_
I
Je dédie ce travail à ma mère, cette
merveilleuse dame qui de par son abnégation et son courage a su nous
inculquer l'amour du travail bien fait.
Je dédie ce travail à tous ceux qui ont cru
et continuent de croire en moi et en ma capacité de faire face aux
difficultés de la vie
Je dédie ce travail à ma fiancée
Mademoiselle VANGHA Kacou Adèle
Je dédie ce travail à mes frères,
soeurs et amis :
Kouassi Akissi Albertine KAZON
Aubin
Kouassi kouakou Roger Crizoa
Herman
Kouassi Amenan Elisabeth Edmond Yao
Kouassi Adjoua Clémentine Yao
Eugène
Feu Kouassi Kouadio Célestin Bamba
Massandjé
Brou Amoin
Amoa Déborat
Kouassi Madeleine Bouaré Dao
II
Un travail de recherche est une investigation faite dans le
but d'acquérir des connaissances nouvelles et d'étudier une
question. Il serait impensable d'ignorer toutes les personnes ressources qui
nous ont assisté matériellement ou moralement dans la quête
de cette acquisition et la faisabilité de cette étude. Il est
donc important que nous adressions nos vifs remerciements à toutes ces
personnes de bonne volonté, qui de près ou de loin, ont
contribué à la réalisation de cette thèse.
Nous exprimons notre profonde gratitude à ces
éminents Professeurs et Docteurs qui sont :
Ø Professeur Alain Sissoko, Professeur Titulaire, Doyen
de l'UFR Criminologie pour avoir accepté d'assurer la direction et
l'encadrement de cette thèse et surtout pour ses conseils.
Ø Professeur Koudou Opadou, Professeur Titulaire de
psychologie, Directeur de la formation initiale à l'école normale
supérieur d'Abidjan, co-directeur de cette thèse pour son
assistance inestimable et l'intérêt accordé à notre
travail.
Ø Professeur Koudou Kessié Maitre de
conférence de psychologie, pour avoir guidé nos pas depuis la
première année jusqu'en DEA.
Ø III
Le Professeur KOUAKOU N'Guessan François, Professeur
Titulaire de Sociologie, Président Honoraire de l'Université de
Bouaké, Président du Jury.
Ø Le Dr IBO Guéhi, de l'université
d'abobo- Adjamé
Ø Professeur Dédi Séry, Maître de
Recherche, enseignent à l'université de Cocody (UFR
sociologie)
IV
AEJT
|
: Association des enfants et jeunes travailleurs
|
ASA
|
: Afrique Secours et Assistance
|
AVB
|
: Aménagement de la Vallée du Bandama
|
BICE
|
: Bureau International Catholique de l'Enfance
|
BIT
|
: Bureau International du Travail
|
BNETD
|
: Bureau National d'Etudes et de Développement
|
CEE
|
: Commission Economique Européenne
|
CIDT
|
: Compagnie Ivoirienne pour le Développement des Textiles
|
EPIC
|
: Programme d'élimination du travail des enfants
|
FESACI
|
: Fédération des Syndicats des Travailleurs et
Dignité
|
FRAR
|
: Fonds Régionaux d'Aménagement Rural
|
GTZ
|
: Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit
coopération technique allemande
|
ICI
|
: Fondation Internationale Cocoa Initiative
|
IGT
|
: Institut de Géographie Tropicale
|
INS
|
: Institut National de la Statistique
|
IPH
|
: Indicateur de Pauvreté Humain
|
LTTE
|
: Lutte contre la Traite et les pires formes de Travail des
enfants
|
MESAD
|
: Mouvement pour l'Education, la Santé et le
Développement
|
OIM
|
: Organisation Internationale pour les Migrations
|
OIT
|
: Organisation Internationale du Travail
|
ONG
|
: Organisation Non Gouvernementale
|
ONU
|
: Organisation des Nations Unies
|
PNUD
|
: Programme des Nations Unies pour le Développement
|
RGPH
|
: Recensement Général de la Population et de
l'Habitat
|
RICAE
|
: Réseau Ivoirien des communicateurs amis de l'enfant
|
RILTE
|
: Réseau Ivoirien de lutte contre la traite des enfants
|
SHS
|
: Sciences de l'Homme et de la Société
|
UE
|
: Union Européenne
|
UGTCI
|
: Union Générale des Travailleurs de Côte
d'Ivoire
|
UNESCO
|
: Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et
la Culture
|
UNICEF
|
: Organisation des Nations Unis pour l'Enfant
|
VI
La rédaction de cette thèse, nous permet
d'aborder un grand problème auxquelles le monde se trouve aujourd'hui
confronté : la traite des êtres humains,
particulièrement celle des enfants.
En cette période difficile, nous devons prendre
conscience des conséquences désastreuses liées à ce
phénomène qui est devenu aujourd'hui un problème
récurrent autrement dit le principal sujet au cours des grands
débats relatifs aux défis majeurs de la planète.
La traite des enfants se définit d'une manière
générale comme étant « le mouvement illicite et
clandestin de personne à travers des frontières nationales et
internationales en grande partie venant des pays en développement et
quelques pays avec des économies de transition, avec comme but final de
forcer la victime dans des situations d'exploitations sexuelles ou
économiques accablantes au bénéfice des recruteurs,
trafiquant aussi bien que d'autres activités illégales au trafic
tel que le travail domestique forcé, les faux mariages, l'emploi
clandestin et les fausses adoptions ». Ce mal qui constitue l'un des
fléaux majeurs du monde et en particulier de l'Afrique, se pose
aujourd'hui comme un véritable frein au développement de la
Côte d'Ivoire vue les nombreuses menaces de sanctions brandis par les
institutions internationales si des mesures de luttes ne sont pas prises pour
endiguer le phénomène dans nos plantations de café- cacao.
Cette oeuvre qui est une contribution de l'UFR Criminologie à la lutte
contre le trafic des enfants, inaugure à la fois, une vision nouvelle
dans ce domaine où la sensibilisation s'appuyait jusqu'ici
essentiellement sur les médias de masse.
VII
Cependant même si nous fondons beaucoup d'espoirs sur
le travail que nous proposons, cette recherche ne saurait être à
notre avis, une panacée aux nombreux problèmes que pose ce
phénomène dans les pays en voie de développement. Nous
n'avons pas la prétention d'apporter des solutions exhaustives au
phénomène, mais plutôt d'y apporter notre modeste
contribution afin qu'à défaut d'éradiquer totalement, l'on
puisse le faire reculer fortement. Il s'agira donc pour cette thèse de
doctorat, de comprendre, d'expliquer et de faire prendre conscience des dangers
qu'en cours les enfants dans les plantations de café- cacao.
En effet, les enfants se retrouvent dans des conditions qui
les privent de leurs libertés. Beaucoup d'entre eux ne peuvent pas se
loger convenablement, s'éduquer ni se soigner. Ils n'ont aucune
possibilité d'épanouissement personnel. Ils sont exposés
aux maladies.
C'est au regard de cette réalité que nous avons
élaboré cette thèse pour solliciter davantage la
collaboration et l'assistance permanant des institutions nationales et
internationales et des gouvernants afin de mieux lutter contre le
phénomène.
C'est à juste titre que ce document nous appelle
à prendre conscience, à raisonner de façon objective et
inductive. Nous devons réfléchir sur la façon dont il est
possible d'améliorer les conditions de vie des plus démunis car
ce phénomène est une des conséquences de la
pauvreté endémique.
IX
INTRODUCTION
Première partie : CADRES THEORIQUE ET
METHODOLOGIQUE.............................
Chapitre I : Cadre
théorique............................................
Chapitre II : Cadre
méthodologique...................................
Deuxième partie :
MANIFESTATIONS, FACTEURS EXPLICATIFS ET CONSEQUENCES DE LA TRAITE
D'ENFANTS IMMIGRES DANS LES PLANTATIONS DE CAFE CACAO DE CÔTE
D'IVOIRE..................
Chapitre I : Manifestations de la traite
d'enfants immigrés dans les plantations de café-cacao de
Côte d'Ivoire.......................................................
Chapitre II : Facteurs explicatifs de la
traite d'enfants immigrés dans les plantations de café-cacao de
Côte d'Ivoire................................................
Chapitre III : Conséquences de la
traite d'enfants immigrés dans les plantations de café-cacao de
Côte d'Ivoire.....................................................
Troisième partie : CADRE
JURIDIQUE ACTIONS MENEES ET PROPOSITIONS DE SOLUTIONS......
Chapitre I : Cadre
juridique..............................................
Chapitre II : Actions menées et
propositions de solutions.......
CONCLUSION
GENERALE.............................................
BIBLIOGRAPHIE...........................................................
ANNEXES....................................................................
TABLE DES
MATIERES.................................................
|
1
9
10
64
122
123
157
186
193
194
204
242
253
I II
|
X
Les traites en tant que phénomène ne datent pas
d'aujourd'hui. Elles existaient sous une autre forme depuis plusieurs
années. Ce fut le cas des traites négrières.
Les Traites Négrières,
également appelées Traite des Noirs,
désignent des commerces d'esclaves dont ont été victimes
des millions de Noirs africains durant plusieurs siècles. Pour la
définir, il faut associer et combiner les six éléments
suivants :
- les victimes étaient des Noirs ;
- les traites supposaient des réseaux
d'approvisionnement parfaitement organisés et
intégrés ;
- les populations serviles n'étaient pas suffisamment
fécondes pour se renouveler ;
- l'endroit où l'être humain était
capturé et le lieu de sa servitude étaient éloignés
l'un de l'autre ;
- si ceux qui utilisaient les esclaves pouvaient être
également producteurs d'esclaves, la plupart du temps, il y avait des
producteurs et des acheteurs, la traite correspondant à un
échange tributaire ou commercial ;
- la traite étant essentiellement une activité
marchande, les entités politiques des différentes civilisations
approuvaient ce commerce et en retiraient des bénéfices
substantiels.
Cependant, la traite doit être distinguée de l'
esclavage qui "consiste
à exercer sur une personne l'un quelconque ou l'ensemble des pouvoirs
liés au droit de propriété"1(*). La traite est automatiquement liée à
l'esclavage. Elles se renforcent mutuellement. Mais la réciproque est
fausse. Il existe des systèmes esclavagistes dans lesquels la traite
n'est pas présente, comme les États du sud des États-Unis
au XIXe siècle. La traite doit aussi être
distinguée de la notion contemporaine de
Trafic
d'êtres humains.
Il y a eu trois traites négrières : la
traite orientale,
la
traite
occidentale et la
traite
intra-africaine. Celles-ci ont été un phénomène
historique de très grande ampleur en raison du nombre de victimes, de sa
durée, de la multitude de producteurs et d'acheteurs aux cultures et aux
motivations différentes, des nombreuses méthodes
d'asservissement, des multiples opérations de transports sur de
très longues distances et de la réduction de ces êtres
humains en esclaves et en main d'oeuvre servile2(*).
Le
choix du terme pour qualifier un commerce d'hommes et de femmes noires a
longtemps été discuté, et continue de l'être. Selon
O. PETRE-GRENOUILLEAU3(*),
la formule « traite négrière » semble la plus
adaptée. Elle fait référence simultanément aux
différents protagonistes, les produits et les producteurs, soit
respectivement les « nègres » et les
« négriers ». Mais le sens attaché au terme
"nègre" s'est tellement dévalorisé qu'il n'est plus
possible, dans un grand nombre de langues, de l'utiliser aujourd'hui de
manière neutre.
Les historiens avaient d'abord parlé de "slave trade"
"commerce d'esclaves". Mais ce terme ne faisait pas l'unanimité
auprès des chercheurs. Pour S. DAGET, il sous-tendait que les victimes
étaient déjà esclaves alors qu'un certain nombre d'entre
eux était né libre. Une seconde critique tenait dans le fait que
le commerce d'esclaves regroupait en plus des populations noires, d'autres
populations de différentes époques. On avait également
utilisé le terme de "Traite des Noirs", défini comme "le commerce
d'esclaves noirs" ou plus précisément, la traite des noirs est
le trafic consistant à échanger des marchandises contre des noirs
africains ou à les acheter pour les employer ou les revendre en
qualité d'esclaves. Mais ce terme conduit à ne se focaliser que
sur les résultats du processus négrier.
La
traite dite orientale se caractérisait par ses voies commerciales
(traversée du Sahara, de la Méditerranée, de la
mer Noire, de la
mer Rouge) et ses
principaux marchés aux esclaves (grandes villes d'Afrique du nord et de
la péninsule arabique, puis de Turquie) en grande partie
contrôlées par des arabes. La principale destination des esclaves
a d'abord été l'
Empire arabe puis l'
Empire Ottoman, l'un
succédant à l'autre. Ces formations politiques arabes
dominèrent militairement, culturellement et économiquement cette
région du monde.
Au Moyen-âge, une partie de ces esclaves terminaient
leurs périples en Europe méridionale - dont une partie
significative était d'ailleurs sous contrôle arabe. Après
le Moyen-âge, quelques esclaves noirs arrivèrent jusqu'en Russie
par l'intermédiaire de l'Empire Ottoman.
La traite orientale fournissait une main-d'oeuvre servile
employée essentiellement à des travaux domestiques et de services
(employés de maison, tâches d'entretien des palais et des
infrastructures, incorporation dans les armées, activités
directement ou indirectement sexuelles). Il est généralement
admis qu'elle a été la plus importante en termes de nombre de
noirs mis en esclavage. Le chiffre de 17 millions de noirs réduits
à l'esclavage est avancé par l'historien
O.
PETRE-GRENOUILLEAU4(*).
Et cela sur une période allant du
IXème siècle
au
XIXème siècle.
La traite orientale touchait principalement les femmes. Ces
dernières servaient aux tâches domestiques et comme esclaves
sexuelles. L'esclavagisme oriental ne se limitait pas uniquement aux noirs.
D'autres groupes ethniques étaient aussi réduits en esclavage et
vendus.
Les arabes ont ainsi réduit en esclavage des millions
de blancs, de noirs et d'arabes aussi. Cependant, à partir du
VIIIème siècle,
les campagnes à l'encontre des populations noires sont de plus en plus
fréquentes et intenses.
La traite atlantique, la
plus connue et la plus intense, fut un commerce d'êtres humains au profit
d'Africains, d'un côté, et d'Européens (
Espagnols,
Portugais, puis
Anglais,
Français,
Néerlandais,
Danois et ensuite
Brésiliens et Cubains), de l'autre côté.
Elle débuta en
1441 par la déportation
de captifs africains vers la Péninsule ibérique. Cette
destination dura plusieurs décennies5(*). Ensuite les Portugais convoyaient les esclaves vers
les Caraïbes et l'Amérique du Sud. Progressivement, les Hollandais,
les Anglais puis les Français organisèrent leur propre traite.
Dès la fin du
XVème siècle,
la papauté tente de mettre un terme à la traite et condamne
l'esclavage. La révolution Française abolit l'esclavage en 1794.
Au
Congrès de
Vienne (1815),
Talleyrand obtient de
pouvoir participer aux conférences initialement réservées
aux quatre vainqueurs en promettant à
Castlereagh de soutenir
la position britannique sur l'interdiction de la traite des noirs.
L'interdiction de la traite (et non de l'esclavage) est adoptée dans le
texte final6(*).
Malgré l'abolition de la traite par plusieurs pays, celle-ci continua de
perdurer dans les faits.
Si la traite atlantique et les autres formes d'esclavages de
ont disparu, une autre forme d'exploitation de l'homme persiste encore dans nos
pays africains et plus particulièrement en Afrique de l'ouest, celle des
enfants.
La traite des enfants selon les organisations non
gouvernementales et les institutions internationales, est l'une des plus graves
violations des droits humains dans le monde. Les enfants et leurs familles sont
alléchés par les fausses promesses des réseaux de
trafiquants. Il leur est promis un avenir meilleur, une perspective pour
échapper à la pauvreté. Chaque année des centaines
de millions d'enfants sont transportés clandestinement au-delà
des frontières et vendus comme de simples marchandises. Leur survie et
leur développement sont menacés et ils sont privés de
leurs droits à l'éducation, à la santé, à
grandir au sein d'une famille.
Leur condition préoccupe de plus en plus les
gouvernements, les institutions internationales, les ONG et les médias.
Aussi, la prise de conscience de la complexité de la traite d'enfants en
tant que phénomène international multiforme s'amplifie. Il est
évident que l'élimination de la traite d'enfants exige des
efforts coordonnés de toutes les parties concernées : les
gouvernements, les communautés locales, les ONG les institutions
internationales chargées de l'enfant. Toutes les actions doivent
être soutenues par une coopération inter-état.
D'importantes normes internationales sont déjà
en vigueur, notamment la convention des nations-Unies relative au droit de
l'enfant et son protocole facultatif concernant la vente, la prostitution des
enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, laquelle est
entrée en vigueur après ratification des pays membres de l'ONU
(2002 nouvelle convention 182 de l'OIT7(*)).
Toutefois l'application de ces normes requiert une juste
compréhension du phénomène et un engagement total pour
l'éliminer.
Comme la plupart des pays sous- développés, la
Côte d'ivoire est confrontée depuis ces dernières
années à l' émergence de ce phénomène. Ce
trafic se présenterait souvent comme une dérivation de la
migration saisonnière de la main-d'oeuvre des pays limitrophes. La
Côte d'Ivoire avec ses 26% de population étrangère apparait
comme un grand Etat d'immigration8(*).
Partant de ce constat, il va s'en dire que la
communauté nationale et internationale devra prendre toutes les mesures
pour lutter contre ce phénomène. Plusieurs études
scientifiques se sont penchées sur le phénomène afin de
trouver des solutions. Il a été le plus souvent question de
comprendre le mécanisme de la traite des enfants afin de proposer des
solutions.
Malgré tous ces efforts scientifiques, la
problématique de l'exploitation de la main-d'oeuvre enfantine reste
entière et certains aspects de ces phénomènes restent
inexploités. Nombre de travaux concernant le travail des enfants se sont
le plus souvent intéressé aux aspects purement descriptifs (Y.
DIALLO)9(*) ou alors
à faire une typologie des emplois auxquels sont soumis ces enfants.
Notre ambition lors de la rédaction de cette
thèse est d'apporter un complément aux travaux
réalisés sur d'autres aspects. Elle vise à susciter une
prise de conscience de la traite des enfants à la communauté
nationale et internationale, à renforcer les capacités
nationales pour affronter le phénomène et à fournir des
informations sur l'origine en vue de réponse politique.
I- JUSTIFICATION DU CHOIX DU SUJET ET DEFINITION DES
NOTIONS
1-1 Justification du choix du sujet
1-1-1 Pertinence sociale
De nos jours, le nombre d'enfants dans une dynamique de
travail place l'Afrique comme le continent le plus touché en
matière de travail des enfants. En effet, en termes relatifs, avec un
enfant sur trois au travail, l'Afrique est la région du monde où
le plus grand nombre d'enfants exerce une activité liée au
travail. Il est à noter que la majorité des enfants travailleurs
se retrouvent dans le secteur informel et l'agriculture où les normes et
droits au travail ne sont pas respectés. Les enfants sont invisibles
à la réglementation du travail et par conséquent plus
exposés à ses risques et à ses dangers.
L'économie africaine ayant une forte composante
agricole, il apparaît donc raisonnable de considérer que les
enfants travailleurs africains y sont les plus exposés. Dans ce
contexte, le secteur agricole est le secteur économique par excellence
dans lequel des milliers de familles ont recours pour survivre et tenter ainsi
de lutter contre une situation d'extrême pauvreté.
La Côte d'Ivoire, pays en voie de développement
n'échappe pas à cette position. Son économie depuis des
décennies est influencée par le binôme café-cacao.
Depuis des années, ce pays occupe le premier rang des producteurs
mondiaux de cacao et le troisième au niveau du café. Le
binôme café et cacao est un produit de très grande
importance pour l'économie l'ivoirienne. L'appellation ``miracle
ivoirien'' de la CÔTE D'IVOIRE est bien le fait de ce binôme. Ces
deux produits ont hissé la CÔTE D'IVOIRE à un rang pour le
moins fort enviable, faisant d'elle l'économie la plus forte de la sous-
région.
Mais une menace pèse sur l'exportation de ces
produits. Elle est pointée du doigt car accusée d'exploiter le
travail des enfants dans ses plantations de café - cacao. Les industries
du chocolat et les pays consommateurs tiennent compte de cet aspect social dans
la certification de ces produits. Dés lors, la Côte d'Ivoire se
trouve confrontée au protocole « HARKING-ENGEL »du
sénateur américain Tom Harking et du député Eliot
Engel. Ces éminents sénateurs Américains s'insurgent
contre l'esclavage des enfants dans le monde. Ce protocole engage les
industriels à veiller à ce que les matières
premières qu'ils utilisent pour la fabrication du cacao soient
cultivées de manière responsable. Il recommande aux importateurs
et fabricants de vérifier la provenance et les conditions de production
du café et du cacao. Il est interdit d'avoir recours à une main
d'oeuvre enfantine selon ce protocole.
Depuis donc cette menace, le gouvernement ivoirien tente de
faire certifier le binôme café- cacao aux règles
internationales, pour éviter d'éventuelles sanctions. C'est au
regard de toutes ces préoccupations et pour l'intérêt que
nous accordons aux problèmes de l'enfant qu'il nous est apparu
nécessaire de mener des recherches sur le sujet intitulé :
« LA TRAITE D'ENFANTS IMMIGRES DANS LES PLANTATIONS DE CAFE-CACAO EN
CÔTE D'IVOIRE ».
Lutter contre le travail des enfants est avant tout un acte
social qui a une portée humanitaire importante.
S'intéresser à un tel sujet est important dans
la mesure où il s'appuie sur des faits avérés et pourrait
permettre de corriger certains comportements individuels. Notre travail ne
peut, certes, saisir le phénomène du travail des enfants dans
toutes ses dimensions, toutefois nous pensons apporter une certaine
contribution à ceux qui défendent la cause de l'enfance et aux
spécialistes du travail des enfants.
1-1-2 Pertinence scientifique
Le phénomène n'est pas un fait nouveau. Il a
été l'objet de recherche depuis longtemps. Il requiert une
approche scientifique. C'est la recherche de cette vérité
scientifique qui nous a conduits à nous intéresser à ce
thème.
La réflexion que nous inspire aujourd'hui le
phénomène de trafic apparait d'un grand intérêt
épistémologique en ce sens, qu'il est l'objet commun à
plusieurs disciplines des sciences sociales (démographie,
géographie, droit, sociologie, économie, criminologie,
psychologie...).
Ainsi, certaines disciplines en fonction de leur
préoccupation ont privilégié certaines dimensions du
trafic. Certaines ont mis l'accent sur l'intégration sociale
des « migrants de mobilité »,
c'est-à-dire des individus attirés par des opportunités
économiques et sociales. D'autres par contre ont travaillé sur
« les zones de concentration des migrants de saisons ».
Les études que nous avons eu à exploiter sur ce
phénomène ont accordé très peu de place à
l'aspect criminologique.
Ainsi, nous ambitionnons d'approfondir la réflexion et
les stratégies à adopter dans la recherche de la
résolution du problème par une utilisation efficiente des
recommandations. Dans le cas de notre étude, il s'agit de
déterminer un ensemble de méthodes et de techniques d'approche du
phénomène. Ce travail pourra servir de support pédagogique
et pourra également être considéré comme un document
de référence.
Après avoir donné les principales raisons qui
nous ont guidé dans le choix de ce sujet, il convient d'en
définir les notions.
1-2 Définition des notions
1-2-1 Notions explicites
1-2-1-1 Enfant
La notion d'enfant peut être définie comme une
période du développement de la vie d'un individu de par ses
caractéristiques physique, psychologique et sociale. Elle désigne
une classe d'âge qui se produit avant celle des adultes et des personnes
âgées).
Le dictionnaire universel définit l'enfance comme
étant les périodes de la vie de l'être humain qui va de la
naissance jusqu'à l'âge de la puberté. L'enfant est donc
l'être humain fille ou garçon qui se trouve dans cette
période.
Cette définition de l'enfant qui tient compte du
critère d'âge est en effet identique dans touts les instruments
internationaux de l'OIT, notamment la convention des Nation Unies relative aux
droits des Enfants, qui définit l'enfant comme « une personne
de moins de 18 ans »10(*).
Au travers des conventions n° 138 respectivement
relatives à la lutte contre les pires formes de travail des enfants et
l'âge minimum d'admission à l'emploi, cette institution met un
accent particulier sur les enfants âges de 5 à 14 ans, parce
qu'elle considère que les individus inscrits dans cette tranche
d'âge doivent faire objet d'une attention particulière et sont par
conséquent trop jeunes pour travailler.
L'UNICEF dans ce même ordre d'idées, fait une
catégorisation de ce sous groupe de population en distinguant trois
groupes. Le premier groupe concerne les enfants de 0-3 ans, lesquels doivent
être, pour ce premier moment de leur vie, protégés
notamment contre les dangers des maladies (campagne de vaccination). Le second,
est celui dit d'âge préscolaire (3-5 ans), ou les enfants sont
lancés dans l'apprentissage (langage, lecture). Le troisième
groupe concerne les enfants de 6- 12 ans, qui à cette période de
la vie, acquiert de nouvelles aptitudes et se familiarisent avec le monde.
En plus des droits à l'éducation et de bien
d'autres droits dont ils bénéficient, ils s'initient au contact
d'autre adultes à certains travaux ménagers.
Si les psychologues s'accordent également sur ce
critère d'âge retenu par l'ensemble des institutions
internationales pour designer l'enfant, ils introduisent par ailleurs, un autre
concept, qui est l'adolescence. Ils définissent de ce fait, l'enfant
comme toute personne n'ayant pas encore atteint l'adolescence, période
transitoire entre l'enfance et l'âge adulte.
Pour les juristes, s'en tiennent également à la
même limite d'âge (moins de 18 ans) pour designer l'enfant. Ils
utilisent plutôt la notion de mineur en lieu et place de celle d'enfant.
Selon la charte Africaine sur les droits et bien-être de l'enfant, il est
défini comme tout être humain âgé de moins de 18 ans
sans exception.
A la lecture de ces textes, il nous semble qu'ils ne
s'adaptent pas aux milieux africains ruraux, c'est-à-dire qu'il semble
ne pas exister un lien entre la théorie et l'action dans les
sociétés rurales. Dans nos sociétés, l'enfant
désigne une personne qui n'est pas reconnu comme un adulte par le corps
social, une personne en voie de socialisation. Il est bon de noter que les
modalités différent selon les groupes ethnies.
En Côte d'Ivoire, bien que l'âge légal de
la majorité et la reconnaissance d'un statut d'adulte dans la
sphère moderne soient de 21 ans, les enfants peuvent être reconnus
comme adultes avant ou après cet âge dans la société
traditionnelle. Par exemple chez les malinkés, l'enfant est adulte
dès l'âge de 18 ans, tandis qu'il faut attendre 28 ans pour
l'être chez les sénoufos.
Dans les communautés initiatiques, est
considéré comme enfant, tout être humain n'ayant pas encore
subi les différentes formes d'initiation qui propulsent les individus
dans la société des adultes11(*). Dans ces communautés, l'éducation
traditionnelle de l'enfant atteint ainsi son plus haut degré au moment
des initiations, qui peut se situer avant ou après l'âge de 21 ans
admis par les sociétés modernes, pour désigner l'âge
de la majorité.
Dans ces sociétés, la durée de l'enfance
peut donc s'allonger ou se rétrécir, selon que l'individu ait
subi ou non les différents rites d'initiation. Ainsi, tandis que
biologiquement une personne peut être considérée dans la
catégorie des enfants (parce qu'elle n'a pas encore 18 ans) selon les
institutions internationales, celle-ci selon certaines coutumes africaines,
peut déjà paraître un adulte. Aussi, la
société encore à dominante traditionnelle ne
reconnait-elle pas vraiment cette disposition légale entre la tradition
et une modernité imposée.
Le terme enfant en apparence précis est bien plus flou
quand on le transpose dans le système de valeurs africaines, un enfant
au sens social pouvant être âgé de 18 ans ou de trente
ans.
Par ailleurs, la manière dont l'enfant est
perçu, peut également dépendre du degré de
développement, de l'organisation sociale, des conditions
socio-économiques dans la société et des techniques
productives. Aussi, un enfant pris dans le système de production de
café-cacao pourrait ne pas être comparé à celui
défini par les institutions internationales.
