Master 2 EMTS
Environnement, Milieux, Techniques et
Sociétés
Co-habilitation Muséum National d'Histoire
Naturelle, Institut National Agronomique Paris-Grignon et Université
Denis Diderot Paris 7
Répercussions qualitatives et quantitatives
des mutations agricoles récentes sur les
systèmes d'irrigation traditionnels dans le
bassin versant de la Vaigai-Periyar, Inde
du Sud
Approche synoptique, multi-temporelle
et multi-scalaire s'appuyant sur la
télédétection
Année universitaire 2005/2006
Sous la direction de
Yanni Gunnell Catherine Mering
|
Présenté par
François Mialhe
|
2
3
Remerciements
Avant tout, je tiens à remercier tous ceux qui
m'ont apporté leur soutien tout au long de la réalisation de ce
travail et qui m'ont permis de le mener à son terme. Je pense tout
particulièrement à
Monsieur Yanni Gunnell, Maître de
conférence à l'Université Denis Diderot Paris 7, qui m'a
proposé ce sujet ô combien intéressant et passionnant, et
qui m'a fourni de précieuses informations à propos de ces terres
indiennes qu'il connaît bien. Son expérience et son écoute
m'auront été indispensables pour la réalisation de ce
mémoire.
Madame Catherine Mering, Professeur à
l'Université Denis Diderot Paris 7, qui m'a initié à la
télédétection et qui m'a prodigué d'importants
conseils. Son suivi et ses connaissances m'ont été d'une grande
aide durant toutes les étapes du travail.
Au Pôle Image de l'Université Denis
Diderot Paris 7, Les Olympiades, et à ses responsables pour m'avoir
ouvert leurs locaux et pour m'avoir permis de travailler dans les meilleures
conditions.
Aux enseignants de l'Université Denis Diderot,
du Muséum National d'Histoire Naturelle et de l'Institut National
Agronomique Paris-Grignon, ainsi qu'à tous les intervenants du Master
EMTS, pour leurs enseignements riches d'instructions et pour leur approche des
problématiques environnementales qui m'a permit une ouverture
intellectuelle.
4
Sommaire
Introduction 6
Méthodologie 8
1. Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien 9
1.1 L'irrigation comme réponse sociale face
à la contrainte climatique 9
1.1.1 Les caractéristiques climatiques du Tamil
Nadu 9
1.1.2 La nécessité d'augmenter la
disponibilité de l'eau par le biais des tanks 12
1.1.3 L'inscription spatiale et sociale des tanks
14
1.2 La société rurale indienne: structure
et organisation 18
1.2.1 L'organisation sociale par caste 18
1.2.2 Les modes de gestion institutionnels des tanks
20
1.2.3 L'organisation du système agricole
22
1.3 Les problématiques émergentes
25
1.3.1 La diminution des stocks d'eau souterraines
liée aux conditions d'exploitation 25
1.3.2 La dégradation des tanks 26
1.3.3 Les impacts sociaux liés aux changements
récents des systèmes agricoles 27
2. Le bassin versant de la Vaigai-Periyar, unité
régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks 29
2.1 L'inscription des tanks à l'intérieur
du bassin versant 29
2.1.1 Les données géographiques du cadre
d'analyse 29
2.1.2 La distribution des systèmes d'irrigation
et des principales cultures agricoles 31
2.1.3 Les tanks du bassin versant 33
2.2 La gestion sociale et institutionnelle des tanks :
entre tradition et modernité 36
2.2.1 Les caractéristiques structurelles et
fonctionnelles 36
2.2.2 Les gestionnaires de l'eau 39
2.2.3 L'implication des acteurs dans la gestion des
tanks 42
2.2.4 Les raisons politiques de la dégradation
43
2.3 Les changements d'états de surfaces des lits
des tanks 44
2.3.1 La partie aval du bassin versant 44
2.3.2 La section médiane et le paléo-delta
de la Vaigai 49
2.3.3 Le secteur aval et la marge littorale du bassin
versant 52
3. Des facteurs locaux, explicatifs de disparités
territoriales 56
3.1 La modernisation agricole de la vallée du
Cumbum 56
3.1.1 L'étude des dynamiques de surface par la
télédétection 56
3.1.2 L'évolution des systèmes agraires
59
3.1.3 La dynamique sociale depuis la Révolution
verte 62
3.2 Le sous-bassin de Sarugani 65
3.2.1 La zone mankalanatu 65
3.2.2 La zone karicalkatu 70
3.2.3 Comparaison des modes de gestion de la ressource
entre la zone mankalanatu et
karicalkatu 73
3.3 La multiplication des puits, et ses
conséquences sociales et environnementales 74
3.3.1 Evolutions entre 1973 et 2001 74
3.3.2 L'organisation de la gestion des ressources
75
3.3.3 Les conséquences de la multiplication des
puits 76
4. Discussion 78
4.1 Résultats 78
4.1.1 Comment expliquer les différences
observées dans l`agencement et la gestion des
tanks au sein du bassin versant de la Vaigai '
78
5
4.1.2 Quelles ont été les évolutions
du paysage rural? 80
4.1.3 Quelles sont les dynamiques qui tendent à se
développer dans le bassin versant de
la Vaigai-Periyar 7 81
4.2 Les perspectives d'une gestion intégrée
de l'eau et d'une agriculture durable 82
4.2.1 Le maintien des actions collectives 82
4.2.2 Une gestion qui intègre les
différences territoriales et qui limite les conflits d'usage
83
4.2.3 La valorisation des produits du tank 83
4.2.4 Les possibilités d'optimiser les
systèmes culturaux 84
4.3 Avantages et limites de la méthodologie
employée 84
Conclusion 87
Annexes 89
6
Introduction
La contrainte majeure pour les populations
d'agriculteurs qui vivent sous un régime climatique semi-aride est
liée à l'irrégularité interannuelle des
précipitations, à laquelle se surimposent parfois des cycles plus
progressifs, sur plusieurs décennies, de péjoration
pluviométrique. Les populations de l'Inde du Sud, majoritairement
rurales, ont dû s'adapter au climat tropical, caractérisé
dans cette région par le régime des moussons, en concevant des
systèmes de récolte et de stockage des eaux de surface, qui
permettent une restitution de ces eaux dans le temps, afin de satisfaire aux
besoins des cultures et aux besoins domestiques. Historiquement, l'apparition
des « tanks », ou étangs (« tangue » en portugais),
a permis de répondre à ces exigences. Ces systèmes
d'irrigation ont été mis au point de manière empirique par
les populations autochtones qui se devaient alors d'optimiser l'utilisation des
ressources environnementales dans un objectif de subsistance. Plusieurs
facteurs contribuent toutefois à maintenir un niveau de performance
élevé des tanks. Ces facteurs, d'ordre économique, social,
culturel, environnemental influencent les modes de gestion des tanks, qui
deviennent alors évolutifs et qui se différencient d'un
territoire à l'autre. En raison de ses caractéristiques
intrinsèques, la place du tank dans le paysage rural est donc
directement dépendante de ces modes de gestion sociale.
De nombreux travaux tendent à prouver que ces
tanks connaissent un déclin, depuis maintenant plusieurs
décennies, à travers l'affaiblissement de leur fonction
première, c'est-à-dire l'irrigation. Les causes semblent
être nombreuses et de natures diverses, mais s'expriment
généralement par une dégradation structurelle et un
désintérêt croissant des populations vis-à-vis de ce
mode d'irrigation. Cela se matérialise concrètement par une nette
diminution de la part des terres irriguées par tank dans plusieurs
états indiens méridionaux, dont le Tamil Nadu. Ces territoires
sont entrés dans une phase où les structures des tanks se
dégradent progressivement. Dans le même temps, leurs performances
et la dépendance des populations à leurs encontre se
réduisent. Il faut, pour comprendre leur enchaînement
chronologique et causal, replacer ces événements dans les
contextes politique, économique et culturel propre à chaque
situation. Le tank est un système d'irrigation indigène
traditionnel qui s'est plus ou moins bien adapté aux vicissitudes
politico-historiques et a été, dans le même temps,
approprié par les castes villageoises dominantes comme objet
d'affirmation de leur autorité à l'échelle locale. La
colonisation britannique, et l'organisation sociale qu'elle a promu, a
provoqué des heurts dans la gestion traditionnelle des tanks.
L'émergence d'autres sources d'irrigation, relayée par le pouvoir
politique indien post-colonial, a ensuite révélé de
manière patente les carences du tank en matière de
sécurisation des cultures. Depuis cette époque, la place centrale
du tank dans le paysage rural a été fortement remise en
cause.
On peut toutefois penser que cette phase de
décadence pourra trouver une fin dans une prise de conscience collective
des bienfaits sociaux, économiques et écologiques que promet une
intégration des tanks dans leur environnement. Néanmoins, il est
aujourd'hui indéniable de constater un déclin
général, de ce mode d'irrigation, qu'il convient d'étudier
à une échelle d'analyse adaptée. Les évolutions
récentes qui ont affecté l'Inde ont provoqué des
changements profonds dans la structuration du monde agricole et des
sociétés rurales. La matérialisation de ces changements se
manifeste, dans le temps et dans l'espace, à travers des réponses
différenciées. L'appréciation de ces transformations
permet, par un recoupement d'informations, de cerner les dynamiques agraires
récentes à l'échelle régionale. L'approche
proposée dans le présent travail envisage, comme l'ont fait
d'autres travaux réalisés à l'échelle locale, de
comprendre quels peuvent être les facteurs qui influencent localement les
choix et les actions des acteurs concernés par l'irrigation par tank et
quelles sont les dynamiques qui se singularisent et qui peuvent être un
signe précurseur des évolutions futures. L'approche synoptique,
autorisée par l'analyse multi-temporelle d'images
satellites,
7
constitue en cela un apport original dans la mesure
où les précédentes études de terrain,
essentiellement à caractère économique, sociologique ou
anthropologique, n'ont pas exploité la cartographie comme outil de
connaissance, de comparaison et de quantification. C'est donc une sorte
d'étiologie régionale du système des tanks de l'Inde du
Sud que l'on propose ici, avec l'utilisation de la
télédétection comme méthode d'investigation rapide
et objective de l'agriculture et du développement durable.
8
Méthodologie
Tout travail scientifique doit s'appuyer sur
l'élaboration d'une méthodologie adaptée. Celle-ci s'est
construite sur le principe des emboîtements d'échelles, qui a
permis d'articuler l'étude à travers différents niveaux
d'analyse géographique. Cette méthodologie, en
appréhendant les phénomènes à plusieurs
échelles, permet de faire intervenir des concepts interdisciplinaires
selon le niveau adéquat. La complexité des problématiques
environnementales s'exprime de plusieurs manières. Compte tenu de la
variété des interactions et des interdépendances entre des
éléments, aussi hétérogènes que nombreux, il
a été nécessaire d'aborder cette complexité par une
approche systémique. Ceci est d'autant plus vrai dans le cadre d'une
étude sur l'Inde qui, parmi les grandes civilisations, est l'une des
plus complexes et des plus éloignées, en terme de valeurs, de la
civilisation occidentale. Afin de démêler cette complexité,
il est donc apparu nécessaire de présenter, dans une
première partie, les éléments principaux qui composent le
monde rural indien et le système auquel il appartient. Le niveau
d'analyse correspondant ici est l'échelle macro-régionale. S'en
est suivie l'analyse plus détaillée du bassin versant de la
Vaigai, subdivisée en deux parties, correspondant pour chacune d'entre
elles à une échelle spécifique, adaptée à
l'étude d'un phénomène en particulier. Dans le même
temps, de nombreuses passerelles ont été identifiées entre
les différentes sous-parties afin de d'établir des liens de
causalité entre les éléments. Cette approche, que l'on
peut qualifier de systémique, est fondamentale pour appréhender,
au mieux, des systèmes complexes faisant intervenir des concepts propres
aux sciences humaines et aux sciences naturelles, et qui se
caractérisent aussi par des degrés de corrélation
très variés et parfois subtils.
L'ensemble de la réflexion s'est appuyé
sur des travaux de télédétection originaux,
réalisés spécifiquement dans le cadre de ce travail. Ceci
a tout d'abord été permis par la disponibilité d'images de
territoires identiques à des dates différentes. Selon les
thèmes traités, des méthodologies spécifiques ont
été utilisées. Ainsi, afin de savoir quelles
évolutions connaissent les lits de tanks, des masques,
réalisés à partir des tanks en eau à une certaine
date, ont permis de suivre à trois dates différentes les
changements des états de surface. L'interprétation des
résultats s'est ensuite opérée en croisant les
informations obtenues à partir des cartes réalisées et des
données sociales et environnementales obtenues grâce à
divers travaux antérieurs. Une démarche similaire a permis
d'interpréter les autres cartes réalisées.
Au total, la méthodologie employée s'est
appuyée sur une démarche qui se veut avant tout
systémique. L'approche multiscalaire a constitué le cadre de
référence, dans lequel, au fur et à mesure de
l'avancée de la réflexion, sont venus se greffer des
éléments et des concepts issus d'autres champs scientifiques.
Cette démarche est, semble-t-il, adaptée aux
problématiques sociales et environnementales du cas
étudié.
9
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
1. Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
En raison du climat semi-aride, l'irrigation constitue
l'originalité principale de l'agriculture au Tamil Nadu. Le
système agricole n'est cependant ni homogène ni statique ; il a
évolué et s'est adapté à l'environnement physique,
social et économique. Cette partie est donc consacrée à la
présentation et à la description du monde rural : les
éléments physiques et sociaux qui le structurent, son
fonctionnement institutionnel et traditionnel, ainsi que les nouveaux
problèmes auquel il est confronté.
1.1 L'irrigation comme réponse sociale face à
la contrainte climatique
Les tanks sont omniprésents dans le paysage
agricole au Tamil Nadu et plus largement dans le sud de la péninsule
indienne. Certains sont très anciens (plus de 1000 ans) et furent avant
tout le résultat d'une adaptation technique de la société
aux conditions environnementales et principalement climatiques. C'est en effet
la disponibilité réduite des ressources qui a forcé les
populations à concevoir des systèmes en adéquation avec
les conditions du milieu et qui a débouché sur une organisation
collective particulière dans le contexte culturel indien.
1.1.1 Les caractéristiques climatiques du Tamil
Nadu
La position géographique du Tamil Nadu lui
confère un régime climatique particulier, différent du
reste de l'Inde. Ce régime est, entre autres, caractérisé
par une importante variabilité interannuelle et intra-annuelle des
précipitations limitant naturellement la disponibilité en eau
« utile » et rendant nécessaire la pratique de
l'irrigation.
Figure 1- Carte de localisation du Tamil Nadu (Source :
Sipis & US CIA)
Le régime de mousson
Le Tamil Nadu est soumis à un climat tropical
modifié par le régime des moussons. En effet, deux moussons
affectent annuellement l'ensemble du sous-continent indien.
La mousson d'été est celle qui engendre
l'essentiel des précipitations pour la majorité du pays durant
les mois de juin à septembre. La barrière montagneuse des
Ghâts occidentaux, dans l'état occidental méridional du
Kerala, perpendiculaire au flux de mousson (flux de sud-ouest), provoque
d'importantes pluies orographiques sur tout le massif et assèche par
effet de foehn les flux d'air de cette mousson, limitant ainsi les
précipitations dans la partie orientale du sud de la péninsule.
La mousson d'été contribue à environ un tiers des totaux
pluviométriques du Tamil Nadu. Celui-ci est par contre affecté
par d'importantes
10
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
précipitations plus tard dans l'année,
durant les mois d'octobre à décembre par ce qu'il est convenu
d'appeler la mousson du nord-est, dite « retardée ». Cette
mousson est générée par des centres de très basses
pressions qui se créent au-dessus du golfe du Bengale et se
déplaçant d'est en ouest. Ces dépressions peuvent aussi
prendre un caractère cyclonique et déverser des trombes d'eau sur
les côtes orientales du Tamil Nadu. La mousson d'hiver1 et les
précipitations qui lui sont associées, représentant
environ 50% des totaux pluviométriques régionaux, sont les
phénomènes climatiques fondamentaux sur lesquels reposent les
activités agricoles.
La variabilité interannuelle des
précipitations
Le Tamil Nadu reçoit, en dehors des zones
montagneuses plus arrosées, entre 700 et 1000 mm de
précipitations en moyenne sur l'année. Les cyclones tropicaux qui
balaient la région durant les mois de mousson du NE provoquent
localement des augmentations très marquées des
précipitations, généralement concentrées sur un
mois (Palayan, 2003). Les totaux annuels dans le district de
Ramanathapuram*2, sur une série de 69 ans, vont de 402 mm
à 1285 mm, soit du simple au triple, même si il convient de
considérer ces valeurs comme extrêmes et donc de fréquence
moyenne (cf. figure 2). Sur la série, 35 années sur les 69 sont
inférieures à la moyenne annuelle de 735,84 mm, ce qui donne une
répartition générale globalement homogène.
Néanmoins, une analyse plus fine de la moyenne mobile fait
apparaître des cycles pluviométriques différentiels. Une
succession d'années déficitaires est apparue du début des
années 1950 jusqu'au milieu des années 1960. Un second cycle
déficitaire a occupé une partie de la décennie des
années 1970 (de 1969 à 1976) et enfin, un dernier, plus court, de
1986 à 1991. Deux éléments peuvent être tirés
de cette analyse. Le premier est que les cycles déficitaires sont plus
marqués et généralement plus longs que les cycles
bénéficiaires durant la période considérée,
ce qui est le témoin de l'occurrence importante d'années
très déficitaires marquées par des sécheresses. Le
second élément tient au raccourcissement des cycles depuis 25 ans
et à une stabilisation de la moyenne mobile dans des valeurs moyennes.
Cette extrême variabilité de l'aléa provoque une
augmentation substantielle du risque global encouru par le monde agricole,
très dépendant des conditions climatiques.
La variabilité climatique intra
annuelle
La répartition annuelle de la
pluviométrie est calquée sur le régime des moussons qui
est le principal pourvoyeur des précipitations. Ce régime,
irrégulièrement réparti sur l'année, provoque des
totaux mensuels disparates. Du fait des températures relativement
homogènes sur l'ensemble de l'année, la définition des
saisons climatiques s'établit principalement d'après les
retombées pluviométriques. C'est donc davantage
l'irrégularité des précipitations que leur quantité
qui définit le climat du Tamil Nadu. D'après les données
du district de Ramanathapuram (district littoral), la période de la
mousson du NE, d'octobre à décembre, apporte 57% des
précipitations totales annuelles (736 mm), ce qui permet de la
définir comme saison des pluies.
1 Afin de refléter
l'importance de cette mousson dans la vie quotidienne des paysans, on peut
noter que certains témoignages utilisent la mousson comme unité
temporelle de référence : « cela fait maintenant depuis deux
moussons que..., je me souviens il y trois moussons en
arrière..., etc. » (Racine, 1995).
2 Le symbole * indique des villes, taluks, ou district
localisés sur la carte en annexe 1.
11
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
Figure 2 - Données pluviométriques du
district de Ramanathapuram de 1936 à 2004 (Source : Ramanathapuram
website,
http://www.ramnad.tn.nic.in/)
12
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
D'après le même ratio, la période
de janvier à mars apporte 10% des précipitations, la
période d'avril à juin 14% et la période de juillet
à septembre 19% (cf. figure 3)1. Il faut aussi noter une
distribution annuelle des jours pluvieux très irrégulière
; il y a en effet une cinquantaine
Figure 3 - Diagramme pluviométrique des moyennes
mensuelles du district de Ramanathapuram de 1936 à 2004 (Source :
Ramanathapuram Website)
de jours humides dans l'année dont une dizaine
par mois durant la mousson du NE, inférant des retombées brutales
(Adiceam, 1966). Ces précipitations intenses et concentrées ne
sont pas naturellement favorables à l'agriculture et peuvent en revanche
engendrer des crues. Initialement, la disponibilité naturelle de l'eau
est donc ici un facteur limitant pour les activités anthropiques. Comme
on l'a dit plus haut, il y a de faibles amplitudes thermiques annuelles pour
des valeurs absolues fortes, caractéristiques des climats tropicaux. La
différence entre les mois les plus chauds et les mois les plus frais
oscille entre 4 °C et 6 °C (5.6 °C pour Madurai* à
l'intérieur des terres et 4.1 °C pour Pamban* sur le littoral). Les
moyennes annuelles se situent généralement entre 25 et 30
degrés (27.5 °C à Madurai) avec des valeurs maximales
atteintes en mai et juin. Malgré cette homogénéité
générale, deux saisons thermiques se distinguent : une saison
fraîche et une saison chaude. La première occupe les trois
premiers mois de l'année et la seconde le reste de l'année.
L'impact principal de ces fortes températures réside dans
l'évapotranspiration élevée, qui, couplée aux
précipitations irrégulières, constitue un facteur limitant
les potentialités des réserves hydriques.
1.1.2 La nécessité d'augmenter la
disponibilité de l'eau par le biais des tanks
Dans de telles conditions climatiques, les hommes ont
dû imaginer et concevoir des techniques permettant d'augmenter la
disponibilité de l'eau pour répondre non seulement aux besoins de
l'agriculture mais aussi à leurs propres besoins
élémentaires.
1 La distribution annuelle
des précipitations à l'intérieur des terres se
démarque quelque peu par une mousson d'été plus
arrosée, en particulier durant les mois d'août et
septembre.
13
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
La disponibilité de l'eau
Répartie temporellement de manière
inégale, l'eau se caractérise aussi par une distribution spatiale
dépendante de facteurs physiques tel que le sol, la géologie ou
encore la topographie. La définition du régime semi-aride est
basée sur le nombre de mois à pluviosité
déficitaire et non sur le total pluviométrique (Bourgeon, 1988).
Sont considérées comme semi-arides les zones où
l`ETP1 n'est satisfaite par la pluviosité qu'entre deux et
sept mois par an. En utilisant la méthode de Gaussen2, qui
permet une extrapolation approximative de l'évapotranspiration à
partir des données thermiques, on compte quatre mois humides, de
septembre à décembre, qui correspondent à la fin de la
mousson d'été et à la totalité de la mousson
retardée du NE. C'est durant cette période que le bilan
hydrologique3 s'équilibre et devient positif, permettant
théoriquement non seulement l'écoulement de surface mais aussi la
constitution des réserves hydriques dans la tranche superficielle du sol
et des réserves hydrologiques plus profondes. Les sols, par leur
capacité de rétention différentielle, sont capables
d'influencer localement la disponibilité. Malgré celà,
l'intensité et la soudaineté des précipitations sur
l'ensemble de la région provoquent une dégradation de la surface
du sol ainsi qu'une saturation relativement rapide de la tranche superficielle.
Ceci favorise le déclenchement du ruissellement de surface au
détriment de la constitution des réserves hydriques et surtout
hydrologiques qui permettent pourtant d'allonger la disponibilité de
l'eau (Cosandey et al., 2000). La présence, le volume et
l'accessibilité des nappes captives dépendent en grande partie de
la géologie. La partie basse du bassin versant de la Vaigai-Periyar est
composée essentiellement de zones d'alluvions entrecoupées de
buttes latéritiques tandis que la partie médiane et haute du
bassin repose sur un socle métamorphique. Les nappes de socle sont en
règle générale plus difficiles d'accès et ont des
volumes et débits plus incertains que les nappes alluviales. De
manière générale, les techniques d'accès aux
réserves hydrologiques sont plus avancées que celles du stockage
des eaux de ruissellement et leur ont donc souvent succédé dans
l'histoire des populations. En dépit de totaux pluviométriques
annuels non négligeables, la quantité d'eau utile est donc
restreinte par des processus de transferts brutaux caractéristiques des
zones semi-arides.
Les besoins en eau
Selon les variétés, une récolte
de paddy4 demande au Tamil Nadu de 1150 à 1650mm d'eau par an
(Gourou, 2000) ; or durant la saison des pluies, Madurai reçoit en
moyenne aux alentours de 400 mm et Ramanathapuram 420 mm. Le déficit est
donc très grand, même en saison des pluies et à plus forte
raison encore durant la saison sèche, ce qui ne permet pas de soutenir
une récolte. Certaines phases cruciales du cycle cultural, comme la
floraison, doivent par exemple, sous peine de chutes importantes du rendement,
se dérouler pendant la période humide, c'est à dire
lorsque la pluviométrie est supérieure à l'ETP (Racine,
1994). De la même manière, une quantité massive d'eau est
nécessaire pour la préparation du terrain avant le repiquage.
Cette période doit donc, sur un laps de temps très court,
recevoir d'importants apports d'eau. Jusqu'à la floraison de la plante,
la rizière doit rester inondée et il est donc nécessaire
d'alimenter régulièrement les parcelles. Durant son cycle de
croissance, l'eau requise par la plante ne doit donc pas lui être
distribuée uniformément (Adiceam, 1966). Si le
1 Evapotranspiration : c'est
la combinaison de l'évaporation physique et de la transpiration
biologique.
2 Méthode qui
consiste à porter sur un graphique la courbe des moyennes mensuelles des
températures exprimées en degrés celsius et la courbe des
moyennes mensuelles des précipitations exprimées en
millimètres, l'échelle des degrés centigrades étant
le double de celle des millimètres. Selon la position des courbes, dites
ombro-thermiques, le mois est considéré sec ou
humide.
3 Bilan hydrique
(échelle stationnelle) ou hydrologique (échelle du bassin
versant) : P=Q+ETR+?R(u+h), avec Q :débit ; ?Ru : recharge des
réserves en eau du sol et ?Rh : recharge des réserves du
sous-sol
4 Riz recouvert de sa
balle
14
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
riz est la principale culture en pays Tamoul, d'autres
céréales sont cultivées, comme le
ragi1 ou le cholam (sorgho), qui sont moins
demandeuses en eau, mais qui sont également moins
appréciées par les populations, et donc diffusées moins
largement. Ces millets constituent le socle traditionnel de l'agriculture
pluviale des régions semi-arides de l'Inde péninsulaire, mais ont
subi un déclin relatif en raison de la concurrence et de
l'attractivité du riz irrigué. En année sèche, les
récoltes de céréales pluviales de ce genre peut
dépasser les récoltes, mauvaises, de riz, et permet
d'éviter les disettes. Les besoins en eau concernent aussi les usages
domestiques et l'alimentation du bétail.
Dans un but de subsistance, il a donc fallu que les
sociétés intègrent les connaissances qu'elles avaient du
milieu, basées sur des observations empiriques, afin d'élaborer
des techniques susceptibles de répondre de manière satisfaisante
à leurs besoins en eau.
Le stockage de l'eau par tanks
On estime que l'existence des tanks remonte au minimum
à l'époque médiévale. Les tanks de Satyamangalam,
à PudukkottaiK, portent des inscriptions qui laissent présumer
leur existence dès le 13ème siècle (Roussary,
2003). Si ils ne sont pas, à l'échelle du monde, les plus anciens
systèmes de récolte des eaux, ils constituent toutefois une forme
d'emprise spatiale relativement unique. L'objectif d'un tank réside dans
le stockage de l'eau atmosphérique et sa restitution progressive dans le
temps afin d'allonger en particulier la saison culturale. Le principe de base
repose donc sur le captage et le stockage des eaux de ruissellement et des
précipitations in situ. A la faveur de la topographie locale,
le premier type de tank consiste simplement à profiter des
dépressions naturelles captant les écoulements de versants
alentours, et ne nécessite que quelques travaux
élémentaires d'aménagement afin de distribuer les eaux
stockées vers les ayacuts2. Le deuxième mode
s'appuie sur la construction d'une digue (terre ou brique) perpendiculaire au
sens de l'écoulement, en forme de U allongée latéralement,
afin de bloquer et de diriger de manière centripète et selon le
sens de la pente, les eaux de ruissellement. Ces ouvrages sont en
général de plus grande dimension. L'excavation, enfin, est la
troisième technique de construction d'un tank. L'origine structurelle
des tanks est cependant souvent hybride et il n'y a pas de cloisonnement net
entre les techniques précédemment décrites.
Nous verrons aussi que les facteurs édaphiques
et topographiques, ainsi que la présence d'un réseau
hydrographique pérenne, influencent de manière significative la
forme, la taille et la capacité de restitution, qui à leur tour
déterminent la performance potentielle des tanks. La maximisation de ce
potentiel dépend également de l'organisation et des choix de la
société et des communautés.
1.1.3 L'inscription spatiale et sociale des tanks
On a vu de quelle manière le tank
répondait à des besoins sociaux ; il est dorénavant
important de décrire la distribution et l'agencement particulier des
tanks par rapport aux différentes sources d'approvisionnements en eau.
Nous tenterons ensuite de déterminer les avantages ou
bénéfices et les inconvénients, de ce système
d'irrigation.
1 Eleusine coracana
de la famille des millets originaire d'Afrique et introduit en Inde il y a
environ 4000 ans. Les graines sont plus petites que celles de la plupart des
autres espèces de mil. En Inde du Sud, la farine de ragi sert
à la préparation du traditionnel ragi mudde
(littéralement pâte de ragi) accompagné la
plupart du temps de sambar, soupe de légumineux et de
légumes.
2 Surface dépendant
d'un système d'irrigation
15
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
Figure 4 - Organisation schématique et
réelle des tanks : A- Rainfed tank ; B-System tanks ;
C- Cascade tanks (source - Landsat MSS du 21/01/1973-canaux
4-2-1)
16
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
Une distribution spatiale
organisée
Comme nous l'avons dit plus haut, c'est sans doute de
manière empirique que les tanks ont d'abord été
imaginés. Les plus anciens tanks correspondent en effet à des
dépressions naturelles dans lesquelles les eaux se concentraient
saisonnièrement. On en a pour preuve des inscriptions sur des
mégalithes de la fin du Néolithique, disposés près
du lit des tanks (Palayan, 2003). Ce serait ensuite par l'adoption d'une
approche possibiliste1 du milieu que les populations ont
tenté de concevoir une organisation de ces tanks. Succédant
à de probables ajustements historiques, trois catégories de tanks
occupent désormais l'espace et participent au « maillage » du
territoire : (i) ceux qui dépendent des précipitations in
situ et du ruissellement sur l'aire contributive associée et qui ne
sont pas reliés aux tanks amonts et avals du même versant par
quelque canal ou chenal que ce soit ; ce sont des tanks isolés dit
rainfed tanks2 ; (ii) ceux faisant partie d'une
chaîne de tanks reliés par des chenaux qui drainent les surplus
d'eau de l'amont vers l'aval ; on les appelle cascades tanks ; et
(iii) les tanks alimentés par des canaux de dérivation
connectés directement à des cours d'eau ou à des
réservoirs artificiels, les system tanks (Vaidyanathan, 2001).
Depuis l'occupation britannique qui a tenté de formaliser un certain
nombre d'éléments de la culture indienne, deux qualificatifs,
toujours usités, font la distinction entre les system tanks et
les non-system tanks. Les system tanks englobent la
troisième catégorie tandis que les non-system tanks font
référence aux deux premières catégories. Les
system tanks s'établissent donc dans les bas-fonds alors que les
non-system tanks complètent le maillage de l'espace en
profitant des systèmes de pentes des versants (cf. figure 4). L'espace
consacré à un tank3 est schématiquement
divisé en trois parties. L'aire contributive, qui est la surface de
ruissellement et de récolte des précipitations, chargée
donc de drainer les écoulements vers le lit du tank, mais qui comprend
aussi les canaux et chenaux d'approvisionnement, hormis pour les rainfed
tanks ; le tank à proprement parler, composé du lit
régulièrement inondé, d'une digue4 dont la
partie centrale est perpendiculaire au sens des écoulement, des vannes
qui permettent l'alimentation des champs et ainsi que d'autres
éléments structurels que nous verrons plus en détail ; et
enfin l'ayacut, c'est à dire l'espace
irrigué5, en contrebas du tank et morcelé par une
multitude de parcelles et de casiers rizicoles.
