout ce qui entoure l' Homme et ses activités - bien que cette position centrale de l'Homme soit précisément un objet de controverse dans le champ de l'écologie.

Au XXIe  siècle, la protection de l'environnement est devenue un enjeu majeur, en même temps que s'imposait l'idée de sa dégradation à la fois globale et locale, à cause des activités humaines polluantes. La préservation de l'environnement est un des trois piliers du développement durable. C'est aussi le 7ème des huit objectifs du millénaire pour le développement, considéré par l'ONU comme « crucial pour la réussite des autres objectifs énoncé dans la Déclaration du Sommet du Millénaire ».74(*)

En fait, l'environnement, c'est tout ce qui nous entoure. Les sciences de l'environnement étudient les conséquences des modifications survenues sur les plantes, les animaux et l'homme aussi bien à l'échelle de l'individu ou de l'écosystème que de toute la biosphère.

Le mot « environnement », tout comme le terme « écologie » avec lequel il est fréquemment confondu - ce contre quoi se sont élevés, à juste titre, maints écologues - renvoie, depuis qu'il est communément employé, à une notion fluctuante.

Employé seul, le mot réfère implicitement à l'environnement de l'homme, c'est-à-dire à ses conditions de vie, aux fruits de ses activités (qu'ils soient positifs ou négatifs), etc. Le champ est donc vaste, sans limites bien définies dans le temps et dans l'espace. Il est évident que la protection de la nature, la culture, la qualité de la vie, l'aménagement du territoire, le développement durable, font partie de l'environnement, mais alors pourquoi en faire des catégories différentes ? De même, pourquoi séparerait-on d'un ministère de l'Environnement un ministère de l'Agriculture et de la Pêche, un ministère des Transports, un ministère de la Santé, etc., dont les préoccupations sont, à l'évidence, parties intégrantes de l'environnement ? Vouloir qu'un ministère traite de problèmes d'environnement impliquerait, en bonne logique, qu'il ait en charge, ou à tout le moins qu'il supervise, les différents ministères ayant prise sur les différentes activités humaines. Cela n'a jamais été le cas. Cet exemple montre toute l'ambiguïté d'un mot dont les contours englobent beaucoup plus que ce que l'on veut bien lui attribuer, comme en témoignent aussi les différentes branches du droit qui en traitent.

La notion même d'environnement conduit à adopter d'emblée une vision planétaire (voire au-delà). Compte tenu du fait que l'espèce humaine, par sa population, ses moyens et ses besoins est peu à peu devenue un facteur majeur, voire prépondérant (notre espèce a le pouvoir d'épuiser des ressources non renouvelables, de faire disparaître d'autres espèces) dans l'évolution de la vie sur la Terre, cette vision est justifiée. Elle recouvre ce que certains appellent « l'environnement global » à partir du constat que certaines activités humaines (émissions de gaz à effet de serre, pollutions aquatiques à longue distance, manipulations génétiques, par exemple) ont ou peuvent avoir un impact global sur le fonctionnement de notre planète. Même si une telle vision est indispensable lorsque l'on cherche à résoudre aux niveaux politique et économique des questions d'environnement global, elle implique aussi de pouvoir penser et agir à plus petite échelle. Le « penser globalement et agir localement » de René Dubos, médecin et biologiste américain d'origine française, prend toute sa signification.

Des marées noires comme celles de l'Erika (1999) ou du Prestige (2002), s'ajoutant à la longue série des déversements pétroliers touchant les côtes françaises depuis le naufrage du Torrey-Canyon (1967), marquent les esprits et sont perçues comme des dégradations majeures de l'environnement marin. Et pourtant, que sont les 150 000 tonnes de pétrole accidentellement déversées dans les océans chaque année lors de telles marées noires par rapport aux 1 500 000 à 1 800 000 tonnes rejetées par des déballastages et dégazages délibérés, qui mobilisent beaucoup moins l'opinion publique ?

L'ambiguïté du mot environnement vient du fait qu'il désigne tout à la fois l'environnement global (c'est-à-dire, la planète) et l'environnement que l'on pourrait appeler « de proximité », mais aussi des questions relatives à certains aspects de la qualité de la vie souvent très subjectifs, et des réalités que l'on pourrait dire objectives. Ainsi préconiser telle ou telle couleur pour la peinture des bancs d'un jardin public exprime autant une préoccupation de l'environnement que se soucier de la teneur dans l'eau ou dans l'air d'un produit nocif pour la vie de l'homme ou de tout autre organisme vivant.   De même, la connaissance des courants atmosphériques qui véhiculent à longue distance des éléments polluants demande-t-elle le concours d'études scientifiques d'un ordre différent de celles qui cherchent à mesurer l'impact de ces polluants sur les organismes vivants, même si elles peuvent les unes et les autres se revendiquer de l'environnement. C'est pourquoi l'on peut dire que s'il y a des sciences de l'environnement qui permettent de tenter de répondre à des questions d'environnement, il n'y a pas une science de l'environnement, aucune discipline n'étant capable d'englober tout ce que l'on peut mettre sous ce terme. C'est ce qui a conduit l'écologue François Ramade à écrire en 1992 : « L'écologie est depuis longtemps une science adulte et en particulier prédictive. Elle a pour objet l'étude des relations entre les êtres vivants et leur milieu. Elle ne peut se limiter à l'étude de l'homme ou à celle de l'atmosphère. Elle est interdisciplinaire par nature et donne leur cohérence aux autres sciences de l'environnement. Le concept d'environnement étant en lui-même sans consistance scientifique.75(*)

Il convient de distinguer les sciences de l'environnement d'avec l'écologie qui étudie des milieux naturels ou peu modifiés. C'est la science qui étudie les mécanismes de la nature, c'est-à-dire les relations entre les êtres vivants (les plantes, les animaux et les hommes) et les relations entre les êtres vivants et le milieu dans lequel ils vivent. L'écologie est l'un des aspects essentiels sous lequel doit être envisagée la connaissance des problèmes biologiques. Elle doit être considérée comme une science distincte, même si il est vrai qu'elle contribue à l'étude et à la compréhension des problèmes liés à l'environnement.

Pour les Ecologistes, les êtres vivants ne vivent pas de manière isolée, ils dépendent tous les uns des autres. Et, ainsi, chaque être vivant dépend de son milieu de vie, certains sous les eaux, d'autres sur le sol ou le sous-sol, etc. Le milieu où vivent les êtres vivants est appelé écosystème.

Un écosystème est un ensemble formé par une communauté animale et végétale (la biocénose) et le milieu que cette communauté occupe (le biotope). La biocénose et le biotope sont deux éléments indissociables qui agissent l'un sur l'autre et forment un système en perpétuelle évolution. L'ensemble des écosystèmes de la planète forme ce que l'on appelle la biosphère (mince couche superficielle de la terre occupée par les êtres vivants). Selon J. Goffaux, l'écosystème est « système limité dans l'espace constitué par les diverses communautés d'êtres vivants qu'on y rencontre et par l'ensemble des conditions énergétiques, physiques, chimiques et biologiques qui règnent au voisinage immédiat de ces êtres vivants ».76(*)

Un biotope est un milieu physique et chimique dans lequel vivent les êtres vivants (micro-organismes, plantes, champignons, animaux). C'est lui qui contient tous les éléments de base nécessaires à la vie de l'écosystème.

La biocénose comprend l'ensemble des êtres vivants d'un écosystème : les plantes, les champignons, les animaux et les micro-organismes (les bactéries et les protistes, qui sont des êtres vivants faits d'une seule cellule. Les écosystèmes sont en constante évolution. Tel un champ en jachère, nu puis couvert de petites herbes, des insectes, puis de grandes herbes, des arbres de petits et de grands animaux. Dans cette évolution, un écosystème finit par se stabiliser.

Actuellement, les études relatives à l'environnement s'attardent avec acharnement sur la question du « global change » ou changement global.

L'expression anglaise « global change » désigne un ensemble des perturbations dues à l'homme qui affectent la totalité ou une partie importante de la biosphère. Beaucoup de programmes internationaux se consacrent à ce sujet qui comporte trois thèmes principaux ; l'effet de serre, la couche d'ozone et les pluies acides.

1°. L'effet de serre 

L'utilisation des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) libère dans l'atmosphère une partie du carbone qui était stocké dans le sous-sol sous la forme de carbone fossile. La teneur de l'atmosphère en gaz carbonique était, semble-t-il, restée stable pendant de siècles et était de l'ordre de 290 parties par million (ppm). Elle a augmenté depuis 1850 environs, et est aujourd'hui de 350 ppm. Ce changement important provoque déjà des modifications à l'état général de la biosphère et entraîne en particulier une amplification de l'effet de serre. Depuis 1850, la température moyenne de la surface du globe a ainsi augmenté de plus de 1° C. Les spécialistes prévoient que si l'augmentation de la teneur de l'atmosphère en gaz carbonique continue à ce rythme, l'élévation de la température sera dans un siècle comprise entre 2° C et 6° C. Si rien n'est fait pour enrayer ces rejets de gaz carbonique, la fonte d'une partie des glaces polaires entrainera une élévation du niveau des mers (estimée à 80 mètres en 2100). Ce qui submergera des régions littorales dont certaines sont très peuplées.

Le gaz carbonique n'est pas le seul gaz capable d'augmenter l'effet de serre. Le méthane, dont les émissions ont pour origine la décomposition organique anaérobique (rizières, sols, décharge) et la fermentation microbienne de nourriture dans l'appareil digestif des animaux d'élevage ainsi que les chlorofluorocarbones (CFC) ont le même effet et sont, eux aussi, libérés dans l'atmosphère en quantité croissante.

L'augmentation de ces gaz à effet de serre est à relier d'une part à l'augmentation de la population mondiale et d'autre part au développement des techniques industrielles et aux besoins qu'elles impliquent.

2°. La couche d'ozone

Il existe dans l'atmosphère, vers 40 mètres d'altitude, une couche d'ozone (O3) qui est formées par des réactions photochimiques : combinaisons d'oxygène moléculaire (O2) et d'oxygène atomique (O) libéré par le rayonnement solaire. Cette couche d'ozone arrête une grande partie des rayons ultraviolets solaires et sans elle aucune vie ne serait possible sur la terre. Une diminution inquiétante de la quantité d'ozone au-dessus de l'Antarctique a été détectée entre 1970 et 1980. Cette destruction de l'ozone est liée à l'utilisation, dans diverses industries, (climatisation, réfrigération, solvants, aérosols) des composés à base de fluor et de chlore que l'on appelle communément chlorofluorocarbones (CFC). Les CFC dont la durée de vie est de 60 à 120 ans, s'élèvent jusqu'à la stratosphère où les rayons solaires les dissocient, libérant leur chlore très réactif qui brisent les molécules d'ozone. Chaque molécule de chlore peut détruire jusqu'à 100 000 molécules d'ozone sans pour autant disparaitre. Le trou dans la couche d'ozone ne se limite plus à l'Antarctique. Il commence à apparaitre d'une façon saisonnière au-dessus des régions peuplées des latitudes moyennes de l'hémisphère nord.

3°. Les pluies acides

Elles sont, comme l'effet de serre, une conséquence de l'utilisation des combustibles fossiles. Elles sont provoquées par des rejets de dioxyde de souffre (ou gaz sulfureux) et d'oxyde d'azote dans l'atmosphère lors de la combustion qui a lieu dans les centrales thermiques, les chaudières de chauffage central ou les véhicules à moteurs. Ces produits, en présence des rayons ultraviolets solaires, réagissant avec la vapeur d'eau atmosphérique et avec les oxydants comme l'ozone, se transforment en acide sulfurique et en acide nitrite qui sont entraînés loin de leur lieu de production par les courants atmosphériques. Ces particules acides se déposent et s'accumulent sur les feuilles des arbres, puis sont lessivées par la pluie ou la neige. Ce lessivage entraîne alors une augmentation de l'acidité dans le sol. L'acidité se mesure en déterminant le pH (puissance en hydrogène) qui est d'autant plus bas que l'acidité est plus forte. Les pluies normales ont un pH moyen de 5,6.

Par définition, les pluies acides sont celles dont le pH est inférieur à 5,6. Dans le Nord-Ouest de l'Europe, le pH moyen des pluies est aujourd'hui de 4,3 et on a enregistré aux Etats-Unis un pH record de 2,3 égal à celui du vinaigre. Les pluies acides sont un exemple de pollution sans frontières. Celles qui dégradent les eaux douces du Sud de la Norvège et font disparaître les poissons ont leur origine dans les zones industrielles d'Allemagne et d'Angleterre et celles qui provoquent le dépérissement des forêts d'érables à sucre au Québec proviennent du Nord-est des Etats-Unis.

Les pluies acides corrodent les métaux, altèrent les édifices en pierres, détruisent la végétation, acidifient les lacs dont les poissons disparaissent. Elles ralentissent la croissance des arbres et sont responsables, au moins en partie, du dépérissement des forêts qui sévit en Europe et en Amérique du Sud.

Au-delà, de tous ces phénomènes qui détruisent l'environnement et bientôt toute la Terre, il y a différentes pollutions issues de l'urbanisation et de l'industrialisation. En juin 1992, le Sommet de Rio de Janeiro réunissant les délégués de 172 pays s'est beaucoup penché sur la question de l'environnement et adopté une charte dénommée « la Charte de la Terre ».

C'est un constat simple qui préside à la Charte de la Terre, ou Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement : l'environnement se dégrade de façon alarmante. Dégradation incompatible avec la mise en place d'un développement durable auquel l'humanité tout entière a fondamentalement droit. La Charte de la Terre pose donc, en 27 principes, les objectifs et les grandes lignes de ce que devrait être le monde futur, autour des axes de l'élimination de la pauvreté, de la protection de l'environnement et du développement. Ces principes sont au nombre de 27. Nous en donnons seulement les quatre qui précisent l'idée de la présentation de la charte en rapport avec l'étude. Néanmoins, nous mettrons, en annexe, le contenu de toute la charte sur le Sommet de la Terre. Il s'agit des principes n° 1, 3, 5 et 8.

PRINCIPE 1

Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature.

PRINCIPE 3

Le droit au développement doit être réalisé de façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement et à l'environnement des générations présentes et futures.

PRINCIPE 5

Tous les États et tous les peuples doivent coopérer à la tâche essentielle de l'élimination de la pauvreté, qui constitue une condition indispensable du développement durable, afin de réduire les différences des niveaux de vie et de mieux répondre aux besoins de la majorité des peuples du monde.

PRINCIPE 8

Afin de parvenir à un développement durable et à une meilleure qualité de vie pour tous les peuples, les États devraient réduire et éliminer les modes de production et de consommation non viables et promouvoir des politiques démographiques appropriées.

Source : site officiel des Nations.

Il nous revient à travers cette thèse de démontrer l'efficacité ou l'inefficacité des mécanismes entrepris dans la gestion et la protection de l'environnement dans notre terrain d'étude. L'attention sera fixée sur les forêts, les boisements, les arbres, la protection des espèces rares, les marais, le sous-sol, les rivières, les sources, les étangs, les routes de desserte agricole, les prairies, les pâturages, les effets des feux de brousses, l'air, la chasse, la pêche avec les pesticides ou avec les substances naturelles empoisonnantes telles que la tephrosia vogelii ou « mwilukuluku, en mashi »...

Enfin, certains considèrent l'environnement comme un écosystème.

Avec l'école de l'écologie des organisations, d'autres auteurs comme Trist (1976) ou Astley et Van de Ven (1983) ont une vue plus mesurée que les précédents sur le rôle de l'environnement, ce qui permet de réhabiliter quelque peu le rôle des dirigeants. D'une part, l'environnement n'est pas considéré comme une variable indépendante, surdéterminante, face à laquelle les organisations doivent s'adapter ou mourir. En fait, l'environnement et les organisations sont en perpétuelle relation et forment un écosystème. Il existe des effets de rétroaction : l'environnement contraint les organisations et celles-ci modifient en retour l'environnement. C'est un processus incessant de codétermination (l'environnement n'est pas exogène aux organisations). Le problème de l'adaptation est alors posé de façon nouvelle : il ne se pose pas ponctuellement (les variations ne sont pas ponctuelles) mais constamment : l'organisation doit, certes, s'adapter au présent mais elle doit aussi se préparer aux futurs possibles. Cette capacité à préparer le changement, qui dépend de la direction de l'entreprise, déterminera la survie de l'organisation.

D'autre part, la conception d'un environnement hostile où règne la concurrence est également considérée comme réductrice de la réalité. Les ressources peuvent être abondantes et surtout, les organisations peuvent développer des stratégies de coopération. La collaboration est justement une réponse à la complexité et à l'incertitude de l'environnement. Certains, comme Trist, estiment qu'il faut stimuler cette coopération entre organisations confrontées aux mêmes problèmes. Cela permettrait construire l'avenir de façon commune et d'éviter la multiplication d'actions individuelles et concurrentes menaçant l'équilibre de l'écosystème des organisations (pollution, secteurs industriels en crise, etc.). Cette école a donné naissance à ce qu'on appelle désormais l'éco-management : gérer l'entreprise afin de la mettre en adéquation avec son écosystème. La responsabilité sociale de l'entreprise est réaffirmée : préserver ou danger son environnement (physique, social, culturel...)77(*). Bref, toute entreprise, doit développer des mécanismes de bonnes collaboration, d'entente et d'entraide avec le milieu environnant afin qu'elle se trouve stabilité à travers l'adéquation, ainsi, créée entre elle et son voisinage humain.

Conclusion partielle : justification des théories utilisées au 1er et 2ème chapitre

Ces deux chapitres sont complémentaires, le deuxième est le prolongement du premier. C'est en fait, pour des raisons d'équilibre qu'au lieu d'un chapitre, nous en avons fait deux en abordant un certain nombre de théories qui se complètent et qui sous-tendent cette étude. Au centre de toutes ces théories, il y a la famille. Entendue comme un ensemble d'éléments en interactions, la famille est un sous- système social faisant partie du système macrosocial qui est toute l'humanité.

De ce point de vue, il nous a plu d'aborder d'abord le système social en général avant de nous étendre sur la famille en question. Celle-ci a été conçue comme étant un cadre de vie social, une unité sociale par excellence. Elle peut être comparée à une société car disposant de tous les éléments constitutifs de cette dernière : les éléments matériels et formels.

Sur le plan matériel, toute famille dispose de son cadre physique de vie, sa parcelle où elle est localisée. Elle se définit aussi par rapport à sa taille, c'est-à-dire l'ensemble de ses membres qui la composent.

Sur le plan formel, la famille dispose de tous les éléments propres à une société ; l'activité, la relation, la conscience collective et l'institutionnalité.

Somme toute, nous avons démontré que d'une manière générale, la famille est considérée, par beaucoup de gens, comme un cadre de vie par excellence. Néanmoins, d'autres estiment que la famille enfreint aux libertés des personnes, qu'elle crée des inégalités sociales et qu'elle développe parfois des foyers des tensions.

Comme cadre de vie, la famille travaille pour vivre et se maintenir. C'est pour cette raison que nous estimons que la famille est essentiellement travail et discours, car pour se maintenir, elle doit travailler ; pour tisser les liens entre ses membres, pour socialiser, il nécessite qu'elle entretienne un certain nombre des discours et en consomme d'autres. Le travail de la famille l'insère dans une vision de développement, c'est une vision développementiste, un objectif d'accéder au mieux- être, c'est-à-dire un changement qualitatif et/ou quantitatif. Ceci qui implique la continuité de la famille et de l'humanité. En d'autres termes, si la famille de Ngweshe continue et continuera de vivre, c'est par suite des actions qu'elle entreprend, des relations qu'elle entretient et des discours qu'elle produit. Ces actions, n'ont pas encore émergé à la face du monde jusqu' à présent et c'est cela qui nous maintient dans le sous-développement. Voilà pourquoi, Kazadi Kimbu parle de la « mobalité » ou la théorie de l'autodétermination, du saisissement de sa propre histoire et l'autoprise en charge de soi.

On ne pourrait donc parler de la famille sans parler du développement ; car toute initiative est prise pour et par la famille. En effet, tous les acteurs sociaux sont issus de familles même si tous, par moment, n'ont pas fondé familles.

Enfin, la famille dispose d'un environnement qu'elle gère à sa guise, qu'elle doit maintenir et sauvegarder. Nous retiendrons que toutes les destructions de l'environnement, à part quelques catastrophes naturelles, sont l'oeuvre des hommes issus de familles.

Ainsi donc, système social, discours, environnement, développement, changement social, sont, dans cette étude, des notions inextricablement liées à la famille. Ainsi, nous abordons les aspects méthodologiques sous-tendus par ces théories.

Chapitre troisième

CADRE METHODOLOGIQUE

A travers ce chapitre, nous abordons des aspects relatifs à la méthode, aux techniques et aux problèmes épistémologiques.

3.1. LA METHODE

3.1.1. Acception du concept

La méthode dispose d'un caractère polysémique. Nous passerons en revue les opinions de certains auteurs en rapport avec le sens qu'ils confèrent à la méthode.

Pour Descartes, « les intelligences ne différent que par les méthodes qu'elles utilisent ». Sans cependant prétendre que la méthode remplace l'intelligence et le talent, Descartes estime que «  la méthode a pour effet de discipliner l'esprit »79(*). Elle conduit, oriente, la recherche et hiérarchise ses étapes. Ces étapes qui, du reste, disposent d'un caractère processuel se traduisent plus fondamentalement par la méthode en tant que voie intellectuelle conduisant à l'objectif escompté. Cet aspect processuel et hiérarchisée exige à la méthode un certain ordre qu'il faut imposer aux différentes démarches nécessaires pour atteindre l'objectif qu'on s'est fixé.

Pour Jolivet, « la méthode scientifique procède par démonstration et recourt au critère de l'évidence intrinsèque ».80(*)

Pour Grawitz et Pinto, la méthode est un ensemble concret d'opérations mises en oeuvre pour atteindre un ou plusieurs objectifs, un corps des principes présidant à toute recherche, un ensemble de normes permettant de sélectionner et de coordonner les techniques. Ces opérations constituent de façon plus ou moins abstraite ou concrète, précise ou vague, un plan de travail en fonction d'un but.81(*)

Tout ce qui prédomine à travers la méthode, c'est fondamentalement le but et le moyen d'y parvenir. La définition de Kambaji explicite davantage cette option. Pour cet auteur, la méthode, est une démarche à la fois théorique et appliquée. Elle est une démarche de principes et de stratégies : un ensemble logistique qu'un chercheur doit adopter en fonction de la nature de son fait d'analyse, de ses objectifs et appliqués tout au long de sa recherche pour une intelligence approximative de la réalité sociale. 82(*)

La méthode, écrit Emile Bongeli,83(*) en tant que processus conférant la légitimité scientifique à toute forme de savoir, ne fait pas l'objet de consensus entre chercheurs. La sempiternelle question reste toujours d'actualité : qu'est ce que la connaissance scientifique ? Ou mieux encore à partir de quel critère peut-on considérer une connaissance comme scientifique ?

Pour Comte, le père de la sociologie, une connaissance n'est scientifique que dans la mesure où elle est, non pas le produit de l'imagination qui prend prépondérance sur l'observation (comme la théologie ou la métaphysique) mais donnée issue d'une observation objective et interprétée méthodiquement. Pour lui, le seul recours à une méthode fiable constitue la garantie de la scientificité d'une connaissance. Tout savoir produit en dehors de cette exigence ne peut se réclamer de la science.

Pour notre part, la méthode est un schéma intellectuel, rationnellement choisi et scrupuleusement suivi et dépendant nécessairement du sujet de la recherche dont elle devient unique en son genre, que l'on se fixe en vue de l'atteinte de l'objectif envisagé afin qu'à travers ce mode de raisonnement l'on contribue au développement de la science.

3.1.2. Justification de la praxéologie interdiscursive

La présente méthode telle qu'initiée par Kambaji wa Kambaji permet de saisir la pratique sociale à la lumière des discours produits par les locuteurs. Dans le cas d'espèce, il conviendra d'analyser des discours produits dans la chefferie de Ngweshe en rapport avec la famille en déséquilibre, en mutation et en contact avec son environnement. Quelle a été la pertinence des discours produits au sein de la chefferie en rapport avec les systèmes susdits, ceux qui ont produit les discours face aux phénomènes multiples qui ont bouleversé le système familial et environnemental, ont-ils fait montre d'adéquation entre les discours produits, la réalité sur le terrain et les solutions réelles souhaitées localement ?  La praxéologie interdiscursive nous permettra d'examiner la capacité des auditeurs d'appréhender et de comprendre les discours consommés, la sincérité des discours des locuteurs. Bref, il conviendra d'examiner l'adéquation communicationnelle, praxéologique des locuteurs par rapport aux auditeurs et au phénomène évoqué localement. Cette méthode facilitera de passer en revue tous les aspects discursifs sous leurs diverses formes.

Cependant, étant donné que nous étudions des systèmes en transformation tels que la famille et l'environnement, nous serons porté, par moment, d'en démontrer certaines mutations intervenues en leur sein. Ces dernières peuvent paraître sous forme des tensions internes ou externes à la famille, à l'environnement ou encore sous forme de contradiction par rapport à l'idéal préféré, ou encore sous forme des perspectives d'avenir de changement envisagé et/ou envisageable ou préféré.

Du fait de leur caractère dynamique et jamais statique, la famille et l'environnement, dans leur étude, exigent ainsi une approche configurationnelle bien que nous leur appliquions la voie praxéo-interdiscursive à travers la triple dialectique quadripolaire dont nous examinons ci-après les démarches et les principes.

1°. Démarche théorique

A. Principe directeur: l'intersubjectivité symbolique ou l'intersubjectivité praxéologique qui repose sur :

a) La triple dialectique du langage, de l'expérience et de la conscience

b) Quadripolaire car basé sur :

- Le locuteur/émetteur (celui qui parle) : il s'agit des organisations, des personnes qui, ayant constaté le déséquilibre au sein des familles et de l'environnement, se sont fixé comme objectif de résorber le déséquilibre à travers des actions et des discours. Ce sont, principalement des ONG internationales, onusiennes, nationales et locales, des Eglises et d'autres personnes de bonne volonté ;

- L'auditeur/récepteur (celui à qui l'on parle) : ce sont les familles de Ngweshe et donc toute la population de la chefferie. Nous estimons, ici, que toute personne humaine, et même dans le cadre de ce travail, s'identifie à une famille ;

- La société-histoire (c'est le milieu où se produit le discours) : il s'agit, ici, de la chefferie de Ngweshe en territoire de Walungu dans la province du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo à l'ère de la mondialisation et de la modernité ;

- Le savant ou le scientifique : c'est le chercheur sociologue fondamentaliste, familiariste-environnementaliste et orienté vers le développement.

B. Principes dérivés

La double exigence socio-langagière du sujet historique : il faut parvenir à cerner la motivation du locuteur, saisir chaque fois qu'un individu parle s'il parle à son nom ou à celui de sa totalité. En d'autres termes, parvenir à pénétrer les différents discours issus de divers intervenants (hommes d'Eglises, politiques, agents de développement...) et comprendre chaque fois que ces personnes prenaient la parole si l'objectif primordial était de subvenir à leurs propres besoins ou si l'objectif était orienté vers les besoins réels de la population.

Il s'agit, ici, de relever le non dit dans ce qui a été dit, constituer un répertoire, un corpus tant expérimental que d'archives (le verbal - gestuel et l'écrit). Ces deux corpus nous feront le relevé de tous les discours tels qu'ils ont été prononcés. Nous en relèverons le contenu et de là leur sens formel et intellectuel, leur exactitude, leur fausseté, leur pertinence, leur incitation ou leur démotivation à l'action, de l'un ou de l'autre discours.

La transmutation créatrice de l'énergie conscientielle concentrée : tout discours dispose d'une capacité d'incitation à l'action tant sur l'individu que sur la communauté. Un discours peut créer de l'énergie au sein des consciences des auditeurs et les amener à agir tous ensemble. De cette manière, une population habituée à consommer des discours immatérialisés ou immatérialisables finit par se révolter contre ceux qui les ont entretenus. Dans le cas d'espèce, en ce moment où les hommes politiques ont promis monts et merveilles, où les Eglises ont développé divers discours disconcordants, les uns paradisiaques, les autres apocalyptiques, il faut parvenir à saisir l'état de conscience de la population de Ngweshe par rapport à ces discours, produire un discours cohérent, incitatif au changement qualitatif et quantitatif dans une voie rationnelle et rationalisés.

L'unité et lutte des contraires socio-langagiers : dans tout discours, il y a toujours chez les auditeurs une contradiction d'intérêt selon les classes. C'est par exemple lorsque le chef de collectivité s'adresse à ses administrés, son discours peut contenir des éléments incongrus profitant plus à lui-même qu'à toute la population. Cependant, ce discours sera fort acclamé par son entourage car cet entourage se retrouve valablement dans les intérêts du chef.

2° Démarche appliquée

Elle comprend deux opérations fondamentales :

- Opération d'identification-thématisation et classement

L'identification consistera à constituer, d'abord le corpus expérimental, c'est-à-dire tout ce qui se dit dans la société. Dans ce cas sous examen, il s'agit de répertorier ce qui se dit à Ngweshe au sujet de la famille et de son environnement ainsi que tous ceux qui tiennent ces discours. Ensuite, il faudra constituer un corpus d'archives. Ce sont des documents écrits par rapports au sujet (des colloques, séminaires, projets, journaux...).

Quant à la thématisation, il conviendra regrouper les discours en des thèmes et répertorier les mots ayant une plus grande fréquence dans tous les discours recensés en rapport avec la famille et son environnement.

Enfin, à travers le classement, il faudra catégoriser les discours, en évaluer et en apprécier objectivement le contenu, en déterminer ceux qui sont archémiques (faux) ou généléxémiques (vrais).

Ainsi, on pourra, au terme d'une analyse interprétative, savoir si :

1) Les discours sont archémiques, c'est-à-dire qu'ils violent la réalité sociale et n'ont aucune consistance à promouvoir l'élan progressif familial ;

2) Les discours sont généléxémiques, c'est-à-dire qu'ils sont cohérents, justes et capables d'assurer le développement de la communauté et la sauvegarde de l'environnement ;

Les discours sont pakaviléxémiques, c'est-à-dire des discours de genre à tromper les gens, à les endormir, les anéantir psychologiquement ;

- Opération de restitution et thématisation

Ces opérations consisteront à restituer à chacune des unités son sens, son contenu pragmatique, ce qui se dit, ce qui se fait réellement. Ces opérations se constituent en quatre temps :

v Premier temps : analyse du point de vue archémique : analyse structurelle, logique, fonctionnelle et pragmatique.

v Deuxième temps : analyse du point de vue généléxémique ; analyse structurelle, logique, fonctionnelle et pragmatique.

v Troisième temps : analyse interactionnelle et interprétation praxéologique : il s'agit de confronter les précédentes analyses aux réalités du milieu, donner à chaque thème son sens.

v Quatrième temps : il consiste en l'établissement des équations symboliques.

C'est sous cette vision que seront analysés les aspects liés à la dynamique familiale et environnementale au sein de la chefferie de Ngweshe sous une approche configurationnelle.

3.2. LES TECHNIQUES

Un certain nombre des techniques nous ont servi d'outils de collecter, traiter les données et d'analyser le contenu.

3.2.1. Techniques de collecte des données

Mascotsh Nday Wa Mande définit les techniques comme étant «  des instruments de mesure et de repérage des phénomènes sociaux. Elles servent donc à la récolte des données et à leur dépouillement. Elles demeurent, à cet égard, subordonnées aux méthodes ».84(*)

Dans cette même optique, Grawitz définit les techniques comme « des procédés opératoires, bien définis, transmissibles, susceptibles d'être appliqués à nouveau dans les mêmes conditions, adaptés au genre de problème et de phénomène en cause ».85(*)

Nous pourrions suppléer à ces définitions en précisant que les techniques sont des instruments au service de la méthode dont se sert le chercheur sur le terrain afin d'entrer en contact avec le phénomène à étudier, ce sont des outils d'investigations.

Dans la récolte des données, nous avons fait usage de techniques dont nous présentons la façon dont chacune a été utilisée. Il s'agit de :

La documentation

A travers cette technique, nous avons sélectionné et lu des ouvrages, des articles,..., en rapport avec notre thème de recherche. Cette lecture diversifiée confère aussi bien et en même temps un caractère épistémologique à cette étude, de par l'originalité qui s'en dégage, à partir de l'état de la question, les bases conceptuelle, méthodologique et théorique.

L'échantillonnage

Les enquêtes sociologiques se pratiquent sur des échantillons qui sont des modèles réduits  de la population à enquêter. La sélection d'un échantillon vise à obtenir la meilleure représentativité possible de la population d'enquête.86(*)

Jean-Luc Giannellon et Eric Vernette estiment que la population de référence, ou population cible, peut être définie comme « l'ensemble des objets possédant les informations désirées pour répondre aux objectifs d'une étude. Ces objets ou éléments sont souvent les répondants eux- mêmes. Mais ce n'est pas toujours le cas. Pour cette raison, on préfère parler d'une unité d'échantillonnage. C'est un objet ou une entité contenant un objet, qui fera l'objet d'une sélection pour figurer dans l'échantillon.

Dans le même ordre d'idée, on parle de la base de sondage ou cadre d'échantillonnage qui est une représentation concrète des éléments de la population cible. Elle consiste en une liste exhaustive de la population sur laquelle portera l'enquête. Cette base de sondage peut être l'annuaire téléphonique, un annuaire d'entreprise, le plan d'une ville, la population d'une école, un quartier...

Notre échantillon a été pris en grappes. Nous avons tenu compte du fait que la chefferie de Ngweshe est composée des seize groupements. Chaque groupement constitue une grappe. Le choix des groupements où devaient se dérouler les investigations, s'est opéré par échantillon aléatoire calculé sur base de la raison se fondant sur la formule ci-dessous :

Raison = N (n-1)

Nous avons donc commencé par un arrangement alphabétique desdits groupements. Cet ordre exhaustif se présente comme suit : 1. Burhale, 2. Ikoma, 3. Irongo, 4. Izege, 5. Kamanyola, 6. Karhongo (Nyangezi), 7. Lubona, 8. Luciga, 9. Lurhala, 10. Mulamba, 12. Mulamba, 13. Mushinga, 14. Nduba, 15. Rubimbi, 16. Walungu.

Nous choisisssons donc six groupements parmi seize par le calcul de la raison :

r= Nn-1

r=166-1, soit 16 : 5 = 3 et reste 1

Légende : r = raison

N=population totale

n = taille de l'échantillon

Nous prenons le chiffre directement inférieur ou égal à 1, et dans le cas d'espèce c'est 1 ; c'est donc 1 le premier groupement choisi, soit le groupement de Burhale. Les autres seront choisis en augmentant la raison « 3 » au résultat obtenu. Ainsi, le second sera 1+3 = 4, soit le quatrième groupement, le troisième sera 4+3=7, soit le septième groupement et ainsi de suite. De ce fait, les grappes de l'échantillon où se sont déroulées les enquêtes se présentent comme suit selon ce calcul de la raison :

N° 1 : groupement de Burhale

N° 2 (1+3= 4) : groupement d'Izege

N° 3 (4+3= 7) : groupement de Kanyola

N° 4 (7+3= 11) : groupement de Luchiga

N° 5 (11+3 = 14) : groupement de Mushinga

N°6 (14+3= 17) : groupement de Walungu

A première vue, cet échantillon semble ne pas être représentatif si l'on considère que les enquêtes se sont déroulées dans six groupements et les résultats se rabattent sur l'ensemble de toute une chefferie composée des seize groupements. En effet, c'est à l'issue d'une combinaison réfléchie que nous sommes arrivé à cet échantillon. Ce qui importe dans cet échantillon et ce qui lui attribue sa valeur, ce sont les interactions, les différents groupements sociaux et interactions sociales au sein de ces entités administratives. Ces six groupements ciblés sont en interactions permanentes, soit par effet religieux (appartiennent à une même paroisse catholique ou protestante), soit par effet sanitaire (fréquentation d'un même Centre de Santé), soit par effet culturel (même école primaire, secondaire ou supérieur, même terrain de football...), soit par effet commercial ou purement social (même marché...).

C'est ainsi que nous avons relevé les interactions suivantes entre les groupements de la chefferie :

1. Burhale Mulamba

2. Izege Ikoma

3. Kamanyola Nyangezi

4. Luchiga Nduba

Nyangezi

5. Mushinga Lubona

Tubimbi

Irongo

6. Walungu Lurhala

Les données recueillies à travers les six groupements concernent d'autres groupements en plus, du fait d'appartenir à une même entité religieuse, sanitaire, culturelle ou une même zone d'intervention d'une ONG locale, nationale, internationale ou onusienne. C'est en sens que nous estimons que les données recueillies de ces groupements concernent en même temps huit autres groupements du fait des interactions permanentes existant entre ces entités sociales, ce qui, sans nul doute, confère à cet échantillon un caractère représentatif. Toutefois, nous avons parcouru tous les groupements pour relever des cas qui sont spécifiques à chacun.

Au-delà des entités administratives dites, ici, groupements qui sont des entités déconcentrées, nous avons spécifié dans nos enquêtes, des personnes, des ménages, des organisations diverses et des confessions religieuses. L'accent a été mis sur les confessions religieuses catholiques, protestantes, les institutions scolaires, sanitaires, politiques et les organisations de développement. Par rapport aux Eglises catholiques, les groupements enquêtés se repartissent comme suit :

1°. Paroisse de Burhale  : Groupements de Burhale et Mulamba

2°. Paroisse de Mubumbano  : Groupements de Mushinga, Lubona, Tubimbi et Irongo

3°. Paroisse de Walungu  : Groupements d'Izege et de Walungu

5°. Paroisse de Kanyola  : Groupement de Kanyola

D'autres confessions religieuses n'ont pas été oubliées, nous avons enquêté les communautés protestantes de Burhale, Izege, Kanyola, Luchiga et Walungu

A défaut d'une base de sondage de la population de la chefferie, nous avons opté pour un échantillon aléatoire de 30 ménages par groupement choisi dans l'échantillon. S'agissant des Eglises, nos enquêtes se sont plus orientées vers les fidèles des communautés chrétiennes catholiques et protestantes compte tenu de leurs connaissances du milieu, de la capacité intellectuelle de leurs animateurs et de leur prédominance au sein de notre univers. Nous avons pris en compte d'autres confessions religieuses récemment implantées dans le milieu du fait que tout en étant nouvellement installées, elles drainent une certaine masse qui dispose d'une connaissance sur le milieu. Les personnes enquêtées ont été soumises à un échantillonnage stratifié et catégorisé prenant en compte jeunes, adultes et vieux, et hommes et femmes. Tous ces éléments apparaissent dans le tableau ci-dessous :

Tableau n° 4 : Répartition des confessions religieuses, institutions sanitaires, ménages, organisations de développement et interactions des entités interagissant par groupement

Groupement

Confessions religieuses.

Institutions sanitaires

Ménages

0rganisations de développement

Lieu d'interaction

1

Burhale

Catholique

Protestante

Burhale

Burhuza

30

Femmes

Mulamba

2

Izege

catholique

-

30

Jeunes

Ikoma

3

Kanyola

Catholique

Cs Kanyola

30

Femmes

-

4

Mushinga

Catholique

Protestante

Hôpital de

Mubumbano

30

Jeunes

Lubona

Tubimbi

5

Luchiga

Catholique

-

30

-

Nduba

Nyangezi

6

Walungu

Catholique

Protestante

Hôpital de

Walungu

30

Sté civile

Irongo

Lurhala

7

Autres Eglises

 
 

30

 

A travers tous les groupements enquêtés

Total

06

09

06

180

 

08

Source : enquêtes sociologiques.

Commentaire :

A travers ce tableau, nous pouvons remarquer que les enquêtes ont été menées dans six groupements interagissant avec huit autres. Les données ont été récoltées auprès des confessions religieuses les plus prédominantes dans la chefferie. Il s'agit essentiellement des paroisses catholiques et protestantes, les centres de santé, les hôpitaux de Walungu et Mubumbano, les organisations de développement, les associations des jeunes et des femmes. Par ailleurs, notons que 180 ménages ont été interrogés à travers ces six groupements et ceux avec lesquels ils interagissent.

c) L'entretien

L'interview ou l'entretien, est une technique largement utilisée dans l'obtention des données qualitatives. Elle permet de mettre en contact l'enquêté et l'enquêteur, il y a d'un côté, et à tour de rôle, un locuteur et un auditeur. Son outil le plus indispensable demeure le langage articulé. Toute interview exige :

- une grille de question à poser à l'interlocuteur préparée avant la descente sur le terrain

- une descente sur le terrain

- le choix méticuleux des personnes à interviewer. On ne s'entretiendra qu'avec des personnes capables de fournir des informations valables et ce, en vertu du principe du plus ample informé

- des questions clairement formulées qui ne confondent pas l'enquêté. Les questions devront être claires, précises et brèves. L'enquêteur doit disposer de la capacité de capter les réponses qui lui sont données. Soumettre l'enquêté à se répéter du fait de n'avoir pas retenu la réponse, cela peut le mettre mal à l'aise et faire manquer au chercheur les données recherchées auprès de cette personne. Ainsi, dans l'entretien, le chercheur devra faire montre de qualités qui lui sont dévolues, car toute imprudence, toute indélicatesse désintéressera l'interlocuteur et fera décapoter la recherche.

De ce point de vue, l'entretien favorise la communication réciproque entre enquêté et enquêteur. Dans le cadre de ce travail, et partant de la conception que Tremblay confère à l'entretien, il nous a été utile de laisser nos interlocuteurs s'exprimer largement et librement sur la question leur posée. C'est ce que nous appelons « entretien libre non directif ». Par moment, encore, à travers « l'entretien direct », il convenait de les soumettre au strict respect de la question dans les limites, ou encore, dans un style d'entretien « semi-directif ». Nous leur réservions parfois une marge de liberté de s'étendre sur la question. De ces trois formes d'interview, l'entretien libre a été plus usagé dans la récolte des données de ce travail.

D'une façon plus concrète, les personnes enquêtées ont été contactées à travers les groupements ciblés, dans les écoles, les centres de santé, les ONG tant dans leurs bureaux que sur les terrains d'actions, les paroisses catholiques et protestantes, musulmanes et autres sectes, dans les marchés tels que cela apparaît plus loin, dans les ménages à travers les villages. Tout se passait en pleine journée. Nous avons rencontré les paysans aux champs et nous nous sommes entretenus sur les modes de vie, les difficultés inhérentes à leur vécu quotidien. Nous avons visité tous les marais de Ngweshe et les projets qui s'y exécutent. Les thèmes des discussions pour ces séances de travail sont repris dans le guide d'entretien en annexe.

d) L'observation

La technique d'observation permet au chercheur de penser, réfléchir constamment à l'objet de l'étude en le regardant. L'observation est donc un moment de visualisation de l'objet dans ses formes les plus apparentes, mais aussi un moment d'intellectualisation des formes apparentes afin de parvenir à une meilleure appréhension du phénomène. L'observation ne se limite pas aux formes apparentes, elle permet une transcendance de l'apparent au réel. Ainsi donc, à la vue d'un enfant amaigri ou pleurant, l'on ne se limitera pas au fait qu'on a vu un enfant maigre ou pleurnichant. Le chercheur ira plus loin que ça en recherchant ce qui a provoqué l'amaigrissement et ce à quoi il peut conduire : maladie certaine ou décès.

Nos observations ont été directes et désengagées, car nous avons observé des situations sans aucune prétention de les transformer. Nous avons observé les familles et leur environnement dans un processus d'observation-participation du fait que nos enquêtés, pour la plupart étaient informés de ce que nous menions comme recherche et du reste, nous sommes ressortissant de cette entité.

e) Le questionnaire

Les enquêtés non contactés directement nous ont fait part de leurs opinions, dont nous avons tenu compte, après recoupement, sur base d'un questionnaire leur remis à l'avance. Il y a des questions ouvertes et des questions fermées. En somme, il s'est agi d'un questionnaire à la fois structuré, semi-structuré et non structuré.

Structuré, par le fait que pour certaines questions, nous n'envisagions au départ les réponses qui en proviendraient, surtout à travers toutes ces questions ouvertes, du genre oui ou non ;

Semi-structuré, car pour bien de questions, nous n'entrevoyions aucune réponse au préalable ;

Enfin, non structuré, du fait que pour certains personnes, notamment les prêtres, les responsables des écoles, nous n'avions pas de questions établies à l'avance. Les discussions se reportaient sur un thème que nous leur proposions. Et ainsi, nous récoltions les données.

3.2.2. Techniques de sélection

Logiquement, il s'agit d'une procédure à la fois comparative et descriptive ayant consisté en la sélection des faits historiques, sociaux, culturels qui sont identiques, analogues, comparables par leurs caractéristiques. Concrètement, si les familles, l'environnement, à travers leur dynamique, représentent en leur sein un certain déséquilibre, ce qu'il y a des caractéristiques communes liées à l'histoire, à l'économie, à la gestion en général. De même, du fait que nous nous appuyons sur des effets discursifs, il va de soi que nous catégorisions ces discours selon les locuteurs, les auditeurs, la société-histoire et même certains chercheurs qui se sont penchés sur la question et le contexte dans lequel ils ont mené leurs études du fait que nous nous penchons sur presque les mêmes préoccupations. La sélection, permet ainsi d'établir différents types-idéaux pour différents faits, car nous considérons qu'on appréhenderait mieux un phénomène de quelque nature qu'il soit que lorsqu'on sait en établir le type-idéal, c'est-à-dire, selon Virtron « une sorte de photo robot »87(*).  C'est à travers donc la comparaison, la classification que se sont opérées ces techniques de sélection qui sont basées essentiellement sur l'idéaltype qui n'est rien d'autre que du type classificatoire dans l'entendement de Max Weber.

3.2.3. Les techniques de traitement des données des données et d'analyse de contenu

Les données recueillies ont été passées au peigne fin, recoupées et analysées sur base des principes du plus ample informé, de la concentration, de la logique , de la causalité et de la finalité, de la raison suffisante, de la conservation et sur base des données statistiques.

3.3. LES PROBLEMES EPISTEMOLOGIQUES

Dans notre cheminement, il importait d'opérer des ruptures en faisant usage des instruments scientifiques garantissant la portée objective des connaissances scientifiques. Successivement, il s'agit de :

3.3.1. Des ruptures épistémologiques : elles sont de trois catégories :

Ø La rupture épistémologique : elle s'inscrit dans la logique d'irréductibilité entre le saisir commun et le saisir scientifique, entre la non-science et la science, entre les discours et leurs sens exacts, c'est ce qui conduit à l'acceptabilité et la cohérence du produit scientifique.

Ø La rupture gnoséologique : elle nous a permis de créer une ligne de démarcation entre les phénomènes empiriques, concrets et l'ordre des phénomènes logiques, théoriques, abstraits, partiels et simples. C'est donc une phase de théorisation et d'intelligibilité. Cette rupture prévoit le degré d'inadéquation existant entre ce que sont les familles et ce qu'elles devraient être, ce qu'est l'environnement et la manière dont il devait être géré pour qu'il soit toujours au service des populations.

Ø La rupture praxéologique : elle nous permet de réaliser avec rationalité si nos propositions théoriques peuvent se matérialiser sur le terrain et produire des résultats souhaités par les communautés pour et avec lesquelles les projets ont été élaborés. Il est bon d'émettre une théorie, une réflexion scientifique, mais il demeure mieux que toute théorisation scientifique présente une certaine faisabilité, une applicabilité, une matérialisation, une adaptabilité au sein de l'univers d'où est partie l'idée.

L'aspect praxéologique de ce travail consiste à considérer les familles non comme des simples institutions mais plutôt comme des systèmes d'actions basées sur la sociologie de l'expérience, de la socianalyse, et comme des entités conscientes de faits changeants en leur sein et des perturbations manifestes au sein de leur environnement ; des systèmes devant entreprendre des actions transformatrices de leur état actuel et à venir, leur savoir et leur façon d'agir pour leur mieux-être. Outre la capacité de concevoir et de matérialiser les idées concises, les familles praxéologues devront être à mesure, une fois en face des discours, d' en relever ceux qui ne cadrent pas avec leurs objectifs et ne s'en tenir qu' à ceux présentant le caractère généléxémique, vrai, matérialisable et porteur du changement au sein de la communauté.

3.3.2. Les couloirs d'échanges

Comme spécifié précédemment, cette étude s'inscrit dans la sociologie fondamentale avec une orientation de la sociologie du discours et est à cheval avec la sociologie de la famille et du développement. Elle influe ainsi sur d'autres sociologies telles que la Sociologie rurale, la Sociologie de l'action, de l'autodétermination, du changement et de la continuité. Elle est axée sur la recherche de voies et moyens de recherche de gestion rationnelle des ressources disponibles : humaines, matérielles, financières, environnementales et tout ce qui pourrait influer sur la dynamique sociale. Ce couloir d'échanges apparaît à travers le schéma ci-dessous :

Schéma n° 4 : Couloirs d'échanges entre sociologies à travers cette étude

Sociologie rurale et environ.

Sociologie de la continuité

Sociologie du dvpt

Sociologie de la famille

Sociologie du discours

Dynamique sociale

Légende :

Environ. : Environnement.

Dvpt  : développement

Commentaire :

Le discours semble être à la base de toute action. A sa fonction praxéologique et interactionnelle, le discours se produit à travers les familles, agit sur les membres les plus sensés et leur dote d'une force pragmatique et interagissante, laquelle, alors, dans leur milieu rural provoque toute une dynamique transformatrice envisageant des lendemains meilleurs durables ou encore un développement continuel.

Il existe ainsi des couloirs d'échanges entre ces sociologies et bien d'autres, mais chacune d'elles, malgré cette interdépendance, garde son objet, ses méthodes et ses concepts. Ainsi, par exemple, les milieux ruraux, urbains et la famille plus particulièrement ne convergent que vers des transformations qualitatives et quantitatives ou le développement, lequel ne s'évalue principalement qu'à travers les familles et ménages ruraux et urbains.

En effet, les critères de développement tels que le niveau de vie, l'espérance de vie, le niveau d'instruction ou l'état sanitaire ne s'évaluent qu'à travers les familles. Au sein de tous ces systèmes sociaux, il peut exister des éléments perturbateurs communs positifs ou négatifs. Ainsi, à titre d'exemple, le phénomène de pathologie sociale peut indubitablement se retrouver à travers toutes les sociologies reprises sur ce schéma. Une pathologie observée en milieu rural peut s'étendre en tache d'huile, se répercuter sur la famille urbaine, sur le développement de ces entités, et sur tous les projets en perspective élaborés unanimement et matérialisables à court, moyen ou long terme.

Etant donné que nous sommes entrain d'aborder des cas relatifs à l'Epistémologie, nous ne pouvons pas nous épargner de nous étendre sur ses formes qui, du reste, confèrent le statut scientifique aux productions de ce genre. En fait, l'Epistémologie est, pour le scientifique ce que le Niveau d'eau est au maçon : ce petit outil qui lui certifie avec précision de la droiture du mur qu'il érige. La continuité ou la destruction de la bâtisse dépend de l'interprétation des données recueillies de l'application du Niveau d'eau.

Tableau n° 5 : Les formes d'Epistémologie

Formes

Caractéristiques

Epistémologie métaphysique

Elle ne dispose d'aucune rigueur scientifique. Plutôt que d'être rigoureuse scientifiquement, elle recourt à des spéculations métaphysique,philosophique et imaginative.

Epistémologie parascientifique

Elle s'appuie sur des critiques des sciences et n'aboutit pas à des formes scientifiques de la connaissance.

Epistémologie scientifique

Elle vise à expliquer la connaissance, en établir sa légitimité, sa cohérence, son acceptabilité et sa validité. Elle s'appuie sur des règles et principes scientifiques. On dira, ainsi que cette Epistémologie est un corps cohérent des règles et principes permettant de produire et apprécier scientifiquement une connaissance.

Source : NDAY WA MANDE, op. cit.p.15.

3.4. L'approche praxéo-configurationnelle

3.4.1. Définition

La voie fondamentale à travers laquelle a cheminé cette étude est celle de la praxéo-interdiscursive qui a consisté à analyser les pratiques sur base des discours et ce dans deux domaines : la famille et l'environnement en chefferie de Ngweshe. Au-delà de ces discours et pratiques, le cheminement s'est proposé une autre façon de voir les événements à travers leur évolution, à travers les changements intervenus au sein de la famille et de l'environnement. Cette approche fixe la situation de départ (situation réelle, vécue) ou visible de départ et la situation d'arrivée ou invisible traduisant une situation potentielle ou prospectiviste à travers un processus de changement. Une approche paxéo-configurationnelle présente donc une situation telle qu'elle se présente tout en envisageant des changements potentiels. Elle prône la créativité de la communauté. C'est le passage d'une situation A (réelle) à une situation B (envisageable grâce à des efforts entrepris par les acteurs sociaux soucieux de modifier la situation en présence).

3.4.2. Principes

Une approche praxéo-configurationnelle s'opère en trois phases  selon Nday wa Mande :

- acquisition de la connaissance

- le ressaisissement épistémologique

- la falsification-découverte et créativité

a) La phase de l'acquisition des connaissances : elle se réalise en quatre temps :

    Premier temps :

Description type de l'environnement immédiat : le chercheur doit se déplacer dans son environnement immédiat lequel est un espace plurispatial et doit, de ce fait, procéder à :

1°. Observer minutieusement l'environnement

2°. Relever les tares de l'environnement observé et les phénomènes réels

3°. Relever les essais de la solution locale

4°. Circonscrire les limites des solutions.

      Deuxième temps :

Amas des corpus d'archives, expérimental et débat : après avoir décrit l'environnement, le chercheur doit recourir aux divers écrits se rapportant à cet environnement par la technique documentaire. Il doit, en plus prendre suffisamment connaissance de ce qui se dit au sein de cet univers par les techniques d'interview et/ou du questionnaire. Toutes ces données seront soumises à un débat avec la population pour qu'on arrive à un déblayage, un recoupement d'idées afin d'établir les priorités.

Troisième temps :

Ø Ebauche de la praxéologie interdiscursive : à travers cette phase, le chercheur doit découvrir le sens réel des discours produits au sujet de son environnement à travers la distinction des choses et les catégories sociales diverses ; le regroupement des déclarations des classes ; la confrontation des classes pour faire ressortir le sens réel de leurs productions discursives et la formation des équations, c'est-à-dire l'égalisation des déclarations par échangeabilité et par équivalence.

Quatrième temps :

Synthèse de la connaissance : elle consiste en une réunion des informations partiellement nettes, recueillies lors de la description et de l'amas des corpus d'archives et expérimental, et pré-analysées dans l'ébauche praxéo-interdiscursive. Cette ébauche est pratiquement décrite dans le cadre de productions des idées neuves.

b) La phase du ressaisissement épistémologique 

Cette seconde phase est intermédiaire entre la description et la récréation de l'environnement. Le ressaisissement se réalise en deux opérations distinctes :

Première phase : opération de saisie de la néo-circularité et replacement de l'environnement dans la vision polyhexagonique et pyramidale. A cette phase, il faut :

- Dresser le schéma configurationnel.

- Dresser la néo- circularité.

- Dresser la pyramide et le polyhexagone de l'environnement.

Deuxième opération : opération d'insertion dans le fuseau quantonomique. A cette phase, le chercheur doit ouvrir les couloirs de mise en place des solutions idoines, adaptées et durables.

c) La phase de la découverte-créativité-action

Le chercheur se déploie à décrire l'utilité des idées neuves, les instruments matériels et immatériels dont il se servira ou dont se servira la communauté. En effet, toute initiative personnelle ou collective doit être intégrée dans le schème de la vie sociale à partir de la rupture praxéologique. C'est la phase décisive, celle de la matérialisation de ses idées et de l'accomplissement de soi en tant qu'acteur social engagé dans la transformation qualitative et quantitative de l'environnement.

3.4.3. Les préalables

Pour faire usage de l'approche configurationnelle, il faut indispensablement :

- descendre sur le terrain et pouvoir s'y déployer avec rationalité et efficacité

- observer convenablement les phénomènes en présence

- être en contact avec tous les acteurs et recevoir les avis des uns et des autres

- disposer d'une capacité de conception et d'invention.

A l'issue de ce balisage méthodologique et épistémologie qui nous a plongé aussi bien dans la méthode, l'approche méthodologique que dans les techniques de collecte et de traitement des données, il sied de présenter brièvement le cadre de cette étude, les aspects liés aux dits et aux actes au sein de cet univers.

Conclusion partielle

Cette conclusion est un rapport succinct sur la méthodologie (méthode et techniques utilisées), ses forces, ses limites et l'approche usagée.

 1°. La méthode

a) Ses forces

Nous nous sommes servi de la praxéologie interdiscursive comme voie d'analyse dans cette étude. La force de cette méthode réside dans son aptitude à analyser les discours des auditeurs, des locuteurs, du savant et de la société-histoire ; et appréhender les actions des acteurs sociaux à travers plusieurs principes, notamment celui de la transmutation de l'énergie consensuelle concentrée. Par ce principe, les acteurs sociaux, après avoir relevé le problème ou la question sociale au sein de la communauté, après la conception et le choix des actions à mener, se concertent, et par consensus, se déterminent de réaliser l'action à entreprendre.

b) Ses limites

La méthode ne dispose pas de facilités de pénétrer les aspects historiques tels que nous les avons abordés dans la généalogie des Bami de la chefferie de Ngweshe. En outre, il s'observe au sein de la chefferie des contradictions entre la mission et les objectifs de la famille d'avec la réalité sur le terrain. A titre d'exemple, comment expliquer qu'avec la rigueur que se sont fixée les familles, l'Eglise et l'Ecole en termes de socialisation, d'éducation et d'instruction, l'on retrouve tant d'enfants et de personnes adultes dans autant de faits pathologiques ?