Cette pluralité du concept
« enfant », paraît donc être due au contenu
social et variable culturel que les sociétés et les
différents milieux peuvent lui donner. Autrement dit, le concept enfant
a des connotations différentes dans l'espace et dans le temps en
fonction de la culture et des communautés.
Dans le cadre de notre travail, nous allons retenir la
définition de la législation ivoirienne car nous somme dans le
cadre d'une recherche socio-criminelle où des sanctions peuvent
être proposées au plan juridique. Il nous faudra une base
juridique pour pouvoir appliquer nos propositions.
1-2-1-2 La traite des enfants
Il est difficile de définir la traite d'enfants car il
renvoi à des réalités très différentes selon
les pays. Au plan international il n'y a aucun consensus sur le terme traite.
Les différentes définitions existantes sont souvent
contestées lors des rencontres et conférences sur la traite des
êtes humains. Plusieurs définitions ont été
données par les Nations-Unies, l'Union Européenne, le Bureau
International de Travail et des organisations internationales.
En 1994, l'Assemblée Générale des Nations
Unies s'est approchée d'une définition globale. Pour l'ONU, la
"traite" est définit comme étant « le
mouvement illicite et clandestin de personnes à travers des
frontières nationales et internationales. Ces personnes en grande
partie, viennent des pays en développement et quelques pays avec des
économies de transition. Les acteurs de ce trafic ont comme but final de
forcer la victime dans des situations d'exploitations sexuelles ou
économiques accablantes».
Pourtant, d'après une étude de l'OIT12(*), la définition est
incomplète. Elle n'inclut pas les jeunes garçons et les jeunes
filles qui sont également parfois victimes de traite. En 1996, le
parlement européen a définit la traite des enfants
comme « l'action illégale d'une personne qui, directement
ou indirectement encourage un citoyen d'un pays tiers à entrer ou
rester dans un autre pays en vue de l'exploiter en utilisant la duperie ou
n'importe quelle forme de coercition, en abusant de la situation
vulnérable ».
Une autre définition aussi claire est celle
proposée dans le rapport préliminaire préparé pour
le rapporteur spécial des Nations Unies sur la violence contre les
femmes. Dans le rapport, l'expression "trafic des femmes"
signifie « tous les actes qui sont liés au recrutement
et/ou au transport d'une femme (ou d'une jeune fille) à
l'intérieur ou hors des frontières nationales en vue du travail
ou des services au moyen de violence, d'abus d'autorité ou de position
dominante de servitude pour dette, de déception ou d'autres formes de
coercition ».
Quant au Bureau International du Travail13(*), il définit la traite
des enfants comme « le recrutement et le transport légal ou
clandestin d'un enfant consentant ou non à travers une frontière,
généralement mais pas toujours organisés par un
intermédiaire : parents, membre de la famille, enseignant,
proxénète ou autorité locale. A destination, l'enfant est
contraint par la force ou tromperie à exécuter certaines
tâches dans des conditions d'exploitation ».
Dans une autre étude se concentrant sur le trafic des
enfants en Afrique de l'ouest et du centre, le trafic désignerait
« l'ensemble du processus et des conditions par lesquelles un enfant
est retiré du champ de la protection et de l'autorité parentales,
pour être considéré comme une valeur marchande à un
moment quelconque de ce processus. Il est ainsi constitué de tout acte
comportant le recrutement, le transport, le recel ou la vente de personnes,
impliquant la tromperie, la contrainte ou la force, la servitude pour dette ou
la fraude ; entrainant un déplacement de l'enfant à
l'intérieur ou à l'extérieur d'un pays ».
Dans le protocole additionnel à la convention relative
aux droits de l'enfant des Nations Unies, concernant l'exploitation des enfants
dans les conflits armés ainsi que la vente d'enfants, la prostitution
des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, la vente
d'enfants y est définie comme suit :
La vente d'enfants s'apparente à tout acte ou toute
transaction faisant intervenir le transfert d'un enfant de toute personne ou de
tout groupe de personnes à une autre personne ou un autre groupe contre
rémunération ou tout autre avantage.
Sont reconnus comme infractions le fait d'offrir, de remettre
ou d'accepter un enfant quelque soit le moyen utilisé, aux fins
d'exploiter :
- L'enfant à des fins sexuelles
- De transférer les organes de l'enfant à titre
onéreux
- De soumettre l'enfant au travail forcé
Finalement, en précision des travaux de clôture
de la commission des Nations Unies sur la prévention du crime et la
justice criminelle sur l'adoption d'une nouvelle convention contre le crime
transfrontalier organisé et en particulier sur l'ajout d'un protocole
relatif au trafic des femmes et des enfants, plusieurs organisations
internationales ont proposé d'inclure certaines normes à ce
protocole. Ces organisations suivent de très près les travaux de
la commission : en effet, ce protocole constituerait le premier et le
seul traité international contenant une définition de trafic des
enfants.
Ces normes sont extraites d'instruments internationaux
relatifs aux droits humains. Elles ont pour but de protéger et de
promouvoir le respect des droits humains des personnes qui ont
été victimes de trafic, incluant celles qui ont été
assujetties à la servitude, au travail forcé et/ou à
toute pratique comparable à l'esclavage.
Dans le cadre de nos travaux nous avons utilisé la
définition du BIT car elle est plus proche de celle de
la législation ivoirienne.
1-2-1-3 Le travail des enfants
Nous pouvons, d'emblée, définir le travail des
enfants comme toutes formes d'activités économiques dans
lesquelles les enfants interviennent et sont présents. Cependant, la
première question qu'il est nécessaire d'aborder quand on
s'intéresse au travail des enfants, est celle de la délimitation
du champ d'analyse. Or justement, celle-ci pose problème, car il est
difficile de faire une censure entre ce qui relève du travail des
enfants et ce qui n'en relève pas, la définition du travail
variant suivant la signification que l'on donne aux termes
« travail » et « enfant »14(*).
A ce problème, s'ajoute une seule
difficulté car le travail des enfants dans son contenu est
très hétérogène et ce terme recouvre une grande
diversité de situations, qui sont elles-mêmes difficiles à
caractériser. Ainsi , parlant de la définition de travail ;
Bernard Schlemmer remarque que « ce n'est pas tout
à fait le manque de chiffres fiables qui pose problème
(...) ; mais c'est un sentiment diffus que l'on ne sait pas bien de quoi
on parle, que de situations extrêmement contrastées sont
mises dans le même panier et qu'on ne saurait lutter efficacement
contre un phénomène aussi mal cerné et aussi peu
rigoureusement défini.»
1-2-1-4 L'immigration
Le mot immigration cache des nuances et des acceptions
complexes. Il est utilisé pour décrire le mouvement de la
population dans des situations et des contextes forts divers, dont l'invasion,
la conquête, le déplacement sous la contrainte des armes, la fuite
devant une catastrophe naturelle, le déplacement à des fins
commerciales, l'établissement de colonies, voire même l'esclavage.
L'acception la plus fréquente de la migration, à
savoir un mouvement d'individus ou de familles poussés par des raisons
économiques ou sociales, est celle retenue par l'usage contemporain.
C'est donc cette définition que nous allons retenir dans le cadre de
notre travail.
1-2-2 Notions implicites
1-2-2-1 L'exploitation d'enfants
Exploitation provient du verbe exploiter, qui signifie tirer
tout le bénéfice de (une situation), utiliser abusivement
(quelqu'un) pour son profit.
Au regard de cette définition, les termes
d'exploitation et d'abus semblent se confondre. Ils se recoupent d'autant plus
que l'abus est défini comme un mauvais usage, un usage excessif ou
mauvais traitement à l'égard d'une personne qui n'est pas en
état de se défendre et l'exploitation traduit
littéralement l'action de faire valoir et tirer parti de quelque
chose.
Associés à un enfant, abus et exploitation
désignent le mauvais traitement de cet enfant qu'il soit d'ordre
physique, émotionnel ou la négligence portée à
l'enfant dans une situation de responsabilité, de confiance et portant
atteinte potentiellement ou réellement à la santé physique
et émotionnelle, à sa survie et à son
développement.
Il s'agit également de l'utilisation de cet enfant dans
le travail ou toute autre activité au profit d'autres personnes et au
détriment de la santé physique et mentale de l'enfant et de son
éducation. Ces deux termes indiquent alors que certains acteurs tirent
profit du statut de l'enfant, de son manque de pouvoir ;
particulièrement celui engagé dans une activité
économique. L'exploitation pour un enfant travailleur, pourrait donc
représenter un abus ou une forme de rémunération est
impliquée et où les acteurs de l'exploitation profitent d'une
manière ou d'une autre. (Monétaire, sociale...).
Les institutions internationales, notamment le BIT, et
l'UNICEF abondant dans le même sens, indiquent qu'il y a exploitation du
travail de l'enfant, dès lors que les différentes
activités effectuées par l'enfant, représentent un risque
pour les différents aspects du développement de l'enfant
(physique, intellectuel, cognitif psychologique émotionnel, social et
culturel) ou qu'elles entravent son accès à la jouissance
d'autres droits (santé, éducation, loisirs intégration
sociale)15(*).
De façon générique, il y a exploitation
du travail de l'enfant à chaque fois qu'il y a utilisation de travail de
l'enfant au détriment de l'intérêt supérieur de
l'enfant.
1-2-2-2 Pauvreté
Etymologiquement, le mot pauvreté dérive du
latin « paupertas » et de « pauper »
qui signifie pauvre. Ce concept recouvre plusieurs approches souvent variables
dans le temps et dans l'espace si bien qu'il a toujours donné lieu
à une multiplicité de définitions en ce sens qu'il y a
autant de pauvres et autant de perceptions de la pauvreté qu'il existe
de sociétés humaines.
Selon le dictionnaire le Robert, la pauvreté c'est
« l'état d'une personne qui manque de moyens
matériels, d'argent ; insuffisance de ressource ; insuffisance
matérielle ou morale. »
De ce qui précède, le mot pauvreté
reflète l'état de dénuement.
« Pauvreté » dénote la fonction qualitative
du substantif : on est pauvre, on devient pauvre. La pauvreté se
définit communément par le manque ; autrement dit la
condition d'une personne de n'importe quel état social atteint d'une
carence.
Cependant, on peut ne pas partager la même
pauvreté lorsqu'on part d'un individu à un autre selon sa classe
sociale dans la mesure où l'on est toujours plus ou moins pauvre qu'un
autre. Il y a donc des degrés dans la pauvreté. Dès lors,
le sens du mot pauvreté semble moins explicite même s'il y a
fondamentalement une ressemblance entre les notions exprimées et les
réalités semblables dans les formes de la rivalité de
dénuement.
La pauvreté, dans une large mesure, est synonyme de
déficience physique, morale, matérielle dont les
conséquences sont multiples. En tout état de cause, la
pauvreté fait apparaître des exclus sociaux et marginaux.
De façon essentielle, nous retiendrons les
définitions classiques qui sont traditionnellement celles de la
pauvreté absolue et de la pauvreté relative même si
celles-ci présentent des difficultés dans la précision de
la valeur des seuils de la pauvreté compte tenu de leurs
caractères arbitraires.
En d'autres termes, est pauvre toute personne qui de
façon permanente ou temporaire se trouve dans une situation de
faiblesse, de dépendance, de mépris, d'humiliation
caractérisée par le manque de moyens, de puissance et de
considération sociale. A cette multiplicité des concepts
correspond une diversité des approches.
Déjà, avant les années 1700 en Europe, la
pauvreté était définie comme étant un fléau
qui avait pour caractéristiques : la charité, la
résignation, la précarité ou le vol. Ces quatre approches
de la pauvreté présentent une vision négative et
figée du phénomène. Cependant, on s'est aperçu
qu'elle ne se résumait pas qu'à ces quatre approches, pour s'en
rendre compte, il a fallu attendre l'évolution des systèmes
urbains où le mercantilisme était de plus en plus de mise.
Avec l'évolution du commerce donc marquée par
l'urbanisation et la monétarisation, notamment les pauvres ont
été considérés comme étant des personnes qui
manquaient de ce que les riches étaient supposés avoir.
Dès lors, on peut affirmer qu'à chaque évolution
correspond une définition de la pauvreté. C'est ainsi qu'en 1944
avec l'organisation mondiale du travail (OIT) il a été
déclaré que la pauvreté était une menace pour la
prospérité partout.
On s'est rendu compte vers la fin des années 60, que
malgré l'essor du développement économique, le
fossé entre le nord et le sud s'agrandissait. Dès lors, il a
fallu redéfinir la pauvreté. C'est ainsi qu'en 1972,
l'anthropologue et économiste américain MARSHALL SAHLINS
définissait la pauvreté comme étant une invention de la
civilisation. Selon l'auteur, l'économie primitive bien que sous
productive n'est pas une économie de misère mais une
société d'abondance capable de satisfaire les besoins
essentiels.
Aujourd'hui, tout le monde s'accorde sur le fait que la
pauvreté est un phénomène complexe, pluridimensionnel, ne
pouvant être réduit à sa simple expression monétaire
c'est-à-dire à un niveau insuffisant de ressources
économiques pour vivre de façon indécente.
Le PNUD définit la pauvreté comme étant
un problème multidimensionnel qui nécessite des solutions
multisectorielles intégrées. Quant à la Banque Mondiale,
elle affirme que la pauvreté est la résultante de processus
économiques, politiques et sociaux interagissant entre eux dans des
sens qui exacerbent l'état d'indigence dans lequel vivent des personnes
pauvres.
Pour nous faire une idée un peu plus précise sur
la manière dont le PNUD appréhende la pauvreté,
présentons l'indicateur qu'il emploie pour la mesurer : l'IPH
(Indicateur de Pauvreté Humaine). Cet indicateur se base sur trois
aspects essentiels de la vie humaine, à savoir, la
longévité, l'instruction et les conditions de vie
décentes. Dans le calcul de l'IPH, les insuffisances en termes de
longévité sont représentées par le pourcentage des
personnes risquant de décéder avant l'âge de quarante (40)
ans (P1) et le manque d'instruction est traduit par le pourcentage d'adultes
analphabètes (P2). Quant au manque de conditions décentes au
niveau économique en général, il est
représenté par un sous indicateur composite comprenant
lui-même trois (03) variables : Le pourcentage d'individus
privés d'accès à l'eau potable (P31),celui des personnes
privées d'accès au service de santé( P32) et celui des
enfants de moins de cinq (05) ans souffrants de malnutrition (P33)16(*).
Le sous-indicateur composite (P3) s'obtient en calculant la
moyenne arithmétique des trois (03) variables (P 31, P32, P 33). On
calcule ensuite l'IPH en faisant la moyenne arithmétique des trois (03)
indicateurs (P 1, P 2 et P3). On calcule ensuite l'IPH en faisant la
moyenne arithmétique des trois (03) indicateur (P1, P2 et P3).
Selon la banque mondiale, les types de pauvreté
abordés sont particulièrement centrés sur l'aspect
monétaire. Sa mesure de la pauvreté se limite à une
évaluation monétaire. Elle commence par cerner les populations
pauvres en se basant sur un critère de revenu (ou de consommation) puis
elle cherche à voir comment des divers domaines se combinent se
renforcent ou s'exacerbent pour accroître ou diminuer l'état
d'indigence de cette catégorie sociale.
Dans les années 1970, la CEE avait définit les
pauvres comme « individus et les familles dont les ressources sont si
faibles qu'ils se trouvent exclus du mode de vie, des habitudes et des
activités normales de l'état dans lequel ils
vivent ».
Cette définition de la pauvreté s'apparente
à celle de la banque mondiale mais cette approche est trop restrictive
car elle présente la pauvreté comme un phénomène
unidimensionnel. Le critère du revenu n'est évidement pas
suffisant pour définir la pauvreté, même s'il s'agit de
l'aspect le plus visible.
En 1973, M. NAMARA interpellait l'opinion internationale sur
l'éradication de la pauvreté d'ici la fin du siècle. A.
TEVOEDJIRE annonçait en 1978 que la pauvreté peut constituer une
richesse pour les peuples, un bien être fondé sur la
maîtrise des besoins. Selon lui, la pauvreté redéfinie et
réorientée constitue la seule voie pour « s'auto
développer ».
Contrairement au point de vue de A. TEVOEDJIRE, en 1980, J. K.
GALBRAITH essayait de développer le
concept « d'équilibre de la pauvreté ».
Quant à B. BRET17(*), il fait une analyse situationnelle des pays du tiers
monde (pays pauvres), en associant la géographie et le sous
développement et l'inégalité. L'auteur peint le tableau
sombre d'un certain nombre de pays qui malgré leurs richesses
innombrables, regorgent d'une écrasante majorité de population
qui survivent dans une misère profonde et dans
l'inégalité. Il nous montre pourquoi dans ces pays la croissance
n'a pas fait disparaître la pauvreté.
Au-delà de ces points de vue, force est de constater
que la pauvreté dans l'histoire, fut considérée longtemps
comme un fait naturel, une donnée de l'ordre des choses. Aujourd'hui, le
millénaire nouveau donne une approche du concept au
phénomène.
La pauvreté ne signifie pas seulement un faible revenu
ou un développement humain insuffisant mais également la
précarité, l'impossibilité de s'exprimer, d'agir, de
s'épanouir et de se mettre en valeur. Pour paraphraser le Premier
Ministre Australien J. HOWARD, la pauvreté est sans aucun doute le
grand problème actuel aussi bien en termes moraux que politiques.
En Côte d'Ivoire, le concept de la pauvreté est
défini d'après le Ministère du Plan et du
Développement suivant trois dimensions :
La dimension économique
Elle concerne le niveau de consommation des ménages.
Dans son profil de pauvreté, l'Institut National de la statistique (INS)
définit les ménages pauvres durant la période mars-mai
1995 comme étant ceux dont la consommation moyenne par habitant est
inférieure à 144 800 FCFA par an, et le seuil
d'extrême pauvreté a été établi à
94.600 F (190 dollars) par personne et par an.
La dimension du bien-être
social
En dehors de la consommation, de nombreux autres
éléments contribuent au bien-être des membres du
ménage, surtout si l'on se place dans une perspective dynamique. Etre en
bonne santé, avoir accès aux soins de santé quand on en a
besoin et assurer l'éducation de ses enfants sont des indicateurs
importants de bien-être d'un ménage.
Pour les ivoiriens pauvres, les indications de bien-être
dans ces domaines reflètent des déficiences considérables
tout au long de la vie : forte natalité maternelle et infantile,
faible niveau d'instruction, faible taux d'alphabétisation et
espérance de vie limitée. Cela montre en clair que beaucoup de
besoins essentiels ne sont pas satisfaits. La satisfaction de ces besoins
essentiels et services sociaux est un critère de pauvreté chez
les ivoiriens.
La perception qualitative du bien-être
Les seuils de pauvreté étant définis en
grande partie en termes de consommation des ménages, les ivoiriens ne
considèrent en aucun cas la pauvreté sous un angle purement
économique. La possession de bien, la possibilité pour un
ménage d'envoyer ses enfants à l'école, de se nourrir
convenablement ou de bénéficier de la médecine moderne
influent profondément sur l'idée que se font les ménages
et les individus de la richesse et la pauvreté18(*).
Aujourd'hui, force est de constater que cette situation qui
est moins reluisante s'est empirée à la faveur de la crise socio
politique déclenchée depuis le 19 septembre 2002.
II- PROBLEME ET QUESTIONS DE RECHERCHE
2-1 Problème de recherche
Le phénomène de la traite des enfants
immigrés se rencontre tant dans les pays industrialisés que dans
les pays en voie de développement. Des estimations de tous ordres sur
les enfants travailleurs sont faites dans le monde et elles concernent surtout
les régions sous-développées, où selon le BIT,
l'Afrique en dénombrerait davantage en proportion, car ce sont 40% des
enfants de 5 à 14 ans qui sont concernés19(*).
Ces données statistiques revêtent tant une
connotation négative en ce qui concerne l'Afrique que selon le BIT les
enfants y seraient d'avantage exploités et soumis à des pires
formes de travail dans tous les secteurs d'activités.
En effet, malgré les progrès
considérables de la scolarisation des enfants dans les pays en
développement de l'Afrique au sud du Sahara, le travail des enfants
demeure un phénomène social presque structurel très
répandu. Ces enfants se trouvent dans presque tous les secteurs
d'activité. Ils sont affectés soit à des travaux
champêtres dans les zones rurales, le cas de notre sujet, soit comme des
aides familiaux (petite bonne, boy de maison).
Dans les zones rurales les enfants immigrés sont
amenés à travailler dans de grandes plantations comme manoeuvres,
parfois sans rémunération. Leur pécule est versé
à des intermédiaires le plus souvent. C'est justement ce cas
d'exploitation qui va être approfondie par notre recherche. Il s'agira
plus spécifiquement de connaitre les causes du phénomène,
la manifestation et de proposer des solutions.
Notre préoccupation est de faire ressortir la situation
dangereuse dans laquelle ce trafic plonge ces enfants. Cela va nous conduire
à poser le problème de l'exploitation, donc de la violation des
droits de l'enfant immigrés.
2-2 Questions de recherche
Ø Comment se manifeste la traite des enfants
immigrés dans les plantations de café cacao en CÔTE
D'ivoire ?
Ø Quels sont les facteurs explicatifs de ce
phénomène et quels en sont les conséquences ?
Ø Quelles perspectives pouvons-nous envisager dans la
lutte contre ce phénomène ?
III- REVUE DE LITTERATURE ET ELABORATION DU CADRE DE
REFERENCE THEORIQUE
3-1 Revue de littérature
Dans le cadre de ce travail, la recherche documentaire nous a
permis de nous intéresser à quelques travaux antérieurs et
mêmes récents effectués sur le travail des enfants.
Selon P. N'DA, la revue de littérature consiste
à « faire la recension des écrits pertinents, c'est
faire le bilan critique de ce qui a été produit dans le domaine
de la recherche »20(*).
Depuis le 18ème siècle
jusqu'aujourd'hui, les études et recherches relatives à la traite
des enfants sont abondantes. Dans le monde, des articles, des ouvrages ont
été édités pour traiter le phénomène.
Les rencontres se succèdent aux sommets pour réfléchir sur
ce phénomène pour amener l'humanité à
réduire, aux mieux éradiquer le phénomène. Les
documents que nous avons consultés nous ont permis de dresser une liste
faisant état des travaux réalisés.
La littérature sur le travail des enfants, en
général, est le plus souvent orientée sur leur insertion
sociale. Il ressort de certains travaux l'aspect psycho-social qui oriente les
ONG et les institutions dans la lutte contre le phénomène.
Dans une étude de Y. DIALLO21(*), les facteurs explicatifs de
l'offre et de la demande du phénomène sont examinés. Les
résultats montrent que l'emploi précoce des enfants en Côte
d'Ivoire résulte de la conjugaison complexe des facteurs internes et
externes au ménage. Il révèle également le
rôle prépondérant du capital social qui a été
négligé dans l'analyse économique de la participation des
enfants aux activités socio-économiques. Pour lui, les facteurs
explicatifs de l'offre du travail sont les normes sociales. L'emploi
précoce de l'enfant s'inscrit dans le cadre de l'obligation de se
soutenir entre membres d'une même communauté.
PEARSON et GOLDIN22(*) (1989) ; JENS et NIENSELSEN (1997) pensent que
l'offre du travail s'explique par les marchés des capitaux. Ces auteurs
considèrent le travail des enfants et la fréquentation scolaire
comme des situations dépendantes des marchés du capital humain et
crédit.
Pour Y. DIALLO23(*), le caractère informel de l'économie
ivoirienne est l'une des causes déterminantes du travail des enfants.
Une enquête du BNETD révèle que
l'insertion des enfants au travail à travers des liens familiaux de
dépendance contribue à la formation d'une « rente de
travail » ou d'une « rente d'apprentissage »
nécessaire pour faire face à un environnement de plus en plus
instable. L'objectif de cette analyse est de montrer le caractère
multifactoriel de l'explication du phénomène du travail des
enfants.
Pour certains auteurs le travail des enfants
s'appréhende comme une forme d'apprentissage. C'est sur cet aspect que
s'est penché J. CHARMES24(*). Il décrit le travail des enfants comme une
forme de formation au près des adultes. Ceci contribue tôt ou tard
à l'insertion de ce dernier dans le tissu social.
Y. MARGUERAT et A. TOURE25(*), voient dans le travail des enfants une aide et
soutiennent la Thèse de
« débrouillardise ».
Il est à noter qu'au delà de ces auteurs,
différents conventions, textes et chartes tentent de réglementer
le travail des enfants. Nous pouvons citer la convention n°138 sur
l'âge minimum d'admission à l'emploi. Cet instrument vise
l'abolition du travail des enfants en stimulant que l'âge minimum
à l'emploi ne doit pas être inférieur à l'âge
de la fin de la scolarité obligatoire26(*). En 1979, année internationale de l'enfant, 10
principes pour les droits de l'enfant ont été
élaborés.
Les principes stipulent que l'enfant doit être
protégé contre toute forme de négligence, de
cruauté et d'exploitation. Il ne doit pas être soumis à la
traite sous quelque forme que ce soit. L'enfant ne doit pas être admis
à l'emploi avant d'avoir atteint un âge minimum approprié.
Il ne doit en aucun cas être astreint ou autorisé à prendre
une occupation ou un emploi qui nuit à sa santé ou à son
éducation ou qui entrave son développement mental, physique ou
moral.
Au cours de notre recherche nous avons jugé bon d'aller
au-delà de la nomenclature des facteurs explicatifs pour voir la
trajectoire de ces enfants, leur condition de travail, leur implication dans
plantations. C'est pourquoi il faut établir une distinction entre le
travail qui s'insère dans la production familiale et le travail des
enfants utilisé comme une main-d'oeuvre à bon marché.
C'est dans ce cadre qu'il nous sera amené à envisager
l'exploitation.
Dans la première partie c'est le travail qui constitue
un élément de croissance et d'intégration dans ces
conditions il se perçoit comme une étape transitoire entre
l'enfance et l'âgé adulte. Ce type de travail permet à
l'enfant de développer ses capacités de se prendre en charge,
d'apporter sa contribution à l'économie familiale de sorte
à soulager les parents.
A. BOA a montré que le travail des enfants contribue
d'une certaine manière au revenu familial, qui la plupart du temps est
insuffisant pour subvenir aux besoins familiaux27(*).
Les auteurs comme BARRIERE28(*), MORRISON (1992)29(*), NIEUWENHUYS O30(*), et STANDING G. (1981) ont largement travaillé
sur les types du travail permettant à l'enfant de développer ses
capacités et de se prendre en charge. Toutes ces études bien que
pertinentes n'insistent pas ou insistent très peu sur l'exploitation
dont ces enfants font l'objet.
Des auteurs comme BEQUELE ASSEFA, BOYDEN GO (1990) ;
MAURICE ALAIN (1996) vont démontrer que le travail des enfants est
éprouvant et est une source de souffrance d'où l'exploitation. Ce
travail viole le droit des enfants et porte atteinte à son
développement à sa santé et à son instruction. G.
KPONHASSIA (1993)31(*)
voit le coté pénible de la tache à laquelle l'enfant est
astreint son souci dans son étude était de mettre en
évidence les rapports sociaux dans lesquels l'enfant exerce son travail.
Il faisait surtout allusion au travail des enfants dans les mines (le nord et
l'ouest de Côte d'Ivoire). Quant aux actions entreprises en faveur du
travail des enfants les juristes ne sont pas restés à
l'écart.
Au niveau international la convention internationale des
droits de l'enfant confirme les droits fondamentaux de l'enfant qu'elle
résume en deux catégories :
- Les droits civils et les libertés fondamentales
à savoir les principes de non discrimination (art2) du droit à la
vie (art6), par lesquels les Etats s'engagent à assurer la survie et le
développement des enfants. Le droit d'exprimer librement son opinion
(art 12 et 13).
- Les droits économiques et sociaux : le droit
à la santé (art 24) à la sécurité sociale
(art 26) à l'éducation (art28 et 29).
La convention mentionne également les droits
spécifiques de l'enfant. C'est dans cette catégorie que se trouve
la protection contre l'exploitation qui est notre préoccupation. Il
s'agira, au cours de notre étude, d'apporter des éléments
justificatifs et les preuves de l'existence de ce phénomène.
Parlant de la législation sur le travail des enfants en
Afrique, la loi sur le code du travail pour l'ensemble des territoires
français d'outre-mer ou sous tutelle est à l'origine des codes de
travail de tous les Etats Africains francophones32(*). Ces codes ont consacré
une partie au travail des enfants. Un arrêté de cette loi fixe la
nature des travaux et les catégories d'entreprises interdites aux jeunes
et l'âge limite auquel s'applique l'interdiction.