Les
avantages/bénéfices
Le bénéfice premier du tank tient
naturellement à l'eau qu'il fournit aux terres cultivées en
contrebas, et ceci de manière continue dans des endroits où les
précipitations sont discontinues (Durand-Dastès, 1968). En
allongeant la saison agricole et en augmentant la production dans des zones en
proie à des sécheresses, il permet de réduire la
vulnérabilité face aux aléas climatiques. De
manière générale, plus un tank est grand, plus sa
fiabilité de fourniture en eau est élevée. Cela tient bien
entendu au fait qu'un tank de grande dimension possède une aire
contributive plus étendue. Cette affirmation doit cependant être
fortement
1 Concept de Paul Vidal de
la Blache (géographe, 1845-1918) qui repose sur le précepte :
« La nature propose, l'homme dispose » par opposition au
déterminisme de la nature.
2 Ils sont principalement
logés dans les dépressions formées par les mouvements de
terrain ou dans les creux façonnés par l'érosion au pied
des montagnes, des collines granitiques ou des buttes
latéritiques.
3 Eri en Tamoul qui
signifie élevé en rapport à sa position par rapport aux
zones irriguées plus basses.
4 Il est fréquent
que la digue soit végétalisée par de nombreuses
espèces (en particulier par le Ficus Benghalensis L., qui se
rencontre fréquemment dans les bois sacrés, fournissant latex,
fruits et racines mais qui est aussi une plante aux vertus médicinales).
Cette végétalisation renforce la digue mais elle peut être
aussi le signe d'un désintérêt croissant
caractérisé par des opérations de maintenance
limitées.
5 Dans le cadre de
l'irrigation par tank, on nomme aussi ces terres irriguées
Nanjai, en Tamoul, par opposition aux terres Punjai, non
irriguées.
17
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
nuancée par le niveau de performance des tanks
qui tend à diminuer avec la taille du tank, du fait de l'accroissement
des opérations de maintenance régulièrement
nécessaires. La durée de restitution des eaux stockées est
variable, mais lors des bonnes années1, on peut l'estimer
comprise dans une fourchette de trois à cinq mois après la fin de
la saison des pluies. Le tank permet donc non seulement d'assurer la
première récolte mais aussi d'envisager, toujours les bonnes
années, une seconde récolte de cultures irriguées. Ceci ne
se vérifie pas dans le cas des rainfed tanks, qui même
lors des bonnes années ne peuvent assurer qu'une récolte
(Balasubramanian et al., 2003).
Intégré dans son milieu physique, le
tank permet certaines régulations qui contrebalancent les aléas
naturels qui constituent des menaces pour les populations rurales.
Dispersés sur l'ensemble des versants, ils réduisent la vitesse
des écoulements et diminuent donc leur capacité, limitant de ce
fait leur pouvoir érosif. Ils jouent aussi un double rôle, celui
de bassin de rétention en régulant les crues, et celui de bassin
de percolation en permettant la recharge des nappes phréatiques
sous-jacentes, améliorant ainsi la performance des puits situés
en contrebas. Il faut noter que l'accroissement de l'infiltration par
percolation peut avoir pour effet la potabilité d'eaux souterraines
autrement saumâtres (Prinz, 1996). L'espace tank autorise aussi une
diversité d'activités dont profitent les populations alentours.
Ainsi, la ponction des colluvions et des sédiments fluviaux fins
argileux et limoneux du lit permet la fertilisation des champs cultivés.
Elle permet aussi l'émergence d'une activité locale de
briquetage. La colonisation temporaire et cyclique du lit par des pelouses
constitue un pâturage appréciable pour le bétail. La
végétation spontanée, l'agroforesterie et la foresterie
sociale2 fournissent, quant à elles, du fourrage, du bois de
chauffe et du charbon de bois. L'eau stockée permet, enfin, une
pisciculture souvent rudimentaire ainsi que l'élevage de canards. Nous
verrons que des règles traditionnelles d'allocation et de redistribution
encadrent l'utilisation de ces activités et produits
dérivés. Enfin, à titre de zone humide, le tank est un
élément du milieu qui constitue un écosystème riche
en biodiversité, se démarquant nettement de l'espace environnant
semi-aride par la création de discontinuités, favorables par
exemple à l'hivernage de nombreuses espèces d'oiseaux migrateurs
(Gunnell, communication personnelle).
Les inconvénients
Le principal inconvénient de ce système
est à rattacher au climat. La variabilité des
précipitations engendre mécaniquement une variabilité du
stockage et donc de la fourniture en eau diminuant, toutes choses égales
par ailleurs, son intérêt premier. Si le maillage du territoire
peut s'interpréter comme un facteur qui maximise la récolte des
eaux atmosphériques, il peut aussi s'entrevoir comme soustrayant
à l'agriculture des surfaces cultivables non négligeables,
surtout dans un contexte de forte densité démographique. Gourou
estime qu'au Tamil Nadu, la surface récoltée en saison des pluies
est de 30000 km2 alors que la surface noyée est de
7000km2 (Gourou, 2000). Du fait des températures
élevées, l'évaporation potentielle est intense, a fortiori
durant la saison sèche. En raison de la faible profondeur des tanks, de
quelques mètres au plus, le régime saisonnier des
températures de l'eau n'est pas très différent de celui
des températures de l'air et l'évaporation maximale intervient
donc en saison chaude (Cosandey et al., 2000). En règle
général, plus la surface exposée est grande, plus
l'évaporation à prendre en compte est faible. L'humidité
de l'air
1 Une étude portant
sur 45 années de données pluviométriques dans le district
de Ramanathapuram montre que sur une période de 10 ans, en moyenne, les
tanks sont totalement remplis quatre ans, relativement bien remplis deux ans,
insuffisamment remplis deux autres années et de manière
très inadéquate par rapport à la demande deux ans aussi
(Balasubramanian et al., 2003)
2 Principalement Prosopis
juliflora
18
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
ambiant est par ailleurs un paramètre
fondamental. Plus l'air est humide, moins la surface exposée sera un
facteur limitant de l'évaporation ; à l'inverse, un air sec
engendrera une évaporation proportionnellement plus intense sur une
surface de faible étendue. Les taux d'évaporation sont donc en
priorité fonction de la saison, puis de la taille et dans une moindre
mesure de la profondeur. Un autre type d'inconvénient n'est pas
directement lié au tank même mais à sa gestion, qui, si
elle est défaillante, peut entraîner une baisse de la performance
générale (pertes par brèches, diminution de la
capacité potentielle par comblement du lit et des chenaux
d'approvisionnements, etc.). Nous aborderons plus précisément ces
aspects dans la prochaine partie. Nous pouvons néanmoins d'ores et
déjà affirmer que le tank présente des
caractéristiques intéressantes dans un contexte de climat
semi-aride, mais que son fonctionnement général ainsi que sa
viabilité agronomique et écologique sur le long terme
résultent non seulement des actions que la société met en
oeuvre afin de maintenir le système dans un bon état mais aussi
de l'environnement technique et technologique.
1.2 La société rurale indienne: structure et
organisation
1.2.1 L'organisation sociale par caste
De nos jours, le système de castes structure
autant qu'il hiérarchise la société indienne. C'est le
résultat de la modernisation qui a rendu les castes moins
dépendantes les unes des autres. Mais il faut avant tout préciser
ce qu'on appelle caste dans l'Inde d'aujourd'hui.
Les castes en Inde aujourd'hui
L'affirmation que la société indienne
est divisée en quatre castes est problématique et certains
ethnologues vont même jusqu'à affirmer qu'elle est à
l'origine d'une incompréhension totale de la société. Ce
sont ce que les indiens appellent les jâtis (sati en
tamil) qui constituent les castes véritables et non les quatre
varnas auxquels les indiens ne se réfèrent guère,
à l'exception des Brahmanes)1. Un jâti
est un groupe localisé, héréditaire et endogame,
associé à un métier et occupant une position
particulière dans la hiérarchie (Deliège, 2004). Ces
jâtis sont exclusifs et fermés car on ne peut jamais
appartenir qu'à un et un seul jâti. Historiquement donc,
la caractéristique essentielle de la société indienne
n'est pas sa structure quadripartie mais bien son morcellement en une myriade
de groupes endogames et hiérarchisés. Seuls les Brahmanes
et les intouchables2 sont communs aux deux systèmes. Et
ce n'est pas l'abolition officielle de l'intouchabilité dans la
première Constitution en 1950 qui a fondamentalement changé les
règles de ce système qui « s'adapte » aux vicissitudes
de l'histoire. Il faut enfin noter que la caste doit pallier le fait qu'elle se
pense comme différente alors qu'elle ne dispose que de très peu
d'éléments pour soutenir cette différence. Certaines
règles, comme la commensalité ou l'endogamie, permettent
néanmoins de la maintenir.
Les critères de
différenciation
Les jatis sont toujours nommés, et ce
nom est souvent celui de la profession à laquelle ils sont
associés ; ainsi, au Tamil Nadu, les Kallars (voleurs en
tamil), les Paraiyars (joueurs de
1 Le contact avec les
Européens a peut-être contribué à donner quelque
crédit à la théorie des varnas. Cette
classification permettait aux Britanniques de comprendre la
société indienne à travers des catégories
familières comme celles de l'aristocratie, du clergé, de la
bourgeoisie et de la canaille.
2 Plusieurs appellations
sont connues : Harijans ou « enfants de dieu » (surnom
donné par Gandhi mais rejeté par une grande partie de cette
population), et Dalits, « les oppressés », qui est
associée aux mouvements politiques en faveur de droits
élargis.
19
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
tambour1), les Vaniyans (presseurs
d'huile) etc. (Racine, 1995). Il existe des sous-castes endogames à ces
groupes, ce qui augmente encore le nombre total de castes. A chaque
jâti est affecté un niveau différent de
pureté rituelle qui sert à attribuer des statuts
différents. On dénombre au Tamil Nadu 76 Scheduled Castes
(intouchables) et 122 Backward Classes (les classes arriérées,
qui appartiennent le plus souvent à la basse caste des
Shudras).
La dichotomie pureté/impureté est le
concept fondamental qui a caractérisé le statut et les relations
entre les castes, aujourd'hui concurrencé par le pouvoir politique et
économique. Seuls les hommes qui sont en état de pureté
rituelle peuvent approcher les dieux et pour que soit maintenue la
communication avec ceux-ci, il est nécessaire qu'une classe de la
population soit exempte des taches rituellement impures. Les castes qui
assistent les Brahmanes doivent également maintenir un certain
état de pureté et se préserver de toute promiscuité
avec le reste de la société. La pollution rituelle se
transmettant à travers les liens de parenté, l'endogamie reste un
moyen efficace d'éviter la pollution.
Il y a, pour les hautes castes, trois états de
pureté : la neutralité (mailige), la pureté
supérieure (madi) et l'impureté (polé).
L'état de pureté supérieure est volatil, ce qui explique
les précautions incessantes, en particulier des Brahmanes,
à éviter tout contact avec des choses ou des personnes
très polluantes (un intouchable, une femme réglée, des
déchets organiques par exemple), hautement contagieuses2. Il
existe pour chaque type de pollution des rites spécifiques à
exécuter afin de retrouver son état de pureté
antérieur3. La source de pollution la plus forte est la mort,
ce qui explique que les castes les plus basses y soient associées, c'ets
le cas des Pallars (« fossoyeurs ») ou des Paraiyars
(« joueurs de tambour dans des conditions funestes ») du Tamil
Nadu. Les autres sources de pollution sont, comme on l'a dit, rattachées
essentiellement aux déchets organiques : cheveux, ongles, urine, salive,
etc. L'idéologie liée à cette pollution rituelle rend
cohérentes de nombreuses pratiques quotidiennes.
Pendant longtemps, cette catégorisation des
individus qui s'appuyait sur des spécialisations
héréditaires4 attribuait à chacun un rôle
particulier dans la société qui rendait les castes
dépendantes les unes des autres. La modernisation de la
société indienne a engendré une diversité d'emplois
qui ne correspondent plus aux catégories traditionnelles ; le
phénomène d'urbanisation associé est, lui aussi, peu
compatible avec l'exercice des règles strictes de pureté
rituelle. De nos jours, les castes constituent davantage des blocs rivaux qui
ont localement des pouvoirs différenciés. Ainsi, la
supériorité des Brahmanes tient autant sur leur
capacité à mobiliser des ressources politiques et
économiques qu'à leur statut rituel (Deliège,
2004).
Les conséquences de ces divisions
sociales
Un des traits les plus caractéristiques de la
division de la société tient dans la ségrégation
spatiale qui s'opère au niveau des villages. Les villages du Tamil Nadu
sont séparés en trois espaces distincts : l'agraharam
est le quartier brahmane où seul ces derniers sont
supposés résider, l'ûr qui comprend les castes de
paysans et d'artisans et le céri, quartier
réservé aux intouchables. L'accès aux puits collectifs est
par exemple proscrit pour les intouchables qui risqueraient de souiller l'eau.
Les intouchables ne peuvent se rendre dans les autres quartiers que s'ils ont
quelque chose à y faire ; l'accès au temple leur est par contre
totalement proscrit,
1 Le tambour est
considéré comme impur du fait qu'il soit fabriqué avec des
peaux d'animaux.
2 Contrairement à la
pureté, l'impureté est hautement contagieuse.
3 Des bains (jusqu'à
1001 bains dans le cas de fortes pollutions), le récit de mantras
(formules rituelles), etc.
4 Malgré ça,
tous les individus d'une caste de blanchisseur ou de menuisier n'étaient
pas tous blanchisseurs ou menuisiers et une majorité d'individus
à l'intérieur des castes ont été et sont toujours
agriculteurs. Cependant, il y a de fortes chances pour qu'un blanchisseur ou un
menuisier appartiennent à une caste de blanchisseur ou de
menuisier.
20
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
mais chaque caste possède son propre lieu de
culte. L'accès à l'éducation et la qualité de
l'instruction, eux aussi inégaux, engendrent une reproduction des
inégalités.
En règle générale, dans de
nombreux villages, l'essentiel des terres se trouve aux mains des membres d'une
caste qui est démographiquement plus nombreuse que les autres, et qui de
ce fait jouit aussi de pouvoir politique. Cette caste, dite caste dominante,
est souvent rituellement peu élevée ; tel est le cas pour les
districts de Madurai* et de Ramanathapuram* (caste des Maravars). Les
castes Shudras sont ainsi fréquemment les castes villageoises
dominantes mais aussi les principaux oppresseurs des intouchables. La faible
présence des Brahmanes dans les campagnes s'explique par leurs
migrations importantes dans les villes afin d'occuper des postes
élevés.
De manière générale, l'honneur
tient une place très importante dans la culture hindoue. Les coutumes
traditionnelles rattachées à des moments importants de la vie des
individus et des familles comme le mariage, la puberté, le
dépucelage ou encore l'enfantement sont associées à des
rites séculiers auxquels participe un nombre élevé de
villageois. L'exercice de ces rites est souvent conditionné par la
présence d'un membre d'une caste précise qu'il faut ensuite
rétribuer, le plus souvent en nature1 (en mesures ou sacs de
paddy). La solidarité intra-caste, sous forme de prêts
financiers ou en nature, permet de réaliser les pratiques
traditionnelles. Mais il faut dans certains cas où la participation est
importante2, faire appel à un créancier membre d'une
caste supérieure pour des prêts à intérêts. Le
non remboursement de ces prêts ou alors des dots peu importantes affecte
l'honneur des individus et par extension celui de la famille, débouchant
sur un nombre relativement élevé de suicides3. Cette
société, complexe et culturellement très marquée,
est donc sujette à l'établissement de fortes
inégalités.
1.2.2 Les modes de gestion institutionnels des
tanks
Afin d'exploiter l'ensemble du système
d'irrigation par tanks, la société indienne a mis en oeuvre au
fil du temps, et selon les contextes politiques qui ont jalonné les
derniers siècles, des modes originaux de gestion des ressources
naturelles.
Les anciens régimes agraires
Le système de gestion le plus ancien est alors
connu sous l'appellation de mirasi, qui impliquait la participation
des villageois à la maintenance des tanks et leur rétribution
réservée sur une partie des bénéfices du village
(Vaidyanathan, 2001). Il y avait alors des règles bien définies
sur l'allocation des eaux stockées et sur les réparations
à effectuer sous le contrôle du mirasidar auquel
était affecté l'autorité suprême. Des fonctionnaires
étaient nommés et avaient la charge de régler les
éventuels conflits. Dans ce système le droit
héréditaire sur le sol (kaniyachi) s'appliquait (Dupuis,
1960). On peut penser, même si les informations disponibles sont peu
nombreuses, que ce mode de gestion traditionnel était durable et
équitable en terme d'allocation, sans l'être totalement au niveau
de l'accès à la ressource. L'avènement de la colonisation
britannique a modifié les règles d'usage. Les colons ont
institutionnalisé deux systèmes : ryotwari et
zamindari. Le système ryotwari imposait un impôt
agraire régulier, basé sur les informations cadastrales, dans
lesquelles était notée la valeur des sols. L'état traitait
directement avec le raiyat (fermier), auquel est
attribué
1 Par exemple le
blanchisseur qui intervient lors d'une puberté et qui, en plus de sa
rétribution, a le droit de garder les vêtements
souillés
2 Par exemple la dot de
mariage
3 Tel est le cas pour de
nombreux paysans fortement endettés, ou bien des jeunes femmes dont la
dot de mariage jugée faible implique un déshonneur familial et
une stigmatisation, par la famille du conjoint, trop forte à supporter
(ce dernier cas est particulièrement vrai pour les hautes
castes)
21
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
un titre de propriété (patta,
feuille d'arbre en tamil) lui conférant une sécurité et
les droits qui caractérisent la propriété : vente,
métayage, hypothèque, legs, etc. (Dupuis, 1960). Le
système zamindari est une inféodation du sol, dans
lequel le zamindar est chargé de verser le pashkash
(cadeau, en hindi) à l'Etat, c'est-à-dire une somme
forfaitaire exigée par le fisc et récoltée auprès
des paysans. Ce système exigeait moins d'efforts de l'Etat mais
était moins rentable du fait que les zamindars abusaient de
leur pouvoir au niveau local. Beaucoup estiment que cette centralisation des
impôts agraires est une cause importante de la dégradation des
tanks, qui sont une forme décentralisée de gestion, en
abandonnant la responsabilité de leur gestion du local au national.
Conscient de l'importance des tanks et de son rôle direct dans le
paiement de l'impôt, l'administration britannique a par la suite
tenté de contrecarrer la dérive des performances des tanks en
introduisant une législation qui renforce les obligations communautaires
pour la maintenance et les réparations des tanks. L'échec de ces
réformes a forcé l'administration à intervenir
directement, en partie par la construction de nouveaux system tanks le
long de la Vaigai, avec l'objectif permanent d'augmenter ses revenus sous forme
d'impôts (Vaidyanathan, 2001). Ces systèmes et ces lois n'existent
officiellement plus, même si l'on parle encore des terres «
ex-zamindars ».
Les systèmes contemporains chargés de
la gestion des tanks
Au moment de l'indépendance (1947),
l'état s'est engagé dans des programmes de grands travaux
(barrages, canaux) et de promotion des systèmes d'irrigation modernes
(puits). Les systèmes mineurs d'irrigation, dont font partie les tanks,
étaient très représentés au Tamil Nadu (65%) mais
jugés insuffisants en terme d'efficacité, ce qui a motivé
des politiques volontaristes en matière de source d'irrigation
alternatives. Même si l'on a alors relégué les tanks
à un rôle secondaire, on a établi des modes de gestion
différents suivant la taille des ayacuts de chaque tank. Le
panchayat1 est responsable de la gestion des tanks ayant un
ayacut inférieur à 40 ha, alors que le Public Works
Department (PWD)2 est responsable de la maintenance et des
réparations des canaux et des tanks qui irriguent des ayacuts
supérieurs à 40 ha. La taille moyenne des ayacuts
dans le Tamil Nadu est de 26 ha alors que 77% des tanks ont un ayacut
inférieur à 40 ha, 22% entre 40 et 200 ha et seulement 1%
plus de 200 ha (ces derniers irriguent toutefois 25% de la surface
irriguée totale sous le commandement des tanks). On peut préciser
que le rapport entre la surface inondée et la surface irriguée
d'un tank est rarement supérieur à un, ce qui pose le
problème déjà cité de l'emprise spatiale des tanks
et de leur rentabilité. Concernant les system tanks, ils
représentent 10% de l'ensemble des tanks. Un faible nombre d'entre eux
ont des ayacuts inférieurs à 40 ha. Ils ont donc une
emprise spatiale élevée et une fourniture en eau sensiblement
moins élevée que les non system tanks (Vaidyanathan,
2001).
Organisation locale de gestion
Les droits octroyés aux panchayats et
aux PWD leur confèrent des obligations à propos de la gestion
locale des tanks. Les tâches principales des PWD sont la maintenance et
la réhabilitation. Les conflits qui font suite à des
mécontentements de certains agriculteurs sont eux gérés
localement. Il y a toutefois de fortes disparités d'un tank à
l'autre sur l'efficacité et la réalisation des opérations
qui dépendent pour partie de la présence ou de l'absence de
personnages clefs responsables précisément de certaines de ces
opérations. Ces acteurs peuvent être des fonctionnaires
employés par l'état ou des personnes de certaines
castes
1 Conseil traditionnel
assurant le fonctionnement de la collectivité villageoise.
2 Département des
Travaux Publics chargé de la construction, de l'aménagement du
territoire et de la maintenance des infrastructures publiques.
22
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
spécialisées comme les neerkatties
de la caste des Pallars (intouchables) qui ont la charge de
distribuer les eaux stockées aux parcelles de l'ayacut, de curer les
chenaux d'approvisionnement et d'autres tâches encore selon les villages.
Les bénéfices tirés des activités liées aux
tanks sont gérés par le panchayat. Ce dernier est
souvent aux mains de la caste dominante, et l'un des phénomènes
les plus courants est d'utiliser les bénéfices dans un but
d'augmenter l'honneur de ses membres en réinjectant l'argent dans la
réhabilitation des temples, par exemple, aux dépens de la
réhabilitation des tanks. Cela est préjudiciable pour les castes
rituellement peu élevées, qui sont les plus dépendantes
des eaux du tank.
1.2.3 L'organisation du système agricole
Calendrier cultural et types de cultures
Le contexte climatique étant le principal
facteur limitant de l'agriculture, les paysans doivent, malgré les
systèmes d'irrigation, accorder leurs activités à la
variabilité des précipitations. On sait que si la
pluviométrie de la période considérée est
supérieure à la demi-ETP, on est en régime hydrique
favorable pour le démarrage ou l'achèvement du cycle cultural
d'une plante (Racine, 1995). La figure 5 nous indique que de telles
périodes correspondent, selon les localités, à la fin de
la mousson d'été et à la mousson d'hiver dans son
ensemble. Dès lors, il n'est pas étonnant de constater que la
principale saison culturale, appelée samba ou thaladi,
s'étale des mois d'août-septembre (repiquage) à
janvier-février (moisson). Ces différentes appellations sont le
reflet du type de culture portée par la parcelle la saison
précédente, appelée kuruvai/sornavari et
s'étalant de mai à septembre. Si la culture pratiquée est
du paddy, alors la saison suivante est appelée thaladi, si ce
n'est pas le cas, on la nomme samba (Komoguchi, 1986). Durant la
saison samba, certains agriculteurs emploient encore des
variétés traditionnelles à cycle long de six ou sept mois,
de meilleure qualité gustative et qui ont sur le marché un prix
plus élevé. Les cultures en saison kuruvai sont
très majoritairement des cultures pluviales (ragi,
cholam, légumineuses) et succèdent à la saison
navarai/kodai, de janvier-février à avril-mai,
qui observe, par l'introduction des variétés hybrides à
haut rendements et à cycle cultural court lors de la Révolution
Verte, une augmentation des cultures rizicoles irriguées. La riziculture
est, en effet, la principale culture irriguée, suivie par la canne
à sucre. Tandis que la première permet deux, voire trois
récoltes par an, la culture de la canne à sucre, plus rentable,
s'étale sur une année. Contrairement à la situation en
cultures pluviales, il n'y pas, sur les parcelles irriguées, de «
cultures associées » (Racine, 1995). On est donc en présence
d'un système de monoculture irriguée. Les cultures sous
irrigation par tanks sont dominées par le riz, suivi de la canne
à sucre, des légumes et du coton selon la disponibilité de
sources alternatives d'eau et selon les sols (Balasubramanian et al.,
2003). On peut enfin noter que les parcelles où la densité de
puits est plus forte ont un plus fort degré de diversité de
cultures ainsi qu'une plus grande intensité culturale. Cette
diversification profite particulièrement aux cultures de rente (canne
à sucre, cocotier, coton, banane) aux dépends des cultures
vivrières. Les puits permettent donc à priori de réduire
la vulnérabilité des agriculteurs face aux variations climatiques
et aux aléas du marché.
23
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
Figure 5 - Diagrammes annuels des
précipitations, de l'ETP et de l'ETP/2 à Madurai et Pamban
(source : National Bureau of Soil Survey and Land Use Planning)
24
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
Les régimes fonciers
La taille moyenne des parcelles par agriculteur dans
le Tamil Nadu est passé de 1.01 ha en 1986 à 0.93 ha en 1991. La
raison de cette diminution peut s'expliquer par la subdivision des parcelles en
réponse à la croissance démographique, aux
héritages de patrimoine ainsi qu'à la redistribution de parcelles
aux sans-terres dans le cadre de la loi dite « Land Ceiling Act »1
(Thangaraj, 2003). Cette loi avait pour objectif de lutter contre
l'absentéisme des propriétaires et contre l'exploitation des
tenanciers en plafonnant la surface exploitable par individus. Ce plafond
fixé à 30 acres en 1961 a été abaissé
à 15 acres par individu ou famille de moins de 5 membres en 1970 au
Tamil Nadu. De nombreux contournements ont été possibles du fait
d'un manque de rigueur de la part de l'administration, ce qui a eu pour effet
d'avantager les gros propriétaires au détriment des sans-terre et
des petits paysans.
Les temples et les villages possèdent une
partie du finage villageois (maniyam ou poramboke) mais ces
terres, de piètre qualité, ne sont pas très
prisées, même de la part des intouchables, en raison des contrats
de métayage peu favorables (Racine, 1995). Elles peuvent toutefois
être une forme de rétribution (partielle) à ceux qui
exercent la fonction de thotti, c'est-à-dire de manoeuvre au
service de la collectivité, et en particulier pour certaines
opérations de maintenance des tanks. Enfin, on peut noter qu'il existe
une certaine corrélation entre la caste et le statut ; les gros
propriétaires des classes dominantes sont souvent, dans le cas du bassin
versant de la Vaigai, membres des basses castes Shudras.
L'importance du riz
Le riz est de loin, dans cette région, la
céréale la plus cultivée et la plus
appréciée. Son importance se reflète donc aussi bien dans
les rites qui accompagnent le début de chaque culture que dans les
surfaces irriguées qui lui sont octroyées. Les castes
élevées demandent conseil auprès des Brahmanes
alors que les intouchables font appel à l'Iyer du
céri (prêtre Harijan, soit un Pandaram
sivaïte soit un Valluvar vishnuite), qui se
réfère en général aux almanachs (Racine, 1995). Des
rituels, comme la puja2, accompagnent les premières
étapes culturales.
Le riz compose l'essentiel du régime
alimentaire de la plupart des castes intouchables. Bien qu'ils ne soient pas
végétariens comme de nombreux Brahmanes, les occasions
de manger de la viande ou du poisson sont rares ; ce n'est donc pas tant la
sous-nutrition que la malnutrition qui affecte cette frange de la population,
et en particulier les enfants (Deliège, 1997).
Les variétés hybrides introduites (JR
8-20-50, ADT 31, etc.) ont des cycles moins longs (120130 jours), mais
nécessitent en contrepartie une fourniture en eau
régulière et sont associés à un plus grands nombres
d'intrants, en particulier chimiques (engrais azotés, fongicides,
insecticides). Les paysans les utilisent en saison samba lorsque les
prévisions climatiques sont mauvaises car elles présentent moins
de risques que les variétés à long cycle. Les rendements
restent néanmoins très modestes. A Ramanathapuram, où les
paysans disposent d'une dizaine de variétés, avec des cycles de
105 à 130 jours, le rendement moyen sur les 10 dernières
années est de 2552 kg/ha (Ramanathapuram District Website). Certains
tabous culturels comme l'utilisation de la charrue peuvent en partie expliquer
ces chiffres médiocres.
1 Loi édictée
en 1961
2 Acte d'offrande et de
prière à la divinité, marqué par un rituel plus ou
moins élaboré : consiste en l'occurrence dans le
façonnement de Pillaiyars avec de la bouse (ou Ganesh,
fils de Siva et de Parvati, à tête
d'éléphant, au ventre proéminent et auspicieux, c'est
celui qu'on invoque avant de commencer une entreprise, un travail, une oeuvre)
et enduits de pâte de curcuma, arrangés d'un potteu
(point auspicieux porté au front), de fleurs et de chiendent,
auxquels on offre des semences. Après avoir brûlé du
camphre et s'être prosterné, l'ensemencement à l'aide d'un
van peut alors commencer.
25
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
1.3 Les problématiques émergentes
1.3.1 La diminution des stocks d'eau souterraines
liée aux conditions d'exploitation La multiplication des puits
Historiquement, les puits ouverts sont les premiers
à avoir fait leur apparition dans le paysage. De profondeur moyenne
(quelques mètres), ils permettent l'accès aux aquifères
proches de la surface du sol, dont la recharge est dépendante des
quantités infiltrées durant les quelques années
précédentes. Leur efficacité est surtout reconnue dans les
zones où les sols sont développés sur des altérites
épaisses. Certains d'entre eux sont collectifs, mais ils sont
minoritaires. Les systèmes d'exhaure associés à ces puits
ont longtemps été rudimentaires, actionnés par
une ou deux paires de boeufs (erukavalei). La
Révolution verte indienne, entamée dans les années 1960,
avait pour objectif de répondre aux situations récurrentes de
famine. Au Tamil Nadu, elle s'est en particulier exprimée par la
gratuité de l'électricité, des prêts à
faibles taux d'intérêts et des subventions accordées pour
le développement de l'irrigation par eaux souterraines. C'est à
partir de cette période que se sont diffusés les puits
tubés, d'une dizaine de centimètres de diamètre et de
plusieurs dizaines de mètres de profondeur, associés à des
systèmes d'exhaure motorisés par des pompes au diesel dans un
premier temps, puis électriques ensuite. Ces puits tubés
permettent l'accès aux nappes phréatiques plus profondes, telles
que les nappes captives en zone de socle. Leur émergence est aussi une
conséquence des nouvelles variétés hybrides de riz
introduites, qui ont des besoins en quantité d'eau élevés
et nécessitent une fourniture régulière (Balasubramanian
et al., 2003).
Les conditions d'extraction
Cette politique volontariste a été une
opportunité pour une partie seulement de la population.
Tous n'ont pu au départ profiter de
l'introduction de ces techniques. Malgré les subventions et les
crédits accordés, seuls les paysans ayant un capital
d'investissement suffisant ont pu entreprendre le creusement de puits ouverts
et surtout des puits tubés. Seuls les petits paysans prêts
à prendre un risque et à s'endetter en possèdent. Il n'y
pas de réglementation précise légiférant
l'accès aux eaux souterraines. Selon les lois de l'administration
britannique, le propriétaire d'une terre s'octroie
généralement le droit d'exploiter les
|
|
réserves sous-jacentes (Janakarajan, Figure 6 -
Schéma résumant les différentes contraintes 2002). Les
puits tubés ont permis une exercées sur la ressource
fourniture en eau régulière et
ont
coïncidé avec la diversification des
cultures, les doubles cultures irriguées et le développement des
cultures de rente. Il existe toutefois une forte relation inverse entre
la
26
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
densité de puits et la surface irriguée
: plus la densité est forte, plus les rendements par puits sont faibles
(Vaidyanathan, 2003), ce qui en soi constitue une preuve de l'existence d'un
seuil ne pouvant être dépassé et d'une baisse des nappes
par surexploitation.