2°. Les techniques

Il s'est agi essentiellement de la documentation, l'observation, l'entretien, le questionnaire, le focus group et l'échantillonnage. Toutes ces techniques ont été bien utilisées dans la collecte des données et sous-tendues par celles de traitement et d'analyse du contenu.

3°. L'approche

Pour suppléer à la carence de la méthode, nous avons recouru à l'approche praxéo-configurationnelle pour mieux présenter la réalité sociale. En relevant certaines actions entreprises au sein de la chefferie par les acteurs sociaux, nous les avons présentées par des schémas et des figures. Cette approche dispose d'une force de présenter la réalité sociale sous forme de photos. Muettes, ces photos sont explicitées, clarifiées par des commentaires explicatifs donnant plus de lumière sur les schémas, figures et tableaux.

4°. Les couloirs d'échanges

Nous avons démontré que la sociologie de la famille n'existe réellement qu'à travers d'autres sociologies. Ainsi, on ne saurait aborder une étude sur une famille rurale sans recourir à la sociologie qui étudie la ruralité. La famille étant l'actrice principale de l'action sociale, les couloirs d'échanges ont été construits entre la sociologie de la famille, de développement, de la continuité, du changement et du discours.

Le balisage épistémologique ayant été abordé, nous cheminons vers les aspects morphologiques de Ngweshe.

Deuxième partie

MORPHOLOGIE, EVALUATION DES RESSOURCES ET TYPOLOGIE DES FAMILLES DE NGWESHE

INTRODUCTION

Cette partie comprend deux chapitres : celui de la morphologie sociale de la chefferie sous étude et l'évaluation des ressources disponibles dont peuvent se servir les familles dans leur maintien et émergence. La partie, à travers son dernier chapitre, donne une lumière sur la typologie des familles au sein de la chefferie. Il s'agit donc, à travers ces chapitres et ceux qui suivent, des données de terrain répertoriées et interprétées.

Pour Durkheim, la morphologie sociale constitue « l'étude des faits sociaux dans leurs rapports avec leurs substrats matériels »88(*) qui sont, dans le cadre de cette étude des éléments qui déterminent l'existence d'une communauté et en donnent l'identité. Il s'agit des éléments matériels tels le territoire et la population, et des éléments formels tels que la relation, l'activité, l'institutionnalité et la conscience collective. En effet, chaque communauté développe, en son sein et à travers ses membres, un réseau intense des relations, d'actions pour sa survie, un système des règles qui fixent les conduites sociales et une certaine fierté d'appartenance au groupe.

Quant à l'évaluation des ressources, il s'agit de passer en revue les ressources disponibles. Ce sont des ressources humaines, matérielles et surtout les ressources environnementales, les potentialités énergétiques, agricoles, économiques, etc.

Enfin, il conviendra de connaître les acteurs sociaux dans leur dynamisme : ce sont les familles à travers leurs diverses façons de saisir la vie et l'action sociale. Cette dernière désigne, pour notre part l'ensemble des moyens par lesquels une société agit sur elle-même pour préserver sa cohésion. Il s'agit, par exemple, de dispositions réglementaires, la conformité aux valeurs, les actions visant à promouvoir les personnes et les groupes sociaux tels que les personnes marginalisées dans le but d'acquérir et de préserver leur autonomie et de s'adapter aux conditions de vie en présence et de s'assurer de leur continuité. C'est en fait une façon d'expliquer le social, c'est-à-dire « rendre compte de la façon dont les hommes donnent sens à leur action ».89(*) C'est à travers ces actions, ces différentes manières de conception et d'actions que nous avons établi une typologie de ces acteurs familiaux.

Chapitre quatrième

CADRE MORPHOLOGIQUE DE LA CHEFFERIE DE NGWESHE

Ce chapitre met en contact l'homme de Ngweshe avec son environnement et aborde ainsi successivement des aspects liés aux milieux physique, socioculturel, économique, politique ainsi que ceux relatifs à la généalogie dynastique de Ngweshe.

4.1. Le milieu physique

4.1.1. Situation du milieu

La chefferie de Ngweshe est l'une des deux chefferies formant le territoire de Walungu (à savoir la chefferie de Ngweshe et la chefferie de Kaziba) dont la superficie est de 1875Km2 avec 1599 Km2 pour Ngweshe et 376 Km2 pour Kaziba.

La chefferie de Ngweshe est limitée comme suit :

- Au Nord, par les rivières Kazinzi, Bishanyi et Nyakabongola, le sommet de Kampuse qui la séparent de la chefferie de Kabare ;

Au Sud, par les rivières Luzinzi et Kadubo qui constituent une limite naturelle d'avec les chefferies des Bafuliro, de Kaziba, Burhinyi et Luhwindja ;

A l'est, par la rivière Ruzizi qui en constitue la limite avec la République Rwandaise au niveau de Karhongo-Nyangezi et Kamanyola ;

A l'Ouest, par la chefferie de Nindja (à travers la rivière Luzinzi).

La chefferie de Ngweshe est située entre 2° et 30° de latitude sud et 28°,40° de longitude Est.

4.1.2. Relief

La chefferie de Ngweshe fait partie de l'ensemble dénommé « Kivu montagneux » dont l'altitude moyenne se situe entre 1800 et 2000m. Etant entendu que l'altitude la plus basse est de 1000m à Kamanyola et la plus élevée est celle de la montagne Nidunga culminant à 2.900m. La Chefferie de Ngweshe se rattache à la région centrale du Graben-Est Africain ou Rift valley. Elle présente un relief très accidenté où prédominent des montagnes, des collines, des plateaux et des vallées. Ces montagnes constituent le prolongement direct des Monts Mitumba. Les sommets les plus remarquables de Ngweshe sont : Nidunga (2900m) ; Mirhumba (2600m) ; Mulume munene (2600m) ; Bisinzu (2520m) ; Bangwe (2400).

Les vallées marécageuses les plus importants sont Nyamubanda à Karhongo-Nyangezi (1.050 ha) ; Nyalugana à Lurhala (900 ha) ; Cidorho à Mulamba-Burhale (450 ha) ; Cisheke à Walungu, Ibere à Burhale... Tous ces marais sont des domaines importants des cultures de haricot, manioc, sorgho, patates douces, légumes...

4.1.3. Les sols

Les sols de la chefferie de Ngweshe sont de nature diverse. Ils différent selon qu'on se trouve en zone montagneuse à forte pente, en zone de plateau ou en zone des bas-fonds s'étendant le long des cours d'eau. Dans la partie centrale de Ngweshe, c'est- à-dire dans les groupements de Walungu, Izege, Ikoma, Burhale et Lurhala, quatre formations pédologiques prédominent :

- L'altération des basaltes a donné naissance à une argile rouge ou rouge-brun suivant l'état de la décomposition de la roche. Le profil type est formé d'un horizon légèrement humifère pouvant atteindre 40 cm de profondeur reposant sur un horizon de transition toujours tassé de 10 à 20 cm d'épaisseur. La teneur en sable est de 10 pour cent, tandis que la quantité d'éléments fins varie entre 85 et 90 pour cent. Cette formation pédologique apparaît sous sa phase normale sur les plateaux et sous sa phase dénudée sur les pentes où l'influence néfaste de l'érosion se manifeste par l'enlèvement progressif de la couche humifère superficielle. Les sols provenant des schistes et quartzites des collines de couleur brun-rougeâtre sont nettement moins argileux et moins compacts.

- Les alluvions anciennes qui se rencontrent dans les bas-fonds sont généralement lourdes et très argileuses. Les argiles bleues, jaunes et grises sont les plus fréquentes parmi les alluvions. Elles sont fortement délavées et leur intérêt cultural réside principalement dans la faible profondeur de la nappe phréatique en saison sèche. Un drainage contrôlé est nécessaire dans l'exploitation de ces terres pendant la saison pluvieuse.

- Les alluvions sont nettement moins homogènes dans leur profil que les précédentes. La teneur en éléments grossiers est beaucoup plus élevée et leur intérêt cultural réside également dans la faible profondeur de la nappe phréatique.

- Les formations marécageuses, actuellement inutilisées, sont formées d'une couche minérale très riche en matières organiques peu décomposées d'une épaisseur variable mais inférieure à 50 cm. Cet horizon repose sur un résultat organique en suppression d'eau et peut atteindre, par endroits, 2 à 3 mètres de profondeur. Malheureusement, la densité de la population et plus encore celle du bétail avec ses conséquences habituelles (feux de brousse, érosion) les ont appauvries et l'érosion les a fortement attaquées. La couche humifère a totalement disparu. Ces sols sont compacts et peu perméables à l'eau des pluies qui ruisselle.

4.1.4. Les sous-sols

Le sous sol de la chefferie de Ngweshe est riche en minerais. L'on retrouve de l'or) Mulamba (carrière aurifère de Nyamadava), à Mushinga (carrière aurifère de Mukungwe), à Kanyiola (carrière aurifère de Kaji), à Tubimbi (or). On y retrouve aussi de la cassitérite, du fer et d'autres minerais non exploités. L'on se rappellera que la Société minière du Kivu (Sominki) a exploité des minerais dans la chefferie de Ngweshe pendant et après la colonisation belge. Une grande station de cette société se trouvait en groupement de Mulamba à Luntukulu, à ce jour, il n'y a plus que des ruines.

4.1.5. Climat et végétation

a. Climat

La chefferie de Ngweshe est dominée d'un climat d'altitude humide caractérisé par deux saisons : une longue saison des pluies de neuf mois (de septembre à mai) et une courte saison sèche de trois mois (de juin à août). La température moyenne est de 23° C. On retiendra cependant que la température est élevée à Kashenyi ou Kamanyola (environ 32° C) et très basse sur les hautes altitudes de Mulume munene, Nidunga, Kampuse, etc.

b. Végétation

La chefferie de Ngweshe dispose de formes de végétations : une végétation naturelle et une artificielle. La première se retrouve à travers les forêts de Kanyiola (Lushoze et Mugaba), de Tubimbi et de chez Kabugi et des prairies parsemées çà et là).

Quant à la végétation artificielle, elle est manifeste à travers les plantations et boisements d'eucalyptus, des pinus, des grevilas, des quinquinas, des caféiers et des théiers.

Les plantations de Gombo, Irabata, Muleke, Cibeke, Isingo, Nduba, Muzinzi, Kaderhe (Nyangezi), sont les plus importantes.

Il est bon de faire remarquer que la plupart des montagnes et collines de Ngweshe sont dénudées même celles qui étaient jadis reboisées par la colonisateurs belges par la Mission anti-érosive. Ce sont les cas des collines de Businga (Nyangezi), Cibeke (Burhale), l'escarpement « Mise en garde » surplombant le Centre commercial de Tubimbi. (Cet escarpement, faute pour les nègres de ne pas savoir prononcer le terme « Mise en garde » l'appelèrent « Muhwijangala » et de Lurhala qui, jadis étaient entièrement boisées et qui, à ce jour ne sont plus que des espaces érodées par des eaux des pluies.

4.2.  Hydrographie

La chefferie de Ngweshe est une importante réserve d'eau. Tous les vallons et vallées drainent une importante quantité d'eau. On y retrouve des rivières, des ruisseaux, des eaux thermales, des sources, des étangs. Seul le groupement de Kashenyi ou Kamanyola dispose de peu d'eau. Les eaux de la chefferie de Ngweshe appartiennent à deux bassins hydrographiques : celui de la rivière Ulindi et celui de la Ruzizi.

a. Le bassin de la rivière Ulindi

Ce bassin canalise les eaux des rivières des 13 groupements : Walungu, Burhale, Mulamba, Tubimbi, Kaniola, Izege, Ikoma, Lurhala, Irongo, Luchiga, Lubona, Mushinga et Nduba. Les rivières les plus importantes de ce bassin sont :

-La rivière Mubimbi ou Nkombo qui prend sa source dans le massif de Mulume munene en territoire de Kabare. Cette rivière reçoit ses affluents Walungu, Burhale et Tubimbi avant de se jeter dans la rivière Ulindi.

-La rivière Kahungwe prend sa source dans le groupement de Lurhala, traverse les groupements d'Irongo et de Mushinga pour se jeter dans la rivière Nkombo.

-La rivière Kadubo : son parcours commence en chefferie de Luhwinja, elle constitue une limite naturelle entre Luhwinja et Ngweshe, elle traverse le groupement de Mushinga et déverse ses eaux dans la rivière Elila.

-La rivière Nshesha coule à travers les groupements de Kaniola et Mulamba et déverse ses eaux dans Elila.

b. Le bassin de la rivière Ruzizi

Ce bassin draine les eaux des rivières de trois groupements : Kashenyi ou Kamanyola, Karhongo ou Nyangezi et Kamisimbi. Ses rivières les plus importantes sont :

-La rivière Mugera dont sa source est située dans les montagnes de Nyanfunze et qui draine toutes les eaux de Karhongo y compris les eaux thermales de Mahyuza.

-La rivière Mugaba : elle prend sa source dans la chefferie de Kaziba à la limite d'avec le groupement de Karhongo, elle se jette dans la rivière Luzinzi.

-La rivière Luzinzi : elle a aussi sa source dans la chefferie de Kaziba qu'elle traverse et dont elle draine la majorité de ses eaux.

-La rivière Boga prend sa source coule à traverse le village de Ngali en groupement de Karhongo et se jette comme ces trois autres dans la Ruzizi.

Les chutes les plus importantes sont :

- Irombo en groupement de Kaniola

- Kahungwe sur la rivière Kahungwe en groupement d'Irongo

- Kabenzire sur la rivière Nkombo en groupement de Lubona

- Nyanganda sur la rivière Nshesha en groupement de Mulamba

- Nzirhye sur la rivière Mugera en groupement de Karhongo

- Kasiru sur la rivière Nkombo.

Au-delà de ces grandes rivières, Ngweshe dispose de petites rivières, des ruisseaux, des marais. En fait, chaque vallée et vallon est une réserve manifeste d'eau. L'entité dispose en même temps d'innombrables sources d'eau. Certaines sont inexploitées et non aménagées. Grace au concours de certaines organisations non gouvernementales intervenant dans la zone, d'importantes sources ont été aménagées à travers toute la chefferie. Plusieurs actions de captage d'eau ont été menées, il y a des adductions d'eau dans les groupements de Walungu, Burhale, Mushinga, Karhongo... Ces aménagements, ces captages des sources et ces adductions d'eau ont sensiblement contribué à la réduction des maladies hydriques au sein de la chefferie surtout le choléra.

4.3. Milieu humain

La chefferie de Ngweshe est peuplée essentiellement des Bashi. Seuls les groupements de Mulamba et Tubimbi contiennent quelques hameaux peuplés des Barega et le groupement de Kamanyola est habité en certains endroits par les Bafulero et les bavira. La chefferie compte seize groupements (Burhale, Ikoma, Irongo Izege, Kamanyola, Kamisimbi, Kanyola, Karhongo (Nyangezi), Lubona, Luciga, Lurhala, Mulamba, Mushinga, Nduda, Tubimbi et Walungu).

La langue parlée est le mashi à laquelle se greffent le swahili et le français. La religion est dominée par les croyances chrétiennes et musulmanes. La colonisation et le christianisme ont dessouché toutes les croyances et pratiques animistes, les rites et les mythes de Lyangombe (une divinité longtemps vénérée dans les royaumes du Bushi, du Rwanda et du Burundi). Dans les villages habités par les Barega, dans les groupements de Mulamba et Tubimbi, il existe encore des rites à Kimbirigiti : le bastion inconnu et indéfini de la culture rega.

La colonisation a contribué très largement à l'acculturation de peuple Bashi, c'est tout un processus de changement culturel ayant résulté des contacts entre les cultures européennes imposées aux Bashi par le colonisateur belge et qui se poursuit jusqu'à ce jour à travers les acquis de la colonisation : Eglises, écoles, ONG... Cet état de chose a contribué à la dénaturalisation du Mushi qui a perdu petit à petit son identité culturelle, ses croyances et ses coutumes, sa solidarité clanique et familiale, ses historiettes, ses devinettes, ses héros, sa force médicamenteuse, sa vie communautariste pour s'insérer dans un capitalisme lui imposé par l'homme blanc, un système dans lequel il a eu du mal à s'intégrer. Cette acculturation a touché beaucoup d'aspects de la vie du mushi, même la langue.

A ce jour, on peut constater que les Bashi ont été désappropriés petit à petit de leur langue qu'ils ne maîtrisent plus ou qu'ils maîtrisent mal. Ils ont perdu même leur histoire, car pour le colonisateur, les ancêtres des Bashi n'étaient que des païens, des sorciers, des démoniaques ; se référer à eux reviendrait à s'écarter de la volonté de Dieu (leur Dieu imposé aux Bashi) et devenir ainsi enfant du diable pour, enfin, vivre éternellement dans un feu ardent de la géhenne. Ainsi, peu à peu, on a eu de nouveaux noms « chrétiens », de nouveaux comportements, des modèles de chez eux appelés des saints.

Il faudra encore beaucoup de temps pour que le mushi se retrouve, recouvre son histoire, sa culture, reconnaisse ses héros, les valeurs et les coutumes du Bushi et qu'il se réinsère, ainsi, dans sa richesse traditionnelle, celle de la solidarité et de la cohésion sociale shi bien que ces dernières soient considérées par beaucoup de théoriciens comme des facteurs de sous-développement.

Le peuple Bashi de Ngweshe est essentiellement éleveur et cultivateur. On y élève le gros et le petit bétail, les caprins et la volaille. Les cultures sont vivrières (manioc, banane, plantain, patate douce, igname, haricot, sorgho, légumes...) et industrielle (théier, quinquina, café...). On y trouve aussi beaucoup d'arbres fruitiers et d'autres arbres sont cultivés pour des fins environnementales, pour la construction et la chauffe.

Si l'on peut reprocher au colonisateur d'avoir acculturé le mushi, on lui reconnaîtra, cependant, et avec beaucoup de reconnaissance, bien de mérites. Sans vouloir être exhaustif dans l'énumération de ces mérites, nous citerons la scolarisation et l'amélioration des conditions sanitaires et hygiéniques. En effet, ce sont ces deux aspects qui ont réduit très sensiblement l'ignorance, la mortalité à tous les âges et contribué, ainsi, à l'accroissement de la population telle qu'elle se présente dans le tableau ci-dessous :

Tableau n° 6 : Répartition de la population de Ngweshe par groupement et par                           catégories sociales au 31 décembre 2011.

Groupement

Hommes

Femmes

Garçons

Filles

Total

01

Lurhala

14 088

16 261

21 297

22 173

73 819

02

Kaniola

9 079

11 744

16 840

19 054

56 717

03

Karhongo

8 573

10 367

14 208

16 219

49 367

04

Walungu

8 175

10 398

13 658

16 878

49 109

05

Kamanyola

8 390

10 564

13 690

14 133

46 777

06

Burhale

7 659

10 746

12 057

12 094

42 556

07

Kamisimbi

6 334

7 829

11342

11756

37 261

08

Mulamba

7 464

8 768

10 299

10 438

36 969

09

Ikoma

6 749

8 415

10 291

11 117

36 572

10

Izege

4 199

5 011

9 890

9 985

29 085

11

Luchiga

5 634

6 155

10 362

6 635

28 786

12

Irongo

5 010

5 525

7 591

7 830

25 956

13

Mushinga

4 469

6 188

7251

7 504

25 412

14

Nduba

4 110

4 963

7 263

7 150

23 486

15

Tubimbi

4 779

5 579

5 609

5 981

21 948

16

Lubona

3 079

3 558

5 343

5 506

17486

 

Totaux

107 791

132 071

176 991

184 453

601306

Source : Rapport du quatrième trimestre 2011 de l'Etat civil de la chefferie de Ngweshe

Figure n°3 : Répartition de la population de la chefferie par groupement.

Commentaire :

Ces effectifs démographiques sont ceux de tous les seize groupements composant la chefferie. Ils ont pour but de nous fixer une idée sur ce qu'est la population au sein de l'entité. Ils demeurent cependant relativisables du fait que nous ne nous fions ni en ces personnes qui les ont récoltés ni aux techniques de récolte. Quelle population a-t-elle été prise en compte ? Celle de fait (personnes présentes plus les étrangers présents sur le lieu au moment du « recensement » ou du dénombrement démographique)  ou celle de droit (personnes présentes plus les absents du milieu, moins les personnes étrangères présentes sur le lieu au moment du dénombrement) ? Tout le monde a-t-il été pris en compte dans un pays où la notion de récemment n'existe pas ? L'on se rappellera que le dernier récemment scientifique avait eu lieu au Zaïre (l'appellation de la RDC d'alors) en 1985.

Tout compte fait, à travers ce tableau, nous remarquons que le groupement de Lurhala était le plus peuplé de la chefferie (avec ses 73 819 personnes) en 2011, alors que celui de Lubona, (comptant 17 486 personnes) en était le dernier sur la liste. Il aurait été important que la superficie de chaque groupement soit connue, ce qui permettrait de connaître la densité de chacun d'eux.

Tableau n° 7 : Répartition de la population de Ngweshe par tranches d'âges

Tranches d'âges

Effectifs

0-4 ans

113 117

5-9

104 638

10-14

95 264

15-19

80 833

20-24

29 582

25-29

26 456

30-34

23 864

35-39

20 968

40-44

19 477

45-49

17 068

50-54

16 522

55-59

15 141

60-64

11 098

65-69

9 422

70-74

6 581

75-79

5 345

80-84

3 714

85-89

1 542

90 et plus

674

Total

601 306

Source : Bureau d'Etat civil de la chefferie de Ngweshe

Figure n° 4 : Répartition de la population de Ngweshe par tranches d'âges au 31 décembre 2011.

Commentaire 

Le fait de regrouper la population de Ngweshe en tranches d'âges nous permet de déterminer les effectifs aux différents âges, les catégories selon les âges (jeunes, adultes et vieux), les effectifs dépendants et la population active au sein de la chefferie, et, par ricochet une analyse sur l'aspect praxéologique et développemental au sein de cette entité.

De ce point de vue, la population dépendante (comprise entre 0 et 19 ans, soit 393 852 personnes et de 65 ans et au-delà, 27 278 personnes) est chiffrée à 421 130 personnes, soit 70% de la population globale. La population active (de 20 - 64 ans) est chiffrée à 180 176 personnes et représente 30 % de la population globale. Le tableau ci-dessous illustre cette réalité :

Tableau n°7 : Population dépendante et active de la chefferie de Ngweshe en 2011

Tranches d'âges

Type de population

Effectifs

Pourcentage

De 0 - 19 ans

65 ans et plus

Population dépendante

idem

393 852

27 278

65, 5

4, 5

20 - 64 ans

Population active

180 176

30

Totaux

 

601 306

100

Source : enquêtes sociologiques

Figure n° 5: Population active et dépendante au 31 décembre 2011.

Commentaire :

De ces données chiffrées, il ressort clairement que la population de Ngweshe est essentiellement très jeune : les personnes âgées de moins de vingt ans représentent 65, 5 % de la population, ceux qui ont franchi l'âge de 64 ans ne représentent que 4,5 %. Les personnes dont l'âge varie entre 24 et 64 ans représentent la population active, soit 30 % de la population globale. Voici des faits et phénomènes qui découlent de la morphologie d'une telle population :

- effectifs élevés à la naissance

- mortalité infantile et l'âge adulte très élevée : les personnes ayant dépassé l'âge de 64 ans    ne représentent que 4, 5% de la population globale

- faible vieillissement de la population : les personnes de 80 ans et plus sont estimées à 5930, soit 0,9 % de la population globale

- faible productivité : la population active est de 30 %. Il s'avère impossible que 30 %, dans un système de production agricole traditionnelle sur des sols infertiles et déblayés par des érosions, et parviennent à nourrir, à sa faim, toute la population de Ngweshe. Il faut même relativiser le nombre des effectifs que nos appelons, ici, « actifs », car parmi eux, il y a des inactifs (malades, handicapés, inconscients, voyageurs), et donc, il se pourrait qu'il y ait moins de 30% qui s'attèlent au travail quotidien de subsistance familiale au sein de la chefferie

- prédisposition à la malnutrition suite à la taille de la famille très élevée, l'insuffisance du travail, l'infertilité du sol, la mosaïque du bananier  et du manioc.

4.4. Aspects socioculturels

A travers cette rubrique, nous afficherons des aspects d'ordre sanitaire, éducatif et religieux, lesquels ont joué un rôle important en ce qui concerne la dynamique de la famille dans notre milieu d'étude.

a. Aspects d'ordre éducatif

C'est par et grâce à la colonisation que les premières écoles ont été implantées dans la chefferie de Ngweshe. Cette implantation a commencé après l'année 1906. C'est au cours de cette année que les premiers missionnaires belges s'installèrent à Cibimbi (une localité de Nyangezi), y fondèrent la première paroisse catholique de la chefferie et peu après la première école primaire. Cette implantation des paroisses, des chapelles-écoles s'est poursuivie peu à peu à travers d'autres contrées de la chefferie et n'a fait que se poursuivre après la colonisation, par l'Etat congolais, par les Eglises catholique et protestantes locales et par des privés et ce, jusqu'à ce jour. Le tableau ci-dessous illustre le nombre d'écoles après une période de plus d'un siècle d'instruction dans la chefferie.

Tableau n° 8 : Répartition, par groupement, des écoles maternelles, primaires,                           secondaires et supérieures de la chefferie de Ngweshe

Groupement

Nombre/Ecoles maternelles

Nombre/Ecoles primaires

Nombre/Ecoles secondaires

Nombre/Instituts supérieurs

01

Burhale

04

14

08

01

02

Ikoma

06

12

04

00

03

Irongo

00

13

04

00

04

Izege

00

05

02

00

05

Kamanyola

01

07

08

02

06

Kamisimbi

03

13

03

01

07

Kaniola

00

11

02

00

08

Karhongo

02

39

14

02

09

Lubona

01

11

01

00

10

Luchiga

00

04

02

00

11

Lurhala

04

32

09

00

12

Mulamba

00

11

02

00

13

Mushinga

00

10

06

01

14

Nduba

03

06

04

00

15

Tubimbi

00

05

02

00

16

Walungu

02

13

07

03

 

Totaux

26

206

78

10

Source : Plan de développement local de Ngweshe 2010 - 2014

Commentaire :

Les écoles les plus importantes de la chefferie sont celles des niveaux secondaire et primaire, mais elles demeurent encore insuffisantes au vu de la population en âge de scolarisation. En effet, nous nous souviendrons, de par les données du tableau n° 7 de la page 137, que les effectifs des tranches d'âges de 5 - 14 ans (qui sont ceux de l'enseignement primaire) se chiffrent à 199 902 individus. S'il fallait les répartir à travers 206 écoles primaires, cela donnerait une moyenne de 970 écoliers par établissement.

En outre, si l'on considère que chaque école ne dispose, en moyenne, que de six classes, on aboutirait à une moyenne très pléthorique de 162 écoliers par classe. Tout ceci prouve à suffisance que les écoles restent insignifiantes au sein de la chefferie et qu'un lobbying devait être mené auprès de du gouvernement, des Eglise et des hommes de bonne volonté pour non seulement la création d'autres écoles mais aussi pour l'assainissement et la réhabilitation de celles qui fonctionnent.

Quant à l'enseignement supérieur, son impact tarde encore à se faire sentir. Le tableau ci- dessous illustre cette réalité.

Tableau n° 10 : De l'enseignement supérieur dans la chefferie de Ngweshe en 2011

Groupement d'installation

Institut supérieur

Effectifs scolarisés

01

Burhale

ISTA/Burhuza

50

02

Luchiga

ISP/extension de Walungu

60

03

Karhongo (Nyangezi)

-Propédeutique/Gd séminaire/Murhesa

- ISTM

170

52

04

Walungu

- ISP

- ISTCE

- ISTM

140

120

80

 

Total

07

672

Source : Plan de développement local de la chefferie de Ngweshe 2010-2014

Commentaire

La chefferie de Ngweshe dispose de sept instituts supérieurs qui, à ce jour, ne fonctionnent qu'à l'état embryonnaire et rustique. (Trois autres seraient en gestation à Kamanyola, Muku et Burhale). Seule la propédeutique du Grand séminaire de Chibimbi/ Nyangezi dispose de ses propres bâtiments plus ou moins décents, les autres fonctionnent vaille que vaille. Le nombre d'étudiants (672), les filières organisées, présagent que la chefferie mettra encore beaucoup de temps à former ses propres cadres sur son territoire. Au-delà des infrastructures qui font manifestement défaut, la carence des enseignants est aussi alarmante. Ce sont des gradués, des licenciés principalement qui assurent la formation à tous les niveaux. Nul n'est besoin de dire, ici, qu'aucune de ces institutions ne dispose d'un laboratoire, modeste serait-il, encore moins d'une bibliothèque, etc.

b. Aspects sanitaires

A l'époque coloniale, la chefferie de Ngweshe n'était dotée que d'une seule formation sanitaire : l'Hôpital du Fonds social du Kivu (FSK). Pour suppléer aux taches de l'hôpital, on avait créé quelques dispensaires publics ruraux : les dispensaires de Walungu, Karhongo, Mulamba, Ikoma et Kamanyola. Il a fallu attendre les années 1980, avec le découpage de la République du Zaïre en zones de santé tant urbaines que rurales, pour aboutir à la création d'autres formations sanitaires à travers la chefferie de Ngweshe. Elle fut d'abord découpée en deux zones de santé : les zones de santé de Walungu et Nyangezi.

A partir de 2003, un nouveau découpage a fait de la chefferie de Ngweshe un District de santé qui est composé de 4 zones de santé, à savoir : Walungu, Nyangezi, Mubumbano et Kaniola. Le tableau ci-dessous présente les différentes structures sanitaires de Ngweshe :

Tableau n° 11 : Les structures sanitaires de la chefferie de Ngweshe

Zone

Structures

Nbre/ lits

bénéficiaires

superficie

01

Nyangezi :

13 structures

HGR de Nyangezi, CS de Mushenyi, Muzinzi, Nyangezi Kamisimbi, Munya-Ibambiro, Kamanyola, Mazigiro, Bushinge, Kahinga, Kalungo, Kalegane, CH de Kamanyola

125

182 009

342 Km2

02

Walungu : 24 structures

HGR de Walungu, CH de Muku, CS de Walungu, CSR de Burhale, Bideka, Kalole, Kazimu, Rhusindye, Cidodobo, Ikoma, Ibinza, Nyandja, Muku, Rukwende, Mugogo, Cagombe, Cugikiro, Izirangabo, Karhundu, Lurhala, Mwendo, Mulamba, Nyakakoba, Cazi, Kampusé

129

183 063

707 Km2

03

Kaniola : 12 structures

CS de Budodo, Cagala, Izege, Kaniola, Luntukulu, Mudirhi, Mwirama, Nzibira, Murhali, Nyamarhege, Nindaja, HGR de kaniola

84

119 910

447 Km2

04

Mubumban 13 structures

HGR de Mubumbano, CS ce Mubumbano, Lubona, Irongo, Mukungwe, Luciga, Burhale, Karhundu, Burhuza, Tubimbi, Ciherano, Ibula, Bwahungu

65

116 324

108 Km2

 

Totaux

62

403

601 306

1604 Km2

Source : Division provinciale de la santé du Sud-Kivu

Figure n° 6 : Structures sanitaires de la chefferie de Ngweshe en 2011.

Commentaire :

Les structures sanitaires ne sont pas encore suffisantes ; nous dénombrons 62 structures sanitaires pour une population de 601 306 personnes, soit une moyenne de 9 698 personnes par structure sanitaire. C'est énorme, et encore il faut tenir compte de la distance que doivent parcourir les patients avant d'atteindre le lieu d'où il faut recevoir les soins. La population rurale est caractérisée d'une dispersion importante. Et la marche se fait à pieds à travers des descentes, des montées et des lieux insécurisés. L'idéal serait de rapprocher le malade de la structure sanitaire.

En outre, le district de santé de la chefferie de Ngweshe ne compte que 20 médecins, soit une moyenne de 30 065 personnes par médecins. Or, la population augmente plus vite que n'augmente le nombre des médecins. Au-delà de la carence observée dans l'existence du personnel soignant, il faut aussi rappeler que la fourniture en médicaments n'est toujours pas permanente. On trouve de longs moments de rupture de stock en médicaments dans bien de centres de santé. Il y a vraiment des efforts à fournir pour améliorer la santé des habitants de Ngweshe afin d'assurer l'équilibre au sein des familles et allonger l'existence de leurs vies.

4.4. Aspects socioreligieux

Avant l'arrivée des colonisateurs belges, les Bashi de Ngweshe comme les peuples du Rwanda et du Burundi croyaient en un Dieu Suprême appelé respectivement Nyamuzinda (celui qui subsistera après tout le reste) pour les Bashi, Imana au Rwanda et au Burundi. Dans la dynamique de la croyance chez les Bashi, nous pouvons relever deux paliers : la croyance en un Etre-Suprême -Dieu à travers la secte de Lyangombe et l'avènement du christianisme à Ngweshe.

1° La secte de Lyangombe

Dans la conception traditionnelle des Bashi, Lyangombe était un esprit très puissant, mais il n'était pas « Nyamuzinda ». Les Bashi faisaient un culte à Lyangombe dans des circonstances telles que le mariage, le retour de bétail du pâturage, lors de la naissance dans une famille, lors d'un voyage d'un parent, le cas de maladie, de famine, de mauvaise récolte, de grossesse, etc.

Dans le culte à Lyangombe, l'officiant principal est le chef de la famille qui prépare les sièges :

Un siège pour Lyangombe (le chef des esprits), pour Muhima (esprit mâle qui est l'adjoint à Lyangombe), pour Nabinji (esprit femelle), pour Kangere (esprit mâle mais moins important que les deux premiers. Les disciples de Lyangombe étaient appelés des «  Emmandwa » dont les principaux sont ceux cités ci-haut. Il y en avait d'autres de second rang tels que Banganiregeko, Nyakatorogoza, Mushambaza wa banji, Nyakanege, Binege bya Kajumba, etc.

Une fois les sièges préparés, l'officiant apprête les offrandes : bière de banane ou de sorgho, (qui ne peut être bue que par les seules personnes initiées) et beaucoup d'autres aliments présentés pour être bénits et qui seront consommés par les personnes présentes à la cérémonie, le reste pouvant être réservé aux absents.

Le chef de famille (officiant) se met alors à genoux, appelle alors Lyangombe entouré de Muhima, Nabinji et Kangere (les esprits les plus proches à Lyangombe). Il dit sa supplication à Lyangombe tel qu'on s'adresse au Mwami (le chef traditionnel, le roi). Il implore la bénédiction de son fils ou de sa fille qui va se marier, de son troupeau qui rentre du pâturage, la guérison de son enfant ou un bon accouchement de sa femme qui attend famille...Il implore la bénédiction de toute sa famille, la bénédiction du Mwami, celle de son chef direct, celle de ses sujets, voisins et amis... Le chef de famille, après avoir imploré tout ce qu'il avait à demander, il fait des promesses au chef des esprits.

Alors Muhima élève la voix en s'adressant au chef de la famille : « oui, j'ai compris votre adresse et moi je vais dire votre supplication à Rwadata (le père, qui aime ses enfants qui s'adressent à lui pendant les périodes de malheurs.

Ensuite, Nabinji, l'esprit femelle, ajoute : « je suis « Munyere w'Irungu », fille d'Irungu, le siège ordinaire de Lyangombe. Vous avez bien fait en vous adressant à Lyangombe, sinon je détruirais votre village tel que j'ai détruit le village de Kangere ». Kangere est présent, il ne dit rien, mais reçoit les offrandes composées d'une poule blanche.

A la fin de la cérémonie, Lyangombe, pour manifester sa supériorité, se vante et déclare : « C'est moi Lyangombe : Nyamuhigwa makoma mpigulwe empanzi (je suis grand, il me faut me récompenser d'un taureau de vache). A cette parole, ses disciples initiés (Emmandwa répondaient : « Aroro washa » (c'est bien).

Les Bashi tout comme les Banyarwanda ont longtemps vénéré cet esprit. C'était un esprit de terreur, une croyance qui exigeait, à la fois beaucoup de soumission et beaucoup de dons.

Mais d'où était venu Lyangombe. ?

D'après le Professeur Alexis Kagame, « Lyangombe arriva au Rwanda sous le règne de Ruganzu II Ndoli entre 1510 et 1543 en provenance de l'Uganda. Grand magicien ambulant, il arrive au Rwanda accompagné de ses sujets. Son père s'appelait Babinga fils de Nyundo. Sa première rencontre avec Ruganzu II Ndoli eut lieu à Nguli à Bukamba à l'Est du volcan Muhabura. Il obtint, alors du roi, l'autorisation de circuler à sa guise dans le pays. Il se rendait souvent au Burundi. Une fois, il accompagna le roi au cours d'une expédition sur l'île d'Idjwi. Finalement, au cours d'une partie de chasse, il fut tué par un buffle à Kibingo, non loin de l'actuel Butare. Ses compagnons se suicidèrent, alors tous collectivement sur son cadavre ».90(*)

Tout compte fait, les Banyarwanda n'avaient jamais considéré Lyangombe comme un être divin, mais plutôt comme un homme qui jouissait d'une puissance magique. Pour les Bashi, par contre, Lyangombe, selon l'Abbé Mushambarhwa Bacirha, était l'esprit principal et le plus puissant à la cour céleste.91(*)

Les Bashi ont vécu donc pendant longtemps dans cet animisme qui a régulé, façonné leurs vies, leurs modes de comportement, leurs us et valeurs. Dans toutes les circonstances de la vie, ils adressaient à Lyangombe avec tout espoir et avec toute conviction que seul Lyangombe pouvait répondre favorablement à leurs préoccupations et demandes.

2° L'avènement du christianisme

La première mission catholique en chefferie de Ngweshe fut implantée à Nyangezi en 1906. C'est le début de l'évangélisation dans la Province du Sud-Kivu. La deuxième mission catholique, pour la même chefferie est celle de Burhale, créée en 1921. Ces missions vont devenir par la suite des paroisses et vont donner naissance à d'autres paroisses au sein de la chefferie, et à ce jour, on dénombre 7 paroisses catholiques. L'Eglise protestante ne va s'installer que très tardivement vers les années 1950, l'Islam n'est introduit à Ngweshe qu'avec l'intervention la Mission d'Observation des Nations Unies au Congo. Ce sont les troupes pakistanaises qui construisent des mosquées à Burhale, Mushinga et Walungu à partir de 2008 alors que l'Eglise catholique s'était incrustée depuis bien longtemps.

Tableau n° 12 : Les paroisses catholiques de la chefferie de Ngweshe

Nom de la Paroisse

Date de la création

Nombre des fidèles

1.

Cibimbi (Nyangezi)

1906

46 333

 

1. Burhale (Burhale)

1921

46 000

3.

Walungu(Walungu)

1952

43 000

4.

Ciherano (Lurhala)

1961

45 000

5.

Mubumbano(Mushinga)

1987

36 000

6.

Mugogo (Lurhala)

2000

43 000

7.

Kaniola(Kaniola)

1985

38000

 

Total

 

297 333

Source : Plan local de développement de la chefferie de Ngweshe 2010-2014.

A quoi va s'atteler la nouvelle religion dans la région ? Trois principaux axes de      combat vont préoccuper les nouveaux dirigeants au sein de la chefferie :

- L'implantation et le renforcement du pouvoir et de l'administration coloniaux sur toute l'étendue de la chefferie en étroite collaboration avec l'autorité ecclésiastique mais sans aucune prétention d'annihiler totalement le pouvoir du Mwami et de ses notables ;

- Le démantèlement de toutes les croyances, mythes, pratiques, rites, modèles et invocations « paganistes », « primitives », « sauvages », « sorcières », « indigènes », « païennes et «  diaboliques » au sein de toute la population et instauration d'un modèle des croyances axées sur des valeurs chrétiennes strictement européennes. Ainsi, chaque converti à la nouvelle religion est baptisé sous un nouveau nom, le nom de son saint patron qui guide ses pas sur la terre et qui plaide et plaidera pour que son protégé parvienne au ciel, après sa mort. C'est cette phase qui a contribué à l'acculturation du Mushi. On lui a ravi tout : ses croyances, ses modèles, ses chants, ses rites et pratiques, bref, il a perdu son identité et son histoire. Hélas !

-La formation en alphabétisation, en règles d'hygiènes, en méthodes culturales et le tracé des routes : c'est avec la colonisation belge que les premières chapelles-écoles (où l'on apprend à lire, écrire, mémoriser le catéchisme catholique) furent construites ; les premières installations sanitaires, c'est-à-dire des latrines avec orifice circulaire dont la profondeur dépassait rarement deux mètres virent le jour, des champs monoculturales des patates douces surtout et des boisements furent imposées à tous au sein de la chefferie de Ngweshe, et que les premières voies de communication routière furent tracées. Il faut rappeler que tout cela se faisait par contrainte, sur base des coups des fouets et des brimades. Beaucoup d'hommes perdurent leurs vies au cours de ces travaux forcés.

Somme toute, nous estimons qu'il y a eu des brimades, coups des fouets, acculturation, perte de l'identité et de l'histoire, etc. Mais, que serait devenu le Mushi de Ngweshe sans cela ? Tout porte à croire qu'avec la colonisation et bien plus avec l'avènement du christianisme, naquit un nouveau mode de vie amélioré dans le Ngweshe.

La famille s'engage dans une nouvelle dynamique du renouvellement, d'apprentissage à tous les niveaux. Il fallait tout reformer et introduire de nouvelles manières de vivre, apprendre à écrire, à se vêtir, à se soigner et avoir un discours plus cohérent et chrétien. Dès ce moment, la famille va commencer à consommer des discours inhabituels auxquels elle n'est, certes, parvenue à se conformer confortablement. De point de vue, il est clair que le christianisme a été le moteur de la dynamique transformatrice de la famille à Ngweshe.

4.5. Aspects économiques

Trois secteurs économiques prédominent au sein de la chefferie de Ngweshe. Il s'agit principalement de l'agriculture, l'élevage et le petit commerce.

1°. Par rapport à l'agriculture : il y a deux formes d'exploitation agricole : vivrière et        industrielle :

- Agriculture vivrière 

Les cultures vivrières les plus manifestes, par ordre d'importance, sont le bananier, le manioc, , la patate douce, le haricot, le maïs, le sorgho, les légumes, l'igname, la colocase, le soja, la canne à sucre, l'arachide, la pomme de terre, le petit pois, les cultures maraichères. La culture de ces denrées se fait au village autour des cases tandis que les cultures maraichères se font dans les marais. Avec l'explosion démographique, l'espace cultivable s'est rétréci et les habitants ont recouru à l'exploitation des marais (des espaces marécageux et non habités et le plus souvent appartenant à des chefs coutumiers ou au mwami). Le tableau ci-dessous illustre l'exploitation marécageuse à Ngweshe :

Tableau n° 13 : Marais exploitées par les paysans de Ngweshe

Marais

Groupement

ou village

Superficie en hectares

Nombre d'exploitants

Moyenne superficie exploitée par pers. (en ares).

01.

Nyalugana

Ciherano/Lurhala

914

5 877

15

02

Nyamubanda

Karhongo

1 050

4 322

24

03

Chisheke

Walungu

496

2 316

21

04

Cidorho

Burhale/Mulamba

1 276. 7

2 167

58

05

Kanyantende

Karhongo

555

1 750

28

06

Mirhumba

Mulamba

162

816

12

07

Cibabo

Nyangezi

5

500

01

08

Kalangwe

Mulamba/Burhale

2

168

01

09

Nyabunkungu

Nduba

3.5

115

03

10

Ishakishe

Ibona/Izege

14

121

11

11

Kamirandaku

Mulamba

7.8

71

10

12

Misheke

Mulamba

6

52

11

13

Bunkungu

Lurhala/Boya

5

43

11

14

Chihando

Mulamba

5

43

11

15

Kaboza

Mulamba

5

38

13

16

Kashenge

Burhale

3.5

34

10

17

Chama

Ibona/Izege

2

22

09

18

Cigogo

Kaniola

2

19

10

19

Nakanywera

Burhale

2

15

13

20

Buliri

Mulamba

1.5

14

10

 

Total

20

4 518

18 701

24

Source : Rapport du Comité inter marais du Bushi en 2010.

Commentaire :

Ces marais relevant de l'environnement de Ngweshe sont, à travers ce tableau, rangés par ordre des membres exploitant ces marais. Ces espaces représentent au total 4 518 hectares et sont exploités par 18701 personnes, ce qui donne une moyenne de 24 ares par exploitant. Il est sans nul doute que la personne qui exploite un espace au sein du marais travaille au compte d'une famille ou un ménage. Or, au sein de l'entité, la taille moyenne de la famille est de huit personnes ; ce qui revient à dire que seuls 24 ares de terres sont disponibles au ménage pour produire des vivres tels que le haricot, le mais, le manioc et cela pour nourrir plus de huit personnes, soit trois mètres carrés de terres cultivables au profit d'une personne au sein d'une famille. Cet espace est manifestement insuffisant pour nourrir un individu au cours de toute une année, et, ceci est un des facteurs de la malnutrition observée au sein de la chefferie chez les femmes et les enfants.

- Agriculture industrielle

Les cultures les plus répandues sont essentiellement le thé, le quinquina, le bois. Les sociétés qui, à ce jour, sont encore opérationnelles sont : Pharmakina, Irabata, Plantations Gombo, Cibeke. Il y a des particuliers qui excellent dans les mêmes cultures mais beaucoup plus dans le quinquina que dans le thé.

2°. Par rapport à l'élevage : il faut faire remarquer que c'est la vache qui prédomine et constitue pour le mushi l'élevage de prestige. D'autres bêtes domestiques sont la chèvre, le mouton, le cochon, le lapin, le cobaye, etc. Il y aussi parmi la volaille, la poule, le canard, le pigeon, etc.

3°. Commerce

L'insuffisance des terres cultivables a plongé la population dans des activités de fortune. L'on vend de petites choses par ci par là. De ces activités de vente à la sauvette sont nées de centres commerciaux et des marchés. Les centres commerciaux les plus connus sont ; Walungu, Burhuza, Mugogo, Kamanyola, Munya/Nyangezi, Mashango/Burhale, Tubimbi, Madaka/Mushinga, Kaniola, Nzibira/Kaniola.

Quant aux marchés, on en trouve au moins un dans chaque groupement. On peut donc citer les suivants : les marchés de Mudwanga à Walungu, Mugogo à Lurhala, Munya, Lulimpene, Mushenyi et Rucananga à Nyangezi, Musiru à Irongo, Kamanyola à Kamanyola, Mushagasha, Kankinda, Kashebeyi et Luntukulu à Mulamba, Cembeke à Kaniola, Tubimbi à Tubimbi, Burhuza à Burhale, Kalole à Nduba, Kashunju à Lubona, Kajaga à Izege, Cidorhi à Kamisimbi, Kakono à Luchiga, Kalongo , Katudu, Cembeke et Nzibira à Kaniola, Irango à Chiherano, Kasheke à Ikoma.

Outre ces marchés, il faut faire observer qu'il y a d'énormes interactions commerciales entre Ngweshe et la ville de Bukavu dont elle n'est du tout pas éloignée sauf pour les groupements de Mulamba, Tubimbi, Mushinga, Luchiga ( distancés environ de 60 Kms). Le commerce se fait aussi dans les territoires à exploitation minière, notamment dans les territoires de Mwenga et Shabunda. Les Bashi approvisionnent en produits de première nécessité ces territoires enclavés.

Il faut faire remarquer que 40 % de la population masculine jeune de Ngweshe est dissimulée à la recherche de l'or, le coltan et la cassitérite, au sein de ces deux territoires précités. Bon nombre des familles sont privées pendant de longs mois de leurs pères de famille. Ce commerce entre le Bushi avec les territoires frontaliers a provoqué une assimilation des cultures entre les peuples Barega et Bashi mais aussi une instabilité au sein des familles de Ngweshe pour deux raisons majeures.

La première consiste en cette absence très prolongée de père qui peut aller au - delà de trois ans. Certains en ont fait cinq ans et plus. Pendant ces absences, certaines épouses ont fait des enfants hors mariage, d'autres se sont purement prostituées, les enfants n'ont pas été bénéficiaires d'une éducation équilibrée. Du coté des époux absents, certains reviennent avec d'autres femmes épousées en Urega, d'autres n'amènent que des enfants qu'ils ont engendrés avec les femmes rega.

La deuxième consiste en ce problème d'intégration sociale dans cette recomposition familiale brusque. Comment intégrer cet enfant dont la mère est restée à Shabunda (ou dans un autre terroir) dans la nouvelle famille où il ne connaît et n'est connu que du père ou la femme rega amenée dans la communauté Bashi, dans un nouveau mode de vie diamétralement opposé au mode de vie du territoire d'origine ? Encore fautil dire qu'une fois l'enfant ou la femme déposée, celui qui les a amenés ne reste pas avec eux, il reprend son voyage et ne revient pas aussitôt. Tous les problèmes émanant de ces « intrusions familiales » ne sont réglés que superficiellement étant donné l'absence de l'acteur principal : le père de la famille. Et même lorsqu'il est sur place, le problème d'intégrer les nouveaux individus ne lui est pas toujours facile.

Ce système migratoire a abouti aux phénomènes tels que la « sorcellerie », les enfants de la rue et dans la rue, l'abandon de famille, la perte de confiance dans le foyer, la méfiance, la désintégration sociale, etc.

En outre, l'on se souviendra qu'aux législatives de 2006, le Territoire de Walungu avait cinq sièges aux Parlement national de la RDC et Provincial du Sud-Kivu contre trois sièges pour le Territoire voisin de Mwenga et un seul siège pour le Territoire de Shabunda. En 2011, pour des élections consécutives, Walungu et Mwenga étaient ex- quo avec quatre sièges alors que Shabunda montait en force avec un siège de plus qu'en 2006. Cet aspect et bien d'autres démontrent que le Territoire de Walungu ne fait que se vider de sa population à travers un exode urbain très prononcé et un autre exode orienté vers les carrés miniers. Il faudra du temps pour pallier de tels phénomènes d'exode au sein de la chefferie.

4.6. Aspects politico-administratifs

La chefferie est dirigée par le Mwami en collaboration avec les seize chefs des groupements. Comme entité décentralisée, elle exécute les ordres émanant du Ministère de l'intérieur et décentralisation tant au niveau provincial que national.

4.7. Aspects généalogiques dans l'administration de la chefferie

A travers un tableau, nous reprendrons la succession des bami tels qu'ils se sont succédé depuis les origines jusqu'à nos jours. On apprend, de par un mythe, qu'une reine mère du nom de Namuhoye avait mis au monde huit enfants. Ce sont : Kabale, Narhana, Kalunzi, Naburhinyi, Lubobolo, Nnaninja, Kadusi-Ngombe et Nyibunga (la seule fille du groupe). On ne connaît pas celui qui fut son mari, ni ses parents, ni l'époque à laquelle elle a vécu, ni ses contemporains, ni le lieu précis de sa demeure bien que le mythe précise l'actuel territoire de Mwenga. Partis de Luindi, dans l'actuelle Chefferie des Basile, ces enfants se dispersèrent et chacun forma sa dynastie. La dynastie du Bushi provient de l'aîné Kabale dont un des fils se révolta et forma la dynastie de Ngweshe.

Tableau n° 14 : Généalogie des bami de Ngweshe

Année

Nom du Mwami

Epouse (s)

Enfants

 

Kagweshe Bagweshe

M' Nakaya

Muhive, Bugabo et Nakwezi (fille)

1697

Muhive

M'Chokola, M'Niganda

Kwibuka

1700

Kwibuka

M'Mude, M'Chocha, M'Ntambirhi, M'Bahizi, M'Bushengwa

Kaserere, Birali, Kalangiro, Kayumpa, Muzuka, Chishanjaga, Mushengezi, Nfumba

 

Kaserere

M'Bushengwa, M'Ntambirhi

Weza, Lunjwire, Cibibi, Kirherero, Nchuranganya, Nshasi, Kahu, Cishanjaga

1740

Weza Ier

M'Malibwe, M'Bugarha, M'Wansinda

Bicinga, Muyangwa, Mwaga, Murhandikire, Miga, Mpango, Murhole, Ndeko, Bihinda, Cidurha- Mazi, Zagabe, Ntabana, Nanzobe (F)

1766

Bicinga

M'Mugula, M'Nalwindi

Chirimwentale, Chizihira, Irenge, Bagweshe Barhahera, Maramuke (F), Nanzobe (F)

 

Chirimwentale

M'Chibangu, M'Kahunzi- Kasigwa

Chirhahongerwa, Kwibuka, Chihonzi

 

Chirhahongerwa

M'Naluganda, M'Nabushi Makombe Namwigamba, M'Baderha, M'Mugwa, M'Nyalembe, M'Kahunza.

Rugenge, Nyangezi Kasole Lukula, Masonga, Bingane, Ruhoya, Kasaza, Nkinzo, Rusengo, Lubarhuza, Chiherano Engombe, Chiruzi.

1863-1887

Rugenge

M'Musiwa, M'Nfizi, M'Bwanishi, M'Cishanjaga, M'Munandi

Lushamba, Rubenga, Namukama, Machumu, Makungu, Murhesa, Mutijima, Muchiga, Mutuzi, Cirimwami, Nduru, Kahwijima.

Mort en 1886

Lushamba

M'Kasholero Nakaliza, M'MuyangwaI M'MuyangwaII M'Rugina, M'Chibogo, M'Mutebuka.

Lirangwe, Ntonde, Karhibula, Bizimana, Cinegena, Mulimba, Muliri, Kalunga

1888

Lirangwe

M'Ciragira-Niganda Nakese, M'Bihinda, Mugenye M'Ciroyi ca Mushengezi

Ruhongeka, Lulanga, Bahirwe, Muhyahya, Cirezi, Namunene.

1891

Ruhongeka Matabaro

M' Karholero Elisabeth, M'Ntogosa, M'Kasha, M'Cibibi, Njimbi M'Mutalemba, M'Chiraba, M'Nakalonge, M'Lukula lwa Kahu, M'Rudahindwa

Mafundwe, Lwanwa, Kasigula, Rutega, Vuningoma, Charangoma, Kamwami, Bamanyirwe, Ntabikunzi, Ntangano, Chitunga, Chikalasha-Balagizi, Bashige, Mushengezi.

1913-1937

Mafundwe Weza II

M'Rudahindwa, M'Kasha, M'Namushiha, M'Muganga, M'Nyampumba

Muhigirwa, Mutaga, Byumanine, Nvanamirihyo, Bachiganze, Kurhengamuzimu, Lwambirhe

1937

Muhigirwa

M'Mugaruka Astride, M'Bugarha bwa Wasinda, M'Makungu, M'Malekera.

Ndatabaye Pierre, Bigirinama Herman, Mamimami, Nyakasane Juvenal, Namunyere Benedicta(F), Cizigire Philomène, Mbonwa Willermine, Ntakwinja

1933

Ndatabaye Pierre Weza III né en 1930.

M'Bshizi Lusiko, M'Ndegesi, M'Rudahindwa, M'Katindigiri, Elite

Mubalama Safari Claude, Patrick, Abraham, Mitima Erindangabo Kurhengamuzimu, Aganze Moise, Sara, Roxane Ayagirwe, Paola, Philomène Ashokole, Pamela, Annuciata, Atukuzwe Naweza

Source: Ces données émanent d'Alphonse Ntawigena mwene Cishunjwa, elles proviennent d'une compilation de données offertes par Paul Masson, Burume Lwigulira et d'autres sources orales.

Interprétation.

On peut constater à travers cette généalogie que les familles des bami de Ngweshe sont des familles polygynes. À moyenne chaque mwami aurait épousé cinq femmes. Un autre constat est que les filles sont médiocrement inventoriées. Sur environs 106 enfants garçons, dans quinze successions royales, on a seulement pris en considération 14 filles. On se trouve, ici, dans une culture du type hébraïque où seuls les garçons étaient pris en compte dans la progéniture, la succession familiale et le patrimoine familiaux.

Cette considération de la femme n'est pas propre aux seules familles royales, mais c'est un élément culturel pour toutes les familles de la chefferie. Elle a des répercussions négatives sur l'épanouissement de la femme, sur l'héritage familial (où la fille n'est pas du tout prise en compte) et sur le recouvrement de ses droits dans le milieu. Bien qu'à ce jour la situation tend vers une certaine atténuation, on retiendra qu'aucun homme ne se trouve heureux de ne n'avoir engendré que des filles. Pourtant, les parents gagnent plus par leurs filles que par leurs garçons. Des interventions matérielles et financières proviennent régulièrement de la fille mariée vers ses parents, sans laisser en compte les valeurs dotales qui ne sont pas de moindre valeur. Il y a cependant des avancées : dans certains cas, une fille peut hériter les biens de son père et ceci lorsque la famille n'est composée que des filles seulement, alors qu'auparavant, les filles nées d'une famille sans garçon étaient amenées, après la mort de leur père, à la cour du roi où elles étaient considérées comme des simples servantes.

Cette innovation dans la considération de la fille au niveau familial relève du contact que nous avons eu avec l'Occident et plus spécialement l'Eglise et l'Ecole. La famille, en fait, a été transformée par la scolarisation92(*) et la religion. En effet, l'on peut se poser la question de savoir que serait devenue la famille sans ces aspects scolaire et religieux. L'école et la religion ont balisé le gouffre d'ignorance et d'animisme dans lequel était plongée la famille de Ngweshe. De ce fait, la dynamique familiale repose essentiellement sur ces deux aspects bien que d'autres entrent en compte.

En effet, pour François de Singly, « le capital dominant aujourd'hui est le capital scolaire : la société est régie par un mode de production à composante scolaire. Le titre scolaire cesse d'être un attribut statutaire pour devenir un véritable droit d'entrée. L'école et le corps, le groupe social que l'école produit en apparence ex nihilo et à partir de propriétés, elles aussi liées à la famille, prennent la place de la famille et de la parenté, la cooptation des condisciples sur base des solidarités d'école et de corps jouant le rôle qui revenait auparavant au népotisme et aux alliances matrimoniales »93(*).

