Conclusion
Au regard de tout ce qui précède, force est de
noter que la volonté part d'une expérience de conflit. Il y a un
conflit évident et immanent entre le voulant et le voulu, entre la
volonté voulante et la volonté voulue. Ce conflit qui
n'épuise pas l'ordre des phénomènes naturel aboutit
à un échec de l'action. Mais celui-ci n'est qu'apparent puisque
la tentative perpétuelle de la volonté à se vouloir
elle-même et à se suffire l'expose à un besoin
supérieur. De ce conflit qui s'élève en toute conscience
humaine jaillit forcément l'aveu de l'Unique nécessaire. mais
sous quel mode s'est-il apparu ? Évidemment sous le mode du
néant, de la négation. Ainsi c'est en explorant la distance
creusée en moi que l'idée de l' Unique nécessaire se
précise.
« Oui ou non la vie de l'homme se restreindra-t-elle
à ce qui est de l'homme et de la nature sans recourir à rien de
transcendant ? ». C'est donc cette problématique qui a
orienté la démarche employée dans ce chapitre. En effet,
nous sommes partis du point où il fallait évaluer l'insuffisance
de l'action humaine dans l'ordre naturel. L'exploration des implications
liées à cette insuffisance a révélé
l'inévitable problématique de l'Unique nécessaire. En
effet, l'action humaine ne peut se renfermer dans l'ordre naturel. Elle n'y est
que partiellement parce que l'élan du vouloir le provoque toujours
à vouloir plus au delà ce qui a été fait et voulu
à cause justement de cette disproportion qui lui est intrinsèque.
Mais par ses seules forces, l'action ne réussit jamais à
restituer volontairement dans ses actes tout ce qui s'y trouve
spontanément. S'il prétend se borner à ce qu'il peut, s'il
prétend tirer de soi ce qu'il fait, il se prive du principe même
de sa vie. Aussi Blondel considère-t-il l'action bonne n'est pas celle
réduite à ses seules ressources ; elle est plutôt celle
qui, dans l'homme, le dépasse. De sorte que toutes les fois que l'homme
accomplit un devoir, il est toujours amené à postuler un Unique
nécessaire.
Le procédé qui a conduit à l'Unique
nécessaire est vraisemblablement celui où «toutes ses
actions paraissent suspendues à l'acte sacré qui en est la fin et
qui en devient le principe, qui en contient l'esprit caché et qui en
constitue le sceau, la terre, la pierre angulaire ». Ainsi,
dès lors que l'homme éprouve l'insuffisance de l'ordre naturel,
il surgit en lui un désir d'infini. partagé entre ce qu'il fait
sans le vouloir et ce qu'il veut sans le faire, ce vouloir s'affiche plus que
jamais indestructible. Donc au fond dans sa quête pour atteindre l'unique
nécessaire qui seul peut le combler parfaitement, l'esprit se voit
devancé, mais il découvre ce qu'il cherchait. Ainsi se trouvent
détruite la prétention d'agir et de vivre par ses seules forces,
mais en même temps une obligation de continuer à approfondir cette
quête. Et comme il y a au sein de l'action humaine, à ce stade,
impossibilité de s'arrêter, de reculer et d'avancer seul, c'est
par l'analyse ou mieux l'examen des preuves de existence que l'option finale
peut être engagée. Ce à quoi nous avons abouti dans notre
recherche, c'est à la fois de montrer les limites humaines de sa
volonté, mais aussi l'adéquation qu'il est possible
d'ériger entre le choix, l'option que l'homme est capable de faire en
face de l'exercice de sa liberté. Dans cet échange l'autonomie
devient hetéronomie.
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