CHAPITRE III : RESULTATS ET DISCUSSION
III.1. Inventaire des facteurs de dégradation
des sols dans les corridors du Parc National de la Bénoué
(PNB)
Au vu de la démographique galopante (due à la
population migrante, en majorité de la Région de
l'Extrême-Nord) dans les villages avoisinants les corridors, la pression
anthropique est en plein essor. Cinq types de facteurs de dégradation
des sols ou activités anthropiques (agriculture, pratique pastorale,
carbonisation, urbanisation et orpaillage) ont été
inventoriés dans les sept corridors (Hippotrague, Eland de Derby, Cob
Défassa, Galerie Forestière, Buffle, Girafe et Cob de Buffon),
que compte le PNB (Tableau 1). Ce résultat diffère de celui de
Vounserbo (2011) qui a identifié dans six corridors à l'exception
de celui dit Cob de Buffon huit activités anthropiques. En dehors de la
carbonisation non identifiée par le précédent auteur, la
coupe de bois, les routes, le braconnage et l'extraction du miel ont
été identifiées en plus des activités
inventoriées dans la présente étude.
Tableau 1 : Occurrence des facteurs de
dégradation des sols dans les corridors du Parc National de la
Bénoué
Activités anthropiqu
|
Corridors
|
|
|
|
|
|
Occurrence
des activités
|
Hip
|
ED
|
CD
|
GF
|
B
|
Gif
|
CB
|
Agri es
Urb Carb PP Orpa
|
79,6
0
6
0
10,1
10,1
7
|
54,1
3 2,1
0
1
6,42
7,34
|
66,67 19,61 4,90 8,82 0
|
91,67 0
0
6,48
1,85
|
81,55 0 12,62 5,83 0
|
73,33 0 23,33 3,33 0
|
76,92 15,38 0 7,69 0
|
(%74, ) 22
9,53
7,19
6,56
2,50
|
Légende : Agri : agriculture ; PP :
pratique pastorale ; Carb : carbonisation ; 7
Orpa : orpaillage ; Urb : urbanisation ; Hip : Hippotrague, ED
: Eland de Derby, CD : Cob Défassa, GF : Galerie Forestière, B :
Buffle, Gif : Girafe, CB : Cob de Buffon.
Dans l'ensemble, les activités anthropiques sont
significativement pratiquées (÷2 = 228,46 ; ddl = 24 ; P
< 0,01) en fonction des corridors. L'agriculture (74,22 %) des
activités anthropiques (Tableau 1) a été pratiquée
de manière prépondérante et non significative en fonction
des corridors (÷2 =
33
12,17 ; ddl = 6 ; P < 0,01). Ce résultat peut se
justifié par la dépendance des populations à cette
pratique. Vounserbo (2011) a montré que la coupe de bois (61,54 %) a
été l'activité prépondérante dans six
corridors à l'exception du corridor Cob de Buffon. La différence
entre ces résultats peut être due aux années qui
séparent les deux travaux et à la méthode adoptée
par ce dernier et dont le point d'entrer dans le corridor a été
parallèle à la route nationale N°1. Tagueguim (2010) par
contre, a montré que la pratique pastorale et le braconnage sont plus
représentés que l'agriculture. En saison sèche, les
pratiques agricoles préalables aux semis sont
caractérisées par la coupe de la quasi-totalité des arbres
dans les champs (Photo 4a) et par l'utilisation des herbicides qui laissent les
sols nus au cours des contre saisons (Photo 4b). Ces résultats sont
contraires à ceux de Vounserbo (2011) et Boukeng (2015) qui ont
remarqué que l'agriculture extensive sur brulis était à
l'origine de la destruction du couvert végétal dans les
corridors. En saison des pluies, la physionomie des corridors est
constituée de cultures de maïs (Zea mays ; L., 1753 ;
Photo 4c), d'arachide (Arachis hypogea ; L., 1753 ; Photo 4d), de
coton (Gossypium hirstum ; L. Photo 4e) et d'igname (Dioscorea
rotonda ; Photo 4f).
E : 1/200
E : 1/25
34
Photo 4 : Différentes pratiques agricoles
dans les corridors du Parc National de la Bénoué
35
Fort malheureusement, les pratiques agricoles fragilisent les
sols et les rendent vulnérables aux intempéries climatiques dont
l'une des conséquences notoire est le processus d'érosion (Photo
5a), facilité par les semis faits pour la plupart dans le sens de la
pente. Les phénomènes d'érosion hydrique en nappe (Photo
5b) et en rigole (Photo 5c) sont les plus observés avec leur corollaire
en termes de perte de terres arables et dont des sols pour l'agriculture.
L'activité agricole a été étroitement liée
à la construction des cases dans les corridors pour diverses fins
(abrit, stockage des récoltes, lieu de vie...).