Abondant dans le même sens que cet auteur, nous reconnaissons que la Famille, l'Ecole, l'Eglise, la Société sont les principales instances de la socialisation. C'est à travers ces instances que se développent des formes de parenté qu'elle soit génitale, volontaire ou sociale, c'est-à-dire, selon qu'on est lié par le sang, selon qu'on se choisit et qu'on s'accepte mutuellement ou alors que l'on se retrouve ensemble partageant un même espace vital et même professionnel. La famille et l'école forment l'homme et ce dernier se réalise à travers ces deux systèmes sociaux, lesquels forgent, déterminent et assurent l'individu.

Conclusion partielle

Ce chapitre a été celui de la présentation de notre cadre expérimental et qui a abordé les aspects liés aux milieux physique, socioculturel, économique et politique de la chefferie de Ngweshe et qui a brièvement démontré que la dynamique familiale dont il est question dans cette étude relève essentiellement des apports de la famille elle-même, de l'école et de l'Eglise. Ce chapitre présente la chefferie de Ngweshe comme une véritable société : la chefferie dispose des éléments matériels : un territoire de 1599 Km2 et une population de plus ou moins 601306 habitants.

La chefferie dispose aussi des éléments formels tels que la relation, l'activité, la conscience collective et un système des conduites sociales ou l'institutionnalité.

En effet, c'est à travers la relation que les acteurs sociaux tissent des liens de diverses sortes. Le concept d'environnement social, peu développé dans cette thèse, provient exactement de relations entretenues entre différents peuples vivant sur des territoires voisins ou environnants. Ainsi, Ngweshe comme entité sociale, politique et administrative dispose d'autres environnements sociaux, politiques et administratifs. C'est par exemple, les chefferies environnantes de Kaziba, Burhinyi, Luhwinja, Basile, Kabare, Nindja, la ville de Bukavu... L'environnement urbain influe considérablement sur les comportements des individus au sein de la chefferie. Bukavu joue un rôle important dans le vécu quotidien des habitants de son hinterland. Un environnement social peut être hostile ou favorable, agonistique ou irénique, de tendance belliqueuse ou pacifique. Autant l'on doit s'adapter à l'environnement physique, autant l'on devrait s'adapter à l'environnement social, mais ce dernier n'offre pas toujours beaucoup d'opportunités d'adaptation, car deux peuples peuvent se rejeter mutuellement ou développer des tensions en leur sein du fait de ne pas se convenir sur certains aspects.

L'activité confère à l'entité son identité patrimoniale. Un peuple ne développe son historicité que de par et avec son travail.

Quant à la conscience collective, elle apparaît comme le ciment relationnel au sein d'une communauté. Elle tire ses origines dans le niveau de socialisation et d'intégration sociales. Plus la socialisation et l'intégration sociales sont fortes, manifestes, plus la conscience collective est élevée. Enfin, toute société fonctionne sur base des règles et principes qui réglementent les conduites sociales. Ainsi, la famille, le mariage, la langue, la dot, la religion sont institutions au sein de notre univers en étude, de véritables corps des règles auxquelles les individus sociaux se référent pour, penser et agir.

Après un tel parcours, il importe d'identifier les ressources dont dispose la chefferie, lesquelles constituent le patrimoine des familles et dont elles doivent se servir pour leur émergence socio- économique.

Chapitre cinquième

EVALUATION DES RESSOURCES ET TYPOLOGIE DES FAMILLES

INTRODUCTION

A travers ce chapitre, nous allons soumettre à des analyses les ressources disponibles par secteurs d'intervention ; identifier les problèmes réels, les facteurs qui les entrainent, leurs conséquences sur les populations, les ressources disponibles pouvant contribuer à l'éradication du problème et les pistes des solutions. Etant donné que ces ressources existent pour et par les familles, bénéficiaires potentielles, nous allons procéder, à l'issue de cet inventaire à présenter d'une manière typologique les familles telles qu'elles apparaissent, vivent et agissent sur le terrain.

5.1. EVALUATION DES RESSOURCES

Tableau n° 15 : Evaluation des ressources par secteur d'interventions

Domaines ou secteurs

Problèmes

Facteurs

Conséquences

Ressources

Solutions

VIH/SIDA

Insuffisance d'information et de sensibilisation

-Enclavement

-coutumes et mythes

-insuffisance des centres de dépistage volontaire

Risque d'exposition à de nouvelles contaminations

-Présence des structures de santé

-Présence des associations de lutte contre le VIH/SIDA

-Existence de la loi portant sur protection des PVV

-Présence des molécules d'ARV

Renforcer la sensibilisation, diversifier les centre de dépistage et disponibiliser les préservatifs et les ARV

ENERGIE

Manque de courant électrique ou faible couverture en desserte en courant électrique

Non exploitation des ressources existantes ou insuffisance des cabines

Faible entrepreneuriat, non accessibilité à certains outils modernes, destruction de l'environnement

Rivières et chutes abondantes ; existences des barrages de Ruzizi I et II et projet de construction de Ruzizi III. ; transformateurs non installés, Maisons en matériaux durables

Alimenter les entités non desservies en courant ; promouvoir d'autres énergies ; construire des micro-barrages ; octroyer d'autres cabines à la population

EDUCATION

Infrastructures scolaires insuffisantes, vétustes, non viables et non équipées.

Enseignants peu qualifiés

Démographie croissante ; non réhabilitation ; guerres ; pillages ; destruction par les bandes armées et d'autres groupes inciviques

Pléthore dans les salles des classes ; baisse du niveau d'instruction ; relance de l'alphabétisme

Ecoles disponibles ; population à l'âge scolaire ; les enseignants ; espaces, matériaux et main-d'oeuvre disponibles pour construire des écoles

Réhabiliter et construire les écoles ; créer des centres d'encadrement et de récupération des jeunes désoeuvrés, des centres des métiers. Favoriser l'accès à l'école pour tous et à tous les cycles éducatifs.

SANTE

Soins de santé de peu de qualité

Enclavement des villages ; structures sanitaires très éloignés ; faible revenu ; structures médicales peu ou pas équipées et non subventionnées ; personnel médical peu qualifié et non spécialisé ; maternités insuffisantes et peu équipées ; point d'ambulances ; rareté des médicaments ; conditions hygiéniques délabrées...

Mortalité élevée ; automédication ; recours au traitement traditionnel ou par la prière ; longues distances à parcourir ; décès et accouchement en cours de route ; structures de santé non viables, non équipées, sans eau ni électricité. Mauvaise qualité des soins de santé

Existence des structures de santé et des mutuelles de santé à travers toute la chefferie ; sources non aménagées

Désenclaver les villages ; réhabiliter et équiper les structures sanitaires et les doter d'un personnel qualifié et spécialisé ; les doter des ambulances et médicaments appropriés ; éduquer la population sur la qualité des soins, les risques d'automédication et l'esprit trop théologique en cas de maladies

TRASPORTS ET VOIES DE COMMUNICATION

Délabrement des routes de desserte agricole et inter chefferie et inexistence de routes

Manque de routes ; mauvais entretien ; manque d'outils, de moyens et du personnel de cantonnage ; faible implication de l'Etat, découragement de la population aux travaux collectifs sur les routes

Enclavement des villages ; difficultés d'échanges et de communication ; accidents de circulation ; insécurité

Existence des tracé routiers et des ponts ; mains d'oeuvre et matériaux de construction ; volonté de la population d'améliorer le réseau routier

Réhabiliter, tracer les routes de desserte agricole, construire des ponts solides, entretenir un service permanent de cantonnage manuel, financer l'entretien. du réseau routier

EAU ET ASSAINISSEMENT

Manque d'eau potable ; conditions hygiéniques précaires

Insuffisance des sources aménagées ; insuffisance d'adductions d'eau ; imperméabilité de la population à bouillir l'eau et inobservance des règles d'hygiène ;

Maladies d'origine hydrique ; longues distances à la recherche de l'eau (souvent sale) ; insalubrité, maladies de mains sales ; viols

Sources d'eau disponibles ; rivières ; quelques adductions d'eau ; services de santé ; les écoles et les Eglises.

Aménager des sources potables à travers tous les villages ; alléger les travaux domestiques ; assainir les villages, construire des latrines, des dépotoirs publics.

COMMERCE

Manque de marchés modernes ; faibles revenus ; faibles capitaux financiers ; coopératives peu compétitives

Espaces insuffisants ; capitaux financiers précaires

Handicap d'évolution dans les échanges ; difficulté de circulation de la monnaie ;. dépendance économique...

Existence des produits d'échanges, des besoins et de petits marchés et d'importantes activités commerciales

Construire mes marchés modernes et mettre sur pied des mesures sécuritaires durables

AGRICULTURE ET ELEVAGE

Persistance de modes traditionnels ; peu de terres arables ; faible drainage des marais, pâturages réduits ; appauvrissement des terres cultivées, manque de jachère ; insuffisance de cheptel, ressources piscicoles et

prédominance de la monoculture

Persistance des modes traditionnels de culture et d'élevage ; persistance des maladies (ex. la mosaïque du manioc et du bananier

Carence alimentaire ; malnutrition ; insécurité alimentaire

Population laborieuse et à vocation essentiellement agricole ; espaces et climat appropriés

Former, sensibiliser les populations sur les nouvelles techniques et modes de cultures et d'élevage ; vulgariser les nouvelles semences améliorées, octroyer des engrais et des outils appropriés...

ENVIRONNEMENT

Déboisement incontrôlé ; feux de brousses ; éboulements et inondations

Déboisement incontrôlé ; feux de brousses ; éboulements et inondations

Perturbations climatiques ; érosions ; appauvrissement du sol

Espaces magnifiques (montagnes, collines, vallées et vallons), boisements, verdure ; associations de protection de l'environnement et service technique de l'environnement.

Protéger l'environnement ; reboiser les collines, les vallées et vallons ; redynamiser et renforcer les capacités du service de l'environnement au sein de la chefferie.

CULTURE, SPORTS ET LOISIRS

Acculturation, insuffisance et mauvais état des infrastructures sportives et culturelles ; point de salles polyvalentes.

Perte des acquis culturels shi ; insuffisance des partenaires d'appui aux activités sportives ; attrait au seul sport du football ; point de bibliothèque ; perte du niveau éducatif scolaire ;

Perte d'identité culturelle ; régression des activités culturelles ; non encadrement de la jeunesse.

Existence de certains conservateurs de la culture bashi ; existence de terrains des jeux ; présence de la jeunesse, des salles de spectacle et du centre culturel Ndaro (cadre culturel bashi).

Replacer le mushi dans sa culture ; construire des infrastructures culturelles ; créer des bibliothèques et intéresser tout le bashi au centre culturel bashi (centre culturel Ndaro).

ARTISANAT

Faible production des activités artisanales.

Fort attrait aux activités d'extraction minière ; désintéressement aux activités artisanales ; manque d'appui dans ce domaine.

Perte de la culture et recours aux produits manufacturés étrangers.

Existence des ressources locales et des intrants et des ressources humaines pour les activités artisanales.

Promouvoir les activités artisanales, mettre en place des centres d'encadrement des jeunes à l'artisanat.

TOURISME

Insuffisance des activités touristiques

Sites touristiques non aménagés ; insécurité, insuffisance et mauvais état des infrastructures hôtelières et d'accueil.

Manque à gagner pour la chefferie et le secteur privé, non promotion et valorisation des potentialités de la chefferie.

Existence des sites touristiques (montagnes, eaux thermales...) et des infrastructures hôtelières et d'accueil.

Promouvoir les activités touristiques ; construire et améliorer les infrastructures d'accueil et hôtelières...

TELECOMMUNICATION

Faible couverture de réseau téléphonique, faible accès à l'information

Faible signal des antennes téléphoniques (airtel, cct, vodacom) ; incapacité de suivre les chaines de télévision.

Difficulté de communication, désenclavement, désinformation.

Existence des opérateurs téléphoniques

Et des consommateurs potentiels et des radios communautaires

Renforcer le signal et installer d'autres antennes pour une couverture satisfaisante téléphonique et médiatique.

GOUVERNANCE

Faibles capacités des cadres au sein des groupements ; mauvaise gestion des entités ; insuffisance et mauvais état des infrastructures administratives.

Faible capacité intellectuelle ; recrutement sur base des liens familiaux ; inefficacité et impunité ; manque d'entretien des bâtiments et vieillissement ...

Inefficacité dans les services

Présence des partenaires et des jeunes cadres demandeurs d'emploi ; existence des espaces de l'Etat prêts à être bâtis.

Renforcer la capacité du personnel au sein de toute la chefferie ; réhabiliter et/ou construire de nouveaux bâtiments.

HABITAT

Etat de précarité

Faible revenu ; conditions climatiques fort favorables

Exposition aux risques d'incendies ; maladies ; non urbanisation des entités

Grands espaces propices à la construction ; matériaux de construction disponibles

Appuyer la construction des bâtiments décents ; urbaniser le milieu.

INDUSTRIE

Activité industrielle presque inexistante.

Manque d'unité de transformation.

frein au de développement ; accroissement du taux de chômage ; non valorisation des produits locaux.

Présence des potentialités minérales et agropastorales.

Promouvoir un environnement favorisant l'industrialisation au sein de la chefferie ; diversifier de petites unités de production.

INSECURITE

Présence des groupes armés et milices diverses sur le territoire.

Conflits ethniques au Rwanda et dissémination des armés et minutions à l'Est de la RDC.

Pillages, viols, assassinats.

Conscience et population jeune.

Renforcer la conscience collective.

Source : ces données sont celles recueillies par nous-mêmes et combinées avec celles du Plan local de développement de la Chefferie de Ngweshe.

Commentaire :

Les données regroupées dans le tableau ci-dessus peuvent être passées en revue très brièvement pour s'imprégner de la réalité sur le terrain. La famille de Ngweshe, dans sa dynamique doit se battre sur dix-huit fronts : le VIH/SIDA, le manque d'énergie, les problèmes liés à l'éducation des jeunes, la santé, le manque des moyens et les voies de communication, le défi lié à l'eau et l'assainissement, le commerce, l'agriculture et l'élevage, l'environnement, la culture / sports et loisirs, l'artisanat, le tourisme, la télécommunication, l'habitat, l'industrie et l' insécurité :

1°. Le VIH/SIDA

L'épidémie du VIH/SIDA sévit en République Démocratique du Congo depuis déjà trois décennies ; sa prévalence est élevée, elle est de 3,2 %. Mais elle pourrait aller en hausse car plusieurs bailleurs des fonds se retirent de la RD Congo, ce qui risque de priver de beaucoup de patients l'accès à des anti-rétro-viraux. Il faut donc, estime MSF, renforcer le plaidoyer international et la sensibilisation en faveur de la RDC. C'est un cri d'alarme que lance cette ONG internationale. Déjà, seul un malade sur dix en RD Congo dispose de l'accès aux ARV. Il est vrai que la prévalence y est faible en comparaison avec d'autres pays, notamment l'Afrique du Sud, « mais je pense justement que c'est là où il faut agir pour éviter que la prévalence n'augmente », estime Corine Benazech, Coordinatrice du programme VIH/Sida au sein de MSF. Pour le moment, seule la Banque mondiale va permettre l'achat des médicaments pour les trois prochaines années, selon MSF. Mais il faut continuer à faire le plaidoyer pour la RDC, sensibiliser et voir d'autres possibilités de fonds intermédiaires, renchérit Corine Benazech ».94(*)

La tranche d'âges la plus affectée est celle de 14 -30 ans et la maladie ne fait que s'étendre à tous les âges. Bien de facteurs justifient la propagation de la maladie

- La précarité économique : les jeunes filles et femmes, pour faire face à certains de leurs besoins vitaux (alimentation, habillement, soins corporels et sanitaires) se donnent très facilement à la consommation du sexe avec des partenaires inconnus.

- Le manque d'usage de préservatifs : l'usage du condom est rare, la population n'est pas tellement perméable à l'usage des préservatifs, mais en même temps, ils ne sont pas disponibles partout. A l'exception de certains centres de négoce, il est difficile de trouver un préservatif dans un village. En outre, 75 % d'hommes interrogés à ce sujet, estiment que le condom n'offre pas la satisfaction sexuelle attendue : « il en est de même de 30 % de femmes qui estiment que le besoin sexuel est comparable à une soif naturelle. Il faut sentir l'eau fraîche couler sous la gorge pour étancher la soif. Quel plaisir sortirait-il d'un vagin sec et non imbibé de ce liquide que recherche toute femme en chaleur, déclarent-elles »!

- Les multiples cas des viols : le phénomène « viol » a atteint son paroxysme au sein de la chefferie de Ngweshe depuis l'année 2000 avec l'occupation de cette entité par des bandes armées et milices de tout genre. Mais comme le mal se répand plus que le bien, même dix ans après la guerre, le phénomène de viol ne fait que s'exacerber. Nul ne connaît le dessein de celui qui viol. Si c'est pour un plaisir sexuel, personne ne violerait une enfant de moins de trois ans, car, pour paraphraser Delare, le plaisir sexuel ne provient et n'existe qu'à travers le « le face à face » entre les deux partenaires sexuellement engagés. Il semble que certaines personnes, se reconnaissant malades du SiDA, s'engagent à répandre la maladie même à des personnes très jeunes.

- Les carrés miniers : ce sont des endroits où circule l'argent et, curieusement, l'immoralité y est très manifeste. Là, le sexe se vend et se consomme délicieusement et comme on y trouve plus d'hommes que de femmes, les hommes font réellement une véritable chasse aux femmes et vice versa. De tous les carrés visités (Mukungwe, Kaji, Luntukulu,) et des centres de négoce tels que Nzibira, Kashebeyi, Tubimbi, Madaka, Burhale, Burhuza, nulle part, on ne trouve des préservatifs en vente dans les boutiques.

- Le non approvisionnement des centres des centres de santé : tous les centres de santé enquêtés sont en rupture de stock et d'approvisionnement des préservatifs depuis six à 12 mois.

- La mobilité et l'absence prolongée des maris loin de leurs familles : beaucoup des bashi vivent actuellement du commerce, le sol étant devenu infertile. Les hommes vont en territoire de Shabunda, Mwenga, Fizi, Nord-Katanga à la recherche de minerais. Ils y passent beaucoup de temps. Leurs femmes restent seules. Et donc, aussi bien du côté des maris absents de leurs foyers que du côté des femmes restées à la maison, il se passe des rapports sexuels non protégés qui exacerbent la pandémie du VIH/SIDA au sein des foyers.

2°. L'énergie électrique

Nous nous conviendrons tous sur le fait que la chefferie de Ngweshe ne s'engagera sur la voie du progrès que lorsqu'elle sera desservie en énergie électrique. Or, en cette année 2012, seuls deux centres (Walungu-centre et Nyangezi) sont desservis en courant électrique et cette desserte n'est que médiocre car elle ne concerne pas tout le Groupement, mais quelques maisons le long de la route au sein de ces deux centres.

La chefferie dispose, cependant, d'une importante ressource hydroélectrique si les chutes, en son sein, étaient mises à profit dans la construction des barrages. C'est le cas des chutes de Nyanganda, Kazinzi, Kahungwe... La seule chute de Nyanganda (Groupement de Mulamba) peut alimenter toute la chefferie et même les chefferies voisines de Kabare, Nindja et Burhinyi. Elle pourrait produire 10 méga watts. Or, aucun projet de construction de barrage ne pointe à l'horizon. Il faudra encore un long moment pour que la chefferie soit desservie en énergie électrique.

3°. L'Education

L'éducation est le fondement de toute société. Ainsi, chaque communauté doit pourvoir à l'éducation de ses jeunes enfants afin d'assurer la relève des adultes instruits ou pas et perpétuer la vie de la communauté.

Conformément au DSCRP national, le taux brut de scolarisation au degré primaire a connu une forte régression, soit de 92 % en 1972 à 64% en 2002 ; au secondaire, elle est estimée à 29% en 2001-2002 contre 26% en 1977-1978.

Actuellement, le degré scolaire primaire, bien que caractérisé par une forte croissance démographique, n'a pas encore pris en son sein tous les effectifs scolarisables. Il s'observe encore un grand nombre d'enfants hors de l'école, des enfants dans des zones insécurisées, de faibles compétences d'enseignants, le manque des matériels pédagogiques, une insuffisance d'infrastructures scolaires et un coût élevé de la prime des parents aux enseignants par rapport à leurs revenus. Tous ces éléments constituent un défi pour l'Etat congolais en général et pour la chefferie de Ngweshe en particulier.

Pour ce qui concerne la chefferie de Ngweshe, la scolarisation apparaît de la manière suivante, à travers le tableau ci-dessous :

Tableau n° 16: De la scolarisation en Chefferie de Ngweshe

 

(1)

(2)

(3)

(4)

Cycles

Nombre/écoles

Effectifs scolarisables

Effectifs scolarisés

1

Maternel

26

56 558

853

2

Primaire

206

199 896

9 720

3

Secondaire

78

170 289

4 563

4

Supérieur

07

56 038

672

 

Total

317

539 340

15 808

Source : le nombre d'écoles émane du Bureau de développement de la chefferie, tandis que les colonnes 3 et 4 retracent les effectifs cumulés dans la tranche d'âges concernée par le cycle de scolarisation. (Voir p. 136).

Figure n° 7 et 8 : Les effectifs scolarisables et les scolarisés

Interprétation :

Les données sous analyse concernent les tranches d'âges de 0-26 ans. Etant donné que les effectifs scolarisables au niveau maternel se situent entre 3 et 5 ans et du fait que les mêmes données démographiques ne concernent pas un âge précis mais plutôt une tranche d'âge d'une amplitude 4 ou 5, nous avons divisé par deux les effectifs du niveau maternel. Tout compte fait, il est à remarquer que la scolarisation est encore très faible à travers la chefferie de Ngweshe. Des efforts devraient être fournis pour scolariser le plus grand nombre de personnes possibles. Nous reconnaissons cependant qu'il y a bien d'autres enfants de la chefferie qui suivent les cours en dehors de l'entité. Mais, que ce dénombrement de la population ait porté sur une population de fait ou de droit, il est visible que le taux de scolarisation, à tous les niveaux, demeure encore insignifiant.

4°. La santé

Selon le Bureau de développement de Ngweshe, si l'on se base sur quelques indicateurs sanitaires tels que le taux de mortalité, la malnutrition, la recrudescence des maladies telles que le VIH/SIDA, le paludisme, la verminose, les infections respiratoires, la chefferie demeure un milieu où il ne fait pas beau vivre. Le système des services de santé organisé sous forme d'une pyramide à trois niveaux (Zone de Santé, Hôpital Général de Référence et Centre de Santé) nécessite un renforcement régulier de capacités.

En somme, tel que décrit plus haut, la chefferie de Ngweshe (avec une population de plus de 601 306 mille habitants) ne dispose que de 5 hôpitaux, 2 centres hospitaliers, 61 centres de santé, le tout pour un total de 403 lits et 20 médecins, soit en moyenne 30 065 personnes par médecin. C'est énorme et aucun médecin ne peut être efficace en pareil cas

Il y a donc un problème réel qui se pose au niveau des soins de santé et de la prévention. C'est ce manque de prévention qui est un facteur de propagation de toutes les maladies dites des mains sales (choléra, fièvre typhoïde). Quant aux soins, ils ne peuvent être que précaires étant donné l'insuffisance des formations sanitaires, du personnel soignant, le manque des médicaments et l'éloignement du patient vis-à-vis des professionnels de santé. Les longues distances à parcourir à pied provoquent des décès, des accouchements à la maison et en cours de route. La facture des soins est aussi un cauchemar pour le malade du fait de la pauvreté qui sévit dans le milieu. L'objectif, ici, doit être celui de rapprocher le malade du personnel soignant, ce qui implique, naturellement la diversité et un équipement adéquat des formations sanitaires à travers toute la chefferie.

Avec le système des mutuelles de santé initié par le Diocèse catholique de Bukavu à travers son Bureau Diocésain des OEuvres Médicales (BDOM), certaines familles peuvent accéder aux soins de santé avec une réduction des frais à 80 % si l'on a été hospitalisé et à 50% pour des soins ambulatoires. Six problèmes majeurs se posent pour le fonctionnement des mutuelles de santé :

- La sensibilisation de la population à adhérer aux mutuelles de santé 

- Le manque de cotisation annuelle : la famille n'est toujours pas capable à faire adhérer tous ses membres.  (Ce sont des politiciens qui pour des fins électorales, ont fait adhérer un grand nombre des personnes pour une année en 2006 et 2011) 

- L'intervention territoriale limitée au seul Diocèse catholique de Bukavu pour tous les abonnés ;

- L'intervention ne concerne que les malades internés uniquement dans les salles d'hospitalisation publique et ne prend pas en compte toutes les maladies

- La taille de ménage très élevée ne permet d'affilier toute la famille : le taux d'affiliation est de 3 à 3.5 dollars américains par membres de la famille au sein de Ngweshe

- L'immensité de l'espace est un facteur de dysfonctionnement pour les mutuelles de santé : au sein de tout le Diocèse de Bukavu fonctionnent 21 mutuelles de santé ci-reprises avec les années respectives de création : Idjwi Sud(1997), Idjwi-Nord(1998), Kalehe (1999), Nyantende(2001), Kadutu(2003), Ciriri(2003), Etudiants(2005), Bagira (2006), Katana ( 2007), Birava (2007), Ibanda (2008), Kamanyola (2008), Murhesa(2008), Kabare (2009), Walungu (2010), Mubumbano(2010), Nyangezi (2011), Chai (2011), Luvungi ( 2012), Uvira (2012) et Burhale (2012).

Source : Dépliant des Mutuelles de santé (Kuhusu miungano ya afya ya jimbo la Kivu la kusini).

On dénombre, ainsi, au sein de toute la chefferie de Ngweshe seulement quatre mutuelles de santé  qui d'ailleurs ont débuté très tardivement par rapport à d'autres milieux. Il s'agit de mutuelles de santé de Walungu(2010), Mubumbano(2010), Nyangezi(2011), et Burhale(2012).

5°. Transports et voies de communication

Les routes, à travers la chefferie sont en très mauvais état et ceci complique la circulation des personnes, les échanges et favorisent l'insécurité. Nous relevons, ici, le cas de quelques tronçons routiers de desserte agricole en délabrement très avancé :

- Mugogo-Ciherano- Mushinga- Lubona (35 Kms)

- Nyangezi- Mukunamwa- Ciherano (25 Kms)

- Walungu- Burhale-Chibeke- Lubona- Ciherano- Mugogo (45 Kms)

- Walungu- Kaniola- Nzibira (37 Kms)

- Nzibira- Luntukulu (10 Kms)

- Etc.

6°. Eau et assainissement

L'abondance des ressources en eau en RDC constitue un contraste avec le faible accès à l'eau potable. L'insuffisance de ressources financières allouées à l'eau constitue un facteur primordial à la faible desserte en eau potable. Il y a trop peu de sources aménagées à travers toute la chefferie. Des adductions d'eau ont été aménagées, mais l'eau ne coule pas de robinets pour de raisons essentiellement techniques : c'est le cas de l'adduction d'eau de Nyangezi et de la source Muhambwe d'Izege qui desservait en eau la population de Walungu et Burhale. Les pompes d'extraction d'eau installées dans les villages de Burhale, Kamanyola, Walungu par Monsieur Norbert Bashengezi Kantitima, alors ministre de l'agriculture, pêche et élevage en pleine campagne électorale présidentielle et législative de 2011, n'ont fonctionné qu'à titre expérimental pendant moins d'un mois. La pompe de Burhale, placée à Mashango à 55 Kms de Bukavu était déjà dysfonctionnelle avant même la fin de la cette campagne électorale qui avait duré vingt et un jour.

Quant à l'assainissement, la situation, au niveau de la population se manifeste par l'incapacité des ménages à accéder à un système adéquat d'évacuation des déchets solides et liquides.

L'état des latrines à travers la chefferie est désastreux : ce sont des trous où l'on défèque à ciel ouvert, non fermés totalement, desquels on extrait souvent des poussins tombés dedans, où les poules se dégustent quotidiennement, en sortent et répandent la saleté sur le manioc en plein séchage, sur les ustensiles déposés à même le sol, etc. Le projet « village assaini » semble n'avoir pas eu d'impact important au sein de la chefferie.

7°. Agriculture et élevage

C'est une activité de  première nécessité qui regroupe toutes les forces vives de la chefferie, mais qui est devenue improductive suite à l'infertilité du sol, l'insuffisance des terres arables, le manque des pâturages, des médicaments agropastoraux, au manque d'outils appropriés, des semences améliorées et des techniques et modes d'exploitation agropastorale modernes. Il y a 20 ans, on avait introduit dans l'agriculture les haricots volubiles plus productifs par rapport à la semence traditionnelle. Un seul haricot, semé en un endroit bien aménagé avec un support en stick de bois lui permettant de monter en hauteur, pouvait produire plusieurs gousses et donner facilement à la récolte deux mesures de haricot, soit deux kilos.

Le projet n'a pas évolué pour la simple raison qu'il était très difficile de trouver des supports pour tout un champ de haricot, et en même temps, ce sont les femmes qui s'occupent de travaux des champs. Il leur est impossible de cultiver, semer et aller à la recherche des supports dans une région où les collines sont nues, et lorsqu'elles sont boisées elles n'appartiennent qu'à des individus sans aucune générosité. On est resté à l'étape de départ, avec des semences de haricot ratiné à deux ou quatre gousses de 3 à 5 grains de haricot, où d'un are cultivé, l'on récolte moins de 5 kilos de haricot.

Le travail ne se faisant toujours qu'à la houe, le manque d'alternance de champs de culture, l'infertilité du sol, la taille élevée de la famille, tous ces facteurs et bien d'autres ne favorisent pas l'essor de l'économie familiale.

L'élevage est resté au même stade traditionnel : les chèvres et moutons maigres sont attachés à la corde sur de petites prairies à l'herbe presque desséchée. C'est la praxis mimétique et répétitive consistant à faire ce qu'on a toujours fait et de la manière dont on l'a toujours fait.

L'innovation de garder le bétail domestique en stabulation n'a pas aussi réussi pour plusieurs raisons :

- Le manque d'étable appropriée

- Le manque de fourrage

- L'insécurité : une chèvre laissée attachée seule à la maison risque d'être volée par des groupes d'inciviques alors que le paysan, tout en cultivant son champ, surveille sa chèvre attachée non loin de lui.

Nous retiendrons, cependant qu'il s'observe des avancées par rapport à l'élevage de la vache. Chaque paysan recourt, en ce jour, à des produits vétérinaires pour soigner sa vache, c'est ce qui justifie l'accroissement du cheptel en dépit de multiples pillages de bétail par les milices armées.

Quant à l'élevage du porc répandu partout, il ne progresse pas non plus du fait que l'alimentation est centrée sur celle de l'homme. Or, si les familles ont déjà du mal à se nourrir, il en est plus difficile pour les porcs. Tout compte fait, l'élevage est resté traditionnel dans toutes les catégories domestiques (bovidés, suidés, caprins et volailles).

8°. Environnement, habitat et tourisme

L'environnement a été suffisamment détruit avec la présence des réfugiés rwandais et les guerres à répétition, les feux de brousses, la recherche de braises et de bois de chauffe...

L'habitat s'améliore peu à peu, la couverture en chaume tend à céder place à la tôle ondulée, mais cette innovation est encore insuffisante, elle n'est manifeste que dans les centres commerciaux. Il est bon de faire remarquer que la destruction de l'environnement physique aura des retombées négatives sur l'habitat, car la rareté de la paille et des arbustes constituera un défi majeur dans la construction et les renouvellements des cases à travers les villages.

Quant au tourisme, il n'existe que peu ou pas du tout d'infrastructures pouvant favoriser le tourisme à travers la chefferie. A cela s'ajoute l'insécurité qui ne permet pas du tout la mobilité tant des étrangers que nationaux.

9°. La gouvernance

Elle est susceptible de beaucoup de modifications en ce sens que les dirigeants des groupements ne sont pas du tout à la hauteur de leurs tâches. Certains estiment que diriger un groupement se limite à trancher les petites palabres et recevoir des pots de vin, alors qu'il y a des questions pertinentes auxquelles doit s'atteler, à tout moment, un responsable de groupement. Il s'agit, par exemple, de dénombrements démographiques devant être parfaitement faits par âge et par sexe, les entrées et les sorties de la population, la projection des activités de développement, le contrôle des acteurs sociaux locaux. Mais, pour arriver à avoir des dirigeants locaux capables de bien diriger les groupements, il faut rompre avec cette gouvernance axée sur la famille royale et les estimes personnelles basées sur les sentiments, les émotions et les passions ou alors les « résidus », pour utiliser le terme cher à Vilfredo de Pareto. Tendre et parvenir à la gouvernance, tel doit être l'épine dorsale de toutes les stratégies de gestion de la chefferie. Toutefois, la gouvernance de la chefferie de Ngweshe s'inscrit dans un système global de la gouvernance en RDC qui elle-même est à relativiser. Mais, cela ne signifie pas qu'au niveau local on ne puisse pas envisager d'améliorer les modes de gestion de l'administration locale pour qu'elle devienne compétitive avec les autres systèmes de la République.

Les théoriciens de la gouvernance mènent un débat houleux sur la gouvernance et ne s'accordent que sur six principes :

- La gouvernance se conçoit comme un mode de gestion d'affaires complexes dans lequel les acteurs principaux se déploient sur le même plan, à l'horizontal, sinon à l'égalité ;

- La gouvernance commande de gérer les affaires publiques comme si leur traitement ne devait pas différer sensiblement de celui des affaires privées ;

- La gouvernance signifie aussi que la relation verticale entre les gouvernants et les gouvernés se transforme en relations purement horizontales ;

- La gouvernance correspond à un processus de décision toujours révocable et provisoire, elle ne désigne pas le site des pouvoirs ultime et exclusifs des autres comme le font les notions de gouvernement ou d'Etat ;

- Selon la logique de gouvernance, les décisions ne sont plus le produit d'un débat et d'une délibération. Elles sont les résultats de négociation, voire de marchandage et de trocs entre les différentes parties ;

- La gouvernance est un mode de gestion qui tend à se codifier au regard des normes ou des codes de conduites plutôt que les lois votées en vertu du principe majoritaire, ou issues d'une tradition jurisprudentielle.95(*)

Nous pourrions estimer, en termes de conclusion que la RD Congo, en général et la chefferie de Ngweshe, en particulier, ne disposent ni d'une idéologie conative incitant à l'action ni de celle visant à organiser la société, à la gouverner correctement, moins encore elles ne souscrivent pas aux objectifs du millénaire du développement.

En effet, en 2000, il s'est tenu à New York (aux Etats- Unis d'Amérique), l'Assemblée Générale des Nations Unies à laquelle avaient pris part 191 pays dont la RDC et où l'on a opté pour les huit objectifs du millénaire du développement qui sont :

OMD1 : réduire de moitié l'extrême pauvreté et la faim

OMD2 : assurer l'éducation primaire à tous

OMD3 : promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomie des femmes

OMD4 : réduire la mortalité infantile

OMD5 : améliorer la santé maternelle

OMD6 : combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres maladies contagieuses

OMD7 : assurer un environnement durable

OMD8 : mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

Comme on le remarque sur le terrain, la RDC est très loin de ces objectifs et, de ce point de vue, tous les acteurs sociaux doivent prendre conscience de maux qui guettent et mettent en mal le développement de leurs familles.

C'est cette prise de conscience rationnelle qui justifie l'Approche participo-praxéo-dynamique avec son principe directeur de l'unanimité participative rationnelle (voir supra) et qui nous amène à trouver pour la famille de notre milieu d'étude, et sans doute pour bien d'autres, des pistes de solution à leurs problèmes du vécu quotidien. C'est exactement la Transmutation créatrice de l'énergie conscientielle concentrée, un des principes de la méthode d'analyse usagée dans cette thèse.

C'est ainsi que, pour reprendre les mots de Joseph Ki-Zerbo, il faut un « projet d'ensemble basé sur des questions telles que : qui sommes-nous ? Où voulons-nous aller ? Depuis que nous sommes indépendants, nous n'avons pas répondu à ces questions. Qu'est-ce que nous avons fait ? Qu'est ce que nous avons réalisé ? Que nous reste-t- il à faire ? »96(*)

Ce questionnement s'avère indispensable car il reflète trois aspects importants de la vie de toute communauté : l'identité, l'histoire, l'idéal et les ressources.

a. L'identité :

Chaque peuple doit se faire une identité propre. Ceci relève de la culture, entendue, ici, comme étant les diverses manifestations d'agir, de penser et d'être propres à un peuple. Elle traduit les modes de comportement, les valeurs, les us et coutumes, les actions. C'est un cadre de socialisation et d'intégration. A travers la socialisation, la communauté transmet ses normes et valeurs au néophyte social. Ce dernier, en s'appropriant la culture, en se conformant à ses normes et valeurs, s'intègre alors socialement. En somme, socialisation et intégration sont des aspects de la culture qui, elle, en fait, différencie les peuples les uns des autres. Il n' ya pas de peuple sans culture. Elle dispose d'un caractère universel ; elle préexiste avant l'individu ; elle est acquise, transmise par les adultes aux jeunes membres de la communauté ; elle n'est pas innée ; elle est apprise. Bien que les hommes meurent, la culture ne meurt pas avec eux ; elle subsiste et ne cesse d'orienter les conduites des survivants et des générations à venir sans pour autant rester statique.

En effet, en vertu de contacts existant entre communautés, il s'opère des emprunts et des rejets entre peuples en contact. Les emprunts peuvent être très significatifs et dominer les acquis locaux de telle sorte que le peuple empruntant ne se retrouve plus qu'avec les aspects culturels étrangers. C'est de l'acculturation que peuvent provenir des emprunts opérés localement ou de l'émigration. Cette acculturation peut aboutir à une assimilation culturelle (qualifiée par d'autres l'acculturation) qui désigne l'adoption par les migrants des modèles culturels de la société d'installation, et une assimilation structurelle (souvent qualifiée d'intégration) qui désigne la participation aux différents groupes primaires.

L'assimilation structurelle entraîne, par exemple, la fin des mariages endogames. En d'autres termes, l'individu se dépouille de plus en plus de son identité culturelle précédente et en adopte une nouvelle. Un peuple peut s'avérer imposant sur un autre sur le plan culturel et déposséder l'autre de ses valeurs culturelles.

Dans le cas d'espèce, les Bashi de Ngweshe étaient suffisamment encrés dans leur culture. Ils disposaient des valeurs caractérisées par le respect mutuel, la soumission aux normes établies, la solidarité, l'entraide, l'hospitalité, l'honnêteté, le courage, le travail, la soumission de la femme vis-à-vis à son mari et de l'enfant par rapport à ses parents et ainés, le respect envers les normes sociales, les supérieurs et le Mwami. Mais, ces valeurs paraissent, à ce jour, dépravées. On a cédé à des pratiques étrangères prônant la malhonnêteté et la désobéissance, la tricherie, la légèreté, de façon que la société tend à devenir de plus en plus pathologique.

b. L'histoire :

Elle est la connaissance d'un peuple de toutes ces péripéties à travers lesquelles il s'est formé et forgé. Il s'agit donc de la connaissance de son passé humain afin de reconnaître ses failles, ses faiblesses, ses forces et en vue de se faire, se refaire et parfaire. Chaque peuple a son histoire à travers laquelle elle reconnaît ses héros, ses valeurs, ses us et coutumes, ses forces et ses déboires. La mémoire d'un peuple n'existe et ne forge qu'à travers son histoire.

C'est de cette manière qu'on dit qu'un peuple sans histoire est un peuple mort, sans repères. En effet, la société fonctionne comme un tout qui n'est pas curieusement égal à la somme de ses parties.

Ngweshe dispose d'une histoire riche. Son esprit de conquête et d'autodéfense illustre la bravoure des hommes forts ; la détermination d'un peuple qui a même fait obstacle à la colonisation, à certaines rebellions telles que celle de Pierre Mulele en 1964; la force de gestion et la conservation des valeurs morales, politiques, économiques, familiales et culturelles.

A ce sujet, Aristide Kagaragu, dans son livre en mashi « Omulala gw'omushi ou la famille du mushi, 1974», estime que la famille du mushi était un modèle pour l'humanité. Bien attendu, la dynamique des peuples dispose d'un impact sur tout : famille, environnement, culture, modes de gestion, etc. Cette famille n'est plus, certes, ce qu'elle était lorsque l'auteur écrivait. Elle doit avoir subi des modifications très profondes telles que cela a été démontré dans les chapitres précédents. C'est donc toute une dynamique d'un peuple vivant à travers des coups et sévices, mais qui persiste et se maintient à travers ses familles et son environnement.

Il est bon de noter que cette bravoure manifeste chez les familles de Ngweshe pour se maintenir, sont entrain de perdre lentement mais surement leur histoire. Les épopées, les proverbes, les histoires éducatives ne sont plus à la portée des jeunes, et donc, l'acculturation ne fait que gagner du terrain. Contrairement, aux barega (voisins aux groupements de Mulamba, Kaniola, Tubimbi) qui ont conservé l'initiation clanique pour les jeunes, chez les bashi de Ngweshe, il n'existe, à ce jour, aucune initiation culturelle proprement shi.

Il convient de louer les efforts de l'Eglise catholique qui persévère à donner ses enseignements en langue mashi, contrairement aux Eglises protestantes où homélies, chants, instructions, prières se déroulement en très grande partie en langue swahili. Le catéchisme de base est enseigné à des jeunes enfants (à partir de 3 ans) dans des séances dites « Ecole de dimanche » en swahili.

c. l'idéal et les ressources :

L'identité et l'histoire d'un peuple apparaissent à travers ses idéaux et ses diverses ressources matérielles, humaines, financières, environnementales, culturelles, etc. Dans les points précédents, nous avons pu relever un certain nombre de ressources qui démontrent que Ngweshe dispose des atouts importants pour se développer si et seulement si elles sont gérées avec détermination et rationalité dans un système global rationnalisé. La question essentielle est de connaître quel est réellement l'idéal que se fixe le peuple de Ngweshe dans un avenir proche et lointain. Au vu du déséquilibre dont a été victime la famille de Ngweshe, celle-ci doit repenser ses stratégies dans le but de ne pas développer plus de pathologies que des qualités humaines, et en même temps développer des mécanismes de protection durable de son environnement.

10°. L'insécurité

Ses sources sont connues. L'insécurité à l'Est de la RDC en général et au sein de la chefferie de Ngweshe, en particulier, émane du conflit ethnique au Rwanda entre Tutsi et Hutu. La chefferie de Ngweshe n'avait connu des hostilités armées que lors de la rébellion de Pierre Mulele en 1964 et dès lors, à part quelques incidents mineurs, la population avait réellement vécu dans la paix jusqu'en 1996, deux ans après le génocide rwandais qui a déversé sur la chefferie une grande partie de l'Armée patriotique rwandaise. Il s'en est suivi la naissance des groupes d'autodéfense locale ou mai-mai qui, pour survivre, durent s'attaquer sur les civils innocents. C'est le cas du groupe armé Mudundu 40 (ou M40) né dans le Groupement de Mushinga qui a terrorisé, au vrai sens du terme, les groupements de Mushinga, Lubona, Burhale, Irongo, Luchiga, Lurhala, Nduda.

A titre d'exemple, pour des faits divers tels que de petites mésententes entre citoyens dont se saisisait un responsable de M40, la peine consistait à être plongé pendant plusieurs heures dans un trou, à moitié pleine d'eau, appelé « hindaki) et une amende de plus de deux vaches. On était battu à mort jusqu'à ce que l'on s'acquitte de l'amende. L'on peut s'imaginer l'angoisse que vivaient les populations sous contrôle de ce groupe armé, de triste mémoire, qui ne fut démantelé qu'en 2004 par le RCD ou Rassemblement Congolais pour la Démocratie avec l'appui de l'Armée patriotique rwandaise.

Tout compte fait, la chefferie a connu des moments difficiles d'insécurité. Les cas d'insécurité en groupement de Kaniola ont été portés à la connaissance de tous par les médias étrangers les plus célèbres. Des poches d'insécurité existent encore ça et là. Au cours de cette année 2012, le groupe Raiya Mutomboki, venu du territoire de Shabunda, sème la terreur dans les groupements de Mulamba, Tubimbi, Kaniola et d'autres bandits non connus, car, il faut le reconnaître, la démobilisation de certains hommes en armes, la dissémination des armes et munitions sur toute la partie Est de la RDC ont favorisé les cas de banditisme et d'insécurité.

Un autre phénomène appelé « kabanga » qui tire ses origines du territoire de Kalehe et qui consiste à tuer quelqu'un par étranglement à l'aide d'une corde vient de s'installer dans le milieu. Il semble que la corde « kabanga » qui a servi à l'étranglement de la victime est porteuse de beaucoup chances. D'où il faut étrangler quelqu'un à l'aide d'une corde et s'en servir pour être bénéficiaire de beaucoup d'opportunités. Entre 2010 et 2012, douze personnes ont été trouvées étranglées par corde entre les groupements de Walungu, Nduba et Irongo. Les malfaiteurs n'ont jamais été identifiés. C'est avec peur qu'on se rend au champ, à la source, à la recherche du bois mort si l'on n'est pas accompagné.

A ce jour, il faut penser autrement, chercher des voies et moyens de juguler ces poches d'insécurité et permettre à la population de vaquer paisiblement à ses occupations pour subvenir à ses besoins les plus fondamentaux. Pour y arriver, il faut renforcer la conscience collective entre les membres de la communauté. Cette sensibilisation doit commencer au sein des familles, car les acteurs de l'insécurité, les fauteurs des troubles sociaux sont issus et existent au sein des familles. Comme dit précédemment, une communauté n'est que ce que sont ses familles. Toute pathologie vécue au sein d'une famille a des répercussions sur une partie de la communauté. C'est donc à tous les acteurs locaux, les Eglises, les leaders politiques, la société civile qu'il incombe de faire large conscientisation pour parer à l'insécurité au sein de la chefferie.

5.2. TYPOLOGIE DES FAMILLES DE NGWESHE

Dans nos investigations menées à travers la chefferie, nous avons inventorié de types des familles que nous avons subdivisées en 10 sous- types des familles classifiées selon leurs modes de vie, leurs caractéristiques et leurs milieux.

Ces types des familles sont :lesfamilles monogames, polygames, amputées recomposées, séparées, et celles aux chefs des familles régulièrement ou longtemps absents de leurs foyers. Il est bon de signaler que les familles de Ngweshe sont essentiellement chrétiennes. L'Islam installé au sein de la chefferie à partir de 2006 avec l'avènement de la Mission d'Observation des Nations Unies au Congo avec les troupes égyptiennes et pakistanaises n'a pas encore tellement gagné du terrain à travers les familles. Toutes ces familles se retrouvent en dix sous types ci-dessous :

1°) Les familles traditionnelles 

Elles sont caractérisées par la conservation des acquis purement traditionnels tels que la divination, l'animisme, l'habitat rustique, l'activité économique principalement agropastorale, la cueillette, l'habillement très dérisoire, des installations sanitaires défectueuses, l'usage des ustensiles en bois, en liane, (ex : le van), en terre cuite (pot, cruches, casseroles), l'usage des nattes comme couverture, des lits en grabat (des sticks minces posés sur quatre ou six piliers en bois), la scolarisation réduite des enfants et des adultes, mortalité infantile élevée, sources non aménagées, consommation de l'eau des rivières, conditions hygiéniques précaires, villages enclavés souvent sous la montagne ou au bord de grandes rivières telles que Ruzizi et Ulindi et dans les vallons et versants des montagnes de Cinda, Ntondo, Businga, Luhorhe, Nyamukumba, etc.

Ces types de familles se rencontrent surtout dans des villages tels que Kashebeyi, Rhana, Cosho, Musunzu, Karhembu, Lugera, Luntukulu en groupement de Mulamba ; Nkomo, Luhorhi, Businga en groupement de Nyangezi ; Chintabagu, Mukungwe, en groupement de Mushinga ; Ntondo en groupement de Lubona, les périphéries du centre de Tubimbi, etc.

2) Les familles à forte religiosité

Ce sont des types des familles encrées fortement dans des croyances religieuses vagues et sentimentales. Elles croient que Dieu peut tout donner : à manger, les enfants, guérir toutes les maladies, enrichir et appauvrir. Ces familles se retrouvent un peu partout à travers la chefferie, surtout dans les Eglises catholiques et protestantes. La multiplicité des sectes a exacerbé ces tendances. Ainsi, dans ces familles, 30% des enquêtées, dans un cas de maladie, recourent tout d'abord à la prière, soupçonnent un mauvais sort jeté, soit par un voisin envieux, soit par un esprit malveillant, soit par le Satan ; ensuite, elles s'engagent dans une automédication traditionnelle ; puis, enfin, lorsque le cas devient grave, elles recourent à la médecine moderne tout en privilégiant la prière. Il s'affiche ainsi deux étapes persistantes de la loi de trois états d'Auguste Comte : l'étape théologique selon laquelle les phénomènes naturels, humains et sociaux ne relèveraient que de la seule volonté divine et l'étape métaphysique pour laquelle l'existence de ces phénomènes ne relève que de considérations abstraites. L'aspect positiviste des faits et phénomènes reliant les faits aux causes est purement absent.

Les familles à caractère développementiste

Ce sont des familles imbues des notions de dépassement de leur état d'être et qui s'engagent résolument sur la voie de changement et d'amélioration de leurs conditions de vie à travers des initiatives prises individuellement et/ou collectivement. Ces familles se retrouvent dans et autour de centres commerciaux tels que Nzibira, Burhale, Burhuza, Madaka, Kashunju, Irango à Ciherano, Walungu, Bideka, Mugogo, Kamisimbi, Munya à Nyangezi, Kamanyola. On y retrouve un bon nombre d'actions et de projets prônant l'amélioration qualitative et quantitative des conditions de vie des populations concernées : amélioration de l'habitat, électrification, élevage en stabulation, semences améliorées, adduction d'eau, auberges et hôtels, restaurants, pharmacies, préservatifs, présence des produits manufacturés, moyens de transports disponibles, centres de santé ou hôpital moyennement équipés, écoles bien construites avec des enseignants qualifiés, habillement décent, esprit rural mais à tendance urbaine, exode rural (ceux qui immigrent dans les villes de Bukavu et Goma proviennent essentiellement de ces centres).

Le goût du lucre observé dans ces familles et dans ces milieux a été à la base de certaines pathologies sociales, infractions et inconvénients sociaux tels que la prostitution (dans tous ces centres cités ci-haut. Il y a en moyenne 10 femmes libres connues officiellement. La consommation du sexe est une monnaie courante et concerne aussi bien les prostituées, les filles que les femmes mariées). Il s'observe bien d'autres fléaux : l'escroquerie, le détournement, la promiscuité sociale, le vol, le banditisme, la militarisation, la vie chère, la précarité des installations sanitaires, le manque d'eau potable, l'insécurité, etc.

Les familles à vocation commerciale

Bien de familles, pour de raison d'infertilité et de rareté de sol, se sont adonnées à des activités commerciales. Elles peuvent être associées aux deux précédentes catégories, elles ne sont pas implantées uniquement dans les centres commerciaux, elles se retrouvent aussi dans les villages, mais la prévalence se replace dans les centres commerciaux. Il faut distinguer le fait de vendre les produits de ses champs ou les produits d'élevage d'avec l'esprit commercial. En République Démocratique du Congo, la qualité de commerçant s'acquiert par l'acquisition d'un Nouveau Registre de Commerce délivré à Kinshasa. Peu de gens disposent de ce document au niveau de lachefferie. Ils exercent leurs activités marchandes sur base de patente. Ils ne sont pas moins commerçants pour autant.

Est commerçante, à notre avis, la personne qui a pour rôle d'acheter et de vendre au but de réaliser un intérêt et qui en fait une profession permanente laquelle lui confère ce statut de commerçant duquel il se reconnaît des droits et des devoirs. Nous retiendrons, cependant, qu'il n'est pas facile d'être commerçant dans la chefferie de Ngweshe pour diverses raisons :

- l'éloignement par rapport à la ville de Bukavu, le seul centre approvisionnement et par rapport aux marchés d'écoulement des produits achetés. C'est suite à cet éloignement de la ville de Bukavu que le marché de Mugogo, en groupement de Lurhala, est devenu un centre d'approvisionnement des produits manufacturés

- la faible capacité d'achat des villageois

- le mauvais état ou l'inexistence des routes conduisant vers les marchés d'écoulement, le manque des moyens de transport

- le manque des lieux d'entreposage des produits

- l'insécurité semée par des bandes armées, les milices et les bandits

- la haine, l'envie des voisins

- la marche à pied et le transport sur la tête ou sur le dos

- le mauvais état des marchés et les intempéries souvent atroces

- le faible capital mis en exercice

- le faible revenu et taille de famille très élevée

- le manque d'initiatives des autorités locales

- etc.

3) Les familles à prédominance scolastique

Cette catégorie des familles est assimilable à la précédente. Ce sont des familles se retrouvant autour des écoles et qui se sont fixé comme objectif principal de scolariser leurs enfants malgré la conjoncture économique difficile. Il est à noter que si l'esprit de scolariser les enfants est plus élevé dans et autour des centres commerciaux, cet objectif ne concerne pas seulement ces familles à prédominance commerciale. L'objectif existe un peu partout au sein de la chefferie, même si, les enfants issus de ces milieux plus ou moins nantis vont plus au-delà de l'école secondaire.

Les familles royalistes, féodalistes et conservatrices

Ce sont des familles issues du clan royal, les familles des chefs des groupements, des chefs des villages qui sont les dépositaires de la coutume et les propriétaires des terres. Elles disposent d'un comportement autoritaire sur les autres bien qu'elles soient actuellement appauvries. Elles ne jurent qu'au nom du mwami (le roi) ou « l'autorité coutumière première » de l'entité. Elles se retrouvent à travers les 16 groupements et tous les villages de la chefferie. Elles prônent le statu quo administratif. Leur importance économique et culturelle tend à disparaître sur le terrain suite à la prédominance l'Etat et des Eglises.

Les familles d'agriculteurs et d'éleveurs

Elles sont les plus répandues et se retrouvent dans tous ces types des familles, chaque famille dispose d'au moins 5 ares de terrain destinés à l'habitation, aux cultures et à l'élevage. Chaque famille, qu'elle soit commerçante ou traditionnaliste ou d'une quelconque autre tendance, est au départ et principalement de vocation agricole, regroupant cultures et élevage.

Nous retiendrons cependant que les dernières guerres ont désavantageusement influé sur l'activité agricole : des cultures et le cheptel ont été pillés. L'infertilité du sol, l'exigüité des terres arables, tels sont les facteurs concourant à la pauvreté dans le milieu. Les seuls endroits qui restent encore propices à l'agriculture et l'élevage sont ceux des groupements de Mulamba (dans les montagnes de Luntukulu, Kashebeyi, Cinda), Tubimbi, Mushinga (surtout à Cizi) et Kamanyola. A part le groupement de Kamanyola longeant la route nationale n° 5, l'enclavement de toutes ces entités susmentionnées ne favorise aucune activité agricole, commerciale ou artisanale.

Les familles dépendantistes

Ce sont des familles appauvries par les guerres, l'infertilité ou le manque d'espace. Ce sont des familles sans terres, sans ressources ou des « familles retournées » de déplacements causés par l'insécurité et qui comptent uniquement sur l'aide extérieure issue, soit d'autres familles, soit des organisations caritatives. Parmi ces familles, on peut relever les familles ayant été amputées d'un ou de tous les deux parents, les familles aux membres maladifs ou vivant avec handicap ou disposant de peu d initiatives. Ces familles se retrouvent à travers tous les groupements et représentent 5% de des familles par groupement. C'est dans ces familles que sévissent des cas de malnutrition, le kwashiorkor et l'analphabétisme. C'est une preuve que la chefferie de Ngweshe est une entité des personnes pauvres et qui nécessitent de nouveaux modes de vie, d'actions orientées vers l'autodétermination individuelle et collective.

Les familles animistes

La manière dont l'animisme s'exprime varie selon les territoires, chaque peuple ayant ses propres croyances. Selon les lieux, l'âme ne réside pas dans les mêmes sortes de personnes ou d'objets. La croyance, dans les âmes ou les esprits, peut s'accompagner d'autres croyances, comme la vénération d'un Être suprême. Chez certains peuples, notamment de Mélanésie, on considère qu'il existe plus d'une âme à l'intérieur de chaque être, néanmoins, le culte des ancêtres demeure un point commun essentiel à un grand nombre de ces variantes de l'animisme.

Pour s'attirer les faveurs ou calmer la colère des esprits des défunts, qui sont particulièrement craints, il convient de pratiquer un certain nombre de rites, de sacrifices, d'incantations ou d'offrandes. Les croyants tentent également d'entrer en contact avec les âmes des morts afin d'obtenir toutes sortes de bénéfices (guérison, pluie, fertilité) mais aussi des conseils ou des présages. Le dialogue avec les esprits des ancêtres s'établit par l'intermédiaire d'un sorcier ou d'un chaman, qui saisissent (le plus souvent par la divination ou la transe) les messages envoyés depuis ce monde parallèle qui, pour les croyants, a la même matérialité que le monde terrestre. La pratique de l'animisme met souvent en oeuvre des objets auxquels est accordée une dimension sacrée tels que les totems, les fétiches ou les amulettes. Parmi les formes adoptées par l'animisme, on peut citer le vaudou, qui allie à ces croyances ancestrales un grand nombre d'éléments empruntés au catholicisme.97(*)

L'animisme était fort pratiqué dans la chefferie Ngweshe, il ne s'est atténué qu'avec l'avènement de christianisme, mais il reste des survivances de ces pratiques animistes. Il y a encore des gens qui croient en la force des esprits de leurs membres des familles défunts et qui font encore le culte aux esprits mais d'une manière très clandestine. Ces familles se retrouvent essentiellement dans des endroits reculés des centres à grande agglomération, dans les montagnes et à la lisière de la forêt équatoriale. Ce sont des milieux tels que Luntukulu, Cinda, Ntondo (en groupement de Lubona), Tubimbi, Karhembu, Kanyola où l'on retrouve encore des devins, des guérisseurs sorciers qui font des incantations aux esprits et qui font des réalisations ; prédisent l'avenir de leurs clients, soignent leurs maladies ou les délivrent de mauvais esprits. Mais à coté de ces gens, il s'est développé d'autres personnes qui, en fait, n'ont pas ce charisme. Ce sont des charlatans qui, se font passer pour des guérisseurs et qui escroquent leurs clients. Leurs factures sont forfaitaires : elles vont de la chèvre à la vache (une ou plusieurs). Ces familles sont assimilables à celles traditionalistes. Elles possèdent une autre caractéristique qui semble développer une certaine haine, parfois latente mais aussi parfois manifeste, selon les circonstances.