Toutes ces études ont eu le mérite soit de
catégoriser le travail des enfants soit de mesurer son implication dans
l'économie ou de chercher à réglementer ce travail.
Toutefois, elles n'ont pas abordé de façon spécifique le
travail des enfants immigrés dans les plantations de Café-Cacao.
Ces contraintes déterminent d'une manière ou
d'une autre l'arrivée de ces enfants dans les plantations.
L'exploitation de l'enfant est alors décrite par I. BONNASSIEUX33(*) comme un contrat signé
entre la famille le trafiquant et le planteur.
3-1-1 Le travail des enfants dans la
société traditionnelle ivoirienne
La famille traditionnelle se caractérisait, avant tout,
par sa grande taille. C'était une famille élargie qui, en plus du
couple et des enfants, comprenait également les ascendants, les
collatéraux et s'étendait même aux alliances. En son sein,
les rapports entre les membres étaient soumis à un contrôle
collectif et les statuts définissaient clairement et strictement la
place de chacun dans le groupe ou la communauté.
La famille traditionnelle était, en fait, fondée
sur un système de régulation et de contrôle des
comportements qui lui permet de se maintenir en équilibre et de se
reproduire. Un tel contexte familial consolidait le lien social et favorisait
une bonne éducation de l'enfant, du reste, rigoureusement soumis
à l'autorité parentale et au respect des aînés. Dans
ces conditions, la famille demeurait solidement unie, chacun des membres
étant socialement bien intégré.
Concernant la condition économique au sein de la
famille, l'enfant travaillait certes, mais le fruit de son travail revenait de
droit à sa famille ou à sa communauté dont il
dépendait étroitement. En retour, il appartenait au chef de
famille de satisfaire les besoins existentiels de l'enfant (nourriture,
vêtement, logement).
Par ailleurs, la division du travail se faisait selon les
classes d'âge et le sexe. Les ainés assuraient le rôle de
commandement. Ils étaient investis d'une autorité sur laquelle
ils s'appuyaient dans la gestion des biens communautaires, la mise en
application des lois et l'enseignement des connaissances pour la reproduction
technique et économique34(*). L'exercice de cette fonction exigeait respect et
considération.
A coté de la strate des aînés, existait
celle des cadets, constituée des plus jeunes couches. Leur rôle
était d'assurer matériellement la suivie de l'ensemble de la
communauté. Par devoir, ils s'employaient directement à la mise
en valeur des champs, des points d'eau, parcs etc. leur travail était
suivi et contrôlé par les ainés.
En conséquence, on pourrait être tenté de
croire que les rapports d'exploitation et de domination sont fondés sur
la hiérarchisation des statuts et des rôles. Mais en
réalité, chaque strate ou classe d'âge était
caractérisée, en son sein, par des rapports égalitaires,
empreints de solidarité, de respect mutuel et de responsabilité
individuelle et collective. En outre, les relations ainés/cadets
n'étaient pas figées par le vecteur de l'âge, les cadets,
dans un mouvement cyclique, accédaient un jour à la classe des
aînés.
En plus de ces deux strates d'hommes, il existait la classe
des femmes, constituée des adultes et des jeunes filles. Leur rôle
portait principalement sur la gestion du foyer ou du ménage, les
activés commerciales, l'éducation des enfants et les travaux
champêtres moins pénibles que ceux des hommes (culture
maraichère, ramassage de fagots, transport de denrées
alimentaires).
Concernant le système de production, celui en vigueur
dans la société traditionnelle était l'économie de
subsistance. Elle consiste à produire juste la quantité de
produit nécessaires au groupe pour satisfaire ses besoins
vitaux35(*). Dans ce
contexte, les activités du travailleur enfant n'étaient pas
rémunérées directement. Cela signifie que l'enfant
n'apparaissait pas comme un salarié à part entière.
Les rapports de travail qui le liaient à sa famille ou
à sa communauté n'étaient pas des rapports d'employeur
à employé au sens capitaliste du terme. Il en était ainsi,
car le travail était pour l'enfant une obligation morale, un devoir
social qui constituait le fondement de son éducation et son
intégration sociale. Le travail des enfants dans la
société traditionnelle ivoirienne revêtait une
signification exclusivement sociale et éducative.
En effet, mettre un enfant au travail constituait pour les
parents ou la communauté un moyen de le socialiser et de l'initier
à la vie adulte. Le travail se présentait comme une
activité d'apprentissage social. De ce fait, il se pratiquait dans le
cadre familial ou communautaire, sous la couverture, la supervision et le
contrôle des parents ou des membres de la communauté. Pour le
jeune garçon, les différents supports d'apprentissage
étaient précisément les activités
économiques appartenant à la famille ou à la
communauté : Plantations, pâturages, ateliers
mécanique etc. Et c'est le père ou un membre de la
communauté issu de la classe des ainés qui apprenait le travail
à l'enfant, suivait et contrôlait son évolution36(*).
Dans le cas de la jeune fille, les supports d'apprentissage
étaient essentiellement le ménage, les légers travaux
champêtres, les activités de fabrication (poterie,
céramique, etc.) qui concouraient à la préparer à
sa vie conjugale.
En somme, le travail des enfants tel que conçu et
pratiqué, constituait non seulement un support d'éducation, mais
aussi et surtout un maillon essentiel de l'organisation familiale qui
consacrait l'autorité parentale. Cela favorisait le développement
d'une certaine harmonie familiale qui se maintenait et se consolidait au profit
de la cohésion sociale. Mais dans la société ivoirienne
d'aujourd'hui, le travail des enfants revêt une autre signification et se
pratique différemment. C'est du moins ce que l'on constate notamment en
milieu urbain et rural.
3-1-2 La traite, le travail des enfants et
l'immigration clandestine
Il est important de reconnaître la traite d'enfants
comme une question de protection complexe qui doit aborder à la fois
l'arrachement de l'enfant à son milieu familial, le transport de
l'enfant, l'hébergement illégal ou la vente, et le placement
dans un contexte d'exploitation. Des écrits révèlent que
la traite d'enfant est très largement perçue uniquement comme
phénomène de main-d'oeuvre enfantine, mais la traite viole les
droits de l'enfant bien avant qu'ils ne commencent réellement à
travailler.
Il y a tout d'abord l'arrachement de l'enfant à son
foyer puis le temps de passer soit disant « tutelle » des
trafiquants durant le transport jusqu'au lieu de travail éventuel,
période qui présent également des dangers et des abus.
L'enfant est ensuite hébergé illégalement ou vendu avant
d'être conduit à sa destination finale.
C'est pourquoi il est important d'examiner dans quelle mesure
les approches traditionnelles du travail sont adéquates et/ou
suffisantes quand il s'agit de trafic d'enfants, ou et comment de nouvelles
méthodologies peuvent être utilisées, et si les
orientations et les structures existantes doivent être modifiées.
La traite est souvent associée à l'immigration clandestine, mais
l'amalgame des deux questions peut avoir de graves conséquences
notamment faire passer les enfants victimes de traite pour de jeunes
délinquants alors leur sort nécessite des mesures de protections
particulière. Il en résulte que ces enfants entrent souvent en
conflit avec les autorités policières et judiciaires et risquent
même la détention.
Que la traite d'enfants soit considérée comme un
problème de main-d'oeuvre enfantine, d'immigration clandestine, ou de
justice pour mineurs, on constate dans tous les cas, une tendance à
négliger les facteurs économiques et culturels sous-jacents, et
à situer ainsi l'enfant victime de traite dans une vaste zone aux
contours indécis de délivrance sociale37(*).
Il n'y a guère de prise de conscience que la traite
est, d'abord et avant tout une violation des droits humains, en particulier une
violation des droits de l'enfant à être protégé
contre toute forme d'exploitation économique, à conserver des
liens familiaux et agrandir dans un environnement familial.
3-1-3 La traite des enfants, un sujet
médiatique
Cette forme d'exploitation est souvent perçue comme une
question d'urgence plutôt que comme une situation liée à un
développement à long terme. Elle est souvent
présentée en terme de crise soudaine, ce fut le cas au
Sénégal lorsque les médias du monde entier s'emparaient du
mystère entourant un navire supposé transporté une
cargaison d'enfants au large des côtes de l'Afrique de l'Ouest. Ce
même constat a été observé en Côte d'Ivoire
lorsque l'ONG "Save the children" a révélé aux medias du
monde entier l'existence d'enfants esclaves dans les plantations
café-cacao en Côte d'ivoire.
Elle est rarement exposée comme un problème de
longue haleine aux profondes racines socio-économiques et culturelles.
Cela peut conduire à des interprétations erronées. Les
médias qui se sont penchés sur la traite d'enfants ces
dernières années, ont un rôle de premier plan à
jouer pour sensibiliser l'opinion publique au phénomène et
promouvoir le respect des droits des enfants. En ce qui concerne la Côte
d'Ivoire, les médias publient souvent des histoires sensationnelles
privilégiant l'aspect esclavagiste.
L'absence d'information concrète et précise sur
la traite d'enfants fait obstacle à une approche plus approfondie qui
tiennent compte des causes et de la complexité du
phénomène.
3-1-4 La traite des enfants, un sujet
politique
Des perceptions diverses de la question de l'enfant jointes
à la situation socio-économique nationale et à des niveaux
de prise de conscience politique variable ont conduit à un
assortissement hétérogène de réponse en Afrique de
l'ouest38(*).
Le trafic des enfants serait favorisé par une multitude
de facteurs que l'on retrouve dans beaucoup de régions : la
pauvreté extrême, les valeurs et traditions culturelles (comme la
pratique du « placement » d'enfants en Afrique de l'ouest),
l'ignorance des risques, la crise du système éducatif, le
désir des enfants d'émigrer, la forte demande d'une main
d'oeuvre enfantine bon marché, soumise et non syndiquée, la
législation nationale inadéquate ou inexistante au regard du
trafic, le manque de bonnes politiques frontalières, l'économie
informelle, la corruption39(*).
Humann Right Watch faisait récemment le point six sur
les cas typiques de trafic, les méthodes des trafiquants et l'attitude
des autorités : « dans un cas typique, une jeune
fille (mineure) est recrutée par des promesses de bon travail dans un
pays ou une province différent, et, manquant d'autres alternatives, elle
accepte de migrer. Il y a également des cas dans lesquels des jeunes
filles mineurs sont dupées par des offres de mariage ou de fausses
invitations de vacances, des cas dans lesquels des enfants sont
échangés par leurs parents pour une avance et/ou des promesses de
futurs gains, ou des cas dans lesquels les victimes sont tout simplement
Kidnappées.
Ensuite un agent intermédiaire s'occupe des
arrangements concernant le voyage. Le trafiquant se procure les documents
nécessaires et se charge de contacter les futurs employeurs. Une fois
que tout est réglé, les victimes sont amenées à une
destination et livrées à un employeur ou à un autre
intermédiaire qui négocie avec les futurs employeurs. Les femmes
et les jeunes filles n'ont plus aucun contrôle sur la nature ou le lieu
de travail, les moralités ou les conditions de leurs futurs emplois.
Beaucoup de jeunes filles apprennent qu'elles ont été
dupées au sujet de la nature du travail qu'elles doivent effectuer et
des conditions financières. Toutes ces jeunes filles doivent faire face
à des situations d'abus ou l'évasion est difficile et
dangereuse.
Un nombre important de jeunes filles sont victimes de
servitude pour dette. Elles doivent travailler sans percevoir aucun salaire
jusqu'à ce qu'elles aient remboursé les frais (majorés)
liés à leur voyage. Dans certains cas, les dettes ne cessent
d'être augmenter et ne peuvent jamais entièrement entre
remboursées40(*).
Pour empêcher que les victimes de trafic s'évadent, les employeurs
profitent pleinement de leur position vulnérable : elles ne parlent
pas la langue locale, elles sont peu familières avec l'environnement,
et craignent d'être arrêtées. De plus elles se retrouvent
sous la contrainte permanente de leurs employeurs qui les surveillent
constamment, les menacent.
Les efforts des gouvernements pour combattre le trafic des
êtres humains sont inadéquats. Dans beaucoup de cas, les
fonctionnaires corrompus délivrent de faux papiers aux trafiquants. Par
la suite, ils reçoivent des pots de vin et commissions pour ignorer ces
abus.
Quand des fonctionnaires sont confrontés de
façon évidente au trafic ou au travail forcé, ils se
concentrent sur les violations des lois d'immigration et de répression
de la population, plutôt que sur des violations des droits humains
endurées par les victimes de trafic. Les personnes victimes de trafic
seront considérées comme immigrantes et/ou prostituées, et
les trafiquants ne seront pas ou peu poursuivis.
Ces politiques et pratiques sont inadéquates et
inefficaces. Les gouvernements aggravent la vulnérabilité des
victimes et les découragent à se tourner vers les personnes qui
pouvaient leur venir en aide.
3-1-5 Les instruments juridiques dans le cadre de la
traite des enfants
BAZIN-VEIL41(*) indique que le trafic des enfants se développe
à la faveur d'un environnement législatif, coercitif et politique
peu centré sur cette question. Son étude se rapporte à la
situation du trafic des enfants en Afrique de l'ouest et centrale mais ses
conclusions sont valables pour la plupart des régions du monde dans
l'extrême majorité des législations nationales, il n'existe
pas de dispositions qualifiant pénalement le trafic42(*). Ce vide juridique actuel,
aggravé par une justice peu prompte à sanctionner sur d'autres
bases juridiques, contribue non seulement au sentiment d'impunité
pénale, mais également à l'absence de la
culpabilité dans les atteintes portées à l'enfant
confirmant l'impunité sociale.
L'absence de sanctions pénales caractérise la
situation de nombreux pays. Les poursuites et les condamnations sont presque
inexistantes et les trafiquants ou intermédiaires sont rarement
inquiétés. Il arrive aussi que les gouvernements qui devraient
faire appliquer ces textes soient souvent impliqués eux-mêmes dans
le trafic d'enfant.
3-1-6 La communauté internationale
La communauté internationale se mobilise
sérieusement depuis une dizaine d'années sur le trafic des
êtres humains. Aujourd'hui, de plus en plus d'initiatives voient le
jour : des résolutions et des recommandations des conventions et
rencontres internationales sont adoptées mais il faut aussi qu'elles
soient ratifiées et mises en application
- L'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe a
proposé une série de recommandations concernant le trafic des
femmes et des enfants et notamment la recommandation 1056 en 198743(*).
- En 1997, s'est tenue la Conférence des Ministres sur
la Prévention de la Migration Clandestine dans le cadre du "Processus de
Budapest". Des recommandations ont été faites concernant
notamment l'harmonisation des législations en vue de combattre le trafic
des êtres humains et un soutien technique et financier à apporter
aux pays d'Europe centrale et l'Est44(*).
- Le Parlement et sa Commission Européenne ont
récemment commandé deux rapports sur le trafic des êtres
humains (les rapports Servo et Sorensen45(*)). De plus, les programmes
"STOP"46(*) (programme
concernant l'exploitation sexuelle des enfants) et "DAPANE"47(*) (programme qui vise la
prévention de la violence contre les enfants, les jeunes gens et les
femmes) se concentrent sur cette problématique.
- Un protocole additionnel à la convention relative aux
droits de l'enfant vient d'être adopté par l'assemblée
générale des Nations Unies le 25 mai 2000, concernant
l'implication des enfants dans les conflits armés ainsi que la vente
d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en
scène des enfants.
- Des négociations sont en cours à
l'Assemblée Générale des Nations Unies au sujet de l'ajout
d'un Protocole sur le Trafic International des Femmes et des Enfants à
la Convention contre la Criminalité Transfrontalière
Organisée.
- La Coopération du G848(*) s'est accrue au cours de ces trois dernières
années au sujet du crime organisé et du trafic de drogues et des
êtres humains en particulier.
- L'organisation du travail sur la problématique du
trafic des êtres humains au cours de ces dix dernières
années. Des engagements ont été formulés en vue de
combattre le trafic aux sommets de Moscou (1991)49(*) et d'Istanbul (1999)50(*). Cette problématique
est actuellement prioritaire au sein du Bureau pour les Institutions
Démocratiques et les Droits de l'Homme (ODIHR)51(*) qui a, en Novembre 1999,
proposé un plan d'action 2000 pour les activités en vue de lutter
contre le trafic des êtres humains.
Pour l'UNICEF, selon sa représentante BAZIN-VEIL, les
politiques que les gouvernements des pays concernés mènent, ou
entendent mener, à l'encontre du trafic d'enfants reflètent le
clivage classique entre le pays d'émigration et le pays d'immigration,
selon qu'ils sont récepteurs ou pourvoyeurs d'enfants. Dans les pays
récepteurs d'Afrique de l'ouest et du centre, on observe que la
responsabilité de la lutte pour l'abolition du trafic des enfants est
imputée à l'Etat pourvoyeur ; que d'un point de vue
institutionnel, c'est le ministère des affaires
étrangères ou le ministère de l'intérieur qui est
fréquemment interpellé pour la gestion du
problème ;la mobilisation et les réponses proposées
résident, outre dans la répression, mais essentiellement dans le
contrôle des flux migratoires et le rapatriement systématique des
enfants52(*). La
mobilisation des acteurs locaux reste faible compte tenu du fait qu'il s'agit
d'un phénomène étranger.
Dans les pays pourvoyeurs où le trafic d'enfants est
perçu dans sa dimension économique et sociale, on observe que la
responsabilité de la prise en charge du phénomène est
essentiellement confiée aux Ministères sociaux et que l'accent
est mis sur la prévention, à travers la sensibilisation, dans les
zones pourvoyeuses d'enfants.
Les faiblesses de l'Etat sont nombreuses : dispositifs
étatiques de contrôle restreints par le nombre limité de
postes de contrôle de police, absence de registres d'entrée et de
sortie des mineurs hors du territoire, absence d'un état civil
performant, corruption répandue des services chargés de la
délivrance des documents et des autorisations de voyage et de
contrôle, faible sensibilisation aux droits de l'enfant, faible
motivation et mobilisation dans la protection spéciale des droits de
l'enfant.
L'étude montre à quel point l'enfant est
exploité par toute cette chaine dans l'espérance des parents
d'améliorer leur modeste revenu avec les salaires provenant du travail
des enfants. Cette revue de littérature, loin d'être exhaustive
nous a permis d'élaborer notre cadre de référence
Théorique.
3-2 Elaboration du cadre de référence
théorique
Compte tenue des déterminants multifactoriels dans
l'explication du travail des enfants, nous avons choisi la théorie
économique du travail, les théories déterministes, et
le culturalisme dans l'explication du phénomène que nous
cherchons à analyser. Ces théories semblent mieux répondre
à notre préoccupation.
3-2-1 Le déterminisme
Dans un souci de contribuer à une
meilleure compréhension de la situation, nous avons
privilégié l'analyse de l'action du travailleur enfant dans le
secteur agricole. Cette analyse, axée sur une approche
déterministe vise à saisir le sens, les causes de l'action
initiée par l'enfant. Inspirée du paradigme de la sociologie de
l'action, l'approche tend à étudier le travail de l'enfant comme
l'élément central de la prise de décision de l'enfant.
La théorie déterministe se définie comme
la nécessité du phénomène par le principe de
causalité, d'après un principe sociologique qui fonde le
caractère prédictif des évènements. On peut poser
la question de la cause d'un fait social expérimental, dont on peut dire
clairement s'il a lieu ou non. A la question « pourquoi tel fait
est-il observé ? », la réponse est toujours un
ensemble de conditions initiales. L'on lie la traite des enfants aux conditions
sociaux que vivent les parents (pauvreté, analphabétisme).
La détermination, au sens courant est "l'action de
déterminer, de définir, de préciser quelque
chose."[]. En sociologie contemporaine, la détermination est
une analyse du rapport individu-société. En effet, c'est par
l'analyse de la structure des interrelations qui agissent sur les deux
facteurs: individu-société que naît le déterminisme
sociologique. Ainsi selon la problématisation d'un fait social, "l'axe
de variation de la détermination du rapport
individu-société"[] dépend de l'angle
analytique du sociologue.
3-2-2 La théorie économique du
travail
Pour SMITH et RICCARDO53(*), le travail permet sa
s'accomplir, contrairement MARX et PROUDHON54(*) qui le voient comme une servitude et source
d'aliénation.
SMITH a été le premier à annoncer que le
travail est une source de socialisation. Mais avant lui HEGEL avait
donné au travail un statut philosophique. Il affirmait dans ses cours de
philosophie le caractère humain du travail, du fait de la conscience et
de la volonté dont l'homme dispose pendant l'exécution d'une
tache. Le travail permet à l'homme de s'accomplir et de
s'intégrer en société.
Selon cette théorie, le travail mène de la
servitude à la domination ou à la liberté totale de
même qu'à la réalisation de soi. Cette réflexion
hégélienne repose sur un optimisme vis-à-vis du travail.
Elle a été influencée par MARX qui malgré quelques
points d'accord sur le travail avec Hegel, adopte une position contraire. MARX
a beaucoup été influencé par la théorie de HEGEL.
Il souligne en effet que le « travail est l'apanage de
l'homme ».
L'oeuvre humaine étant soutenue dans toute son
opération par une attention constante qui le dirige consciemment vers
son but, exigeant une tension de volonté. Le travail n'est donc pas la
simple transformation d'une donnée matérielle dans la mesure
où il implique avant tout une représentation
compréhensive. Karl Marx ne s'inscrit pas dans la position
idéaliste de Hegel mais suit une analyse dialectique du travail. Il
aborde la philosophie, la sociologie et l'analyse économique du
système capitaliste. Nous constatons que la description de la relation
dialectique capitaliste-ouvrière reste basée sur une
contradiction d'intérêts divergents.
Pour MARX, le système capitaliste réduit
à l'état d'esclavage la classe prolétaire et laborieuse et
en tire des profits dans l'intérêt de la classe bourgeoise. Marx
montre à travers sa théorie, combien l'homme est
aliéné par la double division du travail qui a cours dans ces
unités.
Au sujet du travail des enfants, MARX disait ceci :
« la grande industrie détruit tout lien de famille chez le
prolétaire et transforme les enfants en simple article de commerce, en
simple instrument de travail ».55(*)
3-2-3 Le culturalisme
Le culturalisme est, selon G. ROCHER (1969), "un ensemble
lié de manières de penser, de sentir et d'agir plus ou moins
formalisées qui, étant apprises et partagées par une
pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois
objective et symbolique, à constituer ces personnes en une
collectivité particulière et distincte".
L'étymologie du mot culture,
(« habiter », « cultiver », ou
« honorer ») suggère que la culture se
réfère, en général, à l'
activité
humaine. Ce mot prend des significations différentes, voire
contradictoires, selon ses utilisations.
Le mot culture tend à désigner la
totalité des pratiques succédant à la nature. Chez
l'humain, la culture évolue dans le temps et dans les formules
d'échanges. Elle se constitue différentes manières
d'être, de penser, d'agir et de communiquer. Ainsi, pour une institution
internationale comme l'UNESCO, « dans son sens le plus large, la
culture peut aujourd'hui être considérée comme l'ensemble
des traits distinctifs,
spirituels et
matériels,
intellectuels et
affectifs, qui
caractérisent une
société
ou un
groupe social. Elle
englobe, outre les
arts et les
lettres, les
modes de vie, les
droits
fondamentaux de l'
être humain,
les
systèmes
de valeurs, les
traditions, les
croyances et les
comportements »56(*)
La notion de culture est au coeur d'un enjeu humain
essentiel : celui de dire ce qu'est l'espèce (homo sapiens sapiens)
à travers ce qu'elle fait. C'est pourquoi l'on observe à la fois
une tendance à couvrir - en tache d'huile - des activités de plus
en plus diverses et éloignées les unes des autres (culture
générale, culture religieuse, culture traditionnelle, culture
technique, culture d'entreprise, industries culturelles, ministère de la
culture, cultures animales, etc.) et une propension à perdre toute
signification philosophique globale, précise ou tranchée. On
observe aussi que le sens du mot « culture » dépend
étroitement de la stratégie de l'institution ou de l'acteur
social qui l'utilise, en opposition (plus ou moins explicite) avec d'autres.
Par exemple, pour ceux qui souhaitent défendre le domaine des arts et
des lettres, le mot « culture » pourrait être
opposé au néologisme « techno science », un
peu comme autrefois on pouvait opposer « l'âme » et
« la raison ». Au contraire, pour ceux qui veulent
défendre le côté créateur de la recherche ou de
l'innovation, le titre de culture doit pouvoir leur être appliqué
sans discrimination. Dans le milieu éducatif institutionnel, la culture
peut désigner un ensemble de
connaissances
acquises, de savoir et de savoir-faire développés.
Pour les personnes qui, par profession ou
intérêt, mettent l'accent sur les caractéristiques d'une
communauté (linguistique, nationale, etc.), la culture représente
l'ensemble de ses structures territoriales, de ses pratiques
sociales,
religieuses, politiques,
commerciales, etc.
Pour ne pas trop trahir ces différences entre
conceptions de la culture, on peut dessiner un « champ
culturel » où elles se rencontrent et se confrontent par
grands types d'activités :
- La pratique de l'exercice de la parole est une
réalisation permanente et universelle, bien que réalisée
entre personnes concrètes chez l'humain. Associée à des
pensées et à des actes, elle représente la culture dans
ses spécificités et dans l'activité humaine.
- Les pratiques artistiques font le plus souvent
émerger des points de vue singuliers qui sont ensuite partagés et
échangés.
- Les pratiques d'organisation des pensées et des
sentiments (philosophiques ou religieux) cherchent au contraire à
rassembler de grands groupes par la conviction et la séduction (le vrai
et le beau selon
PLATON).
- Les pratiques de régulation (grammaticale, juridique,
économique, technique, etc.) organisent les êtres humains selon
des rapports prédéterminés, mesurables et
prévisibles.
Il est sans doute difficile - sinon impossible -
d'empêcher que chacun de ces domaines prétende opposer sa propre
conception de la culture aux autres.
Par ailleurs, chaque société humaine
possède sa propre culture, cherche à la distinguer des autres et
admet plus ou moins en son sein, l'existence de cultures différentes. Le
multiculturalisme
est une démarche qui insiste sur l'existence, dans un cadre politique
souple et ouvert, d'une multitude de cultures qui se rencontrent, s'opposent,
se mélangent et, finalement, se transforment et évoluent.
Utilisant cette théorie, nous pourrions comprendre l'immigration des
enfants dans le sens de savoir si c'est une habitude africaine.
IV- OBJECTIFS, THESE ET HYPOTHESES DE
RECHERCHE
4-1 Objectifs de recherche
4-1-1 Objectif général
L'intention recherchée est de connaitre les contours,
les contraintes et l'ampleur de la traite des enfants immigrés dans les
plantations de café cacao en Côte d'Ivoire.
4-1-2 Objectifs spécifiques
Ø Décrire les manifestations de la traite des
enfants immigrés dans les plantations de café cacao en Côte
d'Ivoire.
Ø Identifier les facteurs explicatifs de la traite des
enfants immigrés dans les plantations de café-cacao et connaitre
les conséquences.
Ø Identifier les actions à mener afin de faire
des propositions de solutions
4-2 Thèse
La traite d'enfants immigrés est une conjonction
d'éléments social et culturel qui rendent compte du
phénomène.
4-3 Hypothèses de recherche
4-3-1 Hypothèse
générale
Ø La mise au travail des enfants est une tradition
socioculturelle spécifique à l'Afrique. Elle concourt à
l'insertion socio professionnelle de l'enfant.
Ø L'indigence socioéconomique des parents est
déterminante dans l'implication des enfants dans les travaux
champêtres.
4-3-2 Hypothèses spécifiques
Ø Les peuples africains ont une culture d'immigration
saisonnière qui explique leur déplacement massif.
Ø L'ignorance des lois ou le manque de sanctions
cordonnées entre pays pourvoyeurs et récepteurs, encourage
l'exploitation des enfants.
I- TERRAIN D'ETUDE, POPULATION ET
ECHANTILLON
1-1 Terrain d'étude
1-1-1 Présentation de la Côte
d'Ivoire
Située en Afrique de l'Ouest, sur le Golfe de
Guinée, la Côte d'Ivoire, est entourée par le
Libéria, la Guinée, le Mali, le Burkina-Faso et le Ghana.
