Septembre 2016
|
Faculté Arts Lettres Langues
Département de Français langue
étrangère
|
Mémoire de Master2 Sciences du
langage
Option
Didactique des langues et des
cultures
Spécialisation
Sociolinguistique et
sociodidactique du plurilinguisme
Représentations et apprentissage de l'anglais
en
milieu scolaire francophone au Cameroun :
cas des élèves du lycée
d'Ebolowa
Présenté en vue de l'obtention du grade
de Master en sciences du langage
par
Charles LWANGA BOUH MA SITNA
Annemarie DINVAUT, directrice de recherche
2
3
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué de
près ou de loin à la réalisation de ce travail. Il s'agit
particulièrement de
Mme Annemarie Dinvaut notre encadreure de recherche à qui
je dis merci pour sa patience face à mes atermoiements, ses conseils
dans le travail et ses encouragements qui m'ont aidé à
dépasser les moments de doutes et à arriver au bout de ce travail
;
Mme Marielle Rispail responsable de ce Master 2 DLC à
l'UJM qui nous a bien entretenu et encadré au cours de cette formation
;
L'Agence universitaire de la francophonie qui a pris en charge le
financement d'une partie de nos études en nous accordant une allocation
;
M. Albert Etoundi proviseur du lycée d'Ebolowa qui nous a
encouragé et nous a accordé toutes les facilités
nécessaires pour mener à bout cette recherche ;
Mon oncle Alphonse Gouertoumbo, à mes tantes Thamar
Gouertoumbo et Joséphine Massila qui se sont investis pour m'obtenir une
position qui pouvait me permettre d'entreprendre cette recherche ;
Nos collègues et élèves qui ont
accepté de participer à cette enquête et dont les
informations ont été une aide précieuse ;
Toutes les personnes connues et inconnues qui ont
contribué de près où de loin à l'aboutissement de
ce travail.
Que tous trouvent ici l'expression de notre profonde
gratitude.
4
Sommaire
Introduction 6
Chapitre 1 : Contexte général de
l'étude 9
1.1. Les langues au Cameroun : histoire, politique et
société 9
1.2. Le contexte éducatif 11
1.2.1. Le système éducatif camerounais
11
1.2.2. Principes généraux d'enseignement et
d'apprentissage de l'anglais dans les
classes du secondaire 12
Chapitre 2 : domaines d'investigation et terminologie
14
2.1. De la sociolinguistique, de la didactique et de la
sociodidactique comme domaines
d'investigation 14
2.2. Définition des concepts clés
16
2.2.1. Représentations 16
2.2.2. Attitudes 18
2.2.3. Apprentissage 20
2.2.4. Le plurilinguisme 20
Chapitre 3 : Terrain d'enquête et données
d'enquête 25
3.1. Le milieu physique 25
3.2. Les composantes sociologiques 25
3.3. Les langues leurs statuts et leurs fonctions dans la
ville d'Ebolowa. 26
3.3.1. Les situations de communication exolingue
27
3.3.2. Les situations de communication endolingue
27
3.4. L'environnement scolaire 29
3.4.1. Situation et organisation 29
3.4.2. Pratiques d'apprentissage et d'enseignement en
classe d'anglais 29
3.5. L'échantillon 32
3.6. Méthode d'enquête de terrain
34
3.7. Technique et outils de collecte de données
34
3.7.1. L'observation participante 34
37.2. Le questionnaire d'enquête sociodidactique
35
3.7.3. L'entretien 37
3.7.4. L'Analyse des données 38
Chapitre 4 : Représentations des langues en
présence et observations sur les pratiques
langagières en classe de langue anglaise
39
4.1. Les représentations des langues en
présence 39
5
4.1.1. Les langues classiques 40
4.1.2. Les langues mixtes 42
4.1.3. Les langues vivantes 2 44
4.1.4. Les langues nationales 50
4.1.5. Les langues officielles 56
4.1.6. Les Représentations du bilinguisme
75
4.1.7. L'anglais en contact avec le français et
les langues nationales 78
4.2. Observation des pratiques langagières en
classe d'anglais 80
4.2.1. Analyse de l'interlangue des élèves
81
4.2.2. Les conséquences du contact de langues
84
4.2.3. L'insécurité linguistique
95
Chapitre 5 : Discussion autour des résultats
obtenus 100
5.1. Corrélation apprentissage et fonction
utilitaire de la langue 100
5.2. Expansion du français 102
5.3. Les langues supports-d'apprentissage 102
5.4. Des méthodes traditionnelles vers une approche
plus innovante de l'enseignement
des langues. 103
5.5. La compétence plurilingue des apprenants comme
point de départ d'une
didactique du plurilinguisme 104
5.6. Développer une éducation plurilingue en
milieu scolaire francophone : quelques
propositions 106
5.6.1. Reconstruire les représentations du
bilinguisme 106
5.6.2. Définir un cadre de référence
pour l'enseignement/apprentissage des langues
108
5.6.3 Développer la conscience plurilingue chez
les enseignants d'anglais 110
5.6.4. Apporter des innovations didactiques et
pédagogiques à l'apprentissage de
l'anglais en milieu scolaire francophone au Cameroun.
111
Conclusion 115
Bibliographie 117
Annexes 121
Annexe1. Questionnaire 121
Annexe2. Les entretiens 125
Annexe3. Observation participante 140
6
Introduction
Les questions d'échec scolaire et de la baisse du
niveau de l'apprenant sont largement débattues aujourd'hui dans les
milieux éducatifs du primaire et du secondaire au Cameroun. Face
à ces problèmes, le coupable est souvent rapidement
identifié par l'imaginaire populaire. C'est l'élève
d'aujourd'hui qui n'apprend pas ses leçons et qui n'est plus
appliqué ou assidu comme l'élève d'hier. Dans le cas de
l'apprentissage des langues et plus particulièrement de l'anglais qui
est la discipline qui nous concerne, des récriminations fusent chez les
enseignants qui estiment pour la plupart que les élèves refusent
d'apprendre l'anglais, tandis que la majeure partie des élèves
pensent que l'anglais est une langue difficile et disent n'y rien comprendre ou
pas grand chose. Cette tendance négative est régulièrement
confirmée par les statistiques de résultats scolaires qui sont
globalement mauvais. Face à ces remarques convergentes sur les
performances médiocres et même faibles de nos apprenants, nous
nous sommes intéressés à la notion de
représentation en lien avec l'apprentissage d'une langue. Selon
Castellotti (2002), les représentations sont « des images que
se forgent les apprenants des langues qu'ils pratiquent, des locuteurs de ces
langues et des pays où elles sont pratiquées. » Ces
images qui sont des entités capables d'être modifiées,
peuvent être « soit valorisantes soit inhibantes
vis-à-vis de l'apprentissage lui-même ». Pour soutenir
cet argument, elle invoque les travaux menés par certains chercheurs
à l'instar de Perrefort cité par Castellotti (2002 :11) qui
montre qu'il existe une « corrélation forte entre l'image qu'un
apprenant s'est forgé d'un pays et les représentations qu'il
construit à propos de son propre apprentissage de la langue de ce pays
». Une image négative du pays ou se parle la langue
correspondrait à la vision d'un apprentissage difficile et
insatisfaisant de cette langue ; Berger toujours cité par Castellotti
(2002 :11) mentionne l'attitude des lycéens qui changent de
représentations envers la Grande-Bretagne une fois qu'ils ont
effectué le voyage qui les met en contact avec les anglophones. A cela
s'ajoutent Muller et Pietro (2007), qui analysent une recherche entreprise par
l'Institut de recherche et de documentation pédagogiques en relation
avec l'Unesco pour confirmer cette hypothèse du lien entre
représentations et apprentissage. C'est ce postulat qui nous a
amené à jeter un regard épistémologique sur le lien
qui unit les représentations de nos élèves et leur
apprentissage de l'anglais dans le contexte plurilingue du lycée
d'Ebolowa pour tenter de comprendre comment ils se représentent cette
langue et comment ces représentations influent sur leur apprentissage.
De ce point de vue notre recherche sera un travail engagé dans la mesure
où elle décrit une préoccupation de
7
notre vécu quotidien. Cependant, l'intérêt
de cette étude dépasse le simple cadre d'observation de discours
ou de pratiques langagières en classe de langue ou dans l'enceinte d'un
établissement pour s'inscrire dans le cadre plus général
d'une recherche en didactique des langues et des cultures. A ce propos,
Blanchet affirme que ce qui intéresse du point de vue didactique dans
l'enseignement des langues c'est le travail de préparation des
enseignements qui consiste pour l'enseignant et/ ou le concepteur de la
formation à s'informer sur l'état de la connaissance scientifique
de référence, à sélectionner ce qui est pertinent,
enseignable à un public donné et à le transposer dans une
pratique pédagogique. Ce travail d'information scientifique, de
sélection des contenus utiles et nécessaires et de transposition
pédagogique ne peut se faire efficacement que si l'on dispose d'une
certaine connaissance de l'apprenant. Connaissance de ses besoins, de ses
appréhensions voire de ses relations avec l'environnement social dans
lequel il évolue. D'où l'intérêt de cette
étude qui s'attellera de répondre aux questions suivantes :
- Quels sont les représentations que nos
élèves se font de la langue anglaise en rapport avec les autres
langues en présence?
- Quels liens existent-ils entre les représentations
que se forgent nos élèves de l'anglais
et leur apprentissage de cette langue dans le contexte
plurilingue du lycée d'Ebolowa? - l'environnement socio-éducatif
plurilingue dans lequel ils évoluent peut-il constituer
un levier incitatif pour l'apprentissage de l'anglais?
A titre de réponses à ces préoccupations
pour le moins scientifiques nous pouvons supposer que les
représentations des élèves au lycée sont diverses
et tendent à se polariser en fonction de la motivation. Cette
polarisation engendre des liens qui sont soit en association soit en
antagonisme avec le processus d'apprentissage. La prise en compte de la langue
maternelle, de la première langue voire des langues qui entrent dans la
distribution de l'interlangue des apprenants peut contribuer à
réduire les rapports défavorables
représentations/apprentissage et stimuler le processus d'apprentissage.
L'expérience d'une éducation plurilingue peut améliorer de
manière significative l'enseignement et l'apprentissage de l'anglais et
même des langues dans leur ensemble dans le système
éducatif camerounais.
Pour rendre compte des phénomènes
explorés au cours de cette recherche, nous allons organiser notre
travail en cinq chapitres. Le chapitre premier décrit l'environnement
historique, politique et social dans lequel se déroule notre
étude en même temps qu'il présente le cadre spatio-temporel
dans lequel s'exercent les activités enseignements/apprentissage et les
pratiques didactiques et pédagogiques qui les sous-tendent. Le chapitre
deux sera le lieu pour nous d'examiner les domaines des sciences du langage
auxquels s'applique cette
8
recherche, en l'occurrence la sociolinguistique, la didactique
et la sociodidactique d'une part, et de présenter les différents
concepts qui guideront notre recherche d'autre part. Au menu de ceux-ci on
retrouvera les concepts de représentation, attitudes, apprentissage,
plurilinguisme etc. Le chapitre trois expose les principes fondamentaux
qui ont été mis en oeuvre pour recueillir les informations qui
seront analysées au chapitre suivant. Le chapitre quatre annalyse et
présente les résultats obtenus. Ce travail s'achève par le
chapitre cinq autour d'une discussion sur les résultats engrangés
et des propositions didactiques et pédagogiques.
9
Chapitre 1 : Contexte général de
l'étude
1.1. Les langues au Cameroun : histoire, politique et
société
Historiquement, le Cameroun était un protectorat de
l'Empire allemand depuis 1884. Après la première guerre mondiale
et suite à la défaite allemande le Cameroun sera placé
sous mandat français et britannique par la Société des
Nations (SDN) en 1916. Plus tard après la seconde guerre mondiale
l'Organisation des Nations-Unies (ONU) remplace la SDN et change le statut du
Cameroun en tutelle. Le pays accède aux indépendances
divisé en deux : Le 1er Janvier 1960 - indépendance du
Cameroun français (Cameroun oriental) et le 1er Octobre 1961
indépendance du Cameroun anglais (Cameroun occidental) et
réunification des deux Cameroun (République
fédérale). Le 20 mai 1972 le Cameroun est unifié et
devient République Unie du Cameroun. C'est dans ce contexte que la
constitution de 1972 révisée en 1996, adopte le français
et l'anglais comme langues officielles du pays.
Outre ce fait historique, la diversité linguistique et
culturelle est un fait social au Cameroun. 242 langues côtoient au
quotidien les deux langues officielles que sont le français et
l'anglais. La diversité est donc à la fois une
réalité sociale et une volonté politique manifeste dans la
constitution de 1996 qui stipule en son - « Article
1er alinéa 3) La
République du Cameroun adopte l'anglais et le français comme
langues officielles d'égale valeur. L'État garantit la promotion
du bilinguisme sur toute l'étendue du territoire. Il oeuvre pour la
protection et la promotion des langues nationales».
Le statut de jure de langue officielle
conféré par la constitution au français et à
l'anglais est accompagné par la volonté politique de faire du
bilinguisme institutionnel (anglais français) une réalité
du vécu quotidien de la société camerounaise. Cette
volonté s'affiche d'une part à travers l'adoption d'un certain
nombre de lois1 et décisions qui invitent sans cesse les
administrateurs et leurs administrés à pratiquer le bilinguisme
dans tous les actes de la vie civile conformément à la
disposition constitutionnelle libellée supra. D'autre part, elle se
manifeste par la création des centres linguistiques dans des
régions et par l'apprentissage obligatoire de ces langues dans les
écoles, collèges, lycées et universités du pays.
Malgré les efforts consentis par l'Etat pour
transformer ce fait juridique un fait réel, le bilinguisme d'Etat
demeure un phénomène déséquilibré et
inégalitaire. Le Cameroun est
1 l'Instruction générale n° 002 du 4 juin
relative à l'organisation du travail gouvernemental : communication -
publications - promotion du bilinguisme (1998) ; l'Instruction n°
03/CAB/PR/ du 30 mai 1996 relative à la préparation, à la
signature et à la publication en version
bilingue des actes officiels (1996) ; Circulaire
n° 001/CAB/PM du 16 août 1991 relative à la pratique du
bilinguisme dans l'administration publique et parapublique (1991) ; loi
no 98/004 du 14 avril 1998 d'orientation de l'éducation au
Cameroun.
10
divisé en 10 régions. L'anglais est
utilisé dans deux régions tandis que le français est la
première langue officielle de huit régions. Les francophones
représentent 80% de la population alors que la minorité
anglophone ne représente que 20%. Les rapports entre les langues
officielles et les langues en présence sont des rapports conflictuels.
Dans les huit régions du Cameroun francophone, le français est la
langue véhiculaire. Il tend d'ailleurs à se vernaculariser (comme
nous le verrons plus loin) et se met en conflit avec les langues nationales
auxquelles il fait progressivement perdre la fonction basique de langue
familiale. Selon une terminologie de Fergusson, il constitue la
variété haute (IT) assumant toutes les fonctions formelles alors
que le rôle des langues nationales et autres se résume à
remplir quelques fonctions informelles.
Du côté anglophone, l'anglais bien
qu'étant une langue officielle est très peu usité. Son
usage se résume très souvent aux écrits administratifs ou
en des situations de communication exolingue avec des compatriotes
francophones. Toutes les autres activités qui rythment la vie au
quotidien dans cette partie du pays se font en pidgin-english. C'est ce que
fait remarquer Afungmeye (2014 :602) lorsqu'il écrit :
Cameroonians in these two regions have over the years used
Pidgin English as a marker of their identity. Even pre-school children in these
regions have a good mastery of Pidgin English and only gain a mastery of formal
English later at school. According to Mba (2011: 3) many children more often
than not have Pidgin as their mother tongue at the expense of the mother tongue
of their parents, as Pidgin is used in buying and selling, in religious
teaching and worship, in home interaction, in out-group communication and in
cultural expression. It should be noted that this language variety is also used
by the educated as they constantly switch to Pidgin in verbal interactions.
...CPE2 is now being used in all functional domains in the country
such as in churches, in the markets, on the streets, by teachers in class to
make explanations easier for their learners, and also used by writers. It is
even used as the first language (L1) in cross-linguistic, cross-cultural
families3.
Si officiellement les populations des deux régions
Anglophones du pays sont Anglophones, dans les faits ils seraient plutôt
pidginophones.
2 CPE : Cameroon Pidgin-English
3 Les Camerounais dans ces deux régions ont
au fil des années utilisées Pidgin-English comme un marqueur de
leur identité. Même les enfants en âge préscolaire
dans ces régions ont une bonne maîtrise de Pidgin-English et
n'acquiert une maîtrise de l'anglais formel que plus tard à
l'école. Selon Mba (2011 : 3 ) beaucoup d'enfants ont de plus en plus le
Pidgin comme langue maternelle au détriment de la langue maternelle de
leurs parents car le Pidgin est utilisé au marché pour vendre et
acheter, dans l'enseignement religieux et au culte, en interaction à la
maison , en communication avec d'autres groupes et comme expression culturelle
. Il convient de noter que cette variété de langue est
également utilisée par les personnes instruites qui glissent
constamment vers le pidgin dans les interactions verbales.
... le CPE est maintenant utilisé dans tous les
domaines fonctionnels dans le pays comme dans les églises , dans les
marchés , dans les rues , par les enseignants en classe pour donner des
explications plus facilement aux apprenants , et également
utilisé par les écrivains . Il est même utilisé
comme première langue (L1 ) en contre-linguistiques familles,
interculturelles .
11
Pour davantage contextualiser notre recherche, il nous parait
important qu'au-delà de l'histoire et de la société dans
son ensemble, nous jetions un regard sur le fonctionnement de l'environnement
même où va se dérouler notre enquête et sur les
méthodes d'enseignement l'anglais au Cameroun.
1.2. Le contexte éducatif
1.2.1. Le système éducatif
camerounais
La loi d'orientation de l'éducation au
Cameroun4 dans ses articles 15 à 18, organise le
système éducatif en deux sous-systèmes. L'un francophone
avec le français comme langue d'enseignement et l'autre anglophone avec
l'anglais comme langue d'enseignement. Au niveau du secondaire qui nous
concerne dans cette étude, le sous-système anglophone
organisé en cycles et filières. Il dure 7ans. Le premier cycle
avec un sous-cycle d'observation en tronc commun de deux ans et un sous-cycle
d'orientation de trois ans d'enseignement général et technique,
sanctionné par un GCE-O level. Puis un second cycle de deux ans
d'enseignement général ou technique avec le GCE-A Level marquant
la fin de la formation secondaire. D'un autre côté, le
sous-système francophone est lui aussi organisé en cycles et
filières au niveau du secondaire ainsi qu'il suit : un premier cycle de
cinq ans ayant un sous-cycle d'observation en tronc commun de deux ans un
sous-cycle d'orientation de trois ans d'enseignement général ou
d'enseignement technique5 sanctionné par un BEPC, puis un
second cycle de deux ans à l'issue duquel les apprenants obtiennent un
baccalauréat marquant la fin des études secondaires. Les deux
sous-systèmes sont opérationnels sur toute l'étendue du
territoire camerounais même si en terme de proportions, les deux
régions anglophones (et minoritaires) du pays appliquent
fondamentalement le sous-système anglophone de même que les dix
régions francophones (majoritaires) appliquent principalement le
système francophone. Comme nous l'avons indiqué dans notre
thématique, nous nous intéressons à l'apprentissage de
l'anglais en milieu francophone d'où la nécessité pour
nous dans ce chapitre d'évoquer les pratiques pédagogiques,
didactiques et même institutionnelle en classe de langue.
4 Loi Num. 98/004 du 04 avril 1998
5 En attendant que cette réforme de 1998 soit
effective le cycle d'orientation se déroule toujours en deux ans
(4e et 3e) et le second cycle en trois ans.
12
1.2.2. Principes généraux
d'enseignement et d'apprentissage de l'anglais dans les classes du
secondaire
Dans le sous-système francophone, l'anglais est une
discipline dont l'enseignement est obligatoire dans toutes les classes de la
sixième en terminale. A l'exception de certaines classes
littéraires (2nde A4, 1ère A4 et Terminale A4)
où il est de 4 heures, le quota horaire alloué aujourd'hui
à l'apprentissage de l'anglais par classe au lycée est de 3
heures hebdomadaires reparties en deux séances de 2 heures et 1 heure.
Les pratiques linguistiques en classe sont rythmées par la combinaison
des approches méthodologique traditionnelle directe et
notionnelle-fonctionnelle. La méthode directe est perceptible dans les
interactions entre professeur et élèves. Elle instruit l'usage
exclusif de la langue enseignée (l'anglais) dans les activités du
professeur et de l'élève en cours de langue et proscrit l'usage
de la langue maternelle ou de la première langue dans le processus
d'apprentissage. Les rédacteurs de ces textes officiels estiment
qu'enseigner une langue en utilisant une autre, renforce l'autre langue. Il
faut donc enseigner l'anglais en rejetant hors de la classe, la langue de
l'apprenant ainsi que toutes les autres langues de son répertoire
langagier qui, à leur avis, n'aide pas l'apprenant à avancer dans
la connaissance de la langue cible. La méthode notionnelle-fonctionnelle
quand à elle est visible à travers le manuel qui sert de support
au cours d'anglais. Ce qui caractérise cette méthode c'est
l'organisation de l'apprentissage à travers les grandes notions de la
vie quotidienne par le biais desquelles l'élève doit apprendre
à communiquer. Les contenus sont donc organisés autour d'un
thème à partir duquel l'apprentissage des compétences
Listening- Reading- Writing- Speaking- Grammar - Vocabulary, se
déroulent. Et pour chaque niveau, il existe trois manuels : le
`student's book' livre de l'élève, le
`workbook' cahier d'activités et le `teacher's book'
guide pédagogique. Simo Bobda, cité par Takam (2007 :34) analyse
les contenus de ces manuels et en déduit que de l'indépendance
jusqu'aux années 70, le contenu des enseignements de ces documents
était basé sur les éléments culturels britanniques.
Entre les années 70 et la fin des années 80, les autorités
éducatives se sont appliquées à « africaniser »
le matériel didactique. On a vu paraître à cette
période le manuel `English for French Speaking Africa' dont le
contexte de référence était le Nigeria mais qui servait de
manuel d'enseignement dans bon nombre de pays francophones de l'Afrique
centrale et de l'ouest. Puis par la suite jusqu'aujourd'hui des collections
à l'instar de `Go for English' `Stay Tuned' qui se
présentent comme un savant mélange des thèmes typiquement
africains et des préoccupations planétaires ont vu le jour.
13
Du point de vue pédagogique, l'enseignement a tour
à tour expérimenté cinq approches. La pédagogie de
projet et la gestion mentale, la nouvelle approche pédagogique, la
pédagogie par objectifs et depuis 2012, l'approche par les
compétences.
Globalement, on peut constater que l'anglais autant que le
français sont des langues héritées de la colonisation
britannique et française du Cameroun Oriental et du Cameroun Occidental.
De par leur position de langue de communication internationale à l'heure
des indépendances et compte tenu de la nécessité qui
s'imposait aux deux Cameroun de se fédérer, il leur a
été accordé le statut prestigieux de langues officielles
au détriment des langues locales plus nombreuses et peu connues dans la
sphère mondiale. Ce positionnement a impacté le choix des
politiques linguistiques éducatives du Cameroun qui a vu l'adoption en
son sein de deux sous-systèmes d'enseignement dont l'un sera dit
anglophone et l'autre francophone. Au-delà de ces faits
politico-historiques, l'observation de l'environnement socio-éducatif
laisse entrevoir d'une part une société multilingue
composée à la base plus de 235 langues et d'autre part des
pratiques didactiques et pédagogiques dont la description nous permettra
de mieux répondre à notre questionnement.
14
Chapitre 2 : domaines d'investigation et
terminologie
Après avoir présenté le contexte dans
lequel cette investigation va prendre corps, nous voulons à
présent examiner le cadre et les concepts théoriques qui vont
sous-tendre sa réalisation. Cet examen se fera en deux phases. En
premier, la présentation des domaines d'investigation dans lesquels
s'inscrit notre recherche, ensuite l'examen des notions ou concepts essentiels
à ce travail.
2.1. De la sociolinguistique, de la didactique et de
la sociodidactique comme domaines d'investigation
Notre recherche se situe entre les champs de la
sociolinguistique et de la didactique. La sociolinguistique est une science
fille de la linguistique encore considérée par d'aucuns comme une
de ses branches. On peut le voir à travers certaines définitions.
Le dictionnaire du français Larousse par exemple la définit comme
la « partie de la linguistique qui étudie selon quelles
constantes les facteurs sociaux déterminent les différences dans
la langue et dans l'utilisation qu'en font les personnes qui la parlent
». Tandis que le Centre national de ressources textuelles et
lexicales la considère comme une « branche de la linguistique
qui étudie dans une société donnée les interactions
entre la diversification linguistique et les contradictions du corps social.
» cette assimilation persistante de la sociolinguistique à la
linguistique est sans doute due au fait que William Labov qui est reconnu comme
père de cette science déclarait en son temps parlant de la
sociolinguistique que :
[...] notre objet d'étude est la structure et
l'évolution du langage au sein du contexte social formé par la
communauté linguistique. Les sujets considérés
relèvent du domaine ordinairement appelé "linguistique
générale" : phonologie, morphologie, syntaxe et
sémantique. Les problèmes théoriques que nous
soulèverons appartiennent également à cette
catégorie, tels la forme des règles linguistiques, leur
combinaison en systèmes, la coexistence de plusieurs systèmes et
l'évolution dans le temps de ces règles et de ces
systèmes. S'il n'était pas nécessaire de marquer le
contraste entre ce travail et l'étude du langage hors de tout contexte
social, je dirais volontiers qu'il s'agit là tout simplement de
linguistique (p. 258).
Mais celle qui était considérée hier
comme une branche de la linguistique s'est constituée comme discipline
à part entière des sciences humaines et sociales au début
de la deuxième moitié du XXe siècle, avec son objet de
recherche propre, sa méthodologie et méthodes propres. Au
départ, la sociolinguistique se contentera de décrire les
variations sociales et d'identifier leurs sources à partir des
observations des pratiques langagières liées à
l'âge, au sexe, à la classe sociale etc. chez différents
groupes sociaux. Mais son champ d'objets s'est progressivement élargi
traversant les domaines de la sociologie, de la psychologie, de la
15
politique. Il englobe désormais les interactions entre
groupes sociaux dans des contextes de communication précis
(école, travail, etc.), les contacts de langues au sein des
sociétés plurilingues, les représentations et les
attitudes vis-à-vis des langues et de leur apprentissage,
l'émergence de systèmes linguistiques issus du mélange des
langues (pidgin créoles, sabir), l'aménagement et la
planification linguistique, la gestion des langues ou glottopolitique, etc. En
fin de compte, la sociolinguistique est une discipline qui décrit le
langage et les langues en rapport avec les situations et les contextes sociaux
dans lesquels il/elles se produisent. Car comme l'affirme L-J Calvet (2009:3)
« ...les langues n'existent pas sans les gens qui les parlent, et
l'histoire d'une langue est l'histoire de ses locuteurs. »
contrairement à la linguistique dont Ferdinand de Saussure affirme que
« la langue est un système qui ne connaît que son ordre
propre » ou encore que « la linguistique a pour unique et
véritable objet la langue envisagée en elle-même et pour
elle-même ». La recherche que nous entreprenons s'inscrit dans
ce vaste champ de la sociolinguistique et plus précisément le
champ des représentations et de l'apprentissage d'une langue
étrangère chez des apprenants issus de milieux plurilingues. Les
apprenants qui feront l'objet de notre enquête ne le sont pas simplement
parce qu'ils apprennent une langue, mais aussi parce qu'ils appartiennent
à une communauté de langue(s), à un ou des groupes
sociaux.
Toutefois, la sociolinguistique n'est pas le seul domaine qui
nous interpelle dans cette entreprise. Il y a également le domaine de la
didactique. La didactique intervient ici dans la mesure où nous sommes
dans un contexte d'apprentissage. Apprentissage en classe de langue. Du fait
qu'on parle d'apprentissage d'une langue, on pourrait penser qu'il s'agit de
prime abord de pédagogie c'est-à-dire d'un ensemble de
méthodes et techniques d'enseignement mises en oeuvre pour assurer dans
des conditions idoines, la transmission ou l'appropriation du savoir à
l'apprenant en se posant des questions sur quelle organisation mettre en place,
de quelle façon transmettre le savoir en salle de classe, quelles
articulations déroulées pendant le cours. Mais aussi vrai que
notre étude s'intéressera au fonctionnement de la classe dans son
ensemble, aux modes et relations entre les actants, à l'environnement et
aux conditions dans lesquelles se déroule le processus d'apprentissage,
il s'agira davantage de didactique c'est-à-dire d'étudier dans un
domaine de connaissance scientifique particulier, les phénomènes
d'enseignement, les conditions de la transmission normalisée ou
normées par une institution et les conditions de l'acquisition de
connaissances par un apprenant ; d'interroger sur quels contenus enseigner,
à quel niveau, selon quelle progression, avec quelle méthode,
etc. Loin de dissocier ou d'opposer pédagogie et didactique, il s'agira
d'inscrire l'apport de la pédagogie dans le cadre de la
complémentarité de l'activité
d'enseignement-apprentissage.
16
La corrélation entre sociolinguistique et didactique
nous plonge dans l'univers transversal de la sociodidactique. Louise
Dabène et Marielle Rispail (2008) citées par Blanchet
décrivent ainsi l'entreprise sociodidactique :
Ces recherches se caractérisaient par une double
orientation : d'une part l'analyse de
l'hétérogénéité des situations formelles et
informelles d'enseignement apprentissage des langues, y compris de la langue
dite à l'époque "langue maternelle" et, d'autre part, la
description et la prise en compte des pratiques langagières
individuelles et des représentations sociales de l'oral et de
l'écrit, au sein de ces situations et dans leur environnement.
Blanchet explique que la sociodidactique est une didactique de
terrain dont l'action ne se limite pas à la classe mais s'étend
aux situations sociales qui impliquent les acteurs du tandem
enseignement/apprentissage. Au-delà des apprenants et des enseignants,
l'action de la sociodidactique concerne ainsi les parents, les décideurs
institutionnels, les formateurs et inspecteurs, les concepteurs de manuels et
auteurs de manuels scolaire. En clair, cette étude si elle implique les
enseignants et les apprenants d'anglais dans l'enceinte du Lycée
d'Ebolowa au premier chef, concerne également les acteurs qui encadrent
ces derniers en amont, dans le cours et en aval des processus
d'enseignement/apprentissage. Respectivement les institutionnels qui
définissent les politiques linguistiques éducatives - en
l'occurrence l'Etat du Cameroun à travers le ministère des
enseignements secondaires - La commission nationale du livre scolaire qui
statue sur les manuels à utiliser pour les enseignements, les
inspecteurs pédagogiques qui s'assurent du bon déroulement des
enseignements et enfin les parents d'élèves dont la localisation
géographique les origines et les pratiques langagières
influencent tout aussi bien l'apprentissage de la langue chez leur
progéniture.
2.2. Définition des concepts
clés
Pour aborder la thématique des représentations
et de l'apprentissage de l'anglais en milieu scolaire francophone au Cameroun,
il nous semble important de prime abord de nous pencher sur certains concepts
de sociolinguistique et de didactique des langues. Il s'agit en l'occurrence
des notions de représentation, attitude, apprentissage,
plurilinguisme.
2.2.1. Représentations
2.1.1.1.Les représentations en sociologie et
psychologie sociale
Il est de notoriété scientifique que la notion
de représentation provient de la sociologie, qu'elle a pris forme en
psychologie sociale et s'est progressivement répandue dans les autres
disciplines des sciences de l'homme et de la société, en
l'occurrence la sociolinguistique et même les sciences juridiques et
politiques.
17
2.1.1.1.1. Représentations collectives
Le concept fait son apparition en 1898 dans la «
Revue de métaphysique et de morale » dans un article
d'Emile Durkheim. Selon Durkheim, ce qu'il appelle représentations
collectives est en lien avec les croyances et les valeurs communes à
tous les membres d'une société (la religion, le mythe, le savoir
scientifique) et en opposition avec l'addition des représentations de
ces membres. Pour lui, ce sont des formes de pensée partagées par
une société et qui se transmettent d'une génération
à une autre au moyen de l'éducation et de la communication
sociale. Dans la conception de Durkheim, la notion de représentation se
présente comme une force qui s'exerce sur l'individu et lui impose une
manière de penser et d'agir affirmant ainsi la suprématie de la
société sur l'individu.
2.1.1.1.2. Représentations sociales
En 1961, Moscovici va se démarquer de cette conception
de la représentation qui considère la société du
moins comme un ensemble sinon comme une entité originelle
différente de la somme des individus qui la compose pour conceptualiser
et préciser sa vision de la notion. A partir de travaux menés sur
les représentations de la psychanalyse dans les différents
groupes sociaux, il énonce la théorie de «
représentation sociale », ses conditions de construction
et de transmission ainsi que ses limites. Pour lui, la représentation
sociale désigne les éléments mentaux qui se forment par
nos actions, et qui informent nos actes, le sens commun. Ils se constituent
dans un milieu social et oriente les conduites sociales. Cette
théorisation de la notion de représentation par Moscovici
décrit une réalité en procès plutôt qu'une
réalité déjà faite. A travers la conceptualisation
de la représentation sociale, Moscovici apporte un outil commun aux
sciences sociales et aux sciences humaines (Danic 2006 : 29). Cet outil se
présente comme un fait dynamique (plutôt que statique) qui
constitue un concept opératoire de recherche.
2.1.1.1.3. Approches théoriques à la notion
de représentation sociale
De ces conceptualisations de la notion de
représentation naitront diverses approches théoriques. Danic
(2006 :30) en distingue trois. Les approches objectivistes qui stipulent que
les représentations sont des produits de la réalité et
obéissent à un processus de perception-interprétation de
l'environnement physique social. D'un autre côté, il y a les
approches subjectivistes pour lesquelles les représentations sociales
sont productrices de réalité. Pour les prétendants de
cette hypothèse, les représentations ne préexistent pas
à la réalité. Elles sont mises en oeuvre par les acteurs
sociaux. On ne peut comprendre ce phénomène social qu'à
partir des représentations des acteurs sociaux. Il y a enfin les
approches dialectiques qui
18
occupent une position médiane en tentant de
dépasser l'opposition objectivisme / subjectivisme. Muller et Pietro
(2007 :52 ) distingue deux tendances dans les travaux de recherche sur les
représentations. Une tendance `objectivante' qui pense que les
représentations existent indépendamment des situations
d'interlocution où elles sont exprimées et l'autre tendance dite
`constructionniste' qui affirme que les représentations n'existent que
par et dans la communication, au moment où elles sont actualisées
par les acteurs sociaux.
2.1.1.2. Les représentations en sociolinguistique
et didactique des langues
La notion de représentation en sociolinguistique et
didactique des langues est caractérisée par ce que Cécile
Petitjean (2009) appelle un flou définitoire à cause de
l'imprécision qui prévaut dans l'usage du terme
représentation. Nous n'aurons pas la prétention ici
d'élucider ce flou de peur de nous égarer dans des
spéculations, mais nous chercherons simplement à comprendre en
quoi cette notion constitue un concept opératoire de recherche pour
notre étude.
Le concept de représentation sociale issu de la
psychologie sociale est largement accepté comme désignant «
une forme de connaissance, socialement élaborée et
partagée, ayant une visée pratique et concourant à la
construction d'une réalité commune à un ensemble social.
» Jodelet (1994). La notion apparait entre 1980-1990 aussi bien en
sociolinguistique qu'en didactique des langues. Dans les travaux où elle
est évoquée, elle revêt différents vocables :
représentation linguistique, représentation langagière,
représentation des langues. Castelloti et Moore (2002 : 10) la
désigne par l'expression « représentations sociales des
langues ». En dépit de la diversité des termes
métalinguistiques utilisés pour décrire une même
réalité, il semble que la grande majorité des chercheurs
s'accordent cependant sur une perspective psychosociale de la notion de
représentation en sociolinguistique et didactique des langues. Toute
représentation en sociolinguistique est donc d'abord une
représentation sociale mais une représentation sociale d'un type
particulier. C'est ce qu' affirme Petitjean (2009 :44), « la
représentation linguistique apparaitrait donc comme une
représentation sociale verbalisée de la langue, »
« un ensemble de connaissances socialement partagées et
élaborées relatives à la langue».
2.2.2. Attitudes
L'autre confusion que la plupart des sociolinguistes tentent
souvent de clarifier est celle qui concerne représentations et
attitudes. Les deux notions ont des rapports ambigus et même si
on essaye souvent de les expliciter la frontière entre les deux termes
est si poreuse qu'on finit souvent par la franchir. Les deux notions
empruntées en psychologie sociale ont des points de
19
convergence et sont parfois prises l'une pour l'autre.
Castelloti et Moore (2002) la définissent comme « une
disposition à réagir de manière favorable ou non à
une classe d'objet. Ou pour reprendre la définition de Kolde 1981
cité par Lüdi et Py 1986 :97 « une prédisposition
psychique latente, acquise, à réagir d'une certaine
manière à un objet ». Dans une tentative
d'explicitation, Billiez et Millet (2007) reconnaissent la difficulté
qu'il ya à séparer représentations sociales et attitudes
et considère que
l'attitude serait néanmoins plus directement
articulée aux comportements qu'elle dirigerait ou coordonnerait. Elle
est, en effet, généralement définie comme une sorte
d'instance anticipatrice des comportements, une prédisposition à
répondre de manière consistante à l'égard d'un
objet donné ; ce qui n'exclut pas, d'ailleurs, que l'on puisse
considérer aussi l'attitude comme conséquence du comportement.
L'attitude pourrait donc représenter un élément
charnière et dynamique entre les représentations sociales et le
comportement, régulant en quelque sorte leurs rapports.
En d'autres termes pour ces auteurs, la manière la plus
évidente de différencier représentations sociales et
attitudes c'est de considérer que l'attitude est le médiateur
indispensable et actif entre représentations sociales et comportements.
Parmi les auteurs que nous avons consulté et qui traitent des attitudes
nous ne pouvons manquer d'évoquer Lasagabaster qui dans un article
(2006) dresse un état des lieux des attitudes linguistiques. La
définition qu'il donne du terme attitude est d'ordre
psychologique et tirée de Ajzen (1988 :4) « Disposition
à répondre de manière favorable ou défavorable au
regard d'un objet, d'une personne, d'une institution, d'un
événement ». Mais contrairement aux
précédents auteurs, Lasagabaster ne met pas en opposition
représentations sociales et attitudes mais il fait ressortir ce qui
caractérise une attitude. D'après lui, le concept est populaire
pour six raisons : le terme est sténographique ; il peut être
considéré comme la cause du comportement d'une personne ; il
permet d'expliquer la consistance dans le comportement ; il est le reflet des
représentations ; le concept est neutre et acceptable par beaucoup
d'écoles ; il englobe plusieurs domaines allant de la sociologie, la
psychologie sociale vers l'éducation bilingue et la politique. L'autre
caractéristique sur laquelle il se base est de savoir que le concept
échappe à la mesure et à l'observation directe et
objective ; l'influence des facteurs exogènes. Comme la notion de
représentation, la notion d'attitude peut elle aussi porter le
qualificatif « linguistique ». Elle désigne alors
d'après Richards Platt (1997 :6) cité par lasagabaster, des
attitudes que les locuteurs de différentes langues
ou de variétés linguistiques différentes ont à
l'égard des langues des autres ou de leurs propres langues. L'expression
de sentiments positifs ou négatifs concernant une langue peut être
le reflet d'impressions sur la difficulté ou la simplicité
linguistique, la facilité ou difficulté de l'apprentissage, le
degré d'importance, l'élégance, le statut social, etc. Les
attitudes à l'égard d'une langue peuvent aussi refléter ce
que les gens pensent des locuteurs de cette langue. »
20
Comme on peut le constater, représentation et attitude
sont des notions véritablement proches de par leur nature, leur objet et
leur domaine d'intervention.
2.2.3. Apprentissage
Les notions d'enseignement et d'apprentissage prêtent
souvent à confusion. Cette confusion est liée au fait que le
verbe apprendre porte un double sens : apprendre quelque chose et apprendre
à quelqu'un. A ce sujet, Blanchet (2005) précise qu'apprendre
est un terme réservé à l'activité de
l'élève. Et donc pour éviter toute ambigüité,
mieux vaudrait éviter d'utiliser ce mot dans le sens de «
transmettre le savoir » et l'utiliser toujours pour dire « recevoir
le savoir ». Ainsi, la distinction enseignement/apprentissage signifie
traditionnellement que le maître enseigne et l'élève
apprend.