Les familles des politiciens amateurs

Avec la crise économique, le manque d'emploi, la rémunération très faible ou inexistante, certains congolais ont développé des reflexes de se procurer de l'argent même dans les domaines où ils n'ont aucune compétence. C'est ainsi qu'avec la démocratisation de la RD Congo, bien de gens se sont lancés dans la politique, ils ont postulé à des postes des députés provinciaux ou nationaux, non pas parce qu'ils avaient envie de défendre les intérêts de la population ou parce qu'ils en avaient la compétence, même pas parce qu'ils en comprenaient le sens, la mission du statut auquel ils aspiraient, mais tout simplement parce que la politique paye mieux que dans tous les autres secteurs du pays.

En 2006, aux élections des députés provinciaux, pour 5 sièges à pourvoir, il y avait 145 candidats pour le territoire de Walungu, 99 candidats pour les députés nationaux ; récemment, en 2011, pour 4 sièges à pourvoir, il y avait 126 candidats députés nationaux. La multiplicité des partis politiques (245 partis politiques enregistrés par le Ministère de l'intérieur et décentralisation en 2006) a permis aux citoyens d'y adhérer sans problème. On en voit même qui appartiennent à deux ou trois partis politiques en même temps, ou qui portent des effigies et emblèmes des partis politiques auxquels ils n'appartiennent pas. C'est dire qu'à Ngweshe, le fait d'être dans un parti politique n'est pas un engagement politique, une détermination d'adhérer à un idéal politique, à un projet de société déterminé, mais c'est tout simplement être à l'entente d'un poste politique rémunérateur, peu importe le parti d'où il viendrait en premier lieu. Ces familles sont identifiables à travers toute la chefferie, mais plus précisément aux centres des groupements.

Les familles étudiées à travers cette thèse se caractérisent aussi selon leurs propriétés, leurs relations et leurs modes de production :

Selon leurs propriétés

On peut distinguer cinq types des propriétaires au sein de la chefferie :

· Le propriétaire en communauté réelle : c'est par exemple le Mwami et tous ses chefs des groupements et toute sa descendance qui sont les détenteurs du sol et qui le distribuent à leurs sujets moyennant une redevance coutumière appelée « kalinzi » qui s'évalue traditionnellement en chèvres ou en vaches. Actuellement, la vente de terrain se fait plus en argent et plus spécifiquement en dollar américain qu'en bétail. Même si l'unité de la transaction est la chèvre, cette dernière est évaluée et même surévaluée en dollars américains. Le statut des propriétaires en communauté est entrain de s'effriter, car ils ont presque tout vendu de façon qu'ils sont réduits en ce qu'on a appelé au Moyen âge, « les rois sans terres ». Mais, il y a encore tous ces marais qui appartiennent au Mwami et d'autres domaines par- ci par- là à travers la chefferie.

· Le propriétaire privé mais entravé : entrent dans cette catégorie, les paysans qui ont acquis des terres de leurs seigneurs (mwami, chefs de groupement et chefs des villages) et qui en disposent à leur guise mais qui, par moment, sont limités lorsqu'ils veulent en vendre une portion, car la redevance coutumière (kalinzi) peut n'avoir pas été apurée totalement.

· Le propriétaire capitaliste : il s'agit des gens qui ont acquis de grandes portions de terres et qui les gèrent de façon très autonome. Ce sont des propriétaires disposant de vastes plantations de théier ou de quinquina : on peut citer les Plantations Irabata, Gombo, Cibeke, Pharmakina, Bukina et d'autres particuliers tels que Nyamulinduka, Olive, Mudwanga ... dont les domaines sont en jachère pour le moment.

· Le propriétaire étatique : certains espaces appartiennent à l'Etat, c'est le cas des boisements appartenant à la MAE (Mission anti - érosive), les espaces scolaires, sanitaires, les bureaux administratifs de la chefferie, des groupements, des postes administratifs, les casernes des policiers, etc.

· Le propriétaire collectif et social : c'est une catégorie des personnes qui se sont constituées en groupe et qui, de par des cotisations des membres ou un financement d'un partenaire, ont pu acheter un lopin de terre qui est une propriété du groupe. C'est le cas de certaines associations locales de développement, des Eglises locales, etc.

Selon la relation de production

Au sein de la chefferie, on peut relever cinq formes de relation de production :

· La production primitive : elle relève de produits issus de la nature et consommés par la population sans qu'elle ait participé à leur production : diverses sortes de champignons cueillis saisonnièrement, les sauterelles, les fruits des brousses...

· La production isolée : elle est la plus répandue. Le paysan travaille seul dans son champ avec ses techniques et ses outils traditionnels. Le rendement est faible par rapport à l'énergie fournie. A titre d'exemple, pour produire 10 kilos de haricot dans un marais, le paysan commence les travaux de défrichage au mois de juin ; laboure durant tout le mois de juillet et une partie du mois d'août ; sème au cours de l'autre partie de ce mois ; sarcle durant le mois d'octobre et novembre pour récolter au cours du mois de décembre. Ces travaux se font presque chaque jour sous la pluie et le soleil. Il doit faire face aux inondations, à l'attaque des rats sauvages (qui s'attaquent aux jeunes plants) et aux voleurs des récoltes. C'est donc toute une chaine d'activités assidues auxquelles doit se livrer le pauvre paysan, malade et affamé (et généralement, c'est une femme) sans rendement conséquemment proportionnel aux efforts fournis.

· La production organisée ou en relation de coopération : il s'agit d'une main d'oeuvre salariée. Peu d'habitants de Ngweshe sont, en fait, salariés. Depuis que les propriétaires des plantations de thé et de quinquina ont fait banqueroute, les paysans salariés ont été, de facto, réduits au chômage. On trouve quelques agents salariés dans les hôpitaux, les écoles, les Eglises et dans les services de l'Etat. Le salaire est médiocre et n'assure pas le bien-être de l'agent. L'on se souviendra qu'en ces deux dernières années, le budget national n'a pas dépassé six milliards de dollars américains pour une population estimée à 65 millions des personnes, soit alors une moyenne de 7,69 $ US par personne et par mois. A la date du 5 novembre 2013, le Premier Ministre présentait et défendait son budget pour l'année 2013. Il se chiffre à 7, 5 milliards des dollars pour la même population, ce qui donnerait une moyenne de 9,61$ US par habitant et par mois. C'est toujours insignifiant pour vivre à moins qu'on en fasse une gestion arbitrée rationnellement. Or, la gestion de la chose publique est chaotique si bien que je qualifie les gestionnaires publics congolais des véritables prédateurs caractérisés par la mégestion, le vol, le détournement, la corruption, etc. Le pays n'avance pas, non parce qu'il ne dispose pas de ressources importantes, mais tout simplement parce que les gestionnaires vident les caisses de l'Etat au profit de leurs propres poches. C'est de l'égoïsme à outrance qui gangrène le système économique et politique de la RDC et qui fait que l'Etat n'ait pas d'argent suffisant pour rémunérer ses fonctionnaires et agents.

· La production manufacturielle : il s'agit de petites manufactures artisanales de savonnerie, boulangerie, meunerie de manioc, menuiserie, etc.

· La coopération par implication ou le travail industrialisé : seule l'usine de thé de Gombo en Groupement de Nduba est encore en activité au sein de la chefferie de Ngweshe, mais elle a réduit sensiblement sa production et son personnel.

Selon les modes de production

Au sein de la chefferie, l'on peut relever cinq principaux modes de production :

· Le mode de production communautaire : il apparaît à travers les groupements des paysannes qui s'associent pour travailler à tour de rôle dans les champs des personnes membres. C'est une forme de ristourne des travaux des champs. La relation commence à partir de leurs communautés ecclésiales de base. Les jours choisis, pour ces travaux en groupe, sont ceux qui ne sont pas des jours de marché. De même, les femmes d'un même village ou d'une même communauté confessionnelle religieuse peuvent, pour des cas de maladie, de deuil dans la famille d'une de leur groupe, aller travailler collectivement dans le champ de la personne sinistrée pendant une journée en terme de soutien moral, mais aussi en terme de marque de solidarité et de manifestation d'amour à la personne concernée pour qu'elle se sente vraiment membre du groupe et qu'elle s'en reconnaisse fière.

· Le mode de production tributaire : c'est un mode de production de tendance despotique. Il s'observe dans les travaux des champs qu'on doit effectuer chez le chef du village ou du mwami, mais tous les chefs des villages ne disposent plus de cette notoriété d'attirer tous leurs sujets dans leurs champs appelés « kunene ». Dans les Eglises, essentiellement catholiques, cette pratique despotique est encore en vigueur. . On observe les chrétiens aller cultiver les champs des prêtres. Les jeunes à baptiser, à confirmer ou les enfants en préparation à la première communion sont soumis, dans toutes les paroisses catholiques, à travers la chefferie, pendant un mois, à des travaux forcés dans le domaine paroissial. Ne pas participer à ce genre de travaux peut avoir comme conséquence le fait de ne plus être aligné pour le sacrement souhaité.

· Le mode de production paysan : il est assimilable à la production isolée, il vise l'autosuffisance, curieusement jamais atteinte. Il est fragile de par son rendement mais aussi de par les échanges extérieurs. A titre d'exemple, les paysans, au lieu de cultiver du manioc menacé à travers toute la chefferie par la mosaïque et ne presque rien produire, préfèrent s'engager dans l'achat et la vente de la farine, le lieu d'approvisionnements étant la ville de Bukavu.

· Le mode production artisanal : l'artisan est un fabricant indépendant. Au sein de la chefferie, l'artisanat n'a pas émergé. Néanmoins, il existe à travers la cordonnerie, la menuiserie, la boulangerie. Ce sont des activités qu'on retrouve dans tous les centres commerciaux et de négoce de la chefferie et qui pourront émerger si et seulement si ceux-ci sont alimentés en énergie électrique. Il faudra encore plus d'une décennie pour en arriver là.

· Le mode de production capitaliste marchand : il se remarque chez des personnes qui ont développé de l'esprit quelque peu mercantiliste, qui ont encré en eux l'esprit de la propriété privée, la recherche de l'argent à travers des activités purement commerciales, mais qui se retrouvent confrontés à beaucoup de difficultés pour des raisons de constitution de capital, d'insécurité et d'écoulement des produits.

Conclusion partielle

A travers ce chapitre, nous avons passé en revue les ressources dont dispose la chefferie de Ngweshe et qui peuvent concourir substantiellement à l'amélioration des conditions de vie de ses habitants dans la mesure où elles sont soumises à une gestion rationnelle. Tout compte fait, il s'avère que ces ressources sont abondantes et diversifiées, il faut juste mettre sur pied des stratégies de capitalisation, d'exploitation, de gestion rationnelle individuelle et collective ; rendre les acteurs sociaux et les élites du milieu plus actifs et plus engagés dans la promotion de l'entité ; revoir et raffermir les relations et les modes de production au sein de toute la chefferie.

Ce cadre de réflexion et d'actions est à situer dans le cadre de « l'interactionnisme lequel valorise les ressources de sens dont il dispose, sa capacité d'interprétation qui lui permet de tirer son épingle du jeu face aux normes et aux règles. Ces dernières sont, dès lors, des fils conducteurs, et non plus des principes rigides de conditionnement des conduites. Le comportement individuel n'est ni tout à fait déterminé, ni tout à fait libre, il s'inscrit dans un débat permanent qui autorise justement l'innovation. L'acteur n'est plus la marionnette d'un système social dont il ne possède nulle conscience. Doté de sa capacité réflexive, il est libre de ses décisions dans un contexte qui n'est pas sans l'influencer ».98(*)

De ce point de vue, l'acteur social, en Chefferie de Ngweshe, doit, pour promouvoir son développement, s'inscrire dans cette dynamique innovatrice en tenant compte de ressources disponibles et du contexte dans lequel il vit ; prendre quotidiennement conscience de ce dont il est capable pour et ensemble avec le groupe et tenter de le matérialiser sans tergiverser.

Il faut donc dans l'esprit de J. Habermas des actions :

· instrumentales, c'est-à-dire, orientées vers le succès lorsqu'elles sont considérées sous l'aspect de la poursuite des règles d'efficience d'une intervention ;

· stratégiques, c'est-à-dire, orientées vers le succès lorsqu'elles sont considérées sous l'aspect de la poursuite des règles de choix rationnel et évaluées en rapport avec l'appui des partenaires ;

· communicationnelles, lorsque les plans d'actions des acteurs participants ne sont pas coordonnés par des calculs de succès égocentriques, mais par des actes d'intercompréhension.99(*) Ces actions ne peuvent atteindre leur efficience que dans la mesure où elles sont concertées au départ par les acteurs et qu'elles s'inscrivent dans une dynamique rationnelle, collective et durable.

Pour aboutir à cette phase de réalisation de soi et du groupe d'appartenance, il est bon, sur base de ce qui existe, ce qui se réalise et sur base de ce qui est réalisable, que l'on se fixe des principes devant guider la démarche de différents projets à entreprendre pour la stabilisation de la famille et projeter, ainsi, de nouvelles mesures de protection de l'environnement au sein de la chefferie. Les chapitres suivants analysent les discours, les actions connus au sein de l'entité. C'est une interdiscursivité praxéologique suivie des principes de stabilisation familiale et environnementale pouvant faciliter l'atteinte de cet objectif dans cette thèse.

Troisième partie

INTERDISCURSIVITE PRAXEOLOGIQUE ET

ESSAI D'IMPLANTATION DES PRINCIPES LOCAUX DE STABILITE

FAMILIALE ET ENVIRONNEMENTALE

INTRODUCTION

Nous introduisons cette partie dans le cadre éthnométhodologique, car comme l'estime David Le Breton, « là où d'autres sociologues parlent de modèles ou de normes, l'éthnométhodologie voit les faits sociaux comme accomplissement des membres. Elle analyse comment les activités sociales s'organisent pour reproduire les régularités que les membres reconnaissent comme normales en répondant à une intelligibilité de leur apparence. La réalité sociale est constamment redéfinie par les acteurs. Quand ils sont les uns en face des autres, ils doivent agir pour maîtriser la situation, coordonner leur engagement, pour ce faire, ils mettent en oeuvre leur compétence de membre, s'approprient les codes culturels, les procédés ou les méthodes qui concourent au raisonnement sociologique pratique ».100(*)

En effet, dans le cadre de cette thèse, il revient de déterminer des mécanismes devant amener la population à coordonner des actions réelles et rationnelles pour transcender les défis qui guettent les acteurs sociaux. Il faut donc passer en revue tout ce qui a été fait afin d'évaluer la pertinence des actions et l'ampleur des résultats. C'est ce qui nous amène à parler de principes, c'est-à-dire des règles, qui doivent orienter les conduites et les actions sociales en vue d'atteindre les objectifs que se fixe cette étude. Il s'agit d'arriver à stabiliser tant la famille que l'environnement au sein de l'univers sous étude et tendre ainsi vers le progrès.

Dans ce cheminement, et selon Habermas, « il faut arbitrer les conflits, faire triompher certains intérêts, trouver des interprétations, et ce n'est toujours possible que grâce à des actions et à des négociations qui sont les unes et les autres liées au langage courant. La seule différence est qu'aujourd'hui, ces questions pratiques sont elles-mêmes déterminées dans une large mesure par le système de nos réalisations techniques.

Or, s'il est vrai que la technique procède de la science, et nous pensons tout autant aux techniques permettant d'influencer le comportement humain qu'à la maîtrise de la nature, la réflexion scientifique est d'autant plus nécessaire à la reprise de cette technique au sein du monde vécu de la pratique, au rattrapage de cette disposition technique de domaines spécifiques dans et par la communication des hommes en train d'agir ».101(*)

Cette partie, tout en ne comportant pas des aspects liés à la technique, comporte deux chapitres, à savoir celui de l'interdiscursivité praxéologique qui, dans une certaine mesure, analyse la question des discours et des actions menées, leur pertinence  sur le terrain, les faits envisageables et la façon de les matérialiser. L'interdiscursivité praxéologique établit donc, primo, un répertoire des activités poussant la communauté à aller de l'avant, et secundo, démontre un corpus d'archives et/ou expérimental au sein de l'univers. Des questions simples peuvent intervenir telles que : qu'est ce qui a été fait et dit ? Qui l'a dit ou fait ? Comment cela a été appréhendé par les auditeurs ? Quel a été l'impact du discours sur la communauté ? Etc.

C'est donc une façon de pénétrer le milieu, de connaître les actions des acteurs, les performances, les forces et les faiblesses et de proposer des solutions durables. Il va sans dire que dans un tel cheminement, il faudra commencer par présenter l'état des lieux des familles sous étude, analyser en profondeur les problèmes majeurs de l'entité, répertorier les discours pertinents et récurrents dans le milieu et les grouper en thèmes appropriés. De ces discours, se dégageront des formes telles que l'interactionnisme discursif monocentré et tricentré.

Cette dernière forme de discours affiche que des interventions recueillies sur le terrain, il s'est avéré qu'il y existe une triade opérationnelle d'interventions qui prend en compte les bailleurs des fonds, les organisations locales de développement et la population. Tous ces intervenants constituent respectivement trois pôles : le pôle de propulsion ou d'appui, le pôle structurel et le pôle manifestatoire.

La partie se constitue ainsi de deux chapitres dont l'un est essentiellement axé sur les analyses portant sur les discours et les actions qui se sont produits au sein de notre univers, alors que l'autre s'appuie sur les principes de stabilisation familiale sur la projection de stabilité familiale et de protection environnementale.

Chapitre sixième

INTERDISCURSIVITE PRAXEOLOGIQUE DE LA FAMILLE DE NGWESHE

INTRODUCTION

Ce chapitre abordera d'une part l'analyse des interactions des discours, l'interprétation praxéologique des données recueillies du terrain, et les pistes des solutions, d'autre part. Il consiste à rechercher des faits matériels, idéologiques, culturels, les changements intervenus au sein de la famille et son environnement. L'aspect praxéologique et socianalystique ne consistera pas aucunement en une simple phase d'identification des problèmes, mais aussi en une analyse des données, une prescription sous-tendue d'une proscription sociologique. Cette démarche identifie les problèmes, encourage certaines pratiques et décommande celles qui ne s'inscrivent pas dans un aspect évolutif.

En effet, toute transcendance d'une situation pathologique à quelques niveaux que ce soit (individuel, familial, ethnique ou national) exige la recherche et la détermination de résoudre les problèmes en présence et en prévenir ceux en vue.

En effet, pour paraphraser Herbert Spencer, tout mode de comportement actuel dépend d'un comportement antérieur et détient les germes d'un comportement postérieur. Ceci reviendrait à dire que nos familles, notre environnement se trouvent dans un état réel actuel dépendant d'un état réel précédent. Un autre état envisageable proviendra de l'état actuel.

Les objectifs liés à l'identification, à la critique des discours et des actions et à l'émission des propositions favorables au changement qualitatif et quantitatif de Ngweshe guideront notre démarche.

6.1. Praxéo-interdiscursivité de la question du déséquilibre des familles de Ngweshe

Cette section articule les principes de la praxéologie interdiscursive à l'interprétation des faits tels qu'ils se manifestent sur le terrain. Les données discursives proviennent de l'enquête menée au sein des familles de Ngweshe à travers des interviewes, l'observation, l'évaluation et l'appréciation des actions de divers intervenants, la recherche des facteurs de la persistance des certains problèmes pourtant combattus par les acteurs.

L'analyse s'étend sur deux volets : celui axé sur le déséquilibre familial et l'action résorbatrice à l'aide de la praxéologie interdiscursive et, celui de la prospective praxéologique, participative et dynamique.

6.1.1. Etat des lieux des familles de Ngweshe (ou l'arbre à problèmes)

Cette section présente successivement les faits saillants de Ngweshe perçus comme facteurs ayant intervenus dans le déséquilibre familial et la restitution praxéologique des discours au sein de notre univers.

1°. Des faits saillants

Parmi les faits ayant le plus contribué au déséquilibre familial dans la chefferie de Ngweshe, nous avons relevé, non d'une façon exhaustive, mais par ordre de nuisance, selon l'appréciation des victimes, les faits suivants :

1. Insécurité alimentaire

2. Insécurité foncière

3. Pauvreté sous diverses facettes

4. Désarticulation des membres de la communauté

5. Désinformation de la population

6. Rareté, exiguïté et improductivité des terres arables

7. Inaccessibilité aux soins de santé primaires

8. Inaccessibilité à l'eau potable

9. Insatisfaction des besoins primaires (manger, habitat, vêtements, soins médicaux)

10. Incommodité et exiguïté de l'habitat

11. Incapacité des leaders locaux

12. Manque et inadaptabilité des outils aratoires

13. Exode des jeunes et des personnes instruites et celles acquises au changement

14. Inexistence des activités d'autopromotion surtout chez les femmes (coupe et couture, broderie, tapisserie...)

15. Manque des semences améliorées

16. Maladies endémiques (choléra, paludisme, VIH/Sida)

17. Pillage de gros et petit bétail et carence des produits vétérinaires

18. Déscolarisation des jeunes enfants

19. Sous-instruction des adultes

20. Non implication et/ou désimplication des chefs locaux dans la recherche et la définition des stratégies du développement paroissial ou stratégies inadaptées

21. Absence de l'énergie électrique

22. Inaccessibilité aux technologies modernes

23. Manque d'interactions, d'échanges d'expériences entre acteurs de développement, entre membres des groupes sociaux et enclavement de certaines localités

24. Chômage généralisé

25. Recrudescence de certains fléaux tels que les violences sexuelles, les pillages, les extorsions

26. Inexistence des coopératives d'épargne et de crédit et manque d'unités de productions adéquates

27. Existence des marais non drainés

28. Déboisement à grande échelle

29. Soins hygiéniques dégradants

30. Ecoles en dégradation

31. Marchés inappropriés

32. Impraticabilité, insuffisance et/ou inexistence des routes de desserte agricole

33. Troupes nationales, milices gênantes et banditisme

34. Impunité des malfaiteurs

35. Dépravation des moeurs surtout chez les jeunes

36. Multiplicité des Eglises

37. Natalités élevées et non pratique du planning familial

Etc.

Ces défis se sont érigés en obstacles dans l'équilibre des familles de Ngweshe. L'analyse minutieuse de ces faits nous a conduit à les regrouper sociologiquement dans quatre rubriques, à savoir la pauvreté, l'insécurité, la santé précaire et la faible historicité. Ce regroupement par rubrique est le soubassement de la thématisation praxéologique interdiscursive tel que cela apparaît à travers le tableau ci-dessous :

Tableau n° 17 : Thèmes regroupant les problèmes majeurs familiaux de Ngweshe

Pauvreté

Insécurité

Santé précaire

Faible historicité

Insécurité alimentaire

Troupes et milices et banditisme gênants

Inaccessibilité aux soins de primaires

Désarticulation des membres de la communauté

Insécurité foncière

Impunité

Inaccessibilité à l'eau potable

Désinformation de la population

Malnutrition

Viols et violences sexuelles

Maladies endémiques

Incapacité des leaders locaux

Rareté, exiguïté et improductivité du sol

Dépravation des moeurs

Soins de santé dégradants

Exode rural

Insatisfaction des besoins primaires

 
 

Déscolarisation des jeunes

Habitat incommode

 
 

Sous-instruction des adultes

Inexistence d'activités d'autopromotion

 
 

Stratégies inadaptées

Manque des semences améliorées

 
 

Absence d'énergie électrique

Pillage de bétail

 
 

Inaccessibilité aux technologies modernes

Chômage généralisé

 
 

Manque d'échanges d'expériences entre acteurs de développement

Marais non drainés

 
 

Ecoles en dégradation

Inexistence des coopératives d'épargne et de crédit

 
 
 

Manque d'unités de production

 
 
 

Marchés inappropriés

 
 
 

Inexistence ou impraticabilité des routes de desserte agricole

 
 
 

Manque ou inadaptabilité des outils aratoires

 
 
 

Source : Enquêtes sociologiques.

Interprétation :

La famille dans sa dynamique, connaît du déséquilibre contre lequel luttent les acteurs sociaux de Ngweshe. Il se manifeste à travers quatre thèmes ou phénomènes : la pauvreté, l'insécurité, la précarité sanitaire et la faible historicité.

La pauvreté apparaît à travers les rubriques reprises dans la première colonne, l'insécurité alimentaire est l'une de ses manifestations la horrible: la population mange peu tant quantitativement que qualitativement. Ceci provoque la malnutrition chez les enfants, les femmes enceintes et celles qui allaitent, la faiblesse physique, le vieillissement précoce des adultes et la mort prématurée à tous les âges. Il s'observe une insatisfaction de tous les besoins vitaux (alimentaires, vestimentaires, sanitaires...). La propriété foncière est insignifiante et très peu productive. La pauvreté influe négativement sur la santé des personnes. Une personne mal nourrie est, par ricochet, en mauvaise santé. Améliorer la santé d'un individu équivaudrait à l'amélioration alimentaire, la santé dépendant fondamentalement de l'alimentation.

L'insécurité qui a sévi dans la chefferie de Ngweshe a contribué sensiblement à la recrudescence de la pauvreté. Les ressources alimentaires s'amenuisaient déjà en fonction de la rareté, l'exiguïté, l'improductivité du sol et bien d'autres aspects tels le manque de jachère et la non alternance des semences... Les pillages récurrents n'ont fait qu'aggraver une situation qui, naguère, s'annonçait déjà calamiteuse. D'autres phénomènes tels que les violences et les agressions sexuelles ont privé certaines familles de l'agent central de production, c'est-à-dire la mère : cette femme aux mille bras, celle qui cultive, puise de l'eau, cuisine, berce l'enfant et le mari. Elle est toujours présente, active et apparemment jamais lassée. Entre 2000 et 2007, plus de 40000 femmes et filles avaient été violées au Sud-Kivu dont plus de 2500 dans les groupements de Mulamba, Tubumbi, Burhale (en Chefferie de Ngweshe) selon une étude menée en 2004 par le Réseau des femmes pour la défense des droits et la paix102(*).

La situation telle que présentée dans le tableau n° 17 nous pousse à nous interroger sur l'avenir de la chefferie et de ses population plus principalement. Certes, le changement ne découlera que de la forte historicité dont la chefferie, considérée comme société-histoire, doit faire montre. Cependant, cette capacité historiciste de Ngweshe, c'est-à-dire sa capacité de conception, de réalisation, d'évaluation et d'auto-évaluation, exige un capital symbolique et idéologique. Celui-ci rendrait la population de la chefferie capable de penser, d'agir, d'innover, de réaliser et de se réaliser pour l'intérêt de toutes les populations présentes et celles à venir.

Les agents historicistes, autrement appelés par Alain Touraine « Sujets- Historiques » recherchent la transformation positive et durable de leur environnement médiat, immédiat et/ou lointaine. Ce sont des acteurs super-historiques du milieu, ils ont pour mission de transcender toutes les incapacités qui freinent le décollage local et de hisser la communauté à un niveau plus spectaculaire, admirable et honorifique.

Or, dans le cas d'espèce, le capital symbolique est entrain de s'effriter : les élites locales fuient la chefferie, les jeunes enfants, faute d'argent abandonnent l'école et l'analphabétisme refait surface, la socialisation est au rabais. La communauté ne fait que régresser dans son cheminement ; elle involue, selon E. Morin.

Pour faire face à cette involution, une dynamique interne doit renaître pour préconiser la formation d'un capital symbolique et idéologique qui étudient les mécanismes d'établir de meilleurs conditions de vie, de santé saine, de juguler l'insécurité et de lutter contre la pauvreté. De telles actions exigeront des interactions avec d'autres partenaires au niveau holistique, tant micro, méso que macrosociologique. Elles se fonderont sur les potentialités actuelles de la chefferie qui compte 166 écoles primaires, cinquante écoles secondaires et sept instituts supérieurs. En 2009-2010, il y avait soixante sept mille enfants scolarisés dont le taux de déscolarisation était de 33 %. Il faut innover les choses et aller de l'avant ; organiser un dialogue sincère et pragmatique entre les acteurs sociaux afin d'améliorer la situation.

De ce fait, deux éléments doivent être pris en compte : la connaissance et la rationalité. On ne peut servir une communauté que sur base de connaissances solides et d' une rationalité avérées. C'est en sens que J.Habermas rêve qu'il y aura un jour une société fondée sur la raison et la connaissance.

Se basant sur les conceptions de J.Habermas, Sémou Pathé Guève propose quatre principes pour des échanges pouvant mener la communauté vers le changement :

a) Le principe de la reconnaissance effective de l'égalité des partenaires dans la discussion : il postule en effet que tout sujet capable de parler et d'agir doit pouvoir prendre part à des discussions (...), problématiser toute assertion quelle qu'elle soit, (...) ; faire admettre dans la discussion toute argumentation ; et (...) exprimer ses points de vue et ses besoins. En conséquence, aucun des partenaires ne pourra être empêché par une pression autoritaire qu'elle s'exerce à l'intérieur ou à l'extérieur des discussions.

b) Le second principe formule l'exigence pour les partenaires d'engager la discussion avec la volonté de déboucher sur la vérité entendue ici dans la sens précis d'un consensus résultant d'une argumentation rationnelle rigoureusement mais dont la conclusion est toujours susceptible d'être reconsidérée à la faveur d'un argument meilleur ;

c) Le principe de non contradiction : le partenaire qui prend parole doit éviter de se contredire dans ce qu'il dit, il doit tenir compte des arguments des autres en toute sérénité et respect ;

d) Le principe de la véracité : il pose que chaque interlocuteur ne peut affirmer que ce lui-même croît. Il doit donc veiller ainsi à tenir des propos auxquels il est possible de donner foi, ce qui implique que ses propos doivent être sensés.103(*)

En bref, reconnaissons que tout doit partir d'une idée rationnelle devant se concrétiser durablement au profit de toute la communauté.

2°. Des interlocuteurs

L'interlocution regroupe d'une part, les organisations engagées dans la résorption du déséquilibre familial, dans le soutien à la population victime du malaise social et économique et, d'autre part, les membres de la communauté qui, en même temps, ne cessent de parler entre eux-mêmes de souffrances qui les guettent et des solutions envisageables. De ce dialogue entre membres de la communauté ressort, pour certains cas, la création des associations locales. Le schéma ci-dessous illustre ces échanges discursifs :

Schéma n° 5 : Echanges discursifs

Demande d'appui

Organisations de résorption

du déséquilibre

Population

Population

Création des associations locales de développement

Appui

Familles en crise direct

Etudes

évaluatives

Appui aux associations de développement

Source : Enquêtes sociologiques

Que retenir de ce schéma ?

Le point de départ est l'existence d'une crise au sein des familles de Ngweshe. Cette crise est mise en exergue à partir d'une étude évaluative faite les organisations engagées dans la résorption en collaboration avec les associations locales de développement et les familles elles-mêmes. Ces organisations interviennent sur deux pôles : l'intervention envers les familles peut se réaliser, soit directement en donnant aux familles ciblées ce qui convient à leur donner selon les besoins identifiés, soit indirectement à travers les associations de la société civile de la place.

Quid de la Société civile ?

a. Définition

« La société civile rassemble les citoyens ; organise leurs intérêts ; formule leurs demandes et les exprime devant les décideurs et cela sur le plan positif. Il n' en demeure pas moins que son essor peut dissimuler un certain nombre d'effets pervers : ONG alimentaires, milices, sociétés secrètes, réseaux paramilitaires fonctionnent sous l'enseigne d'associations des réfugiés, d'organismes humanitaires, et certains médias dédiés à la haine et à la violence.

La société civile se construit à travers un certain nombre de paramètres et des conditions : le désir de vivre ensemble, le partage de certaines valeurs, la solidarité entre les membres, l'acceptation d'un certain nombre de règles communes, le rôle régulateur et censeur de l'Etat, un certain degré de convivialité. L'existence d'une société politique suppose des compromis entre le pouvoir et les citoyens parmi lesquels la société civile interagit.

La société civile est une société de rencontre, de partage et des conflits, qui n'est cependant pas indemne de crises. Elle est un groupe de pression qui cherche à influencer le pouvoir mais sans avoir la prétention de briguer le pouvoir politique. Elle est un contre - poids pour le pouvoir en place ».104(*)

a. Composantes de la société civile

Les membres de la société civile se répartissent en diverses composantes, les unes indépendantes des autres, chacune avec ses membres, eux aussi indépendants et autonomes les uns vis-à-vis des autres. Les associations, à l'intérieur des composantes naissent et disparaissent à tout moment suivant les défis, les enjeux et la dynamique sociale du milieu où elles sont implantées. Ainsi, la société civile s'élargit chaque jour, croissant au rythme de la créativité des forces vives. Ses composantes sont classées :

· Selon le but

Sous cette forme, on connaît des associations sans but lucratif, à caractère socio-économique, confessionnel, confessionnel, philanthropique...

· Selon le secteur d'activités : dans cette catégorie, on range : les associations confessionnelles, de développements, philanthropiques, culturels et scientifiques, de droit de l'homme, d'éducation civique, professionnelles.

La société civile de la RD Congo s'est inspirée de cette classification pour déterminer ses composantes qu'elle a limitées à quinze (comme ci-dessous) :

1. Les associations des femmes

2. Les associations communautaires et paysannes

3. Les associations culturelles et sportives

4. Les associations de la presse

5. Les associations des jeunes

6. Les associations humanitaires et philanthropiques

7. Les Eglises et confessions religieuses

8. Les ONG à caractère économique

9. Les ONG de développement

10. Les ONG des droits de l'homme

11. Les ONG de paix et d'éducation civique

12. Les ONG environnementales

13. Les ordres professionnels

14. La société savante (écrivains, chercheurs...)

15. Les syndicats.105(*)

Pour le cas de la Province du Sud-Kivu, la Société civile ne dispose que de dix composantes : associations des femmes, organisations des jeunes, organisations à caractère économique, ONG de développement, ONG de droits de l'homme, organisations humanitaires et philanthropiques, Eglises et confessions religieuse, associations savantes, associations culturelles et sportives, les syndicats et les corporations professionnelles.

La société civile est constituée par un continuum organisationnel qui va de relations sociales les plus relâchées et occasionnelles ou éphémères aux instituions les plus formelles et les plus durables. Ce continuum se présente sous la forme du schéma ci-dessous :

Niveau 4 Nation,

Etat

Lois

Niveau 3 Institutions. Organisations ayant

implanté leur légitimité dans leur

environnement

Niveau 2 Organisations. Associations, groupements

collectifs, coopératives

Niveau 1 Associations détachées. Individus et collectifs, groupements

de la société civile organisés ou non organisés

Figure n° 9: continuum représentant la société civile

La société civile s'arrête aux trois premiers. Ceci veut dire qu'elle n'a pas de vocation de gérer la nation ; mais qu'elle constitue une entité à laquelle la nation délègue le pouvoir de gérer la vie publique en son sein.106(*)

b. Rôles de la société civile

La société civile doit se prémunir contre l'anarchie qui est en réalité un excès de liberté, mais aussi de dictature, définie comme excès du pouvoir. Ceci suppose la déconstruction des déséquilibres et des contradictions attentives à la préservation de la justice et de la paix.

La société civile doit lutter contre l'injustice et la pauvreté par des actions concrètes. Dans un pays où la sécurité sociale n'existe pas, ce rôle est tenu par des groupes à la base : les tontines, les coopératives d'épargne et de crédit et les associations qui par, exemple, collectent l'épargne ; la redistribuent ; assurent contre la maladie ; prennent en charge certains frais lors de certains événements familiaux importants.

La société civile doit aider les populations à améliorer leurs capacités de choix et leur pouvoir en tant que masse grâce à une nouvelle échelle des valeurs et un nouveau sens du respect de ces valeurs par une éducation et une animation qui viseraient aussi bien les couches de la base que les nouveaux acteurs de la vie politique107(*).

c. Emergence de la société civile

Née dans le champ philosophique, l'expression de société civile est désormais dans le langage politique opposé par la grande presse à celui de la société politique et pris ainsi dans une acception sociologique, il renvoie, en réalité, à une acception précise de la politique et de la société qui n'est que rarement explicitée.

Dès 1976, la société civile devenait le cheval de Troie de la lutte non seulement contre le totalitarisme marxiste et l'idée d'un changement social part le haut, mais aussi contre un certain rigorisme en décalage avec l'esprit du temps. On entretenait ainsi un monde tripolaire : Etat, sphère économique et société civile. Cette dernière étant la seule où puissent exister des « relations libres entre individus ». De là, on affirme qu'il n'est de société libre que la société civile.

Bruce Shearer estime que de nouveaux éléments ont émergé avec une rapidité et une énergie sans équivalent à travers l'Amérique latine, l'Afrique, l'Asie, le Pacifique et le Moyen Orient. S'appuyant sur des organisations existantes (partis politiques, syndicats, Associations d'entrepreneurs et Eglises...), Bruce Shearer compte des centaines des milliers des groupes locaux des citoyens locaux des citoyens organisés informellement (associations communautaires, mouvements citoyens, groupes de bienfaisance, clubs d'épargne ou groupe de pression) ainsi que des ONG et des milliers d'institutions de soutien actives dans la mise en réseaux, de financement ou de survie108(*).

Beaucoup d'innovations dans le développement rural et la communication dans les pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) se développement sur le terreau fertile des organisations de la société civile (OSC), créant de nouvelles synergies. Il en est ainsi du regain des stations de radio rurale, qui sont devenues de véritables véhicules des messages pour les agro-éleveurs.

En Ouganda, où ces radios sont nombreuses, la jeune et active Ugandan national farmers association (Association nationale ougandaise des agriculteurs) a joué un rôle moteur en donnant beaucoup d'espace d'expression aux paysans et en utilisant cette radio pour la formation de ses membres.

Au Mali, le Président ne rate aucune occasion de souligner que son gouvernement est enraciné dans le mouvement populaire des OSC qui l'ont porté au pouvoir et joué un rôle actif pour la mise en oeuvre de la liberté de la presse et l'expression des citoyens au début des années 1990.

La notion du gender telle perçue aujourd'hui est une émanation des groupes des femmes ayant évolué au sein des organisations de la société civile : c'est le cas du collectif Sinistren au Jamaïque qui a poussé les femmes à plus de responsabilité et de prise de conscience. Le Journal Sister Namibia, la Radio Maendeleo, le Caucus des femmes et beaucoup d'autres associations ont permis à la femme du Sud-Kivu d'être plus responsable non seulement en tant que femme mais aussi en tant que mère de famille et épouse.

On a reproché, de l'extérieur, à beaucoup d'OSC de signaler plus de problèmes qu'elles ne cherchent des solutions. Hazel Hendeson, un célèbre futurologue estime que les OSC peuvent rapidement passer à un ordre plus positif et prescriptif. La société civile doit être un cadre de conception, de recherche des solutions aux problèmes qui sévissent au sein de la communauté où elle est implantée109(*).

Au sein de notre terrain d'étude, il existe cette société civile et ses composantes demeurent les associations dites sans but lucratif et les Eglises. Ce sont des personnes qui se regroupent, pensent, identifient le problème et tentent d'y apporter des solutions, soit par leurs propres efforts, soit en recourant à des tierces personnes.

Au vu du déséquilibre au sein des ménages, ceux-ci ont pris conscience bien que dépourvus de moyens efficaces d'y remédier. D'où des regroupements paroissiaux dans le but de solliciter des appuis en rapport avec des objectifs que les uns et les autres se sont fixés. Ces appuis appelés aussi « financements », une fois obtenus sont répercutés aux populations cibles, c'est-à-dire les familles au sein desquelles les problèmes à résoudre ont été identifiés.

C'est à ce niveau qu'apparaît l'aspect structurel interventionniste et qu'on entend divers thèmes de discours tels qu'illustrés dans le schéma et le tableau ci-dessous :

Schéma n° 6 : Aspects structurels de l'intervention

Organisations d'appui aux populations

Organisations locales de développement

Interventions aux populations selon les domaines ciblés

Source : Enquêtes sociologiques

Interprétation 

Il sied de dire, comme le démontre le schéma ci-haut, que par rapport au déséquilibre qui sévit dans les familles, il y a des interventions de résorption à deux niveaux : au départ ou sommet, il y a des organisations internationales et/ou onusiennes qui, après constat et évaluation des besoins sur place, s'engagent, dans une certaine mesure, à résoudre, à court, moyen et long terme, les problèmes sévissant dans le milieu.

Dans la logique traditionnelle, les organisations dites « bailleurs des fonds » n'intervenaient pas directement sur le terrain. Elles sélectionnaient des organisations actives sur le terrain avec lesquelles elles entretenaient le partenariat. Celles-ci devaient donc exécuter les projets selon l'esprit, la lettre et la foi des bailleurs des fonds. Mais, il s'est avéré que dans cette perspective, la confiance n'a pas perduré. Les organisations locales appuyées par les organismes internationaux ont développé un sentiment beaucoup plus lucratif, malhonnête et peu « retributif ». Ceci veut dire que l'appui ou le financement reçu des organisations d'appui ne parvenaient pas totalement aux populations cibles, les dirigeants préféraient plutôt se servir avant de servir les personnes en faveur desquelles le projet avait été conçu, élaboré et exécuté. Dès lors les organisations d'appui ont préféré, elles mêmes agir sur le terrain.

Il est bon de faire remarquer, ici, que traditionnellement, le mushi apparaissaît comme un homme très équilibré, honnête, courage et responsable. Mais peu à peu, on a remarqué en lui un état de paresse, un esprit de malhonnêteté tels en ces cas cités concernant la gestion des financements reçus et destiné à des vulnérables. Cela démontre donc des antivaleurs qui semblent primer sur les valeurs acquises des ancêtres bashi. Il sied donc de réorganiser la communauté et faire primer les cultures des valeurs et atténuer le plus possible les antivaleurs qui sont entrain d'élire domicile au sein de la chefferie.

Cet esprit de malhonnêteté a été encore beaucoup plus remarquable avec l'entrée massive des réfugiés hutus rwandais au sein de la chefferie de Ngweshe. Ces réfugiés travaillaient avec plus d'assiduité que les bashi. Toute personne qui avait besoin d'une main d'oeuvre physique trouvait en ces rwandais plus de courage, d'assiduité, de sincérité et d'honnêteté que chez les bashi qui, eux, paraissaient moins courageux, hypocrites et malhonnêteté sur le lieu de travail. L'heure est donc à la débâcle des moeurs traditionnelles. Il faut reconstruire une communauté sur base des pratiques, des valeurs et des vertus humaines susceptibles d'amener la communauté dans une dynamique rénovatrice et cohérente à travers une planification locale rationalisée.

Pour Habermas, « la planification est considérée comme une activité rationnelle par rapport à une fin au second degré : elle vise à l'installation, à l'amélioration ou à l'extension des systèmes d'activités rationnelles par rapport à une fin110(*) (...) » conçue par les membres dans le but de parfaire leurs conditions de vie.

Dans ce cheminement de courage, de fermeté et d'hésitations, la population a produit des discours et en a consommé d'autres. Ces derniers peuvent être regroupés en trois thèmes.

Tableau n° 18 : Thématisation des discours

Sous-thèmes

Termes de discursivité

01

Désespoir

Malédiction, fatalité, abandon, inconscience des dirigeants, vente ou cession du patrimoine, trahison, passivité et incompétence du pouvoir et de la population, détournement, peur, mort, maladie, inquiétude.

02

Espoir

Dieu, salut Jésus sauveur, prière, aide, l'homme blanc, l'Etat congolais, reconversion...

03

Auto - prise en charge

Vigilance, comité de surveillance, patrouilles, comités humanitaires de base, intervention entre humanitaires et les villages (sorte de pont entre population et les grandes organisations...

Source : Enquêtes sociologiques

Commentaire

Ces états conscientiels de thématisation discursive à Ngweshe ont été recueillis auprès de la population et regroupés sous trois axes importants : le désespoir, l'espoir et l'autoprise en charge. Chaque thème reprend des termes discursifs répertoriés d'une façon non exhaustive. Il s'agit, entre autres, des mots qui reviennent le plus souvent sur les lèvres des personnes lorsque nous les interrogions sur leur situation du moment et sur leur vécu quotidien.

Replacés dans la triple dialectique quadripolaire, nos enquêtés se sont regroupés par pôles discursifs comprenant :

1. Les locuteurs : ce sont les organisations se proposant de résorber la crise existante ;

2. Les auditeurs : ce sont les familles de Ngweshe qui consomment divers discours, mais sans oublier qu'elles en produisent aussi d'autres ;

3. Le scientifique social ou le savant : il s'agit du chercheur sociologue qui s'est déployé sur le terrain et qui, de par les investigations a pu produire cette oeuvre scientifique ;

4. La société-histoire : c'est la chefferie de Ngweshe insérée dans un contexte global de la Province du Sud-Kivu et de la RD Congo.

Les locuteurs se penchent sur la situation du vécu quotidien des populations, ils évaluent leur niveau de vie et proposent des mesures d'amélioration de celle-ci. C'est donc un travail de conception et d'exécution et d'évaluation des projets. Divers projets ont ainsi été initiés dans divers domaines tels que, la sécurité alimentaire, l'habitat, l'agropastoral, etc. Il faut, cependant, faire remarquer que l'appui n'est pas toujours proportionnel aux besoins et que dans la plupart des cas le gros du financement s'oriente plus chez les exécutants du projet que chez les nécessiteux ou ceux pour qui le projet a été conçu. On dirait ainsi que les locuteurs disposent d'une conscience de nouménisation-ontologisation. Ils développent un discours archémique pour justifier leur présence dans les milieux. Ils s'inscrivent dans la logique des expériences de toutes les ONG qui parlent et agissent au nom du peuple mais avec un dessein de garantir plus leur bien-être au détriment de la misère du peuple. Ce dernier constitue leur tremplin. Il faudra encore plus de conscientisation pour que les acteurs sociaux se comportent dignement, que leurs dires soient en adéquation avec leurs actions.

En effet, c'est à travers cette inadéquation entre dires et actions des acteurs sociaux  et le fait de considérer le bas peuple comme tremplin que se sont développées les trois formes de bourgeoisie à Ngweshe comme partout en République Démocratique du Congo: la bourgeoisie issue des postes politiques, la bourgeoisie issue des Eglises et celle issue du commerce contrôlé par des corrupteurs corrompus et où le profit est successivement accru.

A leur tour, les auditeurs ont une conscience nouménisée-ontologisée, victimes des situations déstabilisatrices de leurs familles, ils sont en proie aux logiques des organisations prometteuses de l'espoir du bien-être. Leur discours est « endormant » et passéiste. Pour eux, la vie est une fatalité ; le regard est tourné vers Dieu qui opérera un jour le miracle et les hommes de bonne volonté qui leur viendront en aide. C'est l'avènement de l'esprit attentiste, peu entreprenant. L'espoir en un avenir prometteur les prédispose à tomber dans le coup des organisations qui se proposent de résorber la crise dont ils sont victimes. On retiendra cependant que cet esprit attentiste ne peut amener les familles que dans le gouffre de la misère et de la dépendance.

Il faut donc des initiatives praxéologiques qui identifient les besoins réels du milieu et qui proposent des actions adéquates et durables.

La chefferie de Ngweshe est une totalité sociologique historiquement déterminée. Elle est dialectiquement insérée dans les circuits du Sud-Kivu qui fait partie intégrante de la RDC, laquelle est un maillon dans la chaine de la société-monde. Tout le poids négatif de la mondialisation y est vécu. Loin de répondre au rendez-vous du donner et du recevoir, la RDC demeure un lieu d'accomplissement des intérêts de la communauté-monde et d'écrasement des intérêts du peuple congolais et de la destruction de son environnement. Les attentes du peuple ne sont pas satisfaites et le pouvoir en place n'en fait pas un cas d'urgence.

La crise au sein de nos familles est en grande partie une irresponsabilité remarquée de la part de nos dirigeants et le manque de prise de conscience de nos populations qui espèrent que les choses ne devront que changer positivement sans leur participation active. A ce jour, notre société est en crise, mais cette crise n'a son siège que dans nos familles, ce sont elles qui « pathologisent » nos communautés et donc, toute thérapie consistant à remettre de l'ordre dans nos provinces, nos communes et villages ne peut commencer qu'à travers la famille.

Pour Edgar Morin, « il existe du désordre au sein de chaque système social »111(*), mais cela ne signifie pas qu'il faille faire perdurer sciemment un désordre constaté et décrié par tout le monde ou qu'il ne faille pas punir sérieusement ceux de qui le désordre est venu et ou entretenu.

En notre qualité de sociologue, nous nous inscrivons dans la logique du langage généléxémique basé sur une expérience sociologique émancipatrice, libératrice et socianalytique. Il faudra donc développer des mécanismes qui encouragent le peuple de  Ngweshe à se dépasser et s'engager courageusement sur la voie d'un changement quantitatif et qualitatif, qui prenne en compte l'homme dans sa dimension holiste et qui tienne compte de la gestion rationnelle de son environnement en envisageant ainsi de transformer chacun en un acteur social aux mains sales, aux pieds nus et l'esprit battant. Certes, un tel projet très ambitieux, n'est pas facile à atteindre, mais pour aller de l'avant, pour développer un milieu, il faut à la fois de l'esprit, de la conviction mais en même temps des principes solides sur lesquels il faut se remettre et qui serviront des guides dans la conception, l'exécution et d'indicateurs dans l'évaluation.

6.1.2. Restitution praxéologique des discours

L'opération de restitution praxéologique se fait en quatre temps. Pour l'économie d'analyse, nous fusionnerons les deux premiers temps. Toutefois, cela se fera conformément aux thèmes pris dans le tableau n° 12. Il s'agit des thèmes d'espoir, de désespoir et d'autoprise en charge. Ces discours apparaissent d'une manière synthétique à travers le tableau ci-dessous :

Tableau n° 19 : Tableau synthétique des discours recueillis de notre univers

Discours

Locuteur

01

La situation est catastrophique : nous ne savons ni manger ni scolariser nos enfants, les terres sont devenues improductives ; l'habitat bien qu'inapproprié est devenu difficile à avoir.

Population

02

Les moeurs sont dépravées surtout chez les jeunes.

Population

03

Nous avons été dépouillés de nos biens et de nos valeurs.

Population

04

Unissons-nous, ensemble identifions nos problèmes et apportons- y des solutions durables.

ONG

05

Nous avons réussi à annoncer à faire asseoir Jésus au milieu de nous, à cimenter la cohésion sociale et à combattre les antivaleurs.

Eglises

06

Nous avons réussi à rendre nos populations plus responsables, plus dynamiques et plus orientés dans des projets durables, ensemble, nous avons réalisé pas mal de choses.

ONG

07

La reconstruction du pays est en marche, la démocratisation réussie et nous tendons vers la modernité de notre pays grâce aux efforts de nos vaillants leaders.

Cadres politiques

Source : Propos condensés et recueillis auprès de nos enquêtés de Ngweshe en              2011 et 2012.

Que peut-on retenir de ces discours ?

Les sept discours produits par les interlocuteurs de Ngweshe sont porteurs d'un sens et d'un contenu pragmatique. Ils contiennent des dimensions et des fonctions.

Discours 1 : Contenu :carence alimentaire, déscolarisation des enfants, terres infertiles, rareté des matériaux de construction

La chefferie de Ngweshe a été, jadis et pendant longtemps, le grenier de la province du Sud - Kivu. Il faut retenir que Ngweshe est une des chefferies du Bushi, un territoire à dominance ethnique Shi, c'est-à-dire peuplé essentiellement des Bashi. Le Bushi est composé de sept chefferies, à savoir : Burhinyi, Kabare, Kalonge, Kaziba, Luhwinja, Ninja et Ngweshe. Les chefferies de Kabare et Ngweshe sont les plus importantes, tant sur le plan spatial, démographique et même culturel. Les cinq autres sont de petites chefferies.

La chefferie de Ngweshe était donc très productive, elle disposait d'importantes ressources agropastorales et donc le manger n'avait jamais posé problème au sein de la chefferie : les récoltes étaient régulières et très abondantes en manioc, sorgho, patates douces, ignames, bananes, haricot, légumes, etc.

L'élevage des vaches, chèvres, moutons, lapins, et des poules était important, de façon qu'en moyenne chaque mushi, jadis, disposait, d'au moins une vache, une chèvre et plusieurs poules. Cela lui permettait de se nourrir suffisamment du lait et de la viande. On se souviendra que le seul groupement de Tubimbi fournissait du manioc à la ville de Bukavu. A ce jour, aucun manioc ne provient de Tubimbi pour être vendu. La production a tellement diminué que les milieux ruraux de Ngweshe sont desservis en denrées alimentaires par la ville de Bukavu alors que la ville doit vivre de son hinterland. Les raisons de cette déperdition sont énormes :

a. L'accroissement démographique : la population n'a pas pris conscience qu'elle croissait du jour au lendemain et que, de ce fait, la production devenait insuffisante pour deux raisons: l'accroissement du nombre des consommateurs au sein de chaque famille et la réduction du patrimoine familial cultivable, car le garçon devenu majeur devait user d'une partie du sol familial pour se bâtir une maison, ce qui réduisait sensiblement l'espace cultivable.

b. L'infertilité du sol et l'exigüité des terres arables

Le sol de Ngweshe s'est défertilisé par suite d'une utilisation maximale des terrains cultivés : beaucoup de cultures sur un même terrain, aucune alternance de cultures et jamais de jachère.

En outre, avec la colonisation, de grands espaces avaient été accordés à des colons belges (qui ont entretenu de grandes plantations de quinquina, théier) au détriment de la population autochtone et à des missionnaires catholiques qui, eux aussi, disposent de très grands espaces souvent non exploités : les vastes concessions des paroisses comme Burhale, Kaniola et celle des Frères maristes de Nyangezi peuvent confirmer cette assertion.

c. L'insuffisance de la main d'oeuvre

Au sein des villages, le travail des champs (sur lequel tous les membres de la famille comptent pour se nourrir) est réservé à la seule mère de la famille et de sa fille s'il y en a une qui a déjà grandi. Le père s'occupe de sa bananeraie, de la construction des cases, de sa vache, mais il est rarement aux champs sauf lorsque cette mère est réellement malade.

d. La destruction des cultures par certaines mosaïques

Le terme de mosaïque relève de la botanique et consiste en une maladie due à un virus qui affecte certaines plantes112(*). Ainsi, de nombreux champs de manioc constituant l'aliment de base du mushi, ont été décimés par la mosaïque de manioc appelé encore « wilt bactérien ». Il en est de même du haricot et du bananier. A ce jour, des organisations humanitaires sont à la recherche des boutures à distribuer aux paysans victimes de la mosaïque ; la tache est difficile car ce sont tous les seize groupements qui sont concernés.

Si, à ce jour de nombreux enfants ne parviennent plus à fréquenter l'école, une raison majeure justifie cette déscolarisation : le manque de revenu familial issu de l'infertilité du sol et du manque d'emploi dans le milieu. Cette déscolarisation des jeunes enfants n'est pas sans conséquence directe sur la chefferie et les régions environnantes. Parmi les conséquences les plus immédiates, on constate cette ribambelle d'enfants qui flânent le long des routes et dans les marchés avec des ventes à la sauvette. Le vol, la prostitution des mineures et l'exode des jeunes enfants vers la ville de Bukavu (qui s'associent aux enfants de la rue existant au sein de la ville) en sont une autre conséquence de même que certains bandits qui déstabilisent la quiétude urbaine.

L'environnement de Ngweshe a subi des destructions néfastes : un déboisement à grande échelle de façon que le paysan n'a plus de facilité de trouver de sticks pour la construction. Ngweshe disposait de beaucoup de plantations de théiers, d'eucalyptus, de quinquina et celles-ci lui permettaient de se procurer de sticks pour la construction. A ce jour, toutes ces plantations ont cessé d'exister. Seules les plantations Pharmakina et Gombo conservent encore des traces d'existence d'une plantation. D'autres plantations telles que Kinaplant, Irabata, Commission agricole du Kivu, Gombo, Bukina, Cinomyo, Kashongero, Sengiyunva, Cibeke et beaucoup d'autres, ont cessé tout simplement d'exister. La Pharmakina disposait d'au moins une plantation, dans six groupements de Ngweshe. A même temps que se détruisait l'environnement physique, l'environnement social s'est aussi dégradé amenuisant ainsi la capacité des relations sociales à assister ceux qui le méritait.

La faillite de ces entreprises a affecté affreusement l'environnement. C'est à l'issue de cette faillite que les collines boisées et entretenues par MAE (Mission antiérosive) ont été déboisées. A ce jour, toutes ces collines, à travers toute la chefferie, sont nues et cela dispose d'un impact considérable sur l'environnement, l'habitat et sur la pluviosité dans le milieu. Toutes les tentatives de reboisement ont échoué suite aux feux de brousses et l'abattage des jeunes arbres pour la construction et le chauffage.

L'inexistence de ces plantations n'a pas affecté que l'environnement et le climat, elle a aussi réduit au chômage la grande majorité des paysans au chômage, car chaque plantation employait les filles, les garçons et les hommes dans la cueillette, le traitement ou l'usinage et l'expédition du thé et du quinquina. Toutes ces entreprises utilisaient des hommes et des femmes à tous les âges au-delà de 10 ans dans des travaux divers : défrichage, labour, piquetage, cueillette, écorçage, usinage, emballage, chargement, déchargement, bureaucratie, entretien, lavage, cuisine, maintenance des machines. Bref, à chaque âge et à chaque niveau, il y avait des prestations spécifiques.

