Le déclin spirituel récurrent de l'église( Télécharger le fichier original )par William LUJ Faculté de Théologie des Assemblées de Dieu du Burkina Faso - Maîtrise de Théologie 2012 |
IV. LES ASSEMBLÉES DE DIEU D'HIER ET D'AUJOURD'HUIA. Les Assemblées de Dieu Le réveil de la rue Azusa en 1906 a bouleversé le paysage évangélique des États-Unis. De nombreux pasteurs qui ont expérimenté le baptême du Saint-Esprit, se trouvèrent en difficulté dans leurs églises d'origine. Dès 1907, certains partirent évangéliser l'Inde, la Chine et l'Afrique. Mais cette progression de l'Évangile à l'intérieur comme à l'extérieur des États-Unis devait s'organiser afin de permettre le développement voulu par Dieu et assurer la 218Tobin Grant and Sarah Pulliam Bailey. 136 pérennité de l'oeuvre. C'est en 1914, à Hot Springs, dans l'Arkansas, que 300 pasteurs pentecôtistes américains se réunirent et décidèrent de former une association simple pour laquelle ils prirent le nom de « Assemblies of God ». E. N. Bell, ancien pasteur baptiste de Fort Worth Texas, fut élu président, et le premier quartier général fut établi à St Louis, dans le Missouri.219 Depuis 1914, Dieu a toujours pourvu des ministères remplis de l'Esprit pour travailler dans l'unité et conduire cette merveilleuse oeuvre de Dieu malgré les nombreuses oppositions, ainsi que les vicissitudes et les turbulences qui se sont déchaînées sur notre monde pendant ce siècle dernier. C'est également Dieu qui a permis à cette organisation de rester dans la saine doctrine et de la répandre dans le monde entier afin de contribuer à l'accomplissement de ses promesses. Aujourd'hui, les AoG, et tous ses adhérents dans le monde, sont soumis à une dure pression satanique faite de persécutions, ainsi que de séductions diverses qui ont, hélas, été la cause de chutes et de démissions parmi plusieurs pasteurs. Aujourd'hui, la pression est grande, même aux États-Unis, avec la troisième vague qui commence à faire des ravages. B. Le Déclin Spirituel ActuelIl est important de préciser le thème de mon mémoire : Le déclin actuel n'est pas un déclin religieux : c'est un déclin spirituel. De tout temps, les hommes ont été religieux, rendant des cultes au vrai Dieu, à de faux dieux, à aussi à des humains, rois, césars, gourous, sportifs, artistes, etc. C'est ainsi que Paul a pu déclarer aux Athéniens : « Je vous trouve à tous égards extrêmement religieux » (Ac 17.22). Ici, nous parlons du déclin spirituel qui arrive quand les membres d'églises ne sont plus régénérés, quand ils ne connaissent pas Dieu intimement, quand ils ne lui obéissent pas par amour, et quand ils ne pratiquent pas sa parole, voire quand ils la méprisent. Les rapports et les analyses qui nous parviennent, et notamment 219Donald Gee, Le feu de la pentecôte au 20ème siècle, (Craponne, France: Viens et Vois, 1988), 95. 137 du pays jusqu'alors le plus chrétien au monde, les États-Unis d'Amérique, confirment cette tragédie. 1. Les Chiffres du Déclin Les États-Unis d'Amérique J'ai choisi ce grand pays pour une raison simple. Tout ce qui s'y fait en matière d'économie, de technologie et surtout de religieux s'exporte très rapidement dans le monde entier. Selon une large étude du Barna Research Group, une ONG non partisane, qui réalise des études statistiques dans le domaine religieux sous le couvert de Issachar Companies, la plupart des américains se disent être un peuple spirituel et chrétien. Toutefois, la réalité ne reflète pas leurs propos. Leur transformation spirituelle est souvent rare et brève. Les études ont démontré la rareté de la longévité de la transformation spirituelle dans la vie des chrétiens américains. Par exemple, parmi ceux qui se disent chrétiens, un cinquième seulement disent dépendre entièrement de Dieu. Un cinquième dit que la seule plus grande décision de leur vie a seulement été d'inviter Jésus-Christ dans leur vie et de l'accepter comme leur Sauveur. Et un sixième seulement déclare être entièrement impliqué dans un développement spirituel