CHAPITRE 1 :
PROBLEMATIQUE
1.1. Contexte et
problématique
Les forêts du Cameroun sont une composante importante du
bloc forestier du Bassin du Congo avec environ 20 millions d'hectares (MINFOF
et al., 2007). Selon WCMC (2000), le Cameroun renferme près de
8260 espèces de plantes vasculaires dont environ 150 sont
endémiques. C'est le deuxième pays d'Afrique Centrale qui
possède plusieurs espèces végétales après la
République Démocratique du Congo (Awono et Manirakiza, 2007).
De plus, les ressources forestières du Cameroun
revêtent une valeur économique non négligeable. Le bois
d'oeuvre représente la deuxième ressource d'exportation du pays
(30 %), après le pétrole (60 %) (Awono et al., 2008).
Les essences commerciales les plus prisées sont : l'Ayous
(Triplochiton scleroxylon), le Sapelli (Entandophragma
cylindricum), l'Azobé (Lophira alata), l'Iroko
(Milicia excelsa), l'Aiélé (Canarium
schweinfurthii), le Moabi (Baillonella toxisperma), le Bilinga
(Nauclea diderrichii), le Sipo (Entandophragma utile),
l'Eyong (Eribroma oblonga), l'Afromosia (Pericopsis elata),
l'Acajou (Khaya ivorensis), etc (Laird, non daté).
Depuis longtemps, l'exploitation du bois d'oeuvre est
considérée comme la seule source des revenus issus de la
forêt (Toirambé, 2007). Les acteurs de la forêt n'accordent
aucune importance aux Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL). Pour ceux-ci,
l'exploitation forestière ne concerne que le bois d'oeuvre. Ils
considèrent les PFNL comme second produit n'ayant aucun
intérêt alors que ces ressources naturelles jouent un rôle
très important dans l'amélioration des conditions de vie en
milieu rural (Loubelo, 2012). Dans les grandes zones de production du Cameroun,
ces produits apportent le bien-être à près de 30 000
personnes directement impliquées dans la filière et plus de 250
000 personnes de façon indirecte (Endong, 2011). Actuellement au
Cameroun comme dans d'autres pays du Monde, les produits forestiers autres que
le bois d'oeuvre ont acquis une importance considérable (Awono et
al., 2008). Ils ont multiples usages : aliments,
décoration, médicaments, bois de chauffe, bois de service,
etc.
Parmi les produits forestiers non ligneux à usage
médicinal au Cameroun, on a : le Stoolwood (Alstonia
boonei), le Moabi (Baillonella toxisperma), Movingui
(Ditronconanhus benthamianus), le P. africana, etc (Laird,
non daté). Pour certaines plantes, en plus des feuilles, des graines et
des racines, l'écorce est également utilisée dans le
traitement des maladies. C'est le cas du Prunus africana, qui est une
espèce arborescente de la famille des Rosaceae (Walter et Rakotonirina,
1995), utilisée dans le traitement des troubles de la prostate (Tasse,
2006 ; Njamnshi et Ekati, 2008). C'est une espèce endémique
aux forêts afro-montagnardes d'Afrique et de Madagascar. Au Cameroun,
l'espèce se retrouve dans six des dix Régions : Sud-ouest,
Nord-ouest, Ouest, Littoral, Centre et Adamaoua (Tasse, 2006).
Compte tenu de son importance économique, le Cameroun
s'est investi dans son exploitation. Depuis 1972, il est le plus grand
fournisseur de l'écorce de P africana du Monde (Njamnshi et
Ekati, 2008). Sa production représente les 2/3 du marché mondial
et provient essentiellement du Mont Cameroun (Tassé, 2006).
L'exploitation était dominée par Plantecam Medicam qui
était le seul exportateur de l'écorce jusqu'en 1985 (Njamnshi et
Ekati, 2008). En 1985, une cinquantaine de permis d'exploitation a
été accordée aux entreprises camerounaises (Walter et
Rakotonirina, 1995). Ce qui a favorisé une pression sur la ressource. En
plus de la pression, les mauvaises pratiques d'écorçages ont
été à la base de la destruction des arbres (Belinga,
2011).
