Finitude et destinée humaines chez Maurice Blondel( Télécharger le fichier original )par Christophe MABOUNGOU Université Pierre Mendès-France - Master II 2011 |
2.3. Problématique de la volonté dans l'Action2.3.1. État de la question« Oui ou non la vie humaine a-t-elle un sens et l'homme a-t-il une destinée ? J'agis, mais sans même savoir ce qu'est l'action, sans avoir souhaité de vivre, sans connaître au juste ni qui je suis, ni même si je suis... ». Cette problématique, mieux cette interrogation existentielle qui ouvre l'Action de 1893, constitue pour Blondel tout un programme, tout un projet dont l'enjeu consistera à chercher l'articulation foncière entre l'existence humaine et sa destinée. Car, à l'époque où Blondel écrivait l'Action, positivisme, phénoménisme, criticisme imposaient à la majorité des esprits le refus de toute métaphysique, ou du moins une profonde défiance à son égard. C'est de cette attitude qu'il lui fallait partir. Son procédé consistera, note à ce propos H. Bouillard, à « descendre sur le terrain de l'interlocuteur, adopter son langage, accepter provisoirement sa problématique, en vue de montrer l'incohérence du système et la nécessité de s'élever à une vue supérieure. Ce souci du contact avec les doctrines alors vivantes explique l'usage fréquent [...] des termes tels que science (pour désigner la philosophie), déterminisme (pour nommer les implications nécessaires), phénomène (pour désigner le donné, l'objet de connaissance comme tel) »116(*). C'est dans cette perspective que se découvre ou se révèle cette conjonction entre la logique de la vie et l'action. Mais, il est clair qu'en tant qu'être agissant, c'est la volonté qui semble orienter les choses; aussi vrai qu'elle permet à l'homme de discriminer, de procéder à des choix, de vouloir, de désirer ou d'aspirer à quelque chose. D'où le premier moment sera , pour Blondel, celui de l'élucidation du contexte, de l'espace dans lequel peut sinon doit se déployer l'action. Or, plusieurs théories, notamment celle de Schopenhauer ont professé le néant d'une volonté, l'échec des actions humaines. Bien plus, le fait que certains évènements dépassent le propre du champ de la volonté, on en est venu à ne penser qu'à une solution négative. Blondel partira donc de cette apparente négation pour montrer que c'est là justement qu'il faudra découvrir la fécondité même d'un déploiement de la volonté. Car, on ne peut se dispenser d'être et d'agir. Cependant, «L'homme ne peut égaler ses propres exigences. Il ne réussit point, par ses propres forces, à mettre dans son action voulue tout ce qui est au principe de son activité volontaire »117(*). Car la volonté qui préside à chaque action ne parvient jamais à assouvir le besoin, à se clore au plan des réalités visibles et sensibles. La volonté est toujours portée et marquée par une sorte de finitude, une insatiabilité, et même une instabilité. Ainsi, les termes dans lesquels se pose le problème de l'action manifestent vraisemblablement qu'il s'agit là d'un problème nécessaire et que c'est dans le déterminisme progressif de l'action qu'il s'agira de le situer et de le résoudre. En conséquence la dialectique de la volonté va montrer que c'est dans les termes de l'option que s'exprime la possibilité de l'achèvement du problème de la destinée. Cette démarche a pour ambition de voir où aboutit la volonté en se plaçant justement à l'intérieur de la trame des actions sans autre présupposé. Or dans l'Action, cette dialectique de la volonté semble se déployer en trois moments. En effet, par un raisonnement dialectique subtile, Blondel propose une nomenclature triptyque qui consiste à montrer d'emblée que le discours sur le néant aboutit à l'affirmation de l'exigence même de la volonté (contre le dilettantisme118(*), l'esthétisme119(*), le pessimisme, le positivisme, le criticisme, la métaphysique) ; ensuite que la volonté, malgré, les obstacles liés à sa dualité interne ne peut ne pas se répandre dans les relations humaines (famille, patrie, humanité) ; mais qu'insatisfaite, chaque fois, elle se tourne ou s'ouvre résolument, à un tout Autre, une autre volonté qui possède en elle-même la satisfaction et l'achèvement des finitudes humaines (l'unum necessarium). Nous suivrons, en cela même, le plan mieux la méthode de l'auteur. * 116 H. Bouillard, Op. cit., p. 166. * 117 Maurice Blondel, l'Action, p.338. * 118 Dans ses Essais de psychologie contemporaine, Paris, A. Lemerre, 1883, à propos de E. Renan, P. Bourget présente le dilettantisme comme « une disposition de l'esprit, très intelligente à la fois et très voluptueuse, qui nous incline tour à tour vers les formes diverses de la vie et nous conduit à nous prêter à toutes ces formes sans nous donner à aucune ».Cf. R. Vigourlay, L'Action de Maurice Blondel, Paris, Beauchesne, 1992, note 1, p. 31. * 119 Ibid., p. 32. |
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