Chapitre 2. Azote dans les écosystèmes
forestiers
2.1. Azote dans le sol
2.1.1. Formes d'azote dans le sol
Le N dans les sols se trouve sous formes organique et
inorganique (minérale), les deux dernières constituant ce qu'on
appelle l'azote total.
V' L'azote organique
Dans les sols naturels, non perturbés, environ 95% de N
est présent sous forme organique reliée à la MO et qui
constitue une source importante de nutriments pour les plantes, après sa
minéralisation. Les organismes vivants contiennent des composés
riches en N, y compris des acides aminés, des acides nucléiques
et des protéines dans leurs tissus. Lorsque les déchets ou
cadavres de ces organismes sont déposés dans le sol, les produits
de leur dégradation forment la MO du sol et par conséquent une
source importante de N organique. En effet, N organique du sol provient de la
décomposition de la MO du sol, des débris végétaux
et animaux ou des amendements organiques (fumier, compost ou litière)
ajoutés au sol, qui sont également des sources importantes de N
organique.
V' L'azote inorganique (minéral)
Les formes inorganiques de N dans l'environnement comprennent
l'ammonium (NH+4), le nitrite (NO-2), le nitrate
(NO-3), l'oxyde nitreux (N2O), l'oxyde nitrique (NO),
et le N moléculaire (N2). Parmi ces formes seules les
NH+4 et NO- 3sont de grande importance du point de vue
fertilité des sols. Dans les sols, l'N minéral est
constitué de nitrates et d'ammonium, et représente moins de 2 %
de N total du sol. C'est cette forme qui est absorbable par les plantes et
provient de la décomposition de la MO (minéralisation de N
organique). Il est à signaler que il y'a des plantes
(légumineuses) qui, par le processus de fixation, arrivent à
capter et convertir le N atmosphérique (N2) en formes minérales
utilisables pour leur alimentation et l'alimentation des autres plantes
après leur mort (Postgate, 2008 in Web 4).
12
2.1.2. Transformations d'azote dans le sol
Bien que les sols ne contiennent qu'une fraction minuscule de
N lithosphérique, c'est ce petit réservoir qui est essentiel dans
le maintien de la vie à travers son approvisionnement pour les plantes
sous formes inorganiques ainsi que par sa mise à l'abri des
microorganismes qui participent aux processus complexes de transformation des
composés azotés. Ces processus peuvent être divisés
en trois catégories fonctionnelles à savoir : la conversion de N2
atmosphérique inactifs en formes organiques et le transfert
appelé fixation; la conversion de N des formes
organiques en formes inorganiques assimilables par les plantes, appelé
minéralisation (ammonification, nitrification); et le
retour de N du sol à l'atmosphère par
dénitrification. A ces derniers s'ajoutent
également d'autres processus contribuant aux pertes d'N des
écosystèmes à savoir : immobilisation,
lessivage et volatilisation.
? Fixation d'azote
La fixation de N constitue la transformation de N
atmosphérique (N2) inerte en N minéral (N-ammoniacal) qui est
intégré directement dans le métabolisme des plantes. Ce
processus est réalisé uniquement par des organismes procaryotes
vivant librement (dans le sol) ou en association avec certaines plantes
(Haynes, 1986). On estime que près d'un quart de N fixé
globalement est effectuée par la bactérie Rhizobium, en
association (fixation symbiotique) avec des légumineuses (par les
racines et les nodules racinaires) et que le reste est fixé par diverses
bactéries et des actinomycètes. La fixation biologique est
assurée par l'enzyme nitrogénase qui réalise la
réduction du N2 en N ammoniacal (Child, 1981). Le N fixé est
libéré dans le sol après la décomposition
microbienne et donc les facteurs affectant la minéralisation, affectent
également la quantité de N fixée et libérée
sous forme minérale.