En 1991, le Gouvernement camerounais a suspendu temporairement
l'exploitation de P. africana à tous les détenteurs de
permis sauf à Plantecam (Ondigui, 2001 ; Ingram et al,
2009). En 1993, le Gouvernement accorde des licences d'exportation à
trois compagnies camerounaises comprenant : Plantecam, AFRIMED et CEXPRO
(Tasse, 2006) et l'autorisation d'exploitation sur le Mont Cameroun à
plusieurs entrepreneurs (Moulendé et al., 2010). Le but
était de stimuler l'industrie. Mais il a plutôt encouragé
une surexploitation de l'écorce (Cunningham et Mbenkum, 1993). Entre
1994 et 1996, au moins 900 tonnes d'écorce avaient été
récoltées illégalement aux alentours du Mont Cameroun
(Tassé, 2006). Cependant, les techniques d'écorçage
n'étaient pas durables. Certaines mauvaises pratiques telles que
l'abattage des arbres ou le décapage total de l'écorce de la tige
principale aux petites branches, étaient exercées dans la
forêt (Tonye et al., 2000). Ce qui a entrainé des mesures
préventives sur le plan international. En 1995, l'espèce a
été inscrite à l'annexe II de la Convention sur le
Commerce International des Espèces de la Flore et de Faune sauvages
menacées d'extinction (CITES) (Tonye et al., 2000 ;
Belinga, 2011).
Suite à ces irrégularités, une
conférence fut organisée par la CITES en Septembre 2008 à
Lima au Pérou dans l'optique de statuer sur les méthodes de
gestion de P. africana des pays exportateurs. Au cours de cette
conférence, il a été demandé à certains
Etats à l'instar du Cameroun de considérer volontairement un
quota d'exportation zéro avant le 31 décembre. De façon
qu'ils aient plus de temps de dresser l'inventaire et d'élaborer le plan
de gestion. Sinon un embargo sur le commerce serait prononcé à
l'égard de ces pays (Ingram et al, 2009). Entre-temps, cette
insuffisance constatée dans sa gestion au Cameroun a conduit l'Union
européenne (EU) à suspendre les exportations du Cameroun en 2007
(Belinga, 2011). La suspension des exportations de P. africana en
provenance du Cameroun dans les pays de l'UE a affecté l'économie
des acteurs qui dépendent de la vente de ce produit (Awono et
al., 2008). Conscient de ces lacunes et soucieux des acteurs de la
filière, le Cameroun a pris des dispositions pour assurer la gestion
durable de cette espèce. Dans l'optique de relancer la filière,
le Gouvernement Camerounais a sollicité l'appui de l'Organisation
Internationale des Bois Tropicaux (OIBT) et de la CITES dans le cadre du projet
« Avis de Commerce Non Préjudiciable sur P.
africana ». Ce projet vise à s'assurer que le commerce
international des espèces floristiques listées en annexe II de la
CITES n'est pas préjudiciable à leur conservation (Akoa et
al., 2010).
En 2010, la suspension fut levée. C'est ainsi que les
plannings d'exploitation de P. africana ont commencé à
être conçus. Dans la Région du Sud-ouest, le plan simple de
gestion a été élaboré et l'unité
d'exploitation du Mont Cameroun a été divisée en cinq
blocs d'aménagement. Les inventaires d'exploitation ont
été réalisés en septembre 2012 dans le premier
bloc. En juillet 2012, l'exploitation de P. africana au Mont Cameroun
plus précisément dans le bloc I d'aménagement
démarrait. Depuis le début des activités, trois
récoltes ont déjà été
réalisées dans ce bloc d'aménagement. La présente
étude s'inscrit dans la logique d'évaluer la durabilité de
la gestion actuelle de P. africana au Mont Cameroun.
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