On retiendra cependant que rares étaient les femmes mariées qui travaillaient dans les plantations, leurs rôles se limitant principalement à la maternité, à la garderie des enfants, aux travaux des champs, de ménages (champs, puisage, cuisine, soins des enfants, du mari, du petit bétail (chèvres, moutons, porcs, lapins, cobayes, le soins de la vache étant réservé à l'homme) et de la volaille, à l' entretien de la cour et de la maison, etc.

C'est la femme aux mille bras, infatigable et jamais tolérée lorsqu'elle se sent fatiguée. Même porteuse d'une grossesse de neuf mois, elle se déploie avec témérité et personne ne prend conscience de son fardeau ni ne cherche à la relayer. Enceinte, bébé en bandoulière, on la voit avec une cruche ou un faisceau de bois sur la tête, un enfant dans une main et peut-être une chèvre dans une autre. Jamais lassée au cours de la journée, elle puise, pile, cuisine le soir sous une fumée étourdissante, partage le repas pour finir par entretenir son mari et se réveiller la première le lendemain pour se remettre ainsi dans le cycle de sa vie ordinaire.

Discours 2 : Dépravation des moeurs

Deux facteurs contribuent à la dépravation des moeurs en chefferie de Ngweshe : la pauvreté et le contact avec le monde environnant.

La pauvreté a conduit pas mal de filles et femmes à la prostitution. Les centres commerciaux de Butuza, Nzibira, Walungu, Mugogo, Kamanyola, Kankinda, Nyangezi sont des bastions de la prostitution. A travers les villages, rare est cette fille qui se méfie de cet homme qui lui propose un peu d'argent comme prix de son sexe. Chez les femmes mariées, si les cas d'infidélité sont clandestins, mais ils s'avèrent réels surtout chez les jeunes femmes. Nos enquêtes démontrent que sur cent femmes mariées, interrogées d'avoir connu ou désiré connaître un autre homme que son mari, 52 pour cent ont répondu par l'affirmative. Il n'y a pas que la pauvreté qui influence l'infidélité des femmes. L'absence prolongé du mari y est pour beaucoup et l'imitation ou la compagnie. L'infidélité, à travers les villages, est commise plus avec les hommes d'Eglises, les commerçants et d'autres hommes aux statuts émergents.

Les divers contacts avec l'étranger par rapport au village ont favorisé aussi des contacts sexuels et des comportements déviants. C'est le cas des femmes et des filles qui, pour s'être déplacées de leur milieu, en revenant, elles adoptent un comportement tout autre. Il s'agit principalement des contacts opérés dans des centres urbains, dans des points chaux de la chefferie et dans les carrés miniers. Chez les garçons et les hommes, les contacts avec l'étranger et l'avènement des hutus rwandais et de plusieurs milices et bandes armées ont favorisé le banditisme et le viol. Nous retiendrons, cependant que des cas de banditisme, de vol et de viols existaient bien avant au sein de la chefferie, mais l'ampleur n'était aussi grande qu'actuellement. C'était des faits bénins, très irréguliers et presque spécifiques à une contrée. D'ailleurs, la case du mushi n'était pas fermée la nuit comme le jour. A ce jour, les cas de banditisme, de vol et des viols ont tendance à se généraliser, à être très récurrents et tendent à n'épargner personne. Le vol a évolué du vol simple jusqu'au vol à mains armées. Il en est du même du viol. Jadis, les cas des viols ne s'étaient jamais connus sur de petites filles tout comme le meurtre ne concernait pas de petits enfants.

Au-delà des cas précités d'antivaleurs, retenons que la notion de respect tend à se fragiliser manifestement. Les jeunes respectent moins les adultes, les femmes respectent très manifestement moins leurs maris alors que jadis, chez les bashi, l'homme était pour la femme un « petit dieu », «  un roi  ». La femme appelait son mari « Nnahamwirhu », « Nnahano », c'est-à-dire, le responsable de notre domaine, notre seigneur, notre roi, au même titre que les bashi appellent le roi et Dieu « Nnahamirhu ». Le respect entre administrés et les chefs locaux s'est effrité.

Le mwami ou le chef du village ne disposent plus du même respect dont ils méritaient jadis, alors que le respect envers le mwami était sacré par le principe suivant : « owajacire mwami arhund'enda nkalurhanda », c'est-à dire que « quiconque injurierait le mwami aurait un ventre aussi enflé qu'un panier ». En fait, pour le mushi, quiconque lui était supérieur, était pour lui un « roi » et il lui devait, par conséquent, du respect absolu. Les instances de la formation, de la socialisation et d'éducation du mushi de Ngweshe étaient, au départ, la Famille et la Case des sages « ngombe » puis, l'Ecole et l'Eglise.

La question que nous devons nous poser, à ce jour, est de savoir qu'est devenue cette Famille, cette Ecole et cette Eglise dont les initiés ne reflètent que peu de valeurs morales et humaines. Le tout repose sur le manque de modèles à tous les niveaux.

La perte de l'autorité parentale a plongé la famille dans une forme de cataclysme ; l'école, elle-même, n'est plus un lieu d'excellence. Fraude, tricherie, corruption, monnayage des points, relations sexuelles inappropriées, enseignements superficiels, tribalisme, « chasse » des enfants (exclusions intempestives des enfants de la classe pour les contraindre de s'acquitter des frais scolaires) et bien d'autres méfaits caractérisent l'enseignement actuel à Ngweshe, en particulier et en RDC en général. L'enseignant n'est plus le modèle de la société, l'homme d'Eglise non plus, car l'Eglise est rongée par les mêmes vices et perversités qu'on retrouve dans les écoles et chez les charlatans. Certaines Eglises, d'ailleurs, ont été conçues comme des véritables lieux des business ; d'autres ont dérayé de leur mission suite au goût de lucre, de l'argent et du sexe. L'administration est pourrie, la police et l'armée corrompues et impitoyables, la justice est commercialisée: c'est la loi du plus fort qui domine dans tout règlement des différends entre individus sociaux.

Au vu de ce tableau ainsi peint lugubrement, où trouvera-t-on formé cet homme qui incarne des valeurs sociales, le modèle de la société  et qui amènera la famille à se transformer positivement. Il y a donc une crise profonde au sein de la famille. Il faut initier, à la base, des mécanismes tendant à restaurer l'harmonie au sein des familles et par ricochet au sein de toute la chefferie, car une communauté n'est que ce sont ses familles, la famille étant le moteur de la vie humaine.

Mais quelles que soient les défaillances actuelles de l'Etat congolais, nous devons compter sur lui et l'encourager à faire mieux, car comme l'estime François de Singly, « le rôle de l'Etat n'a rien de négatif. Il tend à assurer l'individualisation la plus complète (...) bien qu'il soit le tyran de l'individu, c'est lui qui rachète l'individu de la société »113(*). A ce propos, Singly donne un exemple frappant de la France dans la formation de la famille moderne :

· Au niveau juridique, avec des décisions renforçant l'individualisation de la femme vis-à-vis de son mari. Peuvent être citées les lois sur la contraception, l'interruption volontaire de la grossesse, le divorce ;

· Au niveau économique, avec des mesures qui, soit desserrent la dépendance vis-à-vis de la parenté, soit gèrent les effets négatifs de la séparation : par exemple la sécurité sociale, les retraites, l'allocation au parent isolé ;

· Au niveau politique, avec les mesures dessinant des frontières à l'individualisation des adultes en tant que parent. On peut citer la médiation familiale, l'attention portée à la bientraitance, l'apprentissage des parents à être parents, l'autorité parentale114(*).

Si nous nous remettons ne fut- ce qu'à la dernière mesure prise par la France à l'égard de ses familles, celle d'assurer la bientraitance aux familles, l'apprentissage des parents à être parent et établir l'autorité parentale, nous constatons que nous sommes encore loin d'avoir des familles stables en RDC en général et en chefferie de Ngweshe en particulier. Nos familles évoluent comme des électrons libres. Le jeune homme congolais se marie à l'âge très jeune et n'est juste conscient du simple fait qu'il est marié. Quant à maitriser le poids de son fardeau, il n'en sait rien. Seuls les événements et les aléas de la vie l'orientent vers des actions auxquelles il n'est pas du tout préparé. L'Etat congolais a donc cette mission d'être plus responsable dans le comportement, l'équilibre et la dynamique des familles.

En effet, « il est communément reconnu à l'Etat moderne six fonctions régaliennes qui sont les suivantes : politique étrangère, sécurité, sécurité des biens et des personnes, respect du droit et imposition de la justice, éducation et santé ».115(*)

La protection l'encadrement de la famille par l'Etat s'inscrit ainsi dans les fonctions régaliennes à tous les niveaux. « L'Etat est censé assurer aux citoyens la sécurité, la santé et l'éducation, les bons services de base, la création et l' entretien des infrastructures, la création des conditions optimales de l'emploi ».116(*) La famille ne peut jouer pleinement ses fonctions et se transformer positivement que lorsque l'Etat joue convenablement ses fonctions.

Discours 3 : Paupérisation et acculturation

A travers les lignes précédentes, nous avons évoqué les facteurs qui concourent à la pauvreté des bashi de Ngweshe. Ce sont des facteurs liés au sol, à la gestion du sol, à la mosaïque, au manque d'emploi, à la faible capacité d'initiatives, et nous ajouterons, un certain esprit bébé, attentiste, métaphysique et théologiste qui prend de l'ampleur au sein de la chefferie. A ce jour, les gens ont tendance plus à demander d'être aidés qu'à travailler et produire, à croire à des considérations abstraites et croire que seul Dieu peut tout et qu'à tout moment, grâce à la prière, il peut tout leur donner. Ainsi, ce sont créées des chambres de prières où l'on veille nuit et jour à l'attente de la bénédiction divine. Toutefois, nous ne fustigeons pas les efforts entrepris par les habitants et desquels dépend leur existence. On l'encouragera à plus de créativité et inventivité.

Nous pensons que seul le travail axé sur une vision développementaliste et fait avec rationalité et courage pourra aider nos familles à s'acquitter honorablement de leur mission et permettre à toute la RDC d'asseoir son historicité ou sa capacité transformatrice.

Dans sa dynamique ordinaire liée aux époques et aux contacts d'avec d'autres cultures, la famille de Ngweshe a perdu certaines de ses valeurs, c'est le cas de la solidarité, la cohésion et l'esprit de communauté. La famille de Ngweshe, à l'instar de toute famille moderne a opté pour l'individualisme.

A ce sujet, F. Singly, citant Durkheim, estime que «  la famille moderne est un groupe avec des membres dont l'individualité est plus grande qu'antérieurement. Ces divergences individuelles s'accentuent, se consolident, et comme elles sont le bien de la personnalité individuelle, celle-ci va nécessairement en se développant. Chacun prend davantage sa physionomie propre, sa manière personnelle de sentir et de penser. Cette individualisation des membres de la famille limite le communisme familial puisque ce dernier suppose au contraire l'identité, la fusion de toutes les consciences au sein d'une même conscience commune qui les embrasse. Pour l'exprimer autrement au sein de la famille, chacun des membres est moins défini exclusivement par sa place qu'en tant qu'individu ou sujet.

Par la division du travail, par la croissance urbaine, la famille est contrainte de se transformer pour permettre à ses membres d'exprimer leur physionomie propre. Durkheim anticipe ce qui ne se mettra en place que plus tard, à savoir une psychologisation des relations. L'indépendance et l'autonomie de l'individu, libéré en partie des contraintes propres à la logique d'une famille plus communautaire ont des effets importants sur le fonctionnement interne du groupe domestique ».117(*)

Ainsi, nos familles sont invitées à plus de responsabilité, à orienter le changement et non pas le subir. Bien que la contrainte de l'individualisation de la famille s'impose selon Durkheim, il faut ne pas arriver à une individualisation absolue. D'ailleurs, cela se fait remarquer dans bien des circonstances chez-nous : mariages, deuils. Mais nous ne serons pas dupes, les invitations à des mariages sont presque payées et n'y sont conviées que les personnes ayant souscrit leurs cotisations. C'est dire que dans la dynamique actuelle, cette individualisation de la famille est entrain de se mettre réellement en place. On va au deuil plus chez le riche que chez le pauvre, et donc par effet d'intérêt.

Discours 4 : Cohésion sociale et recherche des solutions durables.

Ce discours émane des organisations de la société civile de Ngweshe. Elles se reconnaissent de s'être investies dans l'organisation des masses. On a su regrouper la population en de petites associations : associations des femmes, des jeunes, des veuves, des enseignants, mais sans avoir une coordination cohérente. Ainsi, chaque association établie a presque évolué en vase clos, chacune cherchait à trouver l'information et la conserver très discrètement. Cette discrétion est due au fait que les associations sont dans une compétitivité de trouver les bailleurs des fonds et chacune voudrait en avoir autant que cela est possible.

Tout compte fait, l'avènement des associations n'avait pas soudé les divers groupes de la communauté, bien au contraire, l'on a constaté que certaines d'entre elles ont plus développé l'esprit de haine au détriment de l'amour et la concorde qui devait caractériser les différents groupes. Bien d'animateurs des associations se sont désolidarisés avec leurs membres à l'acquisition du financement et ont fissuré ainsi leurs organisations si pas les disloquer ou les dissoudre complètement. Elles furent ainsi des cadres des conflits et des querelles, ce qui ne permit pas de réaliser les objectifs qu'on s'était fixés et d'affiner les stratégies d'actions, parce qu'en plein cours d'exercice, la mission s'effritait.

Bien plus, ces associations, au vu de leurs façons de fonctionner, pouvaient pas initier des projets durables ni encore moins, s'ils étaient ainsi conçus, les réaliser. D'ailleurs avec les guerres à répétition qui ont sévi la chefferie, les bailleurs des fonds ont privilégié ce qu'ils ont appelé des projets d'urgence. Ce discours paraît vraissemblement très archémique, ces locuteurs voudraient justifier leur état, mais nous estimons qu'il faut repenser la mission, les stratégies et le fonctionnement des organisations de chez-nous.

Discours 5 : Evangélisation et perte des antivaleurs

En Territoire de Walungu (comprenant les chefferies de Ngweshe et Kaziba), l'évangélisation catholique qui fut la toute première a commencé par le groupement de Nyangezi (Karhongo). Les missionnaires blancs belges s'installent à Nyangezi en 1906 et y fondent la première paroisse catholique au Sud-Kivu. Une seconde paroisse verra le jour à Burhale en 1921. Les tout premiers missionnaires vont s'atteler à combattre l'animisme et convertir tout le monde au christianisme, c'est-à-dire, amener tout le monde à devenir chrétien et le tirer ainsi du gouffre du paganisme. Ainsi, débutent l'enseignement du catéchisme et l'alphabétisation. La tache a été ardue pour ces premiers missionnaires, car ce fut un processus de lavage et d'une désacculturation systématique d'un homme fermement encré dans sa culture. Mais l'homme blanc a su s'imposer sur le mushi, l'a endoctriné et l' a embarqué hors de ses convictions. Il va s'observer ainsi des modifications profondes au sein de la famille, notamment le port du nom dont le répondant ne comprend pas le sens, la croyance en un Dieu suprême à qui l'on s'adresse uniquement en langue inconnue du milieu, le latin, à l'époque.

A ce jour, il y a donc plus d'un siècle depuis que l'évangélisation a vu le jour dans le Ngweshe. Quel bilan peut-on faire de cet événement ? Nous pensons que le bilan est globalement positif, malgré quelques failles liées aux comportements des individus, car il faut bien le reconnaitre,90 % de nos dirigeants sont les fruits des Eglises (catholiques, protestantes, kimbanguistes, etc.) mais la corruption, la prédation, la concussion, l'escroquerie, le mensonge et d'autres maux rongent tous les secteurs de la vie.

Nous avons abordé cette question bien auparavant et nous sommes arrivé à nous poser une question très simple, celle de savoir ce que nous serions devenus n'eut- été l'apport de la colonisation et plus spécialement des Eglises. En effet, églises, écoles, hôpitaux, dispensaires, organisations caritatives sont des oeuvres des Eglises.

Nous reconnaîtrons, ainsi, que l'Eglise a formé l'homme de Ngweshe, l'a tiré du néant, mais n'a pas pu en faire un véritable homme, responsable et consciencieux, d'où le défi à relever est encore grand. L'esprit d'attentisme dont fait montre les habitants de notre univers relève exactement de ces aspects liés à l'irresponsabilité et à la mauvaise gestion des ressources humaines, matérielles et financières. C'est ainsi que la pauvreté a élu domicile dans plus de 70 % des familles de Ngweshe. Il s'agit de familles n'ayant pas d' accès facile aux soins de santé, ne pouvant pas manger à leur faim, ne disposant pas d'un habitat convenable, incapables de scolariser leurs enfants et qui comptent beaucoup sur le destin, la bienveillance divine et les miracles plutôt que sur le résultat du travail et des efforts fournis en leur sein. Elles demandent plus qu'elles n'offrent, elles ne sont pas compétitives ni dans la production discursive et encore moins dans la production matérielle.

Pour Georg Simmel, « c'est l'assistance qu'une personne reçoit de la collectivité qui détermine son statut de pauvre, le critère de son appartenance à une strate spécifique de la population, une strate qui est inévitablement dévalorisée puisque définie par sa dépendance à l'égard des autres. Etre assisté, en ce sens, c'est recevoir tout des autres sans pouvoir s'inscrire, du moins dans le court terme, dans une relation de complémentarité et de réciprocité vis-à-vis d'eux. Le pauvre, récipiendaire des secours qui lui sont spécialement destinés, doit accepter de vivre, ne fut- ce que temporairement, avec l'image négative que lui renvoie la société et qu'il finit par intérioriser, de n'être plus utile, de faire partie de ce qu'l'on nomme parfois les indésirables »118(*). (C`est nous qui soulignons, sauf le dernier mot qui a été souligné par l'auteur).

Nos Eglises, et associations de développement sont, à juste titre, restées dans cet état d'« assistées éternelles », il n'y a eu aucune dynamique interne au sein des Eglise et associations de Ngweshe qui prône ou qui a réussi une autoprise en charge réelle ; toute la démarche est tournée vers des aides étrangères. Les projets de développement, qui sont initiés à la base ne concourent que pour un financement étranger et plus spécialement en provenance de l'Europe. C'est pour cette raison, qu'étant restées quémandeurs des financements des européens, ceux-ci, par effet de non réciprocité, nous ont toujours considérés, selon le terme de Simmel, comme des personnes indésirables, des majorités inutiles.

Il faut, donc, une dynamique transformatrice positive de la famille et de lutte contre la pauvreté qui, tenant compte des nos ressources matérielles, humaines, financières et environnementales, repense et construise de nouvelles stratégies de développement autocentré et non extraverti. En effet, au sujet de la pauvreté, le PNUD en collaboration en collaboration avec le Ministère congolais du Plan a mené une brillante étude intitulée « ELIMINER LA PAUVRETE 2015 ». A travers cette étude, on a épinglé, à travers 4114 personnes enquêtées, les principales préoccupations des populations congolaises pour lutter contre la pauvreté telle que cela apparait à travers le tableau ci-dessous :

Tableau n° 20 : Les principales priorités de la population pour lutter contre la pauvreté                           en RD Congo119(*).

N°

Préoccupation

%

1

Approvisionnement en eau potable

43

2

Approvisionnement en électricité

14

3

Construction et équipement des écoles pour les enfants

10

4

Désenclavement de la communauté/développement des transports publics

8

5

Construction et équipement des dispensaires

7

6

Promotion des activités productives /modernisation de l'agriculture et encadrement des paysans

5

7

Alphabétisation des adultes

1

8

Approvisionnement des produits de première nécessité

1

9

Amélioration de l'assainissement /préservation de l'environnement

1

10

Lutte contre les violences faites aux femmes

1

11

Lutte contre la corruption

2

12

Lutte contre l'insécurité urbaine et rurale

1

13

Lutte contre l'impunité

1

14

Emploi des jeunes

1

15

Autres à préciser

1

16

Total

100

 

Effectif

4114

             Source : RDC, Rapport Pays 2010, Eliminer pauvreté 2015, c'est possible

Commentaire

Avant d'ajouter un complément de commentaire à celui de ceux qui ont produit ce rapport, nous donnons en toute honnêteté le leur. Ils estiment que : « la situation sanitaire est préoccupante : l'espérance de vie à la naissance est très faible (45 ans), les hôpitaux sont souvent dépourvus des équipements indispensables et des médicaments nécessaires pour les soins élémentaires. En conséquence, de plus en plus des malades recourent à l'automédication ou à la médecine traditionnelle. La sécurité alimentaire n'est pas garantie et la malnutrition sévit, plus particulièrement dans les provinces touchées par la guerre.

De nombreux enfants d'âge scolaire ne sont pas scolarisés et les discriminations en défaveur des filles persistent surtout en milieu rural. L'enseignement est intégralement à charge des parents, dont les revenus se sont fortement amenuisés. L'accès aux autres services publics tels que l'eau potable, l'électricité, l'assainissement, le transport, est en constante régression. L'accès au logement est lui-même de plus en plus précaire surtout dans les centres urbains à cause d'une offre d'hébergement insuffisant en quantité et qualité des logements accessibles aux catégories défavorisées de la population »120(*).

Nous estimons que ces éléments tels repris ici dans ce rapport sont valables en ce sens qu'ils justifient l'exacerbation de la pauvreté des populations congolaises et par surcroît le déséquilibre des familles au sein de la République Démocratique du Congo en général et de la Chefferie de Ngweshe en particulier. Néanmoins, le Gouvernement en collaboration avec les Nations Unies se sont déterminés à éradiquer ces fléaux dans un projet quinquennal, soit d'ici 2015. Le voeu est noble, très ambitieux, louable et encourageable.

Cependant, à notre niveau, nous pensons que la RDC ne réussira pas à relever tant de défis tant qu'elle n'aura pas réussi à éduquer le congolais sur le plan civique, sur le respect et l'appropriation des biens communs, sur la rationalité comme mode et de comportement et de gestion des biens tant privés que communautaires et publics.

Or, le rapport semble avoir fustigé cet aspect qui, du reste est très fondamental même si le rapport relève la notion de la corruption qui gangrène le pays, mais les auteurs ne donnent ni les facteurs ni, moins encore, les modes et le processus d'éradication. Outre cet aspect fondamentalement nécessaire pour bâtir une nation, le rapport ne met pas l'accent sur la notion du travail qui doit être sacré et identifié à travers toutes les strates sociales raisonnables.

En effet, dans une étude réalisée par le Gouvernement de la Province du Sud-Kivu en 2011, il s'avère qu'il y a un déficit des besoins alimentaires pour les populations de la province. Comment pourra-t-on combler ce déficit si la population ne se met pas manifestement au travail ? Comment créer une adéquation entre la population et les ressources nécessaires pour sa survie ?

Voici comment le rapport illustre cette situation peu convenable pour la survie des populations du Sud-Kivu en général et de Ngweshe en particulier.

Tableau n° 21 : Besoins alimentaires dans la Province du Sud-Kivu121(*)

Spéculation

Besoins (tonnes)

Production (en tonnes)

Ecart en tonnes

 

1. Mais

258 696

89 967

-168 729

2

Manioc

233 513

208 243

-25 269

3

Riz

130 493

1119

-129 374

4

Haricot

155 676

65 338

-90 338

5

Arachide/amarante

107 599

15 681

-91918

 

Total

885 977

380 348

-505 629

        Source : Inspection provinciale de l'Agriculture, Elevage et Pêche/Sud-Kivu.

Figure n° 10, 11 et 12 : les besoins alimentaires dans la Province du Sud-Kivu

Que pouvons-nous retenir de ces données ?

Au vu de ces données, il est clair que la situation alimentaire est chaotique. L'écart des productions par rapport aux besoins alimentaires est de 57 %, ce qui revient à dire que la production agricole n'atteint que 47 % de la population. Que devient en ce moment là la portion majoritaire ? Il s'opère automatiquement un partage. Toute la population du Sud-Kivu ne satisfait ses besoins alimentaires qu'à 47%. Cette insuffisance entraîne, certes, des répercussions néfastes sur la population, c'est entre autres la malnutrition, la mortalité infantile, la morbidité facile et récurrente, des pathologies sociales telles que : la prostitution des mineures, l'abandon de la famille, les enfants de la rue et ceux dans la rue, le vol, l'escroquerie, l'extorsion, etc.

Pour combattre ces fléaux, il faut un travail assidu et rationnalisé, il faut procéder à la redistribution des terres en milieu rural et plus particulièrement à Ngweshe où le paysan moyen n'a plus que peu de terres cultivables. La gestion des marais devrait être repensée et ceux-ci devraient être saisonnièrement drainés afin d'accéder à leur exploitation et production maximales. Il faut, ensuite, mettre sur pied une politique agricole adéquate fondée sur la révision des modes culturales ; disponibiliser les semences améliorées ; former régulièrement les paysans ; créer des coopératives et diversifier des écoles agricoles.

Discours 6. Dynamique de changement social sur base des projets conçus et exécutés collectivement.

Ce discours est une émanation des associations de la société civile engagées dans la dynamique de la transformation positive du vécu quotidien et donc, par ricochet, dans la recherche de l'équilibre familial. En effet, les ONG et associations de développement initient des projets sur base de problèmes observés et vécus sur le terrain. Elles élaborent un projet qu'elles soumettent aux bailleurs des fonds lesquels financent ou non. Mais, dans la plupart des cas, les bailleurs des fonds sélectionnent les partenaires sur base de leurs domaines d'interventions ou imposent au partenaire le domaine dans lequel il doit s'inscrire pour bénéficier du financement et donc, les ONG locales se conforment plus aux desiderata des bailleurs des fonds qu'à leurs objectifs et les besoins réels de terrain.

C'est ainsi que depuis 2006, beaucoup de partenaires se sont engagés plus dans des projets de lutte contre le VIH/SIDA et la lutte contre les viols et violences sexuels et toutes les organisations récipiendaires de financement se sont enlisées dans ces domaines. On dirait ainsi qu'il n'y a pas à Ngweshe d'associations professionnalisées dans la recherche des solutions aux problèmes locaux, toutes sont inféodées aux désirs des bailleurs des fonds. Nous verrons plus loin ce qui a été réalisé par les organismes onusiens, ONG locales, nationales et internationales.

Il est donc vrai que les interventions des ONG ont été manifestes dans certains domaines et dans certains endroits, mais il faut relativiser le fait que cela ait été conçu ou réalisé collectivement. Pour la plupart des cas, c'est l'intervenant qui, à la phase primaire, commence par cibler un milieu, en identifie un besoin réel pour une ou des catégories de la population, initie un projet sans elle et qui l'exécute avec ou sans elle.

Discours 7. Démocratisation et reconstruction du pays grâce au bon sens du politique

Les leaders politiques et les officiels contactés estiment que «  l'Etat a beaucoup fait pour le bien-être de ses citoyens compte tenu de la large trajectoire que le pays venait de traverser : des élections libres et démocratiques ont été organisées, des routes, des écoles, des centres de santé construits ou réhabilités, des fonctionnaires et agents de l'Etat mieux payés qu'auparavant ». (Sic)

Certes, certains de ces aspects demeurent réels, mais cela n'est pas sans critique, car l'Etat n'a pas tenu globalement ses promesses :

Primo, les élections municipales et locales desquelles devaient provenir des représentants du peuple à la base n'ont jamais eu lieu depuis 2006 (nous sommes en 2012) alors que la première législature d'avec laquelle elles devaient être presque couplées vient de se terminer. La chefferie de Ngweshe, comme d'autres chefferies du pays, n'a pas d'assemblée locale ;

Secundo, on peut tout faire, construire de grands édifices, des routes, ..., mais tant qu'on n'a pas construit l'homme juste et rationnel, respectueux de lui-même, des autres, des biens publics, tant qu'on n'a pas institué des mesures absolues de sécurité permanente des personnes et des biens, une justice pour tous, toute oeuvre humaine ne servirait qu'à rien.

Or, c'est à ce niveau que tout semble capoter. La corruption a élu domicile dans tout le pays et dans tous les secteurs, l'immoralité ne semble gêner personne. Les antivaleurs prennent le dessus sur les valeurs. Partout, on vole, on triche, on pille, on s'approprie sans vergogne les biens de l'Etat. Malade, écolier, prisonnier, subissent le fouet pécuniaire.

Pour exemple, dans une conférence que nous avons tenue, le 6/12/2011, au siège de la chefferie à Walungu sur « la dynamique familiale dans un processus démocratique », les participants demandent au Commandant de la Police présent à ces assises, de leur parler de « frais de remise de nourriture » aux détenus qu'exigent inlassablement ses policiers commis à la garde des prisons de Ngweshe. Ce dernier répond, par exclamation, que si l'on ne dénonce pas, la situation ne pourra que continuer. Alors, cette question n'était-elle pas vraiment une dénonciation ? Encore qu'elle n'ait pas été la première qu'il eut entendue.

Comme dit plus haut, il conviendrait pour tout congolais des séances de nationalisme et de civisme. Construire un Etat, c'est d'abord et surtout construire l'homme rationnel.

Tertio, le programme du Chef de l'Etat et de son Gouvernement fondé sur les cinq chantiers (Infrastructures, Eau et Electricité, Emploi, Logement, Santé et Education) n'a été qu'un voeu pieux, bien qu'il y ait eu quelques bribes de réalisations dans le domaine des infrastructures. Pour mémoire, voici ce qu'envisageait le Programme dit des Cinq chantiers  à travers le financement de la Chine :

Tableau n° 22 : Liste des travaux des infrastructures financés par la Chine en RDC en                          2006

N°1

PROJET DES CHEMINS DE FER

LONGUEUR EN Kms

Genre des travaux

 

1

Tenke-Kolwezi-Dilolo

 

Réhabilitation et construction

 

2

Sakania-Lubumbashi-Sakania

1 833

Modernisation

 

3

Kinshasa-Matadi

365

Modernisation

 

4

Ilebo - Kinshasa

1 015

Construction

N°2

 

PROJET ROUTES

 
 
 
 

CONSTRUCTION ROUTES BITUMEES

 
 
 

1

Kasindi-Beni-Komanda-Niama

520

Construction

 

2

Komanda- Bunia

7

Construction

 

3

Lubumbashi-Kasomeno-Kasenga

1015

Construction

 

4

Kasomeno-Pweto

336

Construction

 

5

Bukavu - Kamanyola

55

construction

 

6

Likasi - Kwolwezi

180

Construction

 

7

Brelelie - Moba

462

Construction

 

8

Pweto - Kalemie - Fizi

730

Construction

 

9

Bukavu - Goma- Beni

590

Construction

 

10

Nania - Bafaswende - Kisangani

363

Construction

 
 

REHABILITATION DES ROUTES ASPHALTEES

 
 
 

11

Matadi - Boma

135

Réhabilitation

 

12

Uvira - Kamanyola

85

Réhabilitation

 

13

Moanda - Banana

09

Réhabilitation

 

14

Mbujimayi - Mweneditu

135

Réhabilitation

 

15

Kananga - Mbujimayi - Kasongo - Kindu

887

Réhabilitation

 

16

Kolwezi - Kasaji - Dilolo

426

Réhabilitation

 

17

Dilolo-Sandoa-Kapanga-Kananga

709

Réhabilitation

 

18

Kasaji - Sandoa

139

Réhabilitation

 

19

Boma - Moanda - Yema

125

Réhabilitation

 

20

Ninia - Isiro

232

Réhabilitation

N°3

 

PROJETS VOIRIE URBAINES

 
 
 

1

Ville de Kinshasa

 

Réhabilitation

 

2

Autres villes

Toutes

Réhabilitation

N°4

 

CONSTRUCTION ET EQUIPEMENT DES HOPITAUX

 
 
 

1

10 Hôpitaux et 150 lits par province

 

Construction

 

2

Hôpital centre de Kinshasa

 

Construction

N°5

 

ENERGIE (ELECTRICITE)

 
 
 

1.

Barrage hydroélectrique de Katende (Kas. Occ.)

 

Construction

 

2.

Barrage hydroélectrique de Kakobola (Bandundu)

 

Construction

 

3.

Réseau de distribution électrique de Kinshasa

 

Réhabilitation

 

4

Réseau de distribution électrique de Lubumbashi

 

Réhabilitation

N°6

 

CONSTRUCTION ET REHABILITATION DES CENTRES DE FORMATION AUX METIERS

 

Construction et réhabilitation

N°7

 

HABITAT

 
 
 

1

Construction de 2.000 logements sociaux

 

Construction

 

2

Construction de 3.000 logements sociaux en provinces

 

Construction

N°8

 

CENTRES DE SANTE

 
 
 

1

145 Centres de santé et 50 lits, soit un centre de santé par territoire

 

Construction

N°9

 

CONSTRUCTION DES UNIVERSITES

 
 
 

1

Construction des deux universités modernes

 

Construction

Source : Ministère des infrastructures, travaux publics et infrastructures.

Interprétation :

Ce tableau démontre neuf projets principaux que la Chine voudrait financer en République Démocratique du Congo : il s'agit des chemins de fer, la construction ou la réhabilitation des routes asphaltées ou en en terre, la construction des hôpitaux, des centres de santé, des logements sociaux, des aéroports et ponts, la construction des barrages hydroélectriques, la réhabilitation des réseaux électriques, la construction des universités modernes.

Concrètement, la Chine s'engage, de par le contrat établi entre elle et la RDC, à construire 10.237 Kms de routes ; 3.213 Kms de chemin de fer à réhabiliter ou à moderniser ; 2.518 kms de routes en terre. La Chine va construire 2000 logements sociaux à Kinshasa et 3000 autres dans les provinces ; 10 hôpitaux par provinces d'une capacité de 150 lits et 145 centres de santé ayant chacun la capacité de 50 lits. Il existe d'autres accords entre la RDC et la Chine, mais le plus illustre contrat demeure celui dont nous venons d'esquisser quelques clauses. Vue l'immensité de cet accord, il a été appelé par des observateurs « le contrat du siècle ». On se souviendra que pendant trente ans, la Chine jouira d'une exonération fiscale et de l'exploitation minière en RDC.

Il va sans dire que le projet ne se réalisera pas en cinq ans et que ce contrat s'étendrait sur trente ans. Ce qui est important est que si le projet se fait avec rationalité et que l'administration congolaise se montre compétente dans l'exécution des clauses du contrat, il s'opérera une nouvelle dynamique au sein des familles de la RDC en général, car c'est chaque contrée qui en est bénéficiaire. Plaise à Dieu que ces voeux se réalisent au profit des familles de la RD Congo.

6.1.3. Analyse interactionnelle, interprétation praxéologique et établissement des            équations symboliques.

Les discours des interlocuteurs au sein des familles de Ngweshe ci-haut relevés pendant et après les hostilités ont gravité autour des thèmes relatifs au désespoir, à l'espoir et à la prise en charge. L'analyse discursive sera replacée à deux niveaux : interne et externe.

Au niveau interne, les locuteurs et les auditeurs se retrouvent dans une même société-histoire, la chefferie de Ngweshe, et disposent chacun d'une expérience et d'une conscience particulière de vie. Ce sont des populations locales qui n'avaient pas connu de guerre pendant des décennies pour les uns et pour les autres, le concept de guerre était tout simplement étrange. Donc, cette situation a beaucoup et affreusement joué sur le comportement familial et celui de l'environnement au sein de la chefferie : massacres, viols, déplacements massifs des populations, pillages, dévastations du bétail, des récoltes et de l'environnement. Ainsi, à ce niveau interne, les discours sont tels que les uns parlent, les autres écoutent et vice-versa, mais on remarque au terme de l'analyse que les discours véhiculent un seul message, celui de l'inquiétude permanente qui caractérise les familles. Ce discours est placé théoriquement dans ce que nous appelons, dans cette étude, l'interactionnisme discursif monocentré représenté par la figure ci-dessous:

Schéma n° 7 : L'interactionnisme discursif monocentré

Population

Situation en présence

Peur et fatalité

Production discours relatif à la situation

Source : enquêtes sociologiques

Dans l'interactionnisme discursif monocentré, les familles de Ngweshe développent spontanément des discours qui sont axés sur la situation du moment. Dans le cas d'espèce, il s'agit d'une situation de guerre qui inspire peur et fatalité à la population laquelle, une fois désorientée, incapable de se maintenir, ne parvient plus à produire un discours contraire au précédent. Tout élément discursif est centré sur un seul thème.

Au niveau externe, il se développe un discours tout autre que nous appelons, à notre niveau, « l'interactionnisme discursif tricentré ». Il s'agit d'un nouveau sentiment qui naît dans l'esprit d'une portion des personnes, au sein des familles, qui ont vu et vécu les événements mais qui estiment que la situation peut changer positivement moyennant l'effort de tout un chacun et qui, par ricochet, ont foi en ce changement. Ces personnes prêchent que même dans un état de guerre, la vie peut favorablement continuer à la seule condition qu'on adopte de nouveaux mécanismes de vie plus adaptés à la situation du moment.

L'interactionnisme discursif tricentré est donc une expression des discours entre acteurs sociaux basés non seulement sur les discours en tant que tels mais aussi sur les actions qui peuvent être menées dans le but de procéder à une transformation durable des états et situations vécus au sein de l'environnement. Ce qui est important, ici, c' est qu'à chaque niveau, pour le bien-être des familles, les acteurs sociaux interagissent, se concertent, planifient, proposent, définissent des stratégies et agissent plus ou moins rationnellement. Dans ce processus, divers acteurs de différentes catégories et de divers secteurs interviennent. Il s'agit, en fait, d'une «trilogie développementiste », qui est le soubassement de l'interactionnisme discursif tricentré comme l'illustre le schéma ci-dessous :

Schéma n° 8: L'interactionnisme discursif tricentré

ONG à tous les niveaux

Population

Associations locales de développement

Source: Enquêtes sociologiques

Commentaire :

C'est à travers cet interactionnisme discursif tricentré que s'est produite une prolifération des associations locales de développement. En de nombreux acteurs sociaux s'est développé le reflexe de s'insérer dans cette trilogie pour parler au nom de la population et gagner de l'argent. Toutes ces associations naissantes se situent dans ce que nous avons appelé la « triade opérationnelle d'interventions »122(*).

Cette triade explique que toute ONG dispose de trois pôles en interaction et en harmonie, elle comprend :

- le pôle structurel (PS) : il s'agit de tous les organes dirigeants (Assemblée générale, Conseil d'administration, Comité exécutif...) ;

- le pôle manifestatoire (PM) : c'est la base à travers laquelle apparaissent toutes les actions, les forces et les faiblesses de l'organisation.C'est le monde du travailleur-bénéficiaire de l'aide ou de l'appui apporté par le pôle structurel ;

- le pôle de propulsion ou pôle d'appui (PP ou PA) : il est communément appelé « bailleurs des fonds » et par modestie, « partenaires » bien que le terme de partenaire implique une certaine réciprocité. La triade opérationnelle d'interventions se représente de la manière ci-après :

Schéma n° 9 : La triade opérationnelle d'interventions.

Pôle structurel

Pôle d'appui Pôle manifestatoire

ou de propulsion

N.B. Ces pointillés signifient que le contact peut ne pas exister entre le pôle d'appui et le pôle manifestatoire et que même ce dernier peut ignorer l'existence de l'autre. Exemple : dans un village de Burhale, les familles se réjouissent du fait que le Comité anti-Bwaki a capté en leur faveur 5 sources d'eau potable, mais ces familles n'ont jamais été mises au courant de la personne ou de l'organisation qui a financé le projet.

La triade opérationnelle d'interventions exige des interactions et de l'harmonie en son sein sous peine de provoquer du déséquilibre entre acteurs et, ainsi, faire perdre la notoriété et l'impact de l'organisation dans sa zone d'interventions.

En principe, une organisation musclée peut fonctionner sur base des pôles structurel et manifestatoire. Ceci signifie que chaque membre, à ces deux pôles, contribue rationnellement et substantiellement au prorata de ses ressources et au profit de l'organisation. Mais ce que l'on a constaté au sein de notre milieu d'étude est que les deux pôles fixent le regard et n'attendent tout appui que du pôle de propulsion. Ils sont ainsi bénéficiaires, dépendantes et fort attentistes. Ils fonctionnent selon le vouloir et le dire des bailleurs des fonds.

Il s'observe ainsi un décalage économique et financier entre le pôle structurel (qui, du reste n'apparaît que comme un système transitoire) et le pôle manifestatoire ou l'espace bénéficiaire de l'aide qui, dans la plupart des cas, ne reçoit que des miettes du financement au détriment du pôle structurel. Pour bon nombre des personnes, le pôle manifestatoire constitue un tremplin pour le pôle structurel. Ses membres se taillent un statut socio-économique alléchant sur base des rôles qu'ils exercent au sein de ce pôle.

L'octroi des fonds par le pôle de propulsion au pôle structurel s'effectue sur base des projets minutieusement montés par ce dernier avec des objectifs clairs, des stratégies fort adaptées et une budgétisation qui, dans la plupart des cas, surélève les prix et les dépenses.

Ce projet soumis au bailleur des fonds est un discours au vu duquel le bailleur, convaincu de la pertinence des besoins exprimés dans le domaine d'interventions qu'il a orienté, décaisse de l'argent pour atténuer tant soit peu la misère de la population au nom de laquelle le pôle structurel émet le projet. Dès la conception du projet, les animateurs du pôle qui l'érigent, demeurent assurés de gagner des dividendes si le projet est retenu. Par conséquent, le discours contenu à travers le projet contient beaucoup de distorsions amplifiantes. Il a pour rôle d'émotionner le bailleur des fonds. Il s'agit, donc, des discours archémiques modernisateurs à l'égard des populations dites bénéficiaires. Les animateurs des associations de développement, au sein de Ngweshe, parlent plus pour eux-mêmes que pour la population dite cible.

Il y a, donc, à travers ces discours une fonction latente non connue et non voulue tant par les bailleurs des fonds que par la population. Ces discours disposent aussi d'un caractère endormant, car le pôle structurel s'exprime en termes et concepts visant à amener les bailleurs des fonds à s'apitoyer sur la question sociale présentée par lui.

C'est qui est alarmant, est qu'au sein du même pôle structurel, les violons ne s'accordent pas toujours entre les dirigeants. Certains « bouffent » plus que d'autres. Le critère de compétence, de fondateur ou de co-fondateur tend, de plus en plus, à être remplacé par l'appartenance familiale surtout lorsque l'association accède ou tend à accéder à des financements. Les dirigeants se tiraillent entre eux-mêmes et leurs tiraillements provoquent du malaise au sein des familles respectives et collatérales. Les dirigeants se combattent entre eux, entretiennent des discours discordants et déçoivent tant les bailleurs des fonds que les familles engagées dans le projet. L'aspect de la non permanence et de non durabilité des organisations locales de développement au sein de Ngweshe réside dans trois facteurs principaux :

· Les fissures régulières au sein des organisations basées sur des intérêts égoïstes, familiaristes et la lutte pour le leadership ;

· Le manque des fonds propres, des frais de roulement : pas de souscription financière des membres pour la survie de l'association, chacun ne comptant que sur les financements extérieurs ;

· L'opacité dans la gestion et le manque de professionnalisme, ce qui attire les animateurs à l'esprit d'opportunisme et d'immédiateté.

6.1.4. Fonction latente des discours intrapolaires

Au niveau de la triade opérationnelle d'interventions, les discours se présentent de la manière différente :

Schéma n° 10 : Sens des discours dans la triade opérationnelle

P.S

Discours

Discours pakaviliste archémique modernisateur

ou endormant

P.P/P.A P. M

Discours généléxémique

Légende : PS=Pôle structurel, PM=Pôle manifestatoire, PP ou PA=Pôle de propulsion ou pôle d'appui.

Tel que dit précédemment, au niveau du pôle structurel et manifestatoire, les discours se présentent de la manière suivante :

· Archémique-modernisateur entre ces deux pôles précités, mais il devient généléxémique-affirmatif dans le sens inverse. La population exprime véritablement son dessein envers les dirigeants associatifs, elle évalue, apprécie et, parfois, mais rarement, conteste les actions menées. Elle se résigne en ces termes : « ce n'est pas nous qui leur avons fait accéder au niveau où ils sont ».

· Disposant d'une fonction symbolique, le pôle structurel cache certains éléments de sa pensée au public. La fonction discursive latente étant devenue manifeste, cela plonge la population dans l'étonnement et si cela est avéré, le pôle de propulsion peut diligenter un audit interne. Bon nombre d'associations opérant au sein de notre univers se sont avérées comme ayant détourné des fonds, des biens, des vivres et nos vivres destinés à la population. Nous nous en tenons aux déclarations de nos enquêtés mais nous nous interdisons de citer nommément lesdites associations pour la simple raison que nous n'avons pu accéder ni à leurs bilans réels ni aux considérations chiffrées de leurs bailleurs des fonds. En fait, la fréquence de ce genre des détournements persiste du fait que l'octroi des fonds n'est pas canalisé à travers un système de contrôle initié localement et collectivement. A titre d'exemple, si au sein de la chefferie, un projet devait être financé pour le captage de dix sources dans un village, la population, l'autorité locale, toutes, devraient être informées, dès le départ, du montant mis à leur disposition et des actions prévues afin qu'une commission de contrôle et de suivi soit constitué ad hoc. Faute d'une telle commission locale, bien de projets ne profitent pas équitablement aux bénéficiaires.

A titre d'exemple, on a vu, avec beaucoup d'amertume, des camions pleins de vivres et non-vivres retourner à Bukavu d'où ils étaient venus chargés des vivres et non- vivres destinés aux familles déplacées, affaiblies, dépouillées par la guerre et fuyant les exactions des bandes armées parce que, tout simplement l'organisation qui les avait réceptionnés préférait les vendre à son profit égoïste. On a vu, aussi, les responsables locaux faire figurer sur les listes des distributions de ces vivres et non-vivres, des personnes non concernées par les affres de la guerre, des personnes nanties et vivant à Bukavu, des personnes fictives, et supprimer de ces mêmes listes les noms des personnes dépourvues de tout. On a vu, en même temps que la distribution n'était pas équitable : la quantité des biens reçus dépendait plus du statut de la personne à qui l'on donnait des vivres et non-vivres.

Ce comportement a été décrié par la population et a discrédité biens d'associations et même certains responsables des Eglises. Il est donc important que soit cultivé au sein de nos familles l'esprit d'amour du prochain, du travail bien fait, d'honnêteté, de rationalité et d'auto-évaluation permanente pour enrayer tant d'antivaleurs et tendre vers une famille plus stable et plus rationnelle.

6.1.5. Caractéristiques des organisations de développement locales opérationnelles à            Ngweshe

Toutes les organisations enquêtées présentent les caractéristiques suivantes :

· La multisectorialité : elles embrassent plusieurs secteurs ou domaines d'interventions à la fois car ne sachant pas quel domaine intéressera le bailleur des fonds ;

· Le manque de technicité : peu d'acteurs de ces associations sont formés dans les domaines où ils interviennent : ce sont des amateurs opportunistes. On les retrouve dans les droits de l'homme, gestion des conflits, sécurité alimentaire, VIH/Sida, développement communautaire, (...), mais on sent qu'ils n'ont pas les atouts nécessaires d'intervenir en de telles matières. Les éléments qui contribuent à ce manque de technicité sont multiples, mais nous en retiendrons spécialement cette multisectorialité qui fait qu'on embrasse plus qu'on ne le peut, et l'exode rural qui dépouille du milieu de personnes qui pouvaient agir convenablement.

· La familiarité : les conditions sur lesquelles l'on base pour copter, engager un membre au sein d'une organisation reposent sur des liens familiaux et ou amicaux. Ce critère de sélections a des inconvénients sur l'organisation : le reproche, la réprimande, le contrôle, l'évaluation de l'agent se font difficilement compte tenu du regard, du respect et de la reconnaissance qu'on se doit mutuellement. Tout cela conduit à la mauvaise gestion : on se fixe de bons objectifs, on élabore de bons projets, mais on ne saura jamais exactement les atteindre et les exécuter malgré les moyens disponibles, on ne parviendra jamais les réaliser compte tenu de la politique de protection mutuelle et de discrétion entre les acteurs. Il s'observe un manque de communication sincère entre membres d'une même association.

6.2. Apports des ONG aux familles de Ngweshe

A travers cette rubrique, nous énumérerons les organisations (onusiennes, internationales, nationales, locales, les Eglises), qui se sont déployées sur la chefferie en des projets d'urgences ou durables et qui ont influé négativement ou positivement sur le comportement de la famille en ce lieu. Ces données émanent, en grande partie du Bureau de Développement ou Bureau Matabaro de Ngweshe ; d'autres de différents interlocuteurs tels présentés dans notre échantillon. Ensuite, nous présenterons les actions réalisées pour terminer par une analyse critique sur les actions menées et leurs stratégies mises en place.

6.2.1. De grandes organisations au secours des familles de Ngweshe

Il s'agit principalement de : CICR, CRS, UNPA, UNICEF, FAO, FSR, IRC, CARITAS, MALTESER, BCECO, CAMPS, etc.

6.2.2. Actions réalisées

Tableau n° 23 : Visibilité d'interventions des humanitaires au profit des familles de                            Ngweshe

Organisation

Domaine

Actions menées

Bénéficiaires

Groupement

Objectif

Impact

1

FAO

Développement

Durable

Approvisionnement en boutures de manioc

Familles vulnérables

Kaniola, Mulamba, Tubimbi, Lubona, Izege

Lutter contre la mosaïque du manioc

Peu perceptible

 

FAO

Urgences

Distribution vivres et kits de ménages

Familles vulnérables retournées

Kaniola, Mulamba, Burhale, Tubimbi, Mushinga, Izege

Appui aux ménages vulnérables

Insignifiant

2.

IRC

Développement communautaire

Octroi microcrédits

Familles vulnérables

16 groupements

Autopromotion des ménages

Projets en cours

3

CICR

Urgences

Distribution vivres et non vivres

Familles vulnérables

16 groupements

Appui aux ménages vulnérables

Insignifiant

4

CRS

urgences

Réhabilitation des centres de santé

Toute la population des milieux concernés.

Nyangezi kaniola, Mubumbano, Walungu

Accès aux soins de santé primaire

Satisfaisant

5

MONUSCO

Routier

Population

Réhabilitation routes de desserte agricole

Tronçons Burhale-Mulamba et Kashanja-Walungu

Favoriser le trafic entre communautés

Insignifiant

6

Comité anti-Bwaki

Routier

Réhabilitation routes de desserte agricole

Population

Tronçon walungu-Cagala

Favoriser le trafic entre communautés

Insignifiant

7

BCECO

Education

Construction écoles

Elèves et parents

Ep Cihambe, Lukumbo, Izirangabo, Nduda, Nyakakoba

Favoriser conditions d'étude

Satisfaisant localement

8

CAMPS

Autopromotion

AGR

Familles vulnérables

Tubimbi et Kaniola

Favoriser l'alimentation

Insignifiant

9

MALTEZER

Urgences

Approvisionnement des hôpitaux et centres de santé en médicaments

Malades

16 groupements

Accès aux soins de santé primaire

Significatif

10.

UNPA

urgences

Enfants victimes des violences sexuelles

Associations intervenant dans ce secteur

walungu et Mulamba, kaniola

Encadrer enfants victimes des VAS

insignifiant

11

UNICEF

Education

Réhabilitation écoles

Elèves et parents

25 écoles primaires

Rendre les écoles viables et les équiper en kits scolaires

Insignifiant

12

CARITAS

Education

Réhabilitation écoles

Elèves et parents

Ikoma, Mugogo, Burhale

Réhabiliter les infrastructures

Insignifiant

13

SFC

Urgences

Réhabilitation écoles

Elèves et parents

EP Irhaga, Ituliro, Ntabunge, Izege, Cirhundu,Shirikisho

Améliorer les conditions d'études

Insignifiant

14

WOMEN FOR WOMEN

Développement durable

Sécurité alimentaire

population

Walungu

Accroitre l'alimentation

Insignifiant

15

CHB

Sécurité alimentaire

agropastoral

population

Mulamba,kaniola, Burhale

Accroître l'alimentation

insignifiant

Source : Bureau de développement (ou Bureau Matabaro) de la Chefferie de Ngweshe, Rapport annuel 2009.

Commentaire

Le tableau ci-dessus reprend le nombre des organisations internationales et nationales qui ont couru à la rescousse des familles de Ngweshe pendant et après les hostilités et qui ont inspiré une nouvelle dynamique au sein des familles. Ces interventions ont concerné principalement les urgences axées sur l'approvisionnement de la population en vivres (haricot, farine de mais, riz, huile végétale, etc.) et non vivres (couvertures, savons, bidons, assiettes, casseroles...), la réhabilitation des écoles, l'approvisionnement en médicaments de première nécessité.

La mention « Insignifiant » existant dans la dernière colonne concerne l'intervention de l'organisation par rapport à l'ensemble de la Chefferie, mais si l'on tient compte de la sommation des interventions par rapport aux besoins de l'entité, ces interventions demeurent très significatives surtout dans le domaine des écoles, car à ce jour, la chefferie de Ngweshe dispose de meilleures écoles par rapport au reste de la Province du Sud-Kivu. Ngweshe compte 166 écoles primaires, 58 écoles secondaires, soit 220 écoles et 7 instituts supérieurs. L'intervention en construction et en réhabilitation physique a concerné environs 30 écoles et 25 autres ont bénéficié des kits scolaires. Même si la Chefferie a minimisé l'ampleur des actions, nous estimons sur base des données de terrain, que l'intervention est à prendre avec grande considération. Les parents dont l'intervention a touché leur école se sont dits satisfaits de l'action menée par ces humanitaires, car, il faut le rappeler ce sont les parents qui se chargent de la construction et réhabilitation des écoles et la paie des enseignants. Et donc, la rubrique « frais de construction » a été élaguée dans certaines écoles, ce qui ne pouvait que réjouir les parents concernés. La chefferie a émis le voeu de voir le projet s'étendre sur les autres écoles.

Selon les habitants bénéficiaires de ces aides, ils déclarent avoir manifesté leur joie d'avoir été soulagés pendant un laps de temps, c'est-à-dire au moment même de l'intervention, laquelle a été manifeste en des moments cruciaux tels qu'après des pillages ou pendant que des familles retournaient dans leur village après en être chassées par des bandes armées. Il faut rappeler que cette aide ne s'octroyait pas sans heurts. Les leaders locaux chargés de l'identification des vulnérables et de la distribution des vivres et non vivres ne se gênaient pas de faire figurer sur leurs listes des personnes non concernées par l'aide.

Une grande partie de l'aide aurait été détournée par les associations locales et les Eglises. Enfin, estiment nos enquêtés, que bien que l'aide ait été détournée par certaines personnes et quelle que fut la modicité de celle-ci, elle s'est avérée très importante en ces temps-là ; qu'elle est intervenue au moment précis et que n'eussent -été ces interventions, la situation aurait tourné au pire pour bien de familles. C'est donc, de leur part, un sentiment de reconnaissance envers toutes les bonnes volontés qui se sont penchées sur la recherche d'atténuation de leur malheur. L'aide apportée aux familles en ce moment n'a pas produit que des effets positifs, elle en a affiché aussi des inconvénients : les familles ont développé un grand esprit d'attentisme, elles ont cru qu'il fallait qu'on leur vienne en aide à tout moment. Les associations locales ont prouvé que les familles pouvaient bénéficier des vivres si la demande était introduite par une association crédible. C'est ainsi que même jusqu'à ce jour, on dénombre des associations qui établissent encore des listes des vulnérables et qui promettent que l'aide interviendra incessamment.

6.2.3. Organisations locales actives à Ngweshe

Suite à la multiplicité des associations qui se proposent d'assister les familles de Ngweshe, nous préférons en donner le nombre par groupement tout en reconnaissant que ce répertoire n'est pas exhaustif et que le nombre élevé des associations ne favorise en rien l'essor économique, politique et culturel de la chefferie.

Tableau n° 24 : Nombre sommaire des associations de Ngweshe par groupement

Groupement

Nombre

Domaine d'activités

1

Burhale

22

Agriculture, hydraulique rurale, coopératives de dépathologisation

2

Ikoma

54

Regroupées en deux collectifs : Nyamugo et Mparanyi

3

Irongo

16

Agriculture, alphabétisation, élevage ...

4

Izege

06

Agriculture, lutte ant-érosive

5

Kamisimbi

19

Agriculture maraichère, élevage ...

6.

Karhongo (Nyangezi)

14

Reboisement, agropastoral, formation en techniques culturales, briqueterie...

7

Kaniola

7

Artisanat, agriculture, élevage

8

Lubona

11

Agriculture, élevage, briqueterie, habitat...

9.

Luchiga

06

Agriculture, drainage, habitat, animation...

10.

Mulamba

10

Forge, réparations appareils ménagers, agropastoral...

11

Mushinga

14

Agropastoral, alphabétisation...

12

Nduba

10

Agropastoral, briqueterie, entraide mutuelle...

13

Tubimbi

2

Agropastoral,

14

Walungu

18

Agropastoral, habitat, promotion des ménages ...

15

Kamanyola

13

Agropastoral, transport, ...

16

Lurhala

9

Agropastoral, artisanat...

TOTAL

 

239

 

Source : Bureau de développement de la Chefferie de Ngweshe, janvier 2011.

Interprétation

Comme on peut le constater à travers ce tableau, nombreuses d'associations opèrent à travers la chefferie. Cette énumération par groupement n'est pas exhaustive, elle est même à relativiser, car les associations naissent et meurent précocement. Néanmoins, la Chefferie, à travers son Bureau de développement, a énuméré certaines associations par effet de leur visibilité sur le terrain ou par le simple fait qu'elles sont enregistrées par la chefferie.