personnel. En réalité, l'étude démontre que la grande majorité des chrétiens ne comprend simplement pas les défis auxquels elle doit faire face dans sa démarche spirituelle. C'est ainsi que Barna a pu identifier quatre obstacles majeurs qui affectent la transformation spirituelle des chrétiens : (1) Un manque d'engagement : 18% seulement déclarent être totalement engagé dans leur développement spirituel ; (2) un refus de se repentir pleinement : 64% disent s'être repenti lors de leur conversion, mais en réalité 12% seulement connaissent vraiment le sens et la signification de leurs péchés, et 3% seulement déclarent s'être entièrement placé sous le contrôle et la volonté de Dieu ; (3) le développement confus d'activités pour une bonne croissance spirituelle : si 39% déclarent avoir au moins trois activités religieuses dans la semaine (culte, prière, lecture de la Bible), 10% seulement ont 138 témoigné de leur foi, ou ont exceptionnellement jeûné, ou ont eu des temps de méditation prolongée dans la semaine ; (4) enfin l'échec d'un engagement permanent dans une communauté spirituelle sérieuse : beaucoup de chrétiens autoproclamés ne prennent pas leur communauté religieuse au sérieux. 21% seulement croient que la maturité spirituelle nécessite un lien vital avec une communauté de croyants, mais 35% disent avoir simplement confessé leurs péchés à un autre croyant il y a quelques temps déjà.220 Selon David Briggs commentant la dernière étude de Faith Communities Today, le pourcentage des congrégations US qui reportent habituellement une grande vitalité spirituelle a grandement décliné, tombant de 43% en 2005, à 28% en 2010. La chute a été accompagnée d'un déclin de l'emphase donnée aux pratiques spirituelles habituelles comme la prière et la lecture de la Parole, touchant presque tous les groupes parmi les blancs évangéliques et les congrégations de 1.000 membres et plus. Les raisons sont variables : le déclin de la santé financière dû à la présente récession sape le moral des chrétiens ; les chrétiens vieillissants sont moins enclins à accepter les nouvelles formes de culte ; et certaines dénominations ont mis une emphase sur des programmes de service social au lieu du développement de la piété personnelle. David Roozen rapporte que la perte de moral crée un environnement comme si « Dieu était absent de cet endroit ». D'autre part, l'emphase mise sur le développement de programmes sociaux semble être le point crucial du déclin spirituel actuel, notamment auprès de personnes d'un certain âge, qui réclament plus d'attention à leur croissance spirituelle.221 Un autre problème est soulevé par David Kinnaman, président de Barna : la jeunesse fuit l'Église. Et il donne six raisons pour cela : (1) L'isolationnisme : 1/4 des jeunes de 18 à 29 ans dit que l'église diabolise tout ce qui est extérieur à l'église, incluant la musique, les 220George Barna, "Maximizing Spiritual Change" www.barna.org (consulté le 09 octobre, 2012). 221David Briggs, "Religious but not spiritual: The High Cost of Ignoring Personal Piety," http://blogs.thearda.com/trend/featured/religious-but-not-spiritual-the-high-cost-ofèignoring-personal-piety (Consulté le 10 avril, 2012). 2012. 139 films, la culture, et la technologie qui définit leur génération ; (2) le manque de profondeur spirituelle de l'église : 1/3 trouve l'église ennuyante ; 1/4 pense que la foi est sans importance et que l'enseignement biblique n'est pas clair ; 1/5 trouve que Dieu est absent de leur expérience ecclésiale ; (3) l'antiscience : Près d'un tiers déclare que l'église est dépassée par les développements et le débat scientifiques ; (4) le sexe : l'Église est perçue comme simpliste et pleine de jugement. Pour 1/5 ou plus, une philosophie du « simple non » est insuffisante dans ce monde techno-porno. Les jeunes chrétiens sont aussi sexuellement actifs que les non-chrétiens et beaucoup se considèrent mal-jugés ; (5) l'exclusivisme : 30% des jeunes pensent que leur église est trop exclusive et jugent qu'ils sont forcés de choisir entre leur foi et leurs amis ; (6) les incrédules : 1/3 des jeunes estiment que l'église n'est pas un lieu sûr pour exprimer ses doutes, et 1/4 d'entre eux ont de sérieux doutes dont ils aimeraient discuter.222 Il existe actuellement un sérieux exode de la jeunesse. 