15.446.231 personnes (en 1998) occupent les 322 462 Km2 constituant son
territoire. Colonie française, la Côte d'Ivoire est devenue
indépendante le 7 Août 1960.
La capitale politique est Yamoussoukro mais la capitale
économique demeure Abidjan. De l'époque coloniale, la Côte
d'Ivoire a conservé le français devenu la langue officielle ainsi
que les systèmes administratif, judiciaire et éducatif.
Entre le Tropique du Cancer et l'Equateur, la Côte
d'Ivoire bénéficie d'un climat tropical humide. Les saisons
sèches et humides alternent avec des températures oscillant
autour de 28° C en moyenne. Ce climat favorise le développement
d'une végétation luxuriante dans le Sud tandis que le Nord du
pays est couvert de savanes plus ou moins boisés. Le relief,
essentiellement constitué de plaines et de plateaux, est peu
accidenté exception faite de l'Ouest du pays où le Mont Nimba
culmine à 1 753 mètres.
Le PIB du pays était estimé à 8.73
milliards de dollar USD en 1992. En 1994, le montant des exportations
ivoiriennes s'élevait à 2804 millions de dollar USD tandis que
ses importations se chiffraient à 1642 millions de dollar USD et le taux
d'inflation était de 32%. La monnaie est le franc CFA dont le taux de
change est 1 dollar pour environ 600F CFA ou 1 Euro pour 656F CFA.
On entend souvent que le succès de la Côte
d'Ivoire repose sur l'agriculture; en effet, celle-ci occupe une place
prépondérante dans l'économie du pays. Les principales
ressources proviennent des cultures industrielles (café, cacao, ananas,
hévéa, palmiers à huile, coco) le plus souvent
destinées à l'exportation. L'exploitation forestière et la
pêche sont aussi des activités très
développées.
Le secteur industriel comporte surtout des industries
agroalimentaires. Si les industries textile et pétrolière
prennent de l'ampleur, la plupart des industries de transformations demeurent
absentes du paysage économique ivoirien.
Le développement du secteur tertiaire, avec
l'implantation des banques commerciales internationales et l'accroissement du
nombre de sociétés de services, semblent renverser la tendance de
ces dernières années.
Exemple typique des pays en voie de développement, le
secteur informel avec ses petits métiers de toute sorte, est
prépondérant.
Avec plus de 70% de la population ayant moins de 25 ans, la
Côte d'Ivoire est confrontée aux problèmes de scolarisation
de ces jeunes, ainsi qu'à un taux élevé de
chômage.
1-1-2 Présentation de la zone
d'investigation : la région de la Marahoué
1-1-2-1 Situation géographique
La région de la Marahoué, objet de notre
étude est située au coeur de la Côte d'Ivoire. Elle est
à cheval sur la zone de la forêt dans sa partie Sud et Ouest et la
zone de savane au Nord. D'une superficie de 8 700 km² avec une population
totale de 55 4807 habitants en 1998, la région se compose de trois
départements : Bouaflé (chef lieu de région),
Zuénoula et Sinfra. Elle est limitée par la région du
Worodougou et la vallée du Bandama au Nord et la région du
Fromager au Sud, la région des lacs à l'Est et la région
du haut Sassandra à l'Ouest. Cet immense territoire est connu comme
étant le pays Gouro. Nous avons choisi la région de la
marahoué du fait de sa forte concentration d'étranger. En plus
c'est une région qui est située entre la savane et la
forêt. C'est une zone qui est propice à la culture du café
et du cacao.
1-1-2-2 Historique
Les populations de la région sont venues dans la
contrée par vagues successives.
1-1-2-2-1 La mise en place des populations
autochtones
Trois principales ethnies constituent les autochtones de la
région. Ce sont les Yaouré, les Gouro et les Ayaou. Les
Yaouré ou Yohouré se répartissent en deux (02)
groupes :
- Les Yaouré du Sud de Bouaflé ou Yaouré
Namalé que TAUXIER57(*)
appelle les « Kanga-Bonou». Ils sont plus proches des
Gouro par la langue et par les moeurs.
- Les Yaouré du Nord-Est de Bouaflé ou
Yaouré-Akan ayant des rapports avec les Baoulé. Il est difficile
de connaître leur origine. TAUXIER semble soutenir ce point de vue
lorsqu'il écrit : « les Yaouré sont des
Baoulé venus de l'autre côté du Bandama blanc à une
époque difficile à fixer».
Qu'ils soient autochtones de la région ou
« venu de l'autre côté du Bandama» ; les
Yaouré sont les tous premiers habitants de la contrée. Leur
présence est antérieure à celle des Gouro et à la
pénétration Française. Si les Yaouré sont les
premiers habitants de la région, pourquoi la région est reconnue
par tous comme appartenant aux Gouro ? Pour deux raisons :
- Parce qu'à la suite de transactions (un boeuf, un
cabri et un Bro)58(*),
les Yaouré ont cédé le site de Bouaflé aux Gouro
dès l'implantation de ceux-ci.
- L'installation de nombreux villages Gouro et d'immenses
tribus dans la zone ont renforcé l'esprit d'appartenance effective de
cette ethnie à la région.
L'implantation des Gouro dans la région est
postérieure à celle des Yaouré. Les Gouro ou
Bouavéré s'appelaient à l'origine les
«Sérurê» Seri ou sohi veut dire libre et «
Vrê » biche ; l'un de leurs aïeuls ayant
été sauvé par une biche. Selon des informations orales
racontées par le vieux Zrah Bi Hué au cours d'une enquête
orale en Avril 1973 réalisée par Zamblé Bi You59(*), l'appellation actuelle des
«Serurê » bouavéré est relativement
récente. Elle est liée à la pêche pratiquée
par les membres de cette tribu et à la vente des produits liés
à cette pêche. La question de l'origine des Ayaou soulève
beaucoup de controverses.
Pour MEILLASSOUX60(*), « l'immigration des Ayaou est surtout
liée aux développements des cultures commerciales qui a suivi la
guerre de 1939-1945». Leur migration est plus récente. Selon des
témoignages, les Ayaou auraient habité la région de
Sakassou. Initialement membre de la tribu des Walèbo, ils feraient
partie de la suite de la reine Abla Pokou, mais une querelle de succession les
opposa aux autres tribus. Inférieurs en nombre, ils prirent la
décision de s'enfuir. Ils se dirigèrent donc vers l'ouest au
début du XIXème siècle ; ce qui contredit
la thèse de MEILLASSOUX.
A ces trois groupes, il faut ajouter la présence de
deux (02) ethnies minoritaires localisées au nord-est de Gohitafla. Il
s'agit des Muvanou ou Mona et des Ngwanou ou Ouan.
1-1-2-2-2 La vague de migrations
Les migrations actuelles se situent dans le prolongement
direct des mouvements de population de la période précoloniale.
Ainsi de véritables stratégies d'occupations et de colonisation
de forêt sont élaborées et appliquées non seulement
par les populations ivoiriennes, mais aussi par des populations
étrangères61(*).
1-1-2-2-2-1 Les raisons de l'arrivée des
Baoulé
L'immigration Baoulé dans cette région
découle de plusieurs raisons importantes à souligner :
La colonisation
En réaction à « l'agression » de
la société Baoulé par les entreprises coloniales à
travers le travail forcé, les Baoulé ont trouvé comme
moyen de défense la migration.
Les motivations
économiques
La Côte d'Ivoire, dès son indépendance a
axée son développement sur l'agriculture. La zone de forêt
bénéficiant d'un climat favorable a permis le
développement d'une agriculture de rente rémunératrice. La
zone de savane quant à elle présente des conditions moins
favorables. La sécheresse y sévit, d'ou la variation des
conditions pluviométriques qui accentue le caractère
aléatoire des exploitations. La migration se présente comme une
solution pour les Baoulé pour palier la faiblesse des revenues
monétaires.
Les nouvelles politiques de
l'indépendance
Au début des années 1970, l'Etat va «
occasionner» la migration Baoulé suite à la construction du
barrage hydroélectrique de kossou. Plusieurs milliers de paysans
Baoulé des rives du fleuve Bandama atteints par les eaux de retenue du
barrage sont transférés dans la Marahoué ;
créant ainsi des enclaves dans le département de Bouaflé.
Ce sont les localités comme Akwuébo, Attossé Bénou,
Diacohou Sud, Nangrékro, N'dénoukro, N'douffoukankro.
Outre ces différentes raisons, on note également
des déplacements spontanés de populations liés soit
à un désir d'aventure, soit à un désir de
« découvrir » le monde extérieur (surtout
chez les jeunes). Dans le second cas, la migration répond d'abord
à une curiosité.
1-1-2-2-2-2 L'arrivée des
Malinké
Ils sont originaires soit des Etats voisins du Nord et de
l'Ouest (Mali, Guinée) soit du Nord-Ouest de la Côte d'Ivoire
(Odiénné, Séguéla, Mankono). Ce n'est
qu'après la conquête coloniale que les Malinké
commencèrent à s'implanter dans la région dans le
sillage de l'armée coloniale. L'essentiel de leurs activités est
lié à l'économie coloniale à ses
débuts : artisanat commercial, colportage, commerce ; plus
tard traite du café et du cacao, transport, commercialisation des
produits vivriers excédentaires, transport en commun.
Parallèlement à leurs métiers de commerçants et
d'artisans, les Malinké sont aussi cultivateurs62(*).
1-1-2-2-2-3 L'arrivée des Mossi
L'un des traits les plus caractéristiques de la
région de la Marahoué sur le plan humain, c'est la
présence d'une forte communauté Mossi dans la région.
Troisième groupe important d'immigrants après les baoulé
et les Malinké, Les Mossi peuplent en grande partie cinq villages de la
région. Ce sont Garango, Tenkodogo, Koupela, et Koudougou dans le
département de Bouaflé et Kaya- Ziduho dans le département
de Zuénoula. Ces villages ont la particularité d'être
situés sur les grands axes routiers63(*).
Exemple : Garango sur l'axe
Bouaflé-Daloa, et Koudougou sur l'axe Bouaflé-Yamoussoukro.
Quelles sont les raisons de l'implantation des Mossi en plein Centre-Ouest
ivoirien ?
Leur présence dans la région de la
Marahoué s'explique strictement par des raisons économiques.
L'histoire de ces villages est liée à la volonté de la
puissance coloniale dès 1933 de mettre en valeur les
potentialités de la colonie de Côte d'Ivoire. La décision
définitive d'implanter les villages Mossi dans le cercle des Gouro fut
prise par l'arrêté 2292 AE du 11 Aout 1933 portant création
des villages dits de colonisation64(*).
Le but de la création de ces villages comme l'indique
l'arrêté pris par RESTE est de faciliter la mise en valeur des
zones fertiles du sud d'une part et de favoriser le brassage des diverses
populations qui peuplent la colonie d'autre part. Mais les motivations
réelles de cette décision vont au-delà des raisons
évoquées par l'arrêté.
En effet, la crise économique de 1929 a provoqué
dans les colonies un ralentissement de l'activité économique.
Ainsi lors de l'établissement du projet du budget de 1933, il est
décidé la suppression du cercle de la Haute-Volta et son
rattachement à la colonie de Côte d'Ivoire. L'application de cet
arrêté ne s'est pas fait sans problèmes. Il a fallu engager
des négociations avec les autochtones de la région d'accueil mais
aussi avec les autorités coutumières de la Haute-Volta en
l'occurrence le Moro Nabab65(*).
Au niveau de la Haute-Volta, pour motiver les Mossi et surtout
pour freiner leurs mouvements vers la Gold Coast, les colons décident
l'octroi de certains avantages aux Mossi. Il s'agit de la promesse de fonder
des villages sur les grandes routes d'étapes
Bobodioulasso-Banfora-Bouaké-Abidjan. Les chefs de familles seraient
payés par le budget local au début et installés dans des
cases construites gratuitement pour eux. Ils seraient exonérés
d'impôts les premières années, recevraient des terrains de
cultures et seraient nourris pendant six (06) mois aux frais de la
colonie66(*).
L'étude de la mise en place des peuples de la
région montre que le peuplement de la Marahoué résulte de
migrations variées. Il convient à présent de relever les
principaux traits de cette population.
1-1-2-2-3 Composition de la population
Plusieurs groupes ethniques cohabitent dans la région.
Cette population se compose essentiellement d'un grand groupe autochtones
appelé les Mandé du Sud. Il représente 34% de la
population totale de la région.
En plus des peuples autochtones, on rencontre également
dans la région une frange importante de populations allogènes
(des baoulé, des Malinké, des Sénoufo et bien d'autres
ethnies en minorité). Nous comptons dans la population
étrangère (22% de la population totale de la région), de
nombreux burkinabé, Maliens et Guinéens. Le peuplement de cette
région est le fait d'un processus historique et de mouvement migratoire
successifs.
1-1-2-2-4 Création administrative
Dans un souci de mieux faire connaître la région,
il nous parait important de donner des informations sur sa création
administrative. Au moment de la création de « la colonie
indépendante de la Côte d'Ivoire » (décret du 10
Mars 1893), les français ne tenaient que les points stratégiques
du pays : le littoral, les axes des fleuves, les points importants des
savanes du Nord (Séguéla, Mankono).
Le tout était de faire de cette colonie tracée
sur le papier une colonie réelle ; c'est dire d'occuper le terrain
et d'en administrer les habitants, l'occupation effective de l'ensemble du
territoire amène les français à créer un certains
nombre de postes à l'intérieur de la colonie.
Du point de vue administratif, le pays Gouro a connu plusieurs
aménagements en ce qui concerne son statut. En effet, avec la
dissolution de l'ancien cercle du haut Sassandra en 1911, les secteurs de
Zuenoula, Bouaflé et Sinfra qui lui appartenaient sont rattachés
à ceux de Lobo (région de Vavoua).
En 1913, est crée pour la première fois le
« Cercle Gouro » qui comprend les subdivisions :
Oumé, Sinfra, Zuénoula et Bouaflé ; Vavoua
étant exclu. Mais en 1936, le cercle est à nouveau
démantelé. Oumé est rattaché au « cercle
de Gagnoa », Bouaflé, Zuénoula, et Sinfra à
celui de Daloa. Il a fallu attendre 1957 pour voir se reconstituer
l'ancien « cercle Gouro » (devenu cercle de
Bouaflé) qui se trouve amputé d'Oumé qui reste dans le
« cercle de Gagnoa ».
Petite place militaire au début de sa création,
Bouaflé allait devenir le chef lieu d'une importante circonscription
administrative. La région connaîtra plus tard un autre
aménagement. En effet, le décret N° 97-19 du 15 janvier
1997 en son article 12 décrète que la région,
circonscription administrative régionale précédemment
dénommé Bouaflé est désormais identifiée
sous l'appellation de région de la «
Marahoué » avec pour chef-lieu Bouaflé. Le ressort
territorial de la région englobe les départements de
Bouaflé, Oumé, Sinfra et Zuénoula.
Tableau 1 : Lois et dates de
création des départements
Départements
|
Date de
création
|
Bouaflé
|
loi N° 69-241 du 9 juin 1969
|
Oumé
|
loi N° 79-409 du 21 Mai 1979
|
Sinfra
|
loi N° 85-1086 du 17 octobre 1985
|
Zuénoula
|
loi N° 79-409 du 21 Mai 1979
|
Source : Ministère de
l'intérieur
Ce découpage va une fois de plus subir une modification
en 2000. Ainsi le décret N° 2000-283 du 20 avril 2000
décrète en son article 1er qu'il est crée par
scission de la région du haut Sassandra et la région de la
Marahoué, la région du Fromager. Le département
d'Oumé rattaché à la nouvelle région du fromager ne
fait plus partie de la région de la Marahoué.
Initialement «Cercle Gouro» aujourd'hui «
région de la Marahoué » ; elle joue un rôle
important de par sa position géographique.
1-1-2-3 Aspects
socio-démographiques
Il s'agira d'appréhender les caractéristiques de
la population et leur milieu d'installation.
1-1-2-3-1 Caractéristiques de la population de la
Marahoué
1-1-2-3-1-1 Données générales sur la
population
Il s'agit de montrer les principaux caractères de la
population de la région. Selon les chiffres du dernier RGPH en 1998, la
Marahoué compte 554 807 habitants dont 52% d'hommes et 48% de femmes.
Cette population correspond à 4% de celle nationale soit 15 366 672
habitants pour 2,7% du territoire national (322 462 km²).
La population de la Marahoué dans l'ensemble est
relativement jeune puisque les personnes âgées de moins de 20 ans
représentent 57% de la population totale contre 4% de personnes
âgées de plus de 60 ans. Les adultes constituent 39% de la
population régionale. Sur un total de 291 localités
recensées en 1998, la Marahoué compte 286 localités
rurales et cinq (05) villes qui sont Bouaflé, Bonon, Zuénoula
Gohitafla et Sinfra.
1-1-2-3-1-2 Répartition de la population par
départements
La répartition spatiale de la population est un
élément essentiel de la gestion administrative. Elle offre une
perception de l'occupation du sol et pose les problèmes
d'aménagement. Elle permet aussi de saisir les potentialités du
milieu. Cette répartition porte sur la localisation des sites
habités et sur les densités de peuplement.
Tableau 2 : Récapitulatif de
la population par départements
LOCALITES
|
LIEU DE RESIDENCE
|
TOTAL
|
Urbain
|
%
|
Rural
|
%
|
BOUAFLE
|
47 941
|
32
|
101 105
|
68
|
149 046
|
BONON
|
28 140
|
32,2
|
59 126
|
67,8
|
87 266
|
ZUENOULA
|
23 972
|
22,7
|
81 585
|
77,3
|
105 557
|
GOHITAFLA
|
9 646
|
22,5
|
33 277
|
77,5
|
42 923
|
SINFRA
|
49 297
|
29
|
120 718
|
71
|
170 015
|
INS-REGION
|
158 996
|
28,6
|
395 811
|
71,4
|
544 807
|
Source : INS- RGPH-1998
Les résultats du RGPH-1998 indique que 71,4% de la
population totale de la Marahoué vit en milieu rural contre 28,6% en
milieu urbain. La proportion des ruraux dans la Marahoué est
supérieure à la moyenne nationale (57%). Dans le milieu rural de
la Marahoué, on distingue deux types de sites habités par les
populations les villages noyaux (65,5% d'habitants) et les campements ou
hameaux (34,5%)
1-1-2-3-1-3 Structuration de la population par sexe et
par âge
Tableau 3: Structure
de la population par département selon le sexe en 1998
DEPARTEMENTS
|
SEXES
|
RAPPORT DE MASCULINITE
|
Hommes
|
Femmes
|
BOUAFLE
|
123 223
|
113 089
|
109
|
SINFRA
|
89 959
|
80 056
|
112,4
|
ZEUNOULA
|
76 959
|
72 275
|
105,4
|
INS. REGION
|
289 386
|
265 421
|
109,02
|
Source : INS (RGPH l998)
La répartition de la population selon le sexe montre
une prédominance des hommes : 109 hommes pour 100 femmes. Cette
supériorité au niveau des hommes est identique dans les trois
départements.
Dans la région, les hommes sont plus nombreux que les
femmes; soit 52% pour 48%. La prédominance masculine est plus nette dans
le département de Sinfra (112 hommes pour 100 femmes). Dans la tranche
d'âge 75-79 ans, nous avons jusqu'à 199 hommes pour 100 femmes. Ce
département est une zone d'accueil. La migration est d'abord une affaire
d'hommes.
Dans le département de Zuénoula, nous avons une
supériorité féminine dans la tranche d'âge 20-59
ans. Cette situation est la conséquence d'une émigration scolaire
ou de travail qui touche particulièrement les hommes.
Au niveau des tranches d'âge, on remarque une
supériorité numérique des hommes dans certains groupes
d'âges: de 0-29 ans et de 45-94 ans. La supériorité
masculine est liée à divers facteurs:
Ø La migration scolaire. En effet, avec la suppression
des internats dans les établissements publics nationaux et le refus de
certaines personnes (parents ou amis des parents) d'héberger les
élèves parce qu'occasionnant des coûts additionnels pour
leurs ménages, on assiste de plus en plus à l'apparition
«d'enfants responsables»; c'est-à-dire des enfants chefs de
ménages. Ceux-ci se recrutent essentiellement parmi les enfants de sexe
masculin ;
Ø L'émigration des jeunes filles pour des
raisons de mariages, d'emploi ou de scolarisation ;
Ø La classe d'âge 60-64 ans est une zone de
vieille immigration avec le retour des retraités des grandes villes soit
pour se reposer, soit pour gérer leurs exploitations agricoles.
La supériorité féminine dans les tranches
d'âge 30-44 ans et 95 et plus peut s'expliquer par plusieurs raisons:
Ø Les personnes de sexe masculin en quête
d'emplois rémunérateurs se dirigent vers les centres urbains tels
que Bouaké, San-Pedro, Abidjan ;
Ø Les terres se raréfient sous la pression
démographique liée à l'afflux des migrants dans la
région. Pour faire face à cette situation, les populations
masculines se tournent vers d'autres zones à la recherche de terres
disponibles et cultivables;
Ø La prédominance féminine peut
être liée à la polygamie qui est courante en milieu rural
et un écart d'âge trop grand entre les époux;
Ø Le rapport de masculinité à la
défaveur des hommes dans la tranche d'âge 95 ans et plus pourrait
être lié à cet écart d'âge entre les
coépouses et le mari généralement plus âgé
qui décèdent souvent avant les épouses.
1-1-2-3-1-4 Structure de la population par pays d'origine
Il s'agit dans cette partie de faire une analyse descriptive
de la composition de la population à travers une comparaison des sous
populations que sont la population ivoirienne et la population non ivoirienne.
Tableau 4: Comparaison de la
population résidente ivoirienne et non ivoirienne.
|
Sexe
|
Rapport de masculinité
|
Masculin
|
%
|
Féminin
|
%
|
Total
|
%
|
IVOIRIENNE
|
219 287
|
51
|
211 499
|
49
|
430 786
|
78
|
103,7
|
NON IVOIRIENNE
|
70 099
|
57
|
53 922
|
43
|
124 021
|
22
|
130
|
Source : INS- RGPH 1988 -1998
La population ivoirienne dans la région est de 430 786
habitants en 1998. Elle représente 78 % de la population totale de la
région et est composée en majorité d'hommes (51 % d'hommes
contre 49 % de femmes); soit 103 hommes pour 100 femmes.
La structure par sexe et par âge des ivoiriens fait
apparaître une prédominance du sexe masculin dans les groupes
d'âge 0-19 ans et de 65-94 ans et un déficit masculin dans les
groupes de 20-64 ans et de 95 ans et plus. La supériorité
féminine dans la tranche d'âge 20-64 ans trouve son explication
dans les facteurs suivants :
-Les difficultés rencontrées sur le terrain par
les agents recenseurs et les absences longues et répétées
aussi bien en ville qu'en campagne de certains individus de sexe masculin ;
-On sait aussi le penchant des gens à se donner des
âges ronds (âges terminés par 0 et 5 ans).
-Les jeunes migrent vers les villes ou vers d'autres
campagnes.
La population non ivoirienne est aussi en majorité
masculine (57% d'hommes contre 43 % de femmes); soit 130 hommes pour 100
femmes. Trois communautés dominent cette population: les
Burkinabé (63,7%), les Maliens (22,65%) et les Guinéens (4,65%).
L'analyse de sa structure par âge et par sexe
révèle une supériorité masculine dans tous les
groupes d'âge. Cette supériorité provient d'une forte
immigration alimentée par une main-d'oeuvre essentiellement
étrangère et de sexe masculin. La prédominance des hommes
atteint son maximum dans la tranche d'âge 60-64 où nous avons 355
hommes pour 100 femmes. Ce rapport de masculinité élevé au
profit des hommes est lié aux mouvements importants des populations lors
de la colonisation. En effet, entre 1932 et 1933, la puissance coloniale
d'alors c'est-à-dire la France à créé par
décret les villages dits de colonisation dans le centre-ouest de la
colonie de Côte d'Ivoire. Ces villages sont peuplés de la main-
d'oeuvre mossi venue de l'ex-colonie de la Haute Volta. Les hommes
âgés en 1998 de 60 à 64 ans sont les enfants nés des
premiers immigrants installés dans la Marahoué dans les
années 1932-1933.
La structure par âge de la population non ivoirienne
présente aussi un rétrécissement au niveau de la classe
d'âge de 10 à 19 ans surtout chez les· hommes. Ce
rétrécissement peut s'expliquer par un départ massif des
jeunes dans leur pays d'origine pour des raisons scolaires.
En effet, les perturbations que connaissent l'école
ivoirienne depuis ces dix dernières années ; ainsi que le
coût élevé de la scolarité amènent les
parents à inscrire leurs enfants dans leurs pays d'origine. Il faut
ajouter à cela le fait que l'immigration des personnes en âge de
travailler commence généralement à partir de 20 ans.
L'analyse des caractères de la population
régionale révèle une prédominance des hommes sur
les femmes. Néanmoins, nous constatons un déficit de la
population masculine dans les groupes d'âge 30-39 ans. Ce déficit
est lié à la forte migration des hommes vers d'autres zones. Au
niveau de sa composition, la population non ivoirienne se caractérise
par une supériorité masculine dans tous les groupes d'âge.
Cette supériorité s'explique par une forte immigration
commencée depuis l'époque coloniale. L'évolution de la
population de la Marahoué s'est faite au rythme moyen annuel de 3,4% (le
taux national est de 3,3%).
La proportion masculine dans la région est de 52%
d'hommes contre 48% de femmes contrairement au taux national qui est de 51 %
d'hommes contre 49% de femmes. Ainsi, l'hypothèse selon laquelle la
Marahoué renferme des caractéristiques démographiques
différentes des moyennes nationales est vérifiée. Il
convient à cet effet de montrer l'impact de cette population sur son
espace de vie.
1-1-2-3-2 Milieu d'installation des
populations
1-1-2-3-2-1 Les campements
Plus de la moitié des localités recensées
sont rurales et représentent 71,4% de la population régionale
(RGPH- 1998). En effet, les populations qui arrivent dans la région sont
en majorité des paysans. Elles s'installent donc dans les campagnes qui
offrent les meilleures conditions pour la création d'exploitations
agricoles. Une des caractéristiques du milieu rural de la
Marahoué est la présence d'un nombre important de campements.
L'existence de campement de façon pérenne ou
saisonnière est liée à l'économie de plantation,
dans les zones de forêt. Leur importance s'explique par l'immigration.
Les immigrés, une fois les terres agricoles acquises élisent
domicile non dans les villages d'accueil, mais sur la parcelle du terroir qui
leur est acquise. Les campements sont créés soit par la
volonté des autochtones qui refusent la cohabitation avec les migrants,
soit par le désir des migrants de s'éloigner ou de s'isoler des
autochtones.
Tableau
5 : Les sous-préfectures et leurs
campements
POPULATION
SOUS-PREFECTURE
|
NOMBRE DE CAMPEMENTS
|
POPULATION
TOTALE
|
POPULATION DES CAMPEMENTS
|
Effectif
|
%
|
BONON
|
416
|
87 266
|
34 793
|
25,5
|
BOUAFLE
|
409
|
14 904
|
35 502
|
26
|
SINFRA
|
779
|
170 015
|
44 818
|
32,82
|
GOHITAFLA
|
54
|
42 923
|
4 389
|
3,21
|
ZUENOULA
|
497
|
105 557
|
17 032
|
12,47
|
INS-REGION
|
2155
|
554 807
|
136 534
|
100
|
Source : INS-1998
Selon le recensement de 1998, la Marahoué totalise 2
155 campements avec une population 136 534 habitants qui y résident. La
sous-préfecture de Sinfra compte 779 campements avec 32,82% de la
population totale des campements. C'est la sous-préfecture de Gohitafla
qui compte le moins de campements et par conséquent la plus faible
proportion de population (54 campements pour 3,21% l'effectif total des
campements).
L'une des spécificités de la Marahoué,
c'est la présence de nombreux campements d'immigrés. Les
campements d'immigrés sont par définition des lieux de
résidences plus ou moins durables .Ils se développent avec une
rapidité alimentée par des arrivées massives en provenance
des pays limitrophes. Rares sont les villages Gouro qui n'ont pas accueillis au
moins un campement de planteurs immigrés .La zone la plus dense est la
sous-préfecture de Sinfra. Il existe un va et vient incessant entre les
campements immigrés et les villages d'origines de ces planteurs en pays
Gouro.