En sociolinguistique et didactique des langues, plusieurs
études menées en milieu scolaire ont démontré que
les représentations des apprenants sont liées au désir
d'apprendre les langues, à la réussite et à l'échec
de cet apprentissage. Selon Castelloti $ Moore (2002), ces images que se
forgent les apprenants des langues qu'ils apprennent, des locuteurs de ces
langues et des pays où elles sont pratiquées entretiennent des
liens étroits avec le processus d'apprentissage qu'elles contribuent
à renforcer ou à ralentir. L'étude des
représentations joue donc un rôle central dans les processus
d'apprentissage des langues car elle permet de mieux comprendre certains
phénomènes liés à l'apprentissage des langues et
à la mise en oeuvre d'actions didactiques adéquates.
2.2.4. Le plurilinguisme
Depuis le début du 21ème
siècle, le concept de plurilinguisme a pris beaucoup d'importance dans
le domaine de la didactique des langues et des cultures au point où les
chercheurs investis dans ce domaine en sont arrivés à parler
d'une didactique du plurilinguisme. Mais au fond, de quoi est-il question ?
2.2.4.1.Plurilinguisme, bilinguisme et
multilinguisme
Longtemps avant l'apparition du terme plurilinguisme
on utilisait alors celui de bilinguisme. La notion a connu des
évolutions au fil du temps. Bloomfield (1935) considère le
bilinguisme comme la « maitrise de deux langues comme si elles
étaient toutes les deux la langue maternelle » c'est cette
conception perfectionniste qui a fait naitre une gradation des types de
bilinguisme avec l'adoption du bilinguisme parfait ou vrai bilinguisme
comme seuil à atteindre. Haugen (1953) est moins rigide et pense que
« le bilinguisme commence lorsque l'individu peut produire des
énoncés ayant un sens dans une autre langue que sa langue
maternelle. » Weinreich (1953) plus modeste encore dans sa
définition du bilinguisme
21
considère qu' « est bilingue celui qui
possède au moins une des quatre capacités (parler, comprendre,
lire, écrire) dans une langue autre que sa langue maternelle.
». Le terme est utilisé plutard par (Galisson et Coste 1976 :
69) cité par Verdelhan-Bourgade (2007) pour vouloir dire une «
situation qui caractérise les communautés linguistiques et
les individus installés dans des régions, des pays où deux
langues et plus sont utilisées concurremment ». Mais on s'est
progressivement éloigné de cette acception pour au moins deux
raisons. La première est qu'étymologiquement `bi' (deux)
et `lingua' (langue) renvoient logiquement à l'usage deux
langues et donc utiliser le terme bilingue pour parler de trois, quatre ou plus
de langues ne paraissait pas toujours adéquat. Au-delà de cette
raison liée à l'étymologie du mot, on peut évoquer
une autre liée à sa compréhension. Le terme bilinguisme a
souvent été compris comme l'apprentissage et la maitrise
additionnelle de deux monolinguismes ou plus simplement la somme parfaite de
deux monolinguismes strictement juxtaposés et équivalents. Or,
les recherches en sciences du langage ont fini par démontrer que ceux
qui parlent plusieurs langues ne les juxtaposent pas les unes aux autres de
façon étanches mais articulent toutes les langues qu'ils
connaissent. D'où la nécessité d'une redéfinition
du concept de bilinguisme qui a fait apparaitre les notions de plurilinguisme
et multilinguisme. Mais là encore, on n'est pas sorti du flou
définitoire car les deux termes seront souvent pris
indifféremment l'un pour l'autre. Cependant les définitions que
nous retiendrons de ces mots pour les dissocier, sont celles qui tendent
à s'universaliser aujourd'hui chez les sociolinguistes francophones et
qui sont contenues dans le Guide pour l'élaboration des politiques
linguistiques en Europe qui demande de distinguer « le plurilinguisme
comme compétence des locuteurs (capables d'employer plus d'une langue)
du multilinguisme comme présence des langues sur un territoire
donné » (Beacco et Byram, 2007, p. 10). La notion de
plurilinguisme ainsi comprise marque une avancée dans l'univers du
contact des langues ou le locuteur plurilingue n'est plus
considéré comme une personne qui pratique plusieurs langues de
façon cloisonnée mais qui articulent les langues en y
intégrant les interférences, les alternances codiques et les
mélanges de codes. C'est ce constat de la façon d'utiliser les
langues à la manière des sociétés multilingues qui
a suscité une orientation nouvelle dans l'enseignement des langues
dénommée didactique du plurilinguisme.
2.2.4.2. Didactique du plurilinguisme
La didactique du plurilinguisme émane du postulat selon
lequel l'objectif d'une éducation plurilingue est de développer
des compétences linguistiques ainsi qu'un répertoire langagier de
plusieurs langues chez les apprenants. Elle s'appuie sur la notion de
compétence plurilingue et pluriculturelle et s'articule autour du
concept d'approche plurielle.
22
2.2.4.2.1. La compétence plurilingue et
pluriculturelle
Le Cadre européen commun de référence
pour les langues (CECRL 2001 :129) est le document sur lequel se fonde la
notion de compétence plurilingue et pluriculturelle. Il explicite
qu'on
désignera par compétence plurilingue et
pluriculturelle, la compétence à communiquer
langagièrement et à interagir culturellement d'un acteur social
qui possède, à des degrés divers, la maîtrise de
plusieurs langues et l'expérience de plusieurs cultures. On
considérera qu'il n'y a pas là superposition ou juxtaposition de
compétences distinctes, mais bien existence d'une compétence
complexe, voire composite, dans laquelle l'utilisateur peut puiser.
La notion augure une nouvelle façon d'enseigner les
langues. Enseigner les langues à la manière des
sociétés plurilingues. Ne pas réduire l'enseignement des
langues à une langue précise dissocié des autres langues
que pratiquent les apprenants, mais inscrire l'enseignement de chaque langue
dans l'ensemble des pratiques et des apprentissages. Enseigner les apprenants
à se construire un répertoire langagier dans lequel il y a
plusieurs langues et dans lequel ils peuvent puiser en temps de besoin pour
remplir des nécessités de communication précises. Cette
vision plurielle de l'enseignement-apprentissage des langues est une
réponse aux défis de la diversité et de la cohésion
sociale. Elle vise non seulement à créer une culture du
plurilinguisme c'est-à-dire à former les personnes qui vivent
ensemble à accéder à toutes sortes de langues mais aussi
à privilégier l'esprit de rencontre entre les peuples,
l'inter-tolérance, les métissages de cultures et
d'identité et l'acceptation de l'altérité. La mise en
place d'une éducation au plurilinguisme marque ainsi la mise en cause
d'une approche singulière de l'enseignement-apprentissage des langues
pour une migration vers ce qui a été convenu d'appeler «
approches plurielles » (Candelier : 2007).
2.2.4.2.2. Approches plurielles des langues et des
cultures
Les approches plurielles des langues et des cultures
définissent les démarches didactiques à mettre en oeuvre
pour l'acquisition des compétences plurilingue et pluriculturelle chez
les apprenants. La notion marque une rupture nette avec ce que Michel Candelier
a désigné par « isolationnisme monolinguistique »
c'est-à-dire l'enseignement centré sur une poignée de
langues privilégiée par un système éducatif. Il
définit une approche plurielle comme « toute approche mettant
en oeuvre des activités impliquant à la fois plusieurs
variétés linguistiques et culturelles. En tant que telle, une
approche plurielle se distingue d'une approche singulière, dans laquelle
le seul objet d'attention est une langue ou une culture
particulière,
23
prise isolément. » Il en distingue quatre
: l'approche interculturelle, la didactique intégrée des langues
apprises, l'intercompréhension des langues parentes et l'éveil
aux langues.
2.2.4.2.2.1. l'approche interculturelle
La méthode liée à l'approche
interculturelle est celle qui privilégie les interactions entre les
groupes, les individus et les identités à travers la rencontre,
avec des personnes de nationalités et cultures différentes,
l'acceptation de l'altérité.
2.2.4.2.2.2. La didactique intégrée des langues
apprises C'est une approche qui est fondée sur
l'hypothèse qu'un élève apprendra
d'autant mieux un type de structure ou d'emploi en langue seconde qu'il en aura
préalablement compris les principes en langue maternelle et que les
instruments heuristiques mis en oeuvre pour découvrir ces principes dans
la langue maternelle sont utilisables avec profit dans l'apprentissage des
langues secondes. (Roulet, 1980 : 10 cité par Candelier et
Castelloti)
Elle a pour objectif d'aider l'apprenant à
établir les liens entre les langues apprises à l'école en
s'appuyant sur les langues maternelles pour faciliter l'apprentissage des
langues enseignées ou en s'appuyant sur une langue première
étrangère pour faciliter l'accès à une seconde
langue étrangère. La situation inverse étant
également possible dans certains cas.
2.2.4.2.2.3. L'intercompréhension entre les langues
parentes
« L'intercompréhension est une forme de
communication dans laquelle chaque personne s'exprime dans sa propre langue et
comprend celle de l'autre ».6 Elle suggère que
l'apprenant travaille sur plusieurs langues d'une même famille. Il peut
s'agir de la famille à laquelle appartient la langue maternelle, de la
famille de la langue d'apprentissage ou de la famille de la langue apprise.
2.2.4.2.2.4. L'éveil aux langues
L'éveil aux langues est un travail de découverte
et de comparaison sur les langues que l'école n'a pas l'ambition
d'enseigner. « Il y a éveil aux langues lorsqu'une part des
activités de classe porte sur des langues que l'école n'a pas
l'ambition d'enseigner (qui peuvent être ou non des langues maternelles
de certains élèves) » (Candelier, 2003b : 21).
Candelier explique que « l'éveil aux langues contribue au
développement d'aptitudes métalinguistiques d'observation et
d'analyse, et au développement d'attitudes susceptibles de susciter
l'intérêt
6 DOYÉ Peter, 2005,
L'intercompréhension, étude de référence,
Strasbourg, Conseil de l'Europe, Division des politiques linguistiques.
24
pour les langues et cultures et la confiance en ses
propres capacités favorables à l'apprentissage des langues qu'il
s'agisse des langues apprises à l'école ou non ».
Comme on peut le constater, le plurilinguisme est une notion
qui a fait du chemin dans les milieux de la recherche en sociolinguistique et
en didactique des langues et des cultures, avec une définition et des
démarches didactiques spécifiques. Son adoption et son
implication dans les politiques linguistiques éducatives en Europe
depuis plus de vingt ans est une indication que cette initiative scientifique
n'est pas simplement un concept spéculatif mais une notion qui a une
portée pragmatique et innovante en matière d'enseignement et
d'apprentissage des langues et des cultures.
Tout compte fait, la notion de représentation est
centrale dans notre étude car elle va nous permettre de d'identifier,
d'expliciter les perceptions qu'entretiennent nos élèves pour
l'anglais et pour les autres langues enseignées au lycée, de
comprendre l'impact de ces perceptions sur leur apprentissage afin de
suggérer des stratégies pour motiver leur apprentissage. Ainsi,
nous avons voulu éviter toute ambigüité terminologique dans
la thématique de ce travail en adoptant le terme représentation
en éloignant tous les autres termes concurrents à cette notion.
Il faudra donc comprendre les représentations ici dans le sens
énoncé par Castelloti et Moore (2002 :10), « des images
que se forgent les apprenants de ces langues, de leurs locuteurs et des pays
dans lesquels elles sont pratiquées » « Ces images,
très fortement stéréotypées, recèlent un
pouvoir valorisant ou, a contrario, inhibant vis -à-vis de
l'apprentissage lui-même. » Par ailleurs, nous demeurons sur la
constance sociolinguistique globale qui considère la notion de
représentation sur une perspective psychosociale. Les termes
représentation sociale, représentation linguistique ou
sociolinguistique ne seront donc pas des termes concurrents mais quasi-
équivalents. Car comme nous l'avons dit plus haut, toute
représentation en sociolinguistique est d'abord une
représentation sociale mais une représentation sociale d'un type
particulier.
25
Chapitre 3 : Terrain d'enquête et données
d'enquête 3.1. Le milieu physique
L'enquête que nous menons se déroule à
Ebolowa une ville de la partie francophone du Cameroun. Ebolowa est le
chef-lieu de la région du sud. C'est une communauté urbaine d'une
superficie de 5600 km2 abritant une population de 96000
habitants7. La ville se retrouve dans une zone de forêt dense
équatoriale avec un climat de type équatorial et des
températures d'environs 25° C. Les populations de cette
localité vivent essentiellement de l'agriculture, du commerce et de
l'élevage. Ebolowa est situé à 168 km de Yaoundé la
capitale politique du Cameroun et se positionne comme ville transit vers la
Guinée équatoriale et le Gabon. Cet emplacement fait d'elle une
grande agglomération urbaine qui abrite une population cosmopolite
multiethnique et multiculturelle.
3.2. Les composantes sociologiques
Ebolowa comprend des populations issues de diverses
régions du Cameroun. Si pour un bon nombre la présence en ces
lieux se justifie par l'obligation d'exercer une profession administrative
(éducation, santé, police, gendarmerie, justice etc.), il est de
plus en plus fréquent de remarquer que ceux qui s'installent à
Ebolowa viennent pour des affaires commerciales (surtout avec les pays
frontaliers). La population se diversifie. Toutefois on reconnait qu'il y a
à la base les populations autochtones du Sud. En l'occurrence les Bulus,
les Ewondo et les Ntumus. A ces populations sont venues s'ajouter les
Bamilékés et Bamouns issus de la région de l'Ouest, les
Haoussas8 venant des trois grandes régions du nord (Adamaoua,
Nord, Extrême-Nord) et les Banen, populations venant du centre. D'autres
groupes comme les Kwasio, Batanga et Duala existent mais leur nombre est moins
important. Tout ce brassage ethnique entraine forcément une
pluralité de langues et de cultures. Nous sommes ainsi à Ebolowa
dans une société multilingue avec des locuteurs plurilingues.
Cependant, toutes les langues ne disposent pas de mêmes privilèges
en ces lieux. Nous allons particulièrement nous intéresser
à celles qui se distinguent par leur vitalité dans la ville au
quotidien.
7 Selon le dernier recensement de 2005 (source
wikipedia)
8 Le terme « haoussas » est souvent
utilisé dans le pays pour désigner toutes les populations
ressortissant du septentrion
26
3.3. Les langues leurs statuts et leurs fonctions dans la
ville d'Ebolowa.
Une langue peut faire l'objet d'une reconnaissance expresse
constitutionnelle ou législative ou simplement faire l'objet d'un emploi
régulier voire empirique dans tous les domaines prioritaires de
l'activité de la vie d'une nation. Dans le premier cas, la langue
bénéficie d'un statut dit de jure tandis que dans le
second cas il s'agit d'un statut de fait. Pour Didier de Robillard cité
par Bitjaa (2004 :523)
le statut est la position d'une langue dans la
hiérarchie sociolinguistique d'une communauté linguistique, cette
position étant liée aux fonctions remplies par la langue, et
à la valeur sociale relative conférée à ces
fonctions (ex : langue de la religion sera très valorisée dans
une théocratie.) On distingue généralement le statut de
fait (de facto empirique et explicite ) et le statut juridico-constitutionnel
(de jure, explicite).
Le statut d'une langue est ainsi lié à la
fonction de cette langue dans la communauté linguistique où elle
se pratique. Par conséquent les fonctions remplies par les langues dans
les situations sociales de communication sont souvent
catégorisées en fonctions de jure et fonctions de fait.
Les fonctions de jure renvoient à celles reconnues par la
législation tandis que les fonctions de fait à l'usage ordinaire
et naturel des langues.
Au Cameroun, la constitution du 18 janvier 1996 reconnait deux
statuts à toutes les langues utilisées au Cameroun. D'une part le
statut de langue officielle et d'autre part celui de langue nationale. Dans ce
contexte, Bitjaa (2004 :522-523) définit ces concepts ainsi qu'il suit
:
- langue officielle : c'est la langue
désignée dans la constitution d'un pays comme langue des
institutions publiques. Elle est utilisée dans les activités
gouvernementales, administratives, juridiques et éducatives.
- langue nationale : c'est la langue
parlée par l'ensemble de la population d'une nation. Elle marque la
citoyenneté ou appartenance nationale des individus sur les plans
politique et mondial. Cependant, de nombreux africains francophones et au
Cameroun en particulier, le titre de langue nationale est accordé
à toute les langues locales, langues maternelles ou langue de
première socialisation qui remplissent une fonction ethnique et
permettent d'identifier les différents groupes ethniques ou
nationalités du pays. Le terme langue nationale semble alors se
définir par opposition à celui de langue officielle, pour
signifier langue non officielle. »
Dans le cas de la ville d'Ebolowa, nous l'avons dit, il existe
plusieurs communautés ethniques qui parlent les langues
différentes. Mais les langues les plus pratiquées dans la ville
sont le bulu, le ntumu, l'ewondo le français et l'anglais. Chacune de
ces langues assume des fonctions bien précises et jouit d'un statut de
langue officielle ou de langue nationale dans ce contexte plurilingue qui
engendre des situations de communication exolingue et endolingue.
27
3.3.1. Les situations de communication
exolingue
Pour Kozlova (2009 :18) « la notion de la
communication exolingue renvoie initialement à celle qui s'effectue par
des moyens langagiers autres qu'une langue maternelle commune aux
interlocuteurs... » En fait dans une situation de communication
exolingue les locuteurs parlent des langues maternelles différentes.
Pour pallier cette asymétrie communicationnelle, ils ont recours
à une langue étrangère. A Ebolowa les situations de
communication exolingue s'opèrent généralement entre les
ressortissants des dix régions du Cameroun qui ne disposent pas d'une
langue maternelle commune et doivent faire appel à la langue
française pour communiquer dans des situations de la vie courante.
Toutefois, d'autres situations de communication exolingue existent avec des
langues mixtes dans des contextes prédéfinis. Il s'agit par
exemple de l'usage du pidgin-English par une certaine génération
d'adultes autochtone qui communiquent avec leur compatriotes anglophones dans
les places publiques comme les marchés ou encore de jeunes qui
communiquent en milieu scolaire en camfranglais (nous reviendrons plus en
détails dans un suivant chapitre plus en détails.)
3.3.2. Les situations de communication
endolingue
Elles s'appliquent « par opposition à la
communication exolingue, qui s'effectue dans une langue commune aux
interlocuteurs. »9 Elle concerne les populations autochtones
qui parlent le bulu le ntumu et l'ewondo. Il est important de signaler que ces
trois langues appartiennent à la grande famille des langues Beti-fang.
Elles sont d'ailleurs considérées par d'aucuns comme des
dialectes d'une même langue à cause de leur très grande
intercompréhension. Un inventaire des langues du Cameroun (Bitjaa 2004 :
530) les répertorie comme suit :
BETI-FANG [403 : b?ti-fa?] (BETI, EWONDO, BULU,
FANG, ETON, MENGISA, NTUMU) ; 2.000.000 (1996 SIL) ;
Continuum linguistique regroupant les dialectes des ethnies Fang, Ewondo, Bulu,
Mengisa, Eton, Bebil, etc. qui sont partiellement mutuellement intelligibles
mais ethniquement distincts ; s'étend sur la majorité des
provinces du Centre et du Sud, dans les départements du Lom-et-Djerem et
du Haut Nyong, Province10 de l'est ; aussi en Guinée
Equatoriale et au Gabon ; Niger-Kordofanien, Niger-Congo, Volta-Congo,
Benoué-Congo, Bantoïde, Austral, Bantu au sens strict, Nord-Ouest,
Zone A, Beti-Fang (A.70) ; Langue transnationale à protection presque
assurée (PPA), standardisée (grammaire, dictionnaires, manuels
didactiques), véhiculaire, utilisée à la radio (CRTV radio
Centre, Sud et Radio Lumière), dans la musique moderne , à
l'église (Bible bulu, ABC, 1940 ; NT ewondo : Catholiques) et dans
l'enseignement formel expérimental (PROPELCA).
Pour ce qui est du français et de l'anglais, les deux
langues officielles reconnues d'égale valeur par la constitution ne le
sont pas de fait. Le français est plus utilisé que l'anglais dont
l'usage se réduit à des contraintes administratives et à
l'enseignement dans les écoles, lycées, collèges et
universités et écoles supérieures.
9 Kozlova (2009 :18)
10 Ancienne appellation des unités
administratives qu'on désigne aujourd'hui sous le vocable de
région
28
Nous pouvons résumer les statuts et fonctions des
langues dans la ville d'Ebolowa dans le tableau ci-dessous.
Langues
|
Statuts
|
Fonctions sociales
|
FRANÇAIS
|
Statut de jure
|
Langue officielle : langue de
l'administration (diffusion des textes officiels, législatif et
juridiques, interactions dans les services publiques, cérémonies
et rencontres officielles) Langue de l'enseignement (des institutions
scolaires, centres de formation) ; Langue des médias (presse
écrite, radio, télévision, Internet, cinéma)
|
Statut de facto
|
Langue véhiculaire : interaction entre
les locuteurs de différentes langues,
Langue familiale11 : communication
entre parents et enfants dans certaines familles.
Langue religieuse : culte, messes,
prières, récital des versets.
|
ANGLAIS
|
Statut de jure
|
Langue officielle : langue de
l'administration (diffusion des textes officiels, législatif et
juridiques, interactions dans les services publiques, cérémonies
et rencontres officielles) Langue de l'enseignement (des institutions
scolaires, centres de formation) ; Langue des médias (presse
écrite, radio, télévision, Internet, cinéma)
|
BULU
|
Statut de Jure
|
Langue nationale : langue de promotion
culturelle, identitaire (culture, traditions, réunions
associative)
Langue enseignée (expérimentale au
primaire et secondaire); langues des médias
(radio/télévision)
|
Statut de facto
|
Langue véhiculaire : communication entre
locuteurs de langues intelligibles (bulu, ewondo, ntumu)
Langue d'intégration : personnes d'autre
culture désireuses de s'intégrer volontairement dans la
société d'accueil.
Langue familiale : parlée au foyer
Langue de culte : culte, messes, prières,
Chants, récital des versets.
|
NTUMU
|
Statut de jure
|
Langue nationale : langue de promotion
culturelle, identitaire (culture, traditions, réunions associative)
|
Statut de facto
|
Langue familiale : parlée au foyer
|
EWONDO
|
Statut de jure
|
Langue nationale : langue de promotion
culturelle, identitaire (culture, traditions, réunions associative)
|
Statut de facto
|
Langue familiale : parlée au foyer
Langue religieuse : culte, messes,
prières, Chants, récital des versets.
|
Tableau1 : les statuts et fonctions des langues
parlées à Ebolowa
11 Quelques élèves nous ont
révélé que le français était leur
première langue de socialisation (langue maternelle)
29
3.4. L'environnement scolaire
3.4.1. Situation et organisation
La ville d'Ebolowa dénombre un peu plus de dix
établissements d'enseignement secondaire donc cinq lycées : le
lycée classique et moderne, le lycée bilingue, le lycée
technique, le lycée d'Ebolowa rural et le lycée d'Ebolowa. Le
lycée d'Ebolowa est le lieu où nous avons mené notre
investigation. C'est un établissement d'enseignement
général situé au quartier Angale. Il compte environs 1500
élèves repartis dans 27 salles de classes donc trois (3) classes
de sixième, trois (3) classes de cinquième, quatre (4) classes de
quatrième, quatre (4) classes de troisième, quatre (4) classe de
seconde, cinq (5) classes de premières et quatre (4) classes de
terminales. Les effectifs dans les classes oscillent entre 67
élèves par classe pour les plus pléthoriques et 27
élèves pour les moins pléthoriques. L'organisation
administrative est celle qui est commune à tous les lycées : un
proviseur pour diriger l'établissement, des censeurs pour coordonner les
activités pédagogiques, des surveillants généraux
chargés de veiller sur la discipline des apprenants et même des
enseignants, un personnel d'appui (secrétaires, bibliothécaire,
gardien, etc.) et des enseignants pour dispenser les cours. Les enseignants
sont repartis par département et il existe quasiment autant de
départements que de disciplines enseignées. Le département
d'anglais compte dix enseignants.
3.4.2. Pratiques d'apprentissage et d'enseignement en
classe d'anglais
La constitution de la république du Cameroun adopte le
français et l'anglais comme des langues officielles d'égale
valeur12. En même temps, qu'elle stipule que
« l'Etat garantit la promotion du bilinguisme sur toute
l'étendue du territoire.
Il oeuvre pour la protection et la promotion des langues
nationales. »
La loi N° 98/004 du 14 avril 1998 d'orientation de
l'éducation au Cameroun entérine le rôle fondamental du
bilinguisme dans la politique linguistique éducative du Cameroun et
stipule que :
« Titre I - DES DISPOSITIONS GENERALES
Article 3 : L'Etat consacre le bilinguisme officiel
à tous les niveaux d'enseignement comme facteurs d'unité et
d'intégration nationales. »
C'est donc à juste titre que l'anglais est
enseigné dans tous les établissements scolaires du Cameroun.
Cependant dans les pratiques d'enseignement, le bilinguisme dont il est
question ne signifie pas l'usage régulier et simultané des deux
langues officielles en milieu scolaire
12 Constitution du 16 janvier 1996, article 1,
alinéa3
30
mais plutôt qu'une des deux langues sert comme langue
d'enseignement et l'autre est considérée comme discipline. Dans
la partie francophone du pays (le cas d'Ebolowa), le français est la
langue d'enseignement et l'anglais est une discipline. On peut
déjà constater là un bilinguisme asymétrique et
diglossique qui consacre l'usage prédominant d'une langue par rapport
à l'autre. Nous avons décrit dans un chapitre
précédent les principes généraux qui
régissent l'enseignement et l'apprentissage de l'anglais dans les
classes du secondaire où nous soulignions que les pratiques
linguistiques sont rythmées par l'application de la méthodologie
directe et l'approche notionnelle fonctionnelle (approche communicative).
Cependant, les contingences liées soit à la situation
économique des élèves et des établissements
scolaires (très peu d'élèves disposent du manuel scolaire
et la bibliothèque ne dispose pas de stocks suffisants pour toutes les
classes) soit à un constat d'inadéquation entre la norme
didactique et les situations d'enseignement-apprentissage ont amené les
enseignants à s'éloigner de ces principes et à se rabattre
sur des pratiques qui leur permettraient tout au moins de fournir l'essentiel
des connaissances de la langue aux apprenants.
Inju Tenjoh (2012 : 13) présente une vue authentique
des situations d'enseignement apprentissage en classe d'anglais lorsqu'elle
écrit :
Grammar is an important part of language learning and the
type of teaching method used in the classroom is more of a structural method,
which sees language as a complex of grammatical rules which are to be learned.
English Language for Francophone Cameroonian Secondary School is made up of
four different sections; Section A Grammar, Section B Vocabulary, Section C
Reading Comprehension and Section D Writing. Each section is 25% of the whole
exam; therefore, they have an equal value. Listening Comprehension and oral
production are not skills which are tested; therefore, English teachers do not
spend time providing listening and oral tasks. The irony here is that,
Listening Comprehension and Oral interaction are part of the skills stated on
the national school curriculum but since these skills are not tested both in
national and class exams for Francophone learners of English,
some teachers have turned to neglect these skills in some
schools in Cameroon.13
Sa conclusion concernant la méthodologie
appliquée par les enseignants en cours d'anglais est sans
équivoque:
13 La grammaire est une partie importante de
l'apprentissage des langues et le type de méthode d'enseignement
utilisée dans la salle de classe est plus une méthode
structurale, qui voit la langue comme un ensemble de règles
grammaticales qui doivent être apprises. L'anglais pour l'enseignement
secondaire francophone au Cameroun est constitué de quatre sections
différentes ; la section A grammaire, la section B vocabulaire, la
section C lecture et compréhension et la section D rédaction.
Chaque section vaut 25% de l'ensemble de l'examen ; par conséquent, ils
ont une valeur égale. Compréhension et production orale ne sont
pas évaluées ; par conséquent, les professeurs d'anglais
ne passent pas de temps à dispenser les cours d'écoute et
production orale. Ironie du sort, la compréhension et l'interaction
orale font partie des compétences indiquées sur les programmes
officiels, mais étant donné que ces compétences ne sont
pas évaluées dans les examens officiels et dans les classes
intermédiaires de section francophone, certains enseignants les ont
simplement ignorées.
31
The communicative approach of learning, which is stated in
the Cameroon national curriculum of
English for Francophone Secondary Schools, is not what is
actually practiced in the classroom14.
Nkwetissima cité par Inju Tenjoh pense que :
English language teaching in Cameroon is `a matter of
teacher, talk and chalk and course books; some of which are not adapted to the
learners' needs'15
Théoriquement, les enseignants sont censés
utiliser l'approche communicative pendant les leçons d'anglais mais dans
la pratique ils appliquent la méthode structurale. Et bien qu'ils se
réclament n'être que des facilitateurs, ils sont en fait au coeur
de l'apprentissage.
Au-delà de ce constat qui s'applique aussi au
lycée d'Ebolowa, nous avons pu réaliser au cours de notre
enquête que 39.29 % des élèves affirment que leurs
enseignants dispensent le cours en utilisant exclusivement l'anglais comme le
prescrit la norme institutionnelle tandis que 60,71 % des apprenants affirment
que leur enseignant utilisent alternativement l'anglais et le français
au cours d'anglais s'écartant ainsi de la même norme.
Ces écarts entre la norme prescrite et les pratiques
observées en situation d'enseignement-apprentissage en cours d'anglais
sont non seulement un signe palpable qui démontre qu'il faille
s'attarder un tant soit peu aujourd'hui sur la question des méthodes
didactiques à adopter pour enseigner cette langue mais aussi une preuve
d'un malaise dans l'apprentissage de l'anglais qu'Essossomo (2013 :90) assimile
en partie au représentations négatives et à l'absence de
motivation.
Two main psychological factors hinder the implementation
of CLT16 in the English classroom in Cameroon high schools namely:
students' negative attitude towards English and their lack of motivation to
learn English.
A large scale of French-speaking learners in Cameroon tends
to adopt a disquieting,
nonchalant and uncaring attitude towards learning English
(Sibarah 1999).17
L'une des questions sera justement d'examiner comment ces
représentations influent sur l'apprentissage.
14 L'approche communicative, qui est censée
être l'approche didactique autorisée dans l'enseignement de
l'anglais dans le sous-système francophone n'est réellement pas
pratiquée dans les salles de classe.
15 L'enseignement de l'anglais au Cameroun est une
question d'enseignant bavardage craie et livres de cours, dont certains sont
inadaptés aux besoins des apprenants.
16 Communicative language teaching
17 Deux principaux facteurs psychologiques entravent
la mise en oeuvre de la CLT en classe d'anglais dans les établissements
secondaires du Cameroun à savoir: l'attitude négative des
élèves envers l'anglais et de leur manque de motivation pour
apprendre l'anglais.
Un grand nombre d'apprenants francophones au Cameroun a tendance
à adopter une attitude déconcertante, nonchalante et
désinvolte envers l'apprentissage de l'anglais ( Sibarah 1999) .
32
3.5. L'échantillon
Pour mener notre enquête nous avons
sélectionnés 28 élèves au sein de
l'établissement. Certains critères visant une certaine
objectivité ont guidé nos choix. Quatre élèves ont
été sélectionnés par classe sur la base du
volontariat. Chaque groupe de quatre devait être constitué de deux
élèves ayant obtenus une moyenne supérieure ou
égale à 10/20 au cours des quatre premières
séquences pédagogiques et deux autres ayant obtenus une moyenne
inférieure à 08/20 dans le même espace de temps. Nous nous
sommes également arrangé à ce que tous les niveaux du
secondaire soient représentés. Ainsi avons-nous choisi les
élèves des classes de : 6e A ; 5e B ;
4e A ; 3e E2 ; 2ndeAllemand ; 1ère
A4Espagnol ; Tle A4 Allemand. Les élèves dont l'âge est
compris entre 11 et 23 ans choisis sans distinction de sexe ou d'origine sont
tous régulièrement inscrits au Lycée d'Ebolowa. De cet
échantillon nous avons obtenus 14 filles et 14 garçons
représentant 08 des dix régions du Cameroun repartis comme suit :
Adamaoua dans le septentrion (01) ; Centre (06) ; Est (01) ; Littoral (01) ;
Nord (01) ; Nord-ouest (01) ; Ouest (02) ; Sud (15).
33
Tableau 2 : Données sociolinguistique des
élèves enquêtés
|
Nom et Prénom
|
Age
|
Classe
|
Région d'Origine
|
Région Père
|
Région mère
|
L.M. Père
|
L.M. Mère
|
L.M.
|
sexe
|
1
|
Lydie Sandra
|
20
|
TA4 All
|
Sud
|
Centre
|
Sud
|
|
Bulu
|
Bulu
|
Fem
|
2
|
Jean Stéphane
|
11
|
5e B
|
Sud
|
Sud
|
Sud
|
Bulu
|
Bulu
|
Bulu
|
Masc
|
3
|
Jr Journel
|
15
|
3e Esp2
|
Sud
|
Sud
|
Sud
|
Bulu
|
Bulu
|
Bulu
|
Masc
|
4
|
David Boris
|
20
|
TA4 All
|
Sud
|
Sud
|
Sud
|
Bulu
|
Bulu
|
Bulu
|
Masc
|
5
|
Sabina Raïcha
|
18
|
1ère A4Esp1
|
Sud
|
Etranger
|
Sud
|
Fang
|
Bulu
|
Bulu
|
Fem
|
6
|
Samuel Loti
|
16
|
2nde A4All
|
Sud
|
Sud
|
Sud
|
Bulu
|
Bulu
|
Bulu
|
Masc
|
7
|
Lyne Gael
|
16
|
2nde A4All
|
Littoral
|
Littoral
|
Littoral
|
Basa'a
|
Banen
|
Français
|
Fem
|
8
|
Carine Raïna
|
14
|
3e Esp2
|
Sud
|
Sud
|
Est
|
Bulu
|
Mesime
|
Bulu
|
Fem
|
9
|
Thierry
|
23
|
TA4 All
|
Centre
|
Centre
|
Centre
|
Ewondo
|
Ewondo
|
Français
|
Masc
|
10
|
Steve David
|
14
|
4e All
|
Sud
|
Sud
|
Sud
|
Bulu
|
Bulu
|
Bulu
|
Masc
|
11
|
Justine
|
12
|
5e B
|
Ouest
|
Ouest
|
Ouest
|
Fe'efe'e
|
Ngomala
|
Ngomala
|
Fem
|
12
|
Remi
|
16
|
2nde A4All
|
Nord-ouest
|
Nord-ouest
|
Nord-ouest
|
Awing
|
Awing
|
français
|
Masc
|
13
|
Stéphie A.
|
12
|
5e B
|
Sud
|
Sud
|
Sud
|
Bulu
|
Bulu
|
Bulu
|
Fem
|
14
|
Marie
|
14
|
4e All
|
Est
|
Est
|
Centre
|
Maka
|
Ewondo
|
Bulu
|
Fem
|
15
|
Hyacinthe
|
13
|
5e B
|
Centre
|
Centre
|
Centre
|
Eton
|
Ewondo
|
Ewondo
|
Masc
|
16
|
Louise L.
|
15
|
1ère A4Esp1
|
Sud
|
Sud
|
Centre
|
Bulu
|
Eton
|
Eton
|
Fem
|
17
|
Marc Eric
|
14
|
4e All
|
Centre
|
Centre
|
Centre
|
Eton
|
Manguissa
|
Eton
|
Masc
|
18
|
Lysie Janice
|
15
|
2nde A4All
|
Sud
|
Sud
|
Sud
|
Bulu
|
Bulu
|
Français
|
Fem
|
19
|
Hans
|
16
|
3e Esp2
|
Sud
|
Centre
|
Sud
|
Ewondo
|
Bulu
|
Bulu
|
Masc
|
20
|
Charles Patrick
|
18
|
1ère A4Esp1
|
Adamaoua
|
Adamaoua
|
Sud
|
Baya
|
Bulu
|
Bulu
|
Fem
|
21
|
Jovanie Dérine
|
13
|
4e All
|
Sud
|
Sud
|
Sud
|
Bulu
|
Bulu
|
Bulu
|
Fem
|
22
|
Sarah Louise
|
12
|
6e A
|
Centre
|
Centre
|
Centre
|
Basa'a
|
Basa'a
|
Basa'a
|
Fem
|
23
|
Valian
|
13
|
6e A
|
Sud
|
Sud
|
Sud
|
Fang
|
Bulu
|
Bulu
|
Fem
|
24
|
Aloys Davy
|
19
|
1ère A4Esp1
|
Centre
|
Centre
|
Centre
|
Ewondo
|
Ewondo
|
Ewondo
|
Masc
|
25
|
Basile
|
21
|
TA4 All
|
Sud
|
Ouest
|
Sud
|
Bagangte
|
Bulu
|
Bulu
|
Masc
|
26
|
Hamadou
|
15
|
6e A
|
Nord
|
Extreme-nord
|
Nord
|
Foulbé
|
Foulbé
|
Foulbé
|
Masc
|
27
|
Loïc Franck
|
14
|
6e A
|
Ouest
|
Ouest
|
Ouest
|
ngomala
|
ngomala
|
ngomala
|
Masc
|
28
|
Josiane Iris
|
13
|
3e Esp2
|
Centre
|
|
Centre
|
|
Bene
|
Bene
|
Fem
|
34
3.6. Méthode d'enquête de
terrain
Notre démarche bien qu'elle se fonde sur la
méthode qualitative est en réalité une démarche
mixte qui combine la méthode qualitative et la méthode
quantitative dans une même étude. Selon Creswell et Plano Clark
(2006 : 5) une recherche par méthode mixte est
a research design with philosophical assumptions as well
as methods of inquiry. As a methodology, it involves philosophical assumptions
that guide the direction of the collection and analysis of data and the mixture
of qualitative and quantitative data in a single study or series of studies.
Its central premise is that the use of quantitative and qualitative approaches
in combination provides a better understanding of research problems that either
approach alone.18
Nous avons opté pour cette méthode pour deux
raisons. D'une part, les données que nous allons chercher à
cerner sont des données dissimulées sous la forme de discours
épilinguistiques et de pratiques langagières. Ce sont des
données verbales non quantifiables et subjectives. D'autre part, nous
aurons recours aux techniques quantitatives de compte, de classification et de
statistiques et de figures pour rendre compte des phénomènes
observés dans cette recherche. Cette approche nous a donc paru plus
complémentaire.
3.7. Technique et outils de collecte de
données
Il existe plusieurs techniques et outils de collectes de
données liées aux méthodes qualitatives
et quantitatives. Celles que nous avons utilisées pour
notre enquête sont de trois ordres :
- L'observation participante
- L'administration d'un questionnaire
- L'entretien.
3.7.1. L'observation participante
L'observation participante est une technique de collecte de
données issue de l'anthropologie.
« Ce type d'enquête consiste à
réaliser des observations en participant soi-même aux situations
authentiques qui les produisent, en contextes spontanés, hors de toute
situation explicite et formelle d'enquête. Selon le degré de
connaissance du terrain et d'insertion dans la communauté
observée, les modalités de l'observation varient, progressant par
paliers successifs vers une participation accrue et directe aux
échanges. »
Blanchet et Bulot (2011:17)
le chercheur opère par immersion, il est dans le
terrain de l'action. Ce qui lui permet d'avoir accès à des
informations masquées pas toujours disponibles et de bien comprendre
le
18 Un modèle de recherche basé sur
des hypothèses philosophiques autant que sur des méthodes
d'enquête. En tant que méthodologie, il repose sur des
hypothèses philosophiques qui orientent la collecte, l'analyse et le
mélange des données qualitatives et quantitatives dans une seule
étude ou d'une série d'études. Son principe central est
que l'utilisation d'approches quantitatives et qualitatives en combinaison
fournit une meilleure compréhension des problèmes de recherche
que chaque approche utilisée individuellement.
35
fonctionnement d'un système de l'intérieur. Nous
avons mené une collecte à base d'observation participante dans la
classe de Seconde Allemand pour nous rendre compte de la manière dont
les élèves interagissent en classe de langue et surtout pour voir
dans un processus discursif quelles sont les techniques qu'ils utilisent au
quotidien dans leur expression de la langue anglaise. En seconde, la version
anglaise d'un extrait du poème d'Homère « The Odyssey »
(traduit en prose) avait été lue en classe. Dans cet extrait
Ulysse un chef grec et ses hommes sont emprisonnés par un monstre
géant à oeil unique dénommé le Cyclope. Convaincu
que ce monstre mangeur d'hommes finira par les manger tous, Odysseus va
imaginer un plan pour échapper au monstre lui et ses hommes. A la fin de
cette leçon de lecture et compréhension du texte, il a
été demandé aux élèves de préparer
pour la prochaine leçon une histoire de monstre populaire dans leur
culture et de la raconter en classe. Les histoires de monstres produites par
quelques élèves ont été enregistrées et
analysées comme corpus. Quelques-unes de ces histoires sont
retranscrites à la partie annexe de ce travail. Nous devons dire qu'au
cours de cette opération nous avons adopté deux postures : d'une
part la posture de l'observateur participant interne et d'autre part celle de
l'observateur clandestin. La posture de l'observateur participant interne se
justifie par le fait qu'avant d'être chercheur, je suis
déjà enseignant dans cette institution. Le cours de ce jour nous
a donc servi de moyen pour collecter nos données. L'observation
clandestine quand à elle consiste à observer le terrain sans en
informer les acteurs concernés. En effet, nos élèves
n'avaient pas été informés au préalable de
l'enregistrement ou de la collecte de leurs histoires. Cela peut poser un
problème éthique mais nous avons voulu éviter que les
élèves changent de comportements et cherchent soit à
plaire, soit à se replier sur eux-mêmes et se taire comme c'est
souvent le cas dans des situations semblables. Cette posture nous a donc permis
d'obtenir les données de la manière la plus naturelle qu'il
soit.
