IV.2 Discussion et
suggestions
Il s'agit à cette étape de poursuivre l'analyse
critique des résultats, d'en tirer les principales conclusions et de
ressortir les différentes suggestions issues des résultats
obtenus.
IV.2.1. Discussion des
résultats
Le principal objectif de cette partie est de contribuer
à l'explication des facteurs associés à
l'auto-déclaration d'un mauvais état de santé selon le
niveau de vie et le sexe au Cameroun. La présente discussion
s'articulera autour des principaux résultats obtenus.
a) Age
Plusieurs études portant sur les déterminants
socioéconomiques de la santé perçue ont montré que
les personnes âgées sont les plus nombreux à se
déclarées en mauvais état de santé (Shields et
Shooshtari, 2001 ; Bacher, 2010 ; Geitona, 2009). Les
résultats présentés dans cette étude, relatifs
à la relation entre l'âge et l'auto-déclaration d'un
mauvais état de santé, corroborent ce constat. En effet, quel que
soit son niveau de vie et son sexe, l'auto-déclaration d'un mauvais
état de santé pour un individu est une fonction croissante de son
âge. Les personnes plus âgées, indépendamment du
niveau de vie et du sexe, se déclarent plus en mauvais état de
santé que les personnes moins âgées au Cameroun.
L'association entre l'âge et la perception de la santé est
attribuée à certains facteurs tels que le départ à
la retraite et la solitude (Shields et Shooshtari, 2001). Aussi, les
problèmes physiques et la survenance des maladies ont tendance à
augmenter avec l'âge.
b) Statut matrimonial
Indépendamment du niveau de vie, les femmes veuves
s'auto-déclarent les plus en mauvais état de santé. Les
femmes mariées et celles qui sont célibataires ayant chacun la
même chance de s'auto-déclarer en mauvais état de
santé. Toutefois, chez les hommes, la relation entre statut matrimonial
et santé perçue disparaît pour les pauvres. Chez les non
pauvres par contre, ce sont les hommes mariés qui
s'auto-déclarent les moins en mauvais état de santé. Ce
résultat se justifie entre autre par le fait que le divorce affecte plus
les femmes que les hommes. En effet, les femmes divorcées et
séparées souffrent d'un manque de soutien social et de la perte
de leur statut social (Serrano-Gallardo et al, 2009). Egalement, le mariage est
un facteur plus intégrateur pour les hommes dans la mesure où il
leur confère davantage une structure sociale et leur permet de plus se
contrôler. De plus, le bonheur dans un mariage pourrait entraîner
moins de stress et de dépression (Baider, 2001 cité par
Serrano-Gallardo et al, 2009).
Ces résultats concordent non seulement avec ceux de
Serrano-Gallardo et al (2009) en Espagne où ils mettent en exergue le
lien entre le statut matrimonial et la santé perçue, mais
également avec ceux de Bacher (2010) au Danemark qui n'a pas pu
établir le lien entre la santé perçue et le statut
matrimonial.
c) Lien de parenté avec le chef de
ménage
Les comportements des individus dans un ménage, et le
soutien que l'on peut espérer bénéficier dans un
ménage sont généralement fonction du lien de
parenté de tout un chacun avec le Chef de ménage ou son conjoint.
C'est certainement pour cela que le lien de parenté avec le chef de
ménage ou son conjoint s'est révélé comme un
facteur influençant la perception qu'a un individu de son état de
santé. En effet, chez les non pauvres et indépendamment du sexe,
l'auto-déclaration d'un mauvais état de santé est fonction
décroissante du lien de parenté avec le chef de chef de
ménage. Toutefois, les chefs de ménages et les personnes sans
lien de parenté avec les chefs de ménage ont la même chance
de s'auto-déclarer en mauvais état de santé. Pa contre,
chez les pauvres et quel que soit le sexe, il n'existe pas de relation entre le
lien de parenté avec le chef de ménage/conjoint et
l'auto-déclaration d'un mauvais état de santé.