60% des jeunes quittent l'église souvent de façon permanente et définitive à partir de l'âge de 15 ans. De plus, la plupart des jeunes adultes se marient de plus en plus tard, ce qui a tendance à bouleverser certaines moeurs. De plus en plus de chrétiens sont devenus si dépendants technologiquement, qu'ils participent au culte de plus en plus par TV et Internet interposés. Or, les responsables religieux ne sont absolument pas préparés à traiter avec cette nouvelle normalité. Leurs réponses se situent souvent aux extrêmes. Certains vont jusqu'à rejeter les membres âgés pour rebâtir l'église sur des concepts différentes pour attirer la jeunesse, d'autres pensent qu'il faut laisser faire, dans l'espoir que les chrétiens actuels éduqueront d'une manière différente leurs propres enfants qui retrouveront alors le chemin de l'église. Ce que nous découvrons ici de l'état de l'église américaine infecte déjà l'église dans de nombreux pays. Puisse le Seigneur donner la sagesse nécessaire à nos dirigeants spirituels 222David Kinnaman, "Six Reasons Young People Leave the Church" Leadership Journal, 23 janvier, 140 pour gérer cette nouvelle situation ! Puissent-ils eux-mêmes être sensibles à la voix de l'Esprit pour apporter les solutions divines face à ce danger ! Les Assemblies of God (AoG) aux États-Unis Les AoG furent constituées en 1914 à la suite du réveil d'Azusa et ne cessèrent de progresser dès lors, accomplissant un travail remarquable, tant à l'intérieur des États-Unis que sur le champ missionnaire. Dans les années 1980, les AoG connurent aux États-Unis, une expansion rapide due essentiellement à son travail de proximité auprès de la communauté hispanique qui représente depuis environ 15% des AoG des États-Unis. Il en fut de même avec une forte progression asiatique qui amena la création d'un premier district coréen des AoG. Ceci compensa la baisse des participants de race blanche. Par ailleurs, les AoG eurent à subir vers la fin des années 1980, deux scandales nationaux avec la chute de deux pasteurs réputés, Jimmy Swaggart et Jim Bakker. Malgré un effort peu rétribué d'évangélisation dans les années 1990 appelé la « décennie de la moisson », la croissance est descendue depuis 2003 à un rythme annuel d'environ 1%. Plusieurs mini-réveils ont toutefois été signalés, à ne pas confondre avec celui controversé de Brownsville-Pensacola en Floride. Bien que soutenu par la direction à Springfield, il a été largement critiqué tant à l'intérieur des AoG qu'à l'extérieur, comme étant une suite de Toronto et dans le cadre de la troisième vague, comme nous l'avons vu auparavant. Notre analyse des statistiques ne permet pas bien sûr de refléter le déclin spirituel amené par ces séductions diaboliques et les hérésies qui les accompagnent. Toutefois, elles permettent de jeter un regard sur la situation de l'église des AoG à un instant précis. Les statistiques utilisées ici proviennent directement du bureau du Secrétaire Général des AoG à Springfield : 141 1) Évolution mondiale du nombre des Églises AoG et de leurs adhérents. Aux États-Unis, le nombre d'églises est passé de 11.004 en 1987 à 12.457 en 2010, soit une augmentation de 13% en 23 ans. En même temps, le nombre d'adhérents à augmenté de 50%, passant de 2.160.667 à 3.030.944. Dans la même période, la progression a été plus prononcée si on y inclut les pays partenaires, ce qui permet d'avoir une vision mondiale des Assemblées de Dieu. Ici, le nombre d'églises est passé de 115.623 en 1987 à 338.472 en 2012, soit une augmentation de 192% en 23 ans. Et le nombre d'adhérents est passé de 15.816.435 à 55.699.506, soit une augmentation de 252%. Toutefois, lorsque nous regardons l'évolution mondiale depuis 