3.7.2. Le questionnaire d'enquête
sociodidactique
L'autre outil que nous avons utilisé pour
réaliser cette recherche est le questionnaire. Le questionnaire est
l'instrument avec lequel le sociolinguiste collecte les données
auprès de la communauté linguistique. C'est un outil très
important car il lui permet de recueillir les données de manière
systématique.
Le questionnaire qui nous a servi d'instrument principal de
collecte de données est un questionnaire structuré comportant des
questions ouvertes et des questions fermées. Nous nous sommes
inspirés du questionnaire proposé par Nathalie Auger dans son
article les représentations de la langue et de son apprentissage :
une question interculturelle. Le
36
questionnaire est sectionné en quatre parties : 1) les
informations générales 2) les langues en présence, 3) les
représentations et 4) l'apprentissage. Pour
- Les informations générales nous
renseignent sur les origines des enquêtés leurs âges et
leurs langues maternelles
- Les langues en présence. Dans cette partie
du questionnaire il s'agit d'explorer quelles sont les langues qui font partie
de l'univers sociodidactique des apprenants il est également question de
dégager les contextes dans lesquels ils font usage de ces langues ainsi
que leur perception de l'utilité ou de l'inutilité de
celles-ci.
- Les représentations. Dans cette section,
nous utilisons le célèbre test des mots associés de
Geneviève Zarate pour élucider les représentations de la
langue chez nos apprenants. Dans cette même section les apprenants sont
invités à s'auto-évaluer en disant ce qu'ils peuvent
réaliser avec les langues qu'ils apprennent. Les deux dernières
questions de cette section concernent spécifiquement l'évaluation
du niveau d'anglais et les problèmes que les apprenants rencontrent en
pratiquant l'anglais.
- L'apprentissage en classe d'anglais. Cette partie
fournit des informations sur les situations d'apprentissage. Elle renseigne sur
le nombre d'élèves, les langues employées pendant les
leçons d'anglais, les préférences des enseignants et des
apprenants sur ces langues, les compétences visées par
l'apprentissage. Les exercices traités, les attitudes vis-à-vis
des autres langues au cours d'anglais.
Dans l'analyse, cela permettra d'évaluer la place et
les représentations des autres langues d'analyser l'anglais en regard
des autres langues pratiquées.
Ce questionnaire a fait l'objet d'un pré-test avant
d'être administré véritablement entre le 08 et le 15 du
mois d'avril. Quelques difficultés de compréhension notées
chez nos élèves lors du pré-test nous ont contraints
à les assister au moment du recueil des données. C'est ainsi que
nous les avons regroupés à chaque fois par quatre dans la
même salle afin de pouvoir expliquer ce que signifiait chaque question.
Autre difficulté que nous avons rencontrée avec le questionnaire
c'est la capacité des apprenants à exprimer à
l'écrit des qualificatifs pour dire comment ils trouvent les langues
qu'ils pratiquent. Cette situation nous a amené à murir un
stratagème qui leur permettrait de réagir de manière plus
spontanée. Nous avons alors pensé à organiser des
entretiens avec les enquêtés.
37
3.7.3. L'entretien
Parmi les techniques de collectes de données des
méthodes qualitatives on compte l'entretien. L'entretien est un moment
d'interaction particulier qui met en relation un intervieweur et un ou des
interviewés. Il existe plusieurs types d'entretiens mais nous avons
opté pour l'entretien semi-directif qui s'articule autour d'un
thème bien précis et qui utilise une grille d'entretien où
sont listées des questions précises. Les entretiens que nous
avons eus avec nos élèves entre le 25 avril et le 03 mai dans une
salle de classe au lycée d'Ebolowa ont porté sur les langues
apprises à l'école y compris la langue maternelle. Il s'agissait
en fait d'explorer les images que les apprenants se font de ces langues et des
pays (ou des localités) où l'on parle ces langues, des personnes
originaires de ces pays, des lieux, des événements et des
célébrités qui appartiennent à ces pays. Nous
aurions pu limiter ce travail à la langue anglaise qui est la langue
concernée par notre recherche mais sur le conseil de notre encadreure
nous avons étendu ce travail aux langues en contact avec l'anglais.
Cette astuce vise à dissimuler l'objectif réel de cette
investigation aux interviewés afin qu'ils n'adoptent pas un comportement
artificiel qui pourrait obstruer l'enquête. La grille d'entretien
comportait ainsi des questions sur les images de la langue maternelle de
l'interviewé, les images du français, de l'anglais et de
l'espagnol ou de l'allemand. Nous y avons également inclus trois
questions sur la perception collective du bilinguisme au Cameroun. Les
séances d'entretien collectif étaient enregistrées par la
caméra de notre ordinateur que nous prenions le soin de disposer
à une distance raisonnable de manière à filmer les 04
à 06 interviewés de chaque groupe. Au rang des difficultés
rencontrées pour réaliser ces entretiens nous pouvons citer les
contingences liées aux emplois de temps des apprenants. Il ne nous a pas
été facile de pouvoir les regrouper compte tenu des emplois du
temps et du rythme assez frénétique des cours en cette fin
d'année scolaire. En plus, l'impossibilité de trouver un espace
adéquat libre au sein de l'établissement nous a poussé
à conduire nos entretiens dans les salles de classes, subissant alors
les nuisances sonores des classes voisines. Lesquelles nuisances sonores ont un
peu altéré la qualité de nos enregistrements.
Néanmoins grâce à l'utilisation de certaines fonctions du
logiciel Audacity un logiciel d'édition audio, nous avons pu
rendre audibles les parties altérées.
38
3.7.4. L'Analyse des données
L'analyse des données est une étape essentielle
dans une recherche en sciences humaines. Elle présente les
données collectées sous forme thématique comme une
description du comportement du point de vue des personnes interrogées et
vise une certaine objectivité dans l'interprétation des
données qualitatives et quantitatives. Notre analyse de données
s'est faite en partie de manière manuelle du fait que nous ne disposons
pas encore de connaissance suffisante dans l'utilisation de logiciels d'analyse
de données. Cependant, nous utilisions le logiciel Excel dans
la limite de nos connaissances pour nous faciliter certaines opérations.
Notre démarche d'analyse de données a suivi les étapes
suivantes: - Le dépouillement des données
Il consiste en la transcription, la catégorisation et la
codification des données collectées. ? La
transcription
Les données recueillies en observation participante,
les notes d'observation sur le terrain et les entretiens enregistrés et
filmés sont transcrites.
? La catégorisation
Les réponses sont regroupées par
catégories. Les catégories constituées sont prévues
en fonctions des hypothèses que nous avons énoncées
à l'introduction générale. C'est la catégorisation
par déduction. Elle établit les catégories en fonction des
réponses attendues. ? La codification
Il est affecté à chaque catégorie une
série de codes permettant de décrire différents aspects de
la question étudiée. Un code est également attribué
à chaque extrait pertinent de la transcription.
- L'analyse de contenus
Il s'agira de décrire de manière objective,
systématique et quantitative les données
dépouillées en vue de leur interprétation.
39
Chapitre 4 : Représentations des langues en
présence et observations sur les pratiques langagières en classe
de langue anglaise
Dans cette partie de notre recherche nous allons dans un
premier temps présenter les résultats de notre étude sur
les langues des apprenants : les langues de leur environnement, l'usage qu'ils
font de ces différentes langues, et quelles places elles occupent dans
leur univers sociodidactique. Ensuite, nous observerons les pratiques
langagières des apprenants, pour rendre compte de la
réalité plurilingue dans leur habitus. Cette présentation
globale des langues en présence nous permettra de déduire quelle
est la place de l'anglais dans l'univers linguistique des apprenants en rapport
avec les autres langues en présence particulièrement avec la
langue maternelle et la langue première. Pour rendre compte de tous ces
phénomènes nous allons nous baser sur l'exploitation des 24
questionnaires individuels et 03 entretiens collectifs impliquant 15
élèves collectés entre avril et mai 2016. Nous nous
appuierons également sur des données collectées en
observation participante pendant une séance de cours en classe de
seconde allemand ainsi que d'extraits de productions écrites issues de
l'évaluation de la deuxième séquence passée le 16
Novembre 2015 en classe de 3e Espagnole2 auprès de nos
élèves. En ce qui concerne les questionnaires, seuls les
questionnaires administrés aux apprenants des classes de 6e
A, 5e B, 4e All, 3e EspII, 2nde All
et 1ère EspI ont été finalement retenus, les
questionnaires des classes terminales ayant été rejetés
pour n'avoir pas été complétés. Cette partie
présente ainsi une vue complète des résultats
engrangés que nous allons faire suivre d'explications et
d'interprétations. C'est donc à la fois une présentation
globale structurée des résultats obtenus au cours de notre
recherche et un bilan particulier des deux sections dont la première
traite des représentations des langues en présence et la seconde
des observations sur les pratiques langagières en classe de langue
anglaise.
4.1. Les représentations des langues en
présence
Les représentations sociales dont nous parlerons
concernent les langues qui font partie de l'univers sociodidactique des
apprenants c'est-à-dire les langues qu'ils pratiquent en famille ou dans
leurs communautés respectives, dans les lieux publics et les langues
qu'ils apprennent à l'école. Selon une nomenclature en vigueur
dans les lycées et collèges on distinguera les langues classiques
ou langues mortes, les langues mixtes, les langues vivantes 2, les langues
40
nationales et les langues officielles. Cette nomenclature pour
le moins expansive nous permettra en fin de compte d'appréhender la
place qu'occupe l'anglais dans les représentations des
élèves. Mais il faut déjà souligner que nous
accorderons plus d'importance ici à deux groupes : les langues
nationales et les langues officielles.
4.1.1. Les langues classiques
Depuis l'année scolaire 2011-2012, les lettres
classiques (latin et grec) ont été réinstaurées
dans l'enseignement des langues au Cameroun de façon obligatoire dans
les classes de 6e, en faveur d'une réforme qui instituait
l'approche par les compétences comme norme pédagogique
d'enseignement au secondaire. Au lycée d'Ebolowa, les
élèves de classe de 6e apprennent le latin depuis la
mise en application de cette décision.
Le latin est une langue ancienne qui partage une longue
histoire avec les langues romanes telles que l'espagnol, le portugais,
l'italien, le français. L'institution des lettres classiques comme
disciplines obligatoires dans l'enseignement obéit aux objectifs
suivants libellés dans le curriculum du sous-cycle d'observation de
l'enseignement secondaire (6e, 5e) :
- Contribuer, en liaison avec l'enseignement du
français et des sciences humaines, à la formation de l'individu
et du citoyen par l'accès, pour le plus grand nombre
d'élèves, au très riche héritage linguistique et
culturel gréco-romain.
- Favoriser la formation des spécialistes des
disciplines littéraires et des sciences humaines.
- Permettre de comprendre l'importance du monde
gréco-romain dans notre culture politique, historique, morale,
littéraire et artistique, philosophique et juridique. Ces langues
permettent par ailleurs de
- prendre conscience du fonctionnement des systèmes
linguistiques et renforcent l'apprentissage raisonné du lexique en
langue maternelle.
- Elles contribuent enfin à l'acquisition de
compétences intellectuelles grâce à la diversité des
exercices qui structurent leur enseignement. La traduction et le commentaire
des textes grecs et latins permettent : De se situer dans l'histoire et
comprendre les événements et les idées d'aujourd'hui ; De
mieux maîtriser les formes de discours ; De former la capacité
à argumenter et à délibérer par l'approche des
modes de pensée antiques politiques, pédagogiques, religieux et
philosophiques.
Sarah, Valian, Loïc et Souleymanou quatre
élèves de 6e que nous avons soumis au questionnaire
reconnaissent le latin parmi les langues apprises à l'école
depuis bientôt une année scolaire.
4.1.1.1. Représentations du latin dans les
usages
Latin : discipline scolaire
Le dépouillement des questionnaires Section II Question2
(S.II Q.2) révèle que le latin est simplement une discipline
scolaire ; une langue enseignée qui n'est pas d'usage dans les
activités de la vie quotidienne chez les apprenants.
Latin : langue-support d'apprentissage du
français
La question n°3 porte sur l'importance de la langue :
« Complétez le tableau suivant par des
informations correspondantes :
Langues apprises à l'école/
années/importante ?/ Pourquoi »
A la question de savoir si le latin est important tous les quatre
apprenants répondent « oui » mais seuls deux
élèves préciseront pourquoi. Et les deux apprenants sont
unanimes : « pour être/rendre fort en français
». Pour eux cette langue apparait comme l'instrument qui permet de
renforcer leur apprentissage du français.
4.1.1.2. Représentation du latin par le discours
épilinguistique
Latin : langue utilitaire mais
exigeante
La question3 de la Section III du questionnaire : «
Comment trouvez-vous chacune des langues que vous pratiquez à
l'école ? Ecrivez cinq mots dans le tableau ci-dessous pour qualifier
chacune d'elle » nous a permis d'obtenir les occurrences de mots
associés suivants parlant du latin : Bénéfique, beau,
difficile (2), intéressant, bizarre. Les termes utilisés
pour caractériser le latin dénotent la valeur économique
de la langue. Elle est « bénéfique » en
d'autres termes on en tire profit du fait qu'elle sert de support pour
apprendre le français. Mais on retrouve également parmi les mots
associés le mot « beau » qui exprime une valeur
esthétique allusion probable à la structure classique et à
sa richesse littéraire. A l'opposé, les termes comme «
bizarre » et « difficile » sont
révélateurs de toute la complexité de cette langue dans
son apprentissage. Si le latin est une langue utile dans les
représentations des élèves, elle reste quand même
une langue qu'ils jugent très exigeante dans l'apprentissage. Les termes
utilisés pour caractériser le latin peuvent ainsi être
repartis sur une axiologie positive et négative avec quatre vocables
positifs soit 66,67% contre deux négatifs soit 33,33%.
Axiologie
|
|
Positif
|
Négatif
|
|
1.
|
Etre/Rendre fort
|
|
Mots associés
|
2.
|
Bénéfique
|
1. difficile
|
|
3.
|
Beau
|
2. bizarre
|
|
4.
|
Intéressant
|
|
Total
|
|
04
|
02
|
Pourcentage
|
|
66,67%
|
33,33%
|
41
Tableau 3 : Répartition des mots selon une
axiologie positive ou négative
42
4.1.2. Les langues mixtes
Au Cameroun, deux langues mixtes rivalisent d'adresse avec les
langues officielles et les langues nationales. Il s'agit du pidgin-English
camerounais et du camfranglais. Tandis que le pidgin English est principalement
utilisé dans la partie anglophone du Cameroun et les grandes
cités comme Douala, Yaoundé et Bafoussam, le camfranglais est de
plus en plus parlé dans tous les milieux de la partie francophone du
pays. C'est sur cette langue que nous voulons porter notre intérêt
dans cette partie.
Le Camfranglais ou francamglais est une langue composé
du français de l'anglais du pidgin English et des langues camerounaises.
Certains situent son origine dans les milieux urbains de Douala mais il est
plus probable que cette langue soit née au milieu des années 80
dans les établissements scolaires du pays (lycées et
collèges). C'est du moins ce que pense Féral (2003 :587)
lorsqu'il dit qu'
il serait sorti du cercle restreint dans lequel il
évoluait pour devenir le symbole identitaire d'un groupe plus large,
composé non seulement `adolescents et de jeunes adultes sortis du
circuit scolaire mais aussi d'élèves et
d'étudiants.
Le camfranglais se caractérise par une structure
phrastique à base de français à laquelle viennent se
greffer différents mots d'anglais de langues camerounaises et du pidgin
English. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle certains lui
préfère l'appelation « francamglais » qui informe sur
la structure de la langue plutôt que celle de « camfranglais »
qui elle informe sur la `camerounité' de cette langue. Le camfranglais
se parle de plus en plus dans tous les milieux bien qu'en situation de
conversation informelle. Cette tendance de la langue à devenir
véhiculaire s'explique sans doute du fait que les jeunes
collégiens et lycéens des années 80 soient devenus des
gestionnaires de la vie publique du pays aujourd'hui et ne se soient
lassés d'utiliser ce parler qu'ils pratiquaient autrefois à
l'école avec les copains. Le camfranglais demeure encore très
présent dans les établissements scolaires de nos jours. Au
lycée d'Ebolowa nous n'en avons pas retrouvé la trace de
façon explicite dans nos différentes données
collectées c'est-à-dire qu'aucun élève
interrogé ne mentionne le camfranglais comme une langue qu'il pratique.
Mais de façon implicite, nous avons retrouvé sa trace dans le
discours des apprenants dans le corpus recueilli au cours de l'observation
participante.
Le camfranglais : langue prohibée et langue
cryptique
L'attitude des élèves qui consiste à ne
pas énumérer de façon explicite ce parler au nombre des
langues qu'ils pratiquent peut se justifier par le fait que cette langue soit
très réprouvée en
43
milieu scolaire et indexée par certains enseignants comme
responsable de la baisse du niveau de français et d'anglais.
Voici un usage de cette langue que nous avons pu identifier au
cours d'une observation participante. C'est un échange entre
l'élève qui décrit un monstre et le professeur qui
l'encourage à le faire.
Observation. Participante. 1-12 (désormais OBS. P.)
1. Teacher : The name is...
2. Student1 : My name is Student1. The Monster in my village
is AKPARA/àkpàrá /
3. Teacher: Where is your village located?
4. Student1 : in départment de la Menoua.
5. Teacher : In Menoua division. That's what we say in
English. So the monster in your village is Akpara is that?
6. Student1 : Yes sir.
7. Teacher : How is Akpara ?
8. Student1 : He bok /b?k/ a mask.
9. Teacher : He bok ? What is
bok?
10. Class: [rire des
élèves...quelques-uns chuchotent
«francamglais»]
11. Student1 : [fait un signe de la main sur la
figure]
12. Teacher : Not bok, wears. He wears a
mask.
L'élève utilise le mot camfranglais
«bok» /b?k/ au lieu de « wear »pour dire «
porter, revêtir » en anglais. Plus loin il dira :
13. Student1: He has long fingers. He shake
very good.
14. Teacher: what is "shake"?
15. Class: [rire des élèves]
dance...
16. Teacher: He dances very well. Is that all?
17. Student1 : No. Euh...He is very
what.
18. Teacher : He is very....
19. Student1 : What...blanc
20. Teacher : He is light-skinned. We say he is
light-skinned.
De même ici l'apparition inconsciente de lexèmes
« shake » pour dire « danser » et
« what » (de l'anglais-white) pour dire « homme
blanc ou très brun» dans ces passages démontrent que
cette langue mixte fait partie de l'univers langagier de nos apprenants et que
c'est la conscience de sa prohibition qui justifie qu'elle ne soit pas
citée parmi les langues par eux pratiquées. Elle devient alors
une langue du maquis, langue cryptique utilisée exclusivement en
situation de communication informelle entre élèves en milieu
scolaire.
44
4.1.3. Les langues vivantes 2
4.1.3.1. Les Langues vivantes 2
Les langues vivantes 2 (LV2) sont des langues
étrangères dont l'enseignement est autorisé dans les
établissements scolaires du pays et qui ne bénéficient ni
du statut de langue officielle ni de celui de langue nationale (ou maternelle).
La langue étrangère (LE) se caractérise par son
degré d'étrangeté qui s'exprime en termes de
- distance matérielle (éloignement entre le pays
d'apprentissage et le pays d'origine de la langue, difficulté à
accéder dans le pays de la LE etc.),
- distance culturelle : écart entre la culture des
apprenants et la culture des locuteurs natifs de la LE
- distance linguistique : système d'écriture,
structure syntaxique etc.
Au Cameroun les langues traditionnellement
désignées comme langues vivantes II sont l'allemand, l'arabe et
l'espagnol. Toutefois, depuis les années 2000 on a pu remarquer que
d'autres langues ont été autorisées par le
Ministère des enseignements secondaires parmi lesquelles l'italien et le
chinois. Les LV2 sont enseignées à partir de la classe de
4ème où les élèves doivent les choisir
en option. Ceux des élèves qui continueront au second cycle dans
les séries littéraires les apprendront jusqu'en classes
terminales tandis que ceux qui opteront pour les séries scientifiques
n'apprendront pas de LV2 au second cycle.
- Objectifs de l'enseignement des
LV2
L'objectif pédagogique de l'enseignement des LV2 est
d'amener l'apprenant à pouvoir communiquer, à l'écrit
comme à l'oral, selon les situations de communications en une langue
autre que les langue officielles (français et anglais). Mais l'objectif
général est de permettre aux jeunes de se mouvoir dans un monde
qui se globalise. Il peut se traduire à divers points de vue.
- Du point de vue culturel : se familiariser avec la culture que
cette langue véhicule et s'enrichir de ce que cette culture a de
différent. C'est le cas de l'espagnol et de l'allemand. - Du point de
vue Politique : l'introduction de la LV2 constitue un argument de renforcement
des relations de coopération avec le pays parlant la LV2. Le cas de la
Chine et de l'Italie. - Du point de vue stratégique : l'enseignement
d'une langue peut permettre d'atteindre un objectif tactique bien
précis. C'est le cas de l'arabe qui est largement enseigné dans
les établissements du Cameroun septentrional, une zone fortement
islamisée.
Le quota horaire hebdomadaire d'enseignement des LV2 est de
trois heures.
45
Au lycée d'Ebolowa, trois langues vivantes sont
enseignées : l'allemand, l'espagnol et le chinois. Dans notre
échantillon seuls l'espagnol et l'allemand sont
représentés par les élèves issus des classes de
4ème All, 2nde All, 3ème Esp II
et 1ère Esp I. Quatre élèves par classe soit
seize élèves.
4.1.3.2. Les représentations des langues
vivantes
4.1.3.2.1. Les représentations de l'allemand
Les élèves germanisants que nous avons
questionnés sont ceux des classes de 4ème All et de
2nde All. Les questionnaires administrés aux huit élèves
de ces classes révèlent que l'allemand n'est pas une langue
usuelle. Elle est simplement une langue enseignée. Pour les
élèves de quatrième, elle représente une
année d'apprentissage tandis que pour la seconde il s'agit de trois
années quand il n'y a pas eu redoublement.
4.1.3.2.2. Représentations de l'allemand dans les
usages
L'allemand : discipline scolaire
L'allemand est une langue pratiquée exclusivement en
classe de langue allemande. Pour 25% des élèves que nous avons
questionnés, elle permet de « répondre aux questions des
évaluations » et de communiquer avec les enseignants
d'allemand.
L'allemand : langue de rencontre et d'ouverture
à la culture germanique
Pour 60% de germanisants que nous avons soumis au
questionnaire, l'allemand donne la possibilité de s'exprimer face aux
allemands ou aux personnes qui parlent allemands. C'est aussi une langue qu'il
faut connaitre en prévision de l'obtention éventuelle d'une
bourse d'étude ou d'un voyage en Allemagne.
L'allemand langue minorée
L'allemand apparait pour à peu près 15% des
germanisants interrogés comme une langue sans grand impact social :
« peu de personnes la parle ».
4.1.3.2.2.1.Représentations de l'allemand par le
discours épilinguistique
Les représentations sur l'allemand sont plus plus
intéressantes lorsqu'elles s'expriment par les mots associés
à l'allemand: difficile, compliqué, simple, intéressante,
ennuyeuse, belle, facile, jolie, abordable, magnifique, bien, brutal, mauvais,
magnifique, adorable, merveilleux
46
On retrouve encore dans ce cas le type d'antagonisme
axiologique positif négatif déjà exprimé plus haut
par les apprenants de 6e avec le latin.
Axiologie
|
Positif
|
Négatif
|
Mots associés
|
1. Simple
2. intéressante
3. belle
4. facile
5. jolie
6. abordable
7. magnifique
8. bien
9. adorable
10. merveilleux
|
1. difficile
2. compliqué
3. ennuyeuse
4. brutal
5. mauvais
|
Total
|
10
|
5
|
Pourcentage
|
66,67%
|
33,33%
|
Tableau 4 : vocables positifs et négatifs de
l'allemand
Deux constats se dégagent de ces données. Le
premier est que les termes positifs représentent 66,67% des mots
associés et les termes négatifs 33,33%. L'autre constat est que
sur les 12 mots qui ont été produits par les élèves
du 1er cycle on compte 9 mots positifs (75%) contre 03 mots
négatifs (25%) Tandis que sur les 10 mots fournis par les
élèves du 2nd cycle pour caractériser
l'allemand, 5 mots sont positifs (50%) et les 5 autres sont négatifs
(50%).
4.1.3.2.2.2.Les représentations des Allemands et de
l'allemagne
A travers les entretiens nous avons également
relevé les mots avec lesquels nos apprenants caractérisent les
Allemands,et l'allemagne
L'image des Allemands
Les Allemands sont décrits comme racistes et
colonisateurs, belliqueux. Ces termes font sans doute allusion à la
brutalité dont ont fait montre les colonisateurs allemands
vis-à-vis des peuples indigènes d'Afrique. Laquelle
brutalité a marqué les esprits au point qu'elle se raconte comme
une anecdote dans les villages et dans les documents d'histoire. En effet, les
élèves que nous avons questionnés ne peuvent avoir
vécu pareilles expériences de façon directe puisqu'ils
affirment au cours des entretiens ce qui suit :
47
ENT-1., 270-274
270/ Prof : Euh... allemand
271/ Rémi : Je connais quelques villes en Allemagne comme
Munchen, Dortmund.
272/ Lysie : Je connais quelques noms comme Berlin.....euh...
273/ Prof : alors vous les connaissez comment ?
274/ Lysie : On nous parle de ces villes en classe pendant le
cours.
La connaissance est surtout livresque. C'est sans doute
celle-là qui véhicule l'image des
Allemands comme des personnes exotiques généreux
et accueillants.
L'image de l'Allemagne
Parlant de l'Allemagne, nos élèves
évoquent :
- Les lieux telles que certaines villes - Berlin, Dortmund,
Munich, Frankfurt qui sont des villes importantes. Munich et Dortmund sont
évoqués pour leur importance au football. Tandis que Berlin et
Frankfurt sont surtout connus pour leur portée politique et
économique.
- Les patronymes des célébrités du
football allemand, Thomas Muller et Tony Kross ainsi qu'une figure politique
historique, Adolf Hitler.
- Les événements de l'histoire de l'Allemagne
comme la 1ère guerre mondiale et la colonisation. On peut
aussi s'attarder sur l'intérêt pour le football avec
l'évocation de l'Allemagne qui remporte la coupe du monde 2014
L'Allemagne est globalement perçue comme une grande
puissance.
Pour résumer cet examen des représentations de
l'allemand chez nos élèves nous pouvons dire qu'elles sont
majoritairement positives. En témoignent les mots qu'ils utilisent pour
caractériser l'allemand qui sont de l'ordre de 66,67%. De plus, dans les
différents champs représentationnels on retrouve des
caractéristiques favorables en faveur des Allemands et de l'Allemagne.
Les Allemands sont représentés comme des personnes
généreuses et accueillantes, leur pays est une grande nation de
football avec des footballeurs de renom. Les villes suscités : Berlin,
Frankfurt, Munich et Dortmund marquent l'admiration de ce pays que les
élèves reconnaissent comme une grande puissance.
Néanmoins, ce visage fort positif est terni par les qualificatifs de
colonisateur, raciste et belliqueux et le nom Adolf Hitler qui rappellent le
passé colonial de l'Allemagne et sa responsabilité dans les deux
guerres mondiales. En dépit de ces représentations
négatives, nous pouvons dire que l'apprentissage de l'allemand chez nos
apprenants est motivé d'une part par l'admiration qu'ils portent au
développement de l'Allemagne et d'autre part aux représentations
de l'idée d'une rencontre éventuelle avec la culture germanique
par le biais d'un voyage ou de relations amicales avec des Allemands.
48
4.1.3.2.2.3. Les représentations de l'espagnol
Les élèves hispanisants que nous avons
questionnés sont ceux des classes de 3 ème Esp II et
de 1ère Esp I Les questionnaires administrés aux huit
élèves de ces classes révèlent que l'espagnol n'est
pas une langue usuelle. C'est simplement une langue apprise à
l'école. Pour les élèves de troisième, elle
représente deux années d'apprentissage tandis que pour ceux de
première il s'agit de trois années quand il n'y a pas eu
redoublement.
4.1.3.2.2.3.1. Les représentations de l'espagnol dans
les usages
L'espagnol : discipline scolaire
L'espagnol n'assume pas un rôle de premier plan dans le
quotidien des apprenants de cette langue. Elle est simplement reconnue par les
apprenants comme langue apprise à l'école. : « Elle me
cultive, me permet de réussir », « de réussir à
l'école et de suivre les cours » « c'est la deuxième
langue »
L'espagnol : langue affective
A la question de savoir quel intérêt ils ont
à apprendre l'espagnol (S2 Q3), les réponses chez 25% des
élèves tendent vers une affection un amour pour cette langue :
« parce que j'aime parler cette langue » ; « C'est pour
parler une autre langue »
L'espagnol : langue du plurilinguisme et de
l'intercompréhension
L'espagnol apparait à 25% comme la langue du
plurilinguisme certains disent l'apprendre « pour le bilinguisme
» ou pour « parler une autre langue » d'autres
pour augmenter leur champ lexical.
L'espagnol : Langue d'intégration et
d'ouverture au monde espagnol
25% des élèves interrogés
perçoivent l'espagnol comme une langue qui facilitera leur rapport avec
la Guinée équatoriale voisine qui est un pays hispanophone ou
l'ouverture et la communication avec le monde espagnol.
4.1.3.2.2.3.2. Les représentations de l'espagnol par le
discours épilinguistique
L'image de la langue espagnole mise en mots par les apprenants
s'exprime en ces termes : facile, jolie, belle, facile, importante,
émerveillant, formidable, passionnant, attrayant, difficile,
compliquée, artificielle, agréable, satisfaisante, plaisante. Sur
24 occurrences de
49
mots nous avons constatés 10 occurrences de mots
produites par les élèves du premier cycle 41,66% et 14
occurrences produites par les élèves du second cycle soit 58,33%
de mots pour caractériser l'espagnol. Il existe cependant un contraste
du point de vue axiologique. Tandis que les élèves du premier
cycle caractérisent positivement cette langue à 100%, chez les
élèves du second cycle on retrouve 04 occurrences
négatives soit 28,57% et 10 occurrences positives 71,42%. En somme
l'image de la langue espagnole mise en mots est à 85,72% positive et
à 14,28% négative.
Cycle
|
Occurrences
|
Positifs
|
Négatifs
|
Elèves du 1er Cycle
|
10
|
10
|
00
|
1
|
41,66%
|
100%
|
00%
|
Elèves du 2nd Cycle
|
14
|
10
|
04
|
|
58,33%
|
71,42%
|
28,57
|
Total
|
100%
|
85,72%
|
14,28%
|
Tableau 5 : pourcentage des occurrences de
l'espagnol
Cette tendance positive des représentations s'est
confirmé avec l'entretien collectif mené auprès de trois
élèves de 3e Esp II sur les images qu'ils produisent
de l'Espagne, de ses locuteurs et des lieux de ce pays. Ces
élèves disent connaitre l'Espagne à travers la
télévision et les cours d'espagnol :
ENT.3 L91-95
91/ Vous connaissez l'Espagne ?
92/ Tous : oui
93/ Comment vous connaissez l'Espagne, que savez vous de
l'Espagne ?
94/ Junior : à la télé et au cours
d'Espagnol
95/ Prof : Que savez vous de l'Espagne ?
Les images que se forgent nos apprenants des Espagnols et de
l'Espagne se présentent comme suit :
L'image des Espagnols
Les espagnols sont décrits comme des personnes
généreuses, non-violentes, douces, des personnes qui aiment
l'humour, de grands sportifs et passionnés du football. En revanche, ils
sont perçus comme des personnes qui aiment l'alcool.
L'image de l'Espagne
Lorsqu'ils évoquent l'Espagne, nos élèves
n'ont d'admiration que pour une seule ville : Madrid. Pour eux c'est la ville
de la mode et des loisirs, avec une population dont ils sont
50
curieux de découvrir le mode de vie, des constructions et
des monuments à visiter, et une histoire qui suscite la
curiosité. L'Espagne est présentée comme un pays
développé, touristique, pacifique, paisible, et pas trop
peuplé. D'un point de vue historique, l'Espagne apparait comme un pays
ayant contribué à la colonisation.
En bref, on peut remarquer que les représentations de
ces élèves vis-à-vis de l'espagnol, de l'Espagne et des
espagnols sont largement positives. Ce sont des gens généreuses,
non-violentes, comiques et passionnées du sport qui vivent dans un pays
développé, pacifique, bien construit ou ils peuvent exercer leurs
activités et jouir des loisirs comme le sport surtout le football. Cette
belle image contraste un peu tout de même avec celle d'un peuple qui aime
l'alcool et qui a contribué à la colonisation. En dépit de
ce contraste on peut déduire que les mots associés aux espagnols
et à l'Espagne par nos apprenants traduisent l'enthousiasme et la
passion pour cette langue.
4.1.4. Les langues nationales
Pour parler des langues nationales, nous allons nous
référer aux langues maternelles de nos enquêtés.
Notre échantillon bien que miniaturisé est assez
représentatif de la diversité linguistique du Cameroun. Voici
à ce sujet la représentation linguistique des langues maternelles
de notre échantillon. On peut y constater la présence du
français du fait que certains enquêtés nous ont
confessé qu'ils avaient le français comme première langue
de socialisation.
Langues maternelles
|
Nombre de locuteurs
|
Régions d'origine
|
Représentativité
dans l'échantillon en %
|
Bulu
|
11
|
Sud (10) /Centre (01)
|
45,83
|
Basa'a
|
1
|
Centre
|
4,17
|
Ngomala
|
2
|
Ouest
|
8,33
|
Ewondo
|
3
|
Centre
|
12,50
|
Bene
|
1
|
Centre
|
4,17
|
Eton
|
2
|
Centre
|
8,33
|
Foulbé
|
1
|
Nord
|
4,17
|
Français
|
3
|
Littoral(01) Centre(01) Nord- ouest (01)
|
13,00
|
Total
|
24
|
06
|
100
|
Tableau 6 : langues maternelles, nombre de locuteurs
et région d'origine de l'échantillon
51
Graphique1: représentation en % des
langues
maternelles de notre échantillon
Basa'a
4%
Ngomala
8%
Français
13%
Foulbé
4%
Eton
8%
Bulu
46%
Bene
4%
13%
Ewondo
Le graphique démontre que les locuteurs du bulu
représentent 46% de notre échantillon. Cette forte
représentativité est un fait qui prouve que nous sommes en zone
linguistique bulu. Le choix de nos enquêtés étant
basé sur des critères autres que ceux d'appartenance à une
communauté linguistique, on peut conclure que cette
représentativité dénote de la vitalité de cette
langue dans la ville d'Ebolowa. Cette vitalité augmente si on se place
en situation de communication endolingue, car comme nous le faisions constater
dans un chapitre précédent, Le Bulu fait partie du continuum
linguistique Beti- fang auquel appartiennent aussi les parlers Ewondo, Bene et
Eton puisqu'il y a intercompréhension entre ces parlers. La
vitalité se situerait alors à plus de 46% ou plus
précisément à environ 70,83% tandis que les apprenants
appartenant aux autres langues en situation de communication exolingue
représenteraient 29,17% de locuteurs comme l'illustre cet autre
graphique.
Graphique 2: représentation en % des
situations
endolingue et exolingue
Beti-Fang;
70,83
Basa'a; 4,17 Ngomala; 8,33
Foulbé; 4,17
Français; 12,50
52
On peut dire au regard de ce qui précède que la
configuration de notre échantillon malgré sa taille
miniaturisée correspond à la situation sociolinguistique des
langues dans la ville d'Ebolowa telle que nous l'avons décrite au
chapitre 3 section 1.3.
4.1.4.1.Les représentations des langues maternelles et
domaines d'activités
Pour décrire les représentations des langues
maternelles chez nos élèves, nous avons cherché à
savoir au départ dans quels contextes ils utilisent ces langues dans les
situations de la vie courante. Section II, Question2 du questionnaire:
« s'il vous était demandé de classer les
langues que vous pratiquez par ordre d'importance et par domaine
d'activité, quel classement feriez-vous ? Remplissez le tableau
ci-dessous.» Les domaines d'activités
représentés sur le tableau : la famille l'école, les
services publics, églises et mosquées, marché, sport et
jeu, radio et télévision et enfin musique.
En nous référant aux données fournies par
les élèves sur chaque première colonne l'enquête
révèle ce qui suit :
Langues maternelles : langues
familiales
Les langues maternelles se révèlent être
des langues familiales. Elles sont reconnues comme telles par 79, 17% des
enquêtés. Leur usage est assez considérable dans la
famille. Pour les apprenants leur rôle premier est de permettre de
s'exprimer en famille : « parler avec mes parents » « causer
avec grand-mère » « communiquer avec mes grands parents »
« la langue des parents et ça permet de nous exprimer avec ceux qui
connaissent » mais aussi de communiquer au sein de sa
communauté : « pour entretenir des conversations » «
pour mieux m'exprimer ».
53
Les langues maternelles : langues de
négoce
Les langues maternelles sont utilisées au marché
dans les échanges commerciaux. 16,67% des apprenants admettent qu'ils
l'utilisent dans les situations de communication au marché. Il s'agit
essentiellement des jeunes locuteurs du bulu et des langues apparentés
en communication endolingue. Il faut dire à ce sujet qu'au Cameroun, les
populations issues de la Région de l'Ouest (Bamilékés)
sont réputées pour être de grands commerçants sur
toute l'étendue du territoire. Ebolowa ne faisant pas exception à
cette règle générale, il est compréhensible que les
situations de communication au marché se fassent en majorité dans
une langue autre que le bulu et les langues apparentées
c'est-à-dire le français.
Les langues maternelles : langues de
culte
A 37,50% les élèves reconnaissent que leur
première langue de culte c'est la langue maternelle. Il faut dire ici
qu'en marge de certains groupuscules et des musulmans, deux grands groupes
chrétiens rythment la vie religieuse à Ebolowa. D'une part les
presbytériens de l'Eglise presbytérienne du Cameroun et d'autres
part les catholiques romains. Les deux obédiences font un usage
régulier des langues bulu et Ewondo. Chez les presbytériens le
bulu qui avait été codifié par les missionnaires
américains est très usuel (traduction biblique, cantique etc.) De
même chez les catholiques l'ordinaire de la messe, la bible etc. ont
été traduits par les premiers prêtres indigènes en
éwondo. Il y a en effet de cela quelques décennies les
écoles missionnaires étaient le véhicule de
l'apprentissage des langues nationales. Cette ardeur s'est progressivement
estompée cédant le flanc aux langues officielles.
Les langues maternelles : langues de loisirs et des
arts
Les langues maternelles sont perçues par les
élèves à 12,50% dans les jeux et sport et à 8,33%
en musique.
Au final, le tableau se présente comme suit :
54
Graphique 3: Représentation des langues
maternelles par
domaines d'activités
79,17
|
|
|
|
|
|
|
|
37,50
|
|
|
|
|
|
|
16,67 12,50
|
|
|
|
|
|
|
|
|
8,33
|
|
0,00
|
0,00
|
|
|
0,00
|
|
Famille Ecole
|
service publique
|
Eglise Marché Sport/Jeu
|
Radio /Tv
|
Musique
|
On observe à travers ce graphique que les langues
maternelles sont principalement langues de la famille. Elles régissent
les rapports entre les parents les grands parents et les jeunes. L'autre
constat est que l'usage de la langue maternelle dans un domaine
d'activité précis semble guidé par l'intérêt
que l'apprenant porte pour ce domaine. Ainsi, l'intérêt premier
des apprenants qui pratiquent les langues maternelles portent sur la famille,
l'église, le marché, le sport et la musique.
Langue maternelle : langue particulière,
langue régionale
Au cours de nos entretiens collectifs, les
élèves ont reconnu l'importance de parler les langues maternelles
mais une grande majorité limite cet usage à des contextes
précis :
ENTR-1, 62-71
62/ Prof : ... et le bulu ?
63/ Stéphanie : c'est bien de parler le bulu parce que
c'est la langue maternelle de nos parents. Mais nous ne
devons pas parler n'importe où.
64/ Prof : n'importe où c'est où par exemple ?
65/ Stéphanie : A l'Ouest.