Ce que nous pouvons retenir de ces associations est qu'elles représentent toutes les mêmes caractéristiques liées aux règles du langage de l'ethnométhodologie. Il s'agit, notamment, de :

· La règle de constance : ces associations développent toutes le même discours ; elles étalent l'état de la société en le présentant sous un caractère fatal et exigent des autres organisations plus stables, pour cet état, de l'appui financier et/ou matériel ;

· Les règles de la cohérence thématique : les thèmes développés à travers les aspects discursifs de ces associations locales et à travers leurs projets peuvent se regrouper en des thèmes tels que le désespoir, l'espoir et l'autoprise en charge, tous ces thèmes étant centrés sur quatre rubriques: la misère et la pauvreté, l'insécurité, la santé précaire et la faible historicité ;

· La fonction du récit : pour se faire entendre, les acteurs de ces associations présentent la situation sous forme d'un récit fatidique reprenant plus des faits horribles dont la récurrence entrainerait des catastrophes. On assiste ainsi à des amplifications des faits et phénomènes, des grossissements des chiffres en rapport avec les personnes ciblées ou les victimes. A titre d'exemple, le rapport des ONG sur le nombre des femmes violées est de loin supérieur à la réalité des viols dans beaucoup de villages de la chefferie. Il en est de même des projets relatifs aux effectifs des enfants malnutris, et des veuves et orphelins des guerres. Plusieurs associations opèrent sur le même terrain indépendamment les unes des autres ; récoltent des chiffres séparément et font la sommation au cours de leurs assemblées ; ce qui fait que les mêmes chiffres pour les mêmes faits sont communiqués par plusieurs associations, chacune cherchant à se faire prévaloir par rapport aux autres.

· La place des interlocuteurs : les associations en quête de financements ont toujours souhaité être en contact physique direct avec les bailleurs des fonds ou leurs représentants pour mieux entendre leurs voix et que ces derniers s'apitoient sur la situation présentée.

Tout compte fait, toutes ces associations orientent leurs activités dans plusieurs secteurs de la vie sans en avoir les ressources humaines, matérielles et financières. Cette tendance d'appropriation multisectorielle vise à s'hasarder de figurer dans le dessein d'un éventuel et parfois improbable bailleur des fonds. Malgré cette ruse, de trop embrasser, nous retiendrons que c'est généralement, le bailleur des fonds qui édicte lui-même, à l'organisation choisie comme partenaire ce qu'elle doit faire, comment et quand le faire. C'est à ce titre que nous avons estimé que les associations locales de développement n'ont ni vocation, ni technicité, ni moyens. Elles ne sont qu'au service des bailleurs des fonds. Fondamentalement, elles ne jouissent d'aucune indépendance. C'est pourquoi, elles ont retenu plus les familles dans l'esprit plus attentiste que praxéologique.

Malgré cet aspect très négatif d'être peu entreprenant tel que constaté dans les villages enquêtés, il est à noter que l'esprit de se regrouper autour d'un problème et d'en chercher, malheureusement, des solutions à travers des individus hors du groupe, cela a aidé les familles à transcender l'aspect trop introverti, à s'ouvrir plus au groupe et à tendre vers une certaine inventivité.

C'est cette inventivité qu'on retrouve à travers tous ces villages des mamans associées dans des ristournes appelées localement « likirimba ». (Il s'agit d'un groupe des gens, généralement des femmes, environs dix, qui se regroupent ; cotisent de l'argent, au montant uniforme ; le prêtent à une des membres du groupe qui rembourse au terme d'une semaine d'activités de négoce avec un très léger intérêt de 1 à 2%. Le capital récupéré est alors donné à une seconde personne, et ainsi de suite. Le likirimba s'étend même jusqu'aux travaux des champs : un groupe des femmes, quatre le plus souvent, font la ronde de leurs champs pendant un jour convenu de la semaine. On évite toujours les jours de marché. Pour un groupe ayant choisi la journée de lundi, par exemple, une femme, membre du groupe, connaîtra, dans son champ, la participation des trois autres femmes, et au terme d'un mois, toutes ces femmes se seront assistées, toutes, une fois par semaine.

Un autre élément positif pour les familles, c'est cette ouverture au monde extérieur qui les pousse à penser à quelqu'un de plus loin et en qui elles se confient, adressent leurs besoins auxquels il satisfait pourvu que le groupe ait parvenu à convaincre. Bien de familles ont accédé à l'aide de par ces contacts. Alors qu'au départ, l'espace vital et relationnel ne se limitait qu'au sein de son propre village et peut-être aussi à quelques villages les plus proches.

6.3. Apport des Eglises

Il faut reconnaître qu'avant, comme pendant et après les conflits, les Eglises ont joué un rôle très déterminant dans la vie des familles de Ngweshe, tant sur le plan moral, social, culturel qu'économique. L'Eglise, en fait, a participé et s'est déterminée à façonner l'homme rationnel, à le rendre responsable de lui-même et des autres. Certes, cet objectif n'a pas été totalement atteint, mais nous devons reconnaître que n'eut-été l'intervention des Eglises dans la formation des esprits, l'homme de Ngweshe ne serait, à ce jour, qu'à une étape similaire à l'époque préhistorique.

Au cours de nos investigations, les Eglises locales enquêtées, se sont vantées d'avoir maintenu la cohésion sociale au niveau locale pendant et après les conflits. En effet, les responsables des Eglises sont restées entrain de prêcher l'Evangile, l'entraide mutuelle, l'appel à la vigilance... ; elles ont mis à la disponibilité des Humanitaires leurs locaux de travail pour servir d'entrepôts des vivres et non vivres à distribuer aux familles en détresse. Elles ont servi des cadres de concertation, de prise de conscience, d'organisation des séminaires et des ateliers de formation, de dénonciation des antivaleurs et des cas des exactions commises sur les populations en cette période.

Les confessions religieuses non catholiques ont condamné les prêtres catholiques d'avoir fui les fidèles. Craignant pour leur sécurité, les prêtres catholiques sont allés se refugier à Bukavu abandonnant leurs presbytères et leurs fidèles à leur triste sort. C'est le cas des paroisses catholiques de Burhale, Mubumbano, Kaniola, Ciherano qui sont restées fermées pendant plus d'un semestre. Pendant ce temps, les pasteurs protestants sont restés en train d'endurer les peines avec leurs fidèles. Cela se comprend du fait que le mode de vie de ces ministres de Dieu n'est pas identique : les prêtres catholiques, tout en vivant avec la population se trouvent en dehors de celle-ci : ils n'ont ni épouses ni enfants, ils peuvent n'avoir même aucun lien génétique dans le milieu où ils prestent, tandis que le pasteur protestant est totalement ancré dans son milieu de prédication : il y vit avec son épouse et ses enfants et partage les mêmes conditions de vie avec ses fidèles et son patrimoine y est visible. Mais, nous reconnaîtrons que le statut du prêtre catholique, de par son mode de vie, son patrimoine, sa considération sociale dans son milieu, cela le rend plus vulnérable en des périodes des troubles et, de ce fait, sa fuite se justifie et est même recommandée en des temps instables. On a connu, en fait, même en temps de paix, des attaques et des pillages des maisons des prêtres et des couvents des religieux et religieuses tels qu'à Nyangezi, Mubumbano, Burhale, Ciherano où ces cas se sont montrés très récurrents.

La confrontation de toutes ces données discursives au vécu quotidien nous incite à constituer des équations symboliques du genre XA = YB.

6.4. Equations symboliques sur bases discursives

Mathématiquement parlant, une équation est une égalité entre deux expressions mathématiques dont on cherche si elle est vérifiée pour certaines valeurs de la variable appelée inconnue. Une équation peut avoir une ou plusieurs inconnues qu'on désigne par des lettres. On dit qu'une équation est vérifiée, ou satisfaite pour certaines valeurs des inconnues si, lorsque les inconnues sont remplacées par ces valeurs, les expressions situées de part et d'autre du signe égal sont équivalentes. Par exemple, l'équation 2x +5 = 13 est vérifiée pour x = 4. Si l'équation n'est pas vérifiée pour une ou plusieurs valeurs de l'inconnue, celle-ci est appelée équation conditionnelle. Par contre, une équation est appelée une identité si elle est vérifiée par toutes les valeurs possibles des inconnues.123(*)

Dans le cas d'espèce, il s'agit des discours ayant deux expressions : une expression discursive, c'est-à-dire celle prononcée par les locuteurs et une expression assimilée, c'est-à-dire, son intelligibilité par rapport aux auditeurs. Ceci nous donne deux valeurs : une valeur d'usage (VU) qui présente le discours tel qu'il est dans sa forme discursive et une valeur d'échange (VE) qui est, en fait, une considération significative de la valeur d'usage qui se change entre interlocuteurs mais qui peut ne pas avoir la même valeur de compréhension entre différents auditeurs. Il faut, donc, un équilibre entre la valeur d'usage et celle d'échange pour qu'il y ait une compréhension commune. Tout le corpus expérimental regroupant les dits recueillis du terrain ont été regroupés et synthétisés en sept discours et se présentent, ici, comme étant les valeurs d'usage dans cette discursivité :

. La situation est catastrophique (VU) = nous nous trouvons dans une situation anormale, inhabituelle et qui nous prédispose à des dégâts, il faut donc, une nouvelle dynamique interne et externe, des mesures de rétablissement de la quiétude sociale. (VE)

2°. Les moeurs sont dépravées (VU) = nos valeurs culturelles sont en décadence, nous tendons vers la perte de notre dignité, notre identité et notre histoire. (VE)

3°. Nous avons été dépouillés de nos biens (VU) = il y a eu des envahisseurs prédateurs qui se sont introduits chez nous contre notre gré et qui ont emporté ce de quoi nous vivions ; à ce jour nous sommes devenus de démunis. (VE)

4°. Unissons-nous (VU) = prenons conscience de ce que nous sommes. Pour recouvrer notre dignité, nous devons recourir à notre conscience collective, cimenter nos liens interpersonnels et communautaires et parer au dessein de l'ennemi. (VE)

5°. Nos populations sont plus responsables (VU) = il y a eu un éveil de conscience issu des Eglises ; chacun sait ce qui est arrivé et maitrise les voies de sortie même si les moyens ne l'en autorisent pas.

6°. Nous avons fait asseoir Jésus-Christ = nous sommes sortis de l'animisme, des croyances païennes polythéistes et avons opté pour une croyance divine unique et vraie, celle de Jésus-Christ, le Sauveur.

7°. La reconstruction du pays est une réalité = les politiciens voudraient s'attirer la confiance de la population en démontrant qu'ils sont mieux que leurs prédécesseurs.

Tous ces discours démontrent une certaine dynamique, des changements intervenus au sein des familles de Ngweshe : des changements liés aux mentalités, aux biens, à la sécurité, à la conscience collective, aux croyances, à la politique, à l'autodétermination à l'environnement, etc.

6.5. Effets sur l'environnement

La dégradation de l'environnement dans la chefferie de Ngweshe a connu son paroxysme à travers cinq facteurs importants :

· L'expropriation des colons belges

· L'exploitation des carrières minières de Luntukulu, Mukungwe, Nkombo et Kaji

· L'afflux des refugiés hutu rwandais avec les camps de Cimanga (Mulamba),       Nyamirangwe (Ikoma) et Munya et Nguka (Nyangezi).

· Le feu des brousses

· Les pluies.

1°. L'expropriation des colons belges

En 1974, le régime autoritariste de Mobutu avait exproprié les colons belges, à travers une mesure politique dite « zaïrianisation », de leurs biens et les a cédés à des acquéreurs zaïrois, membres de son parti unique : le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR). Les expropriés, expulsés, alors du Zaïre (tel était le nom de la RDC actuelle de 1974 jusqu'en 1997), ont cédé des immenses plantations à des personnes qui n'avaient aucune expérience dans la gestion, encore moins dans la tenue d'une plantation.

Au bout d'une année, toutes ces plantations n'étaient plus que des brousses sauvages. Alors, les populations se sont prises à elles et les ont décimées atrocement par le feu, les machettes et les haches. Pour mesurer l'ampleur de ce sinistre, il faut rappeler, que dans chaque groupement, il y avait de vastes espaces cultivés de théiers et de quinquina. La disparition de ces plantations n'a pas affecté que l'environnement, mais aussi le social et l'économie, car tout le personnel local, usagé par les colons belges, avait été mis au chômage.

2°. L'exploitation artisanale des carrières minières

L'exploitation de l'or d'abord, puis de la cassitérite dans la chefferie de Ngweshe, commence avec la politique de libéralisation des produits miniers en 1974.

Ce sont les carrières de Mukungwe (Mushinga), Nyamadawa, Mishege, Kashebeyi (Mulamba), Kaji (Kaniola), Nyamurhale (Lubona) et les longs et dans les lits des rivières Nkombo et Kadubo qui sont les carrières les plus fréquentées. Il y a eu d'autres petites carrières disséminées un peu partout à travers la chefferie.

Partout où il y avait ces carrières, on a procédé à un déboisement systématique : il fallait construire chaque fois des digues, des campements des exploitants appelés localement les « creuseurs », se procurer du bois de chauffe et de cuisine, fabriquer les outils d'exploitation en forme de pirogue en bois, jeter de petits ponts sur les ruisseaux ...

Outre cette destruction végétale, on a rasé toutes les pentes en amont concernées par l'exploitation, ce qui a provoqué des glissements des terrains, l'infertilité des sols, la destruction des cultures et des végétations se trouvant dans des vallées et l'insalubrité et l'incommodité des rivières, ruisseaux et sources existant en aval des espaces exploités.

3°. L'afflux des refugiés hutu rwandais

Le 6 avril 1994, les Présidents rwandais et Burundais, Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamira sont tués dans un crash d'avion en provenance de la Tanzanie où les Présidents de la Communauté Economique des Pays de Grands Lacs (Burundi, Rwanda et Zaïre) participaient à un sommet des Chefs d'Etat portant sur la crise politique au Rwanda, en particulier, et dans la région en général

A l'issue de cette mort, des hostilités se soulèvent directement au Rwanda entre les deux peuples rivaux rwandais : les Hutu et les Tutsi. Il y eut des massacres spectaculaires, chacune des deux tribus voulant exterminer l'autre. Les Nations Unies qualifièrent ces massacres de génocide du peuple Tutsi par leurs concitoyens Hutu. Les Hutu prirent fuite au Zaïre (RDC) : ils s'installent d'eux-mêmes, dans un premier temps, dans les villes de Bukavu et Goma (villes limitrophes avec le Rwanda), puis, quelques temps après, ils s'en éloignent par le Haut Commissariat pour les Refugiés (HCR). C'est alors que ceux qui étaient à Bukavu s'étaient déplacés à l'intérieur du pays.

Pour le cas de la chefferie de Ngweshe, le HCR va constituer de vastes camps des refugiés hutu rwandais à Nyamirangwe, Cimanga, Munya , à Nguka ( voir supra). Ce sont de grands espaces verts qui sont occupés par des milliers des rwandais et qui, au bout des quelques semaines deviennent des terres nues. Toute la végétation est abattue, rasée systématiquement.

Pour subvenir aux besoins culinaires des réfugiés, le HCR entreprend une vaste campagne d'achat des stères d'arbres à un prix extrêmement cher. Tous les arbres sont abattus et vendus au HCR pour approvisionner les camps en bois de chauffe et de cuisine, même les jeunes plants sont abattus et vendus, car l'occasion était très propice pour se faire de l'argent au prix du bois mort.

Outre ces abattages d'arbres et arbustes à grande échelle, d'autres méfaits environnementaux ont vu le jour : il fallait creuser des multiples latrines pour ces milliers des refugiés, détruire tant d'espaces et d'espèces végétales, gérer les ordures et s'adapter aux odeurs asphyxiantes issues de tant de concertations humaines. Avec l'arrivée des refugiés des hutus rwandais, l'environnement de la chefferie avait été dégradé atrocement.

4°. Les feux des brousses : à ce jour, malgré plusieurs cas interdisant les feux des brousses, plusieurs collines sont ravagées par le feu en saison sèche. Ce sont, essentiellement, les éleveurs qui, voulant renouveler fourrage pour leur bétail attisent le feu sur les herbes sèches.

5°. Les pluies qui ont entrainé des crues, des éboulements et des érosions.

6.6. Principaux changements intervenus au sein de la famille

La famille de Ngweshe a subi des changements en son sein, de profondes modifications et ce dans différents domaines tels que :

- Le nom : selon Le petit Larousse, le nom est un mot servant à désigner une personne, une chose. Chez les Bashi, le nom est considéré comme étant la personne même. (Izino ye muntu signifie littéralement « le nom, c'est la personne »). Chez ce même peuple, l'on se défendra d'avoir un mauvais nom. Pour les Bashi, un mauvais nom est une pourriture (izino libi cibolwe). Le nom des Bashi était tiré, ancré strictement dans la culture shi et se référait aux circonstances dans lesquelles était né l'enfant porteur ou traduisait un souhait. Ainsi, une fille pouvait facilement être nommée Nnankafu ou détentrice des vaches pour la simple raison qu'on espérait d'elle beaucoup de vaches en termes de dot. Le nom était compris par tous les bashi parce que ayant sa racine et sa signification dans ce qui est réellement le mushi.

Avec l'avènement du christianisme, c'est-à-dire, à partir de 1906, (date de la fondation de la première paroisse catholique au Bushi), les Bashi ont accédé à des prénoms occidentaux dont ils ne comprenaient pas le sens, du moins ils avaient été convaincus que c'était des noms de leurs « saints patrons » vivant au ciel et qui étaient désormais leurs protecteurs sur la terre. Porter ces noms, c'était donc une fierté, une protection et, encore plus, une assurance d'arriver au ciel après la mort.

A ce jour, le nom a pris une autre ampleur : l'on se nomme et nomme son enfant comme l'on veut, souvent même par simple bonne assonance. Certains noms sont tirés de spots publicitaires, des marques des appareils, des films et des jeux, des noms des musiciens et d'acteurs de théâtres... Le nom a perdu son sens traditionnel. On a, actuellement, des noms tels que Trésor, Héritier, Plamedi, Valé, Fligolito, Fally, etc., pas parce qu'on en comprend strictement le sens mais parce que, tout simplement, on en admire le son. Les vieux ne cessent d'en demander la signification.

· La dot : Chez les bashi de Ngweshe, la dot était constituée uniquement d'une ou plusieurs vaches remises solennellement au père de la jeune fille par l'homme qui la prend pour épouse. Il s'en suivait obligatoirement une chèvre et une étoffe pour la belle mère. Ces biens ne sont pas restituables même en cas de décès de la conjointe ou de divorce. On pouvait alors, pour faciliter la fête du mariage, s'échanger des vivres. La valeur de la dot relevait du statut de la famille du fiancé. Cette dot donne possession absolue de cette femme à son mari. D'ailleurs, chez les Bashi, le terme «  dot » se traduit par « ngulo ou kugula » qui se traduisent par « achat ou acheter ».

Actuellement, par effet d'emprunt culturel, deux houes accompagnent ces biens. On n'en connaît pas exactement la signification, mais tout semble relever de la vocation agropastorale du mushi. La dot, à ce jour, se discute et se donne en argent, et seulement en dollars américains. L'unité dotale demeure une vache, mais une vache surévaluée en dollars. D'autres biens tels le costume du beau-père, une lampe, une canne à sucre, ..., peuvent suivre, tout dépend de l'ostentation du fiancé ; la dot est devenue ostentatoire du côté des deux familles qui s'unissent par le mariage de leurs enfants.

· Les études des enfants sont devenues une contrainte pour tout parent. Même pauvre, on ne s'en excuse pas, on est ridicule d'avoir des enfants qui ne vont pas à l'école. Mais, quel que soit cet engouement pour les enfants d'étudier et pour les parents de les faire étudier, l'objectif n'est toujours atteint compte tenu de la précarité économique des parents due, d'abord, au fait que ces derniers avaient été réduits au chômage depuis belle lurette ; ensuite, par suite des pillages systématiques dont a été victime l'entité ; enfin, suite à l'infertilité, l'exigüité des terres arables avec toutes répercussions sur la production agropastorale. Les enfants sont chassés intempestivement de l'école pour raison d'insolvabilité des frais scolaires, ce qui entraine une déscolarisation annuelle de plus de trente pour cent. Quant aux écoles, elles sont suffisantes.

· Les Eglises : elles n'étaient pas nombreuses. Tout au début, on a connu que l'Eglise catholique, puis vient l'Eglise protestante en des milieux comme Bideka, Burhuza seulement, puis elles se sont répandues à travers toute la chefferie et tous les villages. Avec l'avènement des Eglises de réveil, les églises protestantes sont devenues « million » et fonds de commerce. L'Islam ne va s'installer dans Ngweshe qu'avec l'arrivée de la Mission d'Observation de Nations Unies au Congo (MONUC). Les soldats pakistanais et égyptiens ont converti des bashi à l'Islam et construit des mosquées à Walungu, à Burhale et Mushinga. Toutes ces Eglises et ces mosquées ont un impact important sur les familles. Leurs animateurs vivent tous aux dépens de leurs pauvres fidèles.

· La femme : le statut de la femme et ses rôles ont subi de profondes modifications au sein de la chefferie depuis plus de quatre décennies. On est passé de cette femme isolée, dédaignée, sans voix, discriminée, chosifiée, soumise et jamais respectée, exposée à beaucoup d'interdits même alimentaires à une femme plus ouverte, coopérative et jouissant moyennement de ses droits. Certes, le parcours est encore loin pour mettre réellement la femme à sa place mais le trajet parcouru est considérablement significatif.

· La cohésion sociale, l'entraide mutuelle : la tradition communautariste qui caractérisait les bashi tend à s'effriter et s'oriente vers l'individualisme malgré la solidarité mécanique dont reflète le milieu. Il va sans dire que la pauvreté qui a élu domicile dans la contrée peut être à l'origine de cette défection sociale.

· Conflits, haine et suspicion : la confiance individuelle ou collective qui caractérisait le peuple bashi s'est atténuée manifestement. Les gens se suspectent plus qu'ils ne se confient entre eux et développent des conflits entre eux, souvent pour des conflits bénins. Faute d'un cadre dynamique devant les gérer et suite à la disparition du barza local de réconciliation (ngombe), les conflits prennent une ampleur importante.

· La langue : le mashi est la langue parlée des Bashi. Unique en ce genre sur le plan traditionnel, le mashi est entré en contact avec le français grâce à la colonisation et avec le kiswahili à travers son contact avec les milieux urbains fondés par ces mêmes colonisateurs. Le français, langue officielle et le kiswahili, langue nationale (au même titre que le lingala, kikongo, tshiluba) ont pris le dessus sur le mashi de façon qu'actuellement le « parler mashi pur » se raréfie surtout chez les jeunes qui, pour des raisons de fierté, préfèrent plus s'exprimer en un mélange linguistique formé du français, du kiswahili et du mashi. La défection constatée pour le nom des personnes résulte exactement de ce manque de maîtrise linguistique locale.

· La culture et les valeurs.

1°. La culture

Au sujet de la culture, Rocher s'est inspirée de Eddy Tylor pour la définir ; il estime que la culture est un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte.124(*)

Tylor a donné une définition plus énumérative à la culture. Pour lui, la culture est cet ensemble complexe qui englobe la connaissance, les croyances, l'art, la morale, la loi, la coutume et toutes les autres facultés et habitudes que l'homme a acquises en tant que membre d'une société.125(*)

De toutes ces définitions, nous pouvons considérer que la culture constitue toutes ces manières d'être, d'agir, de penser propres à une peuple, et ce fait, il n'y a aucun peuple sans culture, car tout peuple n'est identifiable que par rapport à sa culture et sa spécificité par rapport à d'autres peuples ne réside que dans la culture, l'être humain étant essentiellement « culture ». Au-delà d'être propre à tous les peuples, la culture possède d'autres caractéristiques :

- elle est universelle : il n'y a aucun peuple sans culture

- elle est transmise : la culture n'est pas innée ; elle est acquise par l'individu nouveau- né. Ce denier, au fur et à mesure qu'il grandit et par ses contact avec les adultes, il acquiert, à travers un long processus d'apprentissage, les éléments culturels de la communauté à laquelle il appartient.

- elle est statique et dynamique : la culture d'une société est l'affaire de tous. Tous les membres d'une société contribuent au bon fonctionnement de leur culture et en perpétuent le statu quo. Une culture donnée présente, de ce fait, une identité propre par rapport à d'autres cultures. C'est cette identité irréductible à d'autres identités culturelles qui constitue le caractère statique de la culture.

Il s'agit, en fait d'une stabilité relative puisque l'humanité évolue dans un monde toujours en changement. Il faut noter que l'incomparable facilité avec laquelle l'homme s'adapte et s'ajuste à de nouvelles conditions de vie et propose toujours des réponses appropriées à des situations les plus inattendues rend très dynamique la culture. De ce point de vue, la dynamique culturelle est précisément déterminée par la propension de l'homme à l'innovation. Toutefois, cette innovation devra s'inscrire dans le cadre culturel.

En effet, des changements connus au sein de notre univers se sont opérés sans tenir des acquis culturels identitaires ; ce qui nous a conduits à une certaine acculturation, c'est-à-dire à un abandon partiel ou total de nos acquis identitaires. A ce sujet, dans « Afrique ambigüe », Georges Balandier constate que l'africain n'est devenu ni européen ni africain. Tous nos comportements répondant à nos valeurs culturelles ont cessé d'être respectés et quiconque essaie de s'y remettre est considéré comme un primitif.

· La culture est préétablie : elle existe avant l'individu qui en fait usage. A sa naissance, durant toute sa vie, il entre en contact avec la culture, vit avec elle et par elle, puis à sa mort, il l'abandonne et culture continue son cours.

2°. Les valeurs

Selon Guy Rocher, « la valeur est une manière d'être ou d'agir qu'une personne ou une collectivité reconnaissent comme idéale et qui rend désirables ou estimables les êtres ou les conduites auxquels elle est attribuée. »126(*)

En tant qu'idéal, la valeur implique donc l'idée d'une qualité d'être ou d'agir supérieure à laquelle on aspire et dont on s'inspire. La valeur se présente comme un idéal qui appelle adhésion et qui invite au respect ; elle se manifeste dans des choses ou des conduites qui l'expriment d'une manière concrète ou symbolique.

De ce point de vue, on peut distinguer cinq caractéristiques de valeurs :

· La valeur est antérieure au jugement de valeur

· Les valeurs sont inspiratrices des conduites

· Les valeurs sont relatives, spécifiques à une société et une époque donnée

· Les valeurs ont une charge affective

· Les valeurs sont hiérarchisées (il existe, ainsi, une échelle de valeurs).

Selon toujours le même auteur, les valeurs disposent des fonctions sociales : elles contribuent à :

· la cohérence des modèles (règles et normes)

· l'unité psychique des personnes

· l'intégration sociale.

Par rapport à cette notion de la valeur, il apparaît sur le terrain que certaines valeurs sont désuètes. C'est le cas du respect qui était sacré  entre petits et grands, entre épouses et époux, entre sujet et chef, entre sujets et mwami. A ce jour, la situation se apparaît autrement. La tendance va vers une opposition nette des petits envers les grands, des sujets envers leurs chefs traditionnels et j'en passe.

· L'habitat : il va en s'améliorant, la hutte en chaume, unique maison traditionnelle, tend à disparaître au profit de maisons avec une toiture de tôles ondulées et même des maisons en briques.

· Les mesures hygiéniques : alors qu'au départ les matières fécales étaient éparpillées autour de l'habitation, dans la bananeraie et la prairie environnante, à ce jour, et c'est grâce à des mesures coercitives initiées par les colonisateurs que chaque ménage dispose d'une ou de deux toilettes. L'usage des toilettes et l'aménagement des sources ont contribué sensiblement à la réduction des certaines maladies endémiques telles que le choléra, la dysenterie, la fièvre typhoïde, etc.

6.7.  Pistes praxéologiques des solutions

Il sied, avant d'entrer dans le vif du sujet, de présenter brièvement les aspects recueillis sur le terrain lesquels seront suivis directement des mesures efficaces et appropriées.

a). Aspects relevant du terrain

A la lecture des passages précédents, il se dégage qu'il y a non seulement des efforts fournis au sein des ménages de Ngweshe, mais aussi des problèmes tant au niveau des familles que de l'environnement. La recrudescence de ces problèmes s'est avérée manifeste avec l'affrontement de plusieurs troupes, bandes et milices armées au sein de la chefferie de Ngweshe. Plusieurs discours se sont développés de la part des organisations qui s'étaient proposé d'éradiquer le mal. Des associations se sont créées pour demander des fonds et les gérer au compte des populations en détresse, ce qui a plus profité aux animateurs qu'aux personnes pour lesquelles les fonds avaient été sollicités. Quant aux organisations internationales, les interventions ont été axées plus dans les urgences que dans le développement durable, ce qui a créé un simulacre de statu quo.

La situation est telle que les familles ont le regard tourné à la fois vers les organisations internationales et locales. Ces dernières ne comptant que sur l'apport externe, n'entretiennent à l'endroit de la population que des discours prometteurs. Ainsi donc, localement, tout le monde espère le salut de l'extérieur, les initiatives internes sont amoindries et encore, minimes paraissent-elles, elles doivent, hélas, être soutenues par l'extérieur.

Pourtant, l'aspiration à tout changement familial qualitatif et quantitatif reste indubitablement une lutte ; lutte contre soi et contre ses conceptions antérieures mystifiées et divinisées.

Une tendance fortement répandue dans les milieux de Ngweshe incite les familles, dans la plupart des cas, à croire qu'il existe un Etre Suprême qui veille à leur destinée et qui par moment et par voie délibérative issue de sa bonne volonté et de sa bonne humeur, décide, soit de leur bonheur, soit de leur malheur. De ce fait, l'on est convaincu que l'on naît et meurt selon sa volonté, et, vraisemblablement, l'on devient riche ou pauvre, l'on réussit ou l'on échoue ; une guerre s'installe ou s'écarte selon son bon arbitre.

Selon cette conception du monde axée fondamentalement sur la volonté divine, rien ne sert à courir, à initier une quelconque stratégie de changement, car tout est prédéfini à l'avance et ce, pour chaque personne. L'esprit positif, celui qui relie, en effet, les faits aux causes, tarde à se manifester.

Outre cette conception providentialiste de la vie, il s'observe un autre phénomène à travers les familles de Ngweshe. Il s'agit de la générosité de l'Occident « ou la communauté internationale ». Sur base de cet esprit philanthropique, les familles enquêtées espèrent et fondent l'espoir de la résolution de leurs problèmes, la réduction de leur pauvreté, le financement de tous leurs projets, la construction de leurs écoles, routes, églises, hôpitaux, dispensaires, traçage des pistes routières et routes de desserte agricole, l'organisation des élections et leur validation, etc.

Donc, depuis la colonisation jusqu'à ce jour, il s'est incrusté dans la mentalité des populations de Ngweshe, l'esprit fort attentiste ; un sentiment d'abandon de soi et orienté vers Dieu, le Blanc et les ONG. Nulle n'est question de négliger les travaux qui se font sur le terrain et qui contribuent au maintien des familles de Ngweshe, nous estimons seulement qu' il paraît sur le terrain peu d'esprit d'inventivité et de créativité.

Somme toute, comme nous avons pu le constater sur le terrain, le système familial de Ngweshe s'oriente irréversiblement dans un processus en mutation : la famille connaît, en son sein, des modifications indépendantes de la volonté de ses membres et les discours développés jusqu'à ce jour semblent ne pas les rassurer. Les familles de Ngweshe, comme faits sociaux totaux, méritent des recherches méthodologiques-praxéologiques pour l'atténuation ou la nihilisation des maux qui les rongent.

En effet, d'une manière générale, et spécialement à Ngweshe, dans la quête de l'équilibre familial, la sociologie doit agir conformément à sa vocation, « celle d'exercer une fonction critique qui consiste à rendre visible ce qui ne l'est pas, à s'intéresser à ce qui en marge et émergence, à remettre en question les évidences ».127(*)

Il convient, ici, que les sociologues praxéologues de la famille, dans leurs investigations, dans les discours et la production des connaissances, s'attèlent, d'une façon quasi exhaustive, à relever les situations, les aléas, qui menacent, de loin ou de près, la famille. Dans le cas d'espèce, la famille de Ngweshe a retenu plus notre attention et nos investigations se sont orientées vers elle.

Il s'agit, certes, d'un idéalisme qui, dans une dynamique familiale, consiste non seulement à relever les causes et/ou les facteurs justifiant le déséquilibre au sein des familles, mais aussi il faudra initier des mécanismes de recherche assidue des solutions durables et d'éradication du mal.

b) Vers l'approche participo-praxéo-dynamique

Pour parer aux problèmes qui sévissent la famille de Ngweshe, tous les discours développés doivent s'orienter dans une approche praxéologique assortie de l'aspect historiciste. Il est question de répertorier les discours, les compétences au sein des familles, les réalisations et les mettre au profit de tous. Dans ce contexte, personne n'est à négliger, chacun doit être pris dans un cadre qui lui est spécifique. Tout le monde doit se mettre à l'oeuvre, développer des mécanismes et des stratégies d'autosuffisance et d'autopromotion individuelle ou collective, rejeter l'esprit attentiste et dépendantiste des ONG et autres intervenants.

Il conviendra de bâtirla vie familiale sur des compétences intellectuelles, morales positives et morales et rejeter les considérations providentialistes, théologistes et métaphysiques qui enchainent et trainent les familles aveuglement sur des voies de l'espérance miraculeuse ou du désespoir inévitable, l'une les prédisposant à une vie heureuse issue d'êtres suprêmes, l'autre les condamnant à des supplices terrestres mais qui deviendront douces dans les royaumes célestes. La vision métaphysique de la vie fait d'elle une fatalité qui sera résorbée par le bonheur céleste.

Toutes ces deux voies prônent l'immuabilité de la vie, c'est-à-dire que l'être humain ne devrait pas se tordre pour tendre vers des lendemains meilleurs, car il existe pour lui, un sort prédestiné.

A notre niveau, nous estimons qu'une vision transcendante doit être orientée vers ces conceptions immobilistes et attentistes, car notre vie ne devient, en majeure partie, que ce que nous voulons qu'elle devienne, à travers, naturellement, un contexte purement processuel, praxéologiquement et rationnellement orienté. Nous nous trouvons, ici, face à une étape, où il s'impose aux familles de Ngweshe de changer de regard, d'accueillir et écouter, mais aussi et surtout de faire manifestement montre de pragmatisme.

Cette nouvelle vision leur exigerait de se débarrasser, non plus de leurs valeurs, mais plutôt de considérations superflues, mythiques, obscurantistes, attentistes, passives, non conatives et non praxéologiques, mais plutôt de s'engager activement sur la voie de recherche de changement qualitatif et quantitatif en se défiant décidemment de discours des organisations « caritatives » qui, pour la plupart des cas n'existent que grâce à ces familles meurtries et qu'il faut, pour de raisons d' existence de ces associations, maintenir dans l'état de précarité.

C'est ainsi que nous préconisons qu'au sein de chaque famille élémentaire, chaque membre potentiellement actif s'inscrive dans le schéma de transformation autocentrée sur l'individu. Nous privilégions qu'au sein de chaque noyau de vie sociale, c'est-à-dire, la famille, qu' il s'y constitue un « corps d'études d'actions de changement » (CEAC) dont le rôle majeur sera d'identifier tout élément, indice ou discours à caractère socialement pathologique, archémique ou endormant et d'y réserver une action contraire.

Les CEAC sont, en fait, l'effet manifeste de la transmutation conscientielle de l'énergie créatrice concentrée, par et à travers laquelle la personne humaine prend conscience de son état, projette en sortir partiellement, totalement en l'améliorant. Elle initie, exécute et évalue une action productive rationnelle. Il s'agit d'une prise de conscience manifestement engagée dans la transformation du vécu quotidien à travers des actions initiées, réfléchies et réalisées sous une impulsion interne de l'individu avec d'autres membres du groupe pour donner plus de sens et plus d'importance à l'action, laquelle, de ce fait, cesse d'être individuelle pour devenir et demeurer une action sociale du fait de son envergure, de son importance sociale et de son caractère collectif.

Pour parvenir à atteindre de tels objectifs, nous avons proposé, à notre niveau, que la famille de Ngweshe (compte tenu dans la dynamique et du déséquilibre dans lesquels elle se trouve) chemine à travers l'Approche participo- praxéo-dynamique. Cette approche exige aux familles de Ngweshe particulièrement, de s'engager sur la voie du changement à travers la participation de tous ses membres à des actions concrètes, raisonnables et concertées, de se défier de tout discours qui n'incite pas à travailler rationnellement en leur faveur.

L'Approche participo-praxéo-dynamique est une nouvelle vision constructiviste de la famille et de la société. Elle est basée sur des conceptions partagées par tous et exécutées unanimement, c'est l'aspect participatif praxéologique qui entraine la dynamique transformatrice, allant du pire au bien et au mieux-être.

C'est donc un dur combat que les familles doivent mener contre elles-mêmes comme personnes sociales, contre leurs ennemis sociaux (les différents maux, les discours attentistes, paternalistes et avilissants...), contre leur propre peur (car elles doivent s'affirmer et s'assumer devant n'importe quel obstacle), et les conceptions fatalistes de la vie (celles liées à la vie et à la malédiction).

Ainsi, l'Approche participo-praxéo-dynamique recommande aux familles et à tous les producteurs des discours de rétablir l'équilibre familial à Ngweshe et de se fonder sur « le principe de l'unanimité participative rationnelle » qui se matérialise à travers six étapes :

· La constitution des noyaux d'études, de résilience et de recherche de la transcendance des phénomènes déséquilibrant la famille et son environnement

· L'identification des problèmes au niveau de chaque famille, ménage ou groupe social 

· L'appropriation du problème et la prohibition de tout aspect fatidique ou métaphysique : savoir que face au problème que connaît une personne, les solutions ne peuvent provenir que d'elle-même avec ou sans son environnement

· La définition des objectifs et des stratégies concourant à l'atténuation ou à l'éradication du problème ;

· La participation active et unanime des membres du groupe affecté par le problème à travers une démarche active et auto- évaluative

· La projection rationnelle de nouvelles actions constructivistes favorables au groupe et à l'environnement.

Le principe de l'unanimité participative rationnelle, soubassement de l'Approche Participo-Praxéo-Dynamique (APPD) est une dynamique globalisante qui intègre tous les membres de la famille ou du groupe social dans la recherche rationnelle des voies et moyens de transcender ses faiblesses, recouvrer ses valeurs, rechercher la quintessence des discours et de se parfaire. Cette approche repose sur le principe de la transmutation créatrice de l'énergie conscientielle concentrée : c'est une phase au cours de laquelle, la population prend conscience du problème ; initie un schéma de voie de sortie, lequel schéma, une fois approuvé, est mis au courant de tous  pour être retenu et réalisé comme priorité à court terme.

Conclusion partielle

A travers ce chapitre, nous avons étalé des faits intervenus dans la dynamique des familles de Ngweshe : des changements positifs et négatifs. Trente-huit problèmes ont été répertoriés et regroupés en quatre thèmes : l'insécurité, la santé précaire, la pauvreté et la faible historicité. Des actions entreprises localement pour résorber la crise, nous avons insisté sur celles effectuées par la société civile en nous penchant, d'abord sur ce qu'elle est, ensuite sur ses objectifs et son émergence, et, enfin, ses composantes. Nous avons constaté non seulement que les organisations de la société civile ont été très influentes sur la famille au sein de toute la chefferie mais aussi qu'elles ont recherché plus les problèmes au sein de la communauté qu'elles n'en ont trouvé des solutions. Ainsi, en dépit des actions de ces organisations, la pauvreté pour laquelle la RDC a établi quinze priorités pour la juguler, ne fait que battre son plein au sein de notre univers.

Il a été remarqué que la communauté, à travers les familles, a consommé et produit tant de discours. Ceci nous a poussé à les répertorier pour les replacer dans leur contexte et en donner non seulement la signification mais aussi les classifier sur le plan interne et externe.

Ainsi, au niveau interne, les discours se replacent dans un interactionnisme discursif monocentré : la population centre tous ses discours sur le fait en présence et dans le cas d'espèce, il s'agit de la crise en présence caractérisée par la guerre, la peur et la fatalité.

Au niveau externe, il s'observe une autre dimension discursive : l'interactionnisme discursif tricentré qui apparaît à travers les interactions entre la population, les ONG et les associations locales de développement. Il est apparu que ces différents acteurs opèrent à travers la triade opérationnelle d'interventions qui s'exerce sur trois pôles, à savoir : les pôles manifestatoire (PM), structurel(PS) et de propulsion ou pôles d'appui (PA) lesquels sont, manifestement, la population, les organisations locales de développement et les bailleurs des fonds. L'interaction entre ces trois pôles entraîne trois formes des discours :

· Un discours archémique modernisateur entre le PS et le PM

· Un discours endormant, trompeur (ou pakaviliste selon Nday wa Mande) entre le PS et le PA. Ici existent beaucoup d'amplifications, de mensonges, etc.

· Un discours généléxémique (vrai) entre le PA et le PM.

Au-delà des discours prononcés par les organisations locales de développement, nous avons constaté que ces dernières étaient caractérisées par la multisectorialité, la familiarité et le manque de technicité, ce qui entrave largement leurs actions sur le terrain. Toutefois, les interventions des ONG internationales et des Eglises, bien qu'insuffisantes, leur importance n'est pas à négliger. A titre d'exemple, si une salle de classe a été construite par un bienfaiteur dans un village de 100 habitants, on se félicitera d'une telle acquisition tout en reconnaissant la faible ampleur de l'action. Ainsi, répertoriées d'une façon non exhaustive, mais sur base de leur visibilité sur le terrain, les associations opérant au sein de la chefferie se chiffrent à 239, soit une moyenne de 15 associations par groupement au cours de l'année 2010.

Ce chapitre a aussi analysé les facteurs qui ont le plus affecté l'environnement. Il s'agit fondamentalement des feux des brousses, l'afflux des réfugiés hutu rwandais, l'exploitation artisanale des minerais, l'expropriation des colons belges. Tous ces facteurs ont contribué à la déforestation et au déboisement et, par ricochet, à la destruction de l'environnement. En même temps que l'environnement subissait des modifications inattendues, il s'est opéré des changements au sein de la famille : ces derniers ont été plus manifestes par rapport au nom des enfants, à la dot, aux études, aux Eglises, à la cohésion sociale, aux conflits, à la langue, à la culture et les valeurs, à l'habitat, à l'hygiène, etc.

Au vu de tout ce qui est intervenu comme changement qualitatif ou quantitatif, positif ou négatif, il a été proposé des pistes des solutions durables devant être soutenues par l'Approche participo-praxéo-dynamique fondée sur six principes (voir supra) et fondée sur le principe de la transmutation créatrice de l'énergie conscientielle concentrée . Elle est donc un principe de développement, lequel doit toujours reposer sur une planification. Celle-ci, selon Jürgen Habermas « est considérée comme une activité rationnelle par rapport à une fin au second degré : elle vise à l'installation, à l'amélioration ou à l'extension des systèmes d'activité rationnelle par rapport à une fin. La rationalisation croissante de la société est liée à l'institutionnalisation du progrès scientifique et technique.

Dans la mesure où la science et la technique s'introduisent dans les sphères institutionnelles de la société et où, par là, elles transforment les institutions elles-mêmes, les anciennes légitimations se trouvent détruites. La sécularisation et la désacralisation des images du monde orientant l'action, voire la tradition culturelle dans son ensemble, sont la contrepartie d'une rationalité de l'activité sociale ».128(*) Il convient, ainsi, de mettre sur pied, localement, des mécanismes devant organiser l'activité sociale dans une rationalité qui nous amène à des résultats escomptés, ceux favorisant la stabilité tant de la famille que de l'environnement tel que ceci apparaît dans le chapitre suivant.

Chapitre septième

PRINCIPES DE STABILISATION FAMILIALE ET PROJECTION DE LA PROTECTION ENVIRONNEMENTALE DURABLE

INTRODUCTION

Dans la préface de l'ouvrage de Kambaji wa Kambaji, il est recommandé aux « universitaires congolais-zaïrois » d'être des hommes praxéologues et porteurs de la culture épistémologique129(*).

L'aspect épistémologique est celui de la validité, légalité, légitimité et de la cohérence des productions scientifiques. Pour atteindre cet objectif, il faut se soumettre aux normes et principes scientifiques présidant à la production d'une oeuvre scientifique.

Quant à l'aspect praxéologique, il est la manifestation du principe et de l'idée car, au départ, il y a une idée qui finit par se matérialiser en actions. La praxéologie recommande que nos conceptions idéelles ne se limitent pas au niveau initial, mais qu'elles se concrétisent pour le bien- être du groupe et/ou du concepteur. C'est le processus de l'imaginaire au réel.

Dans le cadre de cette thèse, nous avons mis sur pied, au vu de la situation sur le terrain, des principes desquels proviendraient la stabilité de la famille et la protection de l'environnement en Chefferie de Ngweshe. Ce sont des mécanismes de promotion et de protection familiale et environnementale mais dont la concrétisation exige une implication rationnelle, communautaire et durable de par et à travers tous les acteurs sociaux.

7.1. PRINCIPES DE STABILISATION FAMILIALE

L'état actuel des familles les place dans une situation de déséquilibre exigeant de remettre la famille à niveau. Les indicateurs de ce déséquilibre sont principalement :

- taille familiale très élevée ;

- dépendance, attentisme naïfs et esprit religico-spiritualiste statique ;

- improductivité du sol et rareté des terres cultivables ;

- méconnaissance, destruction méchante ou inconsciente des ressources disponibles ;

- relâchement des moeurs et des liens sociaux ;

- pauvreté et insécurité ;

- faible niveau d'instruction.

Tous ces critères prédisposent la famille à l'insécurité alimentaire contre laquelle on ne peut faire face qu'en mettant en place des mécanismes de planification familiale qui, en fait, peut désintégrer les autres critères. En effet, une famille nombreuse se heurte à plus de problèmes qu'à celle insuffisamment composée. C'est dans ce sens que parmi les seize résolutions qui président à l'organisation du Grameen Bank (la Banque des pauvres de Bangladesh initiée par Muhamed Yunus), la sixième résolution recommande : « nous ferons en sorte d'avoir peu d'enfants. Nous limiterons les dépenses. Nous ferons attention à notre santé ».130(*)

Par ailleurs, S. de Lestapis, s'appuie sur les opinions d' Alfred Sauvy dans l'ouvrage «  De Malthus à Mao-Tsé-toung ». L'ouvrage démontre que « la contraception peut obtenir le recul de la faim dans le monde en prouvant qu'en 1957, le genre humain mangeait moins bien qu'il y a trente ans. De même, selon les enquêtes menées par la FAO dans 70 pays, pour nourrir ces 70 Etats, il faudrait un accroissement de la production mondiale d'avant la guerre (1ère guerre mondiale) de 23 % des céréales, de 34 % des corps gras, de 80% des légumes secs, de 163 % des fruits et légumes et de 100 % de lait ; ce qui, apporté aux économies des pays développés, signifierait, par exemple, en Inde, 305 % de sa production de viande, 113 % de sa production des corps gras ; et 330 % des fruits et légumes ».131(*)

Pour prévenir que l'Humanité ne sombre pas dans l'anarchie, la famine et la guerre, l'Humanité doit enseigner à tout le monde de limiter les naissances surtout aux nations qui sont les plus prolifiques et ce, par des méthodes contraceptives les plus efficaces.

Nous devons tous reconnaître qu'on naît de par un acte sexuel commis, volontairement ou involontairement, par deux personnes de sexe opposé. La naissance d'une personne est donc le fruit d'une relation sexuelle manifeste, d'une volonté voulue ou tacite par l'une ou par les deux personnes qui se lient sexuellement à un moment et en un lieu précis. Pour la plupart des fois, ces personnes, et pour le cas de notre milieu d'étude, on ne s'accouple pas pour engendrer. C'est souvent pour des raisons d'autosatisfaction sexuelle du couple. La grossesse issue de cet accouplement surprend pour la plupart des cas, elle est, par conséquent, pour les unes un bonheur, une grâce, une opportunité ; et pour d'autres un malheur, un désagrément, un motif de rupture de toutes les relations antérieures et futures ; une occasion de suspicion et de désaccord.

D'ailleurs, à titre illustratif, toute famille se réjouit sensationnellement de l'accouchement de sa fille légalement mariée. Tous les membres de la famille et les voisins remercient, implorent la bénédiction divine et encouragent la jeune femme de faire plus. (Un leitmotiv des bashi, en des circonstances d'accouchement exclame : « shubirayo = reviens - y, c'est-à- dire, redeviens mère). Les membres de familles de deux conjoints se réjouissent, dansent, mangent et mettent cette naissance à l'actif de Dieu, Seul Créateur. C'est la théorie de la naissance joyeuse.

Par contre, lorsqu'une fille a été rendue grosse par un quidam et que celle-ci devienne ce qu'on on appelle communément « fille mère », qui accouche chez- elle d'un enfant d'un père connu ou inconnu, sa famille n'en fait pas le moindre bruit de jouissance, et, curieusement, en ce moment précis, Dieu n'apparaît pas comme étant le créateur dudit nouveau- né. Les familles de la «  jeune - mère ou fille-mère » ou du «  jeune - garçon- père » se recroquevillent et ne font pas grand bruit de cette naissance comme si elle n'était pas l'oeuvre divine. Dieu cesse d'être créateur en ce moment précis. Il s'agit là d'une autre théorie, celle de la naissance regrettée.

C'est un cas d'exception pour ce qui est de la conception locale en matière de naissance d'un nouveau-né au sein d'une famille. Car dans notre univers, les gens pensent, à tort, que les enfants qu'ils ont engendrés leur viennent d'un Etre surnaturel, puissant et généreux qui donne la vie et l'arrache selon son bon vouloir ou sur demande insistante du bénéficiaire. Cette demande ne concerne que les naissances, les bienfaisances, les jouissances, les réussites ou la vie en plénitude et jamais la mort, moins encore la défaillance à quelque niveau qu'elle se situe. Personne n'implore Dieu pour mourir. D'où, selon eux, il faut prier pour recevoir des bienfaits, des fortunes, des bénédictions, des grâces de l'Etre Suprême car, pour eux, tout est grâce, contrairement à ce que nous, nous pensons : toue grâce est fondée avant tout sur une conception idéelle, une stratégie et une action.

Sur 250 couples enquêtés, 80 couples, dont l'âge varie entre 35 et 40 ans, ont 8 naissances ou plus. Il faut placer cette situation dans un cadre holistique de la République Démocratique du Congo où le taux de fécondité précoce est le plus élevé au monde avec 201 naissances pour 1000 femmes âgées de 15-19 ans selon l'INED. Le nombre élevé d'enfants joint aux autres critères énumérés ci- haut influent négativement sur la vie des familles : santé précaire des enfants et des parents, morbidité élevée au sein du foyer, angoisse permanente, déscolarisation des jeunes enfants, décès...

Bref, la stabilité des familles de Ngweshe ne se retrouvera qu'à partir de la régulation des naissances, la prise de conscience des actes posés, l'appropriation de l'action et les effets qui en découlent et non du fait de les attribuer à quelqu'un d'autre, d'invisible et de non acteur et la maîtrise de toutes les variables liées à la sécurité des biens et des personnes. D'où, la nécessité de maîtriser les principes pouvant présider à la stabilité de la famille au sein de l'entité.

7.1.1. Principe de créativité

L'un de grands atouts que possède l'homme et qui le différencie des autres êtres, c'est sa capacité de récréation de l'univers : il modifie, à son profit ou en sa défaveur, son environnement, il se construit un habitat, se confectionne un habillement décent et le revoit chaque fois qu'il le veut, il veille favorablement à sa santé et à celle de sa progéniture, il est le seul maître de sa vie. Il est doué de la capacité de détruire et de construire rationnellement, de modifier ce qui existe et lui donner une nouvelle forme voulue... A ce sujet Bernard Bourgeois écrit :

« La philosophie moderne, issue de Kant, développe le thème de l'activité autonome du sujet humain dans la vie théorique et pratique. La pensée hégélienne, qui est à l'origine de tous les grands courants de la culture contemporaine, donne à cette activité un caractère concret et historique, et surtout elle lui confère une signification essentielle, d'une part, en tant qu'humaine, dans la mesure où, pour Hegel, l'identité de l'Esprit divin infini et de l'esprit fini humain signifie aussi que, si l'homme n'est possible que par Dieu, Dieu lui-même n'est possible que par l'homme, d'autre part, en tant qu'activité, dans la mesure où l'esprit est l'acte de se poser, de se créer lui-même : son essence intérieure n'est qu'en se manifestant extérieurement, il est ce qu'il fait, ce qu'il se fait.

Le passage de l'affirmation hégélienne de l'absoluité de l'esprit humain en tant qu'esprit à l'affirmation feuerbachienne de l'absoluité de l'esprit humain en tant qu'humain, le passage d'une théologie de la réalité humaine à une anthropologie de l'idée divine, bref, l'athéisme qui voit dans l'homme le créateur de l'idée de Dieu où l'homme aliène sa propre essence, signifie une valorisation de la créativité humaine : dégagé de tout lien à un Maître transcendant, l'homme est responsable de son être et saisit donc celui-ci comme étant à créer par lui-même »132(*).

Partant de cette considération de la créativité humaine qui détermine que l'homme ne devient, en fait, que ce qu'il fait et ce qu'il se fait, il sied de dire que le travail humain confère à l'acteur son statut à travers de divers fonctions et rôles liés à celui-ci. Comme cela a été dit précédemment, la famille est essentiellement travail ; elle se fait, ne se forme que par et à travers le travail. D'où la nécessité d'une créativité sans relâche, assidue et rationalisée.

Ce qui déplait dans notre terrain d'étude, c'est cette absence de créativité ; la population est plongée dans une dynamique mécanique, routinière et peu réaménagée. Tout le monde fait la même chose et presque de la même manière. C'est ce qui explique l'échec de certains projets qui, pourtant, pouvaient être bénéfiques pour la population, je cite, à titre d'exemple, l'élevage en stabulation des animaux domestiques tels que la vache, le mouton et la chèvre qui sont restés attachés ou laissés paitre sur de très réduits pâturage, sans fourrage important.

C'est ce même manque de créativité qui n'a pas favorisé la promotion de l'habitat, les méthodes culturales, jusqu'ici rustiques et, qui ne favorisent plus la productivité ; c'est ce même manque de créativité qui justifie que nous fassions usage de certains outils et objets utilisés depuis l'antiquité et demeurés toujours dans le même état de choses et d'actions, tels que la houe, la machette, le cuve à boisson, le mortier et pilon, le van, la natte, la hutte, la boisson locale, les grabats, la harpe et mêmes les cultures qui, pourtant ne sont plus adaptées au climat et aux sols.

Pour sortir de ce gaufrier statique, il est indispensable que les acteurs sociaux se mobilisent, se concertent et s'engagent dans une dynamique récréative, inventive et innovatrice. Ce principe correspond à la notion de la  « mobalité »133(*) dont les principes directeurs sont l'indépendance et l'autodétermination. Le premier principe relève de la créativité tandis que le second est le fruit d'une volonté ferme et résolument engagée. Il va sans dire qu'on ne peut relever le défi dont souffre la chefferie qu'à travers cette volonté de faire et mieux faire et que cette volonté soit, non une contrainte extérieure mais une contrainte interne.

Un dicton mashi prône le principe de la créativité en déterminant que l'action sociale doit commencer par le bas âge et se poursuivre dans le reste de sa vie. Le jeune doit être un modèle et une force active, entreprenante, initiatrice et intégratrice des valeurs dans sa communauté. D'où l'expression qu'on rencontre à travers toute la chefferie : « Omurho mulume », cela veut dire qu' « être jeune, c'est être homme » : la jeunesse doit refléter la force physique de l'homme ; une force qui invente, innove, produit et concentre sa vivacité sur des faits et des idéaux voulus et réfléchis en vue de la transformation substantielle et positive de sa communauté.

7.1.2. Principe de l'unanimité participative rationnelle

La considération marxiste du développement reconnaît que les contradictions internes sont la cause fondamentale de celui-ci et que les facteurs externes n'en sont que des conditions. Marx a développé la notion de la dialectique avec Hegel. La dialectique marxiste repose sur trois pôles interagissants : la thèse, l'antithèse et la synthèse

Le terme « dialectique » dérive du mot composé grec äéáëìåãåéí (dialegein), qui indique dès le départ que son sens n'est pas simple. La signification la plus courante de ëìåãåéí, c'est « parler » et le préfixe äéá indique l'idée d'un rapport ou d'un échange. La dialectique est donc, d'après l'étymologie, un échange de paroles ou de discours, c'est-à-dire une discussion ou un dialogue ; comme forme de savoir, elle est alors la technique du dialogue, ou l'art de la dispute, tel qu'il a été développé et fixé dans le cadre de la pratique politique propre à la cité grecque.

Il convient tout de suite de remarquer que ce sens renvoie à une tradition trop particulière, que la valeur qu'il attribue à l'idée de dialectique reste faible et doit être renforcée par une analyse philosophique, qui mettra en évidence des significations très différentes. On peut cependant retenir de cette analyse étymologique du mot deux éléments très généraux : la dialectique met en jeu des intermédiaires (dia) ; elle a rapport au Logos, qui n'est pas seulement pour les Grecs le discours ou la raison, mais un principe essentiel de détermination du réel et de la pensée.

La catégorie de dialectique est surtout une catégorie technique de la philosophie : on ne peut s'attendre à la rencontrer que dans le cadre de systèmes philosophiques déterminés, pourvue à chaque fois d'une définition particulière. Commençons par prélever dans l'histoire de la philosophie les grandes définitions de la dialectique de Platon : « Le dialecticien est celui qui aperçoit la totalité (óõíìïðôéêïò) » (La République, VII, 537c).Aristote : « Le dialecticien est l'homme capable de formuler des propositions et des objections ».134(*)

Le principe de l'unanimité participative rationnelle a pour soubassement la dialectique, car les acteurs doivent émettre des idées et tenir compte des contradictions qui émanent de différents interlocuteurs. Aucune proposition n'aura donc une considération évangélique mais tiendra compte du jargon populaire selon lequel «  du choc des idées jaillit la lumière ». L'action « développementiste » doit tenir compte des apports de tous les acteurs impliqués ou bénéficiaires de projet mais cette participation doit être constructive et non destructrice. De cette rationalité résulte l'appropriation, par tous les membres du groupe social, de l'ouvrage, ou du projet devenu réalité. C'est en somme, un principe de collaboration et de complémentarité entre différents acteurs évoluant au sein d'un système social.