La différence observée selon le niveau de vie se
justifierait entre autre par le comportement différentiel de chaque
groupe considéré en matière de soutien aux membres du
ménage. La solidarité intra-ménage est plus forte chez les
pauvres.
d) Statut migratoire
L'auto-déclaration d'un mauvais état de
santé est-elle fonction du fait qu'on soit natif ou non de sa
localité de résidence ? D'après les résultats
de cette étude, les individus non natifs de leur localité de
résidence, indépendamment du niveau de vie et du sexe, se
déclarent plus en mauvais état de santé que les natifs de
leur localité de résidence. En effet, l'acculturation peut
conduire à des changements de comportement qui augmentent les risques
spécifiques pour la santé (Ompad et al, 2008). Aussi, les non
natifs vivent en général dans des mauvaises conditions
économiques et psychologiques qui affecteraient leur état de
santé. Ces résultats sont proches de ceux obtenus par
Lindström et al (2001) en Suède.
e) Situation d'activité
Globalement, et quel que soit le sexe, le risque de se
déclarer en mauvais état de santé augmente quand on passe
du statut de actif occupé à celui de chômeur, puis de
chômeur à inactif pour ce qui concerne les pauvres. En revanche,
chez les non pauvres et indépendamment du sexe, force est de constater
qu'en général, la probabilité de se déclarer en
mauvais état de santé augmente quand on passe du statut de actif
occupé ou d'inactif à celui de chômeur. L'exercice d'une
activité économique permet d'avoir un soutien social et la
reconnaissance des autres qui se traduisent directement et indirectement dans
une meilleure santé auto-déclarée. Ce qui n'est pas le cas
si on n'exerce pas une activité économique (Kanjanapan, 2003).
f) Niveau d'éducation
L'auto-déclaration d'un mauvais état de
santé est-elle une fonction décroissante du niveau
d'éducation ? Dans cette étude, indépendamment du
niveau de vie et du sexe, la probabilité de se déclarer en
mauvais état de santé augmente avec le niveau d'éducation.
Par contre, la plupart des travaux ont plutôt montré que les
mauvais états de santé auto-déclarés sont plus
observés chez les individus ayant des niveaux d'éducation bas. Ce
résultat plutôt contradictoire obtenu au Cameroun, pourrait se
justifier par le niveau très élevé du sous-emploi et du
chômage relativement élevé chez les individus ayant des
niveaux d'éducation élevés dans ce pays.
g) Milieu de résidence
De nombreux travaux se sont intéressés au lien
entre le milieu de résidence et la santé
auto-déclarée, et leurs résultats confirment une meilleure
santé auto-déclarée en milieu rural par rapport au milieu
urbain (Alexopoulos et Geitona, 2009). Dans cette étude, nous avons pu
établir également qu'au Cameroun, indépendamment du niveau
de vie et du sexe, les individus vivant en milieu rural sont ceux qui
présentent des meilleurs états de santé
auto-déclarée. Grigoriev et Grigorieva (2011) aboutissent eux
aussi à un résultat similaire en Biélorussie. En effet,
ils montrent qu'après ajustement les hommes et les femmes vivant en
milieu rural sont proportionnellement moins nombreux à se
déclarer en mauvais état de santé que ceux de en milieu
urbain. Cet état de santé différentiel entre les deux
groupes de la population (urbain et rural) pourrait être influencé
par un certain nombre de facteurs, dont les circonstances sociales (Bobak et
al. 2000).
h) Appartenance à au moins une association
Ne pas appartenir à une association quelconque augmente
t-il la probabilité pour un individu de se déclarer en mauvais
santé ? Au regard de nos résultats, on constate que c'est
uniquement dans le groupe des hommes pauvres que faire partir d'une association
améliore l'auto-déclaration de l'état de santé.
C'est dire que chez les hommes non pauvres, les femmes pauvres et non pauvres,
il n'existe pas de lien entre l'appartenance à au moins une association
et l'auto-déclaration d'un mauvais état de santé.
Plusieurs études ont permis de montrer que le réseau social
permet de résoudre les problèmes, de faire face avec
adversité et contrôle aux différentes circonstances de la
vie (Bacher, 2010). Cela explique entre autre les résultats obtenus chez
les pauvres au Cameroun. En effet, faire partie d'une association pour cette
tranche de la population, leur permet en général de mieux faire
face aux multiples problèmes économiques dont ils
(généralement les hommes) ont la charge. En revanche chez les non
pauvres, on pourrait penser entre autre que faire partir d'une association ne
leur fourniraient pas d'effet sensibles et directement bénéfiques
eu égard de leur situation économique déjà
avantageuse par rapport une bonne franche de la population.
i) Consommation d'alcool
Les individus qui consomment l'alcool, indépendamment
du niveau de vie et du sexe, se déclarent plus en mauvais état de
santé que ceux qui n'en consomment pas. En effet, L'impact de l'alcool
est généralement néfaste. Ainsi, la consommation d'alcool
peut s'accompagner de nombreuses conséquences dommageables sur le plan
de la santé et sur le plan social, comme l'ébriété
et la dépendance à l'alcool. (Gaumé, 2007 ; Room et
Babor, 2005). Ces résultats concordent avec ceux de Hou et Chen (2003)
au Canada.
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