66/ Prof : Donc d'après vous vous ne devez pas la parler
dans d'autres régions seulement dans votre région ?
67/ Stéphanie : oui monsieur.
68/ Prof : ...et s'il ya des gens de votre région qui
vivent à l'Ouest ?
69/ Stéphanie : si on part les trouver là-bas nous
pouvons parler.
70/ J-Stéphane : le bulu est important parce que nos
parents causent le bulu.
71/ Lysie : Pour moi c'est important de parler le bulu parce que
on peut se retrouver dans un village où il y a des
gens qui ne comprennent pas les langues étrangères.
Et ce n'est pas important parce que tu ne peux pas aller
55
chercher du travail et t'exprimer en bulu. Parce que le chef de
l'entreprise peut être un Basaa et tu devras plutôt
parler français.
ENTR-3, 19-24
19/ Et est-ce bien de parler cette langue partout ?
20/ Josiane : non monsieur
21/ Prof : Pourquoi ?
22/ Josiane : Parce que beaucoup de gens ne comprennent pas.
23/ Junior : Non monsieur. Parce que on peut arriver dans un lieu
ou les gens ne parlent pas le bulu et il faut
parler une autre langue pas le bulu parce que tout le monde ne
comprends pas ça.
24/ Hans : on ne peut pas parler le bulu partout parce que
d'abord tout le monde n'est pas bulu et...et ce n'est
pas évident de commencer à parler sa langue comme
ça.
La tendance chez nos élèves est de circonscrire
la langue maternelle à la région d'origine, à la famille
ou à un contexte particulier. On comprend pourquoi certains contextes
tels que l'école les services publiques ou encore la radio/Tv ne font
pas partie des contextes d'usage de ces langues.
Langues maternelles : langues
identitaires
La perception des langues maternelles par les mots se
résume en ces termes : facile, jolie, géniale, original,
passionnant, belle, compréhensible, formidable, importante,
intéressante, rustique, éducative, bizarre,
bénéfique, ennuyeux, bavardage, abstrait, bien, beau,
merveilleux, artificielle, compliquée. Un total de 22 mots soit 61
occurrences :
Cycle
|
Occurrences
|
Positifs
|
Négatifs
|
Elèves du 1er Cycle
|
40
|
38
|
02
|
1
|
65,57%
|
95%
|
05%
|
Elèves du 2nd Cycle
|
21
|
14
|
07
|
|
34,43%
|
66,67%
|
33,33%
|
|
61
|
52
|
09
|
Total
|
100%
|
85,25%
|
14,75%
|
Tableau 7 : pourcentage des occurrences de mots pour
les langues maternelles
On peut observer à partir de ce tableau que les
occurrences positives vis-à-vis des langues maternelles sont largement
partagées. Les termes pour la plupart traduisent l'admiration pour les
langues maternelles et donc un fort sentiment d'appartenance identitaire. Nous
avons noté la même tendance au cours des entretiens à
travers les termes que les élèves utilisent pour
caractériser les locuteurs des langues maternelles. Ils sont :
étonnant, gentils, travailleurs, magnifiques, loquaces, vaillants,
accueillants, bien, croyants (14 occurrences, 70%). En
56
revanche on retrouve les termes bizarres, sauvages, durs,
gourmands contrastent d'avec les premiers (05 occurrences 25%).
On note aussi sur le tableau que les élèves du
1er cycle sont ceux qui expriment le plus d'admiration pour ces
langues. Comme si au fur et à mesure qu'on avance dans sa
scolarité cet engouement s'estompe.
4.1.5. Les langues officielles
4.1.5.1 Le français
Le français, première langue officielle de nos
apprenants est sans doute la langue qui occupe le plus de place parmi les
langues pratiquent nos apprenants au quotidien. En effet, à la question
1) Section II
« Quelles autres langues pratiquez-vous ? »
(Hormis la langue maternelle), On retrouve le français s'il n'est
déjà considéré comme langue maternelle. Le
français est la première langue officielle au Cameroun certes,
c'est aussi la langue de scolarisation. Dans cette section, nous examinons les
différentes images que nos apprenants se font de cette langue.
4.1.5.1.1. Représentation du français dans les
usages
Pour comprendre les représentations du français
dans les usages nous nous examinerons en interaction la question Q2 S. I de
notre questionnaire et les déclarations des élèves au
cours des entretiens 1,2,3.
Comme pour le cas des langues nationales, la question
était la suivante :
« S'il vous était demandé de classer les
langues que vous pratiquez par ordre d'importance et par domaine
d'activité, quel classement feriez-vous ? Remplissez le tableau
ci-dessous.» Avec comme domaines d'activités
représentés : la famille l'école, les services publics,
églises et mosquées, marché, sport et jeu, radio et
télévision et enfin musique.
Le français : langue de scolarisation,
langue maternelle
Si pour 79,17% d'élèves interrogés la
langue maternelle est une langue locale, il reste que 13% d'entre eux avouent
que le français est la langue qu'ils ont apprise dans le milieu familial
dès la prime enfance. Ils sont cependant 20,83% à reconnaitre que
le français est la langue avec laquelle ils communiquent en famille. Le
français s'impose donc progressivement comme langue de socialisation
mais aussi comme langue véhiculaire des populations scolarisées
en milieu urbain. Cette situation est en partie favorisée par l'usage du
français à
57
l'école comme unique langue d'apprentissage et
d'enseignement de toutes les disciplines scolaires. Ainsi, les
élèves évaluent à 100% les usages de cette langue
en milieu scolaire. C'est la langue qui permet de « communiquer avec les
camarades », « m'exprimer, lire, écrire, avoir des
conversations à l'école » etc.
Le français : langue
d'intercompréhension, langue glottophage
Pour nos apprenants il est impropre de parler la langue
maternelle dans certains milieux qui seraient réservés au
français et notamment les milieux publiques. Le contexte multilingue de
la société camerounaise contribue à renforcer cette
vision. En effet les communautés linguistiques exogènes en
présence dans la partie francophone du pays doivent recourir à la
langue française pour communiquer entre elles, faute de disposer d'une
ou de langue(s) véhiculaires d'envergure. Cette vision est
exprimée en ces termes par les apprenants :
ENTR-1, 72-73
72/ Prof : Et si le chef d'entreprise est un bulu ?
73/ Lysie : il faut lui parler français parce que c'est un
lieu public.
Cet usage du français qui se maintient dans les
domaines de la vie public et qui se propage en famille au détriment des
langues nationales entraine à coup sur la mort de plusieurs d'entre
elles. la véhicularité du
français s'exprime dans cette étude par des pourcentages
très élevés obtenus dans les domaines des services
publiques 100%, de l'école 100%, de la radio et Télévision
100%, et d'autres services tels que représentés sur le graphique
ci-dessous.
120,00 100,00 80,00 60,00 40,00 20,00
0,00
Graphique 4: pourcentage d'usage du français par
secteur d'activité chez les élèves
100,00 100,00 100,00
83,33 87,50
58,33 66,67
20,83
58
Le français : langue valorisante et
prestigieuse
L'importance du français est avérée dans
la communauté estudiantine. A la question de savoir si c'est une langue
importante (Q3 Sect.II) tous répondent par l'affirmative. Et les raisons
sont multiples. Le français est perçu comme une langue de
diffusion à large échelle par 27,73% d'enquêtés. Ils
pensent qu'elle est « la plus parlée », « la plus
courante dans la société », « la plus parlée
dans le pays ». 50% perçoivent le français comme un
moyen de communication (compréhension et expression) facile. «
On communique plus facilement », « pour mieux comprendre »,
« pour bien m'exprimer en public », « pour une bonne
communication ». On peut voir à travers ces réponses,
la perception du français comme langue de l'unité nationale et
langue de communication internationale. Au niveau national, le français
est l'une des langues qui permet à tous les camerounais de communiquer
au-delà de la multitude des langues nationales en présence. C'est
aussi une langue qui ouvre à la communauté internationale
étant donné sa large diffusion dans le monde entier. Le
français est langue officielle au Cameroun. La conscience du
français comme LO1 ressort dans les images de 09,09 % d'apprenants :
«c'est la langue officielle ». En effet, le statut de langue
officiel attribué par la constitution de 1996, confère à
cette langue une prestance sociale dont les élèves sont
conscients. De plus l'usage courant de cette langue dans leur quotidien laisse
penser aux avantages qu'elle peut conférer en termes de travail
(même si les apprenants ne le disent pas explicitement). 09,09%
d'élèves la considère comme une langue affective ils
déclarent pratiquer le français « par amour pour la
langue » ou encore «parce que j'aime le français
» En effet on peut constater à partir du graphique sur le
pourcentage d'usage du français qu'il occupe une place importante dans
les secteur de loisirs et de divertissement
59
comme la musique, la radio et télévision les
sports et jeux. La dernière des raisons évoquée par les
élèves pour justifier l'importance du français est que le
français est une langue scolaire qui leur permet de faire leurs devoirs
et d'apprendre les différentes matières enseignées
à l'école.
4.1.5.1.2. Représentation du français par le
discours épilinguistique
L'image du français telle que perçue par les
élèves à travers les mots s'exprime en les termes suivants
: belle, jolie, facile, bénéfique, originale, bien,
compliquée, formidable, étrange, bizarre, génial,
extraordinaire, simple, intéressante, stupéfiante, mauvaise,
laide, ennuyeuse, divertissant, instructive, compréhensible,
réussite, bavardage, excellent, magnifique bon, passionnante, naturelle,
artificielle.
L'examen des 29 mots associés (70 occurrences) à
la langue française montre des représentations en majorité
positives à 64 occurrences soit 91,43% et des représentations
négatives de 06 occurrences soit 08, 57%. Les termes les plus
usités sont ceux qui traduisent l'enchantement : génial,
stupéfiante, passionnante, magnifique, excellente. Ces termes qui disent
toute l'admiration et l'estime que les apprenants portent pour le
français s'accompagnent d'aucuns qui expriment un apprentissage
difficile : compliquée, ennuyeuse, laide, bizarre, bavardage...et
d'autres qui exprime l'esthétique ou l'affection : jolie, belle, simple,
naturelle. Le tableau ci-dessus présente les différentes
tendances en soulignant la répartition des occurrences entre les
élèves du 1er cycle et ceux du second cycle.
Cycle
|
Occurrences
|
Positifs
|
Négatifs
|
Elèves du 1er Cycle
|
42
|
38
|
04
|
1
|
60%
|
54,29%
|
05,70%
|
Elèves du 2nd Cycle
|
28
|
26
|
02
|
|
40%
|
37,14%
|
02,90%
|
|
70
|
64
|
06
|
Total
|
100%
|
91,43%
|
08,60%
|
Tableau 8 : pourcentage des occurrences de mots pour
le français
Les entretiens collectifs menés auprès de 15
élèves de l'établissement nous permettent de confirmer
cette tendance utilitaire et affective vis-à-vis de la langue
française à travers le jugement qu'ils donnent de la France, des
français :
ENTR-1, 114-129
114/ Prof : Alors...vous qui connaissez la France, que savez-vous
de la France ? 115/ Justine : Je sais que la capitale de la France c'est
Paris.
60
116/ Prof : c'est tout ?
117/ Justine : [acquiesce] unnnh.
118/ Prof : c'est tout ce que vous savez, vous ne savez pas
comment les français vivent, mangent...
119/ Stéphanie : Ce que je sais de la France c'est que sa
capitale c'est Paris et... on tourne souvent les films là-
bas.
120/ J-Stéphane : la capitale c'est Paris et je connais le
président.
121/ Prof : ah ! C'est qui le président ?
122/ J-Stéphane : c'est François Hollande.
123/ Lysie : Moi je connais l'ancien Président de la
France Nicolas Sarkhozy, l'actuel François Hollande... et
que la capitale de la France c'est Paris. Je sais aussi qu'en
France il ya les pauvres, les moyens et ceux qui sont
riches.
124/ Prof : Donc la France est divisée en classes. C'est
ça ?
125/ Lysie : [acquiesce en hochant la tête]
126/ Rémi : La France, je sais que sont président
c'est François Hollande. Je sais aussi que c'est la France qui va
organiser la coupe d'Europe 2016. Je connais aussi un bon nombre
de club français comme l'Olympique de
Marseille, le Paris St Germain, AS Monaco.
127/ Hyacinthe : Je connais la France par la capitale Paris par
le président de la République François
Hollande....Et je connais aussi que en France il ya le froid
là-bas.
128/ Prof : A tout moment ?
129/ Hyacinthe : non monsieur, parfois.
Chez les élèves la France est connue à
travers ses grands noms politiques, ses grandes villes, son climat, son
football, mais aussi par son développement, sa population vieillissante
et sa cuisine soignée.
ENTR-3, 33-36
33/ Prof : Qu'est-ce que vous savez de la France ?
34/ Hans : Je sais par exemple qu'en France il ya plus de vieux
que de jeunes ... et qu'ils ne mangent pas de la
même façon que nous. Chez eux ils ont des
règles d'hygiène nous on mange n'importe comment.
35/ Junior : Moi je connais les différentes villes de la
France comme Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux.
36/ Josiane : je sais que la France est un pays
développé.
D'autres images de la France et des français. D'aucunes
positives d'autres négatives : Blancs, bonne expression, accent (ton)
différent, nasillent, Meilleurs expression que les noirs,
Français blancs et noirs originaire d'Afrique, racistes (football),
Accueillants, gentils, Maltraitent les noirs qui veulent partir chez eux,
Parlent différemment, s'entretiennent, curieux, colonisateur.
Tout compte fait, les représentations du
français auprès des élèves du lycée
d'Ebolowa sont largement positives. En dépit de quelques termes
antagonistes qui augurent le contraire, le français est une langue
appréciée pour son utilité sociale et sa valeur
esthétique.
4.1.5.1.2 L'anglais
L'anglais est la deuxième langue officielle du Cameroun
et bien que la constitution de la République du Cameroun stipule :
« Article 1er
(3) La République du
Cameroun adopte l'anglais et le français comme langues officielles
d'égale valeur » le français et l'anglais semblent ne
pas fonctionner de façon égalitaire. Les représentations
de nos élèves en disent long sur cette situation diglossique.
4.1.5.1.2.1.Représentation de l'anglais dans les
usages
A la question de savoir, « S'il vous était
demandé de classer les langues que vous pratiquez par ordre d'importance
et par domaine d'activité, quel classement feriez-vous ? Remplissez le
tableau ci-dessous.» on découvre que dans les pratiques
quotidiennes des élèves l'anglais n'est présent que dans
deux domaines : à l'église 4,17% et en musique 25% comme le
représente ce graphique.
Graphique 5: pourcentage des usages de l'anglais
par
secteur d'activité
30,00
|
|
|
|
25,00
|
|
|
|
20,00
|
|
|
|
15,00
|
|
|
|
10,00
|
|
|
|
5,00
|
0,00
|
0,00
|
0,00
|
0,00
|
|
|
|
|
|
|
4,17
0,00 0,00 0,00
25,00
61
L'anglais : langue du culte
A 4,17% l'anglais apparait comme langue de culte. En effet
comme le fait remarquer Bitjaa (1993): « Dans les églises
(catholiques, presbytériennes et protestantes), la diversification
des
62
langues dont le but déclaré est d'atteindre le
maximum d'adeptes possible se manifeste à travers l'institution de
différents offices religieux dominicaux ». Cette diversification
est une explication possible à la présence de l'anglais dans ce
secteur d'activité.
L'anglais : véhicule de la culture
musicale
L'anglais occupe une place importante dans le domaine de la
musique 25%, contrairement à tous les autres domaines où il est
quasiment absent. Ceci peut se justifier du fait que certains
élèves nous ont avoué qu'ils éprouvent beaucoup
d'admiration vis-à-vis de la musique américaine :
ENTR-1, 210
210/ Hyacinthe : L'anglais des américains. Parce que j'ai
envie de savoir ce que disent les américains dans les chansons
ENTR-1, 233-239
233/ Prof : vous connaissez des personnes célèbres
en Angleterre et au USA ?
234/ Justine : En Angleterre je connais pas. Pour les Etats-Unis
: Rihanna, Beyonce...
235/ Prof : Ummmh, vous connaissez seulement les
célébrités en musique. Dans les autres domaines, le sport,
la
politique l'économie vous ne connaissez personne.
236/ Stéphanie : je ne connais personne.
237/ J-Stéphane : Je ne connais personne.
238/ Lysie : je connais les artistes comme Drake, Rihanna,
239/ Prof : ...Rien que les artistes, en sport, politique
rien.
ENTR-3, 69
69/ Junior : pour moi les américains sont des gens qui
savent chanter...
Cette valorisation qui est un effet de mode chez les jeunes
marque souvent le besoin de s'évader, de rompre avec les us et coutumes
et d'intégrer le modernisme. C'est sans doute sa diversité
culturelle et la variété de ses rythmes dans la musique
américaine (blues, Jazz, Rock n roll, pop rock, rap, hip hop, country,
salsa etc.) qui attirent tant les jeunes.
En répondant à la S.I Q.3 du questionnaire :
« Complétez le tableau suivant avec des informations
correspondantes (c1 : langue apprises à l'école, c2 :
années, c2 : importante, c3 : pourquoi ?) » ou encore à
la Q5, .: «Quelles sont les activités que vous pouvez
réaliser en utilisant chacune des langue ? c1 : langues, c2 :
activités» On découvre que les élèves
63
s'accordent tous que l'anglais est une langue importante. La
moyenne d'étude annuelle de cette langue par tous les apprenants est de
10 années. Ce qui veut dire qu'ils apprennent l'anglais en moyenne
depuis le cours élémentaire 1ère année
(CE1). Les raisons et les activités qu'ils évoquent pour
justifier l'importance de cette langue nous ont permis d'identifier huit autres
représentations de cette langue chez nos apprenants :
L'anglais : discipline scolaire
A l'instar de toutes les langues sus citées, l'anglais
est une discipline scolaire dans toutes les classes du secondaire de la
sixième en terminale. Le quota horaire hebdomadaire appliqué
aujourd'hui est de 3 heures dans toutes les classes du premier cycle et du
second cycle scientifique et de 4 heures dans les classes littéraires du
second cycle. Notre enquête a démontré plus haut que
l'anglais n'est usité chez nos élèves que dans le domaine
de la religion et plus encore en musique. Son usage à l'école
n'est donc pas véhiculaire. Il y est simplement considéré
comme discipline scolaire à l'instar des autres langues
étrangères comme l'allemand et l'espagnol, malgré son
prestigieux statut de langue officielle. Dans les données que nous avons
collectées auprès de nos apprenants, 21,95% d'occurrences
désignent l'anglais comme une langue faite pour «...
l'école », « ...répondre aux questions en
classe », « ...composer19 à l'école
», « pour mieux expliquer les exercices ».
L'anglais : langue de contact
L'anglais se présente à 07,32% d'occurrences
produites d'enquêtés comme une langue de bienséance, de
courtoisie, ou de premier contact avec autrui. Elle nous permet de
«...saluer », «...dire aurevoir » «
...échanger avec ceux qui ne comprennent pas français
», « ...dialoguer avec les autres ou interpréter
».
L'anglais : langue patrimoniale
17,07% d'occurrences désignent l'anglais comme
patrimoine national. L'anglais bénéficie du statut officiel de
« langue officielle » qui lui est conféré par
la loi fondamentale en son article 1er Alinéa 3 : « (3) La
République du Cameroun adopte l'anglais et le français comme
langues officielles d'égale valeur. Elle garantit la promotion du
bilinguisme sur toute l'étendue du territoire. ». A ce titre
il est un des symboles de l'unité nationale. La conscience de cette
réalité est perçue à travers l'évocation par
les enquêtés de l'anglais comme langue
19 Se faire évaluer.
64
officielle ou encore comme langue du bilinguisme (sous-entendu
officiel français-anglais). Ils répondent que : «
l'anglais est la langue officielle », « le Cameroun est bilingue
», « le pays est bilingue » « l'anglais c'est le
bilinguisme ».
L'anglais : moyen de communication et
d'expression
L'anglais est aussi simplement perçu comme moyen
d'expression qui permet de : « ... m'exprimer en public », «
...parler avec des personnes » « ...discuter ».
L'anglais : langue des opportunités
d'emploi
L'anglais est désigné comme la langue qui
confère facilement un emploi chez les francophones. 14,43% d'occurrences
l'expriment. C'est « la porte d'accès à l'emploi »,
« ...une langue pour travailler », « ...une langue pour chercher
du travail ».
L'anglais : langue de prestige
L'anglais est langue prestigieuse et dont le prestige ne
relève pas simplement du fait qu'elle fait partie intégrante du
patrimoine national ou encore du fait qu'elle soit la langue des
opportunités d'emploi, mais ce prestige relève d'une part aussi
du fait de l'usage de cette langue. Parler anglais inspire du respect et de
l'admiration. C'est le signe d'une scolarité réussie
prônée par l'Etat à travers sa promotion du bilinguisme
officiel et la mise en application de celui-ci (pour le moins
théoriquement) dans sa politique linguistique éducative. Mais
plus encore, le prestige de l'anglais relève de son statut de langue
internationale, langue de la technologie et de la science, langue qui ouvre au
monde de la modernité. La conscience de cette réalité est
perceptible à travers les expressions : « la langue la plus
parlée au monde », « une des meilleurs langues du
monde ». Les occurrences de l'anglais comme langue de prestige sont
de 04,88%.
65
L'anglais : langue de
divertissement.
La musique est sans doute le domaine concerné par cette
représentation de l'anglais et dont nous avons déjà
parlé plus haut.
Perceptions de l'anglais
|
Nombres d'occurrences
|
Pourcentage
|
Discipline scolaire
|
9
|
21,95
|
Communication et expression
|
12
|
29,27
|
Patrimoine national
|
7
|
17,07
|
Opportunité d'emploi
|
6
|
14,63
|
Divertissement
|
2
|
04,88
|
Prestige
|
2
|
04,88
|
Contact
|
3
|
07,32
|
Total
|
41
|
100,00
|
Tableau 9 : pourcentage de perception de l'anglais
par les élèves enquêtés
4.1.5.1.2.2.Les représentations de l'anglais par le
discours épilinguistique
Toutes ces perceptions de l'anglais qui ont été
élaborées sur la base des raisons pour lesquelles nos
élèves l'apprennent et sur les activités qu'ils pourraient
réaliser avec cette langue contrastent tout de même avec
l'abondance des occurrences négatives qu'ils utilisent pour
caractériser cette langue. En utilisant la technique des mots
associés à la langue, nous avons répertorié 25.mots
anglais dont 18 mots positifs et 07 Négatifs :
Difficile, énervant, compliqué, effrayant,
intéressant, ennuyeux, incompréhensible, bénéfique,
original, amusant, jolie, belle, formidable, abordable, facile, attrayant,
superbe, compréhensible, passionnant, bien, excellent, abstrait, belle,
plaisant, meilleur. Ces mots ont été utilisée 65 fois,
soit 33 (50,77%) de fois de façon positive et 32 (49,23%) fois de
façon négative.
Cycle
|
Occurrences
|
Positifs
|
Négatifs
|
Elèves du 1er Cycle
|
39
|
16
|
23
|
|
60%
|
24,62%
|
35,38%
|
Elèves du 2nd Cycle
|
26
|
17
|
09
|
|
40%
|
26,15%
|
13,85%
|
|
65
|
33
|
32
|
Total
|
100%
|
50,77%
|
49,23%
|
Tableau 10 : pourcentage des occurrences de mots
pour l'anglais
66
Dans cette évaluation des perceptions de l'anglais chez
nos apprenants, la proportion d'occurrence des termes négatifs qui
représentent 49,23% et qui laissent une majorité relative aux
termes positifs est caractéristique des difficultés
qu'éprouvent ces apprenants à apprendre une langue. Nous avons
voulu en savoir davantage en examinant la perception qu'ils ont des pays
où l'on parle anglais, des locuteurs de ces langues et des lieux et
événements y relatifs.
Les entretiens collectifs que nous avons eus avec nos
apprenants nous ont permis de savoir quelles perceptions ils avaient de
l'Angleterre et des Etats-Unis ainsi que des lieux, des personnes et des
événements de l'histoire de ces pays. Ces perceptions
révèlent des informations objectives et beaucoup d'autres
informations qui s'appuient sur des stéréotypes ou des
préjugés. Entendons par stéréotype au sens
énoncé par Légal (2005) : « Les
stéréotypes sont des croyances, des représentations
mentales qui constituent des connaissances (parfois erronées) sur les
caractéristiques des groupes sociaux qui nous entourent. »
Les représentations de l'Angleterre et des
Etats-Unis
On peut voir à travers les extraits ci-dessous quelles
sont les représentations des élèves vis-à-vis de
l'Angleterre :
ENTR-1., 211-217
211/ Que savez-vous de l'Angleterre?
212/ Justine : Que sa capitale c'est Londres et que là-bas
il ya une reine.
213/ Prof : Et le Etats-Unis ?
214/ Justine : Il ya un président... sa capitale c'est
Washington...et certaines villes. Il y a New York, Miami et
Los Angeles. Santiago, Chicago.
215/ Stéphanie : Je sais qu'en Angleterre il ya la reine.
Elle s'appelle Victoria. Son fils est marié il est
footballeur.
216/ Lysie : Je sais qu'en Angleterre il ya une grande horloge et
que cette horloge sonne à chaque heure.
217/ Rémi : je connais un certain nombre de villes en
Angleterre comme Londres, Norwich. Ce qui est des Etats-
Unis je connais Washington, Chicago, Los Angeles. Je sais aussi
que le président s'appelle Barack Obama.
ENTR-2., 138-146
138/ Prof : vous connaissez l'Angleterre et les Etats-Unis ?
139/ Lyne : l'Angleterre est un pays bien, un pays d'affaires,
rigoureux et sévère.
140/ Prof : sévère dans quel sens ?
141/ Lyne : par exemple au travail, si le travail commence
à 8 heures il faut être à l'heure sinon on te renvoie.
142/ Prof : et les Etats-Unis ?
143/ Lyne : je sais pas...
67
144/ Sarah : selon les informations que j'ai eu c'est que
là bas il ya des hommes qui se marient avec des chats. Et le maire aussi
signe l'acte de mariage.
145/ Prof : vraiment ? Vous avez vu ça où ?
146/ Sarah : Ma soeur et moi avons vu ça sur internet.
ENTR-3., 64-66
64/ Junior : L'Angleterre j'ai entendu parler mais dans
l'histoire. Pendant la 2e guerre mondiale ils ont eu le radar qui a
permis de vaincre l'Allemagne.
65/ Hans : Je connais les USA dans le développement et
également dans l'histoire. Pendant la guerre ils vendaient les armes aux
européens et ils sont entrés en guerre quand l'Allemagne a
bombardé leur navire et leur entrée en guerre à
changé les choses en faveur des alliés. L'Angleterre est un pays
riche qui fait aussi partie de l'histoire de l'indépendance du Cameroun.
Sur l'aspect éducatif il a beaucoup rapporté au Cameroun.
66/ Josiane : Les USA ont mis fin à la
1ère guerre mondiale. C'est la première puissance
mondiale et un pays développé. L'Angleterre me fait penser aux
pays qu'ils ont colonisés.
L'Angleterre suscite une image positive par sa capitale «
Londres », la « reine » d'Angleterre, « Big ben » la
grande horloge, les « affaires » les principes » la «
rigueur », son rôle dans la deuxième guerre mondiale, son
niveau de développement « pays riche ». Mais son image se lit
aussi sur une axiologie négative avec la mention de la zoophilie
officialisée « là bas il ya des hommes qui se marrient avec
des chats. Et le maire aussi signe l'acte de mariage », de l'Angleterre
pays colonisateur.
Nos apprenants connaissent moins les Etats-Unis : sa capitale
« Washington », le « président », sa contribution
décisive aux côtés des forces alliées dans la
recherche de la victoire pendant la deuxième guerre mondiale », ses
villes sont les quelques éléments qu'ils mentionnent.
Représentations des locuteurs de
l'anglais
Ces représentations portent davantage sur leur
idiolecte, leurs comportements et leurs loisirs. Ainsi :
-Les anglais « parlent vite ». Leur
idiolecte ou façon de parler est presque toujours comparé
à celui des camerounais. « Ils parlent couramment »,
« leur anglais est différent de celui des camerounais où
il ya le pidgin », ils « whitisent /waitiz/ »
(pour dire qu'ils parlent à la manière des blancs-white- en
anglais). Au-delà de l'élocution, les anglais passent pour des
gens flegmatique et pacifique du point de vue comportement :
68
ENTR-3., 68,69.
68/ Hans : A mon ... Les anglais sont des gens posées,
simples.
69/ Junior : ... Les anglais sont posés. Visiblement ils
n'aiment pas les problèmes.
A contrario les américains sont caractérisés
très négativement :
ENTR-1.,232
232/ Hyacinthe : Ce que je sais des américains c'est
qu'ils aiment faire la guerre.
ENTR-2., 147-152
147/ Etienne : ce que je sais des Etats-Unis c'est que ils aiment
faire la guerre.
148/ Prof : Quel idée vous avez des anglais et des
américains ?
149/ Lyne : l'homme américain est hypocrite.
150/ Richard : l'homme américain il aime la bagarre...
151/ Sarah : l'homme américain aime se faire
voir...l'anglais, aucune idée.
152/ Etienne : l'homme américain il aime trop porter
plainte.
ENTR-3.,
67/ Prof : Parlons des anglais et des américains...Comment
vous les trouvez ?
68/ Hans : A mon avis les américains sont des gens
agressifs. Il aime la guerre, la drogue, en fait les mauvaises
choses. Les anglais sont des gens posées, simples.
69/ Junior : pour moi les américains sont des gens qui
savent chanter. Ils sont aussi agressifs. Les anglais sont
posés. Visiblement ils n'aiment pas les
problèmes.
70/ Josiane : Les américains j'aime leur façon de
tourner les films. Les anglais....[silence]
L'image de l'Américain est fortement négative
même si d'un autre côté on lui reconnait des talents en art
(musique, cinéma). Ces jeunes n'ont jamais vécus avec des
Américains et ils reconnaissent eux-mêmes que la plupart des
images qu'ils se font de ces pays sont véhiculés par les
médias. Le cinéma américain qui y occupe une place
importante, diffuse souvent des images très violentes de justice et
d'injustice. De plus, ces vingt dernières années, la diffusion
des guerres menées par les troupes américaines à travers
le monde avec des images bouleversantes et parfois choquantes ne sont
certainement pas passées inaperçues aux vues de nos
apprenants.
Représentations des
célébrités et lieux à visiter
En termes de célébrités et de lieux
à visiter, les villes célèbres aux Etats-Unis : San
Antonio, Washington, Miami, et surtout New York connu pour ses gratte-ciels
sont citées. Les célébrités les plus connues sont
aussi américaines artistes-musiciens : Rihanna, Beyonce,
69
Drake. Sportifs : London Donovan, Michael Jordan, L'Angleterre
plus connue à travers ses joueurs de football est assez mal connue dans
sa géographie des villes. Seul Londres et son clocher Big ben sont
cités.
4.1.5.1.2.3. Conscience des variétés
d'anglais Chez les apprenants
Les entretiens collectifs nous ont donné de constater
qu'il existe chez les apprenants une conscience de la variation dans l'anglais.
Cette conscience de la variation est surtout perçue sur un axe
géographique étant donné que la différenciation des
variétés répertoriées par les élèves
se fonde sur les pays. Pour la majorité, l'anglais camerounais c'est
l'anglais tel qu'il est parlé par les camerounais etc. Il en existe
néanmoins qui perçoivent que l'anglais parlé par les
camerounais peut aussi être l'anglais britannique, la
variété officiellement enseignée dans les
établissements scolaires, mais ils sont minimes. A la question de
savoir, « A votre avis quel est la variété que vous
utilisez, l'anglais des Anglais, l'anglais américain ou l'anglais
camerounais ? » Neuf élèves (60%) affirment qu'il
s'agit de l'anglais camerounais, quatre (26,67%) disent y reconnaitre l'anglais
britannique et deux (13,33%) sont indécis. Cette différence, ils
semblent la situer sur deux facteurs : le débit de parole et le contenu
des énoncés. Le débit de parole des anglais et
américains parait trop rapide pour eux tandis que dans l'anglais
camerounais ils perçoivent des éléments du pidgin-English
:
ENTR-1., 218-221
218/ Prof : D'après vous comment sont les anglais et les
américains ?
219/ Justine : Ils parlent couramment leur langue. Et que leur
anglais et notre anglais n'est pas la même chose.
220/ Prof : Quel est la différence ?
221/ Justine : dans notre anglais on ajoute le pidgin.
ENTR-1., 228-229
228/ Stéphanie : Les anglais, ils parlent couramment leur
langue mais ils Whitisent20 /waitiz/ souvent. 229/ J-Stéphane
: Ils parlent vite. On ne peut pas comprendre ce qu'ils disent. Les
américains aussi. 230/ Lysie : Ce que je sais des anglais c'est qu'ils
parlent bien leur langue.
231/ Rémi : Ce que je sais des anglais et des
américains c'est qu'ils parlent couramment.
20 Ce mot signifie parler comme un homme blanc (de
l'anglais «white »). Usité en camfranglais un parler des
jeunes lycéens et collégiens.
Graphique 6: pourcentage de perception des
variétés
de l'anglais
70
Anglais Cam;
60
50
40
30
60
Anglais Brit;
26,67
20
10
Neutre; 13,33
0
Anglais Am; 0
70
Anglais Cam Anglais Brit Anglais Am Neutre
Quand ils sont interrogés sur la variété
qu'ils préfèrent les choix que les élèves
opèrent se font en fonction des motivations. Nous en avons
identifié six que nous avons libellé sous les étiquettes
"compréhension, vie scolaire, projet de voyage, identitaire et art.
Raisons de compréhension : ils sont six
(40%) à préférer l'anglais camerounais et deux (13,33%)
l'anglais britannique parce qu'ils estiment ces variétés plus
faciles à appréhender. Raisons scolaires : Deux
apprenants (13,33%) préfèrent l'anglais britannique et un
apprenant (6,67%) l'anglais camerounais parce qu'ils perçoivent que
c'est la variété qui est enseignée dans les écoles
depuis le primaire et qui leur permet de mieux apprendre.
Projet de voyage et études : Deux
élèves (13,33%) évoquent la préférence de
l'anglais britannique en prévision d'un éventuel voyage en
Angleterre.
Raison identitaire : Un seul apprenant affirme
sa préférence pour la variété camerounaise parce
qu'elle est camerounaise (6,67%).
Raison artistique : un apprenant (6,67)
préfère la variété américaine pour dit-il
pouvoir décoder les musiques américaines qu'il
apprécie.
Nous pouvons représenter ces données sous forme de
tableau comme suit :
71
|
VARIETE PREFEREE
|
ARGUMENTS
|
Anglais Cam
|
Anglais Brit
|
Anglais Am
|
Total
|
Compréhension
|
06
|
02
|
|
08
|
|
40%
|
13,33%
|
|
53,33%
|
Scolaire
|
01
|
02
|
|
3
|
|
6,67%
|
13,33%
|
|
20%
|
Projet
|
|
02
|
|
02
|
|
|
13,33%
|
|
13,33%
|
Identitaire
|
1
|
|
|
1
|
|
6,67%
|
|
|
6,67%
|
Art
|
|
|
1
|
1
|
|
|
|
6,67%
|
6,67%
|
Total
|
8
|
6
|
1
|
15
|
|
53,34%
|
39,99%
|
6,67%
|
100%
|
Tableau 10 : Préférences des
variétés d'anglais chez les élèves
Graphique 7: préférences de
variétés d'anglais
chez les élèves
Am; 6,67
39,99
Angl;
53,34
Cam;
Lorsque nous observons les graphiques et le tableau ci-dessus, on
en vient à la conclusion selon laquelle il n'existe pas un grand
écart entre la perception des variétés et les
préférences des apprenants. Un facteur qui devrait contribuer
à faciliter l'apprentissage.
4.1.5.1.2.4.Perception du niveau de compétence
d'anglais
Nous avons demandé à nos apprenants à
travers le questionnaire et les entretiens collectifs comment est-ce qu'ils
perçoivent leur niveau d'anglais
72
S.III Q.6 : « S'il vous était demandé
de dire honnêtement quel est votre niveau d'anglais, où vous
situerez-vous ? Excellent ,
· très bien ,
· bien
,
· assez bien ,
· passable ,
· médiocre
,
· faible ,
· très faible ,
· nul
»
Des 24 questionnaires nous avons reçu des réponses
qui se résument comme suit :
Echelle de perception compétence
|
Nombre d'élèves
|
Excellent
|
1
|
Très bien
|
1
|
Bien
|
8
|
Assez bien
|
1
|
Passable
|
5
|
Médiocre
|
3
|
Faible
|
2
|
Très Faible
|
2
|
Nul
|
1
|
Total
|
24
|
Tableau 11 : Echelle de perception des
compétences
Graphique 8: perception du niveau de compétence
des apprenants questionnés
10
0
8
6
4
2
Nombre d'élèves
Les entretiens collectifs passés auprès des quinze
élèves sont plus modestes et se présentent comme suit :
Echelle de perception de compétence
|
Nombre d'élèves
|
Assez Bien
|
2
|
Passable
|
5
|
Médiocre
|
5
|
Faible
|
3
|
Total
|
15
|
Tableau 12 : Echelle de perception de
compétence
Graphique du niveau de compétence
des
apprenants interviewés
Nbre d'élèves
4
6
3
2
0
5
1
73
Assez Bien Passable Médiocre Faible
Il faut rappeler ici que l'une des variables de notre
échantillon était les performances des élèves aux
évaluations d'anglais. Dans chaque classe nous avions
sélectionné quatre élèves dont deux censés
avoir obtenus une moyenne supérieure ou égale à 10 lors
des quatre premières séquences pédagogiques et deux autres
censés avoir obtenus une moyenne inférieure ou égale
à sept. Logiquement les résultats devraient se situer autour de
50% pour chaque échantillon. Ce qui est le cas de l'échantillon
des élèves interviewés.
4.1.5.1.2.5.Représentations de l'apprentissage
Castelotti (2002) affirme que :
les études en classe montrent
régulièrement l'existence de cultures de communication de classe
(Beacco 2001), cadrées par des routines et des habitus scolaires,
partiellement construits sur des représentations plus ou moins
partagées entre élèves et enseignants des rôles de
chacun, des fonctionnements discursifs et autres, et des objectifs
d'apprentissage, notamment en termes de compétences linguistiques
ciblées dans les langues apprises.
Nous nous sommes intéressé à cette
culture de communication de classe, pour savoir comment nos apprenants
perçoivent l'interaction entre élèves et enseignants en
cours d'anglais et ainsi que les routines et les prescriptions scolaires qui
sous tendent ces
pratiques.
- Interactions, routines et prescriptions scolaires
Pour comprendre l'environnement dans lequel s'exerce
l'activité d'apprentissage chez nos élèves nous leur avons
soumis des questions. Il s'agit de celles figurant dans notre questionaire Q9,
10,16, 17 ; 18, 19, 20. SECT IV. Nous présentons dans cette partie les
résultats de leurs réponses.
74
Avant toute chose, rappelons que dans un
précédent chapitre nous mentionnions que la norme didactique en
cours stipule que le cours d'anglais soit dispensé en anglais.
C'est-à-dire « faire penser les élèves
directement dans la langue étrangère ». La norme qui
présente le monolingue locuteur de la langue cible comme modèle
à atteindre est visiblement un phénomène universel qui ne
s'applique pas qu'au contexte européen comme le fait remarquer
Véronique Castelotti (2002) lorsqu'elle affirme que «
l'enseignement des langues reste envisagé le plus souvent sinon sur
le mode de la stricte séparation, du moins sur celui de l'ignorance
mutuelle, ce qui est renforcé par l'organisation institutionnelle de la
plupart des systèmes éducatifs européens qui fonctionnent
sur le principe du cloisonnement disciplinaire ». Cependant dans le
contexte qui nous concerne, cette norme n'est pas toujours suivie par les
enseignants qui recourent régulièrement au français
pendant les leçons d'anglais. Sur les vingt et quatre réponses
obtenues à la Q. 9b : « quelle(s) langue(s) utilise votre
professeur pour vous enseigner l'anglais ? cochez la case », huit
élèves (33%) reconnaissent que leurs enseignants utilisent
exclusivement la langue anglaise et seize (66,67%) affirment que leurs
enseignants utilisent les deux langues officielles. Soit un ratio de deux
classes sur six respectant la norme. Cette tendance est compréhensible
si on considère les préférences des apprenants à la
Q.10 : « Quelle(s) langue(s) aimeriez-vous voir votre professeur
utiliser pour vous enseigner l'anglais ? L'anglais - Le français-
Autres. Pourquoi ? » . Sur les vingt-et-quatre élèves
questionnés, six sont en faveur de l'usage exclusif de l'anglais, cinq
élèves optent pour l'usage exclusif du français comme
langue d'apprentissage et 13 choisissent l'usage alterné du
français et de l'anglais. Aux vues tout ce qui précède, on
peut déduire qu'alors que le rapport à la première langue
reste perçu par les institutions pédagogiques comme un obstacle
à l'apprentissage de l'anglais, dans les représentations des
élèves ce rapport est prépondérant à 75%. Ce
paradoxe justifie à suffisance l'embarras des enseignants qui, entre la
norme didactique et le désir des élèves d'apprendre une
langue à travers la première, applique l'écart au
prescrit. Si les enseignants peuvent transgresser la norme, Qu'en est-il des
élèves ? La question leur a été posée :
Q.16 « Lorsque vous parlez en cours d'anglais le
professeur vous autorise-t-il à vous exprimer en une autre langue ?