7.1.3. Le principe d'autonomie et de gestion rationnelle

La notion d'autonomie ne peut être adéquatement saisie que si ses différents sens sont précisés à la fois dans leurs contextes historiques, dans leurs valeurs synonymiques et antithétiques, et enfin, dans les domaines et les activités auxquels ils s'appliquent.

Au sens littéral, autonomie signifie le droit pour un État ou pour une personne de se régir d'après ses propres lois. C'est le sens qu'on relève chez les historiens grecs : ainsi, Thucydide (III, xlvi) parle d'un peuple qui se soulève pour obtenir son indépendance, et Xénophon (Helléniques, V, i, 36), des Béotiens qui cherchaient à se rendre autonomes par rapport aux Thébains.

Cette notion doit être distinguée de celle d'autarchie, et rapprochée de celle d'autarcie. Littéralement, l'autarchie est le pouvoir absolu. Mais il faut noter qu'une façon de se donner ses propres lois (autonomie), c'est d'exercer sur les autres un pouvoir absolu (autarchie). Ainsi, se trouve évoquée une première série de difficultés : à quelles conditions une collectivité peut-elle être la source des lois qui la régissent ? L'autonomie implique-t-elle la souveraineté ? S'accommode-t-elle, au contraire, de certains arrangements de dépendance mutuelle (comme dans des organisations de type confédéral), ou même de subordination (comme c'est le cas des États fédérés par rapport aux organes fédéraux) ? Caractérise-t-elle seulement les relations extérieures des unités politiques, ou convient-elle aussi pour qualifier les groupements constitutifs (familles, professions, unités de résidence) dont sont composées les cités ? Il ne semble pas que la pensée grecque soit allée très avant dans l'exploration de ces difficultés. Elle s'en tient à l'idée de l'autodétermination des unités politiques, plus précisément des cités, sans en chercher les limites ni les conditions.

Si l'autonomie ne se confond pas avec la souveraineté, elle doit être rapprochée de la suffisance, notion très courante chez les historiens, en particulier chez Thucydide (I, xxvii) lorsqu'il parle des gens de Corcyre qui « n'ont besoin de personne ». C'est dans une acception beaucoup plus élaborée que la prend Platon (Politique, I, 2, 8) lorsque, définissant la communauté parfaite, il la qualifie d'autarcique, c'est-à-dire ayant atteint la limite de l'indépendance économique. La même idée est précisée par le contraste classique qu'établit la République entre les cités qui se suffisent à elles-mêmes et « celles qui dépendent en toutes choses des autres » (369 b).135(*)

Le sens que nous conférons, ici, à l'autonomie s'apparente ainsi à celui de la suffisance. En effet, l'idéal à rechercher dans chaque famille est celui de travailler, produire, se suffire, satisfaire le plus possible aux besoins de ses membres et gérer rationnellement ses biens sans les dilapider. Ceci implique donc une bonne gestion, une rationalité.

La notion de gestion se réfère à la fois à un ensemble de pratiques spontanées ou structurées (les techniques de gestion), à un ensemble de préceptes opératoires (les principes ou les règles de gestion ou de management) et un corps de théories (les sciences de gestion).136(*)

La gestion se référant à des lois et principes, il ne s'agit pas, ici, pour toutes ces familles, d'aller à l'école et apprendre des théories de gestion, mais plutôt de développer des reflexes de gestion, non pas d'une manière spontanée ou éphémère, mais continue, en se basant sur les faits réels qui caractérisent leur vécu quotidien ; ce qui fait appel à un autre principe.

7.1.4. Le principe de l'auto-évaluation permanente et objective

Tout travail exige une certaine planification à travers laquelle on se fixe des objectifs, les moyens matériels, humains et financiers, les coûts, les menaces, la durée, etc. L'acteur social ou la famille doit planifier ses activités et les évaluer quotidiennement. Le but de s'auto-évaluer familialement doit permettre à la famille de se situer par rapport à ses objectifs, ses idéaux, ses stratégies, les actions menées et celles envisagées ou envisageables, imaginées et imaginables, inimaginées ou inimaginables. Dans le processus de l'auto-évaluation, la famille doit se situer, savoir d'où elle vient, où elle se situe par rapport à ses objectifs, par rapport à son environnement, et projeter de nouvelles actions d'auto-amélioration. Il s'agit donc de revoir ce que la famille s'est fixé comme objectifs et en évaluer les résultats positifs et négatifs. Dans cette évaluation, la famille doit jauger ce qu'elle a pu faire, la manière dont elle l'a fait, quand ? Avec qui ? Comment ? Où ? Elle doit relever les difficultés auxquelles elle a fait face et la façon dont elle les a contournées. En s'auto-évaluant régulièrement, la famille ne fait que baliser son parcours de tous les jours, elle passe en revue ses ressources, ses dépenses prioritaires et celles secondaires, elle adopte une option pour sa vie et son maintien.

L'aspect « reliogioniste » et attentiste, observé dans de nombreuses familles handicape cette évaluation au sein des familles car, celles-ci, au lieu de déterminer, seules, leur destin, se fient en des croyances ou des organisations desquelles elles attendent leur salut fustigeant ainsi le fait que l'on ne devient réellement que ce que l'on a voulu volontairement ou involontairement être.

Pour parvenir à une auto- évaluation correcte, trois éléments doivent entrer en compte, notamment ; la personne avec ses prestations ; son statut social et la fonction liée à ce statut à travers laquelle apparaissent les rôles ou les prestations de la personne sociale. Ainsi, se construit une triade d'auto-évaluation individuelle permanente schématisée comme suit :

Prestations et objectifs

prestations

Schéma n° 11 : la triade d'auto-évaluation individuelle permanente

Fonction

Statut

Commentaire :

Toute évaluation d'un individu par rapport à lui - même (auto-évaluation) ou par rapport à une autre personne doit se réaliser sur base de cette triade. Les excellentes prestations sont celles qui sont en adéquation entre l'acteur, le statut et la fonction de l'acteur. Cette évaluation doit demeurer permanente afin que l'acteur déraille ni de sa mission, ses objectifs et de ses tratégies.

La triade d'évaluation individuelle permanente est une marque d'équilibre manifeste entre l'acteur social, son statut, sa fonction et ses prestations. Autant cet équilibre s'impose entre ce qu'il est et ce qu'il fait, autant cet équilibre doit exister entre la personne sociale et son environnement. Tout déséquilibre entre l'acteur social et les faits ci-hauts décrits implique une question sociale et se manifeste par un malaise au sein de la communauté, entre les membres eux-mêmes d'abord et leur environnement, ensuite.

7.1.5. Le principe d'appropriation idéologique, politique et culturelle

Il est nécessaire de passer en revue les différentes acceptions que les auteurs confèrent à l'idéologie avant d'en déterminer ses éléments constitutifs.

Une idéologie est un système (possédant sa logique et sa rigueur propres) de représentations (images, mythes, idées ou concepts selon les cas) doué d'une existence et d'un rôle historiques au sein d'une société donnée. Sans entrer dans le problème des rapports d'une science à son passé (idéologique), disons que l'idéologie comme système de représentations se distingue de la science en ce que la fonction pratico-sociale l'emporte en elle sur la fonction théorique (ou fonction de connaissance) » (L. Althusser, Pour Marx).

« Par idéologies, nous entendons ces interprétations de la situation qui ne sont pas le produit d'expériences concrètes, mais une sorte de connaissance dénaturée (distorted) de ces expériences qui servent à masquer la situation réelle et agissent sur l'individu comme une contrainte » (K. Mannheim, Diagnosis of Our Time).

« L'idéologie est un système global d'interprétations du monde historico-politique » (R. Aron, Trois Essais sur l'âge industriel).

« L'idéologie est l'expression intellectuelle historiquement déterminée d'une situation d'intérêts » (Mennicke, cité par le Philos. Wörterbuch de H. Schmidt et J. Streller).

« L'idéologie est une pensée chargée d'affectivité où chacun de ces deux éléments corrompt l'autre » (J. Monnerot, Sociologie du communisme).

« Une idéologie est un complexe d'idées ou de représentations qui passe aux yeux du sujet pour une interprétation du monde ou de sa propre situation, qui lui représente la vérité absolue, mais sous la forme d'une illusion par quoi il se justifie, se dissimule, se dérobe d'une façon ou d'une autre, mais pour son avantage immédiat. Voir qu'une pensée est idéologique équivaut à dévoiler l'erreur, à démasquer le mal, la désigner comme idéologie, c'est lui reprocher d'être mensongère et malhonnête, on ne saurait donc l'attaquer plus violemment » (K. Jaspers, Origine et sens de l'histoire)137(*).

« Une idéologie a pour fonction de donner des directives d'action individuelle et collective » (M. Rodinson, Sociologie marxiste et idéologie marxiste).

Ce sont ces deux dernières acceptions de l'idéologie qui retiennent le plus notre attention dans la présente thèse car elles présentent l'idéologie comme un faisceau d'idées-forces ayant pour but d'assurer le progrès, l'évolution et le maintien harmonieux d'une communauté. Il nous revient cependant de formuler un bref questionnement sur qu'est la réelle idéologie des bashi dans le domaine politique, économique et culturel et en même temps décrire la dynamique à travers laquelle se sont insérés tous ces aspects.

Sur le plan politique, la pensée des bashi, en général et ceux de Ngweshe en particulier, était fondée sur le pouvoir sacrosaint du mwami, strictement hiérarchisé et assujettissant. C'est un pouvoir de forme pyramidale dont le mwami est placé au sommet. C'est un pouvoir morcelé entre différents nobles dépendant les uns des autres mais qui sont tous soumis au mwami. La position au sein de cette pyramide des pouvoirs dépend de statut, fonctions et rôles qu'on détient au sein de la communauté. Les responsabilités confiées par le mwami à ses administrés sont liés à la consanguinité, confiance et estime. Le mwami, de par son pouvoir discrétionnel, peut déchoir son administré de ses fonctions à tout moment avec ou sans consultation aucune.

A ce jour, ce pouvoir s'est, petit à petit, effrité : le mwami n'est plus cet organe ou cette personne qui incarne le plein pouvoir, la confiance et la générosité absolus envers sa population. Ceci serait du, à coup sur, à une crise de l'éthique et de gestion de la part des dirigeants et des dirigés au sein de la chefferie.

Sur le plan économique, les bashi prônent l'autosatisfaction dans la solidarité ; deux notions qui sont en ballottage, mais qui restent fondées sur des activités agropastorales et commerciales. En tout état de cause, le mushi n'aime et n'encourage ni l'oisiveté ni la passivité, et encore moins le parasitisme.

Enfin, sur le plan du savoir, les progrès spectaculaires ont été observés, au premier degré, certes, car l'on est passé de connaissances brutes, vulgaires, à celles plus rationnelles ; de la primitivité à la l'écriture ; de l'analphabétisme à l'alphabétisation et la scolarisation. L'illettrisme a été enrayé en grande partie de la part des jeunes et même des adultes. A ce jour, 75 % des personnes âgées de 30 ans savent lire et écrire.

En une seconde étape, la méconnaissance de l'informatique frappe tout le monde presque et l'englobe dans une autre forme d'illettrisme. L'informatique n'est enseignée dans aucune des écoles de la chefferie et donc une grande partie de la population n'est ni à jour de l'informatique ni des logiciels. Environs 80 % de la population n'ont ni vu ni touché un ordinateur. Par contre, 50 % de la population ont déjà fait usage du téléphone portable.

7.2. PROJECTION DE LA PROTECTION ENVIRONNEMENTALE A NGWESHE

Introduction

Dans les passages précédents, nous avons pu présenter l'état environnemental au sein de la chefferie, les indicateurs de cet état ainsi que les facteurs parmi lesquels nous avons cité les récurrents feux des brousses, les déboisements à grande échelle causés par la présence des milliers des réfugiés rwandais sur le territoire de Ngweshe ( à Nyangezi, Ikoma et Mulamba) et suite aussi aux diverses briquèteries, aux effets liés à la carbonisation, à l'extraction minière et d'autres raisons des coupes d'arbres et de destruction environnementale. Ce point aborde donc des aspects liés à la gestion de l'environnement, la grille de sondage factuel, les attentes à l'égard du futur (ce qui est souhaitable ou envisageable)  et l'image du futur (ce qui est possible ou réalisable).

7.2.1. La gestion de l'environnement

La gestion de l'environnement est une mesure préventive, curative et un élément devant refléter des futurs favorables pour des populations qui s'en font un cheval de batail. Au vu de la précarité que traverse les populations de la chefferie à travers tous les groupements par rapport à la sécurité alimentaire, la vétusté ou l'inexistence des infrastructures de base, les maladies des mains sales, le paludisme et le manque d'énergie, la réflexion doit persuader les acteurs sociaux et plus particulièrement les familles à demeurer plus responsables dans la gestion de vie quotidienne.

1°) Par rapport à l'insécurité alimentaire

La chefferie est confrontée aux problèmes de rareté des terres arables, l'infertilité du sol, la mosaïque du manioc (wilt bactérien) et du bananier (qui constituent les principaux aliments pour la population et qui, curieusement, sont en disparition), la menace du changement climatique  et le manque de jachère. Si l'on persévère dans le déboisement, ces phénomènes deviendront plus manifestes qu'ils ne les demeurent aujourd'hui, et tendront, ainsi, vers une rareté alimentaire. De ce point de vue, la politique de reboisement et de la protection de l'arbre doit être persuasive pour chaque habitant afin de ne par exacerber la précarité alimentaire dans laquelle se trouvent les familles dont question.

2°) Par rapport à la vétusté et/ou l'inexistence des infrastructures de base et l'habitat

Des écoles de la chefferie, beaucoup sont en très mauvais état. Il y a des rivières sans ponts, et cela met en danger la vie des populations, et plus particulièrement, les écoliers surtout pendant les périodes pluvieuses. Il va sans dire que si l'on continue à couper les jeunes arbres, ces problèmes resteront à jamais irrésolus et l'habitat demeurera défectueux.

3°) Par rapport aux maladies

Il faut un environnement sain pour prévenir et lutter contre les maladies. Ainsi donc, le désherbage doit être régulier autour des maisons. Le drainage des marais est requis pour prévenir le paludisme, les versants des collines doivent être sauvegardés en bon état pour éviter la pollution des sources d'eaux potables situées en aval des collines.

4°) Par rapport à l'énergie électrique

A ce jour, à travers toute la chefferie, seuls les centres commerciaux de Munya (Nyangezi) et Walungu-centre sont, par moment, desservis en énergie électrique. Or la chefferie dispose d'importantes ressources hydroélectriques non exploitées. Il y a bien de chutes des rivières qui, si l'on y aménageait des barrages, peuvent desservir toute la chefferie et les chefferies voisines en courant électrique. Le programme de la chefferie, quant à ce, s'avère noble, mais faut-il encore qu'un tel aménagement se réalise.

Ce sont, donc, à titre illustratif, des formes de gestion de l'environnement qui peuvent transformer qualitativement et quantitativement le vécu des familles à court, moyen et long terme si l'on s'y met avec détermination. En d'autres termes, protéger l'environnement, c'est assurer aux populations qui l'ont en usage, une pérennité et un goût de vivre décemment.

5°) Par rapport aux déchets, aux bruis et l'extraction minière : aucune mesure n'est prise ou envisagée par rapport à ces phénomènes et donc l'environnement et la population en pâtiront.

7.2.2. La grille de sondage factuel

Cette grille reposera sur un aspect très important, celui de l'agrométéorologie qui est cette nouvelle discipline qui étudie les interactions entre la plante, le sol et l'atmosphère. L'agrométéorologie est, du point de vue des chercheurs, « l'étude scientifique de l'interaction entre les phénomènes atmosphériques et l'ensemble des facteurs de la production agricole ». Cette approche trouve un prolongement opérationnel pour autant que l'information ainsi créée réponde à des besoins réels de la profession agricole, et qu'elle lui parvienne rapidement, avant son échéance de validité.

On distingue, à cet égard, trois types différents d'informations agrométéorologiques : le court terme (de un à cinq jours), le moyen terme (de quinze jours à deux mois) et le long terme, (d'un an ou plus). De telles informations doivent satisfaire aux demandes exprimées par la profession agricole : prévision des conditions météorologiques pour la réalisation des travaux agricoles, prévision du risque de gel, prévision des risques de développement de certaines maladies liées au climat, suivi du bilan hydrique des sols, suivi des sommes de températures en liaison avec le calendrier de développement des plantes ; études agroclimatiques diverses pour le choix des cultures, des variétés et des régions d'implantation les mieux appropriées en fonction de leurs exigences écoclimatiques, etc.138(*)

Les données agrométéorologiques sont indispensables pour maîtriser l'environnement, la sécurité alimentaire, l'harmonie sociale et démographique.

Ainsi, du point de vue de la dégradation, on peut noter ce qui suit ;

· le dénivellement des montagnes et des collines par les érosions, ce qui provoque un délavage du sol

· les inondations des marais ayant pour conséquence leur sous-exploitation et leur improductivité

· la déforestation et le déboisement à grande échelle auront des conséquences sur l'aspect climatique et celui de l'habitat

· les rivières en crues qui débordent de leurs lits détruisent les cultures et influent négativement sur la récolte

· les eaux des pluies peu canalisées inondent les vallées, détruisent les étangs piscoles et salissent les sources d'eau propre à la consommation des habitants

· les feux des brousses sont une conséquence sur l'infertilité du sol mais un moyen de trouver du fourrage pour les animaux domestiques

· le manque d'antiérosifs et de jachère contribue à la réduction sensible des sols arables 

· les briqueteries installées dans les marais réduisent aussi bien les terres cultivables que et les boisements installés aux alentours : c'est le cas des marais de Nyamubanda et Kaliginya en groupement de Nyangezi, Cisheke à Walungu, Nacirwi à Lubona, Ibere à Burhale, Nalugana à Ciherano en Groupement de Lurhala, etc.

Tous ces aspects, liés à la dégradation naturelle et/ou humaine de l'environnement, présentent à la fois des impacts positifs et négatifs :

a). Aspects négatifs

- Diminution spectaculaire des produits des cultures et d'élevages. En effet, au sein de la Chefferie de Ngweshe, les aliments de base ont toujours été le manioc et la patate douce. Trois facteurs ont contribué à la rareté de ces denrées depuis 1994 :

Ø l'exiguïté et l'infertilité des lopins des sols cultivés par différents ménages

Ø les destructions culturales par la mosaïque du manioc à travers toute la chefferie, et

Ø la main d'oeuvre essentiellement féminine dans une production familiale et dans un contexte purement féminin incluant peu d'hommes

Pour se nourrir, les populations s'approvisionnent en farine de manioc et /ou du maïs à partir de la ville de Bukavu qui, elle-même est alimentée de par son hinterland d'Idjwi, Kalehe et par la ville rwandaise de Cyangugu proche de la ville de Bukavu. Il va sans dire que tant que le pouvoir d'achat sera faible, quelle que soit la quantité d'offre des denrées alimentaires, la santé du paysan sera précaire pour le simple fait qu'il ne saura jamais se procurer à manger et manger à sa faim. Parmi les grands défis à relever pour les dirigeants de la chefferie, il y a essentiellement celui de procurer à la population à manger parce que tout le reste de la vie en dépend. Il faut donc revaloriser la terre, relancer la culture du manioc ou d'autres cultures similaires et redonner ainsi au paysan sa joie de vivre.

Il faut rappeler que la diminution de la production du manioc dans la région a eu des implications négatives sur d'autres cultures telles que la banane qui, au lieu de servir à la production de la boisson est consommée comme aliment. Il en est de même pour le haricot dont la récolte prématurée ne permet plus au paysan d'avoir une réserve en semences pour les saisons culturales à venir. Et l'on trouve ainsi qu'à certains moments, le paysan cultive mais ne sème pas faute de semences de haricot. Le bananier, lui en tant que culture pérenne ne cause pas de problème de semence, mais son entretien est exigeant. Les avis des gens divergent quant à la consommation de la banane comme aliment et comme boisson:

Pour certains, à tendance nutritionniste, certes, la consommation de la banane comme aliment et non comme boisson est plus rentable pour le corps humain. La banane a plus de nutriments que le manioc qui dispose de beaucoup d'amidon et dont une consommation abusive et exagérée peut provoquer diverses maladies, à l'exemple du diabète.

D'autres, à tendance plus traditionnaliste, estiment que la consommation de la banane par la cuisine réduit la production de la boisson locale appelée « kasigsi ». Or, c'est par cette boisson locale que les individus tissent leurs liens ; organisent les fêtes de mariages, de naissances, de baptêmes ; se détendent et se divertissent, organisent les deuils ; évitent des problèmes dans leurs foyers, etc. Les boissons étrangères ou usinées telles que la bière Primus produite par la Bralima / Bukavu et vendue dans le milieu et bien d'autres boissons, ne sont pas à la bourse de tout le monde.

· La recrudescence des maladies d'origine hydrique

D'entrée de jeu, nous affirmons que la santé du paysan de Ngweshe, en général, est dans un état de précarité pour la simple raison qu'il mange mal et insuffisamment. Cette précarité affecte beaucoup plus les enfants en âge d'école primaire et les beaucoup plus encore les femmes enceintes. Cette situation a été encore plus exacerbée par la destruction de l'environnement et plus précisément par le déblayage des pentes surplombant les sources d'eaux potables, ce qui a conduit à la recrudescence des maladies d'origine hydrique : choléra, verminose, billarhiziose, etc.

· Cas de dérèglements sociaux dans les carrières aurifères : dans ces carrières, on enregistre beaucoup de cas d'escroquerie, détournement, dettes, prostitution, esprit de lucre pour les femmes, utilisation d'enfants et de femmes à des travaux difficiles et à haut risque tels que les descentes dans des filons à pentes raides, et obscurs. Il y a des cas d'accidents meurtriers observé lors des écroulements des sols qui ensevelissent de personnes, souvent difficiles à dénombre ou identifier. Les carrières de Nyamadama à Luntukulu, Mukungwe en groupement de Mushinga, Nyamurhali à Lubona, Kanyangwi et Kaji, en groupement de Burhale, étaient les plus dangereuses.

· Abandon de l'agriculture au profit du « creusage de l'or » dans les villages environnants les carrières aurifères ;

· Maladies contagieuses liées à la promiscuité sociale ; à la consommation sexuelle, immorale, abusive et effrénée.

b) Aspects positifs

Si l'exploitation de l'or et de la cassitérite a eu des impacts négatifs aussi bien sur l'environnement que sur le social, il serait inouï de ne voir ce phénomène que sur ce seul aspect négatif. On doit, à tout prix, lui reconnaître certains points positifs sur le vécu des habitants :

· L'amélioration du revenu familial à travers les matières exploitées et vendues

· L'émergence d'un petit commerce régulier et rentable, avec écoulement facile des produits au sein de ces petits carrés miniers

· Quelques changements culturels, issus des emprunts culturels, dans les villages environnant les carrières en exploitation. (mode vestimentaire, échanges linguistiques, mariage exogamique, hétérogénéité tribales dans les carrières minières, etc).

7.2.3. Les attentes à l'égard du futur

a) Par rapport à la famille en tant que système social praxéologique, discursif et dynamique

Les attentes de la Chefferie reposent et doivent reposer d'abord et essentiellement sur sa population dont nous redonnons encore, ici, ses principales caractéristiques :

· Une population généralement jeune

A Ngweshe, la population comprise entre dans la tranche d'âges de 0 - 59 ans se chiffre à 462 930 personnes contre une population totale de 601306 personnes, soit 77 %. La population âgée de 60 ans et plus ne se chiffre qu'à 138 376 âmes, soit 23 %.139(*)

Partant du fait que toute population est naturellement dynamique, il s'impose à toute population deux alternatives : celle de fusionner le paradigme de croissance exponentielle et celle démographique basée sur un bilan des flux de natalité et de mortalité, car le dynamisme de toute population résulte des entrées et des sorties en son sein : il s'agit essentiellement des naissances, des immigrations, des décès et des émigrations. Ainsi, une population se conforme à ce que l'on appelle « Equation de concordance  » qui, en fait, établit un équilibre entre ces différents mouvements de population :

Population/ Entité X = (N + I) - (D + E)

Légende : N : Naissances (personnes nées et vivant sur le territoire X)

I : Personnes venues d'ailleurs et venues vivre sur le territoire X

D : Décès

E : les personnes parties du territoire X pour divers motifs.

Sur base de cette population essentiellement jeune, la chefferie de Ngweshe peut initier en son sein des mécanismes d'auto transformation interne par le fait qu'il y a des personnes pour travailler. Cependant, notre analyse ne se limitera pas au seul chiffre de 77 % des jeunes. Il faut en plus faire intervenir la réalité qui existe au sein de cette catégorie, notamment la notion de la dépendance et de celle de l'activité ou la production manifeste.

La population de 0 - 19 ans dite « population dépendante » se chiffre à 393 852 personnes, soit 65, 5 % ; celle des personnes âgées de 70 ans et plus est de 17 856 personnes aussi dépendantes, soit 2.96 %, ce qui donne un pourcentage net des dépendants de 68.36 % ; tandis que la population active et/ou attendue à la production (se retrouvant dans la tranche d'âge de 20 - 69 ans) est de 189 598 personnes, soit 31.53 %.

· Une population pauvre et régulièrement appauvrie

Les facteurs liés à ce phénomène sont essentiellement les guerres, la présence des milices et des bandes armées, les pillages des biens, des produits des cultures et d'élevages, l'incendie des habitations, la faillite de nombreuses sociétés en activité au sein de la chefferie depuis l'indépendance ( à ce jour fermées), ce qui a plongé au chômage une bonne partie de la population, la vulnérabilité des certaines plantes telles que le manioc et la bananier, la rareté et l'improductivité du sol arable, le manque d'engrais et de jachère, etc.

· Une population sans ressources et sans technicité : les ressources de la population sont potentielles et non réelles

· Une population sans aucun projet concerté : à défaut d'un projet concerté, unanime et global, la population s'est constituée en de petits projets dont le plus souvent ne comprend ni le sens ni l'aboutissement. Chaque village dispose d'un projet ou tout au plus d'un comité dit de développement. En amont, dans les villes et principalement Bukavu, les ressortissants de tel village se constituent en un groupe des «Ressortissants du village X pour son développement », mais sans jamais mener une action manifeste.

A ce sujet, la population devra être renseignée de la définition qu'on donne au concept de développement : construire un petit pont sur un ruisseau ; aménager un petit jardin d'amarante autour des sa hutte ; entretenir un petit élevage de 4 à 5 cobayes ou 4 poules ; élever sa chèvre en stabulation, ..., est- ce cela le développement tel que cela circule dans nos villages sous le concept de majambere ?

Le développement, en notre entendement implique l'interaction collective sur des actions concertées sur divers aspects de la vie sociale touchant à l'amélioration qualitative et quantitative de l'économie, la santé, la bonne gouvernance et la démocratie, la démographie, l'instruction et l'environnement stable. Le développement exige le travail orienté par des choix collectifs, la rationalité, l'investissement, la compétivité, la technologie et bien d'autres aspects.

· Une population où la haine, les conflits et les divisions internes ont élu domicile au sein de la chefferie : des problèmes de leadership, les conflits fonciers, de petites dettes, la simple jalousie parfois sans objet, les soupçons et les accusations de sorcellerie, sont des maux qui gangrènent toute la communauté de Ngweshe et qui nécessitent d'être combattus à temps pour l'équilibre social et environnement.

Il est donc clair que la protection de l'environnement dépend de la responsabilité familiale, à travers ses actions, ses discours et dans toute sa dynamique sociale et transformatrice.

Au- delà de la situation ainsi présentée, nous reconnaissons que la chefferie envisage mener des actions dans le domaine de la sauvegarde de son environnement, notamment en se proposant de : 

· desservir la population en électricité ;

· réhabiliter et construire les infrastructures de la chefferie,

· désenclaver les milieux éloignés des centres accessibles ;

· former et sensibiliser la population sur les techniques et méthodes culturales plus productives ;

· sensibiliser la communauté sur la protection de l'environnement ;

· promouvoir les activités du développement économique et social ;

· promouvoir un environnement de l'industrialisation de la chefferie.

Il s'agit, ici, d'une projection initiée et programmée par les autorités de la chefferie pour son développement à travers un environnement sain. Toutefois, nous estimons que ce programme mérite notre fine analyse pour lui reconnaître une certaine fiabilité ou, a contrario, le soumettre à quelques amendements pour le rendre plus pratique, rationnel et praxéologiquement réalisable.

7.2.4. Les images du futur ou la vision prospective de la famille et de l'environnement

Cette analyse doit se pencher, parmi tant de visions et d'idéaux envisagés ou envisageables, sur ce qui est vraiment réalisable sur base de moyens et ressources disponibles dans un temps raisonnable et souhaité selon les objectifs qu'on s'est fixé collectivement. Il faut arriver à prévenir les risques majeurs, des événements inattendus par suite d'une programmation communautaire inexistante ou une croyance naïve qui mettrait tout au compte de la volonté divine, du destin, de la fatalité et de la surprise malheureuse.

En effet, l'homme réagit, il veut contrôler son destin, et le diriger. Pour cela, dès les origines, il invente une science des événements. Ainsi est-on conduit à distinguer successivement trois types de ces sciences : dans les sociétés archaïques (fondées sur la connaissance mythique), la divination ; dans les sociétés historiques (c'est-à-dire après la Bible, qui remplace le mythe de l'épiphanie par l'histoire des étapes du salut, et après la Grèce, qui invente la « chronique » des événements temporels), l'histoire ; dans la société contemporaine rationaliste et prospectiviste. La question reste ouverte, celle de savoir si une comparaison entre ces trois formes de connaissance nous permet de dégager des constances et de parler d'une logique événementielle, obéissant à un certain nombre de lois, qui seraient des lois de notre esprit. Ou si l'événement, au contraire, est ce qui résiste à notre esprit, ce qui lui reste « opaque » irréductiblement.140(*) Il s'agit donc des études reposant sur la prospective telle qu'inventée par Berger Gaston.

Pour cet auteur, la prospective, c'est l'imagination créatrice de l'avenir souhaitable (avec la volonté de le préparer dès maintenant), imagination qui consiste à examiner le jeu des tendances actuelles pour voir leur portée probable, mais qui consiste plus encore à apprécier par avance la nouvelle qualité de demande qui résultera de leur aboutissement éventuel : car c'est cette nouvelle qualité d'exigence qui, une fois formée, fera apparaître des types de désir et de besoin, donc des types de comportement, qui bouleverseront la situation. En bref, la prospective ne cherche pas à devancer le futur dans la ligne du présent, sur le modèle du présent (à l'aide de simples correctifs) ; elle cherche à devancer les styles de conduite qui seront inventés à partir de tel ou tel schéma d'avenir, s'il se réalise, et elle se dispose à instaurer les conditions qui pourront les favoriser, s'ils contribuent à une réelle promotion de l'homme.141(*)

Dès lors, deux préoccupations majeures ressortent : ce qui est envisageable ou envisagé et réalisé ou réalisable sur le plan familial et environnemental au sein de la Chefferie.

7.2.4.1. Faits envisagés ou envisageables sur le plan développementiste familial

Dans son «  Plan Local de Développement 2010-2014 », la chefferie » de Ngweshe envisage :

- améliorer l'accès à l'eau potable et réduire la vulnérabilité de façon qu'au 31.et 12.2014, 80 % de la population ait accès à l'eau potable et l'assainissement du milieu 

- améliorer les conditions d'accès à l'éducation, aux sports et aux loisirs de façon que, conformément aux objectifs du millénaire, chaque enfant de la chefferie accède à la l'éducation de base 

- assurer à chaque habitant une habitation décente 

- améliorer l'accès aux soins de santé 

- assurer l'accès de la population à l'énergie électrique de façons que chaque habitant de la chefferie soit desservi en électricité au 31.12.2014

- réduire les risques de nouvelles contaminations du VIH/SIDA à travers le renforcement de la sensibilisation à la prévention et la lutte contre le VIH/SIDA de telle sorte que tous les villages soient dotés d'ici 2020 des centres de dépistage volontaire 

- accroître la production agricole (cultures et élevages) 

- accroître la circulation des marchandises, des biens et des services 

- promouvoir les activités commerciales, artisanales, minières, les petites et moyennes entreprises et au besoin les activités industrielles 

- promouvoir la bonne gouvernance.

Les actions envisagées par la chefferie sont importantes mais elles manquent du réalisme, certaines apparaissent très ambitieuses, d'autres s'inscrivent dans un cadre macroéconomique de façon qu'elles ne peuvent en aucun cas s'exécuter au sein d'une entité aussi « micro sociétale » de Ngweshe par rapport à toute la nation congolaise. C'est le cas de bonne gouvernance qui n'est pas l'apanage d'une chefferie, car tous les services opérant au sein de la chefferie relèvent de l'administration provinciale et nationale.

Un autre fait qui paraît avec peu d'ambigüité, c'est, par exemple, l'accès à l'électricité par toute la population d'ici le 31 décembre 2014. Un projet d'une telle envergure nécessite la concertation et l'unanimité de toute la population adulte, des partenaires nationaux et internationaux. On sait que l'électricité est un luxe et que tout luxe requiert et exige des moyens adéquats. Malgré les potentielles hydrauliques dont dispose la chefferie, il apparaît comme un rêve de penser qu'en seulement quatre ans, on peut aménager des centrales hydroélectriques qui desservent en énergie électrique toute la population de Ngweshe. Qui s'engagerait d'abord dans un tel projet ? Pour quel intérêt pour un si laps de temps et par quelles ressources humaines, matérielles et financières ? La question est de taille car à deux ans de la fin du projet, personne au sein de la chefferie n'en est informé. Aucune étude de faisabilité n'a été menée sur aucune chute, aucun partenaire même pas la Société Nationale d'Electricité (SNEL) qui a le monopole de produire et de gérer l'électricité en République Démocratique du Congo semble ne pas n'être pas informée du projet.

La sécurité au sein de la chefferie est aussi un autre défi à relever et ceci n'est pas de l'apanage de la chefferie dont les autorités et toute la population, du reste, observent, impuissamment les exactions qui se commettent en son sein par des personnes qui ne sont même pas du milieu mais qui agissent hors la loi et contre la dignité de tout être humain. C'est le cas des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda et leurs complices qui sèment la terreur au sein de la chefferie et ailleurs depuis 1996 ; le Raiya Mutomboki, une milice née dans le Territoire de Shabunda depuis 2000, et qui s'est répandue en tache d'huile sur d'autres territoires limitrophes sans parler d'autres bandits inciviques. Nul n'est besoin de le rappeler, ceci étant une vérité universellement connue : l'Est de la République Démocratique du Congo est devenu une jungle depuis que l'armée rwandaise du feu Président Habyarimana s'est enfuie avec tout son arsenal militaire dans les provinces du Nord et Sud-Kivu.

Nous estimons, à notre humble avis, que la Chefferie de Ngweshe connaît, certes des problèmes mais qu'il y en a dont les solutions ne relèvent même pas de la conjugaison des forces de ses habitants mais plutôt des gouvernements provincial et central.

Tout compte fait, la dynamique de changement tant quantitatif que qualitatif au sein de la chefferie doit souscrire aux aspects suivants :

· La concertation et l'unanimité sur les projets prioritaires :

Cet aspect relève des principes énoncés antécédemment impliquant que la concertation et l'unanimité populaire, au sein d'une entité sociale par rapport à un projet, aboutit toujours à l'appropriation dudit projet et des ouvrages par toute la population présente et à venir.

· L'introduction et le respect des normes de la planification familiale au sein de la communauté :

Ceci nous amènera à avoir une taille de famille plus réduite, plus raisonnable et en adéquation avec les ressources de la famille ; avoir des enfants et des mères beaucoup plus en bonne santé. Plus les enfants sont moins nombreux au sein d'une famille aux ressources médiocres, plus la scolarisation peut être facilement abordable. Il va sans dire que nous n'aurons pas de familles stables aussi longtemps que nous serons irresponsables dans notre procréation, aussi longtemps que nous remettrons au compte de Dieu les fruits de notre sexualité effrénée et incontrôlée.

Tous les membres de la communauté, à tous les âges adultes, devront ainsi être informés et sensibilisés sur la paternité et la maternité responsables ; sur le fait qu'il ne sert à rien d'avoir des enfants qu'on ne peut pas nourrir ; que les naissances nombreuses affectent malencontreusement la santé de la mère et peuvent provoquer, à coup sur, aussi bien le décès de la mère que des enfants ; que les grossesses au-delà de 39 ans et au-delà de la septième grossesse sont avérées des grossesses à haut risque pour la mère et le nouveau- né ; que les grossesses trop rapprochées ou nombreuses ne permettent pas à la famille d'épargner quoi que ce soit... Elles appauvrissent plus qu'elles n'enrichissent. La famille concernée par cet état de chose se retrouve constamment dans une situation mélancolique, aux lendemains incertains et aux dépenses insupportables. Un accent particulier devra donc être mis sur pied pour qu'il y ait dans chaque village, au sein des Centres d'Etudes d'Actions pour le Changement, des unités actives qui sensibilisent les jeunes célibataires, les jeunes couples sur le nombre d'enfants qu'il faut avoir et comment les avoir, c'est-à-dire déterminer le type d' espacement de naissances qui convient entre deux accouchements successifs. Faudra-t-il, par exemple, avoir deux enfants en quatre ou en huit ans. L'exigüité des espaces arables et habitables, l'explosion démographique, la vie chère, la faible technologie sont des facteurs qui font de la planification familiale une contrainte au sein de la Chefferie de Ngweshe.

· Le travail et le manque d'ambigüité discursive :

Comme dit précédemment, la famille est essentiellement travail et discours. Elle doit maîtriser ce qu'elle fait et saisir toutes les opportunités par rapport aux actions productives dans lesquelles elle s'engage. Elle doit saisir ce qu'elle dit et ce qu'elle entend pour éviter d'être à la remorque des gens sans idéal praxéologique rationnel. La chefferie devra donc décourager toutes les Eglises qui estiment qu'on peut vivre seulement au compte des prières et qu'il faut, au lieu de travailler, s'enfermer dans des chambres des prières, invoquer l'être suprême et attendre de lui toutes les solutions aux problèmes du croyant. Pour faire face au défi de développement, la Chefferie s'attèlera à des démarches actionnalistes et discursives orientées vers le principe de l'auto-évaluation permanente.

Ainsi, ces démarches requièrent le renouvellement du système économique de production. Etant donné que les espaces cultivables et habitables se sont avérés réduits et que l'infertilité du sol est devenue manifeste à travers toute la chefferie, il convient qu'on recourt à de nouvelles habitudes alimentaires, de nouveaux modes de culture ou d'exploitation agricole ou encore introduire dans le milieu des nouvelles cultures. C'est par exemple le riz de montagne, la pomme de terre,..., et développer l'artisanat à travers toute l'entité.

C'est à ce prix que l'on peut encore relancer petit à petit la production au sein de la chefferie, nourrir tout le monde et tendre vers l'autodépendance.

7.2.4.2. Faits envisagés ou envisageables sur le plan du maintien et de la durabilité de             l'environnement.

A ce sujet, le Bureau de développement de la chefferie envisage assurer un environnement durable à toute sa population. « Sa mission s'inscrit dans le programme prioritaire du gouvernement provincial, dans la lutte contre la dégradation du cadre de vie et prévoit sensibiliser toute la population sur l'intérêt de l'arbre, sur le méfait des emballages en plastique ; initier des projets de substitution tels que la pisciculture et l'artisanat afin d'assurer un environnement durable capable d'accueillir les générations futures ».142(*)

Définir une nouvelle politique de reboisement collectif ; renforcer les activités de protection de l'environnement ; reboiser toutes les collines nues ; sensibiliser la population sur l'intérêt de l'arbre et sur la protection de l'environnement à travers tous les seize groupements, tel est le cheval de bataille de la chefferie dans le domaine de l'environnement jusqu'en 2014.

Cette programmation se heurte à certains défis qui handicaperaient sa réalisation : il s'agit successivement de :

· la vente de certains espaces, jadis communautaires, à des particuliers ;

· la divagation des animaux domestiques ; 

· les feux des brousses ;

· les destructions méchantes issues des tensions internes ou de la pure jalousie ;

· les conflits fonciers ;

· le manque d'espèces d'arbres fertilisants : certains arbres en vogue dans le milieu tels que l'eucalyptus, le grevelia et le cyprès contribuent défavorablement à la défertilisation du sol. Il importe donc d'avoir des arbres qui douée d'une certaine capacité de fertiliser plus le sol que de l'épuiser;

· L'explosion démographique : la population s'accroît tous les ans de façon que l'on est obligé d'habiter les espaces réservés aux cultures et certains flancs des collines. Ces cas sont plus manifestes dans les groupements de Lurhala, Kaniola, Izege, Lubona, Burhale et Walungu. Il y a cependant un élément d'équilibrage par rapport à cette explosion démographique : c'est l'exode rural. La population jeune émigre vers les villes de Bukavu et Goma 

· La faible instruction de la population.

Les aspects liés à l'environnement tel qu'envisagé dans le Plan local de développement de 2010-2014 de la chefferie s'attèle principalement sur l'arbre et semble ne pas attirer beaucoup d'attentions sur d'autres composantes de l'environnement.

En effet, selon Jean- Pierre Raffin, le mot environnement, employé seul, réfère implicitement à l'environnement de l'homme, c'est-à-dire à ses conditions de vie, aux fruits de ses activités (qu'ils soient positifs ou négatifs), etc. Le champ est donc vaste, sans limites bien définies dans le temps et dans l'espace. Il est évident que la protection de la nature, la culture, la qualité de la vie, l'aménagement du territoire, le développement durable, font partie de l'environnement.143(*) (C'est nous qui soulignons).

Cependant, nous reconnaitrons l'ambigüité que renferme le terme « environnement » du fait qu' il englobe tout de façon qu'on se demande concrètement ce qui n'est pas dans l'environnement, l'environnement étant l'ensemble de tout ce qui nous entoure. A ce sujet, Jean- Pierre Raffin pose une préoccupation majeure en ces termes :

 «  Pourquoi séparerait-on d'un ministère de l'Environnement un ministère de l'Agriculture et de la Pêche, un ministère des Transports, un ministère de la Santé, etc., dont les préoccupations sont, à l'évidence, parties intégrantes de l'environnement ? Vouloir qu'un ministère traite de problèmes d'environnement impliquerait, en bonne logique, qu'il ait en charge, ou à tout le moins qu'il supervise, les différents ministères ayant prise sur les différentes activités humaines. Cela n'a jamais été le cas.

Cet exemple démontre toute l'ambiguïté d'un mot dont les contours englobent beaucoup plus que ce que l'on veut bien lui attribuer, comme en témoignent aussi les différentes branches du droit qui en traitent bien de cas ».144(*)

C'est par suite à cette ambigüité du contenu du terme que la chefferie n'a peut-être pas été à mesure d'aborder toutes les composantes de son environnement. Nous partirons de la considération que Raffin fait de l'environnement pour relever certains aspects environnementaux sur lesquels devraient s'atteler les responsables de la chefferie de Ngweshe, il s'agit principalement des aspects liés à la culture et à l'aménagement de son territoire :

Ø Par rapport aux aspects culturels

Traditionnellement, le mushi en général et celui de Ngweshe particulier réservait une portion de sa parcelle à un petit boisement pour, non seulement répondre à ses besoins immédiats de construction, mais aussi disposer d'une influence dominatrice et généreuse vis-à-vis de ses sujets. C'est le boisement du chef ou « kazirhu ka nnahano » fait d'eucalyptus généralement et de bambous. Ses sujets venaient faire révérence, demander des sticks et de bambous pour construire leurs cases et lui, offrait généralement après avoir manifesté des signes d'autorité, d'abondance, de responsabilité et, aussi un peu de moquerie, parfois masquée, parfois ouverte envers le sujet demandeur, mais tout dépendait du statut du sujet. Tout cela constituait son honneur et sa considération envers ses sujets. Un chef qui n'offrait pas, qui ne répondait pas généreusement aux besoins de ses sujets n'était pas respecté.

Si l'on ne se base, ne fût-ce que sur cet aspect culturel traditionnel, chacun, à ce jour, peut découvrir que le simple fait de se constituer un petit boisement dans sa parcelle lui offre des considérations sociales importantes. Il peut s'en servir seul pour ses constructions régulières, vendre ou en donner aux personnes qui en ont besoin et qui ne disposent pas de possibilités de s'en procurer.

Dans l'un comme dans l'autre cas, c'est le possesseur du boisement qui gagne, et donc nul n'est encore besoin de démontrer la nécessité de l'arbre, car sans tenir compte des autres considérations physiques ou climatiques exigeant peut-être un petit savoir, il ressort clairement que la culture du mushi lui imposait déjà de se constituer un boisement sans pour autant en connaître toutes les facettes liées à son importance. Nous estimons que les conditions dans lesquelles nous vivons actuellement et celles à venir nous imposent de jeter le regard sur le passé, non d'une manière naïve mais d'une façon objectivement rationnelle.

Ø Par rapport à l'aménagement territorial

Selon François Taulelle, « toute intervention de l'homme sur son territoire pour en organiser les éléments ; améliorer l'existant ; le rendre plus performant, constitue une action d'aménagement. L'aménagement est donc un acte volontaire qui s'oppose au laisser-faire. C'est aussi une recherche de cohérence là où les interventions individuelles pourraient produire du désordre. L'aménagement d'un lieu repose sur un diagnostic mettant en évidence les points à améliorer ou à modifier.

Ainsi, une modification minime d'un milieu limité, naturel ou déjà utilisé par l'homme, que ce soit l'éclaircissement d'une forêt ou l'utilisation des engrais dans un champ, le drainage d'un marais, le reboisement, la construction d'une route, d'un étang piscole ou d'un tipping-tank, relève de l'aménagement lequel s'accomplit à travers les agents géographiques et aménageurs qui peuvent être des propriétaires, gestionnaires, responsables territoriaux, experts, etc.

Aménager est un terme polysémique comme l'explique Roger Brunet (L'Aménagement du territoire en France, 1995), précisant les différentes acceptions que peut prendre ce verbe : aménager allie des actions de protection (empêcher, protéger) à des actions d'équipement (réaliser une infrastructure), des actions curatives (réparer) ou d'incitation (aider au montage de projet). L'aménagement porte aussi bien sur des éléments du paysage (routes, zones d'activité, habitations) que sur des lieux géographiques, à différentes échelles, qui peuvent faire l'objet d'un traitement spécifique : les littoraux, la montagne, etc. ».145(*)

Le plan d'aménagement au sein de la chefferie se présente comme suit :

· aménagement de 27 sources d'eau potable dans huit groupements (Nyangezi, Kamanyola ou Kashenyi, Luciga, Burhale, Mulamba, Kamisimbi, Ikoma et Lurhala)

· aménagement de trois adductions d'eau pour approvisionner en eau potable les populations des groupements de Karhongo, Lurhala, Walungu et Burhale

· construire des latrines publiques dans les édifices publiques (bureaux administratifs, écoles et marchés) à travers les seize groupements

· créer des centres d'encadrement des jeunes et de récupération des jeunes désoeuvrés à Lurhala, Walungu, Mushinga, Burhale, Kashenyi et Karhongo

· promouvoir des centres d'alphabétisation à Lurhala, Walungu, Mushinga, Burhale, Kamanyola et Nyangezi

· promouvoir des écoles maternelles à Lurhala, Walungu, Mushinga, Burhale, Kamanyola, et Nyangezi

· réhabiliter 3 écoles dans le groupement de Kamanyola ; 5 écoles dans le groupement de Nyangezi ; 11 à Mulamba ; 12 à Burhale ; 9 dans le groupement de Luchiga ; 21 dans le groupement d'Irongo

· équiper 5 écoles dans le groupement de Kamanyola ; 6 à Nyangezi ; 2 à Burhale ; 10 à Ikoma ; 20 à Lurhala ; 14 à Kamisimbi ; 2 à Luchiga ; 9 à Mushinga 

· drainer les marais de Nyangezi, Mulamba, Burhale, Kaniola  et Walungu 

· Reboiser les collines déboisées dans les groupements de Karhongo, Walungu, Tubimbi, Nduda et Irongo

· réhabiliter, équiper et approvisionner en médicaments les structures sanitaires de Karhongo, Kamanyola, Luchiga, Mulamba, Burhale, Ikoma, Lurhala, Kamisimbi, Mushinga et Nduda

· réhabiliter les routes de desserte agricole à travers les groupements de Nyangezi, Luchiga, Burhale, Mulamba, Ikoma, Lurhala, Tubimbi et Lubona

· tracer la route Lukube - Cirimiro - Kashanga (4 Kms)

· aménager les ponts sur les rivières des groupements de Mulamba, Burhale, Ikoma, Lurhala, Kamisimbi etLuchiga

· construire des micro-barrages à Burhale et Mulamba sur les chutes de Nyanganda et Kasiru 

· construire des marchés modernes et les terrains de football de Walungu-centre, Burhale, Nyangezi et Mushinga

· renforcer les capacités des acteurs de la chefferie et des groupements dans les domaines de la décentralisation, bonne gouvernance, gestion des entités, méthode participative, et budget participatif.

Voici d'une façon exhaustive ce que la chefferie a prévu en son plan d'actions étendues sur quatre ans. Ce plan intègre les domaines de l'eau et assainissement, éducation, agriculture et élevage, environnement, transport et communication, énergie, commerce, infrastructures sociales et divertissement, santé, et bonne gouvernance.

Ce plan aurait pour finalités primordiales, s'il était exécuté complètement, dans son processus dynamique, d'assurer tant l'équilibre des familles que de l'environnement au sein de la chefferie. Il dispose, cependant des failles.

En premier lieu, au fait que la chefferie a élaboré ce plan sans disposer ni de moyens conséquents, ni de partenaires fiables et engagés dans le projet, ni encore moins d'un cadre sécuritaire pouvant permettre des tels investissements

En second lieu, la faille du programme réside au fait qu'il n'existe pas de mesures sécuritaires et de communication permettant un aménagement consistant à renforcer les capacités des acteurs de la chefferie et des groupements dans les domaines de la décentralisation, de bonne gouvernance, de gestion des entités, de méthode participative, et du budget participatif.

En effet, ce plan n'a été porté à la connaissance de la population ni en amont ni en aval, c'est-à-dire ni avant, pendant et après sa conception, c'est ce qui élimine le caractère participatif et d'appropriation. Il avait été recommandé à la société civile de la chefferie de Ngweshe de faire large diffusion du présent document qui, elle-même, n'en était pas formellement informée et consultée selon les avis recueillis lors de notre Conférence-débat tenue au siège de la chefferie (à Walungu), le mardi, 8 décembre 2011 et qui avait pour thème : « la dynamique familial dans un processus démocratique ». En outre, la bonne gestion des entités prônée par ce programme ne sera jamais atteinte tant que l'administration de la chefferie et des groupements sera toujours ancrée dans ce carcan du pouvoir traditionnel héréditaire. L'incompétence intellectuelle des membres du Conseil de la chefferie, c'est-à-dire les chefs des groupements, est un des éléments de l'échec de la méthode participative, du budget participatif et de la bonne gouvernance.

Cependant, on devra reconnaître certaines réalisations des acteurs qui ont agi indépendamment du bon vouloir des autorités de la chefferie. C'est le PNUD qui a construit des installations pour la Police nationale, le Tribunal de Paix, la salle des jeunes à Walungu ; War Child a qui aménagé une salle des jeunes à Burhale. Les hôpitaux de Nyangezi et Kamanyola sont de l'oeuvre du Diocèse catholique de Bukavu à travers son Bureau Diocésain des OEuvres Médicales et ses partenaires. Quant aux quelques hangars observables dans les marchés de Kakinda (Mulamba), Mugogo (Lurhala), Burhuza (Burhale), Kakono (Luchiga), il s'agit de certaines ONG et quelques politiciens agissant pour des raisons électoralistes. Ce sont, à proprement parler, des actions de façade sans impact majeur sur la vie des populations bénéficiaires de ne pas pouvoir abriter le tiers des personnes fréquentant le marché

Tout compte fait, la famille de Ngweshe est et demeurera encore longtemps dans son déséquilibre pour bien de raisons sus évoquées, il en est de même pour son environnement. Des mesures devront donc être prises pour parer à la situation. Les principes émis dans cette thèse, s'ils sont suivis scrupuleusement pourront, à coup sûr, appuyer les générations futures dans la recherche de la stabilité tant au niveau des ménages que de l'environnement, car il est bon de retenir qu'on ne devient réellement que ce que l'on veut réellement devenir.

Nous devrons retenir, avant de clôturer ce chapitre que tout aménagement exige :

1°. La prise de conscience : toutes les sociétés sont accoutumées à élaborer des politiques sociales, des réformes administratives et d'équipements. Toutes ces politiques se heurtent à des problèmes de localisation, de délimitation, de tailles et de formes. Les acteurs de tout aménagement doivent se poser des questions relatives à toutes ces variables. Il faut ainsi pour tout aménagement de l'expertise pour que celui-ci profite au plus et au mieux possible à la communauté initiatrice. C'est ainsi que tout aménagement d'un territoire doit souscrire à une :

· Prise de conscience des coûts sociaux des sous-équipements aussi bien que des concentrations excessives, car plus l'aménagement est convenable plus il attrait les populations vers lui ;

· Prise de conscience de la dégradation des cadres de vie : notons par exemple que la construction d'une route, d'une usine, un barrage exige le déplacement des populations en partie ou en totalité des populations au lieu d'aménagement. C'est pour cette raison que tout aménagement, quelle  que soit sa dimension exige, en amont, l'étude d'impacts socio-économiques et environnementaux afin d'éviter un projet qui a plus de méfaits qu'il n'a d'intérêts communautaires; et, en aval, des séances d'évaluation assidues et concertées ;

· Prise de conscience du vieillissement sectoriel ou global d'une organisation régionale : du fait que les hommes passent et que, les institutions restent, l'on doit penser, à tout moment, au remplacement et à la relève des animateurs de toute organisation engagée dans les aménagements territoriaux;

· Prise de conscience d'une nécessaire réaction en face des traductions spatiales spontanées de croissance diverses : plus un milieu se rentabilise plus il attire des êtres humains en son sein. La plupart de fois, le nombre des personnes venues s'installer paraissent plus importantes que l'espace ciblé pour l'installation, c'est ce qui conduit à la rareté des espace habitables, aux constructions anarchiques, à la promiscuité et à la résurgence de nombreuses pathologies.

Toutes ces prises de conscience exigent au préalable des diagnostics conduisant à l'identification et à la définition des problèmes régionaux et des disparités régionales : il s'agit des disparité :

Ø démographiques : il s'agit d'évaluer les incidences que l'aménagement aura sur la population à court, moyen et long terme ;

Ø économiques : la dynamique devra se pencher sur les implications de l'aménagement, les aspects agricoles, commerciaux, etc.

Ø sociales : il s'agit d'évaluer les incidences sur la santé, sur les équipements administratifs, les aspects culturels, les revenus des ménages, les rapports sociaux, les croyances, etc. ;

Ø écologiques et géographique : il faut évaluer les déséquilibres constatés sur les écosystèmes, les sols, le climat, par effet des interventions humaines.

Tout compte fait, un aménagement dispose des effets négatifs et positifs dans le milieu où il se réalise et les acteurs sociaux doivent en tenir compte, apprécier les risques et les atténuer pour rendre l'aménagement bénéfique et durable. Il importe de dire que la population ne s'approprie réellement un aménagement que lorsque celui-ci présente moins d'inconvénients à son égard. Toutefois, les effets indésirables peuvent être remplacés par d'autres éléments inventés par les initiateurs du projet en termes de compensation, d'où les études d'impacts et d'évaluation s'avèrent indispensables.

En définitive, la dynamique familiale et environnementale au sein de la chefferie doit être souscrite dans une intervention sociologique impliquant les aspects psychosociologique, organisationnel et socianalytique.

a. L'intervention psychosociologique

Elle consiste en la prise de conscience des problèmes auxquels les acteurs sociaux doivent faire face. C'est donc un développement des réseaux communicationnels à travers lesquels les individus engagés dans le processus de changement s'identifient, dans un cadre sociométrique, par rapport aux objectifs, aux compétences, aux charges et à l'esprit de responsabilité. On se choisit les as au sein du groupe, des leaders devant conduire l'action sociale.

b. L'intervention organisationnelle

C'est la phase des rencontres programmées par le groupe sous l'égide des personnes responsabilisées collectivement au cours desquelles les acteurs sociaux débattent et se conviennent sur les actions à mener. A cette phase, on insiste sur certaines questions telles que : Où ? Quoi ? Quand ? Comment ? Avec qui ? Pendant combien de temps ? Etc. C'est donc la phase de programmation qui prend inéluctablement en compte toutes les forces vives de la communauté engagée dans le processus de changement et détermine les objectifs, les actions et les stratégies de mise en oeuvre.

c. L'intervention socianalytique

Selon Lapassade et Lourau, la socianalyse est l'analyse institutionnelle en situation d'intervention.146(*) Selon les mêmes auteurs, il y a intervention socianalytique lorsque sont réunies les opérations suivantes : l'analyse de la demande, l'autogestion de l'intervention, la règle de « tout dire », l'élucidation de la transversalité des appartenances positives et négatives, l'analyse des implications du chercheur- praticien.

Au sein de la chefferie, pour le maintien de l'équilibre familial et environnemental, il convient que les habitants initient des stratégies et des approches socianalytiques. C'est une phase évaluative et praxéologique.