2003, l'année 2004 a connu une progression de 3,6% (USA seul : 1,8%), 2005 une progression de 4,2% (USA seul : 1,8%), 2006 une progression de 4,2% (USA seul : 0,19%), 2007 une progression de 5,3% (USA seul : 0,95%), 2008 une progression de 2,5% (USA seul : 1,27%), 2009 une progression de 2,5% (USA seul : 0,51%), et 2010 une progression mondiale de 1,6% (USA seul : 3,84%). Nous constatons que la progression numérique aux États-Unis est faible, voire quasi stagnante, surtout si nous considérons le fort développement de l'implantation hispanophone et asiatique dans les AoG des États-Unis. L'augmentation est plus forte sur un plan mondial. Toutefois, l'influence de la troisième vague (mouvement de foi, évangile de prospérité, etc.) est d'ores et déjà si implantée dans les pays du tiers monde qu'il est difficile de chiffrer l'état réel des vraies conversions dans ces pays. Sont-ce des conversions ou simplement des adhésions par intérêt ? 142
L'analyse de ces statistiques sur les ouvertures et fermetures d'églises AoG aux États-Unis, durant la période allant de 1965 à 2009, nous permet de constater une progression d'ouvertures d'églises durant les années 80. Par contre, ces dernières années amorcent un déclin, avec des chiffres affichant une baisse de 15,6% des ouvertures de nouvelles églises entre 1999 et 2009. 143
Ce tableau compare les données entre l'année 1999 et l'année 2009, soit les écarts sur une période de 10 ans. Nous constatons là aussi un déclin spirituel certain :
144 6) Statistiques du nombre de pasteurs par tranches d'âge. Les chiffres exposés laissent entrevoir des successions qui pourraient être difficiles, notamment dans le cadre de l'influence de la « troisième vague ». En effet, sur un total de 34.504 ministères inscrits, 25% se situent dans la tranche au-delà de 65 ans, et 9,4% se situent dans la tranche de 60 à 65 ans. C'est donc un total de plus du tiers des ministères qui ont plus de 60 ans. En résumé, même si le déclin spirituel des AoG est moindre que celui constaté dans la majorité des autres dénominations évangéliques américaines, les chiffres rapportés ci-dessus doivent nous alarmer. Nous constatons en effet une forte progression du nombre d'adhérents, dont une large majorité semble ne pas vouloir s'engager plus loin, ce qui est significatif du constat fait nationalement. D'autre part, les chiffres révèlent un écart grandissant, année après année, entre le nombre des conversions, des baptêmes d'eau, et des baptêmes du Saint-Esprit, comme nous le retrouvons ci-après :
Cette étude est révélatrice d'un problème grandissant entre les conversions et les baptêmes d'eau ainsi que les baptêmes du Saint-Esprit. Si nous considérons le total des trois chiffres sur 31 ans, de 1979 à 2009, nous trouvons les écarts suivants, encore plus édifiants : 145 30. Total 31 ans Moyenne % % Annuelle /conv /bapt eau
On constate que sur une période de 31 ans, seuls 29,6% des convertis ont pris leur baptême d'eau. D'autre part, si on considère le nombre des membres et même des adhérents des AoG, on déduit aisément qu'un pourcentage énorme des conversions n'est pas allé très loin, ce qui permet de soulever plusieurs hypothèses : Étaient-ce de vraies conversions ? Le suivi des nouveaux est-il bien assuré par les pasteurs et les anciens en place ? De toute évidence, il y a un problème qui ne s'améliore pas au fil des années et qui laisse douter de la capacité de résistance des AoG face à la puissante montée de la troisième vague et de l'apostasie annoncée par les Saintes Écritures. Les Assemblées de Dieu de France Après de nombreux petits feux de réveil ici et là, faisant suite au réveil du Pays de Galles, Dieu suscita un homme, Douglas R. Scott et son épouse Clarice, membres de l'Alliance Évangélique Elim et influencés par George Jeffreys, à se rendre en France en 1930 pour y apporter le réveil de la Pentecôte.223 La mentalité et le climat religieux de la France étaient empreints de siècles de domination catholique romaine, et l'influence du siècle des lumières. Ils sont de ce fait très différents de ceux qui préexistaient dans les pays protestants. Les débuts furent de ce fait difficiles, puisqu'en 1937, on recense 17 villes ayant des salles de réunion dédiées à la prédication du plein évangile, avec un total de 2.071 membres baptisés. 