Pourquoi ? » A cette question, nous avons obtenu six "OUI" et
dix-huit "NON". Respectivement 25% d'acquiescement à l'usage du
français au cours d'anglais et 75% de déni d'usage du
français au cours d'anglais. Mais il est difficilement envisageable dans
un contexte où 75% d'apprenants sont en faveur de l'usage du
français pendant les cours d'anglais que l'apprentissage se
déroulent dans les normes prescrites par les institutions et les
institutionnels. Nous avons voulu savoir ce qui en advient lorsque
l'élève
75
s'écarte de la norme en les interrogeant sur la Q19
suivante : « Si vous parlez votre langue maternelle ou le
français au cours d'anglais, comment réagit votre professeur ?
» A cette question toutes les réponses obtenues vont dans le
sens du rejet de la langue maternelle ou du français : « Il
réagit mal », « il vous demande de parler anglais »,
« il vous insulte », « il se met en colère », «
il vous punit », « il se fâche », « il gronde »,
« il interdit et nous rappelle que nous sommes au cours d'anglais »
« il me met dehors ».
L'observation que nous pouvons faire au final est que
l'apprentissage de l'anglais en classe se déroule dans une
atmosphère très controversée où la norme didactique
prescrite est rejetée par les apprenants dans une large majorité
et où les enseignants qui perçoivent ce rejet doivent adopter une
attitude d'écart aux prescrits pour se faire accepter, tout en exigeant
des apprenants qu'ils demeurent dans la norme. Une situation inextricable qui
contribue forcément à une construction d'une
représentation négative de l'apprentissage de l'anglais.
4.1.6. Les Représentations du
bilinguisme
La notion de bilinguisme prête à confusion dans
le contexte camerounais. Dans le chapitre 2 de ce travail nous avons
abordé la question du bilinguisme en essayant de présenter les
différentes étapes qui ont présidé à
l'élaboration de ce concept. En substance, le concept a connu plusieurs
étapes définitoires : « maitrise de deux langues comme
si elles étaient toutes les deux la langue maternelle » selon
Bloomfield (1935) ; « le bilinguisme commence lorsque l'individu peut
produire des énoncés ayant un sens dans une autre langue que sa
langue maternelle. » selon Haugen (1953) ; Pour Weinreich (1953)
« est bilingue celui qui possède au moins une des quatre
capacités (parler, comprendre, lire, écrire) dans une langue
autre que sa langue maternelle. »; D'après (Galisson et Coste
1976 : 69) c'est la « situation qui caractérise les
communautés linguistiques et les individus installés dans des
régions, des pays où deux langues et plus sont utilisées
concurremment ».
Le bilinguisme au Cameroun revêt une acception plus
politique qu'individuelle ou sociale. En effet, du fait de l'adoption d'une
politique de bilinguisme officielle qui reconnait dans la constitution le
français et l'anglais comme langue officielle d'égale valeur, on
en vient souvent à oublier qu'au-delà de ces deux langues, il en
existe d'autres chiffrées à plus de 250. Tout se passe alors
comme si les seules langues existant au Cameroun sont le français et
l'anglais. Il existe à ce sujet une expression bien connue chez les
camerounais francophones : « le Cameroun est un pays bilingue » qui
sonne comme une représentation collective. Nous avons voulu savoir
quelle est la perception du bilinguisme chez nos élèves en
évoquant cette
76
célèbre maxime au cours des entretiens que nous
avons eu avec eux. Une question leur était posée :
ENTR-1., 293, 295.
293/ Prof : ... Est-ce que vous connaissez l'expression le
Cameroun est un pays bilingue ? 295/ Prof : ça veut dire quoi quand on
dit que le Cameroun est un pays bilingue ?
ENTR-1.,
296/ Justine : C'est parce que on parle le français mais
aussi l'anglais.
297/ Stéphanie : Le Cameroun est bilingue parce que on
parle l'anglais et parle aussi le français.
298/ J-Stéphane : que au Cameroun on parle français
et on parle anglais.
299/ Rémi : Le Cameroun est bilingue parce qu'il parle
anglais et français et que lors de la colonisation il y avait
une partie consacrée aux français et l'autre aux
anglais
ENTR-2.,
174/ Lyne : Parce que au Cameroun il y a deux langues
officielles. Le français et l'anglais qui sont des langues de
communication faciles.
175/ Sarah : Le Cameroun est un pays bilingue parce que dans
l'histoire, avant que les anglophones et les francophones se mélangent,
ils étaient partagés. Il y avait l'anglais d'un coté et le
français de l'autre et comme les deux se sont mélangés
c'est pour cela qu'on dit que le Cameroun est un pays bilingue.
176/ Samuel : Le Cameroun est un pays bilingue parce qu'on parle
l'anglais et le français.
ENTR-3.,
113/ Josiane : Parce que le Cameroun a été
colonisé par les français et les anglais et qu'on parle
français et anglais au Cameroun.
114/ Junior : Parce que le Cameroun était d'abord deux
Etats. Etat français et Etat anglais.
115/ Hans : Pour moi ça renvoie au fait que le Cameroun
a deux langues officielles le français et l'anglais et il ne faut
seulement s'habituer à parler français alors qu'il y a l'anglais
à coté qui fait partie de ns langues officielles.
La notion est transmise aux élèves non pas comme
le fait de pratiquer deux ou plusieurs langues, mais plutôt comme le fait
de parler le français et l'anglais. En d'autres termes, utiliser le bulu
et le français ou encore le bulu,et le duala, ou encore le ngumba et le
français sont des attitudes qui ne sont pas tellement perçues
comme du bilinguisme. Cette perception du bilinguisme désormais
partagée par les élèves est fortement ancrée dans
la société camerounaise où elle s'est construite, et se
diffuse à partir des textes de lois et des médias officiels et
bien sûr à l'école.
77
4.1.6.1.Construction et diffusion des représentations
du bilinguisme
Les textes de lois
Les lois à portée linguistique font la part
belle aux langues officielles reléguant au second rang et parfois
faisant fi de l'existence des langues nationales. Elles contribuent ainsi
à construire des représentations qui consacrent une majoration
des langues étrangères et à une minoration des langues
locales. La loi fondamentale de la République du Cameroun est le cas le
plus typique de cet état de chose :
« Article 1er
3) La République du
Cameroun adopte l'anglais et le français comme langues officielles
d'égale valeur.
L'État garantit la promotion du bilinguisme sur toute
l'étendue du territoire.
Il oeuvre pour la protection et la promotion des langues
nationales. »
Les médias officiels et
l'école
La Cameroon Radio Television (CRTV) qui est l'Office national
de radio et télévision du Cameroun est le médium d'Etat.
C'est aussi l'un des moyens d'exécution de la politique de bilinguisme
énoncée dans la constitution. Dans les usages de cette chaine de
télévision et aussi à la radio, les informations qui sont
diffusées en français sont reprises en intégralité
en anglais. Il en est de même des discours du chef de l'Etat, des
conférences de presse et autres événements d'envergure
impliquant la vie de la nation. C'est dire que le bilinguisme que prône
l'Etat camerounais à travers ses instruments de politique linguistique
s'apparente à ce que Billiez (2007) désigne par bilinguisme
idéal, définit comme le passage d'un monolinguisme à un
autre. Dans le cas du Cameroun, le passage d'un monolinguisme LO1 vers un
monolinguisme LO2 ou vice versa. Blanchet parle d'un double monolinguisme.
C'est ce type de bilinguisme qui est également prôné dans
les écoles, qui cherchent à former des élèves
capables de mémoriser une LO1 et une LO2 de façon rigide ou
cloisonnée. Or comme nous le verrons plus loin, nos élèves
plurilingues pratiquent les langues à la façon des
sociétés multilingues en faisant des mélanges et en
articulant les langues les unes par rapport aux autres.
En bref, l'image du bilinguisme chez nos apprenants est celle
d'un pays où l'on parle deux langues, le français et l'anglais.
Cette représentation qui est fortement enracinée dans la
société camerounaise est prend sa source dans les textes
officiels et est relayée par les médias officiels et
l'école. Elle a pour conséquences la majoration des langues
étrangères officielles
78
et la minoration des langues nationales d'une part, et d'autre
part la promotion d'un bilinguisme rigide qui contraste avec les habitus des
sociétés multilingues.
Du recueil des représentations que nous venons
d'examiner on peut retenir que les représentations des langues chez nos
élèves sont à la fois favorables et défavorables
dépendant des rapports sociaux qu'ils entretiennent avec chaque langue
ou des avantages qu'ils tirent de chacune d'elle. On retient également
qu'il existe chez eux une conscience des variétés de l'anglais et
pas des autres langues étrangères (Nous verrons plus loin que ce
sentiment est lié au phénomène d'insécurité
linguistique). Enfin on a pu relever une perception fortement négative
des représentations sur l'apprentissage liée au rejet par les
apprenants de la norme didactique qui préconise la stricte
séparation des langues, ainsi qu' une perception réductrice du
bilinguisme véhiculée par les textes de lois, les médias
et l'école qui limitent le bilinguisme à la pratique de l'anglais
et du français dans une société où il existe
près de 300 langues.
4.1.7. L'anglais en contact avec le
français et les langues nationales
La description de l'environnement sociodidactique des
élèves que nous avons entrepris plus haut laisse voir que parmi
les langues de cet univers le français LO1 et les langues nationales
sont celles qui sont assez régulièrement en contact avec
l'anglais. Le contact des langues est une situation sociolinguistique dans
laquelle un individu ou une communauté linguistique utilise deux ou
plusieurs langues. Lorsque nous faisons le rapport des usages de ces trois
types de langues nous notons qu'au final le français représente
77% des usages de nos apprenants, les langues nationales représentent
19% et l'anglais 4%. Ces données ce présentent sous formes de
tableau et de graphique comme suit :
|
Domaines d'activités
|
Langues
|
Famille
|
Ecole
|
service publique
|
Eglise
|
Marché
|
Sport/Je
u
|
Radio /Tv
|
Musique
|
Langue mat.
|
19
79,17%
|
0
0,00%
|
0
0,00%
|
9
37,50%
|
4
16,67%
|
3
12,50%
|
0
0,00%
|
2
8,33%
|
Français
|
5
20,83%
|
24
100%
|
24
100%
|
14
58,33%
|
20
83,33%
|
21
87,50%
|
24
100%
|
16
66,67%
|
anglais
|
0
0,00%
|
0
0,00%
|
0
0,00%
|
1
4,17%
|
0
0,00%
|
0
0,00%
|
0
0,00%
|
6
25%
|
Total
|
24
100%
|
24
100%
|
24
100%
|
24
100%
|
24
100%
|
24
100%
|
24
100%
|
24
100%
|
79
Tableau 13 : Répartition
générale des usages des langues en présence chez les
élèves
Graphique 9: Repartition globale des
usages des
langues en présence chez les
4%
77%
19%
élèves
Langue maternelles
Français anglais
La coexistence des langues maternelles, du français et
de l'anglais attestent que nos apprenants vivent dans un environnement
multilingue et qu'ils sont véritablement des sujets plurilingues. On a
pu le constater à la Q.1 S.II : « quelles autres langues
pratiquez-vous ? » on se rend compte que chaque apprenant de
l'échantillon pratique au moins trois langues. Toutefois les langues de
leur environnement assument des fonctions inégalitaires dans leur
quotidien. Cette situation s'apparente à ce que Fishman (1967) reprenant
le terme de Fergusson (1959) a désigné par diglossie.
C'est-à-dire « ...toute situation, différente d'une
situation de bilinguisme, dans laquelle des langues différentes
coexistent sur un même territoire et se partagent des contextes
d'utilisation » selon une lecture de Bitjaa (2004 : 45). On
assisterait ainsi chez nos apprenants à une double diglossie :
Français- anglais et Français langue maternelles. Dans les deux
cas, le français se positionne comme une variété haute qui
bénéficie de tous les privilèges d'une langue dominante :
elle assume toutes les fonctions officielles et sert de moyen de communication
à large échelle dans toute la communauté estudiantine. A
l'opposé, bien que l'anglais bénéficie du même
statut, elle est une langue réduite à partager quelques fonctions
sociolinguistiques basiques avec les langues maternelles.
Le contact entre l'anglais et français, l'anglais et
les langues maternelles n'a pas qu'une incidence fonctionnelle. Dans le cadre
de la didactique des langues qui nous intéresse, on a pu noter en
observant une situation d'apprentissage et une situation d'évaluation
que la coexistence des langues chez nos apprenants a des conséquences
linguistiques, sociolinguistiques et culturelles qui peuvent constituer un
atout à la compréhension de leurs
80
représentations et à la motivation de leur
apprentissage. C'est l'examen de ces conséquences que nous allons
aborder dans cette deuxième partie de ce chapitre.
4.2. Observation des pratiques langagières en classe
d'anglais
Avant d'aborder les pratiques langagières proprement
dites, il nous parait important de situer le contexte qui a
présidé au recueil de ces pratiques. En effet, nous devons avouer
qu'après quelques mois de cours passé en M2R, nos
représentations de l'enseignement et de l'apprentissage de l'anglais
avaient changé car avant cela, nous appliquions la méthode qui
préconise l'usage exclusif de la langue enseignée. (cf. section
4.1.5.1.2.5. Représentations de l'apprentissage). Comme tout enseignant
soucieux du respect de la norme didactique, il nous arrivait alors
d'interrompre les apprenants au cours des leçons d'anglais lorsqu'ils en
venaient à s'exprimer en français, allant parfois jusqu'à
la punition pour les plus outrecuidants. Finalement nous avons compris que la
seule façon de faire émerger les représentations et les
pratiques par le discours était de laisser nos élèves
s'exprimer à leur guise sans les obliger à s'en tenir à la
norme pédagogique qui exige qu'ils s'expriment exclusivement en anglais,
mais en ajustant tout de même leurs écarts. Nous avons
pensé à un stratagème. Nous avons demandé à
nos apprenants de se renseigner auprès de leurs familles et de
préparer chacun une histoire sur un monstre mythique (ou réel)
connue dans leurs environnements respectifs. Chaque élève devait
alors présenter son histoire à la séance de cours
suivante. Cet exercice faisait suite à la lecture du poème grec
d'Homère traduit en anglais et écrit en prose intitulé
"The Odyssey". La section lue en classe racontait l'histoire d'Odysseus
(Ulysse), le leader grec qui va à la découverte d'un monstre le
cyclope. Le monstre est un géant qui vit de chair humaine et s'abreuve
de lait de moutons. Capturé par le monstre, Odysseus (Ulysse) et ses
gens doivent monter un plan pour s'en sortir. L'expression de nos
élèves au cours de cette leçon est contenue en annexe de
ce mémoire sous le titre Observation participante. Pour éviter
d'influencer les comportements de nos apprenants, nous avons adopté
l'attitude du locuteur masqué c'est-à-dire que nous nous sommes
fondu dans la leçon comme enseignant et sans informer nos
élèves au préalable de la conduite d'une recherche pour
recueillir ces données. Cette leçon nous a donné de
constater que nos apprenants pratiquent les langues à la façon
des sociétés plurilingues. C'est-à-dire qu'en marge des
situations formelles d'apprentissage, les métissages et les
mélanges de langues font partie de leur habitus linguistiques. Nous
avons réussi à faire émerger quelques uns de ces
phénomènes au cours de cette séance d'observation
participante et pendant les entretiens. C'est de la lecture de ces
différents phénomènes qu'il sera question dans cette
section.
81
4.2.1. Analyse de l'interlangue des
élèves
L'observation des pratiques langagières en classe de
langue anglaise est une étape importante dans notre analyse. Car elle
renseigne sur les mécanismes mis en oeuvre par les apprenants dans
l'acquisition de la langue et révèle comment
l'élève construit son système particulier de langue en
situation d'apprentissage de la L2. Ce que les chercheurs ont
désigné par interlangue de l'apprenant. En effet, pendant
longtemps on a pensé que l'apprentissage d'une L2 consistait en une
simple assimilation inconsciente des connaissances de celle-ci. Mais à
la fin des années 60, les chercheurs en analyse contrastive remettent en
cause cette façon de voir la relation apprentissage/acquisition d'une
langue étrangère. Corder (1967)21 le pionnier de ce
mouvement, postule à travers l'analyse des erreurs qu'il existe un
phénomène de transfert de la langue maternelle sur la
langue-cible qui explique que des erreurs soient propres aux non-natifs. Ce
principe qu'il désigne sous les appellations de compétence
transitoire (1967)ou encore dialecte idiosyncrasique(1971) sera plus tard
développé par Selinker (1972)22 qui décrit ce
qu'il appelle "interlanguage" comme
a latent psychological structure within which interlingual
identifications and the processes and strategies underlying second-language
learning are located f...I the latent psychological structure is actived after
puberty, whenever an individual attempts to express meaning in a second
language.23
Pour Selinker, la langue de l'apprenant est
indépendante et de la langue-source et de la langue cible. C'est un
système intermédiaire qui a ses propres caractéristiques
uniques. Ce n'est pas une langue avec des fautes, des erreurs ou des
altérations par rapport à la langue-cible. Elle se distingue de
la langue maternelle et désigne une langue apprise à un âge
adulte. Selinker énonce la théorie de l'interlangue comme un
système résultant de cinq processus cognitifs. (Dewaele 2003
:156):
- Un locuteur peut transférer certains
éléments, règles ou sous-systèmes de sa
première langue (« language transfer »).
- Il peut également transférer des
éléments liés à l'apprentissage de la langue-cible
(« transfer of training »).
- Certains éléments dans l'interlangue peuvent
être la conséquence de stratégies
d'apprentissage de la langue-cible (« strategies of second
language learning »).
21«The significance of the learners'
error»
22 "Interlanguage"
23 une structure psychologique
latente au sein de laquelle les identifications interlingues et les processus
et les stratégies sous-jacentes d'apprentissage de la langue seconde
sont situés [ ... ] la structure psychologique latente est
activée après la puberté , chaque fois qu'un individu
tente d'exprimer le sens dans une deuxième langue .
82
- D'autres éléments dans l'interlangue
résultent de stratégies de communication que les apprenants
adoptent lorsqu'ils parlent avec des locuteurs natifs dans cette langue-cible
(« strategies of second language communication »).
- L'interlangue peut finalement contenir des
éléments introduits au travers de stratégies de
surgénéralisation de certaines règles et aspects
sémantiques de la langue-cible (« overgeneralization of target
language linguistic material »).
La notion d'interlangue énoncée dans les
années 70 par Selinker regagne de l'intérêt dans les
années 90 avec l'apparition du plurilinguisme. Certains chercheurs comme
Klaus Vogel cité par Puren (1997) en font le bilan en revenant sur sa
définition et ses propriétés. Vogel (1995 :19)
définit l'interlangue comme « la langue qui se forme chez
l'apprenant d'une langue étrangère à mesure qu'il est
confronté à des éléments de la langue-cible, sans
pour autant qu'elle coïncide totalement avec cette langue cible.
». Parmi les propriétés qui sous-tendent cette
théorie, on distingue généralement : l'instabilité,
la perméabilité, la variabilité/la
systématicité, la simplification/la complexification.
L'instabilité : l'interlangue est un système
instable, qui change tout le temps et qui tend toujours vers la langue-cible.
C'est un système évoluant sans cesse vers la langue-cible.
La perméabilité : l'interlangue est un
système ouvert qui est affecté à la fois par la
langue-source et la langue-cible ainsi que toutes les autres langues
pratiquées par l'apprenant.
La systématicité : L'interlangue dispose d'un
fonctionnement qui repose sur un système de règles qui constitue
la structure interne de la langue. Mais contrairement aux langues naturelles,
les règles de ce système ne sont pas stables.
La simplification/complexification : Les sujets qui apprennent
une langue étrangère mettent généralement sur pied
un système de règles simplifiés par rapport aux
règles de la langue qu'ils apprennent. Ces règles se
complexifient au fur et à mesure de l'apprentissage.
Fossilisation : désigne le processus d'apprentissage au
cours duquel l'interlangue se fige et ne subit plus d'évolution.
L'analyse de l'interlangue de nos élèves
révèle que les principales langues qui entrent dans sa
distribution sont : la langue maternelle, le français, l'anglais et la
LVII (allemand et espagnol mutuellement exclusifs). Schématiquement nous
pouvons obtenir deux combinaisons :
83
- Interlangue des apprenants du cycle d'observation
6e, 5e qui ne pratiquent pas les LVII
- Interlangue des apprenants de 4e, 3e,
2nde, 1ère, Tle qui pratiquent les LVII
En tout état de cause, l'analyse de l'interlangue est
très utile dans le processus d'apprentissage/enseignement. Elle rend
compte de la manière dont procèdent les apprenants pour
acquérir une langue. Et même si elle ne permet pas une description
exhaustive des phénomènes liés à l'acquisition de
la langue-cible, elle renseigne l'enseignant sur les erreurs récurrentes
et les causes des erreurs chez les élèves qui apprennent la
langue-cible afin d'élaborer des stratégies de
remédiations adéquates. L'analyse de l'interlangue fait de
l'erreur
84
un maillon essentiel de l'apprentissage qui permet d'une part
à l'enseignant d'identifier les besoins de ses apprenants et de fixer
des objectifs à atteindre pour assurer l'évolution de leur
interlangue et éviter sa fossilisation et d'autre part à
l'élève d'évaluer le chemin parcouru, de
bénéficier d'une certaine autonomie dans la gestion de son
apprentissage et de déterminer le chemin qui reste à
parcourir.
4.2.2. Les conséquences du contact de
langues
Les études sur la coexistence de deux ou plusieurs
langues dans un même environnement indiquent que l'alternance codique et
le mélange des codes sont deux conséquences majeures de ces
phénomènes.
4.2.2.1. L'alternance codique
Gumperz (1982) définit l'alternance codique comme
« la juxtaposition à l`intérieur d'un même
échange verbal de passages où le discours appartient à
deux systèmes ou sous-systèmes grammaticaux différents
».C'est un phénomène du contact des langues qui
paraît lorsqu'une personne fait usage de plusieurs langues dans un
même énoncé. Pendant longtemps, l'alternance codique a
été considérée comme la manifestation du manque de
maitrise d'une des deux langues utilisées. Et son emploi en classe de
langue comme une pierre d'achoppement à l'apprentissage. De nombreuses
recherches menées sur le sujet depuis quelques années ont
démontré que cette notion revêtait une importance majeure
dans l'apprentissage des langues. Abondant dans ce sens, Maria Causa
citée par Sabine Ehrhart (2002) affirme que
la réalité montre que l`alternance codique
employée par l`enseignant est une pratique naturelle conforme à
toute situation de communication de contact de langues. Cette pratique
langagière ne va pas non plus à l`encontre des processus
d`apprentissage: elle constitue au contraire un procédé de
facilitation parmi d`autres. L`alternance codique doit donc être
considérée comme une stratégie à part parmi les
stratégies d`enseignement.
Dans le souci de démontrer que l'alternance codique
n'est pas un phénomène agrammatical ou aléatoire, Poplack
(1980)24 a mené une étude sur le bilinguisme
espagnol/anglais chez les portoricains à New York. A l'issue de cette
étude, il a élaboré une typologie dite de l'alternance
fluide constituée de trois types isolés :
L'alternance extra-phrastique, l'alternance inter-phrastique et
l'alternance intra-phrastique.
24 Poplack, Shana (1980) Sometimes I'll start a
sentence in Spanish y termino en español: toward a typology of
code-switching. Linguistics 18: 581-618
85
- L'alternance extra-phrastique : se manifeste au cas
où on introduit les marqueurs du discours, les interjections, des
expressions idiomatiques, des proverbes.
- L'alternance inter-phrastique : Elle porte
généralement sur des phrases entières et se manifeste
généralement à la frontière d'une phrase ou d'une
proposition.
- L'alternance intra-phrastique se produit à
l'intérieur d'une même phrase.
Poussant plus loin dans sa recherche, Polack se rend compte en
étudiant le même phénomène chez les locuteurs
d'Ottawa Hull que le procédé d'alternance s'exprime
différemment. Plutôt que d'alterner l'anglais et le
français de façon fluide et automatique, les français
canadiens attirent plutôt l'attention sur l'alternance. Il distinguera
ainsi quatre types d'alternance codique de cette nature :
- Alternance de type1 suggère le mot juste
- Alternance de type2 est un commentaire
métalinguistique
- Alternance de type3 est une alternance balisée qui
attire l'attention sur l'alternance
- Alternance de type4 fournit une explication,
répétition, une précision, une traduction.
L'alternance codique est l'un des phénomènes du
contact des langues que nous avons observé chez nos apprenants :
Elève 1., 3-12
21. Teacher: Where is your village located?
22. Student1 : in départment de la
Menoua.
23. Teacher : In Menoua division. That's what we say in
English. So the monster in your village is Akpara is that?
24. Student1 : Yes sir.
25. Teacher : How is Akpara ?
26. Student1 : He bok a mask.
27. Teacher : He bok ? What is bok?
28. Class: [rire des élèves...quelques-uns
chuchotent «francamglais»J
29. Student1 : [fait un signe de la main sur la
figure]
30. Teacher : Not bok, wears. He wears a mask.
24. Teacher: He dances very well. Is that all?
25. Student1 : No. Euh He is very
watt.
26. Teacher : He is very
27. Student1 : Watt...blanc
86
Elève 2., 51-52
50. Teacher : You said Flapajou is a big monster with red
hair. What about his face. How does it look like?
51. Student2 : He has a mask with the
pic...the corne.
Elève 4., 71, 75-77
71. Student4 : The monster of my village is Nkuissier. She
is big.
75. Student4 : He is hungry...ugly.
76. Teacher : Hungry or ugly?
77. Student4 : Ugly...laid.
Elève 5.,
86. Student5 : Kembê is a snake the head is
cot /c?t/... [rires dans la classe]...cock... la chèvre. [les
élèves rient de plus en plus]
87. Teacher : The head is...
88. Student5 : cot and snake...cot cot la
chèvre.
89. Teacher : it is goat... goat. The head is goat and the
body is snake. Ok.
90. Student5 : He lives das forest.
91. Class: [rires...quelques élèves
murmurent]...das c'est déjà l'allemand.
92. Teacher : He lives in the forest.
93. Student5 : He kill the woman when the woman go to find
the firewood.
94. Teacher : So the only characteristic of
kèmbê is that one part is snake and another is goat.
95. Student5 : Yes, yes, das this. He has four eyes.
Four big eyes.
L'observation du corpus ci-dessus révèle que
l'alternance codique chez nos élèves concerne le français,
l'anglais, le camfranglais et la LV2. Dans les phrases, les
élèves introduisent des mots du français, de l'allemand ou
encore du camfranglais en alternance avec des mots anglais. Mais le
phénomène semble ne pas s'opérer de la même
façon avec toutes les combinaisons linguistiques. Tandis que dans les
situations anglais/camfranglais et anglais/allemand l'alternance parait fluide,
dans la situation anglais/français elle est plutôt balisé.
Ce qui nous laisse penser que le phénomène d'alternance codique
en classe de langue anglaise est à la fois fluide et balisé.
87
4.2.2.1.1. Alternance Fluide
Poplack (1988 :25) caractérise l'alternance fluide en ces
termes :
...l'alternance s'effectue de façon fluide,
c'est-à-dire, sans heurt ni transition. L'alternance typique n'est ni
précédée ni suivie de pause ni d'hésitation, elle
n'est pas une traduction ni une répétition de ce qui la
précède dans l'énoncé, et plus important encore,
aucun effet rhétorique n'est obtenu par une alternance donnée. Le
locuteur n'y attire pas l'attention, et son auditeur n'est donc pas
obligé de reconnaître l'alternance ni de la ratifier.
Dans notre corpus nous avons remarqué la
présence d'alternance inter-phrastique dans les situations :
Exemples :
Anglais/camfranglais
31. Student1 : He bok a mask.
Elève1: il porte un masque
28. Student1 : No. Euh He is very
watt.
Elève1 : Non il euh... il est très brun
Anglais/allemand
90. Student5 : He lives das forest.
Elève5: il vit dans la forêt
95. Student5 : Yes, yes, das this. He has
four eyes. Four big eyes
Elève5: Oui, oui c'est ça. Il a quatre yeux.
Quatre gros yeux.
Dans l'un et l'autre cas, l'alternance intègre
parfaitement la structure syntaxique avec laquelle elle finit par se
confondre.
4.2.2.1.2. Alternance balisée
L'observation de notre corpus semble confirmer
l'hypothèse de Poplack selon laquelle
afin que l'alternance atteigne son but discursif chez les
francophones, il faut qu'elle soit saillante, ou comme nous l'avons
qualifiée ailleurs, signalisée ou balisée ('flagged') dans
le discours, pour qu'elle ne passe pas inaperçue. Comme sous-produit de
cette stratégie, le débit de parole est interrompu à
la
frontière de l'alternance, ce qui rend superflue une
condition syntaxique de grammaticalité.
Les alternances dans la situation anglais/français sont
mises en exergue par un
processus d'insistance ou comme il le fait remarquer par une
interruption à la frontière.
29. Student1 : Watt...blanc
Elève1 : Blanc...blanc
52. Student2 : He has a mask with the
pic...the corne.
Elève2: il porte un masque avec un `pic'...corne.
78. Student4 : Ugly...laid.
Elève4 : laid...laid
86. Student5 : Kembê is a snake the head is cot
/c?t/... [rires dans la classe]...cock... la chèvre.
[les
élèves rient de plus
Elève5 : Kèmbê est moitié serpent
avec la tête de `cot'...[rires dans la
classe]...'cock'...chèvre.[les élèves rient de plus en
plus]
90. Student5 : cot and snake...cot, cot la
chèvre.
Elève5: `cot' et serpent...'cot', `cot' la
chèvre.
Les alternances balisées anglais/français se
présentent comme un processus du discours au cours duquel les apprenants
recherche le mot juste (exemples 52, 86) ou encore tente de
répéter, d'expliquer, de préciser ou de traduire un mot.
(exemples 29,78, 90).
Dans ce contexte, l'alternance codique ne saurait être
comprise comme un manque de maitrise dans l'une des deux langues mais plus
comme une stratégie d'apprentissage des langues dans un environnement ou
plusieurs langues coexistent. Les élèves en usent pour dire ce
qu'ils pensent d'un sujet précis quand ils ne trouvent pas de mots pour
exprimer leurs idées dans la langue cible. Elle favorise l'interaction
entre professeur et élèves, permet de rompre les silences
créés par les classes monolingues et d'éviter les
monologues aux enseignants souvent obligés de s'exprimer tout seuls en
pareilles circonstances. Les alternances codiques ne sont cependant pas les
seules conséquences du contact des langues qu'utilisent les apprenants
en classe de langue anglaise. Ils ont également recours aux
mélanges codiques.
4.2.2.2. Les mélanges codiques
Les mélanges codiques sont un phénomène
ordinaire dans toutes les sociétés où les langues sont en
contact. En général le mélange codique renvoie à
l'emploie par un locuteur dans sa langue maternelle des mots ou tournures
appartenant à une autre langue que celle-ci. Parmi les aspects du
mélange des codes on distingue les interférences, les emprunts,
le calque, les hybridations, les transferts ce sont ces
phénomènes dont nous allons rechercher l'existence dans les
pratiques langagière de nos apprenants dans cette autre section.
88
4.2.2.2.1. Transferts et interférences
89
Transferts et interférences sont des notions assez
confuses. Toutefois nous essaierons dans cette section de les élucider
avant d'examiner à la lumière de notre corpus comment elles
s'appliquent à une situation d'apprentissage. Le transfert est un
phénomène du langagier qui consiste à transférer
des structure d'une langue dans une autre langue. Brezinova (2009 :7)
définie le transfert comme « ...la transmission des habitudes
langagières d'une langue vers une autre langue ». Le transfert
peut être positif ou négatif. On parlera de transfert positif
lorsque le transfert s'opère sans erreurs et adhère à la
structure de la langue-cible. Par contre, lorsque le transfert provoque des
erreurs, on parle de transfert négatif. Le transfert négatif est
assimilé aux interférences car il représente une forme
erronée de la langue-cible. Hamers et Blanc (1983 :451)
définissent l'interférence ainsi : «
"Interférence, en didactique de la seconde langue désigne des
problèmes d'apprentissage dans lesquels l'apprenant transfère le
plus souvent inconsciemment et de façon inappréciée des
éléments et des traits d'une langue connue dans la langue cible
».
4.2.2.2.2. Typologie des interférences
Selon la nomenclature de Calvet ( 2009 :11) on peut distinguer
trois types d'interférences : les interférences phoniques, les
interférences syntaxiques et les interférences lexicales.
- Les interférences phoniques
:
Elles se manifestent à l'oral et résultent de
systèmes phonétiques et /ou phonologiques différents des
deux langues. Elles peuvent aussi être causées par la
proximité phonique et sémantique des unités lexicales. On
retrouve deux exemples dans notre corpus d'observation participante:
Mot anglais
|
Erreur relevée
|
Correction en API
|
Origine de l'erreur
|
Eyes
|
[ai] ou [oej]
|
[aiz]
|
Usage de la prononciation française du terme
français `oeil' [oej]
en pensant à son équivalent anglais
`eye' [ai] ou encore omission de [z]
en prononçant [ai] au lieu de [aiz]
|
Goat
|
[k?t]
|
[g?ot]
|
Usage de la consonne [k]+ voyelle[?]
au lieu de [g] + [?o]
|
Tableau 14 : quelques exemples interférences
phoniques anglais-français
- Les interférences
syntaxiques
« Les interférences syntaxiques consistent
à organiser la structure d'une phrase dans une langue B selon celle de
la première langue A ». Ces interférences sont
courantes chez nos
apprenants et résultent des structures
héritées soit de la langue maternelle soit de la LO1 surtout de
la variété camerounaise du français elle-même
influencée par les langues maternelles. A titre d'exemple, nous avons
remarqué la préférence chez les élèves des
constructions possessives probablement issues de leur LM ou LO1 en substitution
de constructions copulatives ou transitives plus usuelles en LO2
OBS-P.
Constructions possessives de la LM/LO1 Constructions
copulatives/ transitives LO2
41. He has a black body.
Il - constr-poss. - avoir un corps noir He
is dark-skinned.
Il a un corps noir Il - Vcop-être- noir
Il est noir /
50. He has a mask
Il - constr-poss-avoir un masque Il a un masque
98. I don't have a monster
Je - constr-neg-poss-avoir un monstre Je n'ai pas un monstre
100. I have Jean Biveusseu
Je - poss - avoir Jean Biveusseu J'ai Jean Bivesseu
111. ...Jean Biveusseu has one foot.
Jean Biveusseu - constr-poss-avoir un pied Jean Biveusseu a un
pied
He wears a mask
Il -V trans-porter - un masque
Il porte un masque
I don't know about a monster
Je - neg-Vtrans-connaitre - un monstre Je ne connais pas une
histoire de monstre
100. I know about Jean Biveusseu
Je -Vtrans-connaitre - Jean Biveusseu Je connais l'histoire de
Jean Biveusseu
111. Jean Biveusseu is one-legged.
Jean Biveusseu - Vcop-être - unijambiste
Jean Biveusseu est unijambiste/estropié/boiteux.
90
Un locuteur natif pourrait considérer ces constructions
nominales produites par les apprenants de l'anglais comme erronées mais
la réalité est que celles-ci sont porteuses de significations
culturelles et sociales comme nous le verrons supra.
- Interférences
lexico-sémantiques
Les interférences lexico-sémantiques concernent
l'usage des mots apparentés mais qui ont un sens différents d'une
langue à une autre. Dans cette catégorie Calvet classe les
faux-amis, les néologies et les mots traduits littéralement.
Quelques exemples tirés de notre corpus :
OBS-P.
91
16. Student1 : he bok big clothes.
`il s'habille cher'
50. Student2 : He has a mask with the
pic...the corne.
`il porte un masque avec une
pointe...une corne'
72. Student4 : He is big, black, his hair... he are a
rasta. He are hungry.
`Il est grand, noir, ses cheveux...Il a des mèches
rasta. Il a faim
74. Student4 : He is
hungry...ugly.
`Il a faim.....laid.'
L'observation de ce corpus nous donne de constater les
écarts de sens entre certains termes. Ainsi
`big' dans la langue cible ne porte plus le sens de
`grand' mais plutôt de `cher'
ou de `de valeur'. Le mot
`pic' est utilisé par l'élève
pour désigner la nature pointue de la `corne' alors que
ce mot veut dire autre chose en anglais (un type de film). Le terme
rasta qui désigne un membre de la
communauté rastafari en anglais est utilisé pour désigner
le type de coiffure semblable à celle arborée par les personnes
de cette communauté. Or le mot juste est
dreadlocks ou simplement
locks. Enfin la ressemblance entre
hungry et ugly joue un mauvais tour
à l'apprenant qui se doit de choisir le terme approprié.
- Interférences, société et
culture
Une lecture plus profonde de l'interférence chez nos
apprenants dévoile que c'est un phénomène biface où
l'on retrouve toujours deux aspects l'un linguistique et l'autre social.
L'aspect social de l'interférence, qu'on peut appeler culture, est
implicite, couvert par l'aspect linguistique. La culture de
l'élève s'invite dans la langue sous les traits phoniques,
syntaxiques et lexico-sémantique.
- Présence de traits culturels dans le système
phonique : elle se révèle généralement dans la
manière de prononcer les mots. La prononciation des élèves
et (même des enseignants) dans ce contexte est très
influencée par l'origine de l'apprenant et surtout par la
présence ou l'absence de certain sons dans leurs systèmes
phoniques. On remarque par exemple qu'en général les camerounais
ne prononcent pas aisément les phonèmes /A/ qu'ils
transforment en /a/ ou /Acents/. Ainsi, les mots
`cat'`have' `bad' sont toujours prononcés /kat/
/hav/ /bad/ au lieu de /kAt/ /hAv/ /bAd/. Les langues
camerounaises n'admettant pas le son /A/ ce dernier est tout de suite
modifié par le plus proche dans le système vocalique. De
92
même, on remarquera entre les anglophones et les
bilingues francophones (constat fait au cours de nos observations chez les
enseignants) que tandis que les bilingues francophones s'évertuent
à prononcer correctement les phonèmes /'/ et
/i:/ ou encore la combinaison /??n/,
les locuteurs anglophones les remplacent
systématiquement par /a/ ; /i/ et / ??n/. Ainsi, les mots `teacher'
`Peter' `imagination' `mission' seront prononcés comme suit :
Mots
|
Prononciation d'origine
|
Bilingue francophone
|
Anglophone
|
Peter
|
/p??t?(r)/
|
/ p??t?r /
|
/pita /
|
Teacher
|
/t??t??(r)/
|
/ t??t??r /
|
/tit?a/
|
Imagination
|
/?mæd??'ne??n/ /?mæd??'ne???n/
|
/ imad?i'ne???n /
|
/imad?i'ne???n/
|
Mission
|
/m??n/ /m???n/
|
/ mi??n /
|
/mi??n/
|
Tableau 15 : comparatif des
prononciations
A partir de ces éléments, on peut constater que
selon qu'on appartient à un groupe social (Francophone/ anglophone) ou
à une communauté linguistique on porte avec soi les traits de sa
culture dans son discours. Les interférences peuvent permettre de
révéler l'identité de l'apprenant.
- Présence de traits culturels dans les structures
morpho-syntaxiques
On retrouve aussi les traits culturels dans les structures
morphosyntaxiques. A ce sujet, les exemples que nous avons libellés plus
haut en parlant de structure syntaxiques sont très édifiants. En
effet on peut supposer que la préférence des structures nominales
possessives par les apprenants s'explique par le fait que leur langues
maternelles accordent plus d'importance aux notions d'appartenance et de
possession contrairement à la LO2 dont la préférence pour
les structures copulatives semble s'expliquer par l'importance accordée
à la description.
Les interférences constituent à
côté des alternances codiques l'autre processus majeur de
production des conséquences du contact des langues. Mais si l'alternance
codique se présente ici comme un phénomène conscient
où l'apprenant a l'assurance de l'exactitude de son discours et cherche
à le faire savoir ou approuver, l'interférence elle se
présente comme un processus inconscient ou l'apprenant ne
soupçonne même pas d'erreur dans ses usages.
93
En marge de ces conséquences majeures du contact de
langues il en existe de moins visibles mais tout aussi important.