La compétition des
approfondissements
Une véritable compétition pour
accéder aux ressources souterraines s'est développé depuis
plusieurs années. La raréfaction de ces dernières pousse
les agriculteurs à creuser toujours plus profondément afin de
capter les stocks qui ne se renouvellent pas aussi vite qu'ils sont
exploités. Il n'est ainsi pas rare d'observer un étagement de
puits à l'intérieur d'un même puits. Les premières
techniques consistaient à approfondir simplement les puits ouverts
traditionnels de quelques mètres. Une fois la technique disponible et
largement diffusée, l'approfondissement des puits ouverts originaux
s'effectua par puits tubés avec une pompe motorisée. La diffusion
des « bore-wells » tend, elle aussi, à s'accroître ; ce
sont des puits à drains horizontaux permettant d'augmenter le rayon
d'action du drainage et la productivité de l'ouvrage. Cette course aux
approfondissements marginalise une partie de la population, qui ne dispose pas
des moyens financiers adéquats pour s'y joindre et accroît la
pression sur la ressource. L'aboutissement de ce processus est
fréquemment une improductivité totale des puits les moins
profonds. On estime que cette improductivité totale affecte 20% des
puits du Tamil Nadu (Janakarajan, 2002).
1.3.2 La dégradation des tanks Un
désintérêt croissant
Les puits affectent de manière directe la
performance des tanks à travers la réduction de la
dépendance des propriétaires de puits vis-à-vis des tanks
et leur volonté d'augmenter leurs revenus par la vente d'eau de puits.
Ils apportent un complément à la performance des tanks en
réduisant l'incertitude sur les quantités d'eau fournies par les
tanks Le pourcentage d'irrigation par tank au Tamil Nadu est passé de
40% en 1955 à 25% en 2000. Ce désintérêt se
matérialise par un manque de maintenance et de réparation des
édifices. La centralisation de la gestion des tanks,
opérée sous administration britannique, est stigmatisée
par de nombreux fermiers comme étant une cause essentielle du manque
d'entretien. Lors d'une enquête réalisée en 2002, 80% des
fermiers affirment que c'est à l'Etat que revient la charge des
opérations de réhabilitation et de maintenance des tanks
(Balasubramanian et al., 2003). La déprise actuelle s'explique
également parce que la lutte contre les empiétements dans
l'espace du tank et contre les comblements progressifs du lit, des chenaux et
des canaux suppose des actions socialement, économiquement et
politiquement coûteuses.
Relation tank/puits
Il existe tout d'abord un lien hydrologique entre
puits et tanks. Bien que les puits bénéficient aussi de la
percolation des eaux stagnantes des rizières, les infiltrations des eaux
du tank en direction des aquifères est une source importante de recharge
des nappes et donc de performance des puits. En ce sens, les investissements en
direction du tank pourraient de manière indirecte, déboucher sur
une privatisation des eaux du tank, ce qui pose la question de l'utilisation de
ces eaux et de l'objectif des tanks. Il existe déjà certains
tanks dont l'objectif principal est la percolation des eaux stockées
dans le but d'améliorer les rendements des puits. Il est possible que ce
principe tende à se généraliser à
l'avenir.
27
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
Des études montrent une très forte
liaison en « U » entre le nombre de puits et la dégradation
des tanks : il y a un impact positif des puits sur la performance des tanks
jusqu'à un certain seuil à partir duquel la tendance s'inverse
(Balasubramanian et al., 2003).
Certains propriétaires de puits sont favorables
au maintien des tanks, car en cas d'assèchement de leur puits, ils
peuvent représenter une source d'irrigation essentielle. La plupart
d'entre eux ne participent pas financièrement aux opérations de
maintenance alors qu'on leur permet d'utiliser les eaux stockées. Cette
situation est acceptée en raison du fait que les paysans sans puits sont
dépendants des propriétaires de puits qui leur vendent de
l'eau.
Le rôle des institutions
La présence de certains acteurs locaux semble
permettre le maintien des systèmes d'irrigation traditionnels.
Cependant, on ne peut pas observer, sur cet aspect, de dynamique
générale. En effet, chaque village prend des décisions qui
lui sont propres. Ainsi dans certains d'entre eux, des réunions
annuelles visent à déterminer les actions à entreprendre
et désignent des volontaires chargés de mener à bien les
opérations. Ils sont rémunérés à partir des
fonds villageois ou en nature par les agriculteurs qui profitent des
actions.
En termes d'actions collectives, la taille du groupe
joue un rôle important (Ostrom, 2000). C'est donc indirectement la taille
du tank qui peut influencer positivement ou négativement les actions
entreprises pour son maintien en bon état, étant entendu qu'un
groupe numériquement important aura tendance à moins
coopérer.
Les institutions ont aussi un rôle dans
l'utilisation des fonds tirés des activités dépendantes
des tanks, telles que la foresterie sociale et la pêche. Ces fonds,
réinjectés pour les opérations de maintenance des tanks,
pourraient permettre une performance acceptable pour tous.
1.3.3 Les impacts sociaux liés aux changements
récents des systèmes agricoles
La privatisation de la ressource
La diminution des stocks d'eau et la mainmise d'une
minorité de propriétaires sur les stocks disponibles ont
provoqué l'émergence d'un marché de l'eau. Bien que
l'activité reste informelle et qu'il n'y ait pas de données
précises disponibles, le volume des transactions semble très
important et devient comparable aux volumes d'autres marchés agricoles
(Janakarajan, 2002). La plupart des transactions s'effectuent entre paysans
d'un même ayacut afin de faciliter le transport de la ressource. Les
modes de paiement varient selon les propriétaires de puits, soit en
argent, soit en reversant une partie de la production. Les règles des
marchés officiels s'appliquent ici selon l'offre et la demande : les
prix fluctuent dans une fourchette qui peut varier selon la saison, le moment
dans le cycle cultural, et la source d'approvisionnement
énergétique des pompes utilisées. Des prix trop
élevés décourageront les acheteurs alors que des prix trop
bas ne seront pas intéressants pour le vendeur. Cette privatisation pose
des questions éthiques sur le devenir de cette ressource
considérée comme un bien public. Elle est aussi significative
d'un changement de valeur ; c'est, en effet, l'accès à l'eau qui
est aujourd'hui synonyme de prospérité, alors que pendant
très longtemps, l'accès à la terre était central.
La terre reste cependant le support nécessaire à la pratique de
l'agriculture mais rare dans une région fortement peuplée ; elle
a un prix en tant que facteur de production (Landy, 1994).
28
Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien
Les opportunités de travail
Les ouvriers agricoles sont des employés
saisonniers, et l'adoption des cultures de rente comme la canne à sucre
a limité les opportunités de travail. Une des conséquences
est l'augmentation des migrations en ville pour des emplois mieux
rémunérés ou vers les industries sucrières qui
tendent à se développer. Ces migrations concernent principalement
les hommes durant les périodes d'inactivité agricole. Les
ouvriers agricoles sont donc en situation de sous-emploi chronique et
d'insécurité (Ramachandran, 2001). Le rôle des femmes tend
aussi à se marginaliser. La mécanisation de certaines
opérations agricoles, comme le décorticage des fruits de
tamarinier, leur enlève des travaux qui leur étaient
réservées dans le partage des tâches. Les cultures dans les
thottam (zones irriguées par puits) créent aussi moins
d'emplois que les cultures précédentes tel que le coton ou les
légumes. Enfin, beaucoup n'ont de travail qu'environ six mois de
l'année, ce qui engendre des situations d'angoisse et de conflits au
sein même des familles.
Le maintien des
inégalités
Les inégalités sociales liées au
système de castes sont maintenues dans ce processus de modernisation
agricole. Malgré une meilleure représentativité politique,
le désavantage financier de départ s'est accru et n'a pas permis
de rattraper le retard accumulé. La financiarisation de l'agriculture
n'a pas été accompagnée d'une augmentation des salaires
journaliers, ce qui tend à creuser l'écart de salaires entre la
ville et la campagne. Les migrations résultantes de ces
différences de salaire engendrent dans certains cas le départ des
hommes, qui laissent leurs femmes seules au village avec les enfants. La
conséquence directe de ces départs est une dégradation de
la santé des femmes restées au village, qui font passer les
besoins de leurs enfants avant les leurs. Il existe de manière
générale des inégalités entre les castes, entre les
sexes, entre les individus, entre les villages, suivant la disponibilité
de ressources souterraines, et entre les villes et les villages qui sont en
voie de paupérisation.
On peut ainsi s'apercevoir que les bouleversements
récents du monde agricole indien n'ont pas eu d'effets
bénéfiques sur l'ensemble de la population. Le
développement des puits a été rendu nécessaire pour
faire face à la croissance démographique et à
l'insécurité de la fourniture en eau des tanks. Cependant,
l'exploitation sans limite des nappes phréatiques
déséquilibre le système que maintenait tant bien que mal
le tank. Il semble qu'aujourd'hui, un abandon généralisé
des tanks n'est pas souhaitable; mais se pose néanmoins la question de
la stratégie à adopter pour le maintien de ce système
d'irrigation. Il convient dès lors, à l'échelle d'un
bassin versant d'abord, de comprendre comment s'organise l'irrigation par
tanks, si des dynamiques générales se dégagent ou si au
contraire une certaine hétérogénéité
caractérise le système.
29
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
2. Le bassin versant de la Vaigai-Periyar, unité
régionale d'analyse spatiale et sociale des tanks
L'approche systémique utilisée
s'organise autour de la possibilité d'articuler à plusieurs
échelles les éléments et les informations tirées de
l'analyse. Il convient donc d'abord de s'attarder sur l'unité
fondamentale des systèmes hydrologiques continentaux, le bassin versant.
Les réponses sociales, par le biais des pratiques ou de l'organisation
communautaire, se sont dans un premier temps astreintes aux conditions
environnementales avant que la technique n'ait pu, dans un second temps, les en
détacher partiellement et inégalement. Nous entendons par
là, la distinction qui existe entre les system tanks et les
non-system tanks qui fait que les premiers sont moins
dépendants des conditions in situ. L'apparition des puits est
un autre exemple probant d'une technique dont l'efficacité et la
durabilité sont fonctions des pratiques sociales. Les conditions
climatiques qui règnent dans le bassin versant ont
nécessité la mise en oeuvre de systèmes
d'irrigation. Parmi ceux-ci, les tanks sont les plus
représentés. Ils ne sont cependant pas répartis de
manière homogène; ce sont ces disparités qu'il conviendra
d'abord d'analyser. Cette phase précédera l'étude
respective des system tanks et des non-system tanks ; selon
la qualité de leurs structures et selon la gestion organisée par
les strates de la société. Nous verrons enfin l'évolution
du lit des tanks, et les différents états de surface, sur une
période d'environ 30 ans grâce aux images satellites, qui laissent
entrevoir les dynamiques principales ainsi que les usages multiples, qui leur
sont liés.
2.1 L'inscription des tanks à l'intérieur du
bassin versant
2.1.1 Les données géographiques du cadre
d'analyse
Figure 7- Profil longitudinal de la Vaigai-Periyar dans
la zone étudiée (extrait à partir des SRTM)
Le bassin versant Vaigai-Periyar draine une aire de 7393
km2 à travers 13 taluks1. Les deux cours d'eau qui
le constituent, le Periyar et la Vaigai, confluent à l'amont du lac de
retenue créé par le barrage Vaigai, pour s'écouler ensuite
en direction de l'est et se jeter dans le golfe du Bengale au niveau de la
ville de Ramanathapuram.
Le profil longitudinal de la Vaigai-Periyar, dans la
zone étudiée, se divise en trois sections de pente
différenciées (cf. figure 7). Le premier tronçon de 50 km
présente la pente la plus forte, 0.32%. C'est la portion du talweg
occupée
par le Periyar jusqu'à sa jonction avec la
Vaigai avant le lac de retenue du même nom. Elle correspond à la
partie du bassin versant dans laquelle l'irrigation par tank est
minoritaire,
voire marginale, comparée à l'irrigation
par puits et par canaux. Les puits sont en effet nombreux dans cette partie en
raison de la présence de sols limoneux et argileux très
épais et bien drainés, d'une topographie avantageuse (zone de
piémont des Southern Ghats) ainsi que d'une pluviométrie mieux
répartie dans l'année que dans le reste du bassin. Le
deuxième
1 Unité administrative
indienne
30
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
tronçon, du 50ème au
150ème kilomètre accuse une pente de 0.18%. Il
s'étire de la confluence des deux cours d'eau jusqu'à 15
kilomètres après Madurai, et comprend le lac de retenue du
barrage de la Vaigai. C'est dans cette portion que l'on trouve la
majorité des canaux connectés à la Vaigai et drainant ses
eaux en direction des system tanks. La pente encore importante permet
des débits probablement élevés et une fourniture en eau
régulière du fait de la proximité du barrage. Ces facteurs
sont donc propices à l'alimentation des canaux. La dernière
portion, de pente plus modeste, 0.1%, s'étire jusqu'à
l'embouchure bordant le golfe du Bengale. Les 30 derniers kilomètres
accusent toutefois une pente quasiment nulle et correspond au
paléo-delta de la Vaigai. C'est dans ce tronçon final que les
non-system tanks sont les plus nombreux. Ceci peut s'expliquer par le
débit sans doute plus faible du cours d'eau en raison de l'utilisation
de ses eaux en amont, et donc d'une fourniture plus incertaine. Au niveau
climatique, le bassin versant bénéficie des deux moussons : celle
du NE contribue à environ 45% du total annuel tandis que la mousson
d'été y participe à hauteur de 30% par des averses qui
alimentent l'amont montagneux. La tête de bassin reçoit en moyenne
une plus grande quantité de précipitations que le reste, en
raison de la période des mango showers plus arrosée, et
d'une mousson d'été plus active.
Les conditions climatiques de son bassin sont
toutefois loin d'être favorables à la formation d'un cours d'eau
pérenne. Ainsi, avant la diversion du flot du Periyar, la Vaigai avait
pendant une ou deux semaines de très fortes crues qui étaient
vite évacuées, et se réduisait à un
misérable filet d'eau le reste de l'année (Adiceam, 1966). Depuis
la contribution du Periyar, elle a un débit plus considérable et
plus soutenu.
Figure 8- Carte des densités, et des populations,
des 13 taluks du bassin versant de la Vaigai-Periyar en 1991 (source -
Sipis)
En prenant en compte les limites administratives des
taluks, et non pas les limites physiques du bassin versant, la population
totale est de 2 523 477 personnes pour une densité moyenne de 307
habitants au km2 (cf. figure 8). Cette densité de population
n'est pas homogène le long du bassin versant : on remarque une
opposition entre la partie haute du bassin, densément peuplée, et
la partie basse moins dense, exception faite du taluk littoral de
Ramanathapuram. L'attrait particulier de ce taluk peut être
associé à des facteurs historiques de peuplement ainsi
qu'à des opportunités spécifiques aux espaces littoraux ;
ces facteurs n'étant pas indépendants l'un de l'autre. La forte
densité de population dans la partie centrale doit être
associée à la présence de Madurai, qui est la ville
principale du bassin versant, et de l'attraction qu'elle exerce sur les
campagnes environnantes. L'attrait de la partie supérieur est à
relier aux opportunités agricoles en raison des conditions
environnementales particulièrement favorables
31
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
qui y règnent. Malgré ces fortes
densités, la population active est majoritairement rurale et agricole
(environ 50%). L'attachement de la population à la terre est fort et
implique une maîtrise de l'eau pour répondre aux besoins de
l'agriculture.
2.1.2 La distribution des systèmes d'irrigation
et des principales cultures agricoles (cf. figure 9)
Environ 40 % des terres cultivables du bassin versant
sont irriguées. Parmi elles, les tanks en irriguent 50% (dont un quart
par les system tanks), les puits 30%, et les canaux 20%. La proportion
des surfaces cultivables irriguées par quelque source que ce soit est
plus faible dans la section supérieure que dans la partie
médiane, mais plus élevée que dans la partie
inférieure du bassin (cf. figure 9). Toutefois, il n'apparaît pas
de corrélation évidente entre un quelconque système
d'irrigation et une forte proportion de terres irriguées. Certains
facteurs endogènes et locaux jouent donc un rôle dans ces
différenciations territoriales. Un examen, plus détaillé,
révèle néanmoins que le secteur aval dans lequel
l'irrigation est effectuée uniquement sous le commandement d'un tank,
est généralement associé à des taux d'irrigation
plus faibles.
Quant à la disponibilité des sources
d'irrigation, le bassin observe une division tripartite. Les eaux souterraines
sont la principale source dans la section supérieure, alors que
l'irrigation par tank y est négligeable. Les principaux systèmes
d'irrigation sont présents dans la section médiane avec toutefois
une omniprésence marquée des canaux et des puits alors que
l'irrigation dans la partie aval se fait entièrement par
tanks.
Les cartes combinant les systèmes d'irrigation,
et les types de cultures, font apparaître que les taluks dans lesquels
l'irrigation par tanks est prépondérante, sont ceux où la
riziculture est majoritaire. Cette association détermine une rupture,
assez nette, de la domination de la riziculture, entre le tiers
supérieur, et le reste du bassin versant.
A contrario, l'irrigation par puits n'est pas
corrélée de manière significative aux cultures de rente
(canne à sucre, cocotiers, coton, arbres fruitiers, etc.), en dehors de
la section supérieure qui confirme la règle ; les puits sont ici
très majoritaires et la proportion des cultures de rente est de l'ordre
des 20%. Notons que le district de Ramanathapuram se dégage des autres
du fait d'un taux important de cultures de rente, alors que l'irrigation des
terres cultivables est faible et que les tanks sont la principale source
d'irrigation. Nous verrons que les facteurs édaphiques liés
à une forte capacité de rétention favorisent la
diversification des cultures et en particulier la présence de certaines
cultures de rente. Ceci laisse à penser que les stratégies
paysannes se soient ici adaptées aux potentialités physiques, et
plus récemment, au marché. Les zones de tanks sont globalement
associées à la monoculture de paddy irrigué. De fait, les
zones irriguées par d'autres systèmes que les tanks, ou par
plusieurs systèmes à la fois, présentent une
diversification des cultures plus grande. Là où cela ne se
vérifie pas, c'est que d'autres facteurs, comme les sols ou les
stratégies individuelles par exemple, permettent cette diversification.
Tel est le cas pour les taluks de Manamadurai et de Ramanathapuram qui
présentent des taux important de culture de rentes et des taux
d'irrigation par tanks parmi les plus forts.
En conclusion, la présence d'une culture est
liée à la disponibilité de l'eau, disponibilité
naturelle ou organisée, qui est elle-même dépendante non
seulement des capacités du milieu mais aussi des choix de
société, des capacités et possibilités
individuelles (capital financier, culturel) et de l'altruisme communautaire
(actions collectives).
32
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
Figure 9 - Cartes des systèmes d'irrigation, et
des cultures irriguées, dans le bassin versant de la
Vaigai-Periyar
33
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
2.1.3 Les tanks du bassin versant
Figure 10 - Profil spectral de l'eau (source : Landsat
Thematic Mapper)
Afin de travailler sur des données
spatialisées à l'échelle du bassin versant, l'utilisation
de la télédétection s'est avérée
fondamentale. Les atouts principaux de cet outil sont, premièrement,
qu'il permet une approche synoptique de l'espace et, deuxièmement, qu'il
permet de réaliser des analyses diachroniques des éléments
spatialisés.
L'objectif premier du travail a été la
détection des tanks en eau. Ceci est rendu possible par
le fait que l'eau est un élément
présentant une
réponse spectrale spécifique (cf. figure
10). Sa courbe de réflectance présente en effet la
particularité d'être
régulièrement décroissante depuis le visible jusqu'au
proche infrarouge, bande dans laquelle la valeur de la réflectance
devient très faible et s'annule (Girard, 1989).
La variabilité temporelle des stocks d'eau dans
les tanks est dans notre cas le facteur primordial à prendre en compte
avant toute interprétation. C'est la raison pour laquelle une attention
particulière a été portée sur la date d'acquisition
des images1. La date du début de l'utilisation des eaux du
tank peut varier d'un tank à l'autre. Toutefois, les paysans commencent
généralement à utiliser l'eau du tank après les
opérations de labour et de repiquage qui sont, elles,
généralement effectuées lors des premières pluies.
Le tank ensuite se remplit progressivement selon un rythme qui dépend
des ponctions par les ayacutdars et de la mousson en cours. On peut
considérer que la fin de la saison des pluies marque la période
de remplissage maximum.
Afin de couvrir un pas de temps le plus large
possible, nous nous sommes appuyés sur les images de la région
les plus anciennes, soit celles du satellite Landsat équipé du
capteur MSS (Multi Spectral Scanner). Trois images de ce satellite concernent
notre zone, dont deux d'entre elles ont été acquises en 1973 et
une en 1979. Les jours d'acquisition se situent durant les deux premiers mois
de l'année, ce qui est favorable à la présence
simultanée de tanks bien remplis sur l'ensemble du bassin versant. Par
une méthodologie appropriée2, il a donc
été possible de détecter les tanks en eau dans les
années 1970 (cf. figure 12).
Avant toute interprétation, il faut
caractériser et évaluer l'intensité de la saison des
pluies de l'année précédente par rapport à la
moyenne observée. Pour ce faire, nous disposons de séries des
totaux pluviométriques annuels de 1941 à 2000 pour 34 stations du
Tamil Nadu. Le calcul des écarts-types pour chaque année et pour
chaque station a été précédemment
réalisé (Gunnell et al, soumis). Nous avons ensuite
intégré dans un même graphique tous les écarts-types
de chaque station pour les années considérées, ce qui
permet de caractériser les totaux pluviométriques de ces
années par rapport aux moyennes de la série.
Les graphiques réalisés (cf. figure 11)
permettent de caractériser l'année 1972 comme une année
relativement bien arrosée avec des excédents d'eau par rapport
à la moyenne sur 60 ans dans presque toutes les stations. L'année
1978 est plus contrastée, même si les écarts-types positifs
sont sensiblement plus nombreux. On peut donc affirmer que la carte des tanks
créée reflète une situation de conditions climatiques
favorables à leur remplissage.
Une première observation, qui a son importance,
concerne la présence d'une couverture nuageuse dans le secteur
médian du bassin versant. C'est une variable aléatoire et
récurrente qui est techniquement insurmontable. Certains
résultats sont donc susceptibles de ne pas
1 Toutes les images ont
été téléchargées à partir du site
internet de l'université du Maryland (
http://glcfapp.umiacs.umd.edu:8080/esdi/index.jsp)
2 Se référer
à l'annexe 2 pour la méthodologie employée
34
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
Figure 11 - Diagrammes des écarts-types
à la moyenne pour 34 stations du Tamil Nadu (source : Gunnell et
al, soumis)
représenter de manière parfaite la
réalité ; c'est pour cette raison que nous le préciserons
à chaque fois que cela sera nécessaire. On peut aussi
préciser que l'ajout de la marge littorale, extérieure aux
strictes frontières du bassin versant de la Vaigai, se justifie par
l'intérêt d'adopter une méthode comparative entre plusieurs
sous-régions adjacentes, concernées par l'irrigation au moyen des
tanks.
En termes de chiffres bruts, nous avons pu
détecter 2361 tanks qui occupent une superficie de 764,25 km2
(pour une moyenne donc de 32 ha par tank). En considérant la superficie
totale du bassin versant et de sa marge littorale, qui est de 11310
km2, les tanks occupent 6,75% du territoire. Leurs surfaces
respectives varient de quelques hectares jusqu'à un maximum de 1472 ha
pour le plus grand d'entre eux.
On voit clairement apparaître des
disparités territoriales quant à leur emprise spatiale. Ils sont
très faiblement représentés dans la section
supérieure et sont de taille limitée, ce qui explique
leur part restreinte dans l'irrigation des terres
cultivables. Dans la section médiane, ils sont déjà plus
nombreux. Leurs tailles et leurs formes hétérogènes
semblent correspondre à la présence conjointe de system tanks
et de non-system tanks. La section aval est, quant à elle,
occupée par des tanks généralement plus grands et de
formes adaptées à la pente du terrain, ce qui est
caractéristique des non-system tanks.
La marge littorale est la plus densément
occupée par les tanks ; leur emprise spatiale y est très forte.
Cet agencement spatial est la signature des « cascade tanks
».
L'intérêt de ce bassin versant
réside dans cette diversité structurelle et fonctionnelle des
tanks dont la télédétection permet d'effecteur un zonage
précis ainsi qu'une étude plus fine de ses composantes
territoriales.
35
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar, unité
régionale d'analyse spatiale et sociale des tanks
Figure 12 - Carte générale des tanks du
bassin versant de la Vaigai et de sa marge littorale
36
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
2.2 La gestion sociale et institutionnelle des tanks :
entre tradition et modernité
D'après l'analyse des images Landsat MSS, 1049
tanks ont été détectés dans le bassin versant de la
Vaigai-Periyar (sans la marge littorale). Les tailles s'échelonnent de
moins d'un hectare (3200 m2) à 10 km2 pour le plus
grand d'entre eux, pour une moyenne de 27 ha. Ce mode d'irrigation est le plus
important du bassin versant en termes de surfaces irriguées (40% des
terres irriguées).
Dans cette partie, 25 tanks ont été
étudiés. Ils sont tous gérés par le
Département des Travaux Publics (PWD), et irriguent donc, chacun, un
ayacut de plus de 40ha. Une distinction a été
établie entre les system tanks et les non-system tanks
(cf. figure 14).
2.2.1 Les caractéristiques structurelles et
fonctionnelles
On entend par « structurel » tous les
éléments qui composent le tank lui-même et ceux dont son
fonctionnement même dépendent (les digues, vannes, surplus,
chenaux sont les principaux).
Ces éléments structurels ont tous, sur
un plan fonctionnel, une importance primordiale. Ce sont parmi les variables
qui comptent le plus pour établir le degré de performance. Un
état général dégradé ne permet, ni
d'optimiser un stockage proportionnel aux disponibilités, ni une
utilisation maximale de la ressource à des fins agricoles. Les
matériaux de construction utilisés, tel que la terre ou la
brique, qui servent à la réalisation des digues et des vannes,
connaissent un vieillissement naturel. Les actions mécaniques de la
météorisation, les pressions exercées par les
écoulements (augmentées durant les périodes de crues)
ainsi que les dégradations d'origine anthropique, affectent la
stabilité des structures maçonnées. Ceci est
particulièrement vrai pour les digues : apparition de brèches du
fait de la pression latérale des eaux stockées ; affaissements,
en réponse aux passages répétés de trafic routier
sur la crête des digues, qui servent souvent de voies de communication ;
ou encore érosion hydrique prononcée. Ces
phénomènes sont difficilement quantifiables, mais ils affectent
dans tous les cas la performance globale du tank, autant au niveau du stockage
que dans la restitution des eaux à l'ayacut.
À première vue, des différences
notables existent entre les structures des deux types de tanks (cf. figure 13).
On remarque que les non-system tanks n'ont pas de réseaux
d'adduction en bon état. Cela signifie qu'ils sont, soit en voie de
comblement, soit envahis par de la végétation spontanée,
soit les deux à la fois. A l'opposé, six system tanks
sur treize ont des réseaux en bon état
général.
Figure 13 - Etats des structures des tanks
sélectionnés
37
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar, unité
régionale d'analyse spatiale et sociale des tanks
Figure 14 - Localisation des system tanks et des
non-system tanks étudiés
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
Cela peut être la conséquence
d'écoulements plus réguliers dans les chenaux des system
tanks, limitant, par des phénomènes érosifs, la
progression de la végétation et dégageant les
matériaux les plus fins du lit. Des apports plus réguliers d'eau
peuvent, en revanche, augmenter la sédimentation suivant le débit
considéré. En observant plus finement les données, on se
rend compte que les sources principales du mauvais état de ces chenaux
sont l'envahissement par la végétation pour les system tanks
alors qu'elles sont doubles pour les non-system tanks
(envahissement et comblement). La conséquence directe de ces
obstructions est la réduction de la capacité d'écoulement
et donc des apports servant à l'irrigation des
ayacuts.
Ce qui est appelé surplus, ou
régulateur, est la structure qui permet d'évacuer les eaux
lorsque le tank a atteint son niveau de remplissage maximum. Les eaux sont
ensuite destinées à remplir les tanks situés en aval, ou
bien peuvent être définitivement perdues dans le cas de certains
tanks proches du golfe du Bengale. Un ébrèchement signifie une
diminution de la capacité de stockage. Une fois encore, l'état
des régulateurs est bien meilleur pour les system tanks. Seuls
les non-system tanks de la partie aval ont des régulateurs en
bon état. En croisant ces informations avec le nombre de mois pendant
lesquels les tanks atteignent leur niveau de remplissage maximal, on remarque
une corrélation positive entre ces deux éléments, ce qui
se vérifie, particulièrement, pour les non-system tanks.
Cela semble être le signe que des actions de maintenance sont entreprises
dans ces tanks, reflétant une certaine dépendance des populations
vis-à-vis de ce mode d'irrigation.
Concernant l'état des digues, on peut remarquer
que ce sont les system tanks à proximité de la Vaigai
qui présentent les meilleurs résultats. Cette position en section
supérieure pourrait s'expliquer par des écoulements à plus
forte capacité en provenance des canaux et chenaux, nécessitant
des digues en bon état afin de contenir les flots. On remarque par
contre une forte corrélation spatiale entre les digues de non-system
tanks en bon état et la densité de puits dans les
ayacuts. Cela pourrait relever d'une prise de conscience de
l'importance du tank dans la recharge des nappes phréatiques et donc de
la nécessité d'un entretien régulier des
digues.
Enfin, en ce qui concerne les vannes et les structures
de contrôle des eaux, on remarque que celles des system tanks
sont elles aussi en meilleur état et qu'elles sont, avec les
régulateurs, les structures qui présentent l`état
général le plus satisfaisant. Ceci s'explique par le fait que les
réparations à effectuer sont moins coûteuses et plus facile
à mettre en oeuvre. On peut relever que quatre non-system tanks
n'ont aucune des structures mentionnées en bon état. De
manière générale, l'état des non-system tanks
est plus dégradé que celui des system
tanks.
Les processus de comblement, résultant de
l'érosion des terres arables en culture pluviale situées dans
l'aire contributive des tanks, affectent de manière importante les deux
types de tanks (cf. figure 15). Il apparaît néanmoins clairement
une opposition concernant les non-system tanks entre la partie amont
et aval du bassin versant. La turbidité des eaux peut agir en faveur
d`un comblement prononcé. Ce processus est un des plus dommageables et
des plus fréquents parmi ceux qui réduisent la performance des
tanks.
Figure 15 - Cartes des taux de comblement des tanks
sélectionnés
38
39
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
Par ces observations, on touche au point le plus
sensible des tanks, à savoir qu'ils nécessitent un effort de la
société et des communautés pour maintenir leur fonction
principale, à savoir celle d'irriguer. Pour affiner l'analyse, il
convient donc de s'attarder sur les principes de gestion et sur les
modalités des actions entreprises.
2.2.2 Les gestionnaires de l'eau
Les missions premières du PWD sont de
réguler les écoulements des canaux en fonction des
disponibilités en eau, et d'entreprendre des travaux pour le maintien en
état des canaux, chenaux, et structures du tank (Vaidyanathan, 2001).
Ses fonctions et son champ d'action sont diversifiés et étendus
au niveau du bassin versant. Les lascars sont des employés du
PWD qui ont la responsabilité d'appliquer la politique et les
recommandations énoncées par le PWD. A l'échelle du
village, ce sont principalement des organisations informelles qui se
structurent autour des anciens, des membres de la caste dominante et des
ayacutdars, et pour lesquelles les objectifs principaux
résident dans la gestion locale de la ressource et des conflits
potentiels. Aux anciens, dénommés ambalams ou
nattanmais, reviennent les fonctions décisionnelle et
exécutive. Ils sont désignés localement par les gros
propriétaires de la caste dominante et peuvent par exemple
décider d'un éventuel rationnement ou arbitrer un conflit entre
ayacutdars. Cette fonction relève du droit coutumier, à
l'instar des thotties et kavals qui sont
désignés et habilités par l'organisation villageoise pour
effectuer des travaux relatifs à l'irrigation. Ce sont principalement
des intouchables qui effectuent ces petites opérations. Leur rôle
est secondaire au regard des actions incombant aux neerkatties et les
madaiyans. Le rôle du neerkatti est d'irriguer
l'ayacut dans son ensemble toute l'année, ou bien, selon les
tanks, uniquement en période de pénurie afin de maximiser l'eau
disponible et de réduire les conflits. Les madaiyans sont, eux,
chargés d'ouvrir et de fermer les vannes et ainsi réguler les
apports. Ces fonctions sont principalement occupées par des
intouchables. On peut noter que la plupart des fonctionnaires en place ont
hérité la fonction d'un proche et pour certains possèdent
des parcelles dans l'ayacut considéré.