Tableau 6 : Evolution du nombre de
localités par sous-préfectures
SOUS-PREFECTURES
|
1988
|
1998
|
EVOLUTION
|
BONON
|
26
|
20
|
-6
|
BOUAFLE
|
76
|
80
|
4
|
SINFRA
|
40
|
71
|
31
|
GOHITAFLA
|
37
|
32
|
-5
|
ZUENOULA
|
95
|
88
|
-7
|
INS-REGION
|
274
|
291
|
17
|
Source : INS (1988-1998)
Les données du tableau ci-dessous indiquent le nombre
de nouvelles localités officielles dans la région (17). Au niveau
des sous-préfectures de Bonon, Gohitafla, Zuénoula nous
remarquons une disparition de localités alors qu'à Bouaflé
et Sinfra, nous constatons les valeurs négatives du tableau. Nous
pouvons dire que le recensement de 1988 a soit, inscrit des campements qui ont
disparu, soit, intégrés à des villages qui se sont
regroupés. Il y a aussi le cas où le campement est
déserté par une frange importante de sa population ; par
conséquent il n'est pas officiellement pris en compte par le
recensement.
Au niveau des augmentations, soit des campements se sont
regroupés pour créer des villages, soit des campements
saisonniers pendant la période du recensement ont été
inscrits sur la liste des villages.
1-1-2-3-2-2 Les villages centres ou pays
rural
Afin de mieux maitriser l'équipement et la
modernisation du milieu rural, l'autorité ivoirienne a organisé
l'espace en pays « rural » de quelques milliers d'habitants
et de petites unités de superficies dont les pôles sont les
villages centres. Ainsi les FRAR (Fonds Régionaux d'Aménagement
Rural) ont défini pour chaque type d'établissement humain des
grilles d'équipements adaptables aux besoins particuliers des
différents « pays ». Un équipement correct du
milieu rural suppose :
- Des voies de communication permanente entre les villages et
les chefs-lieux de sous -préfecture.
-Des écoles.
-Des centres de santé.
-Des équipements hydrauliques.
Dans ces conditions, le village centre apparait comme le
premier niveau de polarisation. C'est là que la majorité des
habitants de la région trouve à sa portée certains
services qui rendent leurs conditions de vie acceptables. Le village centre
doit exercer une certaine attraction sur les autres villages du pays rural qui
lui sont rattachés. Ainsi la Marahoué compte 48 pays ruraux ou
villages centres repartis comme suite : 20 pour le département de
Zuenoula, 20 pour Bouaflé et 08 pour le département de Sinfra.
Un autre élément de la modernisation est
l'habitat. Nous avons eu en premier lieu un habitat de type traditionnel
où il existe très peu de maison de style moderne. Dans un second
cas, il y a des villages en grande partie ou entièrement
modernisés grâce à l'intervention de l'Etat. C'est le cas
des villages AVB (Aménagement de la Vallée du Bandama) de la
forêt des TOS (Nangrékro, N' dénoukro, Attossè,
Bénou, N'douffoukankro, Blé, Akouriébo, Diacohou sud). Les
cases se repartissent le long de la voie principale et sont construites en
briques et recouvertes de tôles. Elles ont parfois l'allure de petites
habitations de quartiers populaires des villes.
La création de la région de la Marahoué
obéit à une volonté politique de circonscrire une zone
géographique à cheval sur la savane et la forêt. Cet atout
naturel l'a ainsi dotée de réelles potentialités
agricoles. Cela fait d'elle une contrée qui attire les populations. Les
migrations dans cette région sont une réponse aux
problèmes de subsistance et de revenus des populations des savanes. La
migration qui est la plus importante dans la région est essentiellement
celle de migration de colonisation agricole. Il ya aussi les migrations
« occasionnées » par l'Etat suite à la
construction du barrage hydroélectrique de Kossou.
La migration qui nous intéresse ici est celle des
enfants des pays limitrophes à des fins d'exploitation dans les
plantations de café cacao dans la région.
De façon générale, la zone de
Bouaflé constitue la plus grande zone de progression avec des taux de
croissance de 10 à plus de 20% ; suivi de Sinfra avec une croissance qui
varie entre 1 et 15%. Mais Sinfra est aussi une zone d'abandon avec
régression de -5%. Il faut noter que le département de
Zuénoula est une zone où les abandons sont négligeables.
1-1-2-3-2-3 Les villes
La Marahoué se caractérise par sa
ruralité. Néanmoins, cette région présente quelques
signes de modernité avec une urbanisation naissante. Les cinq (5) villes
de la Marahoué disposent au minium d'infrastructures pour le
fonctionnement Etatique. A cela s'ajoutent des établissements
hospitaliers, scolaires et de formation.
1-1-2-4 Ressources économiques : une
région essentiellement agricole
L'agriculture, dans la région de la Marahoué,
repose sur des atouts naturels et humains, quelques infrastructures de
communication et les productions agricoles.
1-1-2-4-1 Atouts naturels
1-1-2-4-1-1 Un climat favorable
Le climat de la région tient du régime tropical
de transition caractérisé par le double passage du front
intertropical. L'année se subdivise en quatre saisons dont deux
sèches et deux saisons pluvieuses. D'abord on distingue la grande saison
sèche qui débute à partir de la fin de Novembre et
Décembre et se prolonge jusqu'au mois de Mars.
C'est le temps non seulement de la préparation des
terrains de culture (défrichements, brûlis) mais aussi des
récoltes d'ignames et des feux de brousse. C'est à cette
période (fin Décembre-Janvier) que souffle l'harmattan ou
«funè» en langue locale. C'est une brise froide et
sèche venant du nord et particulièrement sensible dans la
région de Zuénoula.
Ensuite, arrive la grande saison de pluies à partir
d'Avril-Mai. Les pluies éclatent généralement les
après-midi ou la nuit et durent parfois toute une journée dans
les années favorables.
Quant à la petite saison sèche, elle survient
à partir de Juillet-Août et dure parfois quelques semaines
à deux mois. Elle correspond au temps de sarclages des champs d'igname
et à la période de maturité du riz pluviale et du
maïs qui «sauve» les populations de la disette qui accompagne
souvent la fin des semaines. Enfin, avec le mois de Septembre correspondant
à la redescente du front intertropical, la pluie reprend ses droits
jusqu'à la fin Novembre. C'est une deuxième saison pluvieuse
courte mais intense.
Aujourd'hui ce climat connait bien des perturbations
fréquentes (irrégularités des pluies, sécheresse
fréquentes). Ces perturbations mettent les paysans dans une situation
d'incertitude d'une année à l'autre. Aussi, note-t-on une
migration vers d'autres régions.
Il faut remarquer que le rythme des saisons et les cycles
culturaux sont dans une relation de dépendance. Et les champs se
localisent dans l'espace en fonction de ces saisons et en fonction de la
végétation naturelle et de la qualité des sols.
1-1-2-4-1-2 Une végétation naturelle
propice en dégradation
La région de la Marahoué est une zone de
transition qui se trouve à cheval sur la forêt au sud et à
l'ouest et sur la savane au Nord et à l'Est. La forêt est
largement entamée par le développement des cultures de rente
(café et cacao) et des cultures vivrières.
Quant à la savane, elle est le domaine de croissance
des cultures vivrières comme l'igname, la patate et des légumes.
Autrefois soumise annuellement aux feux de brousse, la savane avec la
disparition progressive de la forêt primaire semble connaître un
regain d'intérêt; elle constitue de ce fait la zone
privilégiée où se cultivent l'arachide et le coton qui
devraient apporter un souffle nouveau à l'économie de la
région.
Il reste cependant vrai que les perturbations climatiques et
la dégradation du couvert végétal constituent une certaine
menace pour les sols, désormais soumis aux effets directs de
l'érosion et à une pression démographique nulle part
égalée.
1-1-2-4-1-3 Des sols médiocres aux qualités
physiques convenables
Toute la végétation pousse sur des sols de
qualités médiocres ; notamment des sols ferralitiques
moyennement dénaturés. Leurs caractéristiques
résultent du climat et de son évolution. Sur le plan des
aptitudes, le comportement des espèces culturales vis à vis de
ces sols est variable. Ce sont les sols forestiers aptes à
l'arboriculture qui attirent les populations. Les possibilités
d'associer les produits vivriers aux cultures d'exportation constituent un
autre élément d'attraction.
En plus, les voies de communication permettent aux immigrants
d'exploiter toutes les possibilités de ce milieu.
1-1-2-4-2 Atouts humains
La population de la Marahoué est, en majorité,
rurale. Cependant, l'accès à la terre diffère d'une
communauté à l'autre.
1-1-2-4-2-1 L'accès à la terre par les
autochtones
TAUXIER place comme figure centrale dans le régime
foncier Gouro, le «treza» (qu'il traduit par «chef de
terre»), descendant virtuel des premiers occupants. En pays Gouro, la
terre est avant tout un bien familial. Les populations ne travaillent que dans
la propriété familiale.
La Marahoué, en même temps zone de forêt et
de savane dispose de très peu de forêt; par conséquent de
peu de terre pour une population de plus en plus importante. Dans le cas
où un autochtone sollicite une parcelle de terre dans un autre domaine
familial, il se fait aider par un « tuteur ». La terre est
louée ou prêtée au demandeur uniquement pour les cultures
annuelles et non pour la réalisation de cultures pérennes.
Le prêt ou la location s'accompagne toujours de dons ou
de cadeaux au propriétaire terrien. Mais avec le relâchement des
rapports de parenté, nous assistons de plus en plus à
l'apparition de la propriété individuelle. Il y a
également le cas où le chef de terre s'accapare la terre avec
l'apparition des cultures commerciales génératrices de
revenus.
1-1-2-4-2-2 Les conditions d'installation et
d'acquisition de la terre par les allochtones
Généralement, l'allochtone a
déjà des contacts sur place. Il arrive dans la région soit
à l'appel d'un parent ou d'un ou d'un ami. Parfois, il vient dans la
région sans y connaître précisément quelqu'un.
Dans le premier cas, «l'étranger» travaille
pour son contact. Ce dernier lui sert plus tard d'intermédiaire
auprès du propriétaire terrien pour l'obtention de sa propre
parcelle de terre ; ou le « parent» peut donner une partie de la
terre qu'il occupe au nouveau venu avec l'accord du chef de terre.
Dans le second cas, le migrant s'adresse directement au chef
de terre pour l'acquisition d'une terre à cultiver. Il est
évident que les portions de forêt attribuées ne le sont
jamais à titre gratuit. A ce niveau, la pratique la plus courante est
celle de «cadeau» en espèces ou en nature. Par ce cadeau au
donateur, l'immigrant acquiert le droit de défricher et de planter.
Mais comme il s'agit bien de cadeau et non d'un achat,
celui-ci ne permet pas une appropriation réelle de la terre par le
migrant.
1-1-2-4-2-3 La stratégie des allogènes
(Mossi)
L'installation des Burkinabé dans la Marahoué
est facilitée par la présence des Mossi installés dans la
région depuis la période coloniale. Les nouveaux arrivants
s'adressent en premier lieu à leur communauté dans laquelle se
trouvent des propriétaires terriens67(*). Dans le cas où le nouveau venu n'a aucun lien
de parenté avec les Burkinabé installés dans la
région depuis longtemps, il se fait engager comme manoeuvre dans les
plantations de ses compatriotes.
Dans certains cas, les paysans Gouro prennent les nouveaux
arrivants burkinabés comme manoeuvres ; et en retour ils leur
attribuent des parcelles de terre sur la base de contrats (métayage). Il
faut ajouter à cela le fait que les autochtones dans leur désir
de freiner l'avancée de la migration baoulé facilitent
quelquefois l'accès à la terre des Burkinabés pour contrer
l'afflux baoulé.
1-1-2-4-3 Des infrastructures
routières
L'état du réseau routier apparait dans ce
tableau.
Tableau 7 :
Répartition du réseau routier
DEPARTEMENTS
|
Ensemble réseau routier (Km)
|
Réseau bitume (Km)
|
Réseau en terre (Km)
|
|
%/CI
|
|
%/CI
|
|
%/CI
|
BOUAFLE
|
1086
|
1,3
|
123
|
1,9
|
963
|
1,3
|
SINFRA
|
729
|
0,9
|
95
|
1,5
|
634
|
0,8
|
ZUENOULA
|
785
|
1
|
25
|
0,4
|
760
|
1
|
TOTAL REGIONAL
|
2600
|
3,2
|
243
|
3,7
|
2357
|
3,1
|
Source : Direction des routes et
voiries
Le développement de la Marahoué, région
à vocation agricole repose aussi sur la diversité de son
réseau routier estimé à 2 600 Km (soit 3,2% du
réseau national) dont 243 km de routes bitumées contre 2357 km de
routes en terre qui prennent aussi en compte les pistes.
Ainsi les routes bitumées ou routes nationales
d'intérêt général (3,7% du réseau national
bitumé) permettent d'assurer la jonction entre les préfectures et
les régions du pays. Les routes en terre (3,1% du réseau en terre
au niveau national) font la connexion entre les villages et les villes de la
région. Les pistes permettent de relier les campements entre eux et les
villages.
Ce réseau est l'un des atouts majeurs de la
région et constitue un élément stratégique du
développement régional en ce sens qu'il permet non seulement
l'écoulement des produits vivriers et d'exportation, mais
également le déplacement des personnes. Les pisteurs
n'éprouvent pas de difficultés particulières à
rallier les sites de productions. Néanmoins à cause de la nature
des sols, la saison des pluies est la période redoutée pour
certains tronçons.
1-1-2-4-4 Productions agricoles
Elles ont deux grandes composantes : les productions
vivrières et les productions d'exportation.
1-1-2-4-4-1 Productions vivrières
Les activités agricoles
vivrières portent en grande partie sur la culture du riz et de l'igname
dans la zone de savane, tandis que la forêt demeure le domaine de la
banane plantain.
En savane, c'est une agriculture itinérante sur
brûlis où la jachère permet la reconstitution des
éléments fertilisants du sol. Cette agriculture associe et fait
succéder dans le même champ et sur les mêmes parcelles
plusieurs cultures qui cèdent progressivement la place les unes aux
autres à mesure de leur maturité. Les cultures vivrières
sont destinées à l'autoconsommation. Le surplus est
destiné à la commercialisation. Le marché du vivrier est
singulièrement détenu par les femmes. Comme nous le disons plus
haut, le cycle cultural se calque sur le rythme des saisons et en fonction des
deux principales périodes de précipitations. La culture du riz et
de l'igname qui occupe l'essentiel du calendrier agricole tente donc de
s'adapter à cette division du temps.
Parfois les grains de riz sont mélangés à
ceux de gombo, de piment et surtout du maïs qui associé au riz
arrive toujours à maturité avant celui-ci. Plante exigeant
d'importantes quantités d'eau, la croissance du riz en l'absence d'une
technique de capture et de maîtrise de l'eau, est souvent
contrariée et demeure de ce fait tributaire des pluies. La culture du
riz demeure ainsi à la merci des moindres perturbations climatiques.
C'est pourquoi, pour prévenir d'éventuelles mauvaises
récoltes liées aux irrégularités
pluviométriques, les populations s'adonnent aussi à la culture de
l'igname ; l'autre pilier de l'alimentation en pays Gouro. Il faut noter que
l'igname se cultive très souvent en association avec d'autres cultures
comme le bananier, le manioc. Notons que la Marahoué de par sa position,
présente deux images.
Dans la savane du Nord, c'est le règne de la
spéculation vivrière autour d'une culture : l'igname. Au Sud
où l'écosystème forestier est plus favorable, c'est le
règne du café et du cacao. L'igname est la seule culture au
niveau de laquelle la région enregistre le plus grand volume de
production (20 000 à 60 000 tonnes). Par contre, la production de banane
plantain est la plus faible dans la région (900 à 3 500 tonnes).
Les départements de Bouaflé et de
Zuénoula ont sensiblement les mêmes volumes production de manioc
sur les quatre ans. Les cultures vivrières occupent l'espace en
même temps que les cultures d'exportation.
1-1-2-4-4-2 Productions d'exportation
Le binôme café-cacao domine largement les
cultures d'exportation. Ces cultures ont bénéficié de
techniques de production plus performantes.
Tableau 8 : Production en tonnes des
principales cultures d'exportation par département sur la période
1999-2003
|
Café
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
BOUAFLE
|
2 708,796
|
1034
|
460,527
|
1 590,662
|
1 176,1
|
SINFRA
|
766,760
|
3 688,792
|
3 122,620
|
2 186,180
|
846,264
|
ZUENOULA
|
4532,45
|
4 817,58
|
4 902,1
|
5 324,56
|
7 150
|
|
Cacao
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
BOUAFLE
|
21 848,093
|
15 829
|
17 061, 677
|
27 055,710
|
24 589, 932
|
SINFRA
|
12 684,150
|
17 622,316
|
14 841,770
|
21 630,573
|
29 804,970
|
ZUENOULA
|
4 199
|
4 210,4
|
4 218
|
4 625,92
|
1 534,4
|
Source : ANADER-Bouaflé,
Rapport annuel 2003
Le cacao constitue la principale production exportée en
poids. Au regard des données du tableau le cacao est le plus produit
dans les départements de Bouaflé et de Sinfra. Tandis que la zone
de prédilection du café est le département de
Zuénoula.
Les productions de café et de cacao connaissent de
nombreuses fluctuations dues en grande partie aux perturbations climatiques.
Les irrégularités pluviométriques qui affectent surtout
les rendements de café dans la zone de savane amènent les paysans
à se tourner vers des solutions de rechanges comme la culture du
coton68(*). Plante
à cycle végétatif court, le coton apparaît comme une
plante adaptée à la zone de savane (Zuénoula). Cette
culture est encouragée par la Compagnie Ivoirienne pour le
Développement des Textiles (CIDT). Elle assure la vulgarisation des
techniques culturales et l'encadrement des paysans producteurs.
Tableau 9 :
Production en tonnes de coton par départements sur la période
1997-2000.
|
Coton
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
BOUAFLE
|
1 015
|
2 038,6
|
2 588,6
|
1 941,5
|
SINFRA
|
248,7
|
499,5
|
634,3
|
475,7
|
ZUENOULA
|
3 663,6
|
7 359,2
|
9344,9
|
7 008,8
|
Le département de Sinfra est le plus faible producteur
de coton. De 1997 à 1999, la production cotonnière connaît
une croissance. Mais cette production chute en 2000.
La survie des cultures pérennes et annuelles
dépend de la disponibilité des réserves des terres
cultivables.
1-2 Population
Dans la constitution de notre population d'enquête nous
nous sommes intéressés à différentes
catégories dans l'intention de mieux cerner les contours de notre sujet.
Les acteurs directs impliqués dans le phénomène ont
été les premiers à être interrogés. Il s'agit
des enfants et des planteurs.
La deuxième population concerne ceux qui favorisent le
phénomène, il s'agit des intermédiaires (hommes ou
femmes), des chauffeurs, des convoyeurs.
Enfin, la troisième catégorie constituée
de personne n'ayant aucun lien direct avec le phénomène mais qui
sont interpellés par ses manifestations. Il s'agit de la police, la
gendarmerie, les Préfectures et Sous-préfectures, les ONG et
structures administratives.
1-3 Echantillon
Nous avons rencontré d'énormes
difficultés à obtenir l'effectif de la population cible car il
n'existe pas de données statistiques disponible. Nos investigations
à l'INS (Institut Nationale de la Statistique) et au BNETD sont
restées infructueuses. Il nous a été dit que ces
institutions ne disposent pas de données.
Cependant nous avons établi un échantillon qui
se présente comme suit :
Tableau 10 : Tableau relatif
à la répartition de l'échantillon
CATEGORIES DE POPULATION
|
GROUPES CIBLES
|
ECHANTILLON
|
Acteurs directement impliqués
|
Les employeurs
|
82
|
Les intermédiaires
|
60
|
Les parents des enfants victimes de la traite
|
03
|
Les enfants victimes de la traite
|
71
|
Acteurs indirectement concernés
|
Ministères de la Famille de la Femme et des Affaires
Sociales, de la Justice, des Droits de l'Homme, de la Santé et de
l'Hygiène Publique, de l'Agriculture
|
10
|
Chefs de communautés ethniques et religieuses
|
05
|
Spécialistes de la question de l'enfance (psychologues,
sociologues, éducateurs spécialisés, criminologues)
|
04
|
Elus locaux
|
02
|
Responsables des institutions et Organisations Non
Gouvernementales de protection et d'aide à l'enfance en
difficulté
|
12
|
Forces de Défense et de Sécurité
|
07
|
Population civile
|
05
|
TOTAL
|
261
|
II- METHODES DE RECHERCHE
Trois (03) méthodes nous semblent pertinentes dans la
description du phénomène de la traite d'enfants immigrés
dans les plantations de café cacao. Il s'agit de la méthode
historique, de la méthode comparative et de la méthode
structurelle.
2-1 Méthode historique
La causalité historique se présente comme un
facteur de compréhension des phénomènes sociaux à
travers l'espace et le temps. Aussi, cette méthode présente le
cadre conceptuel des phénomènes sociaux.
Elle recouvre plusieurs acceptions. Elle désigne
d'abord une période de l'histoire incarnée par l'allemand Ranke.
Désireux d'ériger l'histoire au rang de science rigoureuse, cet
auteur va défendre plusieurs principes communs : l'historien doit
établir les faits tels qu'ils se sont produits et saisir le passé
dans sa singularité par rapport aux autres époques, sans chercher
à émettre un jugement de valeur ; toute entreprise de
systématisation doit être rejetée au profit d'une recherche
des causes immédiates des événements.
Dans le cas de notre sujet, cette méthode nous
permettra de comprendre le passé de ces enfants et l'histoire
d'immigration de la Côte d'Ivoire. Ce retour aux sources nous permettra
aussi d'expliquer le côté traditionnel du trafic en
général et particulièrement en ce qui concerne l'Afrique.
Cela nous permettra de comprendre la pensée de E. TROELTSCH (1975) qui
affirmait en 1922, que « l'historicisme est l'historicisation
fondamental de toute notre pensée sur l'homme, sa culture et ces
valeurs ». Selon lui ce n'est pas l'esprit
humain qui en façonnant ces pensées et ces valeurs oriente
l'histoire, mais le contexte historique qui le détermine d'où le
déterminisme.
2-2 Méthode comparative
Nous avons décidé de diriger nos investigations
dans trois départements dans le but de diversifier les informations que
nous aurions recueilli .Dans cette vision de notre étude, il nous semble
primordial de recourir à la méthode comparative. Elle nous
permettra d'apprécier au mieux les manifestations du
phénomène dans nos différentes régions. Nous nous
efforcerons de dégager les éléments constants, abstrait et
généraux69(*) et les ressemblances et/ou différences
notamment, au niveau des caractéristiques socioéconomiques et
démographiques des enfants, des facteurs explicatifs, des
éventuelles conséquences et des perspectives dans nos zones
d'étude
2-3 Méthode structurelle
Le structuralisme cherche à expliquer un
phénomène à partir de la place qu'il occupe dans un
système, suivant des lois d'association et de dissociation
(supposé immuable).
Elle cherche à comprendre le lien qui lie les enfants
du lieu de départ au lieu d'arrivée. L'organisation qui sous
entend cette pratique doit être analysée afin d'en cerner le
contour. L'on assiste à une professionnalisation qui s'apparente
à une entreprise où l'enfant est la marchandise, et
utilisé à partir d'un contrat verbal. Le but visé par ces
trafiquants est la recherche de gains financiers.
Le structuralisme nous permettra d'apprendre d'autres types de
rapports structurels entre les auteurs du trafic et des variables d'ordre
socioculturel (ethnie, sexe, culture, pays d'origine, religion) elle nous
permettra de nous pencher sur les interactions des influences mutuelles entre
le développement et la traite des enfants dans un contexte
socio-économique et culturel.
III- TECHNIQUES DE RECUEIL, MODES DE TRAITEMENT DES
DONNEES ET DIFFICULTES RENCONTREES
3-1 Techniques de recueil de
données
3-1-1 Documentation
L'étude documentaire de notre sujet a été
très difficile car la littérature dans ce domaine est rare. Ce
fut l'une des phases les plus importantes de notre travail. Aussi, avons-nous
consulté :
- les bibliothèques des Unités de Formation et de
Recherche de Criminologie, des Sciences de l'Homme et de la
Société, et de l'Institut de Géographie
Tropicale ;
- les services de documentation du BICE, de l'OIT et de
l'UNICEF ;
- le site internet de l'ONU et le dictionnaire en ligne
Wikipédia.org ;
- des coupures de journaux ;
- des thèses et des mémoires
- des séminaires
- des décrets ministériels
3-1-2 Enquête-interrogation
3-1-2-1 L'entretien
L'entretien peut être défini comme un
procédé d'investigation scientifique utilisant un processus de
communication verbale pour recueillir des informations en relation avec le but
fixé70(*).
L'entretien nous a amené à échanger avec toutes les
catégories de populations composant notre échantillon. Au cours
de ces échanges, les interlocuteurs ont exprimé les uns leurs
perceptions et interprétations du travail des enfants dans les
plantations de café- cacao et les autres, leurs expériences et
motivations dans ces espaces de travail, ainsi que leurs aspirations
sociales.
Ces entretiens ont cependant varié selon le
degré de liberté (questions ouvertes et questions fermées)
et le niveau du répondant qui a conditionné la qualité
des réponses, (réponse « riches, complexes »,
« précises et univoques »), mais aussi, parce que
nous voulions obtenir le maximum d'informations.
Ce sont : l'entretien libre, l'entretien dirigé et
l'entretien semi- dirigé ; tous menés de façon
individuelle en vue de mettre les acteurs en confiance et leur permettre de
s'exprimer plus ou moins librement sans être influencé par la
présence d'autres individus.
3-1-2-1-1 L'entretien libre
Cet entretien nous a permis d'échanger directement avec
des populations qui se sont exprimées de façon libre sur le sujet
en se prêtant à différentes questions.
Tandis que les unes ont raconté leurs
expériences du travail dans ces plantations de café-cacao,
d'autres en ont plutôt fourni des données d'opinion et de fait.
Dans le premier cas, ce sont surtout les enfants qui ont
été entendus dans les plantations pour certains et en dehors de
celles-ci pour d'autres. Ceux- ci ont en outre formulé des voeux quant
à leurs aspirations sociales. Concernant les seconds, il s'est agi des
responsables institutionnels et autres, des exploitants agricole, qui ont
respectivement livré des informations dans les locaux de leur service et
à leur domicile.
3-1-2-1-2 L'entretien dirigé
Nous nous sommes particulièrement
intéressées à cette technique, parce qu'elle est à
même de permettre de vérifier la fréquence des informations
que pourraient livrer les populations enquêtées.
Aussi, celles-ci ont-elles été
interrogées sur les mêmes questions que nous avions au
préalable prévues ainsi que leur ordre. De même ces
individus pendant l'entretien ont bénéficié des
mêmes explications sur l'objet de travail et ce, dans le souci de
recevoir des informations du même niveau de connaissance des divers
acteurs.
Cette technique s'est avérée d'autant plus
importante pour nous qu'elle a pu nous situer sur les discours
récurrents des acteurs interrogés.
3-1-2-1-3 L'entretien semi-dirigé
Technique à cheval sur l'entretien libre et l'entretien
dirigé, l'entretien semi- dirigé n'est ni entièrement
libre, ni entièrement dirigé par un grand nombre de questions
précises structurées.
Il faut en effet noter qu'au cours de cette investigation,
nous n'avons pas forcément posé toutes les questions
prévues, tant du point de vue de la formulation que dans l'ordre
prévu. Mais, le guide d'entretien (question guides) relativement ouvert
dont nous disposions, a plus ou moins comblé cette lacune. Il a permis
d'amener d'une part, les personnes entretenues à ne pas trop
s'éloigner de l'objet d'étude, quoique ces dernières
puissent s'exprimer aisément dans des termes et l'ordre qui leur
convenaient, et d'autre part, il a servi de support.
Par ailleurs, il nous est apparu nécessaire au cours de
cet entretien de faire discrètement usage d'un dictaphone afin de
pouvoir mieux profiter des réponses des populations interrogées,
car il ne nous était pas toujours facile de les retenir toutes.
Cette technique non moins importante que les
précédentes, s'est appliquée à toutes les personnes
composant notre échantillon, mais plus encore, à celles que nous
n'étions pas sure de constamment revoir du fait de leurs nombreuses
responsabilités.