E : 1/20
E : 1/40
Photo 5 : Phénomènes
d'érosion dans les corridors du Parc National de la
Bénoué
Le processus d'urbanisation (9,53 % des activités
anthropiques) (Tableau 1) a été rencontré de
manière significative (÷2 = 107,74 ; ddl = 6 ; P <
0,01) dans trois corridors : Eland de Derby, Cob Défassa et Cob de
Buffon. Dans ces
36
37
corridors, l'urbanisation est faite de manière
artisanale à l'aide des briques de terre (Photo 6a) pour la construction
des cases, de la paille pour la construction des cases traditionnelles, des
clôtures (Photo 6b) et de paillottes pour la construction des toits de
case (Photo 6c). Dans certains corridors, les sols sont fortement
sollicités au point ou les cours ont servi de jardins de case (Photo
6c).
Photo 6 : Indices d'urbanisation
L'activité de carbonisation (7,19 %), est
pratiqué différemment (÷2 = 71,14 ; P < 0,01 ;
ddl = 6) dans les corridors Girafe, Buffle et Cob de Défassa (Tableau
1). Cette pratique consiste à la coupe et l'entreposage de bois (Photo
7a), suivi de l'ensevelissement (Photo 7b), de la carbonisation (Photo 7c)
jusqu'à la récolte du charbon (Photo 7d et 7e) et la
commercialisation (Photo 7f). Le charbon, source importante de revenu pour les
riverains est à l'origine de la déforestation et de la pollution
passive.
Photo 7: Processus de fabrication du charbon
dans les corridors
La pratique pastorale n'a pas varié significativement
en fonction des corridors (÷2 = 4,04 ; ddl = 6 ; P > 0,05)
(Tableau 1). Elle a été plus pratiquée en
38
saison sèche et a concerné principalement
l'élevage des bovins. Cette activité contribue à la
déforestation, plus particulièrement de l'espèce
Afzelia africana (Fabaceae) (Photo 8a) appelée en langue locale
« Bambam ». Le nombre important d'individus par troupeaux a
favorisé le surpâturage et la compaction des sols des pistes
créées par le bétail (Photo 8b). En saison de pluies, ces
pistes deviennent des rigoles pour l'écoulement des eaux (Photo 8c).
Photo 8: Indices de la pratique pastorale
L'orpaillage, qui consiste à la recherche artisanale de
l'or a aussi bien été pratiqué sur la terre ferme que dans
les lits des mayo (Photo 9). La pratique intensive de l'orpaillage a
été significative (÷2 =33,37 ; P < 0,05 ; ddl
= 6) à Eland de Derby, que dans Hippotrague et Galerie Forestière
(Tableau 1).
39
Photo 9 : Site d'orpaillage sur terre ferme
abandonné
Il ressort de l'analyse sur l'inventaire des activités
anthropiques que le degré et le rythme d'anthropisation ont varié
en fonction des corridors mais, n'ont pas été similaire sous la
base de l'utilisation des ressources du sol. Les activités anthropiques,
aux usages multiples ont eu pour point commun la destruction de la flore et du
biotope. Le bois issus de cette destruction a été exploité
à titre personnel et commercial. Cependant, ces activités ont
inévitablement entrainées la création des routes sur
lesquelles la vitesse d'écoulement des eaux a été plus
importante que sur les sols avec une couverture végétale dont les
herbacées constituent un frein non seulement à l'érosion
mais aussi à l'impact des rayons solaires et des gouttes de pluies.
Cependant, les causes de ces facteurs sont multiples et diversifiés.
III.2. Causes de la pression anthropique et des
facteurs de dégradation des sols dans les corridors du Parc National de
la Bénoué
L'analyse des réponses obtenues lors des enquêtes
sur un total de 120 personnes dont 89,17 % sont des migrants venus de
l'Extrême-Nord-Cameroun et 10,83 % des autochtones a fourni des
informations récapitulées dans le tableau 2. Cet
échantillon de la population est constitué de 57,95 % des
scolarisés migrants et de 53,85 % de scolarisés autochtones.
L'ancienneté des migrants déplacés des guerres ou à
la recherche de terres fertiles a été de moins de 10 ans dans
cette localité. Ces migrants sont propriétaires de surfaces
relativement réduites, en raison de leurs effectifs pléthoriques,
du manque de
40
moyens financiers et humains. Indépendamment de
l'origine des agriculteurs, la pratique de la monoculture sur sols
préalablement déboisé (moins cinq arbres par champ)
associée à la rotation des cultures est de rigueur. Cette
technique agricole (monoculture sur sols préalablement
déboisé) est contraire à celle observée dans la ZIC
19 situé à Tchéboa (Région du Nord-Cameroun)
où les agriculteurs pratiquent plus de deux systèmes
agro-forestiers avec une moyenne de 25 arbres hectare (Boukeng, 2015).