- Les emprunts
On parle d'emprunt lorsque qu'un élément
provenant d'une langue-source intègre une langue-cible. Ngalasso (2001)
cité par Nzessé dit qu'il s'agit «
d'éléments qui passent d'une langue à une autre,
s'intègrent à la structure lexicale, phonétique et
grammaticale de la nouvelle langue et se fixent dans un emploi
généralisé de l'ensemble des usagers, que ceux-ci soient
bilingues ou non ». On peut relever dans cette citation deux aspects
essentiels : primo, l'emprunt est bien évidemment une conséquence
du contact des langues. Secundo, l'emprunt concerne les éléments
qui partent d'une langue-source et qui sont reconnus désormais comme
appartenant à la langue cible.
Nous n'avons pas trouvé assez de termes de cette nature
dans le corpus de nos apprenants. Il est possible que compte tenu de leur
niveau d'apprentissage nos élèves ne soient pas rassurés
de l'authenticité des termes qu'ils pourraient emprunter au
français pour s'exprimer en anglais. On retrouve ce manque d'assurance
chez l'élève qui utilise le mot `abandonner' en
le prononçant comme un mot français.
OBS-P.
45. Student2 : This monster lives in the forest. The
people abandonné the forest.
46. Class:[rires...J
47. Teacher : people abandoned the forest.
Why?
Par contre, il existe dans la transcription des ethnonymes et
toponymes qui traduisent les réalités locales des
communautés dans lesquelles les apprenants vivent et qui
intègrent la langue comme telles. Entre autres on peut repérer
:
Ethnonymes
|
Sens
|
Toponymes
|
Sens
|
Akpara
|
|
|
Un département dans la région de
|
|
Nom de monstre
|
Menoua
|
l'Ouest
|
Flapajou
|
|
|
Un arrondissement de la région du
|
|
Nom de monstre
|
Zoetele
|
sud
|
Kokolo
|
Nom de monstre
|
Menyina Un village du sud Cameroun
94
Menguilingui Nkuissier
Kèmbê
|
Nom de monstre
Nom de monstre Mbankuoup Un village de l'Ouest
Nom de monstre Foumbot Unité administrative dans
l'Ouest
|
Jean Biveusseu
|
Personne horrible Makak
|
Un arrondissement de la région du Centre
|
- Les calques
Les calques sont plus récurrents chez nos
élèves. Ils impliquent souvent la traduction mot à mot ou
littérale de structures syntagmatique ou syntaxique de la langue source
(LM ou de LO1) vers la langue-cible (LO2).
OBS-P.
28. Student1 : When people dance he sow a banana. Banana
pousse now now.
29. Class: [rires dans la classe... Certains élève
répète `pousse now now now' en
riant.]
L'expression "now now now" qui est utilisée par
l'élève provient de l'expression `là là
là' du français camerounais qui veut dire
`tout de suite et sur le champ' . On entend souvent
dire :
Je veux mon argent là là
là.
Je veux mon argent tout de suite et sur le champ.
Nous avons trouvé quelques exemples de calques dans les
quelques copies faisant partie de notre échantillon :
*She loven't not the problems
Elle n'aime pas les problèmes
*My father is the person formidable
Mon père est la personne formidable
- Autres formes d'hybridations
95
Elles consistent en la transformation de mots issus d'autres
langues en leur assignant une consonance ou une forme semblable aux mots
anglais. Ces formes qui concernent toutes les langues de l'école en
contact avec l'anglais s'obtiennent par différentes techniques :
- On cherche à donner une configuration anglaise au
terme en conservant son orthographe
- On ajoute un suffixe ou un préfixe de l'anglais à
un mot français
- On conserve le mot tel qu'il est et on le prononce en
anglais
OBS-P.
28. Student1 : When people dance he sow a banana.
Banana pousse now now.
43. Student2 : This monster
habité in the forest.
45. Student2 : This monster lives in the forest. The
people abandonné the forest.
76. Student4 : Ugly...laid. His clothes are white. He
effraying the people in the
bosquet.
4.2.3. L'insécurité
linguistique
Pour terminer cette partie de notre recherche, nous allons
aborder la notion d'insécurité linguistique pour rendre compte de
la perception qu'ont les élèves de leur pratique de l'anglais.
Mais avant cela nous examinerons de la notion de l'insécurité
linguistique. La majorité des recherches effectuées en
sociolinguistique situent l'origine de la notion d'insécurité
linguistique aux travaux de Labov25 qui étudia en 1966 la
stratification sociale des variétés linguistiques chez les
newyorkais à partir du phonème /r/. Labov observait
l'écart entre ce qu'ils croyaient prononcer et ce qu'ils
prononçaient réellement pour en déduire la présence
d'une insécurité linguistique. En sus, il remarqua que le
sentiment d'insécurité linguistique était plus
poussé dans la petite bourgeoisie où les membres
s'efforçaient d'adopter les comportements linguistiques des classes
dominantes pour faire la différence d'avec d'autres classes. D'autres
travaux tels que ceux de Trudgill (1974), qui observe les manifestations
d'insécurité linguistique chez des locuteurs féminins de
Norwich en Grande-Bretagne ou encore Bourdieu, qui commente et explique
promptitude des femmes à adopter la langue légitime, s'en
suivront.
Plusieurs définitions ont été
attribuées à cette notion. Pour Francard,
l'insécurité linguistique est « la manifestation d'une
quête de légitimité linguistique, vécue par un
groupe social dominé, qui a une perception aiguisée tout à
la fois des formes linguistiques qui attestent sa
25 William Labov, The Social Stratification of
English in New York City Department Stores, Washington, D.C., Center for
Applied Linguistics, 1966, 485 p.
96
minorisation et des formes linguistiques à
acquérir pour progresser dans la hiérarchie sociale. »
(Francard, article « Insécurité linguistique », in
Moreau, 1997, pp. 171-172). D'après Calvet (2009 :47) :
« on parle de `sécurité linguistique'
lorsque, pour des raisons sociales variées, les locuteurs ne se sentent
pas mis en question dans leur façon de parler, lorsqu'ils
considèrent leur norme comme la norme. À l'inverse, il y a
insécurité linguistique lorsque les locuteurs considèrent
leur façon de parler comme peu valorisante et ont en tête un autre
modèle, plus prestigieux, mais qu'ils ne pratiquent pas. »
En d'autres termes, l'insécurité linguistique
est le sentiment de peur d'être jugé qu'éprouve une
personne ou un groupe social lorsqu'elle/il parle, écrit lit ou
simplement pratique une langue en situation de communication exolingue. Ce
sentiment, nous l'identifions dans le discours épilinguistique tout au
long de notre description des représentations des langues en
présence et dans les habitus scolaire de nos élèves dans
l'observation de leurs pratiques langagières en classe. Il se manifeste
à trois niveaux : au niveau global, communautaire et individuel.
- Au niveau global, on peut lire l'insécurité
linguistique à travers la dévalorisation du français par
rapport à l'anglais. En effet, au cours de notre enquête on a pu
remarquer que les élèves bien qu'ils nourrissent plus de
représentations négatives pour l'anglais que pour le
français, accordent explicitement le statut de langue de communication
internationale et de langue d'opportunité d'emplois à l'anglais.
Ce qui n'est pas le cas avec le français. Pour eux, le français
reste l'hyperlangue au niveau national et l'anglais au niveau international.
- Au niveau communautaire, on a pu constater qu'il existe chez
les apprenants une conscience des variétés de l'anglais. Les
trois variétés reconnus sont : l'anglais britannique, l'anglais
camerounais et l'anglais américain. Dans leur perception des
variétés de l'anglais, l'anglais britannique représente la
norme linguistique qu'ils ne possèdent pas. C'est un idéal
inatteignable pour 46,66%. D'où la préférence de la
variété camerounaise par 53,34% des apprenants. Cette
préférence est révélatrice d'un autre fait notable
au niveau communautaire : la stigmatisation de l'anglais camerounais face
à l'anglais britannique. Tandis que l'anglais britannique apparait comme
l'anglais du " bon usage", l'anglais camerounais est considéré
comme une forme moins légitime stigmatisée pour son
mélange d'avec le pidgin-English. Il devient pour les apprenants qui se
sentent en insécurité linguistique un refuge identitaire pour
d'aucuns et moyen d'accès à une compréhension plus facile
de l'anglais pour d'autres.
97
- Au niveau individuel, on retrouve la marque de
l'insécurité linguistique dans la perception que les apprenants
ont de leur niveau de compétence. L'évaluation du niveau de
compétence varie selon qu'il s'agit du questionnaire ou de l'entretien.
Dans les questionnaires, 33,33% d'élèves évaluent
négativement leur niveau de compétence en anglais et 66.67%
l'évalue positivement. Au cours des entretiens 46,67% des
élèves évaluaient leur niveau de compétence
positivement et 53,33% négativement. La surévaluation dans les
questionnaires et la dévaluation au cours des entretiens du niveau de
compétence dénote un manque d'assurance chez les
élèves quant à leur niveau de compétence
réel et donc une évidence supplémentaire de
l'insécurité linguistique.
Il existe d'autres formes de manifestations de
l'insécurité linguistique sur le plan individuel :
- L'hypercorrection
Calvet dit que c'est « croire qu'il y a une
façon prestigieuse de parler sa langue implique, si l'on ne pense pas
posséder cette façon de parler, qu'on tente de
l'acquérir. » Ainsi, les
élèves cherchent à produire des énoncés
conformes à la norme
mais s'en éloigne comme nous l'avons observé
dans certaines interventions comme dans l'exemple ci-dessous :
86. Student5 : Kembê is a snake the head is
cot /c?t/... [rires dans la classe]...cock... la chèvre.
[les
élèves rient de plus
Elève5 : Kèmbê est moitié serpent
avec la tête de `cot'...[rires dans la
classe]...'cock'...chèvre.[les élèves rient de plus en
plus]
90. Student5 : cot and snake...cot, cot la
chèvre.
Elève5: `cot' et serpent...'cot', `cot' la
chèvre.
Les camarades de cet élève rient de lui parce
qu'ils comprennent qu'il s'éloigne de la norme tandis que lui
s'entête dans une prononciation erronée qu'il estime être la
norme. .
- La dépréciation de son propre
parler
Les élèves que nous avons interrogés ont
une conscience de l'écart qui existe entre la langue qu'ils parlent et
le parler légitime (Ang Brit.). L'Angl. Brit. est valorisé
à travers l'image que les apprenants se font des locuteurs. Ils parlent
vite ; ils parlent couramment leur langue ; ils parlent bien. Ils utilisent
d'ailleurs un terme du camfranglais pour le dire de façon original : ils
"whitisent"/waitiz/. A l'inverse ils
dévalorisent leur idiolecte :
98
ENTR-1., 219-220 ; 228-231
219/ Justine : Ils parlent couramment leur langue. Et que leur
anglais et notre anglais n'est pas la même chose. 220/ Prof : Quel est la
différence ?
221/ Justine : dans notre anglais on ajoute le pidgin.
228/ Stéphanie : Les anglais, ils parlent couramment
leur langue mais ils Whitisent /waitiz/ souvent. 229/ J-Stéphane : Ils
parlent vite. On ne peut pas comprendre ce qu'ils disent. Les américains
aussi. 230/ Lysie : Ce que je sais des anglais c'est qu'ils parlent bien leur
langue.
231/ Rémi : Ce que je sais des anglais et des
américains c'est qu'ils parlent couramment l'anglais...
- Les silences
Les silences sont une autre manifestation de
l'insécurité linguistique chez les élèves.
L'élève qui essaye de s'exprimer ne trouve subitement plus de
mots et arrête de s'exprimer. Ou alors pendant sa prise de parole,
l'élève qui est questionné continuellement par son
professeur s'interrompt subitement et ne trouve plus de mots.
- Le mutisme
Nous faisons un distinguo entre les silences et le mutisme.
Dans le cas du mutisme, l'élève assiste au cours d'anglais sans y
participer. Il est silencieux, ne dit rien du tout. Lorsqu'il est
interrogé par le professeur, il se lève par politesse mais ne dit
mot. Le mutisme dénote souvent soit d'un manque de confiance en ses
compétences soit d'une peur de la réaction de la classe au cours
de l'interaction.
En somme l'insécurité linguistique est un
sentiment fortement ancré dans les comportements langagiers de nos
élèves. C'est l'expression du désir de perfection des
élèves dans l'apprentissage d'une part et aussi l'expression du
malaise qu'ils éprouvent face à l'acquisition de l'anglais
d'autre part. Lequel malaise résulte de la prééminence des
représentations négatives dans leur perception de cette langue et
de l'application de méthodes d'apprentissage inadéquates en
classe de langue.
Dans cette partie de notre recherche, nous avons
procédé à la description des représentations des
langues qui constituent l'univers sociodidactique de nos élèves.
Cette description nous a permis de voir quelles sont les images que les
apprenants se forgent des langues en présence dans leur environnement.
Il en ressort que les représentations des langues chez les
élèves du lycée d'Ebolowa sont de types antagonistes,
d'aucunes favorables et d'autres défavorables à l'égard
des langues qu'ils apprennent. En ce qui concerne l'anglais, ils
éprouvent beaucoup de considérations et d'admiration pour cette
langue à cause de sa notoriété internationale et des
avantages socio-économiques qu'elle octroie et d'autre part ils
99
éprouvent un sentiment de frustration aux vues des
difficultés qu'ils rencontrent dans son apprentissage. Au-delà de
la description des représentations, nous avons pu démontrer que
dans leurs habitus d'apprentissage, les élèves prennent appui sur
les marques transcodiques (mélanges de langues, interférences,
alternance de code etc.) pour surmonter les difficultés d'apprentissage
ce qui nous a permis de déterminer quel est l'interlangue de nos
apprenants et d'appréhender le concept d'insécurité
linguistique chez nos apprenants.
100
Chapitre 5 : Discussion autour des résultats
obtenus
Nous terminons notre recherche par la discussion des
résultats obtenus. En effet, l'analyse des questionnaires, des
entretiens passés auprès de nos apprenants et des observations de
classe que nous avons confrontées à plusieurs travaux de
recherche, nous amènent à poser un certain nombre de remarques
à la suite desquelles nous allons faire des propositions qui vont dans
le sens de la motivation et de l'amélioration de l'apprentissage des
langues chez nos élèves.
5.1. Corrélation apprentissage et fonction
utilitaire de la langue
Le premier point essentiel que révèle ce travail
est qu'il existe une corrélation entre l'apprentissage d'une langue et
l'intérêt que les apprenants portent à cette langue. En
d'autres termes, pour s'intéresser à apprendre une langue les
élèves se poseraient la question de savoir quelle est
l'utilité d'apprendre cette langue dans leur environnement
sociodidactique. La fonction utilitaire de la langue peut être
immédiate (proche) ou lointaine.
Lorsque la langue présente une fonction utilitaire
immédiate, les apprenants se montrent favorables à
l'apprentissage, ils développent des représentations positives
qui influent positivement sur l'apprentissage. La fonction utilitaire
immédiate d'une langue est une motivation suffisante pour impulser
l'apprentissage d'une langue chez les élèves. Ce constat nous
l'avons fait avec le latin chez les enfants de sixième. Il est
clairement établi chez ces enfants que le latin est une langue qui leur
permet d'appréhender la langue française. Ils en sont conscients
d'où l'intérêt qu'ils portent à cette langue. Cette
conscience de la fonction utilitaire proche d'une langue s'applique aussi au
français qui devient une langue de plus en plus usuelle chez les
apprenants au point où une double diglossie LO1 langue haute - LO2
langue basse ; LO1 langue haute - LM langue basse s'est installée dans
la communauté linguistique. L'espagnol est une autre illustration d'une
langue à fonction utilitaire proche. En tant que "langue du pays
voisin" elle suscite de l'intérêt. En effet depuis la fin des
années 90 la Guinée Equatoriale est devenue un pays producteur de
pétrole ce qui fait de lui un pôle d'immigration de nombreuses
populations africaines. Cette situation économique a une influence sur
les usages de l'espagnol (première langue officielle de Guinée
Equatoriale) au Cameroun et particulièrement à Ebolowa qui est
une ville de transit vers cette destination. On a pu le percevoir chez les
élèves de sixième qui n'apprennent pas explicitement cette
langue mais qui en savent davantage sur elle :
101
OBS-P.
257/Prof : Parlons un peu de l'allemand et de l'Espagnol. Vous
utilisez ces langues ?
258/ Stéphanie : quelques petits mots en espagnol...
259/ J-Stéphane : quelques petits mots
260/ Prof : vous les avez appris où ?
261/ J-Stéphane : Chez ma soeur, elle fait
1ère Espagnol
262/ Stéphanie : Ma tante est en Guinée
Equatoriale
263/ Hyacinthe : Quelques petits mots, j'ai appris à la
télé.
266/ Prof : Vous connaissez l'Espagne ?
267/ Justine : moi je connais une de ses villes qu'on appelle
Buenos Aires.
268/ Rémi : [conteste] ce n'est pas en Espagne c'est au
Brésil.
Justine, Stéphanie, J-stéphane et Hyacinthe sont
des élèves de sixième et cinquième qui connaissent
l'espagnol hors du milieu scolaire. Et même s'ils peuvent se tromper sur
certaines informations culturelles, leur promptitude à s'exprimer sur
l'espagnol prouve l'intérêt qu'ils ont pour cette langue.
Lorsque la langue présente une fonction utilitaire
lointaine, les représentations sont négatives et l'apprentissage
suscite peu d'intérêt chez l'apprenant. C'est le cas de l'anglais.
L'anglais est langue officielle et les représentations dans les usages
de cette langue sont positives (politesse, emploi, langue patrimoniale, langue
de prestige), mais les fonctions utilitaires de l'anglais paraissent
très distantes des préoccupations du vécu quotidien des
apprenants. Les usages de l'anglais langue des opportunités d'emploi,
langue internationale, langue patrimoniale n'expriment pas les
préoccupations immédiates des apprenants et quand bien même
c'est le cas comme avec les usages de l'anglais langue de politesse ou encore
langue de communication ou d'expression, les fonctions utilitaires achoppent
sur le statut de cette langue qui est minorée et dominée dans
l'environnement sociodidactique francophone et ne sert pas de moyens
d'expression aux apprenants.
La fonction utilitaire de la langue est centrale dans
l'apprentissage. Les apprenants fondent leur apprentissage autour d'une
motivation qui est une donnée de leur environnement scolaire, familial
ou simplement social. C'est cette motivation qui impulse l'apprentissage. L'une
des attitudes à adopter dans le processus d'enseignement apprentissage
de l'anglais consisterait ainsi à identifier une ou des motivation(s)
appropriées et à en faire un ou des catalyseur(s). Toutefois, la
motivation peut être obstruée par certains facteurs liés
aux interactions en classe de langues. Notamment la norme pédagogique ou
didactique, les
102
effectifs pléthoriques ou encore une application
déséquilibrée des activités en classe de langue.
5.2. Expansion du français
Le français s'impose de plus en plus comme moyen de
communication chez les apprenants à cause de ses fonctions utilitaires
au sein de la communauté estudiantine. C'est la langue
d'intercompréhension entre les élèves de langues
maternelles et de cultures différentes. C'est la langue qu'ils utilisent
dans les situations de communication officielles : lieux et services publics.
Elle intègre de plus en plus de familles et représente aux vues
des statistiques 13% d'élèves langues maternelles et 20% d'usage
en famille. Cette poussée expansionniste du français, si elle
sert les besoins d'apprentissage, demeure néanmoins un
phénomène dangereux pour l'écologie des langues chez les
apprenants car elle contribue à la mort des LM et de la LO2. Il serait
nécessaire dans le souci de préserver la diversité
linguistique et culturelle d'envisager dès à présent une
politique linguistique éducative qui permette une gestion
écolinguistique équilibrée des langues dans les
établissements scolaires.
5.3. Les langues supports-d'apprentissage
Le français et les langues maternelles ressortent comme
les principales langues sur lesquelles 75% des apprenants s'appuient pour
pratiquer l'anglais. En effet, il a été scientifiquement
démontré que l'acquisition d'une deuxième langue ne se
passe pas comme celle de la langue maternelle. La langue maternelle s'apprend
de façon inconsciente tandis que la langue étrangère ou
mieux la deuxième langue (souvent étrangère) s'apprend de
façon consciente. Les rapports entre la langue maternelle et la langue
étrangère dans l'apprentissage sont explicitées par
Vigotski (2009 :376) en ces termes :
Lorsque l'enfant assimile une langue
étrangère, il dispose déjà dans sa langue
maternelle d'un système de significations qu'il transfère dans
l'autre langue. Mais inversement aussi l'assimilation d'une langue
étrangère fraie la voie à la maîtrise des formes
supérieures de la langue maternelle. Elle permet à l'enfant de
concevoir sa langue maternelle comme un cas particulier du système
linguistique et, par conséquent, lui donne la possibilité de
généraliser les phénomènes propres à
celle-ci, ce qui signifie aussi prendre conscience de ses propres
opérations verbales et les maîtriser. De même que
l'algèbre est une généralisation et donc une prise de
conscience des opérations arithmétiques et leur maîtrise,
le développement d'une langue étrangère sur la base de la
langue maternelle signifie une généralisation des
phénomènes linguistiques et une prise de conscience des
opérations verbales, c'est-à-dire leur traduction sur le plan
supérieur d'un langage devenu conscient et volontaire.
Le rôle de la langue maternelle ou de la première
langue a toujours été controversé dans l'apprentissage
d'une deuxième langue. Pendant que certains estiment que la langue
étrangère
103
doit être proscrite car elle bloque l'apprentissage
d'une deuxième langue par l'ancrage c'est-à-dire la
difficulté de l'apprenant de se départir de celle-ci, des
études récentes démontrent l'importance des LM ou L1 dans
l'acquisition d'une LE ou L2. En effet, Les apprenants prennent appui sur leur
langue maternelle pour aborder la langue cible, en cherchant les similitudes
lexicales et syntaxiques. Nous l'avons remarqué en étudiant les
marques transcodiques, les élèves s'appuient sur certaines
structures de la LM ou de la LO1 pour apprendre l'anglais LO2. Ce constat est
en contradiction avec les méthodes didactiques mises en place par les
institutions et qui prônent la pratique du monolinguisme en classe de
langue. Il révèle le rôle important que jouent la langue
maternelle ou la première langue étrangère dans
l'apprentissage d'une deuxième langue en même temps qu'il
relève l'inefficacité de la pratique du monolinguisme en classe
de langue. L'enseignement de l'anglais pour être efficace à ce
point de vue, doit prendre en considération les exigences individuelles
des apprenants et leurs origines sociales. L'usage de la LM ou de la L1 dans le
cadre qui nous concerne peut s'avérer utile pour présenter une
activité, inviter les élèves à participer,
éclairer les zones d'ombre, fournir des explications
métalinguistiques. L'usage de la langue maternelle décomplexe les
apprenants et leur procure un sentiment de sécurité linguistique
qui instaure un climat de confiance et de chaleur pendant le cours. A
contrario, le monolinguisme est un frein aux interactions entre
élèves et enseignants et de ce fait ne favorise pas
l'apprentissage. L'usage d'une seule langue lors de l'apprentissage a souvent
pour corollaires les silences et le mutisme qui créent une rupture
interactionnelle et empêche l'apprentissage de suivre son cours
normal.
5.4. Des méthodes traditionnelles vers une
approche plus innovante de l'enseignement des langues.
Notre étude indique que la méthode directe est
en vigueur dans les classes de langue anglaise. Que cette méthode est
rejetée par 75% des apprenants obligeant 66,67% des enseignants à
changer leurs habitus scolaires en classe s'ils veulent travailler avec le
maximum d'apprenants. La méthode directe voit le jour dans une
circulaire du 15 novembre 1901 relative à l'enseignement des langues
vivantes et instructions annexes dans l'enseignement secondaire
français. Elle sera « imposée brutalement »
à tous les professeurs par la réforme de 1902 à tel point
que Puren la qualifie de « coup d'Etat pédagogique
».
Cette méthode est utilisée vers le début
du 20e siècle car la société française
qui connaissait des mutations importantes avait besoin d'un outil de
communication qui favorise le développement des échanges
économiques, politiques, culturels etc. De plus, face à la
104
première guerre mondiale, la France a eu grand besoin
d'initier ses soldats aux langues étrangères.
Le méthodologue allemand Wicker Hauser cité par
Puren (1988 :64) l'explicite en ces termes :
Éviter la langue maternelle n'est pas la seule
particularité de la méthode directe. Nous
allons appeler nouvelle méthode ou méthode
directe celle qui évite :
1° le détour par la langue maternelle,
2° le détour par l'orthographe,
3° le détour par des règles de grammaire
superflues.
Ch. Schweitzer26 la définit comme suit :
la méthode directe est celle qui enseigne les
langues sans l'intermédiaire d'une autre langue antérieurement
acquise. Elle n'a recours à la traduction ni pour transmettre la langue
à l'élève, ni pour exercer l'élève à
manier la langue à son tour. Elle supprime la version aussi bien que le
thème.
En effet, pour interpréter les mots, elle les
associe à la vue des choses et des êtres ; à l'intuition de
leurs attributs et de leurs modifications ; à la perception de leurs
rapports réciproques ; enfin elle associe les mots aux actions des
êtres
.
La méthode directe s'applique aujourd'hui dans nos
établissements dans l'enseignement de l'anglais à l'oral comme
à l'écrit. Toutefois elle a toujours été l'objet de
vive controverse entre enseignants, et surtout entre enseignants et inspecteurs
pédagogiques. Les premiers soutenant que par empirisme, cette
méthode est intenable et les autres affirmant que les
élèves que nous enseignons ne sont pas des tabula rasa par
conséquent il est possible d'enseigner l'anglais sans avoir recours
à une quelconque autre langue. Cette divergence de points de vue qui
divise la communauté des enseignants de langues entre les partisans
d'une prohibition totale du français et des LM au cours d'anglais et les
partisans de l'usage du français au cours d'anglais a fini par
convaincre chaque enseignant à faire jouer son expérience de
terrain. La question fait généralement rage lors des
séminaires pédagogiques organisés par les inspecteurs. Ce
désaccord est la preuve qu'une révision ou harmonisation de
méthode est aujourd'hui nécessaire pour faire évoluer
l'enseignement de l'anglais au Cameroun.
5.5. La compétence plurilingue des apprenants
comme point de départ d'une didactique du plurilinguisme
L'analyse de notre corpus a démontré à
suffisance que les élèves de notre école sont plurilingues
c'est-à-dire qu'ils disposent de la compétence plurilingue et
pluriculturelle, « la compétence à communiquer
langagièrement et à interagir culturellement d'un acteur social
qui possède, à des degrés divers, la maîtrise de
plusieurs langues et l'expérience de plusieurs
26 Enseignement de la langue allemande, Première
année, Livre du maître, A. Colin, 1904, Avant-propos, p. V
105
cultures. » Ils sont tous issus des milieux
où l'on pratique plusieurs langues. Ils sont effectivement plurilingues
dans la vie de tous les jours, dans leurs représentations des langues et
dans leurs pratiques langagières. A ce sujet, Maurer (2010 : 174) fait
d'ailleurs remarquer que :
Dans les sociétés africaines, la
compétence plurilingue est souvent de règle. Un enfant
parle/comprend à des degrés divers souvent plusieurs langues,
celle du père, de la mère, du quartier. Dans des villes fortement
multilingues, il est rare qu'il n'ait été exposé
qu'à une seule langue et, pour reprendre la métaphore liquide, la
fluidité est importante, le passage d'une langue à une souvent
autre aisé et naturel, au gré des facteurs sociolinguistiques
motivant l'emploi.
Par contre, le cours de langue anglaise parait comme un
environnement où cette identité plurilingue leur est
refusée. « ... le plurilinguisme des sujets ne se retrouve que
fort peu dans l'institution scolaire. » Le plurilinguisme de fait des
apprenants opposé au monolinguisme des classes de langue est un
antagonisme qui nécessite d'être levé en instituant la
didactique du plurilinguisme dans les établissements scolaires. Le
concept de didactique du plurilinguisme est né en 1995. C'est une
perspective en construction dans le champ de la didactique des langues dont la
finalité n'est pas d'enseigner la maitrise parfaite d'une langue, mais
d'enseigner comment construire et développer un répertoire
langagier dans lequel il ya plusieurs langues centré sur la rencontre
avec l'autre et sur les modalités de cette rencontre. Contrairement
à la didactique d'une langue particulière qui se focalise sur la
langue-cible, la didactique du plurilinguisme s'intéresse davantage
à ceux qui apprennent la langue. Beacco (2008) l'exprime mieux lorsqu'il
écrit :
l'éducation plurilingue repose sur le principe que
chacun est capable de s'approprier les langues dont il a besoin pour sa vie
personnelle, professionnelle ou esthétique / culturelle, au moment
où il le souhaite. Le rôle de l'École consiste à
développer le potentiel langagier dont chacun dispose, comme elle
s'emploie à développer les capacités cognitives,
créatives ou physiques. Son rôle est de faire aimer les langues,
toutes les langues, pour que les individus cherchent à en apprendre tout
au cours de leur vie.
Au vu des résultats obtenus de l'observation des
activités d'enseignement apprentissage en classe d'anglais au cours de
cette recherche, nous pensons que l'expérience d'une éducation
plurilingue mérite d'être tentée dans l'enseignement de
l'anglais voire des langues dans leur ensemble au Cameroun. Cette
expérience dont l'avantage sera de légitimer les usages et
pratiques plurilingues des apprenants que nous avons décrits au chapitre
précédent, permettra d'organiser une éducation
plurilingue. Il ne s'agira plus simplement d'enseigner l'anglais en le
dissociant des autres langues que pratiquent nos élèves mais
d'inscrire l'enseignement de l'anglais dans l'ensemble des pratiques et des
apprentissages. En d'autres termes, il s'agira d'enseigner l'anglais en
acceptant les mélanges et les métissages, en privilégiant
l'esprit de rencontre et d'acceptation à l'altérité.
106
5.6. Développer une éducation plurilingue
en milieu scolaire francophone : quelques propositions
L'analyse des représentations et des pratiques de nos
élèves en cours de langue que nous avons entreprises dans ce
mémoire nous amène à postuler que pour motiver
l'apprentissage et améliorer les performances scolaires de nos
apprenants en anglais il faut enseigner une didactique qui prenne en compte le
plurilinguisme des élèves. Pour ce faire, un certain nombre de
mesures nécessitent d'être prises.
5.6.1. Reconstruire les représentations du
bilinguisme
En examinant les représentations sur le bilinguisme
(cf. section 4.1.6.), nous avons constaté que les représentations
du bilinguisme sont bien ancrées dans la société où
vivent nos élèves. Ces représentations qui
présentent le bilinguisme comme un double monolinguisme influencent
l'apprentissage de l'anglais chez nos élèves de manière
défavorable. Pour cette raison, il faut les déconstruire et
reconstruire de nouvelles représentations. Nous avons également
constaté que les représentations du bilinguisme se construisaient
et se diffusaient au moyen de certains instruments de vulgarisation de
politiques linguistiques que sont les textes officiels, les médias,
l'école voire les centres linguistiques régionaux. Ces
mêmes instruments peuvent être utilisés efficacement pour
reconstruire de nouvelles représentations du bilinguisme.
5.6.1.1. Réécriture des lois
linguistiques
Nous avons noté au cours de notre étude que la
constitution de la République du Cameroun27 faisait la part
belle aux langues étrangères dans l'énonciation de son
article 1 alinéa 3. La proéminence des langues officielles «
d'égale valeur » dans ce texte et leur assimilation au bilinguisme
n'ont fait que créer un sentiment d'insécurité
linguistique qui a débouché sur un repli identitaire des
Camerounais sous les étiquettes de francophones ou anglophones avec pour
conséquence le rejet de leurs identités linguistiques et
culturelles propres. Reconstruire les représentations du bilinguisme
consisterait d'une part à mettre en exergue non pas les langues
officielles mais le caractère multilingue du Cameroun dans
l'écriture des textes de lois et d'autre part à effacer l'image
du bilinguisme comme le fait de pratiquer l'anglais et le français. A
cet effet, le législateur pourrait se contenter de nommer les langues
sans plus de précision ou d'orientation politique et laisser le citoyen
décider en fonction de ses besoins
27 « Article 1er 3)
La République du Cameroun adopte l'anglais et le
français comme langues officielles d'égale valeur. L'État
garantit la promotion du bilinguisme sur toute l'étendue du
territoire. Il oeuvre pour la protection et la promotion des
langues nationales. »
107
sociaux quelles langues il va pratiquer. De même, toutes
les lois linguistiques (décrets, arrêtés, décisions
etc.) devraient ressortir le caractère plurilingue et pluriculturel de
la société camerounaise
5.6.1.2. Les médias
Le rôle des médias est essentiel dans la
reconstruction des représentations du bilinguisme. Les médias
diffusent des programmes à longueur de journées (informations,
musiques, documentaires, débats etc.) Le choix des langues de diffusion
est un aspect important. Habituellement, les langues de diffusion les plus
fréquentes dans les médias au Cameroun sont les langues
officielles. Cependant dans l'optique de reconstruire les
représentations et de développer une éducation
plurilingue, les médias pourraient promouvoir les programmes où
le français et l'anglais sont utilisés en alternance, accorder
plus d'espace aux programmes en langues nationales et promouvoir les
émissions d'apprentissage de langues maternelles.
5.6.1.3. Le rôle des centres linguistiques
régionaux
Pour mettre en oeuvre sa politique de bilinguisme officiel, le
gouvernement camerounais a mis sur pied un instrument qui aiderait
l'école ordinaire à vulgariser le bilinguisme
français/anglais auprès des travailleurs et chercheurs d'emplois
à travers le Programme de Formation Linguistique Bilingue (PFLB). Il
s'agit des centres linguistiques régionaux implantés dans les 10
chefs lieux de régions du pays : Yaoundé, Douala, Bafoussam,
Garoua, Buéa, Bamenda, Ngaoundéré, Ebolowa, Maroua et
Bertoua. Chaque centre est constitué de deux départements : le
département de français et le département d'anglais. Dans
chaque département, les cours s'étalent du niveau
"débutant" au niveau "supérieur". Dans le souci de
développer une éducation véritablement plurilingue, L'Etat
pourrait faire jouer à ces centres le rôle véritable de
centre linguistique en leur adjoignant un département des langues
nationales et un département de recherche en langues nationales. Dans
une section précédente (chap.5 section 5.3) nous avons
relevé l'importance des langues maternelles dans l'apprentissage d'une
langue étrangère. Etendre l'enseignement des langues dans les
centres linguistiques aux langues nationales participerait du
développement des langues maternelles et à l'évolution des
représentations de ces langues qui ne seront plus perçues comme
des langues familiales mais comme des langues disposant d'une plus-value
reconnue dans l'apprentissage d'autres langues et notamment des langues
étrangères.
5.6.2. Définir un cadre de
référence pour l'enseignement/apprentissage des
langues
L'un des défis majeurs que doivent relever les
institutions en matière d'enseignement de l'anglais est de se doter d'un
cadre de référence en matière d'enseignement et
d'apprentissage des langues. Nous pensons que l'expérience du Cadre
européen commun de référence des langues (CECRL) pourrait
servir à concevoir un outil de référence qui tienne compte
de ce qui se pratique au niveau international en l'adaptant aux
réalités locales.
5.6.2.1. Qu'est-ce que le CECRL et en quoi son
expérience peut servir au Cameroun ?
Le Cadre européen commun de référence des
langues est l'outil de base harmonisé conçu pour l'enseignement
des langues en Europe. C'est le fruit de plusieurs années de recherche
linguistique menées par des experts des Etats membres du Conseil de
l'Europe (CE). Ce document paru en 2001 se définit comme un instrument
dont les objectifs sont de repenser les méthodes d'enseignement des
langues et de fournir une base commune aux Etats membres du CE pour la
conception des programmes, diplômes et certificats. Le CECRL
reconnait quatre éléments majeurs de l'enseignement des langues :
Les niveaux communs de référence, le découpage de la
compétence communicative en activités de communication
langagière, la notion de tâche et la redéfinition de la
compétence de communication.
- Les niveaux communs de référence
Ils distinguent les différents niveaux d'apprentissage
dont trois niveaux généraux et six niveaux communs. Ils
permettent de situer et de faire travailler l'apprenant sur une échelle
de maitrise de la langue partant de A1 à . Le niveau de
référence de chaque élève est
déterminé en fonction des compétences à atteindre.
Ces compétences sont libellées comme suit :
108
|
Collège 1
|
|
|
Ecole
|
Collège 2
|
Lycée
|
|
- Découpage de la compétence communicative en
activités de communication langagière
On distingue les activités langagières suivantes
:
? La réception : écouter, lire
·
109
la production : s'exprimer oralement en continu, écrire
· l'interaction : prendre part à une conversation
· la médiation (activités de traduction et
d'interprétation )
- La notion de "tâche"
Elle est associée à l'approche actionnelle et
stipule que l'élève est un acteur social qui parle pour faire
quelque chose et agit en conséquence pour résoudre les
tâches quotidiennes. En d'autres termes, l'usage d'une langue
s'accompagne d'actions accomplies par le locuteur qui est en même temps
un acteur social.
La tâche est donc une situation-problème
orientée vers un but à atteindre qui se réalise en
collaboration, incite à la communication entre apprenants et aboutit
à un résultat concret connu des élèves.
- La redéfinition de la compétence de
communication
Elle repose sur trois grandes composantes : la composante
linguistique, la composante sociolinguistique et la composante pragmatique.
· La composante linguistique a trait aux savoirs et
savoir-faire liés au lexique, à la syntaxe à la phonologie
etc.
· La composante sociolinguistique elle englobe les aspects
liés aux indices relations sociales : registres de langue, règles
de politesse, spécificités culturelles, expression de sagesse
populaire, dialecte, idiolecte, accent...
· La composante pragmatique relève de la
connaissance des codes, du choix des stratégies discursives (elle
répond à comment faire pour ... écrire à un ami,
répondre au téléphone etc..)
En suggérant un cadre de référence des
langues pour l'enseignement des langues au Cameroun nous ne pensons pas
à une opération de copier-coller qui consisterait à
transposer
le CECRL à l'enseignement des langues au Cameroun tel
quel. Il s'agit de s'inspirer des
avantages qu'offre ce manuel déjà disponible pour
définir avec précision les orientations de
l'enseignement des
langues dans ce pays. Certes, le guide a été conçu dans un
contexte plus
global, l'Europe, mais la diversité linguistique et
culturelle du Cameroun est un motif
suffisant pour s'en inspirer. Concrètement, le manuel
pourra s'avérer utile pour aider à doter
les langues d'un
cadre qui fixe des objectifs d'apprentissage et d'évaluation
raisonnables et
rationnels ainsi que des niveaux de compétences
à atteindre par les apprenants. On pourra également s'en
inspiré dans l'amélioration de la qualité des programmes
d'apprentissage et la définition du type d'activités
langagières à mener en cours de langue. En effet
jusqu'à
110
l'heure actuelle, les programmes officiels publiés par
le Ministère des enseignements secondaires ont été les
seuls cadre de référence en matière d'enseignement de
l'anglais et beaucoup de chercheurs se sont accordés à
reconnaitre la consistance de leur contenu tout en s'étonnant qu'ils
produisent des résultats très inférieurs à ceux
escomptés en fin de formation des élèves. Nkwetissama
(2012:518)
Mais d'après une grande majorité des
enseignants, les contenus de ces programmes sont denses, redondants et
imprécis. Leur révision entreprise dans le cadre de
l'implémentation de l'approche par les compétences depuis 2012
aura contribué à les rendre plus spécifique (en
6e et 5e) mais les notions à dérouler sont
toujours aussi nombreuses et dans le contexte d'enseignement avec des classes
pléthoriques que nous connaissons (60 à 65 élèves
en moyenne par classe), il n'est souvent pas possible de couvrir tous les
aspects d'une notion. Un cadre de référence servirait à
définir avec précision les contenus des savoirs à
enseigner, à identifier les besoins sociaux des apprenants et à
faire de ces besoins les objectifs d'apprentissage pour enseigner ce qui leur
est utile à l'usage de la langue qu'ils apprennent. Dans le même
sillage, on pourra y définir le type d'activités
langagières à mener au cours de langue et proposer des
méthodologies pour l'enseignement des langues.
5.6.3 Développer la conscience plurilingue
chez les enseignants d'anglais
Jusque là, notre thématique des
représentations et apprentissage de l'anglais s'est essentiellement
concentrée sur les élèves car nous avons voulu
éviter de nous disperser sur plusieurs variables à la fois.
Qu'à cela ne tienne, nous avons pu constater qu'au cours de cette
étude, certains faits nécessitaient que l'on s'attarde un tant
soit peu dessus pour comprendre l'importance du rôle de l'enseignant dans
l'apprentissage de l'anglais chez nos apprenants.