? Minéralisation - Immobilisation
La minéralisation et l'immobilisation de N sont des
processus importants du cycle de N dans les écosystèmes
forestiers. La minéralisation consiste en la transformation de N
organique en N inorganique alors que l'immobilisation comprend la
transformation de N inorganique en N organique. Les deux processus se
déroulent simultanément dans le sol, avec des amplitudes
relatives déterminant ainsi si l'effet global est la
minéralisation (ou l'immobilisation) nette de N (Alexander, 1977 ;
Jansson et Persson, 1982). Le déroulement de ces deux processus dans le
sol dépend largement de qualité de la MO, plus
précisément sa teneur en N. Les microorganismes du sol
s'attaquent au détritus aussi bien comme source d'énergie que des
nutriments, et principalement le N, afin d'assembler
13
les protéines, acides nucléiques etc. Lorsque le
détritus est riche en N (rapport C : N faible), ces besoins sont
facilement atteints et il y a une libération de N. Dans ce cas, la
minéralisation de N a lieu. Dans le cas contraire où le
détritus est pauvre en N (rapport C : N élevé), les
microorganismes utilisent le N du sol et le rendent temporairement indisponible
pour plantes. L'immobilisation de N a lieu.
? Dénitrification
La dénitrification survient lorsque le N est perdu par
la conversion des nitrates vers les formes gazeuses d'N telles que le NO2, le
NO et le N2, C'est la seule voie par laquelle l'N dans les
écosystèmes terrestres et aquatiques est retransformé en N
gazeux (Galloway et al., 2004). Dans les écosystèmes
forestiers, l'élimination d'N par dénitrification peut impliquer
une diminution de la fertilité du site mais ceci est rarement
observé puisque ces pertes sont souvent compensées par les
entrées de N provenant de précipitations ou de fixation N2
non-symbiotique. Dans le sol, ce processus se produit lorsqu'il est
saturé et les bactéries (généralement
hétérotrophes) utilisent les nitrates comme source
d'oxygène. Dans les régions connaissant des dépôts
importants de N atmosphérique, l'augmentation du processus de lessivage
des nitrates a été observée (Dise et Wright, 1995). Cela
implique que les écosystèmes forestiers deviennent saturés
en N et ils se transforment de plus en plus en sources de N pour
l'hydrosphère et l'atmosphère. Ainsi, le processus de
dénitrification peut équilibrer certains apports de N, et donc
réduire en partie les effets de l'excès de N dans les
écosystèmes forestiers.
? Lessivage
La mobilité des deux principales formes de N
minérale dans les sols (NH+4 et NO3-)
diffère nettement. L'ammonium est moins susceptible d'être
lixivié que le nitrate en raison d'être tenu dans le sol par
l'échange cationique, par la fixation par les argiles, et par
l'immobilisation microbienne. En outre, l'ammonium, dans de nombreuses
conditions, est rapidement nitrifié en N. Contrairement à
l'ammonium, il y a moins de tendance pour les nitrates d'être
absorbés par les colloïdes du sol car ils possèdent souvent
une charge nette négative. Ils sont donc sensibles à la diffusion
et au transport dans l'eau du sol. La quantité de nitrates
lessivée des écosystèmes naturels augmente souvent suite
à des perturbations (Khanna, 1981). Cela pourrait être dû au
découplage des processus de minéralisation et de nitrification
ainsi que d'absorption de N par la végétation. L'absorption de N
peut donc jouer un rôle important dans l'atténuation des pertes
par lixiviation dans les écosystèmes. En effet, les travaux
réalisés par Vitousek et Reiners (1975) montrent que les pertes
des nitrates par lixiviation sont au minimum dans les stades
14
intermédiaires de la succession végétale,
lorsque l'accumulation (d'où absorption importante de N) de la biomasse
végétale est importante.
? Volatilisation
La volatilisation est la perte de N par la conversion
d''ammonium en ammoniac gazeux (NH3), qui est libéré dans
l'atmosphère. Les pertes par volatilisation augmentent à des pH
élevés et dans les conditions favorisant l'évaporation au
niveau du sol. Dans les sols acides, il y a une forte concentration de H+
par rapport aux sols calcaires ce qui permet la formation de
NH+4 due à l'oxydation de NH3, et donc la perte de N est
minime. À l'inverse, de faibles concentrations de H+ dans les
sols calcaires, la libre NH3 reste pendant un certain temps et est sensible
à la perte. Ainsi, la perte par volatilisation est directement
affectée par le pH du sol. La possibilité ou la
probabilité de perte est plus élevée lorsque le pH du sol
est supérieur à 7,4 (sols plus ou moins calcaires). De
même, le risque de perte est beaucoup moins dans les sols avec un pH
acide ou neutre.
|