Ce sont singulièrement, les responsables
institutionnels et autres responsables de service ainsi que les
autorités villageoises. Elle a également concerné les
personnes qui avaient des difficultés à s'exprimer en
français ; celles- ci répondant par moment dans des langues
locales (singulièrement en malinké, baoulé,
bété) que nous parlons et comprenons plus ou moins.
3-1-2-2 Questionnaire
Nous avons eu recours au questionnaire au regard de l'objectif
principal (chercher à saisir les contours et dimensions du
phénomène du travail des enfants dans les plantations de
café-cacao en Côte-d'Ivoire). C'est un moyen de communication
entre l'enquêté et l'enquêteur. Il consiste à poser
une série de questions par écrits sur des sujets de relatives
à une situation. Cela permet d'obtenir leur opinion, leurs attentes, et
leur niveau de connaissance ou de conscience d'un problème ou de tout
autre point qui intéresse le chercheur et nécessite des
réponses écrites.
Cette dernière exigence nous a empêché de
l'étendre à l'ensemble de tous nos sujets enquêtés,
car il faut le rappeler, les sujets qui ont contribué à
réaliser notre travail sont pour la plupart issus du milieu rural et
nombreux à ne pas savoir lire et écrire.
Notre enquête par questionnaire a donc concerné
exclusivement les personnes lettrées qui ont l'habitude de s'exprimer
par écrit.
Elaborés autour de trois types de questionnaires
d'administration « directe » et
« indirecte » refermant des questions ouvertes et
fermées, cette technique s'est adressée à un nombre
restreint de personnes (les responsables institutionnels et autres responsables
de service public et privés et quelques enfants travailleurs ainsi que
des employeurs et/ ou parents de ces enfants travailleurs). Nous avons alors
utilisé :
- Deux questionnaires d'administration indirecte ont
été adressés. Dont l'un relatif aux conditions de vie et
de travail des enfants dans les plantations, aux facteurs susceptibles
d'expliquer leur implication dans les travaux champêtres et aux probables
conséquences qu'ils subissent au travail ainsi qu'à leurs
aspirations sociales :
- L'autre a concerné des parents et/ou employeurs des
enfants, qui ont essentiellement répondu à des questions de
comportement, c'est-à-dire que ces individus nous ont aussi
renseigné sur les différentes activités menées par
les enfants, mais surtout les traitements auxquels ils sont sujets dans ces
espaces de travail et la nature de leur rapport avec eux.
Nous voulions par ce genre de questionnaires (d'administration
indirecte) éviter toutes situations susceptibles de provoquer des
sentiments de désapprobation chez les enquêtés, parce
qu'ils sont directement concernés par le phénomène
étudié et la dernière catégorie est surtout tenue
pour responsables des mauvais traitements dont les enfants travailleurs
seraient l'objet.
Par ailleurs, nous nous donnions ainsi la possibilité
d'avoir des réponses certes pas précises, mais dont
l'exploitation pourrait donner lieu à des informations non moins
importantes et relatives au sujet de recherche.
- Le troisième et dernier questionnaire
d'administration directe, basé sur des questions de fait, d'opinion, de
croyance et de connaissance était destiné aux responsables
institutionnels et autres responsables de services publics et privés non
impliquées dans le processus de production du café - cacao, mais
qui ont également pu nous éclairer sur notre objet
d'étude.
3-1-3 Observation
Comme dans les sciences de la nature, la recherche empirique
dans les sciences de l'homme et en criminologie en particulier suppose d'abord
l'observation des faits à expliquer71(*), l'observation étant une technique de collecte
de données qui consiste à observer les faits sociaux que l'on
veut étudier. L'acte d'observer met le chercheur dans une situation de
captage de données aussi bien observables que non observables.
Dans cette optique, il nous est apparu important d'avoir
recours à cette technique dans le cadre de notre étude. Ce qui a
nécessité notre déplacement sur le lieu de travail des
enquêtés, c'est-à-dire dans les plantations afin de les
observer nous même pendant l'exécution de leurs différentes
taches.
Outre l'observation directe, nous avons en second lieu eu
recours à l'observation participante qui a permis d'intégrer
pendant un peu plus d'un mois, la vie des communautés rurales
enquêtées.
Mêlés donc au système
étudié, nous avons avec les villageois effectué des taches
dans les plantations de café - cacao en participant, principalement au
ramassage des cabosses de cacao, à la mise en tas des cerises de
café à l'écabossage. Nous avons également
travaillé dans des plantations de culture vivrières.
L'exécution de ces travaux s'est faite sans
difficultés pour nous, parce que comme déjà noté,
nous avons-nous aussi pendant l'enfance travaillé dans les champs et
encore de nos jours, nous continuons à effectuer quelques
activités agricoles.
Cette dernière observation a été d'autant
plus importante que de par ces quelques expériences vécues
temporairement dans les zones d'étude, nous avons pu cerner, que le
choix ou les motivations, les préférences et les attentes des
enfants travailleurs, les attitudes ont pu être plus ou moins
cernés.
En somme, les observations directes et participantes qui se
sont toutes les deux révélées nécessaires pour
notre travail de recherche, ont dans une certaine mesure donnée
l'occasion d'infirmer ou de confirmer les discours officiels ou
récurrents de certains acteurs en rapport avec le travail des
enfants.
Au total, toutes les techniques de recueil de données
n'ont pas été vainement utilisées. Elles ont d'autant plus
été importantes qu'elles ont dans la pratique permis d'obtenir
diverses informations susceptibles d'éclairer le phénomène
étudié et vérifier nos hypothèses de travail. Aussi
convient-il d'exposer les méthodes qui ont concouru à
interpréter ces données recueillies.
3-2 Modes de traitement des données
3-2-1 Analyse de contenu
Technique qui permet de faire des inférences en
identifiant objectivement et systématiquement les
caractéristiques spécifiées du message, l'analyse de
contenu a servi à traiter tous les entretiens et les données
recueillies.
Qu'elles soient latentes ou manifestes, l'analyse du contenu a
permis de retenir les informations les plus fréquentes et donc qui
paraissent assez objectives et utiles pour la compréhension de notre
travail de recherche.
3-2-2 Analyse quantitative
Le recours à l'analyse quantitative nous a permis de
quantifier les données recueillies (catégories d'enfants
travailleurs, les parents des enfants, les employeurs agricoles des plantations
de café-cacao, les responsables institutionnels, les travailleurs
d'autres structures modernes etc.). Elle nous a en outre amené à
mettre en relation des variables (sexes, âge, niveau d'instruction,
religion, type d'habitat...) qui ont éprouvé nos
hypothèses.
Aussi a-t-on pu mesurer le degré d'implication des
enfants aux différentes activités liées au processus de
production du café- cacao dans les plantations.
3-2-3 Analyse qualitative
Cette approche a été d'un grand apport dans la
compréhension du phénomène étudié en nous
édifiant sur les attitudes, les choix et les motivations des adultes
(les parents des enfants et les employeurs dans les plantations de café-
cacao) utilisant les enfants dans les champs de café- cacao d'une part
et sur ceux des enfants d'autre part.
L'analyse qualitative nous a permis de cerner les aspirations
sociales des enfants travailleurs et les opinions d'autres sujets
concernés par les enquêtes.
3-3 Difficultés rencontrées
Les difficultés rencontrées sont de deux
ordres.
D'abord la question de la documentation fut un réel
problème pour nous. Il nous a été très difficile
d'avoir des documents sur la manifestation du phénomène car la
plupart des documents disponibles traitent de l'insertion sociale des enfants
victimes de traite, de l'impact des activités informelles.
Il faut adjoindre à cela le manque de
données statistiques nationales. Les dernières difficultés
nous viennent du terrain. Ces difficultés sont d'ordres techniques.
Nous avons eu comme problème majeur la question de la
langue. La plupart de ces enfants s'exprime en bambara. Il nous a fallu trouver
des traducteurs en langue sur le terrain.
Malgré, ces difficultés
énumérées nous avons pu obtenir des résultats
grâce à nos motivations personnelles et au conseil de notre
directeur de thèse qui n'a ménagé aucun effort tant
financier qu'humain pour nous pousser au travail.
Nous avons eu le soutien financier de l'Etat qui nous a
octroyé quatre années de bourse. L'UNICEF, structure qui a en
charge au plan international l'éducation et la protection de l'enfant
nous a octroyé un ordinateur portable qui nous a permis de saisir notre
travail.
Conclusion de la première partie
Au terme de cette première partie de notre travail
consacré au cadre théorique et méthodologique, nous
pouvons affirmer que la question de la traite des enfants immigrés,
sujet de notre étude, est d'une importance capitale. La manifestation de
ce phénomène pose le problème de la protection de l'enfant
en général et de l'enfant immigré en particulier.
Cette affirmation ne peut être vérifiée
que par une démarche méthodologique prenant en compte la
situation familiale (l'extrême pauvreté des familles des enfants),
l'approche historique (la colonisation), les formes structuralisme
(l'organisation qui est fait dans le recrutement et le convoyage des
enfants) ; à cela il faudrait ajouter le recueil des données
fondées sur l'entretien, le questionnaire (direct ou semi-direct) et la
documentation.
En ce qui concerne le terrain d'étude, il convient de
noter que nous avons choisi la région de la Marahoué car la
création de cette région obéit à une volonté
politique de circonscrire une zone géographique à cheval sur la
savane et la forêt. Cet atout naturel l'a ainsi dotée de
réelles potentialités agricoles, cela fait d'elle une
contrée qui attire les populations tant étrangères que
nationales.
I- PRESENTATION DES PRINCIPAUX ACTEURS IMPLIQUES DANS LA
CHAINE DE LA TRAITE
Au cours de notre enquête nous avons constaté que
quatre principaux acteurs participent à la manifestation de la traite
des enfants immigrés. Ce sont entre autres les employeurs des enfants,
les intermédiaires, les parents des enfants, et les enfants
eux-mêmes.
1-1 Présentation des employeurs
1-1-1 Typologie
Au cours de nos investigations, nous avons
enquêté un effectif total de quatre-vingt deux (82) individus
reconnus comme employeurs d'enfants. De cette catégorie, deux (02) types
d'employeurs, repartis dans le tableau qui suit, ont été
identifiés.
Tableau 11 : Répartition des
employeurs selon leur nationalité
Typologie
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Les planteurs nationaux
|
22
|
26,80
|
Les planteurs non nationaux
|
60
|
73,20
|
Total
|
82
|
100
|
Le graphique ci-dessus indique que l'effectif total de
l'échantillon des employeurs est composé de planteurs ivoiriens
et de planteurs non nationaux. Ainsi, sur les 82 employeurs, les premiers
(ivoiriens) représentent 26,80% contre 73,20% de non nationaux. Les non
nationaux ont un pourcentage assez élevé. Du fait de l'origine de
ces enfants, les planteurs étrangers ont un avantage par rapport aux
nationaux par rapport à la langue. Ceci a été
observé sur le terrain car nous avons constaté qu'il y avait une
aisance de conversation entre employeur non nationaux et enfants
employés contrairement aux nationaux qui durant toute notre
enquête communiquait rarement avec les enfants employés.
1-1-1-1 Les planteurs nationaux
Cette catégorie d'acteurs est composée
essentiellement de planteurs ivoiriens. Certains d'entre eux sont des
autochtones c'est-à-dire originaires de la région de la
Marahoué. D'autres, par contre, sont des populations allochtones venues
d'autres régions de la Côte d'Ivoire.
Cette catégorie enquêtée utilise des
enfants immigrés dans leurs plantations de café-cacao. Il est
à noter que les planteurs nationaux en plus des enfants immigrés
travaillent avec leurs propres enfants ou des enfants de la famille
élargie (cousin, neveu, tante, nièce ou oncle).
1-1-1-2 Les planteurs non nationaux
Les employeurs planteurs non nationaux sont originaires de
nombreux pays. Ils sont, pour la plupart, installés dans cette
région depuis de longues années. Ils disposent de grandes
exploitations agricoles qui ont besoin de nombreuses mains d'oeuvre. La plupart
des planteurs non nationaux louent la terre avec les autochtones. Mais une
bonne partie de ces planteurs possèdent de grandes surfaces qu'ils ont
acheté avec des chefs de familles autochtones.
1-1-2 Typologie des employeurs par
départements
Tableau 12 : Répartition
des employeurs selon le département
Typologie
|
Bouaflé
|
Sinfra
|
Zuénoula
|
Total
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Les planteurs nationaux
|
07
|
08,53
|
11
|
13,40
|
04
|
04,87
|
22
|
26,80
|
Les planteurs non nationaux
|
39
|
47,58
|
09
|
10,99
|
12
|
14,63
|
60
|
73,20
|
Total
|
46
|
56,11
|
20
|
24,39
|
16
|
19,50
|
82
|
100
|
GRAPHIQUE 3 : Répartition
des employeurs selon le département
Il ressort de ce tableau que la structure de la
répartition des employés par départements visités
ne présente pas les mêmes similitudes. Sur l'ensemble des 82
employeurs interrogés, nous en avons rencontré 56,11% à
Bouaflé, 24,39% à Sinfra et 19,50% à Zuénoula. Les
résultats obtenus nous ont permis de voir qu'à Bouaflé,
nous avons un taux élevé de planteurs non nationaux qui ont
été interrogés 47,58 par contre, à Sinfra le taux
d'employeurs non nationaux est de 10,99% et 14,63% pour le département
de Zuenoula.
En ce qui concerne leur typologie, les planteurs ivoiriens
constituent 08,53% de l'échantillon total contre 47,58% de non nationaux
à Bouaflé, 13,40 pour 10,99% d'étrangers à Sinfra
et 04,87% pour 14,63% de non ivoiriens à Zuénoula.
1-1-3 Caractéristiques des employeurs
1-1-3-1 Age des employeurs
Tableau 13 : Répartition des
employeurs selon leur âge
Typologie
Age (Années)
|
Les planteurs nationaux
|
Les planteurs non nationaux
|
Total
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
[25-30]
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
[30-35]
|
00
|
00
|
15
|
18,30
|
15
|
18,29
|
[35-40]
|
04
|
04,87
|
05
|
06,10
|
09
|
10,98
|
[40-45]
|
08
|
09,74
|
17
|
20,74
|
25
|
30,49
|
[45 et plus [
|
10
|
12,19
|
23
|
28,06
|
33
|
40,24
|
Total
|
22
|
26,80
|
60
|
73,20
|
82
|
100
|
Graphique 4 : Répartition des employeurs
selon leur âge
L'âge des employeurs varie, de façon
générale, de 30 à plus de 45 ans. Dans cette fourchette,
l'observation du tableau montre que 70,73% ont plus de 40 ans. Il faut noter
également que 18,29% d'employeurs ont entre 30 et 35 ans, 10,98% sont
dans l'intervalle de 35 à 40 ans.
Il est à noter que la plus part des nationaux 12,19%
qui se retrouvent dans ce trafic ont 40ans et plus. Les non nationaux
impliqués dans ce phénomène ont un âge qui varie
entre 30 et plu de 40 ans. Ceux qui ont 40 ans et plus sont les plus nombreux
avec 28,06%.
1-1-3-2 Sexe des employeurs
Tableau 14 : Répartition des
employeurs selon le sexe
Typologie
Sexe
|
Les planteurs nationaux
|
Les planteurs non nationaux
|
Total
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Masculin
|
22
|
26,83
|
58
|
70,73
|
80
|
97,56
|
Féminin
|
00
|
00
|
02
|
02,44
|
02
|
02,44
|
Total
|
22
|
26,83
|
60
|
73,17
|
82
|
100
|
Les employeurs des enfants dans les plantations sont dans leur
quasi-totalité (97,56%) de sexe masculin. Seuls 02,44% d'employeurs non
ivoiriens de sexe féminin ont été interrogées. Cela
peut s'expliquer par le fait que la plupart des grandes surfaces de plantations
sont traditionnellement détenues par les hommes. Les quelques femmes que
nous avons interrogé, nous ont avoué qu'elles ont
hérité de ces plantations de leurs défunts maris. Au
niveau des nationaux nous n'avons pas eu de femme possédant une
plantation et qui engage des enfants.
1-1-3-3 Nationalité des employeurs
Tableau 5 : Répartition des
employeurs selon la nationalité
Typologie
Nationalité
|
Les planteurs nationaux
|
Les planteurs non nationaux
|
Total
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Côte d'Ivoire
|
22
|
26,83
|
00
|
00
|
22
|
26,83
|
Burkina Faso
|
00
|
00
|
48
|
58,54
|
48
|
58,54
|
Mali
|
00
|
00
|
09
|
10,97
|
09
|
10,97
|
Guinée
|
00
|
00
|
01
|
01,22
|
01
|
01,22
|
Autres
|
00
|
00
|
02
|
02,44
|
02
|
02,44
|
Total
|
22
|
26,83
|
60
|
73,17
|
82
|
100
|
Graphique 5 : Répartition des
employeurs selon la nationalité
La structure de la nationalité des employeurs d'enfants
dans la région de la Marahoué reste dominée par les
employeurs originaires de trois pays frontaliers de la Côte d'Ivoire. Les
plus nombreux sont issus du Burkina Faso (58,54%), puis viennent les Maliens
(10,97%) et les Guinéens (01,22%).
Les employeurs ivoiriens et ceux des nationalités
autres que celles susmentionnées sont représentés à
hauteur de 26,80% pour les premiers et 02,44% pour les seconds.
1-1-3-4 Religion des employeurs
Tableau 16 : Répartition des
employeurs selon la religion
Typologie
RELIGION
|
LES PLANTEURS NATIONAUX
|
LES PLANTEURS NON NATIONAUX
|
Total
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Chrétien
|
07
|
08,54
|
05
|
06,09
|
12
|
14,63
|
Musulman
|
10
|
12,19
|
50
|
60,97
|
60
|
73,17
|
Animiste
|
03
|
03,66
|
04
|
04,88
|
07
|
08,54
|
Autres
|
02
|
02,44
|
01
|
01,22
|
03
|
03,66
|
Total
|
22
|
26,80
|
60
|
73,17
|
82
|
100
|
Les employeurs dans la région de la Marahoué
sont, en général, de religion musulmane (73,17%). Le pourcentage
est plus élevé chez les planteurs non ivoiriens (61%) que chez
les planteurs ivoiriens (12,18%).
Par ailleurs, on note parmi les employeurs d'enfants, 14,63%
de chrétiens, 08,54% d'animistes et 03,65% d'employeurs n'appartenant
à aucune des catégories de religion que nous avons
identifiées.
1-1-3-5 Niveau d'instruction des employeurs
Tableau 17 : Répartition des
employeurs selon le niveau d'instruction
Typologie
Niveau d'instruction
|
Les planteurs nationaux
|
Les planteurs non nationaux
|
Total
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Secondaire
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
Primaire
|
02
|
02,43
|
03
|
03,66
|
05
|
06,09
|
Ecole coranique
|
01
|
01,23
|
25
|
30,50
|
26
|
31,73
|
Analphabète
|
19
|
23,14
|
32
|
39,04
|
51
|
62,18
|
Total
|
22
|
26,80
|
60
|
73,20
|
82
|
100
|
Graphique 7 : Répartition des
employeurs selon le niveau d'instruction
Le taux d'employeurs d'enfants ne sachant ni lire ni
écrire est élevé (60,96% soit 23,14% chez les planteurs
ivoiriens et 37,82% chez les planteurs non ivoiriens). En outre, 31,73% ont
fait l'école coranique. Par contre, très peu de planteurs
(06,09%) ont connu une scolarisation et n'ont pas atteint le secondaire.
1-2 Présentation des
intermédiaires
L'intermédiaire est celui qui permet la livraison des
enfants aux employeurs. L'intermédiaire peut être un recruteur ou
un facilitateur du trafic et de la transaction de l'enfant. En somme, il est
situé entre l'offre c'est-à-dire les parents des enfants et la
demande représentée par les employeurs.
1-2-1 Typologie
L'enquête effectuée nous a permis de rencontrer
un effectif total de quarante neuf (49) intermédiaires. Deux (02) types
ont été distingués notamment les recruteurs et les
passeurs repartis dans le tableau qui suit.
Tableau 18 : Répartition des
intermédiaires selon leur typologie
Typologie
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Les recruteurs
|
Les intermédiaires placeurs
|
14
|
23,33
|
Les recruteurs occasionnels
|
08
|
13,33
|
Les passeurs
|
Les passeurs de frontière
|
17
|
28,34
|
Les organisateurs de convoie
|
15
|
25
|
Les transporteurs inter-Etats
|
06
|
10
|
Total
|
60
|
100
|
Graphique 8 : Répartition des
intermédiaires selon leur typologie
Le tableau ci-dessus nous permet d'appréhender deux
types d'intermédiaires. Nous avons 36,66% de recruteurs et 63,34% de
passeurs.
Au niveau des recruteurs, il y a 23,33%
d'intermédiaires placeurs et 13,33% de recruteurs occasionnels.
En ce qui concerne les passeurs, les passeurs de
frontière représentent 28,34%, les organisateurs de convoie, 25%
et les transporteurs 10%.
1-2-1-1 Les recruteurs
Les recruteurs sont chargés d'enrôler ou d'aller
chercher les enfants. Ce sont :
1-2-1-1-1 Les intermédiaires placeurs
L'enquête nous a
révélé que ce groupe d'individu était pour la
plupart des personnes dont la notoriété était au dessus de
tout soupçon. Nous pouvons citer les imams, les chefs de
communautés, les chefs de villages.
1-2-1-1-2 Les recruteurs occasionnels
Il s'agit pour la plupart du temps de certains
commençants, chauffeurs de cars inter-Etat, de personnes en mission
à l'étranger qui profitent de l'occasion qu'ils ont pour
appâter des enfants et les convoyer en Côte d'Ivoire. La
particularité de cette catégorie d'individus est qu'ils exercent
cette activité d'enfants pour leur traite dans les plantations de
façon occasionnelle.
1-2-1-2 Les passeurs
Les passeurs sont des individus qui facilitent le passage du
pays d'origine des enfants au pays d'accueil c'est-à-dire la Côte
d'Ivoire.
1-2-1-2-1 Les passeurs de frontières
Ce sont des individus qui facilitent et permettent la
traversée des frontières. On les retrouve au niveau des
frontières. Ce sont des individus qui ont une connaissance relativement
parfaite des pistes qui relient la Côte d'Ivoire aux pays frontaliers.
1-2-1-2-2 Les organisateurs de convoie
Les organisateurs de convoie sont des individus qui organisent
des grands convoies de voyage à certaines périodes de
l'année. Ce sont des occasions propices pour eux de convoyer les enfants
vers la Côte d'Ivoire.
1-2-1-2-3 Les transporteurs inter-Etats
Ce sont des acteurs très actifs de la traite des
enfants. Lors de l'embarquement ils prennent soins de contrôler les
cartes d'identités des enfants et même d'en faire confectionner
à ceux qui n'en n'on pas. Pour eux, cela leur évite les
tracasseries policières.
1-2-2 Caractéristiques des
intermédiaires
1-2-2-1 Age des intermédiaires
Tableau 19 : Répartition des
intermédiaires selon l'âge
Typologie
Age (Années)
|
Les recruteurs
|
Les passeurs
|
Les intermédiaires placeurs
|
Les recruteurs occasionnels
|
Les passeurs de frontière
|
Les organisateurs de convoie
|
Les transporteurs inter-Etats
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
[20-25]
|
00
|
00
|
00
|
00
|
08
|
13,34
|
00
|
00
|
00
|
00
|
[25-30]
|
00
|
00
|
00
|
00
|
05
|
08,34
|
00
|
00
|
02
|
03,33
|
[30-35]
|
00
|
00
|
00
|
00
|
03
|
05
|
01
|
01,66
|
00
|
00
|
[35-40]
|
02
|
03,33
|
02
|
03,33
|
01
|
01,66
|
04
|
06,67
|
01
|
01,67
|
[40-45]
|
04
|
06,66
|
02
|
03,33
|
00
|
00
|
06
|
10
|
02
|
03,33
|
[45 et plus [
|
08
|
13,34
|
04
|
06,67
|
00
|
00
|
04
|
06,67
|
01
|
01,67
|
Total
|
14
|
23,33
|
08
|
13,33
|
17
|
28,34
|
15
|
25
|
06
|
10
|
Au regard de ce tableau, deux constats méritent
d'être faits en ce qui concerne l'âge des intermédiaires.
Les recruteurs sont souvent moins jeunes. L'intervalle de leur
âge part de 35 à plus de 45 ans.
Pour ce qui est des passeurs, retenons que l'âge varie
d'une catégorie à l'autre. Ainsi, les passeurs de
frontière ont l'âge qui oscille entre 20 et 40 ans pendant que les
organisateurs de convoie sont de la tranche de 30 à plus de 45 ans.
Quand aux transporteurs, l'intervalle de leur âge part de 25 à
plus de 45 ans.
1-2-2-2 Sexe des intermédiaires
Tableau 20 : Répartition des
intermédiaires selon le sexe
Typologie
Sexe
|
Les recruteurs
|
Les passeurs
|
Les intermédiaires placeurs
|
Les recruteurs occasionnels
|
Les passeurs de frontière
|
Les organisateurs de convoie
|
Les transporteurs inter-Etats
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Masculin
|
14
|
23,33
|
07
|
11,66
|
17
|
28,34
|
13
|
21,66
|
06
|
10
|
Féminin
|
00
|
00
|
01
|
01,67
|
00
|
00
|
02
|
03,34
|
00
|
00
|
Total
|
14
|
23,33
|
08
|
13,33
|
17
|
28,34
|
15
|
25
|
06
|
10
|
Plus de 95% des intermédiaires est de sexe masculin.
Seuls 01,67% de recruteurs occasionnels et 03,34% des organisateurs de convoie
sont de sexe féminin.
1-2-2-3 Nationalité des
intermédiaires
Tableau 21 : Répartition des
intermédiaires selon la nationalité
Typologie
Nationalité
|
Les recruteurs
|
Les passeurs
|
Les intermédiaires placeurs
|
Les recruteurs occasionnels
|
Les passeurs de frontière
|
Les organisateurs de convoie
|
Les transporteurs inter-Etats
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Côte d'Ivoire
|
03
|
05
|
01
|
01,67
|
07
|
11,67
|
00
|
00
|
01
|
01,67
|
Burkina Faso
|
09
|
15,01
|
05
|
08,33
|
05
|
08,33
|
09
|
15
|
04
|
06,66
|
Mali
|
01
|
01,66
|
02
|
03,33
|
01
|
01,67
|
04
|
06,68
|
01
|
01,67
|
Guinée
|
01
|
01,66
|
00
|
00
|
01
|
01,67
|
01
|
01,66
|
00
|
00
|
Autres
|
00
|
00
|
00
|
00
|
03
|
05
|
01
|
01,66
|
00
|
00
|
Total
|
14
|
23,33
|
08
|
13,33
|
17
|
28,34
|
15
|
25
|
06
|
10
|
Les intermédiaires sont de nationalité diverse.
Au niveau des recruteurs, nous avons 06,67% d'ivoiriens, 23,34% de
burkinabés, 04,99% de maliens et 01,66% de guinéens. Chez les
passeurs, 13,34% sont des ivoiriens, 29,99% des burkinabés, 10,02% de
maliens, 03,33% de guinéens et 06,66 de nationalités
différentes de celles suscités.
1-2-2-4 Religion des intermédiaires
Tableau 22 : Répartition des
intermédiaires selon la religion
Typologie
Religion
|
Les recruteurs
|
Les passeurs
|
Les intermédiaires placeurs
|
Les recruteurs occasionnels
|
Les passeurs de frontière
|
Les organisateurs de convoie
|
Les transporteurs inter-Etats
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Chrétien
|
03
|
04,99
|
01
|
01,67
|
06
|
10
|
01
|
01,67
|
00
|
00
|
Musulman
|
09
|
14,99
|
07
|
11,66
|
10
|
16,67
|
11
|
18,33
|
06
|
10
|
Animiste
|
02
|
03,35
|
00
|
00
|
01
|
01,67
|
02
|
03,33
|
00
|
00
|
Autres
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
01
|
01,67
|
00
|
00
|
Total
|
14
|
23,33
|
08
|
13,33
|
17
|
28,34
|
15
|
25
|
06
|
10
|
La religion dominante chez les intermédiaires (26,65%
de recruteurs et 51% de passeurs) est la religion musulmane. Il existe aussi
des individus de confession chrétienne (06,66% de recruteurs et 11,67%
de passeurs) parmi les intermédiaires. Des animistes sont aussi
présents dans cette catégorie (03,35% de recruteurs et 05% de
passeurs). Les intermédiaires qui n'appartiennent à aucune de ces
confessions religieuses représentent 01,67% et ce sont les organisateurs
de convoie.