En abordant la question des pratiques d'apprentissage et
d'enseignement en section 3.4.2., nous avons fait remarqué que les
contingences liées soit à la situation économique des
élèves et des établissements scolaires (très peu
d'élèves disposent du manuel scolaire et la bibliothèque
ne dispose pas de stocks suffisants pour toutes les classes) soit à un
constat d'inadéquation entre la norme didactique et les situations
d'enseignement-apprentissage ont amené les enseignants à
s'éloigner des méthodes didactiques qui leur ont
été prescrites pour se rabattre sur des pratiques qui leur
permettent tout au moins de fournir l'essentiel des connaissances de la langue
aux apprenants. Par ailleurs nous avons constaté en section 5.4. que
devant le rejet par 75% d'élève de la méthode directe,
66,67% d'enseignant pour pouvoir travailler avec le maximum d'apprenants. Ces
faits sont la preuve que l'enseignant a
111
conscience de vivre dans une société plurilingue
qui requiert certaines conditions pour une mise en place d'une nouvelle
didactique. L'enseignant qui se met à la place de l'apprenant se
rappelle sans doute qu'au cours de son apprentissage, il était soumis
lui aussi aux mêmes conditions d'apprentissage et que d'un point de vue
cognitif il est impossible d'arrêter son cerveau, de lui empêcher
de faire des mélanges. Par conséquent, la solution, loin
d'être l'imposition d'une méthode déniée par les
apprenants, serait plutôt l'adoption d'une méthode qui prenne en
compte la manière dont ses élèves plurilingues font usage
de langues. Cette conscience plurilingue de l'enseignant ne peut se
généraliser que par la formation car la formation joue sur la
réceptivité des enseignants à de nouvelles didactiques.
D'où l'importance d'enseigner la didactique du plurilinguisme
systématiquement dans les écoles normales du pays.
5.6.4. Apporter des innovations didactiques et
pédagogiques à l'apprentissage de l'anglais en milieu scolaire
francophone au Cameroun.
L'étude des représentations et pratiques laisse
voir que des innovations didactiques et pédagogiques peuvent être
apportées à l'enseignement de l'anglais dans nos
établissements scolaires. Au regard du plurilinguisme qui se manifeste
comme une réalité du vécu quotidien de nos apprenants, il
va de soi qu'une sociodidactique qui tient compte de ce plurilinguisme
constituent une innovation pédagogique adaptée à leur
apprentissage. Elle pourrait s'exprimer sous diverses approches.
5.6.4.1. L'approche interculturelle Blanchet (2007 :21)
affirme que
L'idée fondatrice de cette approche est de
s'intéresser à ce qui se passe concrètement lors d'une
interaction entre des interlocuteurs appartenant, au moins partiellement,
à des communautés culturelles différentes, donc porteurs
de schèmes culturels différents, même s'ils communiquent
dans une langue (apparemment) partagée. Il s'agit alors de
prévenir, d'identifier, de réguler les malentendus, les
difficultés de la communication, dus à des décalages de
schèmes interprétatifs, voire à des préjugés
(stéréotypes, etc.).
En réalité, elle participe de la
nécessité d'intégrer la dimension culturelle à
l'enseignement des langues, d'adjoindre les compétences culturelles aux
compétences communicatives car la langue véhicule et transmet une
culture tout comme la culture détermine les habitus linguistique d'une
communauté. Plusieurs observations que nous avons faites dans le cadre
des descriptions des représentations nous permettent d'affirmer son
importance :
La perception et la préférence des
variétés d'anglais chez nos apprenants (section 4.1.5.1.2.3.) ont
révélé que 60% perçoivent que c'est l'anglais
camerounais qu'ils apprennent à l'école et 53,34%
préfère apprendre cette variété-là. La
perception et la préférence par une
112
large majorité de l'anglais camerounais peut être
perçu comme un repli identitaire qui procure aux apprenants une
sécurité linguistique. En d'autres termes, enseigner efficacement
l'anglais à nos élèves pourrait consister à
créer des occasions d'interactions entre les élèves
francophones et des élèves anglophones. Concrètement, on
pourrait initier des correspondances ou créer des environnements
d'apprentissage par immersion (familles, centre de rencontres) entre les
élèves des deux communautés linguistiques avec des
objectifs d'apprentissage bien prédéfinis.
L'autre aspect sur lequel il serait intéressant de
s'attarder dans le cadre de l'interculturel est le type de thématique
abordée au cours des leçons. La participation exemplaire de nos
élèves pendant l'observation participante (Annexe 3) nous fait
penser que les apprenants portent un intérêt particulier pour les
thématiques qui sont en lien avec leur environnement immédiat et
leur culture. Il serait intéressant d'envisager les activités qui
vont permettre à l'apprenant d'intégrer la culture de la langue
cible et de voguer entre sa culture et la culture de la langue cible en toute
aisance. A titre d'exemple : Pour une leçon sur le tourisme on parlera
non seulement des sites touristiques en Angleterre (pays de la langue cible)
mais aussi des sites touristiques au Cameroun (pays de la langue maternelle).
Cette technique va favoriser la rencontre entre les peuples et cultures,
créer des échanges entre les cultures et susciter en même
temps l'intérêt pour l'apprentissage de l'anglais. C'est de cela
qu'il a été question dans la thématique de "description
d'un monstre " dans l'observation participante.
Thématique langue-cible Monstre
(CYCLOPE)
|
|
Thématique Langue maternelle Monstre (AKPARA,
KEMBE,
etc)
|
Allant dans le même sens dans une recherche
précédente, Ebong (2004) propose ce qu'elle appelle "Indigenous
techniques of communication" une approche qui concentre l'apprentissage de
l'anglais au Cameroun autour des éléments culturels tels que les
contes et légendes, les chansons, les devinettes et les proverbes. Cette
approche combinée à l'approche communicative, motiveraient
l'apprentissage. Mais s'il est vrai que les contes, les légendes, les
chansons etc. sont porteurs de schèmes culturels et qu'ils peuvent
contribuer à motiver l'apprentissage, il ne faut tout de même pas
oublier que tout cela n'est possible que si les apprenants perçoivent la
fonction utilitaire de la langue à travers les usages comme cela nous
est apparu lors de l'analyse des représentations et pratiques au
chapitre précédent. D'où la
113
nécessité de trier ces éléments en
fonction de leur utilité dans l'environnement sociodidactique des
apprenants.
5.6.4.2. La méthode grammaire-traduction
Parmi les innovations didactiques qu'on pourrait
suggérer, il y a l'introduction de la méthode
grammaire-traduction parmi les méthodologies d'enseignement et
d'apprentissage de l'anglais. C'est une méthode qui a prévalu
entre la fin du 18e siècle et le début du 19è
siècle. Elle consistait en un découpage en parties d'un texte de
la langue étrangère, en sa la lecture et en sa traduction mot
à mot dans la langue maternelle. Elle présentait la langue
étrangère comme un ensemble de règles qui pouvaient
être rapprochés de celles des langues maternelles. Cette
méthode peut être utile dans l'apprentissage chez nos apprenants
à deux niveaux. Tout d'abord comme nous avons eu à le signaler
déjà, elle peut s'avérer utile pour présenter une
activité, inviter les élèves à participer,
éclairer les zones d'ombre, fournir des explications
métalinguistiques. Ensuite nous avons découvert que parmi les
usages de l'anglais chez nos apprenants la musique représentait 25% des
usages et la religion 4.17%. Bien avant de poser cette remarque, certains
élèves faisait déjà constater qu'ils aiment la
musique américaine et aimerais savoir ce que disent les
américains dans leur chansons. La méthode grammaire-traduction
pourrait servir de cadre pour exercer les élèves à
traduire des musiques de la LO1 ou LM vers la LO2 ou encore des paraboles et
histoires bibliques/coraniques. Toutefois pour éviter toute
déviance ou dérive doctrinale, les musiques autant que les
paraboles ou histoires à traduire devront être
sélectionnées rigoureusement et exploitées d'un point de
vue purement éducatif et moral. Enfin, il convient de noter tout de
même que l'usage de cette méthode ne devra pas se faire à
100% mais avec modération.
5.6.4.3. L'éveil aux langues
Notre analyse a démontré que plusieurs langues sont
usitées dans les interactions en classe de langue (cf. section 4.2.1.
analyse de l'interlangue des apprenants). C'est un paramètre très
important à prendre en compte dans l'apprentissage. Et la meilleure
manière de le faire est d'accompagner les apprenants à
l'éveil aux langues. Rappelons que L'éveil aux langues est un
travail de découverte et de comparaison sur les langues que
l'école n'a pas l'ambition d'enseigner. Comme l'explique Candelier (2003
:21)
L'éveil aux langues contribue au développement
d'aptitudes métalinguistiques d'observation et d'analyse, et au
développement d'attitudes susceptibles de susciter
l'intérêt pour les langues et cultures
114
et la confiance en ses propres capacités favorables
à l'apprentissage des langues qu'il s'agisse des langues apprises
à l'école ou non ».
L'éveil aux langues constitue ainsi le cadre qui va
permettre à nos élèves de développer leurs
aptitudes d''observation et d'analyse, de développer une attitude
d'aisance vis-à-vis de toutes les langues de manière à
influencer l'apprentissage favorablement.
L'éveil aux langues chez les apprenants francophones
concernera les langues de leur environnement sociodidactique en l'occurrence le
français, les langues maternelles, les langues vivantes2, le
camfranglais et le pidgin-english. Nous avons souligné en section 1.1
que le pidgin-english rythme quasiment toutes les activités de la vie au
quotidien chez les camerounais anglophones supplantant ainsi l'anglais sur
plusieurs domaines. Il existe donc de ce côté, une diglossie
anglais/pidgin-english qui fait que les camerounais francophones qui veulent
apprendre l'anglais sont soumis à un double défi culturel et
à un double défi linguistique : apprendre l'anglais en
intégrant la culture et dialecte camerounais anglophone d'une part et
apprendre l'anglais en considérant la culture et le dialecte anglais
d'autre part.
Tout compte fait, on peut dire que les remarques
résultant de l'analyse des questionnaires, des entretiens et des
observations de classe nous ont amené à suggérer que
reconstruire les représentations du bilinguisme, définir un cadre
de référence pour l'enseignement et l'apprentissage des langues,
apporter des innovations didactiques à l'enseignement des langues et
développer la conscience plurilingue chez les enseignants sont des
mesures qui pourraient contribuer à motiver l'apprentissage de l'anglais
chez nos apprenants.
Conclusion
Notre étude portait sur les représentations et
l'apprentissage de l'anglais en milieu scolaire francophone au Cameroun.
L'enquête qui s'est déroulée entre le mois d'octobre 2015
et de juin 2016 au lycée d'Ebolowa avait pour objectif d'expliciter le
lien qui unit les représentations de nos élèves et leur
apprentissage de l'anglais dans le contexte plurilingue du lycée
d'Ebolowa pour tenter de comprendre comment ils se représentent cette
langue, comment ces représentations influencent leur apprentissage et
savoir quelles stratégies pouvaient être adoptées pour
motiver leur apprentissage. Pour répondre à cette
préoccupation, nous avons choisi 24 élèves que nous avons
soumis à des questionnaires. Nous avons également mené des
entretiens et des observations en cours d'anglais et sur des copies
d'apprenants. Ces outils de collectes de données ont été
par la suite exploités de manière croisée ou en
interaction pour nous renseigner sur les phénomènes
recherchés. Notre investigation fait ressortir plusieurs points.
Tout d'abord, elle nous a permis de décrire les
représentations des langues des apprenants. De cette description on a pu
retenir que les représentations des langues chez nos
élèves sont antagonistes. Certaines représentations sont
favorables et d'autres défavorables. Certaines langues à l'instar
du latin du français et de l'espagnol jouissent de
représentations très favorables tandis que d'autres à
l'instar de l'anglais ont des représentations très
mitigées, conséquences des difficultés que rencontrent les
apprenants dans l'apprentissage.
Le deuxième aspect qu'on a pu relever dans ce travail
est lié à l'analyse des pratiques langagières en classe
d'anglais. Il en ressort que les élèves usent de subterfuges
divers dans le processus d'apprentissage des langues. Parmi ces subterfuges
nous avons identifié et analyser l'alternance codique, les
interférences et d'autres types d'hybridations. Pour nos
élèves, l'alternance codique est une stratégie
d'apprentissage dont ils usent pour dire ce qu'ils pensent d'un sujet
précis dans la LM ou L1 quand ils ne trouvent pas de mots pour exprimer
leurs idées dans la langue-cible, tandis que l'interférence se
présente comme un processus inconscient ou l'apprenant commet des
erreurs mais ne soupçonne même pas d'erreur dans ses usages. Nous
sommes arrivés à la conclusion selon laquelle tous ces
phénomènes souvent considérés comme un manque de
maitrise de la langue par l'élève, constituent en fait des
mécanismes d'apprentissage sur lesquels l'apprenant s'appuie pour cerner
la langue-cible.
115
Enfin, toutes ces données nous ont amené
déduire que
116
- Les élèves sont motivés à
apprendre une langue si cette langue assume une fonction utilitaire bien
ciblé dans leur environnement sociodidactique. D'où la
nécessité d'identifier une ou des motivations d'apprentissage
appropriées pour constituer chez nos élèves des
catalyseurs de l'apprentissage.
- L'interdiction de l'usage de la langue maternelle et de LO1
au cours d'anglais est un frein à l'apprentissage car c'est une pratique
qui est en contradiction avec les habitus d'une société
multilingue. L'enseignement de l'anglais pour être efficace à ce
point de vue, doit prendre en considération les exigences individuelles
des apprenants et leurs origines sociales. Autorisé la LM ou la LO1 au
cours d'anglais décomplexe les apprenants et leur procure un sentiment
de sécurité linguistique qui instaure un climat de confiance et
de chaleur pendant le cours.
- Aux vues des résultats obtenus de l'observation des
activités d'enseignement apprentissage en classe d'anglais, appliquer la
didactique du plurilinguisme comme approche méthodologique dans
l'enseignement des langues peut constituer une solution innovante car elle va
légitimer les usages et pratiques plurilingues des apprenants et
permettre d'organiser une éducation plurilingue.
A cet effet, nous avons émis quelques propositions :
- Déconstruire les représentations du
bilinguisme fortement ancrées dans la société camerounaise
et reconstruire de nouvelles représentations à l'aide des
instruments de diffusion des politiques linguistiques que sont les textes
officiels, les médias et les centres linguistiques régionaux.
- Définir un cadre de référence pour
l'enseignement apprentissage des langues.
- Développer la conscience plurilingue chez les
enseignants en instituant de façon systématique l'enseignement de
la didactique du plurilinguisme dans les écoles normales.
- Apporter des innovations didactiques et pédagogiques
à l'apprentissage de l'anglais en intégrant l'approche
interculturelle, la méthode grammaire-traduction et l'éveil aux
langues.
Cette étude qui aborde la question des
représentations et de l'apprentissage de l'anglais
dans un établissement scolaire de la zone francophone
au Cameroun ne peut cependant pas prétendre à
l'exhaustivité. Notre enquête a été essentiellement
menée auprès des élèves et il serait
intéressant que dans une étude à venir la question soit
également abordée du point de vue des enseignants.
117
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120
Vygotski L., 2009. Pensée et langage, La Dispute,
Paris.
121
Annexes
Annexe1. Questionnaire
QUESTIONNAIRE D'ENQUETE SOCIODIDACTIQUE
Bonjour chers élèves,
Ce questionnaire s'adresse à vous en tant
qu'apprenants participant à un projet de recherche sur les
représentations et l'apprentissage de l'anglais chez les
élèves du lycée d'Ebolowa. Il vise à
identifier les images que se forgent les élèves de cette langue
enseignée au sein de votre établissement. Les données
recueillies au cours de cette étude pourront servir à adopter des
procédures et stratégies didactiques qui motiveront
l'apprentissage de l'anglais voire des langues en milieu scolaire au Cameroun.
Votre participation est très importante. Tous les renseignements que
vous fournirez resteront confidentiels et anonymes. Nous vous invitons donc
à écrire franchement ce que vous pensez.
Merci de votre précieuse
collaboration.
Charles Lwanga BOUH
Département de français langue
étrangère M2 R Didactique des langues et des cultures
Université Jean Monnet de St Etienne
I. INFORMATIONS GENERALES
Nom : Prénom :
Age : Région d'origine :
Région d'origine du père :
...Langue maternelle du
père
Région d'origine de la mère :
Langue maternelle de la
mère
Classe : Langue maternelle :
|
.
|
|
II. LES LANGUES EN PRESENCE
1) Quelles autres langues pratiquez-vous ?
2) S'il vous était demandé de classer les
langues que vous pratiquez par ordre d'importance et par domaines
d'activité, quel classement feriez-vous ? remplissez le tableau
ci-dessous
|
Langue1
|
Langue2
|
Langue3
|
Langue4
|
Famille
|
|
|
|
|
Ecole
|
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|
|
|
Services publics
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|
Eglises/mosquée
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|
Marché
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|
|
|
|
Sport et jeux
|
|
|
|
|
Radio/télévision
|
|
|
|
|
Musique
|
|
|
|
|
3)
122
Complétez le tableau suivant par des informations
correspondantes
Langues apprises à
l'école
|
années
|
Importante ?
|
Pourquoi ?
|
|
|
Oui
|
/ Non
|
|
|
|
Oui
|
/ Non
|
|
|
|
Oui
|
/ Non
|
|
|
|
Oui
|
/ Non
|
|
|
|
Oui
|
/ Non
|
|
|
III. REPRESENTATIONS
4) Comment trouvez-vous chacune des langues que vous
pratiquez ou apprenez à l'école ? Ecrivez 5 mots dans le tableau
ci-dessous pour qualifier chacune d'elle.
Langues
|
Mot1
|
Mot2
|
Mot3
|
Mot4
|
Mot 6
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
5) Quelles sont les activités que vous pouvez
réaliser en utilisant chacune des langues?
6)
S'il vous était demandé de dire
honnêtement quel est votre niveau d'anglais, où vous situerez-vous
? cochez
Excellent Très bien Bien Assez Bien Passable
Médiocre Faible
Très Faible Nul
7) Quels sont les problèmes que vous rencontrez
lorsque vous utilisez la langue anglaise ?
...........................................................................................................................
8) A votre avis, qu'est-ce qui peut vous empêcher
d'utiliser la langue anglaise « comme un anglais ou un anglophone »
?
...........................................................................................................................
...........................................................................................................................
123
IV. APPRENTISSAGE EN CLASSE D'ANGLAIS
9) a) En classe d'anglais, combien êtes-vous
environ ?
b) Quelle(s ) langue(s ) utilise votre professeur pour
vous enseigner l'anglais ?
Cochez la case.
L'anglais Le français Autres
10) a) Quelle(s) langue(s ) aimeriez vous voir votre
professeur utiliser pour vous enseigner l'anglais
L'anglais Le français Autres
b)
Pourquoi ?
....................................................................................................................................................................
11) a) En classe d'anglais, laquelle des
compétences suivantes préférez-vous travaillez? Speaking
Listening Reading Writing Vocabulary Grammar
b)
Pourquoi ?
12) Sur laquelle de ces compétences insiste votre
professeur ?
Speaking Listening Reading Writing Vocabulary
Grammar
13) a) Laquelle de ces compétences aimeriez-vous
développer ?
Speaking Listening Reading Writing Vocabulary
Grammar
b)
Pourquoi ?
14) a) Quels sont les exercices qui sont les plus
efficaces pour vous aider à apprendre L'anglais? b) Pourquoi
?
Complétez les phrases par les mots correspondants
choisir le mot correspondant
joindre les mots corespondants répondre aux
questions rédaction
Autres ....
...........................................................................................................................
15) a) Quels sont les exercices qui sont pour vous les
moins efficaces pour vous aider à apprendre l'anglais ?
b) Pourquoi ?
...........................................................................................................................
...........................................................................................................................
16) a) Lorsque vous parlez au cours d'anglais le
professeur vous autorise-t-il à vous
exprimer en une aute langue Oui Non
b) Pourquoi
?
...........................................................................................................................
17) Vous arrive-t-il souvent de mélanger les
langues lorsque vous parlez au cours d'anglais ? Oui Non
18) a) Si oui quelles langues mélangez-vous et b)
pourquoi ?
124
...........................................................................................................................
19) Si vous parlez votre langue maternelle ou le
français au cours d'anglais, comment réagit votre professeur ?
...........................................................................................................................
20) Que pensez-vous de l'attitude de votre professeur
?
...........................................................................................................................
21) Avez-vous un commentaire à faire sur
l'apprentissage des langues dans votre école ?
...........................................................................................................................
...........................................................................................................................
Merci de votre participation
125
Annexe2. Les entretiens
ENTRETIENS mardi 03/05/2016 12 :42
L'entretien a lieu dans une salle de classe
aménagée par les élèves à
l'occasion.
1 / Prof:
Bonjour, Ce que nous allons faire s'appelle un entretien. C'est
un échange de parole. Et comme nous avons commencé à
parler de langues nous allons continuer. Je vais poser quelques petites
questions et chacun devra donner son point de vue. Vous allez le faire à
peu près par tour de rôle. Et comme je vous le disais la
dernière fois, dites exactement ce que vous pensez. N'essayez pas de
masquer la réalité mais dites franchement ce que vous pensez.
C'est ce qui va nous aider
On va commencer par les présentations par là :
2 / Je m'appelle justine je fais 5eB
3/ Je m'appelle stéphanie je suis en 5e B
4/ Je m'appelle euh....
5/ Prof : tu ne connais plus ton nom ?
[rires des élèves]
6/ Je m'appelle Jean Stéphane je suis en 5e
B
7/ Je m'appelle Lysie je suis en seconde Allemand
8/ Je m'appelle rémi je suis en seconde allemand
9/ Je m'appelle Hyacinthe je suis en 5e B
10/ Prof : parlez un peu à haute voix vous savez que vos
grands frères font du bruit à coté. Alors... vous
disiez
que vous parlez quelles langues ? La langue maternelle.
Dites-nous si c'est la langue de votre père ou de votre
mère.
11/ Justine : ma langue maternelle c'est le fe'efe. La langue de
mon père
12/ Stéphanie : ma langue maternelle c'est le bulu. La
langue de mon père
13/ J-Stéphane : le bulu. La langue de mon père et
de ma mère
14 : Lysie : le bulu. La langue de mon père et ma
mère.
15/ Rémi : ma langue maternelle c'est le français
[Eh !étonnement de Justine]... La langue avec laquelle je suis
d'abord entré en contact. La langue que j'ai
commencé à apprendre. C'est ce que vous nous avez
expliqué.
16/ Hyacinthe : c'est l'éton. La langue de mon
père.
17/ Prof : Alors...où parle-t-on ces langues au
Cameroun?
18/ Justine : on parle le fe'efe à l'Ouest.
19/ Prof : L'Ouest c'est où. Je veux savoir dans quelle
localité. Soyez un peu plus précis. Le
village...l'arrondissement
20/ Justine : à Bafang
21/ Stéphanie : On parle le bulu au sud... à
Ebolowa
22/ J-Stéphane : On parle le bulu au Sud à
Bissok.
23/Prof : Bissok c'est ton village ?
24/ J-Stéphane : oui monsieur,
25/ Lysie : On parle bulu à Ebolowa
26/ Rémi : On parle français un peu partout au
Cameroun.
27/ Hyacinthe : on parle l'éton à Okola et à
Yaoundé
28/ Prof : Comment sont les gens qui parlent ces langues ?
Comment les qualifiez-vous ?... Le fe'efe par
exemple ?
29/ Justine : ils m'étonnent.
126
30/ Prof : Ils vous étonnent pourquoi ?
31/ Justine : Ils parlent vite.
32/ c'est tout ce que vous avez remarqué en eux ?
[Justine acquiesce de la tête] et vis-à-vis des autres dans la
société ? [Justine ne fait pas de
commentaire]... Et les gens qui parlent bulu ?
33/ Stéphanie : ils sont magnifiques.
34/ Prof : Ils sont magnifiques ? Qu'est ce qui vous fait dire
qu'ils sont magnifiques ?
35/ Parce qu'ils connaissent seulement parler en bulu.
36/ Prof : seulement le bulu comme langues ?
37/ Stéphanie : non monsieur, ils connaissent aussi
parler les autres langues mais ils parlent bien.
38/ J-Stéphane : le bulu c'est une bonne langue.
39/ Prof : ...C'est une bonne langue mais les gens qui parlent
bulu sont comment ?
40/ J-Stéphane : les gens qui parlent bulu
sont...[hésitation] gentils.
41/ Prof : Donc vous les trouvez gentils ?
44/ Lysie : Non monsieur, les gens qui parlent bulu sont
bizarres parce qu'ils veulent que tout le monde parle
leur langue
45/ Prof : même si vous êtes un
étranger...
46/ Lysie : oui, ils veulent que tout ceux qui parlent avec
eux parlent seulement en bulu. Vous leur parlez
français ils répondent en leur langue. Ils ne
sont pas bien, ce sont des sauvages...
47/ Prof : se sont des sauvages, vous dites ?
48/ Lysie : certains.
50/ Rémi : ce qui caractérise ceux qui parlent
français c'est qu'ils articulent bien les mots sans commettre de
fautes.
51/ Hyacinthe : ceux qui parlent l'eton, ne connaissent pas
parler leur langue.
52/ Prof : Il ne connaisse pas ?
53/ Hyacinthe : oui monsieur, ils n'aiment pas parler leur
langue. A chaque fois ils parlent le français.
54/ Donc on ne parle pas beaucoup l'éton au village.
56/ Hyacinthe : ...oui monsieur.
58/ Prof : Dites-moi est-ce important de parler ces langues
?..Le fe'efe ?.
59/ Justine : oui monsieur,
60/ Prof : pourquoi ?
61/ Justine : c'est la langue des parents et ça permet
de nous exprimer avec ceux qui connaissent le fe'efe.
62/ Prof : et c'est bien de parler ça partout où
l'on se trouve ?
61/ Justine : oui.
62/ Prof : ... et le bulu ?
63/ Stéphanie : c'est bien de parler le bulu parce que
c'est la langue maternelle de nos parents. Mais nous ne
devons pas parler n'importe où.
64/ Prof : n'importe où c'est où par exemple
?
65/ Stéphanie : A l'Ouest.
66/ Prof : Donc d'après vous vous ne devez pas la
parler dans d'autres régions seulement dans votre région ?
67/ Stéphanie : oui monsieur.
68/ Prof : ...et s'il ya des gens de votre région qui
vivent à l'Ouest ?
69/ Stéphanie : si on part les trouver là-bas
nous pouvons parler.
70/ J-Stéphane : le bulu est important parce que nos
parents causent le bulu.
71/ Lysie : Pour moi c'est important de parler le bulu parce
que on peut se retrouver dans un village où il ya des
gens qui ne comprennent pas les langues
étrangères. Et ce n'est pas important parce que tu ne peux pas
aller
chercher du travail et t'exprimer en bulu. Parce que le chef
de l'entreprise peut être un basaa et tu devras plutôt
parler français.
72/ Prof : Et si le chef d'entreprise est un bulu ?
127
73/ Lysie : il faut lui parler français parce que c'est
un lieu public.
74/ Rémi : moi je trouve que le français est une
langue très importante parce qu'elle est une des langues qui
dominent.
75/ Hyacinthe : C'est normal de parler l'eton parce que on a
nos grands parents qui ne savent pas causer le
français.
76/ On vient de terminer la 1ère partie
maintenant on va évoluer. Parlons un peu du français...Et le
français, tout
le monde ici parle français ?
77/ Tous : [réponses en choeur] Oui monsieur.
78/ Tout le monde parle français... alors, votre
français comment vous l'évaluez ? c'est un très bon
français ? un
français moyen ? assez bien ?
79/ Justine : c'est un français assez bien.
80/ Stéphanie : C'est un français moyen.
90/ J-Stéphane : C'est un français moyen
91/ Lysie : C'est un français moyen
92/ Rémi : C'est un français moyen. Parce
que...il ya encore quelques mots que je ne retiens pas bien, que
j'emploi sans connaitre leur sens.
93/ Hyacinthe : Un français moyen.
94/ Prof : Donc la plupart d'entre vous parlent un
français moyen. Alors... vous connaissez la France ?
95/ Justine : je suis jamais allé là-bas.
96/ Prof : vous n'êtes jamais allé là-bas
mais est-ce que vous connaissez la France ? ummh ?
97/ Justine : oui
98/ Prof : Comment vous connaissez la France ? Vous
n'êtes jamais allé là-bas ?
99/ Justine : Je vois souvent à la
télé.
100/ Stéphanie : oui, quand je visionne souvent.
102/ Prof : quand vous visionnez, seulement quand vous
visionnez ? ce n'est que par la télévision que vous
connaissez la France.
103/ Stéphanie : [acquiesce en hochant la
tête]
104/ J-Stéphane : Je connais la France par la
télévision.
105/ Lysie : Je suis jamais allé en France mais je sais
seulement que la capitale de la France c'est Paris.
106/ Prof :...Et...comment vous connaissez tout ça ?
107/ Lysie : Quand le journal passe de fois on parle de
Paris... de fois on parle des Boko Haram28..tout ça.
108/ Prof : On parle de la France à la
télé. Donc chez vous il n'ya que la télé ? A
l'école on ne vous parle pas de
la France ?
109/ Lysie : On nous parle aussi des auteurs
français.
110/ Rémi : Je connais la France car c'est quand
même l'un des pays qui a essayé de coloniser le Cameroun.
111/ Prof : oui mais comment vous connaissez la France ?
à travers la télévision comme tout le monde ?
112/ Rémi : A travers la télévision et
quelques cours qu'on nous donne ici à l'école.
113/ Hyacinthe : Je connais la France à travers la
télévision.
114/ Prof : Alors...vous qui connaissez la France, que
savez-vous de la France ?
115/ Justine : Je sais que la capitale de la France c'est
Paris.
116/ Prof : c'est tout ?
117/ Justine : [acquiesce] unnnh.
118/ Prof : c'est tout ce que vous savez, vous ne savez pas
comment les français vivent, mangent...
119/ Stéphanie : Ce que je sais de la France c'est que
sa capitale c'est Paris et... on tourne souvent les films là-
bas.
28 Le terme désigne en réalité
tout ce qui est en lié au terrorisme. L'élève fait
allusion aux événements terroristes qui ont ensanglanté la
France et qui ont été rapportés par les médias
128
120/ J-Stéphane : la capitale c'est Paris et je connais
le président.
121/ Prof : ah ! C'est qui le président ?
122/ J-Stéphane : c'est François Hollande.
123/ Lysie : Moi je connais l'ancien Président de la
France Nicolas Sarkhozy, l'actuel François Hollande... et
que la capitale de la France c'est Paris. Je sais aussi qu'en
France il ya les pauvres, les moyens et ceux qui sont
riches.
124/ Prof : Donc la France est divisée en classes.
C'est ça ?
125/ Lysie : [acquiesce en hochant la tête]
126/ Rémi : La France, je sais que sont
président c'est François Hollande. Je sais aussi que c'est la
France qui va
organiser la coupe d'Europe 2016. Je connais aussi un bon
nombre de club français comme le l'Olympique de
Marseille, le Paris St Germain, AS Monaco.
127/ Hyacinthe : Je connais la France par la capitale Paris
par le président de la République François
Hollande....Et je connais aussi que en France il ya le froid
là-bas.
128/ Prof : A tout moment ?
129/ Hyacinthe : non monsieur, parfois.
130/ Prof : Ok...ça veut dire que vous connaissez bien
la France ! Et les français ? vous avez une idée de
comment sont les français ? Quelle idée vous
avez des français ?
131/ Justine : Ils n'ont pas la même couleur de peau que
nous.
132/ Prof : Ils n'ont pas la même couleur de peau. Ils
sont blancs !!!
133/ Justine : oui monsieur.
134/ mais...tu n'as jamais entendu parler de français
noirs ?
135/ Justine : [secoue la tête en signe de
désapprobation]
136/ Prof : Non. Bon...tu connais seulement la couleur de la
peau ? Ils sont comment ?
137/ Justine : Ils s'expriment bien en français. Ils
n'ont pas le même ton que les noirs.
138/ Stéphanie : Les français n'ont pas le
même nez que nous et il ne parle pas comme nous.
139/ Prof : Ils ne parlent pas comme nous ils parlent comment
?
140/ Stéphanie : Ils parlent un genre...
141/ Prof : un genre comment ?
142/ Stéphanie : comme s'ils parlaient dans le nez.
143/ J-Stéphane : Ils s'expriment bien à
dépasser les noirs. Ils maitrisent bien les mots.
144/ Lysie : Moi je sais que en France...
145/ Prof : Les français. Nous parlons maintenant des
français on ne parle plus de la France.
146/ Lysie : Je sais que c'est pas tous les français
qui sont blancs. Certains sont métisses et d'autres sont noirs.
Ils parlent bien français.
147/ Prof : Et dans la vie quotidienne vous les trouvez
comment ?
148/ Lysie : Ils sont accueillants chez eux.
149/ Prof : Ils accueillent bien tout le monde.
150/ Lysie : Oui monsieur.
151/ Rémi : Pour moi tous les français ne sont
pas blancs. D'autres sont noirs même comme ce sont nos frères
qui sont partis d'ici pour aller rester là-bas. Ce sont
aussi des gens qui parlent couramment français parce que
chaque année à l'académie
française il y a des nouveaux membres.
152/ Prof : Et comme elle tu trouves que les français
sont accueillants ?
153/ Rémi : Non. Pour moi ils ne sont pas accueillants.
Ils sont racistes.
154/ Prof : Qu'est-ce qui te fait dire ça. Tu as un
exemple ?
155/ Rémi : En France par exemple en football, quand un
noir marque au lieu d'applaudir comme ils font pour
les blancs ils lui jettent plutôt les peaux de
bananes.
156/ Prof : Et toi, les français tu les trouves comment
?
157/ Hyacinthe : Je sais que les français vieillissent
vite...Ils sont chiches [rires des élèves].
129
158/ Prof : Ils refusent de donner à qui ?
159/ Hyacinthe : au noirs... Ils maltraitent aussi les
noirs.
160/ Prof : Alors... les célébrités en
France vous connaissez ? D'abord vous savez ce que c'est une
célébrité ?
161/ Justine : Une star.
162/ Prof : voilà. Prenons un terme terre à
terre. Une star. Connaissez-vos une ou des stars françaises?
163/ Justine : Zaho, Maitre Gims, La Fouine.
164/ Pas forcément en musique hein... dans tous les
domaines d'activité. Les gens qui sont bien connues.
165/ Lysie : moi je connais Charles Pouzadoux
166/ Prof : Charles Pouzadoux. C'est... ?
167/ Lysie : un écrivain français. André
Brink...
168/ Prof : c'est aussi un écrivain ?
169/ Lysie : oui.
170/ Rémi : Nous avons Karim Benzema, Ali Sissoko, Loic
le doux, André Pierre Ginard...
171/ Prof : Et si vous alliez en France, Quels lieux
aimeriez-vous visiter ?
172/ Justine : la tour Eiffel
173/ J-Stéphane : Paris
174/ Lysie : Paris
175/ Rémi : Marseille et Paris
176/ Hyacinthe : Paris
177/ Alors... pour vous que représente ce pays ?
178/ Justine : La France représente un pays où
habitent les français.
179/ Et toi, [Stéphanie] que représente la
France pour toi ?
180/ Stéphanie : [hoche la tête]
181/ Rémi : la France c'est un pays qui a
colonisé le Cameroun.
182/ Hyacinthe : Pour moi la France représente
l'amitié avec le Cameroun.
183/ Prof : Dans quel sens ?
184/ Hyacinthe : Pour la guerre contre Boko Haram.
185/ Nous avons fini de parler du français, nous allons
aussi un peu parler de l'anglais. est-ce que vous utilisez
l'anglais ?
186/ Justine : un peu
187/ Stéphanie : un peu
188/ J-Stéphane : un peu aussi
189/ Lysie : je me débrouille à parler, je
comprends et j'écris bien
190/ Rémi : parler je parle couramment. Je comprends et
j'écris aussi à un certain niveau.
191/ Hyacinthe : je parle un peu et j'entends un peu.
192/ Quel est l'anglais que vous utilisez ? C'est l'anglais
camerounais, américain ou britannique ?
193/ Stéphanie : l'anglais camerounais.
194/ Justine : je sais pas.
195/ Prof : Tu ne sais pas quel type d'anglais tu parles ?
196/ Justine : je sais pas.
197/ J-Stéphane : l'anglais camerounais
198/ Lysie : le British English
199/ Rémi : l'anglais camerounais
200/ Alors quel est le type d'anglais que vous
préférez ?
201/ Justine : l'anglais des anglais.
202/ Stéphanie : l'anglais camerounais.
203/ Il faut nous dire pourquoi...
204/ Stéphanie : Parce que je suis camerounaise.
130
205/ Prof : Justine tu as dit que tu préfères
l'anglais des anglais qu'on appelle encore British English. Pourquoi ?
206/ Justine : Parce que j'aimerais aller là-bas.
207/ J-Stéphane : l'anglais camerounais. Parce que
c'est l'anglais là qu'on nous enseigne ici.
208/ Lysie : L'anglais des anglais, parce que j'aimerais
visiter la Grande Bretagne et apprendre à mieux
m'exprimer.
209/ Rémi : l'anglais des américains et des
anglais. Parce que j'ai envie de mieux apprendre et ne pas avoir des
difficultés en m'exprimant
210/ Hyacinthe : L'anglais des américains. Parce que
j'ai envie de savoir ce que disent les américains dans les
chansons
211/ Que savez-vous de l'Angleterre?
212/ Justine : Que sa capitale c'est Londres et que
là-bas il ya une reine.
213/ Prof : Et le Etats-Unis ?
214/ Justine : Il ya un président... sa capitale c'est
Washington...et certaines villes. Il ya New York, Miami et
Los Angeles. Santiago, Chicago.
215/ Stéphanie : Je sais qu'en Angleterre il ya la
reine. Elle s'appelle Victoria. Son fils est marié il est
footballeur.
216/ Lysie : Je sais qu'en Angleterre il ya une grande horloge
et que cette horloge sonne à chaque heure.
217/ Rémi : je connais un certain nombre de villes en
Angleterre comme Londres, Norwich. Ce qui est des Etats-
Unis je connais Washington, Chicago, Los Angeles. Je sais
aussi que le président s'appelle Barack Obama.
218/ Prof : D'après vous comment sont les anglais et
les américains ?
219/ Justine : Ils parlent couramment leur langue. Et que leur
anglais et notre anglais n'est pas la même chose.
220/ Prof : Quel est la différence ?
221/ Justine : dans notre anglais on ajoute le pidgin.
222/ Stéphanie : Les anglais sont gentils.
223/ Prof : qu'est-ce qui vous fait dire qu'ils sont gentils
?
224/ Stéphanie : Il ya les anglais dans notre
village.
225/ Prof : Les anglais ou les anglophones ?
226/ Stéphanie : Les anglais. Ils sont là-bas
pour travailler. Ils travaillent le cacao. Ils sèment aussi le gombo.
227/ Prof : Les anglais sont originaires d'Angleterre. Les
anglophones ne sont pas originaires d'angleterre mais
utilisent l'anglais pour communiquer. Je crois que tu parles
des anglophones. Et les anglais ?
228/ Stéphanie : Les anglais, ils parlent couramment
leur langue mais ils Whitisent29 /waitiz/ souvent.
229/ J-Stéphane : Ils parlent vite. On ne peut pas
comprendre ce qu'ils disent. Les américains aussi.
230/ Lysie : Ce que je sais des anglais c'est qu'ils parlent
bien leur langue.
231/ Rémi : Ce que je sais des anglais et des
américains c'est qu'ils parlent couramment l'anglais. Les
américains aiment bien tourner des séries
télévisées et les anglais sont des passionnés du
sport.
232/ Hyacinthe : Ce que je sais des américains c'est
qu'ils aiment faire la guerre.
233/ Prof : vous connaissez des personnes
célèbres en Angleterre et au USA ?
234/ Justine : En Angleterre je connais pas. Pour les
Etats-Unis : Rihanna, Beyonce...
235/ Prof : Ummmh, vous connaissez seulement les
célébrités en musique. Dans les autres domaines, le sport,
la
politique l'économie vous ne connaissez personne.
236/ Stéphanie : je ne connais personne.
237/ J-Stéphane : Je ne connais personne.
238/ Lysie : je connais les artistes comme Drake, Rihanna,
239/ Prof : ...Rien que les artistes, en sport, politique
rien.
240/ Rémi : En Angleterre Au tennis je peux citer Andy
Lorey, au football il y a Harry Kane, Gary Karim, John
Kerry. Aux Etats-Unis au football il ya London Donovan qui est
le meilleur joueur. Au basket Michael Jordan.
29 Ce mot signifie parler comme un homme blanc (de
l'anglais «white »). Usité en camfranglais un parler des
jeunes lycéens et collégiens.
131
241/ Prof : Si vous visitiez l'Angleterre ou les Etats-Unis,
Quels lieux aimeriez-vous visiter.
242/ Justine : Londres, je sais qu'il ya une grande horloge
là-bas. Et aux Etats-Unis c'est New York
243/ Stéphanie : New York pour découvrir comment
on construit les immeubles là-bas.
