INTRODUCTION GENERALE
Cadrage de la thèse
Cette recherche est axée sur la famille,
l'environnement et débouche sur le développement, trois secteurs
interdépendants et complexes à travers tous les
biosphères de l'humanité. Elle étudie la famille dans ses
dynamiques, celles-ci s'intéressant aux changements multiples et
accumulés, profonds et irréversibles qui affectent la chefferie
de Ngweshe, ses cultures et ses structures. Elle s'attelle, aussi et
fondamentalement, sur des aspects épistémologiques du fait
qu'elle analyse discours et actions au sein de la chefferie de Ngweshe.
Beaucoup de sociologues actuels de la famille tels que C.
Cicchelli - Pugeaut, François de Singly et V. Cicchelli émettent
des questions bien pertinentes sur la famille. Ils s'interrogent sur le fait
que la famille soit un objet à la fois d'observation et
d'intervention1(*).
En effet, la famille doit être observée en tant
que système social qui donne la vie, solidifie les liens sociaux et
prône la cohésion sociale. C'est pour cette raison que beaucoup de
scientifiques ont une vue braquée sur la famille, son fonctionnement,
ses problèmes et son avenir. Elle est ainsi observée par les
médecins, enquêteurs sociaux, juristes, administrateurs et
politiciens, hommes d'Eglises, agronomes et écologistes, psychologues,
etc. dans tous les milieux de la vie humaine par le fait qu'elle
apparaît comme un guide, un vade mecum vital.
De ce point de vue, dans la chefferie de Ngweshe comme partout
ailleurs, la famille est perçue comme un système social, mais
victime de diverses pathologies sociales à travers sa structure sociale,
et toujours confrontée à son environnement dont elle
dépend pour son mieux-être et vice-versa. La famille, en
dépit de ces sévisses et secousses, doit chercher à se
refaire et se parfaire, s'adapter, se maintenir, adapter et maintenir son
équilibre et celui de son environnement, produire des discours, en
consommer d'autres, (peu importe d'où ils proviennent) ; et
réaliser des actions rationalisées, profitables à elle
et/ou à toute la communauté. De ce point de vue, la famille doit
être une unité de production, laborieuse et entreprenante.
Il s'agit donc d'une famille qui agit, cogite, s'émeut,
pour laquelle on agit ; une famille qui demande et reçoit ou ne
reçoit pas lorsqu'elle formule et introduit une requête ;
une famille qui produit des discours et qui en consomme d'autres plus qu'elle
n'en produit d'ailleurs ; une famille en mutation, mise en contact avec
d'autres cultures par effet de modernité, de politique, de religion, d'
interactions sociales et, dans une simple mesure, de
mondialisation ; une famille disposant d'un environnement auquel
elle est intimement liée ; un environnement qu'elle gère
bien ou qu'elle détruit, par moment, et dont, curieusement, elle
dispose tant de mécanismes de gestion et de conservation. Bref, la
famille et l'environnement sont, à la fois, objets de changement et
de continuité.
La famille est un objet de changement du fait de son dynamisme
culturel, social, intégrateur, politique et économique. C'est au
sein de la famille que les membres-sujets sociaux entrent en contact
avec les premiers processus de la socialisation, d'intégration sociale
primaire : ils apprennent à se comporter, à vivre, à
produire, à s'adapter aux premiers rudiments de la vie, aux normes
sociales, à gérer les biens mis à leur disposition et
à la communauté dont ils font membres. C'est elle qui initie et
conduit les premiers pas de l'individu humain, ce néophyte social. La
socialisation demeure ce processus par lequel une société
transmet ses normes et ses valeurs à ses membres. Si la socialisation
sociale apparaît comme un apprentissage du code de la vie sous
l'arbitrage des adultes, l'intégration sociale est une marque de
conformité au catéchisme du comportement social.
Dans son parcours, généralement difficile,
constitué d'embuches, la famille doit veiller à perpétuer
sa continuité à travers ses diverses fonctions de
procréation, de production et de reproduction, d'éducation et
d'instruction, de consommation et d'auto-prise en charge. C'est à
travers l'exaltation de ces fonctions diverses que la famille se confirme comme
système de formation, d'attribution des qualités humaines.
En effet, on ne saurait naître, grandir hors de la
famille ou du milieu humain et prétendre devenir un homme à part
entière, un homme socialement établi. Le dynamisme familial
dispose donc d'une capacité transformatrice de l'agent qui en est
ressortissant.
D'une manière générale et purement
optimiste, on ne peut prétendre affirmer que la famille n'offre que des
aspects positifs dans sa socialisation et son dynamisme. En fait, de l'aspect
optimiste et positiviste du regard à porter sur la famille, il est
pertinent de signaler que cela n'apparait que comme un idéal à
atteindre, lequel, par moment et pour des raisons diverses, peut ne pas
être atteint selon les particularités et les
spécificités de chaque famille au regard de son environnement. En
n'atteignant pas ses objectifs, la famille se retrouve dans une dynamique
transformatrice en dehors de ses idéaux. Ainsi, observe-t-on certaines
pathologies sociales se développer au sein des communautés, et
à travers les familles, malgré leur bon vouloir de ne point
prétendre voir en leur sein ce genre de comportement déviant.
Toutefois, que le changement au sein d'une famille soit
positif ou négatif, on parlera toujours d'une dynamique familiale, du
fait que toute dynamique est à la fois qualitative et/ou quantitative.
Ainsi, ces investigations ont permis de découvrir non seulement ce
qu'il y a eu de négatif mais aussi ce qu'il y a eu de positif au sein de
la famille dans la chefferie de Ngweshe, le tout déterminant le
parcours, les défis et les enjeux de la famille au sein de cette
univers.
L'étude consacre donc un aspect dynamique ou mieux
encore prospectiviste. Il s'agit, ainsi, de mener une étude sur des
avenirs souhaités, une réflexion pour aider à construire
de familles stables aux fins de répondre le mieux possible à
leurs besoins essentiels. Ce sont besoins alimentaires, de logement, de
santé, de sécurité, d'équilibre social et
environnemental. Cependant, il est bon de rappeler que la famille, sous
étude, vient de passer des moments difficiles, des faits des guerres
à répétition qui ont sévi la chefferie en cette
dernière décennie et qui ont provoqué plusieurs cas de
meurtres, de viols et violations des droits de l'homme, des extorsions, des
pillages des biens, des récoltes et du bétail, des incendies des
maisons et villages entiers. Quatre éléments devront, ainsi,
entrer en compte de cette analyse :
- le passage en revue du passé récent et du
présent
- les profils des acteurs sociaux
- l'évolution et l'état de l'environnement
- l'aspect prospectiviste et configurationnel
C'est sur base de ces quatre éléments que nous
pouvons nous orienter vers des futurs possibles. Nous n'oublierons pas,
cependant, des éléments pouvant provenir de l'environnement et
qui peuvent se produire indépendamment du bon vouloir des acteurs et
qui, par moment, peuvent désorienter le cours tracé pour des
activités logiquement et rationnellement initiées.
2. Objet et objectifs de la recherche
Objet
Cette thèse a pour objet d'étude, d'une
manière générale, la famille en tant que système
social au sein duquel évolue tout homme généralement, et
donc, par surcroît, le plus important pour tout être humain. La
famille n'est pas statique, elle est dynamique, toujours en perpétuel
changement et toujours confrontée à son environnement qui, lui
aussi, subit des perturbations voulues et non voulues, lesquelles disposent
des répercussions négatives et/ou positives sur la famille. Nous
retiendrons, cependant, qu'il ne sert à rien d'étudier la
famille si l'on ne peut pas se pencher sur ses aspects actionnalistes et
discursifs : ce qu'elle fait, ce qu'elle a fait, ce qu'elle envisage
faire, ce qu'elle dit et ce qu'elle entend. C'est en ce sens que nous avons
choisi, spécifié un milieu d'étude et axé nos
recherches sur des familles bien précises, celles de la chefferie de
Ngweshe et sur leur environnement.
Objectifs de la recherche
Il est important de déceler que de ces objectifs, il
se dégage un objectif fondamental et qu'ils s'ensuivent bien
évidemment d'autres objectifs spécifiques.
1°. La présente thèse s'engage
à déterminer les changements intervenus au sein de la famille et
de l'environnement au sein de la chefferie surtout en ces récentes
périodes de guerres ; relever les aspects aussi bien positifs que
négatifs et proposer des pistes des solutions durables. Ainsi,
déterminerons-nous les éléments qui interviennent dans la
formation des existentiaux2(*) écologiques, les présenter tels qu'ils
apparaissent à l'oeil nu, dépourvu de tout apriorisme tout en
les situant dans les cadres logiques préétablis.
Il s'agit donc, selon Jean Fromont, de mettre en
lumière des données écologiques de l'existence,
c'est-à-dire de visualiser et d'intérioriser par la perception
sensorielle le milieu naturel dont le groupe existentiel en est produit.
Pour cet auteur, une étude de ce genre consiste en une
description visualisante et verbalisante de la présence
écologique dans la conscience collective,
phénoménologique, le regard étant fixé sur l'image.
Citant Mucchielli, Fromont estime que l'étude d'une communauté
couplée à son écologie est une façon de
décrire un ensemble qui est toujours donné primitivement comme la
vie même, l'analyse ne consistant pas à chercher ses
éléments dans une perspective de causalité, mais à
les comprendre par leur contexte et par rapport à l'ensemble. Il s'agit
donc d'une analyse sociologique, c'est-à-dire d'une
interprétation du social, de la gestion de l'environnement et des
aspects discursifs produits au sein de l'univers.
En effet, la préoccupation majeure de la sociologie
demeure celle d'appréhender, à travers ordre et désordre,
en opposition constante au sein du système social, le changement social
grâce à un ensemble cohérent des théories
interprétatives des transformations sociales au sein des
sociétés humaines, ce qui rend possible des repérages, des
anticipations, des préventions et même des orientations ( au sein
du guidage), des transformations qui s'opèrent sur des
sociétés3(*).
Ceci résulte du fait que la sociologie dispose de ses
spécificités qui la distinguent des autres sciences. Elle
étudie l'individu dans la totalité de son expérience
comme être social vivant en interrelation avec d'autres individus au sein
de la société, l'homme étant un animal social
condamné à ne vivre qu'en société, laquelle
évolue en interdépendance avec tout ce qui l'entoure et laquelle,
encore, produit et consomme des discours divers.
2°. D'une manière plus spécifique, nous
poursuivons les objectifs ci-après :
- Etudier la famille de Ngweshe dans sa dynamique interne
(praxéologique, interdiscursive, économique, politique,
culturelle) et environnementale ;
- Saisir les possibilités de continuité des
valeurs culturelles au sein des familles de Ngweshe en dépit de
l'environnement toujours changeant ;
- Répertorier les discours et les actions cadrant avec
sa transformation et son équilibre à la lumière de la
praxéologie interdiscursive ;
- Identifier les pathologies auxquelles sont confrontés
les ménages et rechercher les voies d'éradication ;
- Relever les forces et les faiblesses des actions produites
de l'intérieur et de l'extérieur des familles ;
- Produire une typologie des familles, des
propriétaires, de relations et des modes de production au sein de l'aire
de l'étude ;
- Emettre des propositions favorables à son changement
qualitatif et quantitatif pour le progrès durable de Ngweshe et ce,
à court, moyen et long terme.
3.
Etat de la question
Ce travail dispose des fondements qui lui confèrent
son originalité scientifique. Ceux-ci relèvent non seulement de
rapprochements entre cette étude et ceux sur lesquels elle se fonde,
mais aussi sur les divergences et les différenciations entre la
présente étude et celles qui lui sont similaires et
antérieures.
Il s'agit fondamentalement de travaux
ci-après :
André Gide considère la famille comme une
valeur, comme une réalité. Il estime que la contestation de la
famille ne date pas d'aujourd'hui. Un auteur qui a eu son heure
écrivait : « famille, je vous hais, foyers clos :
portes refermées, possessions jalouses du bonheur. »4(*)
Pour Stoetzel, c'est justement cette possession de
l'intimité familiale que la très grande majorité des
européens recherchent encore aujourd'hui. Dans l'hypothèse
d'école d'une semaine de travail réduite à trois jours,
entre huit possibilités suggérées d'utilisation des
journées devenus libres, celle de les passer en famille arrive en
premier lieu. C'est en famille que la majorité des gens
préfèrent passer leurs loisirs. Quand on propose l'idée de
grands changements désirables dans le mode de vie, 85% pensent qu'il en
faudrait davantage sur la vie en famille.
Dans la famille, les deux tiers de ceux qu'on interroge se
sentent détendus et en sécurité, même si 9%
admettent qu'ils y sont souvent agressifs et 14 % anxieux. Seulement, un sur
dix au total s'y reconnaît rarement heureux ou qu'il n'y est jamais
heureux.
Maintes fois, à travers d'autres enquêtes, la
famille est apparue comme refuge, comme valeur suprême. La famille dont
il est question, ici, est certainement conjugale fondée sur le mariage,
ou mieux encore, la famille nucléaire composée des époux
et leurs enfants restés au foyer5(*).
Ce passage, tiré des enquêtes menées chez
les européens sur ce qu'ils pensent de la famille confère
à cette étude un caractère et une perception universels,
car la famille que nous abordons dans ce travail ne diffère aucunement
de celle enquêtée par Stoetzel. On peut ainsi donc affirmer que
malgré la diversité, la pluralité des familles, leurs
missions restent, d'une manière générale, presque
semblables pour tous les peuples : celles de vivre ensemble,
procréer, socialiser et d'assurer, autant qu'elles le peuvent, le
bonheur à ses membres.
Nous dirions même qu'autant il existe une
unité psychique de l'humanité malgré
toutes les diversités d'hommes qu'on lui reconnaît, autant il
existe une unité psychique familiale
à travers le monde. Ceci revient à signifier que la famille,
qu'elle soit nantie ou pauvre, les composantes, la mission et les objectifs
demeurent les mêmes quand bien même le travail, les
résultats de travail, la rationnalité ne soient pas les
mêmes.
La famille est, certes, un cadre de vie qui unit, stabilise,
harmonise, socialise les individus en son sein et, éventuellement
même, autour d'elle. L'anxiété, l'agressivité qui
peuvent s'observer au sein de la famille, peuvent, pour la plupart des cas,
s'atténuer et se transformer en une véritable harmonie.
Si nous jetons du regard à cette recherche
stoetzelienne, c'est parce qu'elle attache une grande considération
à la famille en tant que cadre par excellence de vie humaine. Son aspect
plus « communautariste qu'individualiste » crée des
liens très élargis allant jusqu'aux contrats sociaux,
interfamiliaux, interclaniques et même interétatiques.
Voilà pourquoi son déséquilibre peut déstabiliser
non seulement les membres nucléarisés mais aussi d'autres
membres issus de ces alliances collatérales.
En effet, la plus petite unité sociologique se situe
à travers les interactions existant entre deux personnes sociales. La
famille nucléaire va au-delà de deux individus sociaux et
traduit des interactions en son sein, des interactions diverses et
diversifiées ; la famille nucléaire est un milieu social
par excellence dont le comportement peut influencer toute une
communauté et lui conférer par surcroît un qualificatif
approprié.
Nous estimons, à ce titre, qu'étudier la famille
dans le souci de l'inciter à la praxéologie ou s'imprégner
du dynamisme en son sein ou en rapport avec son environnement, c'est de
pénétrer l'historicité des communautés en
présence.
Parce que la famille est un cadre de vie pouvant être
étudié sous divers aspects (sociologique, économique,
culturel, politique, juridique, religieux, philosophique ...), bon nombre de
chercheurs anthropologues et sociologues se sont intéressés
à la famille comme un domaine permanent d'études
sociologiques.
A ce sujet, Edgar Morin estime que la sociologie doit
relever trois défis :
-la sociologie doit assumer à la fois une vocation
scientifique et une vocation essayiste, le sociologue doit assumer les deux
cultures auxquelles il participe : la culture scientifique et la culture
humaniste (philosophique et littéraire) et il doit relever le
défi de l'éclatement et de l'antagonisme entre les deux cultures.
Par là, il pourrait jouer le rôle-clé dans la très
nécessaire communication et inter fécondation entre ces deux
cultures.
- le second défi est celui de la complexité
anthropo-sociale. La simplification, la réduction, la mutilation
cognitive ne sont seulement impertinentes voire grotesques, elles incitent
à des décisions et des politiques aveugles et souffrances des
citoyens. Le sens et la méthode de la complexité conduisent
nécessairement à une conception anthropo-sociologique articulant
en elles toutes les dimensions disjointes dans les disciplines
cloisonnées des sciences humaines et conduisent non moins
nécessairement à reconnaître le monde concret de la vie
quotidienne et les problèmes concrets des individus.
- le troisième défi, qui s'ensuit des deux
précédents, est celui de la refondation : la conscience de
la complexité débouche sur la prise de conscience de
l'indispensable changement de paradigme dans les sciences humaines. Ainsi, la
reforme de la pensée conduit à la refondation de la sociologie et
lui ouvre un nouveau commencement.6(*)
La réflexion morienne constitue un pilier fort
pour cette étude du fait de la clarification qu'elle offre à
l'égard de la sociologie comme science et du rôle qu'elle doit
jouer dans la société qui n'est constituée
fondamentalement que des membres issus de familles. En clair, la famille, c'est
à la fois l'homme et les relations ; c'est l'aspect
anthropo-social tel qu'abordé par Edgar Morin.
A travers cette étude, un accent particulier sera mis
sur les personnes sociales vivant dans la chefferie de Ngweshe et les relations
entre ces personnes, entre elles et leur environnement. Il s'agira de jeter
un regard critique et incitateur sur la vie quotidienne, sur leur travail, (car
la famille est essentiellement travail), sur les problèmes majeurs
manifestes et latents de l'entité ainsi que sur les mécanismes
initiés localement pour transcender les situations des crises,
évaluer l'environnement et s'atteler à le sauvegarder.
Mais, du fait que la famille sous étude émerge
de situations des conflits et des crises, il s'avère important qu'avec
Edgar Morin, nous examinions la notion de crise et les principes d'une
sociologie du présent qui sous-tendent la présente étude.
Il s'agit des six principes élaborés par Morin :
1°. Une sociologie qui se veut attentiste et
contemporaine de l'événement, de la crise doit être
phénoménologique (...), ce terme renvoie :
a) Au phénomène conçu comme donné
relativement isolable, non à partir d'une discipline, mais à
partir d'une émergence empirique, comme par exemple et par excellence
un événement ou une série d'événements en
chaines.
b) Au logos, c'est-à-dire à la théorie
conçue, elle aussi, au-delà du carcan disciplinaire. Le
phénomène adhère donc à la réalité
empirique et à même temps appelle la pensée
théorique. Le besoin croissant de multidisciplinarité et
d'interdisciplinarité traduit timidement le besoin d'une approche
adaptée au phénomène et non plus d'une adaptation du
réel à la discipline.
2°. L'événement qui signifie l'irruption
à la fois de vécu, de l'accident, de
l'irréversibilité, du
singulier concret dans le tissu du social
est le monstre de la sociologie. (...). Ainsi, on peut
cheminer scientifiquement par les voies
d'une sociologie clinique qui considère que :
a. Le champ historico-mondial (y compris la préhistoire
et l'ethnographie) est le seul champ expérimental possible pour la
science de l'homme social,
b. Une théorie peut être élaborée
à partir des phénomènes et situations externes,
paroxystiques, « pathologiques, », qui jouent un rôle
révélateur
On peut dire que le marxisme, le freudisme et même
potentiellement le structuralisme sont des méthodes-théories
à deux versants, dont l'un est orienté vers l'aspect
diagnostic-clinique et la recherche (investigation et réflexion). C'est
le versant qui se trouve à l'ombre, c'est le versant qu'il est
légitime de travailler.
3°. L'événement, selon Morin, du
point de vue sociologique, c'est tout ce qui ne s'inscrit pas dans les
régularités statistiques. Ainsi, un crime ou un suicide n'est
pas un événement, dans la mesure où il s'inscrit dans la
régularité statistique, mais une « vague » de
crimes, une épidémie des suicides peuvent être pris comme
des événements, de même que le meurtre du Président
Kennedy ou le suicide de Marily Monroe. L'événement, c'est le
nouveau, c'est-à-dire l'information, dans le sens où
l'information est l'élément nouveau du message.
L'événement-information est, par principe, déstructurant
(et la grande presse d'information donne quotidiennement lecture d'un monde
déstructuré livré au bruit et à la fureur), et,
à ce titre, l'information est ce qui perturbe les systèmes
rationnalisateurs qui s'efforcent de maintenir une relation entre l'esprit du
récepteur et le monde.
4°. L'événement est accident,
c'est-à-dire perturbateur-modificateur. Il met en oeuvre une
dialectique évolutive- involutive ; d'un côté, il
déclenche un processus de résorption, lequel, si
l'événement est trop perturbant, déclenche de
mécanismes de régression faisant resurgir un fond archaïque
protecteur et/ou exorciseur ( ainsi, la mort qui est toujours un
événement pour les proches, déclenche les rites magiques
de funérailles et de deuil), d'un autre coté des processus
d'innovation qui va intégrer et répandre le changement dans la
société.
A ce titre, l'événement est doublement riche,
puisque il permet d'étudier les processus d'évolution-involution
qu'il déclenche et puisque quand il ne s'agit pas d'un cataclysme
naturel, il est aussi déclenché par la dialectique
d'évolution-involution qui trame le devenir des
sociétés.
5°. Les crises constituent des sources d'une
extrême richesse pour la sociologie qui ne concentre pas toute sa mise
sur les moyennes statistiques, les échantillons représentatifs
ou les modèles structuraux de la linguistique :
a. Les crises sont des concentrés explosifs, instables,
riches des phénomènes involutifs-évolutifs qui, à
un certain degré, deviennent révolutionnaire ;
b. L'hypothèse que la crise est un
révélateur signifiant des réalités latentes et
souveraines, invisibles en temps dit normal, est heuristique par rapport
à l'hypothèse contraire qui considérerait la crise comme
épiphénoménale ;
c. Cette hypothèse est directement reliée au
postulat scientifique de Marx et Feud donnant la primauté à la
part immergée invisible (latente, inconsciente dans les deux cas,
infrastructurelle) dans l'homme et la vie sociale ;
d. La crise est, en principe, un phénomène
conflictuel et mérite d'autant plus d'intérêt si l'on
adopte le postulat Marxien-Freudien selon lequel le caractère
conflictuel est un caractère sociologique et anthropologique
essentiel ;
e. Finalement, la crise unit en elle, de façon trouble
et troublante, répulsive et attractive, le caractère accidentel
(contingent, événementiel), le caractère de
nécessité (par la mise en oeuvre des réalités les
plus profondes, les moins conscientes, les plus déterminantes) et le
caractère conflictuel.
6°. L'opposition se poursuit sur le plan de techniques et
méthodes de recherche. Saisir donc la crise sous ses trois auspices
renvoie au processus historico-déstructurant, comme processus
structurant-déstructurant, renvoie aux anthropologies fondées sur
le déséquilibre permanent (qu'on rencontre chez Marx et
Freud)7(*).
Il importe, à travers cette étude, de nous
rapprocher aux principes moriens de la Sociologie du présent.
En effet, cette thèse ne se situe pas dans un cadre
historico-descriptif, mais elle analysera plutôt un certain nombre
d'événements auréolés des moments de crises
profondes mais aussi d'espoirs et d'activités intenses
appropriées ou inappropriées agissant favorablement sur la
famille et son environnement au sein du terrain d'étude. Les
événements tels que décrits dans notre univers
démontrent qu'il a existé, au sein de cette chefferie, des
processus évolutifs : les uns pour avoir contribué à
la régression ou à la récession de certaines pratiques
sociales, les autres pour avoir provoqué du changement qualitatif et/ou
quantitatif.
Il s'agit, certes, de situations de crise qui ont
déstructuré la communauté, modifié le cours ou la
dynamique du processus de la vision sociale concertée et
orientée dans un cadre communautariste et développementaliste.
Cette déstructuration n'existe pas seulement au niveau
des acteurs, ce qui paraît important est que l'écartèlement
n'a pas été définitif, mais semble avoir incité,
inspiré un souffle nouveau, un ressaisissement, une prise de conscience,
un moment de déstructuration-restructuration qui a conduit la population
à la vigilance, à la conscience collective, à une
redéfinition des objectifs pour son maintien et celui de son
environnement.
Cet aspect lié à la Sociologie du
Présent implique que cette thèse n'envisage pas pour objet
d'exalter la fatalité d'une population rurale, mais plutôt le
goût de l'espoir qui se traduit à travers des actions
concrètes et praxéologiquement mises en oeuvre. Elle consiste,
ainsi, à relever les différents événements survenus
au sein des familles de notre univers et son environnement, leur aspect
transitionnel, leur dynamique, les faits « crisologiques
déstructurant-restructurant et structurant » en leur sein.
A l'autre versant socio-logistique, nous souscrivons aux
études des sociologues du langage tel que Kambaji wa Kambaji. Ses
travaux étayent des aspects de la praxéologie interdiscursive,
deux travaux de cet auteur demeurent déterminants dans
l'élaboration de la présente étude, ils lui fournissent
des éléments fondamentaux qui rendent possible
l'élargissement de la sociologie fondamentale à la sociologie de
la famille :
1°. « Quelques réflexions sur
les fondements épistémologiques de la connaissance sociologique.
Problèmes théoriques et perspectives » (1988).8(*)
A travers cette étude, l'auteur commence par jeter un
regard rétrospectif sur les conditions
historico-génétiques de la production de la sociologie. Il
suggère la nécessité permanente d'autopsie
épistémologique interne et externe comme garde-fou d'un
fonctionnement et développement positifs de la connaissance
sociologique. Une telle étude des possibilités et limites de la
construction ou reconstruction sociologique de la réalité
sociale puise donc son intérêt théorique et pratique dans
un double souci : d'une part, celui de retour à la
fondamentalité en Sciences de l'homme en général
et en sociologie, en particulier.
2°. « La problématique de
l'objectivité scientifique en sciences de l'homme »
L'auteur débat des problèmes de
l'objectivité en Sciences Sociales et des ruptures en
épistémologie sociologique dont la non maîtrise par le
savant entraine inévitablement la crise de ces disciplines,
hypothèque leur avenir et menace le développement de la culture
humaine.
Cette réflexion de l'auteur, axée sur la
praxéologie et l'interdiscursivité, nous appuie dans la
construction de notre objet de connaissance qui porte sur la famille en vertu
de ce qu'elle est. La famille, comme dit plus haut, est essentiellement
travail, car, réellement, la famille n'est et ne doit être, en
tout temps, en toute circonstance et en tout lieu, que travail. Elle se
définit, n'existe, ne se détermine, ne se maintient et ne
s'améliore qu'à travers le travail et son environnement. Dans ce
contexte, la famille comme tout système productif doit fonctionner sur
base de cinq règles du management, à savoir :
prévoir, organiser, commander, coordonner, contrôler.
Etant donné que le système de la famille est
multisectoriel (comportant économie, politique, éducation,
culture...), nous avons recouru, pour mieux l'appréhender aux analyses
de Michel de Coster et François Pichault en matière de
travail.
En effet, ces deux auteurs estiment que « le
travail est d'abord analysable en termes d'activités ;
c'est le sens qui vient essentiellement à l'esprit. Selon cette
dimension, le travail se définit comme une activité productive,
ou si l'on préfère, comme une activité créatrice
d'utilité économique. C'est, notamment, dans cette perspective
qu'on l'oppose au loisir qui, bien que pouvant être socialement utile, se
relève être rigoureusement improductif en ce sens qu'il ne donne
pas lieu à la création des richesses nouvelles.
Le travail est ensuite un statut : c'est une
dimension qui n'est pas sans rapport avec la précédente mais
qu'il faut bien cerner. La notion du statut ne doit pas être confondue
avec le régime juridique ou contractuel qui définit
légalement la situation du travailleur. Bien que susceptible de
s'analyser en un ensemble des droits d'obligation socialement
déterminés, le statut représente, au fond, l'aspect
normatif du rôle ou le processus d'institutionnalisation qui
façonne cet aspect.
Le travail est un espace. L'espace qui est aussi un
fait social, moins sans doute, parce que les rapports sociaux ne s'y nouent
qu'en raison du fait qu'il est, à l'instar du temps, l'objet de
représentations collectives particulières susceptibles de varier
avec les civilisations, les classes sociales et les groupes sociaux. Au
surplus, son aménagement influence les interactions des individus en
sorte qu'on peut dire avec Ledrut, que l'espace s'identifie davantage à
une manifestation de la réalité sociale qu'à sa simple
projection ».9(*)
En fait, cette étude ne s'inscrit pas dans la stricte
sociologie du travail. Mais comme nous l'avons estimé plus haut, il
n'existe pas de famille sans travail, de la même
manière qu'il n'existe pas de travail et de famille sans espace. Or, le
milieu de notre étude est un espace et
comporte des familles qui survivent grâce à leur
travail et lequel leur confère un
statut. C'est, en fait, cet espace qui constitue une
démarcation nette entre le Traité de De Coster et la
présente étude qui, elle, voudrait s'interroger sur la personne
qui vit, où elle vit, de quoi elle vit, comment elle vit, et sur ce qui
l'entoure. A ce niveau, la réflexion se propose de considérer la
Sociologie du travail comme un des couloirs d'échanges, car la famille
ne peut être étudiée sous un seul aspect mais plutôt
sous une approche pluridisciplinaire.
En effet, s'inscrivant dans une sociologie de la famille,
Edgar Morin aborde la question de l'amour et du vieillissement, car, en fait,
dans chaque famille, l'on naît, l'on grandit, l'on vieillit, l'on s'aime
ou l'on ne s'aime pas, l'on s'y sent heureux ou malheureux.
L'analyse d'Edgard Morin nous relate ce qui
suit : « l'idée du bonheur monte au
zénith des civilisations individualistes. L'effondrement des valeurs
traditionnelles et les grandes transcendances s'opèrent à son
profit. Dès que la lutte pour survivre, la contrainte ou le besoin
élémentaire s'allègent, le bonheur s'incorpore à
l'idée même de vivre ».10(*)
Et l'auteur de poursuivre par rapport à l'amour :
« l'amour est devenu thème obsessionnel de la culture de
masse ; celui-ci, le fait d'apparaitre dans des situations où il ne
devait pas être normalement impliqué influe sur tout (...). Sans
amour, on est rien du tout, dit la Goualante du pauvre Jean ».11(*)
Ce passage n'instruit pas sur les relations charnelles entre
les individus. Il a pour but de susciter un amour sincère au sein des
foyers sans lequel certains individus seraient annihilés par rapport aux
autres. Qu'il y ait amour et bonheur dans une famille, les membres ne sont pas
exempts du vieillissement. La considération d'Edgar Morin par rapport au
vieillissement est différente de celle que nous aborderons dans cette
étude. Pour cet auteur, il ne convient en rien de vieillir, il faut
demeurer jeune à jamais pour disposer de la sagesse. Par contre, dans
notre univers sémantique, c'est la vieillesse qui confère la
sagesse. Pour conquérir cette dernière, la sénescence
s'acquiert prématurément. On vieillit à trente ans, «
au lendemain de son mariage ».
Pour Edgar Morin, « le sage vieillard est devenu
le petit vieux retraité. L'homme mur est devenu croulant. Le
père déchu ou amical s'efface en un fondu au gris dans
l'imaginaire cinématographique. La femme est partout présente,
mais la mère enveloppante a disparu. Le nouveau modèle, c'est
l'homme à la recherche de la réalisation de soi, à travers
l'amour, le bien-être, la vie privée. C'est l'homme et la femme
qui ne veulent pas vieillir, qui veulent rester toujours jeunes pour toujours
s'aimer et toujours jouir du présent. Ainsi, le thème de la
jeunesse ne concerne-t-il pas seulement les jeunes, mais aussi ceux qui
vieillissent, ceux-ci ne se préparant pas à la sénescence,
mais, au contraire, luttent pour rester jeunes ».12(*) (C'est nous qui
soulignons).
Il s'observe ainsi une dialectique entre la vision de Morin
sur la jeunesse qui doit toujours caractériser les époux, les
personnes de tout âge et la considération ou l'attachement que
les personnes de notre univers réservent à la vieillesse.
Pour ce même auteur, le vieillissement n'est pas
physique mais mental et psychologique, il écarte, ainsi, le
concerné de la dynamique transformatrice. Ainsi, le vieillissement des
paysans accorderait la sagesse à ceux qui y sont parvenus. D'où,
il faut vieillir vite pour s'attirer une considération sociale
approuvée et éprouvée.
Il s'agit, donc, d'une dynamique transformatrice tant au
niveau du physique que du mental et du psychologique, le tout influant sur
l'individu social et son environnement.
S'attelant aussi sur la question de la famille, Jean
Fourastié aborde l'aspect lié au fait que la
société devient de plus en plus nombreuse. Voici
brièvement comment il s'embarque dans cette analyse :
« L'homme riche découvre des facultés et des
aptitudes nouvelles, il cherche à les satisfaire d'une manière
de plus en plus intense et de plus en plus différenciée. Pour
cela, il occupe de plus en plus d'espace et développe de plus en plus
son action physique. Or, il se trouve que, parallèlement à
l'évolution qui lui permet de développer ainsi son autonomie,
son originalité, sa prise sur le monde physique, une évolution se
produit et couvre la terre des milliards d'hommes ».
Les mécanismes de cette expansion démographique
sont simples. Dans la période traditionnelle, nos mères avaient
beaucoup d'enfants, mais la mortalité était telle qu'un nombre
élevé de ces enfants mouraient avant de parvenir au mariage. La
moitié des enfants nés étaient exclus de la reproduction,
aujourd'hui presque tous les enfants nés enfantent à leur tour,
la croissance de la population dépend de deux facteurs
mortalité-fécondité (aptitude à reproduire). La
fécondité est restée, semble-t-il, la même. Par
contre, la mortalité dans la tranche d'âges de 0 à 25 ans
est tombée de 500 pour 1000 environs à 40 pour 1000. Le
résultat, compte tenu des personnes célibataires, affiche que,
pour maintenir la population en chiffre stable, il fallait une moyenne de
l'ordre de 4.5 enfants par ménage. Aujourd'hui 2.2 suffisent. Or, nos
femmes (et nous autres hommes encore plus aisément) sont aptes à
en avoir 4 ou 5... ».13(*)
Le contexte dans lequel Fourastié aborde la question
est différent du nôtre. En son lieu et temps, bien que la
population augmente, la taille de la famille diminue sensiblement. Elle est
estimée à 2.2 enfants par famille. La mortalité est
manifestement en baisse, la natalité aussi, et donc, l'espérance
de vie s'accroît, allant jusqu'au-delà de 80 ans.
Il s'affiche, ainsi, une dialectique de lieu, de temps et
d'événements. Si la mortalité, la natalité se
réduisent sensiblement en Europe et que, corollairement
l'espérance de vie augmente, la situation n'est pas la même au
sein de notre univers. Sur le terrain d'investigations, la natalité est
très élevée de même que la mortalité,
l'espérance de vie est réduite et estimée à 45 ans,
la taille de la famille est élevée : sa moyenne est de 8
enfants par famille. Les problèmes sont multiples et liés surtout
aux besoins primaires (santé, alimentation, habillement et
scolarisation). C'est en fait une façon de dire que le monde dispose des
réalités divergentes, variant selon le temps, l'espace, les
cultures, l'environnement, les ressources, etc.
C'est dans cet entendement que Fourastié met en
opposition l'homme nouveau et l'homme traditionnel. Ce dernier semble se
retrouver au sein de notre univers sémantique si pas entièrement,
au moins en termes des survivances.
Pour l'auteur, « l'homme traditionnel ne juge pas
en fonction du passé. Au contraire, l'homme nouveau, non seulement
oublieux, mais aussi ignorant du passé, juge les contraintes
subsistantes non par rapport aux anciennes, mais par rapport à la
situation présente, à ses besoins actuels, ses désirs, ses
aspirations. Ainsi, peut-il en venir à les juger aussi durement que
l'homme traditionnel jugerait les siennes ».14(*)
Ce principe est pour Fourastié celui de
« l'importance marginale des contraintes des rationnements, lequel
est général et applicable aux besoins. Pour qu'une contrainte
soit ressentie comme contrainte ou besoin dans un domaine
considéré de satisfactions économiques ou psychologiques,
il faut et suffit que ces contraintes jugées plus dures ou les besoins
jugées plus pressantes soient satisfaits ».15(*)
L'homme dont parle Fourastié est différent de
celui dont il est question à travers cette étude. Sur un aspect
dichotomique, Fourastié considère un homme riche,
propriétaire de vastes espaces et qui développe son action
physique. Il s'agit donc d'une perception physique et dialectique de la
considération de l'homme en ce qu'il est, ce qu'il possède et ce
qu'il fait. Notre paradigme d'homme concerne un personnage pauvre,
propriétaire des espaces fort réduits et développant
très peu d'initiatives physiques et intellectuelles.
André Bruguière nous relate une situation
relative à une famille ouvrière qu'il retrouve même dans
les sociétés industrielles. Laborieuse, elle ne vit que de son
travail rationalisé.
De ce point de vue, nous réaffirmons que la famille, en
tout temps ne peut se maintenir qu'à travers le travail. Il n'y a et
n'existera point d'époques qui favoriseraient l'oisiveté des
membres des familles au profit de leur promotion. A contrario, toute
oisiveté ou passiveté familiale ne contribue qu'à son
écartèlement et sa chute. En d'autres termes, la dynamique
familiale qualitative et quantitative positive n'émane que du travail
bien fait. Et donc, la famille doit travailler, tous ses membres doivent se
mettre rationnellement au travail pour transcender ses défis, car sa
vie, son progrès, selon Bruguière, « se
déroulent dans le cadre de la famille
nucléaire »16(*) nécessitant la participation de toutes les
personnes valides.
Au-delà du travail, la famille se détermine par
ce qu'elle dit et de la façon dont elle appréhende les discours
dont elle est auditrice.
A ce sujet, Pie-Aubin Mabika17(*) nous fournit un exemple impressionnant d'analyse, de
compréhension, d'interprétation des chants au Congo. Les chants
sont des discours, ils transmettent un message qu'il faut comprendre. Cet
auteur répertorie de nombreux chants produits au Congo par les musiciens
congolais, il en donne le sens et la signification pour chaque chant.
L'importance de cette oeuvre est de considérer le chant comme un
discours qui transmet un message qu'il faut entendre à travers le
plaisir issu du son, qu'il faut ensuite interpréter et en saisir le
sens. Le chant, comme tout autre discours a une dimension praxéologique.
Il incite à l'action, à la méditation, au pragmatisme.
En effet, les habitants de Ngweshe exécutent des
chansons en des moments de joie comme en ceux de détresse et ce sont les
moments qui les différencient tant par le son, la tonalité, le
rythme, le sens et le message.
Françoise Rullier-Theuret, elle, analyse le dialogue
au sein du roman. Pour cet auteur, « le dialogue des personnages est
un simulacre du réel qui semble venir d'un hors-texte et qui conserve,
de cet ailleurs une part du mystère, l'instance narrative prend en
charge la situation, le récit qui entoure le dialogue a souvent un
rôle d'élucidation. Selon que l'auteur dissimule les factures, ou
qu'il utilise les effets de ruptures, les paroles de personnages resteront
plus ou moins « en l'air » ou intégrées
à du narratif et portées par contexte par rapport auquel elles
trouveront tout leur sens ».18(*)
Ce qu'il convient de retenir de cet auteur est qu'il ne faut
pas lire un roman d'une façon superficielle. Il faut
pénétrer les mots et en saisir le sens que leur a
conféré l'auteur. C'est pour cela qu'elle estime que la
maîtrise du sens de mots dans un roman exige une recherche de la part du
lecteur que nous considérons, ici, comme auditeur par rapport à
l'auteur qui apparaît comme locuteur. Dès lors, cette lecture a
des influences sur le lecteur : elle suscite en lui une réaction
positive ou négative. Elle produit un sens nouveau.
La langue comme la lecture contribue à
l'épanouissement du multiculturalisme. A ce sujet, Maddalena de Carlo
écrit : « La coprésence de diverses ethnies et cultures
dans les mêmes espaces n'est pas un phénomène
complètement inédit dans l'histoire mais ce qui lui
confère les caractéristique des sociétés
contemporaines, c'est la rapidité de son évolution et la
portée de son extension. Le rapport avec l'altérité est
donc devenu un sujet incontournable pour la compréhension d'un monde
où les échanges et la circulation non seulement du bien et de
capitaux, mais aussi d'individus, de groupes, d'idées, d'informations,
de projets de vie..., s'identifient de jour en jour. Pour des raisons
historiques, ce sont les USA qui ont du, les premiers, faire face à la
pluralité d'ethnies et de cultures, c'est donc en milieu nord
américain que le débat sur le multiculturalisme a vu le jour.
Andrea Sempirini remarque que cinq aspects constituent le cocktail
propre au peuplement de ce pays et permettent de cerner les
spécificités :
- la présence sur le territoire américain des
populations autochtones
- l'importance massive d'esclaves d'Afrique occidentale
- la présence, parmi les premiers colons, de groupes
religieux
- l'origine anglo-saxonne des élites
économiques et politiques
- le rôle de l'immigration dans le peuplement du
pays.
Le terme « interculturel », poursuit
l'auteur, est plus généralement en opposition à
« multiculturel » non seulement comme appartenant à
des milieux d'origine distincts, français et anglo-saxons
respectivement, mais aussi comme exprimant deux perspectives distinctes :
l'une plutôt descriptive, l'autre plus centrée sur l'action.
A ce propos, M.Abdallah-Preitcelle définit
l'interculturel comme une construction susceptible de favoriser
la compréhension des problèmes sociaux et éducatifs, en
liaison avec la diversité culturelle, tandis que le multiculturel, tout
en reconnaissant la pluralité des groupes, et se préoccupant
d'éviter l'éclatement de l'unité collective, n'a pas de
visée clairement éducative.
Les deux termes se rapporteraient donc à des
contextes différents. Si la migration des populations répond
à des exigences de survie matérielle et existentielle, les
facteurs qui ont mené à cette planétarisation des
relations humaines dépassent largement les capacités de
contrôle, non seulement des individus mais aussi des pouvoirs
locaux : l'interculturel se définit alors comme un choix
pragmatique face au multiculturalisme qui caractérise les
sociétés contemporaines.
C'est justement l'impossibilité de maintenir
séparés les groupes qui vivent en contact constant qui entraine
la nécessité de construire des modalités de
négociation et de médiation des espaces communs.
L'emploi du mot interculturel implique
nécessairement, si on attribue au préfixe
« inter » sa pleine signification, interactions,
échanges, élimination des barrières,
réciprocité et véritable solidarité.
Si au terme de culture, on reconnait toute sa valeur, cela
implique reconnaissance des valeurs, des modes de vie et des
représentations symboliques auxquelles les êtres humains, tant les
individus que les sociétés, se référent dans les
relations avec d'autres et dans la conception du monde ».19(*)
A vrai dire, les interactions, les échanges, la
solidarité, la réciprocité entre les hommes ne sont
possibles et efficaces qu'à travers le langage. C'est ainsi que la
langue dispose d'une dimension conative, elle incite à l'action. Dans
une étude portant sur la dynamique d'une communauté, saisir les
aspects discursifs parait une préoccupation indispensable en ce sens
que tout part d'une idée, laquelle, en se verbalisant et en se
matérialisant, devient une action à travers laquelle
l'individu et la communauté, se reconnaît, se définit et
s'évalue.
Ainsi, « le langage, institution majeure, dont les
structures varient lentement (la grammaire, la syntaxe, les
éléments phonétiques, etc.) s'impose dès sa
naissance au petit d'homme survenant, et conditionne la manière dont il
lira et interprétera le monde. Le survenant n'a pas de choix de la
langue qu'on va lui imposer. C'est celle de ses parents, de son milieu
d'origine. Il n'a pas davantage, au demeurant, le choix du niveau de la langue
qu'il va utiliser : la langue qu'on parle dans les milieux pauvres n'est
pas celle qu'on parle dans les milieux riches. Entre autres choses, la langue
va marquer sa position sur l'échelle des hiérarchies
sociales. »20(*)
La langue se situe toujours et strictement dans les paradigmes
sociologiques, (le paradigme qui, selon le philosophe et
historien des sciences, Thomas Kuhn, désigne un cadre de
pensée dominant au sein d'une communauté scientifique et propre
à une époque donnée).21(*)
Marc Luyckx Ghisi22(*), se basant sur les définitions de Karl Popper
et Willis Harman, estime que le paradigme est la base de la
manière de percevoir, de penser, de juger et d'agir qui est
associée à une vision particulière de la
réalité.
Le paradigme d'une civilisation détermine la
manière dont celle-ci se perçoit, dont elle voit la nature de la
réalité, la société, le monde qui l'entoure et le
but de l'existence. Les paradigmes déterminent non seulement nos
pensées, mais la manière même dont nous percevons la vie.
Lorsqu'une civilisation quitte un paradigme pour un autre, ce basculement
touche au coeur même de ces populations.
Pour cet auteur, le paradigme est la paire de lunettes
invisibles à travers lesquelles nous regardons, interprétons et
comprenons la vie. Les lunettes sont invisibles, là est la
réelle difficulté, car personne n'est conscient d'être dans
le paradigme. Par contre, parfois le paradigme d'autres personnes peut plaire
et agacer fortement. A ce jour, nous pouvons estimer que le paradigme de
démocratie des peuples occidentaux plait aux africains même si ces
derniers ont difficile à s'y conformer scrupuleusement. Nous reviendrons
un peu plus bas sur ces aspects paradigmatiques, mais disons d'abord que la
langue se base fondamentalement les paradigmes suivants23(*) :
1° Le paradigme holistique ou
de la structure selon lequel le tout ou le social est différent de ses
composantes, c'est-à-dire les individus. Malgré que la langue
soit une institution sociale et un tout, elle permet à chaque usager
d'avoir son propre parler qui lui est spécifique.
Le paradigme holistique est une émanation de
Durkheim : il tire son origine du grec (holos : qui forme un
tout). Pour lui et ceux qui se réclament de son héritage, la
société est un holon, un tout qui est supérieur
à la somme de ses parties, elle préexiste à l'individu et
les individus sont gouvernés par elle. Dans ce cadre, la
société englobe les individus et la conscience individuelle n'est
vue que comme un fragment de la conscience collective.
Selon ce point de vue, l'objet des recherches sociologiques
est le fait social, qu'il faut traiter comme une chose, sa cause
devant être cherchée dans des faits sociaux antérieurs. Le
fait social, qui fait l'objet d'une institutionnalisation, est extérieur
à l'individu et exerce une contrainte sur ce dernier. Les individus sont
donc encadrés dans des institutions, elles-mêmes
insérées dans des structures homologues les unes par rapport aux
autres. La sociologie est alors la science des invariants institutionnels dans
lesquels se situent les phénomènes observables.
A titre d'exemple, l'on dira que le mariage est un invariant
par rapport au divorce, que l'école en est un autre par rapport aux
échecs des écoliers, etc.
2° Le paradigme atomiste
Le point de vue de
Max Weber est
différent de celui d'Emile Durkheim, c'est le paradigme atomistique
qui détermine l'action sociale. Pour lui, et plus
certainement encore pour
Georg Simmel, chaque
individu est un atome social. Les atomes agissent en fonction de
motifs, intérêts, d'émotions propres et sont liés
aux autres atomes. Un système d'interactions constantes entre les atomes
produit et reproduit la société.
Selon ce point de vue, l'objet des recherches sociologiques
est l'action sociale. L'accent est porté sur la cause des
actions sociales et le sens donné par les individus à leurs
actions. On ne cherche plus des arrangements d'institutions mais un horizon de
significations qui servent de références. L'institution est
là mais elle sert les motifs et les intérêts des agents et
les enserre : c'est la « cage de fer » de la
bureaucratie.
3° Le constructivisme social
Le
constructivisme
social envisage la réalité sociale et les
phénomènes sociaux comme étant
« construits », c'est-à-dire produits et
institutionnalisés. L'émergence récente d'une analyse
sociologique fondée sur les
réseaux
sociaux suggère des pistes de recherche dépassant
l'opposition entre approche holistique et approche atomistique. De même,
la
sociologie
pragmatique a considérablement modifié les manières de
lier logiques d'enquêtes, productions de modèles et styles de
restitution des travaux.
Ainsi, on peut considérer la langue comme étant
un élément produit par la société et les individus
usagers bien que celle-ci préexiste avant l'individu social.
4° Le paradigme
normatif : la langue est un corps de règles
au même titre que d'autres institutions tels que l'Etat, la famille, le
droit, l'armée...
Au-delà des paradigmes linguistiques, la
société regroupe d'autres éléments tels que
l'imaginaire social qui regroupe partiellement les catégories
du pensé et de l'impensé sociaux. Le
pensé peut être codifié. L'impensé
peut être l'objet de ce qui pourrait par hypothèse s'apparenter
à un refoulement collectif. Du coté du pensé,
l'imaginaire irrigue les « univers symboliques » tels que
les idéologies et les religions.
Du coté de l'impensé, il se nourrit des
mythes lesquels sont des récits fabuleux d'origine populaire et non
réfléchie, dans lesquels les agents impersonnels le plus souvent
les forces de la nature, sont représentés sous forme
d'êtres personnels, dont les actions ou les aventures ont un sens
symbolique.24(*) Nous
pourrions ajouter que chaque époque a sa pensée qui lui est
spécifique et développe, ipso facto, des paradigmes qui
lui sont appropriés.
Ainsi, Marc Luycky Ghisi a établi un critérium
des paradigmes se rapportant aux époques prémoderne, moderne et
transmoderne.
Tableau n° 1. :
Comparaison entre trois paradigmes
Critères
|
Prémoderne
|
Moderne/Postmoderne
|
Transmoderne
|
1. Pouvoir
|
Vertical
|
Vertical/privé
|
Démocratique
|
2. Patriarcalité
|
Patriarcal
|
Patriarcal
|
Post patriarcal
|
3. Vérité
|
Intolérant=une vérité
|
Intolérant = une vérité, pas de
vérité
|
Tolérance
|
4. Sécularité
|
Blasphème
|
Libération
|
Repenser le lien Religion et société
|
5. Stabilité
|
Oui
|
Non : progrès
|
Non : transformation
|
7. Enchantement
|
Oui
|
Non : désenchantement
|
Oui : réenchantement
|
8. Clergé
|
Oui, pouvoir politique et religieux
|
Experts technocrates économistes
|
Pas d'intermédiaires
|
9. Science
|
Seule la théologie+Philosophie
|
Naissance des sciences
|
Redéfinition de la science et de la vie
|
10. Sacré
|
Le sacré est naturel
|
Le sacré est banni
|
Redécouverte du sacré de la vie
|
Source : M. Luyckx Ghisi, Au-delà de la
modernité, du patriarcat et du capitalisme. La
société
réenchantée, p. 51.
Commentaire :
Trois paradigmes sont présentés dans ce tableau,
et à chaque paradigme correspond des critères dont les sens et
les considérations varient selon les époques. Au sein de notre
univers, il importera de voir comment les paradigmes ont évolué.
Ont - ils été statiques ou ont-ils évolué, ou
varié selon les circonstances et les péripéties de la
vie ? Le tout fait référence à notre
préoccupation de départ selon laquelle la famille est
à la fois objet d'observation, de changement et de
continuité, ce qui lui confère ces différents
paradigmes
Disons, enfin, qu'un paradigme est le
détail d'une représentation du monde, une manière de voir
les choses, un modèle cohérent de vision du monde qui repose sur
une base définie (matrice disciplinaire, modèle théorique
ou courant de pensée...).
Selon Claude Javeau, le social brut tel qu'il se manifeste
peut se représenter de la manière suivante :
Tableau n° 2 : Le
schéma du social
|
Matériel
|
Mental
|
Niveau I
|
Pratiques courantes
|
Représentations courantes
|
Niveau II
|
Système d'actions dont : institutions
matérielles
|
Système de représentations (imaginaire
structuré) dont : idéologie
|
Source :
C. Javeau, Leçons de sociologie, p. 51.
Les différents éléments qui figurent dans
le schéma sont en constante interaction. Il serait erroné, par
exemple, de faire d'une idéologie un simple reflet d'une institution
matérielle (le militarisme comme reflet de l'armée) ou à
l'inverse, d'une institution la simple concrétisation de la
pensée marxiste-léniniste).
Enfin, Aristide Kagaragu a décrit la famille des Bashi
qu'il qualifie de « famille modèle », avec un
père responsable, une mère douce, respectueuse, fort soumise
à son mari, bonne éducatrice, bonne ménagère,
croyante, courageuse, relationnellement et culturellement
équilibrée.25(*)
Tous ces aspects et bien d'autres qu'il s'agisse des discours,
de la religion, de l'idéologie, de mythes, du pensé et de
l'impensé, le tout se réalise et ne se manifeste qu'à
travers le verbe, c'est-à-dire le discours. Les interactions sont ainsi
permanentes entre les différents locuteurs et les multiples auditeurs,
une adéquation entre ces acteurs doit être de mise pour
éviter tout mal entendu.
Ce bref parcours des ouvrages ayant traité de la
famille démontre qu'il existe d'innombrables auteurs qui se sont
penchés sur l'étude de la famille en tant que système
social, mais aucun n'abordé cette trilogie « famille-
discours et environnement » dans une
dynamique réciproque. C'est là que se situe l'originalité
de cette thèse si modeste, soit-elle. Il s'agit, pour ce fait,
d'étudier une famille en tant que locutrice et auditrice, une famille
qui lutte, et toujours confrontée à des obstacles et à son
environnement, mais qui tente de se transcender dans le but d'aller de l'avant
à travers des faits conçus et matérialisés ou
praxéologisés, c'est-à-dire, une famille
insérée dans un processus de pragmatisme et
d'autodétermination.
4.
Problématique
Dans cette lutte praxéologique de
l'autodétermination, la famille devra combattre contre elle-même,
combattre ses insuffisances, la peur en son sein et combattre les injustices
qui font que certaines familles soient aisées et d'autres
démunies par effet d'irresponsabilité politique.
A ce sujet, Jean Duvignaud écrit : « si le
soleil ne brille que pour les bourgeois (...), nous éteindrons le
soleil. »26(*)
La situation telle qu'elle est énoncée,
à travers cette étude, constitue réellement l'existence
d'un problème lequel mérite une étude particulière
imposant des solutions durables et efficaces. Gordon Mace et François
Petry définissent le problème comme étant « un
écart constaté entre une situation de départ
insatisfaisante et une situation d'arrivée, un processus de recherche
est alors entrepris afin de combler cet écart ».27(*)
Quant à Mascosth Nday wa Mande, le problème est
« un ensemble des difficultés qui s'érigent en
obstacle dans le cours normal d'une société, d'un milieu et qui
indisposent les habitants. »28(*)
Pour notre part, nous estimons que le problème, c'est
tout ce qui entrave la réalisation des objectifs qu'on s'était
assignés en lieu et temps fixés et qu'il faille anéantir
pour arriver au bout de ses objectifs.
Ces deux auteurs précités nous inspirent
l'idée d'appréhender une situation, la façon
d'apprécier son niveau de nuisance et d'en proposer un projet de remise
à niveau afin de passer de l'état d'insatisfaction à celle
plus satisfaisante.
Etant donné que notre univers de
référence demeure la Chefferie de Ngweshe et que nous nous
proposons de passer en revue ce qu'est la famille, ce qu'elle a
été et ce qu'elle deviendra en ce lieu, il sied de palper du
doigt les différentes situations et péripéties qui ont
contribué au déséquilibre de la famille et de son
environnement. Ces situations, une fois cernées, seront soumises
à des propositions de résorption, des proscriptions et des
prescriptions sociologiquement étudiées.
Il s'agit, ici, de débattre de la question sociale dans
une entité bien déterminée pour aboutir, les
possibilités le permettant, à des initiatives sociales
palliatives. Celles-ci peuvent être comprises comme étant
« toute action visant directement ou indirectement
l'adéquation des réponses données par un groupe
d'individus aux besoins reconnus comme siens et qui concerne l'innovation
sociale. Elle se définit, soit dans le choix de la souveraineté
(invention des solutions nouvelles), soit dans celui des solutions classiques
par leur adaptation à la transformation ou à la diversification
des besoins ».29(*)
La notion de question sociale a été aussi
abordée par Durkheim. Pour lui, il y a question sociale,
à partir du moment où la vie sociale ne correspond plus aux
aspirations humaines les plus profondes, ayant constaté que l'homme
aspire avant tout à l'intégration dans une
collectivité.30(*)
Ainsi, donc, la famille étant la cellule mère de
toute société et que celle-ci est toujours confrontée
à son environnement ; aborder cette question, c'est vouloir
pénétrer une question sociale bien préoccupante.
La chefferie de Ngweshe est une entité physique,
politique, économique et culturelle ; elle dispose de diverses
ressources et d'un environnement dont elle n'est pas dissociée et auquel
elle s'identifie, avec lequel elle fait corps. Elle est « une
société » en ce sens qu'elle en dispose des
éléments matériels et formels.
Sur le plan matériel, on lui reconnaît un
territoire et une population.
Sur le plan formel, la chefferie de Ngweshe englobe des
éléments tels que l'activité, la relation,
l'institutionnalité et la conscience collective.
De ce point de vue, la société peut être
définie comme un ensemble d'individus localisables, disposant de
relations entre eux, menant des actions pour leur promotion, disposant des
règles de socialisation et d'une détermination des membres
à vivre ensemble à travers une conscience collective qui
constitue le ciment de la communauté.
En tant qu'activité, toute
société dispose, en son sein, d'un certain nombre
d'activités qui lui permettent de vivre, de nourrir ses membres et se
faire prévaloir vis-à-vis des autres sociétés et
ses partenaires. Ce sont des activités telles que l'agriculture,
l'élevage, la pêche, le commerce, l'artisanat, l'industrie,
etc.
En tant que relation, tous les membres d'une
communauté sont en relations permanentes. Celles-ci peuvent être
tendres ou tendues, constructives ou destructives, mais demeurent pour autant
des relations. Elles caractérisent le système auquel elles se
réfèrent.
En tant qu'institutionnalité, toute
société n'est qu'un corps des règles, des normes qui
orientent les conduites sociales. Est bon citoyen, celui qui se conforme aux
normes socialement tracées et reconnues. La non-conformité aux
normes sociales pour un membre de la société implique une
désintégration sociale, et lorsque celle-ci se vit
manifestement, elle devient une pathologie sociale. Elle
déséquilibre partiellement ou globalement toute la
société. C'est par exemple, les cas de corruption, de violences,
de banditisme, des vols à main armée, de prostitution bien que
celle-ci soit considérée par certains comme étant une
soupape de sécurité et de rééquilibrage
individuel.
En tant que conscience collective, la
société n'existe et ne se maintient que de par la conscience
collective qui doit caractériser ses membres. C'est à travers
elle que les membres de la société ou de la communauté
s'en reconnaissent membres et s'en sentent fiers. La conscience collective se
traduit par la fierté sociale la communautaire. Si je suis fier
d'être congolais, cela veut dire que je suis conscient de l'être,
que je respecte et aime ma nation, que je travaille pour son progrès,
pour les générations actuelles et futures. La conscience
collective n'est pas un acquis, elle se construit du jour au jour. C'est le
fruit, la conséquence logique de la socialisation et de
l'intégration.
François Dubet estime que « la
société existe, qu'elle apparaît comme un ensemble
objectivement intégré des fonctions, de valeurs, voire des
conflits centraux. Elle est en même temps moderne et, incarnée
dans le cadre d'un Etat-nation, c'est un personnage et un ensemble réel.
La société existe aussi parce qu'elle produit des individus qui
en intériorisent les valeurs et en réalisent les diverses
fonctions ».31(*)
Toute communauté, à travers son parcours
traverse de bons et de difficiles moments de vie, c'est ce que François
Dubet appelle des conflits centraux qui, en fait, déterminent l'histoire
et la dynamique de la communauté. Edgar Morin a procédé
à la théorisation de la crise qu'il envisage « comme une
conséquence de surcharge ou double bind. (...).
La crise apparaît comme une absence de solution
(phénomène de dérèglement et de
désorganisation) pouvant du coup susciter une solution nouvelle, une
régulation, une transformation évolutive ».32(*)
La vision marxiste et freudienne ne considère pas la
crise comme un état de fatalité ou de désespoir. Ces deux
conceptions démontrent que la crise peut être à la fois un
« révélateur et un effecteur ». La crise
peut révéler ce qui est caché, latent, virtuel. La crise,
en tant qu' « effecteur » met en marche, ne serait-ce qu'un
moment, tout ce qui peut apporter changement, transformation et
évolution.33(*)
Au - delà de toutes ces variantes de crise sociale,
déséquilibre, question sociale, malaise, problème
social, mutation, la chefferie de Ngweshe a mené son parcours à
travers de tels genres de phénomènes et a pu subsister contre
vents et marées à travers et avec son environnement victime
d'autant de vicissitudes. Dans cette dynamique, certains défis ont
été répertoriés comme menaçants le
système social global et microcosmique, c'est-à-dire, se situant
tant au niveau individuel, familial, communautaire, national, continental que
mondial. Il s'avère ainsi qu'aucune communauté humaine
n'évolue en dehors des problèmes, lesquels disposent d'une
propension d'affecter, de près ou de loin, les entités
voisines. Bien que toujours existants et menaçants, il faut à
tout moment rechercher comme atténuer les problèmes et leurs
effets sur les populations en proposant des solutions appropriées,
efficaces et durables.
A ce sujet, Mendoze et ses collaborateurs ont pu relever vingt
défis pour le troisième millénaire : il s'agit du
défi de la vie, de mentalité, de l'enfant, de l'école,
de la famille, de la société, de la femme, de
l'identité, de la monnaie, de la mondialisation, de l'environnement, de
la ruralité, de la ville, de la science et de la technologie, du droit,
de la politique, de la religion, de la langue, de la communication, de la paix
et de la solidarité.34(*)
A la prise de connaissance de tous ces défis, il appert
de savoir que la vie n'est pas rose au sein de notre univers de
référence. Des problèmes d'ordre alimentaire, sanitaire et
ceux liés au logement, le problème d'ordre vestimentaire,
démographique, sécuritaire et bien d'autres défis se
posent avec acuité dans la chefferie de Ngweshe et marquent le cours de
son histoire. Il est important de souligner que ces problèmes multiples
et diversifiés ne datent pas d'aujourd'hui. Ils avaient existé
bien avant, mais ils ont été exacerbés avec les
récentes guerres de 1996, 1998, 2000 et l'insécurité
permanente et croissante à l'Est de la RD Congo qui a été
l'une des conséquences majeures ayant résulté de ces
guerres. Au cours des années de paix troublée, Ngweshe a
été un véritable champ de bataille, tout a
été susceptible ou victime de destruction : hommes, cheptel,
faune, institutions sociales, sol et sous-sol..., rien n'a été
épargné. Les groupements de Kaniola, Mulamba, Tubimbi, Burhale,
Mushinga, Lubona, Luchiga, Nduba, Irongon, Karhongo et Walungu (soit 11 sur 16)
ont été plus séquestrés, sinistrés,
endeuillés, pillés, violentés plus que d'autres pendant
cette période de belligérance.
Il y a eu, au cours de cette période de troubles, des
déplacements massifs des populations, des massacres, des viols, des
violences sexuelles les plus odieuses, des extorsions, des pillages du
bétail, des récoltes, des cultures, des incendies des villages
entiers et des déportations des hommes, des femmes et enfants dans la
foret. Des chefs coutumiers, symbole de la cohésion sociale, les leaders
locaux furent tués et d'autres mis en fuite ou portés captifs.
Dès lors, « la communauté » s'est
trouvée écartelée, essoufflée, exsangue. Il s'est
affiché tout simplement une occasion de déséquilibre
social, de désintégration sociale apparente et réelle. Il
y a eu des éléments liés à l'intégration
sociale qui ont fait défaut.
Pour J. Fromont, les individus sont intégrés
dans leur milieu par les liens chronologiques (espace
vital), trophiques (alimentaire) et
génétique (hérédité). Les
individus sont, ensuite, intégrés dans leur milieu par le
processus neurophysiologique de perception sensorielle :
reflexostructurel, reflexogénétique,
réflexologique.35(*)
C'est à travers cet état de choses, bien que
décrit sommairement qu'a pu évoluer la Chefferie de Ngweshe en
ces dix dernières années. Qu'il s'agisse d'un contexte
méso ou macrosociologique, il sied de reconnaître que la RDC a
connu, depuis son indépendance, des tumultes, des guerres, des
rebellions, un pouvoir dictatorial lassant, une mauvaise gestion de la chose
publique et de l'environnement, l'irresponsabilité des gouvernants, la
prédation au sein de l'administration publique, une armée non
suffisamment engagée au service du peuple. Ce sont là quelques
caractéristiques saillantes de la RDC depuis ses 50 ans
d'indépendance. Ce qui se vit en RDC se retrouve dans d'autres pays
africains et, c'est le cas de le dire, ici, cette situations se
répercute sur les entités « primaires ».
A ce sujet, Samuel Solvit, menant une réflexion sur la
RDC, déclare : « depuis sa création en 1885, la
RDC est en proie à des situations difficiles quasi permanentes. Du
caoutchouc dans les années 1890 - 1900 au coltan-cassitérite,
à l'or ou au pétrole dans les années 2000 en passant par
le cuivre, l'uranium ou le diamant dans les années 1960, ces ressources
sont au coeur des conflits congolais évoluant avec les besoins, les
acteurs et les enjeux internationaux. Abondantes, centrales pour
l'économie du pays, les ressources naturelles jouent un rôle
très particulier dans ces conflits. D'où la RDC connaît de
nombreux surnoms : deux d'entre eux sont particulièrement
évocateurs : le scandale géologique et la
gâchette de l'Afrique. L'un a été donné
par les colonisateurs belges et l'autre par l'écrivain Frantz Fanon.
»36(*)
Elargissant le champ d'étude, Jean Pierre Biyiti bi
Essam estime que le continent africain aborde les rivages du troisième
millénaire de façon qu'on croie qu'un mauvais sort lui aurait
été jeté. Et à René Dupont de
renchérir que l'Afrique était mal partie, elle est en panne,
bloquée, elle est en rade au bord du chemin, seule, tout à fait
seule, étranglée.37(*)
La situation telle que présentée ici par ces
auteurs se retrouve dans un cadre macrosociologique africain. Elle
s'étend sur les niveaux méso et microsociologique. La Chefferie
de Ngweshe, cet espace mésosociologique, n'a pas été
épargnée de cette réalité tumultueuse. Elle incarne
aussi le vécu quotidien africain. Toutefois, nous ne perdrons pas de
vue que Ngweshe dispose de ses spécificités qui la
démarquent des autres contrées de l'Afrique, de la RDC et la
Province du Sud-Kivu en termes d'actions. Il faut strier ces
spécificités comme sociologue et se démarquer de la
pensée que peut en disposer un homme de la rue.
Pour Claude Dubar, « l'homme de la rue ne soucie
pas d'habitude de ce qu'est le réel, pour lui et pour ce qu'il
connait, tout apparait comme réel, à moins qu'il ne soit
arrêté tout net par un problème quelconque, il
considère sa « réalité » et sa
« connaissance » comme acquises. Le sociologue ne peut agir
ainsi à cause de sa conscience systématique du fait que l'homme
de la rue considère comme pré-données des
réalités très différentes d'une
société à autre. »38(*)
Etant donné qu'il faut étudier scientifiquement
les actions et les discours ayant caractérisé la chefferie dans
son parcours, disons que dans la perspective parsonienne, l'action se situe
dans quatre contextes :
- le contexte biologique, celui de l'organisme
neurophysiologique, avec ses besoins et ses exigences ;
- le contexte psychique, qui est celui de la
personnalité étudiée par la psychologie ;
- le contexte social, celui des interactions entre les acteurs
et les groupes, étudié surtout par la sociologie ;
- le contexte culturel, celui des normes, modèles,
valeurs, idéologies et connaissances que l'anthropologie a
particulièrement étudié.
Toute action concrète est toujours globale,
« molaire », c.à.d. qu'elle s'inscrit dans les
quatre contextes à la fois et résulte toujours d'une interaction
de forces ou d'influences provenant de chacun d'eux, (...), chacune des
« sciences de l'homme » doit, donc, toujours
considérer le contexte ou le secteur spécialisé qu'elle
approfondit par rapport à ce que Parsons appelle «
le cadre de référence de l'action »,
parce que celui-ci est à la fois le plus général et le
seul qui soit théoriquement et empiriquement valide. Le cadre de
référence de l'action est donc le terrain commun sur lequel se
rejoignent toutes les sciences de l'homme.39(*)
A travers cette thèse, notre attention devra se
focaliser sur divers aspects, notamment :
- celui de considérer la famille de Ngweshe comme un
cadre de référence de l'action et de dynamique sociale ;
- celui de prendre en compte son environnement ; statuer
sur son état, sa gestion, son niveau de dégradation et les
mécanismes de sa remise à niveau et son maintien ;
- celui d'évaluer les actions menées, les
discours produits en son sein et en dehors d'elle ; identifier les
discours et les actions ont été plus déterminants dans son
parcours transitionnel ;
- envisager des mécanismes praxéologique de
transformation durable, en tenant compte des expériences sociales dont
disposent les communautés.
En effet, « l'expérience sociale est une
activité cognitive, c'est une manière de construire le
réel et surtout de le vérifier, de l'expérimenter, ...,
c'est une façon de construire le monde. La notion de l'expérience
n'a de sens et d'utilité que si l'action est totalement
socialisée. Quand les acteurs sont socialement dominés, l'exit
devient une alternative abstraite. Un acteur
« hypo-social » est soumis à des lois aussi bien que
son rival « hyper-socialisé ».
L'objet d'une sociologie de l'expérience est la
subjectivité des acteurs. Cette sociologie compréhensive exige
le double refus de la stratégie du soupçon et de la
naïveté, de l'image d'un acteur totalement aveugle ou totalement
clairvoyant.
Donc, il faut par ce plan-là, suivre des postulats
d'une sociologie phénoménologique étant donné qu'il
n'est pas de conduites sociales qui ne cessent de s'expliquer, de se justifier,
y compris parfois pour dire que les conduites sont automatiques ou
traditionnelles, qu'elles sont ce qu'elles sont parce que c'est ainsi qu'elles
doivent être.
L'expérience sociale n'est ni une éponge ni un
flux de sentiments et d'émotions, elle n'est pas l'expression d'un
être ou pur sujet, car elle est socialement construite.
L'expérience sociale appelle un code cognitif désignant les
choses et les sentiments, identifiant des objets en puisant dans le stock
culturel disponible.40(*)
Un questionnement s'avère nécessaire en vertu
des aspects liés aux actions, aux discours, à l'expérience
sociale de la famille de Ngweshe et son environnement.
- Au regard de la nature des aspects praxéologiques et
discursifs qui ont caractérisé la famille de Ngweshe dans sa
dynamique permanente et évolutive, quelles mesures à
caractère prospectiviste sont-elles envisageables pour son
équilibre et celui de son environnement ?
- Que faire pour que ces mesures s'inscrivent dans un contexte
molaire (physique, psychologique, social et culturel) et durable ?
5.
Thèse et Hypothèses
Hypothèses de travail
Les réponses à ces questions nous fourniront des
fils conducteurs, des conjectures ou des hypothèses de cette recherche.
Celles-ci seront déterminées sur base des principes fondamentaux
de la science :
- Le premier principe se résume par la
célèbre phrase d'Albert Einstein : « Dieu ne joue
pas aux dés avec l'univers », autrement dit, les
phénomènes tant physiques que sociaux ne se produisent pas au
hasard : l'univers est cohérent et obéit aux
règles :
- Le deuxième principe affirme que l'être humain
a le pouvoir de comprendre l'univers physique comme l'univers social. Pour la
plupart des croyants, seul le créateur possède l'intelligence
toute puissante permettant d'appréhender les mystères de
l'univers ;
- Le troisième principe établit que les
explications scientifiques des phénomènes ne doivent pas se
contredire, (...), si l'univers est cohérent, les explications que nous
donnons de son fonctionnement doivent l'être aussi ;
- Le quatrième principe est celui de la
nécessité de procéder à l'examen minutieux de
diverses manifestations d'un phénomène, ce principe fait
référence à ce qu'on appelle « la base
empirique de la science » ;
- Le cinquième principe est la foi dans la
raison.41(*)
D'une part, c'est sur base de ces cinq principes scientifiques
que se construisent et se vérifieront les hypothèses de travail,
lesquelles paraissent comme une notion devant à tout moment être
falsifiables. D'autre part, la conception de Merton, cité par Grawitz et
Pinto, selon laquelle « toute recherche suscite, répond,
réoriente et clarifie les concepts », assigne à tout
chercheur à se faire une proposition qui anticipe une relation entre
deux termes qui, selon le cas peuvent être des concepts ou des
phénomènes.42(*)
En tout état de cause, nos hypothèses de travail
découlent naturellement de ce questionnement mais se rapportent en
même temps sur ces cinq principes scientifiques. Il importe de souligner
qu'en testant ces hypothèses, nous prendrons en compte le fait que
« famille et environnement » sont des systèmes
qui évoluent au sein l'unique activité humaine et non divine et,
de ce fait, seules les données empiriques peuvent orienter notre
démarche.
Ainsi, nous retiendrons provisoirement que :
1. Les aspects praxéologiques et discursifs,
à travers la famille de Ngweshe, à ce jour, seraient de nature
à ne pas favoriser sa dynamique dans une vision évolutive, de
changement qualitatif et quantitatif ; au regard d'une telle nature,
certaines mesures devraient être envisagées pour son
équilibre et celui de son environnement.;
2. Ces mesures ne peuvent être fiables et durables
que si et seulement si elles s'inscrivent dans une dynamique interne,
rationnelle et concertée à la base, ce qui amènerait la
chefferie vers un développement durable.
Thèse
Dans sa dynamique, une famille qui n'est pas au centre
permanent d'études d'actions de changement n'est pas en ordre avec
elle- même et avec son environnement. Elle ne peut pas, au niveau
interne, produire des discours praxéologiques et rationnels. Elle se
rend incapable de savoir analyser et appréhender les discours externes.
La gestion durable d'elle-même et de son environnement est par
conséquent compromise.
La thèse est, par définition, une position
qu'on a, et, défend par rapport à une situation, un
phénomène ou même une idée afin d'éclairer
l'opinion sur des aspects qui pourraient prêter à confusion.
Cette thèse sera, ainsi, axée sur des positions fondamentale et
subsidiaires :
- Position fondamentale
La famille demeure une unité sociale
structurée et hiérarchisée. Elle évolue
positivement ou négativement de par son travail, son dynamisme, les
aléas de la vie et à travers son environnement. Elle produit des
discours et en consomme d'autres. C'est une unité sociale
praxéologique, socialisante et intégratrice. Elle doit plus viser
à s'autonomiser qu'à dépendre de qui que ce soit en vue
d'être une véritable actrice de développement et
conservatrice de l'environnement.
Nous reconnaissons, cependant, qu'aucune étude
de ce genre, qui articule discours et praxis, ne peut se
prévaloir d'aucun mérite si elle n'est fondée sur des
principes épistémologiques scientifiquement avérés.
a) Position subsidiaire
Les discours et les actions constituent des enjeux
à maîtriser sociologiquement pour parvenir à une
transformation des déséquilibres dont la famille est victime
malgré les multiples interventions des organisations non
gouvernementales avant, pendant et après les conflits qui ont
sévi la chefferie.
La famille, considérée comme champ
d'historicité, devra être porteuse du
« sujet »43(*) et du « capital » susceptibles de
conduire à une dynamique de transformation efficace, durable et de
gestion rationnelle, familiale et environnementale. La sociologie de
l'autodétermination devra être un mécanisme de recherche
des acquis déterminants de l'équilibre familial au sein de cet
univers.
Enfin, nous retiendrons que l'Epistémologie est,
et demeurera, pour le scientifique ce que le niveau d'eau est au
maçon, c'est grâce à ce petit outil que le maçon se
rassure parfaitement de la droiture du mur en chantier. Plus le mur est droit
plus il est apprécié et plus il résistera aux
intempéries et secousses internes et extérieures.
6. La méthode
Notre cheminement, à travers cette recherche, a
été guidée par la Méthode
praxéo-interdiscursive de Kambaji Wa Kambaji. Cette méthode,
bien que devant apparaître à travers tout le travail, devra
être élucidée dans le troisième chapitre axé
sur les fondements épistémologiques qui abordent méthode,
théories, concepts et ruptures.
Le choix de cette méthode se justifie par le fait
qu'elle demeure la voie pouvant permettre d'analyser avec cohérence les
actions et les discours qui se sont produits à Ngweshe surtout pendant
et après les périodes de tumulte qu'a connues la chefferie. Or,
il va sans dire que toute communauté agissante ne s'émeut et ne
se confirme qu'à travers ce qu'elle réalise, ce qu'elle dit et
la manière dont elle appréhende ce qu'elle entend,
c'est-à-dire ce qu'on lui relate en termes des discours.
En effet, la praxéologie interdiscursive nous permettra
de passer en revue les actions, certains discours qui se sont produits au sein
de notre univers, de jauger la capacité des locuteurs, des auditeurs et
de la société-histoire, analyser la transmutation
créatrice de l'énergie conscientielle concentrée,
identifier les problèmes majeurs au sein de l'entité et proposer
une thérapie sociologique schématisée,
systématisée, appropriée, efficace et durable.
7.
Délimitation spatio-temporelle et typologique
Sur le plan spatial, cette recherche est axée sur la
chefferie de Ngweshe, une entité qui a connu beaucoup de perturbations
d'ordre politique, économique et culturel émaillées des
situations de guerres et de conflits divers. Elle mérite une attention
particulière dans son parcours et sa dynamique sur les plans
géographique, humain, sociologique, culturel, historique et
politique
De ce point de vue, Ngweshe est un territoire vaste
disposant d'une population qui lui est reconnue et estimée à plus
de 600 000 habitants, diverses interactions se sont tissées en
son sein développant ainsi des réseaux des relations intenses et
durables, tantôt du genre irénique, tantôt du genre
agonistique (tendre, pacifiste ou conflictuel, le conflit étant
inhérent à tout milieu de vie). Les communautés de Ngweshe
disposent de leurs cultures, ses diverses manières d'être, de
penser et d'agir qui leur sont spécifiques bien que devant être
situées principalement dans la pensée bashi et même bantou.
L'histoire de Ngweshe est riche et variée de beaucoup de
péripéties : un peuple brave, travailleur, rationnel avec
des rois dynamiques qui ont fait l'honneur de ce peuple et surtout la digne et
brave femme M'Naluganda qui a dirigé la chefferie depuis 1960 jusqu'en
1992 pendant que son fils Pierre Ndatabaye était aux études ou
en dehors de la chefferie. Elle a administré la chefferie avec
compétence, maîtrise et responsabilité. Paix à son
âme.
Sur le plan temporel, ce travail, du fait, en partie, de
vouloir aborder l'aspect transitionnel de la famille, fait usage d'une approche
historique qui irait dans un profond lointain de la vie de cette entité.
Toutefois, les éléments les plus marquants sont ceux qui
concernent la période ayant couru depuis 1994, année à
partir de laquelle, la chefferie a connu des perturbations dans tous les
domaines même au sein de son environnement physique. Elle a connu des
troubles internes et externes qui ont abouti à une opération
« chasse aux sorciers » : tous ceux qui étaient
connus ou supposés sorciers ont été tragiquement
tués, leurs cases incendiées et leurs biens emportés. A ce
phénomène succédèrent, immédiatement,
à partir de 1996 des guerres, des constitutions de plusieurs groupes
armés, des massacres odieux, des viols massifs, des déportations
des populations en forêts et un exode rural impressionnant. A partir de
2010, une autre forme de banditisme a vu le jour ; c'est le
phénomène « kabanga » qui consiste à
étrangler clandestinement une personne par une corde. Il semble que
cette corde avec laquelle le bourreau réalise son forfait dispose d'un
pouvoir magique. Le bourreau a plus donc besoin de la corde que de la victime.
Il s'agit là d'un phénomène sur lequel il conviendra
d'attirer de l'attention pour mieux le comprendre.
Sur le plan typologique, cette recherche, sans
s'écarter de fondements épistémologiques, aborde les
aspects liés à la famille, au discours, au développement
et à l'environnement. Ces domaines sont importants pour tout acteur
social. La famille est un cadre de vie d'une grande importance. Elle assure
à l'individu la socialisation primaire qui contribue efficacement au
développement physique, psychologique, moral de l'individu qui en est
issu. La famille tend à tout moment à améliorer son
bien-être pour accéder au mieux-être. Ce passage voulu
à tout moment et peut-être non atteint ou atteint selon les
milieux, est appelé, ici, développement. Nous retiendrons
cependant que chaque famille vit dans un environnement qu'il influence et dont
il dépend fondamentalement. Ces considérations sont
générales, positives et idéales.
A ce jour, la famille dispose d'une autre perception
négative, notamment chez les marxistes qui estiment que la famille n'est
pas un cadre d'harmonie pour plusieurs raisons : elle anéantit la
liberté de ses membres, elle est souvent un cadre des tensions entre
les conjoints, entre les parents et leurs enfants, et entre les enfants
eux-mêmes. Ce sont des défis qu'il convient de relever.
Enfin, nous estimons que cette thèse, bien
qu'axée sur des systèmes sociaux tels que la famille, le langage
et l'environnement, s'inscrit en même temps dans la Sociologie
fondamentale du fait que la Sociologie du discours et la Praxéologie
interdiscursive sont des élargissements à la Sociologie
fondamentale. Elle s'oriente vers la sociologie du discours, la sociologie de
la famille, la sociologie du changement ou du développement, de
l'environnement et de la continuité.