1-2-2-5 Niveau d'instruction des
intermédiaires
Tableau 23 : Répartition des
intermédiaires selon le niveau d'instruction
Typologie
Niveau d'instruction
|
Les recruteurs
|
Les passeurs
|
Les intermédiaires placeurs
|
Les recruteurs occasionnels
|
Les passeurs de frontière
|
Les organisateurs de convoie
|
Les transporteurs inter-Etats
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Ef.
|
(%)
|
Secondaire
|
00
|
00
|
01
|
01,69
|
00
|
00
|
01
|
01,67
|
00
|
00
|
Primaire
|
01
|
01,68
|
03
|
04,99
|
03
|
05
|
05
|
08,33
|
01
|
01,67
|
Ecole coranique
|
06
|
09,99
|
03
|
04,99
|
04
|
06,66
|
05
|
08,33
|
01
|
01,67
|
Analphabète
|
07
|
11,66
|
04
|
06,66
|
10
|
16,67
|
04
|
06,68
|
04
|
06,66
|
Total
|
14
|
23,33
|
08
|
13,33
|
17
|
28,34
|
15
|
25
|
06
|
10
|
Le tableau ci-dessus indique que 01,69% des recruteurs
occasionnels et 01,67% des organisateurs de convoie ont connu le cycle
secondaire. Au cycle primaire, il y a 06,67% de recruteurs et 15% de passeurs
qui l'ont fait. Mais, ce sont les analphabètes (18,32% des recruteurs et
30,01% des passeurs) et ceux ayant fait l'école coranique (14,98% des
recruteurs et 16,66% des passeurs) qui sont les plus ombreux des
intermédiaires.
1-3 Présentation des enfants victimes de la
traite
1-3-1 Typologie
Les entretiens ont porté sur un effectif total de
soixante-onze (71) enfants immigrés victimes de traite dans les
plantations de café-cacao de la région de la Marahoué qui
se repartissent comme suit :
Tableau 24 : Typologie
des enfants
Typologie
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Enfants travailleurs
rémunérés
|
19
|
26,76
|
Enfants travailleurs non
rémunérés
|
52
|
73,24
|
Total
|
71
|
100
|
Le tableau ci-dessus indique qu'il existe deux types d'enfants
immigrés, victimes de traite dans les plantations de café-cacao
de la région de la Marahoué. Il y a, d'une part, un nombre
relativement faible d'enfants travailleurs rémunérés
(26,76%), et d'autre part, un grand nombre d'enfants travailleurs non
rémunérés (73,24%).
1-3-1-1 Enfants travailleurs
rémunérés
Les enfants victimes de traite sont des enfants qui
travaillent dans les plantations de café-cacao. A cet effet, les enfants
travailleurs rémunérés sont ceux qui perçoivent une
paye à la fin du service. De façon générale, cette
paye est effectuée a la fin de chaque traite de café cacao.
1-3-1-2 Enfants travailleurs non
rémunérés
Les enfants travailleurs non rémunérés
sont ceux qui ne perçoivent aucune rétribution au bout du
travail.
1-3-2 Typologie par départements
Tableau 25 : Répartition de la
typologie des enfants selon le département
Typologie
|
Bouaflé
|
Sinfra
|
Zuénoula
|
Total
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Enfants travailleurs
rémunérés
|
10
|
14,08
|
03
|
04,23
|
06
|
08,45
|
19
|
26,76
|
Enfants travailleurs non
rémunérés
|
26
|
36,62
|
14
|
19,72
|
12
|
16,90
|
52
|
73,24
|
Total
|
36
|
50,70
|
17
|
23,95
|
18
|
25,35
|
71
|
100
|
L'effectif total des enfants immigrés
enquêtés est de 71 individus. La moitié (50,70%) de ceux-ci
ont été interrogés à Bouaflé, 23,95%
à Sinfra et 25,35% à Zuénoula.
A Bouaflé, nous avons 14,08% d'enfants
rémunérés contre 04,23% à Sinfra et 08,45% à
Zuénoula. Pour ce qui est des enfants non
rémunérés, 36,62% sont installés à
Bouaflé, 19,72% à Sinfra et 16,90% à Zuénoula.
1-3-3 Caractéristiques des enfants
1-3-3-1 Age des enfants
Tableau 26 : Distribution de la
variable âge
Age (années)
Typologie
|
[08-10]
|
[10-12]
|
[12-14]
|
[14-16]
|
[16-18]
|
Effectif
|
(%)
|
Enfants travailleurs
rémunérés
|
00
|
00
|
04
|
09
|
06
|
19
|
26,76
|
Enfants travailleurs non
rémunérés
|
27
|
11
|
14
|
00
|
00
|
52
|
73,24
|
Effectif
|
27
|
11
|
18
|
09
|
06
|
71
|
100
|
Pourcentage (%)
|
38,03
|
15,50
|
25,35
|
12,67
|
08,45
|
|
La répartition de l'échantillon d'enfants
rencontrés selon l'âge s'établit comme suit :
Les enfants de 08-10 ans sont les plus nombreux et
représentent 38,03% de l'effectif et tous non
rémunérés. Ils sont suivis de ceux dont l'âge
oscille entre 12 et 14ans (25,35%) et également tous non
rémunérés. On note également 15,50% d'enfants de 10
à 12 ans et 12,67% de ceux dont l'âge varie entre 14 et 16 ans.
Les enfants de plus de 16 ans sont les moins nombreux et constituent 08,45% de
l'effectif.
Nous devons constater, dans ce tableau, que les enfants
(26,76%) sont rémunérés généralement
à partir de 12 ans.
1-3-3-2 Sexe des enfants
Tableau 27 : Répartition des
enfants selon le sexe
Typologie
Sexe
|
Enfants travailleurs
rémunérés
|
Enfants travailleurs non
rémunérés
|
Total
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Masculin
|
14
|
19,72
|
50
|
70,42
|
64
|
90,14
|
Féminin
|
05
|
07,04
|
02
|
02,82
|
07
|
09,86
|
Total
|
19
|
26,76
|
52
|
73,24
|
71
|
100
|
La grande majorité (90,14%) des enfants immigrés
dans la région de la Marahoué est constituée d'individus
de sexe masculin. Ce constat se fait tant au niveau des enfants
rémunérés (19,72% d'hommes contre 07,04% de femmes) qu'au
niveau des enfants non rémunérés (70,42% d'hommes contre
02,82% de femmes).
1-3-3-3 Nationalité des enfants
Tableau 28 : Distribution de la
variable nationalité
Typologie
Pays
|
Enfants travailleurs
rémunérés
|
Enfants travailleurs non
rémunérés
|
Effectif
|
Pourcentage (%)
|
Mali
|
04
|
05,63
|
13
|
18,31
|
17
|
23,94
|
Burkina Faso
|
11
|
15,49
|
23
|
32,39
|
34
|
47,88
|
Guinée
|
01
|
01,41
|
05
|
07,04
|
06
|
08,45
|
Ghana
|
00
|
00
|
01
|
01,41
|
01
|
01,41
|
Togo
|
03
|
04,23
|
03
|
04,23
|
06
|
08,46
|
Bénin
|
00
|
00
|
07
|
09,86
|
07
|
09,86
|
Total
|
19
|
26,76
|
52
|
73,24
|
71
|
100
|
Graphique 9 : distribution de la variable
nationalité
Plus de la moitié des enfants immigrés dans la
région de la Marahoué proviennent essentiellement du Burkina Faso
(47,88%) et du Mali (23,94%). Les autres pays pourvoyeurs sont le Benin
(09,86), le Togo (08,46%), la Guinée (08,45%) et le Ghana (01,41%).
1-3-3-4 Répartition de la nationalité des
enfants par départements
Tableau 29 : Distribution de la
nationalité par départements
Typologie
Pays
|
Bouaflé
|
Sinfra
|
Zuénoula
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Mali
|
09
|
12,67
|
05
|
07,04
|
03
|
04,23
|
17
|
23,94
|
Burkina Faso
|
15
|
21,12
|
09
|
12,67
|
10
|
14,08
|
34
|
47,88
|
Guinée
|
02
|
02,82
|
02
|
02,82
|
02
|
02,82
|
06
|
08,45
|
Ghana
|
01
|
01,41
|
00
|
00
|
00
|
00
|
01
|
01,41
|
Togo
|
05
|
07,04
|
00
|
00
|
01
|
01,41
|
06
|
08,46
|
Bénin
|
04
|
05,64
|
01
|
01,41
|
02
|
02,82
|
07
|
09,86
|
Total
|
36
|
50,70
|
17
|
23,95
|
18
|
25,35
|
71
|
100
|
Sur un effectif de total de 36 enfants interrogés dans
le Département de Bouaflé ceux en provenance du Burkina Faso
(21,12%) et du Mali (12,67%) sont les plus nombreux. Ensuite, viennent les
togolais (07,04%), les béninois (05,64%), deux guinéens et un
ghanéen.
A Sinfra, les burkinabés (12,67%) et les maliens
(07,04%) sont, également, relativement plus nombreux. Très peu de
guinéens (02,82%) et de béninois ont (01,41%) ont
été enquêtés. Par contre, nous n'avons vu aucun
enfant en originaire du Ghana et du Togo.
En ce qui concerne le Département de Zuénoula,
les enfants interrogés proviennent du Mali (04,23%), du Burkina Faso
(14,08%), de la Guinée (02,82%), du Togo (01,41%) et du Benin
(02,82%).
1-3-3-5 Religion des enfants
Tableau 30 : Distribution de la variable
religion
Typologie
Religions
|
Enfants travailleurs
rémunérés
|
Enfants travailleurs non
rémunérés
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Chrétienne
|
02
|
02,82
|
12
|
16,90
|
14
|
19,73
|
Musulmane
|
14
|
19,71
|
30
|
42,25
|
44
|
61,97
|
Animiste
|
02
|
02,82
|
07
|
09,85
|
09
|
12,67
|
Autres
|
01
|
01,41
|
03
|
04,23
|
04
|
05,63
|
Total
|
19
|
26,76
|
52
|
73,24
|
71
|
100
|
Retenons de ce tableau que les enfants victimes de traite
sont, dans leur grande majorité (61,97%) de religion musulmane. 19,73%
sont de religion chrétienne. On note aussi parmi les enfants
interrogés la présence de 12,67% d'animistes et 05,63% d'enfants
n'appartenant à aucune catégorie de religion que nous avons
identifiée.
1-3-3-6 Niveau d'instruction des enfants
Tableau 31 : Distribution de la variable
niveau d'instruction
Typologie
Niveau d'instruction
|
Enfants travailleurs
rémunérés
|
Enfants travailleurs non
rémunérés
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Secondaire
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
Primaire
|
02
|
02,82
|
12
|
16,91
|
14
|
19,73
|
Ecole coranique
|
11
|
15,49
|
22
|
30,98
|
33
|
46,47
|
Analphabète
|
06
|
08,45
|
18
|
25,35
|
24
|
33,80
|
Autre
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
Total
|
19
|
26,76
|
52
|
73,24
|
71
|
100
|
Graphique 10: distribution de la
variable niveau d'instruction des enfants immigrés dans les plantations
de Café-Cacao
La plupart des enfants immigrés victimes de traite ont
été peu ou pas du tout scolarisés. Seuls 19,73% ont fait
l'école primaire, pendant 46,47% sont allés à
l'école coranique et 33,80% sont des analphabètes.
II- CONDITIONS DE VIE ET DE TRAVAIL DES
ENFANTS
2-1 Condition de vie des enfants travailleurs
2-1-1 Lien de parenté entre enfants et
employeurs
Tableau 32 :
Lien de parenté entre employeurs et employés
Typologie
Vivant avec
|
Enfants travailleurs
rémunérés
|
Enfants travailleurs non
rémunérés
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Parents biologiques
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
00
|
Parents éloignés
|
02
|
2,82
|
04
|
5,64
|
06
|
8,46
|
Employeurs
|
08
|
11,27
|
37
|
52,12
|
45
|
63,39
|
Seul
|
03
|
4,22
|
06
|
8,45
|
07
|
12,67
|
Tuteurs
|
01
|
1,40
|
03
|
4,22
|
04
|
5,62
|
Amis
|
05
|
7,04
|
02
|
2,82
|
07
|
9,86
|
Total
|
19
|
26.75
|
52
|
7325
|
71
|
100
|
Plus de 95% des enfants interrogés ne vivent avec aucun
de leurs parents biologiques. La majorité de ces enfants vivent avec
leur employeur (63,39 % des enfants concernés) ou un tuteur non
employeur (5,62 %). Certains enfants vivent seuls (12,67%). Ils louent des
cabanes ou des cases dans les campements où ils travaillent. Par contre
d'autres se retrouvent avec des compatriotes dans la même région
(9.86%)
La situation des enfants hébergés par leurs
employeurs est particulièrement préoccupante eu égard aux
conclusions de certaines études antérieures sur les conditions de
vie des enfants travailleurs qui ont révélé que la vie
chez l'employeur expose davantage les enfants à une exploitation
exagérée et abusive de leur force de travail, parce qu'ils sont
notamment plus enclins à :
- Être réquisitionnés par leurs employeurs
pour l'accomplissement de certaines tâches domestiques en dehors des
heures normales de travail.
- Percevoir une rémunération plus faible
puisqu'ils sont partiellement pris en charge par les employeurs.
2-1-2 L'accès à un centre de
santé
Tableau 33 : Recours
sanitaire des enfants en cas de pathologie
Typologie
Recours
|
Enfants travailleurs
rémunérés
|
Enfants travailleurs non
rémunérés
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
Effectif
|
(%)
|
A un centre de santé
|
03
|
4,23
|
08
|
11,27
|
11
|
15,50
|
A un guérisseur
|
10
|
14 ,08
|
34
|
47,89
|
44
|
61,97
|
A une automédication moderne
|
02
|
2,82
|
03
|
4,23
|
05
|
7,05
|
A une automédication traditionnelle
|
04
|
5,63
|
07
|
9,85
|
11
|
15,48
|
Total
|
19
|
26,76
|
52
|
73,25
|
71
|
100
|
La situation sanitaire des enfants travailleurs n'est pas
reluisante. Comparée aux résultats de la dernière
enquête sur le niveau de vie des ménages en Côte d'Ivoire,
la proportion d'enfants ayant accès à un centre de santé
en cas de pathologie reste faible. Seulement une faible proportion d'enfants
interrogés ont accès à un centre de santé en cas de
pathologie (15,50 %), les autres ayant le plus souvent recours à des
guérisseurs (61,97%) et à l'automédication moderne ou
traditionnelle (22,53%).
2-1-3 La situation nutritionnelle
La situation nutritionnelle des enfants travailleurs
interrogés est globalement satisfaisante et conforme aux habitudes
rencontrées en Côte d'Ivoire .En effet, les enfants prennent en
moyenne environ trois (3) repas par jour dont deux (2) avec de la
protéine animale quelque soit le sexe.
2-2 Condition de travail des enfants
travailleurs
2-2-1 Travaux exercés par les enfants
L'analyse du volume et du rythme du travail des enfants, nous
pensons, peut nous amener à percevoir à quelle enseigne, ces
enfants sont impliqués dans la production du café-cacao sur les
sites d'étude. Ce qui revient à s'intéresser à la
quantité de travail qui leur est confié, le temps de repos, la
rémunération.
En fait, il s'agit d'apprécier les efforts physiques
fournis dans les plantations, car a priori l'on pourrait penser qu'ils sont
tous soumis aux mêmes conditions de travail que les adultes, dans le sens
où ils travaillent dans le même environnement qu'eux.
Il est à noter que, rares sont, parmi les
enquêtés ceux qui ont puis nous indiquer l'heure exacte à
laquelle ils se rendent dans les plantations et en reviennent. La
référence horaire, dans chez nos enquêtés est le
soleil qui demeure un indicateur du temps dans le milieu paysan en
général. Aussi, ont-ils pour la plupart utilisé les termes
comme « avant le lever du soleil » pour indiquer qu'ils
sont assez souvent matinales pour le départ dans les plantations et le
« coucher du soleil » qui marque l'heure de l'arrêt
des travaux l'après-midi et le retour au village ou au campement.
Ceci peut se comprendre, dans la mesure où le travail
agricole est tout à fait différent de celui des services
modernes, qui lui tient compte d'une certaine idéologie, notamment le
respect des horaires relatifs à l'heure de prise de service, à
l'arrêt du travail, au temps du repos. Toutefois, malgré l'absence
de règlements dans le travail agricole, certaines contraintes s'imposent
aux enfants. Elles sont fonctions des liens affirmés de parenté
avec le producteur ou selon qu'ils aient de simples rapports d'employé
à employeur72(*).
En ce qui concerne les enfants ayant des liens affirmés
de parenté avec les employeurs, surtout lorsqu'il s'agit de liens
proches, les enfants ont une marge de liberté quant au rythme et volume
du travail.
Par ailleurs, il faut signaler que le temps de pause en milieu
agricole, principalement dans les localités visitées, est
déterminé par la capacité physique à soutenir le
volume et le rythme du travail et dépend surtout aussi des objectifs
à atteindre.
Remarquons qu'une particularité s'observe pour les
enfants de sexe féminin. Les filles sont en effet moins engagées
que les garçons dans les activités inhérentes à la
plantation de café-cacao. Elles sont généralement les
premières à arrêter le travail pour pouvoir se consacrer
aux travaux ménagers et faire cuire le repas du soir.
S'agissant des enfants ayant des rapports basés sur des
contrats formels ou tacites avec l'exploitant agricole, la situation de travail
paraît tout à fait différente. Les enfants
établissent avec les employeurs des contrats à durée
déterminée d'un jour à un mois, ou plus.
Dans le cadre de ces contrats, notamment ceux d'une
durée de plusieurs mois, les contractuels permanents avec cette
obligation de rendement ou de résultat sont logés, nourris par
l'employeur qui leur fournit le matériel de travail, les assiste par
moment en cas de maladie.
A ce titre, ils sont soumis à un rythme intense de
travail et exécutent généralement plusieurs tâches,
autres que celles prévues par le contrat. Ce sont principalement les
travaux ménagers, les travaux dans les plantations de produits
vivriers.
2-2-2 Le travail avec manipulation de machines, produits
chimiques ou outils dangereux
La chaîne de production du café et cacao comporte
plusieurs étapes qui font intervenir beaucoup de manoeuvres. Il y a les
grandes périodes de labour où l'on doit retourner la terre,
remplace les anciens plants ou agrandi les plantations. En cette
période, les grands planteurs ont besoins de plusieurs manoeuvres.
Ensuite, vient la petite traite qui aussi a besoins d'une main d'oeuvre
importante car elle ne dure pas et le planteur doit vite récolter pour
pouvoir vendre à temps.
La charge de travail est à la fois
déterminée par le secteur d'activité et les
caractéristiques des enfants. Les travaux les plus souvent
exercés par les enfants sont, les labours, le défrichage, la
cueillette, le ramassage, le décabossage, le séchage, le triage
et la mise en sac. Comme nous le voyons, les enfants interviennent pratiquement
dans toute la chaîne de production. En somme, les risques liés aux
conditions physiques de travail semblent uniquement déterminées
par le secteur d'activités des enfants.
La quasi-totalité des plantations de CÔTE
D'IVOIRE ne sont pas modernisées. Donc ces enfants travaillent avec des
machettes, des dabas, des haches, des coupes -coupes, des bassines pour le
ramassage des cabosses ou séries. L'utilisation de ces matériaux
rudimentaires est souvent source d'accident pour les enfants. Les blessures
corporelles sont le plus souvent occasionnées par ces matériaux.
En ce qui concerne les produits chimiques dangereux, leur
manipulation est souvent fonction de la taille de la plantation. Les enfants
qui travaillent dans de grandes plantations, susceptibles de manipuler des
outils dangereux, sont plus nombreux à subir des accidents de travail.
L'utilisation de produits chimiques pour le traitement des plantations est un
danger pour ces enfants. Ces enfants exposés aux produits chimiques sont
très vulnérables aux contaminations. Du fait de la non
modernisation des outils de travail (machette, daba, pioche, hache,
coupe-coupe), la plupart des accidents corporels sont des coupures par armes
blanches.
2-2-3 Un revenu mensuel moyen inferieur au
SMIG
La rémunération des enfants est souvent
déterminée entre l'employeur et le tuteur placeur à l'insu
de l'enfant. Cette rémunération qui n'obéit pas aux normes
est le plus souvent versée au tuteur placeur qui doit prélever sa
part avant de remettre le reste à l'enfant.
Au cours de notre enquête nous avons puis faire ces
observations suivantes :
Le revenu des enfants est inférieur au SMIG en
Côte d'Ivoire qui est de 36 000 FCFA environ par mois en CÔTE
D'IVOIRE. Pour un contrat de six (6) mois l'enfant touche en
général 150 000 (cent cinquante mille francs) ce qui fait 25 000
(vingt cinq mille francs) par mois73(*).
Les travailleurs non indépendants perçoivent une
rémunération plus faible que le revenu net des travailleurs
indépendants.
Les enfants qui ont fait l'objet de traite perçoivent
les rémunérations les plus faibles, alors qu'ils ont des charges
horaires plus élevées.
Les enfants qui vivent chez leurs employeurs,
perçoivent une rémunération moyenne plus faible que ceux
qui vivent chez leurs parents ou avec un tuteur non employeur.
C'est une conjugaison de facteurs divers, qui semblent
expliquer la nature du phénomène de la traite et des pires formes
de travail des enfants dans les plantations de café-cacao de nos trois
départements.
I- FACTEURS SOCIO-CULTURELS
1-1 Le travail des enfants dans les exploitations
agricoles, une tradition socioculturelle dans les pays pourvoyeurs d'enfants et
en Côte d'Ivoire
Le travail des enfants s'explique aussi, comme nous allons le
voir, par des facteurs traditionnels. En effet, sur le plan socioculturel, que
ce soit les pays pourvoyeurs d'enfants (Burkina Faso, Mali, Togo) ou le pays
d'accueil (Côte d'Ivoire), la transmission des valeurs sociales et la
socialisation par le biais du travail est un fait avéré.
Dans le cadre de la famille élargie,
l'éducation d'un enfant est considérée comme une affaire
relevant de la responsabilité de tous. On peut par conséquent
confier son éducation et sa socialisation à des membres de la
famille, habitant la ville ou un autre pays, qui sont censés
assurer l'épanouissement personnel de l'enfant, à travers le
travail et l'instruction.
Cette solidarité familiale a permis, et permet souvent
de masquer des pratiques de traite et d'exploitation d'enfants. Il faut ajouter
à cela, cette conception socioculturelle du travail des enfants qui
amène, naturellement, les acteurs à avoir une faible conscience
de la gravité de ce phénomène. Nous en avons pour preuve
les différents types de discours recueillis auprès des
enquêtés dans nos trois départements.
« On ne peut refuser le travail des enfants
en Afrique. Le travail contribue à la formation de l'enfant, et alors on
ne voit pas le mal qu'il y a pour les enfants d'accompagner leurs parents dans
les plantations de café-cacao. C'est à travers les
difficultés liées au travail au champ, que l'enfant comprend que
la vie n'est pas un jeu, et qu'il faut toujours chercher à surmonter
les obstacles qui se dressent devant lui. Je ne comprends pas alors pourquoi on
nous parle de traite et des pires formes de travail des enfants en Côte
d'Ivoire. » (Un cadre de société
vivant à Gonaté).
« Lorsque nous rentrons dans les cars des
immigrés, nous constatons que les enfants présents dans les cars
sont, la plupart du temps, accompagnés par des adultes qui disent qu'ils
sont leurs parents. Quand on leur demande ce qu'ils vont faire à
Zuenoula avec ces enfants, ils répondent tous que ces jeunes viennent
pour travailler avec eux dans leur champ. Que voulez-vous qu'on leur dise ?
N'est-il pas normal qu'un enfant travaille avec ses parents ?
» (Un gendarme enquêté à
Zuenoula).
« Les blancs nous fatiguent avec leur affaire
de pires formes de travail dans nos plantations de cacao. S'ils ne veulent plus
acheter le cacao, qu'ils le disent. Nous, quand nous étions enfants,
nous avons toujours travaillé dans les champs de nos parents. C'est
quoi, cette question de pires formes de travail et de trafic
? » (Un planteur autochtone).
« Les enfants que nous transportons dans nos
cars du Burkina vers la Côte d'Ivoire, viennent aider leurs parents dans
les plantations de café-cacao. Et puis, si d'autres viennent
eux-mêmes dans ces plantations en Côte d'Ivoire,
est-ce que ce n'est pas normal,
puisqu'ils ont l'habitude de travailler dans les
champs de leurs parents au pays. » (Un chauffeur de
car à Hermankono).
1-2 Une tradition de flux migratoire
On ne peut comprendre le phénomène de la traite
et des pires formes de travail des enfants immigrés dans les plantations
de café-cacao, sans faire référence sur le plan historique
aux migrations traditionnelles des peuples du Nord, Burkina Faso et Mali
notamment, vers la Côte d'Ivoire.74(*)
Différents accords bilatéraux et
multilatéraux ont été engagés par les pays
d'Afrique de l'Ouest relativement aux questions de liberté de
circulation des personnes, de droit de résidence et
d'établissement. Le Burkina Faso, le Mali et la Côte d'Ivoire ont
signé et ratifié un nombre important de ces conventions et
accords internationaux et régionaux légiférant sur les
migrations. Aussi, des outils bilatéraux ont été mis en
place pour gérer la migration des travailleurs entre les deux pays.
Ainsi, le 9 mars 1960, la Convention relative aux conditions d'engagement et
d'emploi est signée dans le but de faciliter le recrutement et l'emploi
de main-d'oeuvre en provenance de la Haute Volta vers la Côte d'Ivoire.
Les deux pays se trouvent engagés depuis des décennies dans des
échanges migratoires importants. Ainsi, la première moitié
du 20e siècle se caractérise par le drainage de la
main-d'oeuvre voltaiques vers les colonies avoisinantes, les autorités
coloniales ne considérant la Haut Volta que comme réservoir de
travailleurs dans lequel elles n'hésiteront pas à largement
puiser. D'après les chiffres cités par Zanou (1991), 683 000
travailleurs burkinabè auraient été acheminés vers
la Côte d'Ivoire entre 1933 et 1959. Leur effectif ne cessera d'augmenter
en nombre absolu au fil du temps pour représenter, en 1998, selon les
données du dernier recensement général de la population et
de l'habitat (RGPH), 56,6% des étrangers en Côte d'Ivoire, soit
14,56% de la population ivoirienne totale.
Les tentatives d'organisation du recrutement de la
main-d'oeuvre burkinabè vers la Côte d'Ivoire seront nombreuses
durant le vingtième siècle, sans toujours avoir les effets
escomptés. De nombreux protocoles et conventions ont été
adoptés par les deux pays après les indépendances, avec
notamment pour objectif l'orientation et la protection des travailleurs
migrants.
Historiquement, les populations d'Afrique de l'Ouest ont
toujours migré à l'intérieur de leurs frontières ou
d'un pays à un autre. C'est dans cette logique qu'avant, durant et
après la colonisation, des populations se sont déplacées
à la recherche de terres arables ou de fourrage et de travail vers les
zones forestières (Côte d'Ivoire et Ghana notamment).
Pour ce qui est du Mali (ex-Soudan français), il
convient de dire qu'il a toujours existé une tradition de migration,
principalement des peuples du Sud (région de Sikasso), proches de la
frontière Nord de la Côte d'Ivoire actuelle, vers les zones
forestières de ce pays. Il faut signaler que des accords ont
été signés entre la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso
et le Mali pour faciliter la libre circulation des travailleurs entre ces pays.
Que ce soit pour le Burkina Faso ou le Mali, retenons que les migrations ne
concernaient pas seulement les adultes, mais également les enfants.
Ceux-ci voyageaient avec leurs parents, ou émigraient seuls, pour
trouver un emploi dans les zones forestières.75(*)
On peut dire que c'est à travers des mouvements
migratoires continus dans l'histoire, et des conventions ou accords entre pays,
qu'une tradition de flux migratoire saisonnier ou d'installation des
populations burkinabés et maliennes, adultes et enfants, s'est
instaurée, et ce en direction de la Côte d'Ivoire.