244/ J-Stéphane : Moi je veux visiter Washington.
245/ Prof : Qu'est-ce qu'il ya d'attirant là-bas ?
246/ J-Stéphane : moi je veux seulement
découvrir.
247/ Lysie : En Angleterre j'aimerais visiter Londres. Juste
pour découvrir aux Etats-Unis ....
248/ Rémi : Aux Etats-Unis j'aimerais visiter San
Antonio et New York pour voir les stades et les célébrités
du
football et du basket ball américain. En Angleterre
j'aimerais visiter Arsenal pour voir les célébrités du
football
et Londres pour connaitre le mode de vie des gens qui y
habitent.
249/ Prof : Arsenal c'est un club ou une ville ?
250/ Tout autour de vous, dans vos villages maisons ou
quartier est-ce qu'il ya des gens qui parlent anglais ?
251/ Justine : Ma tante au village.
252/ Stéphanie : Mes voisins au village
253/ Prof : Ils font quoi ?
254/ Stéphanie : Ils travaillent le
cacao30
255/ Lysie : Moi il ya ma cousine au Etats-Unis et ici au
lycée bilingue il ya ma grande soeur qui parlent anglais
256/ Rémi : moi j'ai ma grande soeur et ma mère
qui parlent anglais.
257/Prof : Parlons un peu de l'allemand et de l'Espagnol. Vous
utilisez ces langues ?
258/ Stéphanie : quelques petits mots en espagnol...
259/ J-Stéphane : quelques petits mots
260/ Prof : vous les avez appris où ?
261/ J-Stéphane : Chez ma soeur, elle fait
1ère Espagnol
262/ Stéphanie : Ma tante est en Guinée
Equatoriale
263/ Hyacinthe : Quelques petits mots, j'ai appris à la
télé.
264/ Lysie : allemand
265/ Rémi : allemand et espagnol
266/ Prof : Vous connaissez l'Espagne ?
267/ Justine : moi je connais une de ses villes qu'on appelle
Buenos Aires.
268/ Rémi : [conteste] ce n'est pas en Espagne c'est au
Brésil.
270/ Prof : Euh... allemand
271/ Rémi : Je connais quelques villes en Allemagne
comme Munchen, Dortmund.
272/ Lysie : Je connais quelques noms comme
Berlin.....euh...
273/ Prof : alors vous les connaissez comment ?
274/ Lysie : On nous parle de ces villes en classe pendant le
cours.
275/ Prof : Que savez vous des allemands ?
276/ Lysie : Les allemands sont racistes et ils aiment la
guerre.
277/ Rémi : Les allemands ont colonisé le
Cameroun. Se sont eux qui ont aussi remporté la précédente
coupe du
monde.
278/ Prof : Et les espagnols...
279/ Stéphanie : Ils sont méchants.
280/ Prof : Ils sont méchants ? Pourquoi pensez-vous
qu'ils sont méchants ?
281/ Ils nous maltraitent souvent là-bas.
282/ Vous parlez des espagnols où des
équato-guinéens ?
283/ Stéphanie : ...equato.
30 Il est de plus en plus courant de retrouver dans
les villages de la région du Sud des travailleurs provenant des
régions anglophones du pays qui viennent entretenir des
cacaoyères abandonnées. Ils représentent une main d'oeuvre
efficaces et moins chères par rapport aux jeunes sudistes locaux.
132
284/ Prof : Nous nous parlons des espagnols. Il faut faire la
différence. Alors vous savez pas grand-chose de
l'Espagne. Et l'Allemand ?
285/ Rémi : En politique nous avons Adolf Hitler...dans
le sport on a Thomas Muller, Tony Kross
286/ Prof : Les évènements de l'histoire
d'Allemagne ?
287/ Lysie : ce sont les allemands qui ont provoqués la
1ère guerre mondiale.
288/ Quels lieux aimeriez vous visiter en Allemagne ?
289/ Lysie : j'aimerais visiter Frankfurt
290/ Rémi : j'aimerais visiter Munich à cause de
sa population et de son mode de vie.
291/ Prof : Que représente l'Allemagne pour vous ?
292/ Rémi : l'Allemagne est une puissance mondiale qui
a colonisé le Cameroun.
293/ Prof : Bien. Nous allons terminer par là. Est-ce
que vous connaissez l'expression LE CAMEROUN est un
pays bilingue ?
294/ Tous : [ils répondent à tour de
rôle]...oui
295/ Prof : ça veut dire quoi quand on dit que le
Cameroun est un pays bilingue ?
296/ Justine : C'est parce que on parle le français
mais aussi l'anglais.
297/ Stéphanie : Le Cameroun est bilingue parce que on
parle l'anglais et parle aussi le français.
298/ J-Stéphane : que au Cameroun on parle
français et on parle anglais.
299/ Rémi : Le Cameroun est bilingue parce qu'il parle
anglais et français et que lors de la colonisation il y avait
une partie consacrée aux français et l'autre aux
anglais
300/ Il y a une autre expression : « c'est le Cameroun
qui est bilingue et non les Camerounais » vous avez déjà
entendu ça aussi ?
301/ Justine : non monsieur
302/ Stéphanie : [hoche la tête pour dire oui]
303/ J-Stéphane : [hoche la tête pour dire
non]
304/ Lysie : [hoche la tête pour dire oui]
305/ Rémi : Je n'ai pas encore entendu mais je peux
imaginer ce que ça veut dire.
306/ Pourquoi les gens disent ça ?
307/ Lysie : Ils veulent dire que tous les camerounais ne
parlent pas les deux langues. Certains parlent seulement
anglais et d'autres parlent seulement français.
308/ Stéphanie : On dit ça parce que les autres
parlent seulement leur langue non...les autres ne connaissent pas
le français ils parlent seulement le bulu.
309/ Prof : lorsqu'on regarde de près ces deux
expressions à votre avis est-ce que c'est vrai que le cameroun est
bilingue ?
310/ Justine : c'est vrai parce que c'est pas tout le monde
qui parle l'anglais.
311/ Prof : mais est-ce que tout le monde parle
français ?
312/Justine : [hoche la tête pour dire oui]
313/ Prof : même dans les régions où on
parle anglais ?
314/Justine : [hoche la tête pour dire oui]
315/ Stéphanie : c'est vrai parce que même si tu
ne parles pas l'anglais tu peux quand même comprendre.
316/ J-Stéphane : c'est vrai parce que les autres
écrivent.
317/Lysie : C'est vrai parce que au Cameroun certaines
personnes qui parlent français peuvent parler anglais et
d'autres qui parlent anglais peuvent parler français et
certaines personnes peuvent parler anglais seulement et
d'autres français seulement.
318/ Rémi : c'est vrai parce que parmi les langues
officielles du Cameroun nous avons l'anglais qui est une des
langues couramment parlée.
319/ Alors... c'est le Cameroun qui est bilingue et non les
camerounais. Est-ce vrai ?
320/ Lysie : c'est vrai et c'est faux.
321/ J-Stéphane : c'est faux.
133
322/ Prof : Pourquoi ?
323/ [silence... pas de réponses]
324/ Pour terminer je vais vous demander de me faire le dessin de
la tête de quelqu'un qui parle 5 langues. Une langue maternelle, le
français, l'anglais, l'espagnol et l'allemand. Comment s'organisent les
langues dans sa tête à votre avis ?
FIN DE L'ENTRETIEN 1
ENTRETIEN 2 04/05/2016 9 :59
1/ Prof : Bonjour,
Je vous disais qu'on allait avoir ce qu'on appelle un entretien
et notre entretien va porter sur les langues. Je vais
vous poser quelques petites questions sur les langues et
j'aimerais que vous y répondiez le plus honnêtement et
le plus simplement possible. Alors nous allons commencer...
essayez de vous présenter...
2/ Lyne, seconde allemand
3/ Richard, sixième A
4/ Sarah, sixième A
5/ Samuel, seconde Allemand
6/ Etienne, sixième A
7/Souleymanou, sixième A
8/ Prof : rappelez nous vos langues maternelles...
9/ Lyne : français
10/ Richard : bulu
11/ Sarah : basaa
12/ Samuel : bulu
13/ Etienne : bulu
14/ Souleymanou : foulbé.
15/ Prof : Alors votre langue maternelle, c'est la langue de
votre père ou celle de votre mère ?
16/ Lyne : la langue de mon père.
17/ Prof : Le français ?
18/ Lyne : le basaa
19/ Prof : vous avez dit que votre langue maternelle c'est le
français ! Elle a dit français non ?
20/ Tous : oui monsieur.
21/ Lyne : le basaa, monsieur.
22/ Prof : Pourquoi vous changez ?
23/ Lyne : Monsieur, c'est vous qui m'embrouillez puisque
dernièrement quand on a rempli les fiches vous avez
dit que la langue maternelle c'est la première langue
qu'on a étudié à l'école.
24/ Prof : Non c'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit la
première langue que vous avez apprise après que vous soyez
né.
Vous avez grandi avec cette langue. C'est-à dire Il ya des
familles ou le père et la mère parlent une langue
maternelle locale mais communique en français avec leurs
enfants et l'enfant grandit en ne parlant que français.
Est-ce que c'est votre cas ?
25/ Lyne : oui, monsieur.
26/ Prof : Donc votre langue maternelle c'est.....
27/ Lyne : le français.
28/ Richard : le bulu, pour mon père.
29/ Sarah : le basaa, pour ma mère.
30/ Samuel : le bulu du côté de mon père.
31/ Etienne : le bulu du côté de mon père.
32/ Souleymanou : le foulbé pour les deux.
33/ Prof : Où parlent-on foulbé au Cameroun ?
34/ Souleymanou : A Ngaoundéré
35/ Etienne : On parle le bulu au sud à Ebolowa.
36/ Samuel : On parle bulu dans mon village à AkomII
37/ Sarah : On parle le basaa au Centre à Makak.
38/ Richard : le bulu au Sud à Ebolowa
39/ Prof : Comment sont les gens qui parlent ces langues ?
40/ Souleymanou : ils sont bien.
41/ Prof : pourquoi dis-tu que les gens qui parlent foulbé
sont bien ?
134
42/ Souleymanou : Parce qu'ils respectent la religion.
43/ Etienne : Les bulus sont bien parce que dès
l'enfance ils apprennent à leur enfants à parler leur langue
maternelle.
44/ Samuel : le bulu est bien parce que chez nous les bulus
nous sommes très généreux envers les étrangers
qui
viennent pour les visites et tourisme.
45/ Prof : Comment sont les basaa ?
46/ Lyne : Ils sont méchants.
47/ Prof : C'est pas à vous que je m'adresse. Attendez
quand on parlera des français...[rires...] [sarah hésite de
s'exprimer]... dites ce que vous pensez.
48/ Sarah : moi je pense que les
basaa...[hésitation]... je ne sais pas monsieur.
49/ Prof : tu ne sais pas ou tu ne veux pas parler ?
50/ Sarah : les basaa sont accueillants. Mais...pour leur
caractère ils sont trop durs parce qu'ils aiment trop les
bagarres. Mais ils sont accueillants vers certains
étrangers. Quand les étrangers viennent tout le village se
mobilise pour l'héberger et le nourrir aussi.
51/ Prof : Mais qu'est-ce qui cause les bagarres ?
52/ Sarah : les discussions de terrains et des biens et la
chefferie aussi.
53/ Prof : Richard c'est toujours le bulu...qu'est-ce qui
caractérise le bulu ?
54/ Richard : ils aiment trop manger...[rires] ils sont
ndok31. Ce qui est bien chez eux c'est qu'ils savent cultiver
le cacao.
55/ Prof : Bon pour le français on aura un temps.
Alors, pour vous est-ce normal de parler les langues
maternelles que nous avons citées là ?... c'est
normal de parler le foulbé ?
56/ Souleymanou : oui monsieur, parce que s'il ya des choses
qui se passe et on ne veut pas que les étrangers
comprennent on va parler.
57/ Prof : donc c'est un moyen de parler en secret.
58/ Souleymanou : oui monsieur.
59/ Etienne : oui c'est bien de parler bulu parce que nous ne
sommes pas nés avec le français. Ça permet aussi de
communiquer envers tout le monde qui nous comprend.
60/ Samuel : oui le bulu est bien parce que ça nous
permet de communiquer avec nos grand parents au village. Et
en plus on peut se retrouver la où les gens parle bulu
et on vous accepte facilement.
61/ Sarah : c'est bien de parler basaa parce que ça
nous permet de communiquer avec les grands parents et les
gens qui ne comprennent que le basaa.
62/ Richard : c'est important de parler le bulu parce que
ça nous permet de communiquer avec nos parents à la
maison et de causer avec nos cousins du village qui arrivent
en ville et qui ne savent pas encore parler le
français.
63/ Prof : Et le français alors ? ... parlons
maintenant du français. Commençons par la personne dont la
langue
maternelle est le français. Votre français vous
l'évaluez comment ? très bon, bon, assez ou mauvais
français ?
64/ Lyne : bon.
65/ Prof : donc vous parlez bien français ?
66/ Lyne : oui
67/ Richard : bien
68/ Sarah : bien
69/ Samuel : assez bien
70/ Etienne : un français assez bien
71/ Souleymanou : un français assez bien
72/ Prof : Alors... vous connaissez la France ?
73/ Lyne : [rire] non monsieur.
74/ Prof : Vous n'êtes jamais allé en
France...mais vous n'avez jamais entendu parler de la France ?
75/ Lyne : Si, j'ai déjà entendu parler de la
France.
76/ Prof : Et...Comment ?
77/ Lyne : j'ai un père qui est là-bas en
France. Il nous montre souvent certaines choses de la France par
téléphone. Sur Ummo nous communiquons et il me
montre les choses de la France.
78/ Prof : Donc vous connaissez la France que par cette
application de téléphone...vous n'avez jamais rien lu sur
la France ?
79/ Lyne : j'ai déjà lu les choses sur la
France.
80/ Prof : Quoi par exemple ?
81/ Lyne : qu'ils sont racistes.
82/ Prof : C'est ce que vous avez lu dans les livres ?
83/ Lyne : oui monsieur.
31 Signifie « gourmand » en bulu.
135
84/ Prof : Et c'est quel livre ?
85/ Lyne : j'ai oublié le titre mais c'est un livre
racial qui parlait de la France.
86/ Sarah : ce que je sais de la France c'est que les
français...[hésitante]... ils aime la guerre. Et... je sais
aussi
que les noms qu'ils utilisent pour appeler les choses ne sont
pas les mêmes chez nous. Comme par exemple ce
que nous appelons bonbon eux ils appellent sucette...Et ils
ont aussi leur façon de causer français.
87/ Prof : Ils parlent comment ?
88/ Sarah :Ils parlent... comme s'ils étaient entrain
de whitiser32. Ils n'ont pas le même ton que nous.
89/ Prof : Samuel, tu connais la France ?
90/ Samuel : je ne connais pas la France mais je sais que dans
l'histoire, la France a participé à la deuxième
guerre mondiale.
91/ Etienne : La France c'est un pays qui est beaucoup
engagé. Surtout pour la lutte contre la secte islamique. Ils
ont collaboré avec S.E Paul Biya. Pour essayer de
combattre le terrorisme.
92/ Prof : Alors, comment sont les français ?
93/ Lyne : Ils sont modestes...accueillants. Ils savent
prendre les problèmes des autres en main mais ils sont
aussi trop menteurs
94/ Prof : Pourquoi dites-vous qu'ils sont menteurs ?
95/ Lyne : parce qu'il montre toujours ce qu'il ya de positif
chez eux et ils cachent le négatif. Ils disent toujours
que leur pays est beau, ils ont l'argent alors qu'il ya aussi
la pauvreté et les mauvaises choses là-bas.
96/ Richard : les français sont créatifs. Ils
changent les noms des choses. Dieu a crée sa pomme et eux ils disent
que c'est la pomme de France alors que ça peut aussi
être la pomme du Cameroun. [rires].
97/ Sarah : Ce que je peux dire des français c'est
qu'ils sont arrogants. Et ils ne savent pas cuisiner.
98/ Samuel : bon... pour moi les français sont racistes
ils n'aiment pas trop se mélanger avec les noirs et
métisses. Ils veulent aussi montrer qu'ils sont
supérieurs comme s'ils avaient reçu le pouvoir de Dieu.
99/ Etienne : les français sont accueillants il ya
d'autres qui sont gentils, il ya d'autre quand ils viennent ici on
les accueille mais quand les noirs veulent partir chez eux ils
les maltraitent.
100/ Prof : alors si on vous proposait de visiter la France.
Quels lieux visiterez-vous ?
101/ Sarah : Paris
102/ Samuel : Paris pour visiter la tour Eiffel
103/ Etienne : Je vais aller à Paris.
104/ Lyne : Lyon
105/ Prof : pourquoi Lyon ?
106/ Lyne : Parce que c'est beau là-bas.
107/ Prof : Pour vous que représente la France ?
108/ Samuel : Pour moi la France représente un pays
comme les autres.
109/ Richard : c'est le pays des français.
110/ Sarah : Un pays comme les autres
111/ Etienne : Un pays comme les autres.
112/ Prof : Donc pour vous quand on dit France il n'ya rien
d'exceptionnel, c'est un pays comme les autres.
113/ Tous : oui monsieur.
114/ Prof : Parlons aussi un peu de l'anglais. Vous apprenez
l'anglais à l'école ?
115/ Tous : oui monsieur.
116/ Prof : vous utilisez l'anglais ?
117/ Tous : [à tour de rôle] oui monsieur.
118/ Prof : Quand vous vous exprimez en anglais, vous utilisez
quelle variété ? l'anglais britannique, américain
ou camerounais ?
119/ Tous : [à tour de rôle] l'anglais
camerounais.
120/ Prof : Alors comment évaluez-vous votre niveau
d'anglais ? Très bien, bien, assez bien, passable...
121/ Lyne : Faible
122/ Richard : médiocre
123/ Sarah : Faible
124/ Samuel : Passable
125/ Etienne : Faible
126/ Souleymanou : médiocre
127/ Prof : Vous savez que tous ceux qui parlent anglais
parlent la même langue mais pas de la même façon.
Alors quelle est la façon de parler que vous
préférez ? Celle des américains, des anglais ou des
camerounais ?
128/ Lyne : des camerounais...
129/ Prof : Pourquoi ?
130/ Lyne : parce que c'est plus facile à
comprendre.
32 En francamglais Parler comme
l'homme blanc.
136
131/ Richard : Camerounais parce qu'on peut vite
comprendre.
132/ Sarah : Camerounais. Ça se comprend facilement
133/ Samuel : Camerounais parce qu'il est facile à
comprendre et facile à parler
134/ Etienne : Anglais camerounais parce que c'est facile
à comprendre, facile à écrire facile à parler.
135/ Souleymanou : Anglais camerounais. C'est facile à
comprendre.
136/ Prof : quand vous êtes en classe vous avez
l'impression que votre prof vous enseigne quelle variété ?
137/ Tous : [ à tour de rôle] camerounais.
138/ Prof : vous connaissez l'angleterre et les Etats-Unis
?
139/ Lyne : l'angleterre est un pays bien, un pays d'affaires,
rigoureux et sévère.
140/ Prof : sévère dans quel sens ?
141/ Lyne : par exemple au travail si le travail commence
à 8 heures il faut être à l'heure sinon on te renvoie.
142/ Prof : et les Etats-Unis ?
143/ Lyne : je sais pas...
144/ Sarah : selon les informations que j'ai eu c'est que
là bas il ya des hommes qui se marient avec des chats. Et
le maire aussi signe l'acte de mariage.
145/ Prof : vraiment ? Vous avez vu ça où ?
146/ Sarah : Ma soeur et moi avons vu ça sur
internet.
147/ Etienne : ce que je sais des Etats-Unis c'est que ils
aiment faire la guerre.
148/ Prof : Quel idée vous avez des anglais et des
américains ?
149/ Lyne : l'homme américain est hypocrite.
150/ Richard : l'homme américain il aime la
bagarre...
151/ Sarah : l'homme américain aime se faire
voir...l'anglais, aucune idée.
152/ Etienne : l'homme américain il aime trop porter
plainte.
153/ Si on vous proposait de visiter les Etats-unis ?
154/ Lyne : j'irai à Washington.
155/ Richard : Pareil.
156/ Sarah : New York
157/ Samuel : Miami
158/ Etienne : New York
159/ Souleymanou : New York
160/ Parlons de l'allemand et de l'espagnol. [s'adressant
à Lyne et Samuel] vous apprenez l'allemand. Est-ce
qu'il y en a parmi vous qui utilise l'espagnol
161/ Richard, Sarah, Etienne : oui monsieur.
162/ Prof : on parlera donc de l'espagnol et de l'allemand.
Alors...l'espagnol vous connaissez ?
163/ Richard, Sarah, Etienne : on se débrouille.
164/ Mais vous n'apprenez pas ça à
l'école.
165/ Richard, Sarah, Etienne : oui monsieur
166/ Prof : Vous avez donc appris à vous
débrouiller en espagnol où ?
167/ Richard, Sarah, Etienne : Pendant les permanences le prof
nous entretien en espagnol
168/ Etienne : et monsieur nos grands frères et nos
grandes soeur qui sont dans les classes élevées parlent
espagnol
169/ Prof : Et vous vous utilisez l'allemand. Vous l'avez en
classe comme langue vivante2. Comment sont les
allemands ?
170/ Samuel : Ils sont généreux et
accueillants
171/ Prof : est-ce que vous connaissez l'expression le
Cameroun est un pays bilingue ? vous avez déjà entendu
dire ça ?
172/ Tous : oui monsieur
173/ Pourquoi les gens disent que le Cameroun est un pays
bilingue ?
174/ Lyne : Parce que au Cameroun il y a deux langues
officielles. Le français et l'anglais qui sont des langues
de communication faciles.
175/ Sarah : Le Cameroun est un pays bilingue parce que dans
l'histoire, avant que les anglophones et les
francophones se mélangent, ils étaient
partagés. Il y avait l'anglais d'un coté et le français de
l'autre et comme
les deux se sont mélangés c'est pour cela qu'on
dit que le Cameroun est un pays bilingue.
176/ Samuel : Le Cameroun est un pays bilingue parce qu'on
parle l'anglais et le français.
177/ Prof : c'est le cameroun qui est bilingue et non les
camerounais. Quand les gens disent ça ils veulent dire
quoi ?
178/ Sarah : c'est parce que quand certaines personne trouve
difficile de parler une langue. Ils disent que c'est le
Cameroun qui est bilingue.
179/ Richard : pour dire que ce ne sont pas nos langues mais
les langues qui viennent des autres pays.
137
180/ La dernière chose que je vais vous demander de faire
c'est le dessin de la tête d'une personne qui parle plusieurs langues.
Comment à votre avis s'organisent les langues dans sa tête.
FIN DE L'ENTRETIEN
ENTRETIENS3 04/05/2016 11 :36
1/ Prof : Bonjour,
Nous allons une fois de plus aborder la question des langues
et je souhaiterais que vous répondiez le plus
naturellement et le plus simplement possible aux questions qui
vous seront posées.
[ Les trois élèves sont en classe de 3eEsp 2...
Josiane, Junior et Hans] Vous dites quelle est votre langue
maternelle et si elle est la langue de votre père ou de
votre mère.
2/ Josiane : bene...la langue de ma mère.
3/ Junior : bulu... celle de ma mère.
4/ Hans : bulu... celle de ma mère.
5/ Prof : Où parle-t-on le bene ?
6/ Josiane : Minyem
7/ Junior : on parle bulu à Mvoutedou à Ebolowa
2e
8/ Hans : à Obang vers Ngoulemakong.
9/ Alors... comment sont les gens qui parlent ces langues ?
10/ Josiane : les bene sont travailleurs, gentils...
11/ Junior : les bulu sont vaillants ils sont aussi
travailleurs et gentils aussi.
12/ Prof : les bulus ?
13/ Josiane : [rire]
14/ Hans : Ils aiment le travail, ils partagent
également.
15/ est ce que c'est important de parler ces langues ?
16/ Josiane : c'est important parce que... chaque enfant doit
connaitre sa langue
17/ Junior : c'est important parce que tu ne dois pas oublier
ta tradition et ta langue.
18/ Hans : Pour moi c'est important parce que chaque enfant
quand il rentre au village il doit parler avec ses
grands parents.
19/ Et est ce bien de parler cette langue partout ?
20/ Josiane : non monsieur
21/ Prof : Pourquoi ?
22/ Josiane : Parce que beaucoup de gens ne comprennent
pas.
23/ Junior : Non monsieur. Parce que on peut arriver dans un
lieu ou les gens ne parle pas le bulu et il faut parler
une autre langue pas le bulu parce que tout le monde ne
comprends pas ça.
24/ Hans : on ne peut pas parler le bulu partout parce que
d'abord tout le monde n'est pas bulu et...et ce n'est
pas évident de commencer à parler se langue
comme ça.
25/ Prof : Et le français alors ? vous parlez
français ?
26/ Comment vous évaluez votre français ?
27/ Tous : [à tour de rôle] ... bien.
28/ Prof : ça veut dire que vous parlez tous bien
français.
29/ Alors... vous connaissez la France ?
30/ Junior : Junior : Non monsieur, on connait seulement le
nom France.
31/ Prof : vous n'avez jamais entendu parler de la France...
vous savez il ya plusieurs façon de connaitre un lieu.
On ne connait pas un lieu simplement parce qu'on l'a
visité mais on peut lire les choses sur un lieu ou voir à a
télé internet et tout ça... alors vous
connaissez la France ?
32/ Josiane : Oui on connait la France
33/ Prof : Qu'est-ce que vous savez de la France ?
34/ Hans : Je sais par exemple qu'en France il ya plus de
vieux que de jeunes ... et qu'ils ne mangent pas de la
même façon que nous. Chez eux ils ont des
règles d'hygiène nous on mange n'importe comment.
35/ Junior : Moi je connais les différentes villes de
la France comme Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux.
36/ Josiane : je sais que la France est un pays
développé.
37/ Prof : Parlons maintenant des français. Comment
sont les français ?
38/ Josiane : ils ont un ton bizarre. Ils whitisent
[waitiz]
39/ Junior : Moi je sais que les français parlent
d'abord français.
40/ Hans : leur façon de parler est différente
de la notre, ils sont propres, ils s'entretiennent bien, ils cherchent
toujours à découvrir.
41/ Si vous visitiez la France, quels lieux aimeriez vous
visiter.
138
42/ Josiane : J'aimerais visiter la capitale Paris. Pour
découvrir le lieu où le président habite.
43/ Junior : Moi aussi j'aimerais visiter Paris pour
découvrir les Champs Elysées.
44/ Hans : J'aimerais visiter Paris pour voir la tour Eiffel,
les gratte-ciels, également visiter les stades et les eaux.
45/ Prof : Quand on parle de la France. Qu'est ce que
ça représente pour vous ?
46/ Hans : pour moi ça évoque un pays
développé, ambitieux,
47/ Junior : Quand j'entends parler de France je pense que
c'est grâce à eux que nous avons l'indépendance.
48/ Josiane : Quand j'entends parler de France, je pense
à l'histoire, au pays qu'ils ont colonisés.
49/ Prof : Donc il voit l'indépendance et vous la
colonisation et lui le développement. Alors parlons de l'anglais
une langue que vous apprenez à l'école. Vous
utilisez anglais ?
50/ Tous : oui monsieur
51/ Prof : A votre avis quel est la variété que
vous utilisez. L'anglais des anglais, l'anglais américain ou
l'anglais
camerounais ?
52/ Tous : [à tour de rôle...] l'anglais
britannique.
53/ Prof : Votre anglais il est comment ? Très bien,
bien, passable...comment vous l'évaluez ?
54/ Josiane : Moyen
55/ Junior : Médiocre
56/ Hans : Médiocre
57/ Quelle variété d'anglais
préférez-vous ?
58/ Hans : l'anglais britannique...ça s'apprend
facilement.
59/ Junior : L'anglais britannique... c'est ça qu'on
nous apprend de l'école primaire au secondaire.
60/ Josiane : L'anglais britannique... c'est plus facile que
l'anglais américain
61/ Prof : l'Angleterre, les Etats-Unis vous en avez entendu
parler ?
62/ Tous : oui monsieur
63/ Prof : Qu'est ce que vous savez de l'Angleterre et des USA
?
64/ Junior : L'Angleterre j'ai entendu parler mais dans
l'histoire. Pendant la 2e guerre mondiale ils ont eu le
radar qui a permis de vaincre l'Allemagne.
65/ Hans : Je connais les USA dans le développement et
également dans l'histoire. Pendant la guerre ils
vendaient les armes aux européens et ils sont
entrés en guerre quand l'Allemagne a bombardé leur navire et
leur
entrée en guerre à changé les choses en
faveur des alliés. L'angleterre est un pays riche qui fait aussi partie
de
l'histoire de l'indépendance du Cameroun. Sur l'aspect
éducatif il a beaucoup rapporté au Cameroun.
66/ Josiane : Les USA ont mis fin à la
1ère guerre mondiale. C'est la première puissance
mondiale et un pays
développé. L'Angleterre me fait penser aux pays
qu'ils ont colonisés.
67/ Prof : Parlons des anglais et des
américains...Comment vous les trouvez ?
68/ Hans : A mon avis les américains sont des gens
agressifs. Il aime la guerre, la drogue, en fait les mauvaises
choses. Les anglais sont des gens posées, simples.
69/ Junior : pour moi les américains sont des gens qui
savent chanter. Ils sont aussi agressifs. Les anglais sont
posés. Visiblement ils n'aiment pas les
problèmes.
70/ Josiane : Les américains j'aime leur façon
de tourner les films. Les anglais....[silence]
71/ Prof : Si vous visitiez l'Angleterre ou les USA quels
lieux visiterez-vous?
72/ Junior : Aux USA j'aimerais visiter Washington pour voir
la Maison blanche. Et Londres en Angleterre
pour visiter les stades de football.
73/ Hans : Pour les USA moi j'irai à New York pour
visiter ses gratte-ciels.
74/ Josiane : En Amérique j'aimerais visiter New
York.
75/ Prof : Alors vous apprenez l'espagnol, c'est votre langue
vivante 2.
76/ Tous : oui monsieur.
77/ Prof : vous utilisez l'espagnol. Comment vous
évaluez votre espagnol ?
78/ Josiane : passable
79/ Junior : Assez bien
80/ Hans : Assez bien
91/ Vous connaissez l'Espagne ?
92/ Tous : oui
93/ Comment vous connaissez l'Espagne, que savez vous de
l'Espagne ?
94/ Junior : à la télé et au cours
d'Espagnol
95/ Prof : Que savez vous de l'Espagne ?
96/ Hans : c'est un pays développé, touristique.
Il n'est pas très grand et toujours en paix.
97/ Junior : Je sais que c'est un pays développé
et aussi qu'il a une grande superficie.
98/ Josiane : Je sais que l'Espagne n'est pas trop
peuplé et que c'est aussi un pays développé.
99/ Prof : Et les espagnols quel est l'idée que vous
avez des espagnols ?
100/ Josiane : Les Espagnols aime la douceur, ils ne sont pas
violents
101/ Junior : Les espagnols aiment l'alcool. [rires] ils
boivent beaucoup. Ils aiment aussi le football.
139
102/ Hans : Les espagnols sont de grands sportifs, ils aiment
aussi l'humour. Et ils aiment partager avec leur
entourage.
103/ Si vous visitiez l'Espagne où irez-vous ?
104/ Josiane : J'aimerais aller à Madrid pour voir les
constructions...la population.... Habillement. tout ça.
105/ Junior : Madrid ...pour visiter les monuments.
106/ Hans : Madrid pour visiter le mode de vie des
populations, visiter les monuments et savoir leur histoire.
107/ Prof : Quand on dit Espagne ça vous dit quoi ?
108/ Hans : ça renvoie à un pays
développé et au sport.
109/ Junior : Un pays développé aussi. Un pays
qui a contribué à la colonisation des pays africains.
110/ Prof : Il ya cette expression : le Cameroun est un pays
bilingue. Vous avez entendu ça ?
111/ Tous : oui monsieur.
112/ Prof : pourquoi les gens disent ça.
113/ Josiane : Parce que le Cameroun a été
colonisé par les français et les anglais et qu'on parle
français et
anglais au Cameroun.
114/ Junior : Parce que le Cameroun était d'abord deux
Etats. Etat français et Etat anglais.
115/ Hans : Pour moi ça renvoie au fait que le Cameroun
a deux langues officielles le français et l'anglais et il ne
faut seulement s'habituer à parler français
alors qu'il y a l'anglais à coté qui fait partie de ns langues
officielles.
116/ Prof : Une autre expression c'est le Cameroun qui est
bilingue et non les camerounais. Vous avez déjà
entendu dire ça ?
117/ Tous : oui monsieur.
118/ Prof : ça veut dire quoi ?
119/ Junior : parce que le Cameroun a les autres langues. Il
ya certains qui parlent français anglais et les autres
langues.
120/ Josiane : ils disent ça pour justifier le fait
qu'ils ne parlent pas l'anglais.
121/ Junior : Quand quelqu'un connait seulement parler
français il dit que le Cameroun et bilingue et non moi.
122/ Hans : c'est la même chose.
123/ Prof : La dernière chose que je vais vous demander
c'est de me faire un dessin. Vous dessinez la tête de
quelqu'un qui parle quatre langues. Imaginez comment les
langue s'organisent dans sa tête.
140
Annexe3. Observation participante
OBSERVATION EN COURS DE LANGUE
Observation du discours des apprenants. Mené le 03/12/2015
cours d'anglais en classe de seconde A4 Allemand.
En seconde, la version anglaise d'un extrait du poème
d'Homère « The Odyssey » (traduit en prose) avait
été lue en classe quelques jours auparavant. Dans cet extrait
Odysseus un chef grec et ses hommes sont emprisonnés par un monstre
à oeil unique dénommé le Cyclops. Convaincu que ce monstre
mangeur d'hommes finira par les manger tous, Odysseus va imaginer un
stratagème pour échapper au monstre lui et ses hommes. A la fin
de cette leçon de Reading-Comprehension, Il a été
demandé aux élèves de préparer pour la prochaine
leçon une histoire de monstre populaire dans leur culture et de la
raconter en classe. La consigne : ` Tell about a monster in your
culture or traditions'. Les histoires de monstres produites par
quelques élèves ont été enregistrées en
voici la retranscription.
ELEVE 1
32. Teacher : The name is...
33. Student1 : My name is Student1. The Monster in my
village is AKPARA/àkpàrá /
34. Teacher: Where is your village located?
35. Student1 : in départment de la Menoua.
1. Teacher : In Menoua division. That's what we say in
English. So the monster in your village is Akpara is
that?
36. Student1 : Yes sir.
37. Teacher : How is Akpara ?
38. Student1 : He bok a mask.
39. Teacher : He bok ? What is bok?
40. Class: [rire des élèves...quelques-uns
chuchotent «francamglais»]
41. Student1 : [fait un signe de la main sur la
figure]
42. Teacher : Not bok, wears. He wears a mask.
43. Student1 : He wears a mask. In the mask he has three
oeil.
44. Teacher : three what?
45. Class: [ les élèves répètent
partagés entre `oeil', et `I']
46. Teacher : he has three eyes.
47. Student1 : he bok big clothes.
48. Teacher: he wears not he bok
49. Student1: He wears clothes. He has a long
fingers.
50. Teacher: He has long fingers. When you say «a»
the word is singular so, he has long fingers.
51. Student1: He has long fingers. He shake very
good.
52. Teacher: what is « shake »?
53. Class: [rire des élèves] dance...
54. Teacher: He dances very well. Is that all?
55. Student1 : No. Euh...He is very watt.
56. Teacher : He is very....
57. Student1 : Watt...blanc
58. Teacher : He is light-skinned. We say he is
light-skinned.
59. Student1 : When people dance he sow a banana. Banana
pousse now now.
60. Class: [rires dans la classe... Certains
élève répète `pousse now now now' en
riant.]
61. Teacher : He plants a banana tree and the banana tree
grows right at the moment.
62. Student1 : yes, sir.
63. Teacher : and people eat bananas.
64. Student1 : yes, sir.
65. Teacher : Ok. And what does he do to people?
66. Student1 : He protect the village.
67. Teacher : so akpara is a good monster. He is not
wicked.
68. Student1 : yes, sir.
ELEVE2
69. Student2 : The monster of my village is Flapajou.
Flapajou is a big monster. He has euh...red les cheveux.
70. Class: [rire dans la classe...]
71. Teacher : red les cheveux hein ? ... He has red hair.
Yes.
72. Student2 : This monster detest children. He has a long
finger. He has a black body.
73.
141
Teacher : He has a black skin, he is dark-skinned.
74. Student2 : This monster habité in the
forest.
75. Class: [un élève souffle... « lives
»]
76. Student2 : This monster lives in the forest. The people
abandonné the forest.
77. Class:[rires...]
78. Teacher : people abandoned the forest. Why?
79. Student2 : Because the monster will eat the children to
kill the children.
80. Teacher : You said Flapajou is a big monster with red
hair. What about his face. How does it look like?
81. Student2 : He has a mask with the pic...the
corne.
82. Teacher : horns...right ? You said the monster detest
children. He can eat children. What else does he do?
83. Student2 : he detest people and animals.
84. Teacher : what does he do to people and animals ? To
detest is a feeling. How does Flapajou manifest that feeling? How do you know
that he detests people?
85. Student2 : [Pas de réponse]
86. Teacher : Ok ...another monster...
ELEVE 3
87. Student3 : Kokolo and Menguilingui
88. Teacher : In which village?
89. Student3 : Menyina Zoetele in the South. They are
horrible big fishers beside river... And they are terrorism children.
90. Teacher : They are terrorising children.
91. Student3 : They have hair and long and big
teeth.
92. Teacher : They have long hair and big teeth. What about
the body?
93. Student3 : Monsieur il est comme le poisson.
94. Teacher : They look like fish...ok?
95. Student3 : yes, yes.
96. Teacher : How do they terrorise children? What do they
do?
97. Student3 : Monsieur c'est parce qu'il est laid qu'il
terrorise les enfants.
98. Teacher : Can't you say it in English ?
99. Student3 : [silence]
100. Teacher : Ok... another one...
ELEVE 4
101. Student4 : The monster of my village is Nkuissier. She
is big.
102. Teacher : Is it a female monster?
103. Student4 : He is big, black, his hair... he are a
rasta. He are hungry.
104. Teacher : He... He....
105. Student4 : He is hungry...ugly.
106. Teacher : Hungry or ugly?
107. Student4 : Ugly...laid. His clothes are white. He
effraying the people in the bosquet.
108. Teacher : He frightens people in groves. Yes...so,
that's all? So, the name of the village is...
109. Student4 : Mbankuop in Foumbot.
110. Teacher : Good...[un élève lève le
doigt.] Yes, Student5. Now we are listening to student 5. ELEVE 5
111. Student5 : My monster is Kèmbê.
112. Teacher : Your monster?
113. Class: [rires...]
114. Student5 : The monster in my village is
Kèmbê.
115. Teacher : So, How is Kèmbê?
116. Student5 : Kembê is a snake the head is cot
/c?t/... [rires dans la classe]...cock... la chèvre. [ les
élèves rient de plus en plus]
117. Teacher : The head is...
118. Student5 : cot and snake...cot cot la
chèvre.
119. Teacher : it is goat... goat. The head is goat and the
body is snake. Ok.
120. Student5 : He lives das forest.
121.
142
Class: [rires...quelques élèves
murmurent]...das c'est déjà l'allemand.
122. Teacher : He lives in the forest.
123. Student5 : He kill the woman when the woman go to find
the firewood.
124. Teacher : So the only characteristic of
kèmbê is that one part is snake and another is goat.
125. Student5 : Yes, yes, das this. He has four eyes. Four
big eyes.
126. Teacher : You say he kills women when they go to find
for firewood that's all. The village is...
127. Student5 : Makak.
128. Teacher : Makak is in the centre...More stories about
monsters?
ELEVE 6
129. Student6 : I don't have a monster.
130. Teacher : So, what do you have?
131. Student6 : I have Jean Bivesseu
132. Teacher : What?
133. Class:[un élève s'exclame à basse
voix] eeeeeeh... Jean les os.
134. Student6 : Jean Bivesseu. It is a human. He kills
people and takes their bones and sell in the market.
135. Teacher : So you don't have a monster but you describe
what?
136. Student6 : Jean Bivesseu. He kills people and takes
their bones and sell in the market. He is very
beautiful.
137. Teacher : You say he is very beautiful. Do we say that
a man is beautiful?
138. Class: No....
139. Teacher : So how is the man?
140. Student6 : good-looking.
141. Teacher : good-looking or handsome.
142. Student6 : He lives in cocoa fields. He always has a
machete. Jean Bivesseu has one foot.
143. Teacher : He is cripple
144. Student6 : Il a un pied et demi.
145. Teacher : Yes, we say he is crippled. So, Jean Bivesseu
is a real person.
146. Student6 : he has died now.
147. Teacher : the story is now a legend.