8. Difficultés rencontrées
Elles étaient liées surtout à
l'immensité de l'espace de la recherche, aux ressources
financières et aux circonstances sociales et familiales inattendues et
imprévues. Nous avons fournis des efforts énormes pour
transcender tous ces aléas en appliquant la Loi Mascosth
du cours d'eau. En effet, le cours d'eau coule toujours de
l'amont en aval et rien ne l'arrête dans son parcours, il s'attaque et
traverse même des digues les plus solidement érigées.
La maladie qui conduisit, prématurément,
à la mort, notre Promoteur du Mémoire du mémoire de D.E.S
et avec qui nous avons construit l'architecture de cette thèse, est une
phase fort parlante dans la rédaction de cette oeuvre.
Nous ne cesserons jamais de clamer notre reconnaissance au
Professeur Kazadi Kimbu Timothée qui a pallié,
spontanément, à cette disparition fort tragique en conduisant
cette thèse jusqu'en son terme.
9. Structure de la thèse
Trois parties, en sept chapitres, composent cette
thèse.
La première partie comprend trois
chapitres :
Le premier chapitre explique le cadre
théorique en abordant les notions liées au système social,
la famille et le langage.
Le deuxième chapitre s'attelle
à considérer le Sociologie comme une science de l'action :
il se penche sur la présentation de la Sociologie praxéologique,
l'Actionnalisme d'Alain Touraine, les Théories du changement social,
l'Economie du développement et la notion de l'environnement.
Le troisième chapitre affiche le cadre
méthodologique : il présente la méthode
praxéo-interdiscursive avec tout son protocole descriptif, il
étale les techniques qui ont servi dans la récolte et dans
l'analyse de traitement des données, les problèmes
épistémologiques, les couloirs d'échange, l'approche
praxéo- configurationnelle ainsi que les limites de la
méthode.
La deuxième partie, est une
présentation et une interprétation des résultats. Elle
décrit et analyse des aspects morphologiques du milieu d'étude,
évalue à travers des analyses, les ressources. Elle
établit et interprète une typologie des familles de la chefferie.
Elle comprend deux chapitres.
Le chapitre quatrième décrit la
morphologie de l'univers à travers les milieux physique, humain,
économique, historique, culturel...
Le cinquième chapitre analyse les
ressources et établit une typologie des familles selon leurs actions et
croyances, selon leurs propriétés et selon leurs modes de
production ;
La troisième partie est
complémentaire à la précédente : c'est celle
de l'interdiscursivité praxéologique et l'essai de l'implantation
des principes locaux de stabilité familiale et environnementale. Elle
comprend deux chapitres.
Le sixième chapitre aborde, à
travers des analyses, la question des discours et des actions menées,
leur pertinence sur le terrain, les faits envisageables et la façon de
les matérialiser. C'est ici qu'est présentée l'Approche
participo-praxéo dynamique, avec son principe directeur de
l'unanimité participative rationnelle, comme voie de la
stabilité familiale.
Le septième chapitre, dans son
inventivité, analyse cinq principes sur lesquels peut reposer la
stabilité des familles de Ngweshe et son environnement. Il se
clôture par une analyse évaluative et des prospectives
d'avenir.
Toute la thèse dispose d'une introduction et d'une
conclusion générales.
Première partie
BALISAGE EPISTEMOLOGIQUE
INTRODUCTION
Cette partie, à travers deux chapitres se consacre
à fournier un éclairage épistémologique,
méthodologique et théorico-conceptuel.
En effet, l'Epistémologie est définie comme
étant la Science des Sciences ; elle table sur la validité,
la légitimité, la cohérence et l'acceptabilité des
produits scientifiques. A travers les aspects épistémologiques
minutieusement respectés par l'auteur, l'oeuvre scientifique acquiert
un équilibre entre tous les éléments dont il est
constitué, à savoir ; l'objet réel, l'objet de
connaissance et le langage. Ces éléments apparaissent dans un
triangle épistémologique dont l'adéquation entre eux
confère à l'oeuvre son caractère scientifique
indéniable. Ce triangle se présente comme suit :
Schéma n° 1 : Le triangle
épistémologique
L
Légende :
b a
L : langage
OC : objet de connaissance
OC
OR OR : objet réel
c
(a) ; (b) ; (c) : degré
d'adéquation
Source : NDAY WA MANDE, Mémento des
méthodes de recherche en sciences sociales, 1ère
partie, Collection Livre, Lubumbashi, Edition du Cresa, 2004, p. 25.
Une oeuvre scientifique n'est
épistémologiquement correcte que si et seulement si il existe,
dans cette oeuvre, une adéquation entre l'objet réel, l'objet de
la connaissance et le langage dans lequel cet objet de connaissance est
traduit. Il sied de faire remarquer que malgré l'adéquation
devant exister entre l'OC et l'OR, cela n'enlève en rien
l'irréductibilité entre les deux objets. L'OC est
irréductible à l'OR.
Au- delà du triangle épistémologique,
certains principes doivent être respectés dans la collecte des
données, notamment :
- Le principe de la concentration exigeant qu'un
phénomène social ne s'étudie que là où il
est concentré ;
- Le principe du plus ample informé : le
chercheur ne pourra se fier qu'à un enquêté supposé
disposer des données fiables. On devra aussi tenir compte des
problèmes relatifs au questionnaire et à l'entretien : il
s'agit de la compétence, la sincérité, la
fidélité des répondants et de la
compréhension sémantiques des questions
elles-mêmes.
- Le principe de négligeabilité :
toutes les données reçues par le chercheur ne doivent pas
être prises en compte. Ces données doivent être
recoupées, triées pour ne retenir que celles conformes aux
objectifs que le chercheur s'est fixés.
Quant à la méthodologie, elle comprend
méthode, approche et techniques. La méthode est la voie
intellectuelle qui oriente l'analyse dans la recherche. L'approche est une
façon de voir les choses, d'appréhender un
phénomène. Les techniques sont des outils au service de la
méthode. On en distinguera dans cette thèse, celles de collecte
des données et celles de traitement et d'analyse de contenu.
La méthode est sous-tendue par les théories et
les concepts. Etant donné que la famille est essentiellement «
travail, discours, changement et continuité »,
qu'elle est actrice dans le développement, et du fait qu'elle
s'identifie par rapport à un environnement, des théories
relatives à tous ces aspects ont été abordées pour
justifier ainsi l'interaction, l'interdépendance et la
complémentarité entre la famille et tous ces aspects, qui de ce
fait, constituent les concepts opératoires dans cette thèse.
Ainsi, cette partie est constituée de trois chapitres
qui seront abordés l'un après l'autre : le cadre
théorique, la sociologie à travers l'action et la
méthodologie.
Chapitre premier
CADRE THEORIQUE
INTRODUCTION
De lignes thématiques de ce chapitre, il se
dégage qu'il sera abordé successivement des aspects d'ordre
théorique qui sous-tendent cette thèse. Les théories
sociologiques sont des cadres théoriques complexes. Les sociologues les
emploient pour expliquer et pour analyser différemment comment l'action
sociale, les processus sociaux et les structures sociales fonctionnent.
On les appelle parfois les théories sociales bien que
la limite postérieure se rapporte généralement à la
théorie interdisciplinaire. En cherchant à comprendre la
société, les sociologues emploient la théorie sociologique
et les théories sociales interdisciplinaires pour organiser la recherche
sociale.
Considérant la diversité
d'éléments que contient le thème de famille, il importe de
signaler que la famille, en tant que système social ne peut être
abordée sous un seul aspect, son appréhension et sa
compréhension exige une réflexion axée sur ses fonctions,
aux actions produites en son sein, au langage usagé, à la
culture, etc.
Cependant, à travers cette étude, la famille
sera considérée à la fois comme une structure sociale et
comme un groupe social qui travaille, s'émeut, initie et innove des
actions en son sein et qui est auditrice et locutrice. C'est donc une vision
hétérogène qui nous amène à une
théorisation plurielle.
Cette étude est conçue sur base des paradigmes
de famille nucléaire et celui de l'action collective44(*) lesquels incitent à
l'action en vue d'appuyer la famille dans la transcendance de ses
faiblesses et la communauté de Ngweshe à parfaire son
historicité, la capacité de se promouvoir intégralement
à travers un environnement sain et équilibré. De ce
point de vue, les théories d'appui seront celles du système
social parce que la famille en est véritablement un, de la famille, la
praxéologie du langage, du développement et de l'environnement.
Mais pourquoi tant de théories ? A première vue, il
apparaît comme si on présentait toute une panoplie de
théories encombrantes. Non, du fait que la famille, en tant que
système social, toujours confrontée à plusieurs
sévices, vise à se parfaire, recherche continuellement son
équilibre à travers son travail, le discours et son
environnement, son étude ne peut être que multisectorielle ou
mieux encore pluridisciplinaire.
C'est pourquoi il est malaisé de parler de la famille
sans aborder les notions de système, de langage, du
développement et de l'environnement dont elle dépend. Il
s'opère bien d'interactions permanentes entre ces systèmes qu'il
s'est avéré important de leur trouver, dans cette thèse,
une certaine associativité trasnsciplinaire.
1.1. NOTION DE SYSTEME SOCIAL
Il convient de comprendre un système social à la
fois comme un agencement des parties en relation d'interdépendance
mutuelle et comme un lieu de convergence des forces capables d'engendrer, au
sein de cet agencement, des changements. Ces changements se manifestent en
événements qui constituent les points de repères des
« itinéraires » de l'histoire. Il est évident
que ces forces ne sont pas toutes endogènes au système lui-
même. Des facteurs exogènes, tels que le climat, les
séismes, les migrations animales, etc., jouent un rôle souvent
considérable dans l'évolution des sociétés
humaines. Il en va de même des facteurs qui relèvent de
l'organisation biologique des êtres humains, comme le vieillissement, la
capacité de reproduction, la plus ou moins grande résistance aux
épidémies.
La société est donc composée des
sous-systèmes à la fois autonomes et interdépendants. Les
sous-systèmes sociaux (comme le droit, la politique, l'économie)
se constituent comme des instances « auto
poïétiques », c'est-à-dire qui se
génèrent elles-mêmes, par un principe
d'auto-organisation.
A
B
C
D
1.2. THEORIES DE LA FAMILLE
Ce chapitre s'annonce très complexe, il aborde des
aspects liés à la théorie de la famille, aux
concepts-clés de cette étude, à la dynamique familiale
à travers ses propres actions et la façon dont elle gère
son environnement. Nous estimons que la socianalyse comme sociologie des mains
sales et des pieds nus est cette dimension physique et intellectuelle de
l'homme qui l'embarque dans des actions praxéologiques, transformatrices
et progressistes. En effet, la famille comme groupe social doit se heurter
à des problèmes inhérents à son existence. Mais
elle ne doit pas se laisser sombrer pour autant que les difficultés
persistent. Elle doit développer des mécanismes de transcender
le défi. Ces mécanismes se retrouvent à travers des
tactiques et stratégies prises singulièrement ou
communautairement pour faire face au défi.
C'est par ici que tout membre valisde d'une famille doit
comprendre et retenir que la vie n'est pas une fatalité. Elle est plus
ce que nous voulons qu'elle soit que ce que nous pensons qu'elle est. Elle
est une lutte permanente, raisonnée, méthodique et
orientée vers des buts. Et de ce point de vue, les personnes qui
dirigent les familles doivent être déterminées à se
dépasser.
A ce sujet, Passou Lundula estime qu' «
être homme, c'est poser un contre regard sur la société,
sur son environnement, sur le monde..., c'est savoir rester fidèle aux
principes de l'éthique humaine..., c'est savoir se faire
soi-même,..., c'est être lucide..., c'est savoir se
détacher du troupeau pour suivre sa propre voie sans se
préoccuper des qu'en dira-t-on, ..., c'est être capable de faire
un choix... c'est savoir dire non à toute situation qui ne cadre pas
avec la dignité, ..., c'est abhorrer tout sentimentalisme, ..., c'est
être tolérant,..., dialectique.
L'homme doit, outre les avis et les conseils,
n'écouter que sa propre conscience, se battre pour l'amélioration
de sa condition terrestre ».46(*)
Ce chapitre évoluera dans cette vision de transcender
les problèmes qui amoindrissent la capacité de l'homme à
s'affirmer au sein de sa famille et de sa communauté. Dans ce
cheminement, la théorie de la famille appliquée à la
socianalyse, les concepts-clés seront abordés
simultanément sans qu'il y ait apparence d'une présupposée
leçon de vocabulaire qui aborderait séparément tel ou tel
autre concept, à savoir famille, socianalyse, tactique,
stratégie, environnement, dynamique sociale... En fait, une
théorie n'est constituée que des concepts qui lui sont
spécifiques.
1.2.1. Famille et socianalyse.
Dans la définition du concept
« famille », Jean- Etienne et ses collaborateurs reprennent
l'acception que l'ethnologue Robert Murdock avait proposée en
1949 : « la famille est un groupe social
caractérisé par la résidence en commun et la
coopération d'adultes de deux sexes et des enfants qu'ils ont
engendrés ou adoptés ».47(*)
Selon ces auteurs, la famille suppose donc l'union d'adultes
de deux sexes opposés et, de ce point de vue, on peut opposer deux types
de mariages : la polygamie et la monogamie. Cette première
désigne, selon ces auteurs, toutes les formes d'union impliquant plus
de deux conjoints. On distingue ainsi la polygynie (qui correspond à
la situation où un homme épouse plusieurs femmes) de la
polyandrie (qui est le cas symétrique où une femme serait
épouse, à la fois, à plusieurs maris). Si la polyandrie
est devenue un phénomène rare à ce jour, la polygynie
serait aussi sous une allure décroissante officiellement, mais beaucoup
d'unions libres existent clandestinement surtout dans les milieux urbains.
Pour Emile Durkheim, il existe une monogamie de
fait assez répandue dans certaines sociétés
primitives pour des raisons économiques et la monogamie de
droit qui correspond à la situation des pays occidentaux
contemporains dans lesquels il est juridiquement interdit de se marier
simultanément avec plusieurs personnes.
Les formes de famille se différencient également
en fonction du nombre des générations présentes sous un
même toit. On peut ainsi opposer la famille étendue qui regroupe
plusieurs générations (ascendants, descendants,
collatéraux) et la famille restreinte appelée aussi famille
conjugale qui ne comprend que les parents et leurs enfants non encore
mariés.
Talcott Parsons a développé dans les
années 1990 la thèse de la nucléarisation de la famille.
Il explique que le développement de la société
industrielle suppose, de manière concomitante, la
généralisation du modèle de la famille nucléaire
caractérisée par le domicile séparé et la rupture
des liens entre enfants mariés et la parentèle.
De ce point de vue, et pour cet auteur, le
développement de la famille nucléaire répondrait ainsi aux
exigences de mobilité que requiert les sociétés
industrielles. La famille, quelle que soit sa taille traduit des liens de
parenté et constitue une forme des
« cité ».
Luc Boltanski distingue six sortes de cités :
- Dans la « la cité
domestique », inspirée par un écrit de
Bossuet, le lien entre les êtres est conçu sur le modèle du
lien de parenté. L'intéressé de ces liens s'exprime en
termes de proximité, et leur contenu est celui de relations de
dépendance et de protection existant dans une famille, une
lignée, une maison. Bossuet assimilait le roi à un père se
sacrifiant pour ses sujets. Aujourd'hui, on en trouve l'expression dans les
discours qui désignent les gens importants comme des chefs, des patrons,
ou encore des parents. Les positions sont acquises par recommandation et les
relations entretenues par des cadeaux et des invitations.
- Dans la « cité
civique », inspirée par le Contrat social de
Rousseau, les êtres sont liés entre eux par la notion
d'intérêt général. Les relations sont
caractérisées par la légalité et la
représentativité. Dans cette « cité »,
les personnes sont grandes lorsqu'elles agissent en vue du bien commun. Un bon
exemple est celui des délégués syndicaux, dont la
légitimité est fondée sur le respect des procédures
de désignation et le dévouement au collectif des
travailleurs.
- La « cité
industrielle » est celle de l'efficacité. De
Saint-Simon aux manuels de management, le discours industriel est
dominé par les impératifs de productivité, d'organisation
et de programmation de l'avenir. Dans cette cité, ce qui compte est
d'être un expert, de mettre en oeuvre des méthodes, et d'utiliser
des outils opérationnels. Les choses doivent y être
organisées, mesurables, fonctionnelles, standardisées,
reproductives.
- La « cité marchande »,
définie par Adam Smith, est celle où le lien social est
assuré par la convoitise partagée envers des biens rares. La
« grandeur » des personnes dépend de leur
capacité à s'assurer la possession de biens désirés
par les autres. Dans un monde marchand, les êtres qui importent sont les
acheteurs et les vendeurs. Ils sont grands quand ils sont riches. Leurs
qualités principales sont l'opportunisme, la liberté d'action,
et la distance émotionnelle. Les relations sont dominées par la
rivalité et les obligations d'affaires.
- La « cité de
l'opinion », inspirée par la description que fait
Hobbes de l'honneur, est celle où la position de chacun dépend de
l'opinion exprimée par les autres. Dans cette
« cité » - version moderne- les gens importants
seront ces personnalités connues, les leaders d'opinion, les
journalistes. Leur valeur est celle de la reconnaissance publique. Ils
manipulent des messages, et le contenu des relations est fait d'influence,
d'identification et de séduction.
- La « cité
inspirée », tirée des écrits de saint
Augustin sur la grâce, désigne un monde où les personnes
se situent par rapport à des valeurs des autres. La sainteté, le
génie relèvent de ce domaine, mais aussi la
créativité, le sens artistique, l'imagination. Les avant-gardes
politiques, les innovations, les originaux, voire les
désespérés, se situent dans cette grandeur.48(*)
La famille, en tant que groupe social, peut se retrouver
à travers tous les différents
« mondes » ou « cités », mais
en même temps l'on reconnaîtra que les différents animateurs
de différentes cités proviennent ou vivent principalement dans
des familles. La notion de « cité », bien
qu'importante ne peut pas nous éloigner des autres
caractéristiques que revêt la famille, de ses fonctions
traditionnelles, ni de la distinction qui existe entre elle et d'autres groupes
qui lui sont assimilés tels que le ménage, la parenté,
etc.
Schéma n° 2. Famille, ménage et
parenté
Famille au sens étroit :
ensemble des
Groupe ;
Famille au sens personnes
apparentées et domestique,
Ménage
large : Parenté :
coresidant ensemble de personnes
ensemble des personnes
corésidant
qu'elles corésident ou non
Source : Nicole Pinet, citée par
Jean-Etienne, Dictionnaire de sociologie, p. 125.
La famille, comme institution sociale, dispose de diverses
fonctions :
1° la fonction
économique
Cette fonction renferme en son sein des sous-fonctions
praxéologique productive, la sous-fonction de consommation et de
réalisation et la sous-fonction d'accumulation ou patrimoniale.
- La sous-fonction praxéologique
productive : Cette fonction résulte de tout l'arsenal des
activités de type formel et informel qu'exerce toute famille à
travers son travail. Toute famille doit produire rationnellement au risque
d'être pathologique envers elle- même et envers le groupe au sein
duquel elle vit et d'autres groupes environnants.
- La sous-fonction de consommation et de
réalisation
C'est une fonction importante car c'est grâce à
elle que toute famille vit, subsiste et se maintient. Elle consomme ce qu'elle
a produit, elle se refait et se vivifie, se réalise à travers
cette fonction. Mais alors que consommerait-elle si elle n'a pas produit,
comment se réaliserait-elle ? Il va sans dire que la fonction de
consommation et de réalisation est dépendante de celle
praxéologique et productive qui se situe en amont et l'autre en aval.
Lorsqu'il y a inadéquation entre les deux fonctions, la famille devient
déséquilibrée, elle plonge dans des insatisfactions
permanentes, elle se met en face des demandes accrues et inassouvies. Elle
produit des agents nuisibles à la communauté et dans certains cas
à la famille qui les a produits. Il s'affiche une débâcle
sociale au niveau de la famille.
- La sous-fonction d'accumulation ou
patrimoniale
A travers cette fonction, la famille accumule des ressources,
des biens meubles, immeubles et financiers. Elle concerne les biens ou le
reliquat, le reste des biens gardés après la consommation. C'est
un processus d'épargne continuelle, d'abnégation et de sacrifices
qui assure à la famille la capacité patrimoniale ou cumulative.
La grandeur d'une famille repose, en fait, sur sa capacité d'accumuler
honnêtement des biens. Elle résulte de sa capacité de
travail, de bonne et rationnelle gestion et d'abandon de tout caractère
de prodigalité.
- La fonction relationnelle ou du capital
social
Les relations entretenues par la famille avec d'autres
familles constituent pour elle un capital important. On le voit, par exemple,
lors des cérémonies de mariages, des cas de maladies et des
funérailles. Une famille ayant joué convenablement cette
sous-fonction s'acquitte plus aisément de ces problèmes. On
assiste alors à des contributions importantes, à son endroit, en
argent, en bétail, en denrées alimentaires, en tenues
vestimentaires moins qu'on le ne réalise pour les pauvres.
Facilement, la communauté se cotise plus pour une
famille X et moins pour une famille Y, les deux vivant ensemble, bien souvent
selon que la famille X dispose de plus de biens que la famille Y. Pourquoi
s'acharne-t-on à intervenir plus pour l'une de ces famille et beaucoup
moins pour l'autre ? Vraisemblablement, c'est en vertu de ce que cette
famille a produit en termes de capital matériel lequel a
créé et solidifié le capital relationnel.
2°. La fonction de socialisation
C'est la famille qui assure l'intégration primaire des
individus dans toute société. Même si l'intégration
secondaire fournie à l'individu par l'Eglise, l'école,..., reste
indispensable, on ne le dira jamais assez, un enfant né et qui a pu
grandir en dehors de la famille dès le très bas âge,
dispose de beaucoup d'insuffisances d'intégration sociale.
3°. La fonction affective
Au sein de la famille, - entre les enfants, entre les parents
eux-mêmes, entre les parents et leurs enfants, entre tous les membres de
la famille, proches et collatéraux - la culture de l'amour, est
toujours recommandée. Il y a des sentiments de pardon, d'estime
mutuelle, de don de soi, d'acceptation de l'un et de l'autre qui doivent primer
au sein d'une famille. De plus, les enfants, dès qu'ils ont grandi et
responsabilisés, doivent prendre en charge leurs parents vieillis sous
n'importe quelle forme. C'est à travers cette affectivité que la
famille entretient de bonnes relations en son sein, avec d'autres familles et
individus vivants ou morts et que cette affection se répercute, se
manifeste et se perpétue entre des générations prochaines
et lointaines. La famille est une courroie de transmission culturelle. Mais,
au-delà, de l'aspect strictement culturel, la famille doit jouer une
fonction instigatrice praxéologique communautaire. Et de ce point de
vue, parce qu'il n'existe pas, généralement, d'individu humain
non issu d'une famille, il s'avère important que toute famille
s'autonomise, accumule des ressources, se rassure et devienne
véritablement et rationnellement « travail
productif ».
4°. La fonction d'identité
A travers tout l'espace enquêté, il ressort que
toute personne n'est connue suffisamment qu'à travers sa famille. On ne
se dit connaître une personne que lorsqu'on reconnaît sa famille,
ses parents et ses frères. De ce point de vue, nous estimons
qu'au-delà de la simple connaissance du nom d'une personne, la
maîtrise des noms de ses parents, ses frères, est
nécessaire pour s'assurer de son identité. D'ailleurs, il est
rare chez les bashi en général et ceux de Ngweshe en particulier
que quelqu'un demande à un quidam son nom sans se renseigner sur celui
de son père. La question est toujours récurrente :
« de qui es-tu fils ou fille » ? On va même
plus loin en se rassurant de sa lignée familiale et clanique. Il
convient de signaler même que dans les pratiques traditionnelles
lesquelles subsistent encore aujourd'hui sous forme des survivances, les
fiançailles des jeunes se concluaient plus entre leurs parents et
familles que par les futurs mariés.
Outre ses fonctions, la famille, moderne, plus
spécialement dispose de trois traits essentiels, selon François
de Singly49(*) :
La famille moderne est relationnelle
La famille moderne est individualiste
La famille moderne est privée/publique
Les charmes et les dangers du repli de la famille sur
elle-même.
Le repli de la famille et la compétition sociale
La critique de la conjugalisation
Crises de société influant
négativement sur la famille actuelle
1.3. LA SOCIOLOGIE DU LANGAGE
Etant donné, que cette thèse analyse les
interactions entre familles, il importe que nous recourions à la
Sociologie du langage pour bien appréhender les faits, car la vie, en
fait, n'est qu'un langage permanent. Il se traduit à travers le verbe et
les organisations scientifiques et culturelles...
Le discours du pouvoir est composé des
« archèmes ». Ce sont des unités symboliques
(forme et contenu) rendant compte de rationalité de la domination
sociale. Il comprend aussi les « technèmes » qui
constituent un sous-ensemble des archèmes. Ce même discours
comprend, ce que Kambaji appelle des
« généléxémes » qui sont des
unités symboliques critiques de l'ordre social existant et
génératrices d'un nouvel ordre, des éléments
significatifs du discours possédant de la logique de
libération sociale, du processus contestataire de l'idéologie de
la classe populaire.52(*)
1°. Définition de la sociologie du
discours
Cette étude ne se fixe pas une ferme
détermination de mener une étude de la sociologie du discours,
mais, à travers celle-ci, nous dégagerons certains concepts,
notamment les archèmes, les généléxémes, le
discours du pouvoir, et d'autres, afin que nous puissions relever
systématiquement ce qui paraît juste, cohérent,
constructif, évolutif, contrairement au fallacieux, à
l'incohérent, à l'injuste ou l'anti-valeureux, et ce, à
travers des discours réduits tels qu'ils ont pu exercer une influence
sur les communautés de Ngweshe.
L'analyse de discours est une approche multidisciplinaire qui
s'est développée en France, en Grande-Bretagne et aux
États-Unis à partir des années 1960. Elle emprunte de
nombreux concepts aux champs de la sociologie, de la
philosophie, de la
psychologie, de l'
informatique, des
sciences de la
communication, de la
linguistique et de l'
histoire. Elle s'applique
à des objets aussi variés, par exemple, le discours politique,
religieux, scientifique, artistique. Dans sa définition traditionnelle,
l'analyse de discours s'intéresse aux concepts, à la linguistique
et à l'organisation narrative des discours oraux et écrits
qu'elle étudie.53(*)
De ce point de vue, nous définirons la sociologie du
discours comme étant une science qui part d'une réflexion sur la
connaissance des pratiques langagières caractérisant des groupes
sociaux en interaction sociale en vue. Elle a pour objet, d'une part, de
dégager, comprendre et expliquer l'ordre ou le changement social, la
nature réelle des rapports sociaux qui lient ces groupes et, d'autre
part, de reconstituer, à la lumière de l'expérience
sociale ou historique le « sens sociologique ou
praxéologique » réel, effectif de ces pratiques
langagières collectives. Elle cherche à dégager les sens
des discours collectifs produits dans la société, les
interprétations qu'ils appellent ainsi que les types de conscience, de
praxis et de l'ordre social qu'ils sont susceptibles d'entraîner ou
qu'ils entrainent.54(*)
2° Les éléments de la praxéologie
du langage
Cette sociologie s'articule autour de la praxéologie du
langage qui est une théorie sociologique qui part du fait que toute
production langagière (mot, phrase, discours ) est une praxis, une
activité signifiante pouvant véhiculer ou non des
significations-marchandises nouménales (archémiques) ;
c'est-à-dire des connotations léxématiques porteuses de
« plus-value discursive » propre à engendrer chez
les individus ou groupes des attitudes d'aliénation ou des actions de
reproduction sociale au profit du producteur discursif. Le langage dispose de
dimensions syntagmatique, symbolique, paradigmatique et praxéologique
telles que vues précédemment.
Pour Kambaji, il existe une double dialectique des positions
discursives qu' implique la production de quatre modalités
interdiscursives de classe, c'est-à-dire des possibilités de
production langagières différentes et/ou contradictoires
(archémiques et généléxémiques) selon que
la classe dirigeante croise la classe dominée ou la classe
contestataire d'une part, ou que la classe dominante entre en interaction
sociale avec la classe contestataire d'autre part.
Parmi ces possibilités, Kambaji relève, pour la
classe supérieure, les
langages « archémiques-modernisateurs ou
négociateurs »,
archémiques-passéistes », et pour la classe populaire,
les langages « archémiques d'auto-défense »,
généléxémiques-affirmatifs (sous ses
différentes formes revendicative, d'emprise, d'emprise
décisionnelle ou réformiste) ou «
généléxémiques critique » (à ses
différents niveaux de maturation conformément au tableau
ci-dessous.
Tableau n° 3 :
Transmutation praxéologique dans un système
social
Classification
Luttes
|
Luttes affirmatives
|
Luttes critiques
|
Caractéristiques
Système d'actions
|
Nature-sens du langage
généléxémique-affirmatif
|
Niveau de classe affirmative
|
Types d'actions conflictuelles
|
Nature-sens du langage
généléxémique critique
|
Niveau de conscience critique
|
Types d'actions conflictuelles.
|
1. Champ d'historicité (acteurs historiques)
|
Langage participatif réformiste
|
Conscience de participation associative ou substitutive
|
Mouvement social
|
Langage alternatif
|
Conscience anticipatrice
|
Mouvement révolutionnaire
|
2. Synthèse institutionnel politique (acteurs
politiques)
|
Langage d'emprise décisionnelle
|
Conscience de participation institutionnelle ou
décisionnelle
|
Pressions institutionnelles politiques
|
Langage de blocage institutionnel
|
Conscience privatrice institutionnelle
|
Actions de blocage
|
3. Système organisationnel (acteurs sociaux)
|
Langage revendicatif
|
Conscience revendicative
|
Actions de revendication cumulative ou de participation
militante
|
Langage de privation socio-économique et technique
|
Conscience privative socio-économique et technique
|
Actions de critique
|
Source : NDAY WA MANDE, op. cit, p. 27.
Commentaire ;
Ce tableau donne une classification des luttes où
l'auteur distingue les luttes affirmatives de luttes critiques qui
caractérisent le système d'actions selon qu'on est dans un champ
d'historicité ou dans les systèmes institutionnel, politique ou
organisationnel.
Pour l'auteur, le champ d'historicité est
composé des acteurs historiques tandis que le système
institutionnel politique est fait des acteurs politiques, alors que
système organisationnel est animé par les acteurs sociaux. Dans
le cadre de cette thèse et à travers la chefferie sous
étude, les acteurs historiques sont les différentes personnes,
au sein de la communauté, engagées dans le changement ; les
acteurs politiques sont les partis politiques, les gouvernements national et
provincial et toutes les institutions politiques, juridiques et
administratives. Les acteurs sociaux sont toutes les organisations,
associations et mouvements socioprofessionnels poursuivant une lutte dans le
contexte de l'auteur.
Dans une lutte affirmative, la nature et le sens du langage
généléxémique affirmatif, dans un sous
-système d'action appelé champ d'historicité, ce
langage est participatif réformiste, c'est-à-dire que la
mobilisation du peuple se fixe pour objectif de changer l'ordre, les attitudes
en vue de tendre vers un avenir meilleur. C'est par exemple, à travers
des travaux communautaires tels que le « salongo » ou les
patrouilles nocturnes visant à barrer les actions des malfaiteurs.
A ce niveau, la conscience dans une lutte affirmative, la
participation associative devient substitutive, c'est-à-dire que
l'organisation populaire se manifeste à travers de petits groupes pour
intervenir dans des cas constituant une question sociale dans laquelle l'Etat
n'intervient que très peu ou pas du tout.
Dans une lutte affirmative, le langage
généléxémique est un langage d'emprise
décisionnel, c'est-à-dire que l'Etat s'impose à travers
certaines actions d'intérêt public telles que les taxes,
l'enregistrement des nouveau- nés à l'Etat civil, la fermeture
des maisons de tolérance et de proxénétisme, la
défense de consommation des boissons fortement alcoolisées, etc.
A ce niveau, la conscience populaire se traduit en une conscience de
participation institutionnelle ou décisionnelle. Cette participation
peut être manifeste à travers les instances telles les cours et
tribunaux, le parlement, le gouvernement. Le type d'action conflictuelle se
traduit par des pressions institutionnelles et politiques, c'est-à-dire
par l'application rigoureuse de la loi, les normes, les règles sociales,
la constitution, les décrets, les ordonnances, les arrêtés
ministériels, les décisions, les édits des
assemblées provinciales et autres documents officiels contraignants.
Dans le sous-système organisationnel, le langage
généléxémique est revendicatif, c'est-à-dire
qu'il prône le respect de droits humains à travers des faits tels
que la sécurité, la liberté d'expression, le payement des
salaires décents et réguliers, la lutte contre les violences
faites aux femmes, la scolarisation de toutes les filles. A ce niveau, la
conscience revendicative doit répondre à des objectifs et des
actions communautaires exigeant à l'Etat d'honorer ses devoirs et
promesses ou le remercier pour des actions réalisées. Cela peut
se faire à travers des marches pacifiques, de colère ou de
soutien, de grèves,... Dans ce cas, le type d'action conflictuelle est
une action de revendication cumulative de participation militante et collective
et de positionnement. Les individus sociaux s'engagent dans la mobilisation
populaire, se portent garants dans la défense des droits humains afin de
constituer en des leaders locaux, c'est la recherche du leadership local.
A l'inverse, dans le champ d'historicité de luttes
critiques, la nature et le sens du langage
généléxémique-critique est alternatif,
c'est-à-dire que les réactions populaires peuvent être
négatives ou positives. Par exemple, le boycottage de travaux
communautaires ou l'implication de toute la communauté dans une action
profitable à toute l'entité sociale. C'est, par exemple,
l'engagement de toute une communauté dans la construction d'un pont, une
école, un marché, un centre de santé, une source, ou un
tracé routier...
En outre, dans un sous-système institutionnel
politique, la nature et le sens du langage
généléxémique-critique se manifestent à
travers des blocages institutionnels, tels que la corruption, le
détournement des deniers publics. Son niveau de conscience se
caractérise par des privations institutionnelles et le non respect des
normes établies. C'est alors que le type d'action conflictuelle peut se
traduire par des actions de blocage, d'insoumission, la guerre, la haine, le
tribalisme, etc.
Enfin, dans le sous-système organisationnel, le
langage généléxémique critique est un langage de
privation socio-économique et technique. C'est le cas, par exemple,
lorsque l'Etat, pour de raison de faille ou d'incapacité, abandonne
certains secteurs socio-économiques ou techniques à des
initiatives des particuliers. Dès lors, le type d'action conflictuelle
se traduit en une action de crise consistant à créer un
état de chômage au sein de la population de par la fermeture de
certaines entreprises, des grèves dues au manque des fonds
nécessaires pour payer les ouvriers.
Dans un système social, il peut se produire
simultanément ou à tour des rôles trois formes des
discours, quel que soit le sous-système où l'on se
trouve :
- Le discours
généléxémique qui consiste à dire vrai,
à éviter la démagogie dans le langage. On peut alors
distinguer le langage généléxémique critique
poussé par une classe contestataire ou un mouvement
révolutionnaire, et un langage généléxémique
affirmatif qui se présente sous forme de participation et de tendance
à un idéal d'un bien-être social et du compromis.
- Le discours archémique est un faux discours,
basé sur le langage démagogue de l'acteur ou du locuteur. Ce
langage peut être archémique-modernisateur lorsqu'il
incite à une action réformiste poussant à la recherche,
par exemple, de la paix, l'ordre ou l'unité. Il peut être
archémique passéiste lorsqu' il prône le retour
vers les valeurs du passé. Dans la plupart des cas, les discours des
campagnes électorales, dans nos milieux congolais, relèvent de
discours archémiques à la fois réformistes et
passéistes.
- Le discours pakaviliste ne prône pas le
changement du système social, il est statique, il est du genre :
« laisse qu'il en soit ainsi » !
D'après Kambaji, la double dialectique des
classes détermine l'action de chaque classe qui est, à la fois,
la réponse à l'adversaire et orientation directe vers le
modèle culturel. Cette double dialectique produit quatre
modalités interdiscursives de classe :
a. En effet, lorsque les rapports s'établissent entre
une classe dirigeante et une classe défensive (dominée),
le rôle de l'Etat est faible à cause des ambitions de la classe
montante qui cherche à exercer directement sa domination sur
l'ensemble de la société : dans ce cas, cette classe
développe un langage « archémique
modernisateur » poussant à une action réformiste
et se fait passer pour celle qui apporte la paix , l'ordre, l'unité,
la modernité... Par contre, la classe dominée peut
développer un double langage : d'une part
« archémique d'autodéfense »
basé sur des avantages professionnels, sociaux, culturels acquis
poussant à une action passive d'adaptation au courant
réformateur-intégrateur, d'autre part, un langage
généléxémique-affirmatif sous ses formes
revendicative et décisionnelle poussant à des
« actions revendicatives » ou des pressions
institutionnelles limitées.
b. Dans le cas où c'est la classe dominante qui croise
la classe défensive (dominée), situation correspondant à
une faible référence au système d'action historique,
l'Etat joue un rôle important de répression et
d'intégration idéologique à travers ses instruments de
domination culturelle, à savoir l'école et l'Eglise. Dans cette
situation, l'Etat adopte un langage de la classe dominante, un langage
archémique-passéiste, c'est-à-dire tourné vers
le passé. De son coté, la classe défensive
développe soit un langage archémique d'autodéfense,
soit un langage généléxémique-affirmatif,
sous ses formes revendicatrices et décisionnelle poussant à
des actions de revendication passive ou de participation militante ou de
pressions institutionnelle très limitées.
c. Quand c'est la classe dirigeante qui affronte la classe
contestataire, l'action de l'Etat consiste à rejoindre les exigences du
système d'action historique et les mécanismes institutionnels,
à contrebalancer les conflits de classe par l'appel à la
modernisation et au traitement des conflits.
Dans ce cas, l'Etat adopte un langage
« archémique modernisateur et négociateur »
poussant à des actions de compromis, une action visant par ailleurs
à accroitre son emprise sur le champ d'historicité et sur les
mécanismes institutionnels de prise de décisions. L'Etat restera
animé par le langage de la classe contestataire, un langage
« généléxémique-affirmatif »
sous la forme réformiste poussant au compromis ou au
« mouvement social ».
d. En dernier lieu, quand on est en présence d'une
classe dominante et d'une classe contestataire, l'intervention étatique
est animée par l'effort de la classe populaire pour contrôler le
système d'action historique et conquérir le pouvoir de l'Etat.
Dans ce cas, l'Etat adopte le langage
« archémique-passéiste » de la
classe dominante sous pression de la contestation populaire. Par contre, la
classe contestataire produit un langage
« généléxémique-critique »
sous sa forme alternative reflétant ou poussant à un
mouvement révolutionnaire, c'est-à-dire une action de
classe qui est tournée vers l'avenir, combat le pouvoir et le langage de
l'Etat établi et vise principalement à détruire la
domination de classe pour un ordre nouveau.
Par ailleurs, elle peut, lorsque sa pression, sa force de
contestation ou de mobilisation populaire n'est pas très
élevée, produire un langage
« généléxémique-affirmatif »
sous sa forme participative reflétant ou poussant à un
« mouvement social » ou au compromis55(*).
La théorie de la sociologie du discours est un
soubassement à cette recherche car elle conduit à analyser les
discours produits par les acteurs sociaux, leur applicabilité et leur
pouvoir praxéologique à travers toutes les circonstances
observées dans la dynamique familiale et le maintien de
l'équilibre familial et la gestion de l'environnement à travers
toute la Chefferie de Ngweshe.
Il conviendra donc, sur base de la sociologie du discours,
parvenir à appréhender les discours tels qu'ils ont
été produits dans le milieu, les effets qu'ils ont eu sur les
auditeurs, les réactions de locuteurs et la projection de nouveaux
discours en remplacement ou en affirmation de ceux ayant été
jugés d'efficaces ou d'inefficaces. Une telle approche exige une
appréhension du contexte dans lequel se produisent les discours et
l'impact qu'ils ont eu dans la Chefferie de Ngweshe, notamment, sur les
façons d'être, de penser et d'agir, sur les innovations, le
changement tant qualitatif que quantitatif et le mode de comportement dans tous
les domaines de la vie et de l'environnement.
Conclusion partielle
La famille demeure une unité sociale composée
de ses membres. Les plus traditionnellement connus sont les parents de deux
sexes opposés et les enfants qu'ils ont, soit engendrés, soit
adoptés. Elle a pour mission de procréer, socialiser et
produire. De par les interactions en son sein, l'interdépendance entre
ses membres, la famille est un système social par excellence. Elle est
une unité praxéologique du fait que son existence, son maintien
et son équilibre dépend principalement de son travail pour
autant qu'il est exécuté en toute rationalité. Dans ses
interactions entre ses membres et son environnement humain, la famille
entretient régulièrement des discours pour manifester ses
opinions, ses projets, ses réalisations, ses émotions, etc.
Elle en consomme aussi d'autres et son comportement en dépend, le plus
souvent. C'est à titre d'exemple que la consommation du discours
religieux qui détermine les conduites sociales, et dans le cas
d'espèce, à travers toute la chefferie de Ngweshe est fort
déterminante. La famille peut avoir parmi ses membres des
éléments pathologiques ou paraître, elle-même,
entièrement pathologique. Ce comportement déviant influe
négativement sur la société d'appartenance. Nous estimons
que si toutes les familles au sein d'une entité donnée,
étaient suffisamment socialisées et intégrées, leur
entité d'appartenance n'en serait pas autrement, comme pour dire qu'une
société n'est que ce que sont ses familles.
Ne perdrons pas de vue qu'à ce jour les fonctions de
la famille sont remises en cause. Certaines opinions estiment que la famille
anéantit la liberté de ses membres, qu'elle désocialise
plus qu'elle ne socialise. Certaines crises de la société,
à ce jour ont des conséquences néfastes sur la famille. A
titre d'exemple, nous pouvons citer le mariage homosexuel, les viols et
violences sexuelles, les guerres, le VIH/SIDA, etc. A travers tous ces
aléas, la famille « se bat » pour se maintenir.
C'est ainsi que nous abordons, dans le chapitre suivant, certaines notions
à caractère conatif, pragmatique ou d'incitation à
l'action.
Chapitre deuxième
LA SOCIOLOGIE COMME SCIENCE DE L'ACTION
A travers ce chapitre, nous aborderons successivement la
sociologie praxéologique; l'actionnalisme d'Alain Touraine et d'autres
théories apparentées à l'action parce que la famille est
essentiellement travail, elle ne peut subsister et se transformer que
conséquemment aux actions qu'elle a produites. Des notions telles que
l'agir communicationnel, la socianalyse et la mobalité seront
brièvement passées en revue. Il en sera de même pour les
notions de développement et de croissance, de sous-développement
et de l'environnement.
2.1. La sociologie praxéologique
La sociologie praxéologique est un courant sociologique
et une connaissance à quatre paliers dialectiquement liés,
à savoir :
a) le palier existentiel
Elle va à l'encontre de l'homme dans son milieu
d'existence avec ses problèmes et aspirations aux besoins
réels ainsi que différents obstacles qui empêchent leur
résolution ou satisfaction. A travers le palier existentiel, et en nous
reportant sur le terrain de recherche, il sied de réveiller les
consciences des populations afin d'identifier les problèmes majeurs, les
hiérarchiser et en proposer des pistes d'éradication ou
d'atténuation.
b) le palier de la contingence
Il s'agit d'une contingence relative qui implique l'insertion
des faits microsociologiques dans des ensembles sociaux plus vastes où
il faut définir de manière significative mes conditions
(économiques, psychologiques, politiques, ...) et les moyens (humains,
financiers, matériels, techniques, symboliques, ...) à utiliser
ou à combiner.
Certes, Ngweshe dispose de ressources tant humaines,
matérielles, financières qu'environnementales. Leur gestion
rationnelle doit nécessairement contribuer à nouvel élan
vers le développement de la Chefferie, il va sans dire que ce nouvel
élan constitue l'heure de la capacitation des ressources diverses pour
un avenir meilleur. Cet aspect manifestement théorique apparaîtra
à travers les actions préconisées réalisables ou
réalisées par la Chefferie au cours de la décennie courant
de 1990 à 2010.
c) le palier interventionniste
Comme aux paliers précédents, et dans le
contexte de cette étude, l'identification des conditions, le choix et
la combinaison rationnels des moyens appropriés (opérations de
deuxième étage) ; ces opérations doivent
déboucher sur une action de libération et/ou de
développement , elles doivent permettre au sociologue d'intervenir,
ensemble avec les acteurs sociaux concernés par le milieu en
étude, dans la transformation dialectique réciproque,
c'est-à-dire pour la promotion des conditions existentielles des
acteurs.
a. le palier de la prospective
Le sociologue praxéologue, au vu de la situation en
présence, doit pouvoir entreprendre des actions, des projets pour un
avenir meilleur. Ce sont, principalement des actions de planification car toute
planification implique une prospective.
2.2. L'actionnalisme d'Alain Touraine
a) L'auteur
Touraine, Alain (1925- ), Sociologue
français, Fondateur du Centre d'étude des mouvements
sociaux (Cemes) en 1970, et du Centre d'analyse et d'intervention
sociologiques (Cadis) au sein de l'École des Hautes Etudes en
Sciences Sociales (EHESS) en 1981, est connu pour avoir développé
une réflexion théorique originale, l'actionnalisme, et
créé l'intervention sociologique.
Né à Hermanville-sur-Mer, Alain
Touraine rejoint au milieu des années 1950 le Centre
d'études sociologiques de Paris dirigé par Georges Friedmann. Ses
premiers travaux, notamment l'Évolution du travail ouvrier aux
usines Renault (1955), sont influencés par la sociologie
industrielle naissante. Il inaugure en 1958, le laboratoire de Sociologie
industrielle à l'École Pratique des Hautes Etudes et cofonde,
l'année suivante avec Michel Crozier et Jean-Daniel Reynaud, la revue
Sociologie du travail. Depuis cinquante ans, les sujets de ses travaux
évoluent, correspondant aux changements sociaux qu'il constate et tente
de comprendre. Après s'être surtout intéressé
à l'industrialisation et au mouvement ouvrier, il étend son
analyse aux mouvements sociaux consécutifs aux événements
de mai 1968. Depuis le milieu des années 1980, c'est à
l'individu comme acteur social mais aussi sujet individuel en quête de
sens qu'il consacre ses travaux.
b) La théorie
C'est dans Sociologie de l'action (1965) et
Production de la société (1973), qu'Alain Touraine
expose l'« actionnalisme ». Sa démarche vise
à comprendre le changement social en se référant aux
divers systèmes d'action qui rassemblent à la fois les rapports
de classe et les orientations culturelles en jeu dans les divers groupes
sociaux ; selon lui, ces systèmes déterminent la nature du
conflit social, qui débouche inéluctablement sur un clivage entre
groupes antagonistes. Dans ces deux ouvrages, mais aussi dans de plus
récents, comme Critique de la modernité (1992) ou
Qu'est-ce que la démocratie ? (1994), la vision d'Alain
Touraine se dessine précisément : s'éloignant de la
conception généralement admise, qui voit dans la
société un ensemble de structures (État, famille...) et de
fonctions (rôles professionnels ou sociaux, telle la fonction parentale),
il analyse la société comme le résultat, en constante
évolution, de l'action sociale de groupes organisés, ainsi que
des conflits et des relations entre les individus. Y cohabitent le sujet
(c'est-à-dire l'individu et son projet de vie) et l'acteur social, qui
correspond au mouvement collectif, porteur
d'« historicité ». Notion importante de l'oeuvre
d'Alain Touraine, l'historicité désigne la concentration des
forces, l'influence collective sur les orientations de la société
et du monde.
Présents dans ses réflexions
théoriques, les groupes sociaux se trouvent aussi au coeur de ses
recherches de terrain, centrées dans un premier temps sur le milieu
ouvrier (Ouvriers d'origine agricole, en 1961, ou encore le
Mouvement ouvrier, en 1984, coécrit avec François Dubet et
Michel Wieviorka).
c) L'étude des mouvements sociaux par intervention
sociologique
Alain Touraine étudie longuement divers
mouvements sociaux : étudiants (Lutte étudiante,
1978), activistes antinucléaires (la Prophétie
antinucléaire, 1980), mouvement polonais Solidarnooeæ
(Solidarité, 1982), grâce à une méthode
originale, élaborée dans le cadre de la sociologie de
l'action : l'intervention sociologique, qu'il expose en détail en
1978 dans la Voix et le regard. Pour comprendre le sens de l'action
collective et les rapports sociaux entre les militants, le sociologue joue un
rôle actif en se mêlant au mouvement social au lieu de l'observer.
Son objectif est d'accroître les capacités d'action des militants
en les amenant à analyser leur action et à
réfléchir aux conditions qui permettent la réussite de
leur projet collectif. L'intervention sociologique a été
créée pour rendre compte de l'émergence de mouvements
collectifs, et de leur capacité à entraîner une nouvelle
dynamique sociale. Cependant, cette méthode révèle
à Alain Touraine qu'aucun des mouvements sociaux qu'il étudie
n'est porteur d'un solide projet de société, contrairement au
mouvement ouvrier.
d)
|
La recherche d'un nouveau paradigme
|
Engagé dans le débat sur les
effets de la mondialisation et sur le multiculturalisme, Alain Touraine
s'alarme, dans son essai Pourrons-nous vivre ensemble ? (1997),
de la montée des intégrismes et de l'assimilation culturelle,
potentielles menaces pour la démocratie. Selon lui, il faut tenter de
concilier les règles de vie sociale, applicables à tous, et la
diversité des identités culturelles (langue, religion,
sexualité, etc.).
Dans Un nouveau paradigme (2004),
celui qui demeure l'un des plus importants sociologues français
contemporains constate le déclin du paradigme social
(qui définissait les individus et les groupes par leurs relations
sociales) et l'apparition d'un paradigme culturel : alors
que l'individu s'est longtemps réalisé à travers des
idéaux collectifs, il doit désormais trouver un sens personnel
à sa vie, dans le respect et la reconnaissance de l'autre.56(*)
e) Idées maitresses et fondement
L'actionnalisme est la voie sociologique
privilégiée par l'analyse du travail et de la conscience
historique. L'on parle aussi de l'analyse actionnaliste.
L'actionnalisme est une connaissance de la société
construite par des instruments conceptuels comme l'historicité, le
système d'action, la classe sociale. Autrement, l'on parle de
l'historicité, le système d'action historique, les rapports de
classes, le système institutionnel, l'organisation sociale et les
mouvements sociaux.
En fait, le concept fondamental de l'actionnalisme d'Alain
Touraine demeure la notion d'historicité ; cette
action d'une société d'agir sur elle-même, cette
capacité d'une société de se faire et de se refaire ou de
se transformer. Il va sans dire que le niveau d'historicité se
diffère entre les peuples, certains ont plus de capacité
transformatrice que d'autres. Ainsi, distingue-t-on des Etats plus
avancés que d'autres, tout cela dépendant de l'historicité
de chacun. Elle comporte trois éléments essentiels : le
capital symbolique ou mode de connaissances, le modèle
culturel ou orientation politique et l'accumulation ou
capital. L'historicité est, d'après Alain
Touraine, cette distance que prend la société par rapport
à son activité et cette action par laquelle elle détermine
les catégories de sa pratique. La société, en somme, n'est
pas ce qu'elle est, mais ce qu'elle se fait d'être, ce dont elle est
capable.
Schéma n°4 : l'historicité sous
forme d'un triangle
Capital symbolique (ou
mode de connaissance)
L'historicité entraîne directement l'existence
et le conflit de classes sociales opposées. C'est-à-dire que la
société ne se retourne pas sur elle-même pour s'orienter ou
pour se transformer. C'est la classe dirigeante qui gère le mode de
connaissance (le capital symbolique : diplôme, grades
académiques, ingéniorat...), l'accumulation et le mode culturel.
Elle s'identifie à l'historicité, mais elle n'est qu'une partie
de la société et par conséquent identifie aussi
l'historicité à ses intérêts privés, confond
le modèle culturel et sa propre idéologie.
Le fondement de l'actionnalisme réside dans la
pensée des auteurs comme Karl Marx, Max Weber, Emile Durkheim, Georg
Friedmann, Georges Gurvitch, Talcott Parsons, Jean Paul Sartre et Claude de
Lévi-Strauss.
f) Le système d'action historique
C'est le système d'emprise de l'historicité sur
la pratique sociale. IL assure le lien entre l'historicité et le
fonctionnement de la société. En raison des tensions existant
entre l'historicité et l'action sociale, le système d'action
historique va être lui-même lieu d'exercice de ces tensions que
Touraine articule autour de trois couples :
- Mouvement-ordre : c'est la
tension, dans le champ d'historicité, entre dépassement du
fonctionnement social (mouvement) et l'organisation sociale (ordre)
- Orientation- ressources : les
orientations de l'historicité (modèle culturel) s'opposent aux
ressources (naturelles, techniques, biologiques, psychologiques).
- Culture-société : C'est
le passage d'un modèle culturel, modèle de
créativité à un modèle de consommation
situé du coté de l'ordre et des ressources.
Tous ces couples se résument de la manière
ci-dessous:
Mouvement Ordre
Orientation
Modèle culturel
|
Hiérarchisation
|
Mobilisation
|
Besoins
|
Ressources
N.B. Le modèle culturel, la
mobilisation (met les ressources au modèle culturel) ; la
hiérarchisation (qui organise l'activité socio-économique
et plus particulièrement la répartition des ressources) et les
besoins (une définition des besoins et un mode de consommation.
C'est ce qui a poussé Alain Touraine à
construire quatre formes de société :
- La société programmée (ou
post-industrielle) où ce qui est accumulé est la capacité
de produire la production, à savoir la connaissance ;
- La société industrielle où
l'accumulation porte sur l'organisation du travail ;
- La société marchande où l'accumulation
porte sur la répartition ;
- La société agraire ou société
à faible accumulation.
g) Les rapports de classes
Les rapports de classes constituent la deuxième
composante du champ d'historicité. Tandis que le modèle culturel
commande le système d'action historique effectuant le lien entre
l'historicité et le fonctionnement de la société, c'est
par l'accumulation que les rapports de classes assurent le lien entre
l'historicité et l'organisation sociale.
C'est ainsi que A. Touraine distingue deux classes
sociales :
Supérieure Dominante
Dirigeante
Classe
Contestation
Populaire
Dominée
La double dialectique des classes sociales oppose la classe
supérieure à la classe populaire. La première expression
sociale du modèle culturel exerce une contrainte sur l'ensemble de la
société. Elle réalise le modèle culturel et se
l'approprie. C'est pourquoi elle est en même temps classe dirigeante et
classe dominante. A l'opposé, la classe populaire est dirigée et
dominée car elle participe à la mise en oeuvre du modèle
culturel sans le gérer. Elle est donc défensive tout en
étant contestataire par rapport aux contraintes que lui fait subir la
classe supérieure.
Il est à noter que les deux classes ne peuvent jamais
être identifiées à deux groupes concrets. La connaissance
d'une classe passe par l'analyse des mouvements sociaux (action concrète
des classes, action collective, conduite de classes).
En définitive, nous pouvons retenir que l'actionnalisme
d'Alain Touraine prend en considération deux
éléments : l'acteur et le sujet.
L'acteur est la personne qui
raisonne, identifie le problème au sein de la communauté et se
décide d'y apporter une solution à travers un projet de
transformation, lequel est appelé sujet.
Cela veut dire que tout individu imbu de l'esprit de changement doit
être porteur d'un sujet, c'est - à- dire, un projet initié
localement, individuellement ou collectivement et qui a la prétention de
transformer la communauté. Plus il y a des acteurs ayant un esprit
imaginatif, créatif, inventif, et raisonnablement établi, plus
il s'affiche des sujets, c'est-à-dire des projets ayant pour but de
transformer le vécu quotidien des individus membres de la
communauté. Ceci permet ainsi de mettre à nu et merveilleusement
l'historicité de tout un peuple et ce, à partir de certains
membres de la communauté. Il appert ainsi que l'historicité d'une
société, bien que profitant majoritairement au plus grand nombre,
ne provient qu'une d'une fine minorité de personnes qui ont
réfléchi et décidé de changer le cours de
l'histoire, c'est-à-dire le changement qualitatif et quantitatif.
2.3. Autres théories apparentées à
l'action
Nous avons pu voir que la théorie actionnaliste met
l'attention sur l'action, elle qui est le facteur indispensable du changement.
Les acteurs sociaux ne se manifestent qu'à travers leurs actions. Plus
ces actions sont intelligiblement conçues et rationnellement
exécutées, plus elles conduisent vers un changement voulu par la
communauté. Mais, il n'y a pas que l'actionnalisme qui prône
l'action de changement. Il y a bien d'autres théories qui consacrent
l'action comme moteur indispensable du changement. D'une façon non
exhaustive et très brève, nous pouvons parler de l'agir
communicationnel, l'analyse stratégique, la socianalyse et la
mobalité ou sociologie d'autodétermination.
2.3.1. L'agir
communicationnel
Cette théorie a été
élaborée par Jürgen Habermas (né en 1929). Pour
l'auteur, le concept d'agir communicationnel concerne l'interaction
d'au moins deux sujets capables de parler et d'agir qui engagent une relation
interpersonnelle à travers des moyes verbaux ou extra-verbaux. Les
acteurs recherchent, alors, une entente sur une situation d'action afin de
coordonner consensuellement leurs plans et de là même leurs
actions. Dans l'agir communicationnel, le médium langagier occupe une
place importante car c'est dans ce type d'agir que toutes les fonctions du
langage sont représentées.57(*)
Seul l'agir communicationnel présuppose le langage
comme un médium d'intercompréhension non tronqué où
locuteur et auditeur se complètent mutuellement. L'agir communicationnel
évite de parler en vase clos, il faut réfléchir, parler er
agir. Ainsi, la raison n'apparait pas comme un instrument du langage mais un
reflet du langage. Le langage est à prendre dans un sens beaucoup plus
large, allant au-delà du verbe. Exemple : un bâtiment, une
marche des étudiants, l'art, le jeu, la musique, le pleur d'un enfant ou
d'un adulte, ..., sont de langage.
L'agir communicationnel suppose la raison, un langage qui
parle et agit, qui engage deux ou plusieurs individus dans une interaction
verbale conduisant à une action. A travers l'agir communicationnel, on
peut donner un sens à ce qui est social, à ce qui est
métasocial.
2.3.2. L'analyse
stratégique
Cette théorie est de Michel Crozier qu'il applique
à la Sociologie des organisations. D'autres auteurs se sont
inspirés de l'apport de M. Crozier. C'est le cas d'Henri Amblard,
Philippe Bernouk, Gilles Hereros et Yves Fréderic Livian.58(*)
La Sociologie des organisations tente de répondre
à un problème crucial pour donner des clés de
compréhension et d'actions aux acteurs engagés dans des
situations organisationnelles. L'analyse stratégique met l'accent sur
l'acteur, elle vise à rendre compte de l'émergence des
problèmes dans les organisations. Il faut arriver à savoir
comment se construisent les actions collectives à partir des
comportements des individus. Dans ce processus, on part de l'acteur, de ses
stratégies qui sont fonction, d'une part du jeu des autres acteurs et
d'autre part de ses ressources disponibles.
L'analyse est stratégique, en ce sens, que le
comportement des acteurs dépend moins des objectifs clairs et
conscients qu'ils se donnent de contraintes de l'environnement, des atouts qui
sont à leur disposition et des relations dans lesquelles ils sont
insérés. La stratégie n'est ni un projet conscient et
clair ni un objectif au sens habituel du mot, mais une logique que l'on
repère après coup.
Le concept « stratégie » comprend
deux aspects : l'aspect offensif et l'aspect défensif. On
agit pour améliorer sa capacité d'action et /ou pour
protéger ses marges de manoeuvre. De ce fait, les projets des acteurs
sont rarement clairs et cohérents, mais le comportement n'est jamais
absurde, car chaque comportement est actif. Si ces derniers aspects constituent
les principes de l'analyse stratégique, celle-ci dispose aussi des
postulats :
Premier postulat : L'organisation est un
construit et une réponse. C'est même un construit contingent. Les
acteurs ont bien conscience de contraintes auxquelles ils doivent faire
face.
Deuxième postulat : l'acteur est
relativement libre, mais il n'est jamais totalement enfermé dans son
rôle.
Troisième postulat : il y a toujours une
différence entre les objectifs de l'organisation et ceux des individus.
Leurs intérêts se recouvrent mais jamais complètement.
Quatrième postulat : pour parvenir
à ses fins, l'acteur calcule, mais le fait dans une personnalité
limitée. L'acteur tente d'augmenter ses gains et de limiter ses pertes
dans le jeu au prix du conflit de la négociation ou de
l'intégration. En ce sens, l'acteur agit par
intérêt.59(*)
Enfin, disons que l'analyse stratégique s'articule
autour de trois concepts: le pouvoir, l'incertitude, le système
d'action concret.
- Le pouvoir : renvoie à la
notion des ressources, de capacité à employer ces ressources
lorsqu'il rencontre de résistance. Le pouvoir est d'abord une relation
incluant réciprocité et négociation. Tout pouvoir s'appuie
sur la légitimité dont aucun pouvoir ne peut se passer.
- L'incertitude : l'incertitude ne
désigne pas les turbulences imprévues, internes ou externes
auxquelles toute organisation est soumise. Il ne faut pas tout porter à
la connaissance des acteurs et des partenaires.
- Le système d'action concret :
il désigne la manière dont les acteurs régulent leurs
relations, les règles qu'ils se donnent pour faire fonctionner
l'organisation, les alliances qu'ils nouent.
Nous venons ainsi de créer un couloir d'échange
entre Sociologie de la famille et sociologie des organisations. En effet,
à travers les deux systèmes, l'acteur principal est l'homme,
bien que dans les organisations, la machine joue un rôle capital, mais en
amont comme en aval, l'acteur principal demeure l'homme. En outre, au travers
de ces deux sociologies, l'élément essentiel, c'est l'action,
c'est elle qui détermine ce qu'est le système, elle
qualifie le système de régressif, de progressif, d'actif,
d'inactif ou d'amorphe.
2.3.3. La socianalyse
La théorie socianalitique a été
élaborée par Bolle de Bal. Elle s'inscrit dans ce qu'on appelle
la « sociologie des mains sales »
où le sociologue qui est à la fois acteur ne se préoccupe
pas de ses mains. Ce sociologue s'affronte à deux problèmes
majeurs : l'objectivité de son action et son indépendance.
Dans la socianalyse, le sociologue doit avoir un coeur battant (un
homme disposant de l'esprit et du corps) et des pieds nus
(c'est-à-dire qu'il est et il agit). Il devient alors un sociologue
au corps transmuant et à l'esprit raisonnant, c'est-à-dire un
homme qui libère l'énergie sociale. On parlera ainsi de la
socio-énergétique.
On parle de la libération de l'énergie car on a
d'un côté :
- l'instituant qui nous conduit à une énergie
sociale libre ;
- l'institué nous conduit à l'énergie
liée par les normes et l'ordre social
D'un autre coté, on a le sociologue analyseur et
l'esprit catalyseur : c'est ainsi qu'on aboutit à la
socianalyse. Le sociologue devenant analyseur, catalyseur, il dispose
alors des pieds nus, des mains sales et du coeur battant. A travers les pieds
nus, il exerce son activité en dehors du milieu académique,
à travers les mains sales, il s'engage activement dans l'action sociale,
et, par le coeur battant, il assume sa subjectivité.60(*)
2.3.4. La mobalité
congolaise ou sociologie d'autodétermination
1°. Origine du terme
Le terme de mobalité dérive du mot
« mobali » en lingala du Congo qui signifie
« l'homme ». Mais ici, il ne faut prendre le mot dans son
sens superficiel d'homme simple. Etre « mobali »
veut dire qu'on a fait montre d'être un véritable homme, un homme
d'actions, intelligent et engagé résolument dans le changement de
sa vie et sa collectivité.
2°. Exposé de la théorie
« mobaliste »
Gaspard Kilumba Katutula qui préface l'oeuvre de
Kazadi Kimbu Musopua définit la Sociologie comme la science de
l'action sociale dans la mesure où la société est le
produit des actions des hommes qui agissent en fonction des valeurs, des
motifs. Pour lui, expliquer le social, c'est rendre compte de la
façon dont les hommes donnent sens à leur action.
A travers son oeuvre, l'auteur estime que le bien-être
des congolais et le devenir de la nation congolaise dépendent de la
capacité des congolais de compter d'abord sur leurs propres forces dans
leur propre prise en charge et dans la prise en charge de leurs
collectivités : leur famille, leur village, leur territoire, leur
rue, commune, ville, université, ..., leur Etat-nation.
- Le principe de l'indépendance
A travers ce principe, l'auteur démontre que pour
qu'une société devienne autodéterminée, il faut que
ses membres fassent de l'autodétermination un principe de travail et de
vie.
- Le principe de l'autodétermination
L'autodétermination reposerait sur une
indépendance maîtrisée reposant sur la mise en oeuvre des
stratégies de régénération, d'organisation et de
mobilisation autonome des forces productives locales. Elle se fonde sur la
politique de combat contre l'extraversion de l'économie nationale.
- L'autodétermination ou la pratique
de l'indépendance. S'autodéterminer, selon l'auteur, c'est
devenir sujet de sa propre histoire, c'est apprendre à compter sur ses
propres forces.
Pour ce thèse, la théorie de
l'autodétermination est un soubassement de taille. En effet, nous nous
trouvons dans univers confronté à des difficultés
multiples issues des guerres, de l'insécurité, de
l'appauvrissement du sol, des maladies endémiques, de la
mentalité non ajustée au contexte de vie actuelle, etc. Les gens
ont tendance à se confier plus à la divine providence, à
la superstition, à la magie, au désespoir, aux discours superflus
plutôt que de développer en soi, individuellement, d'abord et
collectivement, ensuite, des sentiments, des idées
d'autodépassement et d'autodétermination dans le travail
conçu comme la seule voie pouvant améliorer leurs lendemains.
Il faut absolument rééduquer la population
à cette prise en charge, les amener à réfléchir sur
leur vie et la façon de l'améliorer, de protéger et
améliorer leurs ressources dans tous les secteurs de la vie et tendre
ainsi vers un changement qualitatif et quantitatif.
2.4. Le changement social
On peut dire, à juste titre que tout peuple ne
prône que le changement, un changement positif. Bien qu'il ne soit pas
toujours facile à atteindre, il demeure un idéal pour tous les
peuples de l'humanité depuis les périodes préhistoriques
jusqu'à l'époque contemporaine. C'est à travers des
actions rationnellement conçues et réalisées, à
travers sa capacité transformatrice qu'une communauté quelconque
passe d'un temps tel à des lendemains meilleurs. Ceci fait que tout
acteur social rationnellement agissant n'envisage que le changement de sa
communauté et pour que celui-ci soit profitable, il faut qu'il soit
durable, perceptible dans la continuité, remarquable à travers
diverses transformations. Ainsi, ce thème englobera conjointement
changement et prospective, cette dernière étant la
prétention d'envisager des lendemains souhaités.
En effet, chaque jour, nous agissons tous individuellement ou
collectivement en fonction de l'avenir, en fonction de l'image que nous en
faisons. Nous subissons certes des contraintes : celles de l'environnement
dans lequel nous sommes plongés et aussi celles de notre passé.
Notre environnement, notre histoire personnelle et celle de la
collectivité à laquelle nous appartenons pèsent parfois
lourdement sur nos actes. Ces contraintes, prises en compte, déterminent
notre avenir, notre agir quotidien et façonne notre comportement.
Une réflexion prospectiviste est, en ce sens, une
réflexion sur les avenirs possibles d'une communauté humaine, une
réflexion non pour prévoir l'avenir mais pour aider à
construire un avenir qui réponde aux aspirations de cette
communauté pour préparer de meilleures décisions qui
auront plus de chances de conduire au futur souhaitable. C'est une
réflexion difficile et le choix d'une méthode pour la guider est
crucial.61(*) Trois
éléments entrent en compte dans tout processus prônant un
changement : l'analyse du passé et du présent, les projets
des acteurs, l'évolution de l'environnement.
Evolution de
l'environnement
Analyse du Projets des acteurs
Passé et du
Présent
Futurs possibles
sgr eeeeee
Source : un guide pour les réflexions
prospectives en Afrique, p.20.
Fig. n° 1 : les
composantes d'une réflexion prospective
Toute réflexion prospective exige :
1°. Le choix de
méthode
Les méthodes de la prospective ont été
proposées par Philippe Hugon et Olivier Sudrie. Il s'agit de :
- méthodes de scénario décrivant des
futurs possibles, eux mêmes déterminés par
l'évolution à long terme des facteurs clés ;
- méthodes de prévision basées sur la
construction des modèles formalisant le comportement des
acteurs ;
- méthodes basées sur l'histoire
raisonnée, c'est-à-dire sur des tendances lourdes du
passé, tendances qui peuvent subir des ruptures ;
- méthodes basées sur le fil d'Ariane d'une
façon motrice dont l'action déterminera les futurs possibles.
2°. Les étapes d'une réflexion
prospective
- L'identification des aspirations qui font l'objet d'un large
consensus au sein de la communauté et en fonction de ces aspirations,
identifier les problèmes qui seront traités dans
l'étude.
- La construction de la base, c'est-à-dire le
rassemblement des éléments et l'analyse des données
nécessaires pour l'exploration du futur. Cette seconde étape est
la plus cruciale, car, de la qualité des données
rassemblées et de la qualité des analyses faites
dépendront la pertinence de l'exploration, donc la pertinence de la
réflexion stratégique et l'efficacité des actions qui
seront proposées.
- L'analyse rétrospective : elle consiste à
dresser un état des lieux (du système et son environnement), puis
à analyser les processus qui ont caractère global et embrasser
tous les aspects de la vie de la communauté aussi bien dans le milieu
naturel que dans les divers aspects de la vie en société.
L'analyse rétrospective doit s'enfoncer profondément dans le
passé et insister sur l'histoire des trois dernières
décennies qui ont vu les sociétés africaines
accéder aux indépendances. Elle doit déboucher
sur :
a) les invariants qui sont des relations qui ne changent pas
ou qui ne changent qu'imperceptiblement à l'échelle d'une
génération
Ex. : le
desséchement d'une contrée, une insécurité qui a
trop duré.
b) les tendances lourdes qui n'évoluent que
très lentement mais qui sont susceptibles d'être infléchies
à l'échelle d'une génération
Ex. : le système de production agricole, le
rétablissement de la paix, la reconstitution d'un cheptel
décimé par la guerre et des pillages.
c). les germes de changement porteurs de transformations et
susceptibles de modifier à long terme les tendances lourdes
d). le choix des variables : on en distingue quatre
principales telles que reprises dans la figure
ci-dessous :
Influence
Variables d'entrée
Variables relais
(motrices, peu dépendantes) (motrices et
dépendantes)
Variables exclues variables résultats
(peu motrices, peu dépendantes)
(Dépendantes)
Source : Un guide pour les réflexions
prospectives en Afrique, p.75.
Fig. n° 2 : Les variables dans le plan
influence-dépendance
Commentaire :
Les variables d'entrée : sont motrices et
peu dépendantes. Ce sont elles qui feront évoluer le
système et auxquelles il faudra accorder une
attention particulière dans la construction des scénarios et
la réflexion stratégique ;
Les variables exclues : sont peu motrices et peu
dépendantes. Elles font figure d'invariants dans le système.
Elles seront aussi utiles pour l'élaboration des
scénarios ;
Les variables relais : motrices et
dépendantes, elles ne jouent pas de rôle dans la construction des
scénarios, mais pourront aider à la réflexion
stratégique ;
Les variables résultats : sont fortement
dépendantes et peu motrices.
3) le choix de la méthode
La méthode recommandée est celle qui aide
à analyser le jeu des acteurs lorsqu'on considère de nombreux
acteurs et une série d'enjeux. C'est la méthode Mactor ou
Méthode d'analyse des acteurs. Elle comporte sept phases :
1°. Construire le tableau des stratégies des
acteurs, c'est-à-dire établir pour chaque acteur important
identifié une carte d'identité avec ses objectifs, ses
projets, ses contraintes, ses forces...
2°. Identifier les enjeux stratégiques et les
objectifs associés
3°. Positionner les acteurs et mettre en évidence
les convergences et les divergences d'intérêts. On construit une
matrice acteurs-objectifs en indiquant pour chaque acteur et chaque objectif
son accord (noté +1) ; son
désaccord (noté -1) ou sa
neutralité (notée +0). On peut aussi mettre en
évidence les groupes d'acteurs qui ont des intérêts
convergents et ceux qui s'opposent.
4°. Hiérarchiser pour chaque acteur ses
priorités d'objectifs
5°. Evaluer les projets de force des acteurs en
construisant un graphique dans un plan influence-dépendance des
acteurs.
6°. Intégrer les rapports de force dans l'analyse
des convergences et des divergences, ce qui donne une nouvelle
présentation des alliances et des conflits potentiels entre acteurs en
tenant compte de la hiérarchie de leurs objectifs et de leurs rapports
de force.
7°. Formuler des recommandations stratégiques
compte tenu des jeux d'alliance et les conflits potentiels.
4) Elaborer des scénarios
La méthode qui consiste à élaborer des
scénarios dans l'exploitation des futurs possibles a été
proposée par Herman Kahan dès les années 1950 aux
Etats-Unis et développée en France par Datar.
Un scénario, pour les cinéastes, est un
résumé de l'action qui va constituer la trame d'un film à
partir d'une situation de départ donnée, il développe ce
que vont faire les acteurs au cours de différents séquences.
Un scénario, dans une étude prospective est
un ensemble formé par la description d'une situation future et du
cheminement des événements qui permettent de passer de la
situation origine à la situation future.
C'est une description riche et détaillée d'un
futur possible, un portrait aux couleurs suffisamment vives pour que le
planificateur puisse clairement voir le problème, les défis, les
opportunités qu'un tel futur présenterait.
Un scénario doit comporter deux aspects :
- Une image plausible du futur de la communauté
à une date déterminée
- La description du cheminement qui conduit de la situation
actuelle à l'image du futur. C'est au cours de ce cheminement qu'il
est possible d'agir pour réaliser un projet.62(*)
Nous retiendrons, avec Michel Godet qu'un scénario ne
décrit pas la réalité future, qu'il n'est pas une
prédiction, qu', il n'est pas non plus un modèle de simulation,
mais qu'il est un moyen commode de représenter une
réalité future plausible, d'en donner une image simplifiée
pour éclairer l'action présente à la lumière des
futurs souhaitables.
On distingue deux sortes de scénarios :
- Les scénarios exploratoires : celles
qui conduisent à des images des futurs possibles, vraisemblables
à partir de la situation actuelle et des tendances passées et
présentes faisant des hypothèses sur les incertitudes
liées à l'environnement et sur les facteurs du changement.
- Les scénarios normatifs sont ceux qui sont
construits à partir de différentes images du futur, des futurs
qui peuvent être souhaités ou au contraire
redoutés.63(*)
La grille ci- dessous nous éclaire sur la façon
de constituer une grille sur des lendemains meilleurs :
Grille des sondages sur l'avenir
= ce qui est souhaitable = ce qui est
prévisible
= ce qui est jugé comme
Bon ou mauvais parmi
Les futurs possibles
= ce que l'on se
déclare = ce que l'on éprouve disposé à faire
comme sentiment
1. Les attentes à
L'égard du
futur
2. Les images du futur
3. Les grands espoirs
Les grandes craintes
Concernant le futur
5. Optimisme ou pessimisme à l'égard du futur.
4. Les attitudes à l'égard du futur
Fig. n° 3 : Une grille d'analyse de
sondages
Source : Futuribles, l'avenir, hier, aujourd'hui
et demain, p. 33.
Commentaire :
Comme cela apparaît à travers cette
figure, l'élaboration du futur repose sur des attentes, des espoirs et
des craintes. A cela s'ajoutent des attitudes d'optimisme, de pessimisme car
il est tout normal que tout en étant optimiste dans le projet que l'on
veut monter, il n'en demeure pas moins qu'il s'affiche des doutes de
réalisation dudit projet. Ceci étant, les sondages sur la
perception du futur portent très souvent sur le pessimisme et
l'optimisme à l'égard de l'avenir, c'est-à-dire sur un
sentiment plus ou moins global d'inquiétude ou de
sérénité qui est éprouvé lorsque l'on
évoque les années à venir.
Certes, dans l'univers où se mène cette
étude, il y a des problèmes et des attentes par rapport à
ces problèmes et, ainsi, l'on s'y construit une certaine image du
futur. Cette image en perspective exige des attitudes qui peuvent être
optimistes ou pessimistes selon les acteurs, et selon l'ampleur du
problème, les stratégies mises en oeuvre, les moyens et les
ressources nécessaires. Dans tous les cas, l'élaboration du futur
possible exige une certaine hiérarchisation, car on ne saurait pas
embrasser tous les problèmes au même moment.
Il va sans dire qu'une communauté qui se fixe pour
objectif de réfléchir régulièrement sur ses futurs
a plus de possibilités de se développer que celle qui ne dispose
que des tendances forts attentistes et qui se voue à la recherche des
solutions à ses problèmes, essentiellement par la prière
ou par des aides extérieures. Ce sont, fort dommage, des telles
tendances parmi tant d'autres qui ont maintenu nos sociétés
africaines dans le sous-développement.
Considérons, enfin, avec Guy Rocher, que le changement
social dispose de cinq caractéristiques :
- Il est un phénomène collectif qui affecte les
conditions et les modes de vie de toute une collectivité ;
- Il concerne un changement de structure en ce sens que
l'organisation est sollicitée dans sa totalité ou dans certaines
de ses composantes ;
- Le changement social est identifiable dans le temps, et par
rapport à un point de référence ;
- Le changement social a un caractère de permanence en
ce sens qu'il présuppose des transformations profondes, durables et non
superficielles ni éphémères ;
- Le changement social affecte le cours de l'histoire d'une
société64(*).
A titre d'exemple, le passage, en République
Démocratique du Congo, de la dictature à la
démocratisation relève d'un véritable changement social
dans notre pays.
2.5. Economie du développement pour les pays en
sous-développement
L'expression « économie du
développement » a été utilisée pour la
première fois en 1943 par Paul Roseintein-Rodan dans un article de
l'Economic journal traitant de l'industrialisation de l'Europe de
l'Est et du Sud-Est.
A.W.Lewis définit l'économie du
développement comme l'analyse de l'économie des pays
les plus pauvres.
Pour Stéphanie Treillet, on ne pourrait s'en tenir
à définir l'économie du développement comme se
rapportant à une partie du monde ; on se référera
donc ici au caractère global et systémique de l'économie
de développement, pour la définir comme l'étude des
transformations structurelles sur le long terme des sociétés, en
même temps que des blocages spécifiques qui entravent ces
transformations - ce qu'on appelle sous- développement.65(*)
Cette rubrique sera, ainsi, très complexe parce
qu'elle abordera sommairement des notions de sous-développement que
sous-tend l'économie du développement, la notion de croissance et
de progrès qui impliquent l'amélioration des conditions de vie
sur le plan tant quantitatif que qualitatif ou encore le
développement.
2.5.1. Notion de développement et croissance
a) Notion de développement
Etant donné que le thème abordé
relève d'une dynamique d'un peuple dans ses actions transformatrices, il
est bon qu'au terme développement qui sous-tend ces transformations nous
donnions une définition qui nous permette d'évaluer les
actions menées sur le terrain, leurs impacts tant positifs que
négatifs.
Ainsi, nous estimons que le développement est une
situation de mieux- être provenant d'un effort ardu, de
mécanismes et des actions ayant tenu compte d'une situation
antérieure précaire ou jugée insuffisante et qui se sont
inscrits dans un cadre participatif communautaire et global et ce, à
travers une stricte rationalité.
De cette définition découlent quatre
éléments fondamentaux que nous examinerons tour à
tour : la situation antérieure, l'effort dans les actions
entreprises, l'aspect participatif communautaire et la rationalité.
1°. La situation
antérieure
C'est la situation du moment, analysée et
évaluée négativement ou positivement qui éclaire
les besoins ressentis, qui incite à des mécanismes nouveaux de
transformation, des stratégies et des tactiques de développement.
De ce point de vue, toute communauté ne se développe qu'à
partir d'un point de départ jugé insignifiant et qu'il faut
améliorer. C'est d'ailleurs pour cela que Walter Whitman Rostow,
Conseiller des Présidents américains Kennedy et Johnson, estime
que toutes les sociétés évoluent en franchissant cinq
étapes :
- la société traditionnelle
- la société de transition ou le
décollage
- le décollage (Take off)
- la maturité
- la société de consommation.66(*)
C'est la situation présente, antérieure au
développement qui incite à de nouvelles transformations.
2° L'effort
Les actions de développement exigent un effort soutenu
et rationnalisé. Le développement n'est pas un état issu
de la paresse et de l'immoralité, bien au contraire. C'est à
travers la rigueur, des programmes rationnellement conçus et
exécutés que les peuples accèdent à des situations
améliorées.
3° L'aspect participatif
communautaire
Le développement n'est pas l'affaire d'un individu. Au
sein d'une communauté, toutes les forces pensantes et agissantes
devraient participer aux initiatives entreprises localement. Ces
dernières peuvent provenir de n'importe qui, mais dès lors
qu'elles sont jugées valables et rentables, pourquoi n'importerait-il
pas que la dynamique soit globalisante ? C'est ainsi que tout ouvrage
appartenant à la communauté doit être sous la protection de
tous. C'est cette phase d'appropriation communautaire qui fait montre de
responsabilité, pérennise les actions et incite à des
actions nouvelles beaucoup plus améliorées.
4° La
rationalité
Il n'y aura jamais de développement dans le
désordre et l'irrationalité. Le processus du développement
exige la prise de conscience, les initiatives, le courage, la discipline,
l'ordre et l'autoévaluation permanente. C'est par le fait d'être
consciente, de ce principe que la chefferie s'est dotée de cette
devise : « l'ordre fait le
progrès ».
