Question de départ
La question de départ est ainsi
formulée : au moment du retrait des structures d'appui, pourquoi
certains villages poursuivent l'exploitation du projet, alors que dans d'autres
villages les projets sont sous exploités ou même
abandonnés ?
Les questions spécifiques
sont :
- Quels sont les facteurs naturels pouvant favoriser ou non le
maraîchage ?
- Dans un processus participatif de mise en oeuvre d'un projet
de périmètre maraîcher, quelles sont les étapes qui
peuvent favoriser ou non la pérennisation des actions ?
Objectifs de l'étude
A travers cette étude, nous nous sommes fixés
comme objectif global d'analyser, dans un processus de participation, les
facteurs déterminants de pérennisation des projets de
développement communautaire. Plus spécifiquement, il s'agit pour
nous de :
- Caractériser les terroirs de Dodougou et de
Diéco pour faire ressortir les facteurs naturels qui déterminent
une logique locale de pratique du maraîchage ;
- Passer en revue les différentes étapes de mise
en oeuvre d'un projet de périmètre maraîcher dans les
villages de Dodougou et de Diéco pour faire ressortir les
éléments pouvant favoriser ou non sa pérennisation.
1. Cadre théorique et
conceptuel
Le développement a fait l'objet de plusieurs
interventions venant de différentes organisations gouvernementales ou
non gouvernementales avec des stratégies d'intervention et des
conceptions particulières. Le mot `'développement'' tel qu'il
s'est progressivement imposé dans le langage ordinaire désigne
tantôt un état, tantôt un processus, connotés l'un et
l'autre par les notions de bien être, de progrès, de justice
sociale, de croissance économique, d'épanouissement personnel,
voire d'équilibre écologique (Rist 2007). Il est important pour
nous de ne pas `'succomber sous le charme du discours sur le
développement'' (Rist 2007) des 50 dernières. Pour des soucis
d'harmonisation et de compréhension du contenu du mémoire,
quelques précisions sont donc indispensables.
Il s'agit tout d'abord de partir d'un projet de
développement et de voir comment les différents acteurs
impliqués interagissent pour sa pérennisation.
Le concept Projet de développement est propre aux
pays en développement. Il désigne à la fois un
financement, une action, une organisation. L'objectif d'un projet de
développement est d'accroître la productivité agricole ou
de diversifier l'économie. Ces projets partent du principe que la
concentration de moyens sur un objectif limité devrait permettre de
créer des îlots d'efficacité préservés
à partir desquels on pourrait tirer l'ensemble des activités
économiques (Freud 1985).
Les projets de développement sont mis en oeuvre par des
Courtiers locaux de développement. Il faut entendre par ce concept `'des
acteurs sociaux implantés dans une arène locale qui servent
d'intermédiaire pour drainer (vers l'espace social correspondant) des
ressources extérieures relevant de ce qu'on appelle communément
l'aide au développement'' (Olivier de Sardan 1995). Dans notre
contexte, nous utiliserons ce concept pour désigner les ONG aussi bien
nationales qu'internationales intervenant au niveau d'un pays. Celles-ci
oeuvrent à la promotion d'un développement à la base.
Elles développent des projets à l'échelle des
communautés villageoises. A travers leurs actions elles visent des
changements socio-économiques, culturels et politiques profonds.
Ainsi, le Développement dont il est question dans
cette étude se déroule à l'échelle village. Il est
considéré comme un processus dans une approche participative qui
responsabilise les communautés villageoises et leur permet
d'établir elles-mêmes les priorités d'investissements
(Banque Mondiale 2000). Les communautés travaillent en tant que
partenaires dans la prestation des services et peuvent gérer directement
les fonds des projets. Il s'agit d'un processus qui facilite la participation
des communautés aux projets à différents
niveaux (VINCENT 1987) :
- participation matérielle à l'exécution
des travaux qui consiste en un apport de matériaux disponibles dans le
village ;
- participation physique qui est une participation active, un
investissement humain aux travaux ;
- participation financière qui est une contribution
financière au coût du projet.
- participation à l'élaboration du projet,
à la prise de décision et à l'évaluation.
L'effectivité de ces différents niveaux de
participation pré conditionne l'appropriation et la pérennisation
du projet. L'appropriation est l'objectif final de tout projet de
développement. Elle est l'aboutissement de la participation
communautaire. Elle est atteinte lorsque les activités de gestion du
projet passent non seulement sous la responsabilité des
communautés bénéficiaires, mais sont
réalisées par elles. Elle se ramène également
à un accès au budget du projet et à une prise en charge
systématique des frais de maintenance des actions. L'appropriation du
projet par les populations bénéficiaires garantie sa
pérennisation.
Le concept de pérennisation renvoie à la
durée des actions dans le temps. Il s'agit de vérifier que
globalement les avantages du projet sont supérieurs à son
coût. Le cas échéant, on en vient à la conclusion
que le projet est rentable, donc il peut se perpétuer et durer dans le
temps. Classiquement l'analyse de la rentabilité visait à fournir
des informations sur la situation financière probable si le projet est
exécuté. Il s'agit surtout d'une étude de
faisabilité financière. Le projet de développement est vu
uniquement sous sa dimension économique et la dimension sociale est
occultée.
Pour notre part, nous inscrivons cette étude dans le
cadre du développement, définit comme `'l'ensemble des processus
sociaux induits par des opérations volontaristes de transformation d'un
milieu social, entreprises par le biais d'institutions ou d'acteurs
extérieurs à ce milieu mais cherchant à mobiliser ce
milieu, et reposant sur une tentative de greffe de ressources et/ou techniques
et/ou savoirs'' (Olivier de Sardan 1995). A l'instar des socio-anthropologues,
le développement dans cette étude sera considéré
comme phénomène social qui porte sur deux questions
fondamentales : que se passe-t-il lorsque des courtiers locaux de
développement introduisent un projet de développement dans un
village ? Quels processus sociaux sont mis en branle chez les multiples
acteurs ?
L'analyse de l'appropriation et de la pérennisation des
projets de développement à travers l'approche classique est
restrictive. Celle-ci, comme soulignée plus haut se focalise
essentiellement sur la dimension économique. C'est pour éviter
tous les biais et incompréhensions qu'une approche classique ne peut
expliquer que cette étude sera abordée sous l'angle
socio-anthropologique du développement. Ce concept est défini
comme étant l'étude empirique multidimensionnelle de groupes
sociaux contemporains et de leurs interactions, dans une perspective
diachronique, et combinant l'analyse des pratiques et des
représentations (Olivier de Sardan 1995). Il s'agit d'analyser les
logiques locales et les réactions sociales au contact d'un projet de
développement pour faire ressortir les compromis, rapports de forces,
interactions qui sont très déterminants dans la
pérennisation des projets. Il ne s'agit donc pas de faire une analyse
économique et / ou financière.
|