A l'exception de trois system tanks
alimentés par le TMC (Thirumangalam Main Canal), tous les tanks
sont affectés d'un ou plusieurs fonctionnaires1 (cf. figure
16). Les plus représentés sont les thotties et les
madaiyans pour les system tanks, les neerkatties et
les thotties pour les non-system tanks. Quantitativement, ces
non-system tanks sont mieux lotis, ce qui dénote une attention
plus prononcée des collectivités à l'encontre du tank et
qui, dans le cas précis de la partie aval du bassin versant de la
Vaigai, s'explique par l'absence de sources d'irrigation alternatives et donc
d'une dépendance plus forte à l'égard des
tanks.
Cette dépendance crée une
dépendance à l'égard de la mousson, ce qui a pour
résultat de fragiliser le système par le caractère
incertain des précipitations et donc des apports d'eau. La
présence de fonctionnaires est particulièrement importante lors
des périodes de déficit hydrique qui incitent aux rationnements
de l'eau2 pour un partage équitable et pour une distribution
spatiale optimale lorsque cela est possible. Ils peuvent aussi inciter les
paysans à utiliser des variétés de paddy à cycle
court si les prévisions ne sont pas bonnes (Seenivasan, 2003). La
prépondérance des madaiyans dans les system tanks,
au dépend des neerkatties, est le signe d'une fourniture
en eau plus importante en volume et sécurisée, qui
nécessite malgré
1 Fonctionnaire est entendu
ici dans le sens d'appliquer une fonction et non comme un agent de
l'état
2 Plusieurs types de
rationnements sont possibles : apports de la tête à la queue de
l'ayacut ou l'inverse, rotations des apports selon les parcelles ou selon le
temps, aucune fourniture aux propriétaires de puits, ou alors accord
spontané entre les ayacutdars de leur propre chef (recours rare
car difficile à mettre en place).
40
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
tout une personne chargé de l'ouverture des
vannes. Ces derniers sont généralement mieux
rémunérés par les ayacutdars que les
thotties1.
Figure 16- Nombre et type d'employés
chargés des opérations d'irrigation dans les tanks
sélectionnés
1 Les
rémunérations s'effectuent principalement en nature ; ici, de 0.8
à 4.4 marakkal/ha/saison (1 marakkal = 4,5 kg de paddy)
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar, unité
régionale d'analyse spatiale et sociale des tanks
41
Figure 17 - Principales actions des
fonctionnaires
42
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
Ces fonctionnaires ont donc un rôle primordial
dans l'organisation sociale de la gestion de la ressource. Ils contribuent
directement au maintien de son statut de bien commun accessible à tous,
sous condition de posséder ou de travailler une parcelle de l'ayacut.
Dans le cas des tanks gérés par le panchayat ou ceux des
terres anciennement sous régime zamindar, le neerkatti
réunit à lui seul toutes les tâches, non seulement du
fait de la taille réduite des tanks et des ayacuts, mais aussi
en raison de la forte variabilité de l'alimentation.
Plus en détail, la différence du nombre
de fonctionnaires entre les deux types de tanks s'exprime aussi dans les
tâches effectuées qui sont plus diversifiées dans le cas
des non-system tanks (cf. figure 17). Une des différences
fondamentales, dans le cas de non-system tanks, est qu'ils
entreprennent directement ou émettent des recommandations
précises sur les réparations et les opérations de
maintenance à effectuer. C'est particulièrement vrai pour les
tanks du paléo-delta de la Vaigai qui sont les mieux lotis
quantitativement et qualitativement. Dans ce cas précis, ils
représentent une catégorie centrale d'acteur, à partir de
laquelle sont émises les décisions et les recommandations sur les
actions collectives à entreprendre. Si leur statut
héréditaire leur confère un certain honneur auprès
de la collectivité, il leur permet aussi une certaine
légitimité vis-à-vis des paysans, plus à même
de suivre leurs recommandations. Ils constituent donc un rouage essentiel du
système alliant les coutumes traditionnelles et locales de gestion, aux
politiques centralisées et modernisatrices (par le biais du PWD), et
font office de contrepoids à la privatisation rampante de la ressource
qui va de pair avec la multiplication des puits privés (cf. partie
3).
2.2.3 L'implication des acteurs dans la gestion des
tanks
Le meilleur moyen d'établir le degré
d'intervention des acteurs revient à considérer les
investissements financiers réalisés. Le PWD est sensé
être le garant de la bonne tenue des structures et des divers
aménagements du tank.
Il est effectivement intervenu dans la plupart des
tanks sélectionnés mais de manière assez inégale et
très ponctuelle entre 1990 et 1995 (cf. figure 18). Cette
inégalité se retrouve non
Figure 18- Contributions du PWD et des ayacutdars
dans les opérations de maintenance et de réparations des
tanks
seulement d'un tank à l'autre mais aussi et
surtout entre les deux types de tanks parmi lesquels les system tanks
apparaissent favorisés. Les actions entreprises sont
essentiellement des opérations de maçonnerie : renforcement des
digues et réparation/reconstruction des vannes, et des opérations
de déblaiement des chenaux. Les non-system tanks ont toutefois
bénéficié d'une maintenance des chenaux quantitativement
plus importante (cinq non-system
43
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
tanks contre deux system tanks).
Cette attention particulière aux system tanks explique les
différences d'état des infrastructures analysées plus haut
et s'avère être le résultat d'une politique favorisant
les system tanks au détriment des non-system tanks.
Appartenant à un réseau plus complexe et plus coûteux
(canaux, barrages, régulateurs), le gouvernement tiendrait donc à
s'assurer du bon fonctionnement des system tanks.
En contrepartie, la maintenance des non-system
tanks incombe beaucoup plus largement aux ayacutdars et aux
organisations villageoises. Leurs engagements financiers sont plus
élevés et les actions entreprises plus nombreuses (cf. figure
18). Le renforcement des structures est également leur principale
activité. Ils fournissent néanmoins un effort particulier dans
les tanks du paléo-delta en combattant l'avancée de certaines
plantes aquatiques invasives (Vaidyanathan, 2001).
Ces actions sont le résultat d'un effort
collectif qui peut ou non être rémunéré par le
village. Lorsqu'une situation extrême l'exige, une coopération
s'organise entre les ayacutdars, sous l'oeil attentif de
l'organisation villageoise. Lorsque des volontaires sont
désignés, leur rémunération est assurée par
les ayacutdars, la plupart du temps en nature. Un des problèmes
majeur est le manque de fonds à l'échelle du village. C'est une
des raisons pour lesquelles certains d'entre eux utilisent les
bénéfices tirés du tank (ventes aux enchères du
bois, ressources piscicoles, etc.) pour les réinvestir dans les
opérations de maintenance. Néanmoins ces décisions sont
dépendantes des dirigeants en place et de leur caste. Les
bénéfices peuvent être utilisés pour augmenter le
capital symbolique ou honorifique d'un groupe familial ou social (ou celui de
la caste) par le biais d'une rénovation du temple, par
exemple.
La fréquence avec laquelle sont
effectuées les actions des ayacutdars est plus forte que dans
le cas des tanks entretenus par le PWD, ce qui suppose une efficacité
accrue, étant entendu que les structures subissent de fortes
sollicitations extérieures d'une année sur l'autre.
Enfin, une remarque importante tient au fait qu'on
observe une relation inverse assez forte entre la densité de puits dans
l'ayacut et l'intensité de la contribution des ayacutdars,
a fortiori dans les sections médianes et supérieures.
L'accès à une source alternative réduit en effet la
dépendance au tank, et donc les engagements pour maintenir sa
performance. Ceci s'en ressent au niveau de la cohésion du
village.
2.2.4 Les raisons politiques de la
dégradation
Ces différences observées à
plusieurs échelles sont une conséquence indirecte de la
colonisation britannique et une des raisons de la dégradation
structurelle de certains tanks. L'attribution de la gestion des plus grands
tanks au PWD s'est maintenue après l'indépendance,
pérennisant en partie le système instauré
précédemment par l'administration britannique. Ce système
s'appuyait sur une gestion centralisée des tanks, en excluant les
communautés locales des prises de décisions. L'émergence
du PWD a ensuite coïncidé avec une organisation tournée
autour de deux objectifs, économiques et politiques (politique des
grands travaux, financiarisation de l'agriculture), qui n'ont pas toujours
montré des résultats satisfaisants, en particulier sur le plan
environnemental (pression exacerbée sur la ressource et utilisation
exponentielle d'intrants chimiques après les années
1960).
Les villages ont souvent perdu leur autonomie
financière et leur sentiment de responsabilité vis-à-vis
de la gestion des ressources en eau ; cela s'exprime aussi à travers le
discours des villageois, qui voient dans l'état le seul responsable de
la détérioration des tanks (Balasubramanian et al.,
2003).
44
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
2.3 Les changements d'états de surfaces des lits des
tanks
Les analyses diachroniques des états de surface
du lit des tanks portent sur ceux ayant été
détectés à partir des images satellites MSS. En raison des
dates d'acquisition variées, les analyses portent successivement sur des
portions du bassin versant.
2.3.1 La partie aval du bassin versant
La grande majorité des tanks de cette section
sont des non-sytem tanks. Ils occupent le paléo-delta de la
Vaigai sur lequel sont installés des vertisols (sols noirs), riches en
montmorillonite. Malgré leurs propriétés chimiques
favorables à l'agriculture (bonne capacité d'échange
cationique des argiles), les propriétés gonflantes des argiles en
font des sols difficiles à travailler (Duchaufour, 1997).
La caste des Maravars domine cette
région, dont les cultures principales sont le paddy et le piment,
accompagnés, mais dans une moindre mesure par le coton. Ce n'est pas une
zone dans laquelle les puits sont très développés compte
tenu de la présence de nombreux aquifères salins. Ramanathapuram
est la ville principale, et les données pluviométriques qui lui
sont associées permettront des comparaisons qualitatives et
quantitatives.
Figure 19- Diagramme par écart-types à
la moyenne des totaux annuels pluviométriques de
Ramanathapuram
Carte A (cf. figure 20)
Le premier élément remarquable est la
concentration des eaux dans les tanks les plus
grands (en particulier le Ramnad Big Tank,
ou
RBT, à l'ouest de Ramanathapuram) et dans leurs
satellites, les endal tanks, qui sont
connectés entre eux par un réseau complexe
de chenaux. L'année 1987 est considérée comme normale,
avec un total de pluviosité autour de la moyenne sur 60 ans (1941-2000)
(cf. figure 19). En raison de la date d'acquisition de l'image, la saison
samba est terminée et l'eau disponible sera utilisée
pour une seconde récolte de paddy, ou pour des légumineuses afin
de fournir du fourrage et enrichir la fertilité des sols (Seenivasan,
2003). La présence de sols humides indique une exondation plus ou moins
récente. Il est difficile d'évaluer avec précision le
moment du retrait de l'eau, en raison de la forte capacité de
rétention et du drainage limité des Vertisols qui implique un
ressuyage très lent. Il est toutefois vraisemblable que l'absorption
s'est réalisée durant une phase de la précédente
saison des pluies. Le lit des tanks situés près de la côte
est majoritairement occupé par des sols nus et secs ce qui s'explique
par la présence de sols sableux avec une capacité de drainage
très importants. Ces caractéristiques poussent les populations
alentour à utiliser l'eau du tank rapidement afin de limiter les pertes
par infiltration.
Environ 37% de la surface de l'ensemble des lits est
végétalisée, dont plus du tiers par de la
végétation à forte activité chlorophyllienne. Cette
catégorie peut regrouper des plantes aquatiques1, de la
végétation herbacée à fort taux de recouvrement ou
encore des cultures (Vaidyanathan, 2001 ; Mosse, 1997). Ce sont tout
particulièrement les tanks à l'intérieur des terres qui
sont concernés. Les portions qui correspondent à de la
végétation à faible et moyenne activité
chlorophyllienne s'assimilent, elles, à la présence d'une strate
herbacée à faible ou moyen taux de recouvrement, constituant un
pâturage pour le bétail, ou à une strate
1 Certaines comme la
jacinthe d'eau, prolifèrent dans les étendues riches en
éléments nutritifs (Agarwal et al., 2001). Ceux-ci
peuvent être d'origine humaine (effluents) ou agricole (lessivage des
terres cultivées enrichies en engrais organiques ou
minéraux).
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
arbustive, dont certains représentants sont
plantés dans le cadre de la foresterie sociale (Prosopis juliflora,
Acacia nilotica) (Aiyasamy, 1982 ; Mosse, 1997). La garde du bétail
est souvent confiée aux sans-terres (Roussary, 2003). Ces derniers
appartiennent pour la majorité d'entre eux à la caste des
Paraiyars, caste d'intouchables très représentée
dans le pays tamoul.
Un peu plus d'un mois après la fin de la saison
des pluies, la majorité des tanks ont donc été
vidangés et sont occupés pour moitié par de la
végétation et pour moitié par du sédiment nu.
L'apparition de certains végétaux peut être reliée
à un manque d'entretien des structures. En dehors d'un manque de
mobilisation collective en faveurs d'actions de réhabilitation, il est
probable que les digues utilisent en partie le matériel disponible sur
place. Ces argiles des sols noirs subissent des alternances de gonflement et de
rétraction, respectivement en saison humide et saison sèche,
engendrant des fentes de retrait et des brèches qu'il faut colmater.
Ceci peut être une des raisons du mauvais état
général des digues.
Carte B (cf. figure 20)
La première information est la réduction
significative de la surface en eau, et tout particulièrement dans les
grands tanks comme le RBT.
Seuls quelques tanks littoraux ont un
approvisionnement correct compte tenu de la surface inondée.
L'année 2000 est pourtant une année plus pluvieuse que la
moyenne, mais fait suite à une année 1999
légèrement en deçà de la moyenne. Il faut noter la
couverture nuageuse, lors de l'acquisition de l'image, qui perturbe
l'interprétation.
A cette période de l'année, le stock
d'eau ne devrait pourtant pas être loin de son maximum. Les sols nus et
secs l'emportent pourtant sur les sols humides, ce qui n'indique pas une
exondation récente (cf. tableau 1). De la même manière, la
végétation à forte activité chlorophyllienne,
généralement associée à la présence
d'humidité, a disparu au profit de végétaux probablement
plus adaptés aux substrats à faible teneur en eau. Une
observation similaire à celle faite précédemment distingue
les tanks proches du littoral (sédiments
|
Surface (hectares)
|
Etats de surface
|
A
|
B
|
C
|
D
|
Végétation
|
faible
|
1550
|
1700
|
1385
|
nul
|
|
activité
|
(18%)
|
(17.8%)
|
(32.5%)
|
|
|
activité
|
460
|
1217
|
nul
|
nul
|
|
moyenne
|
(5.4%)
|
(12.8%)
|
|
|
|
forte
|
1187
|
nul
|
nul
|
nul
|
|
activité
|
(13.8%)
|
|
|
|
Sol nu
|
sec
|
1184
|
3030
|
1751
|
5133
|
|
|
(13.8%)
|
(31.8%)
|
(40.8%)
|
(75,4%)
|
|
humide
|
1502
|
2215
|
1137
|
1665
|
|
|
(17.5%)
|
(23.3%)
|
(26.5%)
|
(24.4%)
|
Eau
|
2688
|
1358
|
15
|
12
|
|
(31.5%)
|
(14.3%)
|
(0.2%)
|
(0.2%)
|
Total
|
8571
|
9520
|
4288
|
6810
|
Tableau 1 - Etats de surface dans le lit des tanks
(partie aval)
sableux) de ceux de l'intérieur des terres,
plus végétalisés.
A partir des années 1990, les
variétés hybrides de paddy (CO43, IR20, White ponni) ont
remplacé progressivement, dans cette région, les
variétés traditionnelles pour être aujourd'hui majoritaires
(Seenivasan, 2003). Il est fréquent que leur utilisation aille de pair
avec l'annonce d'une mauvaise mousson. Du fait des cycles courts, la
récolte de la saison samba est avancée, ce qui peut
avoir pour conséquence une utilisation précoce et plus intense
des eaux du tank.
D'après ces indices, et au vu des
45
situations climatiques respectives, il est probable
que l'utilisation et la maintenance des tanks aient connu une baisse
d'intensité entre 1988 et 2000. Les systèmes de cultures
récemment adoptés ont forcément fait évoluer les
pratiques agricoles ainsi que le calendrier cultural, quoique dans une moindre
mesure, pour ce dernier compte tenu de la dépendance à
l'égard de la mousson. D'autre part, la variabilité de la
couverture végétale reflète le fait que cette
végétation occupe temporairement le lit des tanks, soit à
la faveur des conditions naturelles, soit par une volonté sociale, soit
encore par manque d'entretiens continus et
46
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
réguliers. Toutefois, cette variabilité
locale du type de végétation est contrastée par une
persistance à l'échelle globale d'une couverture qui occupe
environ 30% de la surface des tanks. Comme on l'a vu, le comblement important
dans cette région est aussi un facteur réduisant la
capacité de stockage, et donc l'utilisation différée de
l'eau stockée.
Carte C (cf. figure 20)
Le premier élément fondamental est la
succession d'années très déficitaires en terme de totaux
pluviométriques de 1989 à 1992. La date d'acquisition de l'image
reflète donc une situation de déficit hydrique marqué
caractéristique des périodes de sècheresse. Les chiffres
bruts sont significatifs, le tiers de la surface est occupée par de la
végétation à faible activité chlorophyllienne
(strate herbacée à faibles taux de recouvrement et strate
arbustive), alors que les deux tiers restants sont des sols. Précisons
que le dépôt de sédiments est un phénomène
qui accompagne les phases d'inondation et donc de ruissellement ; un tri
sélectif s'opère durant ces phases entre les particules de
diamètres distincts. Il en résulte un classement
granulométrique entre les particulières grossières (sable,
gravier) et les particules fines (limon, argile) respectivement de l'amont vers
l'aval. Ces particules fines représentent un fertilisant pour les terres
agricoles (aussi bien punjai que nanjai), mais leur
utilisation se restreint du fait de la diffusion des engrais chimiques, plus
faciles à épandre. Certains paysans, dont beaucoup de sans-terres
ponctionnent aussi ces sédiments fins pour des activités de
briquetage et de poterie. Cette activité nécessite non seulement
un effort de transport mais est aussi très éprouvante pour
l'organisme lorsqu'elle est fait de manière artisanale (Deliège,
1997 ; Palayan, 2003). La majorité des sols humides est ici
concentrée dans six tanks seulement, qui sont parmi les plus grands et
auxquels sont associées des aires contributives
étendues.
Carte D (cf. figure 20)
La situation avant le début la saison des
pluies est démonstrative d'un assèchement
généralisé des tanks, malgré des années 2000
et 2001 plus pluvieuses que la normale. Plus de 75% des sols sont
considérés comme secs. Il est ainsi évident que la saison
sèche et chaude, ainsi que la mousson d'été, qui n'apporte
que de faibles pluies, sont défavorables aux tanks et à leur
utilisation.
La vulnérabilité du système des
tanks provient de cette incertitude du stock d'eau disponible. Cependant, leur
avènement historique a probablement émergé en
réponse à cette variabilité pluviométrique qui
rendait l'agriculture pluviale encore plus aléatoire dans un contexte de
croissance démographique (Gunnell et al., soumis). L'apparition
récente de sources alternatives d'irrigation, tel que les puits, pose la
question aux paysans de la conciliation des différents systèmes
d'irrigation.
On peut, de plus, relier le développement
limité de la végétation dans ce secteur à la
présence relativement élevée du nombre de gestionnaires de
l'eau, dont une des missions consiste à curer les lits des
réservoirs afin d'optimiser leur capacité. Ces opérations
s'effectuent la plupart du temps de manière collective et manuelle,
à l'aide de charrettes et de boeufs. La présence des vertisols
peut aussi jouer sur le degré de propagation de la couverture
végétale. En effet, durant la saison sèche, les fentes de
retrait provoquent la rupture des racines et assèchent le profil
très profondément (Duchaufour, 1997).
Les quatre cartes sont le témoin d'une
occupation du lit des tanks changeante, avec des dynamiques dont les
résultantes s'inscrivent territorialement. À dates relativement
comparables, les deux premières cartes indiquent une réduction de
la disponibilité en eau qui peut être le fruit d'une
dégradation structurelle des tanks. Il est difficile d'incriminer
directement les acteurs locaux, comme les neerkatties, du fait de leur
nombre relativement
47
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
élevé. Il faudrait plus s'interroger sur
l'efficacité des actions entreprises par le PWD ainsi que sur les moyens
financiers mis à la disposition des organisations villageoises. On peut
aussi penser que l'environnement physique local favorise le comblement des
tanks par le biais d'un ruissellement superficiel intense durant les
premières phases de la mousson (associé à une faible
couverture de végétation), mais qu'il n'est pas propice, dans le
même temps, au développement et à la multiplication de
sources alternatives, tel que les puits (aquifères salins). La
volonté de maintenir les tanks dans un bon état, et
principalement les petits, n'est peut être pas ici une priorité
pour ces populations, qui disposent en outre de sols permettant des cultures
pluviales à bons rendements (Mosse, 1997).
48
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar, unité
régionale d'analyse spatiale et sociale des tanks
Figure 20 - Cartes des états de surface du lit des
tanks dans la partie aval du bassin versant de la Vaigai-Periyar
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
2.3.2 La section médiane et le
paléo-delta de la Vaigai
L'objectivité analytique de cette section est
modérée par la couverture nuageuse présente
sur
Etats de surface
|
TM
|
Surface (hectares)
ETM+
|
Végétation
|
faible activité
|
8311 (19%)
|
1850 (4%)
|
activité moyenne
|
4218 (10%)
|
5028 (12%)
|
forte activité
|
1657 (4%)
|
2368 (6%)
|
Sol nu
|
sec
|
22569 (51%)
|
9916 (23%)
|
humide
|
4964 (11%)
|
20073 (47%)
|
Eau
|
2183 (5%)
|
3494 (8%)
|
Total
|
43 902
|
42 729
|
Tableau 2 - Etats de surface dans le lit des tanks
(section médiane et du paléo-delta)
les images MSS et sur l'image ETM (du
15/05/2001).
L'élément primordial à
considérer en premier chef est l'opposition des contextes climatiques
entre les deux dates (cf. figure 21). La première image a
été acquise durant le cycle pluviométrique
déficitaire de 1989 à 1992, alors que la seconde l'a
été suite à une année 2000 plus pluvieuse que la
normale. Ceci peut d'ores et déjà expliquer les
différences d'humidité des sols (cf. tableau 2).
Image du 23/04/1990 (cf. figure 21)
49
L'alimentation en amont des system tanks par
les eaux du barrage de la Vaigai permet à certains d'entre eux de
stocker encore de l'eau à cette date pourtant avancée dans la
saison postérieure à la mousson. Le RBT est, lui aussi, plein,
résultat d'une gestion efficace qui a abouti un an plus tard à la
création de la « Ramanathapuram Big Tank Farmers Association »
regroupant les 13 villages servis par les eaux du tank (Seenivasan, 2003).
L'adhésion à cette association implique une participation
financière pour les paysans et les tenanciers afin de collecter des
fonds en vue de les réinvestir pour des opérations liées
au tank. Elle agit de concert avec les autres comités villageois, ainsi
qu'avec les neerkatties.
Les tanks végétalisés se situent
de part et d'autre du talweg, et sont donc pour nombre d'entre eux des
system tanks. Cette concentration dans les bas-fonds est
révélatrice d'une végétation pionnière
colonisant d'abord les tanks les plus humides et donc les mieux
alimentés, ce qui suppose des actions collectives, plus nombreuses, pour
enrayer la diffusion de ces végétaux, lorsque ce sont des
espèces invasives. Les densités de populations,
généralement plus élevées dans les bas-fonds,
peuvent être une cause des processus d'eutrophisation qui affectent les
eaux des tanks, en raison des déchets organiques plus importants en
terme de volume.
Au niveau du paléo-delta de la Vaigai, il y a
la combinaison de deux gradients qui expriment le passage de lits
végétalisés à des lits laissant apparaître
les sédiments déposés ; le premier, orienté
ouest-est, et le second centrifuge en partant du cours d'eau. La partie nord de
l'espace représenté exprime une forte
homogénéité entre les non-system tanks qui sont
tous à secs.
Image du 15/05/2001 (cf. figure 21)
La répartition des zones inondées est
différente de la précédente image. Celles-ci sont
concentrées dans des non-system tanks organisés en
cascade qui profitent des pluies d'été. Certains de ces
non-system tanks sont installés sur des buttes
latéritiques. Ces sols ferrallitiques sont le résultat d'une
altération intense, et ont des propriétés chimiques et
physiques peu favorables à l'agriculture (Duchaufour, 1997). C'est une
des raisons pour lesquelles les tanks sont nécessaires aux paysans afin
d'améliorer la disponibilité naturelle en eau, ce qui favorise la
coopération dans le cadre d'actions collectives (Mosse,
1997).
Comme précédemment, et pour les
mêmes raisons, les tanks végétalisés se localisent
principalement dans les bas-fonds. La couverture végétale totale
est toutefois plus faible. Parmi ces végétaux, certaines
implantations peuvent être le résultat de la politique
volontariste
50
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar, unité
régionale d'analyse spatiale et sociale des tanks
en matière de foresterie sociale. Cette
initiative, dont est responsable le Département des Forêts, a
plusieurs objectifs : (i) fournir du bois de chauffage (la consommation par
individu et par jour est estimée entre à 0.85 et 1.92 kg), (ii)
fournir du fourrage pour le bétail, (iii) limiter l'érosion des
sols, (iv) empêcher les empiètements anthropiques en amont et dans
le lit des tanks, (v) recueillir des fonds, partagés
équitablement entre le Département des Forêts et le
panchayat et (vi) renforcer l'autonomie de la population en
matière de gestion des arbres (Palanisami, 2001 ; Aiyasamy, 1982). Les
plantations concernent essentiellement les terres publiques. Les
propriétaires terriens ont une préférence pour les
cultures traditionnelles. Les principales essences d'arbres sont le
Prosopis juliflora, l'Acacia nilotica (babul), l'Eucalyptus
et le Caesalpinia coriaria (divi-divi) (Aiyasamy, 1982). Un manque de
communication entre les paysans et l'institution gouvernementale engendre
parfois des conflits. Des conflits d'ordre religieux, lié à la
présence de temples aux abords des tanks et sanctuarisant les lieux, des
conflits d'intérêts, en raison de la diminution de l'espace de
pâture, des conflits sociaux, lorsque les établissements
anthropiques illégaux sont déjà nombreux, et des conflits
naissant à la suite d'une méfiance des paysans à
l'égard de l'institution, du fait qu'ils ne soient pas toujours
informés du partage des fonds avec le panchayat. Dans certains
cas, ces conflits peuvent être exacerbés par des rivalités
entre les groupes, ou entre les castes du village, et par une absence de
leader, ce qui augmente la difficulté de communication. Leur rôle
écologique et social est pourtant primordial. Ces arbres sont
généralement plantés sur la bordure amont du lit des
tanks. Cette diversification des activités dans l'espace consacré
au tank engendre des revenus et peut donc augmenter l'intérêt de
la société pour ce bien collectif.
Résultats
Plusieurs enseignements peuvent être
tirés de ces deux cartes :
- Les non-system tanks organisés en
cascades offrent un rapport intéressant entre l'aire contributive et la
capacité de stockage qui leur permet de maximiser les eaux de
ruissellement et les précipitations in situ. Les contributions
et les stratégies individuelles et collectives doivent toutefois se
situer à un niveau élevé de coopération pour
éviter pertes et conflits, et permettent le maintien du statut public et
collectif de la ressource (Mosse, 1997) ;
- Le degré d'humidité des sols en saison
sèche peut être un indicateur d'une inondation récente ;
l'image de 2001 démontrerait donc que la dégradation des
structures n'efface pas totalement le rôle premier du tank, à
savoir le stockage de l'eau ;
- D'une année à l'autre, les tanks
végétalisés se situent dans les mêmes secteurs. Ceci
signifie que des conditions particulières sont associées à
la dynamique de la végétation, en particulier les
caractéristiques édaphiques des bas-fonds et du
paléo-delta : sols profonds mal ou imparfaitement drainés mais
assez fertiles. La dynamique de végétation concerne aussi la
strate herbacée à fort taux de recouvrement qui représente
une opportunité pour les éleveurs alentours.
- L'occupation, par des végétaux, des
bordures du lit des tanks peut, dans certains cas, être assimilée
à des ligneux dans le cadre de la foresterie sociale, et doit être
interprété comme un facteur positif, avec comme optique à
court terme une meilleur performance économique et donc une
rentabilité accrue du tank.
51
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar, unité
régionale d'analyse spatiale et sociale des tanks
Figure 21 - Cartes des états de surface du lit des
tanks de la section médiane du bassin versant de la
Vaigai-Periyar
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
2.3.3 Le secteur aval et la marge littorale du bassin
versant
C'est dans cet espace que le nombre et l'emprise spatiale
des tanks sont les plus forts. Dans
les années 1970, on en dénombrait 1031
qui occupaient au total 16% de l'espace. La pluviométrie
enregistrée en 1990 est très inégale entre les deux
stations. Alors que celle de Vattanam se situe dans la moyenne, celle de
Ramanathapuram est négative de deux écart-types à la
moyenne. Des effets stationnels influent donc sur cette variable.
Etats de surface
|
TM
|
Surface (hectares)
ETM+
|
Végétation
|
faible activité
|
11172 (27%)
|
10098 (24%)
|
activité moyenne
|
1600 (4%)
|
6793 (16%)
|
forte activité
|
1850 (4%)
|
6192 (15%)
|
Sol nu
|
8625 (21%)
|
3503 (8%)
|
Eau
|
18530 (44%)
|
14722 (37%)
|
Total
|
41 777
|
41 308
|
52
Tableau 3 - Etats de surface dans le lit des tanks
(section
Image du 29/01/1991 (cf. figure 22) aval et
marge littorale)
La végétation à forte et moyenne
activité chlorophyllienne se concentre dans les non-system tanks
sur les sols noirs de la partie méridionale à un moment de
l'année où ces sols sont gorgés d'eau. La plupart des
petits tanks sont encore inondés dans la partie proche de leur digue ;
ce stock n'est toutefois pas suffisant pour assurer une deuxième culture
irriguée. La forme de ces tanks laisse transparaître les
systèmes de pentes qui s'organisent globalement d'ouest en est, avec
quelques variantes, notamment dans la partie septentrionale. Dans cette
dernière, un gradient positif de remplissage affecte les tanks d'amont
en aval. Ceci peut s'expliquer par des taux de sédimentation
supérieurs dans les tanks en amont d'une « cascade chain ».
Une même opposition affecte les tanks au sud, mais dans ce cas-ci, la
différence est aussi due à la topographie, qui présente
une rupture de pente discrète, mais détectable en effectuant des
profils topographiques, et significative pour un milieu de plaine alluviale
(Salaün, 2005). De manière générale, il est probable
que les tanks positionnés sur des versants à pentes fortes soient
davantage soumis au phénomène de comblement en raison du
ruissellement qui s'effectue au détriment des infiltrations. C'est donc
autour de ces petits tanks que la reforestation devrait être la plus
active et qu'elle génèrerait, comparativement aux fonds
dégagés par l'irrigation, des revenus plus importants que dans
les grands tanks de plaine.
Image du 11/11/1999 (cf. figure 22)
Une distinction assez nette oppose les tanks de la
partie méridionale, végétalisés et à secs,
de ceux de la partie septentrionale, stockant plus d'eau et laissant
apparaître les sédiments. À cette date, les tanks devraient
présenter des taux de remplissage important. L'accroissement du couvert
végétal durant cette phase est donc le signe d'un
désintérêt social à l'encontre des tanks. Cette
singularité se vérifie particulièrement sur les sols
noirs, dont les caractéristiques permettent la diversification des
cultures. Ces nouveaux systèmes de cultures sont aussi le
résultat de stratégies individuelles et financières qui se
développent au détriment des biens collectifs comme les
tanks.