223George R. Stotts, Le pentecôtisme au pays de Voltaire, (Craponne: Association Viens et Vois, 1981), 226Douglas Jeter. Le retour à une foi simple. Les Assemblées de Dieu et la communication de l'Évangile. Thèse de Doctorat, Université de Paris IV La Sorbonne, 2000. 146 Mais les progrès étaient là et en 1938, on comptait 40 villes touchées par le réveil.224 Hélas la deuxième guerre mondiale éclata en 1939, et apporta un temps d'arrêt à l'expansion de l'oeuvre, même si cette dernière continuait. Notons que, dès les débuts du mouvement de Pentecôte en France, Douglas Scott eut la grande sagesse de confier la direction aux Français qui l'ont jalousement préservée de tout contrôle étranger. Ceci a sans doute permis la poursuite de l'oeuvre pendant l'occupation allemande. Georges Stotts rapporte qu'en 1972, il n'y avait, sur un à deux millions de protestants français, que 50.000 pentecôtistes baptisés.225 Nous devons néanmoins tenir compte du fait que les ADD de France ne baptisent que des croyants adultes, ce qui ramènerait le nombre des sympathisants pentecôtistes à environ 200.000 à cette époque. Douglas Jeter rapporte, dans sa thèse de doctorat réalisée à la Sorbonne, les éléments de son étude faite en 1997. Il relève un total de 39.546 membres baptisés en métropole, et 22.526 membres baptisés dans les départements et territoires d'outre-mer, soit un total pour la France de 62.072 membres baptisés. Si l'on ajoute les enfants et les adolescents non baptisés, le chiffre atteint un total de 90.000 fréquentant les cultes.226 Comparativement à 1972, nous voyons que la progression rapide des années après-guerre s'est déjà ralentie. Les ADD ont progressé de 24% entre 1972 à 1997, soit en 25 ans, mais aujourd'hui, le chiffre de membres baptisés avoisine les 60.000 membres, ce qui reflète pour le moins une forte stagnation. Le mouvement de Pentecôte en France a exercé une profonde influence dans trois domaines : (1) Il s'est implanté dans la classe ouvrière, (2) Il a pénétré parmi les Tsiganes, (3) il a donné une impulsion spirituelle nouvelle au sein des églises protestantes. Malgré cela, 224Stotts, 183-184. 225Ibid., 65. 147 aujourd'hui, hormis le mouvement tsigane qui compte près de 100.000 membres, le nombre de membres de l'Église des Assemblées de Dieu de France n'a pas réellement évolué depuis trente ans. Une analyse de la croissance du mouvement de Pentecôte en France indique que, pendant les trente à cinquante premières années, le taux de croissance a été extraordinaire. Toutefois la question est posée, de savoir si le « pentecôtisme français n'approche pas de son apogée. »227 Comme le soulignait le Pasteur Marc Philippe, président de la Mission Intérieure des ADD, les nouveaux convertis ne font que remplacer ceux qui partent pour la patrie céleste. Par ailleurs, hormis une grande fidélité doctrinale, l'Église connaît le même marasme qu'ailleurs dans le monde, à savoir un déclin spirituel, tout en conservant ses pratiques religieuses. La réponse se trouve peut-être dans le dernier entretien donné par Douglas Scott en 1966, un an avant sa mort. Interrogé sur l'avenir du mouvement en France, il répondit qu'à son avis, l'avenir dépendrait de la façon dont les Français continueraient à se « laisser conduire par l'Esprit. » S'ils le refusaient, dit-il, le résultat serait le même que pour les réveils passés. Le mouvement deviendrait statique ; il ne serait donc plus un mouvement, mais un monument.228 Les AD en Afrique et au Burkina Faso Trouver des statistiques fiables pour le pentecôtisme africain relève du parcours du combattant. En effet, un grand nombre d'églises sont plus ou moins affiliées à la « troisième vague », notamment dans les pays à forte tendance pentecôtiste tel le Nigéria, ce qui rend la 227Jesse Lyman Hurlbut, L'histoire de l'Eglise chrétienne, (Deerfield, Floride : Vida, 1988), 203. 