Nous estimons, enfin, que le développement se
réalise par étapes à travers d'énormes
difficultés qu'il faut surmonter. Il ne se fait pas avec
facilité. C'est processus exigeant de travaux de longue haleine.
Ki-Zerbo estime que « le développement n'est pas
une course olympique ».67(*)
Ainsi, le terme de développement, selon Mukaba
Mputu,68(*) trouve sa
signification à travers cinq approches :
1°. L'approche
étymologique : développer signifie :
ôter l'enveloppe ; déployer ; faire apparaître ou
argumenter. Amener à un stade plus avancé.
2°. Approche dite universelle :
cette approche signifie tout simplement « recherche de mieux-
être ». C'est donc une aspiration universelle puisque tout
homme où qu'il soit et qui qu'il soit recherche le mieux-être.
Mais une question se pose : qui définit ce mieux-être ?
C'est ici que la notion de bien-être devient relative puisque variant
selon les sociétés et les cultures.
3°. Approche dite
opérationnelle : cette approche est dite également
vulgaire, populaire ou pratique. Le terme
« développement » contient au niveau de cette
approche deux dimensions qui sont : la dimension
« croissance » et la
dimension « progrès ». La croissance se
réfère à l'augmentation du taux de production alors que
le progrès reflète le degré d'amélioration de cette
même production.
La simple accumulation ne fait pas le développement,
comme la simple amélioration n'apporte pas non plus de
développement. Mais lorsque la dimension
« croissance » s'accompagne de celle du
« progrès » pour le même
phénomène, on peut alors parler du développement. Ainsi,
« développement » égale
« croissance » plus
« progrès ».
4°. L'approche conceptuelle :
toutes les cultures et sociétés reconnaissent, à ce jour,
que toute conception du développement ne peut tourner qu'autour de
l'homme. L'homme est le seul acteur et bénéficiaire du
développement. L'homme est l'alpha (agent, fondement, acteur)
l'oméga (bénéficiaire et finalité du
développement). Le développement s'adresse à tout homme et
tout l'homme, c'est-à-dire l'homme à travers toutes ses
spécificités et son intégralité, tenant compte de
lui physiquement, moralement et culturellement. Comme dit plus haut, le
développement est donc le résultat d'un effort de concertation,
de solidarité, de travail et d'unité. C'est un idéal
auquel tous les hommes veulent tendre malgré leurs multiples
diversités culturelles.
5°. L'approche interventionnelle :
elle définit l'effort que les agents et experts doivent fournir pour
conduire leur nation au destin du développement. Ainsi, le
développement est, conclut l'auteur, un choix de modèle que les
sociétés définissent librement et qui leur assure plein
épanouissement.
Notre point de convergence, ici, avec cet auteur se situe
au fait que le développement est à la fois un effort, un
idéal et une dynamique globalisante et rationnalisée.
Ce cheminement de recherche de mieux-être constitue ce
que nous appelons « politique de
développement » qui doit tenir compte du temps qui
englobe stratégie et tactique de
développement.
Une tactique de développement est une politique
à court terme, elle est annuelle et repartie sur moins d'une
année. Elle s'appelle aussi politique conjoncturelle.
Quant à la stratégie de développement,
elle est aussi une forme de politique de développement mais qui
implique une durée dans l'intervention. Cette durée est à
moyen ou long terme. Elle porte aussi le nom de politique de perspective
ou de planification. Elle peut être de trois ans ou plus selon
qu'elle est dite à moyen terme ou à long terme. Une
stratégie de développement utilise une idéologie propre,
c'est-à-dire un monde de valeurs, d'idées, de conceptions, de
pensées et de réflexions. Cette idéologie recherche
à donner un sens à la politique, laquelle doit être
soutenue par un système d'organisation. A ce jour, on parle de plus en
plus du développement durable qui parait plus déterminant pour
les communautés présentes et futures.
Selon la définition proposée en
1987 par la Commission
mondiale sur l'environnement et le développement dans le
rapport
Brundtland[], le développement durable est :
« un développement qui répond aux
besoins des générations du présent sans
compromettre la capacité des
générations
futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont
inhérents à cette notion :
· le concept de « besoins », et plus
particulièrement des besoins essentiels des plus démunis,
à qui il convient d'accorder la plus grande priorité ;
· l'idée des limitations que l'état de nos
techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de
l'environnement à répondre aux besoins actuels et à
venir »69(*).
Le concept de développement désigne donc
tantôt un état, tantôt un processus, connotés l'un et
l'autre par les notions de bien-être, de progrès, de justice
sociale, de croissance économique, d'épanouissement personnel,
voire d'équilibre écologique.70(*)
b) Notion de croissance
Selon Madeleine Grawitz, la croissance est un processus
cumulatif d'augmentation de la production et du potentiel de la
production71(*). Ainsi,
considérée, la croissance implique d'importantes ressources
(matérielles, humaines, financières) et une production tant
qualitative que quantitative. Elle est une phase importante du
développement. La croissance est un processus et une conséquence
de travail et de gestion rationnels.
2.5.2. Notion de sous-développement
Si le développement est un état de satisfaction,
de mieux-être, d'amélioration des conditions de vie d'un peuple,
le sous -développement constitue un défi à relever pour
atteindre ce niveau de satisfaction. Nous en donnons, ici, d'une manière
non exhaustive ses caractéristique : niveau de vie très bas,
espérance de vie très limitée, faible niveau d'instruction
et analphabétisme, croissance démographique et notion de planning
familial non respecté, conflits meurtriers, faible productivité,
industrialisation faible ou inexistante, malnutrition, mortalité
infantile élevée, fuite des cerceaux, insécurité
alimentaire...
2.6. Notion de l'environnement
L'environnement, c'est l'ensemble des caractéristiques
physiques, chimiques et biologiques des écosystèmes plus ou moins
modifiées par l'action de l'homme72(*).
On trouve « environnement» en français
dès 1265 dans le sens de « circuit, contour » puis
à partir de 1487 dans le sens « action
d'environner »[]. Deux dictionnaires au
XIXe siècle
attestent un emprunt à l'anglais
environment[]. Le mot provient du verbe
environner, qui signifie action d'entourer. Lui-même
est un dénominatif de environ, qui signifie
alentour.][]
Le mot environnement est
polysémique,
c'est-à-dire qu'il a plusieurs sens différents. Ayant le sens de
base de ce qui entoure, il peut prendre le sens de cadre de
vie, de
voisinage,
d'ambiance, ou encore de contexte (en
linguistique).
L'environnement au sens d'environnement
naturel qui entoure l'homme
est plus récent et s'est développé dans la seconde
moitié du
XXe siècle.
Le mot environnement est à différencier
du mot
nature qui désigne les
éléments naturels, biotiques et abiotiques,
considérés seul], alors que la notion d'environnement
s'intéresse à la nature au regard des activités humaines,
et aux interactions entre l'homme et la nature. Il faut également le
différencier de l'écologie, qui est la
science ayant pour objet les
relations des
êtres
vivants avec leur environnement, ainsi qu'avec les autres êtres
vivants
[8],
c'est-à-dire, l'étude des
écosystèmes.
La notion d'environnement englobe aujourd'hui l'étude
des milieux naturels, les impacts de l'homme sur l'environnement et les actions
engagées pour les réduire.
Alors qu'il se dégradait, l'environnement a acquis une
valeur de
bien commun, et a
été compris comme étant aussi le support de vie
nécessaire à toutes les autres espèces aussi bien animale,
végétale et qu'humaine.
Pour ce qui concerne le couvert forestier, il est bien de
noter que celui-ci joue trois fonctions capitales dans l'équilibre de
la nature :
« - la fonction de production : c'est
grâce à elle que nous jouissons de l'oxygène et du bois
nécessaires pour nos besoins multiples ;
- la fonction de protection qui régularise
l'écoulement des eaux, qui efface les crêtes climatiques et
participe au maintien des sols soumis à l'érosion, filtre les
pollutions...
- la fonction du musée ou du sanctuaire qui
offre le calme à l'individu, favorise la réflexion, sauvegarde la
vie sauvage, etc. ».73(*)
En tant que patrimoine devant être géré
rationnellement pour pouvoir le léguer aux
générations
futures, l'environnement est le support de nombreux
enjeux esthétiques,
écologiques, économiques, socioculturels, éthiques et
spéculatifs (comme
puits de carbone
par exemple). L'ONU rappelle dans son rapport GEO-4 que sa
dégradation « compromet le développement et menace les
progrès futurs en matière de développement »
(...) et « menace également tous les aspects du
bien-être humain. Il a été démontré que la
dégradation de l'environnement est liée à des
problèmes de santé humaine, comprenant certains types de cancers,
des maladies à transmission vectorielle, de plus en plus de zoonoses,
des carences nutritionnelles et des affectations respiratoires».
Ce même rapport rappelle que
l'environnement fournit l'essentiel des
ressources
naturelles vitales de chacun (eau, air, sol, aliments, fibres,
médicaments, etc.) et de l'Économie ; « presque la
moitié des emplois mondiaux dépendent de la pêche, des
forêts, ou de l'agriculture. L'utilisation non-durable des ressources
naturelles, englobant les terres, les eaux, les forêts et la pêche,
peut menacer les moyens d'existence individuels ainsi que les économies
locales, nationales et internationales. L'environnement peut grandement
contribuer au développement et au bien-être humain, mais peut tout
aussi bien accroître la vulnérabilité de l'homme, en
engendrant de l'insécurité et des migrations humaines lors de
tempêtes, de sécheresses, ou d'une gestion écologique
déficiente. Les contraintes écologiques encouragent la
coopération, mais elles contribuent aussi à la création
de tensions ou de conflits ».[]
L'histoire de l'environnement est une sous-division de l'
histoire qui
intéresse de plus en plus de chercheurs.
L'environnement est défini comme
« l'ensemble des éléments (biotiques ou abiotiques)
qui entourent un individu ou une
espèce
et dont certains contribuent directement à subvenir à ses
besoins », ou encore comme « l'ensemble des conditions
naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques)
susceptibles d'agir sur les organismes vivants et les activités
humaines »[].
Dans ce contexte, l'environnement n'est pas seulement
l'ensemble de montagnes ou de forêts, de la biomasse qui nous
entourent. Pour un sociologue, l'environnement va au-delà de ces
considérations physiques. Il prendra en compte le monde ambiant, les
comportements associés ou en interaction avec les communautés
avoisinantes. Ainsi donc, sur le plan microcosmique, l'environnement d'une
famille peut influer négativement ou positivement sur une famille qui
lui est proche. Dans le langage courant, en ce qui concerne l'éducation
et le comportement des jeunes, on estime qu'une mauvaise compagnie peut
influer sur la réussite d'un élève emporté
aveuglement par ses condisciples. L'on dit alors que la mauvaise compagnie
l'a conduit à l'échec. Il en est de même du comportement
sexuel des jeunes filles ou des garçons qui se droguent. En fait, tout
comportement déviant ne s'arrête jamais à son état
initial, il se répand en tache d'huile en se comportant de la
manière d'un conquérant à la recherche de nouveaux
adeptes.
Il est peu raisonnable de croire qu'un comportement n'a que
des influences négatives. Non, il peut et bien souvent contribuer
à un changement spectaculaire d'un déviant. Tout dépend de
la force morale ou comportementale, des objectifs et des stratégies de
la personne ou de l'entité sociale qui se fixe pour mission ou qui se
propose d'améliorer les conduites d'un individu. Ainsi, bien de
familles ont changé de comportement, de modes de vie pour le simple
fait d'avoir été en contact avec d'autres. On a donc tort de
croire, dans le jargon populaire, qu'il n'y a que la mauvaise herbe qui peut
et toujours croitre.
Du fait que le comportement tout comme la culture ne sont pas
innés mais appris, pour, l'individu, dès ses premiers contacts
avec un autre, il s'opère rejets et emprunts ; ces derniers peuvent
être négatifs ou positifs et changer tout le comportement
traditionnel ou initial de l'individu apprenant. Mais tout cela ne
relève que l'environnement social et culturel, c'est-à-dire que
les manières d'être, d'agir et de penser ou de sentir de la
personne peuvent avoir des répercussions négatives ou positives
sur son voisinage.
Selon encore Wiképédia, la notion
d'environnement
naturel, souvent
désignée par le seul mot « environnement », a
beaucoup évolué au cours des derniers siècles et tout
particulièrement des dernières décennies.
L'environnement est compris comme l'ensemble des composants
naturels de la
planète Terre, comme l'
air, l'
eau, l'
atmosphère,
les
roches, les
végétaux,
les
animaux, et l'ensemble des
phénomènes et interactions qui s'y déploient,
c'est-à-dire tout ce qui entoure l'
Homme et ses
activités - bien que cette position centrale de l'Homme soit
précisément un objet de controverse dans le champ de
l'écologie.
Au
XXIe
siècle, la protection de l'environnement est devenue un enjeu
majeur, en même temps que s'imposait l'idée de sa
dégradation à la fois globale et locale, à cause des
activités humaines
polluantes. La
préservation de l'environnement est un des trois piliers du
développement
durable. C'est aussi le 7ème des huit
objectifs
du millénaire pour le développement, considéré
par l'ONU comme « crucial pour la réussite des autres
objectifs énoncé dans la Déclaration du Sommet du
Millénaire ».74(*)
En fait, l'environnement, c'est tout ce qui nous entoure. Les
sciences de l'environnement étudient les conséquences des
modifications survenues sur les plantes, les animaux et l'homme aussi bien
à l'échelle de l'individu ou de l'écosystème que
de toute la biosphère.
Le mot « environnement », tout comme le
terme « écologie » avec lequel il est
fréquemment confondu - ce contre quoi se sont élevés,
à juste titre, maints écologues - renvoie, depuis qu'il est
communément employé, à une notion fluctuante.
Employé seul, le mot réfère implicitement
à l'environnement de l'homme, c'est-à-dire à ses
conditions de vie, aux fruits de ses activités (qu'ils soient positifs
ou négatifs), etc. Le champ est donc vaste, sans limites bien
définies dans le temps et dans l'espace. Il est évident que la
protection de la nature, la culture, la qualité de la vie,
l'aménagement du territoire, le développement durable, font
partie de l'environnement, mais alors pourquoi en faire des catégories
différentes ? De même, pourquoi
séparerait-on d'un ministère de l'Environnement un
ministère de l'Agriculture et de la Pêche, un ministère des
Transports, un ministère de la Santé, etc., dont les
préoccupations sont, à l'évidence, parties
intégrantes de l'environnement ? Vouloir qu'un ministère
traite de problèmes d'environnement impliquerait, en bonne logique,
qu'il ait en charge, ou à tout le moins qu'il supervise, les
différents ministères ayant prise sur les différentes
activités humaines. Cela n'a jamais été le cas. Cet
exemple montre toute l'ambiguïté d'un mot dont les contours
englobent beaucoup plus que ce que l'on veut bien lui attribuer, comme en
témoignent aussi les différentes branches du droit qui en
traitent.
La notion même d'environnement conduit à adopter
d'emblée une vision planétaire (voire au-delà). Compte
tenu du fait que l'espèce humaine, par sa population, ses moyens et ses
besoins est peu à peu devenue un facteur majeur, voire
prépondérant (notre espèce a le pouvoir d'épuiser
des ressources non renouvelables, de faire disparaître d'autres
espèces) dans l'évolution de la vie sur la Terre, cette vision
est justifiée. Elle recouvre ce que certains appellent
« l'environnement global » à partir du constat que
certaines activités humaines (émissions de gaz à effet de
serre, pollutions aquatiques à longue distance, manipulations
génétiques, par exemple) ont ou peuvent avoir un impact global
sur le fonctionnement de notre planète. Même si une telle vision
est indispensable lorsque l'on cherche à résoudre aux niveaux
politique et économique des questions d'environnement global, elle
implique aussi de pouvoir penser et agir à plus petite échelle.
Le « penser globalement et agir localement » de René
Dubos, médecin et biologiste américain d'origine
française, prend toute sa signification.
Des marées noires comme celles de l'Erika
(1999) ou du Prestige (2002), s'ajoutant à la longue
série des déversements pétroliers touchant les côtes
françaises depuis le naufrage du Torrey-Canyon (1967), marquent
les esprits et sont perçues comme des dégradations majeures de
l'environnement marin. Et pourtant, que sont les 150 000 tonnes de
pétrole accidentellement déversées dans les océans
chaque année lors de telles marées noires par rapport aux
1 500 000 à 1 800 000 tonnes rejetées
par des déballastages et dégazages
délibérés, qui mobilisent beaucoup moins l'opinion
publique ?
L'ambiguïté du mot environnement vient du fait
qu'il désigne tout à la fois l'environnement global
(c'est-à-dire, la planète) et l'environnement que l'on pourrait
appeler « de proximité », mais aussi des questions
relatives à certains aspects de la qualité de la vie souvent
très subjectifs, et des réalités que l'on pourrait dire
objectives. Ainsi préconiser telle ou telle couleur pour la peinture des
bancs d'un jardin public exprime autant une préoccupation de
l'environnement que se soucier de la teneur dans l'eau ou dans l'air d'un
produit nocif pour la vie de l'homme ou de tout autre organisme vivant.
De même, la connaissance des courants atmosphériques qui
véhiculent à longue distance des éléments polluants
demande-t-elle le concours d'études scientifiques d'un ordre
différent de celles qui cherchent à mesurer l'impact de ces
polluants sur les organismes vivants, même si elles peuvent les unes et
les autres se revendiquer de l'environnement. C'est pourquoi l'on peut dire que
s'il y a des sciences de l'environnement qui permettent de tenter de
répondre à des questions d'environnement, il n'y a pas une
science de l'environnement, aucune discipline n'étant capable d'englober
tout ce que l'on peut mettre sous ce terme. C'est ce qui a conduit
l'écologue François Ramade à écrire en 1992 :
« L'écologie est depuis longtemps une science adulte et en
particulier prédictive. Elle a pour objet l'étude des relations
entre les êtres vivants et leur milieu. Elle ne peut se limiter à
l'étude de l'homme ou à celle de l'atmosphère. Elle est
interdisciplinaire par nature et donne leur cohérence aux autres
sciences de l'environnement. Le concept d'environnement étant en
lui-même sans consistance scientifique.75(*)
Il convient de distinguer les sciences de l'environnement
d'avec l'écologie qui étudie des milieux naturels ou peu
modifiés. C'est la science qui étudie les mécanismes de la
nature, c'est-à-dire les relations entre les êtres vivants (les
plantes, les animaux et les hommes) et les relations entre les êtres
vivants et le milieu dans lequel ils vivent. L'écologie est l'un des
aspects essentiels sous lequel doit être envisagée la
connaissance des problèmes biologiques. Elle doit être
considérée comme une science distincte, même si il est vrai
qu'elle contribue à l'étude et à la compréhension
des problèmes liés à l'environnement.
Pour les Ecologistes, les êtres vivants ne vivent pas
de manière isolée, ils dépendent tous les uns des autres.
Et, ainsi, chaque être vivant dépend de son milieu de vie,
certains sous les eaux, d'autres sur le sol ou le sous-sol, etc. Le milieu
où vivent les êtres vivants est appelé
écosystème.
Un écosystème est un ensemble
formé par une communauté animale et végétale (la
biocénose) et le milieu que cette communauté occupe (le biotope).
La biocénose et le biotope sont deux éléments
indissociables qui agissent l'un sur l'autre et forment un système en
perpétuelle évolution. L'ensemble des écosystèmes
de la planète forme ce que l'on appelle la biosphère (mince
couche superficielle de la terre occupée par les êtres vivants).
Selon J. Goffaux, l'écosystème est « système
limité dans l'espace constitué par les diverses
communautés d'êtres vivants qu'on y rencontre et par l'ensemble
des conditions énergétiques, physiques, chimiques et biologiques
qui règnent au voisinage immédiat de ces êtres
vivants ».76(*)
Un biotope est un milieu physique et chimique dans
lequel vivent les êtres vivants (micro-organismes, plantes, champignons,
animaux). C'est lui qui contient tous les éléments de base
nécessaires à la vie de l'écosystème.
La biocénose comprend l'ensemble des
êtres vivants d'un écosystème : les plantes, les
champignons, les animaux et les micro-organismes (les bactéries et les
protistes, qui sont des êtres vivants faits d'une seule cellule. Les
écosystèmes sont en constante évolution. Tel un champ en
jachère, nu puis couvert de petites herbes, des insectes, puis de
grandes herbes, des arbres de petits et de grands animaux. Dans cette
évolution, un écosystème finit par se stabiliser.
Actuellement, les études relatives à
l'environnement s'attardent avec acharnement sur la question du
« global change » ou changement global.
L'expression anglaise « global change »
désigne un ensemble des perturbations dues à l'homme qui
affectent la totalité ou une partie importante de la biosphère.
Beaucoup de programmes internationaux se consacrent à ce sujet qui
comporte trois thèmes principaux ; l'effet de serre, la couche
d'ozone et les pluies acides.
1°. L'effet de serre
L'utilisation des combustibles fossiles (charbon,
pétrole, gaz naturel) libère dans l'atmosphère une partie
du carbone qui était stocké dans le sous-sol sous la forme de
carbone fossile. La teneur de l'atmosphère en gaz carbonique
était, semble-t-il, restée stable pendant de siècles et
était de l'ordre de 290 parties par million (ppm). Elle a
augmenté depuis 1850 environs, et est aujourd'hui de 350 ppm. Ce
changement important provoque déjà des modifications à
l'état général de la biosphère et entraîne
en particulier une amplification de l'effet de serre. Depuis 1850, la
température moyenne de la surface du globe a ainsi augmenté de
plus de 1° C. Les spécialistes prévoient que si
l'augmentation de la teneur de l'atmosphère en gaz carbonique continue
à ce rythme, l'élévation de la température sera
dans un siècle comprise entre 2° C et 6° C. Si rien n'est
fait pour enrayer ces rejets de gaz carbonique, la fonte d'une partie des
glaces polaires entrainera une élévation du niveau des mers
(estimée à 80 mètres en 2100). Ce qui submergera des
régions littorales dont certaines sont très peuplées.
Le gaz carbonique n'est pas le seul gaz capable
d'augmenter l'effet de serre. Le méthane, dont les émissions ont
pour origine la décomposition organique anaérobique
(rizières, sols, décharge) et la fermentation microbienne de
nourriture dans l'appareil digestif des animaux d'élevage ainsi que les
chlorofluorocarbones (CFC) ont le même effet et sont, eux aussi,
libérés dans l'atmosphère en quantité croissante.
L'augmentation de ces gaz à effet de serre est
à relier d'une part à l'augmentation de la population mondiale et
d'autre part au développement des techniques industrielles et aux
besoins qu'elles impliquent.
2°. La couche d'ozone
Il existe dans l'atmosphère, vers 40 mètres
d'altitude, une couche d'ozone (O3) qui est formées par des
réactions photochimiques : combinaisons d'oxygène
moléculaire (O2) et d'oxygène atomique (O)
libéré par le rayonnement solaire. Cette couche d'ozone
arrête une grande partie des rayons ultraviolets solaires et sans elle
aucune vie ne serait possible sur la terre. Une diminution inquiétante
de la quantité d'ozone au-dessus de l'Antarctique a été
détectée entre 1970 et 1980. Cette destruction de l'ozone est
liée à l'utilisation, dans diverses industries, (climatisation,
réfrigération, solvants, aérosols) des composés
à base de fluor et de chlore que l'on appelle communément
chlorofluorocarbones (CFC). Les CFC dont la durée de vie est de 60
à 120 ans, s'élèvent jusqu'à la stratosphère
où les rayons solaires les dissocient, libérant leur chlore
très réactif qui brisent les molécules d'ozone. Chaque
molécule de chlore peut détruire jusqu'à 100 000
molécules d'ozone sans pour autant disparaitre. Le trou dans la couche
d'ozone ne se limite plus à l'Antarctique. Il commence à
apparaitre d'une façon saisonnière au-dessus des régions
peuplées des latitudes moyennes de l'hémisphère nord.
3°. Les pluies acides
Elles sont, comme l'effet de serre, une conséquence de
l'utilisation des combustibles fossiles. Elles sont provoquées par des
rejets de dioxyde de souffre (ou gaz sulfureux) et d'oxyde d'azote dans
l'atmosphère lors de la combustion qui a lieu dans les centrales
thermiques, les chaudières de chauffage central ou les véhicules
à moteurs. Ces produits, en présence des rayons ultraviolets
solaires, réagissant avec la vapeur d'eau atmosphérique et avec
les oxydants comme l'ozone, se transforment en acide sulfurique et en acide
nitrite qui sont entraînés loin de leur lieu de production par les
courants atmosphériques. Ces particules acides se déposent et
s'accumulent sur les feuilles des arbres, puis sont lessivées par la
pluie ou la neige. Ce lessivage entraîne alors une augmentation de
l'acidité dans le sol. L'acidité se mesure en déterminant
le pH (puissance en hydrogène) qui est d'autant plus bas que
l'acidité est plus forte. Les pluies normales ont un pH moyen de
5,6.
Par définition, les pluies acides sont celles dont le
pH est inférieur à 5,6. Dans le Nord-Ouest de l'Europe, le pH
moyen des pluies est aujourd'hui de 4,3 et on a enregistré aux
Etats-Unis un pH record de 2,3 égal à celui du vinaigre. Les
pluies acides sont un exemple de pollution sans frontières. Celles qui
dégradent les eaux douces du Sud de la Norvège et font
disparaître les poissons ont leur origine dans les zones industrielles
d'Allemagne et d'Angleterre et celles qui provoquent le
dépérissement des forêts d'érables à sucre au
Québec proviennent du Nord-est des Etats-Unis.
Les pluies acides corrodent les métaux, altèrent
les édifices en pierres, détruisent la végétation,
acidifient les lacs dont les poissons disparaissent. Elles ralentissent la
croissance des arbres et sont responsables, au moins en partie, du
dépérissement des forêts qui sévit en Europe et en
Amérique du Sud.
Au-delà, de tous ces phénomènes qui
détruisent l'environnement et bientôt toute la Terre, il y a
différentes pollutions issues de l'urbanisation et de
l'industrialisation. En juin 1992, le Sommet de Rio de Janeiro
réunissant les délégués de 172 pays s'est beaucoup
penché sur la question de l'environnement et adopté une charte
dénommée « la Charte de la Terre ».
C'est un constat simple qui préside à la Charte
de la Terre, ou Déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement : l'environnement se dégrade de façon
alarmante. Dégradation incompatible avec la mise en place d'un
développement durable auquel l'humanité tout entière a
fondamentalement droit. La Charte de la Terre pose donc, en 27 principes,
les objectifs et les grandes lignes de ce que devrait être le monde
futur, autour des axes de l'élimination de la pauvreté, de la
protection de l'environnement et du développement. Ces principes sont au
nombre de 27. Nous en donnons seulement les quatre qui précisent
l'idée de la présentation de la charte en rapport avec
l'étude. Néanmoins, nous mettrons, en annexe, le contenu de
toute la charte sur le Sommet de la Terre. Il s'agit des principes n° 1,
3, 5 et 8.
PRINCIPE 1
Les êtres humains sont au centre des
préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit
à une vie saine et productive en harmonie avec la nature.
PRINCIPE 3
Le droit au développement doit être
réalisé de façon à satisfaire équitablement
les besoins relatifs au développement et à l'environnement des
générations présentes et futures.
PRINCIPE 5
Tous les États et tous les peuples doivent
coopérer à la tâche essentielle de l'élimination de
la pauvreté, qui constitue une condition indispensable du
développement durable, afin de réduire les différences des
niveaux de vie et de mieux répondre aux besoins de la majorité
des peuples du monde.
PRINCIPE 8
Afin de parvenir à un développement durable et
à une meilleure qualité de vie pour tous les peuples, les
États devraient réduire et éliminer les modes de
production et de consommation non viables et promouvoir des politiques
démographiques appropriées.
Source : site officiel des Nations.
Il nous revient à travers cette thèse de
démontrer l'efficacité ou l'inefficacité des
mécanismes entrepris dans la gestion et la protection de l'environnement
dans notre terrain d'étude. L'attention sera fixée sur les
forêts, les boisements, les arbres, la protection des espèces
rares, les marais, le sous-sol, les rivières, les sources, les
étangs, les routes de desserte agricole, les prairies, les
pâturages, les effets des feux de brousses, l'air, la chasse, la
pêche avec les pesticides ou avec les substances naturelles
empoisonnantes telles que la tephrosia vogelii ou « mwilukuluku,
en mashi »...
Enfin, certains considèrent l'environnement comme un
écosystème.
Avec l'école de l'écologie des organisations,
d'autres auteurs comme Trist (1976) ou Astley et Van de Ven (1983) ont une vue
plus mesurée que les précédents sur le rôle de
l'environnement, ce qui permet de réhabiliter quelque peu le rôle
des dirigeants. D'une part, l'environnement n'est pas considéré
comme une variable indépendante, surdéterminante, face à
laquelle les organisations doivent s'adapter ou mourir. En fait,
l'environnement et les organisations sont en perpétuelle relation et
forment un écosystème. Il existe des effets de rétroaction
: l'environnement contraint les organisations et celles-ci modifient en retour
l'environnement. C'est un processus incessant de codétermination
(l'environnement n'est pas exogène aux organisations). Le
problème de l'adaptation est alors posé de façon nouvelle
: il ne se pose pas ponctuellement (les variations ne sont pas ponctuelles)
mais constamment : l'organisation doit, certes, s'adapter au présent
mais elle doit aussi se préparer aux futurs possibles. Cette
capacité à préparer le changement, qui dépend de la
direction de l'entreprise, déterminera la survie de l'organisation.
D'autre part, la conception d'un environnement hostile
où règne la concurrence est également
considérée comme réductrice de la réalité.
Les ressources peuvent être abondantes et surtout, les organisations
peuvent développer des stratégies de coopération. La
collaboration est justement une réponse à la complexité et
à l'incertitude de l'environnement. Certains, comme Trist, estiment
qu'il faut stimuler cette coopération entre organisations
confrontées aux mêmes problèmes. Cela permettrait
construire l'avenir de façon commune et d'éviter la
multiplication d'actions individuelles et concurrentes menaçant
l'équilibre de l'écosystème des organisations (pollution,
secteurs industriels en crise, etc.). Cette école a donné
naissance à ce qu'on appelle désormais
l'éco-management : gérer l'entreprise afin de la mettre
en adéquation avec son écosystème. La
responsabilité sociale de l'entreprise est réaffirmée :
préserver ou danger son environnement (physique, social,
culturel...)77(*). Bref,
toute entreprise, doit développer des mécanismes de bonnes
collaboration, d'entente et d'entraide avec le milieu environnant afin qu'elle
se trouve stabilité à travers l'adéquation, ainsi,
créée entre elle et son voisinage humain.
Conclusion partielle : justification des
théories utilisées au 1er et
2ème chapitre
Ces deux chapitres sont complémentaires, le
deuxième est le prolongement du premier. C'est en fait, pour des raisons
d'équilibre qu'au lieu d'un chapitre, nous en avons fait deux en
abordant un certain nombre de théories qui se complètent et qui
sous-tendent cette étude. Au centre de toutes ces théories, il y
a la famille. Entendue comme un ensemble d'éléments en
interactions, la famille est un sous- système social faisant partie du
système macrosocial qui est toute l'humanité.
De ce point de vue, il nous a plu d'aborder d'abord le
système social en général avant de nous étendre sur
la famille en question. Celle-ci a été conçue comme
étant un cadre de vie social, une unité sociale par excellence.
Elle peut être comparée à une société car
disposant de tous les éléments constitutifs de cette
dernière : les éléments matériels et
formels.
Sur le plan matériel, toute famille dispose de son
cadre physique de vie, sa parcelle où elle est localisée. Elle
se définit aussi par rapport à sa taille, c'est-à-dire
l'ensemble de ses membres qui la composent.
Sur le plan formel, la famille dispose de tous les
éléments propres à une société ;
l'activité, la relation, la conscience collective et
l'institutionnalité.
Somme toute, nous avons démontré que d'une
manière générale, la famille est considérée,
par beaucoup de gens, comme un cadre de vie par excellence.
Néanmoins, d'autres estiment que la famille enfreint aux libertés
des personnes, qu'elle crée des inégalités sociales et
qu'elle développe parfois des foyers des tensions.
Comme cadre de vie, la famille travaille pour vivre et se
maintenir. C'est pour cette raison que nous estimons que la famille est
essentiellement travail et discours, car pour se maintenir, elle doit
travailler ; pour tisser les liens entre ses membres, pour socialiser, il
nécessite qu'elle entretienne un certain nombre des discours et en
consomme d'autres. Le travail de la famille l'insère dans une vision de
développement, c'est une vision développementiste, un objectif
d'accéder au mieux- être, c'est-à-dire un changement
qualitatif et/ou quantitatif. Ceci qui implique la continuité de la
famille et de l'humanité. En d'autres termes, si la famille de Ngweshe
continue et continuera de vivre, c'est par suite des actions qu'elle
entreprend, des relations qu'elle entretient et des discours qu'elle produit.
Ces actions, n'ont pas encore émergé à la face du monde
jusqu' à présent et c'est cela qui nous maintient dans le
sous-développement. Voilà pourquoi, Kazadi Kimbu parle de la
« mobalité » ou la théorie de
l'autodétermination, du saisissement de sa propre histoire et
l'autoprise en charge de soi.
On ne pourrait donc parler de la famille sans parler du
développement ; car toute initiative est prise pour et par la
famille. En effet, tous les acteurs sociaux sont issus de familles même
si tous, par moment, n'ont pas fondé familles.
Enfin, la famille dispose d'un environnement qu'elle
gère à sa guise, qu'elle doit maintenir et sauvegarder. Nous
retiendrons que toutes les destructions de l'environnement, à part
quelques catastrophes naturelles, sont l'oeuvre des hommes issus de
familles.
Ainsi donc, système social, discours, environnement,
développement, changement social, sont, dans cette étude, des
notions inextricablement liées à la famille. Ainsi, nous abordons
les aspects méthodologiques sous-tendus par ces théories.
Chapitre troisième
CADRE METHODOLOGIQUE
A travers ce chapitre, nous abordons des aspects relatifs
à la méthode, aux techniques et aux problèmes
épistémologiques.
3.1. LA METHODE
3.1.1. Acception du concept
La méthode dispose d'un caractère
polysémique. Nous passerons en revue les opinions de certains auteurs
en rapport avec le sens qu'ils confèrent à la méthode.
Pour Descartes, « les intelligences ne
différent que par les méthodes qu'elles utilisent ».
Sans cependant prétendre que la méthode remplace l'intelligence
et le talent, Descartes estime que « la méthode a pour effet
de discipliner l'esprit »79(*). Elle conduit, oriente, la recherche et
hiérarchise ses étapes. Ces étapes qui, du reste,
disposent d'un caractère processuel se traduisent plus fondamentalement
par la méthode en tant que voie intellectuelle conduisant à
l'objectif escompté. Cet aspect processuel et hiérarchisée
exige à la méthode un certain ordre qu'il faut imposer aux
différentes démarches nécessaires pour atteindre
l'objectif qu'on s'est fixé.
Pour Jolivet, « la méthode scientifique
procède par démonstration et recourt au critère de
l'évidence intrinsèque ».80(*)
Pour Grawitz et Pinto, la méthode est un ensemble
concret d'opérations mises en oeuvre pour atteindre un ou plusieurs
objectifs, un corps des principes présidant à toute recherche, un
ensemble de normes permettant de sélectionner et de coordonner les
techniques. Ces opérations constituent de façon plus ou moins
abstraite ou concrète, précise ou vague, un plan de travail en
fonction d'un but.81(*)
Tout ce qui prédomine à travers la
méthode, c'est fondamentalement le but et le moyen d'y parvenir. La
définition de Kambaji explicite davantage cette option. Pour cet
auteur, la méthode, est une démarche à la fois
théorique et appliquée. Elle est une démarche de principes
et de stratégies : un ensemble logistique qu'un chercheur doit
adopter en fonction de la nature de son fait d'analyse, de ses objectifs et
appliqués tout au long de sa recherche pour une intelligence
approximative de la réalité sociale. 82(*)
La méthode, écrit Emile Bongeli,83(*) en tant que processus
conférant la légitimité scientifique à toute forme
de savoir, ne fait pas l'objet de consensus entre chercheurs. La sempiternelle
question reste toujours d'actualité : qu'est ce que la
connaissance scientifique ? Ou mieux encore à partir de quel
critère peut-on considérer une connaissance comme
scientifique ?
Pour Comte, le père de la sociologie, une
connaissance n'est scientifique que dans la mesure où elle est, non pas
le produit de l'imagination qui prend prépondérance sur
l'observation (comme la théologie ou la métaphysique) mais
donnée issue d'une observation objective et interprétée
méthodiquement. Pour lui, le seul recours à une méthode
fiable constitue la garantie de la scientificité d'une connaissance.
Tout savoir produit en dehors de cette exigence ne peut se réclamer de
la science.
Pour notre part, la méthode est un schéma
intellectuel, rationnellement choisi et scrupuleusement suivi et
dépendant nécessairement du sujet de la recherche dont elle
devient unique en son genre, que l'on se fixe en vue de l'atteinte de
l'objectif envisagé afin qu'à travers ce mode de raisonnement
l'on contribue au développement de la science.
3.1.2. Justification de la praxéologie interdiscursive
La présente méthode telle qu'initiée par
Kambaji wa Kambaji permet de saisir la pratique sociale à la
lumière des discours produits par les locuteurs. Dans le cas
d'espèce, il conviendra d'analyser des discours produits dans la
chefferie de Ngweshe en rapport avec la famille en déséquilibre,
en mutation et en contact avec son environnement. Quelle a été la
pertinence des discours produits au sein de la chefferie en rapport avec les
systèmes susdits, ceux qui ont produit les discours face aux
phénomènes multiples qui ont bouleversé le système
familial et environnemental, ont-ils fait montre d'adéquation entre les
discours produits, la réalité sur le terrain et les solutions
réelles souhaitées localement ? La praxéologie
interdiscursive nous permettra d'examiner la capacité des auditeurs
d'appréhender et de comprendre les discours consommés, la
sincérité des discours des locuteurs. Bref, il conviendra
d'examiner l'adéquation communicationnelle, praxéologique des
locuteurs par rapport aux auditeurs et au phénomène
évoqué localement. Cette méthode facilitera de passer en
revue tous les aspects discursifs sous leurs diverses formes.
Cependant, étant donné que nous étudions
des systèmes en transformation tels que la famille et l'environnement,
nous serons porté, par moment, d'en démontrer certaines
mutations intervenues en leur sein. Ces dernières peuvent
paraître sous forme des tensions internes ou externes à la
famille, à l'environnement ou encore sous forme de contradiction par
rapport à l'idéal préféré, ou encore sous
forme des perspectives d'avenir de changement envisagé et/ou
envisageable ou préféré.
Du fait de leur caractère dynamique et jamais
statique, la famille et l'environnement, dans leur étude, exigent ainsi
une approche configurationnelle bien que nous leur appliquions la voie
praxéo-interdiscursive à travers la triple dialectique
quadripolaire dont nous examinons ci-après les démarches et les
principes.
1°. Démarche
théorique
A. Principe directeur: l'intersubjectivité
symbolique ou l'intersubjectivité praxéologique qui repose
sur :
a) La triple dialectique du langage, de
l'expérience et de la conscience
b) Quadripolaire car basé sur :
- Le locuteur/émetteur (celui qui
parle) : il s'agit des organisations, des personnes qui, ayant
constaté le déséquilibre au sein des familles et de
l'environnement, se sont fixé comme objectif de résorber le
déséquilibre à travers des actions et des discours. Ce
sont, principalement des ONG internationales, onusiennes, nationales et
locales, des Eglises et d'autres personnes de bonne volonté ;
- L'auditeur/récepteur (celui à
qui l'on parle) : ce sont les familles de Ngweshe et donc toute la
population de la chefferie. Nous estimons, ici, que toute personne humaine, et
même dans le cadre de ce travail, s'identifie à une
famille ;
- La société-histoire (c'est le
milieu où se produit le discours) : il s'agit, ici, de la chefferie
de Ngweshe en territoire de Walungu dans la province du Sud-Kivu en
République Démocratique du Congo à l'ère de la
mondialisation et de la modernité ;
- Le savant ou le scientifique : c'est
le chercheur sociologue fondamentaliste, familiariste-environnementaliste et
orienté vers le développement.
B. Principes dérivés
La double exigence socio-langagière du sujet
historique : il faut parvenir à cerner la motivation du
locuteur, saisir chaque fois qu'un individu parle s'il parle à son nom
ou à celui de sa totalité. En d'autres termes, parvenir à
pénétrer les différents discours issus de divers
intervenants (hommes d'Eglises, politiques, agents de développement...)
et comprendre chaque fois que ces personnes prenaient la parole si l'objectif
primordial était de subvenir à leurs propres besoins ou si
l'objectif était orienté vers les besoins réels de la
population.
Il s'agit, ici, de relever le non dit dans ce qui a
été dit, constituer un répertoire, un corpus tant
expérimental que d'archives (le verbal - gestuel et l'écrit). Ces
deux corpus nous feront le relevé de tous les discours tels qu'ils ont
été prononcés. Nous en relèverons le contenu et de
là leur sens formel et intellectuel, leur exactitude, leur
fausseté, leur pertinence, leur incitation ou leur démotivation
à l'action, de l'un ou de l'autre discours.
La transmutation créatrice de l'énergie
conscientielle concentrée : tout discours dispose d'une
capacité d'incitation à l'action tant sur l'individu que sur la
communauté. Un discours peut créer de l'énergie au sein
des consciences des auditeurs et les amener à agir tous ensemble. De
cette manière, une population habituée à consommer des
discours immatérialisés ou immatérialisables finit par se
révolter contre ceux qui les ont entretenus. Dans le cas
d'espèce, en ce moment où les hommes politiques ont promis monts
et merveilles, où les Eglises ont développé divers
discours disconcordants, les uns paradisiaques, les autres apocalyptiques, il
faut parvenir à saisir l'état de conscience de la population de
Ngweshe par rapport à ces discours, produire un discours
cohérent, incitatif au changement qualitatif et quantitatif dans une
voie rationnelle et rationalisés.
L'unité et lutte des contraires
socio-langagiers : dans tout discours, il y a toujours chez les
auditeurs une contradiction d'intérêt selon les classes. C'est par
exemple lorsque le chef de collectivité s'adresse à ses
administrés, son discours peut contenir des éléments
incongrus profitant plus à lui-même qu'à toute la
population. Cependant, ce discours sera fort acclamé par son entourage
car cet entourage se retrouve valablement dans les intérêts du
chef.
2° Démarche
appliquée
Elle comprend deux opérations fondamentales :
- Opération d'identification-thématisation
et classement
L'identification consistera à constituer, d'abord le
corpus expérimental, c'est-à-dire tout ce qui se dit dans la
société. Dans ce cas sous examen, il s'agit de répertorier
ce qui se dit à Ngweshe au sujet de la famille et de son environnement
ainsi que tous ceux qui tiennent ces discours. Ensuite, il faudra constituer un
corpus d'archives. Ce sont des documents écrits par rapports au sujet
(des colloques, séminaires, projets, journaux...).
Quant à la thématisation, il conviendra
regrouper les discours en des thèmes et répertorier les mots
ayant une plus grande fréquence dans tous les discours recensés
en rapport avec la famille et son environnement.
Enfin, à travers le classement, il faudra
catégoriser les discours, en évaluer et en apprécier
objectivement le contenu, en déterminer ceux qui sont archémiques
(faux) ou généléxémiques (vrais).
Ainsi, on pourra, au terme d'une analyse
interprétative, savoir si :
1) Les discours sont archémiques, c'est-à-dire
qu'ils violent la réalité sociale et n'ont aucune consistance
à promouvoir l'élan progressif familial ;
2) Les discours sont
généléxémiques, c'est-à-dire qu'ils sont
cohérents, justes et capables d'assurer le développement de la
communauté et la sauvegarde de l'environnement ;
Les discours sont pakaviléxémiques,
c'est-à-dire des discours de genre à tromper les gens, à
les endormir, les anéantir psychologiquement ;
- Opération de restitution et
thématisation
Ces opérations consisteront à restituer à
chacune des unités son sens, son contenu pragmatique, ce qui se dit, ce
qui se fait réellement. Ces opérations se constituent en quatre
temps :
v Premier temps : analyse du point de vue
archémique : analyse structurelle, logique, fonctionnelle et
pragmatique.
v Deuxième temps : analyse du point de vue
généléxémique ; analyse structurelle, logique,
fonctionnelle et pragmatique.
v Troisième temps : analyse interactionnelle et
interprétation praxéologique : il s'agit de confronter les
précédentes analyses aux réalités du milieu, donner
à chaque thème son sens.
v Quatrième temps : il consiste en
l'établissement des équations symboliques.
C'est sous cette vision que seront analysés les aspects
liés à la dynamique familiale et environnementale au sein de la
chefferie de Ngweshe sous une approche configurationnelle.
3.2. LES TECHNIQUES
Un certain nombre des techniques nous ont servi d'outils de
collecter, traiter les données et d'analyser le contenu.
3.2.1. Techniques de collecte des données
Mascotsh Nday Wa Mande définit les techniques
comme étant « des instruments de mesure et de
repérage des phénomènes sociaux. Elles servent donc
à la récolte des données et à leur
dépouillement. Elles demeurent, à cet égard,
subordonnées aux méthodes ».84(*)
Dans cette même optique, Grawitz définit les
techniques comme « des procédés opératoires,
bien définis, transmissibles, susceptibles d'être appliqués
à nouveau dans les mêmes conditions, adaptés au genre de
problème et de phénomène en cause ».85(*)
Nous pourrions suppléer à ces
définitions en précisant que les techniques sont des instruments
au service de la méthode dont se sert le chercheur sur le terrain afin
d'entrer en contact avec le phénomène à étudier, ce
sont des outils d'investigations.
Dans la récolte des données, nous avons fait
usage de techniques dont nous présentons la façon dont chacune a
été utilisée. Il s'agit de :
La documentation
A travers cette technique, nous avons
sélectionné et lu des ouvrages, des articles,..., en rapport
avec notre thème de recherche. Cette lecture diversifiée
confère aussi bien et en même temps un caractère
épistémologique à cette étude, de par
l'originalité qui s'en dégage, à partir de l'état
de la question, les bases conceptuelle, méthodologique et
théorique.
L'échantillonnage
Les enquêtes sociologiques se pratiquent sur des
échantillons qui sont des modèles réduits de la
population à enquêter. La sélection d'un échantillon
vise à obtenir la meilleure représentativité possible de
la population d'enquête.86(*)
Jean-Luc Giannellon et Eric Vernette estiment que la
population de référence, ou population cible, peut être
définie comme « l'ensemble des objets possédant les
informations désirées pour répondre aux objectifs d'une
étude. Ces objets ou éléments sont souvent les
répondants eux- mêmes. Mais ce n'est pas toujours le cas. Pour
cette raison, on préfère parler d'une unité
d'échantillonnage. C'est un objet ou une entité contenant un
objet, qui fera l'objet d'une sélection pour figurer dans
l'échantillon.
Dans le même ordre d'idée, on parle de la
base de sondage ou cadre d'échantillonnage qui est une
représentation concrète des éléments de la
population cible. Elle consiste en une liste exhaustive de la population sur
laquelle portera l'enquête. Cette base de sondage peut être
l'annuaire téléphonique, un annuaire d'entreprise, le plan d'une
ville, la population d'une école, un quartier...
Notre échantillon a été pris en grappes.
Nous avons tenu compte du fait que la chefferie de Ngweshe est composée
des seize groupements. Chaque groupement constitue une grappe. Le choix des
groupements où devaient se dérouler les investigations, s'est
opéré par échantillon aléatoire calculé sur
base de la raison se fondant sur la formule ci-dessous :
Raison = N (n-1)
Nous avons donc commencé par un arrangement
alphabétique desdits groupements. Cet ordre exhaustif se présente
comme suit : 1. Burhale, 2. Ikoma, 3. Irongo, 4. Izege, 5. Kamanyola, 6.
Karhongo (Nyangezi), 7. Lubona, 8. Luciga, 9. Lurhala, 10. Mulamba, 12.
Mulamba, 13. Mushinga, 14. Nduba, 15. Rubimbi, 16. Walungu.
Nous choisisssons donc six groupements parmi seize par le
calcul de la raison :
r= Nn-1
r=166-1, soit 16 : 5 = 3 et reste 1
Légende : r = raison
N=population totale
n = taille de l'échantillon
Nous prenons le chiffre directement inférieur ou
égal à 1, et dans le cas d'espèce c'est 1 ; c'est
donc 1 le premier groupement choisi, soit le groupement de Burhale. Les autres
seront choisis en augmentant la raison « 3 » au
résultat obtenu. Ainsi, le second sera 1+3 = 4, soit le quatrième
groupement, le troisième sera 4+3=7, soit le septième groupement
et ainsi de suite. De ce fait, les grappes de l'échantillon où se
sont déroulées les enquêtes se présentent comme
suit selon ce calcul de la raison :
N° 1 : groupement de Burhale
N° 2 (1+3= 4) : groupement d'Izege
N° 3 (4+3= 7) : groupement de Kanyola
N° 4 (7+3= 11) : groupement de Luchiga
N° 5 (11+3 = 14) : groupement de Mushinga
N°6 (14+3= 17) : groupement de Walungu
A première vue, cet échantillon semble ne pas
être représentatif si l'on considère que les
enquêtes se sont déroulées dans six groupements et les
résultats se rabattent sur l'ensemble de toute une chefferie
composée des seize groupements. En effet, c'est à l'issue d'une
combinaison réfléchie que nous sommes arrivé à cet
échantillon. Ce qui importe dans cet échantillon et ce qui lui
attribue sa valeur, ce sont les interactions, les différents groupements
sociaux et interactions sociales au sein de ces entités administratives.
Ces six groupements ciblés sont en interactions permanentes, soit par
effet religieux (appartiennent à une même paroisse catholique ou
protestante), soit par effet sanitaire (fréquentation d'un même
Centre de Santé), soit par effet culturel (même école
primaire, secondaire ou supérieur, même terrain de football...),
soit par effet commercial ou purement social (même marché...).
C'est ainsi que nous avons relevé les interactions
suivantes entre les groupements de la chefferie :
1. Burhale Mulamba
2. Izege Ikoma
3. Kamanyola Nyangezi
4. Luchiga Nduba
Nyangezi
5. Mushinga Lubona
Tubimbi
Irongo
6. Walungu Lurhala
Les données recueillies à travers les six
groupements concernent d'autres groupements en plus, du fait d'appartenir
à une même entité religieuse, sanitaire, culturelle ou une
même zone d'intervention d'une ONG locale, nationale, internationale ou
onusienne. C'est en sens que nous estimons que les données recueillies
de ces groupements concernent en même temps huit autres groupements du
fait des interactions permanentes existant entre ces entités sociales,
ce qui, sans nul doute, confère à cet échantillon un
caractère représentatif. Toutefois, nous avons parcouru tous les
groupements pour relever des cas qui sont spécifiques à
chacun.
Au-delà des entités administratives dites, ici,
groupements qui sont des entités déconcentrées, nous avons
spécifié dans nos enquêtes, des personnes, des
ménages, des organisations diverses et des confessions religieuses.
L'accent a été mis sur les confessions religieuses catholiques,
protestantes, les institutions scolaires, sanitaires, politiques et les
organisations de développement. Par rapport aux Eglises catholiques, les
groupements enquêtés se repartissent comme suit :
1°. Paroisse de Burhale : Groupements de Burhale
et Mulamba
2°. Paroisse de Mubumbano : Groupements de
Mushinga, Lubona, Tubimbi et Irongo
3°. Paroisse de Walungu : Groupements d'Izege et
de Walungu
5°. Paroisse de Kanyola : Groupement de Kanyola
D'autres confessions religieuses n'ont pas été
oubliées, nous avons enquêté les communautés
protestantes de Burhale, Izege, Kanyola, Luchiga et Walungu
A défaut d'une base de sondage de la
population de la chefferie, nous avons opté pour un échantillon
aléatoire de 30 ménages par groupement choisi dans
l'échantillon. S'agissant des Eglises, nos enquêtes se sont plus
orientées vers les fidèles des communautés
chrétiennes catholiques et protestantes compte tenu de leurs
connaissances du milieu, de la capacité intellectuelle de leurs
animateurs et de leur prédominance au sein de notre univers. Nous avons
pris en compte d'autres confessions religieuses récemment
implantées dans le milieu du fait que tout en étant nouvellement
installées, elles drainent une certaine masse qui dispose d'une
connaissance sur le milieu. Les personnes enquêtées ont
été soumises à un échantillonnage stratifié
et catégorisé prenant en compte jeunes, adultes et vieux, et
hommes et femmes. Tous ces éléments apparaissent dans le tableau
ci-dessous :
Tableau n° 4 :
Répartition des confessions religieuses, institutions
sanitaires, ménages, organisations de
développement et interactions des entités interagissant par
groupement
N°
|
Groupement
|
Confessions religieuses.
|
Institutions sanitaires
|
Ménages
|
0rganisations de développement
|
Lieu d'interaction
|
1
|
Burhale
|
Catholique
Protestante
|
Burhale
Burhuza
|
30
|
Femmes
|
Mulamba
|
2
|
Izege
|
catholique
|
-
|
30
|
Jeunes
|
Ikoma
|
3
|
Kanyola
|
Catholique
|
Cs Kanyola
|
30
|
Femmes
|
-
|
4
|
Mushinga
|
Catholique
Protestante
|
Hôpital de
Mubumbano
|
30
|
Jeunes
|
Lubona
Tubimbi
|
5
|
Luchiga
|
Catholique
|
-
|
30
|
-
|
Nduba
Nyangezi
|
6
|
Walungu
|
Catholique
Protestante
|
Hôpital de
Walungu
|
30
|
Sté civile
|
Irongo
Lurhala
|
7
|
Autres Eglises
|
|
|
30
|
|
A travers tous les groupements enquêtés
|
Total
|
06
|
09
|
06
|
180
|
|
08
|
Source : enquêtes
sociologiques.
Commentaire :
A travers ce tableau, nous pouvons remarquer que les
enquêtes ont été menées dans six groupements
interagissant avec huit autres. Les données ont été
récoltées auprès des confessions religieuses les plus
prédominantes dans la chefferie. Il s'agit essentiellement des paroisses
catholiques et protestantes, les centres de santé, les hôpitaux de
Walungu et Mubumbano, les organisations de développement, les
associations des jeunes et des femmes. Par ailleurs, notons que 180
ménages ont été interrogés à travers ces
six groupements et ceux avec lesquels ils interagissent.
c) L'entretien
L'interview ou l'entretien, est une technique
largement utilisée dans l'obtention des données qualitatives.
Elle permet de mettre en contact l'enquêté et l'enquêteur,
il y a d'un côté, et à tour de rôle, un locuteur et
un auditeur. Son outil le plus indispensable demeure le langage
articulé. Toute interview exige :
- une grille de question à poser à
l'interlocuteur préparée avant la descente sur le terrain
- une descente sur le terrain
- le choix méticuleux des personnes à
interviewer. On ne s'entretiendra qu'avec des personnes capables de fournir des
informations valables et ce, en vertu du principe du plus ample
informé
- des questions clairement formulées qui ne confondent
pas l'enquêté. Les questions devront être claires,
précises et brèves. L'enquêteur doit disposer de la
capacité de capter les réponses qui lui sont données.
Soumettre l'enquêté à se répéter du fait de
n'avoir pas retenu la réponse, cela peut le mettre mal à l'aise
et faire manquer au chercheur les données recherchées
auprès de cette personne. Ainsi, dans l'entretien, le chercheur devra
faire montre de qualités qui lui sont dévolues, car toute
imprudence, toute indélicatesse désintéressera
l'interlocuteur et fera décapoter la recherche.
De ce point de vue, l'entretien favorise la communication
réciproque entre enquêté et enquêteur. Dans le cadre
de ce travail, et partant de la conception que Tremblay confère à
l'entretien, il nous a été utile de laisser nos interlocuteurs
s'exprimer largement et librement sur la question leur posée. C'est ce
que nous appelons « entretien libre non directif ». Par
moment, encore, à travers « l'entretien direct », il
convenait de les soumettre au strict respect de la question dans les limites,
ou encore, dans un style d'entretien « semi-directif ».
Nous leur réservions parfois une marge de liberté de
s'étendre sur la question. De ces trois formes d'interview, l'entretien
libre a été plus usagé dans la récolte des
données de ce travail.
D'une façon plus concrète, les personnes
enquêtées ont été contactées à travers
les groupements ciblés, dans les écoles, les centres de
santé, les ONG tant dans leurs bureaux que sur les terrains d'actions,
les paroisses catholiques et protestantes, musulmanes et autres sectes, dans
les marchés tels que cela apparaît plus loin, dans les
ménages à travers les villages. Tout se passait en pleine
journée. Nous avons rencontré les paysans aux champs et nous nous
sommes entretenus sur les modes de vie, les difficultés
inhérentes à leur vécu quotidien. Nous avons visité
tous les marais de Ngweshe et les projets qui s'y exécutent. Les
thèmes des discussions pour ces séances de travail sont repris
dans le guide d'entretien en annexe.
d) L'observation
La technique d'observation permet au chercheur de penser,
réfléchir constamment à l'objet de l'étude en le
regardant. L'observation est donc un moment de visualisation de l'objet dans
ses formes les plus apparentes, mais aussi un moment d'intellectualisation des
formes apparentes afin de parvenir à une meilleure appréhension
du phénomène. L'observation ne se limite pas aux formes
apparentes, elle permet une transcendance de l'apparent au réel. Ainsi
donc, à la vue d'un enfant amaigri ou pleurant, l'on ne se limitera pas
au fait qu'on a vu un enfant maigre ou pleurnichant. Le chercheur ira plus loin
que ça en recherchant ce qui a provoqué l'amaigrissement et ce
à quoi il peut conduire : maladie certaine ou
décès.
Nos observations ont été directes et
désengagées, car nous avons observé des situations sans
aucune prétention de les transformer. Nous avons observé les
familles et leur environnement dans un processus d'observation-participation du
fait que nos enquêtés, pour la plupart étaient
informés de ce que nous menions comme recherche et du reste, nous
sommes ressortissant de cette entité.
e) Le questionnaire
Les enquêtés non contactés directement
nous ont fait part de leurs opinions, dont nous avons tenu compte,
après recoupement, sur base d'un questionnaire leur remis à
l'avance. Il y a des questions ouvertes et des questions fermées. En
somme, il s'est agi d'un questionnaire à la fois structuré,
semi-structuré et non structuré.
Structuré, par le fait que pour certaines
questions, nous n'envisagions au départ les réponses qui en
proviendraient, surtout à travers toutes ces questions ouvertes, du
genre oui ou non ;
Semi-structuré, car pour bien de questions,
nous n'entrevoyions aucune réponse au préalable ;
Enfin, non structuré, du fait que pour
certains personnes, notamment les prêtres, les responsables des
écoles, nous n'avions pas de questions établies à
l'avance. Les discussions se reportaient sur un thème que nous leur
proposions. Et ainsi, nous récoltions les données.
3.2.2. Techniques de sélection
Logiquement, il s'agit d'une procédure
à la fois comparative et descriptive ayant consisté en la
sélection des faits historiques, sociaux, culturels qui sont identiques,
analogues, comparables par leurs caractéristiques. Concrètement,
si les familles, l'environnement, à travers leur dynamique,
représentent en leur sein un certain déséquilibre, ce
qu'il y a des caractéristiques communes liées à
l'histoire, à l'économie, à la gestion en
général. De même, du fait que nous nous appuyons sur des
effets discursifs, il va de soi que nous catégorisions ces discours
selon les locuteurs, les auditeurs, la société-histoire et
même certains chercheurs qui se sont penchés sur la question et le
contexte dans lequel ils ont mené leurs études du fait que nous
nous penchons sur presque les mêmes préoccupations. La
sélection, permet ainsi d'établir différents
types-idéaux pour différents faits, car nous considérons
qu'on appréhenderait mieux un phénomène de quelque nature
qu'il soit que lorsqu'on sait en établir le type-idéal,
c'est-à-dire, selon Virtron « une sorte de photo
robot »87(*).
C'est à travers donc la comparaison, la classification que se sont
opérées ces techniques de sélection qui sont basées
essentiellement sur l'idéaltype qui n'est rien d'autre que du type
classificatoire dans l'entendement de Max Weber.
3.2.3. Les techniques de traitement des données des
données et d'analyse de contenu
Les données recueillies ont été
passées au peigne fin, recoupées et analysées sur base des
principes du plus ample informé, de la concentration, de la
logique , de la causalité et de la finalité, de la raison
suffisante, de la conservation et sur base des données
statistiques.
3.3. LES PROBLEMES EPISTEMOLOGIQUES
Dans notre cheminement, il importait d'opérer des
ruptures en faisant usage des instruments scientifiques garantissant la
portée objective des connaissances scientifiques. Successivement, il
s'agit de :
3.3.1. Des ruptures épistémologiques :
elles sont de trois catégories :
Ø La rupture
épistémologique : elle s'inscrit dans la logique
d'irréductibilité entre le saisir commun et le saisir
scientifique, entre la non-science et la science, entre les discours et leurs
sens exacts, c'est ce qui conduit à l'acceptabilité et la
cohérence du produit scientifique.
Ø La rupture gnoséologique : elle
nous a permis de créer une ligne de démarcation entre les
phénomènes empiriques, concrets et l'ordre des
phénomènes logiques, théoriques, abstraits, partiels et
simples. C'est donc une phase de théorisation et
d'intelligibilité. Cette rupture prévoit le degré
d'inadéquation existant entre ce que sont les familles et ce qu'elles
devraient être, ce qu'est l'environnement et la manière dont il
devait être géré pour qu'il soit toujours au service des
populations.
Ø La rupture praxéologique : elle
nous permet de réaliser avec rationalité si nos propositions
théoriques peuvent se matérialiser sur le terrain et produire des
résultats souhaités par les communautés pour et avec
lesquelles les projets ont été élaborés. Il
est bon d'émettre une théorie, une réflexion scientifique,
mais il demeure mieux que toute théorisation scientifique
présente une certaine faisabilité, une applicabilité, une
matérialisation, une adaptabilité au sein de l'univers
d'où est partie l'idée.
L'aspect praxéologique de ce travail consiste
à considérer les familles non comme des simples institutions mais
plutôt comme des systèmes d'actions basées sur la
sociologie de l'expérience, de la socianalyse, et comme des
entités conscientes de faits changeants en leur sein et des
perturbations manifestes au sein de leur environnement ; des
systèmes devant entreprendre des actions transformatrices de leur
état actuel et à venir, leur savoir et leur façon d'agir
pour leur mieux-être. Outre la capacité de concevoir et de
matérialiser les idées concises, les familles
praxéologues devront être à mesure, une fois en face des
discours, d' en relever ceux qui ne cadrent pas avec leurs objectifs et ne s'en
tenir qu' à ceux présentant le caractère
généléxémique, vrai, matérialisable et
porteur du changement au sein de la communauté.
3.3.2. Les couloirs d'échanges
Comme spécifié
précédemment, cette étude s'inscrit dans la
sociologie fondamentale avec une orientation de la sociologie du discours et
est à cheval avec la sociologie de la famille et du
développement. Elle influe ainsi sur d'autres sociologies telles que la
Sociologie rurale, la Sociologie de l'action, de l'autodétermination, du
changement et de la continuité. Elle est axée sur la recherche de
voies et moyens de recherche de gestion rationnelle des ressources
disponibles : humaines, matérielles, financières,
environnementales et tout ce qui pourrait influer sur la dynamique sociale. Ce
couloir d'échanges apparaît à travers le schéma
ci-dessous :
Schéma n° 4 : Couloirs
d'échanges entre sociologies à travers cette étude
Sociologie rurale et environ.
Sociologie de la continuité
Sociologie du dvpt
Sociologie de la famille
Sociologie du discours
Dynamique sociale
Légende :
Environ. : Environnement.
Dvpt : développement
Commentaire :
Le discours semble être à la base
de toute action. A sa fonction praxéologique et interactionnelle, le
discours se produit à travers les familles, agit sur les membres les
plus sensés et leur dote d'une force pragmatique et interagissante,
laquelle, alors, dans leur milieu rural provoque toute une dynamique
transformatrice envisageant des lendemains meilleurs durables ou encore un
développement continuel.
Il existe ainsi des couloirs d'échanges entre ces
sociologies et bien d'autres, mais chacune d'elles, malgré cette
interdépendance, garde son objet, ses méthodes et ses concepts.
Ainsi, par exemple, les milieux ruraux, urbains et la famille plus
particulièrement ne convergent que vers des transformations qualitatives
et quantitatives ou le développement, lequel ne s'évalue
principalement qu'à travers les familles et ménages ruraux et
urbains.
En effet, les critères de développement tels
que le niveau de vie, l'espérance de vie, le niveau d'instruction ou
l'état sanitaire ne s'évaluent qu'à travers les familles.
Au sein de tous ces systèmes sociaux, il peut exister des
éléments perturbateurs communs positifs ou négatifs.
Ainsi, à titre d'exemple, le phénomène de pathologie
sociale peut indubitablement se retrouver à travers toutes les
sociologies reprises sur ce schéma. Une pathologie observée en
milieu rural peut s'étendre en tache d'huile, se répercuter sur
la famille urbaine, sur le développement de ces entités, et sur
tous les projets en perspective élaborés unanimement et
matérialisables à court, moyen ou long terme.
Etant donné que nous sommes entrain d'aborder
des cas relatifs à l'Epistémologie, nous ne pouvons pas nous
épargner de nous étendre sur ses formes qui, du reste,
confèrent le statut scientifique aux productions de ce genre. En fait,
l'Epistémologie est, pour le scientifique ce que le Niveau
d'eau est au maçon : ce petit outil qui lui certifie avec
précision de la droiture du mur qu'il érige. La continuité
ou la destruction de la bâtisse dépend de l'interprétation
des données recueillies de l'application du Niveau d'eau.
Tableau n° 5 : Les formes
d'Epistémologie
Formes
|
Caractéristiques
|
Epistémologie métaphysique
|
Elle ne dispose d'aucune rigueur scientifique.
Plutôt que d'être rigoureuse scientifiquement, elle recourt
à des spéculations métaphysique,philosophique et
imaginative.
|
Epistémologie parascientifique
|
Elle s'appuie sur des critiques des sciences et n'aboutit
pas à des formes scientifiques de la connaissance.
|
Epistémologie scientifique
|
Elle vise à expliquer la connaissance, en
établir sa légitimité, sa cohérence, son
acceptabilité et sa validité. Elle s'appuie sur des règles
et principes scientifiques. On dira, ainsi que cette Epistémologie est
un corps cohérent des règles et principes permettant de produire
et apprécier scientifiquement une connaissance.
|
Source : NDAY WA MANDE, op. cit.p.15.
3.4. L'approche praxéo-configurationnelle
3.4.1. Définition
La voie fondamentale à travers laquelle a
cheminé cette étude est celle de la praxéo-interdiscursive
qui a consisté à analyser les pratiques sur base des discours et
ce dans deux domaines : la famille et l'environnement en chefferie de
Ngweshe. Au-delà de ces discours et pratiques, le cheminement s'est
proposé une autre façon de voir les événements
à travers leur évolution, à travers les changements
intervenus au sein de la famille et de l'environnement. Cette approche fixe la
situation de départ (situation réelle, vécue) ou
visible de départ et la situation d'arrivée ou
invisible traduisant une situation potentielle ou prospectiviste
à travers un processus de changement. Une approche
paxéo-configurationnelle présente donc une situation telle
qu'elle se présente tout en envisageant des changements potentiels. Elle
prône la créativité de la communauté. C'est le
passage d'une situation A (réelle) à une situation B
(envisageable grâce à des efforts entrepris par les acteurs
sociaux soucieux de modifier la situation en présence).
3.4.2. Principes
Une approche praxéo-configurationnelle s'opère
en trois phases selon Nday wa Mande :
- acquisition de la connaissance
- le ressaisissement épistémologique
- la falsification-découverte et
créativité
a) La phase de l'acquisition des connaissances :
elle se réalise en quatre temps :
Premier temps :
Description type de l'environnement immédiat : le
chercheur doit se déplacer dans son environnement immédiat lequel
est un espace plurispatial et doit, de ce fait, procéder
à :
1°. Observer minutieusement l'environnement
2°. Relever les tares de l'environnement
observé et les phénomènes réels
3°. Relever les essais de la solution locale
4°. Circonscrire les limites des solutions.
Deuxième
temps :
Amas des corpus d'archives, expérimental et
débat : après avoir décrit l'environnement, le
chercheur doit recourir aux divers écrits se rapportant à cet
environnement par la technique documentaire. Il doit, en plus prendre
suffisamment connaissance de ce qui se dit au sein de cet univers par les
techniques d'interview et/ou du questionnaire. Toutes ces données seront
soumises à un débat avec la population pour qu'on arrive à
un déblayage, un recoupement d'idées afin d'établir les
priorités.
Troisième temps :
Ø Ebauche de la praxéologie
interdiscursive : à travers cette phase, le chercheur doit
découvrir le sens réel des discours produits au sujet de son
environnement à travers la distinction des choses et les
catégories sociales diverses ; le regroupement des
déclarations des classes ; la confrontation des classes pour faire
ressortir le sens réel de leurs productions discursives et la formation
des équations, c'est-à-dire l'égalisation des
déclarations par échangeabilité et par
équivalence.
Quatrième temps :
Synthèse de la connaissance : elle consiste en
une réunion des informations partiellement nettes, recueillies lors de
la description et de l'amas des corpus d'archives et expérimental, et
pré-analysées dans l'ébauche
praxéo-interdiscursive. Cette ébauche est pratiquement
décrite dans le cadre de productions des idées neuves.
b) La phase du ressaisissement
épistémologique
Cette seconde phase est intermédiaire entre la
description et la récréation de l'environnement.
Le ressaisissement se réalise en deux opérations
distinctes :
Première phase : opération de
saisie de la néo-circularité et replacement de l'environnement
dans la vision polyhexagonique et pyramidale. A cette phase, il faut :
- Dresser le schéma configurationnel.
- Dresser la néo- circularité.
- Dresser la pyramide et le polyhexagone de
l'environnement.
Deuxième opération :
opération d'insertion dans le fuseau quantonomique. A cette phase, le
chercheur doit ouvrir les couloirs de mise en place des solutions idoines,
adaptées et durables.
c) La phase de la
découverte-créativité-action
Le chercheur se déploie à décrire
l'utilité des idées neuves, les instruments matériels et
immatériels dont il se servira ou dont se servira la communauté.
En effet, toute initiative personnelle ou collective doit être
intégrée dans le schème de la vie sociale à partir
de la rupture praxéologique. C'est la phase décisive, celle de la
matérialisation de ses idées et de l'accomplissement de soi en
tant qu'acteur social engagé dans la transformation qualitative et
quantitative de l'environnement.
3.4.3. Les préalables
Pour faire usage de l'approche configurationnelle, il faut
indispensablement :
- descendre sur le terrain et pouvoir s'y déployer avec
rationalité et efficacité
- observer convenablement les phénomènes en
présence
- être en contact avec tous les acteurs et recevoir
les avis des uns et des autres
- disposer d'une capacité de conception et
d'invention.
A l'issue de ce balisage méthodologique et
épistémologie qui nous a plongé aussi bien dans la
méthode, l'approche méthodologique que dans les techniques de
collecte et de traitement des données, il sied de présenter
brièvement le cadre de cette étude, les aspects liés aux
dits et aux actes au sein de cet univers.
Conclusion partielle
Cette conclusion est un rapport succinct sur la
méthodologie (méthode et techniques utilisées), ses
forces, ses limites et l'approche usagée.
1°. La méthode
a) Ses forces
Nous nous sommes servi de la praxéologie
interdiscursive comme voie d'analyse dans cette étude. La force de
cette méthode réside dans son aptitude à analyser les
discours des auditeurs, des locuteurs, du savant et de la
société-histoire ; et appréhender les actions des
acteurs sociaux à travers plusieurs principes, notamment celui de la
transmutation de l'énergie consensuelle concentrée.
Par ce principe, les acteurs sociaux, après avoir relevé le
problème ou la question sociale au sein de la communauté,
après la conception et le choix des actions à mener, se
concertent, et par consensus, se déterminent de réaliser l'action
à entreprendre.
b) Ses limites
La méthode ne dispose pas de facilités de
pénétrer les aspects historiques tels que nous les avons
abordés dans la généalogie des Bami de la chefferie de
Ngweshe. En outre, il s'observe au sein de la chefferie des contradictions
entre la mission et les objectifs de la famille d'avec la
réalité sur le terrain. A titre d'exemple, comment expliquer
qu'avec la rigueur que se sont fixée les familles, l'Eglise et l'Ecole
en termes de socialisation, d'éducation et d'instruction, l'on
retrouve tant d'enfants et de personnes adultes dans autant de faits
pathologiques ?
2°. Les techniques
Il s'est agi essentiellement de la documentation,
l'observation, l'entretien, le questionnaire, le focus group et
l'échantillonnage. Toutes ces techniques ont été bien
utilisées dans la collecte des données et sous-tendues par celles
de traitement et d'analyse du contenu.
3°. L'approche
Pour suppléer à la carence de la
méthode, nous avons recouru à l'approche
praxéo-configurationnelle pour mieux présenter la
réalité sociale. En relevant certaines actions entreprises au
sein de la chefferie par les acteurs sociaux, nous les avons
présentées par des schémas et des figures. Cette approche
dispose d'une force de présenter la réalité sociale sous
forme de photos. Muettes, ces photos sont explicitées, clarifiées
par des commentaires explicatifs donnant plus de lumière sur les
schémas, figures et tableaux.
4°. Les couloirs d'échanges
Nous avons démontré que la sociologie de la
famille n'existe réellement qu'à travers d'autres sociologies.
Ainsi, on ne saurait aborder une étude sur une famille rurale sans
recourir à la sociologie qui étudie la ruralité. La
famille étant l'actrice principale de l'action sociale, les couloirs
d'échanges ont été construits entre la sociologie de la
famille, de développement, de la continuité, du changement et du
discours.
Le balisage épistémologique ayant
été abordé, nous cheminons vers les aspects morphologiques
de Ngweshe.
Deuxième partie
MORPHOLOGIE, EVALUATION DES RESSOURCES ET TYPOLOGIE DES
FAMILLES DE NGWESHE
INTRODUCTION
Cette partie comprend deux chapitres : celui de la
morphologie sociale de la chefferie sous étude et l'évaluation
des ressources disponibles dont peuvent se servir les familles dans leur
maintien et émergence. La partie, à travers son dernier
chapitre, donne une lumière sur la typologie des familles au sein de la
chefferie. Il s'agit donc, à travers ces chapitres et ceux qui suivent,
des données de terrain répertoriées et
interprétées.
Pour Durkheim, la morphologie sociale constitue
« l'étude des faits sociaux dans leurs rapports avec leurs
substrats matériels »88(*) qui sont, dans le cadre de cette étude des
éléments qui déterminent l'existence d'une
communauté et en donnent l'identité. Il s'agit des
éléments matériels tels le territoire et
la population, et des éléments formels tels que la relation,
l'activité, l'institutionnalité et la conscience collective.
En effet, chaque communauté développe, en son sein et à
travers ses membres, un réseau intense des relations, d'actions pour sa
survie, un système des règles qui fixent les conduites sociales
et une certaine fierté d'appartenance au groupe.
Quant à l'évaluation des ressources, il
s'agit de passer en revue les ressources disponibles. Ce sont des ressources
humaines, matérielles et surtout les ressources environnementales, les
potentialités énergétiques, agricoles, économiques,
etc.
Enfin, il conviendra de connaître les acteurs sociaux
dans leur dynamisme : ce sont les familles à travers leurs diverses
façons de saisir la vie et l'action sociale. Cette dernière
désigne, pour notre part l'ensemble des moyens par lesquels une
société agit sur elle-même pour préserver sa
cohésion. Il s'agit, par exemple, de dispositions réglementaires,
la conformité aux valeurs, les actions visant à promouvoir les
personnes et les groupes sociaux tels que les personnes marginalisées
dans le but d'acquérir et de préserver leur autonomie et de
s'adapter aux conditions de vie en présence et de s'assurer de leur
continuité. C'est en fait une façon d'expliquer le social,
c'est-à-dire « rendre compte de la façon dont les
hommes donnent sens à leur action ».89(*) C'est à travers ces
actions, ces différentes manières de conception et d'actions que
nous avons établi une typologie de ces acteurs familiaux.
Chapitre quatrième
CADRE MORPHOLOGIQUE DE LA CHEFFERIE DE NGWESHE
Ce chapitre met en contact l'homme de Ngweshe avec son
environnement et aborde ainsi successivement des aspects liés aux
milieux physique, socioculturel, économique, politique ainsi que ceux
relatifs à la généalogie dynastique de Ngweshe.
4.1. Le milieu physique
4.1.1. Situation du milieu
La chefferie de Ngweshe est l'une des deux chefferies formant
le territoire de Walungu (à savoir la chefferie de Ngweshe et la
chefferie de Kaziba) dont la superficie est de 1875Km2 avec 1599
Km2 pour Ngweshe et 376 Km2 pour Kaziba.
La chefferie de Ngweshe est limitée comme
suit :
- Au Nord, par les rivières Kazinzi, Bishanyi et
Nyakabongola, le sommet de Kampuse qui la séparent de la chefferie de
Kabare ;
Au Sud, par les rivières Luzinzi et Kadubo qui
constituent une limite naturelle d'avec les chefferies des Bafuliro, de Kaziba,
Burhinyi et Luhwindja ;
A l'est, par la rivière Ruzizi qui en constitue la
limite avec la République Rwandaise au niveau de Karhongo-Nyangezi et
Kamanyola ;
A l'Ouest, par la chefferie de Nindja (à travers la
rivière Luzinzi).
La chefferie de Ngweshe est située entre 2° et
30° de latitude sud et 28°,40° de longitude Est.
4.1.2. Relief
La chefferie de Ngweshe fait partie de l'ensemble
dénommé « Kivu montagneux » dont l'altitude
moyenne se situe entre 1800 et 2000m. Etant entendu que l'altitude la plus
basse est de 1000m à Kamanyola et la plus élevée est celle
de la montagne Nidunga culminant à 2.900m. La Chefferie de Ngweshe se
rattache à la région centrale du Graben-Est Africain ou Rift
valley. Elle présente un relief très accidenté où
prédominent des montagnes, des collines, des plateaux et des
vallées. Ces montagnes constituent le prolongement direct des Monts
Mitumba. Les sommets les plus remarquables de Ngweshe sont : Nidunga
(2900m) ; Mirhumba (2600m) ; Mulume munene (2600m) ; Bisinzu
(2520m) ; Bangwe (2400).
Les vallées marécageuses les plus importants
sont Nyamubanda à Karhongo-Nyangezi (1.050 ha) ; Nyalugana
à Lurhala (900 ha) ; Cidorho à Mulamba-Burhale (450
ha) ; Cisheke à Walungu, Ibere à Burhale... Tous ces marais
sont des domaines importants des cultures de haricot, manioc, sorgho, patates
douces, légumes...
4.1.3. Les sols
Les sols de la chefferie de Ngweshe sont de nature diverse.
Ils différent selon qu'on se trouve en zone montagneuse à forte
pente, en zone de plateau ou en zone des bas-fonds s'étendant le long
des cours d'eau. Dans la partie centrale de Ngweshe, c'est- à-dire dans
les groupements de Walungu, Izege, Ikoma, Burhale et Lurhala, quatre formations
pédologiques prédominent :
- L'altération des basaltes a donné naissance
à une argile rouge ou rouge-brun suivant l'état de la
décomposition de la roche. Le profil type est formé d'un horizon
légèrement humifère pouvant atteindre 40 cm de profondeur
reposant sur un horizon de transition toujours tassé de 10 à 20
cm d'épaisseur. La teneur en sable est de 10 pour cent, tandis que la
quantité d'éléments fins varie entre 85 et 90 pour cent.
Cette formation pédologique apparaît sous sa phase normale sur les
plateaux et sous sa phase dénudée sur les pentes où
l'influence néfaste de l'érosion se manifeste par
l'enlèvement progressif de la couche humifère superficielle. Les
sols provenant des schistes et quartzites des collines de couleur
brun-rougeâtre sont nettement moins argileux et moins compacts.
- Les alluvions anciennes qui se rencontrent dans les
bas-fonds sont généralement lourdes et très argileuses.
Les argiles bleues, jaunes et grises sont les plus fréquentes parmi les
alluvions. Elles sont fortement délavées et leur
intérêt cultural réside principalement dans la faible
profondeur de la nappe phréatique en saison sèche. Un drainage
contrôlé est nécessaire dans l'exploitation de ces terres
pendant la saison pluvieuse.
- Les alluvions sont nettement moins homogènes dans
leur profil que les précédentes. La teneur en
éléments grossiers est beaucoup plus élevée et leur
intérêt cultural réside également dans la faible
profondeur de la nappe phréatique.
- Les formations marécageuses, actuellement
inutilisées, sont formées d'une couche minérale
très riche en matières organiques peu décomposées
d'une épaisseur variable mais inférieure à 50 cm. Cet
horizon repose sur un résultat organique en suppression d'eau et peut
atteindre, par endroits, 2 à 3 mètres de profondeur.
Malheureusement, la densité de la population et plus encore celle du
bétail avec ses conséquences habituelles (feux de brousse,
érosion) les ont appauvries et l'érosion les a fortement
attaquées. La couche humifère a totalement disparu. Ces sols sont
compacts et peu perméables à l'eau des pluies qui ruisselle.
4.1.4. Les sous-sols
Le sous sol de la chefferie de Ngweshe est riche en minerais.