Afin d'appuyer cela, on peut rappeler l'importance des
castes dominantes dans les organisations villageoises. Lorsque ces castes ont
l'opportunité d'accroître la disponibilité de l'eau
à des fins agricoles par le biais de puits, ou bien lorsqu'elles
s'engagent dans la financiarisation de leurs modes de production, les
institutions collectives et les paysans les plus vulnérables sont les
premiers à pâtir de cette situation, qui n'est pourtant pas viable
écologiquement à long terme. L'environnement physique et
économique (par le biais du
53
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar,
unité régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks
capital) sont donc deux déterminants importants
des stratégies agricoles. Ces dernières tendent pourtant à
s'émanciper du premier déterminant, ou du moins à s'en
désintéresser.
On peut relever que dans la partie nord, qui
présente un relief plus marqué et des systèmes de pentes
plus complexes, la situation est différente. Les tanks sont plus remplis
et, dans l'ensemble peu végétalisés. Ces
différences se manifestent donc comme le fruit de réponses et de
pratiques différenciées de la part des populations. Il y a donc
eu, entre les deux dates, une avancée significative de la
végétation au détriment des zones inondées dans le
sud et dans la partie centrale tandis qu'au nord, il n'y a pas eu de
changements importants, hormis un stock d'eau plus important qu'on peut, en
partie, attribuer à des facteurs climatiques.
La dynamique des zones inondées (cf. carte
23)
La carte suivante permet de révéler plus
distinctement, à l'échelle régionale, les
discontinuités spatiales et évolutives qui sont, pour
l'essentiel, le résultat de processus locaux.
Le recul de l'eau a affecté de manière
relativement homogène l'ensemble de l'espace étudié entre
1973 et 1991, exception fait des zones littorales. Une observation plus fine
révèle des « groupes » de tanks présentant des
états similaires qui s'expriment singulièrement dans la partie
méridionale. Ces remarques sont biaisées par les conditions de
sécheresse marquées autour des années 1990, ainsi que par
les différences importantes d'une station à l'autre qui ne sont
pas des éléments révélateurs d'une dynamique
durable.
La carte B est bien plus représentative d'un
phénomène de déclin des tanks dans leur fonction
première de stockage des eaux, tout du moins dans la partie
méridionale principalement. Précisons qu'à la date
considérée, la mousson n'est pas encore terminée, mais
qu'elle a néanmoins déversé la plus grande partie de ces
précipitations. Quand bien même, la végétation
présente dans le lit permet d'affirmer que la plupart des tanks vides
à cette date le resteront à la fin de la mousson.
La dernière carte exprime et renforce
même les hétérogénéités
décrites ci-dessus. La capacité de drainage différentielle
des sols peut expliquer certaines disparités à l'échelle
régionale (cf. annexe 3), mais ce sont les aspects sociaux, historiques,
comportementaux, politiques et technologiques qui permettront d'envisager avec
plus de certitudes ces différences fondamentales.
Les évolutions structurelles du lit des tanks
sont, dans l'ensemble, le reflet des dynamiques agricoles récentes qui
accordent une importance croissante à la diversification des sources
d'approvisionnement en eau d'irrigation au détriment de l'entretien
continu des tanks. Les disparités révèlent
néanmoins des degrés d'intégration variés,
témoins de l'existence de certains facteurs locaux à partir
desquels des stratégies diversifiées se sont
développées.
54
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar, unité
régionale d'analyse spatiale et sociale des tanks
Figure 22 - Cartes des états de surface du lit des
tanks de la partie aval du bassin versant de la Vaigai-Periyar et de sa marge
littorale
55
Le bassin versant de la Vaigai-Periyar, unité
régionale d'analyse spatiale et sociale des tanks
N
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10000N
r
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950,0 N
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10 00,0 N
Carte de dynamique de l'eau des tanks â trois
dates
A: dynamique du 21/01/1973 au 29/01/1991
B: dynamique du 21/01/1973 au 11/11/1999
C: dynamique du 29/01/1991 au 11/11/1999
Légende commune
Etat stationnaire
MM Recul
Avancée
Source: Landsat M55153-053. Landsat TM 142-053 81
Landsat ETM+ 142-053 Conception; Mialhe François
Figure 23 -- Carte de la dynamique de l'eau à
trois dates
56
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
3. Des facteurs locaux, explicatifs de
disparités territoriales
Cette partie s'organise autour d'unités
spatiales constitutives du bassin versant, dans lesquelles interviennent des
dynamiques différenciées, et qui nous permettront de comprendre
certaines remarques énoncées précédemment. Ce
changement d'échelle, essentiel, implique la mobilisation des savoirs
sur les particularités des situations locales (Petit, 2003). Trois
secteurs vont attirer l'attention. Le premier, la vallée de Cumbum, est
un secteur particulièrement intéressant, en raison de la
modernité de son agriculture, associée à des modes
d'irrigation par eaux souterraines et par canaux, qui engendrent des
changements dans les modes de vie des populations autochtones. Le second, le
sous-bassin de Sarugani, composé de deux zones adjacentes, mais
présentant d'importantes discontinuités environnementales, a vu
évoluer des modes de gestion de la ressource et d'organisation sociale
singulièrement différents. Enfin, le troisième, plus
petit, est organisé autour de l'irrigation par system tanks,
mais a connu ces dernières années une multiplication du nombre de
puits, bousculant les pratiques établies.
3.1 La modernisation agricole de la vallée du
Cumbum
Cette vallée correspond à la section
supérieure du bassin versant. C'est au début du siècle
précédent que le Periyar, cours d'eau du Kerala, a
été aménagé. Ses eaux ont été
stockées dans un lac de retenue des Ghâts Occidentaux, puis
diverties à partir de la ville de Thekkady* vers la vallée de
Cumbum afin de s'adjoindre aux eaux de la Vaigai.
3.1.1 L'étude des dynamiques de surface par la
télédétection
Le contexte environnemental et les sources
d'irrigation
Figure 24 - Coupes transversales de la vallée de
Cumbum (source : srtm)
Encadrée par des massifs constitués de
charnockites précambriennes (les Cardamom Hills à l'ouest et au
sud ; les High Wavy et Erasakkanayakanur Hills à l'est), la
vallée est formée de versants abruptes et d'un fond large de 10
à 20 km d'amont en aval (cf. figure 24). En fond de vallée, les
sols, développés sur des sédiments ayant remblayé
la vallée, sont très profonds, limoneux et relativement bien
drainés. Ils sont réputés fertiles et donc propices aux
activités agricoles. Sur les piémonts, on trouve principalement
des sols argileux, épais et bien drainés. Le centre de la
vallée est irrigué par les canaux de dérivation du Periyar
et par des system tanks. Les canaux, parallèles au cours d'eau,
encadrent de part et d'autre le Periyar et créent une ceinture verte.
Les system tanks sont bien alimentés, et la plupart fournissent
de l'eau neuf mois par an (Ramachandran, 1983). En dehors des eaux d'irrigation
de surface, on trouve tout autour de la ceinture verte des terres
irriguées par les eaux souterraines. Ces terres, dites thottam,
s'étirent jusqu'au piémonts. Au début des années
1970, les terres irriguées représentaient environ 30% des terres
cultivables ; au début des années 1980, le taux atteignait 40% et
elles participaient déjà à plus de 50% du produit agricole
en
57
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
raison d'une intensification plus forte qu'en terres
punjai, non irriguées. Parmi les sources d'irrigation, les eaux
de surface représentaient 35% (22,5% par canaux et 12,5% par tanks) et
les eaux souterraines 65% (dont 2,5% par puits tubés, le reste par puits
ouverts). Le ratio entre ces deux types de puits est passé de 1 pour 25
en 1981 à 1 pour 6 dans les années 2000. Toujours dans les
années 2000, les system tanks gérés par les
panchayats sont au nombre de 130 alors que, dans le même temps,
ceux gérés par le Département des Travaux Publics (PWD)
sont au nombre de 20 (Theni District Website1). Ce sont
principalement ces derniers, plus grands et mieux alimentés, qui
fournissent l'eau en quantité nécessaire pour deux cycles
culturaux irrigués.
Comportement spectral des
végétaux
Trois images satellites ont permis la
réalisation de cartes diachroniques représentant
l'évolution de la végétation. La méthodologie
employée est similaire à celle précédemment
utilisée. Compte tenu des réponses spectrales spécifiques
des végétaux, il est possible d'isoler les formations
végétales du reste des éléments spatialisés.
De manière générale, si les valeurs de réflectance
peuvent varier, l'allure générale des courbes de
réflectance des végétaux est par contre assez constante
(Girard, 1989). Dans la portion du spectre visible (de 380 à 700
nm)2, les végétaux ont un comportement spectral
lié à leur composition en pigments. Parmi ces pigments, c'est la
chlorophylle qui conditionne le plus le comportement spectral. Il y a une
relation inverse entre la réflectance et la teneur en chlorophylle. Dans
le proche infrarouge (de 750 à 1300 nm), c'est la structure interne du
feuillage qui est principalement responsable des différentes valeurs de
réflectance. Dès que les feuilles d'un végétal se
dessèchent (maturation, vieillissement), les cellules s'aplatissent et
la réflectance dans le proche infrarouge est perturbée. Il y a
donc une relation positive entre la structure interne du feuillage et la
réflectance dans le proche infrarouge. Dans le proche infrarouge encore,
mais à partir de 1400 nm et jusqu'à l'infrarouge moyen, le
comportement spectral des végétaux est fonction de leur teneur en
eau. Un végétal chlorophyllien en bon état sanitaire a une
courbe de réflectance présentant une diminution importante
à 1450 nm et à 1900 nm. Cet écart correspond aux bandes
d'absorption de l'eau. A partir du comportement spectral, il est ainsi possible
de déduire la teneur en chlorophylle, en eau et/ou la structure interne
du feuillage. On peut préciser que lorsque le taux de recouvrement est
trop faible, il devient difficile de classer et d'identifier les
pixels.
Réponses spectrales des végétaux
de la vallée et interprétation
En réalisant une classification non
supervisée, à la suite d'une analyse en composantes principales,
deux classes représentatives de comportements spectraux propres aux
formations végétales s'individualisent. Nous avons
restitué graphiquement ces comportements (cf. figure 25). Les profils
obtenus sont tirés de l'image Landsat TM du 23 avril 1990. Cette date
correspond à la saison chaude et à la période des
mango showers qui provoque des précipitations de mars à mai
(environ 20% du total annuel pour la ville de Teni* : 10°N ;
77,48°E). Les deux premiers graphiques présentent un pic entre le
canal 3 (visible-rouge) et le canal 4 (proche infrarouge). Une
réflectance importante dans le proche infrarouge est le signe d'une
structure interne du feuillage bien organisée, soit un
végétal en croissance. Compte tenu de la date, et malgré
les pluies apportées par les mango showers, la période
est considérée, du fait des températures
élevées (36-37 °C), comme une période de
sécheresse agro-climatique. De ce fait, les formations
végétales qui présentent un tel comportement spectral ne
peuvent
1
http://www.theni.tn.nic.in/
2 La correspondance longueurs
d'onde/canaux des images Landsat est donnée en annexe 4.
58
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
être que des cultures irriguées. La
différence se situe au niveau de la réponse dans le canal 5
(infrarouge moyen). C'est la teneur en eau qui engendre des réponses
distinctes, celle-ci étant inversement reliée à la valeur
de réflectance.
Figure 25 - Comportements spectraux dans la
vallée de Cumbum (source : Landsat TM - 23/04/1990)
Le premier graphique montre une baisse assez forte
dans ce canal. Parmi les cultures largement diffusées dans la
région, la riziculture pratiquée est de la riziculture
inondée, c'est-à-dire que l'épi de riz doit avoir le pied
perpétuellement immergé. La faible réflectance dans le
canal 5 serait donc représentative de l'eau qui inonde les
rizières. De plus, cette faible réflectance est aussi le signe
d'un bon état sanitaire qui, nous le verrons, compte tenu de la date
pourrait correspondre à une troisième saison de cultures
irriguées. Il est ainsi probable que la classe associée au
comportement spectral de la première figure soit une classe qui comprend
les parcelles de riz irriguées. Le second graphique présente,
quant à lui, un comportement spectral différent dans le canal 5.
La réflectance est bien plus importante que dans le
précédent exemple. Deux éléments peuvent apporter
une réponse : le premier est que l'état sanitaire de ces
formations est généralement moins bon, le second est que les taux
de recouvrement incomplets peuvent perturber la réflectance. Les sols
présentent en effet une courbe de réflectance
régulièrement croissante et convexe depuis le visible jusqu'au
proche infrarouge (1300 nm) puis, après une diminution, augmente
à nouveau partir de l'infrarouge moyen (1500 nm). Un taux de
recouvrement incomplet peut donc aussi être la cause d'une
réflectance élevée dans le canal 5. En tout état de
cause, nous
sommes en présence de cultures
irriguées, et nous ne pouvons pour l'instant aller plus loin dans
l'interprétation des courbes de réflectance.
Figure 26 - Diagramme pluviométrique annuel de
Teni (source : Theni District Website)
A partir de ces informations, quelques
éléments peuvent êtres tirés de l'observation des
cartes réalisées (cf. figure 27). On observe sur la carte de
1973, le long du Periyar, une ceinture de rizières irriguées. A
cette date, nous sommes en saison navarai et cela signifie donc qu'une
seconde culture irriguée est possible. Quelques tanks sont situés
dans cette ceinture et semblent
encore bien remplis. Néanmoins, dans cette
portion, l'irrigation se fait principalement par canaux. Les autres cultures
irriguées sont moins concentrées spatialement. On peut dès
lors penser à l'irrigation par eaux souterraines associée
à des cultures qui ont des cycles annuels, ce qui peut expliquer
l'état sanitaire relativement
59
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
inférieur à celui des rizières.
L'image TM a été acquise à la fin du mois d'avril. En
règle générale, au Tamil Nadu, la moisson des cultures de
saison navarai s'opère entre avril et mai. Cela dit, dans la
vallée de Cumbum, les mois les plus pluvieux sont de septembre à
décembre, ce qui laisse présager d'un avancement des saisons
d'environ un mois. Les cultures navarai doivent donc être
moissonnées entre mars et avril, d'autant plus que les pluies
apportées par les mango showers peuvent être
bénéfiques aux opérations de labour et de
repiquage.
En observant plus finement la carte, on peut
s'apercevoir que les zones de rizières occupées en 1973 ne sont
pas en cultures en 1990. Cela signifie que la récolte de la saison
navarai a été effectuée et que les terres sont
laissées à nu, en attente de la saison samba. Ce qu'on a
répertorié en tant que rizières irriguées doit donc
correspondre à une troisième culture irriguée de paddy de
saison kuruvai/sornavari. Elles ne présentent pas une
forte continuité spatiale, mais forment plutôt quelques amas,
dispersés pour certains le long du cours d'eau et pour d'autres un peu
plus éloignés voire très éloignés. Ces
derniers qui ne sont à proximité ni d'un tank ni d'un canal
doivent donc être alimentés par des puits. Les autres cultures
irriguées à la même date se localisent, comme en 1973, au
nord-ouest de la vallée, parallèlement aux versants abrupts. Cet
espace correspond à des sols argileux profonds et bien drainés en
zones de piémont, qui sont non seulement favorables aux activités
agricoles en général, mais aussi à la constitution de
nappes phréatiques et donc à l'irrigation par puits. Le second
espace présentant une forte densité de cultures irriguées
se situe aussi dans la partie nord-ouest, dans la continuité du
précédent, et lui aussi en bordure des versants escarpés
de la vallée. Il épouse la forme arrondie du versant, ce qui
laisse supposer une conclusion similaire à la précédente
à propos de la disponibilité en eaux souterraines.
L'analyse de la carte représentant la situation
en 2001 s'inscrit dans la même logique que précédemment.
L'image a été acquise, selon le calendrier annuel, trois semaines
après la précédente. La saison culturale est donc
identique, soit la saison kuruvai. Les espaces cultivés
présentent le même agencement spatial, à la
différence près qu'elles ont augmenté en superficie, que
ce soit pour les cultures de paddy, ou pour les autres cultures
irriguées. On peut faire l'hypothèse que c'est grâce
à la multiplication des puits qu'un tel phénomène est
possible. A saison similaire, on est ainsi passé de 7863 ha à
11362 ha, soit une augmentation de 3500 ha. Notons enfin que l'on ne dispose
pas de données pluviométriques précises pour la
vallée. Nous pouvons cependant utiliser les données sur les 34
stations du Tamil Nadu dont nous disposons afin d'avoir une idée du
contexte environnant. Sur la base de ces informations, l'année 1972 peut
être qualifiée de bonne année dans le sens où toutes
les stations, sauf une, présentent des excédents
pluviométriques supérieurs à la moyenne sur 60 ans. Les
deux années 1989 et 1990 accusent au contraire des déficits.
Enfin, les données pluviométriques de Teni* montrent qu'en 2000
et 2001, les précipitations se situent dans la moyenne. Ces informations
révèlent une période de déficits hydriques
marqués en 1989-1990 pouvant influencer à la baisse les surfaces
irriguées.
3.1.2 L'évolution des systèmes
agraires
Tentons de croiser l'interprétation faite des
cartes réalisées avec les informations sur les activités
agricoles dont on dispose.
Quelques traits de l'évolution
agricole
On nous indique tout d'abord une multiplication des
puits dans les années 1950 et 1960 suite à
l'électrification des campagnes (Ramachandran, 1983). Cette
multiplication s'est poursuivie les années suivantes et, dès les
années 1970, certains paysans ont pu constater une baisse de la nappe
phréatique.
60
Des facteurs locaux explicatifs des disparités
territoriales
10 00.0 N
10 00,0 N
F
w
,75
N
950,ON .~x `.. ;~jF" :- 950,0N
23/04/1990
r
9,0.0V ,.ÿ. :.mei:' 0 5 10 940,0 N
Kiiomètres
u
Période des "Mango showers"
w
9442 ha 11362 ha
w M1
Période des "Mango showers"
0
5 10
Kilométras
5724 ha 7863 ha
Cartes de l'occupation du sol dans la vallée de
Cumbum
_ Tanks
Rizières irriguées Cultures irriguées
/V1 Cours d'eau
10 00.0 N
9 50,0 N
09/02/1973
Kilomètres
Deux mois aprés la saison des pluies
§ 7858 ha
§ 5905 ha
Source: Landsat MSS 154-053, Landsat TM 143-053 & Landsat
ETM+ 143-053
Conception: Mialhe François
Figure 27 -- Cartes de l'occupation du sol dans la
vallée de Cumbum
61
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
Cette électrification a aussi engendré
un remplacement progressif des motopompes par des pompes électriques
plus puissantes. Durant la même décennie, il y eut une chute de la
superficie des cultures vivrières passant de 66% à 55% par
rapport à la superficie des terres cultivées (avec une
réduction plus forte en terres irriguées). Ce changement n'a
cependant pas affecté toutes les cultures de la même
manière ; la surface de paddy irrigué a, quant à elle,
augmenté. On peut d'ailleurs noter qu'à partir des années
1980, toutes les variétés de paddy cultivées sont issues
des variétés hybrides à hauts rendements diffusées
lors de la Révolution verte et qu'elles sont très majoritairement
irriguées par les eaux de surface. La forte réduction des
cultures vivrières tel que le ragi ou le cholam, principalement en
terres nanjai et thottam, l'ont été au profit
des cultures de rente. Ceci a abouti à une diversification
prononcée des cultures. Cette diversification ne s'est cependant pas
soldée par une forte extension des terres irriguées ; on a, la
plupart du temps, tout simplement remplacé les cultures
existantes.
Les cultures de rente
Parmi les cultures de rente irriguées, les
cocotiers1 sont les plus représentés. Ils sont
majoritairement irrigués par les eaux souterraines et sont
associés à des légumes les deux premières
années de culture (Ramachandran, 1983). Ils nécessitent
généralement des investissements de départ importants,
mais leur rentabilité économique à moyen et long terme est
élevée. De plus, ils ne sont pas des gros consommateurs d'eau au
regard d'autres cultures. Néanmoins, le capital de base
nécessaire à leurs exploitations ne peut être réuni
que par les plus grands propriétaires terriens. La canne à sucre
est, elle aussi, bien représentée. Sa culture exige de grands
besoins en eau et doit donc être irriguée. Cela dit, étant
donné qu'elle s'étend sur plus d'une année, en termes de
besoins quotidiens, le paddy se montre par exemple plus exigeant (Landy, 1994).
Les bananeraies ont connues dans la vallée une augmentation
substantielle et récente de leurs surfaces. A partir de l'introduction
de deux variétés, la Dwarf Cavendish et la Robusta,
respectivement en 1966 et 1972, les surfaces plantées ont
été multipliées par dix en moins de six ans, de 1969
à 1975, principalement grâce aux riches familles de la caste des
Udaiyars. Cette caste, d'assez bon rang, est formée de paysans,
souvent catholiques (Deliège, 1997). D'autres cultures sont bien
implantées, comme le coton, le blé ou encore les arbres fruitiers
(les manguiers en particulier).
Cette diversification, par le biais des cultures de
rente, engendre donc un processus en direction d'une financiarisation accrue de
l'agriculture et d'une commercialisation plus large de ses produits. Les
conséquences d'un tel processus sont, une hausse des investissements
agricoles (et donc un capital de départ plus important), une plus grande
dépendance à l'égard des prix fluctuants du marché
(comme pour le coton par exemple), une augmentation de la consommation d'eau et
d'intrants, et des nouvelles opportunités de travail, aboutissant, au
final, à une mutation de l'ensemble de la filière
agricole.
Croisement des données
De nombreux éléments confirment les
hypothèses émises précédemment. D'après ces
informations, il est possible d'établir un lien direct entre les
cultures de rente et les cultures irriguées détectées sur
les images satellites. Il y a effectivement un processus d'intensification de
l'agriculture qui se matérialise par une augmentation des surfaces
irriguées, et tout particulièrement par les cultures de rentes et
de paddy. Il est malgré tout difficile de quantifier spatialement ces
augmentations du fait des précipitations médiocres de 1989 et
1990, qui sont susceptibles de biaiser les résultats. On voit
néanmoins que les deux sources d'irrigation
1 Kalpa Vriksha
en Sanskrit qui signifie « arbre qui fournit toutes les
nécessités de la vie » (Wikipedia). Les noix de coco sont
régulièrement utilisées dans les rites rattachés
à la religion Hindoue : en offrandes par exemple.
62
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
principales de la vallée, que sont les puits et
les canaux, rendent disponible l'eau en quantité suffisante pour
répondre aux besoins d'une agriculture moderne. Il faut toutefois
s'interroger sur la viabilité à long terme, alors que les
premiers signes d'une baisse des nappes dans les années 1970 peuvent
être annonciateurs d'une crise future. En attendant, la vallée est
considérée comme relativement prospère au regard de la
situation des contrées voisines. Malgré cela, et comme on l'a
déjà dit, la mutation agricole commencée depuis maintenant
50 ans a bouleversé certaines méthodes et certains rythmes de
travail.
3.1.3 La dynamique sociale depuis la Révolution
verte
Les statuts fonciers
Selon la taille des propriétés et le
mode de mise en valeur, on distingue généralement cinq statuts.
(i) Le premier correspond aux gros propriétaires (major
landlords) qui possèdent au minimum 10 ha de terres1.
Dans un village de la vallée, Gokilapuram*, seules les castes dominantes
ont certains de leurs membres dans cette catégorie : les
Maravars, caste de commerçants originaires du Rajasthan, et les
Chettiars, haute caste de marchands et de prêteurs d'argents
tamouls, qui possèdent aussi de nombreux commerces en tous genres
(Racine, 1995). La plupart ont hérité de ce que leurs aïeux
ont accumulé à la suite de comportements opportunistes. (ii) Les
propriétaires moyens (medium landlords) possèdent entre
4 et 10 ha. Là encore, les membres de castes dominantes
représentent la majorité de cette catégorie, voire la
totalité comme à Gokilapuram (Ramachandran, 1983). (iii) Les
petits propriétaires qui possèdent de 1 à 4 ha
fonctionnent sur le même principe. On peut relever deux
éléments concernant ces trois catégories. Le premier est
qu'ils ne travaillent pas la terre directement, et emploient des ouvriers
agricoles saisonniers ou utilisent des modes de faire-valoir indirect. Le
deuxième est que la plupart des propriétaires ont obtenu leur
terre par le principe de subdivision suite à l'héritage. Lorsque
le chef de famille vient à mourir, ses terres sont en effet
divisées en parts égales à ses fils. Il est
fréquent, de ce fait, de voir émerger des conflits entre
frères. Les situations où les fils collaborent sont en tout cas
rares, et la sectorisation des terres n'est pas favorable à
l'optimisation du parcellaire. On peut aussi noter que ce sont les gros et
moyens propriétaires qui ont tendance à agrandir leurs
propriétés et sont engagés dans le processus de
diversification (Ramachandran, 1983). (iv) Le quatrième groupe
correspond aux paysans/marginaux (peasantry) qui possèdent moins d'un
hectare. Ce groupe se distingue par le fait que ses membres travaillent la
terre. On trouve dans cette catégorie des membres des castes dominantes,
s'expliquant par leur démographie, ainsi que des castes
inférieures et des intouchables. Le groupe est donc
hétérogène et présente une certaine stratification.
(v) Enfin, le dernier groupe est composé des sans-terres, dont
principalement des intouchables qui sont, pour nombre d'entre eux, ouvriers
agricoles. Certains sont tenanciers, bien que la réforme agraire ait
interdit le faire-valoir indirect depuis 1974, afin de lutter contre
l'absentéisme des grands propriétaires et pour favoriser les
tenanciers en leur accordant les terres qu'ils mettent en valeur (Landy, 1994).
Cette mesure s'est avérée peu efficace, dans un sens comme dans
l'autre : les propriétaires pouvant confisquer les terres à
n'importe quel moment, et la terre confiée en faire-valoir indirect
pouvant être réclamée pour sienne par le tenancier. Ce
principe s'est donc marginalisé. On peut toutefois préciser qu'il
existe trois types de faire-valoir indirect : la mise en gage, le fermage et le
métayage. La mise en gage est souvent la conséquence d'un besoin
urgent d'argent (pour la dot par exemple).
1 Dans la nomenclature
officielle, un hectare irrigué correspond à un demi hectare
non-irrigué (Landy, 1994). Ce qui ne correspond pas vraiment au prorata
de la valeur des produits dégagés.
63
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
Les changements agricoles
Ils se sont opérés sous la
volonté modernisatrice et intensificatrice de l'état, qui a
profondément modifié les pratiques, les systèmes culturaux
et les opportunités de travail. Les innovations techniques
prônées durant la Révolution verte l'ont été
dans l'objectif d'accroître la productivité. On peut
dégager deux domaines dans lesquels leurs impacts se sont fait le plus
ressentir. Le premier concerne les variétés culturales
employées, et principalement les variétés de paddy :
l'introduction de variétés hybrides de paddy à hauts
rendements, et à cycles culturaux plus courts que dans le cas des
variétés traditionnelles (environ 4 mois contre 6 mois pour les
variétés traditionnelles). On estime que ces
variétés offrent un gain de rendements de l'ordre de 15 à
20% (Trébuil et al., 2004). Elles requièrent en
contrepartie une plus grande quantité d'intrants, en particulier des
engrais et des produits phytosanitaires, ainsi qu'une fourniture d'eau plus
importante et plus régulière, ce qui implique des changements
dans la gestion de l'exploitation. La diffusion et l'expansion des cultures de
rente ont, elles aussi, modifié les besoins en main d'oeuvre. La culture
de cocotiers exige par exemple relativement peu d'heures de travail,
réduisant de ce fait les coûts d'exploitation. On peut aussi
relever que les cultures de terres punjai ne sont pas de grandes
consommatrices de main d'oeuvre. Le second domaine, corrélé au
premier, est relatif à l'introduction des biens de production modernes
tel que le tracteur agricole, ou encore l'électrification des
systèmes d'exhaure des eaux souterraines. Ces biens ont modifié
le paysage rural traditionnel à travers les transmutations des
stratégies paysannes engendrées.
Les opportunités de travail
La permutation d'une agriculture traditionnelle vers
une agriculture productiviste n'a pas été sans effet sur le
travail agricole. Elle a stimulé certains secteurs alors que dans le
même temps, d'autres secteurs ont vu les opportunités se
contracter. En premier lieu, certains acteurs du monde rural ont vu leur
position sinon s'améliorer, au moins se maintenir. C'est
particulièrement le cas des neerkatties auxquels reviennent les
rôles d'irriguer les champs des ayacutdars et de garder,
surveiller ces mêmes champs à l'encontre d'éventuels
contrevenants. Leur position a été renforcée par
l'introduction des HYV's (High Yielding Varieties) qui nécessitent une
attention plus grande. Ils sont désignés annuellement et
rémunérés en nature par les ayacutdars. La
plupart des propriétaires, ainsi que certains paysans, utilisent le
contrat dit kothu (Ramachandran, 1983). Le kothukarar,
chargé d'établir les contrats pour les propriétaires (on
fait souvent appel à un paysan), doit réunir des groupes
suffisant grands pour la réalisation les travaux durant la saison
culturale. Ce type de contrat intéresse majoritairement les femmes, dont
les travaux principaux sont le sarclage manuel des champs, le dépiquage
de pépinières, et le repiquage des plantules. Quelques hommes
font partie du groupe afin de porter les bottillons de plantules de la
pépinière vers le champ principal. Les ouvriers sont payés
en cash lors de la première culture et en paddy lors de la seconde. On
peut noter que les gains sont équitablement partagés entre les
ouvriers et le kothukarar. En riziculture, plusieurs tâches sont
effectuées par les hommes : le labour, le hersage, l'épandage
d'intrants, la récolte et les deux battages successifs, le premier,
manuel, en compagnie des femmes et le second avec les buffles (toutefois, la
multiplication des tracteurs tend à réduire les
opportunités de cette opération). Symboliquement, comme dans de
nombreuses sociétés agraires, les femmes sont chargées de
l'ensemencement, du repiquage, des épandages, de la moisson, mais aussi
du premier battage (qui requiert un effort intense), et du vannage.
L'épandage d'engrais pourvoit de nouveaux emplois mais les conditions
d'utilisations des produits représentent un problème sanitaire.
Sur les terres irriguées par puits, les types et l'intensité des
travaux dépendent des systèmes mis en place. Pour les hommes, les
travaux
64
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
peuvent consister à la préparation des
terrains, à l'épandage, encore une fois, d'intrants, au
creusement à la houe des rigoles d'irrigation et au nettoyage des champs
après la récolte (en particulier les champs de
bananiers).
Les femmes sont les principales victimes de
l'extension des cultures de rentes qui leur réduit le nombre de jours de
travaux. L'épandage est une des seules activités qui leur soit
accessible. En conséquence de la réduction des
opportunités de travail, le sous-emploi chronique et
l'insécurité caractérisent la condition sociale de ces
femmes (Ramachandran et al., 2001). Ce phénomène
succède à celui qui a vu la féminisation de la force de
travail agricole dans les années 1960 et 1970, durant la phase initiale
de la Révolution verte. Une majorité d'entre elles aujourd'hui
travaillent moins de six mois par an, ce qui les pousse à chercher du
travail dans des secteurs non agricoles et moins bien payés, comme les
travaux publics ou les briqueteries. De plus, et malgré une certaine
division de travail, on estime qu'il y a, dans la vallée des
inégalités de salaires entres les hommes et les femmes. Pour
certaines opérations similaires, les femmes gagnent 42% de ce que
gagnent les hommes. C'est le cas pour les travaux agricoles journaliers : 25
roupies par jour pour les femmes contre 60 pour les hommes (Ramachandran et
al., 2001). Ceci ne va pas dans le sens d'une plus grande autonomie
financière pour ces femmes, alors que c'est pourtant
considéré comme un élément clef du
développement.