228Hurlbut, 203. 229Etienne P. Zongo, Bible College Lectures on the History of the Assemblies of God of Burkina Faso, (Thèse de Doctorat, Springfield, MI: Assemblies of God Theological Seminary, 2003), 167. 148 chose encore plus difficile. Je me limiterai donc à l'étude des quelques statistiques que j'ai pu me procurer sur les Assemblées de Dieu (AD) en Afrique puis au Burkina Faso. Dans sa thèse de Doctorat, le Docteur Zongo P. Etienne relève les chiffres des AD africaines, pour la période de la décennie de la moisson pour l'Afrique, comme suit229 :
Au Burkina Faso, l'oeuvre a commencé en 1921 par l'arrivée des missionnaires américains. Le Dr Zongo P. Etienne a relevé dans sa thèse de doctorat un nombre important de mini-réveils depuis l'année 1931 à Kaya, puis en 1933 à Yako, en 1951 à l'École Biblique de Koubri, en 1952 dans l'enceinte du collège protestant de Tanghin Barrage, puis encore en 1960, 1961 et 1965. En ce qui concerne la décennie de la moisson, les chiffres avancés pour la même période ont été les suivants :
149 De son côté, Laurent rapporte que selon le Pasteur Ouedraogo Jean Pawentaoré, ancien président des AD du Burkina Faso, l'Eglise comptait 400.000 fidèles en 1996 et 450.000 en 2001.230 Toutefois, de récentes statistiques émanant du Conseil National des Assemblées de
Ces chiffres, relevés à partir de statistiques réalisées par les Conseils Régionaux AD des diverses régions du Burkina Faso, permettent de tirer quelques conclusions. Tout d'abord, je constate un écart important entre le nombre de baptisés d'eau par rapport au nombre de membres : 48% en 2010 et 50% en 2011. De plus l'écart se creuse entre les baptisés du Saint-Esprit et les membres : 26% en 2010 et 27 % en 2011, et entre les baptisés d'eau et les baptisés du Saint-Esprit : 54% en 2010 et 53% en 2011. Ces chiffres doivent nous amener à nous poser plusieurs questions : Pourquoi les membres non baptisés ne prennent pas leur baptême d'eau ? Pourquoi les membres baptisés d'eau ne sont pas baptisés du Saint-Esprit ? Nous avons vu à ce propos que le nombre de baptisés du Saint-Esprit parmi les baptisés d'eau se situait entre 70 et 80% aux AoG des États-Unis. Une autre question est l'absence quasi 230Pierre-Joseph Laurent, Les pentecôtistes du Burkina Faso, mariage, pouvoir et guérison, (Paris, France: IRD Éditions, 2003), 29. 150 généralisée des dons spirituels dans les églises qui annoncent pourtant des statistiques importantes en baptêmes du Saint-Esprit. Sommes-nous surs de parler de la même chose ? 2. Le Début de l'apostasie Un des signes les plus évidents du déclin spirituel est l'apathie, l'endormissement, et l'indifférence envers l'état de la Maison de Dieu, envers la parole de Dieu, et envers la présence de Dieu. Cet état d'esprit submerge le pasteur, le croyant, voire toute l'assemblée, avant même qu'ils se rendent compte que quelque chose ne va pas. Ce déclin est en réalité l'un des premiers signes de l'apostasie dont nous parle la parole de Dieu. Il vient lorsque le refus implicite ou explicite de l'autorité de la parole se répand dans toute l'Église. Trop de pasteurs restent silencieux sur le péché. Ils n'appellent plus les fidèles à la repentance. Au lieu de cela, ils prêchent un évangile "politiquement correct", celui de la "tolérance". Selon Ralph Martin : Même quand on ne rejette pas clairement, sur un plan intellectuel, les enseignements uniques et absolus de Jésus-Christ, on entretient un mélange spirituel de vérité et d'erreur qui favorise le rejet émotionnel implicite de ces enseignements. Cela crée une atmosphère qui vide le Christianisme de toute sa puissance, aussi efficacement que si l'on avait ouvertement plongé dans l'apostasie. Si l'on ne proclame plus clairement les enseignements uniques et absolus de Christ, la foi se corrompt, le culte rendu à Dieu se pervertit et