L'on retrouve de l'or) Mulamba (carrière aurifère de Nyamadava),
à Mushinga (carrière aurifère de Mukungwe), à
Kanyiola (carrière aurifère de Kaji), à Tubimbi (or). On
y retrouve aussi de la cassitérite, du fer et d'autres minerais non
exploités. L'on se rappellera que la Société
minière du Kivu (Sominki) a exploité des minerais dans la
chefferie de Ngweshe pendant et après la colonisation belge. Une grande
station de cette société se trouvait en groupement de Mulamba
à Luntukulu, à ce jour, il n'y a plus que des ruines.
4.1.5. Climat et végétation
a. Climat
La chefferie de Ngweshe est dominée d'un climat
d'altitude humide caractérisé par deux saisons : une longue
saison des pluies de neuf mois (de septembre à mai) et une courte
saison sèche de trois mois (de juin à août). La
température moyenne est de 23° C. On retiendra
cependant que la température est élevée à Kashenyi
ou Kamanyola (environ 32° C) et très basse sur les hautes
altitudes de Mulume munene, Nidunga, Kampuse, etc.
b. Végétation
La chefferie de Ngweshe dispose de formes de
végétations : une végétation naturelle et une
artificielle. La première se retrouve à travers les forêts
de Kanyiola (Lushoze et Mugaba), de Tubimbi et de chez Kabugi et des prairies
parsemées çà et là).
Quant à la végétation artificielle, elle
est manifeste à travers les plantations et boisements d'eucalyptus, des
pinus, des grevilas, des quinquinas, des caféiers et des
théiers.
Les plantations de Gombo, Irabata, Muleke, Cibeke, Isingo,
Nduba, Muzinzi, Kaderhe (Nyangezi), sont les plus importantes.
Il est bon de faire remarquer que la plupart des montagnes et
collines de Ngweshe sont dénudées même celles qui
étaient jadis reboisées par la colonisateurs belges par la
Mission anti-érosive. Ce sont les cas des collines de Businga
(Nyangezi), Cibeke (Burhale), l'escarpement « Mise en
garde » surplombant le Centre commercial de Tubimbi. (Cet
escarpement, faute pour les nègres de ne pas savoir prononcer le terme
« Mise en garde » l'appelèrent
« Muhwijangala » et de Lurhala qui, jadis étaient
entièrement boisées et qui, à ce jour ne sont plus que des
espaces érodées par des eaux des pluies.
4.2. Hydrographie
La chefferie de Ngweshe est une importante réserve
d'eau. Tous les vallons et vallées drainent une importante
quantité d'eau. On y retrouve des rivières, des ruisseaux, des
eaux thermales, des sources, des étangs. Seul le groupement de Kashenyi
ou Kamanyola dispose de peu d'eau. Les eaux de la chefferie de Ngweshe
appartiennent à deux bassins hydrographiques : celui de la
rivière Ulindi et celui de la Ruzizi.
a. Le bassin de la rivière
Ulindi
Ce bassin canalise les eaux des rivières des 13
groupements : Walungu, Burhale, Mulamba, Tubimbi, Kaniola, Izege, Ikoma,
Lurhala, Irongo, Luchiga, Lubona, Mushinga et Nduba. Les rivières les
plus importantes de ce bassin sont :
-La rivière Mubimbi ou Nkombo qui prend sa source dans
le massif de Mulume munene en territoire de Kabare. Cette rivière
reçoit ses affluents Walungu, Burhale et Tubimbi avant de se jeter dans
la rivière Ulindi.
-La rivière Kahungwe prend sa source dans le groupement
de Lurhala, traverse les groupements d'Irongo et de Mushinga pour se jeter dans
la rivière Nkombo.
-La rivière Kadubo : son parcours commence en
chefferie de Luhwinja, elle constitue une limite naturelle entre Luhwinja et
Ngweshe, elle traverse le groupement de Mushinga et déverse ses eaux
dans la rivière Elila.
-La rivière Nshesha coule à travers les
groupements de Kaniola et Mulamba et déverse ses eaux dans Elila.
b. Le bassin de la rivière
Ruzizi
Ce bassin draine les eaux des rivières de trois
groupements : Kashenyi ou Kamanyola, Karhongo ou Nyangezi et Kamisimbi.
Ses rivières les plus importantes sont :
-La rivière Mugera dont sa source est située
dans les montagnes de Nyanfunze et qui draine toutes les eaux de Karhongo y
compris les eaux thermales de Mahyuza.
-La rivière Mugaba : elle prend sa source dans la
chefferie de Kaziba à la limite d'avec le groupement de Karhongo, elle
se jette dans la rivière Luzinzi.
-La rivière Luzinzi : elle a aussi sa source dans
la chefferie de Kaziba qu'elle traverse et dont elle draine la majorité
de ses eaux.
-La rivière Boga prend sa source coule à
traverse le village de Ngali en groupement de Karhongo et se jette comme ces
trois autres dans la Ruzizi.
Les chutes les plus importantes sont :
- Irombo en groupement de Kaniola
- Kahungwe sur la rivière Kahungwe en groupement
d'Irongo
- Kabenzire sur la rivière Nkombo en groupement de
Lubona
- Nyanganda sur la rivière Nshesha en groupement de
Mulamba
- Nzirhye sur la rivière Mugera en groupement de
Karhongo
- Kasiru sur la rivière Nkombo.
Au-delà de ces grandes rivières, Ngweshe
dispose de petites rivières, des ruisseaux, des marais. En fait, chaque
vallée et vallon est une réserve manifeste d'eau. L'entité
dispose en même temps d'innombrables sources d'eau. Certaines sont
inexploitées et non aménagées. Grace au concours de
certaines organisations non gouvernementales intervenant dans la zone,
d'importantes sources ont été aménagées à
travers toute la chefferie. Plusieurs actions de captage d'eau ont
été menées, il y a des adductions d'eau dans les
groupements de Walungu, Burhale, Mushinga, Karhongo... Ces aménagements,
ces captages des sources et ces adductions d'eau ont sensiblement
contribué à la réduction des maladies hydriques au sein de
la chefferie surtout le choléra.
4.3. Milieu humain
La chefferie de Ngweshe est peuplée essentiellement des
Bashi. Seuls les groupements de Mulamba et Tubimbi contiennent quelques
hameaux peuplés des Barega et le groupement de Kamanyola est
habité en certains endroits par les Bafulero et les bavira. La
chefferie compte seize groupements (Burhale, Ikoma, Irongo Izege, Kamanyola,
Kamisimbi, Kanyola, Karhongo (Nyangezi), Lubona, Luciga, Lurhala, Mulamba,
Mushinga, Nduda, Tubimbi et Walungu).
La langue parlée est le mashi à laquelle se
greffent le swahili et le français. La religion est dominée par
les croyances chrétiennes et musulmanes. La colonisation et le
christianisme ont dessouché toutes les croyances et pratiques animistes,
les rites et les mythes de Lyangombe (une divinité longtemps
vénérée dans les royaumes du Bushi, du Rwanda et du
Burundi). Dans les villages habités par les Barega, dans les
groupements de Mulamba et Tubimbi, il existe encore des rites à
Kimbirigiti : le bastion inconnu et indéfini de la culture rega.
La colonisation a contribué très largement
à l'acculturation de peuple Bashi, c'est tout un processus de
changement culturel ayant résulté des contacts entre les cultures
européennes imposées aux Bashi par le colonisateur belge et qui
se poursuit jusqu'à ce jour à travers les acquis de la
colonisation : Eglises, écoles, ONG... Cet état de chose a
contribué à la dénaturalisation du Mushi qui a perdu petit
à petit son identité culturelle, ses croyances et ses coutumes,
sa solidarité clanique et familiale, ses historiettes, ses devinettes,
ses héros, sa force médicamenteuse, sa vie communautariste pour
s'insérer dans un capitalisme lui imposé par l'homme blanc, un
système dans lequel il a eu du mal à s'intégrer. Cette
acculturation a touché beaucoup d'aspects de la vie du mushi, même
la langue.
A ce jour, on peut constater que les Bashi ont
été désappropriés petit à petit de leur
langue qu'ils ne maîtrisent plus ou qu'ils maîtrisent mal. Ils ont
perdu même leur histoire, car pour le colonisateur, les ancêtres
des Bashi n'étaient que des païens, des sorciers, des
démoniaques ; se référer à eux reviendrait
à s'écarter de la volonté de Dieu (leur Dieu imposé
aux Bashi) et devenir ainsi enfant du diable pour, enfin, vivre
éternellement dans un feu ardent de la géhenne. Ainsi, peu
à peu, on a eu de nouveaux noms
« chrétiens », de nouveaux comportements, des
modèles de chez eux appelés des saints.
Il faudra encore beaucoup de temps pour que le mushi se
retrouve, recouvre son histoire, sa culture, reconnaisse ses héros, les
valeurs et les coutumes du Bushi et qu'il se réinsère, ainsi,
dans sa richesse traditionnelle, celle de la solidarité et de la
cohésion sociale shi bien que ces dernières soient
considérées par beaucoup de théoriciens comme des facteurs
de sous-développement.
Le peuple Bashi de Ngweshe est essentiellement éleveur
et cultivateur. On y élève le gros et le petit bétail, les
caprins et la volaille. Les cultures sont vivrières (manioc, banane,
plantain, patate douce, igname, haricot, sorgho, légumes...) et
industrielle (théier, quinquina, café...). On y trouve aussi
beaucoup d'arbres fruitiers et d'autres arbres sont cultivés pour des
fins environnementales, pour la construction et la chauffe.
Si l'on peut reprocher au colonisateur d'avoir
acculturé le mushi, on lui reconnaîtra, cependant, et avec
beaucoup de reconnaissance, bien de mérites. Sans vouloir être
exhaustif dans l'énumération de ces mérites, nous citerons
la scolarisation et l'amélioration des conditions sanitaires et
hygiéniques. En effet, ce sont ces deux aspects qui ont réduit
très sensiblement l'ignorance, la mortalité à tous les
âges et contribué, ainsi, à l'accroissement de la
population telle qu'elle se présente dans le tableau
ci-dessous :
Tableau n° 6 :
Répartition de la population de Ngweshe par groupement et par
catégories sociales au 31 décembre
2011.
N°
|
Groupement
|
Hommes
|
Femmes
|
Garçons
|
Filles
|
Total
|
01
|
Lurhala
|
14 088
|
16 261
|
21 297
|
22 173
|
73 819
|
02
|
Kaniola
|
9 079
|
11 744
|
16 840
|
19 054
|
56 717
|
03
|
Karhongo
|
8 573
|
10 367
|
14 208
|
16 219
|
49 367
|
04
|
Walungu
|
8 175
|
10 398
|
13 658
|
16 878
|
49 109
|
05
|
Kamanyola
|
8 390
|
10 564
|
13 690
|
14 133
|
46 777
|
06
|
Burhale
|
7 659
|
10 746
|
12 057
|
12 094
|
42 556
|
07
|
Kamisimbi
|
6 334
|
7 829
|
11342
|
11756
|
37 261
|
08
|
Mulamba
|
7 464
|
8 768
|
10 299
|
10 438
|
36 969
|
09
|
Ikoma
|
6 749
|
8 415
|
10 291
|
11 117
|
36 572
|
10
|
Izege
|
4 199
|
5 011
|
9 890
|
9 985
|
29 085
|
11
|
Luchiga
|
5 634
|
6 155
|
10 362
|
6 635
|
28 786
|
12
|
Irongo
|
5 010
|
5 525
|
7 591
|
7 830
|
25 956
|
13
|
Mushinga
|
4 469
|
6 188
|
7251
|
7 504
|
25 412
|
14
|
Nduba
|
4 110
|
4 963
|
7 263
|
7 150
|
23 486
|
15
|
Tubimbi
|
4 779
|
5 579
|
5 609
|
5 981
|
21 948
|
16
|
Lubona
|
3 079
|
3 558
|
5 343
|
5 506
|
17486
|
|
Totaux
|
107 791
|
132 071
|
176 991
|
184 453
|
601306
|
Source : Rapport du quatrième trimestre 2011
de l'Etat civil de la chefferie de Ngweshe
Figure n°3 : Répartition de la population de
la chefferie par groupement.
Commentaire :
Ces effectifs démographiques sont ceux de tous les
seize groupements composant la chefferie. Ils ont pour but de nous fixer une
idée sur ce qu'est la population au sein de l'entité. Ils
demeurent cependant relativisables du fait que nous ne nous fions ni en ces
personnes qui les ont récoltés ni aux techniques de
récolte. Quelle population a-t-elle été prise en
compte ? Celle de fait (personnes
présentes plus les étrangers présents sur le lieu au
moment du « recensement » ou du dénombrement
démographique) ou celle de droit (personnes
présentes plus les absents du milieu, moins les personnes
étrangères présentes sur le lieu au moment du
dénombrement) ? Tout le monde a-t-il été pris en
compte dans un pays où la notion de récemment n'existe pas ?
L'on se rappellera que le dernier récemment scientifique avait eu lieu
au Zaïre (l'appellation de la RDC d'alors) en 1985.
Tout compte fait, à travers ce tableau, nous
remarquons que le groupement de Lurhala était le plus peuplé de
la chefferie (avec ses 73 819 personnes) en 2011, alors que celui de
Lubona, (comptant 17 486 personnes) en était le dernier sur la
liste. Il aurait été important que la superficie de chaque
groupement soit connue, ce qui permettrait de connaître la densité
de chacun d'eux.
Tableau n° 7 : Répartition de la
population de Ngweshe par tranches d'âges
Tranches d'âges
|
Effectifs
|
0-4 ans
|
113 117
|
5-9
|
104 638
|
10-14
|
95 264
|
15-19
|
80 833
|
20-24
|
29 582
|
25-29
|
26 456
|
30-34
|
23 864
|
35-39
|
20 968
|
40-44
|
19 477
|
45-49
|
17 068
|
50-54
|
16 522
|
55-59
|
15 141
|
60-64
|
11 098
|
65-69
|
9 422
|
70-74
|
6 581
|
75-79
|
5 345
|
80-84
|
3 714
|
85-89
|
1 542
|
90 et plus
|
674
|
Total
|
601 306
|
Source : Bureau d'Etat civil de la chefferie de
Ngweshe
Figure n° 4 : Répartition de la
population de Ngweshe par tranches d'âges au 31 décembre
2011.
Commentaire
Le fait de regrouper la population de Ngweshe en
tranches d'âges nous permet de déterminer les effectifs aux
différents âges, les catégories selon les âges
(jeunes, adultes et vieux), les effectifs dépendants et la population
active au sein de la chefferie, et, par ricochet une analyse sur l'aspect
praxéologique et développemental au sein de cette
entité.
De ce point de vue, la population
dépendante (comprise entre 0 et 19 ans, soit 393 852 personnes et
de 65 ans et au-delà, 27 278 personnes) est chiffrée
à 421 130 personnes, soit 70% de la population globale. La
population active (de 20 - 64 ans) est chiffrée à 180 176
personnes et représente 30 % de la population globale. Le tableau
ci-dessous illustre cette réalité :
Tableau n°7 : Population dépendante
et active de la chefferie de Ngweshe en 2011
Tranches d'âges
|
Type de population
|
Effectifs
|
Pourcentage
|
De 0 - 19 ans
65 ans et plus
|
Population dépendante
idem
|
393 852
27 278
|
65, 5
4, 5
|
20 - 64 ans
|
Population active
|
180 176
|
30
|
Totaux
|
|
601 306
|
100
|
Source : enquêtes sociologiques
Figure n° 5: Population active et dépendante
au 31 décembre 2011.
Commentaire :
De ces données chiffrées, il ressort
clairement que la population de Ngweshe est essentiellement très
jeune : les personnes âgées de moins de vingt ans
représentent 65, 5 % de la population, ceux qui ont franchi l'âge
de 64 ans ne représentent que 4,5 %. Les personnes dont l'âge
varie entre 24 et 64 ans représentent la population active, soit 30 %
de la population globale. Voici des faits et phénomènes qui
découlent de la morphologie d'une telle population :
- effectifs élevés à la naissance
- mortalité infantile et l'âge adulte
très élevée : les personnes ayant
dépassé l'âge de 64 ans ne
représentent que 4, 5% de la population globale
- faible vieillissement de la population : les personnes
de 80 ans et plus sont estimées à 5930, soit 0,9 % de la
population globale
- faible productivité : la population active est
de 30 %. Il s'avère impossible que 30 %, dans un système de
production agricole traditionnelle sur des sols infertiles et
déblayés par des érosions, et parviennent à
nourrir, à sa faim, toute la population de Ngweshe. Il faut même
relativiser le nombre des effectifs que nos appelons, ici,
« actifs », car parmi eux, il y a des inactifs (malades,
handicapés, inconscients, voyageurs), et donc, il se pourrait qu'il y
ait moins de 30% qui s'attèlent au travail quotidien de subsistance
familiale au sein de la chefferie
- prédisposition à la malnutrition suite
à la taille de la famille très élevée,
l'insuffisance du travail, l'infertilité du sol, la mosaïque du
bananier et du manioc.
4.4. Aspects socioculturels
A travers cette rubrique, nous afficherons des aspects
d'ordre sanitaire, éducatif et religieux, lesquels ont joué un
rôle important en ce qui concerne la dynamique de la famille dans notre
milieu d'étude.
a. Aspects d'ordre
éducatif
C'est par et grâce à la
colonisation que les premières écoles ont été
implantées dans la chefferie de Ngweshe. Cette implantation a
commencé après l'année 1906. C'est au cours de cette
année que les premiers missionnaires belges s'installèrent
à Cibimbi (une localité de Nyangezi), y fondèrent la
première paroisse catholique de la chefferie et peu après la
première école primaire. Cette implantation des paroisses, des
chapelles-écoles s'est poursuivie peu à peu à travers
d'autres contrées de la chefferie et n'a fait que se poursuivre
après la colonisation, par l'Etat congolais, par les Eglises catholique
et protestantes locales et par des privés et ce, jusqu'à ce
jour. Le tableau ci-dessous illustre le nombre d'écoles après une
période de plus d'un siècle d'instruction dans la chefferie.
Tableau n° 8 : Répartition, par
groupement, des écoles maternelles, primaires,
secondaires
et supérieures de la chefferie de Ngweshe
N°
|
Groupement
|
Nombre/Ecoles maternelles
|
Nombre/Ecoles primaires
|
Nombre/Ecoles secondaires
|
Nombre/Instituts supérieurs
|
01
|
Burhale
|
04
|
14
|
08
|
01
|
02
|
Ikoma
|
06
|
12
|
04
|
00
|
03
|
Irongo
|
00
|
13
|
04
|
00
|
04
|
Izege
|
00
|
05
|
02
|
00
|
05
|
Kamanyola
|
01
|
07
|
08
|
02
|
06
|
Kamisimbi
|
03
|
13
|
03
|
01
|
07
|
Kaniola
|
00
|
11
|
02
|
00
|
08
|
Karhongo
|
02
|
39
|
14
|
02
|
09
|
Lubona
|
01
|
11
|
01
|
00
|
10
|
Luchiga
|
00
|
04
|
02
|
00
|
11
|
Lurhala
|
04
|
32
|
09
|
00
|
12
|
Mulamba
|
00
|
11
|
02
|
00
|
13
|
Mushinga
|
00
|
10
|
06
|
01
|
14
|
Nduba
|
03
|
06
|
04
|
00
|
15
|
Tubimbi
|
00
|
05
|
02
|
00
|
16
|
Walungu
|
02
|
13
|
07
|
03
|
|
Totaux
|
26
|
206
|
78
|
10
|
Source : Plan de développement local
de Ngweshe 2010 - 2014
Commentaire :
Les écoles les plus importantes de la
chefferie sont celles des niveaux secondaire et primaire, mais elles demeurent
encore insuffisantes au vu de la population en âge de scolarisation. En
effet, nous nous souviendrons, de par les données du tableau n° 7
de la page 137, que les effectifs des tranches d'âges de 5 - 14 ans (qui
sont ceux de l'enseignement primaire) se chiffrent à 199 902
individus. S'il fallait les répartir à travers 206 écoles
primaires, cela donnerait une moyenne de 970 écoliers par
établissement.
En outre, si l'on considère que chaque
école ne dispose, en moyenne, que de six classes, on aboutirait à
une moyenne très pléthorique de 162 écoliers par classe.
Tout ceci prouve à suffisance que les écoles restent
insignifiantes au sein de la chefferie et qu'un lobbying devait être
mené auprès de du gouvernement, des Eglise et des hommes de bonne
volonté pour non seulement la création d'autres écoles
mais aussi pour l'assainissement et la réhabilitation de celles qui
fonctionnent.
Quant à l'enseignement supérieur, son
impact tarde encore à se faire sentir. Le tableau ci- dessous illustre
cette réalité.
Tableau n° 10 : De l'enseignement
supérieur dans la chefferie de Ngweshe en 2011
N°
|
Groupement d'installation
|
Institut supérieur
|
Effectifs scolarisés
|
01
|
Burhale
|
ISTA/Burhuza
|
50
|
02
|
Luchiga
|
ISP/extension de Walungu
|
60
|
03
|
Karhongo (Nyangezi)
|
-Propédeutique/Gd séminaire/Murhesa
- ISTM
|
170
52
|
04
|
Walungu
|
- ISP
- ISTCE
- ISTM
|
140
120
80
|
|
Total
|
07
|
672
|
Source : Plan de développement local de la
chefferie de Ngweshe 2010-2014
Commentaire
La chefferie de Ngweshe dispose de sept instituts
supérieurs qui, à ce jour, ne fonctionnent qu'à
l'état embryonnaire et rustique. (Trois autres seraient en gestation
à Kamanyola, Muku et Burhale). Seule la propédeutique du Grand
séminaire de Chibimbi/ Nyangezi dispose de ses propres
bâtiments plus ou moins décents, les autres fonctionnent vaille
que vaille. Le nombre d'étudiants (672), les filières
organisées, présagent que la chefferie mettra encore beaucoup de
temps à former ses propres cadres sur son territoire. Au-delà des
infrastructures qui font manifestement défaut, la carence des
enseignants est aussi alarmante. Ce sont des gradués, des
licenciés principalement qui assurent la formation à tous les
niveaux. Nul n'est besoin de dire, ici, qu'aucune de ces institutions ne
dispose d'un laboratoire, modeste serait-il, encore moins d'une
bibliothèque, etc.
b. Aspects sanitaires
A l'époque coloniale, la chefferie de Ngweshe
n'était dotée que d'une seule formation sanitaire :
l'Hôpital du Fonds social du Kivu (FSK). Pour suppléer aux taches
de l'hôpital, on avait créé quelques dispensaires publics
ruraux : les dispensaires de Walungu, Karhongo, Mulamba, Ikoma et
Kamanyola. Il a fallu attendre les années 1980, avec le
découpage de la République du Zaïre en zones de
santé tant urbaines que rurales, pour aboutir à la
création d'autres formations sanitaires à travers la chefferie de
Ngweshe. Elle fut d'abord découpée en deux zones de
santé : les zones de santé de Walungu et Nyangezi.
A partir de 2003, un nouveau découpage a fait de la
chefferie de Ngweshe un District de santé qui est composé de 4
zones de santé, à savoir : Walungu, Nyangezi, Mubumbano et
Kaniola. Le tableau ci-dessous présente les différentes
structures sanitaires de Ngweshe :
Tableau n° 11 : Les structures sanitaires de
la chefferie de Ngweshe
N°
|
Zone
|
Structures
|
Nbre/ lits
|
bénéficiaires
|
superficie
|
01
|
Nyangezi :
13 structures
|
HGR de Nyangezi, CS de Mushenyi, Muzinzi, Nyangezi Kamisimbi,
Munya-Ibambiro, Kamanyola, Mazigiro, Bushinge, Kahinga, Kalungo, Kalegane, CH
de Kamanyola
|
125
|
182 009
|
342 Km2
|
02
|
Walungu : 24 structures
|
HGR de Walungu, CH de Muku, CS de Walungu, CSR de Burhale,
Bideka, Kalole, Kazimu, Rhusindye, Cidodobo, Ikoma, Ibinza, Nyandja, Muku,
Rukwende, Mugogo, Cagombe, Cugikiro, Izirangabo, Karhundu, Lurhala, Mwendo,
Mulamba, Nyakakoba, Cazi, Kampusé
|
129
|
183 063
|
707 Km2
|
03
|
Kaniola : 12 structures
|
CS de Budodo, Cagala, Izege, Kaniola, Luntukulu, Mudirhi,
Mwirama, Nzibira, Murhali, Nyamarhege, Nindaja, HGR de kaniola
|
84
|
119 910
|
447 Km2
|
04
|
Mubumban 13 structures
|
HGR de Mubumbano, CS ce Mubumbano, Lubona, Irongo, Mukungwe,
Luciga, Burhale, Karhundu, Burhuza, Tubimbi, Ciherano, Ibula, Bwahungu
|
65
|
116 324
|
108 Km2
|
|
Totaux
|
62
|
403
|
601 306
|
1604 Km2
|
Source : Division provinciale de la santé du
Sud-Kivu
Figure n° 6 : Structures sanitaires de
la chefferie de Ngweshe en 2011.
Commentaire :
Les structures sanitaires ne sont pas encore
suffisantes ; nous dénombrons 62 structures sanitaires pour une
population de 601 306 personnes, soit une moyenne de 9 698 personnes
par structure sanitaire. C'est énorme, et encore il faut tenir compte de
la distance que doivent parcourir les patients avant d'atteindre le lieu
d'où il faut recevoir les soins. La population rurale est
caractérisée d'une dispersion importante. Et la marche se fait
à pieds à travers des descentes, des montées et des lieux
insécurisés. L'idéal serait de rapprocher le malade de la
structure sanitaire.
En outre, le district de santé de la chefferie de
Ngweshe ne compte que 20 médecins, soit une moyenne de 30 065
personnes par médecins. Or, la population augmente plus vite que
n'augmente le nombre des médecins. Au-delà de la carence
observée dans l'existence du personnel soignant, il faut aussi rappeler
que la fourniture en médicaments n'est toujours pas permanente. On
trouve de longs moments de rupture de stock en médicaments dans bien de
centres de santé. Il y a vraiment des efforts à fournir pour
améliorer la santé des habitants de Ngweshe afin d'assurer
l'équilibre au sein des familles et allonger l'existence de leurs
vies.
4.4. Aspects socioreligieux
Avant l'arrivée des colonisateurs belges,
les Bashi de Ngweshe comme les peuples du Rwanda et du Burundi croyaient en un
Dieu Suprême appelé respectivement Nyamuzinda (celui qui
subsistera après tout le reste) pour les Bashi, Imana au Rwanda et au
Burundi. Dans la dynamique de la croyance chez les Bashi, nous pouvons relever
deux paliers : la croyance en un Etre-Suprême -Dieu
à travers la secte de Lyangombe et l'avènement du christianisme
à Ngweshe.
1° La secte de Lyangombe
Dans la conception traditionnelle des Bashi, Lyangombe
était un esprit très puissant, mais il n'était pas
« Nyamuzinda ». Les Bashi faisaient un culte à
Lyangombe dans des circonstances telles que le mariage, le retour de
bétail du pâturage, lors de la naissance dans une famille, lors
d'un voyage d'un parent, le cas de maladie, de famine, de mauvaise
récolte, de grossesse, etc.
Dans le culte à Lyangombe, l'officiant principal est le
chef de la famille qui prépare les sièges :
Un siège pour Lyangombe (le chef des esprits),
pour Muhima (esprit mâle qui est l'adjoint à Lyangombe), pour
Nabinji (esprit femelle), pour Kangere (esprit mâle mais moins important
que les deux premiers. Les disciples de Lyangombe étaient appelés
des « Emmandwa » dont les principaux sont ceux
cités ci-haut. Il y en avait d'autres de second rang tels que
Banganiregeko, Nyakatorogoza, Mushambaza wa banji, Nyakanege, Binege bya
Kajumba, etc.
Une fois les sièges préparés,
l'officiant apprête les offrandes : bière de banane ou de
sorgho, (qui ne peut être bue que par les seules personnes
initiées) et beaucoup d'autres aliments présentés pour
être bénits et qui seront consommés par les personnes
présentes à la cérémonie, le reste pouvant
être réservé aux absents.
Le chef de famille (officiant) se met alors à genoux,
appelle alors Lyangombe entouré de Muhima, Nabinji et Kangere (les
esprits les plus proches à Lyangombe). Il dit sa supplication à
Lyangombe tel qu'on s'adresse au Mwami (le chef traditionnel, le roi). Il
implore la bénédiction de son fils ou de sa fille qui va se
marier, de son troupeau qui rentre du pâturage, la guérison de son
enfant ou un bon accouchement de sa femme qui attend famille...Il implore la
bénédiction de toute sa famille, la bénédiction du
Mwami, celle de son chef direct, celle de ses sujets, voisins et amis... Le
chef de famille, après avoir imploré tout ce qu'il avait à
demander, il fait des promesses au chef des esprits.
Alors Muhima élève la voix en s'adressant au
chef de la famille : « oui, j'ai compris votre adresse et moi je
vais dire votre supplication à Rwadata (le père, qui aime ses
enfants qui s'adressent à lui pendant les périodes de
malheurs.
Ensuite, Nabinji, l'esprit femelle, ajoute :
« je suis « Munyere w'Irungu », fille d'Irungu,
le siège ordinaire de Lyangombe. Vous avez bien fait en vous adressant
à Lyangombe, sinon je détruirais votre village tel que j'ai
détruit le village de Kangere ». Kangere est présent,
il ne dit rien, mais reçoit les offrandes composées d'une poule
blanche.
A la fin de la cérémonie, Lyangombe, pour
manifester sa supériorité, se vante et déclare :
« C'est moi Lyangombe : Nyamuhigwa makoma mpigulwe
empanzi (je suis grand, il me faut me récompenser d'un taureau de
vache). A cette parole, ses disciples initiés (Emmandwa
répondaient : « Aroro washa » (c'est bien).
Les Bashi tout comme les Banyarwanda ont longtemps
vénéré cet esprit. C'était un esprit de terreur,
une croyance qui exigeait, à la fois beaucoup de soumission et beaucoup
de dons.
Mais d'où était venu
Lyangombe. ?
D'après le Professeur Alexis Kagame,
« Lyangombe arriva au Rwanda sous le règne de Ruganzu II Ndoli
entre 1510 et 1543 en provenance de l'Uganda. Grand magicien ambulant, il
arrive au Rwanda accompagné de ses sujets. Son père s'appelait
Babinga fils de Nyundo. Sa première rencontre avec Ruganzu II Ndoli eut
lieu à Nguli à Bukamba à l'Est du volcan Muhabura. Il
obtint, alors du roi, l'autorisation de circuler à sa guise dans le
pays. Il se rendait souvent au Burundi. Une fois, il accompagna le roi au cours
d'une expédition sur l'île d'Idjwi. Finalement, au cours d'une
partie de chasse, il fut tué par un buffle à Kibingo, non loin de
l'actuel Butare. Ses compagnons se suicidèrent, alors tous
collectivement sur son cadavre ».90(*)
Tout compte fait, les Banyarwanda n'avaient jamais
considéré Lyangombe comme un être divin, mais plutôt
comme un homme qui jouissait d'une puissance magique. Pour les Bashi, par
contre, Lyangombe, selon l'Abbé Mushambarhwa Bacirha, était
l'esprit principal et le plus puissant à la cour
céleste.91(*)
Les Bashi ont vécu donc pendant longtemps dans cet
animisme qui a régulé, façonné leurs vies, leurs
modes de comportement, leurs us et valeurs. Dans toutes les circonstances de la
vie, ils adressaient à Lyangombe avec tout espoir et avec toute
conviction que seul Lyangombe pouvait répondre favorablement à
leurs préoccupations et demandes.
2° L'avènement du christianisme
La première mission catholique en chefferie de Ngweshe
fut implantée à Nyangezi en 1906. C'est le début de
l'évangélisation dans la Province du Sud-Kivu. La deuxième
mission catholique, pour la même chefferie est celle de Burhale,
créée en 1921. Ces missions vont devenir par la suite des
paroisses et vont donner naissance à d'autres paroisses au sein de la
chefferie, et à ce jour, on dénombre 7 paroisses catholiques.
L'Eglise protestante ne va s'installer que très tardivement vers les
années 1950, l'Islam n'est introduit à Ngweshe qu'avec
l'intervention la Mission d'Observation des Nations Unies au Congo. Ce sont les
troupes pakistanaises qui construisent des mosquées à Burhale,
Mushinga et Walungu à partir de 2008 alors que l'Eglise catholique
s'était incrustée depuis bien longtemps.
Tableau n° 12 : Les paroisses catholiques de
la chefferie de Ngweshe
N°
|
Nom de la Paroisse
|
Date de la création
|
Nombre des fidèles
|
1.
|
Cibimbi (Nyangezi)
|
1906
|
46 333
|
|
1. Burhale (Burhale)
|
1921
|
46 000
|
3.
|
Walungu(Walungu)
|
1952
|
43 000
|
4.
|
Ciherano (Lurhala)
|
1961
|
45 000
|
5.
|
Mubumbano(Mushinga)
|
1987
|
36 000
|
6.
|
Mugogo (Lurhala)
|
2000
|
43 000
|
7.
|
Kaniola(Kaniola)
|
1985
|
38000
|
|
Total
|
|
297 333
|
Source : Plan local de développement de la
chefferie de Ngweshe 2010-2014.
A quoi va s'atteler la nouvelle religion dans la
région ? Trois principaux axes de
combat vont préoccuper les nouveaux
dirigeants au sein de la chefferie :
- L'implantation et le renforcement du pouvoir et de
l'administration coloniaux sur toute l'étendue de la chefferie en
étroite collaboration avec l'autorité ecclésiastique mais
sans aucune prétention d'annihiler totalement le pouvoir du Mwami et de
ses notables ;
- Le démantèlement de toutes les croyances,
mythes, pratiques, rites, modèles et invocations
« paganistes », « primitives »,
« sauvages », « sorcières »,
« indigènes », « païennes et
« diaboliques » au sein de toute la population et
instauration d'un modèle des croyances axées sur des valeurs
chrétiennes strictement européennes. Ainsi, chaque converti
à la nouvelle religion est baptisé sous un nouveau nom, le nom de
son saint patron qui guide ses pas sur la terre et qui plaide et plaidera pour
que son protégé parvienne au ciel, après sa
mort. C'est cette phase qui a contribué à l'acculturation du
Mushi. On lui a ravi tout : ses croyances, ses modèles, ses chants,
ses rites et pratiques, bref, il a perdu son identité et son histoire.
Hélas !
-La formation en alphabétisation, en règles
d'hygiènes, en méthodes culturales et le tracé des
routes : c'est avec la colonisation belge que les premières
chapelles-écoles (où l'on apprend à lire, écrire,
mémoriser le catéchisme catholique) furent construites ;
les premières installations sanitaires, c'est-à-dire des latrines
avec orifice circulaire dont la profondeur dépassait rarement deux
mètres virent le jour, des champs monoculturales des patates douces
surtout et des boisements furent imposées à tous au sein de la
chefferie de Ngweshe, et que les premières voies de communication
routière furent tracées. Il faut rappeler que tout cela se
faisait par contrainte, sur base des coups des fouets et des brimades.
Beaucoup d'hommes perdurent leurs vies au cours de ces travaux
forcés.
Somme toute, nous estimons qu'il y a eu des
brimades, coups des fouets, acculturation, perte de l'identité et de
l'histoire, etc. Mais, que serait devenu le Mushi de Ngweshe sans cela ?
Tout porte à croire qu'avec la colonisation et bien plus avec
l'avènement du christianisme, naquit un nouveau mode de vie
amélioré dans le Ngweshe.
La famille s'engage dans une nouvelle dynamique
du renouvellement, d'apprentissage à tous les niveaux. Il fallait tout
reformer et introduire de nouvelles manières de vivre, apprendre
à écrire, à se vêtir, à se soigner et avoir
un discours plus cohérent et chrétien. Dès ce moment, la
famille va commencer à consommer des discours inhabituels auxquels elle
n'est, certes, parvenue à se conformer confortablement. De point de
vue, il est clair que le christianisme a été le moteur de la
dynamique transformatrice de la famille à Ngweshe.
4.5. Aspects économiques
Trois secteurs économiques prédominent au sein
de la chefferie de Ngweshe. Il s'agit principalement de l'agriculture,
l'élevage et le petit commerce.
1°. Par rapport à l'agriculture : il
y a deux formes d'exploitation agricole : vivrière et
industrielle :
- Agriculture vivrière
Les cultures vivrières les plus manifestes, par ordre
d'importance, sont le bananier, le manioc, , la patate douce, le haricot, le
maïs, le sorgho, les légumes, l'igname, la colocase, le soja, la
canne à sucre, l'arachide, la pomme de terre, le petit pois, les
cultures maraichères. La culture de ces denrées se fait au
village autour des cases tandis que les cultures maraichères se font
dans les marais. Avec l'explosion démographique, l'espace cultivable
s'est rétréci et les habitants ont recouru à
l'exploitation des marais (des espaces marécageux et non habités
et le plus souvent appartenant à des chefs coutumiers ou au mwami). Le
tableau ci-dessous illustre l'exploitation marécageuse à
Ngweshe :
Tableau n° 13 : Marais exploitées par
les paysans de Ngweshe
N°
|
Marais
|
Groupement
ou village
|
Superficie en hectares
|
Nombre d'exploitants
|
Moyenne superficie exploitée par pers. (en
ares).
|
01.
|
Nyalugana
|
Ciherano/Lurhala
|
914
|
5 877
|
15
|
02
|
Nyamubanda
|
Karhongo
|
1 050
|
4 322
|
24
|
03
|
Chisheke
|
Walungu
|
496
|
2 316
|
21
|
04
|
Cidorho
|
Burhale/Mulamba
|
1 276. 7
|
2 167
|
58
|
05
|
Kanyantende
|
Karhongo
|
555
|
1 750
|
28
|
06
|
Mirhumba
|
Mulamba
|
162
|
816
|
12
|
07
|
Cibabo
|
Nyangezi
|
5
|
500
|
01
|
08
|
Kalangwe
|
Mulamba/Burhale
|
2
|
168
|
01
|
09
|
Nyabunkungu
|
Nduba
|
3.5
|
115
|
03
|
10
|
Ishakishe
|
Ibona/Izege
|
14
|
121
|
11
|
11
|
Kamirandaku
|
Mulamba
|
7.8
|
71
|
10
|
12
|
Misheke
|
Mulamba
|
6
|
52
|
11
|
13
|
Bunkungu
|
Lurhala/Boya
|
5
|
43
|
11
|
14
|
Chihando
|
Mulamba
|
5
|
43
|
11
|
15
|
Kaboza
|
Mulamba
|
5
|
38
|
13
|
16
|
Kashenge
|
Burhale
|
3.5
|
34
|
10
|
17
|
Chama
|
Ibona/Izege
|
2
|
22
|
09
|
18
|
Cigogo
|
Kaniola
|
2
|
19
|
10
|
19
|
Nakanywera
|
Burhale
|
2
|
15
|
13
|
20
|
Buliri
|
Mulamba
|
1.5
|
14
|
10
|
|
Total
|
20
|
4 518
|
18 701
|
24
|
Source : Rapport du Comité inter
marais du Bushi en 2010.
Commentaire :
Ces marais relevant de l'environnement de Ngweshe sont,
à travers ce tableau, rangés par ordre des membres exploitant ces
marais. Ces espaces représentent au total 4 518 hectares et sont
exploités par 18701 personnes, ce qui donne une moyenne de 24 ares par
exploitant. Il est sans nul doute que la personne qui exploite un espace au
sein du marais travaille au compte d'une famille ou un ménage. Or, au
sein de l'entité, la taille moyenne de la famille est de huit
personnes ; ce qui revient à dire que seuls 24 ares de terres
sont disponibles au ménage pour produire des vivres tels que le haricot,
le mais, le manioc et cela pour nourrir plus de huit personnes, soit trois
mètres carrés de terres cultivables au profit d'une personne au
sein d'une famille. Cet espace est manifestement insuffisant pour nourrir un
individu au cours de toute une année, et, ceci est un des facteurs de
la malnutrition observée au sein de la chefferie chez les femmes et les
enfants.
- Agriculture industrielle
Les cultures les plus répandues sont essentiellement
le thé, le quinquina, le bois. Les sociétés qui, à
ce jour, sont encore opérationnelles sont : Pharmakina, Irabata,
Plantations Gombo, Cibeke. Il y a des particuliers qui excellent dans les
mêmes cultures mais beaucoup plus dans le quinquina que dans le
thé.
2°. Par rapport à l'élevage :
il faut faire remarquer que c'est la vache qui prédomine et constitue
pour le mushi l'élevage de prestige. D'autres bêtes domestiques
sont la chèvre, le mouton, le cochon, le lapin, le cobaye, etc. Il y
aussi parmi la volaille, la poule, le canard, le pigeon, etc.
3°. Commerce
L'insuffisance des terres cultivables a plongé la
population dans des activités de fortune. L'on vend de petites choses
par ci par là. De ces activités de vente à la sauvette
sont nées de centres commerciaux et des marchés. Les centres
commerciaux les plus connus sont ; Walungu, Burhuza, Mugogo, Kamanyola,
Munya/Nyangezi, Mashango/Burhale, Tubimbi, Madaka/Mushinga, Kaniola,
Nzibira/Kaniola.
Quant aux marchés, on en trouve au moins un dans
chaque groupement. On peut donc citer les suivants : les marchés de
Mudwanga à Walungu, Mugogo à Lurhala, Munya, Lulimpene, Mushenyi
et Rucananga à Nyangezi, Musiru à Irongo, Kamanyola à
Kamanyola, Mushagasha, Kankinda, Kashebeyi et Luntukulu à Mulamba,
Cembeke à Kaniola, Tubimbi à Tubimbi, Burhuza à Burhale,
Kalole à Nduba, Kashunju à Lubona, Kajaga à Izege,
Cidorhi à Kamisimbi, Kakono à Luchiga, Kalongo , Katudu,
Cembeke et Nzibira à Kaniola, Irango à Chiherano, Kasheke
à Ikoma.
Outre ces marchés, il faut faire observer qu'il y a
d'énormes interactions commerciales entre Ngweshe et la ville de Bukavu
dont elle n'est du tout pas éloignée sauf pour les groupements de
Mulamba, Tubimbi, Mushinga, Luchiga ( distancés environ de 60 Kms). Le
commerce se fait aussi dans les territoires à exploitation
minière, notamment dans les territoires de Mwenga et Shabunda. Les Bashi
approvisionnent en produits de première nécessité ces
territoires enclavés.
Il faut faire remarquer que 40 % de la population masculine
jeune de Ngweshe est dissimulée à la recherche de l'or, le
coltan et la cassitérite, au sein de ces deux territoires
précités. Bon nombre des familles sont privées pendant de
longs mois de leurs pères de famille. Ce commerce entre le Bushi avec
les territoires frontaliers a provoqué une assimilation des cultures
entre les peuples Barega et Bashi mais aussi une instabilité au sein des
familles de Ngweshe pour deux raisons majeures.
La première consiste en cette absence très
prolongée de père qui peut aller au - delà de trois ans.
Certains en ont fait cinq ans et plus. Pendant ces absences, certaines
épouses ont fait des enfants hors mariage, d'autres se sont purement
prostituées, les enfants n'ont pas été
bénéficiaires d'une éducation équilibrée. Du
coté des époux absents, certains reviennent avec d'autres
femmes épousées en Urega, d'autres n'amènent que des
enfants qu'ils ont engendrés avec les femmes rega.
La deuxième consiste en ce problème
d'intégration sociale dans cette recomposition familiale brusque.
Comment intégrer cet enfant dont la mère est restée
à Shabunda (ou dans un autre terroir) dans la nouvelle famille où
il ne connaît et n'est connu que du père ou la femme rega
amenée dans la communauté Bashi, dans un nouveau mode de vie
diamétralement opposé au mode de vie du territoire
d'origine ? Encore fautil dire qu'une fois l'enfant ou la femme
déposée, celui qui les a amenés ne reste pas avec eux, il
reprend son voyage et ne revient pas aussitôt. Tous les problèmes
émanant de ces « intrusions familiales » ne sont
réglés que superficiellement étant donné l'absence
de l'acteur principal : le père de la famille. Et même
lorsqu'il est sur place, le problème d'intégrer les nouveaux
individus ne lui est pas toujours facile.
Ce système migratoire a abouti aux
phénomènes tels que la « sorcellerie », les
enfants de la rue et dans la rue, l'abandon de famille, la perte de confiance
dans le foyer, la méfiance, la désintégration sociale,
etc.
En outre, l'on se souviendra qu'aux législatives de
2006, le Territoire de Walungu avait cinq sièges aux Parlement national
de la RDC et Provincial du Sud-Kivu contre trois sièges pour le
Territoire voisin de Mwenga et un seul siège pour le Territoire de
Shabunda. En 2011, pour des élections consécutives, Walungu et
Mwenga étaient ex- quo avec quatre sièges alors que Shabunda
montait en force avec un siège de plus qu'en 2006. Cet aspect et bien
d'autres démontrent que le Territoire de Walungu ne fait que se vider
de sa population à travers un exode urbain très prononcé
et un autre exode orienté vers les carrés miniers. Il faudra du
temps pour pallier de tels phénomènes d'exode au sein de la
chefferie.
4.6. Aspects politico-administratifs
La chefferie est dirigée par le Mwami en collaboration
avec les seize chefs des groupements. Comme entité
décentralisée, elle exécute les ordres émanant du
Ministère de l'intérieur et décentralisation tant au
niveau provincial que national.
4.7. Aspects généalogiques dans l'administration
de la chefferie
A travers un tableau, nous reprendrons la succession
des bami tels qu'ils se sont succédé depuis les origines
jusqu'à nos jours. On apprend, de par un mythe, qu'une reine
mère du nom de Namuhoye avait mis au monde huit enfants. Ce sont :
Kabale, Narhana, Kalunzi, Naburhinyi, Lubobolo, Nnaninja, Kadusi-Ngombe et
Nyibunga (la seule fille du groupe). On ne connaît pas celui qui fut son
mari, ni ses parents, ni l'époque à laquelle elle a vécu,
ni ses contemporains, ni le lieu précis de sa demeure bien que le mythe
précise l'actuel territoire de Mwenga. Partis de Luindi, dans l'actuelle
Chefferie des Basile, ces enfants se dispersèrent et chacun forma sa
dynastie. La dynastie du Bushi provient de l'aîné Kabale dont un
des fils se révolta et forma la dynastie de Ngweshe.
Tableau n° 14 : Généalogie des
bami de Ngweshe
Année
|
Nom du Mwami
|
Epouse (s)
|
Enfants
|
|
Kagweshe Bagweshe
|
M' Nakaya
|
Muhive, Bugabo et Nakwezi (fille)
|
1697
|
Muhive
|
M'Chokola, M'Niganda
|
Kwibuka
|
1700
|
Kwibuka
|
M'Mude, M'Chocha, M'Ntambirhi, M'Bahizi, M'Bushengwa
|
Kaserere, Birali, Kalangiro, Kayumpa, Muzuka,
Chishanjaga, Mushengezi, Nfumba
|
|
Kaserere
|
M'Bushengwa, M'Ntambirhi
|
Weza, Lunjwire, Cibibi, Kirherero, Nchuranganya,
Nshasi, Kahu, Cishanjaga
|
1740
|
Weza Ier
|
M'Malibwe, M'Bugarha, M'Wansinda
|
Bicinga, Muyangwa, Mwaga, Murhandikire, Miga,
Mpango, Murhole, Ndeko, Bihinda, Cidurha- Mazi, Zagabe, Ntabana, Nanzobe (F)
|
1766
|
Bicinga
|
M'Mugula, M'Nalwindi
|
Chirimwentale, Chizihira, Irenge, Bagweshe
Barhahera, Maramuke (F), Nanzobe (F)
|
|
Chirimwentale
|
M'Chibangu, M'Kahunzi- Kasigwa
|
Chirhahongerwa, Kwibuka, Chihonzi
|
|
Chirhahongerwa
|
M'Naluganda, M'Nabushi Makombe Namwigamba, M'Baderha, M'Mugwa,
M'Nyalembe, M'Kahunza.
|
Rugenge, Nyangezi Kasole Lukula, Masonga,
Bingane, Ruhoya, Kasaza, Nkinzo, Rusengo, Lubarhuza, Chiherano Engombe,
Chiruzi.
|
1863-1887
|
Rugenge
|
M'Musiwa, M'Nfizi, M'Bwanishi, M'Cishanjaga, M'Munandi
|
Lushamba, Rubenga, Namukama, Machumu, Makungu,
Murhesa, Mutijima, Muchiga, Mutuzi, Cirimwami, Nduru, Kahwijima.
|
Mort en 1886
|
Lushamba
|
M'Kasholero Nakaliza, M'MuyangwaI M'MuyangwaII M'Rugina,
M'Chibogo, M'Mutebuka.
|
Lirangwe, Ntonde, Karhibula, Bizimana, Cinegena,
Mulimba, Muliri, Kalunga
|
1888
|
Lirangwe
|
M'Ciragira-Niganda Nakese, M'Bihinda, Mugenye M'Ciroyi ca
Mushengezi
|
Ruhongeka, Lulanga, Bahirwe, Muhyahya, Cirezi,
Namunene.
|
1891
|
Ruhongeka Matabaro
|
M' Karholero Elisabeth, M'Ntogosa, M'Kasha, M'Cibibi, Njimbi
M'Mutalemba, M'Chiraba, M'Nakalonge, M'Lukula lwa Kahu, M'Rudahindwa
|
Mafundwe, Lwanwa, Kasigula, Rutega, Vuningoma,
Charangoma, Kamwami, Bamanyirwe, Ntabikunzi, Ntangano, Chitunga,
Chikalasha-Balagizi, Bashige, Mushengezi.
|
1913-1937
|
Mafundwe Weza II
|
M'Rudahindwa, M'Kasha, M'Namushiha, M'Muganga, M'Nyampumba
|
Muhigirwa, Mutaga, Byumanine, Nvanamirihyo,
Bachiganze, Kurhengamuzimu, Lwambirhe
|
1937
|
Muhigirwa
|
M'Mugaruka Astride, M'Bugarha bwa Wasinda, M'Makungu,
M'Malekera.
|
Ndatabaye Pierre, Bigirinama Herman, Mamimami,
Nyakasane Juvenal, Namunyere Benedicta(F), Cizigire Philomène, Mbonwa
Willermine, Ntakwinja
|
1933
|
Ndatabaye Pierre Weza III né en 1930.
|
M'Bshizi Lusiko, M'Ndegesi, M'Rudahindwa, M'Katindigiri, Elite
|
Mubalama Safari Claude, Patrick, Abraham, Mitima Erindangabo
Kurhengamuzimu, Aganze Moise, Sara, Roxane Ayagirwe, Paola, Philomène
Ashokole, Pamela, Annuciata, Atukuzwe Naweza
|
Source: Ces données émanent d'Alphonse
Ntawigena mwene Cishunjwa, elles proviennent d'une compilation de
données offertes par Paul Masson, Burume Lwigulira et d'autres sources
orales.
Interprétation.
On peut constater à travers cette
généalogie que les familles des bami de Ngweshe sont des familles
polygynes. À moyenne chaque mwami aurait épousé cinq
femmes. Un autre constat est que les filles sont médiocrement
inventoriées. Sur environs 106 enfants garçons, dans quinze
successions royales, on a seulement pris en considération 14 filles. On
se trouve, ici, dans une culture du type hébraïque où seuls
les garçons étaient pris en compte dans la progéniture, la
succession familiale et le patrimoine familiaux.
Cette considération de la femme n'est pas
propre aux seules familles royales, mais c'est un élément
culturel pour toutes les familles de la chefferie. Elle a des
répercussions négatives sur l'épanouissement de la femme,
sur l'héritage familial (où la fille n'est pas du tout prise en
compte) et sur le recouvrement de ses droits dans le milieu. Bien qu'à
ce jour la situation tend vers une certaine atténuation, on retiendra
qu'aucun homme ne se trouve heureux de ne n'avoir engendré que des
filles. Pourtant, les parents gagnent plus par leurs filles que par leurs
garçons. Des interventions matérielles et financières
proviennent régulièrement de la fille mariée vers ses
parents, sans laisser en compte les valeurs dotales qui ne sont pas de moindre
valeur. Il y a cependant des avancées : dans certains cas, une
fille peut hériter les biens de son père et ceci lorsque la
famille n'est composée que des filles seulement, alors qu'auparavant,
les filles nées d'une famille sans garçon étaient
amenées, après la mort de leur père, à la cour du
roi où elles étaient considérées comme des simples
servantes.
Cette innovation dans la considération de la fille au
niveau familial relève du contact que nous avons eu avec l'Occident et
plus spécialement l'Eglise et l'Ecole. La famille, en fait, a
été transformée par la scolarisation92(*) et la religion. En effet, l'on
peut se poser la question de savoir que serait devenue la famille sans ces
aspects scolaire et religieux. L'école et la religion ont balisé
le gouffre d'ignorance et d'animisme dans lequel était plongée la
famille de Ngweshe. De ce fait, la dynamique familiale repose essentiellement
sur ces deux aspects bien que d'autres entrent en compte.
En effet, pour François de Singly,
« le capital dominant aujourd'hui est le capital scolaire : la
société est régie par un mode de production à
composante scolaire. Le titre scolaire cesse d'être un attribut
statutaire pour devenir un véritable droit d'entrée.
L'école et le corps, le groupe social que l'école produit en
apparence ex nihilo et à partir de propriétés, elles
aussi liées à la famille, prennent la place de la famille et de
la parenté, la cooptation des condisciples sur base des
solidarités d'école et de corps jouant le rôle qui
revenait auparavant au népotisme et aux alliances
matrimoniales »93(*).
Abondant dans le même sens que cet auteur, nous
reconnaissons que la Famille, l'Ecole, l'Eglise, la Société sont
les principales instances de la socialisation. C'est à travers ces
instances que se développent des formes de parenté qu'elle soit
génitale, volontaire ou sociale, c'est-à-dire, selon qu'on
est lié par le sang, selon qu'on se choisit et qu'on s'accepte
mutuellement ou alors que l'on se retrouve ensemble partageant un même
espace vital et même professionnel. La famille et l'école
forment l'homme et ce dernier se réalise à travers ces deux
systèmes sociaux, lesquels forgent, déterminent et assurent
l'individu.
Conclusion partielle
Ce chapitre a été celui de la
présentation de notre cadre expérimental et qui a abordé
les aspects liés aux milieux physique, socioculturel, économique
et politique de la chefferie de Ngweshe et qui a brièvement
démontré que la dynamique familiale dont il est question dans
cette étude relève essentiellement des apports de la famille
elle-même, de l'école et de l'Eglise. Ce chapitre présente
la chefferie de Ngweshe comme une véritable société :
la chefferie dispose des éléments matériels : un
territoire de 1599 Km2 et une population de plus ou moins 601306
habitants.
La chefferie dispose aussi des éléments formels
tels que la relation, l'activité, la conscience collective et un
système des conduites sociales ou l'institutionnalité.
En effet, c'est à travers la relation que les acteurs
sociaux tissent des liens de diverses sortes. Le concept d'environnement
social, peu développé dans cette thèse, provient
exactement de relations entretenues entre différents peuples vivant sur
des territoires voisins ou environnants. Ainsi, Ngweshe comme entité
sociale, politique et administrative dispose d'autres environnements sociaux,
politiques et administratifs. C'est par exemple, les chefferies environnantes
de Kaziba, Burhinyi, Luhwinja, Basile, Kabare, Nindja, la ville de Bukavu...
L'environnement urbain influe considérablement sur les comportements des
individus au sein de la chefferie. Bukavu joue un rôle important dans le
vécu quotidien des habitants de son hinterland. Un environnement social
peut être hostile ou favorable, agonistique ou irénique, de
tendance belliqueuse ou pacifique. Autant l'on doit s'adapter à
l'environnement physique, autant l'on devrait s'adapter à
l'environnement social, mais ce dernier n'offre pas toujours beaucoup
d'opportunités d'adaptation, car deux peuples peuvent se rejeter
mutuellement ou développer des tensions en leur sein du fait de ne pas
se convenir sur certains aspects.
L'activité confère à l'entité son
identité patrimoniale. Un peuple ne développe son
historicité que de par et avec son travail.
Quant à la conscience collective, elle apparaît
comme le ciment relationnel au sein d'une communauté. Elle tire ses
origines dans le niveau de socialisation et d'intégration sociales. Plus
la socialisation et l'intégration sociales sont fortes, manifestes,
plus la conscience collective est élevée. Enfin, toute
société fonctionne sur base des règles et principes qui
réglementent les conduites sociales. Ainsi, la famille, le mariage, la
langue, la dot, la religion sont institutions au sein de notre univers en
étude, de véritables corps des règles auxquelles les
individus sociaux se référent pour, penser et agir.
Après un tel parcours, il importe d'identifier les
ressources dont dispose la chefferie, lesquelles constituent le patrimoine des
familles et dont elles doivent se servir pour leur émergence socio-
économique.
Chapitre cinquième
EVALUATION DES RESSOURCES ET TYPOLOGIE DES
FAMILLES
INTRODUCTION
A travers ce chapitre, nous allons soumettre à des
analyses les ressources disponibles par secteurs d'intervention ;
identifier les problèmes réels, les facteurs qui les entrainent,
leurs conséquences sur les populations, les ressources disponibles
pouvant contribuer à l'éradication du problème et les
pistes des solutions. Etant donné que ces ressources existent pour et
par les familles, bénéficiaires potentielles, nous allons
procéder, à l'issue de cet inventaire à présenter
d'une manière typologique les familles telles qu'elles apparaissent,
vivent et agissent sur le terrain.
5.1. EVALUATION DES RESSOURCES
Tableau n° 15 : Evaluation des ressources
par secteur d'interventions
Domaines ou secteurs
|
Problèmes
|
Facteurs
|
Conséquences
|
Ressources
|
Solutions
|
VIH/SIDA
|
Insuffisance d'information et de sensibilisation
|
-Enclavement
-coutumes et mythes
-insuffisance des centres de dépistage volontaire
|
Risque d'exposition à de nouvelles contaminations
|
-Présence des structures de
santé
-Présence des associations de lutte contre le VIH/SIDA
-Existence de la loi portant sur protection des PVV
-Présence des molécules d'ARV
|
Renforcer la sensibilisation, diversifier les centre de
dépistage et disponibiliser les préservatifs et les ARV
|
ENERGIE
|
Manque de courant électrique ou faible couverture en
desserte en courant électrique
|
Non exploitation des ressources existantes ou insuffisance des
cabines
|
Faible entrepreneuriat, non accessibilité à
certains outils modernes, destruction de l'environnement
|
Rivières et chutes abondantes ; existences des
barrages de Ruzizi I et II et projet de construction de Ruzizi III. ;
transformateurs non installés, Maisons en matériaux durables
|
Alimenter les entités non desservies en courant ;
promouvoir d'autres énergies ; construire des micro-barrages ;
octroyer d'autres cabines à la population
|
EDUCATION
|
Infrastructures scolaires insuffisantes, vétustes, non
viables et non équipées.
Enseignants peu qualifiés
|
Démographie croissante ; non
réhabilitation ; guerres ; pillages ; destruction par les
bandes armées et d'autres groupes inciviques
|
Pléthore dans les salles des classes ; baisse du
niveau d'instruction ; relance de l'alphabétisme
|
Ecoles disponibles ; population à l'âge
scolaire ; les enseignants ; espaces, matériaux et
main-d'oeuvre disponibles pour construire des écoles
|
Réhabiliter et construire les écoles ;
créer des centres d'encadrement et de récupération des
jeunes désoeuvrés, des centres des métiers. Favoriser
l'accès à l'école pour tous et à tous les cycles
éducatifs.
|
SANTE
|
Soins de santé de peu de qualité
|
Enclavement des villages ; structures sanitaires très
éloignés ; faible revenu ; structures médicales
peu ou pas équipées et non subventionnées ;
personnel médical peu qualifié et non
spécialisé ; maternités insuffisantes et peu
équipées ; point d'ambulances ; rareté des
médicaments ; conditions hygiéniques
délabrées...
|
Mortalité élevée ;
automédication ; recours au traitement traditionnel ou par la
prière ; longues distances à parcourir ;
décès et accouchement en cours de route ; structures de
santé non viables, non équipées, sans eau ni
électricité. Mauvaise qualité des soins de santé
|
Existence des structures de santé et des mutuelles de
santé à travers toute la chefferie ; sources non
aménagées
|
Désenclaver les villages ; réhabiliter et
équiper les structures sanitaires et les doter d'un personnel
qualifié et spécialisé ; les doter des
ambulances et médicaments appropriés ; éduquer
la population sur la qualité des soins, les risques
d'automédication et l'esprit trop théologique en cas de maladies
|
TRASPORTS ET VOIES DE COMMUNICATION
|
Délabrement des routes de desserte agricole et inter
chefferie et inexistence de routes
|
Manque de routes ; mauvais entretien ; manque d'outils,
de moyens et du personnel de cantonnage ; faible implication de l'Etat,
découragement de la population aux travaux collectifs sur les routes
|
Enclavement des villages ; difficultés
d'échanges et de communication ; accidents de circulation ;
insécurité
|
Existence des tracé routiers et des ponts ;
mains d'oeuvre et matériaux de construction ; volonté de la
population d'améliorer le réseau routier
|
Réhabiliter, tracer les routes de desserte agricole,
construire des ponts solides, entretenir un service permanent de cantonnage
manuel, financer l'entretien. du réseau routier
|
EAU ET ASSAINISSEMENT
|
Manque d'eau potable ; conditions hygiéniques
précaires
|
Insuffisance des sources aménagées ;
insuffisance d'adductions d'eau ; imperméabilité de la
population à bouillir l'eau et inobservance des règles
d'hygiène ;
|
Maladies d'origine hydrique ; longues distances à la
recherche de l'eau (souvent sale) ; insalubrité, maladies de mains
sales ; viols
|
Sources d'eau disponibles ; rivières ; quelques
adductions d'eau ; services de santé ; les écoles et
les Eglises.
|
Aménager des sources potables à travers tous les
villages ; alléger les travaux domestiques ; assainir les
villages, construire des latrines, des dépotoirs publics.
|
COMMERCE
|
Manque de marchés modernes ; faibles revenus ;
faibles capitaux financiers ; coopératives peu
compétitives
|
Espaces insuffisants ; capitaux financiers précaires
|
Handicap d'évolution dans les échanges ;
difficulté de circulation de la monnaie ;. dépendance
économique...
|
Existence des produits d'échanges, des besoins et de
petits marchés et d'importantes activités commerciales
|
Construire mes marchés modernes et mettre sur pied des
mesures sécuritaires durables
|
AGRICULTURE ET ELEVAGE
|
Persistance de modes traditionnels ; peu de terres
arables ; faible drainage des marais, pâturages
réduits ; appauvrissement des terres cultivées, manque de
jachère ; insuffisance de cheptel, ressources piscicoles et
prédominance de la monoculture
|
Persistance des modes traditionnels de culture et
d'élevage ; persistance des maladies (ex. la mosaïque du
manioc et du bananier
|
Carence alimentaire ; malnutrition ;
insécurité alimentaire
|
Population laborieuse et à vocation essentiellement
agricole ; espaces et climat appropriés
|
Former, sensibiliser les populations sur les nouvelles techniques
et modes de cultures et d'élevage ; vulgariser les nouvelles
semences améliorées, octroyer des engrais et des outils
appropriés...
|
ENVIRONNEMENT
|
Déboisement incontrôlé ; feux de
brousses ; éboulements et inondations
|
Déboisement incontrôlé ; feux de
brousses ; éboulements et inondations
|
Perturbations climatiques ; érosions ;
appauvrissement du sol
|
Espaces magnifiques (montagnes, collines, vallées et
vallons), boisements, verdure ; associations de protection de
l'environnement et service technique de l'environnement.
|
Protéger l'environnement ; reboiser les collines, les
vallées et vallons ; redynamiser et renforcer les capacités
du service de l'environnement au sein de la chefferie.
|
CULTURE, SPORTS ET LOISIRS
|
Acculturation, insuffisance et mauvais état des
infrastructures sportives et culturelles ; point de salles
polyvalentes.
|
Perte des acquis culturels shi ; insuffisance des
partenaires d'appui aux activités sportives ; attrait au seul
sport du football ; point de bibliothèque ; perte du niveau
éducatif scolaire ;
|
Perte d'identité culturelle ; régression des
activités culturelles ; non encadrement de la jeunesse.
|
Existence de certains conservateurs de la culture bashi ;
existence de terrains des jeux ; présence de la jeunesse, des
salles de spectacle et du centre culturel Ndaro (cadre culturel bashi).
|
Replacer le mushi dans sa culture ; construire des
infrastructures culturelles ; créer des bibliothèques et
intéresser tout le bashi au centre culturel bashi (centre culturel
Ndaro).
|
ARTISANAT
|
Faible production des activités artisanales.
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Fort attrait aux activités
d'extraction minière ; désintéressement aux
activités artisanales ; manque d'appui dans ce domaine.
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Perte de la culture et recours aux produits manufacturés
étrangers.
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Existence des ressources locales et des intrants et des
ressources humaines pour les activités artisanales.
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Promouvoir les activités artisanales, mettre en place des
centres d'encadrement des jeunes à l'artisanat.
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TOURISME
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Insuffisance des activités touristiques
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Sites touristiques non aménagés ;
insécurité, insuffisance et mauvais état des
infrastructures hôtelières et d'accueil.
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Manque à gagner pour la chefferie et le secteur
privé, non promotion et valorisation des potentialités de la
chefferie.
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Existence des sites touristiques (montagnes, eaux thermales...)
et des infrastructures hôtelières et d'accueil.
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Promouvoir les activités touristiques ; construire et
améliorer les infrastructures d'accueil et hôtelières...
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TELECOMMUNICATION
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Faible couverture de réseau téléphonique,
faible accès à l'information
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Faible signal des antennes téléphoniques
(airtel, cct, vodacom) ; incapacité de suivre les chaines de
télévision.
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Difficulté de communication, désenclavement,
désinformation.
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Existence des opérateurs téléphoniques
Et des consommateurs potentiels et des radios communautaires
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Renforcer le signal et installer d'autres antennes pour une
couverture satisfaisante téléphonique et médiatique.
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GOUVERNANCE
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Faibles capacités des cadres au sein des
groupements ; mauvaise gestion des entités ; insuffisance et
mauvais état des infrastructures administratives.
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Faible capacité intellectuelle ; recrutement sur base
des liens familiaux ; inefficacité et impunité ;
manque d'entretien des bâtiments et vieillissement ...
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Inefficacité dans les services
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Présence des partenaires et des jeunes cadres demandeurs
d'emploi ; existence des espaces de l'Etat prêts à être
bâtis.
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Renforcer la capacité du personnel au sein de toute la
chefferie ; réhabiliter et/ou construire de nouveaux
bâtiments.
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HABITAT
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Etat de précarité
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Faible revenu ; conditions climatiques fort favorables
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Exposition aux risques d'incendies ; maladies ; non
urbanisation des entités
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Grands espaces propices à la construction ;
matériaux de construction disponibles
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Appuyer la construction des bâtiments décents ;
urbaniser le milieu.
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INDUSTRIE
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Activité industrielle presque inexistante.
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Manque d'unité de transformation.
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frein au de développement ; accroissement du taux de
chômage ; non valorisation des produits locaux.
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Présence des potentialités minérales et
agropastorales.
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Promouvoir un environnement favorisant l'industrialisation au
sein de la chefferie ; diversifier de petites unités de
production.
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INSECURITE
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Présence des groupes armés et milices diverses sur
le territoire.
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Conflits ethniques au Rwanda et dissémination des
armés et minutions à l'Est de la RDC.
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Pillages, viols, assassinats.
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Conscience et population jeune.
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Renforcer la conscience collective.
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Source : ces
données sont celles recueillies par nous-mêmes et
combinées avec celles du Plan local de développement de la
Chefferie de Ngweshe.
Commentaire :
Les données regroupées dans le tableau ci-dessus
peuvent être passées en revue très brièvement pour
s'imprégner de la réalité sur le terrain. La famille de
Ngweshe, dans sa dynamique doit se battre sur dix-huit fronts : le
VIH/SIDA, le manque d'énergie, les problèmes liés
à l'éducation des jeunes, la santé, le manque des moyens
et les voies de communication, le défi lié à l'eau et
l'assainissement, le commerce, l'agriculture et l'élevage,
l'environnement, la culture / sports et loisirs, l'artisanat, le tourisme, la
télécommunication, l'habitat, l'industrie et l'
insécurité :
1°. Le VIH/SIDA
L'épidémie du VIH/SIDA sévit en
République Démocratique du Congo depuis déjà trois
décennies ; sa prévalence est élevée, elle
est de 3,2 %. Mais elle pourrait aller en hausse car plusieurs bailleurs des
fonds se retirent de la RD Congo, ce qui risque de priver de beaucoup de
patients l'accès à des anti-rétro-viraux. Il faut donc,
estime MSF, renforcer le plaidoyer international et la sensibilisation en
faveur de la RDC. C'est un cri d'alarme que lance cette ONG internationale.
Déjà, seul un malade sur dix en RD Congo dispose de
l'accès aux ARV. Il est vrai que la prévalence y est faible
en comparaison avec d'autres pays, notamment l'Afrique du Sud, « mais
je pense justement que c'est là où il faut agir pour
éviter que la prévalence n'augmente », estime Corine
Benazech, Coordinatrice du programme VIH/Sida au sein de MSF. Pour le moment,
seule la Banque mondiale va permettre l'achat des médicaments pour les
trois prochaines années, selon MSF. Mais il faut continuer à
faire le plaidoyer pour la RDC, sensibiliser et voir d'autres
possibilités de fonds intermédiaires, renchérit Corine
Benazech ».94(*)
La tranche d'âges la plus affectée est celle de
14 -30 ans et la maladie ne fait que s'étendre à tous les
âges. Bien de facteurs justifient la propagation de la maladie
- La précarité économique : les
jeunes filles et femmes, pour faire face à certains de leurs besoins
vitaux (alimentation, habillement, soins corporels et sanitaires) se donnent
très facilement à la consommation du sexe avec des partenaires
inconnus.
- Le manque d'usage de préservatifs : l'usage du
condom est rare, la population n'est pas tellement perméable à
l'usage des préservatifs, mais en même temps, ils ne sont pas
disponibles partout. A l'exception de certains centres de négoce, il
est difficile de trouver un préservatif dans un village. En outre, 75 %
d'hommes interrogés à ce sujet, estiment que le condom
n'offre pas la satisfaction sexuelle attendue : « il en est de
même de 30 % de femmes qui estiment que le besoin sexuel est comparable
à une soif naturelle. Il faut sentir l'eau fraîche couler sous la
gorge pour étancher la soif. Quel plaisir sortirait-il d'un vagin sec et
non imbibé de ce liquide que recherche toute femme en chaleur,
déclarent-elles »!
- Les multiples cas des viols : le
phénomène « viol » a atteint son paroxysme au
sein de la chefferie de Ngweshe depuis l'année 2000 avec l'occupation de
cette entité par des bandes armées et milices de tout genre. Mais
comme le mal se répand plus que le bien, même dix ans après
la guerre, le phénomène de viol ne fait que s'exacerber. Nul ne
connaît le dessein de celui qui viol. Si c'est pour un plaisir sexuel,
personne ne violerait une enfant de moins de trois ans, car, pour paraphraser
Delare, le plaisir sexuel ne provient et n'existe qu'à travers le
« le face à face » entre les deux partenaires
sexuellement engagés. Il semble que certaines personnes, se
reconnaissant malades du SiDA, s'engagent à répandre la maladie
même à des personnes très jeunes.
- Les carrés miniers : ce sont des endroits
où circule l'argent et, curieusement, l'immoralité y est
très manifeste. Là, le sexe se vend et se consomme
délicieusement et comme on y trouve plus d'hommes que de femmes, les
hommes font réellement une véritable chasse aux femmes et vice
versa. De tous les carrés visités (Mukungwe, Kaji, Luntukulu,)
et des centres de négoce tels que Nzibira, Kashebeyi, Tubimbi, Madaka,
Burhale, Burhuza, nulle part, on ne trouve des préservatifs en vente
dans les boutiques.
- Le non approvisionnement des centres des centres de
santé : tous les centres de santé enquêtés sont
en rupture de stock et d'approvisionnement des préservatifs depuis six
à 12 mois.
- La mobilité et l'absence prolongée des maris
loin de leurs familles : beaucoup des bashi vivent actuellement du
commerce, le sol étant devenu infertile. Les hommes vont en territoire
de Shabunda, Mwenga, Fizi, Nord-Katanga à la recherche de minerais. Ils
y passent beaucoup de temps. Leurs femmes restent seules. Et donc, aussi bien
du côté des maris absents de leurs foyers que du côté
des femmes restées à la maison, il se passe des rapports sexuels
non protégés qui exacerbent la pandémie du VIH/SIDA au
sein des foyers.
2°. L'énergie électrique
Nous nous conviendrons tous sur le fait que la chefferie de
Ngweshe ne s'engagera sur la voie du progrès que lorsqu'elle sera
desservie en énergie électrique. Or, en cette année 2012,
seuls deux centres (Walungu-centre et Nyangezi) sont desservis en courant
électrique et cette desserte n'est que médiocre car elle ne
concerne pas tout le Groupement, mais quelques maisons le long de la route au
sein de ces deux centres.
La chefferie dispose, cependant, d'une importante ressource
hydroélectrique si les chutes, en son sein, étaient mises
à profit dans la construction des barrages. C'est le cas des chutes de
Nyanganda, Kazinzi, Kahungwe... La seule chute de Nyanganda (Groupement de
Mulamba) peut alimenter toute la chefferie et même les chefferies
voisines de Kabare, Nindja et Burhinyi. Elle pourrait produire 10 méga
watts. Or, aucun projet de construction de barrage ne pointe à
l'horizon. Il faudra encore un long moment pour que la chefferie soit desservie
en énergie électrique.
3°. L'Education
L'éducation est le fondement de toute
société. Ainsi, chaque communauté doit pourvoir à
l'éducation de ses jeunes enfants afin d'assurer la relève des
adultes instruits ou pas et perpétuer la vie de la communauté.
Conformément au DSCRP national, le taux brut de
scolarisation au degré primaire a connu une forte régression,
soit de 92 % en 1972 à 64% en 2002 ; au secondaire, elle est
estimée à 29% en 2001-2002 contre 26% en 1977-1978.
Actuellement, le degré scolaire primaire, bien que
caractérisé par une forte croissance démographique, n'a
pas encore pris en son sein tous les effectifs scolarisables. Il s'observe
encore un grand nombre d'enfants hors de l'école, des enfants dans des
zones insécurisées, de faibles compétences d'enseignants,
le manque des matériels pédagogiques, une insuffisance
d'infrastructures scolaires et un coût élevé de la prime
des parents aux enseignants par rapport à leurs revenus. Tous ces
éléments constituent un défi pour l'Etat congolais en
général et pour la chefferie de Ngweshe en particulier.
Pour ce qui concerne la chefferie de Ngweshe, la scolarisation
apparaît de la manière suivante, à travers le tableau
ci-dessous :
Tableau n° 16: De la scolarisation en Chefferie
de Ngweshe
|
(1)
|
(2)
|
(3)
|
(4)
|
N°
|
Cycles
|
Nombre/écoles
|
Effectifs scolarisables
|
Effectifs scolarisés
|
1
|
Maternel
|
26
|
56 558
|
853
|
2
|
Primaire
|
206
|
199 896
|
9 720
|
3
|
Secondaire
|
78
|
170 289
|
4 563
|
4
|
Supérieur
|
07
|
56 038
|
672
|
|
Total
|
317
|
539 340
|
15 808
|
Source : le nombre
d'écoles émane du Bureau de développement de la chefferie,
tandis que les colonnes 3 et 4 retracent les effectifs cumulés dans la
tranche d'âges concernée par le cycle de scolarisation. (Voir p.
136).
Figure n° 7 et 8 : Les effectifs scolarisables
et les scolarisés
Interprétation :
Les données sous analyse concernent les tranches
d'âges de 0-26 ans. Etant donné que les effectifs scolarisables
au niveau maternel se situent entre 3 et 5 ans et du fait que les mêmes
données démographiques ne concernent pas un âge
précis mais plutôt une tranche d'âge d'une amplitude 4 ou
5, nous avons divisé par deux les effectifs du niveau maternel. Tout
compte fait, il est à remarquer que la scolarisation est encore
très faible à travers la chefferie de Ngweshe. Des efforts
devraient être fournis pour scolariser le plus grand nombre de personnes
possibles. Nous reconnaissons cependant qu'il y a bien d'autres enfants de la
chefferie qui suivent les cours en dehors de l'entité. Mais, que ce
dénombrement de la population ait porté sur une population de
fait ou de droit, il est visible que le taux de scolarisation, à tous
les niveaux, demeure encore insignifiant.
4°. La santé
Selon le Bureau de développement de Ngweshe, si l'on se
base sur quelques indicateurs sanitaires tels que le taux de mortalité,
la malnutrition, la recrudescence des maladies telles que le VIH/SIDA, le
paludisme, la verminose, les infections respiratoires, la chefferie demeure un
milieu où il ne fait pas beau vivre. Le système des services de
santé organisé sous forme d'une pyramide à trois niveaux
(Zone de Santé, Hôpital Général de
Référence et Centre de Santé) nécessite un
renforcement régulier de capacités.
En somme, tel que décrit plus haut, la chefferie de
Ngweshe (avec une population de plus de 601 306 mille habitants) ne dispose que
de 5 hôpitaux, 2 centres hospitaliers, 61 centres de santé, le
tout pour un total de 403 lits et 20 médecins, soit en moyenne
30 065 personnes par médecin. C'est énorme et aucun
médecin ne peut être efficace en pareil cas
Il y a donc un problème réel qui se pose au
niveau des soins de santé et de la prévention. C'est ce
manque de prévention qui est un facteur de propagation de toutes les
maladies dites des mains sales (choléra, fièvre typhoïde).
Quant aux soins, ils ne peuvent être que précaires étant
donné l'insuffisance des formations sanitaires, du personnel soignant,
le manque des médicaments et l'éloignement du patient
vis-à-vis des professionnels de santé. Les longues distances
à parcourir à pied provoquent des décès, des
accouchements à la maison et en cours de route. La facture des soins est
aussi un cauchemar pour le malade du fait de la pauvreté qui
sévit dans le milieu. L'objectif, ici, doit être celui de
rapprocher le malade du personnel soignant, ce qui implique, naturellement la
diversité et un équipement adéquat des formations
sanitaires à travers toute la chefferie.
Avec le système des mutuelles de santé
initié par le Diocèse catholique de Bukavu à travers son
Bureau Diocésain des OEuvres Médicales (BDOM), certaines familles
peuvent accéder aux soins de santé avec une réduction des
frais à 80 % si l'on a été hospitalisé et à
50% pour des soins ambulatoires. Six problèmes majeurs se posent pour
le fonctionnement des mutuelles de santé :
- La sensibilisation de la population à adhérer
aux mutuelles de santé
- Le manque de cotisation annuelle : la famille n'est
toujours pas capable à faire adhérer tous ses membres. (Ce
sont des politiciens qui pour des fins électorales, ont fait
adhérer un grand nombre des personnes pour une année en 2006 et
2011)
- L'intervention territoriale limitée au seul
Diocèse catholique de Bukavu pour tous les abonnés ;
- L'intervention ne concerne que les malades internés
uniquement dans les salles d'hospitalisation publique et ne prend pas en
compte toutes les maladies
- La taille de ménage très élevée
ne permet d'affilier toute la famille : le taux d'affiliation est de 3
à 3.5 dollars américains par membres de la famille au sein de
Ngweshe
- L'immensité de l'espace est un facteur de
dysfonctionnement pour les mutuelles de santé : au sein de tout le
Diocèse de Bukavu fonctionnent 21 mutuelles de santé ci-reprises
avec les années respectives de création : Idjwi Sud(1997),
Idjwi-Nord(1998), Kalehe (1999), Nyantende(2001), Kadutu(2003), Ciriri(2003),
Etudiants(2005), Bagira (2006), Katana ( 2007), Birava (2007), Ibanda (2008),
Kamanyola (2008), Murhesa(2008), Kabare (2009), Walungu (2010),
Mubumbano(2010), Nyangezi (2011), Chai (2011), Luvungi ( 2012), Uvira (2012) et
Burhale (2012).
Source : Dépliant des
Mutuelles de santé (Kuhusu miungano ya afya ya jimbo la Kivu la
kusini).
On dénombre, ainsi, au sein de toute la chefferie de
Ngweshe seulement quatre mutuelles de santé qui d'ailleurs ont
débuté très tardivement par rapport à d'autres
milieux. Il s'agit de mutuelles de santé de Walungu(2010),
Mubumbano(2010), Nyangezi(2011), et Burhale(2012).
5°. Transports et voies de communication
Les routes, à travers la chefferie sont en très
mauvais état et ceci complique la circulation des personnes, les
échanges et favorisent l'insécurité. Nous relevons, ici,
le cas de quelques tronçons routiers de desserte agricole en
délabrement très avancé :
- Mugogo-Ciherano- Mushinga- Lubona (35 Kms)
- Nyangezi- Mukunamwa- Ciherano (25 Kms)
- Walungu- Burhale-Chibeke- Lubona- Ciherano- Mugogo (45
Kms)
- Walungu- Kaniola- Nzibira (37 Kms)
- Nzibira- Luntukulu (10 Kms)
- Etc.