On peut noter, enfin, l'augmentation des flux
saisonniers durant de courtes périodes. Les récoltes doivent
être effectuées le plus rapidement possible, ce qui
nécessite une force de travail qui n'est pas toujours disponible sur
place. D'autres flux migratoires sont dirigés des campagnes vers les
villes, où les emplois industriels sont bien mieux payés mais
où d'autres difficultés apparaissent. Au final, il apparaît
que la Révolution verte a engendrée des opportunités de
travail agricole, en particulier pour les femmes, qui se réduisent
aujourd'hui, en raison de la modernisation et de la financiarisation qui
affectent certains secteurs agricoles et qui tendent à les rendre plus
performants et plus rentables. Cette vallée est donc un exemple
représentatif des évolutions agricoles qui se profilent pour le
monde rural indien.
65
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
3.2 Le sous-bassin de Sarugani
Le cas de Sarugani concerne deux espaces contigus au
sein desquels différentes méthodes d'action collectives en faveur
de la gestion de l'eau ont été mises en place. Ces zones se
distinguent l'une de l'autre par les types de sols, les surfaces de
ruissellement, les systèmes culturaux, les pratiques, les statuts
fonciers, et la structure par caste (Mosse, 1997). Toutes ces disparités
définissent deux régions spécifiques sur les plans
écologique et agronomique révélant des identités et
des comportements distincts.
|
|
Les travaux de l'anthropologue David Mosse (1997, Figure
28 - Carte des altitudes du sous-2000), ont justifié le choix de cette
zone d'étude, bassin de Sarugani (source : SRTM)
compte tenu des données disponibles, d'ordres
anthropologique et naturaliste.
3.2.1 La zone mankalanatu1 Analyse des images
Comme on peut le voir sur la figure 28, la topographie
est plus accentuée en mankalanatu qu'en
karicalkatu2. Ces reliefs correspondent à des buttes
latéritiques résiduelles, témoins d'un paléoclimat
bien plus arrosé. Concernant les espaces de végétation
à forte activité chlorophyllienne, les changements
constatés entre 1990 et 2001 se situent essentiellement dans la partie
supérieure de la zone (cf. figure 30). Compte tenu de la date, on peut
assimiler ces végétaux à des cultures irriguées, ou
bien à une strate herbacée à fort taux de recouvrement.
Celles-ci s'étendent principalement sur les versants de substrat
latéritique. En raison de cette localisation et de l'agencement des
surfaces, il est probable que l'irrigation se fasse majoritairement par puits.
En effet, les latérites sont connues pour être des substrats
favorables à la constitution de nappes phréatiques ; de plus, la
texture relativement dispersée des terres irriguées correspond
à la signature des thottam. Celles-ci ne présentent
généralement pas une continuité et une
homogénéité spatiale aussi forte que les nanjai.
Ces dernières, au regard de leur forme et de leur localisation, ne sont
toutefois pas complètement absentes, ce qui peut laisser supposer dans
quelques endroits une utilisation conjointe des tanks et des puits. En ce qui
concerne les zones de végétation à activité
chlorophyllienne moyenne, on note aussi une augmentation des superficies,
cependant moins forte, passant de 8090 à 10350 ha. Ce type de
végétation a tout de même observé une diminution
dans la partie méridionale. Il est probable qu'une partie de cette
végétation corresponde à des Prosopis juliflora,
dans le cadre de la foresterie sociale. Fournissant du bois de combustion et du
charbon de bois, ces arbres sont mis aux enchères, et les fonds
dégagés sont en partie récupérés par les
organisations villageoises, environ tous les trois à cinq ans, dates
auxquelles ils sont coupés (Mosse, 1997). Ils permettent aussi de lutter
contre la désertification et de limiter l'érosion. On les
retrouve en amont des lits alors que sur les digues, on retrouve des essences
différentes, tel que le Ficus benghalensis ou le Ficus
religosa, dont les habitants pensent qu'ils sont habités par des
divinités et dont l'espace occupé est sanctuarisé (Panday,
2000). Plus prosaïquement, ils servent aussi à renforcer la
structure. On trouve aussi, dans
1 Etymologiquement,
mankalanatu dérive de manal man, signifiant sableux et
de natu, pays ou région, et par extension
irrigué.
2 Etymologiquement,
karicalkatu dérive de karisa man, signifiant des sols
à forte rétention en eau et de katu, terres
sèches (cultures pluviales)
66
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
cette région, de nombreux vergers d'anacardiers
qui s'accommodent plutôt bien des sols latéritiques (Gunnell,
communication personnelle). Les augmentations de surface de cette classe de
végétation sont localisées
préférentiellement dans les bas-fonds et sur les plateaux
latéritiques. Une partie correspond donc probablement à des
cultures pluviales tandis qu'une autre peut être assimilée
à une strate arbustive. On retrouve, sur les deux images, des tanks
inondés en fond de vallée, le long du cours d'eau de la Sarugani,
dans la partie nord-est. L'approvisionnement en eau de ces tanks, de tailles
limitées, dépend des apports de l'aire contributive et du cours
d'eau. Cette double alimentation leur permet donc, malgré la saison
sèche, de récolter et de stocker les quelques
précipitations d'été. En raison d'une année 2001
plus favorable sur le plan climatique, le stock est sensiblement
supérieur à celui de 1990, de même que la surface de
cultures sous le commandement de ces tanks. La différence n'est
toutefois pas significative et donc insuffisante pour en tirer des
enseignements. La grande différence est due à l'emprise spatiale
dans la partie méridionale. C'est en effet là que l'on trouve la
plus nette augmentation de surface, et plus singulièrement encore, dans
le sud-ouest avec des tanks en cascade bien fourni. Il n'y a là, a
priori, aucune source d'alimentation autre que le ruissellement superficiel. Le
district de Sivaganga, dans lequel se situe la zone étudiée,
observe en moyenne des précipitations de l'ordre de 120 à 150 mm,
de janvier à la mi-mai, alors que compte tenu des fortes
températures, l'évapotranspiration est très forte
(Sivaganga Website). Ceci laisse supposer que le stock d'eau disponible est
directement lié à une gestion efficace de l'eau de la part des
populations, en optimisant la récolte et l'utilisation des ressources
disponibles. Cette augmentation des surfaces en eau peut s'expliquer en partie
par des facteurs climatiques mais elle est aussi le signe d'une utilisation
intensive des tanks. On en a d'ailleurs une preuve supplémentaire par
les surfaces détectées comme des terres agricoles nanjai
(teinte jaune sur la figure 30).
Figure 29 - Réponses spectrales des sols (Landsat
TM - 23/04/1990)
Celles-ci possèdent en effet une
réponse
spectrale spécifique, comparativement aux
autres sols, non seulement dans le visible mais aussi dans le proche et moyen
infrarouge (cf. figure 29). Cette réponse spectrale est relativement
élevée dans le visible, bien qu'inférieure à celle
des sols soumis à une forte érosion. Elle se situe, dans le
proche infrarouge et l'infrarouge moyen, autour de valeurs
intermédiaires, entre les sols nus et érodés d'un
côté, et les latérites et sols incultivables de l'autre. En
croisant les résultats obtenus avec la carte des altitudes, on
s'aperçoit que ces terres se localisent dans les bas-fonds des
vallées et vallons, ainsi que sur le talus à pente faible du
sud-est, raccordant les buttes latéritiques au paléo-delta de la
Vaigai. La densité est assez forte et la forme est symptomatique de
terres nanjai.
L'agencement de ces terres en fonction du sens de la
pente, laisse en effet supposer, une maximisation de la récolte des eaux
de ruissellement. Ces terres nanjai laissées en jachère,
en raison de la saison sèche, reflètent l'intensité
culturale de la saison précédente. Il y aurait donc eu, compte
tenu de l'augmentation de surface, qui est passée de 115 km2
à 168 km2, un accroissement de cette intensité entre
1990 et 2001. Néanmoins, la péjoration climatique de
la
67
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
fin des années 1980 au début des
années 1990 est sans doute responsable de cet affaiblissement. Au final,
et à l'encontre des discours alarmants sur l'état
dégradé des tanks, cette zone semble donc offrir des conditions
qui permettent ou bien qui forcent les populations à une utilisation
pérenne et intensive des eaux du tank. Les facteurs déterminants
de tels comportements doivent maintenant être
analysés.
L'organisation agricole
On peut remarquer d'entrée, que l'agencement
particulier de ces tanks reflète une organisation spatiale,
élaborée sur des bases empiriques, et de ce fait respectant le
fonctionnement hydrologique naturel. En ce sens, on peut dire qu'ils
relèvent d'une approche environnementale intégrée (Mosse,
1997). La part des terres irriguées est ici très forte (plus de
80% des terres cultivables) ; le riz transplanté est largement
majoritaire, bien que la méthode par semis direct connaisse une
augmentation et une plus large diffusion ces dernières années.
Les variétés employées sont, quant à elles,
exclusivement issues de la Révolution verte. En raison des faibles
opportunités qu'offrent les terres non irriguées, une très
grande majorité de paysans possèdent des terres irriguées
alors que, dans le même temps, le mode de faire-valoir indirect est peu
utilisé malgré le nombre élevé de sans-terres.
L'ensemble du territoire est dominé par la caste guerrière des
Maravars, qui a assis localement son pouvoir autour des
14ème et 16ème siècles. Cette
domination s'exprime de nos jours par la réclamation de droits et de
privilèges lors des litiges, en particulier ceux liés à la
répartition des eaux de tanks. L'organisation, de ces derniers en
cascade impose une réponse sociale spécifique. Ces cascade
tanks sont reliés entre eux par un réseau complexe de
chenaux dont certains nécessitent de construire des barrages temporaires
(munkuntan) pour divertir les eaux écoulées. Bien que
les droits royaux historiques ne soient plus en vigueur aujourd'hui, certains,
régissant une répartition spécifique des eaux, sont encore
utilisés, débouchant sur de nombreux conflits lors des
périodes de sécheresse, et dans lesquels les Maravars
sont les principaux acteurs. La raison tient à l'opposition et aux
revendications de certaines castes envers les privilèges dont jouissent
les Maravars. Les conflits naissent donc du fort degré de
connexion hydrologique des tanks, autant que de la position et l'histoire des
castes (Mosse, 1997). Toutefois, les situations de coopérations sont
bien plus nombreuses. Les ventes d'eau de tanks sont ainsi fréquentes et
facilitées par le réseau de chenaux. Il est néanmoins
entendu que les villages en aval sont plus souvent acheteurs que vendeurs. Une
certaine complexité entoure ces transactions qui peuvent par exemple se
réaliser par des mises en gages mais qui font souvent intervenir les
membres d'une même caste. Quelques ventes peuvent se réaliser,
malgré des stocks assez faibles, en raison de brèches apparues
dans les digues et qui peuvent menacer les cultures et les villages en aval.
Ces pertes brutes sont très dommageables pour les paysans qui ne
peuvent, en outre, disposer d'eaux souterraines, compte tenu de la
salinité des nappes dans toute la partie méridionale de la zone.
Le maintien des tanks dans un bon état est donc fondamentalement une
nécessité pour eux. Voyons les règles qui régissent
la gestion de ces derniers et des eaux ainsi stockées.
La gestion des tanks et de ses
ressources
Deux éléments caractérisent la
distribution des eaux en mankalanatu. Le premier tient à la
présence des neerkatties, qui appartiennent le plus souvent
à la caste intouchable des Pallars. Proportionnellement
à la taille des tanks, ils sont très nombreux, fréquemment
plus de deux par tank. Leurs champs d'actions sont très variés,
comparativement aux neerkatties qui gèrent la distribution des
eaux dans les tanks gérés par le PWD (partie 2). La
présence de ces neerkatties rentre dans le cadre du
système jajmani, qui lie, au sein du village, certaines
castes
68
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
d'artisans ou de services, à des familles ou
des groupes d'acteurs qui en sont héréditairement les clientes du
point de vue commercial, mais qui représentent des patrons dans le cadre
du clientélisme (Landy, 1994). Il y a toutefois des disparités
dans le fonctionnement de ce système, d'un village à l'autre, en
raison de la condescendance plus ou moins marquée des castes dominantes
à l'égard des castes subordonnées, et pouvant se solder,
dans certains cas, à des insoumissions. En règle
générale, leurs actions sont donc très variées, et
vont de pair avec des connaissances agronomiques très
développées. La diversion des eaux dans l'ayacut est
ainsi réalisée après une estimation empirique des besoins
de chaque parcelle selon plusieurs paramètres (humidité, sol,
croissance du végétal, etc.). Le deuxième
élément caractéristique de la gestion de l'eau en
mankalanatu est relatif au rationnement en période de
déficit pluviométrique. Ce rationnement se fait ici sur la base
de la superficie des parcelles. Les paysans doivent donc mettre en valeur une
proportion fixée de l'ensemble de leurs terres. Quand le déficit
est très marqué, le rationnement se fait en rapport à la
taille du foyer, de la maisonnée. Le système en place est donc
relativement efficace même si son contrôle, par les castes
dominantes, maintien le système social hiérarchique et pyramidal.
Ceci ne se vérifie toutefois que dans le cas des villages multi-castes.
La surveillance des chenaux est, quant à elle, confiée à
des membres de la caste intouchable des Paraiyars, tandis que la
participation de la caste bergère des Konars s'effectue par le
don d'une chèvre, pour répondre au rite du sacrifice, avant que
l'eau du tank ne commence à être relâchée (Mosse,
1997). La diversité des acteurs exprime le besoin des populations
d'attribuer un rôle à chaque fonction considérée
comme primordiale, ce qui reflète parfaitement l'intérêt
qu'elles portent à l'égard du tank. La maximisation des
potentialités du tank est, elle aussi, un aspect spécifique
à cette zone. On a déjà dit que les plans de
reforestation, dans le cadre de la foresterie sociale, représentaient
une source importante de fonds. La pêche, elle aussi régie par des
enchères, s'accorde sur les même objectifs, mais nécessite
en plus la participation des kutumpan (caste Pallar) pour
effectuer diverses opérations relatives à l'activité et
aux partages des poissons récoltés.
Le système de gestion s'avère ainsi
relativement sophistiqué. Ceci peut s'expliquer non seulement par des
facteurs environnementaux (relation amont-aval, hydrologie, facteurs
édaphiques) mais aussi sociaux, en raison de la forte domination des
Maravars qui tiennent à maintenir leur position historique
dominante par la continuité des modes de gestion
traditionnels.
69
Des facteurs locaux explicatifs des disparités
territoriales
Figure 30 - Cartes de l'occupation du sol de la zone
mankalanatu
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
3.2.2 La zone karicalkatu Analyse des
images
Compte tenu de la couverture nuageuse, sur l'image de
1973, plus restreinte que sur la zone étudiée
précédemment, il a ici été possible d'analyser les
dynamiques de certains états de
|
Surface (hectares)
|
Etats de surface
|
MSS
|
TM
|
ETM+
|
Végétation
|
activité moyenne
|
|
6721 (27%)
|
14786 (56%)
|
forte activité
|
10269 (49%)
|
2386 (9%)
|
3588 (14%)
|
Sol
|
humide
|
|
7012 (28%)
|
2955 (11%)
|
érodé
|
|
9170 (36%)
|
5134 (19%)
|
Eau
|
10576 (51%)
|
nul
|
nul
|
Total
|
20845
|
25289
|
26463
|
Tableau 4 - Etats de surface de la zone
karicalkatu
70
surface sur une période de 28 ans. Cela dit,
pour des raisons techniques, seuls deux états de surface ont
été analysés pour ce qui concerne les images MSS. A la
date d'acquisition de cette image, la saison culturale correspond à la
saison samba. Les surfaces de végétation à forte
activité chlorophyllienne sont relativement élevées (cf.
tableau 4). Elles se localisent pour bon nombre d'entre elles en aval des
tanks, ce qui est le signe d'une alimentation en eau par ces derniers (cf.
figure 31). Concernant les tanks, ils sont remplis de manière
très disparate.
Il est tout d'abord nécessaire de
préciser que la grande majorité des tanks
représentés sont des non-system tanks. Il existe deux
gradients positifs de remplissage. Le premier ouest-est et le second nord-sud.
On a vu dans la partie précédente que le remplissage
élevé des tanks à l'ouest pouvait s'expliquer, en partie,
par une rupture de pente. Cet élément implique effectivement une
taille plus réduite des tanks en raison du ruissellement plus intense. A
cela, il faut rajouter le fait qu'ils se situent non seulement en queue de
bassin, mais qu'ils sont aussi intégrés dans un réseau
complexe de chenaux, reliant les tanks les uns aux autres. Compte tenu de la
surface considérée, les apports d'eau doivent donc être
très importants. On peut enfin compléter la démonstration
par le fait que la situation littorale influence certainement la
salinité des nappes phréatiques, limitant ainsi la
disponibilité des eaux souterraines pour une utilisation agricole Le
second gradient nord-sud s'explique, quant à lui, par la présence
de la Vaigai, au sud, qui alimente de manière discontinue certains tanks
proches. En raison des dates d'acquisition, l'analyse des deux autres images va
suivre une méthode comparative. Une première observation
relève l'absence complète d'eau, à l'inverse de la zone
mankalanatu, ce qui est un signal fort d'une gestion sociale des
ressources différente, ceci en dépit des caractères
physiques qui ne peuvent expliquer de telles différences. En terme de
surface, les deux types de végétation, à moyenne et forte
activité chlorophyllienne, ont crû de 1990 à 2001, tandis
que durant la même période, les surfaces en sols humides et
érodés ont diminué. L'augmentation du couvert
végétal concerne l'ensemble de l'espace, avec toutefois une
concentration dans les parties occidentale et centrale. Certaines des parties
nouvellement végétalisées occupent les sols humides de
1990, qui sont considérés comme les lits des tanks, ce qui
signifie une dégradation structurelle de ces mêmes tanks. Sur
l'image de 1990, les sols érodés semblent s'inscrire spatialement
en un réseau dendritique qui relie les tanks entre eux. Cette
organisation laisse à penser que cette catégorie de sols puisse
correspondre au réseau des chenaux d'alimentation en eau des tanks.
Celui-ci s'est détérioré en 2001, ce qui peut être
le signe d'un réseau mal entretenu. Enumérons à
présent quelques éléments caractéristiques de
l'espace karicalkatu avant d'interpréter plus
précisément les résultats de l'analyse.
Traits caractéristiques des systèmes
agricoles et de la gestion des tanks
Des différences profondes existent entre cette
zone et la zone mankalanatu. La première d'entres elles
concerne la part des cultures irriguées, qui est ici très faible,
de l'ordre de 18% (Mosse, 1997). Le paddy (dont de nombreuses
variétés traditionnelles) et, dans une moindre mesure, le piment,
sont de loin les deux principales cultures irriguées. La part,
importante, des
71
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
cultures pluviales s'explique par les bonnes
potentialités agricoles, déjà énoncées, des
sols noirs. On retrouve en pluvial, du paddy, du coton, du piment ainsi que de
nombreuses légumineuses. La diversification est donc plus forte qu'en
mankalantu, alors que dans le même temps, les
opportunités de travail non agricole sont plus élevées et
ceci en dépit d'une majorité de foyers engagés dans
l'agriculture. Concernant la gestion à proprement parler des tanks, des
règles régissent la répartition des eaux, mais elles sont
régulièrement outrepassées par les paysans qui utilisent
exagérément l'eau du tank, limitant ainsi la disponibilité
temporelle des stocks. Ceci peut en partie s'expliquer par l'absence
quasi-totale de neerkatties ou de tout autre acteur de l'eau. Les
opérations de nettoyage des chenaux ou des vannes incombent aux paysans
qui s'octroient, dès lors, la primauté d'utilisation des eaux du
tank. L'entreprise de telles opérations nécessite toutefois la
mobilisation d'une importante force de travail, ainsi que des capitaux, que
seuls les hautes castes, ou les castes dominantes, peuvent réunir.
L'absence, non seulement d'actions collectives en faveur de la maintenance des
tanks, mais aussi de méthodes de rationnement, augmente le
désarroi des petits paysans, et augmente le risque des pertes. A cela
s'ajoute la manipulation des règles et leur détournement plus ou
moins légal, par les castes dominantes, au détriment des plus
faibles, parmi lesquels les femmes sont les plus vulnérables. Lors des
conflits, ces règles sont rappelées et endossées
publiquement dans une stratégie de manipulation. La domination s'exprime
donc ici par l'habileté à dissimuler l'intérêt
personnel dans le langage d'un consensus communautaire (Mosse, 1997).
L'élément historique fondamental qui a fait basculer les modes de
gestion dans cette région est la contestation du pouvoir des
Maravars par la caste paysanne des Udaiyars à la fin
du 18ème siècle. Ayant remis en cause
l'autorité des Maravars, ces derniers ont fait évoluer
le système traditionnel de gestion de l'eau, qui était alors
similaire à celui qu'on peut trouver en mankalanatu,
substituant la gestion privée à la gestion collective. Tous les
rouages du système ont, à partir de là,
évolué vers une individualisation des stratégies
paysannes, avec pour résultat une érosion de la performance des
tanks. L'émergence de cette caste a entraîné d'autres
castes dans son sillage, à la faveur de comportements opportunistes.
Cette dynamique historique n'a été possible et ne peut se
comprendre que par la présence d'un environnement naturel favorable, ou
du moins non contraignant.
Interprétation des dynamiques
observées
Au regard des informations précédentes,
il apparaît clairement que la gestion des tanks n'est pas
organisée de manière structurée sur l'ensemble du
territoire. Les tanks sont pourtant reliés entre eux par un
réseau de chenaux, qui fonctionne sur le même principe qu'en
mankalanatu. Les actes de coopération et de ventes d'eau, entre
les villages, sont rares voire inexistants. Les transactions de stocks d'eau
seraient de toute manière difficile à mettre en oeuvre, compte
tenu de l'état des chenaux. Ainsi, entre 1990 et 2001, les surfaces
érodées ont diminué presque de moitié, ce qui
relève d'un mauvais entretien de la part de la collectivité. Le
même constat s'applique aux lits des tanks dans lesquels les exemples de
colonisation par de la végétation, mais aussi par des
activités anthropiques (plantations illégales d'arbres
fourragers) et des établissement humains sont nombreux, ce qui
s'explique en partie, par la pression démographique (la densité
de population en 2002 était d'environ de 300 hab./km2)
(Mosse, 1997 ; Sivaganga Website). L'augmentation des surfaces
végétales peut s'expliquer, quant à elle, par une
intensification de systèmes culturaux en pluvial (avec une utilisation
plus importante d'intrants par exemple). Celles qui présentent une forte
activité chlorophyllienne peuvent être assimilées, compte
tenu de leur localisation, à des végétaux poussant sur des
sols très humides, susceptibles de correspondre non seulement à
des cultures empiétant sur les lits de tanks, mais aussi et surtout
à de la végétation spontanée herbeuse (pelouses).
Il y eut donc une dynamique de dégradation des tanks et de ses
éléments structurels entre 1990 et 2001.
72
Des facteurs locaux explicatifs des disparités
territoriales
Figure 31 - Cartes de l'occupation du sol de la zone
karicalkatu
73
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
3.2.3 Comparaison des modes de gestion de la ressource
entre la zone mankalanatu et karicalkatu
Deux dynamiques opposées
Des dynamiques radicalement opposées affectent
donc deux espaces contigus, appartenant pourtant à une même
unité. Cette distinction relève autant de facteurs physiques et
écologiques, que de facteurs sociaux, culturels et historiques (Mosse,
1997). Dans le premier cas, ces facteurs influencent positivement la mise en
place d'actions collectives et donc de coopérations, alors que dans le
second, l'intérêt individuel l'emporte sur l'intérêt
collectif. Partant de systèmes de gestion pourtant similaires, les
changements historiques ont moins perturbé la zone mankalanatu
que la zone karicalkatu. Concrètement, cela se
matérialise par des changements qui s'inscrivent territorialement, et
sur un laps de temps relativement court. En l'espace de dix ans, et en
dépit des variations climatiques qu'il faut prendre en compte, mais qui
ne sont pas susceptibles de renverser la tendance, une situation de
stabilité, dans laquelle les tanks apparaissent comme une ressource
commune, gérée collectivement mais sous la houlette d'une caste
dominante, contraste avec une situation de déclin de cette même
ressource. Dans ce dernier cas, des stratégies agricoles individualistes
débouchent sur une dégradation structurelle et fonctionnelle des
tanks, qui tend à s'inscrire dans un cercle pernicieux de
marginalisation sociale et de perturbation environnementale. A l'inverse, les
images satellites de la zone mankalanatu tendent à
démontrer qu'en raison de la présence de nombreux acteurs clefs
de la gestion de l'eau, le système tank n'est pas en péril, bien
au contraire, mais qu'il est dans le même temps le résultat d'une
domination sociale et d'une gestion traditionnelle autoritaire, relativement
peu remise en cause. Il est néanmoins probable que, compte tenu des
conditions environnementales, cette gestion soit, du moins dans son
résultat, optimale. Une forme d'homéostasie caractérise
donc la zone mankalanatu, qui a la capacité de conserver un
équilibre interne en dépit des contraintes
extérieures.
Les actions collectives
En zone semi-aride, et afin de maintenir le plus
longtemps possible la disponibilité en eau, les populations doivent
mettre en oeuvre des actions au moyen d'une gestion spécifique. En
raison du statut commun de l'eau, ces actions doivent, elles-mêmes,
prendre un caractère collectif. Dans notre cas, ces actions concernent
en premier lieu le vecteur qui rend l'eau disponible auprès des paysans,
à savoir le tank. Plusieurs variables sont susceptibles d'influencer le
degré de coopération, nécessaire aux actions collectives.
On peut citer les plus importantes d'entre elles concernant la zone
étudiée : le degré de disponibilité en eau,
l'hétérogénéité sociale du groupe, la taille
du tank, le volume potentiel des bénéfices en cas de
coopération, la part d'investissement personnel comparé aux gains
potentiels, le statut social de chaque individu et la fréquence
d'intervention sur le bien collectif pour le maintien de son efficacité
(Ostrom, 2000). Ainsi, la distribution de l'eau et la maintenance des chenaux,
qui doivent être effectués chaque année, voire chaque
saison, influencent positivement les actions collectives, à la
différence de l'entretien des tanks, qui est une activité ne
présentant pas de linéarité temporelle (Mosse, 1997). Les
sols, qui agissent sur le volume des bénéfices en cas de
coopération (possibilité de cultures pluviales), ainsi que sur le
degré de disponibilité en eau (capacité de
rétention), déterminent des niveaux de coopération
différents. Le statut des paysans est aussi une variable fondamentale
pour comprendre cette différenciation. D'un côté, en
mankalanatu, la plupart de ceux-ci sont propriétaires de terres
irriguées, alors qu'en karicalkatu, le faire-valoir indirect
est important et la part des propriétaires de terres irriguées,
faible. Il y a donc ici une divergence des intérêts à
maintenir les tanks. La présence d'une
74
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
seule caste dominante est un critère
d'homogénéité, qui permet d'entreprendre et de mobiliser
plus aisément les forces. Enfin, la diversification des
activités, rendue possible par un environnement propice en
karicalkatu, augmente le capital financier des castes dominantes qui
n'ont, du coup, que peu d'intérêts à préserver la
ressource commune. Cette liste n'est pas exhaustive, mais elle permet de
comprendre les différentes actions mises en oeuvre par les populations
autochtones. On peut enfin préciser que la question des actions
collectives ne se pose que lorsque la ressource se fait rare ou se
dégrade fortement.
Les mécanismes socioculturels
Certains d'entre eux conditionnent la persistance des
systèmes traditionnels, tel celui de la zone mankalanatu. Les
sanctions à l'encontre des paysans non coopératifs sont le
résultat d'une gestion coercitive de la part des castes dominantes.
Cette forme d'autorité serait donc une nécessité pour
maintenir et gérer un bien commun, accessibles à tous, mais de
manière inégalitaire (Mosse, 1997). Ceci pourrait,
néanmoins, s'avérer être une forme de légitimation
de cette domination. On voit que le tank et ses produits dérivés
génèrent des bénéfices, mais que ceux-ci ne sont
pas utilisés rationnellement. Des formes socioculturelles, comme la
symbolique ou l'honneur, prévalent donc sur la rationalité
économique et écologique. Néanmoins, de la forte connexion
intervillageoise, qui s'établit suivant le réseau hydrologique,
doit émerger une responsabilisation des comportements. Il est possible
que dans ce cadre, une forme supérieure d'autorité soit, dans une
certaine mesure, nécessaire à la survie du système afin
d'éviter conflits et défenses d'intérêts personnels,
au détriment des biens communs. Dans le cas de karicalkatu,
l'introduction par l'administration britannique (agent exogène) d'une
nouvelle forme d'organisation sociale dans les campagnes, les
zamindaris, engagea les paysans à abandonner les terres
irriguées, compte tenu de l'impôt particulier qui leurs
étaient réservées. L'adoption de nouvelles
stratégies paysannes, ajoutée à
l'hétérogénéité des castes dominantes
déboucha donc sur une nouvelle organisation agricole, plus moderne dans
sa structure et dans ses objectifs. En tout état de cause, le
système de gestion en mankalanatu, qui sous plusieurs aspects
apparaît comme traditionnel, est aussi celui qui permet une gestion
durable de la ressource, bien qu'il se fonde aussi sur une certaine
hiérarchisation socioculturelle.
3.3 La multiplication des puits, et ses conséquences
sociales et environnementales
En parallèle à la Révolution
verte, le gouvernement a initié une politique volontariste en faveur du
développement de l'irrigation par les réserves souterraines. Elle
a particulièrement été efficace au Tamil Nadu, où
elle s'est traduite par des prêts à faible taux
d'intérêts ainsi que par l'électrification gratuite des
campagnes accompagnée d'une multiplication des pompes électriques
(Balasubramanian et al., 2003). C'est une des facettes de
l'évolution d'une économie de subsistance vers une
économie de marché. Le cas étudié ici
révèle une situation où une certaine
complémentarité existe entre les différentes sources
d'irrigation.
3.3.1 Evolutions entre 1973 et 2001
L'image acquise le 09/02/1973 laisse apparaître
nettement les contours des tanks, ainsi que les sols humides qui correspondent
aux parties de leurs lits récemment exondées (cf. figure 32). Ces
tanks sont alimentés par le Thirumangalam Main Canal (TMC) qui est
connecté à la Vaigai, depuis la fin des années 1950, par
le régulateur Peranai situé en amont de Madurai. Ce sont ceux qui
présentent le meilleur rapport capacité de stockage/surface
irriguée dans l'ensemble du bassin versant (Vaidyanathan, 2001). La
perte de surface agricole est donc
75
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
compensée par leur efficacité. La saison
culturale correspond à la saison samba bien que la date de la
moisson soit proche. Le stock d'eau encore disponible dans les tanks laisse
à penser qu'une seconde culture sera possible. Il est toutefois peu
probable qu'il ne soit suffisant pour des cultures irriguées très
demandeuses en eau, comme le paddy, mais servira plutôt à des
cultures de ragi ou d'arachides. La seconde image, du 23/04/1990,
acquise durant un cycle pluviométrique déficitaire correspond
à la saison navarai. Dans ce contexte de péjoration
climatique, le stock d'eau résiduel peut être
considéré comme relativement élevé, ce qui
amène à relever le fait que les system tanks sont moins
dépendants des conditions climatiques locales que ne peuvent
l'être les non-system tanks. La majorité des parcelles
irriguées correspondent aux ayacuts des tanks, non seulement en
raison de la disponibilité de l'eau stockée dans ces derniers,
mais aussi en raison des niveaux piézométriques plus
élevés qu'en punjai et donc favorables à
l'implantation de puits. En 1995, les densités de puits dans les
ayacuts sont les plus élevées de tous les system
tanks du bassin versant ; de 30 à 75 puits par centaine d'hectares
(Vaidyanathan, 2001). Le morcellement, observé, des terres
irriguées en 2001 est significatif d'une irrigation par puits. De plus,
certains agrégats de terres irriguées en 1990, que l'on peut
considérer comme terres nanjai, sont absents en 2001, ce qui
laisse penser à une utilisation moindre du tank. Dans le même
esprit, une proportion importante de terres humides en 1973 est totalement
colonisée par de la végétation en 2001. Ceci peut
correspondre tout autant à des cultures qu'à des pelouses
à fort taux de recouvrement. Il reste toutefois des stocks d'eau dans
les tanks, ce qui est le signe d'une bonne alimentation par les canaux compte
tenu de la date avancée en saison sèche. Ces stocks permettent
aussi la recharge des nappes par percolation. Il n'est donc pas improbable que
ces dynamiques soient le fruit d'une bonne gestion des ressources de la part
des acteurs locaux.