s'affaiblit, et l'on cesse d'annoncer l'Évangile.231 De plus en plus de pasteurs manquent de courage et font preuve d'un laxisme étrange. Ils restent silencieux devant le péché et les iniquités frappantes qui se déroulent sous leurs yeux. Ils se taisent dans l'église et évitent de prêcher sur certains sujets délicats parce qu'ils connaissent les situations critiques de certains de leurs membres qui ne veulent pas entendre ce qui pourrait troubler leur fausse sécurité. Ces membres sont d'ailleurs parfois des proches, des amis, des membres du clan ou du village, des collaborateurs, ou des gens importants. 231Ralph Martin, A Crisis of Truth, (Ann Arbor, Michigan: Servant Books, 1982), 21. 151 Parfois, le pasteur agit ainsi pour des raisons de subsistance. Intéressé, il craint de perdre ses plus gros contributeurs s'il aborde certains sujets controversés. Cela tient pour le moins de la simonie. Un autre signe du déclin vient de la facilité avec laquelle les chrétiens peuvent croire n'importe qui et n'importe quoi. Le manque d'enseignement biblique et la difficulté pour beaucoup de s'enseigner soi-même, par manque de temps ou tout simplement à cause de l'illettrisme fortement implanté dans les pays à forte poussée évangélique, conduisent les chrétiens à se confier souvent aveuglément à leurs conducteurs spirituels. Comme beaucoup de ces derniers n'ont pas eu d'enseignement doctrinal poussé et en sont encore au lait spirituel, ils ne peuvent pas emmener les chrétiens plus loin qu'ils ne le sont eux-mêmes. Cet état de fait conduit donc souvent à des déviations, à l'acceptation de tout vent de doctrine, au syncrétisme, et au déclin de l'église. Ce fait est souvent constaté lors de la venue, dans l'église ou ailleurs, d'un pasteur ou évangéliste réputé qui va multiplier les erreurs doctrinales voire carrément des hérésies, mais qui sera davantage cru et écouté que le pasteur principal de l'église. Ce dernier souvent n'osera pas reprendre en public celui qu'il a lui-même invité. 3. Le Déclin de l'Autorité de Christ dans l'Église Jésus a dit qu'il bâtira son Eglise (Mt 16.18). Or, nous constatons aujourd'hui que Jésus-Christ n'a pratiquement plus d'autorité au milieu de ceux qui se réclament de son nom. Or, c'est Jésus qui a reçu tout pouvoir dans le ciel et sur la terre (Mt 28.18). Dieu le Père a tout mis sous ses pieds, et l'a donné pour chef suprême à l'Église (Ep 1.22). C'est une doctrine fondamentale du Nouveau Testament. Toute autorité lui a été donnée, mais elle est contestée par le monde, et malheureusement aujourd'hui ignorée par l'Église. On le fête, on le loue, mais lorsque des décisions importantes sont à prendre, la raison humaine l'emporte. Christ n'a plus d'autorité. Dans nos églises, tous proclament le nom de Jésus, surtout dans les prières, lors d'inlassables « au nom de Jésus » comme une formule magique ou un mantra 152 bouddhiste, mais dans les réunions de prière, on recherche le Saint-Esprit. Ce n'est plus Jésus le Maître, mais le Saint-Esprit faiseur de miracles. On ne cherche pas la sainteté mais la puissance. Il serait temps de rétablir la saine doctrine sur le Saint-Esprit. Dans les conseils d'église, les décisions sont prises sur des raisonnements humains. Quel conseil d'église consulte vraiment les paroles du Seigneur avant de prendre une décision, ou s'appuie sur un passage de l'Écriture pour appuyer ses arguments ? Quelle structure d'église consulte la parole de Dieu pour y prendre ses directives ? Les décisions ne sont-elles pas déjà prises avant que l'on demande de prier pour demander l'aide de Dieu pour réaliser les plans ? J'ai personnellement connu plusieurs cas de pasteurs qui avaient reçu un réel appel missionnaire pour un pays bien précis, mais qui ont été dirigé vers un autre pays parce que le Comité missionnaire l'a décidé ainsi. Il en va de même dans la vie des membres ; ce n'est pas Christ qui prend les décisions, c'est quelqu'un d'autre. En réalité, nous sommes prêts à prier toute la nuit pour que Dieu donne