6°. Eau et assainissement
L'abondance des ressources en eau en RDC constitue un
contraste avec le faible accès à l'eau potable. L'insuffisance
de ressources financières allouées à l'eau constitue un
facteur primordial à la faible desserte en eau potable. Il y a trop peu
de sources aménagées à travers toute la chefferie. Des
adductions d'eau ont été aménagées, mais l'eau ne
coule pas de robinets pour de raisons essentiellement techniques : c'est
le cas de l'adduction d'eau de Nyangezi et de la source Muhambwe d'Izege qui
desservait en eau la population de Walungu et Burhale. Les pompes
d'extraction d'eau installées dans les villages de Burhale, Kamanyola,
Walungu par Monsieur Norbert Bashengezi Kantitima, alors ministre de
l'agriculture, pêche et élevage en pleine campagne
électorale présidentielle et législative de 2011, n'ont
fonctionné qu'à titre expérimental pendant moins d'un
mois. La pompe de Burhale, placée à Mashango à 55 Kms de
Bukavu était déjà dysfonctionnelle avant même la fin
de la cette campagne électorale qui avait duré vingt et un
jour.
Quant à l'assainissement, la situation, au niveau de la
population se manifeste par l'incapacité des ménages à
accéder à un système adéquat d'évacuation
des déchets solides et liquides.
L'état des latrines à travers la chefferie est
désastreux : ce sont des trous où l'on défèque
à ciel ouvert, non fermés totalement, desquels on extrait souvent
des poussins tombés dedans, où les poules se dégustent
quotidiennement, en sortent et répandent la saleté sur le manioc
en plein séchage, sur les ustensiles déposés à
même le sol, etc. Le projet « village assaini »
semble n'avoir pas eu d'impact important au sein de la chefferie.
7°. Agriculture et élevage
C'est une activité de première
nécessité qui regroupe toutes les forces vives de la chefferie,
mais qui est devenue improductive suite à l'infertilité du sol,
l'insuffisance des terres arables, le manque des pâturages, des
médicaments agropastoraux, au manque d'outils appropriés, des
semences améliorées et des techniques et modes d'exploitation
agropastorale modernes. Il y a 20 ans, on avait introduit dans l'agriculture
les haricots volubiles plus productifs par rapport à la semence
traditionnelle. Un seul haricot, semé en un endroit bien
aménagé avec un support en stick de bois lui permettant de monter
en hauteur, pouvait produire plusieurs gousses et donner facilement à la
récolte deux mesures de haricot, soit deux kilos.
Le projet n'a pas évolué pour la simple raison
qu'il était très difficile de trouver des supports pour tout un
champ de haricot, et en même temps, ce sont les femmes qui s'occupent de
travaux des champs. Il leur est impossible de cultiver, semer et aller à
la recherche des supports dans une région où les collines sont
nues, et lorsqu'elles sont boisées elles n'appartiennent qu'à
des individus sans aucune générosité. On est resté
à l'étape de départ, avec des semences de haricot
ratiné à deux ou quatre gousses de 3 à 5 grains de
haricot, où d'un are cultivé, l'on récolte moins de 5
kilos de haricot.
Le travail ne se faisant toujours qu'à la houe, le
manque d'alternance de champs de culture, l'infertilité du sol, la
taille élevée de la famille, tous ces facteurs et bien d'autres
ne favorisent pas l'essor de l'économie familiale.
L'élevage est resté au même stade
traditionnel : les chèvres et moutons maigres sont attachés
à la corde sur de petites prairies à l'herbe presque
desséchée. C'est la praxis mimétique et
répétitive consistant à faire ce qu'on a toujours fait et
de la manière dont on l'a toujours fait.
L'innovation de garder le bétail domestique en
stabulation n'a pas aussi réussi pour plusieurs raisons :
- Le manque d'étable appropriée
- Le manque de fourrage
- L'insécurité : une chèvre
laissée attachée seule à la maison risque d'être
volée par des groupes d'inciviques alors que le paysan, tout en
cultivant son champ, surveille sa chèvre attachée non loin de
lui.
Nous retiendrons, cependant qu'il s'observe des
avancées par rapport à l'élevage de la vache. Chaque
paysan recourt, en ce jour, à des produits vétérinaires
pour soigner sa vache, c'est ce qui justifie l'accroissement du cheptel en
dépit de multiples pillages de bétail par les milices
armées.
Quant à l'élevage du porc répandu
partout, il ne progresse pas non plus du fait que l'alimentation est
centrée sur celle de l'homme. Or, si les familles ont déjà
du mal à se nourrir, il en est plus difficile pour les porcs. Tout
compte fait, l'élevage est resté traditionnel dans toutes les
catégories domestiques (bovidés, suidés, caprins et
volailles).
8°. Environnement, habitat et tourisme
L'environnement a été suffisamment
détruit avec la présence des réfugiés rwandais et
les guerres à répétition, les feux de brousses, la
recherche de braises et de bois de chauffe...
L'habitat s'améliore peu à peu, la couverture
en chaume tend à céder place à la tôle
ondulée, mais cette innovation est encore insuffisante, elle n'est
manifeste que dans les centres commerciaux. Il est bon de faire remarquer que
la destruction de l'environnement physique aura des retombées
négatives sur l'habitat, car la rareté de la paille et des
arbustes constituera un défi majeur dans la construction et les
renouvellements des cases à travers les villages.
Quant au tourisme, il n'existe que peu ou pas du tout
d'infrastructures pouvant favoriser le tourisme à travers la chefferie.
A cela s'ajoute l'insécurité qui ne permet pas du tout la
mobilité tant des étrangers que nationaux.
9°. La gouvernance
Elle est susceptible de beaucoup de modifications en ce sens
que les dirigeants des groupements ne sont pas du tout à la hauteur de
leurs tâches. Certains estiment que diriger un groupement se limite
à trancher les petites palabres et recevoir des pots de vin, alors qu'il
y a des questions pertinentes auxquelles doit s'atteler, à tout moment,
un responsable de groupement. Il s'agit, par exemple, de dénombrements
démographiques devant être parfaitement faits par âge et
par sexe, les entrées et les sorties de la population, la projection
des activités de développement, le contrôle des acteurs
sociaux locaux. Mais, pour arriver à avoir des dirigeants locaux
capables de bien diriger les groupements, il faut rompre avec cette gouvernance
axée sur la famille royale et les estimes personnelles basées sur
les sentiments, les émotions et les passions ou alors les
« résidus », pour utiliser le terme cher
à Vilfredo de Pareto. Tendre et parvenir à la gouvernance, tel
doit être l'épine dorsale de toutes les stratégies de
gestion de la chefferie. Toutefois, la gouvernance de la chefferie de Ngweshe
s'inscrit dans un système global de la gouvernance en RDC qui
elle-même est à relativiser. Mais, cela ne signifie pas qu'au
niveau local on ne puisse pas envisager d'améliorer les modes de
gestion de l'administration locale pour qu'elle devienne compétitive
avec les autres systèmes de la République.
Les théoriciens de la gouvernance mènent un
débat houleux sur la gouvernance et ne s'accordent que sur six
principes :
- La gouvernance se conçoit comme un mode de gestion
d'affaires complexes dans lequel les acteurs principaux se déploient sur
le même plan, à l'horizontal, sinon à
l'égalité ;
- La gouvernance commande de gérer les affaires
publiques comme si leur traitement ne devait pas différer sensiblement
de celui des affaires privées ;
- La gouvernance signifie aussi que la relation verticale
entre les gouvernants et les gouvernés se transforme en relations
purement horizontales ;
- La gouvernance correspond à un processus de
décision toujours révocable et provisoire, elle ne désigne
pas le site des pouvoirs ultime et exclusifs des autres comme le font les
notions de gouvernement ou d'Etat ;
- Selon la logique de gouvernance, les décisions ne
sont plus le produit d'un débat et d'une délibération.
Elles sont les résultats de négociation, voire de marchandage et
de trocs entre les différentes parties ;
- La gouvernance est un mode de gestion qui tend à se
codifier au regard des normes ou des codes de conduites plutôt que les
lois votées en vertu du principe majoritaire, ou issues d'une tradition
jurisprudentielle.95(*)
Nous pourrions estimer, en termes de conclusion que la RD
Congo, en général et la chefferie de Ngweshe, en particulier, ne
disposent ni d'une idéologie conative incitant à l'action ni de
celle visant à organiser la société, à la gouverner
correctement, moins encore elles ne souscrivent pas aux objectifs du
millénaire du développement.
En effet, en 2000, il s'est tenu à New York (aux Etats-
Unis d'Amérique), l'Assemblée Générale des Nations
Unies à laquelle avaient pris part 191 pays dont la RDC et où
l'on a opté pour les huit objectifs du millénaire du
développement qui sont :
OMD1 : réduire de moitié l'extrême
pauvreté et la faim
OMD2 : assurer l'éducation primaire à
tous
OMD3 : promouvoir l'égalité des sexes et
l'autonomie des femmes
OMD4 : réduire la mortalité infantile
OMD5 : améliorer la santé maternelle
OMD6 : combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d'autres
maladies contagieuses
OMD7 : assurer un environnement durable
OMD8 : mettre en place un partenariat mondial pour le
développement.
Comme on le remarque sur le terrain, la RDC est très
loin de ces objectifs et, de ce point de vue, tous les acteurs sociaux
doivent prendre conscience de maux qui guettent et mettent en mal le
développement de leurs familles.
C'est cette prise de conscience rationnelle qui justifie
l'Approche participo-praxéo-dynamique avec son principe
directeur de l'unanimité participative rationnelle (voir
supra) et qui nous amène à trouver pour la famille de notre
milieu d'étude, et sans doute pour bien d'autres, des pistes de solution
à leurs problèmes du vécu quotidien. C'est exactement la
Transmutation créatrice de l'énergie conscientielle
concentrée, un des principes de la méthode d'analyse
usagée dans cette thèse.
C'est ainsi que, pour reprendre les mots de Joseph Ki-Zerbo,
il faut un « projet d'ensemble basé sur des questions telles
que : qui sommes-nous ? Où voulons-nous aller ? Depuis
que nous sommes indépendants, nous n'avons pas répondu à
ces questions. Qu'est-ce que nous avons fait ? Qu'est ce que nous avons
réalisé ? Que nous reste-t- il à
faire ? »96(*)
Ce questionnement s'avère indispensable car il
reflète trois aspects importants de la vie de toute
communauté : l'identité, l'histoire, l'idéal et
les ressources.
a. L'identité :
Chaque peuple doit se faire une identité propre. Ceci
relève de la culture, entendue, ici, comme étant les diverses
manifestations d'agir, de penser et d'être propres à un peuple.
Elle traduit les modes de comportement, les valeurs, les us et coutumes, les
actions. C'est un cadre de socialisation et d'intégration. A travers la
socialisation, la communauté transmet ses normes et valeurs au
néophyte social. Ce dernier, en s'appropriant la culture, en se
conformant à ses normes et valeurs, s'intègre alors socialement.
En somme, socialisation et intégration sont des aspects de la culture
qui, elle, en fait, différencie les peuples les uns des autres. Il n'
ya pas de peuple sans culture. Elle dispose d'un caractère
universel ; elle préexiste avant l'individu ; elle est
acquise, transmise par les adultes aux jeunes membres de la
communauté ; elle n'est pas innée ; elle est apprise.
Bien que les hommes meurent, la culture ne meurt pas avec eux ; elle
subsiste et ne cesse d'orienter les conduites des survivants et des
générations à venir sans pour autant rester statique.
En effet, en vertu de contacts existant entre
communautés, il s'opère des emprunts et des rejets entre peuples
en contact. Les emprunts peuvent être très significatifs et
dominer les acquis locaux de telle sorte que le peuple empruntant ne se
retrouve plus qu'avec les aspects culturels étrangers. C'est de
l'acculturation que peuvent provenir des emprunts opérés
localement ou de l'émigration. Cette acculturation peut aboutir à
une assimilation culturelle (qualifiée par d'autres
l'acculturation) qui désigne l'adoption par les migrants des
modèles culturels de la société d'installation, et
une assimilation structurelle (souvent qualifiée
d'intégration) qui désigne la participation aux différents
groupes primaires.
L'assimilation structurelle entraîne, par exemple, la
fin des mariages endogames. En d'autres termes, l'individu se dépouille
de plus en plus de son identité culturelle précédente et
en adopte une nouvelle. Un peuple peut s'avérer imposant sur un autre
sur le plan culturel et déposséder l'autre de ses valeurs
culturelles.
Dans le cas d'espèce, les Bashi de Ngweshe
étaient suffisamment encrés dans leur culture. Ils disposaient
des valeurs caractérisées par le respect mutuel, la soumission
aux normes établies, la solidarité, l'entraide,
l'hospitalité, l'honnêteté, le courage, le travail, la
soumission de la femme vis-à-vis à son mari et de l'enfant par
rapport à ses parents et ainés, le respect envers les normes
sociales, les supérieurs et le Mwami. Mais, ces valeurs paraissent,
à ce jour, dépravées. On a cédé à des
pratiques étrangères prônant la malhonnêteté
et la désobéissance, la tricherie, la
légèreté, de façon que la société
tend à devenir de plus en plus pathologique.
b. L'histoire :
Elle est la connaissance d'un peuple de toutes ces
péripéties à travers lesquelles il s'est formé et
forgé. Il s'agit donc de la connaissance de son passé humain
afin de reconnaître ses failles, ses faiblesses, ses forces et en vue de
se faire, se refaire et parfaire. Chaque peuple a son histoire à
travers laquelle elle reconnaît ses héros, ses valeurs, ses us et
coutumes, ses forces et ses déboires. La mémoire d'un peuple
n'existe et ne forge qu'à travers son histoire.
C'est de cette manière qu'on dit qu'un peuple sans
histoire est un peuple mort, sans repères. En effet, la
société fonctionne comme un tout qui n'est pas curieusement
égal à la somme de ses parties.
Ngweshe dispose d'une histoire riche. Son esprit de
conquête et d'autodéfense illustre la bravoure des hommes
forts ; la détermination d'un peuple qui a même fait obstacle
à la colonisation, à certaines rebellions telles que celle de
Pierre Mulele en 1964; la force de gestion et la conservation des valeurs
morales, politiques, économiques, familiales et culturelles.
A ce sujet, Aristide Kagaragu, dans son livre
en mashi « Omulala gw'omushi ou la famille du mushi,
1974», estime que la famille du mushi était un modèle
pour l'humanité. Bien attendu, la dynamique des peuples dispose d'un
impact sur tout : famille, environnement, culture, modes de gestion, etc.
Cette famille n'est plus, certes, ce qu'elle était lorsque l'auteur
écrivait. Elle doit avoir subi des modifications très profondes
telles que cela a été démontré dans les chapitres
précédents. C'est donc toute une dynamique d'un peuple vivant
à travers des coups et sévices, mais qui persiste et se
maintient à travers ses familles et son environnement.
Il est bon de noter que cette bravoure manifeste chez les
familles de Ngweshe pour se maintenir, sont entrain de perdre lentement mais
surement leur histoire. Les épopées, les proverbes, les histoires
éducatives ne sont plus à la portée des jeunes, et donc,
l'acculturation ne fait que gagner du terrain. Contrairement, aux barega
(voisins aux groupements de Mulamba, Kaniola, Tubimbi) qui ont conservé
l'initiation clanique pour les jeunes, chez les bashi de Ngweshe, il n'existe,
à ce jour, aucune initiation culturelle proprement shi.
Il convient de louer les efforts de l'Eglise catholique qui
persévère à donner ses enseignements en langue mashi,
contrairement aux Eglises protestantes où homélies, chants,
instructions, prières se déroulement en très grande partie
en langue swahili. Le catéchisme de base est enseigné à
des jeunes enfants (à partir de 3 ans) dans des séances dites
« Ecole de dimanche » en swahili.
c. l'idéal et les ressources :
L'identité et l'histoire d'un peuple apparaissent
à travers ses idéaux et ses diverses ressources
matérielles, humaines, financières, environnementales,
culturelles, etc. Dans les points précédents, nous avons pu
relever un certain nombre de ressources qui démontrent que Ngweshe
dispose des atouts importants pour se développer si et seulement si
elles sont gérées avec détermination et
rationalité dans un système global rationnalisé. La
question essentielle est de connaître quel est réellement
l'idéal que se fixe le peuple de Ngweshe dans un avenir proche et
lointain. Au vu du déséquilibre dont a été victime
la famille de Ngweshe, celle-ci doit repenser ses stratégies dans le but
de ne pas développer plus de pathologies que des qualités
humaines, et en même temps développer des mécanismes de
protection durable de son environnement.
10°. L'insécurité
Ses sources sont connues. L'insécurité à
l'Est de la RDC en général et au sein de la chefferie de Ngweshe,
en particulier, émane du conflit ethnique au Rwanda entre Tutsi et
Hutu. La chefferie de Ngweshe n'avait connu des hostilités armées
que lors de la rébellion de Pierre Mulele en 1964 et dès lors,
à part quelques incidents mineurs, la population avait réellement
vécu dans la paix jusqu'en 1996, deux ans après le
génocide rwandais qui a déversé sur la chefferie une
grande partie de l'Armée patriotique rwandaise. Il s'en est suivi la
naissance des groupes d'autodéfense locale ou mai-mai qui, pour
survivre, durent s'attaquer sur les civils innocents. C'est le cas du groupe
armé Mudundu 40 (ou M40) né dans le Groupement de Mushinga qui
a terrorisé, au vrai sens du terme, les groupements de Mushinga,
Lubona, Burhale, Irongo, Luchiga, Lurhala, Nduda.
A titre d'exemple, pour des faits divers tels que de petites
mésententes entre citoyens dont se saisisait un responsable de M40, la
peine consistait à être plongé pendant plusieurs heures
dans un trou, à moitié pleine d'eau, appelé
« hindaki) et une amende de plus de deux vaches. On était
battu à mort jusqu'à ce que l'on s'acquitte de l'amende. L'on
peut s'imaginer l'angoisse que vivaient les populations sous contrôle de
ce groupe armé, de triste mémoire, qui ne fut
démantelé qu'en 2004 par le RCD ou Rassemblement Congolais pour
la Démocratie avec l'appui de l'Armée patriotique rwandaise.
Tout compte fait, la chefferie a connu des moments difficiles
d'insécurité. Les cas d'insécurité en groupement de
Kaniola ont été portés à la connaissance de tous
par les médias étrangers les plus célèbres. Des
poches d'insécurité existent encore ça et là. Au
cours de cette année 2012, le groupe Raiya Mutomboki, venu du
territoire de Shabunda, sème la terreur dans les groupements de
Mulamba, Tubimbi, Kaniola et d'autres bandits non connus, car, il faut le
reconnaître, la démobilisation de certains hommes en armes, la
dissémination des armes et munitions sur toute la partie Est de la RDC
ont favorisé les cas de banditisme et d'insécurité.
Un autre phénomène appelé
« kabanga » qui tire ses origines du territoire de Kalehe
et qui consiste à tuer quelqu'un par étranglement à
l'aide d'une corde vient de s'installer dans le milieu. Il semble que la corde
« kabanga » qui a servi à l'étranglement de
la victime est porteuse de beaucoup chances. D'où il faut
étrangler quelqu'un à l'aide d'une corde et s'en servir pour
être bénéficiaire de beaucoup d'opportunités. Entre
2010 et 2012, douze personnes ont été trouvées
étranglées par corde entre les groupements de Walungu, Nduba et
Irongo. Les malfaiteurs n'ont jamais été identifiés. C'est
avec peur qu'on se rend au champ, à la source, à la recherche du
bois mort si l'on n'est pas accompagné.
A ce jour, il faut penser autrement, chercher des voies et
moyens de juguler ces poches d'insécurité et permettre
à la population de vaquer paisiblement à ses occupations pour
subvenir à ses besoins les plus fondamentaux. Pour y arriver, il faut
renforcer la conscience collective entre les membres de la communauté.
Cette sensibilisation doit commencer au sein des familles, car les acteurs de
l'insécurité, les fauteurs des troubles sociaux sont issus et
existent au sein des familles. Comme dit précédemment, une
communauté n'est que ce que sont ses familles. Toute pathologie
vécue au sein d'une famille a des répercussions sur une partie de
la communauté. C'est donc à tous les acteurs locaux, les Eglises,
les leaders politiques, la société civile qu'il incombe de faire
large conscientisation pour parer à l'insécurité au sein
de la chefferie.
5.2. TYPOLOGIE DES FAMILLES DE NGWESHE
Dans nos investigations menées à travers la
chefferie, nous avons inventorié de types des familles que nous avons
subdivisées en 10 sous- types des familles classifiées selon
leurs modes de vie, leurs caractéristiques et leurs milieux.
Ces types des familles sont :lesfamilles
monogames, polygames, amputées recomposées,
séparées, et celles aux chefs des familles
régulièrement ou longtemps absents de leurs foyers. Il
est bon de signaler que les familles de Ngweshe sont essentiellement
chrétiennes. L'Islam installé au sein de la chefferie à
partir de 2006 avec l'avènement de la Mission d'Observation des Nations
Unies au Congo avec les troupes égyptiennes et pakistanaises n'a pas
encore tellement gagné du terrain à travers les familles. Toutes
ces familles se retrouvent en dix sous types ci-dessous :
1°) Les familles traditionnelles
Elles sont caractérisées par la conservation
des acquis purement traditionnels tels que la divination, l'animisme, l'habitat
rustique, l'activité économique principalement agropastorale, la
cueillette, l'habillement très dérisoire, des installations
sanitaires défectueuses, l'usage des ustensiles en bois, en liane,
(ex : le van), en terre cuite (pot, cruches, casseroles), l'usage des
nattes comme couverture, des lits en grabat (des sticks minces posés sur
quatre ou six piliers en bois), la scolarisation réduite des enfants
et des adultes, mortalité infantile élevée, sources non
aménagées, consommation de l'eau des rivières, conditions
hygiéniques précaires, villages enclavés souvent sous la
montagne ou au bord de grandes rivières telles que Ruzizi et Ulindi et
dans les vallons et versants des montagnes de Cinda, Ntondo, Businga, Luhorhe,
Nyamukumba, etc.
Ces types de familles se rencontrent surtout dans des villages
tels que Kashebeyi, Rhana, Cosho, Musunzu, Karhembu, Lugera, Luntukulu en
groupement de Mulamba ; Nkomo, Luhorhi, Businga en groupement de
Nyangezi ; Chintabagu, Mukungwe, en groupement de Mushinga ;
Ntondo en groupement de Lubona, les périphéries du centre de
Tubimbi, etc.
2) Les familles à forte religiosité
Ce sont des types des familles encrées fortement dans
des croyances religieuses vagues et sentimentales. Elles croient que Dieu peut
tout donner : à manger, les enfants, guérir toutes les
maladies, enrichir et appauvrir. Ces familles se retrouvent un peu partout
à travers la chefferie, surtout dans les Eglises catholiques et
protestantes. La multiplicité des sectes a exacerbé ces
tendances. Ainsi, dans ces familles, 30% des enquêtées, dans un
cas de maladie, recourent tout d'abord à la prière,
soupçonnent un mauvais sort jeté, soit par un voisin envieux,
soit par un esprit malveillant, soit par le Satan ; ensuite, elles
s'engagent dans une automédication traditionnelle ; puis, enfin,
lorsque le cas devient grave, elles recourent à la médecine
moderne tout en privilégiant la prière. Il s'affiche ainsi deux
étapes persistantes de la loi de trois états
d'Auguste Comte : l'étape théologique selon laquelle les
phénomènes naturels, humains et sociaux ne relèveraient
que de la seule volonté divine et l'étape métaphysique
pour laquelle l'existence de ces phénomènes ne relève que
de considérations abstraites. L'aspect positiviste des faits et
phénomènes reliant les faits aux causes est purement absent.
Les familles à caractère
développementiste
Ce sont des familles imbues des notions de dépassement
de leur état d'être et qui s'engagent résolument sur la
voie de changement et d'amélioration de leurs conditions de vie à
travers des initiatives prises individuellement et/ou collectivement. Ces
familles se retrouvent dans et autour de centres commerciaux tels que Nzibira,
Burhale, Burhuza, Madaka, Kashunju, Irango à Ciherano, Walungu,
Bideka, Mugogo, Kamisimbi, Munya à Nyangezi, Kamanyola. On y
retrouve un bon nombre d'actions et de projets prônant
l'amélioration qualitative et quantitative des conditions de vie des
populations concernées : amélioration de l'habitat,
électrification, élevage en stabulation, semences
améliorées, adduction d'eau, auberges et hôtels,
restaurants, pharmacies, préservatifs, présence des produits
manufacturés, moyens de transports disponibles, centres de santé
ou hôpital moyennement équipés, écoles bien
construites avec des enseignants qualifiés, habillement décent,
esprit rural mais à tendance urbaine, exode rural (ceux qui immigrent
dans les villes de Bukavu et Goma proviennent essentiellement de ces centres).
Le goût du lucre observé dans ces familles et
dans ces milieux a été à la base de certaines pathologies
sociales, infractions et inconvénients sociaux tels que la prostitution
(dans tous ces centres cités ci-haut. Il y a en moyenne 10 femmes libres
connues officiellement. La consommation du sexe est une monnaie courante et
concerne aussi bien les prostituées, les filles que les femmes
mariées). Il s'observe bien d'autres fléaux : l'escroquerie,
le détournement, la promiscuité sociale, le vol, le banditisme,
la militarisation, la vie chère, la précarité des
installations sanitaires, le manque d'eau potable, l'insécurité,
etc.
Les familles à vocation commerciale
Bien de familles, pour de raison d'infertilité et de
rareté de sol, se sont adonnées à des activités
commerciales. Elles peuvent être associées aux deux
précédentes catégories, elles ne sont pas
implantées uniquement dans les centres commerciaux, elles se retrouvent
aussi dans les villages, mais la prévalence se replace dans les centres
commerciaux. Il faut distinguer le fait de vendre les produits de ses champs ou
les produits d'élevage d'avec l'esprit commercial. En République
Démocratique du Congo, la qualité de commerçant s'acquiert
par l'acquisition d'un Nouveau Registre de Commerce
délivré à Kinshasa. Peu de gens disposent de ce document
au niveau de lachefferie. Ils exercent leurs activités marchandes sur
base de patente. Ils ne sont pas moins commerçants pour autant.
Est commerçante, à notre avis, la personne
qui a pour rôle d'acheter et de vendre au but de réaliser un
intérêt et qui en fait une profession permanente laquelle lui
confère ce statut de commerçant duquel il se reconnaît des
droits et des devoirs. Nous retiendrons, cependant, qu'il n'est pas facile
d'être commerçant dans la chefferie de Ngweshe pour diverses
raisons :
- l'éloignement par rapport à la ville de
Bukavu, le seul centre approvisionnement et par rapport aux marchés
d'écoulement des produits achetés. C'est suite à cet
éloignement de la ville de Bukavu que le marché de Mugogo, en
groupement de Lurhala, est devenu un centre d'approvisionnement des produits
manufacturés
- la faible capacité d'achat des villageois
- le mauvais état ou l'inexistence des routes
conduisant vers les marchés d'écoulement, le manque des moyens de
transport
- le manque des lieux d'entreposage des produits
- l'insécurité semée par des bandes
armées, les milices et les bandits
- la haine, l'envie des voisins
- la marche à pied et le transport sur la tête
ou sur le dos
- le mauvais état des marchés et les
intempéries souvent atroces
- le faible capital mis en exercice
- le faible revenu et taille de famille très
élevée
- le manque d'initiatives des autorités locales
- etc.
3) Les familles à prédominance
scolastique
Cette catégorie des familles est assimilable à
la précédente. Ce sont des familles se retrouvant autour des
écoles et qui se sont fixé comme objectif principal de scolariser
leurs enfants malgré la conjoncture économique difficile. Il est
à noter que si l'esprit de scolariser les enfants est plus
élevé dans et autour des centres commerciaux, cet objectif ne
concerne pas seulement ces familles à prédominance commerciale.
L'objectif existe un peu partout au sein de la chefferie, même si, les
enfants issus de ces milieux plus ou moins nantis vont plus au-delà de
l'école secondaire.
Les familles royalistes, féodalistes et
conservatrices
Ce sont des familles issues du clan royal, les familles des
chefs des groupements, des chefs des villages qui sont les dépositaires
de la coutume et les propriétaires des terres. Elles disposent d'un
comportement autoritaire sur les autres bien qu'elles soient actuellement
appauvries. Elles ne jurent qu'au nom du mwami (le roi) ou
« l'autorité coutumière première » de
l'entité. Elles se retrouvent à travers les 16 groupements et
tous les villages de la chefferie. Elles prônent le statu quo
administratif. Leur importance économique et culturelle tend à
disparaître sur le terrain suite à la prédominance l'Etat
et des Eglises.
Les familles d'agriculteurs et d'éleveurs
Elles sont les plus répandues et se retrouvent dans
tous ces types des familles, chaque famille dispose d'au moins 5 ares de
terrain destinés à l'habitation, aux cultures et à
l'élevage. Chaque famille, qu'elle soit commerçante ou
traditionnaliste ou d'une quelconque autre tendance, est au départ et
principalement de vocation agricole, regroupant cultures et élevage.
Nous retiendrons cependant que les dernières guerres
ont désavantageusement influé sur l'activité
agricole : des cultures et le cheptel ont été pillés.
L'infertilité du sol, l'exigüité des terres arables, tels
sont les facteurs concourant à la pauvreté dans le milieu. Les
seuls endroits qui restent encore propices à l'agriculture et
l'élevage sont ceux des groupements de Mulamba (dans les montagnes de
Luntukulu, Kashebeyi, Cinda), Tubimbi, Mushinga (surtout à Cizi) et
Kamanyola. A part le groupement de Kamanyola longeant la route nationale
n° 5, l'enclavement de toutes ces entités susmentionnées ne
favorise aucune activité agricole, commerciale ou artisanale.
Les familles dépendantistes
Ce sont des familles appauvries par les guerres,
l'infertilité ou le manque d'espace. Ce sont des familles sans terres,
sans ressources ou des « familles retournées » de
déplacements causés par l'insécurité et qui
comptent uniquement sur l'aide extérieure issue, soit d'autres familles,
soit des organisations caritatives. Parmi ces familles, on peut
relever les familles ayant été amputées d'un ou de
tous les deux parents, les familles aux membres maladifs ou vivant avec
handicap ou disposant de peu d initiatives. Ces familles se retrouvent
à travers tous les groupements et représentent 5% de des familles
par groupement. C'est dans ces familles que sévissent des cas de
malnutrition, le kwashiorkor et l'analphabétisme. C'est une preuve que
la chefferie de Ngweshe est une entité des personnes pauvres et qui
nécessitent de nouveaux modes de vie, d'actions orientées vers
l'autodétermination individuelle et collective.
Les familles animistes
La manière dont l'animisme s'exprime varie selon les
territoires, chaque peuple ayant ses propres croyances. Selon les lieux,
l'âme ne réside pas dans les mêmes sortes de personnes ou
d'objets. La croyance, dans les âmes ou les esprits, peut s'accompagner
d'autres croyances, comme la vénération d'un Être
suprême. Chez certains peuples, notamment de Mélanésie, on
considère qu'il existe plus d'une âme à l'intérieur
de chaque être, néanmoins, le culte des ancêtres demeure un
point commun essentiel à un grand nombre de ces variantes de
l'animisme.
Pour s'attirer les faveurs ou calmer la colère des
esprits des défunts, qui sont particulièrement craints, il
convient de pratiquer un certain nombre de rites, de sacrifices, d'incantations
ou d'offrandes. Les croyants tentent également d'entrer en contact avec
les âmes des morts afin d'obtenir toutes sortes de
bénéfices (guérison, pluie, fertilité) mais aussi
des conseils ou des présages. Le dialogue avec les esprits des
ancêtres s'établit par l'intermédiaire d'un sorcier ou d'un
chaman, qui saisissent (le plus souvent par la divination ou la transe) les
messages envoyés depuis ce monde parallèle qui, pour les
croyants, a la même matérialité que le monde terrestre. La
pratique de l'animisme met souvent en oeuvre des objets auxquels est
accordée une dimension sacrée tels que les totems, les
fétiches ou les amulettes. Parmi les formes adoptées par
l'animisme, on peut citer le vaudou, qui allie à ces croyances
ancestrales un grand nombre d'éléments empruntés au
catholicisme.97(*)
L'animisme était fort pratiqué dans la chefferie
Ngweshe, il ne s'est atténué qu'avec l'avènement de
christianisme, mais il reste des survivances de ces pratiques animistes. Il y a
encore des gens qui croient en la force des esprits de leurs membres des
familles défunts et qui font encore le culte aux esprits mais d'une
manière très clandestine. Ces familles se retrouvent
essentiellement dans des endroits reculés des centres à grande
agglomération, dans les montagnes et à la lisière de la
forêt équatoriale. Ce sont des milieux tels que Luntukulu,
Cinda, Ntondo (en groupement de Lubona), Tubimbi, Karhembu, Kanyola où
l'on retrouve encore des devins, des guérisseurs sorciers qui font des
incantations aux esprits et qui font des réalisations ;
prédisent l'avenir de leurs clients, soignent leurs maladies ou les
délivrent de mauvais esprits. Mais à coté de ces gens, il
s'est développé d'autres personnes qui, en fait, n'ont pas ce
charisme. Ce sont des charlatans qui, se font passer pour des
guérisseurs et qui escroquent leurs clients. Leurs factures sont
forfaitaires : elles vont de la chèvre à la vache (une ou
plusieurs). Ces familles sont assimilables à celles traditionalistes.
Elles possèdent une autre caractéristique qui semble
développer une certaine haine, parfois latente mais aussi parfois
manifeste, selon les circonstances.
Les familles des politiciens amateurs
Avec la crise économique, le manque d'emploi, la
rémunération très faible ou inexistante, certains
congolais ont développé des reflexes de se procurer de l'argent
même dans les domaines où ils n'ont aucune compétence.
C'est ainsi qu'avec la démocratisation de la RD Congo, bien de gens
se sont lancés dans la politique, ils ont postulé à des
postes des députés provinciaux ou nationaux, non pas parce qu'ils
avaient envie de défendre les intérêts de la population ou
parce qu'ils en avaient la compétence, même pas parce qu'ils en
comprenaient le sens, la mission du statut auquel ils aspiraient, mais tout
simplement parce que la politique paye mieux que dans tous les autres secteurs
du pays.
En 2006, aux élections des députés
provinciaux, pour 5 sièges à pourvoir, il y avait 145 candidats
pour le territoire de Walungu, 99 candidats pour les députés
nationaux ; récemment, en 2011, pour 4 sièges à
pourvoir, il y avait 126 candidats députés nationaux. La
multiplicité des partis politiques (245 partis politiques
enregistrés par le Ministère de l'intérieur et
décentralisation en 2006) a permis aux citoyens d'y adhérer sans
problème. On en voit même qui appartiennent à deux ou trois
partis politiques en même temps, ou qui portent des effigies et
emblèmes des partis politiques auxquels ils n'appartiennent pas. C'est
dire qu'à Ngweshe, le fait d'être dans un parti politique n'est
pas un engagement politique, une détermination d'adhérer à
un idéal politique, à un projet de société
déterminé, mais c'est tout simplement être à
l'entente d'un poste politique rémunérateur, peu importe le parti
d'où il viendrait en premier lieu. Ces familles sont identifiables
à travers toute la chefferie, mais plus précisément aux
centres des groupements.
Les familles étudiées à travers cette
thèse se caractérisent aussi selon leurs
propriétés, leurs relations et leurs modes de
production :
Selon leurs propriétés
On peut distinguer cinq types des propriétaires au
sein de la chefferie :
· Le propriétaire en communauté
réelle : c'est par exemple le Mwami et tous ses chefs des
groupements et toute sa descendance qui sont les détenteurs du sol et
qui le distribuent à leurs sujets moyennant une redevance
coutumière appelée « kalinzi » qui
s'évalue traditionnellement en chèvres ou en vaches.
Actuellement, la vente de terrain se fait plus en argent et plus
spécifiquement en dollar américain qu'en bétail.
Même si l'unité de la transaction est la chèvre, cette
dernière est évaluée et même
surévaluée en dollars américains. Le statut des
propriétaires en communauté est entrain de s'effriter, car ils
ont presque tout vendu de façon qu'ils sont réduits en ce qu'on a
appelé au Moyen âge, « les rois sans terres ».
Mais, il y a encore tous ces marais qui appartiennent au Mwami et d'autres
domaines par- ci par- là à travers la chefferie.
· Le propriétaire privé mais
entravé : entrent dans cette catégorie, les paysans
qui ont acquis des terres de leurs seigneurs (mwami, chefs de groupement et
chefs des villages) et qui en disposent à leur guise mais qui, par
moment, sont limités lorsqu'ils veulent en vendre une portion, car la
redevance coutumière (kalinzi) peut n'avoir pas été
apurée totalement.
· Le propriétaire capitaliste : il
s'agit des gens qui ont acquis de grandes portions de terres et qui les
gèrent de façon très autonome. Ce sont des
propriétaires disposant de vastes plantations de théier ou de
quinquina : on peut citer les Plantations Irabata, Gombo, Cibeke,
Pharmakina, Bukina et d'autres particuliers tels que Nyamulinduka, Olive,
Mudwanga ... dont les domaines sont en jachère pour le moment.
· Le propriétaire étatique :
certains espaces appartiennent à l'Etat, c'est le cas des boisements
appartenant à la MAE (Mission anti - érosive), les espaces
scolaires, sanitaires, les bureaux administratifs de la chefferie, des
groupements, des postes administratifs, les casernes des policiers, etc.
· Le propriétaire collectif et social :
c'est une catégorie des personnes qui se sont constituées en
groupe et qui, de par des cotisations des membres ou un financement d'un
partenaire, ont pu acheter un lopin de terre qui est une
propriété du groupe. C'est le cas de certaines associations
locales de développement, des Eglises locales, etc.
Selon la relation de production
Au sein de la chefferie, on peut relever cinq formes de
relation de production :
· La production primitive : elle
relève de produits issus de la nature et consommés par la
population sans qu'elle ait participé à leur production :
diverses sortes de champignons cueillis saisonnièrement, les
sauterelles, les fruits des brousses...
· La production isolée : elle est la
plus répandue. Le paysan travaille seul dans son champ avec ses
techniques et ses outils traditionnels. Le rendement est faible par rapport
à l'énergie fournie. A titre d'exemple, pour produire 10 kilos de
haricot dans un marais, le paysan commence les travaux de défrichage au
mois de juin ; laboure durant tout le mois de juillet et une partie du
mois d'août ; sème au cours de l'autre partie de ce
mois ; sarcle durant le mois d'octobre et novembre pour récolter
au cours du mois de décembre. Ces travaux se font presque chaque jour
sous la pluie et le soleil. Il doit faire face aux inondations, à
l'attaque des rats sauvages (qui s'attaquent aux jeunes plants) et aux voleurs
des récoltes. C'est donc toute une chaine d'activités assidues
auxquelles doit se livrer le pauvre paysan, malade et affamé (et
généralement, c'est une femme) sans rendement
conséquemment proportionnel aux efforts fournis.
· La production organisée ou en relation de
coopération : il s'agit d'une main d'oeuvre salariée.
Peu d'habitants de Ngweshe sont, en fait, salariés. Depuis que les
propriétaires des plantations de thé et de quinquina ont fait
banqueroute, les paysans salariés ont été, de facto,
réduits au chômage. On trouve quelques agents salariés dans
les hôpitaux, les écoles, les Eglises et dans les services de
l'Etat. Le salaire est médiocre et n'assure pas le bien-être de
l'agent. L'on se souviendra qu'en ces deux dernières années, le
budget national n'a pas dépassé six milliards de dollars
américains pour une population estimée à 65 millions des
personnes, soit alors une moyenne de 7,69 $ US par personne et par mois. A la
date du 5 novembre 2013, le Premier Ministre présentait et
défendait son budget pour l'année 2013. Il se chiffre à 7,
5 milliards des dollars pour la même population, ce qui donnerait une
moyenne de 9,61$ US par habitant et par mois. C'est toujours insignifiant pour
vivre à moins qu'on en fasse une gestion arbitrée
rationnellement. Or, la gestion de la chose publique est chaotique si bien que
je qualifie les gestionnaires publics congolais des véritables
prédateurs caractérisés par la mégestion, le vol,
le détournement, la corruption, etc. Le pays n'avance pas, non parce
qu'il ne dispose pas de ressources importantes, mais tout simplement parce
que les gestionnaires vident les caisses de l'Etat au profit de leurs propres
poches. C'est de l'égoïsme à outrance qui gangrène le
système économique et politique de la RDC et qui fait que l'Etat
n'ait pas d'argent suffisant pour rémunérer ses fonctionnaires et
agents.
· La production manufacturielle : il s'agit
de petites manufactures artisanales de savonnerie, boulangerie, meunerie de
manioc, menuiserie, etc.
· La coopération par implication ou le travail
industrialisé : seule l'usine de thé de Gombo en
Groupement de Nduba est encore en activité au sein de la chefferie de
Ngweshe, mais elle a réduit sensiblement sa production et son
personnel.
Selon les modes de production
Au sein de la chefferie, l'on peut relever cinq principaux
modes de production :
· Le mode de production communautaire : il
apparaît à travers les groupements des paysannes qui s'associent
pour travailler à tour de rôle dans les champs des personnes
membres. C'est une forme de ristourne des travaux des champs. La relation
commence à partir de leurs communautés ecclésiales de
base. Les jours choisis, pour ces travaux en groupe, sont ceux qui ne sont
pas des jours de marché. De même, les femmes d'un même
village ou d'une même communauté confessionnelle religieuse
peuvent, pour des cas de maladie, de deuil dans la famille d'une de leur
groupe, aller travailler collectivement dans le champ de la personne
sinistrée pendant une journée en terme de soutien moral, mais
aussi en terme de marque de solidarité et de manifestation d'amour
à la personne concernée pour qu'elle se sente vraiment membre du
groupe et qu'elle s'en reconnaisse fière.
· Le mode de production tributaire : c'est
un mode de production de tendance despotique. Il s'observe dans les travaux des
champs qu'on doit effectuer chez le chef du village ou du mwami, mais tous les
chefs des villages ne disposent plus de cette notoriété d'attirer
tous leurs sujets dans leurs champs appelés
« kunene ». Dans les Eglises, essentiellement catholiques,
cette pratique despotique est encore en vigueur. . On observe les
chrétiens aller cultiver les champs des prêtres. Les jeunes
à baptiser, à confirmer ou les enfants en préparation
à la première communion sont soumis, dans toutes les paroisses
catholiques, à travers la chefferie, pendant un mois, à des
travaux forcés dans le domaine paroissial. Ne pas participer à ce
genre de travaux peut avoir comme conséquence le fait de ne plus
être aligné pour le sacrement souhaité.
· Le mode de production paysan : il est
assimilable à la production isolée, il vise l'autosuffisance,
curieusement jamais atteinte. Il est fragile de par son rendement mais aussi de
par les échanges extérieurs. A titre d'exemple, les paysans, au
lieu de cultiver du manioc menacé à travers toute la chefferie
par la mosaïque et ne presque rien produire, préfèrent
s'engager dans l'achat et la vente de la farine, le lieu d'approvisionnements
étant la ville de Bukavu.
· Le mode production artisanal : l'artisan
est un fabricant indépendant. Au sein de la chefferie, l'artisanat n'a
pas émergé. Néanmoins, il existe à travers la
cordonnerie, la menuiserie, la boulangerie. Ce sont des activités qu'on
retrouve dans tous les centres commerciaux et de négoce de la chefferie
et qui pourront émerger si et seulement si ceux-ci sont alimentés
en énergie électrique. Il faudra encore plus d'une
décennie pour en arriver là.
· Le mode de production capitaliste
marchand : il se remarque chez des personnes qui ont
développé de l'esprit quelque peu mercantiliste, qui ont
encré en eux l'esprit de la propriété privée, la
recherche de l'argent à travers des activités purement
commerciales, mais qui se retrouvent confrontés à beaucoup de
difficultés pour des raisons de constitution de capital,
d'insécurité et d'écoulement des produits.
Conclusion partielle
A travers ce chapitre, nous avons passé en revue les
ressources dont dispose la chefferie de Ngweshe et qui peuvent concourir
substantiellement à l'amélioration des conditions de vie de ses
habitants dans la mesure où elles sont soumises à une gestion
rationnelle. Tout compte fait, il s'avère que ces ressources sont
abondantes et diversifiées, il faut juste mettre sur pied des
stratégies de capitalisation, d'exploitation, de gestion rationnelle
individuelle et collective ; rendre les acteurs sociaux et les
élites du milieu plus actifs et plus engagés dans la promotion de
l'entité ; revoir et raffermir les relations et les modes de
production au sein de toute la chefferie.
Ce cadre de réflexion et d'actions est à situer
dans le cadre de « l'interactionnisme lequel valorise les
ressources de sens dont il dispose, sa capacité d'interprétation
qui lui permet de tirer son épingle du jeu face aux normes et aux
règles. Ces dernières sont, dès lors, des fils
conducteurs, et non plus des principes rigides de conditionnement des
conduites. Le comportement individuel n'est ni tout à fait
déterminé, ni tout à fait libre, il s'inscrit dans un
débat permanent qui autorise justement l'innovation. L'acteur n'est plus
la marionnette d'un système social dont il ne possède nulle
conscience. Doté de sa capacité réflexive, il est libre de
ses décisions dans un contexte qui n'est pas sans
l'influencer ».98(*)
De ce point de vue, l'acteur social, en Chefferie de Ngweshe,
doit, pour promouvoir son développement, s'inscrire dans cette
dynamique innovatrice en tenant compte de ressources disponibles et du
contexte dans lequel il vit ; prendre quotidiennement conscience de ce
dont il est capable pour et ensemble avec le groupe et tenter de le
matérialiser sans tergiverser.
Il faut donc dans l'esprit de J. Habermas des
actions :
· instrumentales, c'est-à-dire,
orientées vers le succès lorsqu'elles sont
considérées sous l'aspect de la poursuite des règles
d'efficience d'une intervention ;
· stratégiques,
c'est-à-dire, orientées vers le succès lorsqu'elles sont
considérées sous l'aspect de la poursuite des règles de
choix rationnel et évaluées en rapport avec l'appui des
partenaires ;
· communicationnelles, lorsque les plans
d'actions des acteurs participants ne sont pas coordonnés par des
calculs de succès égocentriques, mais par des actes
d'intercompréhension.99(*) Ces actions ne peuvent atteindre leur efficience que
dans la mesure où elles sont concertées au départ par les
acteurs et qu'elles s'inscrivent dans une dynamique rationnelle, collective et
durable.
Pour aboutir à cette phase de réalisation
de soi et du groupe d'appartenance, il est bon, sur base de ce qui
existe, ce qui se réalise et sur base de ce qui est réalisable,
que l'on se fixe des principes devant guider la démarche de
différents projets à entreprendre pour la stabilisation de la
famille et projeter, ainsi, de nouvelles mesures de protection de
l'environnement au sein de la chefferie. Les chapitres suivants analysent les
discours, les actions connus au sein de l'entité. C'est une
interdiscursivité praxéologique suivie des principes de
stabilisation familiale et environnementale pouvant faciliter l'atteinte de
cet objectif dans cette thèse.
Troisième partie
INTERDISCURSIVITE PRAXEOLOGIQUE
ET
ESSAI D'IMPLANTATION DES PRINCIPES LOCAUX DE STABILITE
FAMILIALE ET
ENVIRONNEMENTALE
INTRODUCTION
Nous introduisons cette partie dans le cadre
éthnométhodologique, car comme l'estime David Le Breton,
« là où d'autres sociologues parlent de modèles
ou de normes, l'éthnométhodologie voit les faits sociaux comme
accomplissement des membres. Elle analyse comment les activités sociales
s'organisent pour reproduire les régularités que les membres
reconnaissent comme normales en répondant à une
intelligibilité de leur apparence. La réalité sociale est
constamment redéfinie par les acteurs. Quand ils sont les uns en face
des autres, ils doivent agir pour maîtriser la situation, coordonner
leur engagement, pour ce faire, ils mettent en oeuvre leur compétence de
membre, s'approprient les codes culturels, les procédés ou les
méthodes qui concourent au raisonnement sociologique
pratique ».100(*)
En effet, dans le cadre de cette thèse, il revient de
déterminer des mécanismes devant amener la population à
coordonner des actions réelles et rationnelles pour transcender les
défis qui guettent les acteurs sociaux. Il faut donc passer en revue
tout ce qui a été fait afin d'évaluer la pertinence des
actions et l'ampleur des résultats. C'est ce qui nous amène
à parler de principes, c'est-à-dire des règles, qui
doivent orienter les conduites et les actions sociales en vue d'atteindre les
objectifs que se fixe cette étude. Il s'agit d'arriver à
stabiliser tant la famille que l'environnement au sein de l'univers sous
étude et tendre ainsi vers le progrès.
Dans ce cheminement, et selon Habermas, « il faut
arbitrer les conflits, faire triompher certains intérêts, trouver
des interprétations, et ce n'est toujours possible que grâce
à des actions et à des négociations qui sont les unes et
les autres liées au langage courant. La seule différence est
qu'aujourd'hui, ces questions pratiques sont elles-mêmes
déterminées dans une large mesure par le système de nos
réalisations techniques.
Or, s'il est vrai que la technique procède de la
science, et nous pensons tout autant aux techniques permettant d'influencer le
comportement humain qu'à la maîtrise de la nature, la
réflexion scientifique est d'autant plus nécessaire à la
reprise de cette technique au sein du monde vécu de la pratique, au
rattrapage de cette disposition technique de domaines spécifiques dans
et par la communication des hommes en train d'agir ».101(*)
Cette partie, tout en ne comportant pas des aspects
liés à la technique, comporte deux chapitres, à savoir
celui de l'interdiscursivité praxéologique qui, dans une
certaine mesure, analyse la question des discours et des actions menées,
leur pertinence sur le terrain, les faits envisageables et la
façon de les matérialiser. L'interdiscursivité
praxéologique établit donc, primo, un répertoire des
activités poussant la communauté à aller de l'avant, et
secundo, démontre un corpus d'archives et/ou expérimental au
sein de l'univers. Des questions simples peuvent intervenir telles que :
qu'est ce qui a été fait et dit ? Qui l'a dit ou
fait ? Comment cela a été appréhendé par les
auditeurs ? Quel a été l'impact du discours sur la
communauté ? Etc.
C'est donc une façon de pénétrer le
milieu, de connaître les actions des acteurs, les performances, les
forces et les faiblesses et de proposer des solutions durables. Il va sans
dire que dans un tel cheminement, il faudra commencer par présenter
l'état des lieux des familles sous étude, analyser en profondeur
les problèmes majeurs de l'entité, répertorier les
discours pertinents et récurrents dans le milieu et les grouper en
thèmes appropriés. De ces discours, se dégageront des
formes telles que l'interactionnisme discursif monocentré et
tricentré.
Cette dernière forme de discours affiche que des
interventions recueillies sur le terrain, il s'est avéré qu'il y
existe une triade opérationnelle d'interventions qui prend en compte les
bailleurs des fonds, les organisations locales de développement et la
population. Tous ces intervenants constituent respectivement trois
pôles : le pôle de propulsion ou d'appui, le pôle
structurel et le pôle manifestatoire.
La partie se constitue ainsi de deux chapitres dont l'un est
essentiellement axé sur les analyses portant sur les discours et les
actions qui se sont produits au sein de notre univers, alors que l'autre
s'appuie sur les principes de stabilisation familiale sur la
projection de stabilité familiale et de protection
environnementale.
Chapitre sixième
INTERDISCURSIVITE PRAXEOLOGIQUE DE LA FAMILLE DE
NGWESHE
INTRODUCTION
Ce chapitre abordera d'une part l'analyse des interactions des
discours, l'interprétation praxéologique des données
recueillies du terrain, et les pistes des solutions, d'autre part. Il consiste
à rechercher des faits matériels, idéologiques, culturels,
les changements intervenus au sein de la famille et son environnement. L'aspect
praxéologique et socianalystique ne consistera pas aucunement en une
simple phase d'identification des problèmes, mais aussi en une analyse
des données, une prescription sous-tendue d'une proscription
sociologique. Cette démarche identifie les problèmes, encourage
certaines pratiques et décommande celles qui ne s'inscrivent pas dans un
aspect évolutif.
En effet, toute transcendance d'une situation pathologique
à quelques niveaux que ce soit (individuel, familial, ethnique ou
national) exige la recherche et la détermination de résoudre les
problèmes en présence et en prévenir ceux en vue.
En effet, pour paraphraser Herbert Spencer, tout mode de
comportement actuel dépend d'un comportement antérieur et
détient les germes d'un comportement postérieur. Ceci reviendrait
à dire que nos familles, notre environnement se trouvent dans un
état réel actuel dépendant d'un état réel
précédent. Un autre état envisageable proviendra de
l'état actuel.
Les objectifs liés à l'identification, à
la critique des discours et des actions et à l'émission des
propositions favorables au changement qualitatif et quantitatif de Ngweshe
guideront notre démarche.
6.1. Praxéo-interdiscursivité de la question du
déséquilibre des familles de Ngweshe
Cette section articule les principes de la
praxéologie interdiscursive à l'interprétation des faits
tels qu'ils se manifestent sur le terrain. Les données discursives
proviennent de l'enquête menée au sein des familles de Ngweshe
à travers des interviewes, l'observation, l'évaluation et
l'appréciation des actions de divers intervenants, la recherche des
facteurs de la persistance des certains problèmes pourtant combattus
par les acteurs.
L'analyse s'étend sur deux volets : celui
axé sur le déséquilibre familial et l'action
résorbatrice à l'aide de la praxéologie interdiscursive
et, celui de la prospective praxéologique, participative et
dynamique.
6.1.1. Etat des lieux des familles de Ngweshe (ou l'arbre
à problèmes)
Cette section présente successivement les faits
saillants de Ngweshe perçus comme facteurs ayant intervenus dans le
déséquilibre familial et la restitution praxéologique des
discours au sein de notre univers.
1°. Des faits saillants
Parmi les faits ayant le plus contribué au
déséquilibre familial dans la chefferie de Ngweshe, nous avons
relevé, non d'une façon exhaustive, mais par ordre de nuisance,
selon l'appréciation des victimes, les faits suivants :
1. Insécurité alimentaire
2. Insécurité foncière
3. Pauvreté sous diverses facettes
4. Désarticulation des membres de la
communauté
5. Désinformation de la population
6. Rareté, exiguïté et
improductivité des terres arables
7. Inaccessibilité aux soins de santé
primaires
8. Inaccessibilité à l'eau potable
9. Insatisfaction des besoins primaires (manger, habitat,
vêtements, soins médicaux)
10. Incommodité et exiguïté de l'habitat
11. Incapacité des leaders locaux
12. Manque et inadaptabilité des outils aratoires
13. Exode des jeunes et des personnes instruites et celles
acquises au changement
14. Inexistence des activités d'autopromotion surtout
chez les femmes (coupe et couture, broderie, tapisserie...)
15. Manque des semences améliorées
16. Maladies endémiques (choléra, paludisme,
VIH/Sida)
17. Pillage de gros et petit bétail et carence des
produits vétérinaires
18. Déscolarisation des jeunes enfants
19. Sous-instruction des adultes
20. Non implication et/ou désimplication des chefs
locaux dans la recherche et la définition des stratégies du
développement paroissial ou stratégies inadaptées
21. Absence de l'énergie électrique
22. Inaccessibilité aux technologies modernes
23. Manque d'interactions, d'échanges
d'expériences entre acteurs de développement, entre membres des
groupes sociaux et enclavement de certaines localités
24. Chômage généralisé
25. Recrudescence de certains fléaux tels que les
violences sexuelles, les pillages, les extorsions
26. Inexistence des coopératives d'épargne et de
crédit et manque d'unités de productions adéquates
27. Existence des marais non drainés
28. Déboisement à grande échelle
29. Soins hygiéniques dégradants
30. Ecoles en dégradation
31. Marchés inappropriés
32. Impraticabilité, insuffisance et/ou inexistence des
routes de desserte agricole
33. Troupes nationales, milices gênantes et
banditisme
34. Impunité des malfaiteurs
35. Dépravation des moeurs surtout chez les jeunes
36. Multiplicité des Eglises
37. Natalités élevées et non pratique du
planning familial
Etc.
Ces défis se sont érigés en
obstacles dans l'équilibre des familles de Ngweshe. L'analyse minutieuse
de ces faits nous a conduit à les regrouper sociologiquement dans quatre
rubriques, à savoir la pauvreté, l'insécurité,
la santé précaire et la faible historicité. Ce
regroupement par rubrique est le soubassement de la thématisation
praxéologique interdiscursive tel que cela apparaît à
travers le tableau ci-dessous :
Tableau n° 17 : Thèmes regroupant les
problèmes majeurs familiaux de Ngweshe
Pauvreté
|
Insécurité
|
Santé précaire
|
Faible historicité
|
Insécurité alimentaire
|
Troupes et milices et banditisme gênants
|
Inaccessibilité aux soins de primaires
|
Désarticulation des membres de la communauté
|
Insécurité foncière
|
Impunité
|
Inaccessibilité à l'eau potable
|
Désinformation de la population
|
Malnutrition
|
Viols et violences sexuelles
|
Maladies endémiques
|
Incapacité des leaders locaux
|
Rareté, exiguïté et improductivité du
sol
|
Dépravation des moeurs
|
Soins de santé dégradants
|
Exode rural
|
Insatisfaction des besoins primaires
|
|
|
Déscolarisation des jeunes
|
Habitat incommode
|
|
|
Sous-instruction des adultes
|
Inexistence d'activités d'autopromotion
|
|
|
Stratégies inadaptées
|
Manque des semences améliorées
|
|
|
Absence d'énergie électrique
|
Pillage de bétail
|
|
|
Inaccessibilité aux technologies modernes
|
Chômage généralisé
|
|
|
Manque d'échanges d'expériences entre acteurs de
développement
|
Marais non drainés
|
|
|
Ecoles en dégradation
|
Inexistence des coopératives d'épargne et de
crédit
|
|
|
|
Manque d'unités de production
|
|
|
|
Marchés inappropriés
|
|
|
|
Inexistence ou impraticabilité des routes de desserte
agricole
|
|
|
|
Manque ou inadaptabilité des outils aratoires
|
|
|
|
Source : Enquêtes sociologiques.
Interprétation :
La famille dans sa dynamique, connaît du
déséquilibre contre lequel luttent les acteurs sociaux de
Ngweshe. Il se manifeste à travers quatre thèmes ou
phénomènes : la pauvreté,
l'insécurité, la précarité sanitaire et la faible
historicité.
La pauvreté apparaît à travers les
rubriques reprises dans la première colonne, l'insécurité
alimentaire est l'une de ses manifestations la horrible: la population mange
peu tant quantitativement que qualitativement. Ceci provoque la malnutrition
chez les enfants, les femmes enceintes et celles qui allaitent, la faiblesse
physique, le vieillissement précoce des adultes et la mort
prématurée à tous les âges. Il s'observe une
insatisfaction de tous les besoins vitaux (alimentaires, vestimentaires,
sanitaires...). La propriété foncière est insignifiante et
très peu productive. La pauvreté influe négativement sur
la santé des personnes. Une personne mal nourrie est, par ricochet, en
mauvaise santé. Améliorer la santé d'un individu
équivaudrait à l'amélioration alimentaire, la santé
dépendant fondamentalement de l'alimentation.
L'insécurité qui a sévi dans la chefferie
de Ngweshe a contribué sensiblement à la recrudescence de la
pauvreté. Les ressources alimentaires s'amenuisaient déjà
en fonction de la rareté, l'exiguïté,
l'improductivité du sol et bien d'autres aspects tels le manque de
jachère et la non alternance des semences... Les pillages
récurrents n'ont fait qu'aggraver une situation qui, naguère,
s'annonçait déjà calamiteuse. D'autres
phénomènes tels que les violences et les agressions sexuelles ont
privé certaines familles de l'agent central de production,
c'est-à-dire la mère : cette femme aux mille bras, celle
qui cultive, puise de l'eau, cuisine, berce l'enfant et le mari. Elle est
toujours présente, active et apparemment jamais lassée. Entre
2000 et 2007, plus de 40000 femmes et filles avaient été
violées au Sud-Kivu dont plus de 2500 dans les groupements de Mulamba,
Tubumbi, Burhale (en Chefferie de Ngweshe) selon une étude menée
en 2004 par le Réseau des femmes pour la défense des droits et la
paix102(*).
La situation telle que présentée dans le
tableau n° 17 nous pousse à nous interroger sur l'avenir de la
chefferie et de ses population plus principalement. Certes, le changement ne
découlera que de la forte historicité dont la chefferie,
considérée comme société-histoire, doit faire
montre. Cependant, cette capacité historiciste de Ngweshe,
c'est-à-dire sa capacité de conception, de réalisation,
d'évaluation et d'auto-évaluation, exige un capital symbolique et
idéologique. Celui-ci rendrait la population de la chefferie capable de
penser, d'agir, d'innover, de réaliser et de se réaliser pour
l'intérêt de toutes les populations présentes et celles
à venir.
Les agents historicistes, autrement appelés par
Alain Touraine « Sujets- Historiques » recherchent la
transformation positive et durable de leur environnement médiat,
immédiat et/ou lointaine. Ce sont des acteurs super-historiques du
milieu, ils ont pour mission de transcender toutes les incapacités qui
freinent le décollage local et de hisser la communauté à
un niveau plus spectaculaire, admirable et honorifique.
Or, dans le cas d'espèce, le capital symbolique est
entrain de s'effriter : les élites locales fuient la chefferie, les
jeunes enfants, faute d'argent abandonnent l'école et
l'analphabétisme refait surface, la socialisation est au rabais. La
communauté ne fait que régresser dans son cheminement ;
elle involue, selon E. Morin.
Pour faire face à cette involution, une
dynamique interne doit renaître pour préconiser la formation d'un
capital symbolique et idéologique qui étudient les
mécanismes d'établir de meilleurs conditions de vie, de
santé saine, de juguler l'insécurité et de lutter contre
la pauvreté. De telles actions exigeront des interactions avec d'autres
partenaires au niveau holistique, tant micro, méso que
macrosociologique. Elles se fonderont sur les potentialités actuelles de
la chefferie qui compte 166 écoles primaires, cinquante écoles
secondaires et sept instituts supérieurs. En 2009-2010, il y avait
soixante sept mille enfants scolarisés dont le taux de
déscolarisation était de 33 %. Il faut innover les choses et
aller de l'avant ; organiser un dialogue sincère et pragmatique
entre les acteurs sociaux afin d'améliorer la situation.
De ce fait, deux éléments doivent être
pris en compte : la connaissance et la rationalité. On ne peut
servir une communauté que sur base de connaissances solides et d' une
rationalité avérées. C'est en sens que J.Habermas
rêve qu'il y aura un jour une société fondée sur la
raison et la connaissance.
Se basant sur les conceptions de J.Habermas,
Sémou Pathé Guève propose quatre principes pour des
échanges pouvant mener la communauté vers le changement :
a) Le principe de la reconnaissance effective de
l'égalité des partenaires dans la discussion : il
postule en effet que tout sujet capable de parler et d'agir doit pouvoir
prendre part à des discussions (...), problématiser toute
assertion quelle qu'elle soit, (...) ; faire admettre dans la discussion
toute argumentation ; et (...) exprimer ses points de vue et ses besoins.
En conséquence, aucun des partenaires ne pourra être
empêché par une pression autoritaire qu'elle s'exerce à
l'intérieur ou à l'extérieur des discussions.
b) Le second principe formule l'exigence pour les
partenaires d'engager la discussion avec la volonté de déboucher
sur la vérité entendue ici dans la sens précis d'un
consensus résultant d'une argumentation rationnelle rigoureusement mais
dont la conclusion est toujours susceptible d'être
reconsidérée à la faveur d'un argument
meilleur ;
c) Le principe de non contradiction : le
partenaire qui prend parole doit éviter de se contredire dans ce qu'il
dit, il doit tenir compte des arguments des autres en toute
sérénité et respect ;
d) Le principe de la véracité : il
pose que chaque interlocuteur ne peut affirmer que ce lui-même
croît. Il doit donc veiller ainsi à tenir des propos auxquels il
est possible de donner foi, ce qui implique que ses propos doivent être
sensés.103(*)
En bref, reconnaissons que tout doit partir d'une
idée rationnelle devant se concrétiser durablement au profit de
toute la communauté.
2°. Des interlocuteurs
L'interlocution regroupe d'une part, les
organisations engagées dans la résorption du
déséquilibre familial, dans le soutien à la population
victime du malaise social et économique et, d'autre part, les membres de
la communauté qui, en même temps, ne cessent de parler entre
eux-mêmes de souffrances qui les guettent et des solutions envisageables.
De ce dialogue entre membres de la communauté ressort, pour certains
cas, la création des associations locales. Le schéma ci-dessous
illustre ces échanges discursifs :
Schéma n° 5 : Echanges discursifs
Demande d'appui
Organisations de résorption
du déséquilibre
Population
Population
Création des associations locales de
développement
Appui
Familles en crise direct
Etudes
évaluatives
Appui aux
associations de développement
Source : Enquêtes sociologiques
Que retenir de ce schéma ?
Le point de départ est l'existence d'une
crise au sein des familles de Ngweshe. Cette crise est mise en exergue à
partir d'une étude évaluative faite les organisations
engagées dans la résorption en collaboration avec les
associations locales de développement et les familles elles-mêmes.
Ces organisations interviennent sur deux pôles : l'intervention
envers les familles peut se réaliser, soit directement en donnant aux
familles ciblées ce qui convient à leur donner selon les besoins
identifiés, soit indirectement à travers les associations de la
société civile de la place.
Quid de la Société civile ?
a. Définition
« La société civile rassemble les
citoyens ; organise leurs intérêts ; formule leurs
demandes et les exprime devant les décideurs et cela sur le plan
positif. Il n' en demeure pas moins que son essor peut dissimuler un certain
nombre d'effets pervers : ONG alimentaires, milices,
sociétés secrètes, réseaux paramilitaires
fonctionnent sous l'enseigne d'associations des réfugiés,
d'organismes humanitaires, et certains médias dédiés
à la haine et à la violence.
La société civile se construit à travers
un certain nombre de paramètres et des conditions : le désir
de vivre ensemble, le partage de certaines valeurs, la solidarité entre
les membres, l'acceptation d'un certain nombre de règles communes, le
rôle régulateur et censeur de l'Etat, un certain degré de
convivialité. L'existence d'une société politique suppose
des compromis entre le pouvoir et les citoyens parmi lesquels la
société civile interagit.
La société civile est une société
de rencontre, de partage et des conflits, qui n'est cependant pas indemne de
crises. Elle est un groupe de pression qui cherche à influencer le
pouvoir mais sans avoir la prétention de briguer le pouvoir politique.
Elle est un contre - poids pour le pouvoir en place ».104(*)
a. Composantes de la société civile
Les membres de la société civile se
répartissent en diverses composantes, les unes indépendantes des
autres, chacune avec ses membres, eux aussi indépendants et autonomes
les uns vis-à-vis des autres. Les associations, à
l'intérieur des composantes naissent et disparaissent à tout
moment suivant les défis, les enjeux et la dynamique sociale du milieu
où elles sont implantées. Ainsi, la société civile
s'élargit chaque jour, croissant au rythme de la
créativité des forces vives. Ses composantes sont
classées :
· Selon le but
Sous cette forme, on connaît des associations sans but
lucratif, à caractère socio-économique, confessionnel,
confessionnel, philanthropique...
· Selon le secteur d'activités :
dans cette catégorie, on range : les associations confessionnelles,
de développements, philanthropiques, culturels et scientifiques, de
droit de l'homme, d'éducation civique, professionnelles.
La société civile de la RD Congo s'est
inspirée de cette classification pour déterminer ses composantes
qu'elle a limitées à quinze (comme ci-dessous) :
1. Les associations des femmes
2. Les associations communautaires et paysannes
3. Les associations culturelles et sportives
4. Les associations de la presse
5. Les associations des jeunes
6. Les associations humanitaires et philanthropiques
7. Les Eglises et confessions religieuses
8. Les ONG à caractère économique
9. Les ONG de développement
10. Les ONG des droits de l'homme
11. Les ONG de paix et d'éducation civique
12. Les ONG environnementales
13. Les ordres professionnels
14. La société savante (écrivains,
chercheurs...)
15. Les syndicats.105(*)
Pour le cas de la Province du Sud-Kivu, la
Société civile ne dispose que de dix composantes :
associations des femmes, organisations des jeunes, organisations à
caractère économique, ONG de développement, ONG de droits
de l'homme, organisations humanitaires et philanthropiques, Eglises et
confessions religieuse, associations savantes, associations culturelles et
sportives, les syndicats et les corporations professionnelles.
La société civile est constituée par un
continuum organisationnel qui va de relations sociales les plus
relâchées et occasionnelles ou éphémères aux
instituions les plus formelles et les plus durables. Ce continuum se
présente sous la forme du schéma ci-dessous :
Niveau 4 Nation,
Etat
Lois
Niveau 3
Institutions. Organisations ayant
implanté leur légitimité dans leur
environnement
Niveau 2 Organisations.
Associations, groupements
collectifs, coopératives
Niveau 1 Associations
détachées. Individus et collectifs, groupements
de la société civile organisés ou non
organisés
Figure n° 9: continuum représentant la
société civile
La société civile s'arrête aux trois
premiers. Ceci veut dire qu'elle n'a pas de vocation de gérer la
nation ; mais qu'elle constitue une entité à laquelle la
nation délègue le pouvoir de gérer la vie publique en son
sein.106(*)
b. Rôles de la société civile
La société civile doit se prémunir contre
l'anarchie qui est en réalité un excès de liberté,
mais aussi de dictature, définie comme excès du pouvoir. Ceci
suppose la déconstruction des déséquilibres et des
contradictions attentives à la préservation de la justice et de
la paix.
La société civile doit lutter contre
l'injustice et la pauvreté par des actions concrètes. Dans un
pays où la sécurité sociale n'existe pas, ce rôle
est tenu par des groupes à la base : les tontines, les
coopératives d'épargne et de crédit et les associations
qui par, exemple, collectent l'épargne ; la redistribuent ;
assurent contre la maladie ; prennent en charge certains frais lors de
certains événements familiaux importants.
La société civile doit aider les populations
à améliorer leurs capacités de choix et leur pouvoir en
tant que masse grâce à une nouvelle échelle des valeurs et
un nouveau sens du respect de ces valeurs par une éducation et une
animation qui viseraient aussi bien les couches de la base que les nouveaux
acteurs de la vie politique107(*).
c. Emergence de la société civile
Née dans le champ philosophique, l'expression de
société civile est désormais dans le langage
politique opposé par la grande presse à celui de la
société politique et pris ainsi dans une acception
sociologique, il renvoie, en réalité, à une acception
précise de la politique et de la société qui n'est que
rarement explicitée.
Dès 1976, la société civile devenait le
cheval de Troie de la lutte non seulement contre le totalitarisme marxiste et
l'idée d'un changement social part le haut, mais aussi contre un certain
rigorisme en décalage avec l'esprit du temps. On entretenait ainsi un
monde tripolaire : Etat, sphère économique et
société civile. Cette dernière étant la seule
où puissent exister des « relations libres entre
individus ». De là, on affirme qu'il n'est de
société libre que la société civile.
Bruce Shearer estime que de nouveaux éléments
ont émergé avec une rapidité et une énergie sans
équivalent à travers l'Amérique latine, l'Afrique, l'Asie,
le Pacifique et le Moyen Orient. S'appuyant sur des organisations existantes
(partis politiques, syndicats, Associations d'entrepreneurs et Eglises...),
Bruce Shearer compte des centaines des milliers des groupes locaux des citoyens
locaux des citoyens organisés informellement (associations
communautaires, mouvements citoyens, groupes de bienfaisance, clubs
d'épargne ou groupe de pression) ainsi que des ONG et des milliers
d'institutions de soutien actives dans la mise en réseaux, de
financement ou de survie108(*).
Beaucoup d'innovations dans le développement rural et
la communication dans les pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) se
développement sur le terreau fertile des organisations de la
société civile (OSC), créant de nouvelles synergies. Il en
est ainsi du regain des stations de radio rurale, qui sont devenues de
véritables véhicules des messages pour les
agro-éleveurs.
En Ouganda, où ces radios sont nombreuses, la jeune et
active Ugandan national farmers association (Association nationale
ougandaise des agriculteurs) a joué un rôle moteur en donnant
beaucoup d'espace d'expression aux paysans et en utilisant cette radio pour la
formation de ses membres.
Au Mali, le Président ne rate aucune occasion de
souligner que son gouvernement est enraciné dans le mouvement populaire
des OSC qui l'ont porté au pouvoir et joué un rôle actif
pour la mise en oeuvre de la liberté de la presse et l'expression des
citoyens au début des années 1990.
La notion du gender telle perçue aujourd'hui est une
émanation des groupes des femmes ayant évolué au sein des
organisations de la société civile : c'est le cas du
collectif Sinistren au Jamaïque qui a poussé les femmes
à plus de responsabilité et de prise de conscience. Le
Journal Sister Namibia, la Radio Maendeleo, le Caucus des femmes et
beaucoup d'autres associations ont permis à la femme du Sud-Kivu
d'être plus responsable non seulement en tant que femme mais aussi en
tant que mère de famille et épouse.
On a reproché, de l'extérieur, à beaucoup
d'OSC de signaler plus de problèmes qu'elles ne cherchent des solutions.
Hazel Hendeson, un célèbre futurologue estime que les OSC peuvent
rapidement passer à un ordre plus positif et prescriptif. La
société civile doit être un cadre de conception, de
recherche des solutions aux problèmes qui sévissent au sein de la
communauté où elle est implantée109(*).
Au sein de notre terrain d'étude, il existe cette
société civile et ses composantes demeurent les associations
dites sans but lucratif et les Eglises. Ce sont des personnes qui se
regroupent, pensent, identifient le problème et tentent d'y apporter des
solutions, soit par leurs propres efforts, soit en recourant à des
tierces personnes.
Au vu du déséquilibre au sein des
ménages, ceux-ci ont pris conscience bien que dépourvus de moyens
efficaces d'y remédier. D'où des regroupements paroissiaux dans
le but de solliciter des appuis en rapport avec des objectifs que les uns et
les autres se sont fixés. Ces appuis appelés aussi
« financements », une fois obtenus sont
répercutés aux populations cibles, c'est-à-dire les
familles au sein desquelles les problèmes à résoudre ont
été identifiés.
C'est à ce niveau qu'apparaît l'aspect structurel
interventionniste et qu'on entend divers thèmes de discours tels
qu'illustrés dans le schéma et le tableau ci-dessous :
Schéma n° 6 : Aspects structurels de
l'intervention
Organisations d'appui aux populations
Organisations locales de
développement
Interventions
aux populations selon les domaines ciblés
Source : Enquêtes sociologiques
Interprétation
Il sied de dire, comme le démontre le
schéma ci-haut, que par rapport au déséquilibre qui
sévit dans les familles, il y a des interventions de résorption
à deux niveaux : au départ ou sommet, il y a des
organisations internationales et/ou onusiennes qui, après constat et
évaluation des besoins sur place, s'engagent, dans une certaine mesure,
à résoudre, à court, moyen et long terme, les
problèmes sévissant dans le milieu.
Dans la logique traditionnelle, les organisations dites
« bailleurs des fonds » n'intervenaient pas directement sur
le terrain. Elles sélectionnaient des organisations actives sur le
terrain avec lesquelles elles entretenaient le partenariat. Celles-ci devaient
donc exécuter les projets selon l'esprit, la lettre et la foi des
bailleurs des fonds. Mais, il s'est avéré que dans cette
perspective, la confiance n'a pas perduré. Les organisations locales
appuyées par les organismes internationaux ont développé
un sentiment beaucoup plus lucratif, malhonnête et peu «
retributif ». Ceci veut dire que l'appui ou le financement
reçu des organisations d'appui ne parvenaient pas totalement aux
populations cibles, les dirigeants préféraient plutôt se
servir avant de servir les personnes en faveur desquelles le projet avait
été conçu, élaboré et exécuté.
Dès lors les organisations d'appui ont préféré,
elles mêmes agir sur le terrain.
Il est bon de faire remarquer, ici, que traditionnellement, le
mushi apparaissaît comme un homme très équilibré,
honnête, courage et responsable. Mais peu à peu, on a
remarqué en lui un état de paresse, un esprit de
malhonnêteté tels en ces cas cités concernant la gestion
des financements reçus et destiné à des
vulnérables. Cela démontre donc des antivaleurs qui semblent
primer sur les valeurs acquises des ancêtres bashi. Il sied donc de
réorganiser la communauté et faire primer les cultures des
valeurs et atténuer le plus possible les antivaleurs qui sont entrain
d'élire domicile au sein de la chefferie.
Cet esprit de malhonnêteté a été
encore beaucoup plus remarquable avec l'entrée massive des
réfugiés hutus rwandais au sein de la chefferie de Ngweshe. Ces
réfugiés travaillaient avec plus d'assiduité que les
bashi. Toute personne qui avait besoin d'une main d'oeuvre physique trouvait en
ces rwandais plus de courage, d'assiduité, de sincérité et
d'honnêteté que chez les bashi qui, eux, paraissaient moins
courageux, hypocrites et malhonnêteté sur le lieu de travail.
L'heure est donc à la débâcle des moeurs traditionnelles.
Il faut reconstruire une communauté sur base des pratiques, des
valeurs et des vertus humaines susceptibles d'amener la communauté dans
une dynamique rénovatrice et cohérente à travers une
planification locale rationalisée.
Pour Habermas, « la planification est
considérée comme une activité rationnelle par rapport
à une fin au second degré : elle vise à
l'installation, à l'amélioration ou à l'extension des
systèmes d'activités rationnelles par rapport à une
fin110(*)
(...) » conçue par les membres dans le but de parfaire leurs
conditions de vie.
Dans ce cheminement de courage, de fermeté et
d'hésitations, la population a produit des discours et en a
consommé d'autres. Ces derniers peuvent être regroupés en
trois thèmes.
Tableau n° 18 :
Thématisation des discours
N°
|
Sous-thèmes
|
Termes de discursivité
|
01
|
Désespoir
|
Malédiction, fatalité, abandon, inconscience des
dirigeants, vente ou cession du patrimoine, trahison, passivité et
incompétence du pouvoir et de la population, détournement, peur,
mort, maladie, inquiétude.
|
02
|
Espoir
|
Dieu, salut Jésus sauveur, prière, aide, l'homme
blanc, l'Etat congolais, reconversion...
|
03
|
Auto - prise en charge
|
Vigilance, comité de surveillance, patrouilles,
comités humanitaires de base, intervention entre humanitaires et les
villages (sorte de pont entre population et les grandes organisations...
|
Source : Enquêtes
sociologiques
Commentaire
Ces états conscientiels de thématisation
discursive à Ngweshe ont été recueillis auprès de
la population et regroupés sous trois axes importants : le
désespoir, l'espoir et l'autoprise en charge. Chaque thème
reprend des termes discursifs répertoriés d'une façon non
exhaustive. Il s'agit, entre autres, des mots qui reviennent le plus souvent
sur les lèvres des personnes lorsque nous les interrogions sur leur
situation du moment et sur leur vécu quotidien.
Replacés dans la triple dialectique quadripolaire, nos
enquêtés se sont regroupés par pôles discursifs
comprenant :
1. Les locuteurs : ce sont les organisations se proposant
de résorber la crise existante ;
2. Les auditeurs : ce sont les familles de Ngweshe qui
consomment divers discours, mais sans oublier qu'elles en produisent aussi
d'autres ;
3. Le scientifique social ou le savant : il s'agit du
chercheur sociologue qui s'est déployé sur le terrain et qui, de
par les investigations a pu produire cette oeuvre scientifique ;
4. La société-histoire : c'est la chefferie
de Ngweshe insérée dans un contexte global de la Province du
Sud-Kivu et de la RD Congo.
Les locuteurs se penchent sur la situation du vécu
quotidien des populations, ils évaluent leur niveau de vie et proposent
des mesures d'amélioration de celle-ci. C'est donc un travail de
conception et d'exécution et d'évaluation des projets. Divers
projets ont ainsi été initiés dans divers domaines tels
que, la sécurité alimentaire, l'habitat, l'agropastoral, etc. Il
faut, cependant, faire remarquer que l'appui n'est pas toujours proportionnel
aux besoins et que dans la plupart des cas le gros du financement s'oriente
plus chez les exécutants du projet que chez les nécessiteux ou
ceux pour qui le projet a été conçu. On dirait ainsi que
les locuteurs disposent d'une conscience de
nouménisation-ontologisation. Ils développent un
discours archémique pour justifier leur présence dans les
milieux. Ils s'inscrivent dans la logique des expériences de toutes les
ONG qui parlent et agissent au nom du peuple mais avec un dessein de garantir
plus leur bien-être au détriment de la misère du peuple. Ce
dernier constitue leur tremplin. Il faudra encore plus de conscientisation pour
que les acteurs sociaux se comportent dignement, que leurs dires soient en
adéquation avec leurs actions.
En effet, c'est à travers cette inadéquation
entre dires et actions des acteurs sociaux et le fait de
considérer le bas peuple comme tremplin que se sont
développées les trois formes de bourgeoisie à Ngweshe
comme partout en République Démocratique du Congo: la
bourgeoisie issue des postes politiques, la bourgeoisie issue des Eglises et
celle issue du commerce contrôlé par des corrupteurs corrompus et
où le profit est successivement accru.
A leur tour, les auditeurs ont une conscience
nouménisée-ontologisée, victimes des situations
déstabilisatrices de leurs familles, ils sont en proie aux logiques
des organisations prometteuses de l'espoir du bien-être. Leur discours
est « endormant » et passéiste.
Pour eux, la vie est une fatalité ; le regard est tourné
vers Dieu qui opérera un jour le miracle et les hommes de bonne
volonté qui leur viendront en aide. C'est l'avènement de l'esprit
attentiste, peu entreprenant. L'espoir en un avenir prometteur les
prédispose à tomber dans le coup des organisations qui se
proposent de résorber la crise dont ils sont victimes. On retiendra
cependant que cet esprit attentiste ne peut amener les familles que dans le
gouffre de la misère et de la dépendance.