3.3.2 L'organisation de la gestion des ressources
La plupart des tanks concernés n'ont pas de
personnels attitrés pour les opérations d'irrigation et de
maintenance/réhabilitation (Vaidyanathan, 2001). Une grande
majorité des actions réalisées sont le fruit des
ayacutdars. Avant la réalisation du canal relié à
la Vaigai, durant la fin des années 1950, les cultures étaient
toutes des cultures pluviales et les rendements étaient très
faibles. Après la connexion au canal, des changements se sont
opérés, mais de manière très lente, alors que des
organisations structurées se mettent lentement en place. Durant la
première moitié des années 1990, le PWD a investit ici des
sommes limitées comparativement aux autres system tanks du
bassin versant. Les actions entreprises ont principalement concerné les
structures des tanks, comme les digues et les vannes. Pour remédier
à ces manquements, les organisations villageoises collectent des fonds
pour engager des actions collectives auxquelles participent les ayacutdars
ainsi que des ouvriers agricoles. Pour financer ces opérations,
deux méthodes de collecte sont très utilisées : la
première consiste à prélever une somme d'argent en rapport
avec la taille du foyer, de la maisonnée, tandis que la seconde consiste
à vendre des contrats d'exploitation des ressources piscicoles du tank.
En début de mousson, des larves sont introduites dans les tanks et
lorsque le niveau du tank atteint un seuil critique, la pêche est alors
autorisée, mais uniquement pour les contractants. La plupart des
contrats sont cédés sous la forme de ventes aux enchères,
méthode qui favorise les plus riches. L'argent collecté est
utilisé pour les réparations d'urgence du tank et pour le
développement du village. Lorsque les eaux du tank tendent à se
raréfier, en plus de l'utilisation des réserves souterraines,
lorsque celles-ci sont disponibles (directement ou par achat), des techniques
de rationnement sont mis en place afin d'optimiser les stocks disponibles. La
technique employée ici consiste à irriguer les parcelles de
l'ayacut les plus proches de la digue, afin de limiter au maximum les
pertes dues aux infiltrations lors des écoulements dans les chenaux. Les
villages sont donc en voie d'organisation, mais il est clair que les fonds
dégagés ne
76
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
suffisent pas à effectuer les opérations
nécessaires ; c'est ce qu'exprime l'état général
des structures, qui n'est pas parmi les meilleurs du bassin
versant.
3.3.3 Les conséquences de la multiplication des
puits
L'accès aux réserves souterraines a
remplacé, depuis plusieurs années, l'accès à la
terre dans la détermination du statut socio-économique des
agriculteurs, mais il ne place toutefois pas tous les acteurs sur un pied
d'égalité. La taille des parcelles, ainsi que les capitaux
nécessaires aux investissements de base, sont en effet les premiers
facteurs limitants de la possession d'un puits, marginalisant de fait les
petits paysans. Le système d'héritage débouche sur de
nombreux cas de co-propriété ; un tiers des puits du bassin
versant sont exploités de cette manière (Janakarajan et
al., 2002). De nombreux conflits naissent de ce mode d'exploitation, qui
réunit autour d'un puits des membres d'un même village ou d'une
même famille. Des accords doivent ainsi être trouvés pour le
partage des frais inhérents à la maintenance des puits, et pour
la gestion du temps de pompage alloué. Les conflits
d'intérêts sont donc fréquents et exacerbés par la
discontinuité de l'alimentation électrique, les pollutions
chimiques et la baisse des niveaux piézométriques (Vaidyanathan
et al., 2003). C'est cette baisse généralisée qui
pousse les propriétaires de puits à s'engager dans une
véritable compétition d'approfondissements de leurs puits. Ceux
qui ont des moyens financiers suffisants peuvent approfondir leur puits, ou
forer des puits tubés, pour accéder à la ressource. Les
autres doivent s'endetter auprès de créanciers, mais sans aucune
assurance de tomber sur des réserves. C'est donc un processus continu de
différenciation sociale qui tend à consolider les relations de
pouvoir inégalitaires. Dans ces conditions, un marché de l'eau
informel reprenant les règles de marchés officiels s'est mis en
place. Les prix fluctuent selon l'offre et la demande mais aussi selon la
saison et le stade cultural. En raison de l'abaissement des nappes et de
l'utilisation croissante de la ressource par les propriétaires de puits,
ce marché informel tend néanmoins à se réduire
depuis quelques années. Cela constitue un bon exemple de la
théorie de Hardin, la tragédie des communs (Hardin, 1968). Selon
l'auteur, la gestion de biens communaux, en particulier les ressources
renouvelables, conduit inéluctablement à une surexploitation de
la ressource jusqu'à sa disparition. Les profits issus de l'usage des
ressources étant individualisés et les coûts étant
partagés, l'intérêt de chacun est d'exploiter au maximum la
ressource. La surexploitation des eaux souterraines correspond ici à
cette théorie, qui défend aussi l'idée d'une privatisation
de la ressource comme moyen régulateur. L'existence de règles
collectives semble toutefois un compromis plus intéressant, qui ne remet
pas en cause le statut commun de l'eau. Le processus évolutif de la
tragédie est en tout cas bien respecté. Le stade actuel fait
apparaître trois orientations possibles: la première est le
laisser-faire (conduisant inexorablement à une forte diminution de la
ressource), la seconde consiste en une privatisation de la ressource (ce qui
est en partie déjà le cas en raison des investissements
individuels et de la mise en place d'un marché), ou alors comme on l'a
dit, la mise en place de règles collectives avec pour objectif une
utilisation durable. Il apparaît, néanmoins, des pratiques
jugées non durables, qui sont liées à la
raréfaction de la ressource et à des comportements
égoïstes. Un des exemples est celui des gros propriétaires
qui pompent les eaux souterraines de l'ayacut avant de la
transférer dans les puits situés en zones de cultures pluviales.
Ceci engendre un doublement de la consommation d'énergie. C'est cette
confrontation d'une rationalité individuelle, avec une
rationalité collective, qui entraîne une érosion des
ressources naturelles (Vaidyanathan et al., 2003). Il est pourtant
avéré que les puits apportent un complément à la
performance des tanks en réduisant les incertitudes sur les
quantités disponibles. Dans le même temps, ils leurs sont
préjudiciables à travers la réduction de la
dépendance des propriétaires de puits envers les eaux du
tank.
Des facteurs locaux explicatifs des
disparités territoriales
Figure 32 - Cartes de l'occupation du sol des system
tanks du Thirumangalam Main Canal
77
78
Discussion
4. Discussion
Cette partie est consacrée à la
synthèse des résultats de l'étude. Les dynamiques
observées permettent d'avoir une vision d'ensemble du bassin versant et
une réflexion générale sur les différents
problèmes et problématiques auxquels sont confrontés les
paysans. La figure 33 résume, à l'aide d'un schéma, les
variables en jeux et l'évolution, dans le temps, des principales
composantes agricoles.
4.1 Résultats
L'irrigation par tank apparaît, au regard des
résultats, assez complexe. Il convient donc, dans cette partie finale,
de démêler la situation en organisant la réflexion autour
de trois thèmes, énoncés sous forme de questions, et qui
recoupent les principales informations données tout au long de
l'étude.
4.1.1 Comment expliquer les différences
observées dans l`agencement et la gestion des tanks au sein du bassin
versant de la Vaigai ?
La prévalence des facteurs
environnementaux
La détection des tanks, par images satellites,
a démontré l'existence d'un agencement spatial particulier de
ceux-ci. D'après cette information, et au regard des cartes de
densités par taluk, il n'apparaît, tout d'abord, aucune
corrélation spatiale évidente entre les densités de
population et l'agencement particulier des tanks. On peut penser que les tanks
ont répondu, du moins au début de leur histoire, à des
besoins croissants en eau potable et en eau d'irrigation dans le contexte
semi-aride. L'absence de corrélation, à l'heure actuelle, entre
la densité de population et la densité tank, est donc un signe,
parmi d'autres, de la baisse de dépendance des populations, fortement
rurales, vis-à-vis de ce système de récolte des eaux.
L'aisance avec laquelle il est possible de rendre l'eau disponible et
accessible aux populations, à travers l'aménagement du territoire
et les structures adéquates, n'est pas égale en tout point d'un
territoire, et en l'occurrence d'un bassin versant. C'est un point très
important, dans la mesure où elle implique une mise en perspective de
l'organisation spatiale des tanks qui s'inscrirait selon deux
éléments principaux, (i) le milieu naturel et (ii) les techniques
mises en oeuvre par les civilisations. L'étude des zones mankalanatu
et karicalkatu a montré de quelle manière
l'histoire culturelle s'est trouvée sous la contrainte des
potentialités du milieu naturel local. Les résultats sont qu'en
l'espace de dix ans, des évolutions territoriales
différentielles, nées de dynamiques sociales opposées,
affectent de manière très distincte des territoires pourtant
contigus. L'appréciation de ces évolutions est facilitée
par l'adoption d'une vision synoptique du territoire, alors qu'elles ne sont
probablement pas perçues d'une manière aussi forte, par les
populations. Ces hétérogénéités
environnementales caractérisent donc, en conséquence, des
comportements individuels et collectifs différents. Alors que certains
s'inscrivent dans une certaine continuité historique de
coopération, d'autres sont, au contraire, marqués par un haut
degré de versatilité, variant selon les opportunités qui
se présentent.
L'eau
Tous les faits décrits
précédemment sont liés à la présence ou
à l'absence de l'eau, et à la manière dont elle est
récoltée, stockée, prélevée, et
utilisée. On a vu l'importance qu'il était convenu d'accorder
à cette ressource renouvelable dans un contexte de semi-aridité.
Jusqu'aux années 1970, date d'acquisition des premières images
satellite MSS, l'agriculture était encore largement une agriculture de
subsistance, c'est-à-dire basée sur les cultures
vivrières. Progressivement, des cultures commerciales avec des besoins
en eau plus
79
Discussion
importants, les ont remplacées. Dans le
même temps, de nouvelles variétés hybrides de riz ont
été mises sur le marché, afin d'augmenter des rendements
très faibles et de raccourcir les cycles de croissance. La
sécurisation de ces cultures est toutefois allée de pair avec une
plus grande consommation d'eau et d'intrants. Ce processus est fondamental pour
comprendre les nouvelles pratiques agricoles, associées à des
nouveaux besoins. On peut aussi considérer qu'il joue un rôle dans
le déclin des tanks, qui ne présentent pas,
intrinsèquement, les qualités requises à cette
sécurisation. En effet, le système des tanks est un instrument de
sécurisation alimentaire traditionnel dans un contexte
démographique moins saturé qu'aujourd'hui, et dans lequel
l'agriculture pluviale (millets) jouait un rôle plus important
qu'aujourd'hui. L'agriculture pluviale n'a pas été l'objet des
mêmes efforts que l'agriculture irriguée dans le cadre de la
Révolution verte, et donc la sécurisation alimentaire en
année sèche, autrefois assurée par de
variétés rustiques et les cultures associées
résistantes à la sècheresse, est négligée
depuis 30 ans.
Compte tenu des dates d'acquisition des images
postérieures à celles de 1970, il est difficile d'estimer
précisément, pour une même période, la variation des
stocks d'eau dans les tanks. Néanmoins, au regard des états de
surface des lits des tanks, au début des années 1990 et 2000,
marqués par des couvertures végétales assez importantes,
il est probable que les capacités d'eau stockées par les tanks
aient diminué ces dernières décennies, ce qui est
confirmé par plusieurs travaux dénonçant la
dégradation de ces tanks (Balasubramanian et al., 2003 ; Kajisa
et al., 2004 ; Sakurai et al., 2001 ; Vaidyanathan, 2001).
Toutefois, là encore, la présente étude montre une grande
diversité de cas à travers le bassin versant. Ceux-ci tendent
à refléter une cohérence, toutefois relative, entre l'eau
disponible et les cultures pratiquées : cultures de rente ou cultures
vivrières (en prenant en compte l'importance culturelle du riz).
L'élément le plus frappant demeure l'inégal accès
à la ressource et la répartition inégalitaire de celle-ci.
Cela relève d'un problème conjoncturel, liant la multiplication
des puits à la dégradation des tanks, et débouchant sur
une diminution quantitative des stocks d'eau, ce qui est
générateur de conflits d'usage.
Une gestion stratifiée
La gestion des tanks, à travers le bassin
versant, apparaît comme symptomatique d'une gestion qui mélange
bureaucratie et laisser-faire, généralement répandue dans
les pays en développement et plus encore lorsqu'il s'agit des ressources
renouvelables. Au final, c'est le manque de souplesse et d'articulation qui
pourrait caractériser le mieux le système de gestion en place
ici. En premier lieu, on peut s'interroger sur la pertinence du seuil
fixé à 40 ha d'ayacuts irrigués, qui distinguent
les tanks gérés par le panchayat de ceux
gérés par le PWD. Ce seuil peut apparaître comme
arbitraire, compte tenu de l'agencement spatial des tanks, et moralement
illégitime, en raison des contributions affectées de
manière disparate. Etayons toutefois la réflexion par rapport
à la partition établie. Les actions du PWD se
caractérisent tout d'abord, par des interventions qui manquent de
continuité dans le temps et dans l'espace. Celles-ci apparaissent comme
réactives à des situations avancées de dégradation,
qui nécessiteraient, au contraire, des interventions proactives afin de
juguler la baisse de performance des tanks, et de limiter les pertes brutes
lors des années difficiles. Quant au nombre et à l'ampleur des
opérations de maintenance, l'étude a montré un contraste
assez net entre les system tanks et les non-system tanks, ces
derniers ne bénéficiant pas d'autant d'avantages. Ceci semble
expliquer une partie des différences d'états des structures et
justifie la volonté étatique de relier un plus grand nombre de
non-system tanks à la Vaigai (Vaidyanathan, 2001). En tout
état de cause, les contributions faites par les ayacutdars
apparaissent comme nécessaires, mais représentent pour ces
acteurs un coût financier supplémentaire. Au niveau des
panchayats, la gestion peut être qualifiée
d'hétéroclite en
80
Discussion
raison de la liberté d'action dont ils
jouissent ; le pragmatisme pouvant laisser la place à l'excessif ou
à « l'inutile ». La gestion des fonds dégagés de
l'utilisation et des ventes des produits dérivés du tank est
ainsi abandonnée au libre arbitre.
4.1.2 Quelles ont été les
évolutions du paysage rural? Les évolutions structurelles et
fonctionnelles des tanks
Une distinction apparaît comme fondamentale
selon que l'on considère les tanks gérés par le PWD ou
ceux gérés par les panchayats. Dans le premier cas, la
gestion précédemment décrite implique des changements
structurels différenciés entre les system tanks et les
non system tanks, alors que dans le second cas, c'est le nombre de
gestionnaires de l'eau, et singulièrement le nombre de
neerkatties, qui est le facteur discriminant. L'exemple du sous-bassin
de Sarugani est ainsi un bon exemple des évolutions contradictoires des
deux zones contiguës étudiées. Les neerkatties
étant des membres de castes de service, dans le cadre du
système jajmani, ce sont donc les acteurs concernés par
la gestion de l'eau qui décident, par le biais des conseils villageois,
de les engager ou non. Des réponses spatiales originales, et
contradictoires, se manifestent donc sur un pas de temps historiquement court
pour chacune des deux zones. Des années 1990 aux années 2000, les
résultats de télédétection tendent à
prouver, à dates proches et malgré un contexte climatique moins
favorable, un affaiblissement des stocks d'eau et une augmentation de la
couverture végétale, bien qu'il soit difficile de s'assurer du
caractère pérenne ou temporaire de cette dernière.
L'étude plus détaillée de la zone des system tanks
alimentés par le TMC, démontre, quant à elle, une
progression des espaces irrigués durant la saison sèche, ce qui
implique une utilisation plus importante des eaux souterraines, en
adéquation avec les besoins des systèmes agricoles plus
intensifs, mais au détriment de la régénération des
nappes phréatiques. Le support physique a, quant à lui, un double
impact, direct et indirect sur l'état des tanks : direct dans la mesure
où la configuration topographique et les sols impliquent des
sollicitations particulières, et indirect, en raison des
potentialités agricoles et des conditions de prélèvements
d'eaux souterraines, spécifiques à chaque localité et
susceptibles d'entraîner un désintérêt
vis-à-vis du tank.
La relation entre les acteurs locaux et les
dynamiques observées
En raison du caractère artificiel des tanks, il
est évident que c'est le degré d'implication et d'investissement
des acteurs locaux qui détermine en retour, à un instant
t, l'état, la performance, et la place du tank dans la
société paysanne. Alors qu'une relative
instantanéité caractérise les bénéfices
tirés des actions collectives comme le curage d'un tank ou le
déblaiement d'un chenal, certains changements sociaux plus profonds,
comme des changements de pratiques agricoles, ou encore l'introduction de
nouvelles techniques de prélèvements des eaux souterraines, se
matérialisent spatialement après une période de latence. A
la base de ces changements sociaux, et en adéquation avec les
potentialités du milieu naturel, la hiérarchisation sociale, et
donc son degré d'hétérogénéité,
apparaît comme une notion fondamentale. Dans les villages où la
composition sociale est bigarrée, la caste dominante représente,
on l'a vu, la seule véritable autorité ayant la capacité
de mobiliser l'ensemble des acteurs pour la réalisation d'actions
collectives, ce qui tendrait à prouver qu'une telle
hiérarchisation est un facteur de stabilité. A l'inverse, lorsque
plusieurs hautes castes détiennent des terres dans un même finage,
c'est la dynamique individualiste et capitaliste qui prévaut. Ceci se
vérifie aussi dans le cas où, comme dans la vallée de
Cumbum, les sources d'approvisionnement en eau sont nombreuses et où
donc les problèmes de raréfaction sont peu habituels, ce qui
permet le développement d'une agriculture marchande
81
Discussion
par les castes dominantes, seules à pouvoir
adopter des comportements opportunistes et implanter des ferments d'innovation.
On peut enfin préciser que les villages qui présentent une
certaine uniformité sociale sont davantage susceptibles d'observer des
comportements de coopération que des villages à forte
hétérogénéité sociale.
La vie quotidienne
Les changements observés impliquent des
modifications au quotidien dans la conduite des exploitations au quotidien,
ainsi que des bouleversements d'ordres sociaux plus généraux. La
plupart de ces évènements sont liés, de près ou de
loin, à la Révolution verte des années 1960.
L'introduction des variétés hybrides à hauts rendements,
ainsi que les politiques énergétiques, ont favorisé,
dès le début, les plus gros propriétaires. Ceux-ci ont
accusé un avantage décisif sur les petits paysans,
essentiellement en raison de leurs capacités financières plus
élevées. Ceci se caractérise actuellement par un
inégal accès aux réserves souterraines, et des
degrés de diversification différents. Les évolutions de la
vallée de Cumbum et des system tanks du TMC sont l'expression
spatiale de l'intensification agricole, qui implique aussi la modification des
flux de travail établis. Au regard de ces changements et des
évolutions des états de surface du lit des tanks, on peut penser
qu'une érosion de la performance de ces tanks va de pair avec une plus
grande diversification agricole. Cela pourrait correspondre à une
première phase (déclin des tanks), à laquelle
succède, ou succédera d'ici peu, la baisse des niveaux
piézométriques des nappes phréatiques. La durée de
la période intermédiaire sera fonction des réserves
souterraines disponibles, des choix individuels des agriculteurs et de la
politique des organisations villageoises. L'ensemble de ces facteurs
conditionne l'organisation du monde rural, faite de contraintes et
d'opportunités. On peut enfin relever que les changements sociaux, tels
que les migrations, réduisent la force de travail des foyers et donc la
possibilité de participer aux actions collectives de
maintenance.
4.1.3 Quelles sont les dynamiques qui tendent à
se développer dans le bassin versant de la Vaigai-Periyar ?
L'augmentation de la pression sur la
ressource
En raison des prélèvements excessifs
d'eaux souterraines dont le rythme est souvent supérieur à celui
de la recharge, les stocks d'eaux tendent à se raréfier et le
problème de l'épuisement de la ressource se pose avec
acuité. Ceci entraîne une double conséquence : un impact
social en raison de la compétition à laquelle se livrent les
agriculteurs et un impact environnemental en raison du rôle
écologique des nappes phréatiques. Les pollutions d'origines
anthropiques, et plus singulièrement agricoles, limitent, en second
lieu, les stocks d'eau utilisables (Janakarajan et al., 2002). On a
toutefois vu que, dans certains cas, un nombre élevé de puits en
nanjai ne signifiait pas un mauvais état général
des tanks, ce qui pourrait être le signe que certains villageois aient
intégré le rôle positif du tank en tant que bassin de
percolation (cf. partie 2). Les tanks de certaines zones, comme en
karicalkatu, semblent toutefois entraînés dans une
spirale de dégradation que les comportements actuels ne semblent pas en
mesure d'enrayer. A cela, il faut bien entendu ajouter la variabilité
naturelle des précipitations qui représente la source principale
du risque agricole.
La multiplication du nombre des conflits
d'usage
Les conflits d'usage sont fréquents lorsque
l'on considère l'utilisation des ressources naturelles renouvelables. Ce
cas de figure, déjà existant, tend à se multiplier dans
les années
82
Discussion
futures, et à plus forte raison dans les zones
qui sont sujettes à un désintérêt vis-à-vis
des eaux du tank au profit des eaux souterraines. Les relations entre ceux qui
ont l'accès, et ceux qui ne l'ont pas, risque donc de se
dégrader. Dans ce cadre, les jeux de pouvoir sont susceptibles de
prendre de l'importance dans les dénouements finaux. Néanmoins,
le contexte semi-aride étant un facteur très limitant de la
disponibilité en eau, on peut penser que des comportements rationnels,
s'inscrivant sur le long terme, succéderont à des comportements
que l'on peut juger irresponsables et versatiles. Dans tous les cas, le pouvoir
politique va sans doute faire face à une complexification de la
situation d ans les campagnes.
Des inégalités difficiles à
résorber
La modernisation de l'agriculture et son
évolution vers une agriculture productiviste affecte diversement les
strates de la société. Alors qu'on pouvait penser que les
nouvelles méthodes et les nouveaux objectifs affaibliraient les concepts
de pureté rituelle et de castes, l'intégration au marché
s'est accompagnée d'une adaptation de la société aux
nouveaux modèles, sans pour autant remettre en cause ses fondements
culturels et historiques (Guru, 2004). Le processus de globalisation n'a donc
pas créé de nouvelles opportunités pour les intouchables,
pas plus qu'il ne leur promet un avenir décent. La dépendance au
tank est, pour nombre d'entre eux, plus forte que pour le reste de la
population (Balasubramanian et al., 2003). L'accès aux eaux
souterraines s'avérant de plus en plus coûteux et de plus en plus
risqué, seul les principaux propriétaires terriens sont capables
de maintenir un approvisionnement acceptable et suffisant pour sécuriser
une part de leurs cultures. La co-propriété des puits pourrait
s'avérer être un moyen efficace de coopération. Les
exemples nombreux de conflits entre co-propriétaires peut toutefois
faire douter de l'efficacité réelle de ce principe (Janakarajan
et al., 2002). Il est ainsi probable que ce soit les zones, telles que
celle de mankalanatu, basées sur un haut niveau de
coopération, qui soient les plus efficaces en termes
d'égalité dans l'accès à l'eau.
4.2 Les perspectives d'une gestion intégrée
de l'eau et d'une agriculture durable
4.2.1 Le maintien des actions collectives
Assurer le renouvellement des stocks d'eau et enrayer
le creusement des inégalités dans l'accès à l'eau
doivent devenir des priorités. Plusieurs éléments
amènent à penser que seuls un haut niveau de coopération
et d'actions collectives pourront permettre de répondre à ces
objectifs. L'individualisation des stratégies est un acte de
désolidarisation qui promeut les comportements économiquement
rationnels au dépend de la collectivité et des biens communs.
Certains exemples précis montrent que les propriétaires de puits
profitent des avantages du tank sans en supporter les contreparties
financières. On peut qualifier ces individus de passagers clandestins.
Conformément à la métaphore de la tragédie des
communs, ceux-ci peuvent être définis comme des agents
économiques usant d'un bien collectif et ne payant pas leurs
quotes-parts qui est alors supportée par les autres passagers (Ostrom,
2000). C'est pourtant l'ensemble de la collectivité qui pâtirait
d'un épuisement généralisé de la ressource. Comme
c'est le cas pour certains cycles naturels, il existe la plupart du temps des
seuils qui, une fois atteints, peuvent engendrer un emballement du
système. Des mesures devraient donc limiter les abus et rétablir
un certain équilibre entre les cycles naturels et l'utilisation des
ressources par les hommes.
On peut donc envisager les actions collectives comme
des actes solidaires, utiles à tous et écologiquement
nécessaires. Leur banalisation passe par un discours et par une
communication efficace et réaliste, mais aussi par une intervention de
l'état qui doit organiser
83
Discussion
les prélèvements et la gestion des
ressources, en créant des organismes de régulation et de
contrôle, et qui devraient aussi avoir un pouvoir coercitif.
4.2.2 Une gestion qui intègre les
différences territoriales et qui limite les conflits d'usage
Par la méthodologie employée, nous avons
pu relever que l'étude de certains phénomènes
s'avère optimale lorsque l'on considère plusieurs échelles
d'analyse. Ceci est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit de réseaux
hydrologiques qui sont spatialement délimités. Une gestion
adaptée aux problématiques traitées ici correspondrait
à intégrer à la réflexion, les analyses à
différentes échelles. Dans le cas du bassin versant de la
Vaigai-Periyar, cela inciterait à adopter une gestion des ressources en
eau à au moins deux niveaux : une coordination entre tous les acteurs
à travers le bassin versant, ainsi qu'une articulation des
décisions à un niveau plus localisé, en prenant en compte
les sous-unités homogènes (selon les systèmes culturaux,
la disponibilité de l'eau sous différentes formes, le support
physique et la structure sociale). Ceci pourrait permettre des
réflexions et des actions qui intègrent la multitude et la
diversité des problématiques. Les Agences de bassin, en France,
semblent correspondre à un exemple efficace d'une telle
intégration. Il est toutefois nécessaire de placer les acteurs
locaux au centre des décisions. En effet, lorsque la mise en vigueur de
règles émane de décisions consenties par les usagers
eux-mêmes, la gestion s'avère être plus durable et plus
efficace (Ostrom, 2000). Pour ce faire, les organisations locales, officielles
et informelles, doivent avoir les moyens financiers et coercitifs
nécessaires pour exercer leur contrôle. Ceci passe, en partie, par
une utilisation plus rationnelle des produits du tank. En définitive,
pour être socialement acceptable et écologiquement durable, la
gestion doit donc s'appuyer sur des objectifs s'organisant autour des notions
d'équité (répartition des ressources), de
solidarité, de neutralité écologique, de conservation et
de rationalité économique (cette dernière étant
dépendante des autres). Ceci peut contribuer, enfin, à
résorber les conflits d'usage et à participer, à ce qu'il
est convenu d'appeler, la bonne gouvernance. Un autre objectif pour ces espaces
ruraux consisterai aussi à développer plus largement des emploi
non agricoles, qui permettraient non seulement de fixer les populations pour
éviter qu'elles aillent grossir les banlieues des villes, mais aussi de
limiter l'utilisation agricole des ressources en eau.
4.2.3 La valorisation des produits du tank
Pour renforcer les liens communautaires et enrayer la
diminution des stocks d'eau, il est fondamental de rétablir la place du
tank dans le paysage rural. Valoriser le tank et ses produits
dérivés revient à reconnaître son rôle
écologique, économique et social pour la paysannerie locale. Dans
tous les cas, les multiples usages du tank doivent être pris en compte
pour évaluer sa performance, de même qu'il doivent
générer plus de bénéfices pour réduire les
maux dont est victime le tank (dégradation des structures et
comblement). On peut classer, par ordre décroissant d'importance, les
principaux usages rattachés au tank : (i) l'irrigation, (ii) le
pâturage, (iii) la pêche, et (iv) les usages domestiques
(Palanisami et al., 2001). Si l'on considère les
bénéfices dégagés par rapport à la surface
occupée, l'irrigation arrive loin devant, suivie de la foresterie
sociale puis dans une moindre mesure, la pêche (idem). Il
semblerait donc important d'élargir les initiatives liées
à la foresterie sociale, compte tenu, non seulement, de sa
rentabilité économique mais aussi en raison de son rôle
primordial dans la lutte contre l'érosion des sols et contre les
empiétements illégaux (habitations et cultures). L'utilisation
des sédiments fins, déposés dans le lit des tanks, pour
fertiliser les terres agricoles irriguées et pluviales devrait aussi
être plus intensive dans le cadre d'une gestion intégrée
des tanks. Il est aussi envisageable de les utiliser afin de rehausser les
berges du tank Cela répondrait à deux objectifs : rétablir
la capacité originelle du tank et limiter l'utilisation
84
Discussion
des engrais chimiques sur les terres agricoles. Il
serait toutefois nécessaire de réduire la
pénibilité de ces travaux qui, de manière traditionnelle,
sont effectués manuellement. Des associations villageoises pourraient
ainsi coopérer pour acquérir et entretenir des engins
mécanisés, des charrettes et des boeufs, avec un endettement
modique grâce à la microfinance. En conclusion, il semble qu'il y
ait une sous-utilisation chronique des potentiels du tank ainsi qu'un
déficit de coordination entre les acteurs et les institutions en charge
de mettre en place les plans de valorisation (plans de conservation des sols,
de reforestation, opérations de curage, etc.).
4.2.4 Les possibilités d'optimiser les
systèmes culturaux
Dans cet objectif, il serait utile en premier lieu de
limiter les apports d'engrais au strict nécessaire. Ceci
empêcherait une pollution excessive des nappes ainsi qu'une probable
eutrophisation des tanks, caractérisée par la présence de
la jacinthe d'eau. Des techniques spécifiques peuvent aussi retreindre
l'utilisation d'herbicides. Ainsi, une pré-irrigation permet le
développement des adventices avant la culture de riz, facilitant leur
élimination ultérieure (Chaudhary et al., 2003). Il
faudrait toutefois mesurer avec précision l'augmentation des rendements
que permet cette technique par rapport à la quantité d'eau
utilisée. De même, un repiquage effectué dès la mise
en eau de la parcelle défavorise les mauvaises herbes qui commencent
tout juste à germer. L'entretien régulier des chenaux par les
ayacutdars tendrait aussi à réduire aussi les sources
d'infestations des eaux d'irrigation. Certaines techniques très simples
peuvent aussi contribuer à répondre aux besoins
spécifiques des plantes. Tel est le cas du tableau de couleur des
feuilles (LCC : leaf color chart) qui aide les agriculteurs à mesurer
l'intensité de la couleur des feuilles. Celle-ci étant
liée à la teneur en chlorophylle et à l'état de
l'azote foliaire, la correspondance avec les couleurs du tableau permet de
déterminer le moment et la quantité d'azote à
épandre (Chaudhary et al., 2003). L'optimisation des
quantités d'azote réduit les frais d'intrants et diminue le
risque financier. Les paysans devraient donc, dans une certaine mesure, adopter
de véritables stratégies d'entrepreneurs pour s'éviter des
frais inutiles. Un des moyens reconnu efficace pour réduire les risques
passe par la diversification des cultures pratiquées. Tous ces
éléments concernent les activités des propriétaires
terriens, ainsi que ceux des tenanciers. Les sans-terre sont, quant à
eux contraints de suivre le mouvement général en
s'adaptant.
4.3 Avantages et limites de la méthodologie
employée
Les bénéfices liés à
l'utilisation de la télédétection sont nombreux, mais ils
sont généralement accrus, une fois les analyses terminées,
par un travail de terrain qui permet de confirmer ou d'infirmer certaines
hypothèses de départ. Cette analyse se prête
particulièrement au travail effectué sur les états de
surface du lit des tanks. Les informations relatives à la
végétation permettent d'obtenir des renseignements sur le
degré d'activité chlorophyllienne ou sur le taux de recouvrement.