du succès à nos entreprises, celles que nous avons décidées, mais tout ce que nous désirons, c'est que Christ nous aide, sans être notre Seigneur. On définit des moyens humains pour atteindre des buts que l'on considère divins, on en fait des priorités, et à partir de là, le Seigneur n'a plus droit au vote. Malheureusement, l'église doit lutter aujourd'hui sur deux fronts : d'une part, la puissance des habitudes, des précédents, des coutumes et des traditions, d'autre part, l'influence grandissante de la société dans l'église, notamment dans les nouvelles générations, troisième ou quatrième évoquées précédemment. Déjà, Israël s'était ainsi détourné de Dieu : « Ils dirent à Samuel : Voici, tu es vieux. . . .Établis sur nous un roi pour nous juger, comme il y en a dans toutes les nations » (1 S 8.5). Avant son départ pour la patrie céleste, David Wilkerson rappelait l'avertissement prophétique du frère Frank Bartleman, pionnier de la rue Azusa. Il concerne le danger d'une Pentecôte sans Christ. Il donna cet avertissement : 233Ibid. 153 Il est possible de voir les gens louer Dieu et lever les mains, et cependant que Christ marche parmi eux comme un étranger. . . .Permettez-moi de vous donner trois manières dont nous faisons de Christ un étranger parmi nous. . . .1. Nous faisons de Christ un étranger quand nous donnons au Saint-Esprit la prééminence sur lui. . . .2. On fait de Christ un étranger quand on le loue mais qu'on ne le prie pas. . . .3. Nous faisons de Christ un étranger parmi nous quand nous désirons sa puissance davantage que sa pureté.232 David Wilkerson ajoute : Nous ne sommes pas prêts pour la venue de Christ ! Est-ce là une Église triomphante ? Convoitises, divorces, esprit mondain, recherche du matériel et du succès, tiédeur, adultères ! Riche et cherchant toujours à augmenter ses biens, inconscients de son aveuglement spirituel et de sa pauvreté ; aimant le plaisir, recherchant les loisirs, consumée d'ardeur pour le sport, la politique et le pouvoir. . . Est-ce là l'Église que Jésus vient chercher ? Coiffée d'hypocrisie, remplie de crainte et d'anxiété, ne cherchant que la santé et le bonheur terrestre ?233 Quand, après la fête de Pâque, Joseph et Marie quittèrent Jérusalem, Jésus y resta. Ses parents terrestres croyaient que Jésus était avec eux, quelque part parmi les compagnons de route. S'étant aperçu, au bout d'une journée, qu'il était absent, ils retournèrent à Jérusalem et mirent trois jours pour le retrouver. Jésus était dans le Temple, dans la maison de Dieu (Lc 2.41-46). Combien de responsables, de serviteurs et de chrétiens, se trompent et croient, comme Joseph et Marie, que Jésus est toujours avec eux ? Est-ce qu'ils ne devraient pas, eux aussi, faire demi-tour, et retourner dans le sanctuaire, aux pieds de la croix, pour retrouver Jésus et sa communion ? Dans son journal intime, Franck Bartleman a voulu nous laisser un témoignage vivant de certaines possibilités de dérives qu'il avait déjà constatées à Azusa. Il nous prévient : Dès les débuts de l'oeuvre pentecôtiste, l'Esprit m'a beaucoup enseigné sur le fait que Jésus ne devait en aucun cas être amoindri, "perdu dans le temple", soit à cause de l'exaltation du Saint-Esprit, soit à cause des dons de l'Esprit. Il pouvait y 232David Wilkerson, "Une pentecôte sans Christ," http://www.voxdei.org/afficher_texte.php?id=1049.2 (consulté le 04 septembre, 2008). 234Frank Bartleman, Une autre vague déferle, (Saint-Hubert, Québec: Éditions Ministères Multilingues, 1997), 93. 154 avoir un grand danger à perdre de vue le fait que Jésus était tout en tous. . . . Tout vient par lui et en lui. Le Saint-Esprit est donné pour "révéler Christ". L'oeuvre du Calvaire et l'expiation doivent être le centre de notre considération. Le Saint-Esprit n'enlève jamais notre attention de Christ pour la placer sur lui-même, mais plutôt il nous révèle Christ d'une manière plus complète. Nous faisons face au même danger aujourd'hui.234 |
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