Il faut donc des initiatives praxéologiques qui
identifient les besoins réels du milieu et qui proposent des actions
adéquates et durables.
La chefferie de Ngweshe est une totalité sociologique
historiquement déterminée. Elle est dialectiquement
insérée dans les circuits du Sud-Kivu qui fait partie
intégrante de la RDC, laquelle est un maillon dans la chaine de la
société-monde. Tout le poids négatif de la mondialisation
y est vécu. Loin de répondre au rendez-vous du donner et du
recevoir, la RDC demeure un lieu d'accomplissement des intérêts de
la communauté-monde et d'écrasement des intérêts du
peuple congolais et de la destruction de son environnement. Les attentes du
peuple ne sont pas satisfaites et le pouvoir en place n'en fait pas un cas
d'urgence.
La crise au sein de nos familles est en grande partie une
irresponsabilité remarquée de la part de nos dirigeants et le
manque de prise de conscience de nos populations qui espèrent que les
choses ne devront que changer positivement sans leur participation active. A
ce jour, notre société est en crise, mais cette crise n'a son
siège que dans nos familles, ce sont elles qui
« pathologisent » nos communautés et donc,
toute thérapie consistant à remettre de l'ordre dans nos
provinces, nos communes et villages ne peut commencer qu'à travers la
famille.
Pour Edgar Morin, « il existe du désordre au
sein de chaque système social »111(*), mais cela ne signifie pas
qu'il faille faire perdurer sciemment un désordre constaté et
décrié par tout le monde ou qu'il ne faille pas punir
sérieusement ceux de qui le désordre est venu et ou entretenu.
En notre qualité de sociologue, nous nous inscrivons
dans la logique du langage généléxémique
basé sur une expérience sociologique émancipatrice,
libératrice et socianalytique. Il faudra donc développer des
mécanismes qui encouragent le peuple de Ngweshe à se
dépasser et s'engager courageusement sur la voie d'un changement
quantitatif et qualitatif, qui prenne en compte l'homme dans sa dimension
holiste et qui tienne compte de la gestion rationnelle de son environnement en
envisageant ainsi de transformer chacun en un acteur social
aux mains sales, aux pieds nus et l'esprit battant. Certes, un tel projet
très ambitieux, n'est pas facile à atteindre, mais pour aller de
l'avant, pour développer un milieu, il faut à la fois de
l'esprit, de la conviction mais en même temps des principes solides sur
lesquels il faut se remettre et qui serviront des guides dans la conception,
l'exécution et d'indicateurs dans l'évaluation.
6.1.2. Restitution praxéologique des discours
L'opération de restitution praxéologique se fait
en quatre temps. Pour l'économie d'analyse, nous fusionnerons les deux
premiers temps. Toutefois, cela se fera conformément aux thèmes
pris dans le tableau n° 12. Il s'agit des thèmes d'espoir,
de désespoir et d'autoprise en charge. Ces discours
apparaissent d'une manière synthétique à travers le
tableau ci-dessous :
Tableau n° 19 : Tableau synthétique
des discours recueillis de notre univers
N°
|
Discours
|
Locuteur
|
01
|
La situation est catastrophique : nous ne savons ni
manger ni scolariser nos enfants, les terres sont devenues improductives ;
l'habitat bien qu'inapproprié est devenu difficile à avoir.
|
Population
|
02
|
Les moeurs sont dépravées surtout chez les
jeunes.
|
Population
|
03
|
Nous avons été dépouillés de nos
biens et de nos valeurs.
|
Population
|
04
|
Unissons-nous, ensemble identifions nos problèmes et
apportons- y des solutions durables.
|
ONG
|
05
|
Nous avons réussi à annoncer à faire
asseoir Jésus au milieu de nous, à cimenter la cohésion
sociale et à combattre les antivaleurs.
|
Eglises
|
06
|
Nous avons réussi à rendre nos populations plus
responsables, plus dynamiques et plus orientés dans des projets
durables, ensemble, nous avons réalisé pas mal de choses.
|
ONG
|
07
|
La reconstruction du pays est en marche, la
démocratisation réussie et nous tendons vers la modernité
de notre pays grâce aux efforts de nos vaillants leaders.
|
Cadres politiques
|
Source : Propos condensés et recueillis
auprès de nos enquêtés de Ngweshe en
2011
et 2012.
Que peut-on retenir de ces discours ?
Les sept discours produits par les interlocuteurs de Ngweshe
sont porteurs d'un sens et d'un contenu pragmatique. Ils contiennent des
dimensions et des fonctions.
Discours 1 : Contenu :carence alimentaire,
déscolarisation des enfants, terres infertiles, rareté des
matériaux de construction
La chefferie de Ngweshe a été, jadis et pendant
longtemps, le grenier de la province du Sud - Kivu. Il faut retenir que
Ngweshe est une des chefferies du Bushi, un territoire à dominance
ethnique Shi, c'est-à-dire peuplé essentiellement des Bashi. Le
Bushi est composé de sept chefferies, à savoir : Burhinyi,
Kabare, Kalonge, Kaziba, Luhwinja, Ninja et Ngweshe. Les chefferies de Kabare
et Ngweshe sont les plus importantes, tant sur le plan spatial,
démographique et même culturel. Les cinq autres sont de petites
chefferies.
La chefferie de Ngweshe était donc très
productive, elle disposait d'importantes ressources agropastorales et donc le
manger n'avait jamais posé problème au sein de la
chefferie : les récoltes étaient régulières et
très abondantes en manioc, sorgho, patates douces, ignames, bananes,
haricot, légumes, etc.
L'élevage des vaches, chèvres, moutons, lapins,
et des poules était important, de façon qu'en moyenne chaque
mushi, jadis, disposait, d'au moins une vache, une chèvre et plusieurs
poules. Cela lui permettait de se nourrir suffisamment du lait et de la viande.
On se souviendra que le seul groupement de Tubimbi fournissait du manioc
à la ville de Bukavu. A ce jour, aucun manioc ne provient de Tubimbi
pour être vendu. La production a tellement diminué que les milieux
ruraux de Ngweshe sont desservis en denrées alimentaires par la ville de
Bukavu alors que la ville doit vivre de son hinterland. Les raisons de cette
déperdition sont énormes :
a. L'accroissement démographique : la
population n'a pas pris conscience qu'elle croissait du jour au lendemain et
que, de ce fait, la production devenait insuffisante pour deux raisons:
l'accroissement du nombre des consommateurs au sein de chaque famille et la
réduction du patrimoine familial cultivable, car le garçon devenu
majeur devait user d'une partie du sol familial pour se bâtir une maison,
ce qui réduisait sensiblement l'espace cultivable.
b. L'infertilité du sol et l'exigüité
des terres arables
Le sol de Ngweshe s'est défertilisé par suite
d'une utilisation maximale des terrains cultivés : beaucoup de
cultures sur un même terrain, aucune alternance de cultures et jamais de
jachère.
En outre, avec la colonisation, de grands espaces avaient
été accordés à des colons belges (qui ont entretenu
de grandes plantations de quinquina, théier) au détriment de la
population autochtone et à des missionnaires catholiques qui, eux
aussi, disposent de très grands espaces souvent non
exploités : les vastes concessions des paroisses comme Burhale,
Kaniola et celle des Frères maristes de Nyangezi peuvent confirmer cette
assertion.
c. L'insuffisance de la main d'oeuvre
Au sein des villages, le travail des champs (sur lequel tous
les membres de la famille comptent pour se nourrir) est réservé
à la seule mère de la famille et de sa fille s'il y en a une qui
a déjà grandi. Le père s'occupe de sa bananeraie, de la
construction des cases, de sa vache, mais il est rarement aux champs sauf
lorsque cette mère est réellement malade.
d. La destruction des cultures par certaines
mosaïques
Le terme de mosaïque relève de la botanique et
consiste en une maladie due à un virus qui affecte certaines
plantes112(*). Ainsi, de
nombreux champs de manioc constituant l'aliment de base du mushi, ont
été décimés par la mosaïque de manioc
appelé encore « wilt bactérien ». Il
en est de même du haricot et du bananier. A ce jour, des organisations
humanitaires sont à la recherche des boutures à distribuer aux
paysans victimes de la mosaïque ; la tache est difficile car ce sont
tous les seize groupements qui sont concernés.
Si, à ce jour de nombreux enfants ne parviennent plus
à fréquenter l'école, une raison majeure justifie cette
déscolarisation : le manque de revenu familial issu de
l'infertilité du sol et du manque d'emploi dans le milieu. Cette
déscolarisation des jeunes enfants n'est pas sans conséquence
directe sur la chefferie et les régions environnantes. Parmi les
conséquences les plus immédiates, on constate cette ribambelle
d'enfants qui flânent le long des routes et dans les marchés avec
des ventes à la sauvette. Le vol, la prostitution des mineures et
l'exode des jeunes enfants vers la ville de Bukavu (qui s'associent aux enfants
de la rue existant au sein de la ville) en sont une autre conséquence de
même que certains bandits qui déstabilisent la quiétude
urbaine.
L'environnement de Ngweshe a subi des destructions
néfastes : un déboisement à grande échelle de
façon que le paysan n'a plus de facilité de trouver de sticks
pour la construction. Ngweshe disposait de beaucoup de plantations de
théiers, d'eucalyptus, de quinquina et celles-ci lui permettaient de se
procurer de sticks pour la construction. A ce jour, toutes ces plantations ont
cessé d'exister. Seules les plantations Pharmakina et Gombo conservent
encore des traces d'existence d'une plantation. D'autres plantations telles
que Kinaplant, Irabata, Commission agricole du Kivu, Gombo, Bukina, Cinomyo,
Kashongero, Sengiyunva, Cibeke et beaucoup d'autres, ont cessé tout
simplement d'exister. La Pharmakina disposait d'au moins une plantation, dans
six groupements de Ngweshe. A même temps que se détruisait
l'environnement physique, l'environnement social s'est aussi
dégradé amenuisant ainsi la capacité des relations
sociales à assister ceux qui le méritait.
La faillite de ces entreprises a affecté affreusement
l'environnement. C'est à l'issue de cette faillite que les collines
boisées et entretenues par MAE (Mission antiérosive) ont
été déboisées. A ce jour, toutes ces collines,
à travers toute la chefferie, sont nues et cela dispose d'un impact
considérable sur l'environnement, l'habitat et sur la pluviosité
dans le milieu. Toutes les tentatives de reboisement ont échoué
suite aux feux de brousses et l'abattage des jeunes arbres pour la construction
et le chauffage.
L'inexistence de ces plantations n'a pas affecté que
l'environnement et le climat, elle a aussi réduit au chômage la
grande majorité des paysans au chômage, car chaque plantation
employait les filles, les garçons et les hommes dans la cueillette, le
traitement ou l'usinage et l'expédition du thé et du quinquina.
Toutes ces entreprises utilisaient des hommes et des femmes à tous les
âges au-delà de 10 ans dans des travaux divers :
défrichage, labour, piquetage, cueillette, écorçage,
usinage, emballage, chargement, déchargement, bureaucratie, entretien,
lavage, cuisine, maintenance des machines. Bref, à chaque âge et
à chaque niveau, il y avait des prestations spécifiques.
On retiendra cependant que rares étaient les femmes
mariées qui travaillaient dans les plantations, leurs rôles se
limitant principalement à la maternité, à la garderie des
enfants, aux travaux des champs, de ménages (champs, puisage, cuisine,
soins des enfants, du mari, du petit bétail (chèvres, moutons,
porcs, lapins, cobayes, le soins de la vache étant réservé
à l'homme) et de la volaille, à l' entretien de la cour et de la
maison, etc.
C'est la femme aux mille bras, infatigable et jamais
tolérée lorsqu'elle se sent fatiguée. Même porteuse
d'une grossesse de neuf mois, elle se déploie avec
témérité et personne ne prend conscience de son fardeau ni
ne cherche à la relayer. Enceinte, bébé en
bandoulière, on la voit avec une cruche ou un faisceau de bois sur la
tête, un enfant dans une main et peut-être une chèvre dans
une autre. Jamais lassée au cours de la journée, elle puise,
pile, cuisine le soir sous une fumée étourdissante, partage le
repas pour finir par entretenir son mari et se réveiller la
première le lendemain pour se remettre ainsi dans le cycle de sa vie
ordinaire.
Discours 2 : Dépravation des moeurs
Deux facteurs contribuent à la dépravation des
moeurs en chefferie de Ngweshe : la pauvreté et le contact avec le
monde environnant.
La pauvreté a conduit pas mal de filles et femmes
à la prostitution. Les centres commerciaux de Butuza, Nzibira, Walungu,
Mugogo, Kamanyola, Kankinda, Nyangezi sont des bastions de la prostitution. A
travers les villages, rare est cette fille qui se méfie de cet homme qui
lui propose un peu d'argent comme prix de son sexe. Chez les femmes
mariées, si les cas d'infidélité sont clandestins, mais
ils s'avèrent réels surtout chez les jeunes femmes. Nos
enquêtes démontrent que sur cent femmes mariées,
interrogées d'avoir connu ou désiré connaître un
autre homme que son mari, 52 pour cent ont répondu par l'affirmative.
Il n'y a pas que la pauvreté qui influence l'infidélité
des femmes. L'absence prolongé du mari y est pour beaucoup et
l'imitation ou la compagnie. L'infidélité, à travers les
villages, est commise plus avec les hommes d'Eglises, les commerçants
et d'autres hommes aux statuts émergents.
Les divers contacts avec l'étranger par
rapport au village ont favorisé aussi des contacts sexuels et des
comportements déviants. C'est le cas des femmes et des filles qui, pour
s'être déplacées de leur milieu, en revenant, elles
adoptent un comportement tout autre. Il s'agit principalement des contacts
opérés dans des centres urbains, dans des points chaux de la
chefferie et dans les carrés miniers. Chez les garçons et les
hommes, les contacts avec l'étranger et l'avènement
des hutus rwandais et de plusieurs milices et bandes armées ont
favorisé le banditisme et le viol. Nous retiendrons, cependant que des
cas de banditisme, de vol et de viols existaient bien avant au sein de la
chefferie, mais l'ampleur n'était aussi grande qu'actuellement.
C'était des faits bénins, très irréguliers et
presque spécifiques à une contrée. D'ailleurs, la case du
mushi n'était pas fermée la nuit comme le jour. A ce jour, les
cas de banditisme, de vol et des viols ont tendance à se
généraliser, à être très récurrents et
tendent à n'épargner personne. Le vol a évolué du
vol simple jusqu'au vol à mains armées. Il en est du même
du viol. Jadis, les cas des viols ne s'étaient jamais connus sur de
petites filles tout comme le meurtre ne concernait pas de petits enfants.
Au-delà des cas précités d'antivaleurs,
retenons que la notion de respect tend à se fragiliser manifestement.
Les jeunes respectent moins les adultes, les femmes respectent très
manifestement moins leurs maris alors que jadis, chez les bashi, l'homme
était pour la femme un « petit dieu »,
« un roi ». La femme appelait son mari
« Nnahamwirhu », « Nnahano »,
c'est-à-dire, le responsable de notre domaine, notre seigneur, notre
roi, au même titre que les bashi appellent le roi et Dieu
« Nnahamirhu ». Le respect entre administrés et les
chefs locaux s'est effrité.
Le mwami ou le chef du village ne disposent plus du même
respect dont ils méritaient jadis, alors que le respect envers le mwami
était sacré par le principe
suivant : « owajacire mwami arhund'enda
nkalurhanda », c'est-à dire que « quiconque
injurierait le mwami aurait un ventre aussi enflé qu'un
panier ». En fait, pour le mushi, quiconque lui était
supérieur, était pour lui un « roi » et il
lui devait, par conséquent, du respect absolu. Les instances de la
formation, de la socialisation et d'éducation du mushi de Ngweshe
étaient, au départ, la Famille et la Case des sages
« ngombe » puis, l'Ecole et l'Eglise.
La question que nous devons nous poser, à ce jour, est
de savoir qu'est devenue cette Famille, cette Ecole et cette Eglise dont les
initiés ne reflètent que peu de valeurs morales et humaines. Le
tout repose sur le manque de modèles à tous les niveaux.
La perte de l'autorité parentale a plongé la
famille dans une forme de cataclysme ; l'école, elle-même,
n'est plus un lieu d'excellence. Fraude, tricherie, corruption, monnayage des
points, relations sexuelles inappropriées, enseignements superficiels,
tribalisme, « chasse » des enfants (exclusions
intempestives des enfants de la classe pour les contraindre de s'acquitter des
frais scolaires) et bien d'autres méfaits caractérisent
l'enseignement actuel à Ngweshe, en particulier et en RDC en
général. L'enseignant n'est plus le modèle de la
société, l'homme d'Eglise non plus, car l'Eglise est
rongée par les mêmes vices et perversités qu'on retrouve
dans les écoles et chez les charlatans. Certaines Eglises, d'ailleurs,
ont été conçues comme des véritables lieux des
business ; d'autres ont dérayé de leur mission suite au
goût de lucre, de l'argent et du sexe. L'administration est pourrie, la
police et l'armée corrompues et impitoyables, la justice est
commercialisée: c'est la loi du plus fort qui domine dans tout
règlement des différends entre individus sociaux.
Au vu de ce tableau ainsi peint lugubrement, où
trouvera-t-on formé cet homme qui incarne des valeurs sociales,
le modèle de la société et qui amènera la
famille à se transformer positivement. Il y a donc une crise profonde
au sein de la famille. Il faut initier, à la base, des
mécanismes tendant à restaurer l'harmonie au sein des familles et
par ricochet au sein de toute la chefferie, car une communauté n'est que
ce sont ses familles, la famille étant le moteur de la vie humaine.
Mais quelles que soient les défaillances actuelles de
l'Etat congolais, nous devons compter sur lui et l'encourager à faire
mieux, car comme l'estime François de Singly, « le rôle
de l'Etat n'a rien de négatif. Il tend à assurer
l'individualisation la plus complète (...) bien qu'il soit le tyran de
l'individu, c'est lui qui rachète l'individu de la
société »113(*). A ce propos, Singly donne un exemple frappant de
la France dans la formation de la famille moderne :
· Au niveau juridique, avec des décisions
renforçant l'individualisation de la femme vis-à-vis de son
mari. Peuvent être citées les lois sur la contraception,
l'interruption volontaire de la grossesse, le divorce ;
· Au niveau économique, avec des mesures qui, soit
desserrent la dépendance vis-à-vis de la parenté, soit
gèrent les effets négatifs de la séparation : par
exemple la sécurité sociale, les retraites, l'allocation au
parent isolé ;
· Au niveau politique, avec les mesures dessinant des
frontières à l'individualisation des adultes en tant que parent.
On peut citer la médiation familiale, l'attention portée à
la bientraitance, l'apprentissage des parents à être
parents, l'autorité parentale114(*).
Si nous nous remettons ne fut- ce qu'à la
dernière mesure prise par la France à l'égard de ses
familles, celle d'assurer la bientraitance aux familles,
l'apprentissage des parents à être parent et établir
l'autorité parentale, nous constatons que nous sommes encore loin
d'avoir des familles stables en RDC en général et en chefferie de
Ngweshe en particulier. Nos familles évoluent comme des électrons
libres. Le jeune homme congolais se marie à l'âge très
jeune et n'est juste conscient du simple fait qu'il est marié. Quant
à maitriser le poids de son fardeau, il n'en sait rien. Seuls les
événements et les aléas de la vie l'orientent vers des
actions auxquelles il n'est pas du tout préparé. L'Etat congolais
a donc cette mission d'être plus responsable dans le comportement,
l'équilibre et la dynamique des familles.
En effet, « il est communément reconnu
à l'Etat moderne six fonctions régaliennes qui sont les
suivantes : politique étrangère, sécurité,
sécurité des biens et des personnes, respect du droit et
imposition de la justice, éducation et
santé ».115(*)
La protection l'encadrement de la famille par l'Etat s'inscrit
ainsi dans les fonctions régaliennes à tous les niveaux.
« L'Etat est censé assurer aux citoyens la
sécurité, la santé et l'éducation, les bons
services de base, la création et l' entretien des infrastructures, la
création des conditions optimales de l'emploi ».116(*) La famille ne peut jouer
pleinement ses fonctions et se transformer positivement que lorsque l'Etat joue
convenablement ses fonctions.
Discours 3 : Paupérisation et
acculturation
A travers les lignes précédentes, nous avons
évoqué les facteurs qui concourent à la pauvreté
des bashi de Ngweshe. Ce sont des facteurs liés au sol, à la
gestion du sol, à la mosaïque, au manque d'emploi, à la
faible capacité d'initiatives, et nous ajouterons, un certain esprit
bébé, attentiste, métaphysique et
théologiste qui prend de l'ampleur au sein de la chefferie. A ce
jour, les gens ont tendance plus à demander d'être aidés
qu'à travailler et produire, à croire à des
considérations abstraites et croire que seul Dieu peut tout et
qu'à tout moment, grâce à la prière, il peut tout
leur donner. Ainsi, ce sont créées des chambres de prières
où l'on veille nuit et jour à l'attente de la
bénédiction divine. Toutefois, nous ne fustigeons pas les efforts
entrepris par les habitants et desquels dépend leur existence. On
l'encouragera à plus de créativité et
inventivité.
Nous pensons que seul le travail axé sur une vision
développementaliste et fait avec rationalité et courage pourra
aider nos familles à s'acquitter honorablement de leur mission et
permettre à toute la RDC d'asseoir son historicité ou sa
capacité transformatrice.
Dans sa dynamique ordinaire liée aux époques et
aux contacts d'avec d'autres cultures, la famille de Ngweshe a perdu certaines
de ses valeurs, c'est le cas de la solidarité, la cohésion et
l'esprit de communauté. La famille de Ngweshe, à l'instar de
toute famille moderne a opté pour l'individualisme.
A ce sujet, F. Singly, citant Durkheim, estime que
« la famille moderne est un groupe avec des membres dont
l'individualité est plus grande qu'antérieurement. Ces
divergences individuelles s'accentuent, se consolident, et comme elles sont le
bien de la personnalité individuelle, celle-ci va nécessairement
en se développant. Chacun prend davantage sa physionomie propre, sa
manière personnelle de sentir et de penser. Cette individualisation des
membres de la famille limite le communisme familial puisque ce dernier suppose
au contraire l'identité, la fusion de toutes les consciences au sein
d'une même conscience commune qui les embrasse. Pour l'exprimer autrement
au sein de la famille, chacun des membres est moins défini
exclusivement par sa place qu'en tant qu'individu ou sujet.
Par la division du travail, par la croissance urbaine, la
famille est contrainte de se transformer pour permettre à ses membres
d'exprimer leur physionomie propre. Durkheim anticipe ce qui ne se mettra en
place que plus tard, à savoir une psychologisation des relations.
L'indépendance et l'autonomie de l'individu, libéré en
partie des contraintes propres à la logique d'une famille plus
communautaire ont des effets importants sur le fonctionnement interne du
groupe domestique ».117(*)
Ainsi, nos familles sont invitées à plus de
responsabilité, à orienter le changement et non pas le subir.
Bien que la contrainte de l'individualisation de la famille s'impose selon
Durkheim, il faut ne pas arriver à une individualisation absolue.
D'ailleurs, cela se fait remarquer dans bien des circonstances chez-nous :
mariages, deuils. Mais nous ne serons pas dupes, les invitations à des
mariages sont presque payées et n'y sont conviées que les
personnes ayant souscrit leurs cotisations. C'est dire que dans la dynamique
actuelle, cette individualisation de la famille est entrain de se mettre
réellement en place. On va au deuil plus chez le riche que chez le
pauvre, et donc par effet d'intérêt.
Discours 4 : Cohésion sociale et recherche des
solutions durables.
Ce discours émane des organisations de la
société civile de Ngweshe. Elles se reconnaissent de s'être
investies dans l'organisation des masses. On a su regrouper la population en de
petites associations : associations des femmes, des jeunes, des veuves,
des enseignants, mais sans avoir une coordination cohérente. Ainsi,
chaque association établie a presque évolué en vase clos,
chacune cherchait à trouver l'information et la conserver très
discrètement. Cette discrétion est due au fait que les
associations sont dans une compétitivité de trouver les bailleurs
des fonds et chacune voudrait en avoir autant que cela est possible.
Tout compte fait, l'avènement des associations n'avait
pas soudé les divers groupes de la communauté, bien au contraire,
l'on a constaté que certaines d'entre elles ont plus
développé l'esprit de haine au détriment de l'amour et la
concorde qui devait caractériser les différents groupes. Bien
d'animateurs des associations se sont désolidarisés avec leurs
membres à l'acquisition du financement et ont fissuré ainsi leurs
organisations si pas les disloquer ou les dissoudre complètement. Elles
furent ainsi des cadres des conflits et des querelles, ce qui ne permit pas de
réaliser les objectifs qu'on s'était fixés et d'affiner
les stratégies d'actions, parce qu'en plein cours d'exercice, la
mission s'effritait.
Bien plus, ces associations, au vu de leurs façons de
fonctionner, pouvaient pas initier des projets durables ni encore moins,
s'ils étaient ainsi conçus, les réaliser. D'ailleurs avec
les guerres à répétition qui ont sévi la chefferie,
les bailleurs des fonds ont privilégié ce qu'ils ont
appelé des projets d'urgence. Ce discours paraît
vraissemblement très archémique, ces locuteurs voudraient
justifier leur état, mais nous estimons qu'il faut repenser la mission,
les stratégies et le fonctionnement des organisations de chez-nous.
Discours 5 : Evangélisation et perte des
antivaleurs
En Territoire de Walungu (comprenant les chefferies de Ngweshe
et Kaziba), l'évangélisation catholique qui fut la toute
première a commencé par le groupement de Nyangezi (Karhongo). Les
missionnaires blancs belges s'installent à Nyangezi en 1906 et y fondent
la première paroisse catholique au Sud-Kivu. Une seconde paroisse verra
le jour à Burhale en 1921. Les tout premiers missionnaires vont
s'atteler à combattre l'animisme et convertir tout le monde au
christianisme, c'est-à-dire, amener tout le monde à devenir
chrétien et le tirer ainsi du gouffre du paganisme. Ainsi,
débutent l'enseignement du catéchisme et
l'alphabétisation. La tache a été ardue pour ces premiers
missionnaires, car ce fut un processus de lavage et d'une
désacculturation systématique d'un homme fermement encré
dans sa culture. Mais l'homme blanc a su s'imposer sur le mushi, l'a
endoctriné et l' a embarqué hors de ses convictions. Il va
s'observer ainsi des modifications profondes au sein de la famille, notamment
le port du nom dont le répondant ne comprend pas le sens, la croyance en
un Dieu suprême à qui l'on s'adresse uniquement en langue
inconnue du milieu, le latin, à l'époque.
A ce jour, il y a donc plus d'un siècle depuis que
l'évangélisation a vu le jour dans le Ngweshe. Quel bilan peut-on
faire de cet événement ? Nous pensons que le bilan est
globalement positif, malgré quelques failles liées aux
comportements des individus, car il faut bien le reconnaitre,90 % de nos
dirigeants sont les fruits des Eglises (catholiques, protestantes,
kimbanguistes, etc.) mais la corruption, la prédation, la concussion,
l'escroquerie, le mensonge et d'autres maux rongent tous les secteurs de la
vie.
Nous avons abordé cette question bien auparavant et
nous sommes arrivé à nous poser une question très simple,
celle de savoir ce que nous serions devenus n'eut- été l'apport
de la colonisation et plus spécialement des Eglises. En effet,
églises, écoles, hôpitaux, dispensaires, organisations
caritatives sont des oeuvres des Eglises.
Nous reconnaîtrons, ainsi, que l'Eglise a formé
l'homme de Ngweshe, l'a tiré du néant, mais n'a pas pu en faire
un véritable homme, responsable et consciencieux, d'où le
défi à relever est encore grand. L'esprit d'attentisme dont fait
montre les habitants de notre univers relève exactement de ces aspects
liés à l'irresponsabilité et à la mauvaise gestion
des ressources humaines, matérielles et financières. C'est ainsi
que la pauvreté a élu domicile dans plus de 70 % des familles de
Ngweshe. Il s'agit de familles n'ayant pas d' accès facile aux soins de
santé, ne pouvant pas manger à leur faim, ne disposant pas d'un
habitat convenable, incapables de scolariser leurs enfants et qui comptent
beaucoup sur le destin, la bienveillance divine et les miracles plutôt
que sur le résultat du travail et des efforts fournis en leur sein.
Elles demandent plus qu'elles n'offrent, elles ne sont pas compétitives
ni dans la production discursive et encore moins dans la production
matérielle.
Pour Georg Simmel, « c'est l'assistance qu'une
personne reçoit de la collectivité qui détermine son
statut de pauvre, le critère de son appartenance à une strate
spécifique de la population, une strate qui est inévitablement
dévalorisée puisque définie par sa dépendance
à l'égard des autres. Etre assisté, en ce sens, c'est
recevoir tout des autres sans pouvoir s'inscrire, du moins dans le court terme,
dans une relation de complémentarité et de
réciprocité vis-à-vis d'eux. Le pauvre,
récipiendaire des secours qui lui sont spécialement
destinés, doit accepter de vivre, ne fut- ce que temporairement, avec
l'image négative que lui renvoie la société et qu'il finit
par intérioriser, de n'être plus utile, de faire partie de ce
qu'l'on nomme parfois les indésirables »118(*). (C`est nous qui soulignons,
sauf le dernier mot qui a été souligné par
l'auteur).
Nos Eglises, et associations de développement sont,
à juste titre, restées dans cet état
d'« assistées éternelles », il n'y a eu
aucune dynamique interne au sein des Eglise et associations de Ngweshe qui
prône ou qui a réussi une autoprise en charge réelle ;
toute la démarche est tournée vers des aides
étrangères. Les projets de développement, qui sont
initiés à la base ne concourent que pour un financement
étranger et plus spécialement en provenance de l'Europe. C'est
pour cette raison, qu'étant restées quémandeurs des
financements des européens, ceux-ci, par effet de non
réciprocité, nous ont toujours considérés, selon le
terme de Simmel, comme des personnes indésirables, des majorités
inutiles.
Il faut, donc, une dynamique transformatrice positive de la
famille et de lutte contre la pauvreté qui, tenant compte des nos
ressources matérielles, humaines, financières et
environnementales, repense et construise de nouvelles stratégies de
développement autocentré et non extraverti. En effet, au sujet
de la pauvreté, le PNUD en collaboration en collaboration avec le
Ministère congolais du Plan a mené une brillante étude
intitulée « ELIMINER LA PAUVRETE
2015 ». A travers cette étude, on a
épinglé, à travers 4114 personnes enquêtées,
les principales préoccupations des populations congolaises pour lutter
contre la pauvreté telle que cela apparait à travers le
tableau ci-dessous :
Tableau n° 20 : Les
principales priorités de la population pour lutter contre la
pauvreté
en
RD Congo119(*).
N°
|
Préoccupation
|
%
|
1
|
Approvisionnement en eau potable
|
43
|
2
|
Approvisionnement en électricité
|
14
|
3
|
Construction et équipement des écoles pour
les enfants
|
10
|
4
|
Désenclavement de la
communauté/développement des transports publics
|
8
|
5
|
Construction et équipement des
dispensaires
|
7
|
6
|
Promotion des activités productives /modernisation
de l'agriculture et encadrement des paysans
|
5
|
7
|
Alphabétisation des adultes
|
1
|
8
|
Approvisionnement des produits de première
nécessité
|
1
|
9
|
Amélioration de l'assainissement
/préservation de l'environnement
|
1
|
10
|
Lutte contre les violences faites aux femmes
|
1
|
11
|
Lutte contre la corruption
|
2
|
12
|
Lutte contre l'insécurité urbaine et
rurale
|
1
|
13
|
Lutte contre l'impunité
|
1
|
14
|
Emploi des jeunes
|
1
|
15
|
Autres à préciser
|
1
|
16
|
Total
|
100
|
|
Effectif
|
4114
|
Source :
RDC, Rapport Pays 2010, Eliminer pauvreté 2015, c'est possible
Commentaire
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celui de ceux qui ont produit ce rapport, nous donnons en toute
honnêteté le leur. Ils estiment que : « la
situation sanitaire est préoccupante : l'espérance de vie
à la naissance est très faible (45 ans), les hôpitaux sont
souvent dépourvus des équipements indispensables et des
médicaments nécessaires pour les soins
élémentaires. En conséquence, de plus en plus des malades
recourent à l'automédication ou à la médecine
traditionnelle. La sécurité alimentaire n'est pas garantie et la
malnutrition sévit, plus particulièrement dans les provinces
touchées par la guerre.
De nombreux enfants d'âge scolaire ne sont pas
scolarisés et les discriminations en défaveur des filles
persistent surtout en milieu rural. L'enseignement est intégralement
à charge des parents, dont les revenus se sont fortement
amenuisés. L'accès aux autres services publics tels que l'eau
potable, l'électricité, l'assainissement, le transport, est en
constante régression. L'accès au logement est lui-même de
plus en plus précaire surtout dans les centres urbains à cause
d'une offre d'hébergement insuffisant en quantité et
qualité des logements accessibles aux catégories
défavorisées de la population »120(*).
Nous estimons que ces éléments tels repris ici
dans ce rapport sont valables en ce sens qu'ils justifient l'exacerbation de la
pauvreté des populations congolaises et par surcroît le
déséquilibre des familles au sein de la République
Démocratique du Congo en général et de la Chefferie de
Ngweshe en particulier. Néanmoins, le Gouvernement en collaboration avec
les Nations Unies se sont déterminés à éradiquer
ces fléaux dans un projet quinquennal, soit d'ici 2015. Le voeu est
noble, très ambitieux, louable et encourageable.
Cependant, à notre niveau, nous pensons que la RDC ne
réussira pas à relever tant de défis tant qu'elle n'aura
pas réussi à éduquer le congolais sur le plan civique,
sur le respect et l'appropriation des biens communs, sur la rationalité
comme mode et de comportement et de gestion des biens tant privés que
communautaires et publics.
Or, le rapport semble avoir fustigé cet aspect qui, du
reste est très fondamental même si le rapport
relève la notion de la corruption qui gangrène le pays, mais les
auteurs ne donnent ni les facteurs ni, moins encore, les modes et le processus
d'éradication. Outre cet aspect fondamentalement nécessaire pour
bâtir une nation, le rapport ne met pas l'accent sur la notion du travail
qui doit être sacré et identifié à travers toutes
les strates sociales raisonnables.
En effet, dans une étude réalisée par le
Gouvernement de la Province du Sud-Kivu en 2011, il s'avère qu'il y a un
déficit des besoins alimentaires pour les populations de la province.
Comment pourra-t-on combler ce déficit si la population ne se met pas
manifestement au travail ? Comment créer une adéquation
entre la population et les ressources nécessaires pour sa
survie ?
Voici comment le rapport illustre cette situation peu
convenable pour la survie des populations du Sud-Kivu en général
et de Ngweshe en particulier.
Tableau n° 21 : Besoins
alimentaires dans la Province du Sud-Kivu121(*)
N°
|
Spéculation
|
Besoins (tonnes)
|
Production (en tonnes)
|
Ecart en tonnes
|
|
1. Mais
|
258 696
|
89 967
|
-168 729
|
2
|
Manioc
|
233 513
|
208 243
|
-25 269
|
3
|
Riz
|
130 493
|
1119
|
-129 374
|
4
|
Haricot
|
155 676
|
65 338
|
-90 338
|
5
|
Arachide/amarante
|
107 599
|
15 681
|
-91918
|
|
Total
|
885 977
|
380 348
|
-505 629
|
Source :
Inspection provinciale de l'Agriculture, Elevage et Pêche/Sud-Kivu.
Figure n° 10, 11 et 12 : les besoins
alimentaires dans la Province du Sud-Kivu
Que pouvons-nous retenir de ces
données ?
Au vu de ces données, il est clair que la
situation alimentaire est chaotique. L'écart des productions par rapport
aux besoins alimentaires est de 57 %, ce qui revient à dire que la
production agricole n'atteint que 47 % de la population. Que devient en ce
moment là la portion majoritaire ? Il s'opère
automatiquement un partage. Toute la population du Sud-Kivu ne satisfait ses
besoins alimentaires qu'à 47%. Cette insuffisance entraîne,
certes, des répercussions néfastes sur la population, c'est entre
autres la malnutrition, la mortalité infantile, la morbidité
facile et récurrente, des pathologies sociales telles que : la
prostitution des mineures, l'abandon de la famille, les enfants de la rue et
ceux dans la rue, le vol, l'escroquerie, l'extorsion, etc.
Pour combattre ces fléaux, il faut un travail assidu et
rationnalisé, il faut procéder à la redistribution des
terres en milieu rural et plus particulièrement à Ngweshe
où le paysan moyen n'a plus que peu de terres cultivables. La gestion
des marais devrait être repensée et ceux-ci devraient être
saisonnièrement drainés afin d'accéder à leur
exploitation et production maximales. Il faut, ensuite, mettre sur pied une
politique agricole adéquate fondée sur la révision des
modes culturales ; disponibiliser les semences
améliorées ; former régulièrement les
paysans ; créer des coopératives et diversifier des
écoles agricoles.
Discours 6. Dynamique de changement social sur base des
projets conçus et exécutés collectivement.
Ce discours est une émanation des associations de la
société civile engagées dans la dynamique de la
transformation positive du vécu quotidien et donc, par ricochet, dans la
recherche de l'équilibre familial. En effet, les ONG et associations de
développement initient des projets sur base de problèmes
observés et vécus sur le terrain. Elles élaborent un
projet qu'elles soumettent aux bailleurs des fonds lesquels financent ou non.
Mais, dans la plupart des cas, les bailleurs des fonds sélectionnent les
partenaires sur base de leurs domaines d'interventions ou imposent au
partenaire le domaine dans lequel il doit s'inscrire pour
bénéficier du financement et donc, les ONG locales se conforment
plus aux desiderata des bailleurs des fonds qu'à leurs objectifs et les
besoins réels de terrain.
C'est ainsi que depuis 2006, beaucoup de partenaires se sont
engagés plus dans des projets de lutte contre le VIH/SIDA et la lutte
contre les viols et violences sexuels et toutes les organisations
récipiendaires de financement se sont enlisées dans ces domaines.
On dirait ainsi qu'il n'y a pas à Ngweshe d'associations
professionnalisées dans la recherche des solutions aux problèmes
locaux, toutes sont inféodées aux désirs des bailleurs des
fonds. Nous verrons plus loin ce qui a été réalisé
par les organismes onusiens, ONG locales, nationales et internationales.
Il est donc vrai que les interventions des ONG ont
été manifestes dans certains domaines et dans certains endroits,
mais il faut relativiser le fait que cela ait été conçu ou
réalisé collectivement. Pour la plupart des cas, c'est
l'intervenant qui, à la phase primaire, commence par cibler un milieu,
en identifie un besoin réel pour une ou des catégories de la
population, initie un projet sans elle et qui l'exécute avec ou sans
elle.
Discours 7. Démocratisation et reconstruction du
pays grâce au bon sens du politique
Les leaders politiques et les officiels contactés
estiment que « l'Etat a beaucoup fait pour le bien-être de
ses citoyens compte tenu de la large trajectoire que le pays venait de
traverser : des élections libres et démocratiques ont
été organisées, des routes, des écoles, des centres
de santé construits ou réhabilités, des fonctionnaires et
agents de l'Etat mieux payés qu'auparavant ».
(Sic)
Certes, certains de ces aspects demeurent réels, mais
cela n'est pas sans critique, car l'Etat n'a pas tenu globalement ses
promesses :
Primo, les élections municipales et locales desquelles
devaient provenir des représentants du peuple à la base n'ont
jamais eu lieu depuis 2006 (nous sommes en 2012) alors que la première
législature d'avec laquelle elles devaient être presque
couplées vient de se terminer. La chefferie de Ngweshe, comme d'autres
chefferies du pays, n'a pas d'assemblée locale ;
Secundo, on peut tout faire, construire de grands
édifices, des routes, ..., mais tant qu'on n'a pas construit
l'homme juste et rationnel, respectueux de lui-même, des autres, des
biens publics, tant qu'on n'a pas institué des mesures absolues de
sécurité permanente des personnes et des biens, une justice pour
tous, toute oeuvre humaine ne servirait qu'à rien.
Or, c'est à ce niveau que tout semble capoter. La
corruption a élu domicile dans tout le pays et dans tous les secteurs,
l'immoralité ne semble gêner personne. Les antivaleurs prennent le
dessus sur les valeurs. Partout, on vole, on triche, on pille, on s'approprie
sans vergogne les biens de l'Etat. Malade, écolier, prisonnier,
subissent le fouet pécuniaire.
Pour exemple, dans une conférence que nous avons
tenue, le 6/12/2011, au siège de la chefferie à Walungu sur
« la dynamique familiale dans un processus
démocratique », les participants demandent au Commandant de la
Police présent à ces assises, de leur parler de
« frais de remise de nourriture » aux
détenus qu'exigent inlassablement ses policiers commis à la garde
des prisons de Ngweshe. Ce dernier répond, par exclamation, que si l'on
ne dénonce pas, la situation ne pourra que continuer. Alors, cette
question n'était-elle pas vraiment une dénonciation ?
Encore qu'elle n'ait pas été la première qu'il eut
entendue.
Comme dit plus haut, il conviendrait pour tout congolais des
séances de nationalisme et de civisme. Construire un Etat, c'est
d'abord et surtout construire l'homme rationnel.
Tertio, le programme du Chef de l'Etat et de son Gouvernement
fondé sur les cinq chantiers (Infrastructures, Eau et
Electricité, Emploi, Logement, Santé et
Education) n'a été qu'un voeu pieux, bien qu'il
y ait eu quelques bribes de réalisations dans le domaine des
infrastructures. Pour mémoire, voici ce qu'envisageait le Programme dit
des Cinq chantiers à travers le financement de la Chine :
Tableau n° 22 : Liste des
travaux des infrastructures financés par la Chine en RDC en
2006
N°1
|
PROJET DES CHEMINS DE FER
|
LONGUEUR EN Kms
|
Genre des travaux
|
|
1
|
Tenke-Kolwezi-Dilolo
|
|
Réhabilitation et construction
|
|
2
|
Sakania-Lubumbashi-Sakania
|
1 833
|
Modernisation
|
|
3
|
Kinshasa-Matadi
|
365
|
Modernisation
|
|
4
|
Ilebo - Kinshasa
|
1 015
|
Construction
|
N°2
|
|
PROJET ROUTES
|
|
|
|
|
CONSTRUCTION ROUTES BITUMEES
|
|
|
|
1
|
Kasindi-Beni-Komanda-Niama
|
520
|
Construction
|
|
2
|
Komanda- Bunia
|
7
|
Construction
|
|
3
|
Lubumbashi-Kasomeno-Kasenga
|
1015
|
Construction
|
|
4
|
Kasomeno-Pweto
|
336
|
Construction
|
|
5
|
Bukavu - Kamanyola
|
55
|
construction
|
|
6
|
Likasi - Kwolwezi
|
180
|
Construction
|
|
7
|
Brelelie - Moba
|
462
|
Construction
|
|
8
|
Pweto - Kalemie - Fizi
|
730
|
Construction
|
|
9
|
Bukavu - Goma- Beni
|
590
|
Construction
|
|
10
|
Nania - Bafaswende - Kisangani
|
363
|
Construction
|
|
|
REHABILITATION DES ROUTES ASPHALTEES
|
|
|
|
11
|
Matadi - Boma
|
135
|
Réhabilitation
|
|
12
|
Uvira - Kamanyola
|
85
|
Réhabilitation
|
|
13
|
Moanda - Banana
|
09
|
Réhabilitation
|
|
14
|
Mbujimayi - Mweneditu
|
135
|
Réhabilitation
|
|
15
|
Kananga - Mbujimayi - Kasongo - Kindu
|
887
|
Réhabilitation
|
|
16
|
Kolwezi - Kasaji - Dilolo
|
426
|
Réhabilitation
|
|
17
|
Dilolo-Sandoa-Kapanga-Kananga
|
709
|
Réhabilitation
|
|
18
|
Kasaji - Sandoa
|
139
|
Réhabilitation
|
|
19
|
Boma - Moanda - Yema
|
125
|
Réhabilitation
|
|
20
|
Ninia - Isiro
|
232
|
Réhabilitation
|
N°3
|
|
PROJETS VOIRIE URBAINES
|
|
|
|
1
|
Ville de Kinshasa
|
|
Réhabilitation
|
|
2
|
Autres villes
|
Toutes
|
Réhabilitation
|
N°4
|
|
CONSTRUCTION ET EQUIPEMENT DES HOPITAUX
|
|
|
|
1
|
10 Hôpitaux et 150 lits par province
|
|
Construction
|
|
2
|
Hôpital centre de Kinshasa
|
|
Construction
|
N°5
|
|
ENERGIE (ELECTRICITE)
|
|
|
|
1.
|
Barrage hydroélectrique de Katende (Kas. Occ.)
|
|
Construction
|
|
2.
|
Barrage hydroélectrique de Kakobola (Bandundu)
|
|
Construction
|
|
3.
|
Réseau de distribution électrique de Kinshasa
|
|
Réhabilitation
|
|
4
|
Réseau de distribution électrique de Lubumbashi
|
|
Réhabilitation
|
N°6
|
|
CONSTRUCTION ET REHABILITATION DES CENTRES DE FORMATION
AUX METIERS
|
|
Construction et réhabilitation
|
N°7
|
|
HABITAT
|
|
|
|
1
|
Construction de 2.000 logements sociaux
|
|
Construction
|
|
2
|
Construction de 3.000 logements sociaux en provinces
|
|
Construction
|
N°8
|
|
CENTRES DE SANTE
|
|
|
|
1
|
145 Centres de santé et 50 lits, soit un centre de
santé par territoire
|
|
Construction
|
N°9
|
|
CONSTRUCTION DES UNIVERSITES
|
|
|
|
1
|
Construction des deux universités modernes
|
|
Construction
|
Source : Ministère des infrastructures,
travaux publics et infrastructures.
Interprétation :
Ce tableau démontre neuf projets principaux que la
Chine voudrait financer en République Démocratique du
Congo : il s'agit des chemins de fer, la construction ou la
réhabilitation des routes asphaltées ou en en terre, la
construction des hôpitaux, des centres de santé, des logements
sociaux, des aéroports et ponts, la construction des barrages
hydroélectriques, la réhabilitation des réseaux
électriques, la construction des universités modernes.
Concrètement, la Chine s'engage, de par le contrat
établi entre elle et la RDC, à construire 10.237 Kms de
routes ; 3.213 Kms de chemin de fer à réhabiliter ou
à moderniser ; 2.518 kms de routes en terre. La Chine va
construire 2000 logements sociaux à Kinshasa et 3000 autres dans les
provinces ; 10 hôpitaux par provinces d'une capacité de 150
lits et 145 centres de santé ayant chacun la capacité de 50 lits.
Il existe d'autres accords entre la RDC et la Chine, mais le plus illustre
contrat demeure celui dont nous venons d'esquisser quelques clauses. Vue
l'immensité de cet accord, il a été appelé par des
observateurs « le contrat du
siècle ». On se souviendra que pendant trente ans, la
Chine jouira d'une exonération fiscale et de l'exploitation
minière en RDC.
Il va sans dire que le projet ne se réalisera pas en
cinq ans et que ce contrat s'étendrait sur trente ans. Ce qui est
important est que si le projet se fait avec rationalité et que
l'administration congolaise se montre compétente dans l'exécution
des clauses du contrat, il s'opérera une nouvelle dynamique au sein des
familles de la RDC en général, car c'est chaque contrée
qui en est bénéficiaire. Plaise à Dieu que ces voeux se
réalisent au profit des familles de la RD Congo.
6.1.3. Analyse interactionnelle, interprétation
praxéologique et établissement des
équations
symboliques.
Les discours des interlocuteurs au sein des familles de
Ngweshe ci-haut relevés pendant et après les hostilités
ont gravité autour des thèmes relatifs au désespoir,
à l'espoir et à la prise en charge. L'analyse discursive sera
replacée à deux niveaux : interne et externe.
Au niveau interne, les locuteurs et les auditeurs se
retrouvent dans une même société-histoire, la chefferie de
Ngweshe, et disposent chacun d'une expérience et d'une conscience
particulière de vie. Ce sont des populations locales qui n'avaient pas
connu de guerre pendant des décennies pour les uns et pour les autres,
le concept de guerre était tout simplement étrange. Donc, cette
situation a beaucoup et affreusement joué sur le comportement familial
et celui de l'environnement au sein de la chefferie : massacres, viols,
déplacements massifs des populations, pillages, dévastations du
bétail, des récoltes et de l'environnement. Ainsi, à ce
niveau interne, les discours sont tels que les uns parlent, les autres
écoutent et vice-versa, mais on remarque au terme de l'analyse que les
discours véhiculent un seul message, celui de l'inquiétude
permanente qui caractérise les familles. Ce discours est placé
théoriquement dans ce que nous appelons, dans cette étude,
l'interactionnisme discursif monocentré
représenté par la figure ci-dessous:
Schéma n° 7 : L'interactionnisme
discursif monocentré
Population
Situation en présence
Peur et
fatalité
Production discours relatif à la situation
Source : enquêtes sociologiques
Dans l'interactionnisme discursif monocentré, les
familles de Ngweshe développent spontanément des discours qui
sont axés sur la situation du moment. Dans le cas
d'espèce, il s'agit d'une situation de guerre qui inspire peur et
fatalité à la population laquelle, une fois
désorientée, incapable de se maintenir, ne parvient plus à
produire un discours contraire au précédent. Tout
élément discursif est centré sur un seul thème.
Au niveau externe, il se développe un
discours tout autre que nous appelons, à notre niveau, «
l'interactionnisme discursif tricentré ». Il s'agit
d'un nouveau sentiment qui naît dans l'esprit d'une portion des
personnes, au sein des familles, qui ont vu et vécu les
événements mais qui estiment que la situation peut changer
positivement moyennant l'effort de tout un chacun et qui, par ricochet, ont
foi en ce changement. Ces personnes prêchent que même dans un
état de guerre, la vie peut favorablement continuer à la seule
condition qu'on adopte de nouveaux mécanismes de vie plus adaptés
à la situation du moment.
L'interactionnisme discursif tricentré est donc une
expression des discours entre acteurs sociaux basés non seulement sur
les discours en tant que tels mais aussi sur les actions qui peuvent être
menées dans le but de procéder à une transformation
durable des états et situations vécus au sein de
l'environnement. Ce qui est important, ici, c' est qu'à chaque
niveau, pour le bien-être des familles, les acteurs sociaux
interagissent, se concertent, planifient, proposent, définissent des
stratégies et agissent plus ou moins rationnellement. Dans ce
processus, divers acteurs de différentes catégories et de divers
secteurs interviennent. Il s'agit, en fait, d'une «trilogie
développementiste », qui est le soubassement de
l'interactionnisme discursif tricentré comme l'illustre le schéma
ci-dessous :
Schéma n° 8: L'interactionnisme discursif
tricentré
ONG à tous les niveaux
Population
Associations locales de développement
Source: Enquêtes sociologiques
Commentaire :
C'est à travers cet interactionnisme discursif
tricentré que s'est produite une prolifération des
associations locales de développement. En de nombreux acteurs sociaux
s'est développé le reflexe de s'insérer dans cette
trilogie pour parler au nom de la population et gagner de l'argent. Toutes ces
associations naissantes se situent dans ce que nous avons appelé
la « triade opérationnelle
d'interventions »122(*).
Cette triade explique que toute ONG dispose de trois
pôles en interaction et en harmonie, elle comprend :
- le pôle structurel (PS) : il s'agit de tous
les organes dirigeants (Assemblée générale, Conseil
d'administration, Comité exécutif...) ;
- le pôle manifestatoire (PM) : c'est la base
à travers laquelle apparaissent toutes les actions, les forces et les
faiblesses de l'organisation.C'est le monde du
travailleur-bénéficiaire de l'aide ou de l'appui apporté
par le pôle structurel ;
- le pôle de propulsion ou pôle d'appui (PP
ou PA) : il est communément appelé « bailleurs des
fonds » et par modestie, « partenaires » bien que
le terme de partenaire implique une certaine réciprocité. La
triade opérationnelle d'interventions se représente de la
manière ci-après :
Schéma n° 9 :
La triade opérationnelle d'interventions.
Pôle structurel
Pôle d'appui
Pôle manifestatoire
ou de propulsion
N.B. Ces pointillés signifient que le contact peut
ne pas exister entre le pôle d'appui et le pôle manifestatoire et
que même ce dernier peut ignorer l'existence de l'autre. Exemple :
dans un village de Burhale, les familles se réjouissent du fait que le
Comité anti-Bwaki a capté en leur faveur 5 sources d'eau potable,
mais ces familles n'ont jamais été mises au courant de la
personne ou de l'organisation qui a financé le projet.
La triade opérationnelle d'interventions exige des
interactions et de l'harmonie en son sein sous peine de provoquer du
déséquilibre entre acteurs et, ainsi, faire perdre la
notoriété et l'impact de l'organisation dans sa zone
d'interventions.
En principe, une organisation musclée peut fonctionner
sur base des pôles structurel et manifestatoire. Ceci
signifie que chaque membre, à ces deux pôles, contribue
rationnellement et substantiellement au prorata de ses ressources et au profit
de l'organisation. Mais ce que l'on a constaté au sein de notre milieu
d'étude est que les deux pôles fixent le regard et n'attendent
tout appui que du pôle de propulsion. Ils sont ainsi
bénéficiaires, dépendantes et fort attentistes. Ils
fonctionnent selon le vouloir et le dire des bailleurs des fonds.
Il s'observe ainsi un décalage économique et
financier entre le pôle structurel (qui, du reste n'apparaît que
comme un système transitoire) et le pôle manifestatoire ou
l'espace bénéficiaire de l'aide qui, dans la plupart des cas, ne
reçoit que des miettes du financement au détriment du pôle
structurel. Pour bon nombre des personnes, le pôle manifestatoire
constitue un tremplin pour le pôle structurel. Ses membres se taillent un
statut socio-économique alléchant sur base des rôles qu'ils
exercent au sein de ce pôle.
L'octroi des fonds par le pôle de propulsion au
pôle structurel s'effectue sur base des projets minutieusement
montés par ce dernier avec des objectifs clairs, des stratégies
fort adaptées et une budgétisation qui, dans la plupart des cas,
surélève les prix et les dépenses.
Ce projet soumis au bailleur des fonds est un discours au vu
duquel le bailleur, convaincu de la pertinence des besoins exprimés dans
le domaine d'interventions qu'il a orienté, décaisse de l'argent
pour atténuer tant soit peu la misère de la population au nom de
laquelle le pôle structurel émet le projet. Dès
la conception du projet, les animateurs du pôle qui l'érigent,
demeurent assurés de gagner des dividendes si le projet est retenu. Par
conséquent, le discours contenu à travers le projet contient
beaucoup de distorsions amplifiantes. Il a pour rôle d'émotionner
le bailleur des fonds. Il s'agit, donc, des discours archémiques
modernisateurs à l'égard des populations dites
bénéficiaires. Les animateurs des associations de
développement, au sein de Ngweshe, parlent plus pour eux-mêmes
que pour la population dite cible.
Il y a, donc, à travers ces discours une fonction
latente non connue et non voulue tant par les bailleurs des fonds que par la
population. Ces discours disposent aussi d'un caractère endormant, car
le pôle structurel s'exprime en termes et concepts visant à amener
les bailleurs des fonds à s'apitoyer sur la question sociale
présentée par lui.
C'est qui est alarmant, est qu'au sein du même
pôle structurel, les violons ne s'accordent pas toujours entre les
dirigeants. Certains « bouffent » plus que d'autres. Le
critère de compétence, de fondateur ou de co-fondateur tend, de
plus en plus, à être remplacé par l'appartenance familiale
surtout lorsque l'association accède ou tend à accéder
à des financements. Les dirigeants se tiraillent entre eux-mêmes
et leurs tiraillements provoquent du malaise au sein des familles respectives
et collatérales. Les dirigeants se combattent entre eux, entretiennent
des discours discordants et déçoivent tant les bailleurs des
fonds que les familles engagées dans le projet. L'aspect de la non
permanence et de non durabilité des organisations locales de
développement au sein de Ngweshe réside dans trois facteurs
principaux :
· Les fissures régulières au sein des
organisations basées sur des intérêts égoïstes,
familiaristes et la lutte pour le leadership ;
· Le manque des fonds propres, des frais de
roulement : pas de souscription financière des membres pour la
survie de l'association, chacun ne comptant que sur les financements
extérieurs ;
· L'opacité dans la gestion et le manque de
professionnalisme, ce qui attire les animateurs à l'esprit
d'opportunisme et d'immédiateté.
6.1.4. Fonction latente des discours intrapolaires
Au niveau de la triade opérationnelle d'interventions,
les discours se présentent de la manière
différente :
Schéma n° 10 : Sens des discours dans la
triade opérationnelle
P.S
Discours
Discours
pakaviliste archémique
modernisateur
ou
endormant
P.P/P.A
P. M
Discours
généléxémique
Légende :
PS=Pôle structurel, PM=Pôle manifestatoire, PP ou PA=Pôle de
propulsion ou pôle d'appui.
Tel que dit précédemment, au niveau du
pôle structurel et manifestatoire, les discours se présentent de
la manière suivante :
· Archémique-modernisateur entre ces deux
pôles précités, mais il devient
généléxémique-affirmatif dans le sens inverse. La
population exprime véritablement son dessein envers les dirigeants
associatifs, elle évalue, apprécie et, parfois, mais rarement,
conteste les actions menées. Elle se résigne en ces termes :
« ce n'est pas nous qui leur avons fait accéder au niveau où
ils sont ».
· Disposant d'une fonction symbolique, le pôle
structurel cache certains éléments de sa pensée au public.
La fonction discursive latente étant devenue manifeste, cela plonge la
population dans l'étonnement et si cela est avéré, le
pôle de propulsion peut diligenter un audit interne. Bon nombre
d'associations opérant au sein de notre univers se sont
avérées comme ayant détourné des fonds, des biens,
des vivres et nos vivres destinés à la population. Nous nous en
tenons aux déclarations de nos enquêtés mais nous nous
interdisons de citer nommément lesdites associations pour la simple
raison que nous n'avons pu accéder ni à leurs bilans réels
ni aux considérations chiffrées de leurs bailleurs des fonds. En
fait, la fréquence de ce genre des détournements persiste du fait
que l'octroi des fonds n'est pas canalisé à travers un
système de contrôle initié localement et collectivement. A
titre d'exemple, si au sein de la chefferie, un projet devait être
financé pour le captage de dix sources dans un village, la population,
l'autorité locale, toutes, devraient être informées,
dès le départ, du montant mis à leur disposition et des
actions prévues afin qu'une commission de contrôle et de suivi
soit constitué ad hoc. Faute d'une telle commission locale, bien de
projets ne profitent pas équitablement aux
bénéficiaires.
A titre d'exemple, on a vu, avec beaucoup d'amertume, des
camions pleins de vivres et non-vivres retourner à Bukavu d'où
ils étaient venus chargés des vivres et non- vivres
destinés aux familles déplacées, affaiblies,
dépouillées par la guerre et fuyant les exactions des bandes
armées parce que, tout simplement l'organisation qui les avait
réceptionnés préférait les vendre à son
profit égoïste. On a vu, aussi, les responsables locaux faire
figurer sur les listes des distributions de ces vivres et non-vivres, des
personnes non concernées par les affres de la guerre, des personnes
nanties et vivant à Bukavu, des personnes fictives, et supprimer de ces
mêmes listes les noms des personnes dépourvues de tout. On a vu,
en même temps que la distribution n'était pas
équitable : la quantité des biens reçus
dépendait plus du statut de la personne à qui l'on donnait des
vivres et non-vivres.
Ce comportement a été décrié par
la population et a discrédité biens d'associations et même
certains responsables des Eglises. Il est donc important que soit
cultivé au sein de nos familles l'esprit d'amour du prochain, du travail
bien fait, d'honnêteté, de rationalité et
d'auto-évaluation permanente pour enrayer tant d'antivaleurs et tendre
vers une famille plus stable et plus rationnelle.
6.1.5. Caractéristiques des organisations de
développement locales opérationnelles à
Ngweshe
Toutes les organisations enquêtées
présentent les caractéristiques suivantes :
· La multisectorialité :
elles embrassent plusieurs secteurs ou domaines d'interventions à la
fois car ne sachant pas quel domaine intéressera le bailleur des
fonds ;
· Le manque de technicité :
peu d'acteurs de ces associations sont formés dans les domaines
où ils interviennent : ce sont des amateurs opportunistes. On les
retrouve dans les droits de l'homme, gestion des conflits,
sécurité alimentaire, VIH/Sida, développement
communautaire, (...), mais on sent qu'ils n'ont pas les atouts
nécessaires d'intervenir en de telles matières. Les
éléments qui contribuent à ce manque de technicité
sont multiples, mais nous en retiendrons spécialement cette
multisectorialité qui fait qu'on embrasse plus qu'on ne le
peut, et l'exode rural qui dépouille du milieu de personnes
qui pouvaient agir convenablement.
· La familiarité : les
conditions sur lesquelles l'on base pour copter, engager un membre au sein
d'une organisation reposent sur des liens familiaux et ou amicaux. Ce
critère de sélections a des inconvénients sur
l'organisation : le reproche, la réprimande, le contrôle,
l'évaluation de l'agent se font difficilement compte tenu du regard, du
respect et de la reconnaissance qu'on se doit mutuellement. Tout cela conduit
à la mauvaise gestion : on se fixe de bons objectifs, on
élabore de bons projets, mais on ne saura jamais exactement les
atteindre et les exécuter malgré les moyens disponibles, on ne
parviendra jamais les réaliser compte tenu de la politique de protection
mutuelle et de discrétion entre les acteurs. Il s'observe un manque de
communication sincère entre membres d'une même association.
6.2. Apports des ONG aux familles de Ngweshe
A travers cette rubrique, nous énumérerons les
organisations (onusiennes, internationales, nationales, locales, les Eglises),
qui se sont déployées sur la chefferie en des projets d'urgences
ou durables et qui ont influé négativement ou positivement sur le
comportement de la famille en ce lieu. Ces données émanent, en
grande partie du Bureau de Développement ou Bureau Matabaro de
Ngweshe ; d'autres de différents interlocuteurs tels
présentés dans notre échantillon. Ensuite, nous
présenterons les actions réalisées pour terminer par une
analyse critique sur les actions menées et leurs stratégies mises
en place.
6.2.1. De grandes organisations au secours des familles de
Ngweshe
Il s'agit principalement de : CICR, CRS, UNPA, UNICEF,
FAO, FSR, IRC, CARITAS, MALTESER, BCECO, CAMPS, etc.
6.2.2. Actions réalisées
Tableau n° 23 : Visibilité
d'interventions des humanitaires au profit des familles de
Ngweshe
N°
|
Organisation
|
Domaine
|
Actions menées
|
Bénéficiaires
|
Groupement
|
Objectif
|
Impact
|
1
|
FAO
|
Développement
Durable
|
Approvisionnement en boutures de manioc
|
Familles vulnérables
|
Kaniola, Mulamba, Tubimbi, Lubona, Izege
|
Lutter contre la mosaïque du manioc
|
Peu perceptible
|
|
FAO
|
Urgences
|
Distribution vivres et kits de ménages
|
Familles vulnérables retournées
|
Kaniola, Mulamba, Burhale, Tubimbi, Mushinga, Izege
|
Appui aux ménages vulnérables
|
Insignifiant
|
2.
|
IRC
|
Développement communautaire
|
Octroi microcrédits
|
Familles vulnérables
|
16 groupements
|
Autopromotion des ménages
|
Projets en cours
|
3
|
CICR
|
Urgences
|
Distribution vivres et non vivres
|
Familles vulnérables
|
16 groupements
|
Appui aux ménages vulnérables
|
Insignifiant
|
4
|
CRS
|
urgences
|
Réhabilitation des centres de santé
|
Toute la population des milieux concernés.
|
Nyangezi kaniola, Mubumbano, Walungu
|
Accès aux soins de santé primaire
|
Satisfaisant
|
5
|
MONUSCO
|
Routier
|
Population
|
Réhabilitation routes de desserte agricole
|
Tronçons Burhale-Mulamba et Kashanja-Walungu
|
Favoriser le trafic entre communautés
|
Insignifiant
|
6
|
Comité anti-Bwaki
|
Routier
|
Réhabilitation routes de desserte agricole
|
Population
|
Tronçon walungu-Cagala
|
Favoriser le trafic entre communautés
|
Insignifiant
|
7
|
BCECO
|
Education
|
Construction écoles
|
Elèves et parents
|
Ep Cihambe, Lukumbo, Izirangabo, Nduda, Nyakakoba
|
Favoriser conditions d'étude
|
Satisfaisant localement
|
8
|
CAMPS
|
Autopromotion
|
AGR
|
Familles vulnérables
|
Tubimbi et Kaniola
|
Favoriser l'alimentation
|
Insignifiant
|
9
|
MALTEZER
|
Urgences
|
Approvisionnement des hôpitaux et centres de santé
en médicaments
|
Malades
|
16 groupements
|
Accès aux soins de santé primaire
|
Significatif
|
10.
|
UNPA
|
urgences
|
Enfants victimes des violences sexuelles
|
Associations intervenant dans ce secteur
|
walungu et Mulamba, kaniola
|
Encadrer enfants victimes des VAS
|
insignifiant
|
11
|
UNICEF
|
Education
|
Réhabilitation écoles
|
Elèves et parents
|
25 écoles primaires
|
Rendre les écoles viables et les équiper en kits
scolaires
|
Insignifiant
|
12
|
CARITAS
|
Education
|
Réhabilitation écoles
|
Elèves et parents
|
Ikoma, Mugogo, Burhale
|
Réhabiliter les infrastructures
|
Insignifiant
|
13
|
SFC
|
Urgences
|
Réhabilitation écoles
|
Elèves et parents
|
EP Irhaga, Ituliro, Ntabunge, Izege, Cirhundu,Shirikisho
|
Améliorer les conditions d'études
|
Insignifiant
|
14
|
WOMEN FOR WOMEN
|
Développement durable
|
Sécurité alimentaire
|
population
|
Walungu
|
Accroitre l'alimentation
|
Insignifiant
|
15
|
CHB
|
Sécurité alimentaire
|
agropastoral
|
population
|
Mulamba,kaniola, Burhale
|
Accroître l'alimentation
|
insignifiant
|
Source : Bureau de développement (ou Bureau
Matabaro) de la Chefferie de Ngweshe, Rapport annuel 2009.
Commentaire
Le tableau ci-dessus reprend le nombre des organisations
internationales et nationales qui ont couru à la rescousse des familles
de Ngweshe pendant et après les hostilités et qui ont
inspiré une nouvelle dynamique au sein des familles. Ces interventions
ont concerné principalement les urgences axées sur
l'approvisionnement de la population en vivres (haricot, farine de mais, riz,
huile végétale, etc.) et non vivres (couvertures, savons, bidons,
assiettes, casseroles...), la réhabilitation des écoles,
l'approvisionnement en médicaments de première
nécessité.
La mention « Insignifiant »
existant dans la dernière colonne concerne l'intervention de
l'organisation par rapport à l'ensemble de la Chefferie, mais si l'on
tient compte de la sommation des interventions par rapport aux besoins de
l'entité, ces interventions demeurent très significatives surtout
dans le domaine des écoles, car à ce jour, la chefferie de
Ngweshe dispose de meilleures écoles par rapport au reste de la Province
du Sud-Kivu. Ngweshe compte 166 écoles primaires, 58 écoles
secondaires, soit 220 écoles et 7 instituts supérieurs.
L'intervention en construction et en réhabilitation physique a
concerné environs 30 écoles et 25 autres ont
bénéficié des kits scolaires. Même si la Chefferie a
minimisé l'ampleur des actions, nous estimons sur base des
données de terrain, que l'intervention est à prendre avec grande
considération. Les parents dont l'intervention a touché leur
école se sont dits satisfaits de l'action menée par ces
humanitaires, car, il faut le rappeler ce sont les parents qui se chargent de
la construction et réhabilitation des écoles et la paie des
enseignants. Et donc, la rubrique « frais de construction »
a été élaguée dans certaines écoles, ce qui
ne pouvait que réjouir les parents concernés. La chefferie a
émis le voeu de voir le projet s'étendre sur les autres
écoles.
Selon les habitants bénéficiaires de ces aides,
ils déclarent avoir manifesté leur joie d'avoir été
soulagés pendant un laps de temps, c'est-à-dire au moment
même de l'intervention, laquelle a été manifeste en des
moments cruciaux tels qu'après des pillages ou pendant que des familles
retournaient dans leur village après en être chassées par
des bandes armées. Il faut rappeler que cette aide ne s'octroyait pas
sans heurts. Les leaders locaux chargés de l'identification des
vulnérables et de la distribution des vivres et non vivres ne se
gênaient pas de faire figurer sur leurs listes des personnes non
concernées par l'aide.
Une grande partie de l'aide aurait été
détournée par les associations locales et les Eglises. Enfin,
estiment nos enquêtés, que bien que l'aide ait été
détournée par certaines personnes et quelle que fut la
modicité de celle-ci, elle s'est avérée très
importante en ces temps-là ; qu'elle est intervenue au moment
précis et que n'eussent -été ces interventions, la
situation aurait tourné au pire pour bien de familles. C'est donc, de
leur part, un sentiment de reconnaissance envers toutes les bonnes
volontés qui se sont penchées sur la recherche
d'atténuation de leur malheur. L'aide apportée aux familles en ce
moment n'a pas produit que des effets positifs, elle en a affiché aussi
des inconvénients : les familles ont développé un
grand esprit d'attentisme, elles ont cru qu'il fallait qu'on leur vienne en
aide à tout moment. Les associations locales ont prouvé que les
familles pouvaient bénéficier des vivres si la demande
était introduite par une association crédible. C'est ainsi que
même jusqu'à ce jour, on dénombre des associations qui
établissent encore des listes des vulnérables et qui promettent
que l'aide interviendra incessamment.
6.2.3. Organisations locales actives à
Ngweshe
Suite à la multiplicité des associations qui se
proposent d'assister les familles de Ngweshe, nous préférons en
donner le nombre par groupement tout en reconnaissant que ce répertoire
n'est pas exhaustif et que le nombre élevé des associations ne
favorise en rien l'essor économique, politique et culturel de la
chefferie.
Tableau n° 24 : Nombre sommaire des
associations de Ngweshe par groupement
N°
|
Groupement
|
Nombre
|
Domaine d'activités
|
1
|
Burhale
|
22
|
Agriculture, hydraulique rurale, coopératives de
dépathologisation
|
2
|
Ikoma
|
54
|
Regroupées en deux collectifs : Nyamugo et
Mparanyi
|
3
|
Irongo
|
16
|
Agriculture, alphabétisation, élevage ...
|
4
|
Izege
|
06
|
Agriculture, lutte ant-érosive
|
5
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Kamisimbi
|
19
|
Agriculture maraichère, élevage ...
|
6.
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Karhongo (Nyangezi)
|
14
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Reboisement, agropastoral, formation en techniques culturales,
briqueterie...
|
7
|
Kaniola
|
7
|
Artisanat, agriculture, élevage
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8
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Lubona
|
11
|
Agriculture, élevage, briqueterie, habitat...
|
9.
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Luchiga
|
06
|
Agriculture, drainage, habitat, animation...
|
10.
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Mulamba
|
10
|
Forge, réparations appareils ménagers,
agropastoral...
|
11
|
Mushinga
|
14
|
Agropastoral, alphabétisation...
|
12
|
Nduba
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10
|
Agropastoral, briqueterie, entraide mutuelle...
|
13
|
Tubimbi
|
2
|
Agropastoral,
|
14
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Walungu
|
18
|
Agropastoral, habitat, promotion des ménages ...
|
15
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Kamanyola
|
13
|
Agropastoral, transport, ...
|
16
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Lurhala
|
9
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Agropastoral, artisanat...
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TOTAL
|
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239
|
|
Source : Bureau de développement de la
Chefferie de Ngweshe, janvier 2011.
Interprétation
Comme on peut le constater à travers ce tableau,
nombreuses d'associations opèrent à travers la chefferie. Cette
énumération par groupement n'est pas exhaustive, elle est
même à relativiser, car les associations naissent et meurent
précocement. Néanmoins, la Chefferie, à travers son Bureau
de développement, a énuméré certaines associations
par effet de leur visibilité sur le terrain ou par le simple fait
qu'elles sont enregistrées par la chefferie.
Ce que nous pouvons retenir de ces associations est qu'elles
représentent toutes les mêmes caractéristiques liées
aux règles du langage de l'ethnométhodologie. Il s'agit,
notamment, de :
· La règle de constance : ces
associations développent toutes le même discours ; elles
étalent l'état de la société en le
présentant sous un caractère fatal et exigent des autres
organisations plus stables, pour cet état, de l'appui financier et/ou
matériel ;
· Les règles de la cohérence
thématique : les thèmes développés
à travers les aspects discursifs de ces associations locales et
à travers leurs projets peuvent se regrouper en des thèmes tels
que le désespoir, l'espoir et l'autoprise en charge, tous ces
thèmes étant centrés sur quatre rubriques: la
misère et la pauvreté, l'insécurité, la
santé précaire et la faible historicité ;
· La fonction du récit : pour se
faire entendre, les acteurs de ces associations présentent la situation
sous forme d'un récit fatidique reprenant plus des faits horribles dont
la récurrence entrainerait des catastrophes. On assiste ainsi à
des amplifications des faits et phénomènes, des grossissements
des chiffres en rapport avec les personnes ciblées ou les victimes. A
titre d'exemple, le rapport des ONG sur le nombre des femmes violées est
de loin supérieur à la réalité des viols dans
beaucoup de villages de la chefferie. Il en est de même des projets
relatifs aux effectifs des enfants malnutris, et des veuves et orphelins des
guerres. Plusieurs associations opèrent sur le même terrain
indépendamment les unes des autres ; récoltent des chiffres
séparément et font la sommation au cours de leurs
assemblées ; ce qui fait que les mêmes chiffres pour les
mêmes faits sont communiqués par plusieurs associations, chacune
cherchant à se faire prévaloir par rapport aux autres.
· La place des interlocuteurs : les
associations en quête de financements ont toujours souhaité
être en contact physique direct avec les bailleurs des fonds ou leurs
représentants pour mieux entendre leurs voix et que ces derniers
s'apitoient sur la situation présentée.
Tout compte fait, toutes ces associations orientent leurs
activités dans plusieurs secteurs de la vie sans en avoir les
ressources humaines, matérielles et financières. Cette tendance
d'appropriation multisectorielle vise à s'hasarder de figurer dans le
dessein d'un éventuel et parfois improbable bailleur des fonds.
Malgré cette ruse, de trop embrasser, nous retiendrons que c'est
généralement, le bailleur des fonds qui édicte
lui-même, à l'organisation choisie comme partenaire ce qu'elle
doit faire, comment et quand le faire. C'est à ce titre que nous avons
estimé que les associations locales de développement n'ont ni
vocation, ni technicité, ni moyens. Elles ne sont qu'au service des
bailleurs des fonds. Fondamentalement, elles ne jouissent d'aucune
indépendance. C'est pourquoi, elles ont retenu plus les familles dans
l'esprit plus attentiste que praxéologique.
Malgré cet aspect très négatif
d'être peu entreprenant tel que constaté dans les villages
enquêtés, il est à noter que l'esprit de se regrouper
autour d'un problème et d'en chercher, malheureusement, des solutions
à travers des individus hors du groupe, cela a aidé les familles
à transcender l'aspect trop introverti, à s'ouvrir plus au
groupe et à tendre vers une certaine inventivité.
C'est cette inventivité qu'on retrouve à travers
tous ces villages des mamans associées dans des ristournes
appelées localement « likirimba ». (Il
s'agit d'un groupe des gens, généralement des femmes, environs
dix, qui se regroupent ; cotisent de l'argent, au montant uniforme ;
le prêtent à une des membres du groupe qui rembourse au terme
d'une semaine d'activités de négoce avec un très
léger intérêt de 1 à 2%. Le capital
récupéré est alors donné à une seconde
personne, et ainsi de suite. Le likirimba s'étend même
jusqu'aux travaux des champs : un groupe des femmes, quatre le plus
souvent, font la ronde de leurs champs pendant un jour convenu de la semaine.
On évite toujours les jours de marché. Pour un groupe ayant
choisi la journée de lundi, par exemple, une femme, membre du groupe,
connaîtra, dans son champ, la participation des trois autres femmes, et
au terme d'un mois, toutes ces femmes se seront assistées, toutes, une
fois par semaine.
Un autre élément positif pour les familles,
c'est cette ouverture au monde extérieur qui les pousse à penser
à quelqu'un de plus loin et en qui elles se confient, adressent leurs
besoins auxquels il satisfait pourvu que le groupe ait parvenu à
convaincre. Bien de familles ont accédé à l'aide de par
ces contacts. Alors qu'au départ, l'espace vital et relationnel ne se
limitait qu'au sein de son propre village et peut-être aussi à
quelques villages les plus proches.
6.3. Apport des Eglises
Il faut reconnaître qu'avant, comme pendant et
après les conflits, les Eglises ont joué un rôle
très déterminant dans la vie des familles de Ngweshe, tant sur le
plan moral, social, culturel qu'économique. L'Eglise, en fait, a
participé et s'est déterminée à façonner
l'homme rationnel, à le rendre responsable de lui-même et des
autres. Certes, cet objectif n'a pas été totalement atteint,
mais nous devons reconnaître que n'eut-été l'intervention
des Eglises dans la formation des esprits, l'homme de Ngweshe ne serait,
à ce jour, qu'à une étape similaire à
l'époque préhistorique.
Au cours de nos investigations, les Eglises locales
enquêtées, se sont vantées d'avoir maintenu la
cohésion sociale au niveau locale pendant et après les conflits.
En effet, les responsables des Eglises sont restées entrain de
prêcher l'Evangile, l'entraide mutuelle, l'appel à la
vigilance... ; elles ont mis à la disponibilité des
Humanitaires leurs locaux de travail pour servir d'entrepôts des vivres
et non vivres à distribuer aux familles en détresse. Elles ont
servi des cadres de concertation, de prise de conscience, d'organisation des
séminaires et des ateliers de formation, de dénonciation des
antivaleurs et des cas des exactions commises sur les populations en cette
période.
Les confessions religieuses non catholiques ont
condamné les prêtres catholiques d'avoir fui les fidèles.
Craignant pour leur sécurité, les prêtres catholiques sont
allés se refugier à Bukavu abandonnant leurs presbytères
et leurs fidèles à leur triste sort. C'est le cas des paroisses
catholiques de Burhale, Mubumbano, Kaniola, Ciherano qui sont restées
fermées pendant plus d'un semestre. Pendant ce temps, les pasteurs
protestants sont restés en train d'endurer les peines avec leurs
fidèles. Cela se comprend du fait que le mode de vie de ces ministres
de Dieu n'est pas identique : les prêtres catholiques, tout en
vivant avec la population se trouvent en dehors de celle-ci : ils n'ont ni
épouses ni enfants, ils peuvent n'avoir même aucun lien
génétique dans le milieu où ils prestent, tandis que le
pasteur protestant est totalement ancré dans son milieu de
prédication : il y vit avec son épouse et ses enfants et
partage les mêmes conditions de vie avec ses fidèles et son
patrimoine y est visible. Mais, nous reconnaîtrons que le statut du
prêtre catholique, de par son mode de vie, son patrimoine, sa
considération sociale dans son milieu, cela le rend plus
vulnérable en des périodes des troubles et, de ce fait, sa fuite
se justifie et est même recommandée en des temps instables. On a
connu, en fait, même en temps de paix, des attaques et des pillages des
maisons des prêtres et des couvents des religieux et religieuses tels
qu'à Nyangezi, Mubumbano, Burhale, Ciherano où ces cas se sont
montrés très récurrents.
La confrontation de toutes ces données discursives au
vécu quotidien nous incite à constituer des équations
symboliques du genre XA = YB.
6.4. Equations symboliques sur bases discursives
Mathématiquement parlant, une équation est une
égalité entre deux expressions mathématiques dont on
cherche si elle est vérifiée pour certaines valeurs de la
variable appelée inconnue. Une équation peut avoir une ou
plusieurs inconnues qu'on désigne par des lettres. On dit qu'une
équation est vérifiée, ou satisfaite pour
certaines valeurs des inconnues si, lorsque les inconnues sont
remplacées par ces valeurs, les expressions situées de part et
d'autre du signe égal sont équivalentes. Par exemple,
l'équation 2x +5 = 13 est vérifiée pour x = 4. Si
l'équation n'est pas vérifiée pour une ou plusieurs
valeurs de l'inconnue, celle-ci est appelée équation
conditionnelle. Par contre, une équation est appelée une
identité si elle est vérifiée par toutes les
valeurs possibles des inconnues.123(*)
Dans le cas d'espèce, il s'agit des discours ayant deux
expressions : une expression discursive, c'est-à-dire celle
prononcée par les locuteurs et une expression assimilée,
c'est-à-dire, son intelligibilité par rapport aux auditeurs.