Même si les agriculteurs sont conscients du phénomène de
dégradation des sols, l'utilisation des herbicides (Photo 10a
10b) et des engrais en l'occurrence l'azote, le phosphore et le
potassium (Photo
10c) est plus sollicitée que la pratique de
défrichage manuelle et de labour.
Photo 10 : Intrants utilisés en
agriculture dans les corridors du Parc National de la Bénoué
Pendant les périodes de contre saison, les occupations
des populations sont diversifiés (commerce, orpaillage, chômage,
pèche). La baisse de la fertilité des sols dans la région
de l'Extrême-Nord Cameroun est due à l'utilisation intensive des
intrants (engrais NPK, herbicides...) et à la réduction des
périodes de la jachère (Jekalbe, 2010).
Tableau 2 : Statistique des enquêtes
sociales
Paramètres
|
|
Variables
|
Origine
|
|
Migrants
|
Autochtones
|
Niveau d'étude
|
|
Aucun
|
4206
(%)
|
4615
(%)
|
|
|
Primaire
|
43,93
|
38,46
|
|
|
Secondaire
|
1402
|
1538
|
|
|
< 5 ans
|
5701
|
0
|
Ancienneté
|
dans
|
la 5 = ans = 10 > 10 ans
|
4299 0
|
0
100
|
41
Causes du déplacement Guerre 1682
Recherche de terres fertiles 6262
Recherche de nouvelles 2056
|
0
0
0
|
Superficie du champ < 2 ha
terres
> S < 4
S > 5 ha
76642
|
2336 0
|
3846
4615
15 38
|
Types d'agriculture Monoculture
Polyculture
Rotation des cultures
|
100 0
100
|
100 0
100
|
Utilisation des herbicides Avant le semis
Après la levée
|
100
9252
|
100
100
|
Labour Avant le semis
Post levé
|
0
748
|
0
100
|
Utilisation des engrais
Non
|
95,33
4 67
|
100 0
|
(NPK) < 5
Nombre d'arbres dans le
5 > Nombre d'arbres < 7
|
100 0
|
92,31
769
|
Commerce
Activités post récolte Orpaillage
Chômage
Autres (pêche loisir)
des sls lOui
|
3271 1402 44,86 841
|
4615 0 3077 1538
|
Connaissance du Oui
Non
|
100 0
|
100 0
|
phénomèe de
Méthode de conservation Oui (rotation des cultures)
Non
|
4766
5234
|
8462
1538
|
Méthode de restauration Oui (jachère et 2710
b
Non 7290
|
6154
3846
|
II.3. Cartographie de l'occupation du sol entre 2005 et
2015
L'analyse cartographique, comparée sur une
période de 10 ans, a permis de constater une régression de la
végétation 37,98 % (forêts galeries, forêts claires
et savanes boisées caractérisé par la dominance de la
couleur verte sur la figure 4a) au profit des bâtis, des sols nus,
exacerbés par la mise en place des parcelles de culture (Figure 4b).
Figure 4 : Cartographie de l'occupation du sol entre 2005
et 2015
Le tableau 3 présente les superficies en pourcentage et en
hectare des types d'occupation des sols.
Tableau 3 : Evolution de l'occupation des sols
entre 2005 et 2015
1,45 1648,01
ge
33,57 44900,8
44,77 45172,3
Pourcenta Hectare
Surface en 2005 Surface en 2015
|
Différences
|
24
21854 5
s 19 55 81 57097 3 36 57 35242
42
Occupation du
sol
Bâtis et sols Forêts galeries
nus
Forêts claires
et savanes
boisées Champ
Pourcenta Hectare
2,86 3251,76
ge
11,36 19723,3
29,49 33503,2
Pourcenta 1,41
ge
22,21
15,28
Hectare
1603,75
25177,4
11669,1
2 8
43
Ces résultats mettent en exergue l'ampleur des facteurs
de dégradation sur l'avenir des sols dans le PNB. Ces résultats
sont différents de ceux d'Amadou (2015) qui a comparé sur une
période de 10 ans et a montré une régression de 5,49 % des
forêts galeries et de 57,14 % des forêts claires et des savanes
boisés contre une évolution des sols nus de 14,87 %.
III.4. Evaluation des propriétés des
sols dans les corridors du Parc National de la Bénoué
Les propriétés du sol des champs (CH) et des
sols témoins (sol en jachère (T1) et sol permanemment nu (T2))
sont évaluées sur le terrain et au laboratoire.
III.4.1. Evaluation in situ des sols dans les
corridors du Parc National de la Bénoué
|
|