En croisant ces informations à des données tirées de
travaux de terrain, il a été possible, pour certaines
régions (vallée de Cumbum, sous-bassin de Sarugani), d'obtenir
des rendus cartographiques d'une grande fiabilité pour certaines classes
de végétation. Toutefois, lorsque certaines informations viennent
à manquer, l'interprétation s'avère plus difficile et
surtout moins précise. Il a ainsi été difficile
d'appréhender au plus juste le type de végétation, et donc
le stade phénologique des végétaux présents dans le
lit des tanks. Un des atouts essentiel de la télédétection
réside dans la possibilité d'articuler les analyses à
différentes échelles. Cette qualité a pu être
totalement exploitée ici à travers le bassin versant et ses
sous-unités. Les dates d'acquisition des images sont
particulièrement importantes lorsqu'on étudie l'évolution
des cultures et des stocks d'eau dans les tanks, en
85
Discussion
raison du facteur climatique et de la
saisonnalité des précipitations. Il est appréciable que
les dates d'acquisition des images disponibles aient permis la
réalisation de cartes diachroniques. Toutefois, il aurait
été positif de travailler sur un éventail plus large
d'images afin d'étayer et d'enrichir la réflexion.
L'absence ou le faible nombre de données
relatives aux précipitations ou aux contributions des acteurs dans la
gestion des tanks fut aussi une contrainte dans l'élaboration de la
méthode dialectique. De manière générale, ce
travail aura permis d'appréhender les principaux changements agricoles
du bassin versant et de ses sous-unités. Il constitue en ce sens un
travail de fond, discriminant les
hétérogénéités spatiales qui sont
associées à des dynamiques spécifiques. Il pourrait donc
constituer une première étape importante d'une étude plus
détaillée de l'ensemble du bassin versant, exportable à
d'autres sous-régions de l'Inde péninsulaire où les
problèmes d'évolution historique de la gestion de la ressource en
eau sont comparables.
Discussion
Figure 33 - Schéma général des
évolutions agricoles dans le bassin versant de la
Vaigai-Periyar
86
87
Conclusion
Il est apparu, tout au long du travail, que les tanks
ne présentent pas une dynamique uniforme sur l'ensemble du bassin
versant. Selon l'échelle et les territoires considérés,
des éléments différents interviennent dans
l'affaiblissement, ou au contraire, dans le renforcement ou la stabilisation
des systèmes basés sur l'irrigation par tanks. Si, au niveau
régional, les facteurs physiques (réseau hydrographique,
topographie, sols) permettent d'interpréter de manière
satisfaisante l'agencement des tanks dans l'espace, il faut, au niveau local,
s'appuyer sur des variables plus diversifiées pour comprendre les
évolutions récentes du paysage rural. Ainsi, sur certains espaces
contigus ou géographiquement proches, et en réponse à des
structures internes différentes, des dynamiques opposées ont
émergé durant les dernières décennies. Cela
démontre, en particulier, l'importance qu'il convient d'accorder aux
paramètres, aussi bien endogènes qu'exogènes, susceptibles
de modifier la structure sociale ou les comportements individuels des acteurs.
Car si l'environnement naturel peut favoriser, voire accélérer
certains processus physiques (érosion, comblement), les choix
individuels et collectifs représentent le facteur déterminant
dans le déclin ou la stabilisation des tanks.
Dans un tel cas de figure, il est apparu
nécessaire de ne faire abstraction d'aucun élément du
système et de n'omettre aucune hypothèse sur les interactions
possibles entre ces éléments. L'articulation des observations
à plusieurs échelles et l'intégration de données
pluridisciplinaires ont donc participé à la mise en place d'une
analyse systémique, adaptée à l'étude d'objets
complexes réfractaires aux approches de compréhension classiques
et sectorisées. La complexité des systèmes agricoles
indiens n'a effectivement pas pu être abordée à partir des
concepts d'un seul champ disciplinaire. Elle s'exprime aussi à travers
les résultats disparates obtenus.
La période observée, c'est-à-dire
des années 1970 aux années 2000, a été le
siège de bouleversements mondiaux d'ordre géopolitique et
économique. Les changements opérés au lendemain de la
décennie des années 1980 ont profondément modifié
les objectifs, accru la concurrence et restructuré de nombreux secteurs
d'activité, dont l'agriculture. Tous ces éléments
contribuent à accélérer le processus de modernisation aux
dépens des systèmes traditionnels dont font partie
intégrante les tanks. Même si il est difficile d'évaluer et
de quantifier les répercussions de ces changements globaux à
l'échelle de l'exploitation agricole ou de celle de l'ouvrier agricole,
il semble que l'accroissement de la pression sur la ressource en eau,
exacerbée par des prélèvements excessifs d'eaux
souterraines, soit un signal fort de la restructuration des méthodes de
production agricoles, insufflée par une frange de la population (hautes
castes ou castes dominantes) en direction d'une financiarisation et d'une
marchandisation accrue des produits de l'agriculture. Alors que les
problèmes inhérents aux tanks au cours du 19ème
siècle et dans la première moitié du
20ème siècle étaient principalement le
résultat d'une difficulté à entreprendre des actions
collectives, corsé par l'interventionnisme de l'administration
britannique, les difficultés actuelles sont, en plus, liées
à l'intégration de l'agriculture au marché, qui est un
facteur immatériel déterminant mais difficile à cerner.
L'augmentation des intrants utilisés est toutefois une des
conséquences directes de la modernisation agricole qui accroît le
risque pour les petits paysans en diminuant leur autonomie managériale.
Dans ce cadre, les tanks répondent de moins en moins aux exigences sur
le court terme des nouveaux systèmes de productions, plus grands
consommateurs d'eau. La vallée de Cumbum est un exemple probant de cette
intensification qui s'appuie sur une pluralité de sources d'irrigation.
Dans un tel système, et à l'échelle de la vallée,
les tanks ont un rôle accessoire. Néanmoins, la baisse des niveaux
piézométriques enregistrée dès les années
1970 et la récurrence des années de sécheresse rend le
système particulièrement vulnérable. C'est une des raisons
pour lesquelles la revalorisation des produits dérivés du tank,
qui permet de dégager des fonds pour la collectivité et qui
réduit la vulnérabilité de tous
88
les paysans, doit être considérée
comme une nécessité. La gestion du tank doit donc se
réorganiser pour répondre de manière adéquate aux
prochains défis qui se poseront au monde agricole indien. A ce titre, la
division des modes de gestion selon la taille des ayacuts et leur
sectorisation entre system tanks et non-system tanks
apparaissent comme des éléments néfastes à une
gestion intégrée au niveau régional. Au niveau des
villages, c'est davantage le manque de concertation et de coopération
entre les ayacutdars qui a amorcé le déclin des tanks.
Si certains espaces dans le sous-bassin de Sarugani, que l'ont pourrait
d'ailleurs assimiler à des terroirs, dans la mesure où ils
présentent une base de ressources homogène, voient leurs tanks
intégrés socialement, écologiquement et
économiquement, il faut rappeler que ce sont les conditions
environnementales et culturelles particulières qui en sont les
responsables, et que l'on ne les retrouve dans aucune autre portion du bassin
versant. C'est toutefois l'exemple qui montre que des systèmes agricoles
basés sur l'irrigation par tank sont, aujourd'hui, encore
viables.
Le travail réalisé aura donc permis,
à l'échelle d'un bassin versant, de déterminer les raisons
et les facteurs contribuant au déclin des tanks, mais aussi les
disparités, les originalités et les
hétérogénéités spatiales, sociales et
culturelles rattachées au systèmes agricoles. En cela, il
constitue un outil qu'il serait intéressant de développer afin de
confirmer ou d'infirmer certaines hypothèses émises, en
particulier sur les états de surface du lit des tanks. L'approche
systémique semble, quant à elle, adaptée à de
telles problématiques qui font intervenir des logiques
économiques, des changements d'ordre idéologique, des
problèmes liés à la dégradation de l'environnement,
des conflits d'usage lié à l'utilisation de l'eau et des
questions d'éthique et d'équité entre les
acteurs.
Annexes
89
90
Annexe 1 - Localisation des villes et districts
cités dans l'étude
Annexe 2 - Méthodologie en
télédétection
Classe eau et par extrapolation tank (Landsat
MSS)
Classification non supervisée
Lits des tanks
Mask « tank »
Classe 1
Bande 1
|
Bande 2
|
Bande 3
|
Bande 4
|
Bande n
|
ACP
Application lors de l'étude : les états de
surface
F1
Méthodologie générale en
télédétection
Classification non supervisée
Classe 2
Image satellite
Image Landsat MSS, TM, ETM+
Classification non supervisée
Interprétation des classes à
réponses spectrales différenciées
ACP
Espace total
F2
ACP
Classe 3
F3
Données sociales et physiques
Total pluviométrique de la
dernière mousson
Saison culturale Saison climatique
Facteurs à considérer
pour l'interprétation
Classe n
Date
91
92
Annexe 3 - Cartes diachroniques de l'eau
stockée dans les tanks par rapport aux différents types de sols
(section littorale du bassin versant de la Vaigai et marge
littorale)
93
Annexe 4 - Caractéristiques des bandes
spectrales de plusieurs capteurs
Capteur « Multispectral scanner »
(MSS
Bande
|
Bande spectrale
|
Domaine spectral
|
Résolution
|
Utilisation
|
1
|
0,5 - 0,6 um
|
Vert
|
79 m x 82 m
|
Zones côtières,
sédiments marins
|
2
|
0,6 - 0,7 um
|
Rouge
|
79 m x 82 m
|
Routes et zones
urbaines
|
3
|
0,7 - 0,8 um
|
Rouge
Proche Infrarouge
|
79 m x 82 m
|
Etude des
végétaux et
cartographie des
limites terre/eau
|
4
|
0,8 - 1,1 um
|
Proche Infrarouge
|
79 m x 82 m
|
Etude des
végétaux et
cartographie des
limites terre/eau
|
Capteur « Thematic Mapper » (TM)
Bande
|
Bande spectrale
|
Domaine spectral
|
Résolution
|
Utilisation
|
1
|
0,45 - 0,52 um
|
Bleu
|
30 m x 30 m
|
Différenciation sol /
végétaux,
zones côtières
|
2
|
0,52 - 0,60 um
|
Vert
|
30 m x 30 m
|
Végétation
|
3
|
0,63 - 0,69 um
|
Rouge
|
30 m x 30 m
|
Différenciation des
espèces végétales
|
4
|
0,76 - 0,90
|
Proche infrarouge
|
30 m x 30 m
|
Biomasse
|
5
|
1,55 - 1,75 um
|
Infrarouge moyen
|
30 m x 30 m
|
Différenciation neige/nuage
|
6
|
10,4 - 12,5 um
|
Infrarouge thermique
|
120 x 120 m
|
Thermique
|
7
|
2,08 - 2,35 um
|
Infrarouge lointain
|
30 m x 30 m
|
Lithologie
|
Capteur « Enhanced Thematic Mapper + »
(ETM+
Bande
|
Bande spectrale
|
Domaine spectral
|
Résolution
|
Utilisation
|
1
|
0,45 - 0,515 um
|
Bleu
|
30 m x 30 m
|
Différenciation sol /
végétaux,
zones côtières
|
2
|
0,525 - 0,605
|
Vert
|
30 m x 30 m
|
Végétation
|
3
|
0,63 - 0,69 um
|
Rouge
|
30 m x 30 m
|
Différenciation des
espèces végétales
|
4
|
0,75 - 0,90 um
|
Proche infrarouge
|
30 m x 30 m
|
Biomasse
|
5
|
1,55 - 1,75 um
|
Infrarouge moyen
|
30 m x 30 m
|
Différenciation neige/nuage
|
6
|
10,4 - 12,5 um
|
Infrarouge thermique
|
60 m x 60 m
|
Thermique
|
7
|
2,09 - 2,35 um
|
Infrarouge lointain
|
30 m x 30 m
|
Lithologie
|
PAN
|
0,50 - 0,90 um
|
Panchromatique
|
15 m x 15 m
|
|
94
Annexe 5 - Données pluviométriques du
district de Ramanathapuram
Année
|
total
|
Janvier
|
Février
|
Mars
|
Avril
|
Mai
|
Juin
|
Juillet
|
Août
|
Septembre
|
Octobre
|
Novembre
|
Décembre
|
1936
|
965,4
|
0
|
35,6
|
38,6
|
6,9
|
32,8
|
35,3
|
70,4
|
13,5
|
163,1
|
121,7
|
267,2
|
180,3
|
1937
|
561,9
|
8,9
|
0
|
19,1
|
57,4
|
11,9
|
17
|
5,1
|
130,1
|
29,7
|
89,1
|
189,5
|
4,1
|
1938
|
785,5
|
0
|
91,2
|
55,9
|
51,3
|
38,3
|
4,1
|
171,7
|
80
|
44,5
|
74,2
|
58,2
|
116,1
|
1939
|
896,6
|
79,3
|
16,8
|
14,7
|
127,8
|
56,1
|
24,1
|
0
|
49
|
88,1
|
227,1
|
207
|
6,6
|
1940
|
969,5
|
0
|
1,5
|
23,6
|
104,1
|
57,4
|
26,4
|
69,9
|
24,6
|
56,4
|
134,6
|
397,3
|
73,7
|
1941
|
620,8
|
98,8
|
5,3
|
0
|
23,9
|
33
|
19,6
|
4,3
|
23,4
|
86,9
|
92,7
|
185,7
|
47,2
|
1942
|
1132,8
|
0
|
0
|
26,7
|
125,5
|
48,5
|
0
|
7,1
|
87,6
|
59,9
|
223
|
150,9
|
403,6
|
1943
|
727,2
|
144,3
|
4,3
|
7,6
|
17,5
|
47,5
|
3,6
|
51,6
|
18,8
|
58,7
|
197,6
|
161
|
14,7
|
1944
|
908
|
1,3
|
14,5
|
26,7
|
14,5
|
63,3
|
0
|
20,3
|
151,4
|
165,1
|
153,7
|
175,5
|
121,7
|
1945
|
531
|
0
|
1,3
|
10,7
|
38,7
|
5,6
|
23,9
|
26,9
|
102,1
|
27,7
|
76,5
|
165,3
|
52,3
|
1946
|
1285,8
|
4,1
|
5,1
|
123,7
|
44,2
|
101,9
|
30,2
|
65
|
41,9
|
55,1
|
157,2
|
292,1
|
365,3
|
1947
|
883,1
|
98,3
|
63,5
|
131,3
|
184,9
|
0
|
13,5
|
56,4
|
51,3
|
149,3
|
113,5
|
7,9
|
13,2
|
1948
|
587,6
|
51,1
|
16,5
|
2,8
|
5,6
|
30
|
10,2
|
26,4
|
78,5
|
0
|
80,3
|
267,7
|
18,5
|
1949
|
749,8
|
66
|
0
|
0
|
126
|
75,7
|
20,3
|
59,4
|
97,8
|
90,7
|
141
|
66,8
|
6,1
|
1950
|
746,8
|
9,1
|
191
|
26,2
|
40,1
|
12,2
|
7,9
|
35,3
|
216,7
|
36,1
|
123,4
|
12,5
|
36,3
|
1951
|
829,1
|
12,7
|
3,8
|
34,4
|
271,8
|
17,8
|
0
|
63,7
|
39,9
|
59,4
|
114,8
|
210,8
|
0
|
1952
|
499,1
|
5,6
|
85,3
|
0
|
69,3
|
35,1
|
0
|
19,6
|
90,9
|
30
|
44,2
|
90,4
|
28,7
|
1953
|
716,3
|
5,3
|
39,6
|
0
|
95
|
9,9
|
23,9
|
40,1
|
47
|
48,5
|
210,1
|
178,1
|
18,8
|
1954
|
891,5
|
119,4
|
0
|
111,5
|
68,3
|
0
|
73,9
|
112,3
|
56,1
|
17
|
231,1
|
53,6
|
48,3
|
1955
|
656,9
|
4,8
|
5,1
|
2,5
|
119,9
|
28,5
|
14,2
|
19,6
|
12,5
|
109,5
|
174,5
|
123,4
|
42,4
|
1956
|
586
|
26,9
|
0
|
0
|
3,8
|
11,7
|
44,5
|
0
|
102,9
|
46,5
|
191,5
|
151,1
|
7,1
|
1957
|
454,7
|
4,1
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
170,2
|
209
|
71,4
|
1958
|
476,7
|
2,5
|
0
|
14,5
|
38,6
|
83,4
|
2,3
|
0,5
|
95,5
|
15,7
|
108,5
|
99,7
|
15,5
|
1959
|
614,2
|
0
|
0
|
0
|
37,8
|
16,4
|
110
|
0
|
7,2
|
39
|
164,7
|
162
|
77,1
|
1960
|
895,5
|
0
|
50
|
0
|
133
|
47
|
32
|
178,7
|
41
|
78,1
|
121
|
205,7
|
9
|
1961
|
591,3
|
76
|
76
|
0
|
0,1
|
0
|
26
|
22,1
|
50,4
|
104,3
|
110
|
91,4
|
35
|
1962
|
476,4
|
0
|
0
|
27
|
7,9
|
48,5
|
32
|
14
|
60
|
27
|
180
|
54
|
26
|
1963
|
938,5
|
105
|
0
|
66
|
121
|
0
|
17,5
|
25,9
|
68
|
73,3
|
73,3
|
291,2
|
97,3
|
1964
|
675,3
|
9
|
0
|
29,4
|
0
|
36,8
|
0
|
210
|
31
|
59,1
|
94
|
14
|
192
|
1965
|
783,2
|
6
|
17
|
16
|
90,5
|
82,1
|
0
|
53
|
81
|
10
|
141,2
|
132,1
|
154,3
|
1966
|
879,5
|
0
|
48
|
3
|
27,5
|
10
|
28
|
60
|
44
|
41
|
226
|
254
|
138
|
1967
|
1086
|
10
|
0
|
16
|
37
|
22
|
73
|
0,6
|
49
|
74,6
|
392,8
|
191,9
|
219,1
|
1968
|
738,9
|
0
|
0,1
|
73,5
|
156
|
19
|
31,4
|
2
|
0,2
|
92,8
|
112,2
|
228
|
23,7
|
1969
|
581,6
|
4,2
|
27,5
|
0
|
34
|
10
|
13
|
2
|
119
|
8
|
120,1
|
123,1
|
120,7
|
1970
|
684,9
|
24,3
|
25
|
0
|
161,5
|
48,5
|
15
|
5
|
56,5
|
24,8
|
248,3
|
62
|
14
|
1971
|
887,3
|
0
|
6
|
47
|
80
|
36
|
0
|
28,5
|
217
|
71
|
110,2
|
11,6
|
280
|
1972
|
735,4
|
9,6
|
0
|
0
|
20
|
116
|
8
|
17,8
|
13,4
|
147,4
|
301,6
|
44,6
|
57
|
1973
|
401,8
|
0
|
0
|
0
|
12
|
19,8
|
11,4
|
25,6
|
34,8
|
16,8
|
178
|
34
|
69,4
|
1974
|
415,5
|
0
|
38,2
|
17,6
|
11,2
|
35,5
|
8
|
26,6
|
24,4
|
100,2
|
98,3
|
16
|
39,5
|
1975
|
457,5
|
3
|
2
|
32
|
21,4
|
26,9
|
0
|
43
|
63
|
63,2
|
104,9
|
48,9
|
49,2
|
1976
|
425,8
|
0
|
0
|
24,4
|
37,4
|
4,5
|
42
|
16
|
11
|
61,2
|
57,9
|
120,2
|
51,2
|
1977
|
1160,6
|
4,7
|
53,4
|
10,9
|
40,4
|
103,4
|
26,9
|
38,9
|
60,9
|
83,5
|
454,9
|
282,7
|
0
|
1978
|
714,9
|
0
|
0
|
0
|
23,1
|
37,1
|
32
|
45,3
|
9,3
|
60,3
|
142,8
|
108,8
|
256,2
|
1979
|
706,9
|
1
|
32,5
|
6,9
|
9
|
8,5
|
11,8
|
21,3
|
29,9
|
61,5
|
99,9
|
341,6
|
83
|
1980
|
646,1
|
0
|
0
|
9,2
|
73,6
|
55
|
15,6
|
27,1
|
28,9
|
111,3
|
150
|
132,6
|
42,8
|
1981
|
974,8
|
6,6
|
1,5
|
8,1
|
18,9
|
83,4
|
9,3
|
123,9
|
47,5
|
166,6
|
250,5
|
132
|
126,5
|
1982
|
657,3
|
0
|
0
|
6,6
|
13,2
|
32
|
11,9
|
8,3
|
4,9
|
33,7
|
132,3
|
306,8
|
107,6
|
1983
|
754,3
|
0
|
0
|
0
|
5,1
|
30,2
|
32
|
14
|
27,8
|
32,7
|
116,6
|
186,8
|
309,1
|
1984
|
876,6
|
64,5
|
203,3
|
124,9
|
125,3
|
0,4
|
0,2
|
38,2
|
25,8
|
53,7
|
50,7
|
127
|
62,6
|
95
1985
|
834,7
|
187,8
|
27,4
|
48,9
|
7,5
|
14,5
|
15,3
|
26,9
|
57,7
|
110,7
|
53,7
|
207,9
|
76,4
|
1986
|
589
|
25,2
|
24,4
|
5,6
|
17,9
|
25,9
|
0,7
|
27,2
|
3
|
44,9
|
141,4
|
130,7
|
142,1
|
1987
|
742,9
|
2,7
|
0
|
10,8
|
3,8
|
27,6
|
8
|
5,7
|
12,9
|
50,4
|
290,5
|
163,6
|
166,9
|
1988
|
480,7
|
0
|
2,6
|
27,9
|
101
|
7,9
|
27,1
|
18,6
|
57,3
|
48,6
|
17,2
|
122,5
|
50
|
1989
|
665,2
|
5,6
|
0
|
45,4
|
39,8
|
26,7
|
34,1
|
40,2
|
18,3
|
61,5
|
175,7
|
153,2
|
64,7
|
1990
|
880,1
|
164,7
|
0
|
6,6
|
5
|
55,3
|
3,6
|
3,7
|
25
|
60,7
|
280,3
|
184,2
|
91
|
1991
|
650,4
|
86,1
|
12,6
|
19,9
|
25,3
|
4,7
|
33
|
2,3
|
15,5
|
42,7
|
196,7
|
154,5
|
57,1
|
1992
|
737,7
|
0,5
|
0
|
0
|
22
|
43,8
|
6,6
|
9,9
|
23,8
|
62,5
|
126,2
|
323,5
|
118,9
|
1993
|
1074,4
|
4,5
|
2,2
|
0
|
2,4
|
21
|
36,9
|
8,6
|
15
|
34,4
|
230,4
|
414,9
|
304,1
|
1994
|
634,1
|
12,4
|
34,7
|
3,3
|
37,8
|
15,7
|
3,8
|
7,8
|
5,2
|
8,1
|
247,5
|
249,9
|
7,9
|
1995
|
431
|
52,6
|
0,3
|
5,4
|
12,4
|
53,5
|
16,3
|
18,7
|
14,7
|
10,2
|
130,3
|
107,7
|
8,9
|
1996
|
790,2
|
21,6
|
1,2
|
0
|
56,6
|
5,1
|
66,4
|
14,1
|
25,7
|
69,6
|
267,1
|
120
|
142,8
|
1997
|
966,1
|
8,1
|
0
|
7,8
|
26,4
|
34,8
|
6,3
|
18,2
|
2,7
|
42,2
|
240,8
|
340,5
|
238,3
|
1998
|
858,5
|
45,2
|
0
|
0
|
4,8
|
87,9
|
2
|
83,4
|
59
|
50
|
73,9
|
234,5
|
217,8
|
1999
|
549,9
|
50,1
|
48,5
|
0
|
31,1
|
12,6
|
3,3
|
3,7
|
13,5
|
25,1
|
202,3
|
118,1
|
41,6
|
2000
|
902
|
94,4
|
84
|
11,4
|
19,6
|
6,1
|
20,7
|
4,3
|
13,1
|
145,8
|
90,7
|
220,3
|
191,6
|
2001
|
730,6
|
33,4
|
9,2
|
0
|
117,7
|
11,4
|
34,5
|
33,7
|
11,4
|
28,1
|
176,5
|
193,7
|
81
|
2002
|
950,1
|
0
|
220,3
|
0
|
5,4
|
74,9
|
10,7
|
0
|
4,3
|
13
|
298,6
|
229,5
|
93,4
|
2003
|
566,9
|
0
|
0
|
9,1
|
41,3
|
57,6
|
9,8
|
12,7
|
31,6
|
11
|
107,7
|
276,4
|
9,7
|
2004
|
1174,3
|
0
|
5,3
|
1
|
7,7
|
138,9
|
8,3
|
18,7
|
9
|
189,2
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399,4
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258,3
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http://dacnet.nic.in/rice/Status%20Paper.htm#Compiled%20Contents
Wikipedia:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Accueil
100
Liste des figures
Figure 1- Carte de localisation du Tamil Nadu
9
Figure 2 - Données pluviométriques du
district de Ramanathapuram de 1936 à 2004 11
Figure 3 - Diagramme pluviométrique des
moyennes mensuelles du district de
Ramanathapuram de 1936 à 2004 12 Figure 4 -
Organisation schématique et réelle des tanks : A-
Rainfed tank ; B- System tanks
;
C- Cascade tanks
15 Figure 5 - Diagrammes annuels des précipitations, de
l'ETP et de l'ETP/2 à Madurai et
Pamban 23
Figure 6 - Schéma résumant les
différentes contraintes exercées sur la ressource 25
Figure 7- Profil longitudinal de la Vaigai-Periyar
dans la zone étudiée 29
Figure 8- Carte des densités, et des
populations, des 13 taluks du bassin versant de la Vaigai-
Periyar en 1991 30 Figure 9 - Cartes des
systèmes d'irrigation, et des cultures irriguées, dans le bassin
versant de
la Vaigai-Periyar 32
Figure 10 - Profil spectral de l'eau 33
Figure 11 - Diagrammes des écarts-types
à la moyenne pour 34 stations du Tamil Nadu 34
Figure 12 - Carte générale des tanks du
bassin versant de la Vaigai et de sa marge littorale 35
Figure 13 - Etats des structures des tanks
sélectionnés 36
Figure 14 - Localisation des system tanks
et des non-system tanks
étudiés 37
Figure 15 - Cartes des taux de comblement des tanks
sélectionnés 38
Figure 16- Nombre et type d'employés
chargés des opérations d'irrigation dans les tanks
sélectionnés 40
Figure 17 - Principales actions des fonctionnaires
41
Figure 18- Contributions du PWD et des
ayacutdars dans les opérations de maintenance
et de
réparations des tanks 42 Figure 19-
Diagramme par écart-types à la moyenne des totaux annuels
pluviométriques de
Ramanathapuram 44 Figure 20 - Cartes des
états de surface du lit des tanks dans la partie aval du bassin versant
de
la Vaigai-Periyar 48 Figure 21 - Cartes des
états de surface du lit des tanks de la section médiane du bassin
versant
de la Vaigai-Periyar 51 Figure 22 - Cartes des
états de surface du lit des tanks de la partie aval du bassin versant de
la
Vaigai-Periyar et de sa marge littorale 54
Figure 23 - Carte de la dynamique de l'eau à
trois dates 55
Figure 24 - Coupes transversales de la vallée
de Cumbum 56
Figure 25 - Comportements spectraux dans la
vallée de Cumbum 58
Figure 26 - Diagramme pluviométrique annuel de
Teni 58
Figure 27 - Cartes de l'occupation du sol dans la
vallée de Cumbum 60
Figure 28 - Carte des altitudes du sous-bassin de
Sarugani 65
Figure 29 - Réponses spectrales des sols
66
Figure 30 - Cartes de l'occupation du sol de la zone
mankalanatu 69
Figure 31 - Cartes de l'occupation du sol de la zone
karicalkatu 72
Figure 32 - Cartes de l'occupation du sol
des system tanks du Thirumangalam Main Canal
77
Figure 33 - Schéma général des
évolutions agricoles dans le bassin versant de la Vaigai-
Periyar 86
101
Liste des tableaux
Tableau 1 - Etats de surface dans le lit des tanks
(partie aval) 45
Tableau 2 - Etats de surface dans le lit des tanks
(section médiane et du paléo-delta) 49
Tableau 3 - Etats de surface dans le lit des tanks
(section aval et marge littorale) 52
Tableau 4 - Etats de surface de la zone
karicalkatu 70
102
Table des matières
Sommaire 4
Introduction 6
Méthodologie 8
1. Les facettes sociales et physiques du monde rural
indien 9
1.1 L'irrigation comme réponse sociale face
à la contrainte climatique 9
1.1.1 Les caractéristiques climatiques du Tamil
Nadu 9
1.1.2 La nécessité d'augmenter la
disponibilité de l'eau par le biais des tanks 12
1.1.3 L'inscription spatiale et sociale des tanks
14
1.2 La société rurale indienne: structure
et organisation 18
1.2.1 L'organisation sociale par caste 18
1.2.2 Les modes de gestion institutionnels des tanks
20
1.2.3 L'organisation du système agricole
22
1.3 Les problématiques émergentes
25
1.3.1 La diminution des stocks d'eau souterraines
liée aux conditions d'exploitation 25
1.3.2 La dégradation des tanks 26
1.3.3 Les impacts sociaux liés aux changements
récents des systèmes agricoles 27
2. Le bassin versant de la Vaigai-Periyar, unité
régionale d'analyse spatiale et sociale des
tanks 29
2.1 L'inscription des tanks à l'intérieur
du bassin versant 29
2.1.1 Les données géographiques du cadre
d'analyse 29
2.1.2 La distribution des systèmes d'irrigation
et des principales cultures agricoles (cf.
figure 9) 31
2.1.3 Les tanks du bassin versant 33
2.2 La gestion sociale et institutionnelle des tanks :
entre tradition et modernité 36
2.2.1 Les caractéristiques structurelles et
fonctionnelles 36
2.2.2 Les gestionnaires de l'eau 39
2.2.3 L'implication des acteurs dans la gestion des
tanks 42
2.2.4 Les raisons politiques de la dégradation
43
2.3 Les changements d'états de surfaces des lits
des tanks 44
2.3.1 La partie aval du bassin versant 44
2.3.2 La section médiane et le paléo-delta
de la Vaigai 49
2.3.3 Le secteur aval et la marge littorale du bassin
versant 52
3. Des facteurs locaux, explicatifs de disparités
territoriales 56
3.1 La modernisation agricole de la vallée du
Cumbum 56
3.1.1 L'étude des dynamiques de surface par la
télédétection 56
3.1.2 L'évolution des systèmes agraires
59
3.1.3 La dynamique sociale depuis la Révolution
verte 62
3.2 Le sous-bassin de Sarugani 65
3.2.1 La zone mankalanatu
65
3.2.2 La zone karicalkatu
70
3.2.3 Comparaison des modes de gestion de la ressource
entre la zone mankalanatu et
karicalkatu 73
3.3 La multiplication des puits, et ses
conséquences sociales et environnementales 74
3.3.1 Evolutions entre 1973 et 2001 74
3.3.2 L'organisation de la gestion des ressources
75
3.3.3 Les conséquences de la multiplication des
puits 76
4. Discussion 78
4.1 Résultats 78
103
4.1.1 Comment expliquer les différences
observées dans l`agencement et la gestion des
tanks au sein du bassin versant de la Vaigai ?
78
4.1.2 Quelles ont été les évolutions
du paysage rural? 80
4.1.3 Quelles sont les dynamiques qui tendent à
se développer dans le bassin versant de
la Vaigai-Periyar ? 81
4.2 Les perspectives d'une gestion intégrée
de l'eau et d'une agriculture durable 82
4.2.1 Le maintien des actions collectives 82
4.2.2 Une gestion qui intègre les
différences territoriales et qui limite les conflits d'usage
83
4.2.3 La valorisation des produits du tank 83
4.2.4 Les possibilités d'optimiser les
systèmes culturaux 84
4.3 Avantages et limites de la méthodologie
employée 84
Conclusion 87
Annexes 89
Bibliographie 96
Sites internet consultés 99
Liste des figures 100
Liste des tableaux 101
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