Ceci nous donne deux valeurs : une valeur d'usage (VU) qui
présente le discours tel qu'il est dans sa forme discursive et une
valeur d'échange (VE) qui est, en fait, une considération
significative de la valeur d'usage qui se change entre interlocuteurs mais qui
peut ne pas avoir la même valeur de compréhension entre
différents auditeurs. Il faut, donc, un équilibre entre la
valeur d'usage et celle d'échange pour qu'il y ait une
compréhension commune. Tout le corpus expérimental regroupant les
dits recueillis du terrain ont été regroupés et
synthétisés en sept discours et se présentent, ici, comme
étant les valeurs d'usage dans cette discursivité :
1°. La situation est catastrophique (VU) =
nous nous trouvons dans une situation anormale, inhabituelle et qui nous
prédispose à des dégâts, il faut donc, une nouvelle
dynamique interne et externe, des mesures de rétablissement de la
quiétude sociale. (VE)
2°. Les moeurs sont dépravées (VU) =
nos valeurs culturelles sont en décadence, nous tendons vers la perte de
notre dignité, notre identité et notre histoire. (VE)
3°. Nous avons été
dépouillés de nos biens (VU) = il y a eu des envahisseurs
prédateurs qui se sont introduits chez nous contre notre gré et
qui ont emporté ce de quoi nous vivions ; à ce jour nous
sommes devenus de démunis. (VE)
4°. Unissons-nous (VU) = prenons conscience de ce que
nous sommes. Pour recouvrer notre dignité, nous devons recourir à
notre conscience collective, cimenter nos liens interpersonnels et
communautaires et parer au dessein de l'ennemi. (VE)
5°. Nos populations sont plus responsables (VU) = il
y a eu un éveil de conscience issu des Eglises ; chacun sait ce qui
est arrivé et maitrise les voies de sortie même si les moyens ne
l'en autorisent pas.
6°. Nous avons fait asseoir Jésus-Christ =
nous sommes sortis de l'animisme, des croyances païennes
polythéistes et avons opté pour une croyance divine unique et
vraie, celle de Jésus-Christ, le Sauveur.
7°. La reconstruction du pays est une
réalité = les politiciens voudraient s'attirer la confiance de
la population en démontrant qu'ils sont mieux que leurs
prédécesseurs.
Tous ces discours démontrent une certaine dynamique,
des changements intervenus au sein des familles de Ngweshe : des
changements liés aux mentalités, aux biens, à la
sécurité, à la conscience collective, aux
croyances, à la politique, à l'autodétermination à
l'environnement, etc.
6.5. Effets sur l'environnement
La dégradation de l'environnement dans la chefferie de
Ngweshe a connu son paroxysme à travers cinq facteurs
importants :
· L'expropriation des colons belges
· L'exploitation des carrières minières de
Luntukulu, Mukungwe, Nkombo et Kaji
· L'afflux des refugiés hutu rwandais avec les
camps de Cimanga (Mulamba), Nyamirangwe
(Ikoma) et Munya et Nguka (Nyangezi).
· Le feu des brousses
· Les pluies.
1°. L'expropriation des colons
belges
En 1974, le régime autoritariste de Mobutu avait
exproprié les colons belges, à travers une mesure politique dite
« zaïrianisation », de leurs biens et les a
cédés à des acquéreurs zaïrois, membres de
son parti unique : le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR).
Les expropriés, expulsés, alors du Zaïre (tel était
le nom de la RDC actuelle de 1974 jusqu'en 1997), ont cédé des
immenses plantations à des personnes qui n'avaient aucune
expérience dans la gestion, encore moins dans la tenue d'une plantation.
Au bout d'une année, toutes ces plantations
n'étaient plus que des brousses sauvages. Alors, les populations se
sont prises à elles et les ont décimées atrocement par le
feu, les machettes et les haches. Pour mesurer l'ampleur de ce sinistre, il
faut rappeler, que dans chaque groupement, il y avait de vastes espaces
cultivés de théiers et de quinquina. La disparition de ces
plantations n'a pas affecté que l'environnement, mais aussi le social et
l'économie, car tout le personnel local, usagé par les colons
belges, avait été mis au chômage.
2°. L'exploitation artisanale des
carrières minières
L'exploitation de l'or d'abord, puis de la cassitérite
dans la chefferie de Ngweshe, commence avec la politique de
libéralisation des produits miniers en 1974.
Ce sont les carrières de Mukungwe (Mushinga),
Nyamadawa, Mishege, Kashebeyi (Mulamba), Kaji (Kaniola), Nyamurhale (Lubona) et
les longs et dans les lits des rivières Nkombo et Kadubo qui sont les
carrières les plus fréquentées. Il y a eu d'autres petites
carrières disséminées un peu partout à travers la
chefferie.
Partout où il y avait ces carrières, on a
procédé à un déboisement systématique :
il fallait construire chaque fois des digues, des campements des exploitants
appelés localement les « creuseurs », se procurer du
bois de chauffe et de cuisine, fabriquer les outils d'exploitation en forme de
pirogue en bois, jeter de petits ponts sur les ruisseaux ...
Outre cette destruction végétale, on a
rasé toutes les pentes en amont concernées par l'exploitation, ce
qui a provoqué des glissements des terrains, l'infertilité des
sols, la destruction des cultures et des végétations se trouvant
dans des vallées et l'insalubrité et l'incommodité des
rivières, ruisseaux et sources existant en aval des espaces
exploités.
3°. L'afflux des refugiés hutu
rwandais
Le 6 avril 1994, les Présidents rwandais et Burundais,
Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamira sont tués dans un crash
d'avion en provenance de la Tanzanie où les Présidents de la
Communauté Economique des Pays de Grands Lacs (Burundi, Rwanda et
Zaïre) participaient à un sommet des Chefs d'Etat portant sur
la crise politique au Rwanda, en particulier, et dans la région en
général
A l'issue de cette mort, des hostilités se
soulèvent directement au Rwanda entre les deux peuples rivaux
rwandais : les Hutu et les Tutsi. Il y eut des massacres spectaculaires,
chacune des deux tribus voulant exterminer l'autre. Les Nations Unies
qualifièrent ces massacres de génocide du peuple Tutsi par leurs
concitoyens Hutu. Les Hutu prirent fuite au Zaïre (RDC) : ils
s'installent d'eux-mêmes, dans un premier temps, dans les villes de
Bukavu et Goma (villes limitrophes avec le Rwanda), puis, quelques temps
après, ils s'en éloignent par le Haut Commissariat pour les
Refugiés (HCR). C'est alors que ceux qui étaient à Bukavu
s'étaient déplacés à l'intérieur du pays.
Pour le cas de la chefferie de Ngweshe, le HCR va constituer
de vastes camps des refugiés hutu rwandais à Nyamirangwe,
Cimanga, Munya , à Nguka ( voir supra). Ce sont de grands espaces verts
qui sont occupés par des milliers des rwandais et qui, au bout des
quelques semaines deviennent des terres nues. Toute la végétation
est abattue, rasée systématiquement.
Pour subvenir aux besoins culinaires des
réfugiés, le HCR entreprend une vaste campagne d'achat des
stères d'arbres à un prix extrêmement cher. Tous les arbres
sont abattus et vendus au HCR pour approvisionner les camps en bois de chauffe
et de cuisine, même les jeunes plants sont abattus et vendus, car
l'occasion était très propice pour se faire de l'argent au prix
du bois mort.
Outre ces abattages d'arbres et arbustes à grande
échelle, d'autres méfaits environnementaux ont vu le jour :
il fallait creuser des multiples latrines pour ces milliers des
refugiés, détruire tant d'espaces et d'espèces
végétales, gérer les ordures et s'adapter aux odeurs
asphyxiantes issues de tant de concertations humaines. Avec l'arrivée
des refugiés des hutus rwandais, l'environnement de la chefferie avait
été dégradé atrocement.
4°. Les feux des brousses : à ce jour,
malgré plusieurs cas interdisant les feux des brousses, plusieurs
collines sont ravagées par le feu en saison sèche. Ce sont,
essentiellement, les éleveurs qui, voulant renouveler fourrage pour
leur bétail attisent le feu sur les herbes sèches.
5°. Les pluies qui ont entrainé des crues, des
éboulements et des érosions.
6.6. Principaux changements intervenus au sein de la
famille
La famille de Ngweshe a subi des changements en son sein, de
profondes modifications et ce dans différents domaines tels
que :
- Le nom : selon Le petit
Larousse, le nom est un mot servant à désigner une
personne, une chose. Chez les Bashi, le nom est considéré comme
étant la personne même. (Izino ye muntu signifie
littéralement « le nom, c'est la
personne »). Chez ce même peuple, l'on se défendra
d'avoir un mauvais nom. Pour les Bashi, un mauvais nom est une
pourriture (izino libi cibolwe). Le nom des Bashi était
tiré, ancré strictement dans la culture shi et se
référait aux circonstances dans lesquelles était né
l'enfant porteur ou traduisait un souhait. Ainsi, une fille pouvait facilement
être nommée Nnankafu ou détentrice des vaches pour la
simple raison qu'on espérait d'elle beaucoup de vaches en termes de
dot. Le nom était compris par tous les bashi parce que ayant sa
racine et sa signification dans ce qui est réellement le mushi.
Avec l'avènement du christianisme, c'est-à-dire,
à partir de 1906, (date de la fondation de la première paroisse
catholique au Bushi), les Bashi ont accédé à des
prénoms occidentaux dont ils ne comprenaient pas le sens, du moins ils
avaient été convaincus que c'était des noms de leurs
« saints patrons » vivant au ciel et qui étaient
désormais leurs protecteurs sur la terre. Porter ces noms,
c'était donc une fierté, une protection et, encore plus, une
assurance d'arriver au ciel après la mort.
A ce jour, le nom a pris une autre ampleur : l'on se
nomme et nomme son enfant comme l'on veut, souvent même par simple bonne
assonance. Certains noms sont tirés de spots publicitaires, des marques
des appareils, des films et des jeux, des noms des musiciens et d'acteurs de
théâtres... Le nom a perdu son sens traditionnel. On a,
actuellement, des noms tels que Trésor, Héritier, Plamedi,
Valé, Fligolito, Fally, etc., pas parce qu'on en comprend strictement
le sens mais parce que, tout simplement, on en admire le son. Les vieux ne
cessent d'en demander la signification.
· La dot : Chez les bashi de
Ngweshe, la dot était constituée uniquement d'une ou plusieurs
vaches remises solennellement au père de la jeune fille par l'homme qui
la prend pour épouse. Il s'en suivait obligatoirement une
chèvre et une étoffe pour la belle mère. Ces biens ne sont
pas restituables même en cas de décès de la conjointe ou de
divorce. On pouvait alors, pour faciliter la fête du mariage,
s'échanger des vivres. La valeur de la dot relevait du statut de la
famille du fiancé. Cette dot donne possession absolue de cette femme
à son mari. D'ailleurs, chez les Bashi, le terme «
dot » se traduit par « ngulo ou kugula » qui
se traduisent par « achat ou acheter ».
Actuellement, par effet d'emprunt culturel, deux houes
accompagnent ces biens. On n'en connaît pas exactement la signification,
mais tout semble relever de la vocation agropastorale du mushi. La dot,
à ce jour, se discute et se donne en argent, et seulement en dollars
américains. L'unité dotale demeure une vache, mais une vache
surévaluée en dollars. D'autres biens tels le costume du
beau-père, une lampe, une canne à sucre, ..., peuvent suivre,
tout dépend de l'ostentation du fiancé ; la dot est devenue
ostentatoire du côté des deux familles qui s'unissent par le
mariage de leurs enfants.
· Les études des enfants
sont devenues une contrainte pour tout parent. Même pauvre, on ne s'en
excuse pas, on est ridicule d'avoir des enfants qui ne vont pas à
l'école. Mais, quel que soit cet engouement pour les enfants
d'étudier et pour les parents de les faire étudier, l'objectif
n'est toujours atteint compte tenu de la précarité
économique des parents due, d'abord, au fait que ces derniers avaient
été réduits au chômage depuis belle lurette ;
ensuite, par suite des pillages systématiques dont a été
victime l'entité ; enfin, suite à l'infertilité,
l'exigüité des terres arables avec toutes répercussions sur
la production agropastorale. Les enfants sont chassés intempestivement
de l'école pour raison d'insolvabilité des frais scolaires, ce
qui entraine une déscolarisation annuelle de plus de trente pour cent.
Quant aux écoles, elles sont suffisantes.
· Les Eglises : elles
n'étaient pas nombreuses. Tout au début, on a connu que l'Eglise
catholique, puis vient l'Eglise protestante en des milieux comme Bideka,
Burhuza seulement, puis elles se sont répandues à travers toute
la chefferie et tous les villages. Avec l'avènement des Eglises de
réveil, les églises protestantes sont devenues
« million » et fonds de commerce. L'Islam ne va s'installer
dans Ngweshe qu'avec l'arrivée de la Mission d'Observation de Nations
Unies au Congo (MONUC). Les soldats pakistanais et égyptiens ont
converti des bashi à l'Islam et construit des mosquées à
Walungu, à Burhale et Mushinga. Toutes ces Eglises et ces
mosquées ont un impact important sur les familles. Leurs animateurs
vivent tous aux dépens de leurs pauvres fidèles.
· La femme : le statut de la femme
et ses rôles ont subi de profondes modifications au sein de la chefferie
depuis plus de quatre décennies. On est passé de cette femme
isolée, dédaignée, sans voix, discriminée,
chosifiée, soumise et jamais respectée, exposée à
beaucoup d'interdits même alimentaires à une femme plus ouverte,
coopérative et jouissant moyennement de ses droits. Certes, le parcours
est encore loin pour mettre réellement la femme à sa place mais
le trajet parcouru est considérablement significatif.
· La cohésion sociale, l'entraide
mutuelle : la tradition communautariste qui caractérisait
les bashi tend à s'effriter et s'oriente vers l'individualisme
malgré la solidarité mécanique dont reflète le
milieu. Il va sans dire que la pauvreté qui a élu domicile dans
la contrée peut être à l'origine de cette défection
sociale.
· Conflits, haine et suspicion : la
confiance individuelle ou collective qui caractérisait le peuple bashi
s'est atténuée manifestement. Les gens se suspectent plus qu'ils
ne se confient entre eux et développent des conflits entre eux, souvent
pour des conflits bénins. Faute d'un cadre dynamique devant les
gérer et suite à la disparition du barza local de
réconciliation (ngombe), les conflits prennent une ampleur
importante.
· La langue : le mashi est la
langue parlée des Bashi. Unique en ce genre sur le plan traditionnel, le
mashi est entré en contact avec le français grâce à
la colonisation et avec le kiswahili à travers son contact avec les
milieux urbains fondés par ces mêmes colonisateurs. Le
français, langue officielle et le kiswahili, langue nationale (au
même titre que le lingala, kikongo, tshiluba) ont pris le dessus sur le
mashi de façon qu'actuellement le « parler mashi
pur » se raréfie surtout chez les jeunes qui, pour des
raisons de fierté, préfèrent plus s'exprimer en un
mélange linguistique formé du français, du kiswahili et du
mashi. La défection constatée pour le nom des personnes
résulte exactement de ce manque de maîtrise linguistique
locale.
· La culture et les valeurs.
1°. La culture
Au sujet de la culture, Rocher s'est inspirée de Eddy
Tylor pour la définir ; il estime que la culture est un
ensemble lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou
moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une
pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois
objective et symbolique, à constituer ces personnes en une
collectivité particulière et distincte.124(*)
Tylor a donné une définition plus
énumérative à la culture. Pour lui, la culture est cet
ensemble complexe qui englobe la connaissance, les croyances, l'art, la morale,
la loi, la coutume et toutes les autres facultés et habitudes que
l'homme a acquises en tant que membre d'une société.125(*)
De toutes ces définitions, nous pouvons
considérer que la culture constitue toutes ces manières
d'être, d'agir, de penser propres à une peuple, et ce fait, il
n'y a aucun peuple sans culture, car tout peuple n'est identifiable que par
rapport à sa culture et sa spécificité par rapport
à d'autres peuples ne réside que dans la culture, l'être
humain étant essentiellement « culture ».
Au-delà d'être propre à tous les peuples, la culture
possède d'autres caractéristiques :
- elle est universelle : il n'y a aucun peuple
sans culture
- elle est transmise : la culture n'est pas
innée ; elle est acquise par l'individu nouveau- né. Ce
denier, au fur et à mesure qu'il grandit et par ses contact avec les
adultes, il acquiert, à travers un long processus d'apprentissage, les
éléments culturels de la communauté à laquelle il
appartient.
- elle est statique et dynamique : la culture
d'une société est l'affaire de tous. Tous les membres d'une
société contribuent au bon fonctionnement de leur culture et en
perpétuent le statu quo. Une culture donnée présente, de
ce fait, une identité propre par rapport à d'autres cultures.
C'est cette identité irréductible à d'autres
identités culturelles qui constitue le caractère statique de la
culture.
Il s'agit, en fait d'une stabilité relative puisque
l'humanité évolue dans un monde toujours en changement. Il faut
noter que l'incomparable facilité avec laquelle l'homme s'adapte et
s'ajuste à de nouvelles conditions de vie et propose toujours des
réponses appropriées à des situations les plus inattendues
rend très dynamique la culture. De ce point de vue, la dynamique
culturelle est précisément déterminée par la
propension de l'homme à l'innovation. Toutefois, cette innovation devra
s'inscrire dans le cadre culturel.
En effet, des changements connus au sein de notre univers se
sont opérés sans tenir des acquis culturels identitaires ;
ce qui nous a conduits à une certaine acculturation, c'est-à-dire
à un abandon partiel ou total de nos acquis identitaires. A ce sujet,
dans « Afrique ambigüe », Georges
Balandier constate que l'africain n'est devenu ni européen ni africain.
Tous nos comportements répondant à nos valeurs culturelles ont
cessé d'être respectés et quiconque essaie de s'y remettre
est considéré comme un primitif.
· La culture est préétablie : elle
existe avant l'individu qui en fait usage. A sa naissance, durant toute sa
vie, il entre en contact avec la culture, vit avec elle et par elle, puis
à sa mort, il l'abandonne et culture continue son cours.
2°. Les valeurs
Selon Guy Rocher, « la valeur est une
manière d'être ou d'agir qu'une personne ou une
collectivité reconnaissent comme idéale et qui rend
désirables ou estimables les êtres ou les conduites auxquels elle
est attribuée. »126(*)
En tant qu'idéal, la valeur implique donc l'idée
d'une qualité d'être ou d'agir supérieure à laquelle
on aspire et dont on s'inspire. La valeur se présente comme un
idéal qui appelle adhésion et qui invite au respect ; elle
se manifeste dans des choses ou des conduites qui l'expriment d'une
manière concrète ou symbolique.
De ce point de vue, on peut distinguer cinq
caractéristiques de valeurs :
· La valeur est antérieure au jugement de
valeur
· Les valeurs sont inspiratrices des conduites
· Les valeurs sont relatives, spécifiques à
une société et une époque donnée
· Les valeurs ont une charge affective
· Les valeurs sont hiérarchisées (il
existe, ainsi, une échelle de valeurs).
Selon toujours le même auteur, les valeurs disposent des
fonctions sociales : elles contribuent à :
· la cohérence des modèles (règles
et normes)
· l'unité psychique des personnes
· l'intégration sociale.
Par rapport à cette notion de la valeur, il
apparaît sur le terrain que certaines valeurs sont
désuètes. C'est le cas du respect qui était
sacré entre petits et grands, entre épouses et
époux, entre sujet et chef, entre sujets et mwami. A ce jour, la
situation se apparaît autrement. La tendance va vers une opposition nette
des petits envers les grands, des sujets envers leurs chefs traditionnels et
j'en passe.
· L'habitat : il va en
s'améliorant, la hutte en chaume, unique maison traditionnelle, tend
à disparaître au profit de maisons avec une toiture de tôles
ondulées et même des maisons en briques.
· Les mesures hygiéniques :
alors qu'au départ les matières fécales
étaient éparpillées autour de l'habitation, dans la
bananeraie et la prairie environnante, à ce jour, et c'est grâce
à des mesures coercitives initiées par les colonisateurs que
chaque ménage dispose d'une ou de deux toilettes. L'usage des toilettes
et l'aménagement des sources ont contribué sensiblement à
la réduction des certaines maladies endémiques telles que le
choléra, la dysenterie, la fièvre typhoïde, etc.
6.7. Pistes praxéologiques des solutions
Il sied, avant d'entrer dans le vif du sujet, de
présenter brièvement les aspects recueillis sur le terrain
lesquels seront suivis directement des mesures efficaces et
appropriées.
a). Aspects relevant du terrain
A la lecture des passages précédents, il se
dégage qu'il y a non seulement des efforts fournis au sein des
ménages de Ngweshe, mais aussi des problèmes tant au niveau des
familles que de l'environnement. La recrudescence de ces problèmes s'est
avérée manifeste avec l'affrontement de plusieurs troupes, bandes
et milices armées au sein de la chefferie de Ngweshe. Plusieurs discours
se sont développés de la part des organisations qui
s'étaient proposé d'éradiquer le mal. Des associations se
sont créées pour demander des fonds et les gérer au
compte des populations en détresse, ce qui a plus profité aux
animateurs qu'aux personnes pour lesquelles les fonds avaient été
sollicités. Quant aux organisations internationales, les interventions
ont été axées plus dans les urgences que dans le
développement durable, ce qui a créé un simulacre de statu
quo.
La situation est telle que les familles ont le regard
tourné à la fois vers les organisations internationales et
locales. Ces dernières ne comptant que sur l'apport externe,
n'entretiennent à l'endroit de la population que des discours
prometteurs. Ainsi donc, localement, tout le monde espère le
salut de l'extérieur, les initiatives internes sont amoindries et
encore, minimes paraissent-elles, elles doivent, hélas, être
soutenues par l'extérieur.
Pourtant, l'aspiration à tout changement familial
qualitatif et quantitatif reste indubitablement une lutte ; lutte contre
soi et contre ses conceptions antérieures mystifiées et
divinisées.
Une tendance fortement répandue dans les milieux de
Ngweshe incite les familles, dans la plupart des cas, à croire qu'il
existe un Etre Suprême qui veille à leur destinée et qui
par moment et par voie délibérative issue de sa bonne
volonté et de sa bonne humeur, décide, soit de leur bonheur, soit
de leur malheur. De ce fait, l'on est convaincu que l'on naît et
meurt selon sa volonté, et, vraisemblablement, l'on devient riche ou
pauvre, l'on réussit ou l'on échoue ; une guerre s'installe
ou s'écarte selon son bon arbitre.
Selon cette conception du monde axée fondamentalement
sur la volonté divine, rien ne sert à courir, à initier
une quelconque stratégie de changement, car tout est
prédéfini à l'avance et ce, pour chaque personne.
L'esprit positif, celui qui relie, en effet, les faits aux causes, tarde
à se manifester.
Outre cette conception providentialiste de la vie, il
s'observe un autre phénomène à travers les familles de
Ngweshe. Il s'agit de la générosité de l'Occident «
ou la communauté internationale ». Sur base de cet esprit
philanthropique, les familles enquêtées espèrent et fondent
l'espoir de la résolution de leurs problèmes, la réduction
de leur pauvreté, le financement de tous leurs projets, la construction
de leurs écoles, routes, églises, hôpitaux, dispensaires,
traçage des pistes routières et routes de desserte agricole,
l'organisation des élections et leur validation, etc.
Donc, depuis la colonisation jusqu'à ce jour, il s'est
incrusté dans la mentalité des populations de Ngweshe, l'esprit
fort attentiste ; un sentiment d'abandon de soi et orienté vers
Dieu, le Blanc et les ONG. Nulle n'est question de négliger les travaux
qui se font sur le terrain et qui contribuent au maintien des familles de
Ngweshe, nous estimons seulement qu' il paraît sur le terrain peu
d'esprit d'inventivité et de créativité.
Somme toute, comme nous avons pu le constater sur le terrain,
le système familial de Ngweshe s'oriente irréversiblement dans un
processus en mutation : la famille connaît, en son sein, des
modifications indépendantes de la volonté de ses membres et les
discours développés jusqu'à ce jour semblent ne pas les
rassurer. Les familles de Ngweshe, comme faits sociaux totaux,
méritent des recherches méthodologiques-praxéologiques
pour l'atténuation ou la nihilisation des maux qui les rongent.
En effet, d'une manière générale, et
spécialement à Ngweshe, dans la quête de
l'équilibre familial, la sociologie doit agir conformément
à sa vocation, « celle d'exercer une fonction critique qui
consiste à rendre visible ce qui ne l'est pas, à
s'intéresser à ce qui en marge et émergence, à
remettre en question les évidences ».127(*)
Il convient, ici, que les sociologues praxéologues de
la famille, dans leurs investigations, dans les discours et la production des
connaissances, s'attèlent, d'une façon quasi exhaustive,
à relever les situations, les aléas, qui menacent, de loin ou de
près, la famille. Dans le cas d'espèce, la famille de Ngweshe a
retenu plus notre attention et nos investigations se sont orientées vers
elle.
Il s'agit, certes, d'un idéalisme qui, dans une
dynamique familiale, consiste non seulement à relever les causes et/ou
les facteurs justifiant le déséquilibre au sein des familles,
mais aussi il faudra initier des mécanismes de recherche assidue des
solutions durables et d'éradication du mal.
b) Vers l'approche
participo-praxéo-dynamique
Pour parer aux problèmes qui sévissent la
famille de Ngweshe, tous les discours développés doivent
s'orienter dans une approche praxéologique assortie de l'aspect
historiciste. Il est question de répertorier les discours, les
compétences au sein des familles, les réalisations et les mettre
au profit de tous. Dans ce contexte, personne n'est à négliger,
chacun doit être pris dans un cadre qui lui est spécifique. Tout
le monde doit se mettre à l'oeuvre, développer des
mécanismes et des stratégies d'autosuffisance et d'autopromotion
individuelle ou collective, rejeter l'esprit attentiste et
dépendantiste des ONG et autres intervenants.
Il conviendra de bâtirla vie familiale sur des
compétences intellectuelles, morales positives et morales et rejeter les
considérations providentialistes, théologistes et
métaphysiques qui enchainent et trainent les familles aveuglement sur
des voies de l'espérance miraculeuse ou du désespoir
inévitable, l'une les prédisposant à une vie heureuse
issue d'êtres suprêmes, l'autre les condamnant à des
supplices terrestres mais qui deviendront douces dans les royaumes
célestes. La vision métaphysique de la vie fait d'elle une
fatalité qui sera résorbée par le bonheur
céleste.
Toutes ces deux voies prônent l'immuabilité
de la vie, c'est-à-dire que l'être humain ne devrait pas se tordre
pour tendre vers des lendemains meilleurs, car il existe pour lui, un sort
prédestiné.
A notre niveau, nous estimons qu'une vision transcendante
doit être orientée vers ces conceptions immobilistes et
attentistes, car notre vie ne devient, en majeure partie, que ce que nous
voulons qu'elle devienne, à travers, naturellement, un contexte purement
processuel, praxéologiquement et rationnellement orienté. Nous
nous trouvons, ici, face à une étape, où il s'impose
aux familles de Ngweshe de changer de regard, d'accueillir et écouter,
mais aussi et surtout de faire manifestement montre de pragmatisme.
Cette nouvelle vision leur exigerait de se
débarrasser, non plus de leurs valeurs, mais plutôt de
considérations superflues, mythiques, obscurantistes, attentistes,
passives, non conatives et non praxéologiques, mais plutôt de
s'engager activement sur la voie de recherche de changement qualitatif et
quantitatif en se défiant décidemment de discours des
organisations « caritatives » qui, pour la plupart des cas
n'existent que grâce à ces familles meurtries et qu'il faut, pour
de raisons d' existence de ces associations, maintenir dans l'état de
précarité.
C'est ainsi que nous préconisons qu'au sein de chaque
famille élémentaire, chaque membre potentiellement actif
s'inscrive dans le schéma de transformation autocentrée sur
l'individu. Nous privilégions qu'au sein de chaque noyau de vie sociale,
c'est-à-dire, la famille, qu' il s'y constitue un
« corps d'études d'actions de
changement » (CEAC) dont le rôle majeur sera
d'identifier tout élément, indice ou discours à
caractère socialement pathologique, archémique ou endormant et
d'y réserver une action contraire.
Les CEAC sont, en fait, l'effet manifeste de la
transmutation conscientielle de l'énergie créatrice
concentrée, par et à travers laquelle la personne humaine
prend conscience de son état, projette en sortir partiellement,
totalement en l'améliorant. Elle initie, exécute et évalue
une action productive rationnelle. Il s'agit d'une prise de conscience
manifestement engagée dans la transformation du vécu quotidien
à travers des actions initiées, réfléchies et
réalisées sous une impulsion interne de l'individu avec d'autres
membres du groupe pour donner plus de sens et plus d'importance à
l'action, laquelle, de ce fait, cesse d'être individuelle pour devenir
et demeurer une action sociale du fait de son envergure, de son importance
sociale et de son caractère collectif.
Pour parvenir à atteindre de tels objectifs, nous
avons proposé, à notre niveau, que la famille de Ngweshe (compte
tenu dans la dynamique et du déséquilibre dans lesquels elle se
trouve) chemine à travers l'Approche
participo- praxéo-dynamique. Cette approche exige
aux familles de Ngweshe particulièrement, de s'engager sur la voie du
changement à travers la participation de tous ses membres à des
actions concrètes, raisonnables et concertées, de se
défier de tout discours qui n'incite pas à travailler
rationnellement en leur faveur.
L'Approche participo-praxéo-dynamique est une
nouvelle vision constructiviste de la famille et de la société.
Elle est basée sur des conceptions partagées par tous et
exécutées unanimement, c'est l'aspect participatif
praxéologique qui entraine la dynamique transformatrice, allant du pire
au bien et au mieux-être.
C'est donc un dur combat que les familles doivent mener contre
elles-mêmes comme personnes sociales, contre leurs ennemis sociaux (les
différents maux, les discours attentistes, paternalistes et
avilissants...), contre leur propre peur (car elles doivent s'affirmer et
s'assumer devant n'importe quel obstacle), et les conceptions fatalistes de la
vie (celles liées à la vie et à la
malédiction).
Ainsi, l'Approche participo-praxéo-dynamique recommande
aux familles et à tous les producteurs des discours de rétablir
l'équilibre familial à Ngweshe et de se fonder sur « le
principe de l'unanimité participative
rationnelle » qui se matérialise à
travers six étapes :
· La constitution des noyaux d'études, de
résilience et de recherche de la transcendance des
phénomènes déséquilibrant la famille et son
environnement
· L'identification des problèmes au niveau de
chaque famille, ménage ou groupe social
· L'appropriation du problème et la
prohibition de tout aspect fatidique ou métaphysique : savoir que
face au problème que connaît une personne, les solutions ne
peuvent provenir que d'elle-même avec ou sans son environnement
· La définition des objectifs et des
stratégies concourant à l'atténuation ou à
l'éradication du problème ;
· La participation active et unanime des membres du
groupe affecté par le problème à travers une
démarche active et auto- évaluative
· La projection rationnelle de nouvelles actions
constructivistes favorables au groupe et à l'environnement.
Le principe de l'unanimité participative rationnelle,
soubassement de l'Approche Participo-Praxéo-Dynamique (APPD)
est une dynamique globalisante qui intègre tous les membres de
la famille ou du groupe social dans la recherche rationnelle des voies et
moyens de transcender ses faiblesses, recouvrer ses valeurs, rechercher la
quintessence des discours et de se parfaire. Cette approche repose sur
le principe de la transmutation créatrice de l'énergie
conscientielle concentrée : c'est une phase au cours de
laquelle, la population prend conscience du problème ; initie un
schéma de voie de sortie, lequel schéma, une fois
approuvé, est mis au courant de tous pour être retenu et
réalisé comme priorité à court terme.
Conclusion partielle
A travers ce chapitre, nous avons étalé des
faits intervenus dans la dynamique des familles de Ngweshe : des
changements positifs et négatifs. Trente-huit problèmes ont
été répertoriés et regroupés en quatre
thèmes : l'insécurité, la santé
précaire, la pauvreté et la faible historicité. Des
actions entreprises localement pour résorber la crise, nous avons
insisté sur celles effectuées par la société civile
en nous penchant, d'abord sur ce qu'elle est, ensuite sur ses objectifs et son
émergence, et, enfin, ses composantes. Nous avons constaté non
seulement que les organisations de la société civile ont
été très influentes sur la famille au sein de toute la
chefferie mais aussi qu'elles ont recherché plus les problèmes au
sein de la communauté qu'elles n'en ont trouvé des solutions.
Ainsi, en dépit des actions de ces organisations, la pauvreté
pour laquelle la RDC a établi quinze priorités pour la juguler,
ne fait que battre son plein au sein de notre univers.
Il a été remarqué que la
communauté, à travers les familles, a consommé et produit
tant de discours. Ceci nous a poussé à les répertorier
pour les replacer dans leur contexte et en donner non seulement la
signification mais aussi les classifier sur le plan interne et externe.
Ainsi, au niveau interne, les discours se replacent dans un
interactionnisme discursif monocentré : la population
centre tous ses discours sur le fait en présence et dans le cas
d'espèce, il s'agit de la crise en présence
caractérisée par la guerre, la peur et la fatalité.
Au niveau externe, il s'observe une autre dimension
discursive : l'interactionnisme discursif tricentré qui
apparaît à travers les interactions entre la population, les ONG
et les associations locales de développement. Il est apparu que ces
différents acteurs opèrent à travers la triade
opérationnelle d'interventions qui s'exerce sur trois pôles,
à savoir : les pôles manifestatoire (PM), structurel(PS)
et de propulsion ou pôles d'appui (PA) lesquels sont,
manifestement, la population, les organisations locales de
développement et les bailleurs des fonds. L'interaction entre ces trois
pôles entraîne trois formes des discours :
· Un discours archémique modernisateur entre le
PS et le PM
· Un discours endormant, trompeur (ou pakaviliste selon
Nday wa Mande) entre le PS et le PA. Ici existent beaucoup
d'amplifications, de mensonges, etc.
· Un discours généléxémique
(vrai) entre le PA et le PM.
Au-delà des discours prononcés par les
organisations locales de développement, nous avons constaté que
ces dernières étaient caractérisées par la
multisectorialité, la familiarité et le manque de
technicité, ce qui entrave largement leurs actions sur le terrain.
Toutefois, les interventions des ONG internationales et des Eglises, bien
qu'insuffisantes, leur importance n'est pas à négliger. A titre
d'exemple, si une salle de classe a été construite par un
bienfaiteur dans un village de 100 habitants, on se félicitera d'une
telle acquisition tout en reconnaissant la faible ampleur de l'action. Ainsi,
répertoriées d'une façon non exhaustive, mais sur base de
leur visibilité sur le terrain, les associations opérant au sein
de la chefferie se chiffrent à 239, soit une moyenne de 15 associations
par groupement au cours de l'année 2010.
Ce chapitre a aussi analysé les facteurs qui ont le
plus affecté l'environnement. Il s'agit fondamentalement des feux des
brousses, l'afflux des réfugiés hutu rwandais, l'exploitation
artisanale des minerais, l'expropriation des colons belges. Tous ces facteurs
ont contribué à la déforestation et au déboisement
et, par ricochet, à la destruction de l'environnement. En même
temps que l'environnement subissait des modifications inattendues, il s'est
opéré des changements au sein de la famille : ces derniers
ont été plus manifestes par rapport au nom des enfants, à
la dot, aux études, aux Eglises, à la cohésion sociale,
aux conflits, à la langue, à la culture et les valeurs, à
l'habitat, à l'hygiène, etc.
Au vu de tout ce qui est intervenu comme changement qualitatif
ou quantitatif, positif ou négatif, il a été
proposé des pistes des solutions durables devant être soutenues
par l'Approche participo-praxéo-dynamique fondée sur six
principes (voir supra) et fondée sur le principe de la transmutation
créatrice de l'énergie conscientielle concentrée .
Elle est donc un principe de développement, lequel doit toujours reposer
sur une planification. Celle-ci, selon Jürgen Habermas « est
considérée comme une activité rationnelle par rapport
à une fin au second degré : elle vise à
l'installation, à l'amélioration ou à l'extension des
systèmes d'activité rationnelle par rapport à une fin. La
rationalisation croissante de la société est
liée à l'institutionnalisation du progrès scientifique et
technique.
Dans la mesure où la science et la technique
s'introduisent dans les sphères institutionnelles de la
société et où, par là, elles transforment les
institutions elles-mêmes, les anciennes légitimations se trouvent
détruites. La sécularisation et la désacralisation des
images du monde orientant l'action, voire la tradition culturelle dans son
ensemble, sont la contrepartie d'une rationalité de
l'activité sociale ».128(*) Il convient, ainsi, de mettre sur pied, localement,
des mécanismes devant organiser l'activité sociale dans une
rationalité qui nous amène à des résultats
escomptés, ceux favorisant la stabilité tant de la famille que de
l'environnement tel que ceci apparaît dans le chapitre suivant.
Chapitre septième
PRINCIPES DE STABILISATION FAMILIALE ET PROJECTION DE
LA PROTECTION ENVIRONNEMENTALE DURABLE
INTRODUCTION
Dans la préface de l'ouvrage de Kambaji wa Kambaji, il
est recommandé aux « universitaires
congolais-zaïrois » d'être des hommes
praxéologues et porteurs de la culture
épistémologique129(*).
L'aspect épistémologique est celui de la
validité, légalité, légitimité et de la
cohérence des productions scientifiques. Pour atteindre cet objectif, il
faut se soumettre aux normes et principes scientifiques présidant
à la production d'une oeuvre scientifique.
Quant à l'aspect praxéologique, il est la
manifestation du principe et de l'idée car, au départ, il y a une
idée qui finit par se matérialiser en actions. La
praxéologie recommande que nos conceptions idéelles ne se
limitent pas au niveau initial, mais qu'elles se concrétisent pour le
bien- être du groupe et/ou du concepteur. C'est le processus de
l'imaginaire au réel.
Dans le cadre de cette thèse, nous avons mis sur pied,
au vu de la situation sur le terrain, des principes desquels proviendraient
la stabilité de la famille et la protection de l'environnement en
Chefferie de Ngweshe. Ce sont des mécanismes de promotion et de
protection familiale et environnementale mais dont la concrétisation
exige une implication rationnelle, communautaire et durable de par et à
travers tous les acteurs sociaux.
7.1. PRINCIPES DE STABILISATION FAMILIALE
L'état actuel des familles les place dans une situation
de déséquilibre exigeant de remettre la famille à niveau.
Les indicateurs de ce déséquilibre sont principalement :
- taille familiale très élevée ;
- dépendance, attentisme naïfs et esprit
religico-spiritualiste statique ;
- improductivité du sol et rareté des terres
cultivables ;
- méconnaissance, destruction méchante ou
inconsciente des ressources disponibles ;
- relâchement des moeurs et des liens sociaux ;
- pauvreté et insécurité ;
- faible niveau d'instruction.
Tous ces critères prédisposent la famille
à l'insécurité alimentaire contre laquelle on ne peut
faire face qu'en mettant en place des mécanismes de planification
familiale qui, en fait, peut désintégrer les autres
critères. En effet, une famille nombreuse se heurte à plus de
problèmes qu'à celle insuffisamment composée. C'est dans
ce sens que parmi les seize résolutions qui président à
l'organisation du Grameen Bank (la Banque des pauvres de Bangladesh
initiée par Muhamed Yunus), la sixième résolution
recommande : « nous ferons en sorte d'avoir peu d'enfants. Nous
limiterons les dépenses. Nous ferons attention à notre
santé ».130(*)
Par ailleurs, S. de Lestapis, s'appuie sur les opinions d'
Alfred Sauvy dans l'ouvrage « De Malthus à
Mao-Tsé-toung ». L'ouvrage démontre que « la
contraception peut obtenir le recul de la faim dans le monde en prouvant qu'en
1957, le genre humain mangeait moins bien qu'il y a trente ans. De même,
selon les enquêtes menées par la FAO dans 70 pays, pour nourrir
ces 70 Etats, il faudrait un accroissement de la production mondiale d'avant la
guerre (1ère guerre mondiale) de 23 % des
céréales, de 34 % des corps gras, de 80% des légumes secs,
de 163 % des fruits et légumes et de 100 % de lait ; ce qui,
apporté aux économies des pays développés,
signifierait, par exemple, en Inde, 305 % de sa production de viande, 113 %
de sa production des corps gras ; et 330 % des fruits et
légumes ».131(*)
Pour prévenir que l'Humanité ne sombre pas dans
l'anarchie, la famine et la guerre, l'Humanité doit enseigner à
tout le monde de limiter les naissances surtout aux nations qui sont les plus
prolifiques et ce, par des méthodes contraceptives les plus
efficaces.
Nous devons tous reconnaître qu'on naît de par un
acte sexuel commis, volontairement ou involontairement, par deux personnes de
sexe opposé. La naissance d'une personne est donc le fruit d'une
relation sexuelle manifeste, d'une volonté voulue ou tacite par l'une
ou par les deux personnes qui se lient sexuellement à un moment et en
un lieu précis. Pour la plupart des fois, ces personnes, et pour le
cas de notre milieu d'étude, on ne s'accouple pas pour engendrer.
C'est souvent pour des raisons d'autosatisfaction sexuelle du couple. La
grossesse issue de cet accouplement surprend pour la plupart des cas, elle
est, par conséquent, pour les unes un bonheur, une grâce, une
opportunité ; et pour d'autres un malheur, un
désagrément, un motif de rupture de toutes les relations
antérieures et futures ; une occasion de suspicion et de
désaccord.
D'ailleurs, à titre illustratif, toute famille se
réjouit sensationnellement de l'accouchement de sa fille
légalement mariée. Tous les membres de la famille et les
voisins remercient, implorent la bénédiction divine et
encouragent la jeune femme de faire plus. (Un leitmotiv des bashi, en des
circonstances d'accouchement exclame : « shubirayo = reviens -
y, c'est-à- dire, redeviens mère). Les membres de familles de
deux conjoints se réjouissent, dansent, mangent et mettent cette
naissance à l'actif de Dieu, Seul Créateur. C'est la
théorie de la naissance joyeuse.
Par contre, lorsqu'une fille a été rendue
grosse par un quidam et que celle-ci devienne ce qu'on on appelle
communément « fille mère », qui accouche
chez- elle d'un enfant d'un père connu ou inconnu, sa famille n'en fait
pas le moindre bruit de jouissance, et, curieusement, en ce moment
précis, Dieu n'apparaît pas comme étant le créateur
dudit nouveau- né. Les familles de la « jeune -
mère ou fille-mère » ou du « jeune
- garçon- père » se recroquevillent et ne font pas
grand bruit de cette naissance comme si elle n'était pas l'oeuvre
divine. Dieu cesse d'être créateur en ce moment précis. Il
s'agit là d'une autre théorie, celle de la naissance
regrettée.
C'est un cas d'exception pour ce qui est de la conception
locale en matière de naissance d'un nouveau-né au sein d'une
famille. Car dans notre univers, les gens pensent, à tort, que les
enfants qu'ils ont engendrés leur viennent d'un Etre surnaturel,
puissant et généreux qui donne la vie et l'arrache selon son bon
vouloir ou sur demande insistante du bénéficiaire. Cette demande
ne concerne que les naissances, les bienfaisances, les jouissances, les
réussites ou la vie en plénitude et jamais la mort, moins
encore la défaillance à quelque niveau qu'elle se situe.
Personne n'implore Dieu pour mourir. D'où, selon eux, il faut prier
pour recevoir des bienfaits, des fortunes, des bénédictions, des
grâces de l'Etre Suprême car, pour eux, tout est grâce,
contrairement à ce que nous, nous pensons : toue grâce est
fondée avant tout sur une conception idéelle, une
stratégie et une action.
Sur 250 couples enquêtés, 80 couples, dont
l'âge varie entre 35 et 40 ans, ont 8 naissances ou plus. Il faut
placer cette situation dans un cadre holistique de la République
Démocratique du Congo où le taux de fécondité
précoce est le plus élevé au monde avec 201 naissances
pour 1000 femmes âgées de 15-19 ans selon l'INED.
Le nombre élevé d'enfants joint aux autres critères
énumérés ci- haut influent négativement sur la vie
des familles : santé précaire des enfants et des parents,
morbidité élevée au sein du foyer, angoisse permanente,
déscolarisation des jeunes enfants, décès...
Bref, la stabilité des familles de Ngweshe ne se
retrouvera qu'à partir de la régulation des naissances, la
prise de conscience des actes posés, l'appropriation de l'action et les
effets qui en découlent et non du fait de les attribuer à
quelqu'un d'autre, d'invisible et de non acteur et la maîtrise de
toutes les variables liées à la sécurité des biens
et des personnes. D'où, la nécessité de maîtriser
les principes pouvant présider à la stabilité de la
famille au sein de l'entité.
7.1.1. Principe de créativité
L'un de grands atouts que possède l'homme et qui le
différencie des autres êtres, c'est sa capacité de
récréation de l'univers : il modifie, à son
profit ou en sa défaveur, son environnement, il se construit un habitat,
se confectionne un habillement décent et le revoit chaque fois qu'il le
veut, il veille favorablement à sa santé et à celle de sa
progéniture, il est le seul maître de sa vie. Il est doué
de la capacité de détruire et de construire rationnellement, de
modifier ce qui existe et lui donner une nouvelle forme voulue... A ce sujet
Bernard Bourgeois écrit :
« La philosophie moderne, issue de Kant,
développe le thème de l'activité autonome du
sujet humain dans la vie théorique et pratique. La pensée
hégélienne, qui est à l'origine de tous les grands
courants de la culture contemporaine, donne à cette activité un
caractère concret et historique, et surtout elle lui confère une
signification essentielle, d'une part, en tant qu'humaine,
dans la mesure où, pour Hegel, l'identité de l'Esprit divin
infini et de l'esprit fini humain signifie aussi que, si l'homme n'est possible
que par Dieu, Dieu lui-même n'est possible que par l'homme, d'autre part,
en tant qu'activité, dans la mesure où l'esprit est
l'acte de se poser, de se créer lui-même : son essence
intérieure n'est qu'en se manifestant extérieurement, il est ce
qu'il fait, ce qu'il se fait.
Le passage de l'affirmation hégélienne de
l'absoluité de l'esprit humain en tant qu'esprit à
l'affirmation feuerbachienne de l'absoluité de l'esprit humain en tant
qu'humain, le passage d'une théologie de la
réalité humaine à une anthropologie de l'idée
divine, bref, l'athéisme qui voit dans l'homme le créateur de
l'idée de Dieu où l'homme aliène sa propre essence,
signifie une valorisation de la créativité humaine :
dégagé de tout lien à un Maître transcendant,
l'homme est responsable de son être et saisit donc celui-ci comme
étant à créer par lui-même »132(*).
Partant de cette considération de la
créativité humaine qui détermine que l'homme ne devient,
en fait, que ce qu'il fait et ce qu'il se fait, il sied de dire que
le travail humain confère à l'acteur son statut à travers
de divers fonctions et rôles liés à celui-ci. Comme cela a
été dit précédemment, la famille est
essentiellement travail ; elle se fait, ne se forme que par et à
travers le travail. D'où la nécessité d'une
créativité sans relâche, assidue et rationalisée.
Ce qui déplait dans notre terrain d'étude, c'est
cette absence de créativité ; la population est
plongée dans une dynamique mécanique, routinière et peu
réaménagée. Tout le monde fait la même chose et
presque de la même manière. C'est ce qui explique l'échec
de certains projets qui, pourtant, pouvaient être
bénéfiques pour la population, je cite, à titre d'exemple,
l'élevage en stabulation des animaux domestiques tels que la vache, le
mouton et la chèvre qui sont restés attachés ou
laissés paitre sur de très réduits pâturage, sans
fourrage important.
C'est ce même manque de créativité qui n'a
pas favorisé la promotion de l'habitat, les méthodes culturales,
jusqu'ici rustiques et, qui ne favorisent plus la productivité ;
c'est ce même manque de créativité qui justifie que nous
fassions usage de certains outils et objets utilisés depuis
l'antiquité et demeurés toujours dans le même état
de choses et d'actions, tels que la houe, la machette, le cuve à
boisson, le mortier et pilon, le van, la natte, la hutte, la boisson locale,
les grabats, la harpe et mêmes les cultures qui, pourtant ne sont plus
adaptées au climat et aux sols.
Pour sortir de ce gaufrier statique, il est indispensable que
les acteurs sociaux se mobilisent, se concertent et s'engagent dans une
dynamique récréative, inventive et innovatrice. Ce principe
correspond à la notion de la «
mobalité »133(*) dont les principes directeurs sont
l'indépendance et l'autodétermination. Le premier principe
relève de la créativité tandis que le second est le fruit
d'une volonté ferme et résolument engagée. Il va sans dire
qu'on ne peut relever le défi dont souffre la chefferie qu'à
travers cette volonté de faire et mieux faire et que cette
volonté soit, non une contrainte extérieure mais une contrainte
interne.
Un dicton mashi prône le principe de la
créativité en déterminant que l'action sociale doit
commencer par le bas âge et se poursuivre dans le reste de sa vie. Le
jeune doit être un modèle et une force active, entreprenante,
initiatrice et intégratrice des valeurs dans sa communauté.
D'où l'expression qu'on rencontre à travers toute la
chefferie : « Omurho mulume », cela veut dire
qu' « être jeune, c'est être
homme » : la jeunesse doit refléter la force physique de
l'homme ; une force qui invente, innove, produit et concentre sa
vivacité sur des faits et des idéaux voulus et
réfléchis en vue de la transformation substantielle et positive
de sa communauté.
7.1.2. Principe de l'unanimité participative
rationnelle
La considération marxiste du développement
reconnaît que les contradictions internes sont la cause fondamentale de
celui-ci et que les facteurs externes n'en sont que des conditions. Marx a
développé la notion de la dialectique avec Hegel. La dialectique
marxiste repose sur trois pôles interagissants : la thèse,
l'antithèse et la synthèse
Le terme
« dialectique » dérive du mot composé grec
äéáëìåãåéí
(dialegein), qui indique dès le départ que son sens
n'est pas simple. La signification la plus courante de
ëìåãåéí, c'est
« parler » et le préfixe äéá
indique l'idée d'un rapport ou d'un échange. La dialectique est donc, d'après
l'étymologie, un échange de paroles ou de discours,
c'est-à-dire une discussion ou un dialogue ; comme forme de savoir,
elle est alors la technique du dialogue, ou l'art de la dispute, tel qu'il a
été développé et fixé dans le cadre de la
pratique politique propre à la cité grecque.
Il convient tout de suite de remarquer
que ce sens renvoie à une tradition trop particulière, que la
valeur qu'il attribue à l'idée de dialectique reste faible et
doit être renforcée par une analyse philosophique, qui mettra en
évidence des significations très différentes. On peut
cependant retenir de cette analyse étymologique du mot deux
éléments très généraux : la dialectique
met en jeu des intermédiaires (dia) ; elle a rapport au
Logos, qui n'est pas seulement pour les Grecs le discours ou la raison, mais un
principe essentiel de détermination du réel et de la
pensée.
La catégorie de dialectique est
surtout une catégorie technique de la philosophie : on ne peut
s'attendre à la rencontrer que dans le cadre de systèmes
philosophiques déterminés, pourvue à chaque fois d'une
définition particulière. Commençons par prélever
dans l'histoire de la philosophie les grandes définitions de la
dialectique de Platon : « Le dialecticien est celui qui
aperçoit la totalité
(óõíìïðôéêïò) »
(La République, VII, 537c).Aristote : « Le
dialecticien est l'homme capable de formuler des propositions et des objections
».134(*)
Le principe de l'unanimité participative rationnelle a
pour soubassement la dialectique, car les acteurs doivent émettre des
idées et tenir compte des contradictions qui émanent de
différents interlocuteurs. Aucune proposition n'aura donc une
considération évangélique mais tiendra compte du jargon
populaire selon lequel « du choc des idées jaillit la
lumière ». L'action
« développementiste » doit tenir compte des apports
de tous les acteurs impliqués ou bénéficiaires de projet
mais cette participation doit être constructive et non destructrice. De
cette rationalité résulte l'appropriation, par tous les membres
du groupe social, de l'ouvrage, ou du projet devenu réalité.
C'est en somme, un principe de collaboration et de
complémentarité entre différents acteurs évoluant
au sein d'un système social.
7.1.3. Le principe d'autonomie et de gestion rationnelle
La notion d'autonomie ne peut être adéquatement
saisie que si ses différents sens sont précisés à
la fois dans leurs contextes historiques, dans leurs valeurs synonymiques et
antithétiques, et enfin, dans les domaines et les activités
auxquels ils s'appliquent.
Au sens littéral, autonomie signifie le droit
pour un État ou pour une personne de se régir d'après ses
propres lois. C'est le sens qu'on relève chez les historiens
grecs : ainsi, Thucydide (III, xlvi) parle d'un peuple qui se
soulève pour obtenir son indépendance, et Xénophon
(Helléniques, V, i, 36), des Béotiens qui cherchaient
à se rendre autonomes par rapport aux Thébains.
Cette notion doit être distinguée de celle
d'autarchie, et rapprochée de celle
d'autarcie. Littéralement, l'autarchie
est le pouvoir absolu. Mais il faut noter qu'une façon de se donner ses
propres lois (autonomie), c'est d'exercer sur les autres un pouvoir absolu
(autarchie). Ainsi, se trouve évoquée une première
série de difficultés : à quelles conditions une
collectivité peut-elle être la source des lois qui la
régissent ? L'autonomie implique-t-elle la
souveraineté ? S'accommode-t-elle, au contraire, de certains
arrangements de dépendance mutuelle (comme dans des organisations de
type confédéral), ou même de subordination (comme c'est le
cas des États fédérés par rapport aux organes
fédéraux) ? Caractérise-t-elle seulement les
relations extérieures des unités politiques, ou convient-elle
aussi pour qualifier les groupements constitutifs (familles, professions,
unités de résidence) dont sont composées les
cités ? Il ne semble pas que la pensée grecque soit
allée très avant dans l'exploration de ces difficultés.
Elle s'en tient à l'idée de l'autodétermination des
unités politiques, plus précisément des cités, sans
en chercher les limites ni les conditions.
Si l'autonomie ne se confond pas avec la souveraineté,
elle doit être rapprochée de la suffisance, notion
très courante chez les historiens, en particulier chez Thucydide (I,
xxvii) lorsqu'il parle des gens de Corcyre qui « n'ont besoin de
personne ». C'est dans une acception beaucoup plus
élaborée que la prend Platon (Politique, I, 2, 8)
lorsque, définissant la communauté parfaite, il la qualifie
d'autarcique, c'est-à-dire ayant atteint la limite de
l'indépendance économique. La même idée est
précisée par le contraste classique qu'établit la
République entre les cités qui se suffisent à
elles-mêmes et « celles qui dépendent en toutes choses
des autres » (369 b).135(*)
Le sens que nous conférons, ici, à
l'autonomie s'apparente ainsi à celui de la suffisance. En effet,
l'idéal à rechercher dans chaque famille est celui de
travailler, produire, se suffire, satisfaire le plus possible aux besoins de
ses membres et gérer rationnellement ses biens sans les dilapider. Ceci
implique donc une bonne gestion, une rationalité.
La notion de gestion se réfère à la fois
à un ensemble de pratiques spontanées ou structurées (les
techniques de gestion), à un ensemble de préceptes
opératoires (les principes ou les règles de gestion ou de
management) et un corps de théories (les sciences de gestion).136(*)
La gestion se référant à des lois et
principes, il ne s'agit pas, ici, pour toutes ces familles, d'aller à
l'école et apprendre des théories de gestion, mais plutôt
de développer des reflexes de gestion, non pas d'une manière
spontanée ou éphémère, mais continue, en se basant
sur les faits réels qui caractérisent leur vécu
quotidien ; ce qui fait appel à un autre principe.
7.1.4. Le principe de l'auto-évaluation permanente et
objective
Tout travail exige une certaine planification à travers
laquelle on se fixe des objectifs, les moyens matériels, humains et
financiers, les coûts, les menaces, la durée, etc. L'acteur
social ou la famille doit planifier ses activités et les évaluer
quotidiennement. Le but de s'auto-évaluer familialement doit permettre
à la famille de se situer par rapport à ses objectifs, ses
idéaux, ses stratégies, les actions menées et celles
envisagées ou envisageables, imaginées et imaginables,
inimaginées ou inimaginables. Dans le processus de
l'auto-évaluation, la famille doit se situer, savoir d'où elle
vient, où elle se situe par rapport à ses objectifs, par rapport
à son environnement, et projeter de nouvelles actions
d'auto-amélioration. Il s'agit donc de revoir ce que la famille s'est
fixé comme objectifs et en évaluer les résultats positifs
et négatifs. Dans cette évaluation, la famille doit jauger ce
qu'elle a pu faire, la manière dont elle l'a fait, quand ? Avec
qui ? Comment ? Où ? Elle doit relever les
difficultés auxquelles elle a fait face et la façon dont elle les
a contournées. En s'auto-évaluant régulièrement, la
famille ne fait que baliser son parcours de tous les jours, elle passe en
revue ses ressources, ses dépenses prioritaires et celles secondaires,
elle adopte une option pour sa vie et son maintien.
L'aspect « reliogioniste » et
attentiste, observé dans de nombreuses familles handicape cette
évaluation au sein des familles car, celles-ci, au lieu de
déterminer, seules, leur destin, se fient en des croyances ou des
organisations desquelles elles attendent leur salut fustigeant ainsi le fait
que l'on ne devient réellement que ce que l'on a voulu volontairement ou
involontairement être.
Pour parvenir à une auto- évaluation correcte,
trois éléments doivent entrer en compte, notamment ; la
personne avec ses prestations ; son statut social et
la fonction liée à ce statut à travers laquelle
apparaissent les rôles ou les prestations de la personne sociale. Ainsi,
se construit une triade d'auto-évaluation individuelle
permanente schématisée comme suit :
Prestations et objectifs
prestations
Schéma n° 11 : la triade
d'auto-évaluation individuelle permanente
Fonction
Statut
Commentaire :
Toute évaluation d'un individu par rapport à
lui - même (auto-évaluation) ou par rapport à une autre
personne doit se réaliser sur base de cette triade. Les excellentes
prestations sont celles qui sont en adéquation entre l'acteur, le statut
et la fonction de l'acteur. Cette évaluation doit demeurer
permanente afin que l'acteur déraille ni de sa mission, ses objectifs et
de ses tratégies.
La triade d'évaluation individuelle permanente est une
marque d'équilibre manifeste entre l'acteur social, son statut, sa
fonction et ses prestations. Autant cet équilibre s'impose entre ce
qu'il est et ce qu'il fait, autant cet équilibre doit exister entre la
personne sociale et son environnement. Tout déséquilibre entre
l'acteur social et les faits ci-hauts décrits implique une question
sociale et se manifeste par un malaise au sein de la communauté, entre
les membres eux-mêmes d'abord et leur environnement, ensuite.
7.1.5. Le principe d'appropriation idéologique,
politique et culturelle
Il est nécessaire de passer en revue les
différentes acceptions que les auteurs confèrent à
l'idéologie avant d'en déterminer ses éléments
constitutifs.
Une idéologie est un système (possédant
sa logique et sa rigueur propres) de représentations (images, mythes,
idées ou concepts selon les cas) doué d'une existence et d'un
rôle historiques au sein d'une société donnée. Sans
entrer dans le problème des rapports d'une science à son
passé (idéologique), disons que l'idéologie comme
système de représentations se distingue de la science en ce que
la fonction pratico-sociale l'emporte en elle sur la fonction théorique
(ou fonction de connaissance) » (L. Althusser, Pour Marx).
« Par idéologies, nous entendons ces
interprétations de la situation qui ne sont pas le produit
d'expériences concrètes, mais une sorte de connaissance
dénaturée (distorted) de ces expériences qui
servent à masquer la situation réelle et agissent sur l'individu
comme une contrainte » (K. Mannheim, Diagnosis of Our
Time).
« L'idéologie est un système global
d'interprétations du monde historico-politique » (R. Aron,
Trois Essais sur l'âge industriel).
« L'idéologie est l'expression
intellectuelle historiquement déterminée d'une situation
d'intérêts » (Mennicke, cité par le
Philos. Wörterbuch de H. Schmidt et J. Streller).
« L'idéologie est une pensée
chargée d'affectivité où chacun de ces deux
éléments corrompt l'autre » (J. Monnerot,
Sociologie du communisme).
« Une idéologie est un complexe
d'idées ou de représentations qui passe aux yeux du sujet pour
une interprétation du monde ou de sa propre situation, qui lui
représente la vérité absolue, mais sous la forme d'une
illusion par quoi il se justifie, se dissimule, se dérobe d'une
façon ou d'une autre, mais pour son avantage immédiat. Voir
qu'une pensée est idéologique équivaut à
dévoiler l'erreur, à démasquer le mal, la désigner
comme idéologie, c'est lui reprocher d'être mensongère et
malhonnête, on ne saurait donc l'attaquer plus violemment »
(K. Jaspers, Origine et sens de
l'histoire)137(*).
« Une idéologie a pour
fonction de donner des directives d'action individuelle et
collective » (M. Rodinson, Sociologie marxiste et
idéologie marxiste).
Ce sont ces deux dernières acceptions de
l'idéologie qui retiennent le plus notre attention dans la
présente thèse car elles présentent l'idéologie
comme un faisceau d'idées-forces ayant pour but d'assurer le
progrès, l'évolution et le maintien harmonieux d'une
communauté. Il nous revient cependant de formuler un bref
questionnement sur qu'est la réelle idéologie des bashi dans le
domaine politique, économique et culturel et en même temps
décrire la dynamique à travers laquelle se sont
insérés tous ces aspects.
Sur le plan politique, la pensée des bashi, en
général et ceux de Ngweshe en particulier, était
fondée sur le pouvoir sacrosaint du mwami, strictement
hiérarchisé et assujettissant. C'est un pouvoir de forme
pyramidale dont le mwami est placé au sommet. C'est un pouvoir
morcelé entre différents nobles dépendant les uns des
autres mais qui sont tous soumis au mwami. La position au sein de cette
pyramide des pouvoirs dépend de statut, fonctions et rôles qu'on
détient au sein de la communauté. Les responsabilités
confiées par le mwami à ses administrés sont liés
à la consanguinité, confiance et estime. Le mwami, de par son
pouvoir discrétionnel, peut déchoir son administré de
ses fonctions à tout moment avec ou sans consultation aucune.
A ce jour, ce pouvoir s'est, petit à petit,
effrité : le mwami n'est plus cet organe ou cette personne qui
incarne le plein pouvoir, la confiance et la générosité
absolus envers sa population. Ceci serait du, à coup sur, à une
crise de l'éthique et de gestion de la part des dirigeants et des
dirigés au sein de la chefferie.
Sur le plan économique, les bashi prônent
l'autosatisfaction dans la solidarité ; deux notions qui sont en
ballottage, mais qui restent fondées sur des activités
agropastorales et commerciales. En tout état de cause, le mushi n'aime
et n'encourage ni l'oisiveté ni la passivité, et encore moins le
parasitisme.
Enfin, sur le plan du savoir, les progrès
spectaculaires ont été observés, au premier degré,
certes, car l'on est passé de connaissances brutes, vulgaires, à
celles plus rationnelles ; de la primitivité à la
l'écriture ; de l'analphabétisme à
l'alphabétisation et la scolarisation. L'illettrisme a
été enrayé en grande partie de la part des jeunes et
même des adultes. A ce jour, 75 % des personnes âgées de 30
ans savent lire et écrire.
En une seconde étape, la méconnaissance de
l'informatique frappe tout le monde presque et l'englobe dans une autre forme
d'illettrisme. L'informatique n'est enseignée dans aucune des
écoles de la chefferie et donc une grande partie de la population n'est
ni à jour de l'informatique ni des logiciels. Environs 80 % de la
population n'ont ni vu ni touché un ordinateur. Par contre, 50 % de la
population ont déjà fait usage du téléphone
portable.
7.2. PROJECTION DE LA PROTECTION ENVIRONNEMENTALE A
NGWESHE
Introduction
Dans les passages précédents, nous avons pu
présenter l'état environnemental au sein de la chefferie, les
indicateurs de cet état ainsi que les facteurs parmi lesquels nous avons
cité les récurrents feux des brousses, les déboisements
à grande échelle causés par la présence des
milliers des réfugiés rwandais sur le territoire de Ngweshe (
à Nyangezi, Ikoma et Mulamba) et suite aussi aux diverses
briquèteries, aux effets liés à la carbonisation,
à l'extraction minière et d'autres raisons des coupes d'arbres et
de destruction environnementale. Ce point aborde donc des aspects liés
à la gestion de l'environnement, la grille de sondage
factuel, les attentes à l'égard du futur (ce qui est souhaitable
ou envisageable) et l'image du futur (ce qui est possible ou
réalisable).
7.2.1. La gestion de
l'environnement
La gestion de l'environnement est une mesure
préventive, curative et un élément devant refléter
des futurs favorables pour des populations qui s'en font un cheval de batail.
Au vu de la précarité que traverse les populations de la
chefferie à travers tous les groupements par rapport à la
sécurité alimentaire, la vétusté ou l'inexistence
des infrastructures de base, les maladies des mains sales, le paludisme et le
manque d'énergie, la réflexion doit persuader les acteurs sociaux
et plus particulièrement les familles à demeurer plus
responsables dans la gestion de vie quotidienne.
1°) Par rapport à l'insécurité
alimentaire
La chefferie est confrontée aux problèmes de
rareté des terres arables, l'infertilité du sol, la
mosaïque du manioc (wilt bactérien) et du bananier (qui
constituent les principaux aliments pour la population et qui, curieusement,
sont en disparition), la menace du changement climatique et le manque de
jachère. Si l'on persévère dans le déboisement,
ces phénomènes deviendront plus manifestes qu'ils ne les
demeurent aujourd'hui, et tendront, ainsi, vers une rareté alimentaire.
De ce point de vue, la politique de reboisement et de la protection de l'arbre
doit être persuasive pour chaque habitant afin de ne par exacerber la
précarité alimentaire dans laquelle se trouvent les familles dont
question.
2°) Par rapport à la vétusté
et/ou l'inexistence des infrastructures de base et l'habitat
Des écoles de la chefferie, beaucoup sont en
très mauvais état. Il y a des rivières sans ponts, et cela
met en danger la vie des populations, et plus particulièrement, les
écoliers surtout pendant les périodes pluvieuses. Il va sans dire
que si l'on continue à couper les jeunes arbres, ces problèmes
resteront à jamais irrésolus et l'habitat demeurera
défectueux.
3°) Par rapport aux maladies
Il faut un environnement sain pour prévenir et lutter
contre les maladies. Ainsi donc, le désherbage doit être
régulier autour des maisons. Le drainage des marais est requis pour
prévenir le paludisme, les versants des collines doivent être
sauvegardés en bon état pour éviter la pollution des
sources d'eaux potables situées en aval des collines.
4°) Par rapport à l'énergie
électrique
A ce jour, à travers toute la chefferie, seuls les
centres commerciaux de Munya (Nyangezi) et Walungu-centre sont, par moment,
desservis en énergie électrique. Or la chefferie dispose
d'importantes ressources hydroélectriques non exploitées. Il y a
bien de chutes des rivières qui, si l'on y aménageait des
barrages, peuvent desservir toute la chefferie et les chefferies voisines en
courant électrique. Le programme de la chefferie, quant à ce,
s'avère noble, mais faut-il encore qu'un tel aménagement se
réalise.
Ce sont, donc, à titre illustratif, des formes de
gestion de l'environnement qui peuvent transformer qualitativement et
quantitativement le vécu des familles à court, moyen et long
terme si l'on s'y met avec détermination. En d'autres termes,
protéger l'environnement, c'est assurer aux populations qui l'ont en
usage, une pérennité et un goût de vivre
décemment.
5°) Par rapport aux déchets, aux bruis et
l'extraction minière : aucune mesure n'est prise ou
envisagée par rapport à ces phénomènes et donc
l'environnement et la population en pâtiront.
7.2.2. La grille de sondage factuel
Cette grille reposera sur un aspect très important,
celui de l'agrométéorologie qui est cette
nouvelle discipline qui étudie les interactions entre la plante, le
sol et l'atmosphère. L'agrométéorologie est, du point de
vue des chercheurs, « l'étude scientifique de l'interaction
entre les phénomènes atmosphériques et l'ensemble des
facteurs de la production agricole ». Cette approche trouve un
prolongement opérationnel pour autant que l'information ainsi
créée réponde à des besoins réels de la
profession agricole, et qu'elle lui parvienne rapidement, avant son
échéance de validité.
On distingue, à cet égard, trois types
différents d'informations agrométéorologiques : le
court terme (de un à cinq jours), le moyen terme (de quinze jours
à deux mois) et le long terme, (d'un an ou plus). De telles informations
doivent satisfaire aux demandes exprimées par la profession
agricole : prévision des conditions météorologiques
pour la réalisation des travaux agricoles, prévision du risque de
gel, prévision des risques de développement de certaines maladies
liées au climat, suivi du bilan hydrique des sols, suivi des sommes de
températures en liaison avec le calendrier de développement des
plantes ; études agroclimatiques diverses pour le choix des
cultures, des variétés et des régions d'implantation les
mieux appropriées en fonction de leurs exigences écoclimatiques,
etc.138(*)
Les données agrométéorologiques sont
indispensables pour maîtriser l'environnement, la sécurité
alimentaire, l'harmonie sociale et démographique.
Ainsi, du point de vue de la dégradation, on peut noter
ce qui suit ;
· le dénivellement des montagnes et des collines
par les érosions, ce qui provoque un délavage du sol
· les inondations des marais ayant pour
conséquence leur sous-exploitation et leur improductivité
· la déforestation et le déboisement
à grande échelle auront des conséquences sur l'aspect
climatique et celui de l'habitat
· les rivières en crues qui débordent de
leurs lits détruisent les cultures et influent négativement sur
la récolte
· les eaux des pluies peu canalisées inondent les
vallées, détruisent les étangs piscoles et salissent les
sources d'eau propre à la consommation des habitants
· les feux des brousses sont une conséquence sur
l'infertilité du sol mais un moyen de trouver du fourrage pour les
animaux domestiques
· le manque d'antiérosifs et de jachère
contribue à la réduction sensible des sols arables
· les briqueteries installées dans les marais
réduisent aussi bien les terres cultivables que et les boisements
installés aux alentours : c'est le cas des marais de Nyamubanda et
Kaliginya en groupement de Nyangezi, Cisheke à Walungu, Nacirwi à
Lubona, Ibere à Burhale, Nalugana à Ciherano en Groupement de
Lurhala, etc.
Tous ces aspects, liés à la dégradation
naturelle et/ou humaine de l'environnement, présentent à la
fois des impacts positifs et négatifs :
a). Aspects négatifs
- Diminution spectaculaire des produits des cultures et
d'élevages. En effet, au sein de la Chefferie de Ngweshe, les aliments
de base ont toujours été le manioc et la patate douce. Trois
facteurs ont contribué à la rareté de ces denrées
depuis 1994 :
Ø l'exiguïté et l'infertilité des
lopins des sols cultivés par différents ménages
Ø les destructions culturales par la mosaïque du
manioc à travers toute la chefferie, et
Ø la main d'oeuvre essentiellement féminine dans
une production familiale et dans un contexte purement féminin incluant
peu d'hommes
Pour se nourrir, les populations s'approvisionnent en farine
de manioc et /ou du maïs à partir de la ville de Bukavu qui,
elle-même est alimentée de par son hinterland d'Idjwi, Kalehe et
par la ville rwandaise de Cyangugu proche de la ville de Bukavu. Il va sans
dire que tant que le pouvoir d'achat sera faible, quelle que soit la
quantité d'offre des denrées alimentaires, la santé du
paysan sera précaire pour le simple fait qu'il ne saura jamais se
procurer à manger et manger à sa faim. Parmi les grands
défis à relever pour les dirigeants de la chefferie, il y a
essentiellement celui de procurer à la population à manger parce
que tout le reste de la vie en dépend. Il faut donc revaloriser la
terre, relancer la culture du manioc ou d'autres cultures similaires et
redonner ainsi au paysan sa joie de vivre.
Il faut rappeler que la diminution de la production du manioc
dans la région a eu des implications négatives sur d'autres
cultures telles que la banane qui, au lieu de servir à la production de
la boisson est consommée comme aliment. Il en est de même pour le
haricot dont la récolte prématurée ne permet plus au
paysan d'avoir une réserve en semences pour les saisons culturales
à venir. Et l'on trouve ainsi qu'à certains moments, le paysan
cultive mais ne sème pas faute de semences de haricot. Le bananier, lui
en tant que culture pérenne ne cause pas de problème de semence,
mais son entretien est exigeant. Les avis des gens divergent quant à la
consommation de la banane comme aliment et comme boisson:
Pour certains, à tendance nutritionniste, certes, la
consommation de la banane comme aliment et non comme boisson est plus rentable
pour le corps humain. La banane a plus de nutriments que le manioc qui dispose
de beaucoup d'amidon et dont une consommation abusive et exagérée
peut provoquer diverses maladies, à l'exemple du diabète.
D'autres, à tendance plus traditionnaliste, estiment
que la consommation de la banane par la cuisine réduit la production de
la boisson locale appelée « kasigsi ». Or, c'est par
cette boisson locale que les individus tissent leurs liens ; organisent
les fêtes de mariages, de naissances, de baptêmes ; se
détendent et se divertissent, organisent les deuils ;
évitent des problèmes dans leurs foyers, etc. Les boissons
étrangères ou usinées telles que la bière Primus
produite par la Bralima / Bukavu et vendue dans le milieu et bien d'autres
boissons, ne sont pas à la bourse de tout le monde.
· La recrudescence des maladies d'origine
hydrique
D'entrée de jeu, nous affirmons que la santé du
paysan de Ngweshe, en général, est dans un état de
précarité pour la simple raison qu'il mange mal et
insuffisamment. Cette précarité affecte beaucoup plus les enfants
en âge d'école primaire et les beaucoup plus encore les femmes
enceintes. Cette situation a été encore plus exacerbée par
la destruction de l'environnement et plus précisément par le
déblayage des pentes surplombant les sources d'eaux potables, ce qui a
conduit à la recrudescence des maladies d'origine hydrique :
choléra, verminose, billarhiziose, etc.
· Cas de dérèglements sociaux dans les
carrières aurifères : dans ces carrières, on
enregistre beaucoup de cas d'escroquerie, détournement, dettes,
prostitution, esprit de lucre pour les femmes, utilisation d'enfants et de
femmes à des travaux difficiles et à haut risque tels que les
descentes dans des filons à pentes raides, et obscurs. Il y a des cas
d'accidents meurtriers observé lors des écroulements des sols qui
ensevelissent de personnes, souvent difficiles à dénombre ou
identifier. Les carrières de Nyamadama à Luntukulu, Mukungwe en
groupement de Mushinga, Nyamurhali à Lubona, Kanyangwi et Kaji, en
groupement de Burhale, étaient les plus dangereuses.
· Abandon de l'agriculture au profit du
« creusage de l'or » dans les villages environnants les
carrières aurifères ;
· Maladies contagieuses liées à la
promiscuité sociale ; à la consommation sexuelle,
immorale, abusive et effrénée.
b) Aspects positifs
Si l'exploitation de l'or et de la cassitérite a eu des
impacts négatifs aussi bien sur l'environnement que sur le social, il
serait inouï de ne voir ce phénomène que sur ce seul aspect
négatif. On doit, à tout prix, lui reconnaître certains
points positifs sur le vécu des habitants :
· L'amélioration du revenu familial à
travers les matières exploitées et vendues
· L'émergence d'un petit commerce régulier
et rentable, avec écoulement facile des produits au sein de ces petits
carrés miniers
· Quelques changements culturels, issus des emprunts
culturels, dans les villages environnant les carrières en exploitation.
(mode vestimentaire, échanges linguistiques, mariage exogamique,
hétérogénéité tribales dans les
carrières minières, etc).
7.2.3. Les attentes à l'égard du futur
a) Par rapport à la famille en tant que
système social praxéologique, discursif et dynamique
Les attentes de la Chefferie reposent et doivent reposer
d'abord et essentiellement sur sa population dont nous redonnons encore, ici,
ses principales caractéristiques :
· Une population généralement
jeune
A Ngweshe, la population comprise entre dans la tranche
d'âges de 0 - 59 ans se chiffre à 462 930 personnes contre
une population totale de 601306 personnes, soit 77 %. La population
âgée de 60 ans et plus ne se chiffre qu'à 138 376
âmes, soit 23 %.139(*)
Partant du fait que toute population est naturellement
dynamique, il s'impose à toute population deux alternatives : celle
de fusionner le paradigme de croissance exponentielle et celle
démographique basée sur un bilan des flux de natalité et
de mortalité, car le dynamisme de toute population résulte
des entrées et des sorties en son sein : il s'agit
essentiellement des naissances, des immigrations, des décès et
des émigrations. Ainsi, une population se conforme à ce que l'on
appelle « Equation de concordance » qui, en fait,
établit un équilibre entre ces différents mouvements de
population :
Population/ Entité X = (N + I) - (D + E)
Légende : N : Naissances (personnes
nées et vivant sur le territoire X)
I : Personnes venues d'ailleurs et venues vivre sur le
territoire X
D : Décès
E : les personnes parties du territoire X pour divers
motifs.
Sur base de cette population essentiellement jeune, la
chefferie de Ngweshe peut initier en son sein des mécanismes d'auto
transformation interne par le fait qu'il y a des personnes pour travailler.
Cependant, notre analyse ne se limitera pas au seul chiffre de 77 % des
jeunes. Il faut en plus faire intervenir la réalité qui existe au
sein de cette catégorie, notamment la notion de la dépendance et
de celle de l'activité ou la production manifeste.
La population de 0 - 19 ans dite
« population dépendante » se
chiffre à 393 852 personnes, soit 65, 5 % ; celle des
personnes âgées de 70 ans et plus est de 17 856 personnes
aussi dépendantes, soit 2.96 %, ce qui donne un pourcentage net des
dépendants de 68.36 % ; tandis que la population active
et/ou attendue à la production (se retrouvant dans la tranche
d'âge de 20 - 69 ans) est de 189 598 personnes, soit 31.53 %.
· Une population pauvre et
régulièrement appauvrie
Les facteurs liés à ce phénomène
sont essentiellement les guerres, la présence des milices et des bandes
armées, les pillages des biens, des produits des cultures et
d'élevages, l'incendie des habitations, la faillite de nombreuses
sociétés en activité au sein de la chefferie depuis
l'indépendance ( à ce jour fermées), ce qui a
plongé au chômage une bonne partie de la population, la
vulnérabilité des certaines plantes telles que le manioc et la
bananier, la rareté et l'improductivité du sol arable, le
manque d'engrais et de jachère, etc.
· Une population sans ressources et sans
technicité : les ressources de la population sont
potentielles et non réelles
· Une population sans aucun projet concerté :
à défaut d'un projet concerté, unanime et global, la
population s'est constituée en de petits projets dont le plus souvent ne
comprend ni le sens ni l'aboutissement. Chaque village dispose d'un projet ou
tout au plus d'un comité dit de développement. En amont, dans les
villes et principalement Bukavu, les ressortissants de tel village se
constituent en un groupe des «Ressortissants du village X pour son
développement », mais sans jamais mener une action manifeste.
A ce sujet, la population devra être renseignée
de la définition qu'on donne au concept de développement :
construire un petit pont sur un ruisseau ; aménager un petit jardin
d'amarante autour des sa hutte ; entretenir un petit élevage de 4
à 5 cobayes ou 4 poules ; élever sa chèvre en
stabulation, ..., est- ce cela le développement tel que cela circule
dans nos villages sous le concept de majambere ?
Le développement, en notre entendement implique
l'interaction collective sur des actions concertées sur divers aspects
de la vie sociale touchant à l'amélioration qualitative et
quantitative de l'économie, la santé, la bonne gouvernance et la
démocratie, la démographie, l'instruction et l'environnement
stable. Le développement exige le travail orienté par des choix
collectifs, la rationalité, l'investissement, la
compétivité, la technologie et bien d'autres aspects.
· Une population où la haine, les
conflits et les divisions internes ont élu domicile au sein de
la chefferie : des problèmes de leadership, les conflits fonciers,
de petites dettes, la simple jalousie parfois sans objet, les soupçons
et les accusations de sorcellerie, sont des maux qui gangrènent toute
la communauté de Ngweshe et qui nécessitent d'être
combattus à temps pour l'équilibre social et environnement.
Il est donc clair que la protection de l'environnement
dépend de la responsabilité familiale, à travers ses
actions, ses discours et dans toute sa dynamique sociale et transformatrice.
Au- delà de la situation ainsi présentée,
nous reconnaissons que la chefferie envisage mener des actions dans le domaine
de la sauvegarde de son environnement, notamment en se proposant
de :
· desservir la population en
électricité ;
· réhabiliter et construire les infrastructures de
la chefferie,
· désenclaver les milieux éloignés
des centres accessibles ;
· former et sensibiliser la population sur les techniques
et méthodes culturales plus productives ;
· sensibiliser la communauté sur la protection de
l'environnement ;
· promouvoir les activités du développement
économique et social ;
· promouvoir un environnement de l'industrialisation de
la chefferie.
Il s'agit, ici, d'une projection initiée et
programmée par les autorités de la chefferie pour son
développement à travers un environnement sain. Toutefois, nous
estimons que ce programme mérite notre fine analyse pour lui
reconnaître une certaine fiabilité ou, a contrario, le soumettre
à quelques amendements pour le rendre plus pratique, rationnel et
praxéologiquement réalisable.
7.2.4. Les images du futur ou la vision prospective de la
famille et de l'environnement
Cette analyse doit se pencher, parmi tant de visions et
d'idéaux envisagés ou envisageables, sur ce qui est vraiment
réalisable sur base de moyens et ressources disponibles dans un temps
raisonnable et souhaité selon les objectifs qu'on s'est fixé
collectivement. Il faut arriver à prévenir les risques majeurs,
des événements inattendus par suite d'une programmation
communautaire inexistante ou une croyance naïve qui mettrait tout au
compte de la volonté divine, du destin, de la fatalité et de
la surprise malheureuse.