Dans ce cas précis, les autorités devront à tout moment veiller à mettre sur pied un plan de l'eau, l'air, la qualité des sols, la protection de la nature, la lutte contre les bruits, la protection de littoral des cours d'eau, etc.

Conclusion partielle

Cette thèse s'était fixé certains objectifs à atteindre, notamment celui d'émettre des propositions favorables au changement tant quantitatif que qualitatif pour le progrès durable de la chefferie. Des propositions ont été émises en tenant compte des aspects agrométéorologiques, lesquels s'avèrent indispensables pour maîtriser l'environnement, la sécurité alimentaire, l'harmonie sociale et la démographie. Ce sont des aspects importants pour toute communauté parce que l'agrométéorologie est l'étude scientifique de l'interaction entre les phénomènes atmosphériques et l'ensemble de la production agricole. Ainsi, avons - nous passé en revue tous les aléas auxquels sont confrontées les populations de la chefferie. Ils sont d'ordre environnemental, alimentaire, sécuritaire et démographique. Tous ces problèmes appellent à des plans d'aménagement local pour le développement de l'entité. Il conviendra que ce plan soit soumis à un suivi régulier et unanime pour ne pas rester un voeu pieux. D' où la pertinence du principe d'auto-évaluation permanente.

CONCLUSION GENERALE

Cette thèse s'inscrit dans la sociologie de la famille, de l'environnement et du discours et s'insère dans la Sociologie du présent car ce dernier détermine l'avenir des peuples. La sociologie du discours et la praxéologie interdiscursive sont des élargissements de la sociologie fondamentale, ce qui insère la présente thèse dans la sociologie fondamentale.

En effet, pour rappel la sociologie se subdivise en deux grandes parties : la sociologie générale et fondamentale et les sociologies spéciales :

De la sociologie générale et fondamentale, on apprend les notions de base de la sociologie, ses méthodes, ses théories, ses concepts et les ruptures pouvant être opérées en son sein.

Les sociologies spéciales se subdivisent en sociologies spécialisées et en sociologies particulières.

Les sociologies spécialisées sont celles se reportant à un domaine précis de la vie. Par exemple, la Sociologie rurale, la Sociologie de la famille, la Sociologie urbaine, la Sociologie de la religion, la Sociologie du loisir, etc.

Une sociologie sera dite particulière si elle se rapporte à une autre science. Par exemple, la Sociologie du droit (car le droit est une science), la Sociologie économique, la Sociologie des conflits (celle prend en compte la Polémologie ou la science de la guerre), la Sociologie politique, etc.

Dès lors, il se dégage les différents domaines de recherche dans lesquelles se situe cette thèse. Fondamentalement, elle est axée sur la famille comme système social et cadre de vie, sur l'environnement dont dispose toute famille et sur le discours en tant que système et ensemble des mécanismes de communication et de socialisation.

De par son dynamisme et ses transformations internes et externes, la famille s'inscrit dans la sociologie du développement de par ses efforts permanents et assidus en vue de se refaire et se parfaire, améliorer ses conditions de vie et assurer son maintien dans les domaines physique, économique, social, culturel et environnemental. Tous ces domaines à travers lesquels évolue la famille font d'elle un système évoluant dans un vaste réseau des relations multiformes et dynamiques confrontées à d'autres systèmes tels que l'environnement proche et lointain.

Cette thèse est donc une sociologie triadique qui combine Famille-Environnement- Développement, le discours en étant la courroie de transmission. En effet, toute famille en tant que système social vit dans et à travers son environnement qu'il soit physique, culturel, économique et social. Dans cette dynamique multisectorielle, la famille produit régulièrement des discours et en consomme d'autres. Sa capacité d'appréhension et de compréhension de différents discours à sa portée, lui permet d'en comprendre le sens tant au niveau de l'émission que de la réception. Cette compréhension discursive s'assujettit à la triple dialectique quadripolaire qui combine, à la fois, le langage, la conscience et l'expérience du locuteur, auditeur, la société-histoire (le milieu où se produit le discours) et le scientifique social.

Au-delà de discours produits et consommés par la famille et qui ont des effets négatifs ou positifs sur elle, il y a une notion capitale qui intervient dans sa dynamique processuelle : c'est le travail. La famille est principalement travail et discours mais aussi détentrice d'un environnement. C'est à travers les trois éléments qu'elle s' émeut, se développe ou se dégrade et assure sa continuité, rationnelle ou irationnelle.

Bien de travaux (ouvrages, thèses de doctorat, divers articles, mémoires) ont abordé singulièrement et même abondamment les thèmes de famille, environnement, discours et développement. Nous citons, à titre d'exemple, François Syngly qui a produit tant d'ouvrages sur la famille, et beaucoup d'articles, conférences et séminaires se sont penchés sur la notion de l'environnement comme sur les aspects du langage.

Par rapport à tous ces travaux, aucun n'avait, jusqu'à ce jour, combiné à la fois les thèmes de famille, environnement et discours dans une approche « interactionniste et développementiste » et dans un milieu précis comme celui de la chefferie de Ngweshe. Cette thèse est donc une première par rapport à l'interaction thématique et par rapport à l'univers de la recherche, et là se situe son originalité.

En effet, à quoi servirait-il d'étudier une famille si l'on ne peut pas se pencher sur ses aspects praxéologiques et discursifs, c'est-à-dire, sur ce qu'elle a fait, ce qu'elle fait, comment l'a- t- elle fait ? Avec qui ? Quand ? Ce qu'elle envisage faire, ce qu'elle entend et dit et comment elle gère l'environnement dans lequel elle vit et celui qui l'entoure. C'est de par cette approche que nous nous sommes fixé des objectifs spécifiques de cette thèse que voici :

D'une manière plus spécifique, nous poursuivons les objectifs ci-après :

- étudier la famille de Ngweshe dans sa dynamique interne (praxéologique, discursive, économique, politique, culturelle) et environnementale ;

- saisir les possibilités de continuité des valeurs culturelles au sein des familles de Ngweshe en dépit de l'environnement toujours changeant ;

- répertorier les discours et les actions cadrant avec sa transformation et son équilibre à la lumière de la praxéologie interdiscursive ;

- identifier les pathologies auxquelles sont confrontés les ménages et rechercher les voies d'éradication ;

- relever les forces et les faiblesses des actions produites de l'intérieur et de l'extérieur des familles ;

- émettre des propositions favorables à son changement qualitatif et quantitatif pour le progrès durable de Ngweshe et ce, à court, moyen et long terme.

En effet, c'est sur base de ces objectifs que nous avons émis notre thèse selon laquelle une famille qui n'est pas au centre permanent d'études d'actions de changement n'est pas du tout en ordre avec elle-même et avec son environnement. Elle ne peut pas, au niveau interne, produire des discours praxéologiques et rationnels. Elle se rend incapable de savoir analyser et appréhender les discours externes. La gestion durable d'elle-même et de son environnement est par conséquent compromise.

De ce point de vue, et d'une façon subsidiaire, la famille est une unité sociale strictement structurée et hiérarchisée. Elle évolue positivement ou négativement de par son travail, son dynamisme, les aléas de la vie et son environnement. Elle produit des discours et en consomme d'autres. C'est une unité sociale praxéologique, socialisante et intégratrice. Elle doit plus viser à s'autonomiser qu'à dépendre de qui que ce soit.

Les discours et les actions au sein de la famille constituent des enjeux à maitriser sociologiquement pour parvenir à une transformation des déséquilibres dont la famille est victime malgré les multiples interventions des organisations non gouvernementales avant, pendant et après les conflits qui ont sévi la chefferie.

La famille, considérée comme champ d'historicité, devra être porteuse du « sujet » ou projet selon Alain Touraine, et du « capital » susceptibles de conduire à une dynamique de transformation efficace, durable et de gestion rationnelle familiale et environnementale. La sociologie de l'autodétermination devra être un mécanisme de recherche des acquis déterminants dans l'équilibre familial au sein de cet univers.

Enfin, nous retiendrons que l'épistémologie est, et demeurera, pour le scientifique ce que le « Niveau d'eau » est au maçon, c'est grâce à ce petit outil que le maçon se rassure parfaitement de la droiture du mur en chantier. Plus le mur est droit plus il est apprécié et plus il résistera aux intempéries et secousses internes et extérieures.

Pour affiner notre réflexion, un soubassement théorique nous a été indispensable : il s'agit des théories de  la famille en tant que système social, de l'action et l'autodétermination du langage, l'environnement et du développement.

Nos questions de départ nous ont permis de déboucher sur des conjectures qui nous ont permis non seulement de descendre sur le terrain mais aussi d'aboutir à des résultats fiables.

Des enquêtes menées sur le terrain, il s'avère, sur le plan praxéologique, qu'au sein de la chefferie de Ngweshe, les familles sont quotidiennement en activité à la recherche de leur pain quotidien à travers, essentiellement, les travaux champêtres desquels elles demeurent les principales actrices. Acculées par les diverse plaintes au sein leurs familles, l'état physiologique et psychologique, les mères des ménages endurent beaucoup de difficultés ; elles travaillent intensément ; elles sont fréquemment porteuses des grossesses ; elles sont berceuses de leurs enfants et de leurs maris ; toutes les demandes au sein du foyer leur sont essentiellement adressées. C'est la femme aux mille bras selon Ngoma Binda147(*) pendant que les hommes sont, soit oisifs, soit occupés à d'autres travaux qui n'appuient pas principalement la vie du foyer, soit qu'ils se sont pendant longtemps retranchés de leurs foyers. A titre d'exemple, un homme, père de famille trouvera plus digne d'entretenir sa bananeraie, produire de la bière, s'enivrer, se déambuler au long de journée ou des journées, jouer au sombi, se relaxer tout au long de toute la journée ou aller dans des carrés miniers sans espoir d'en ramener quoi que ce soit plutôt que d'être entrain de sarcler un champ de haricot ou de manioc avec sa faemme. Il a existé traditionnellement une division du travail par rapport aux sexes : les travaux champêtres, culinaires, le puisage de l'eau, la recherche du bois de chauffe, l'entretien de la parcelle et des enfants et de la maison, l'élevage domestique autre que celui de la vache, étaient réservés aux femmes alors que l'homme ne pouvait qu'entretenir sa vache, sa bananeraie, en extraire de la boisson, la consommer et jouir de tout son temps le plus librement possible. A ce jour, la tendance va dans le sens contraire, mais la femme reste toujours au centre de tout. Ainsi, par exemple, les jeunes hommes préfèrent être dans les carrés miniers, même s'ils n'espèrent pas en tirer substantiellement quelque chose, plutôt que d'être à coté de leurs épouses dans les champs. C'est donc un premier facteur de l'improductivité familiale au sein de la chefferie et qui est essentiellement d'ordre culturel.

Bien d'autres facteurs concourent à ce manque de rentabilité familiale, c'est entre autre : l'infertilité du sol, l'exigüité des espaces cultivés, le manque de jachère, l'explosion démographique, l'exode rural, les modes et les techniques culturales traditionnelles statiques et improductives, le statu quo des cultures, les feux des brousses, les projets et actions très ambitieux non concertés et peu réalistes.

Sur le plan discursif, la dimension sexuelle dispose bien d'implications sur le comportement des individus et la productivité. Ainsi, par exemple, le choix, l'alternance des cultures restent à la portée de l'homme bien qu'il ne soit pas l'acteur principal dans ce domaine de la production familiale.

En outre, la recherche de l'amélioration de la production se heurte à des problèmes de considération d'ordre métaphysique et théologique (devant à tout prix être transcendées).

Du point de vue métaphysique, on pense que la production est liée au « mubandé », c'est-à-dire la bénédiction des semences par le mwami ou le chef de la chefferie, une condition sine qua non à la production intensive. D'autres tendances théologiques, considèrent le « mubandé » comme une pratique païenne. Ils estiment que la production n'est que l'oeuvre de Dieu, d'où rien ne sert à trop réfléchir ni sur les intrants ni sur les modes agricoles, tout étant entre les mains de Dieu et de la façon dont lui sont adressées les supplications de ses croyants.

L'infertilité, l'exigüité du sol arable, le manque de jachère, sont autant d'autres facteurs qui concourent à la faible productivité familiale mais qui ont pour soubassement l'explosion démographique liée à des naissances nombreuses et incontrôlées. Une croyance traditionnelle, et qui reste encore entretenue par les Eglises actuellement, véhicule le message selon lequel la conception, l'enfantement n'émanent que de la volonté divine. Bien d'autres faveurs sont accordées à l'être humain sans qu'il les ait demandées ou négociées, le tout dépendant de la seule volonté divine. Dans ces considérations attentistes et divinistes, les efforts à la base s'amoindrissent ; les initiatives locales ou familiales aussi bien que des projections communautaires concertées demeurent quasi inexistantes, et lorsque celles-ci sont prises, elles s'avèrent peu réalistes, inappropriées pour la population. C'est par exemple le projet de la chefferie de fournir le courant électrique à la toute la population de Ngweshe d'ici 2014.

Parcourant toujours la liste des résultats opérés dans cette thèse, la chefferie de Ngweshe se heurte à plusieurs défis tels que :

- Le phénomène du VIH/SIDA qui, faute d'informations et de formations suffisantes en la matière, risque de s'exacerber à travers de nouvelles contaminations. On n'envisage que les structures sanitaires, les associations de lutte contre la maladie s'activent davantage pour parer à l'épidémie au sein de l'entité en disponibilisant plus de préservatifs et des ARV sur le terrain ;

- Le manque d'énergie électrique dispose de répercussions négatives sur l'environnement ; de jeunes arbres sont coupés pour la carbonisation et pour l'habitat demeuré en grande partie rustique;

- La morbidité ainsi que la mortalité demeurent élevées suite aux problèmes de santé caractérisée d'une précarité manifeste. Il faut que les hôpitaux et médecins existants, bien que insuffisants, développent des mécanismes de rendre les formations de santé plus compétitives et plus compétentes en matière sanitaire en élaborant des projets de santé plus réalistes et plus opportunistes ;

- A l'heure de la mondialisation, la chefferie n'a pas encore mis les pendules à l'heure. Les analphabètes paraissent plus nombreux que les personnes instruites, encore faut-il apprécier les limites de l'instruction reçue. En cette année 2012, moins d'un pour cent de la population (chiffrée à plus de 600 000 personnes) n'a pas accès ni à l'informatique, ni à l'internet, ni à la télévision, ni à une bibliothèque à jour). Beaucoup d'écoles fonctionnent dans un état de délabrement avancé, sans fournitures scolaires appropriées et sans personnel qualifié ;

- Le problème de transport se pose avec acuité : les routes sont en mauvais état, les moyens de transport sont insuffisants et déliquescents sans parler de l'insécurité créée par des coupeurs de route. Beaucoup de milieux sont inaccessibles faute de tracé routier pourtant il existe une main d'oeuvre abondante. Il ne manque que des outils et une sensibilisation à la base ;

- Le problème est aussi important, il y a trop peu de sources aménagées. Il y a présence des maladies d'origine hydrique. Faut-il rappeler que c'est le Bureau Eau-Hygiène -Assainissement de l'UNICEF/Bukavu, l'Inspection Provinciale de la Santé, la Commission internationale de la Croix Rouge qui s'attellent plus à l'éradication de ce genre ces maladies. Les efforts sont considérables à ce niveau, car ces maladies sont manifestement en baisse surtout le choléra ;

- L'agriculture, activité et source principale des ressources familiales, ne progresse pas du tout. Elle est confrontée à des problèmes d'intrants, des pillages des cultures et des produits d'élevage. Les pratiques culturales traditionnelles d'usage actuel sont en inadéquation avec les besoins alimentaires du moment et, en plus, les acteurs commis à cette activité sont principalement les femmes déjà fortement surchargées au sein du foyer ;

- Le commerce qui devait pallier au déficit agricole est confronté à des handicaps ne lui permettant de progresser, notamment les problèmes d'inaccessibilité routière, l'insécurité, la pauvreté ou la médiocrité du capital opérationnalisé et la jalousie intercommunautaire. Les coopératives d'épargne et de crédit qui pouvaient combler le déficit agricole ont fermé suite à l'incapacité d'épargne des paysans, faute de revenu insuffisant ;

- Si pour des raisons évidentes, le commerce ne pouvait pas être considéré comme un élément de rééquilibrage, on pourrait envisager que les activités issues de l'artisanat relayent tant les actions agricoles que commerciales. Hélas ! l'artisanat dépendrait de l'énergie électrique qui n'existe pas, et donc il est trop tôt qu'on rêve à une certaine industrialisation du milieu ;

- Les aspects culturels sont aussi importants dans toute la dynamique sociale et communautaire. Ainsi, les aspects linguistiques, vestimentaires, alimentaires et comportementaux ont tendance à primer sur la culture au sein des familles qui s'orientent plus vers les aspects culturels externes qu'internes au point qu'on puisse parler d'une certaine acculturation en quête à une déstabilisation de la famille ;

- Enfin, l'insécurité a été abordée comme étant un facteur important dans la dynamique familiale au sein de notre milieu d'étude. Cette thèse aura prouvé qu'avec l'insécurité, beaucoup de phénomènes ont vu le jour dans le milieu, notamment le viol à grande échelle, les massacres, l'émergence du banditisme d'où résulte le phénomène « kabanga », les pillages des ressources familiales, les déplacements massifs des populations et la destruction de son environnement.

Au demeurant, dans cette tourmente culturelle et historique, nous avons pu démontrer que la famille n'est pas restée unique, elle s'est diversifiée par ses activités, ses croyances et ses comportements au point que nous sommes arrivé à établir une typologie des familles au sein de la chefferie :

- Les familles traditionnelles ou conservatrices des acquis et des survivances traditionnelles basées sur la divination, l'animisme et des outils et ustensiles rustiques. Elles se retrouvent en des villages enclavés, dans les montagnes, au bord de grandes rivières et à la lisière de la forêt. Il s'agit de villages tels que Nyamukumba, Ntondo, Tubimbi, Luhorhi, Businga, Nkomo, Kashebeyi,Luntukulu Rhana, Cosho, Kaniola...

- Les familles à forte religiosité avec des croyances fortes et non maitrisées qui croient presque en tout ce qui est dit et tel que c'est dit, faute d'instruction suffisante et de ressources. Elles se retrouvent un peu partout disséminées ça et là ;

- Les familles à caractère développementiste qui, par suite d'une certaine praxéologie, ont compris que la transformation qualitative et quantitative de la vie ne peut provenir que des actions initiées au sein de la famille et exécutée par tous les membres actifs au sein de cette dernière. Celles-ci, bien qu'encrées dans la culture et la religion, ont dépassé les deux premiers paliers ;

- Les familles à vocation commerciale : ce sont des entités sociales qui ont pris pour habitude d'acheter et de vendre dans le but de réaliser un intérêt et qui ont fait de cette activité une profession permanente laquelle leur confère le statut de commerçant auquel elles se reconnaissent des droits et des devoirs. Elles se retrouvent à travers tous les centres commerciaux. Ces familles sont, cependant confronté à certains défis notamment :

- éloignement par rapport à la ville de Bukavu, seul centre d'approvisionnement et par rapport aux marchés d'écoulement des produits achetés. C'est suite à cet éloignement de la ville de Bukavu que le marché de Mugogo, en groupement de Lurhala, est devenu un centre d'approvisionnement des produits manufacturés.

- la faible capacité d'achat des villageois ;

- le mauvais état ou l'inexistence des routes conduisant vers les marchés d'écoulement, le manque des moyens de transport ;

- le manque des lieux d'entreposage des produits ;

- l'insécurité semée par des bandes armées, les milices et les bandits ;

- la haine, l'envie et une pauvreté généralisée des voisins ;

- la marche à pied et le transport sur la tête ou le dos ;

- le mauvais état des marchés et les intempéries souvent atroces ;

- le faible capital mis en exercice ;

- faible revenu et taille de famille très élevée et bien d'autres défis. Il faut le reconnaître, il n'est pas facile d'être commerçant en chefferie de Ngweshe ;

- Les familles féodalistes et conservatrices qui, principalement appartiennent au clan royal, aux tendances de conserver leur pouvoir en décadence. Ce sont généralement les chefs des groupements, les chefs des villages et leurs proches ;

- Les familles des agriculteurs et d'éleveurs : c'est la vocation universelle pour toutes les familles au sein de la chefferie quel que soit le palier où elles se retrouvent ;

- Les familles dépendantistes : ce sont des familles pauvres, vulnérables, sans revenus ni dignité, malades et déprimées.

Tout en typologisant les familles, nous avons caractérisé aussi bien leurs propriétés, leurs relations et leurs modes de production. Ce sont des situations spécifiques à la chefferie et non concises d'une façon généralisée à tous les peuples de l'univers.

Au sein de chaque palier de famille, il existe un discours interne et externe lequel est principalement religieux, politique et praxéologique, conatif, c'est-à-dire incitant à l'action.

Quant à l'environnement, malgré les faibles efforts consentis pour son maintien et sa conservation, reprenons, ici, les principaux effets manifestes dans sa dégradation au fils des temps :

· le dénivellement des montagnes et des collines par les érosions, ce qui provoque un délavage du sol ;

· les inondations des marais ayant pour conséquence leur sous-exploitation et leur improductivité ;

· la déforestation et le déboisement à grande échelle auront des conséquences sur l'aspect climatique et celui de l'habitat ;

· les rivières en crues qui débordent de leurs lits détruisent les cultures influent négativement sur la récolte ;

· les eaux des pluies peu canalisées inondent les vallées, détruisent les étangs piscoles et salissent les sources d'eaux propres à la consommation des habitants ;

· les feux des brousses sont une conséquence sur l'infertilité du sol mais un moyen de trouver du fourrage pour les animaux domestiques ;

· le manque d'antiérosifs et de jachère contribue à la réduction sensible des sols arables ;

· les briqueteries installées dans les marais réduisent aussi bien les terres cultivables que et les boisements installés aux alentours : c'est le cas des marais de Nyamubanda et Kaliginya en groupement de Nyangezi, Cisheke à Walungu, Nacirwi à Lubona, Ibere à Burhale, Nalugana à Ciherano en Groupement de Lurhala, etc.

Cette thèse aura ainsi abordé bien d'aspects liés à la famille, l'environnement et les discours produits au sein de familles. C'est une triade qui met en interactions les trois éléments précités et qui s'imposent à tout groupe social, car en fait, celui-ci à travers tout l'univers social, ne peut vivre, se perpétuer que grâce à ses familles, son travail et son environnement. A travers cet univers, les individus issus et/ou vivants au sein de leurs familles produisent constamment des discours et en appréhendent d'autres. Ceux-ci ont des effets négatifs et/ou positifs tant sur les locuteurs, les auditeurs que sur la société - histoire.par le travail, le groupe social se transforme, il améliore son état d'être.

Ainsi, avons- nous cheminé dans un processus de vie familiale et sociétale, de production de discours et de la gestion de l'environnement. Bien de choses ont été retenues à cet effet.

D'abord, par rapport à la famille, il a été constaté que celle -ci n'a pas progressé en dépit des efforts qui ont été fournis sur le terrain du fait des projets initiés à la base mais dont ni la concertation à la base ni l'appropriation communautaire ne sont avérées collectivement.

Ensuite, les discours sont restés concentrés sur le seul pôle des décideurs politiques et religieux, aucun débat contradictoire n'existe à la base. Les populations locales se présentent comme des paniers ouverts devant recevoir et ne jamais offrir quoique ce soit. C'est en en sens que dans tous les projets initiés par les organisations locales de développement, la population se trouve déconsidérée, elle n'est pas consultée ni sur les projets à court, moyen et long terme. En fait, il a été signalé que toutes les ONG locales ne disposent d'aucune indépendance théorique, matérielle et financière, car c'est le bailleur des fonds qui impose le domaine d'intervention, le canevas du projet, le plafond budgétaire, la période d'exécution, la zone d'intervention et la population cible. Pour bénéficier du financement, l'organisation sollicitante doit se conformer scrupuleusement aux prescrits de l'organisation étrangère qui se propose de financer le projet quasi initié localement et sous ses directives.

Dans cette perspective, les organisations locales de développement sont de boîtes de résonnance des bailleurs des fonds : il s'agit d'une recolonisation mentale, matérielle et financière. En fait, toutes ces structures sont plus au service de leurs partenaires que de la population. Dans cette optique, les ONG locales se sont retrouvées. Elles préfèrent répondre, se soumettre aux organisations auxquelles elles sont matériellement,idéologiquement et financièrement redevables. D'où la fameuse théorie de l'opération retour, à travers laquelle, l'association bénéficiaire du financement doit rendre compte financièrement pour se crédibiliser et se fidéliser vis-à-vis du bailleur afin d'être éligible à d'autres financement postérieurs.

Ainsi, les organisations locales financées se sont taillées de l'argent car ne pouvant plus être sérieusement contrôlées par les organisations qui les financent et qui, du reste, se sentent satisfaites de leurs prestations de retour. Plus l'on restitue plus l'on vaut. C'est en ce sens que les responsables des organisations locales, devenus incontrôlés du fait des dividendes qu'ils déversent et restituent aux bailleurs ou partenaires selon le contrat, se sont enrichis pour qu'enfin les populations dites vulnérables deviennent pour eux des marchepieds dans leur enrichissement illicite qui a contribué, ainsi, aussi bien à leur mobilité horizontale que verticale.

Enfin, pendant que la famille restée confrontée à des problèmes d'ordre sécuritaire et alimentaire qui entrainaient déplacements, morbidité et mortalité, son environnement a été par moment et par endroits détruit sauvagement. C'est qui a créé du déséquilibre tant au niveau de la famille que de l'environnement et diversifié les discours allant plus dans le sens de la fatalité que de l'espoir et de l'autodétermination.

La thèse émet des mécanismes de rétablissement fonctionnel de la famille qui, en fait, demeure l'épicentre de la société ; de la production discursive et de la gestion de l'environnement dans toutes ses facettes physique, économique, politique et culturelle. Elle privilégie, pour ce fait, dans la recherche et le maintien de l'équilibre familial, discursif et environnemental, le Principe de l'unanimité participative rationnelle qui est, du reste, la résultante des principes de collaboration et de complémentarité rationnalisées au sein de tous les systèmes sociaux agissant et évoluant au sein de la chefferie. La formation et le fonctionnement des Centres d'Etudes d'Actions de Changement (CEAC) en est la stratégie principale. Ce principe, dans son application au sein des CEAC s'exécute en six étapes :

· la constitution des noyaux d'étude, de résilience et de recherche de transcendance du phénomène déséquilibrant le groupe ou la communauté ;

· l'identification du problème majeur au niveau de l'individu, du groupe ou de la communauté ;

· l'appropriation du problème par le groupe entier ;

· la définition des objectifs et stratégies dans la détermination de l'éradication ou l'atténuation du problème ou ses facteurs ;

· la participation active, unanime et rationnelle du groupe à travers des actions, non violentes mais méthodiques et efficaces ;

· l'évaluation permanente et la projection de nouvelles actions.

Chaque famille, pour être en ordre avec elle-même, avec son environnement, produire des discours rationnels internes, savoir analyser et en appréhender ceux externes, doit être un centre permanent d'études d'actions de changement.

Le principe de l'unanimité participative rationnelle est donc une dynamique globalisante, interne, qui intègre tous les membres du groupe à travers des actions concertées en vue d'une recherche et un aboutissement à des voies et moyens de transcender les faiblesses au sein de groupe, de recouvrer ses valeurs et de se parfaire. A travers un tel processus qui ne vise que le changement quantitatif et qualitatif, le groupe s'évalue au fur et mesure qu'il évolue, combat contre ses ennemis, contre sa propre peur et développe en son sein des mécanismes d'auto-perfection et de réalisation de soi.

Certes, ceci est idéal que propose cette thèse pour le maintien de l'équilibre au sein de la famille de Ngweshe dans sa dynamique sociale et dans la gestion de son environnement. Il importe de relever ce constat peu satisfaisant que la famille de Ngweshe, depuis ses origines jusqu'en ce moment de nos recherches, n'a pas encore atteint ce stade de conception, de participation et d'évaluation unanimes.

Une affirmation émanant de nos conjectures de départ plane sur le fait que les aspects discursifs et praxéologiques n'ont pas favorisé la vision évolutive du changement quantitatif et qualitatif au sein de la chefferie et que même les discours internes et externes n'ont pas été à la hauteur de stabiliser ni famille ni l'environnement. Et donc, pour atteindre un niveau de durabilité et de fiabilité des actions posées, envisagées et envisageables, il s'impose que celles- ci s'inscrivent dans une dynamique interne, rationnelle, concertée impliquant toutes les forces vives de l'entité.

Au-delà de toutes ces considérations, il est bon de reconnaître certains aspects relatifs à la famille et à son environnement, ces deux étant intimement liés :

1°. La famille, dans toutes ces modifications de dislocation, de relâchement des responsabilités des parents envers leurs enfants ou des conjoints envers eux-mêmes, de recomposition, de perte de l'autorité parentale, de dérive culturelle et dans toutes les contraintes issues des crises de société, doit interpeller tous les acteurs sociaux. La famille, on le dira jamais assez, est le lieu de socialisation, de construction identitaire, le point d'ancrage et de repères le plus important dans l'édification de l'homme. C'est la famille, dans et avec la société, qui modèle l'individu. La question que l'on doit constamment se poser est celle de savoir comment évoluera la famille dans ses missions traditionnelles dans une société en crise ? En effet, la société actuelle est confrontée à dix défis qui affectent atrocement la famille du fait que les deux évoluent conjointement. Nous notons:

· le problème du genre : à ce jour, le sexe n'est plus le déterminant de sexe. Avoir un sexe masculin ou féminin n'implique pas qu'on est nécessairement homme ou femme. L'on peut s'identifier à un sexe de son choix ;

· le mariage homosexuel : la légalisation du mariage homosexuel en Angleterre et en France et dans d'autres pays (quatorze, au total en 2013), est une nouvelle ère pour le mariage, la famille et la société en général. Le mariage n'est plus cette union entre un homme et une femme tout comme la famille n'a plus le rôle de procréer. Ces réalités occidentales s'étendront, certes chez-nous. Dans la sauvegarde de nos cultures congolaises, les élites doivent raisonner pour faire face à cette nouvelle acculturation deshumanisante. En effet, considérant notre vision très souvent orientée vers l'Occident et prenant en compte la perte continuelle de nos cultures, pouvons-nous estimer que nos sociétés seront, plus tard, homosexuelles ? Dans nos tendances polygynes (on ne sent pas fier d'avoir une seule épouse), y aura- t- il des familles à la hétérosexuelles et homosexuelles ? D'où viendront nos enfants si nous tous nous options pour l'homosexualité ? Que deviendront nos sociétés ? Voilà des questions et bien d'autres qui poussent certains sociologues de se poser cette question à laquelle on n'a pas encore répondue : où va la famille aujourd'hui ?

· la pédophile qui apparaît comme le manque total de respect envers nos progénitures et la destruction de l'être humain tant sur le plan aussi bien physique, moral que psychologique ;

· la consommation sexuelle abusive et désordonnée tant pour les enfants, jeunes et les adultes : dans biens des cas, la consommation sexuelle est devenue plus une mode, un simple plaisir, un élément de plus au palmarès des partenaires sexuels plutôt qu'une réalisation de soi envers l'autre et vice-versa ;

· le non respect des normes sociales établies : Thomas Hobbes et Emile Durkheim avaient, de leurs temps, l'un et l'autre, parlé de l'état de nature et de l'anomie, deux concepts déterminant l'absence des normes sociales. Dès nos jours, l'on remarque que les gens ont tendance à n'avoir aucune observation envers les règles sociales, bien de gens, et spécialement les jeunes, estimant se tracer leurs conduites sociales propres à eux, sans aucun modèle ; les pathologies sociales tendent à s'exacerber.

· l'insécurité et les guerres à répétition : ce sont des situations qui ont exacerbé la haine entre les habitants et les communautés, endeuillé des milliers des familles et semé la culture de la mort au sein de beaucoup d'ethnies ;

· la « nihilisation » des personnes émergeantes : au niveau des élites, les violons ne semblent pas s'accorder, les personnes émergeantes se font des luttes clandestines, c'est un véritable panier à crabes ; ce qui n'amène pas les communautés aller de l'avant et favoriser la promotion des élites ;

· l'infertilité du sol, la destruction de l'environnement et le réchauffement climatique

· la pauvreté ;

· le VIH/SIDA ;

· le progrès de la technologie est un aussi un défi pour la famille. Prenons à titre d'exemple, une femme porteuse d'une grossesse d'une autre femme désireuse d'être mère, mais qui après avoir conçu, mais qui, pour des raisons personnelles ou professionnelles ne veut pas porter une grossesse, et la confie, par un procédé médical, alors à une autre femme jusqu' à l'accouchement. Qui est la véritable mère de l'enfant qui naîtra de cette grossesse ? Celle qui l'a conçu ou celle qui l'a porté et nourri en son sein durant neuf mois et qui a subi toute les peines (morale, psychologique, physique) d'une mère attendant famille ?

· autres formes des pathologies sociales telles que la drogue, la criminalité sous toutes ses formes, la prostitution, le proxénétisme,

· d'autres théories qui accordent peu d'importance à la famille, etc.

Cette thèse a abordé bien d'aspects liés à la famille de Ngweshe et son environnement, esquissé quelques discours sur lesquels se fondent certaines allures comportementales. Elle a posé des questions, des problèmes et proposé des réponses appropriées. Faudrait-il pour ce fait lui accorder un cachet indéniable de vérité absolue ? Non, elle conserve en son sein des limites que les recherches postérieures plus multisectorielles pourraient combler en vertu de différents défis qui guettent la famille et son environnement. Elle pourrait ainsi aborder des aspects tels « Famille et multitude de sectes », Famille et précarité économique », « Relation entre famille et gouvernants », « Famille face aux pathologies sociales », « Familles et sexualité », « Famille face aux pathologies contemporaines » et bien d'autres aspects. Telle la mission postérieure que se fixe la présente thèse.

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TABLE DES MATIERES

Pages

IN MEMORIAM I

DEDICACE II

EPIGRAPHE III

REMERCIEMENTS IV

ANACRONYMES V

RESUMES VII

INTRODUCTION GENERALE 1

1. Cadrage de la thèse 1

2. Objet et objectifs de la recherche 4

3. Etat de la question 6

4. Problématique 24

5. Thèse et Hypothèses 31

6. La méthode 34

7. Délimitation spatio-temporelle et typologique 34

8. Difficultés rencontrées 36

9. Structure de la thèse 36

PREMIÈRE PARTIE : BALISAGE EPISTEMOLOGIQUE 38

INTRODUCTION 39

CHAPITRE PREMIER 41

CADRE THEORIQUE 41

INTRODUCTION 41

1.1.  NOTION DE SYSTEME SOCIAL 42

1.2.  THEORIES DE LA FAMILLE 46

1.2.1. Famille et socianalyse. 47

1.3. LA SOCIOLOGIE DU LANGAGE 59

Conclusion partielle 67

CHAPITRE DEUXIÈME:LA SOCIOLOGIE COMME SCIENCE DE L'ACTION 68

2.1. La sociologie praxéologique 68

2.2. L'actionnalisme d'Alain Touraine 69

2.3. Autres théories apparentées à l'action 75

2.3.1. L'agir communicationnel 75

2.3.2.. L'analyse stratégique 76

2.3.3. La socianalyse 78

2.3.4. La mobalité congolaise ou sociologie d'autodétermination 78

2.4. Le changement social 80

2.5. Economie du développement pour les pays en sous-développement 88

2.5.1. Notion de développement et croissance 88

2.5.2. Notion de sous-développement 92

2.6. Notion de l'environnement 93

CHAPITRE TROISIÈME: CADRE METHODOLOGIQUE 105

3.1. LA METHODE 105

3.1.1. Acception du concept 105

3.1.2. Justification de la praxéologie interdiscursive 106

3.2. LES TECHNIQUES 110

3.2.1. Techniques de collecte des données 110

3.2.2. Techniques de sélection 117

3.2.3. Les techniques de traitement des données des données et d'analyse de contenu 118

3.3. LES PROBLEMES EPISTEMOLOGIQUES 118

3.3.1. Des ruptures épistémologiques : elles sont de trois catégories : 118

3.3.2. Les couloirs d'échanges 119

3.4. L'approche praxéo-configurationnelle 122

3.4.1. Définition 122

3.4.2. Principes 122

3.4.3. Les préalables 124

DEUXIÈME PARTIE: MORPHOLOGIE, EVALUATION DES RESSOURCES ET                                        TYPOLOGIE DES FAMILLES DE NGWESHE 126

INTRODUCTION 127

CHAPITRE QUATRIÈME: CADRE MORPHOLOGIQUE DE LA CHEFFERIE DE                                                  NGWESHE 128

4.1. Le milieu physique 128

4.1.1. Situation du milieu 128

4.1.2. Relief 128

4.1.3. Les sols 129

4.1.4. Les sous-sols 130

4.1.5. Climat et végétation 130

4.2.  Hydrographie 131

4.3. Milieu humain 132

4.4. Aspects socioculturels 139

4.5. Aspects économiques 147

4.6. Aspects politico-administratifs 151

4.7. Aspects généalogiques dans l'administration de la chefferie 151

CHAPITRE CINQUIÈME: EVALUATION DES RESSOURCES ET TYPOLOGIE                                                 DES FAMILLES 156

INTRODUCTION 156

5.1. EVALUATION DES RESSOURCES 156

5.2. TYPOLOGIE DES FAMILLES DE NGWESHE 176

Conclusion partielle 186

TROISIÈME PARTIE: ESSAI D'IMPLANTATION DES PRINCIPES LOCAUX DE                                 STABILITE FAMILIALE ET ENVIRONNEMENTALE 188

INTRODUCTION 189

CHAPITRE SIXIÈME: INTERDISCURSIVITE PRAXEOLOGIQUE DE LA                                          FAMILLE DE NGWESHE 191

INTRODUCTION 191

6.1. Praxéo-interdiscursivité de la question du déséquilibre des familles de Ngweshe 191

6.1.1. Etat des lieux des familles de Ngweshe (ou arbre à problèmes) 192

6.1.2. Restitution praxéologique des discours 208

6.1.3. Analyse interactionnelle, interprétation praxéologique et établissement des  équations          symboliques. 229

6.1.4. Fonction latente des discours intrapolaires 234

6.1.5. Caractéristiques des organisations de développement locales opérationnelles à

          Ngweshe 235

6.2. Apports des ONG aux familles de Ngweshe 236

6.2.1. De grandes organisations au secours des familles de Ngweshe 236

6.2.2. Actions réalisées 237

6.2.3. Organisations locales actives à Ngweshe 240

6.3. Apport des Eglises 242

6.4. Equations symboliques sur bases discursives 244

6.5. Effets sur l'environnement 245

6.6. Principaux changements intervenus au sein de la famille 248

6.7.  Pistes praxéologiques des solutions 253

Conclusion partielle 258

CHAPITRE SEPTIÈME: PRINCIPES DE STABILISATION FAMILIALE ET      PROJECTION DE LA PROTECTION ENVIRONNEMENTALE DURABLE 261

INTRODUCTION 261

7.1. PRINCIPES DE STABILISATION FAMILIALE 262

7.1.1. Principe de créativité 264

7.1.2. Principe de l'unanimité participative rationnelle 266

7.1.3. Le principe d'autonomie et de gestion rationnelle 267

7.1.4. Le principe de l'auto-évaluation permanente et objective 269

7.1.5. Le principe d'appropriation idéologique, politique et culturelle 271

7.2. PROJECTION DE LA PROTECTION ENVIRONNEMENTALE A NGWESHE 273

7.2.1. La gestion de l'environnement 273

7.2.2. La grille de sondage factuel 275

7.2.3. Les attentes à l'égard du futur 278

7.2.4. Les images du futur ou la vision prospective de la famille et de l'environnement 281

7.2.4.1. Faits envisagés ou envisageables sur le plan développementiste familial 282

7.2.4.2. Faits envisagés ou envisageables sur le plan du maintien et de la durabilité de             l'environnement. 285

Conclusion partielle 294

CONCLUSION GENERALE 295

BIBLIOGRAPHIE IN FINE 309

TABLE DES MATIERES 322

* 1 C. CICCHELLI - PUGEAUT et V. CICCHELLI, Les théories sociologiques de la famille, Paris, La Découverte, 1998, p.32.

* 2 Existentiaux : J. Fromont entend par ce terme les éléments qui constituent la matérialité, la corporalité, la conscience d'être, de savoir du groupe existentiel ainsi que les éléments du système social responsable de la formation de sa structure

* 3 Emile BONGELI YAIKELO ATO, Sociologie et sociologues africains. Pour une recherche sociale citoyenne au Congo-Kinshasa, Collection Etudes africaines, Paris, L'Harmattan, 2001, p. 12.

* 4. A. GIDE, Les nourritures terrestres (1897) cité par STOETZEL, J., Les valeurs du temps du présent, une enquête européenne, Paris, 1983, p. 121.

* 5 . J. STOETZEL, op.cit, pp. 121-122.

* 6. E. MORIN, La sociologie, édition revue et augmentée, Paris, Fayard, p. 32.

* 7 . E.MORIN, L'esprit du temps 2. Nécrose, Paris, B. Grasset, pp. 31-35.

* 8 NDAY WA MANDE, Elargissement de la praxéologie interdiscursive aux discours logico-mathématiques et physiques. Contribution critique à l'Epistémologie praxéologique, Thèse de doctorat en sociologie, Lubumbashi, 2005.

* 9 M. DE COSTER  et F. PICHAULT, Traité de sociologie de travail, 2e édition, Bruxelles, De    Boeck et Larcier, 1998, pp. 34-35.

* 10 E. MORIN, L'esprit du temps 1. Nécrose, Paris, B. Grasset, 1962, p. 171.

* 11 Idem, p. 211.

* 12 . E. MORIN, op.cit. 181.

* 13 J. FOURRASTIE, Les 40000 heures, inventaire de l'avenir, Paris, Ed. Gontier, 1965, p.28.

* 14 Idem, p. 167.

* 15 Idem, p.175.

* 16 A. BURGUIERE et alii, Histoire de la famille, t2, Paris, Armand Colin, 1986, p.379.

* 17 PIE-AUBIN MABIKA, La chanson congolaise. Son histoire, sa vérité, ses textes et leurs    significations, Paris, L'Harmattan, 2005.

* 18 F. RULLIER-THEURET, Le dialogue dans le roman, Paris, Hachette, 2001, p. 37.

* 19 .MADDALENA DE CARLO, L'interculturel, Paris, Clé internationale, 1998, pp. 34-35.

* 20 C. JAVEAU, Leçons de sociologie, 2ème édition, Paris, Armand Colin, 1999, p. 46.

* 21 THOMAS KUHN cité par P.CABIN et J.- F DORTIER, (sous dir), La Sociologie. Histoire     et idées, Paris, Editions Sciences humaines, 2000, p. 341.

* 22 M. LUYCKX GHISI, Au-delà de la modernité, du patriarcat et du capitalisme. Société     réenchantée ?, Paris, L'Harmattan, 2001, p.25.

* 23 Idem, p.32.

* 24 . Idem, p. 49.

* 25 ARISTIDE KAGARAGU, Omulala gw' omushi, Bukavu, 1971.

* 26 J. DUVIGNAUD, Fêtes et civilisations, Paris, Librairie Weber, 1986, p. 379.

* 27 G. MACE et F. PETRY, Guide d'élaboration d'un projet de recherche en sciences     sociales et humaines, 3e éd., Bruxelles, De Boeck, 2004, p.134.

* 28 NDAY WA MANDE, Mémento des méthodes de recherche en sciences sociales et     humaines, 1ère partie, collection Livre, Lubumbashi, Ed. du CRESA, 2004, p. 5.

* 29 J.-L. CHAMPON et al. Les innovations sociales, Edition Que sais-je ?, Paris, PUF, 1982,    p. 127.

* 30 H. HOEFNAGELS, La sociologie face aux problèmes sociaux, Bruges, Desclée de     Brouwer, 1962, p. 42.

* 31 F. DUBET, Sociologie de l'expérience, Paris, Seuil, 1994, pp. 12 et 21.

* .32 E. MORIN, La sociologie, édition revue et augmentée, Paris, Fayard, 1984, p. 180.

* 33 Idem, p.190.

* 34 G. MENDOZE, (sous dir.), 20 défis pour le millénaire, bâtir un nouvel humanisme, Paris,     F. - X., de Guibert, 20000, p. 14.

* 35 J. FROMONT, op. cit. p. 28.

* 36 S. SOLVIT, RDC, Rêve ou illusion ? Conflits et ressources naturelles en RDC, Paris,     L'Harmattan, 2009, pp. 15 et 67.

* 37 G. MENDOZE, op. cit, p. 15.

* 38 C. DUBAR, La socialisation, construction des identités sociales et professionnelles,     3e édition revue, Paris, Armand Colin, 2000, p.12.

* 39 G. ROCHER, Introduction à la sociologie. L'organisation sociale, Ltée, éd. HMM, 1968,     p.205.

* 40 F. DUBET, op. cit, pp. 93, 101.

* 41 S.GIROUX, Méthodologie des sciences humaines, Edition du renouveau pédagogique,      1998, pp. 5-7.

* 42 M.GRAWITZ et R. PINTO, Méthodes des sciences sociales, 4ème édition, Paris, Dalloz,    1971, p.20.

* 43 . Sujet : Dans la conception d'Alain Touraine, le sujet correspond à un projet que s'est      fixé l'acteur de réaliser, tout acteur devrait être porteur d'un sujet, c.-à-d. un projet     d'actions à réaliser.

* 44 . G. FERREOL et al., Dictionnaire de sociologie, Paris, Armand Colin, 1991, p. 185.

* 45 . C. JAVEAU, Leçons de sociologie, 2e édition, Paris, Armand Colin, 205 ; pp. 120-125.

* 46 PASSOU LUNDULA, Mes certitudes, Lubumbashi, Editions Passou, pp. 30-32

* 47 PILO KAMARAGI et BAKENGA SHAFALI, « Facteurs pathologisants et instances de    dépathologisation sociale dans la ville de Bukavu » in UJUVI, n° 18 vol., ISP Bunia, mars    2008, pp. 86-87.

* 48 BOLTANSKI cité par P. CABIN et J.-F DORTIER, (sous dir.), La sociologie. Histoire et    idées. Les fondateurs, les grands courants les nouvelles sociologies, Auxerre Cedex,    Editons Sciences humaines, 2000, pp.308-309.

* 49 F. DE SINGLY, Sociologie de la famille contemporaine, 3ème édition refondue, Paris ;     Armand Colin, 2007, pp. 11-15.

* 50 F. SINGLY, Sociologie de la famille contemporaine, 3e édition refondue, Paris, Armand colin, 2007, p. 13.

* 51 F. DE SINGLY, Sociologie de la famille contemporaine, 3ème édition refondue, Paris,    Armand Colin, 2007, pp.32-37.

* 52 Cfr KAMABAJI WA KAMABAJI cité par NDAY WA MANDE, cours de sociologie du     langage, UOB/FSSPA, DES, 2007 - 2008, inédit.

* 53 Idem.

* 54 . NDAY WA MANDE, Mémento des méthodes de recherche en sciences sociales et humaines, 1ère partie, Collection Livre, Lubumbashi, Ed. du CRESSA, 2004. p. 36.

* 55 NDAY WA MANDE, Critique de fondement de l'hexagone philosophique du sociologue     LONGANDJO OKITAKEKUMBA, Essai d'épistémologie praxéologique, Mémoire de     DEA en Sociologie, UNILU, juin 2003, pp. 54-56.

* 56 . Encarta, 2009.

* 57J. HABERMAS, Théories de l'agir communicationnel. Coll. L'espace du politique, Paris,    Fayard, 1987.

* 58 H. AMBLARD, et al., Les nouvelles approches sociologiques des organisations,     3e  édition augmentée, Paris, Seuil, 2005, p. 25.

* 59. Idem, pp. 26 - 27.

* 60 NDAY WA MANDE, op.cit.

* 61 FUTURS AFRICAINS, Un guide pour les réflexions prospectives en Afrique, Paris,     Karhala, 2001, pp.16-18.

* 62 FUTRURS AFRICAINS, op. cit, pp. 80 - 92.

* 63Idem, pp. 92-93.

* 64 G. ROCHER, Introduction à la Sociologie Générale, t3, Le changement social, Montréal, HMH, 1968, p.34.

* 65S. TREILLET, L'économie du développement, Paris, Nathan, 2002, p. 1.

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* 67 J. KI-ZERBO, A quand l'Afrique, Entretien avec René Holenstein, Paris, Edition de l'aube,     2003, p.151.

* 68 O.BOREL, Les trois révolutions du développement, 2ème partie, Paris, éditions ouvrières,     pp. 1239.

* 69 Encyclopédie Wikipédia consultée, le 12.02. 2012.

* 70 G. RIST, Le développement. Histoire d'une croyance occidentale, 2e édition, Paris, Presses     des sciences po, 2001.

* 71 M. GRAWITZ, Lexique des sciences sociales, 8e édition, Paris, Dalloz, 2004, p.101.

* 72 . Encarta, 2009.

* 73 KATYA KITSA et KIHUMA LOHANDE, « Problématique du reboisement en milieu urbain au Zaïre : cas de la     ville de Kananga », in Zaïre - Afrique, N° 233, Kinshasa, mars, 1989, p. 107.

* 74. Wiképédia, Encyclopédie libre, 25. 01. 2012.

* 75 Encyclopedie Universalis 2011

* 76 J. GOFFAUX, Notions d'écologie, Kinshasa, CRP, 1971, p.27.

* 7778. Wikipédia, 15 janvier 2012

* 79 NDAY WA MANDE, critique de fondement de l'hexagone philosophique du sociologue     congolais Longandjo Okitakekumba, Essai d'épistémologie praxéologique. Thèse de     Doctorat en Sociologie, Lubumbsahi, 2004.

* 80 NDAY WA MANDE, Cours de méthodes de recherche et d'analyse quantitative, cycle de     DEA, UOB, 2007, inédit.

* 81 M. GRAWITZ, R. PINTO, Méthodes de recherche en sciences sociales, Paris, Dalloz,    1999, p. 45.

* 82. NDAY WA MANDE, op. cit. p. 44.

* 83. EMILE BONGELI YEIKELO YA ATO, op. cit. pp. 44-45.

* 84 NDAY WA MANDE, op.cit.

* 85 M. GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, 9ème édition, Paris, Dalloz, 1993, p. 301.

* 86. M. GRAWITZ, op.cit., p. 301

* 87. VIRTRON, op.cit., p.46

* 88 E. DURKHEIM cité par GRAWITZ, Lexique des sciences sociales, 8e édition, Paris, Dalloz, 2004, p. 283.

* 89 KAZADI KIMBU, op. cit., p.III.

* 90 A. KAGAME, « Historicité de Lyangombe, chef des Immandwa », dans Lyangombe,    mythe et rites, in ACTES DU DEUXIEME COLLOQUE DU CERUKI, ISP, Bukavu, du   10-  14 mai, 1976, p.23.

* 91 CERUKI, Lyangombe, mythe et rites, Actes du 2ème colloque du Ceruki, Bukavu, 1976,     p.101.

* 92 F. DE SINGLY, Sociologie de la famille contemporaine, 3ème édition refondue, Paris,    Armand Colin, 2007, p. 90.

* 93 Idem, p. 94.

* 94 Wikipédia, 10 avril 2012.

* 95 P. VERCAUTEREN, « Gouvernance et démocratie ; quel ordre » ?, in FEDERALISME ET REGIONALISME, Volume VII, 2007, p. 12.

* 96 J. KI-ZERBO, A quand l'Afrique ? Entretien avec René Holenstein, s.l. Editions de l'aube/éditions d'en bas,     2003, p. 182.

* 97 Microsoft Encarta 2009.

* 98 D. LE BRETON, l'interactionnisme symbolique, Paris, PUF, 2004, p.47.

* 99 SEMOU PATHE GUENE, Du bon usage de la démocratie en Afrique, Dakar, Les nouvelles éditions         africaines, 2004, p. 63.

* 100 D. LE BRETON, L'interactionnisme symbolique, Paris, PUF, 1995, p. 151.

* 101 J. HABERMAS, La technique et la science comme idéologie, collection Tel, Frankfurt, 1968, p. 87.

* 102Source : Réseau des femmes pour les droits et la paix et le Bureau Matabaro de la chefferie de Ngweshe ou Bureau de développement.

* 103 SEMOU PATHE GUEYE, Du bon usage de la démocratie en Afrique, Dakar, Presses     universitaires de Dakar, pp. 58-60.

* 104 SEVERIN CECILE ABEGA, Société civile et réduction de la pauvreté, Yaoundé, édition       clé, pp. 42-43.

* 105 CEDAC, pp. 15-16.

* 106. Idem, pp. 22-24.

* 107 Idem, pp. 42-43.

* 108 NICOLAS TENZER, La société dépolitisée, Paris, PUF, 1990, p.57.

* 109 NICOLAS TENZER, op.cit, p.76.

* 110J.HABERMAS, La technique et la science comme «  idéologie », Collection Tel,     Frankfort, Gallimard, 1968, p. 3.

* 111 E. MORIN, La Sociologie, Collection Arthème Fayard, Paris, Seuil, 1984, p. 12.

* 112 Dictionnaire Encarta

* 113 F.SINGLY, Sociologie de la famille contemporaine, 3è édition refondue, Paris, Armand     Colin, 2007, p. 57.

* 114. Ibidem.

* 115 CREA (Centre de recherche et de Formation sur l'Etat en Afrique) sous la direction de M.      GALY, E. SANNELLA, Les défis de l'Etat en Afrique, Paris, L'Harmattan, 2007, p. 38.

* 116 Ibidem.

* 117. F. SINGLY, op. cit., p. 13.

* 118 S. PAUGAM, La pratique de la sociologie, Paris, PUF, 2008, p. 26.

* 119 REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, Rapport Pays 2010, Eliminer la pauvreté      2015, C'est possible, Kinshasa, PNUD et Ministère du Plan, 2010, p. 20.

* 120 RDC, Rapport Pays 2010, Eliminer la pauvreté 2015, c'est possible, p.21.

* 121 PROVINCE DU SUD-KIVU, Document de la stratégie de croissance et de réduction de la     pauvreté 2011-2015 de la Province du Sud-Kivu, Bukavu, s.e, septembre , 2011, p. 13.

* 122 PILO KAMARAGI, BAKENGA SHAFALI, « Facteurs pathologisants et instances de       dépathologisation sociale », in UJUVI, n° 29, ISP/ BUNIA, juin, 2009, p. 88.

* 123 MICROSOFT ENCARTA, 2009.

* 124 G. ROCHER, Introduction à la sociologie. L'action sociale, tome 1, Québec, Edition      HMH, 1968, p.111.

* 125 E. TYLOR, Primitive culture, London, s.éd, 1891, p. 46.

* 126 G.ROCHER, op.cit, p. 72.

* 127 HURTUBISE, R., et alii, L'intervention dessine les familles : régulation, uniformisation      en promotion du pluralisme. Apprentissage et socialisation, s.l, s.éd. 1996, p.7.

* 128 J. HABERMAS, La technique et la science comme «  idéologie », Collection Tel, Paris,     Gallimard, 1968, p. 4.

* 129 GASPARD-CHRISTIAN KAMBAJI WA KAMBAJI M. W.B, Autopsie praxéologique de la crise des      sciences, des animateurs scientifiques, des institutions académiques et sociopolitiques au Congo-Zaïre. A la     recherche de l'université et de l'universitaire congolais ou la face cachée du système éducatif national,     Lubumbashi, Edition LA DIALECTIQUE, mars 2012, p. XVII.

* 130 MUHAMED YUNUS et A. JOLIS, Vers un monde sans pauvreté, Paris, J.C Lattès, 1998, p. 114.

* 131 S. DE LESTAPIS, sj, La limitation des naissances, Paris, Spes ; 1996, p. 330.

* 132 B. BOURGOIS, « La métaphysique de la créativité », in ENCYCOPEDIE UNIVERSALIS, 2011.

* 133Mobalité : terme de KAZADI KIMBU, du lingala, mobali = homme (pas dans le sens du genre ou du sexe,    mais plutôt dans le sens de la capacité d'un individu à se manifester comme étant capable de répondre     favorablement aux fonctions et rôles liés à son statut. (Cfr KAZADI KIMBU, op.cit, p.3).

* 134 E. BALIBAR, P. MACHEREY, « Dialectique »n, in ENCYCLOPAEDIA UNIVERSALIS, 2011, p.

* 135 F. BOURRICAUD, « l'autonomie », in ENCYCLOPAEDIA UNIVERSALIS, 2011.

* 136 E. COHEN, « Entreprise-Gestion de l'entreprise », in ENCYCLOPAEDIA, 2011.

* 137 J. GABEL, « L'idéologie », in ENCYPLODAEDIA UNIVERSALIS, 2011.

* 138 E. CHOISNEL et E. CLOPPET, Agrométéorologie, in Encyclopaedia Universalis, 2011.

* 139 Etat Civil de la Chefferie de Ngweshe, Dénombrement de la population au 31 décembre 2011

* 140 R. BASTIDE, L'événement, in Encyplopediae universalis, 2011.

* 141 H. DUMERY, Berger Gaston, Encyclopaedia Universalis, 2011.

* 142 CHEFFERIE DE NGWESHE, Plan local de développement 2010-2014, p.72

* 143 J.-P. RAFFIN, «  L'environnement » in Encyclopaedia universalis, 2011.

* 144 Ibidem.

* 145 TAULELLE F., « l'aménagement », in Encyclopaedia Universalis, 2011.

* 146 G. LAPASSADE, R. LOURAU, op. cit. pp. 199 - 2000.

* 147 NGOMA BINDA, Rôle de la femme et de la famille dans le développement. Argument pour la Justice et l'Egalité entre les sexes, Kinshasa, Publications de l'Institut de Formation et d'Etudes Politiques, 1999. p.48.






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