En effet, l'homme réagit, il veut contrôler son
destin, et le diriger. Pour cela, dès les
origines, il invente une science des événements. Ainsi est-on
conduit à distinguer successivement trois types de ces sciences :
dans les sociétés archaïques (fondées sur la
connaissance mythique), la divination ; dans les sociétés
historiques (c'est-à-dire après la Bible, qui remplace le mythe
de l'épiphanie par l'histoire des étapes du salut, et
après la Grèce, qui invente la « chronique »
des événements temporels), l'histoire ; dans la
société contemporaine rationaliste et prospectiviste. La
question reste ouverte, celle de savoir si une comparaison entre ces trois
formes de connaissance nous permet de dégager des constances et de
parler d'une logique événementielle, obéissant à un
certain nombre de lois, qui seraient des lois de notre esprit. Ou si
l'événement, au contraire, est ce qui résiste à
notre esprit, ce qui lui reste « opaque »
irréductiblement.140(*) Il s'agit donc des études reposant sur la
prospective telle qu'inventée par Berger Gaston.
Pour cet auteur, la prospective, c'est l'imagination
créatrice de l'avenir souhaitable (avec la volonté de le
préparer dès maintenant), imagination qui consiste à
examiner le jeu des tendances actuelles pour voir leur portée probable,
mais qui consiste plus encore à apprécier par avance la nouvelle
qualité de demande qui résultera de leur aboutissement
éventuel : car c'est cette nouvelle qualité d'exigence qui,
une fois formée, fera apparaître des types de désir et de
besoin, donc des types de comportement, qui bouleverseront la situation. En
bref, la prospective ne cherche pas à devancer le futur dans la ligne du
présent, sur le modèle du présent (à l'aide de
simples correctifs) ; elle cherche à devancer les styles de
conduite qui seront inventés à partir de tel ou tel schéma
d'avenir, s'il se réalise, et elle se dispose à instaurer les
conditions qui pourront les favoriser, s'ils contribuent à une
réelle promotion de l'homme.141(*)
Dès lors, deux préoccupations majeures
ressortent : ce qui est envisageable ou envisagé et
réalisé ou réalisable sur le plan familial et
environnemental au sein de la Chefferie.
7.2.4.1. Faits envisagés ou envisageables sur le plan
développementiste familial
Dans son « Plan Local de Développement
2010-2014 », la chefferie » de Ngweshe
envisage :
- améliorer l'accès à l'eau potable et
réduire la vulnérabilité de façon qu'au 31.et
12.2014, 80 % de la population ait accès à l'eau potable et
l'assainissement du milieu
- améliorer les conditions d'accès à
l'éducation, aux sports et aux loisirs de façon que,
conformément aux objectifs du millénaire, chaque enfant de la
chefferie accède à la l'éducation de base
- assurer à chaque habitant une habitation
décente
- améliorer l'accès aux soins de
santé
- assurer l'accès de la population à
l'énergie électrique de façons que chaque habitant de la
chefferie soit desservi en électricité au 31.12.2014
- réduire les risques de nouvelles contaminations du
VIH/SIDA à travers le renforcement de la sensibilisation à la
prévention et la lutte contre le VIH/SIDA de telle sorte que tous les
villages soient dotés d'ici 2020 des centres de dépistage
volontaire
- accroître la production agricole (cultures et
élevages)
- accroître la circulation des marchandises, des biens
et des services
- promouvoir les activités commerciales, artisanales,
minières, les petites et moyennes entreprises et au besoin les
activités industrielles
- promouvoir la bonne gouvernance.
Les actions envisagées par la chefferie sont
importantes mais elles manquent du réalisme, certaines apparaissent
très ambitieuses, d'autres s'inscrivent dans un cadre
macroéconomique de façon qu'elles ne peuvent en aucun cas
s'exécuter au sein d'une entité aussi « micro
sociétale » de Ngweshe par rapport à toute la nation
congolaise. C'est le cas de bonne gouvernance qui n'est pas l'apanage d'une
chefferie, car tous les services opérant au sein de la chefferie
relèvent de l'administration provinciale et nationale.
Un autre fait qui paraît avec peu
d'ambigüité, c'est, par exemple, l'accès à
l'électricité par toute la population d'ici le 31 décembre
2014. Un projet d'une telle envergure nécessite la concertation et
l'unanimité de toute la population adulte, des partenaires nationaux et
internationaux. On sait que l'électricité est un luxe et que tout
luxe requiert et exige des moyens adéquats. Malgré les
potentielles hydrauliques dont dispose la chefferie, il apparaît comme un
rêve de penser qu'en seulement quatre ans, on peut aménager des
centrales hydroélectriques qui desservent en énergie
électrique toute la population de Ngweshe. Qui s'engagerait d'abord dans
un tel projet ? Pour quel intérêt pour un si laps de temps et
par quelles ressources humaines, matérielles et
financières ? La question est de taille car à deux ans de
la fin du projet, personne au sein de la chefferie n'en est informé.
Aucune étude de faisabilité n'a été menée
sur aucune chute, aucun partenaire même pas la Société
Nationale d'Electricité (SNEL) qui a le monopole de produire et de
gérer l'électricité en République
Démocratique du Congo semble ne pas n'être pas informée du
projet.
La sécurité au sein de la chefferie est aussi
un autre défi à relever et ceci n'est pas de l'apanage de la
chefferie dont les autorités et toute la population, du reste,
observent, impuissamment les exactions qui se commettent en son sein par des
personnes qui ne sont même pas du milieu mais qui agissent hors la loi et
contre la dignité de tout être humain. C'est le cas des Forces
Démocratiques pour la Libération du Rwanda et leurs complices qui
sèment la terreur au sein de la chefferie et ailleurs depuis 1996 ;
le Raiya Mutomboki, une milice née dans le Territoire de Shabunda
depuis 2000, et qui s'est répandue en tache d'huile sur d'autres
territoires limitrophes sans parler d'autres bandits inciviques. Nul n'est
besoin de le rappeler, ceci étant une vérité
universellement connue : l'Est de la République Démocratique
du Congo est devenu une jungle depuis que l'armée rwandaise du feu
Président Habyarimana s'est enfuie avec tout son arsenal militaire dans
les provinces du Nord et Sud-Kivu.
Nous estimons, à notre humble avis, que la Chefferie
de Ngweshe connaît, certes des problèmes mais qu'il y en a dont
les solutions ne relèvent même pas de la conjugaison des forces
de ses habitants mais plutôt des gouvernements provincial et central.
Tout compte fait, la dynamique de changement tant quantitatif
que qualitatif au sein de la chefferie doit souscrire aux aspects
suivants :
· La concertation et l'unanimité sur les
projets prioritaires :
Cet aspect relève des principes énoncés
antécédemment impliquant que la concertation et
l'unanimité populaire, au sein d'une entité sociale par rapport
à un projet, aboutit toujours à l'appropriation dudit projet et
des ouvrages par toute la population présente et à venir.
· L'introduction et le respect des normes de la
planification familiale au sein de la communauté :
Ceci nous amènera à avoir une taille de famille
plus réduite, plus raisonnable et en adéquation avec les
ressources de la famille ; avoir des enfants et des mères beaucoup
plus en bonne santé. Plus les enfants sont moins nombreux au sein d'une
famille aux ressources médiocres, plus la scolarisation peut être
facilement abordable. Il va sans dire que nous n'aurons pas de familles
stables aussi longtemps que nous serons irresponsables dans notre
procréation, aussi longtemps que nous remettrons au compte de Dieu les
fruits de notre sexualité effrénée et
incontrôlée.
Tous les membres de la communauté, à tous les
âges adultes, devront ainsi être informés et
sensibilisés sur la paternité et la maternité
responsables ; sur le fait qu'il ne sert à rien d'avoir des
enfants qu'on ne peut pas nourrir ; que les naissances nombreuses
affectent malencontreusement la santé de la mère et peuvent
provoquer, à coup sur, aussi bien le décès de la
mère que des enfants ; que les grossesses au-delà de 39 ans
et au-delà de la septième grossesse sont avérées
des grossesses à haut risque pour la mère et le nouveau-
né ; que les grossesses trop rapprochées ou nombreuses ne
permettent pas à la famille d'épargner quoi que ce soit... Elles
appauvrissent plus qu'elles n'enrichissent. La famille concernée par
cet état de chose se retrouve constamment dans une situation
mélancolique, aux lendemains incertains et aux dépenses
insupportables. Un accent particulier devra donc être mis sur pied pour
qu'il y ait dans chaque village, au sein des Centres d'Etudes d'Actions pour
le Changement, des unités actives qui sensibilisent les jeunes
célibataires, les jeunes couples sur le nombre d'enfants qu'il faut
avoir et comment les avoir, c'est-à-dire déterminer le type d'
espacement de naissances qui convient entre deux accouchements successifs.
Faudra-t-il, par exemple, avoir deux enfants en quatre ou en huit ans.
L'exigüité des espaces arables et habitables, l'explosion
démographique, la vie chère, la faible technologie sont des
facteurs qui font de la planification familiale une contrainte au sein de la
Chefferie de Ngweshe.
· Le travail et le manque d'ambigüité
discursive :
Comme dit précédemment, la famille est
essentiellement travail et discours. Elle doit maîtriser ce qu'elle fait
et saisir toutes les opportunités par rapport aux actions productives
dans lesquelles elle s'engage. Elle doit saisir ce qu'elle dit et ce qu'elle
entend pour éviter d'être à la remorque des gens sans
idéal praxéologique rationnel. La chefferie devra donc
décourager toutes les Eglises qui estiment qu'on peut vivre seulement au
compte des prières et qu'il faut, au lieu de travailler, s'enfermer dans
des chambres des prières, invoquer l'être suprême et
attendre de lui toutes les solutions aux problèmes du croyant. Pour
faire face au défi de développement, la Chefferie
s'attèlera à des démarches actionnalistes et discursives
orientées vers le principe de l'auto-évaluation permanente.
Ainsi, ces démarches requièrent le
renouvellement du système économique de production. Etant
donné que les espaces cultivables et habitables se sont
avérés réduits et que l'infertilité du sol est
devenue manifeste à travers toute la chefferie, il convient qu'on
recourt à de nouvelles habitudes alimentaires, de nouveaux modes de
culture ou d'exploitation agricole ou encore introduire dans le milieu des
nouvelles cultures. C'est par exemple le riz de montagne, la pomme de
terre,..., et développer l'artisanat à travers toute
l'entité.
C'est à ce prix que l'on peut encore relancer petit
à petit la production au sein de la chefferie, nourrir tout le monde et
tendre vers l'autodépendance.
7.2.4.2. Faits envisagés ou envisageables sur le plan
du maintien et de la durabilité de
l'environnement.
A ce sujet, le Bureau de développement de la chefferie
envisage assurer un environnement durable à toute sa population.
« Sa mission s'inscrit dans le programme prioritaire du gouvernement
provincial, dans la lutte contre la dégradation du cadre de vie et
prévoit sensibiliser toute la population sur l'intérêt de
l'arbre, sur le méfait des emballages en plastique ; initier des
projets de substitution tels que la pisciculture et l'artisanat afin d'assurer
un environnement durable capable d'accueillir les générations
futures ».142(*)
Définir une nouvelle politique de reboisement
collectif ; renforcer les activités de protection de
l'environnement ; reboiser toutes les collines nues ; sensibiliser la
population sur l'intérêt de l'arbre et sur la protection de
l'environnement à travers tous les seize groupements, tel est le cheval
de bataille de la chefferie dans le domaine de l'environnement jusqu'en 2014.
Cette programmation se heurte à certains défis
qui handicaperaient sa réalisation : il s'agit successivement
de :
· la vente de certains espaces, jadis communautaires,
à des particuliers ;
· la divagation des animaux domestiques ;
· les feux des brousses ;
· les destructions méchantes issues des tensions
internes ou de la pure jalousie ;
· les conflits fonciers ;
· le manque d'espèces d'arbres fertilisants :
certains arbres en vogue dans le milieu tels que l'eucalyptus, le grevelia et
le cyprès contribuent défavorablement à la
défertilisation du sol. Il importe donc d'avoir des arbres qui
douée d'une certaine capacité de fertiliser plus le sol que de
l'épuiser;
· L'explosion démographique : la population
s'accroît tous les ans de façon que l'on est obligé
d'habiter les espaces réservés aux cultures et certains flancs
des collines. Ces cas sont plus manifestes dans les groupements de Lurhala,
Kaniola, Izege, Lubona, Burhale et Walungu. Il y a cependant un
élément d'équilibrage par rapport à cette explosion
démographique : c'est l'exode rural. La population jeune
émigre vers les villes de Bukavu et Goma
· La faible instruction de la population.
Les aspects liés à l'environnement tel
qu'envisagé dans le Plan local de développement de 2010-2014 de
la chefferie s'attèle principalement sur l'arbre et semble ne pas
attirer beaucoup d'attentions sur d'autres composantes de l'environnement.
En effet, selon Jean- Pierre Raffin, le mot
environnement, employé seul, réfère implicitement à
l'environnement de l'homme, c'est-à-dire à ses conditions de vie,
aux fruits de ses activités (qu'ils soient positifs ou négatifs),
etc. Le champ est donc vaste, sans limites bien définies dans le temps
et dans l'espace. Il est évident que la protection de la nature, la
culture, la qualité de la vie, l'aménagement du territoire, le
développement durable, font partie de l'environnement.143(*) (C'est nous qui
soulignons).
Cependant, nous reconnaitrons l'ambigüité que
renferme le terme « environnement » du fait qu' il englobe
tout de façon qu'on se demande concrètement ce qui n'est pas dans
l'environnement, l'environnement étant l'ensemble de tout ce qui nous
entoure. A ce sujet, Jean- Pierre Raffin pose une préoccupation majeure
en ces termes :
« Pourquoi séparerait-on d'un
ministère de l'Environnement un ministère de l'Agriculture et de
la Pêche, un ministère des Transports, un ministère de la
Santé, etc., dont les préoccupations sont, à
l'évidence, parties intégrantes de l'environnement ? Vouloir
qu'un ministère traite de problèmes d'environnement impliquerait,
en bonne logique, qu'il ait en charge, ou à tout le moins qu'il
supervise, les différents ministères ayant prise sur les
différentes activités humaines. Cela n'a jamais été
le cas.
Cet exemple démontre toute l'ambiguïté
d'un mot dont les contours englobent beaucoup plus que ce que l'on veut bien
lui attribuer, comme en témoignent aussi les différentes branches
du droit qui en traitent bien de cas ».144(*)
C'est par suite à cette ambigüité du
contenu du terme que la chefferie n'a peut-être pas été
à mesure d'aborder toutes les composantes de son environnement. Nous
partirons de la considération que Raffin fait de l'environnement pour
relever certains aspects environnementaux sur lesquels devraient s'atteler les
responsables de la chefferie de Ngweshe, il s'agit principalement des aspects
liés à la culture et à l'aménagement de son
territoire :
Ø Par rapport aux aspects culturels
Traditionnellement, le mushi en général et celui
de Ngweshe particulier réservait une portion de sa parcelle à un
petit boisement pour, non seulement répondre à ses besoins
immédiats de construction, mais aussi disposer d'une influence
dominatrice et généreuse vis-à-vis de ses sujets. C'est le
boisement du chef ou « kazirhu ka nnahano » fait
d'eucalyptus généralement et de bambous. Ses sujets venaient
faire révérence, demander des sticks et de bambous pour
construire leurs cases et lui, offrait généralement après
avoir manifesté des signes d'autorité, d'abondance, de
responsabilité et, aussi un peu de moquerie, parfois masquée,
parfois ouverte envers le sujet demandeur, mais tout dépendait du
statut du sujet. Tout cela constituait son honneur et sa considération
envers ses sujets. Un chef qui n'offrait pas, qui ne répondait pas
généreusement aux besoins de ses sujets n'était pas
respecté.
Si l'on ne se base, ne fût-ce que sur cet aspect
culturel traditionnel, chacun, à ce jour, peut découvrir que le
simple fait de se constituer un petit boisement dans sa parcelle lui offre des
considérations sociales importantes. Il peut s'en servir seul pour ses
constructions régulières, vendre ou en donner aux personnes qui
en ont besoin et qui ne disposent pas de possibilités de s'en
procurer.
Dans l'un comme dans l'autre cas, c'est le possesseur du
boisement qui gagne, et donc nul n'est encore besoin de démontrer la
nécessité de l'arbre, car sans tenir compte des autres
considérations physiques ou climatiques exigeant peut-être un
petit savoir, il ressort clairement que la culture du mushi lui imposait
déjà de se constituer un boisement sans pour autant en
connaître toutes les facettes liées à son importance. Nous
estimons que les conditions dans lesquelles nous vivons actuellement et celles
à venir nous imposent de jeter le regard sur le passé, non d'une
manière naïve mais d'une façon objectivement
rationnelle.
Ø Par rapport à l'aménagement
territorial
Selon François Taulelle, « toute
intervention de l'homme sur son territoire pour en organiser les
éléments ; améliorer l'existant ; le rendre
plus performant, constitue une action d'aménagement.
L'aménagement est donc un acte volontaire qui s'oppose au laisser-faire.
C'est aussi une recherche de cohérence là où les
interventions individuelles pourraient produire du désordre.
L'aménagement d'un lieu repose sur un diagnostic mettant en
évidence les points à améliorer ou à modifier.
Ainsi, une modification minime d'un milieu limité,
naturel ou déjà utilisé par l'homme, que ce soit
l'éclaircissement d'une forêt ou l'utilisation des engrais dans un
champ, le drainage d'un marais, le reboisement, la construction d'une route,
d'un étang piscole ou d'un tipping-tank, relève de
l'aménagement lequel s'accomplit à travers les agents
géographiques et aménageurs qui peuvent être des
propriétaires, gestionnaires, responsables territoriaux, experts,
etc.
Aménager est un terme polysémique comme
l'explique Roger Brunet (L'Aménagement du territoire en France,
1995), précisant les différentes acceptions que peut prendre ce
verbe : aménager allie des actions de protection (empêcher,
protéger) à des actions d'équipement (réaliser une
infrastructure), des actions curatives (réparer) ou d'incitation (aider
au montage de projet). L'aménagement porte aussi
bien sur des éléments du paysage (routes, zones
d'activité, habitations) que sur des lieux géographiques,
à différentes échelles, qui peuvent faire l'objet d'un
traitement spécifique : les littoraux, la montagne, etc.
».145(*)
Le plan d'aménagement au sein de la chefferie se
présente comme suit :
· aménagement de 27 sources d'eau potable dans
huit groupements (Nyangezi, Kamanyola ou Kashenyi, Luciga, Burhale, Mulamba,
Kamisimbi, Ikoma et Lurhala)
· aménagement de trois adductions d'eau pour
approvisionner en eau potable les populations des groupements de Karhongo,
Lurhala, Walungu et Burhale
· construire des latrines publiques dans les
édifices publiques (bureaux administratifs, écoles et
marchés) à travers les seize groupements
· créer des centres d'encadrement des jeunes et
de récupération des jeunes désoeuvrés à
Lurhala, Walungu, Mushinga, Burhale, Kashenyi et Karhongo
· promouvoir des centres d'alphabétisation
à Lurhala, Walungu, Mushinga, Burhale, Kamanyola et Nyangezi
· promouvoir des écoles maternelles à
Lurhala, Walungu, Mushinga, Burhale, Kamanyola, et Nyangezi
· réhabiliter 3 écoles dans le groupement
de Kamanyola ; 5 écoles dans le groupement de Nyangezi ; 11
à Mulamba ; 12 à Burhale ; 9 dans le groupement de
Luchiga ; 21 dans le groupement d'Irongo
· équiper 5 écoles dans le groupement de
Kamanyola ; 6 à Nyangezi ; 2 à Burhale ; 10
à Ikoma ; 20 à Lurhala ; 14 à Kamisimbi ; 2
à Luchiga ; 9 à Mushinga
· drainer les marais de Nyangezi, Mulamba, Burhale,
Kaniola et Walungu
· Reboiser les collines déboisées dans les
groupements de Karhongo, Walungu, Tubimbi, Nduda et Irongo
· réhabiliter, équiper et approvisionner
en médicaments les structures sanitaires de Karhongo, Kamanyola,
Luchiga, Mulamba, Burhale, Ikoma, Lurhala, Kamisimbi, Mushinga et Nduda
· réhabiliter les routes de desserte agricole
à travers les groupements de Nyangezi, Luchiga, Burhale, Mulamba, Ikoma,
Lurhala, Tubimbi et Lubona
· tracer la route Lukube - Cirimiro - Kashanga (4 Kms)
· aménager les ponts sur les rivières des
groupements de Mulamba, Burhale, Ikoma, Lurhala, Kamisimbi etLuchiga
· construire des micro-barrages à Burhale et
Mulamba sur les chutes de Nyanganda et Kasiru
· construire des marchés modernes et les terrains
de football de Walungu-centre, Burhale, Nyangezi et Mushinga
· renforcer les capacités des acteurs de la
chefferie et des groupements dans les domaines de la décentralisation,
bonne gouvernance, gestion des entités, méthode participative,
et budget participatif.
Voici d'une façon exhaustive ce que la chefferie a
prévu en son plan d'actions étendues sur quatre ans. Ce plan
intègre les domaines de l'eau et assainissement,
éducation, agriculture et élevage, environnement, transport et
communication, énergie, commerce, infrastructures sociales et
divertissement, santé, et bonne gouvernance.
Ce plan aurait pour finalités primordiales, s'il
était exécuté complètement, dans son processus
dynamique, d'assurer tant l'équilibre des familles que de
l'environnement au sein de la chefferie. Il dispose, cependant des
failles.
En premier lieu, au fait que la chefferie a
élaboré ce plan sans disposer ni de moyens conséquents,
ni de partenaires fiables et engagés dans le projet, ni encore moins
d'un cadre sécuritaire pouvant permettre des tels investissements
En second lieu, la faille du programme
réside au fait qu'il n'existe pas de mesures sécuritaires et de
communication permettant un aménagement consistant à
renforcer les capacités des acteurs de la chefferie et des groupements
dans les domaines de la décentralisation, de bonne gouvernance, de
gestion des entités, de méthode participative, et du budget
participatif.
En effet, ce plan n'a été porté à
la connaissance de la population ni en amont ni en aval, c'est-à-dire ni
avant, pendant et après sa conception, c'est ce qui élimine le
caractère participatif et d'appropriation. Il avait été
recommandé à la société civile de la chefferie de
Ngweshe de faire large diffusion du présent document qui,
elle-même, n'en était pas formellement informée et
consultée selon les avis recueillis lors de notre
Conférence-débat tenue au siège de la chefferie (à
Walungu), le mardi, 8 décembre 2011 et qui avait pour
thème : « la dynamique familial dans un processus
démocratique ». En outre, la bonne gestion des
entités prônée par ce programme ne sera jamais atteinte
tant que l'administration de la chefferie et des groupements sera toujours
ancrée dans ce carcan du pouvoir traditionnel héréditaire.
L'incompétence intellectuelle des membres du Conseil de la chefferie,
c'est-à-dire les chefs des groupements, est un des
éléments de l'échec de la méthode participative, du
budget participatif et de la bonne gouvernance.
Cependant, on devra reconnaître certaines
réalisations des acteurs qui ont agi indépendamment du bon
vouloir des autorités de la chefferie. C'est le PNUD qui a construit des
installations pour la Police nationale, le Tribunal de Paix, la salle des
jeunes à Walungu ; War Child a qui aménagé une
salle des jeunes à Burhale. Les hôpitaux de Nyangezi et Kamanyola
sont de l'oeuvre du Diocèse catholique de Bukavu à travers son
Bureau Diocésain des OEuvres Médicales et ses partenaires. Quant
aux quelques hangars observables dans les marchés de Kakinda (Mulamba),
Mugogo (Lurhala), Burhuza (Burhale), Kakono (Luchiga), il s'agit de certaines
ONG et quelques politiciens agissant pour des raisons électoralistes. Ce
sont, à proprement parler, des actions de façade sans impact
majeur sur la vie des populations bénéficiaires de ne pas
pouvoir abriter le tiers des personnes fréquentant le marché
Tout compte fait, la famille de Ngweshe est et demeurera
encore longtemps dans son déséquilibre pour bien de raisons sus
évoquées, il en est de même pour son environnement. Des
mesures devront donc être prises pour parer à la situation. Les
principes émis dans cette thèse, s'ils sont suivis
scrupuleusement pourront, à coup sûr, appuyer les
générations futures dans la recherche de la stabilité tant
au niveau des ménages que de l'environnement, car il est bon de retenir
qu'on ne devient réellement que ce que l'on veut réellement
devenir.
Nous devrons retenir, avant de clôturer ce chapitre que
tout aménagement exige :
1°. La prise de conscience : toutes les
sociétés sont accoutumées à élaborer des
politiques sociales, des réformes administratives et
d'équipements. Toutes ces politiques se heurtent à des
problèmes de localisation, de délimitation, de tailles et de
formes. Les acteurs de tout aménagement doivent se poser des questions
relatives à toutes ces variables. Il faut ainsi pour tout
aménagement de l'expertise pour que celui-ci profite au plus et au mieux
possible à la communauté initiatrice. C'est ainsi que tout
aménagement d'un territoire doit souscrire à une :
· Prise de conscience des coûts sociaux des
sous-équipements aussi bien que des concentrations excessives, car
plus l'aménagement est convenable plus il attrait les populations vers
lui ;
· Prise de conscience de la dégradation des
cadres de vie : notons par exemple que la construction d'une route,
d'une usine, un barrage exige le déplacement des populations en partie
ou en totalité des populations au lieu d'aménagement. C'est pour
cette raison que tout aménagement, quelle que soit sa dimension
exige, en amont, l'étude d'impacts socio-économiques et
environnementaux afin d'éviter un projet qui a plus de méfaits
qu'il n'a d'intérêts communautaires; et, en aval, des
séances d'évaluation assidues et concertées ;
· Prise de conscience du vieillissement sectoriel ou
global d'une organisation régionale : du fait que les hommes
passent et que, les institutions restent, l'on doit penser, à tout
moment, au remplacement et à la relève des animateurs de toute
organisation engagée dans les aménagements territoriaux;
· Prise de conscience d'une nécessaire
réaction en face des traductions spatiales spontanées de
croissance diverses : plus un milieu se rentabilise plus il attire
des êtres humains en son sein. La plupart de fois, le nombre des
personnes venues s'installer paraissent plus importantes que l'espace
ciblé pour l'installation, c'est ce qui conduit à la
rareté des espace habitables, aux constructions anarchiques, à
la promiscuité et à la résurgence de nombreuses
pathologies.
Toutes ces prises de conscience exigent au préalable
des diagnostics conduisant à l'identification et à la
définition des problèmes régionaux et des
disparités régionales : il s'agit des
disparité :
Ø démographiques : il s'agit
d'évaluer les incidences que l'aménagement aura sur la population
à court, moyen et long terme ;
Ø économiques : la dynamique devra se
pencher sur les implications de l'aménagement, les aspects agricoles,
commerciaux, etc.
Ø sociales : il s'agit d'évaluer les
incidences sur la santé, sur les équipements administratifs, les
aspects culturels, les revenus des ménages, les rapports sociaux, les
croyances, etc. ;
Ø écologiques et géographique : il
faut évaluer les déséquilibres constatés sur les
écosystèmes, les sols, le climat, par effet des interventions
humaines.
Tout compte fait, un aménagement dispose des effets
négatifs et positifs dans le milieu où il se réalise et
les acteurs sociaux doivent en tenir compte, apprécier les risques et
les atténuer pour rendre l'aménagement bénéfique et
durable. Il importe de dire que la population ne s'approprie réellement
un aménagement que lorsque celui-ci présente moins
d'inconvénients à son égard. Toutefois, les effets
indésirables peuvent être remplacés par d'autres
éléments inventés par les initiateurs du projet en termes
de compensation, d'où les études d'impacts et d'évaluation
s'avèrent indispensables.
En définitive, la dynamique familiale et
environnementale au sein de la chefferie doit être souscrite dans une
intervention sociologique impliquant les aspects psychosociologique,
organisationnel et socianalytique.
a. L'intervention psychosociologique
Elle consiste en la prise de conscience des problèmes
auxquels les acteurs sociaux doivent faire face. C'est donc un
développement des réseaux communicationnels à travers
lesquels les individus engagés dans le processus de changement
s'identifient, dans un cadre sociométrique, par rapport aux objectifs,
aux compétences, aux charges et à l'esprit de
responsabilité. On se choisit les as au sein du groupe, des leaders
devant conduire l'action sociale.
b. L'intervention organisationnelle
C'est la phase des rencontres programmées par le groupe
sous l'égide des personnes responsabilisées collectivement au
cours desquelles les acteurs sociaux débattent et se conviennent sur
les actions à mener. A cette phase, on insiste sur certaines questions
telles que : Où ? Quoi ? Quand ? Comment ?
Avec qui ? Pendant combien de temps ? Etc. C'est donc la phase de
programmation qui prend inéluctablement en compte toutes les forces
vives de la communauté engagée dans le processus de
changement et détermine les objectifs, les actions et les
stratégies de mise en oeuvre.
c. L'intervention socianalytique
Selon Lapassade et Lourau, la socianalyse est l'analyse
institutionnelle en situation d'intervention.146(*) Selon les mêmes
auteurs, il y a intervention socianalytique lorsque sont réunies les
opérations suivantes : l'analyse de la demande, l'autogestion de
l'intervention, la règle de « tout dire »,
l'élucidation de la transversalité des appartenances positives et
négatives, l'analyse des implications du chercheur- praticien.
Au sein de la chefferie, pour le maintien de
l'équilibre familial et environnemental, il convient que les habitants
initient des stratégies et des approches socianalytiques. C'est une
phase évaluative et praxéologique.
Dans ce cas précis, les autorités devront
à tout moment veiller à mettre sur pied un plan de l'eau, l'air,
la qualité des sols, la protection de la nature, la lutte contre les
bruits, la protection de littoral des cours d'eau, etc.
Conclusion partielle
Cette thèse s'était fixé certains
objectifs à atteindre, notamment celui d'émettre des
propositions favorables au changement tant quantitatif que qualitatif pour
le progrès durable de la chefferie. Des propositions ont
été émises en tenant compte des aspects
agrométéorologiques, lesquels s'avèrent indispensables
pour maîtriser l'environnement, la sécurité alimentaire,
l'harmonie sociale et la démographie. Ce sont des aspects importants
pour toute communauté parce que l'agrométéorologie est
l'étude scientifique de l'interaction entre les phénomènes
atmosphériques et l'ensemble de la production agricole. Ainsi, avons -
nous passé en revue tous les aléas auxquels sont
confrontées les populations de la chefferie. Ils sont d'ordre
environnemental, alimentaire, sécuritaire et démographique. Tous
ces problèmes appellent à des plans d'aménagement local
pour le développement de l'entité. Il conviendra que ce plan
soit soumis à un suivi régulier et unanime pour ne pas rester un
voeu pieux. D' où la pertinence du principe d'auto-évaluation
permanente.
CONCLUSION
GENERALE
Cette thèse s'inscrit dans la sociologie de la
famille, de l'environnement et du discours et s'insère dans la
Sociologie du présent car ce dernier détermine l'avenir des
peuples. La sociologie du discours et la praxéologie interdiscursive
sont des élargissements de la sociologie fondamentale, ce qui
insère la présente thèse dans la sociologie
fondamentale.
En effet, pour rappel la sociologie se subdivise en deux
grandes parties : la sociologie générale et fondamentale et
les sociologies spéciales :
De la sociologie générale et
fondamentale, on apprend les notions de base de la sociologie, ses
méthodes, ses théories, ses concepts et les ruptures pouvant
être opérées en son sein.
Les sociologies spéciales se subdivisent en
sociologies spécialisées et en sociologies
particulières.
Les sociologies spécialisées sont
celles se reportant à un domaine précis de la vie. Par exemple,
la Sociologie rurale, la Sociologie de la famille, la Sociologie urbaine, la
Sociologie de la religion, la Sociologie du loisir, etc.
Une sociologie sera dite particulière si elle
se rapporte à une autre science. Par exemple, la Sociologie du droit
(car le droit est une science), la Sociologie économique, la Sociologie
des conflits (celle prend en compte la Polémologie ou la science de la
guerre), la Sociologie politique, etc.
Dès lors, il se dégage les différents
domaines de recherche dans lesquelles se situe cette thèse.
Fondamentalement, elle est axée sur la famille comme système
social et cadre de vie, sur l'environnement dont dispose toute famille et sur
le discours en tant que système et ensemble des mécanismes de
communication et de socialisation.
De par son dynamisme et ses transformations internes et
externes, la famille s'inscrit dans la sociologie du développement de
par ses efforts permanents et assidus en vue de se refaire et se parfaire,
améliorer ses conditions de vie et assurer son maintien dans les
domaines physique, économique, social, culturel et environnemental. Tous
ces domaines à travers lesquels évolue la famille font d'elle un
système évoluant dans un vaste réseau des relations
multiformes et dynamiques confrontées à d'autres systèmes
tels que l'environnement proche et lointain.
Cette thèse est donc une sociologie triadique qui
combine Famille-Environnement- Développement, le discours en
étant la courroie de transmission. En effet, toute famille en tant que
système social vit dans et à travers son environnement qu'il
soit physique, culturel, économique et social. Dans cette dynamique
multisectorielle, la famille produit régulièrement des discours
et en consomme d'autres. Sa capacité d'appréhension et de
compréhension de différents discours à sa portée,
lui permet d'en comprendre le sens tant au niveau de l'émission que de
la réception. Cette compréhension discursive s'assujettit
à la triple dialectique quadripolaire qui combine, à la fois, le
langage, la conscience et l'expérience du locuteur, auditeur, la
société-histoire (le milieu où se produit le discours) et
le scientifique social.
Au-delà de discours produits et consommés par la
famille et qui ont des effets négatifs ou positifs sur elle, il y a une
notion capitale qui intervient dans sa dynamique processuelle : c'est le
travail. La famille est principalement travail et discours
mais aussi détentrice d'un environnement. C'est à travers les
trois éléments qu'elle s' émeut, se développe ou se
dégrade et assure sa continuité, rationnelle ou irationnelle.
Bien de travaux (ouvrages, thèses de doctorat, divers
articles, mémoires) ont abordé singulièrement et
même abondamment les thèmes de famille, environnement, discours et
développement. Nous citons, à titre d'exemple, François
Syngly qui a produit tant d'ouvrages sur la famille, et beaucoup d'articles,
conférences et séminaires se sont penchés sur la notion de
l'environnement comme sur les aspects du langage.
Par rapport à tous ces travaux, aucun n'avait,
jusqu'à ce jour, combiné à la fois les thèmes de
famille, environnement et discours dans une approche « interactionniste
et développementiste » et dans un milieu précis
comme celui de la chefferie de Ngweshe. Cette thèse est donc une
première par rapport à l'interaction thématique et par
rapport à l'univers de la recherche, et là se situe son
originalité.
En effet, à quoi servirait-il d'étudier une
famille si l'on ne peut pas se pencher sur ses aspects praxéologiques et
discursifs, c'est-à-dire, sur ce qu'elle a fait, ce qu'elle fait,
comment l'a- t- elle fait ? Avec qui ? Quand ? Ce qu'elle
envisage faire, ce qu'elle entend et dit et comment elle gère
l'environnement dans lequel elle vit et celui qui l'entoure. C'est de par cette
approche que nous nous sommes fixé des objectifs spécifiques de
cette thèse que voici :
D'une manière plus spécifique, nous poursuivons
les objectifs ci-après :
- étudier la famille de Ngweshe dans sa dynamique
interne (praxéologique, discursive, économique, politique,
culturelle) et environnementale ;
- saisir les possibilités de continuité des
valeurs culturelles au sein des familles de Ngweshe en dépit de
l'environnement toujours changeant ;
- répertorier les discours et les actions cadrant avec
sa transformation et son équilibre à la lumière de la
praxéologie interdiscursive ;
- identifier les pathologies auxquelles sont confrontés
les ménages et rechercher les voies d'éradication ;
- relever les forces et les faiblesses des actions produites
de l'intérieur et de l'extérieur des familles ;
- émettre des propositions favorables à son
changement qualitatif et quantitatif pour le progrès durable de Ngweshe
et ce, à court, moyen et long terme.
En effet, c'est sur base de ces objectifs que nous avons
émis notre thèse selon laquelle une famille qui n'est pas au
centre permanent d'études d'actions de changement n'est pas du tout en
ordre avec elle-même et avec son environnement. Elle ne peut pas, au
niveau interne, produire des discours praxéologiques et rationnels. Elle
se rend incapable de savoir analyser et appréhender les discours
externes. La gestion durable d'elle-même et de son environnement est par
conséquent compromise.
De ce point de vue, et d'une façon
subsidiaire, la famille est une unité sociale strictement
structurée et hiérarchisée. Elle évolue
positivement ou négativement de par son travail, son dynamisme, les
aléas de la vie et son environnement. Elle produit des discours et en
consomme d'autres. C'est une unité sociale praxéologique,
socialisante et intégratrice. Elle doit plus viser à
s'autonomiser qu'à dépendre de qui que ce soit.
Les discours et les actions au sein de la famille
constituent des enjeux à maitriser sociologiquement pour parvenir
à une transformation des déséquilibres dont la famille est
victime malgré les multiples interventions des organisations non
gouvernementales avant, pendant et après les conflits qui ont
sévi la chefferie.
La famille, considérée comme champ
d'historicité, devra être porteuse du
« sujet » ou projet selon Alain Touraine, et du
« capital » susceptibles de conduire à une dynamique
de transformation efficace, durable et de gestion rationnelle familiale et
environnementale. La sociologie de l'autodétermination devra être
un mécanisme de recherche des acquis déterminants dans
l'équilibre familial au sein de cet univers.
Enfin, nous retiendrons que l'épistémologie
est, et demeurera, pour le scientifique ce que le « Niveau
d'eau » est au maçon, c'est grâce à ce petit
outil que le maçon se rassure parfaitement de la droiture du mur en
chantier. Plus le mur est droit plus il est apprécié et plus il
résistera aux intempéries et secousses internes et
extérieures.
Pour affiner notre réflexion, un soubassement
théorique nous a été indispensable : il s'agit des
théories de la famille en tant que système social, de
l'action et l'autodétermination du langage, l'environnement et du
développement.
Nos questions de départ nous ont permis de
déboucher sur des conjectures qui nous ont permis non seulement de
descendre sur le terrain mais aussi d'aboutir à des résultats
fiables.
Des enquêtes menées sur le terrain, il
s'avère, sur le plan praxéologique, qu'au sein de la chefferie
de Ngweshe, les familles sont quotidiennement en activité à la
recherche de leur pain quotidien à travers, essentiellement, les travaux
champêtres desquels elles demeurent les principales actrices.
Acculées par les diverse plaintes au sein leurs familles, l'état
physiologique et psychologique, les mères des ménages endurent
beaucoup de difficultés ; elles travaillent
intensément ; elles sont fréquemment porteuses des
grossesses ; elles sont berceuses de leurs enfants et de leurs
maris ; toutes les demandes au sein du foyer leur sont essentiellement
adressées. C'est la femme aux mille bras selon Ngoma Binda147(*) pendant que les hommes sont,
soit oisifs, soit occupés à d'autres travaux qui n'appuient pas
principalement la vie du foyer, soit qu'ils se sont pendant longtemps
retranchés de leurs foyers. A titre d'exemple, un homme, père de
famille trouvera plus digne d'entretenir sa bananeraie, produire de la
bière, s'enivrer, se déambuler au long de journée ou des
journées, jouer au sombi, se relaxer tout au long de toute la
journée ou aller dans des carrés miniers sans espoir d'en
ramener quoi que ce soit plutôt que d'être entrain de sarcler un
champ de haricot ou de manioc avec sa faemme. Il a existé
traditionnellement une division du travail par rapport aux sexes : les
travaux champêtres, culinaires, le puisage de l'eau, la recherche du bois
de chauffe, l'entretien de la parcelle et des enfants et de la maison,
l'élevage domestique autre que celui de la vache, étaient
réservés aux femmes alors que l'homme ne pouvait qu'entretenir sa
vache, sa bananeraie, en extraire de la boisson, la consommer et jouir de tout
son temps le plus librement possible. A ce jour, la tendance va dans le sens
contraire, mais la femme reste toujours au centre de tout. Ainsi, par exemple,
les jeunes hommes préfèrent être dans les carrés
miniers, même s'ils n'espèrent pas en tirer substantiellement
quelque chose, plutôt que d'être à coté de leurs
épouses dans les champs. C'est donc un premier facteur de
l'improductivité familiale au sein de la chefferie et qui est
essentiellement d'ordre culturel.
Bien d'autres facteurs concourent à ce manque de
rentabilité familiale, c'est entre autre : l'infertilité du
sol, l'exigüité des espaces cultivés, le manque de
jachère, l'explosion démographique, l'exode rural, les modes et
les techniques culturales traditionnelles statiques et improductives, le statu
quo des cultures, les feux des brousses, les projets et actions très
ambitieux non concertés et peu réalistes.
Sur le plan discursif, la dimension sexuelle dispose bien
d'implications sur le comportement des individus et la productivité.
Ainsi, par exemple, le choix, l'alternance des cultures restent à la
portée de l'homme bien qu'il ne soit pas l'acteur principal dans ce
domaine de la production familiale.
En outre, la recherche de l'amélioration de la
production se heurte à des problèmes de considération
d'ordre métaphysique et théologique (devant à tout prix
être transcendées).
Du point de vue métaphysique, on pense que la
production est liée au « mubandé »,
c'est-à-dire la bénédiction des semences par le mwami ou
le chef de la chefferie, une condition sine qua non à la production
intensive. D'autres tendances théologiques, considèrent le
« mubandé » comme une pratique païenne. Ils
estiment que la production n'est que l'oeuvre de Dieu, d'où rien ne
sert à trop réfléchir ni sur les intrants ni sur les modes
agricoles, tout étant entre les mains de Dieu et de la façon dont
lui sont adressées les supplications de ses croyants.
L'infertilité, l'exigüité du sol arable,
le manque de jachère, sont autant d'autres facteurs qui concourent
à la faible productivité familiale mais qui ont pour soubassement
l'explosion démographique liée à des naissances nombreuses
et incontrôlées. Une croyance traditionnelle, et qui reste encore
entretenue par les Eglises actuellement, véhicule le message selon
lequel la conception, l'enfantement n'émanent que de la volonté
divine. Bien d'autres faveurs sont accordées à l'être
humain sans qu'il les ait demandées ou négociées, le tout
dépendant de la seule volonté divine. Dans ces
considérations attentistes et divinistes, les efforts à la base
s'amoindrissent ; les initiatives locales ou familiales aussi bien que des
projections communautaires concertées demeurent quasi inexistantes, et
lorsque celles-ci sont prises, elles s'avèrent peu réalistes,
inappropriées pour la population. C'est par exemple le projet de la
chefferie de fournir le courant électrique à la toute la
population de Ngweshe d'ici 2014.
Parcourant toujours la liste des résultats
opérés dans cette thèse, la chefferie de Ngweshe se heurte
à plusieurs défis tels que :
- Le phénomène du VIH/SIDA qui, faute
d'informations et de formations suffisantes en la matière, risque de
s'exacerber à travers de nouvelles contaminations. On n'envisage que les
structures sanitaires, les associations de lutte contre la maladie s'activent
davantage pour parer à l'épidémie au sein de
l'entité en disponibilisant plus de préservatifs et des ARV sur
le terrain ;
- Le manque d'énergie électrique dispose de
répercussions négatives sur l'environnement ; de jeunes
arbres sont coupés pour la carbonisation et pour l'habitat
demeuré en grande partie rustique;
- La morbidité ainsi que la mortalité demeurent
élevées suite aux problèmes de santé
caractérisée d'une précarité manifeste. Il faut que
les hôpitaux et médecins existants, bien que insuffisants,
développent des mécanismes de rendre les formations de
santé plus compétitives et plus compétentes en
matière sanitaire en élaborant des projets de santé
plus réalistes et plus opportunistes ;
- A l'heure de la mondialisation, la chefferie n'a pas encore
mis les pendules à l'heure. Les analphabètes paraissent plus
nombreux que les personnes instruites, encore faut-il apprécier les
limites de l'instruction reçue. En cette année 2012, moins d'un
pour cent de la population (chiffrée à plus de 600 000 personnes)
n'a pas accès ni à l'informatique, ni à l'internet, ni
à la télévision, ni à une bibliothèque
à jour). Beaucoup d'écoles fonctionnent dans un état de
délabrement avancé, sans fournitures scolaires appropriées
et sans personnel qualifié ;
- Le problème de transport se pose avec
acuité : les routes sont en mauvais état, les moyens de
transport sont insuffisants et déliquescents sans parler de
l'insécurité créée par des coupeurs de route.
Beaucoup de milieux sont inaccessibles faute de tracé routier pourtant
il existe une main d'oeuvre abondante. Il ne manque que des outils et une
sensibilisation à la base ;
- Le problème est aussi important, il y a trop peu de
sources aménagées. Il y a présence des maladies d'origine
hydrique. Faut-il rappeler que c'est le Bureau Eau-Hygiène
-Assainissement de l'UNICEF/Bukavu, l'Inspection Provinciale de la
Santé, la Commission internationale de la Croix Rouge qui s'attellent
plus à l'éradication de ce genre ces maladies. Les efforts sont
considérables à ce niveau, car ces maladies sont manifestement en
baisse surtout le choléra ;
- L'agriculture, activité et source principale des
ressources familiales, ne progresse pas du tout. Elle est confrontée
à des problèmes d'intrants, des pillages des cultures et des
produits d'élevage. Les pratiques culturales traditionnelles d'usage
actuel sont en inadéquation avec les besoins alimentaires du moment et,
en plus, les acteurs commis à cette activité sont principalement
les femmes déjà fortement surchargées au sein du
foyer ;
- Le commerce qui devait pallier au déficit agricole
est confronté à des handicaps ne lui permettant de progresser,
notamment les problèmes d'inaccessibilité routière,
l'insécurité, la pauvreté ou la médiocrité
du capital opérationnalisé et la jalousie intercommunautaire. Les
coopératives d'épargne et de crédit qui pouvaient combler
le déficit agricole ont fermé suite à l'incapacité
d'épargne des paysans, faute de revenu insuffisant ;
- Si pour des raisons évidentes, le commerce ne pouvait
pas être considéré comme un élément de
rééquilibrage, on pourrait envisager que les activités
issues de l'artisanat relayent tant les actions agricoles que commerciales.
Hélas ! l'artisanat dépendrait de l'énergie
électrique qui n'existe pas, et donc il est trop tôt qu'on
rêve à une certaine industrialisation du milieu ;
- Les aspects culturels sont aussi importants dans toute la
dynamique sociale et communautaire. Ainsi, les aspects linguistiques,
vestimentaires, alimentaires et comportementaux ont tendance à primer
sur la culture au sein des familles qui s'orientent plus vers les aspects
culturels externes qu'internes au point qu'on puisse parler d'une certaine
acculturation en quête à une déstabilisation de la
famille ;
- Enfin, l'insécurité a été
abordée comme étant un facteur important dans la dynamique
familiale au sein de notre milieu d'étude. Cette thèse aura
prouvé qu'avec l'insécurité, beaucoup de
phénomènes ont vu le jour dans le milieu, notamment le viol
à grande échelle, les massacres, l'émergence du banditisme
d'où résulte le phénomène
« kabanga », les pillages des ressources familiales, les
déplacements massifs des populations et la destruction de son
environnement.
Au demeurant, dans cette tourmente culturelle et historique,
nous avons pu démontrer que la famille n'est pas restée unique,
elle s'est diversifiée par ses activités, ses croyances et ses
comportements au point que nous sommes arrivé à établir
une typologie des familles au sein de la chefferie :
- Les familles traditionnelles ou conservatrices des
acquis et des survivances traditionnelles basées sur la divination,
l'animisme et des outils et ustensiles rustiques. Elles se retrouvent en des
villages enclavés, dans les montagnes, au bord de grandes
rivières et à la lisière de la forêt. Il s'agit de
villages tels que Nyamukumba, Ntondo, Tubimbi, Luhorhi, Businga, Nkomo,
Kashebeyi,Luntukulu Rhana, Cosho, Kaniola...
- Les familles à forte religiosité avec
des croyances fortes et non maitrisées qui croient presque en tout ce
qui est dit et tel que c'est dit, faute d'instruction suffisante et de
ressources. Elles se retrouvent un peu partout disséminées
ça et là ;
- Les familles à caractère
développementiste qui, par suite d'une certaine praxéologie,
ont compris que la transformation qualitative et quantitative de la vie ne peut
provenir que des actions initiées au sein de la famille et
exécutée par tous les membres actifs au sein de cette
dernière. Celles-ci, bien qu'encrées dans la culture et la
religion, ont dépassé les deux premiers paliers ;
- Les familles à vocation commerciale :
ce sont des entités sociales qui ont pris pour habitude d'acheter et de
vendre dans le but de réaliser un intérêt et qui ont fait
de cette activité une profession permanente laquelle leur confère
le statut de commerçant auquel elles se reconnaissent des droits et des
devoirs. Elles se retrouvent à travers tous les centres commerciaux. Ces
familles sont, cependant confronté à certains défis
notamment :
- éloignement par rapport à la ville de Bukavu,
seul centre d'approvisionnement et par rapport aux marchés
d'écoulement des produits achetés. C'est suite à cet
éloignement de la ville de Bukavu que le marché de Mugogo, en
groupement de Lurhala, est devenu un centre d'approvisionnement des produits
manufacturés.
- la faible capacité d'achat des villageois ;
- le mauvais état ou l'inexistence des routes
conduisant vers les marchés d'écoulement, le manque des moyens
de transport ;
- le manque des lieux d'entreposage des produits ;
- l'insécurité semée par des bandes
armées, les milices et les bandits ;
- la haine, l'envie et une pauvreté
généralisée des voisins ;
- la marche à pied et le transport sur la tête ou
le dos ;
- le mauvais état des marchés et les
intempéries souvent atroces ;
- le faible capital mis en exercice ;
- faible revenu et taille de famille très
élevée et bien d'autres défis. Il faut le
reconnaître, il n'est pas facile d'être commerçant en
chefferie de Ngweshe ;
- Les familles féodalistes et
conservatrices qui, principalement appartiennent au clan royal, aux
tendances de conserver leur pouvoir en décadence. Ce sont
généralement les chefs des groupements, les chefs des villages et
leurs proches ;
- Les familles des agriculteurs et
d'éleveurs : c'est la vocation universelle pour toutes les
familles au sein de la chefferie quel que soit le palier où elles se
retrouvent ;
- Les familles dépendantistes : ce sont
des familles pauvres, vulnérables, sans revenus ni dignité,
malades et déprimées.
Tout en typologisant les familles, nous avons
caractérisé aussi bien leurs propriétés, leurs
relations et leurs modes de production. Ce sont des situations
spécifiques à la chefferie et non concises d'une façon
généralisée à tous les peuples de l'univers.
Au sein de chaque palier de famille, il existe un discours
interne et externe lequel est principalement religieux, politique et
praxéologique, conatif, c'est-à-dire incitant à
l'action.
Quant à l'environnement, malgré les faibles
efforts consentis pour son maintien et sa conservation, reprenons, ici, les
principaux effets manifestes dans sa dégradation au fils des
temps :
· le dénivellement des montagnes et des collines
par les érosions, ce qui provoque un délavage du sol ;
· les inondations des marais ayant pour
conséquence leur sous-exploitation et leur improductivité ;
· la déforestation et le déboisement
à grande échelle auront des conséquences sur l'aspect
climatique et celui de l'habitat ;
· les rivières en crues qui débordent de
leurs lits détruisent les cultures influent négativement sur la
récolte ;
· les eaux des pluies peu canalisées inondent les
vallées, détruisent les étangs piscoles et salissent les
sources d'eaux propres à la consommation des habitants ;
· les feux des brousses sont une conséquence sur
l'infertilité du sol mais un moyen de trouver du fourrage pour les
animaux domestiques ;
· le manque d'antiérosifs et de jachère
contribue à la réduction sensible des sols arables ;
· les briqueteries installées dans les marais
réduisent aussi bien les terres cultivables que et les boisements
installés aux alentours : c'est le cas des marais de Nyamubanda et
Kaliginya en groupement de Nyangezi, Cisheke à Walungu, Nacirwi
à Lubona, Ibere à Burhale, Nalugana à Ciherano en
Groupement de Lurhala, etc.
Cette thèse aura ainsi abordé bien d'aspects
liés à la famille, l'environnement et les discours produits au
sein de familles. C'est une triade qui met en interactions les trois
éléments précités et qui s'imposent à tout
groupe social, car en fait, celui-ci à travers tout l'univers social, ne
peut vivre, se perpétuer que grâce à ses familles, son
travail et son environnement. A travers cet univers, les individus issus et/ou
vivants au sein de leurs familles produisent constamment des discours et en
appréhendent d'autres. Ceux-ci ont des effets négatifs et/ou
positifs tant sur les locuteurs, les auditeurs que sur la
société - histoire.par le travail, le groupe social se
transforme, il améliore son état d'être.
Ainsi, avons- nous cheminé dans un processus de vie
familiale et sociétale, de production de discours et de la gestion de
l'environnement. Bien de choses ont été retenues à cet
effet.
D'abord, par rapport à la famille, il a
été constaté que celle -ci n'a pas progressé en
dépit des efforts qui ont été fournis sur le terrain du
fait des projets initiés à la base mais dont ni la concertation
à la base ni l'appropriation communautaire ne sont
avérées collectivement.
Ensuite, les discours sont restés concentrés sur
le seul pôle des décideurs politiques et religieux, aucun
débat contradictoire n'existe à la base. Les populations locales
se présentent comme des paniers ouverts devant recevoir et ne jamais
offrir quoique ce soit. C'est en en sens que dans tous les projets
initiés par les organisations locales de développement, la
population se trouve déconsidérée, elle n'est pas
consultée ni sur les projets à court, moyen et long terme. En
fait, il a été signalé que toutes les ONG locales ne
disposent d'aucune indépendance théorique, matérielle et
financière, car c'est le bailleur des fonds qui impose le domaine
d'intervention, le canevas du projet, le plafond budgétaire, la
période d'exécution, la zone d'intervention et la population
cible. Pour bénéficier du financement, l'organisation
sollicitante doit se conformer scrupuleusement aux prescrits de l'organisation
étrangère qui se propose de financer le projet quasi
initié localement et sous ses directives.
Dans cette perspective, les organisations locales de
développement sont de boîtes de résonnance des bailleurs
des fonds : il s'agit d'une recolonisation mentale, matérielle et
financière. En fait, toutes ces structures sont plus au service de leurs
partenaires que de la population. Dans cette optique, les ONG locales se sont
retrouvées. Elles préfèrent répondre, se
soumettre aux organisations auxquelles elles sont
matériellement,idéologiquement et financièrement
redevables. D'où la fameuse théorie de l'opération
retour, à travers laquelle, l'association
bénéficiaire du financement doit rendre compte
financièrement pour se crédibiliser et se fidéliser
vis-à-vis du bailleur afin d'être éligible à
d'autres financement postérieurs.
Ainsi, les organisations locales financées se sont
taillées de l'argent car ne pouvant plus être sérieusement
contrôlées par les organisations qui les financent et qui, du
reste, se sentent satisfaites de leurs prestations de retour. Plus l'on
restitue plus l'on vaut. C'est en ce sens que les responsables des
organisations locales, devenus incontrôlés du fait des dividendes
qu'ils déversent et restituent aux bailleurs ou partenaires selon le
contrat, se sont enrichis pour qu'enfin les populations dites
vulnérables deviennent pour eux des marchepieds dans leur enrichissement
illicite qui a contribué, ainsi, aussi bien à leur
mobilité horizontale que verticale.
Enfin, pendant que la famille restée confrontée
à des problèmes d'ordre sécuritaire et alimentaire qui
entrainaient déplacements, morbidité et mortalité, son
environnement a été par moment et par endroits détruit
sauvagement. C'est qui a créé du déséquilibre tant
au niveau de la famille que de l'environnement et diversifié les
discours allant plus dans le sens de la fatalité que de l'espoir et de
l'autodétermination.
La thèse émet des mécanismes de
rétablissement fonctionnel de la famille qui, en fait, demeure
l'épicentre de la société ; de la production
discursive et de la gestion de l'environnement dans toutes ses facettes
physique, économique, politique et culturelle. Elle privilégie,
pour ce fait, dans la recherche et le maintien de l'équilibre familial,
discursif et environnemental, le Principe de l'unanimité
participative rationnelle qui est, du reste, la résultante des
principes de collaboration et de complémentarité
rationnalisées au sein de tous les systèmes sociaux agissant et
évoluant au sein de la chefferie. La formation et le fonctionnement des
Centres d'Etudes d'Actions de Changement (CEAC) en est la stratégie
principale. Ce principe, dans son application au sein des CEAC s'exécute
en six étapes :
· la constitution des noyaux d'étude, de
résilience et de recherche de transcendance du phénomène
déséquilibrant le groupe ou la communauté ;
· l'identification du problème majeur au niveau de
l'individu, du groupe ou de la communauté ;
· l'appropriation du problème par le groupe
entier ;
· la définition des objectifs et stratégies
dans la détermination de l'éradication ou l'atténuation du
problème ou ses facteurs ;
· la participation active, unanime et rationnelle du
groupe à travers des actions, non violentes mais méthodiques et
efficaces ;
· l'évaluation permanente et la projection de
nouvelles actions.
Chaque famille, pour être en ordre avec elle-même,
avec son environnement, produire des discours rationnels internes, savoir
analyser et en appréhender ceux externes, doit être un centre
permanent d'études d'actions de changement.
Le principe de l'unanimité participative rationnelle
est donc une dynamique globalisante, interne, qui intègre tous les
membres du groupe à travers des actions concertées en vue d'une
recherche et un aboutissement à des voies et moyens de transcender les
faiblesses au sein de groupe, de recouvrer ses valeurs et de se parfaire. A
travers un tel processus qui ne vise que le changement quantitatif et
qualitatif, le groupe s'évalue au fur et mesure qu'il évolue,
combat contre ses ennemis, contre sa propre peur et développe en
son sein des mécanismes d'auto-perfection et de réalisation de
soi.
Certes, ceci est idéal que propose cette thèse
pour le maintien de l'équilibre au sein de la famille de Ngweshe dans sa
dynamique sociale et dans la gestion de son environnement. Il importe de
relever ce constat peu satisfaisant que la famille de Ngweshe, depuis ses
origines jusqu'en ce moment de nos recherches, n'a pas encore atteint ce stade
de conception, de participation et d'évaluation unanimes.
Une affirmation émanant de nos conjectures de
départ plane sur le fait que les aspects discursifs et
praxéologiques n'ont pas favorisé la vision évolutive du
changement quantitatif et qualitatif au sein de la chefferie et que
même les discours internes et externes n'ont pas été
à la hauteur de stabiliser ni famille ni l'environnement. Et donc, pour
atteindre un niveau de durabilité et de fiabilité des actions
posées, envisagées et envisageables, il s'impose que celles- ci
s'inscrivent dans une dynamique interne, rationnelle, concertée
impliquant toutes les forces vives de l'entité.
Au-delà de toutes ces considérations, il est bon
de reconnaître certains aspects relatifs à la famille et à
son environnement, ces deux étant intimement liés :
1°. La famille, dans toutes ces modifications de
dislocation, de relâchement des responsabilités des parents envers
leurs enfants ou des conjoints envers eux-mêmes, de recomposition, de
perte de l'autorité parentale, de dérive culturelle et dans
toutes les contraintes issues des crises de société, doit
interpeller tous les acteurs sociaux. La famille, on le dira jamais assez,
est le lieu de socialisation, de construction identitaire, le point d'ancrage
et de repères le plus important dans l'édification de l'homme.
C'est la famille, dans et avec la société, qui modèle
l'individu. La question que l'on doit constamment se poser est celle de savoir
comment évoluera la famille dans ses missions traditionnelles dans une
société en crise ? En effet, la société
actuelle est confrontée à dix défis qui affectent
atrocement la famille du fait que les deux évoluent conjointement. Nous
notons:
· le problème du genre : à ce jour, le
sexe n'est plus le déterminant de sexe. Avoir un sexe masculin ou
féminin n'implique pas qu'on est nécessairement homme ou femme.
L'on peut s'identifier à un sexe de son choix ;
· le mariage homosexuel : la légalisation du
mariage homosexuel en Angleterre et en France et dans d'autres pays (quatorze,
au total en 2013), est une nouvelle ère pour le mariage, la famille et
la société en général. Le mariage n'est plus cette
union entre un homme et une femme tout comme la famille n'a plus le rôle
de procréer. Ces réalités occidentales s'étendront,
certes chez-nous. Dans la sauvegarde de nos cultures congolaises, les
élites doivent raisonner pour faire face à cette nouvelle
acculturation deshumanisante. En effet, considérant notre vision
très souvent orientée vers l'Occident et prenant en compte la
perte continuelle de nos cultures, pouvons-nous estimer que nos
sociétés seront, plus tard, homosexuelles ? Dans nos
tendances polygynes (on ne sent pas fier d'avoir une seule épouse), y
aura- t- il des familles à la hétérosexuelles et
homosexuelles ? D'où viendront nos enfants si nous tous nous
options pour l'homosexualité ? Que deviendront nos
sociétés ? Voilà des questions et bien d'autres qui
poussent certains sociologues de se poser cette question à laquelle on
n'a pas encore répondue : où va la famille
aujourd'hui ?
· la pédophile qui apparaît comme le manque
total de respect envers nos progénitures et la destruction de
l'être humain tant sur le plan aussi bien physique, moral que
psychologique ;
· la consommation sexuelle abusive et
désordonnée tant pour les enfants, jeunes et les adultes :
dans biens des cas, la consommation sexuelle est devenue plus une mode, un
simple plaisir, un élément de plus au palmarès des
partenaires sexuels plutôt qu'une réalisation de soi envers
l'autre et vice-versa ;
· le non respect des normes
sociales établies : Thomas Hobbes et Emile Durkheim avaient,
de leurs temps, l'un et l'autre, parlé de l'état de nature et de
l'anomie, deux concepts déterminant l'absence des normes sociales.
Dès nos jours, l'on remarque que les gens ont tendance à n'avoir
aucune observation envers les règles sociales, bien de gens, et
spécialement les jeunes, estimant se tracer leurs conduites sociales
propres à eux, sans aucun modèle ; les pathologies sociales
tendent à s'exacerber.
· l'insécurité et les guerres à
répétition : ce sont des situations qui ont exacerbé
la haine entre les habitants et les communautés, endeuillé des
milliers des familles et semé la culture de la mort au sein de beaucoup
d'ethnies ;
· la « nihilisation » des personnes
émergeantes : au niveau des élites, les violons ne semblent
pas s'accorder, les personnes émergeantes se font des luttes
clandestines, c'est un véritable panier à crabes ; ce qui
n'amène pas les communautés aller de l'avant et favoriser la
promotion des élites ;
· l'infertilité du sol, la destruction de
l'environnement et le réchauffement climatique
· la pauvreté ;
· le VIH/SIDA ;
· le progrès de la technologie est un aussi un
défi pour la famille. Prenons à titre d'exemple, une femme
porteuse d'une grossesse d'une autre femme désireuse d'être
mère, mais qui après avoir conçu, mais qui, pour des
raisons personnelles ou professionnelles ne veut pas porter une grossesse, et
la confie, par un procédé médical, alors à une
autre femme jusqu' à l'accouchement. Qui est la véritable
mère de l'enfant qui naîtra de cette grossesse ? Celle qui
l'a conçu ou celle qui l'a porté et nourri en son sein durant
neuf mois et qui a subi toute les peines (morale, psychologique, physique)
d'une mère attendant famille ?
· autres formes des pathologies sociales telles que la
drogue, la criminalité sous toutes ses formes, la prostitution, le
proxénétisme,
· d'autres théories qui accordent peu
d'importance à la famille, etc.
Cette thèse a abordé bien d'aspects liés
à la famille de Ngweshe et son environnement, esquissé quelques
discours sur lesquels se fondent certaines allures comportementales. Elle a
posé des questions, des problèmes et proposé des
réponses appropriées. Faudrait-il pour ce fait lui accorder un
cachet indéniable de vérité absolue ? Non, elle
conserve en son sein des limites que les recherches postérieures plus
multisectorielles pourraient combler en vertu de différents défis
qui guettent la famille et son environnement. Elle pourrait ainsi aborder des
aspects tels « Famille et multitude de sectes », Famille et
précarité économique », « Relation
entre famille et gouvernants », « Famille face aux
pathologies sociales », « Familles et
sexualité », « Famille face aux pathologies
contemporaines » et bien d'autres aspects. Telle la mission
postérieure que se fixe la présente thèse.
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18. MENAHEM, G., « Les rapports domestiques
entre femmes et hommes s'enracinent dans le passé familial des
conjoints », in Population, n° 3, INED, Paris, 1989
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pathologisants et instances de dépathologisation sociale, in
Ujuvi, n° 29, ISP, Bunia, juin, 2009.
20. RAFFIN, J.-P, « l'environnement », in
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21. TAULELLE, F.,
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23. VERCAUTEREN, P., « Gouvernance et
démocratie : quel ordre « ?, in
Fédéralisme et Régionalisme, Volume VII, 2007.
TABLE DES MATIERES
Pages
IN MEMORIAM I
DEDICACE II
EPIGRAPHE III
REMERCIEMENTS IV
ANACRONYMES V
RESUMES VII
INTRODUCTION GENERALE
1
1. Cadrage de la thèse
1
2. Objet et objectifs de la recherche
4
3. Etat de la question
6
4. Problématique
24
5. Thèse et Hypothèses
31
6. La méthode
34
7. Délimitation spatio-temporelle et typologique
34
8. Difficultés rencontrées
36
9. Structure de la thèse
36
PREMIÈRE PARTIE : BALISAGE EPISTEMOLOGIQUE
38
INTRODUCTION
39
CHAPITRE PREMIER
41
CADRE THEORIQUE
41
INTRODUCTION
41
1.1. NOTION DE SYSTEME SOCIAL
42
1.2. THEORIES DE LA FAMILLE
46
1.2.1. Famille et socianalyse.
47
1.3. LA SOCIOLOGIE DU LANGAGE
59
Conclusion partielle
67
CHAPITRE DEUXIÈME:LA SOCIOLOGIE COMME SCIENCE DE
L'ACTION
68
2.1. La sociologie praxéologique
68
2.2. L'actionnalisme d'Alain Touraine
69
2.3. Autres théories apparentées à l'action
75
2.3.1. L'agir communicationnel
75
2.3.2.. L'analyse stratégique
76
2.3.3. La socianalyse
78
2.3.4. La mobalité congolaise ou sociologie
d'autodétermination
78
2.4. Le changement social
80
2.5. Economie du développement pour les pays en
sous-développement
88
2.5.1. Notion de développement et croissance
88
2.5.2. Notion de sous-développement
92
2.6. Notion de l'environnement
93
CHAPITRE TROISIÈME: CADRE METHODOLOGIQUE
105
3.1. LA METHODE
105
3.1.1. Acception du concept
105
3.1.2. Justification de la praxéologie interdiscursive
106
3.2. LES TECHNIQUES
110
3.2.1. Techniques de collecte des données
110
3.2.2. Techniques de sélection
117
3.2.3. Les techniques de traitement des données des
données et d'analyse de contenu
118
3.3. LES PROBLEMES EPISTEMOLOGIQUES
118
3.3.1. Des ruptures épistémologiques : elles
sont de trois catégories :
118
3.3.2. Les couloirs d'échanges
119
3.4. L'approche praxéo-configurationnelle
122
3.4.1. Définition
122
3.4.2. Principes
122
3.4.3. Les préalables
124
DEUXIÈME PARTIE: MORPHOLOGIE, EVALUATION DES
RESSOURCES ET
TYPOLOGIE
DES FAMILLES DE NGWESHE
126
INTRODUCTION
127
CHAPITRE QUATRIÈME: CADRE MORPHOLOGIQUE DE LA
CHEFFERIE DE
NGWESHE
128
4.1. Le milieu physique
128
4.1.1. Situation du milieu
128
4.1.2. Relief
128
4.1.3. Les sols
129
4.1.4. Les sous-sols
130
4.1.5. Climat et végétation
130
4.2. Hydrographie
131
4.3. Milieu humain
132
4.4. Aspects socioculturels
139
4.5. Aspects économiques
147
4.6. Aspects politico-administratifs
151
4.7. Aspects généalogiques dans l'administration de
la chefferie
151
CHAPITRE CINQUIÈME: EVALUATION DES RESSOURCES ET
TYPOLOGIE
DES
FAMILLES
156
INTRODUCTION
156
5.1. EVALUATION DES RESSOURCES
156
5.2. TYPOLOGIE DES FAMILLES DE NGWESHE
176
Conclusion partielle
186
TROISIÈME PARTIE: ESSAI D'IMPLANTATION DES
PRINCIPES LOCAUX DE
STABILITE FAMILIALE ET ENVIRONNEMENTALE
188
INTRODUCTION
189
CHAPITRE SIXIÈME: INTERDISCURSIVITE PRAXEOLOGIQUE
DE LA
FAMILLE
DE NGWESHE
191
INTRODUCTION
191
6.1. Praxéo-interdiscursivité de la question du
déséquilibre des familles de Ngweshe
191
6.1.1. Etat des lieux des familles de Ngweshe (ou arbre à
problèmes)
192
6.1.2. Restitution praxéologique des discours
208
6.1.3. Analyse interactionnelle, interprétation
praxéologique et établissement des équations
symboliques.
229
6.1.4. Fonction latente des discours intrapolaires
234
6.1.5. Caractéristiques des organisations de
développement locales opérationnelles à
Ngweshe
235
6.2. Apports des ONG aux familles de Ngweshe
236
6.2.1. De grandes organisations au secours des familles de
Ngweshe
236
6.2.2. Actions réalisées
237
6.2.3. Organisations locales actives à Ngweshe
240
6.3. Apport des Eglises
242
6.4. Equations symboliques sur bases discursives
244
6.5. Effets sur l'environnement
245
6.6. Principaux changements intervenus au sein de la famille
248
6.7. Pistes praxéologiques des solutions
253
Conclusion partielle
258
CHAPITRE SEPTIÈME: PRINCIPES DE STABILISATION
FAMILIALE ET PROJECTION DE LA PROTECTION
ENVIRONNEMENTALE DURABLE
261
INTRODUCTION
261
7.1. PRINCIPES DE STABILISATION FAMILIALE
262
7.1.1. Principe de créativité
264
7.1.2. Principe de l'unanimité participative rationnelle
266
7.1.3. Le principe d'autonomie et de gestion rationnelle
267
7.1.4. Le principe de l'auto-évaluation permanente et
objective
269
7.1.5. Le principe d'appropriation idéologique, politique
et culturelle
271
7.2. PROJECTION DE LA PROTECTION ENVIRONNEMENTALE A NGWESHE
273
7.2.1. La gestion de l'environnement
273
7.2.2. La grille de sondage factuel
275
7.2.3. Les attentes à l'égard du futur
278
7.2.4. Les images du futur ou la vision prospective de la famille
et de l'environnement
281
7.2.4.1. Faits envisagés ou envisageables sur le plan
développementiste familial
282
7.2.4.2. Faits envisagés ou envisageables sur le plan du
maintien et de la durabilité de
l'environnement.
285
Conclusion partielle
294
CONCLUSION GENERALE
295
BIBLIOGRAPHIE IN FINE
309
TABLE DES MATIERES
322
* 1 C. CICCHELLI - PUGEAUT et V.
CICCHELLI, Les théories sociologiques de la famille, Paris, La
Découverte, 1998, p.32.
* 2 Existentiaux : J.
Fromont entend par ce terme les éléments qui constituent la
matérialité, la corporalité, la conscience d'être,
de savoir du groupe existentiel ainsi que les éléments du
système social responsable de la formation de sa structure
* 3 Emile BONGELI YAIKELO ATO,
Sociologie et sociologues africains. Pour une recherche sociale citoyenne
au Congo-Kinshasa, Collection Etudes africaines, Paris, L'Harmattan, 2001,
p. 12.
* 4. A. GIDE, Les
nourritures terrestres (1897) cité par STOETZEL, J.,
Les valeurs du temps du présent, une enquête
européenne, Paris, 1983, p. 121.
* 5 . J. STOETZEL,
op.cit, pp. 121-122.
* 6. E. MORIN, La
sociologie, édition revue et augmentée, Paris, Fayard, p.
32.
* 7 . E.MORIN, L'esprit du
temps 2. Nécrose, Paris, B. Grasset, pp. 31-35.
* 8 NDAY WA MANDE,
Elargissement de la praxéologie interdiscursive aux discours
logico-mathématiques et physiques. Contribution critique à
l'Epistémologie praxéologique, Thèse de doctorat en
sociologie, Lubumbashi, 2005.
* 9 M. DE COSTER et F.
PICHAULT, Traité de sociologie de travail, 2e
édition, Bruxelles, De Boeck et Larcier, 1998, pp.
34-35.
* 10 E. MORIN,
L'esprit du temps 1. Nécrose, Paris, B. Grasset, 1962, p.
171.
* 11 Idem, p. 211.
* 12 . E. MORIN,
op.cit. 181.
* 13 J. FOURRASTIE, Les
40000 heures, inventaire de l'avenir, Paris, Ed. Gontier, 1965, p.28.
* 14
Idem, p. 167.
* 15
Idem, p.175.
* 16 A. BURGUIERE et alii,
Histoire de la famille, t2, Paris, Armand Colin,
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* 17 PIE-AUBIN MABIKA, La
chanson congolaise. Son histoire, sa vérité, ses textes et leurs
significations, Paris, L'Harmattan, 2005.
* 18 F. RULLIER-THEURET, Le
dialogue dans le roman, Paris, Hachette, 2001, p. 37.
* 19 .MADDALENA DE
CARLO, L'interculturel, Paris, Clé
internationale, 1998, pp. 34-35.
* 20 C. JAVEAU,
Leçons de sociologie, 2ème édition,
Paris, Armand Colin, 1999, p. 46.
* 21 THOMAS KUHN cité
par P.CABIN et J.- F DORTIER, (sous dir), La Sociologie. Histoire
et idées, Paris, Editions Sciences
humaines, 2000, p. 341.
* 22 M. LUYCKX GHISI,
Au-delà de la modernité, du patriarcat et du capitalisme.
Société
réenchantée ?, Paris,
L'Harmattan, 2001, p.25.
* 23 Idem, p.32.
* 24 . Idem, p. 49.
* 25 ARISTIDE KAGARAGU,
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* 26 J. DUVIGNAUD,
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1986, p. 379.
* 27 G. MACE et F. PETRY,
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* 28 NDAY WA MANDE,
Mémento des méthodes de recherche en sciences sociales et
humaines, 1ère partie,
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* 29 J.-L. CHAMPON et al.
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* 30 H. HOEFNAGELS, La
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Brouwer, 1962, p. 42.
* 31 F. DUBET, Sociologie
de l'expérience, Paris, Seuil, 1994, pp. 12 et 21.
* .32 E. MORIN, La
sociologie, édition revue et augmentée, Paris, Fayard, 1984,
p. 180.
* 33 Idem, p.190.
* 34 G. MENDOZE, (sous dir.),
20 défis pour le millénaire, bâtir un nouvel
humanisme, Paris, F. - X., de Guibert, 20000,
p. 14.
* 35 J. FROMONT,
op. cit. p. 28.
* 36 S. SOLVIT, RDC,
Rêve ou illusion ? Conflits et ressources naturelles en
RDC, Paris, L'Harmattan, 2009, pp. 15 et 67.
* 37 G. MENDOZE, op.
cit, p. 15.
* 38 C. DUBAR, La
socialisation, construction des identités sociales et
professionnelles, 3e
édition revue, Paris, Armand Colin, 2000, p.12.
* 39 G. ROCHER,
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sociale, Ltée, éd. HMM, 1968,
p.205.
* 40 F. DUBET, op.
cit, pp. 93, 101.
* 41 S.GIROUX,
Méthodologie des sciences humaines, Edition du renouveau
pédagogique, 1998, pp. 5-7.
* 42 M.GRAWITZ et R. PINTO,
Méthodes des sciences sociales, 4ème
édition, Paris, Dalloz, 1971, p.20.
* 43 . Sujet :
Dans la conception d'Alain Touraine, le sujet correspond à un projet
que s'est fixé l'acteur de
réaliser, tout acteur devrait être porteur d'un sujet,
c.-à-d. un projet d'actions à
réaliser.
* 44 . G. FERREOL et al.,
Dictionnaire de sociologie, Paris, Armand Colin, 1991, p. 185.
* 45 . C. JAVEAU,
Leçons de sociologie, 2e édition, Paris, Armand
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* 46 PASSOU LUNDULA, Mes
certitudes, Lubumbashi, Editions Passou, pp. 30-32
* 47 PILO KAMARAGI et BAKENGA
SHAFALI, « Facteurs pathologisants et instances de
dépathologisation sociale dans la ville de
Bukavu » in UJUVI, n° 18 vol., ISP Bunia, mars
2008, pp. 86-87.
* 48 BOLTANSKI cité par
P. CABIN et J.-F DORTIER, (sous dir.), La sociologie. Histoire et
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nouvelles sociologies, Auxerre Cedex, Editons
Sciences humaines, 2000, pp.308-309.
* 49 F. DE SINGLY,
Sociologie de la famille contemporaine, 3ème
édition refondue, Paris ; Armand Colin,
2007, pp. 11-15.
* 50 F. SINGLY, Sociologie de
la famille contemporaine, 3e édition refondue, Paris, Armand
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* 51 F. DE SINGLY,
Sociologie de la famille contemporaine, 3ème
édition refondue, Paris, Armand Colin, 2007,
pp.32-37.
* 52 Cfr KAMABAJI WA KAMABAJI
cité par NDAY WA MANDE, cours de sociologie du
langage, UOB/FSSPA, DES, 2007 - 2008,
inédit.
* 53 Idem.
* 54 . NDAY WA MANDE,
Mémento des méthodes de recherche en sciences sociales et
humaines, 1ère partie, Collection Livre, Lubumbashi, Ed.
du CRESSA, 2004. p. 36.
* 55 NDAY WA MANDE,
Critique de fondement de l'hexagone philosophique du sociologue
LONGANDJO OKITAKEKUMBA, Essai
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* 56 . Encarta, 2009.
* 57J. HABERMAS,
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* 58 H. AMBLARD, et al.,
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* 59. Idem,
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* 81 M. GRAWITZ, R.
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* 82. NDAY WA MANDE, op.
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* 83. EMILE BONGELI YEIKELO YA
ATO, op. cit. pp. 44-45.
* 84 NDAY WA MANDE,
op.cit.
* 85 M. GRAWITZ,
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édition, Paris, Dalloz, 1993, p. 301.
* 86. M. GRAWITZ,
op.cit., p. 301
* 87. VIRTRON,
op.cit., p.46
* 88 E. DURKHEIM cité
par GRAWITZ, Lexique des sciences sociales, 8e édition,
Paris, Dalloz, 2004, p. 283.
* 89 KAZADI KIMBU, op. cit.,
p.III.
* 90 A. KAGAME,
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DEUXIEME COLLOQUE DU CERUKI, ISP, Bukavu, du 10- 14 mai,
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* 91 CERUKI, Lyangombe,
mythe et rites, Actes du 2ème colloque du Ceruki,
Bukavu, 1976, p.101.
* 92 F. DE SINGLY,
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édition refondue, Paris, Armand Colin, 2007, p. 90.
* 93 Idem, p. 94.
* 94 Wikipédia, 10 avril
2012.
* 95 P. VERCAUTEREN,
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ordre » ?, in FEDERALISME ET REGIONALISME, Volume VII, 2007, p.
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* 96 J. KI-ZERBO, A quand
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* 97 Microsoft Encarta
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développement.
* 103 SEMOU PATHE GUEYE,
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* 105 CEDAC, pp. 15-16.
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* 107 Idem, pp.
42-43.
* 108 NICOLAS TENZER, La
société dépolitisée, Paris, PUF, 1990,
p.57.
* 109 NICOLAS TENZER,
op.cit, p.76.
* 110J.HABERMAS, La
technique et la science comme « idéologie »,
Collection Tel, Frankfort, Gallimard, 1968, p. 3.
* 111 E. MORIN, La
Sociologie, Collection Arthème Fayard, Paris, Seuil, 1984, p.
12.
* 112 Dictionnaire Encarta
* 113 F.SINGLY, Sociologie
de la famille contemporaine, 3è édition refondue, Paris,
Armand Colin, 2007, p. 57.
* 114. Ibidem.
* 115 CREA (Centre de
recherche et de Formation sur l'Etat en Afrique) sous la direction de M.
GALY, E. SANNELLA, Les défis de
l'Etat en Afrique, Paris, L'Harmattan, 2007, p. 38.
* 116
Ibidem.
* 117. F. SINGLY, op.
cit., p. 13.
* 118 S. PAUGAM, La
pratique de la sociologie, Paris, PUF, 2008, p. 26.
* 119 REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE
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* 121 PROVINCE DU SUD-KIVU,
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* 132 B. BOURGOIS,
« La métaphysique de la créativité »,
in ENCYCOPEDIE UNIVERSALIS, 2011.
*
133Mobalité : terme de KAZADI KIMBU, du
lingala, mobali = homme (pas dans le sens du genre ou du sexe,
mais plutôt dans le sens de la capacité d'un
individu à se manifester comme étant capable de répondre
favorablement aux fonctions et rôles
liés à son statut. (Cfr KAZADI KIMBU, op.cit, p.3).
* 134 E. BALIBAR, P.
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* 144 Ibidem.
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Universalis, 2011.
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Argument pour la Justice et l'Egalité entre les sexes, Kinshasa,
Publications de l'Institut de Formation et d'Etudes Politiques, 1999.
p.48.
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