Nous pouvons donc considérer que c'est par le biais, ou
sous le couvert d'une tradition de flux migratoire saisonnier ou d'installation
en Côte d'Ivoire, perçue généralement, comme une
situation normale, que va se mettre en place et s'organiser tout un
système de traite d'enfants, à ramifications multiples, au plan
transnational.
1-3 La conception socio-culturelle du travail des
enfants
La conception socioculturelle du travail des enfants
paraît être un facteur, qui détermine la
perception positive que les employeurs semblent avoir du travail des enfants
dans les plantations de même que l'acceptation, en général,
par ces derniers de leurs conditions de travail et de vie dans ces
exploitations agricoles. Une telle conception, qui contribue à
créer un terrain propice à la traite et aux pires formes de
travail des enfants, peut se révéler une contrainte peu visible,
mais tenace au regard de la lutte contre ce, phénomène. Il n'est
alors pas surprenant qu'un haut responsable de l'administration ait
réagi dans la zone d'étude, en ces termes, par rapport aux
campagnes de lutte contre la traite et les pires formes travail des enfants
:
«On peut se demander où s'arrête
l'éducation des enfants dans les plantations, et où commencent
les pires formes de travail pour ces jeunes
?», c'est cette conception socioculturelle du travail des
enfants qui rend certainement compte de la faible conscience chez des
responsables institutionnels par rapport à la menace qui plane sur
l'exportation de café-cacao ivoirien et donc sur l'économie du
pays.
1-4 Les effets de la crise socio-politique en
Côte d'Ivoire sur l'agriculture
Depuis la crise de 2002, différents témoignages
montrent que, à quelques nuances près, il existe une certaine
raréfaction de la main-d'oeuvre dans la zone d'étude à
cause du retour de nombreux immigrés dans leur pays d'origine :
«Depuis le début de la guerre la
main-d'oeuvre étrangère est devenue rare. La communauté
Burkinabé et Malienne a subi des exactions qui ont obligé ces
communautés à renter dans leur pays respectif. Des familles
entières sont rentrées dans le but de sécuriser les
enfants et les femmes considérés comme vulnérables.
L'ambassade de ces pays a organisé des convois groupés pour faire
partir ceux qui se sentaient menacés dans leur région d'accueil.
Nombre de personnes adultes, anciennes victimes du trafic d'enfants, et qui
n'ont jamais pu se faire une place en Côte d'Ivoire, ont profité
des opérations de rapatriement, pour rentrer. Ce sont souvent de pauvres
loques dépitées et découragées par l'aventure
ivoirienne. Des employeurs planteurs en ont profité aussi pour renvoyer
au pays et à moindre frais, des enfants, dont certains étaient
devenus adultes, et à qui ils devaient beaucoup d'argent pour des
années de travail non rémunérées. Le
prétexte de la guerre a suffi aux parents, qui les ont remercié
d'avoir ramené vivants leurs
enfants.» (Un responsable du consulat du Burkina
Faso de Bonon).
«De nombreux immigrés sont repartis
vers leur pays. Le flux migratoire vers la Côte
d'Ivoire est en baisse ; mais il demeure relativement important.»
(Le Sous-préfet de Koupela).
«Depuis que la guerre existe, de nombreuses
plantations de café et cacao sont abandonnées, faute de
main-d'oeuvre. » (Un paysan
à Koupéla).
«Aujourd'hui, il y a beaucoup de plantations
qui sont abandonnées, parce que la main-d'oeuvre est devenue rare. Si on
enlève les enfants qui travaillent dans nos plantations, ce sera la fin
de la production du cacao. Si on retire les enfants, notamment ceux des
burkinabés, qui sont les plus nombreux dans nos plantations de
café-cacao, ça ne marchera pas ». (Un
planteur autochtone dans la sous-préfecture de Bonon).
« Pour avoir aujourd'hui un travailleur pour
son champ, c'est très difficile ; même les enfants des
burkinabé qui sont là, ce n'est pas facile de les avoir, parce
qu' 'ils travaillent pour leurs parents. » (Un planteur
autochtone à Hermankono).
La raréfaction de la main-d'oeuvre a eu pour
conséquence le fait suivant : la demande d'ouvriers agricoles
étant supérieure à l'offre, le coût de la
main-d'oeuvre expérimentée, a connu une assez nette augmentation.
C'est ainsi que le coût du contrat annuel d'un manoeuvre adulte, qui
variait, dans le département d'Hermankono, entre cent mille (100 000) et
cent vingt mille (120 000) francs, est passé aujourd'hui à cent
cinquante mille (150 000) francs, alors qu'à Bonon ce coût peut
atteindre deux cent cinquante mille (250 000)76(*).
De nombreux planteurs (étrangers comme ivoiriens) ont
naturellement déploré cette situation, qui contribue à
augmenter leurs charges d'exploitation.
« Le coût de la main-d'oeuvre est
devenue de nos jours trop élevé. Quand
tu prends un manoeuvre aujourd'hui, tu ne sais pas comment le payer au bout
d'un an. » (Un exploitant agricole burkinabé à
Bonon).
« Les manoeuvres qui étaient moins
chers avant la crise, sont aujourd'hui trop chers pour nous. Parce qu'ils
savent qu'on a besoin d'eux, et parfois même, ils ne respectent pas le
contrat, et vont travailler avec des planteurs qui
leur disent qu'ils vont leur donner plus d'argent. » (Un
exploitant agricole autochtone du département de Zuenoula).
Devant ce fort besoin de main-d'oeuvre que de nombreux
planteurs ont du mal à acquérir, et face à son coût
actuel, les planteurs (autochtones comme allogènes)
préfèrent tous se rabattre, dans les trois départements
visités, sur une main d'oeuvre infantile bon marché. Comme de
nombreux exploitants agricoles le disent,
« Ils préfèrent avoir des
enfants comme manoeuvres agricoles dans leurs plantations de café-cacao,
parce que leurs contrats leur reviennent moins chers.
» (Type de discours recueillis auprès des planteurs
des trois départements).
Le coût de la main-d'oeuvre infantile restant plus
supportable au niveau de leur charge d'exploitation, cette main- d'oeuvre
demeure plus que jamais fortement prisée par les planteurs. La logique
d'une telle rationalité économique, ne peut que contribuer
à perpétuer et développer la traite et les pires formes de
travail des enfants dans les plantations de café-cacao.
II- RAISONS ECONOMIQUES
2-1 La pauvreté des pays pourvoyeurs d'enfants
|
Mali
|
Burkina Faso
|
Côte d'Ivoire
|
Classement IDE
|
153
|
159
|
144
|
Taux d'alphabétisation (personnes âgés de 15
ans et plus)
|
39,8%
|
23,0%
|
45,7%
|
Taux brut de scolarisation
|
28,0%
|
23,0%
|
38,0%
|
PIB par habitant (PPA)
|
753 USD
|
965 USD
|
1653 USD
|
Personnes vivant avec moins d'un dollar par jour
|
72,8%
|
61,2%
|
12,3%
|
Enfants de moins de 15 ans au poids insuffisant
|
40%
|
36%
|
24%
|
|
|
|
|
|
Togo
|
Benin
|
|
Classement IDH
|
128
|
147
|
Taux d'alphabétisation (personnes âgés de 15
ans et plus
|
56,3%
|
39,0%
|
Taux brut de scolarisation
|
62,0%
|
45,0%
|
PIB par habitant (PPA)
|
1.410 USD
|
933usd
|
Personnes vivant avec moins d'un dollar par jour
|
n.d
|
n.d
|
Enfants de moins de 15 ans au poids insuffisant
|
25%
|
29%
|
Source IDH 2001 PNUD
PIB : Produit
Intérieur Brut
IDH : Indicateur de
Développement Humain
IDE : Indicateur de
Développement Economique
|
Tableau : Indicateurs du développement humain Afrique
de l'ouest
Au vue du tableau, on constat que les pays de provenance des
enfants victimes de traite ont des taux de pauvreté parmi les plus
élevé en Afrique de l'ouest. Le Mali et le Burkina Faso affichent
un taux d'alphabétisation des personnes de 15 ans et plus respectif de
39,80% et 23,0%. Le taux brut de scolarisation au Mali est de 28,8%, contre
23,0% pour le Burkina Faso.
Le Togo et le Bénin ont un taux de scolarisation
relativement élevé (62,0% et 45,0%). Ces taux (Mali et Burkina
Faso) comparés à ceux de la CÔTE D'IVOIRE, sont faibles.
Au niveau des taux brut de scolarisation, la CÔTE D'IVOIRE à un
pourcentage de 38%. Seul le Togo et le Bénin ont un taux plus
élevé que la CÔTE D'IVOIRE. Mais quand on prend le PIB par
habitant, la CÔTE D'IVOIRE affiche 1654 dollars par habitant, quand le
Togo et le Bénin affiche respectivement 1410 et 933 dollars par
habitant.
Les inégalités augmentent et les niveaux de vie
continuent à baisser. La vulnérabilité des enfants
à la traite est accrue par des systèmes éducationnels
défaillants.
La CÔTE D'IVOIRE connait des conditions économiques
et sociales comparativement prospères et stables qui en fait un
pôle d'attraction pour la traite d'enfants en Afrique de l'ouest.
Le Burkina Faso, le Mali et le Togo, principaux pays
pourvoyeurs d'enfants dans nos départements, sont des Etats
classés parmi les plus pauvres du monde, où le tiers (1/3) de la
population de ces pays, vit en dessous du seuil de pauvreté. La
majorité de la population agricole de ces Etats, dont les terres ne sont
le plus souvent irriguées que par la pluie, connaît un
chômage saisonnier. Durant la saison sèche, la population doit
migrer à la recherche de travail. Cette situation de pauvreté
contribue à l'exode rural et renforce le phénomène de
migration vers d'autres pays, à l'image de la Côte d'Ivoire, qui
ont connu, ou connaissent un taux de croissance relativement
élevé.
2-2 Le coût élevé des intrants
agricoles
La grandeur des plantations et les nombreuses maladies des
plantes, emmènent les planteurs à utiliser les engrais et les
produits phytosanitaires pour le traitement des plantations. Aujourd'hui les
entrants agricoles ont un coût beaucoup élevés. Certains
planteurs possèdent plusieurs hectares, donc traiter tous ces hectares a
un coût très élevé. Ajouté à cela la
non modernisation de notre agriculture, il est donc difficile à un
planteur de pouvoir recruter des manoeuvres âgés qui coutent
chers.
Lors de notre enquête les planteurs ont
décrié le coût élevé des produits
d'entretient des plantations. Nous nous somme approché des structures
chargées de la distribution des produits phytosanitaires qui nous ont
fait comprendre que ces dernières années le coût de ces
intrants (engrais et produits phytosanitaires) a connu une augmentation de plus
de 40% en huit (8) ans, au plan national, alors qu'on observe, sur le plan
historique, une tendance à la baisse des cours du kilogramme de
café et de cacao au niveau bord champ. C'est la raison pour laquelle, de
nombreux paysans se sont plaints du prix des intrants agricoles :
« Le planteur n'est
planteur aujourd'hui que de nom. A la récolte, nous n'avons rien ; nous
sommes endettés dès la vente de nos
produits agricoles, à cause du coût
élevé de l'engrais et des produits phytosanitaires.
» (Un grand planteur rencontré à
Bouaflé).
« La terre
n'est plus fertile comme avant ; les engrais et les
produits chimiques sont devenus trop chers. Les commerçants ne veulent
plus nous faire de crédit, or nous n'avons pas assez
d'argent pour paye. »
Le coût élevé des charges d'exploitation,
à cause du prix des intrants agricoles, permet de comprendre la
réaction suivante des planteurs :
«Les enfants qui viennent travailler dans nos
plantations nous arrangent beaucoup. Les enfants ce n'est pas cher et ils
travaillent bien sans parler. Les produits pour traiter le café et le
cacao coûte beaucoup d'argent pour prendre les grandes
personnes ». (Type de discours recueillis
auprès de nombreux planteurs dans les trois départements).
2-3 Les enfants : une main d'oeuvre corvéable
à souhait
En dehors du coût relativement faible de la main
d'oeuvre infantile, un facteur semble expliquer la préférence des
planteurs pour cette majorité de manoeuvres agricoles. Cet
élément réside dans le fait que, de manière
générale, et selon les informations reçues, les enfants
constituent une main d'oeuvre corvéable à souhait.
« Quand les jeunes immigrés arrivent
ici, ils sont très sales et n'ont pas une belle allure au plan physique.
Ils ont l'air malade, ils n'ont rien à manger, et ne savent même
pas où dormir. Moi, dans ma cour, j'en recevais beaucoup qui restaient
ici, en attendant d'avoir du travail dans les plantations. Quand ils trouvent
du travail, ils s'accrochent vraiment à leur contrat qu'ils ne veulent
pas perdre ; ils sont prêts à faire tout ce que vous leur
demandez, par rapport aux travaux dans la plantation. »
(Un planteur autochtone).
A ce propos, de nombreux planteurs autochtones nous ont
dit :
« Qu'ils préféraient engager
des jeunes étrangers qui arrivent pour, la première fois en
Côte d'Ivoire, non seulement à cause de leur prix abordable, mais
aussi, parce qu'ils obéissent toujours à leur patron. Ce qui
n'est pas le cas des manoeuvres adultes et des jeunes immigrés qui ont
duré ici. Quand ils sont anciens, ils se comportent comme des ivoiriens.
» (Type de discours recueillis auprès de
nombreux planteurs autochtones dans le département de
Bouaflé).
Si l'on s'en tient à ces discours, nous avons
certainement affaire à des jeunes, extrêmement exploitables par
des employeurs qui ont bien voulu les engager dans leur plantation. Ces jeunes
sont alors prêts à répondre à toutes les
sollicitations des exploitants agricoles pour avoir leur estime, et surtout
sauvegarder leur emploi. Ils savent qu'après tout, leur sort (au plan
financier) ne dépend que de leur employeur, susceptible de rompre
à tout moment leur contrat !
Si de tels rapports entre employeur et employé sont
confirmés par les faits dans la zone d'étude, ceci se comprend au
plan sociologique. En effet, il est prouvé qu'un individu, qui arrive
pour la première fois dans un espace social (entendons ici un champ de
relations sociales, d'acculturation et de conflits) qui lui est
étranger, a tendance à en respecter strictement, et même
parfois avec un certain zèle les normes et valeurs. C'est lorsqu'il a
passé un temps relativement long dans cet espace, qu'il peut
adopter ou adopte des comportements s'écartant des normes et valeurs
prescrites.
Le fait que les jeunes immigrés constituent souvent une
main d'oeuvre taillable corvéable à merci, ne peut qu'encourager
la traite et les pires formes de travail des enfants.
2-4 La traite des enfants : un commerce juteux lié
à un besoin de main-d'oeuvre bon marché
Une variable qui paraît également expliquer la
traite et les pires formes de travail des enfants dans les plantations de
café-cacao, est le commerce juteux lié à un besoin de
main d'oeuvre bon marché dans la zone d'étude. Différents
acteurs semblent tirer en effet des gains substantiels de la traite d'enfants,
et c'est sans doute la raison pour laquelle, nous avons observé
beaucoup de méfiance et de résistance à l'enquête
chez nos interlocuteurs, lorsque que nous avons voulu aborder cette question.
Si des acteurs occasionnels (planteurs étrangers
et recruteurs occasionnels d'enfants) peuvent tirer, au plan financier,
quelques bénéfices du placement d'enfants, il semble que ce soit
véritablement les locataires de cars, les convoyeurs qui s'adonnent
à la traite des jeunes manoeuvres, les pisteurs de frontière et
les coxer qui, parce qu'ils se sont aperçus très tôt que le
«commerce des enfants» était rentable, se sont, avant la crise
spécialisés dans cette traite, ou en sont devenus de
véritables professionnels.
Ceci a été confirmé par les responsables
de l'ONG providence, de l'agence de coopération technique allemande GTZ
impliquée dans la lutte contre la traite et les pires formes de travail
des enfants à Bouaflé :
« Lorsque de nombreuses personnes ont compris
qu'il y avait beaucoup à gagner dans le trafic des enfants, des
Burkinabé, Malien et des Ivoiriens du Nord, se sont lancés dans
cette affaire. Certains ont même abandonné leur travail de
commerçant, chauffeur, homme d'affaires, pour devenir les convoyeurs -
trafiquants d'enfants des pays du Nord vers Bouaflé. »
responsable du consulat du Mali à Hermankono (Bouaflé)
Le commerce des enfants a particulièrement
profité, comme nous venons de le dire, aux acteurs suivants :
2-4-1 Les propriétaires de cars
L'enquête nous a permis de savoir qu'au niveau des
responsables d'organisation de certains pays limitrophes (Mali, Burkina Faso,
Ghana et Guinée), des convois étaient régulièrement
organisés lors des grandes saisons de traites pour desservirent les
plantations en main d'oeuvre. A Garangoro, sous préfecture de
Bouaflé, un responsable de structure agricole (ANADER) m'a donné
l'information selon laquelle : « lors de la période des grands
travaux l'on observait au moins 30 arrivés de manoeuvres par jour et la
plupart étaient des enfants », ce qui nous donne un total de
120 enfants par mois. Si nous faisons l'hypothèse que ces organisations
plaçaient, dans le cadre des contrats annuels, les enfants à
cent mille (100 000) francs en moyenne, les gains qu'ils tiraient par mois de
cette traite, peuvent être estimés comme suit :
Pour un enfant placé à (100 000) francs, les
organisations gardaient par devers eux les ¾ de cette somme, soit,
soixante quinze (75 000 F) mille francs. Ceci signifie qu'elles pouvaient
gagner par mois 75 000 francs /enfant x 120 enfants = 9 000 000
francs.
Au vue de ces chiffres, nous pouvons comprendre pourquoi
certains planteurs ont abandonné leurs plantations pour se convertir en
organisation d'accueil de main d'oeuvre. Les sommes collectées au niveau
de ce trafic est énorme.
2-4-2 Les convoyeurs de cars
Comme les associations des ressortissants des pays
limitrophes, les convoyeurs ont, semble-t-il, joué avant la crise, un
rôle déterminant dans la traite d'enfants. C'est ainsi que, selon
un agent la gendarmerie de Sinfra, autrefois en fonction à Abengourou,
« les convoyeurs sont de vrais trafiquants. Le mot convoyeur
couvre leurs activités illicites qui consistent principalement au trafic
des enfants, dont ils tirent d'énormes bénéfices. Au
corridor d'Abengourou, on a arrêté un convoyeur, dont l'âge
se situe entre trente et quarante cinq ans, de nationalité
burkinabé. Il a été déféré et traduit
devant la justice. Le juge l'a reconnu coupable et condamné à
seulement 6 mois de prison avec sursis».
2-4-3 Les pisteurs ou passeurs de
frontières
Les pisteurs ou passeurs de frontière ont
également obtenu et continuent d'obtenir des gains substantiels de la
traite d'enfants dans la région. Lors de nos échanges avec ces
pisteurs passeurs de frontières (jeunes déscolarisés
autochtones), ceux-ci ont déclaré que
« Pour faire passer des enfants par les
pistes rurales, entre le Ghana et la ville de Niable, ils prenaient entre trois
mille (3 000) et cinq mille (5 000) francs CFA par personne.
» Si nous estimons à deux le nombre
d'enfants qu'ils font entrer par jour, cela correspond à un gain
journalier six mille (6 000) à dix mille (10 000) francs, soit un gain
mensuel variant entre cent quatre vingt mille (180 000) et trois cent mille
(300 000) francs CFA ; ce qui constitue une somme non négligeable pour
un jeune déscolarisé en Côte d'Ivoire77(*).
2-4-4 Les coxers
Les ramifications de cette transaction entre coxer va
jusqu'à ceux du Burkina Faso qui en rapport avec ceux de Côte
d'Ivoire, envoient les besoins des planteurs veiller à ce qu'ils
arrivent à destination. Selon les informations, ils gagneraient entre 2
000 et 3 000 par enfants selon la zone de destination. On peut penser que ces
coxers, en satisfaisant la demande de plusieurs enfants, peuvent s'en tirer, au
plan financier, à bon compte, au regard du niveau de vie des habitants
de leur pays. Les difficultés rencontrées dans la quête
d'informations sur les avantages économiques obtenus à partir du
«commerce d'enfants», nous paraissent être un fait tout
à fait compréhensible : nous sommes dans un milieu relativement
isolé, sinon fermé, où la loi du silence est la
règle, dans le cadre de la protection d'intérêts et
d'enjeux économiques particulièrement importants. Ces enjeux sont
tels, qu'il existerait selon des informations reçues, des
réseaux protecteurs de cette traite d'enfants. Des individus appartenant
à ces réseaux, pourraient ainsi attenter à la vie de
toute personne qui voudrait s'immiscer dans les activités liées
à cette traite ou s'opposer à celles-ci
C'est certainement, dans cette même logique que des
pisteurs (acheteurs de produits agricoles) ont déclaré, que des
paysans, utilisateurs de jeunes manoeuvres agricoles, peuvent refuser de
vendre leur café-cacao aux acheteurs de produits trop regardants
vis-à-vis de la situation des enfants dans leur plantation.
III- FAIBLESSES DU CONTROLE SOCIAL
3-1 Le laxisme et la corruption
d'éléments des forces de l'ordre
L'une des variables explicatives de la traite d'enfants dans
les trois départements reste un certain laxisme et la supposé
corruption d'éléments des forces de l'ordre. Cela transparaissent
dans les déclarations des enquêtés :
« Le phénomène de la traite des
enfants n'est pas perçu par les différents responsables
institutionnels et même par les forces de l'ordre, comme un
problème national ou un mal contre les enfants. C'est la raison pour
laquelle, il y a un laisser-faire chez de nombreux responsables et agents de
l'Etat face à ce phénomène ».Mr de sous
préfet de Gonaté.
« Entre convoyeurs, chauffeurs et forces
de l'ordre, il existe des rapports
de complicité pour l'exploitation en commun d'un
commerce juteux, celui du trafic des enfants. Les convoyeurs s'entendent
avec le chauffeur, pour surcharger le plus possible les
autocars. On peut se retrouver ainsi avec soixante-dix
(70) Personnes dans un car de cinquante-cinq (55) places, cent
(100) à cent vingt (120) passagers pour un de soixante-dix (70) places.
Les convoyeurs ont des connaissances à tous les points de
contrôle. Sachant qu'ils transportent les enfants, ils négocient
avec ces agents des forces de l'ordre, et
leur payent un droit de passage. Les cars peuvent alors
continuer leur trajet sans aucun contrôle. »
(Enquêtés ayant souhaité que leur statut et fonction
ne soient pas révélés).
II est clair qu'un tel désintérêt
manifesté par ces acteurs vis-à-vis de notre objet
d'étude, ne peut que rendre compte du laxisme d'agents de base des
forces de l'ordre ; laxisme qui explique évidemment la facilité
avec laquelle les intermédiaires et enfants accèdent à nos
différents départements.
Concernant le dernier discours qui a trait à la
corruption d'agents de forces de l'ordre, qui favoriserait la traite d'enfants,
notons que nous n'avons pas pu vérifier nous-mêmes cette
allégation.
Si le laxisme et la corruption d'agents des forces de l'ordre
semblent des réalités avérées, il est
compréhensible que ces éléments ne puissent que contribuer
à renforcer la traite d'enfants dans notre zone d'étude.
3-2 La porosité des
frontières
En Côte d'Ivoire, comme d'ailleurs le plus souvent en
Afrique, les frontières politiques ne sont des frontières que de
nom, puisqu'en dehors des postes frontaliers de douane, de police, de
gendarmerie, elles sont rarement matérialisées et faiblement
contrôlées.
« Nos frontières sont de
véritables passoires ; c'est la raison pour laquelle de nombreux
trafiquants de personnes et de biens, peuvent accéder assez facilement
au pays en contournant, par la brousse, les postes frontaliers où sont
positionnées les forces de l'ordre. »
3-3 Les motivations des parents et des jeunes au
départ du pays d'origine, le vécu de leur travail dans les
plantations et leurs projets
En plus des variables explicatives de la traite et des pires
formes de travail des enfants que nous avons étudiées, il
convient de dire que ce phénomène semble prendre aussi racine
dans les motivations des parents et des jeunes au départ du pays
d'origine, le vécu du travail au niveau de la main d'oeuvre infantile,
de même que dans les projets de vie des enfants. Pour les parents, il
s'agit essentiellement de faire partir leurs enfants en Côte d'Ivoire,
pour que ceux-ci y gagnent de l'argent qu'ils enverront à la famille. A
ce sujet un responsable du consulat du Burkina Faso à abondé dans
ce sens, à travers ses dires :
« Devant la pauvreté au pays, les
parents souhaitaient que leurs enfants aillent en Côte d'Ivoire pour y
travailler et ramener de l'argent à la famille. Des parents visent
également la réussite individuelle des enfants sur le plan de
leur formation et sur le plan économique. Cette réussite peut
permettre d'acquérir des biens matériels qui font cruellement
défaut à la famille qui est au pays »
Les motivations des parents sont renforcées par l'image
positive que les différents acteurs de la filière de la traite
des enfants présentent de la Côte d'Ivoire, lorsqu'ils rencontrent
des responsables de familles et des jeunes dans les pays pourvoyeurs de main
d'oeuvre infantile. Elles sont aussi soutenues par la réussite
socio-économique apparente, en Côte d'Ivoire, de membres de la
famille ou de connaissances, qui retournent régulièrement dans
leur pays ou qui s'y installent définitivement. Que ce soit avant la
crise, ou de nos jours, il semble que la perception de la Côte d'Ivoire
comme l'eldorado ou une terre promise reste relativement invariante chez les
jeunes migrants (comme d'ailleurs aussi chez leurs parents) qui y viennent
seuls, parfois « pour se chercher », comme ils le disent
eux-mêmes. Réussir en Côte d'Ivoire, n'est pas seulement
chez les jeunes un projet vécu au niveau de l'imaginaire, mais aussi sur
le plan du réel, dans la mesure où des enfants maliens,
Burkinabé et Togolais restés au pays, voient arriver, chaque
année au moins, leurs pairs de la Côte d'Ivoire, « les
bras chargés d'espèces sonnantes et trébuchants et de
biens matériels » qu'ils n'ont pas forcément l'habitude
de voir dans leur vie quotidienne ! A ce propos, les discours qui suivent
sont particulièrement significatifs :
« Quand mon patron m'a payé l'an
passé j'ai acheté de nouveaux habits, des lunettes et une radio
pour mon père. Arrivé au pays, j'ai acheté des pagnes pour
ma maman et ma grande soeur. Tout le monde était content et fier de moi
dans la famille. Dans le quartier, tous mes amis m'enviaient à cause de
mes habits ; beaucoup de jeunes voulaient venir avec moi, lors de mon
retour en Côte d'Ivoire » (Un jeune manoeuvre
agricole).
« Je travaille dans cette plantation,
parce que c'était trop dur au village ; on est beaucoup, et les
parents n'ont rien pour s'occuper de nous. Quand mon oncle, qui est planteur de
cacao en Côte d'Ivoire, est venu au pays, il a vu mon père, et je
suis venu avec lui depuis 2001. Ici, je suis sûr que je vais devenir
quelqu'un un jour, parce que je fais des contrats et je gagne beaucoup
d'argent. Mon oncle est gentil avec moi. L'année dernière, quand
je partais au pays, il m'a donné beaucoup d'argent. J'ai acheté
plusieurs choses que j'ai emmenées au pays. »
(Un jeune travailleur agricole Burkinabé à
Bouaflé).
Devant de telles situations, le réel ne peut que
renforcer l'imaginaire des enfants qui n'ont pas encore
« tenté l'aventure ivoirienne ».
En ce qui concerne le vécu (pratiques, significations
et représentations sociales) de leur travail, il faut retenir que les
enfants semblent être, dans l'ensemble, assez favorables aux tâches
quotidiennes exécutées dans les plantations de café-
cacao, en dépit des contraintes liées à ces
dernières. Au regard de ces considérations modernes relatives
à la défense des droits des enfants, ceux d'entre eux qui
travaillent dans les plantations de café en Côte d'Ivoire, sont
souvent perçus comme des victimes de pires formes de travail,
c'est-à-dire, qu'ils font l'objet d'une insertion sociale.
Quand on s'intéresse au vécu des enfants,
travaillant dans ces plantations, on constate que la perception et les
représentations sociales de leur travail semblent être tout
autres. En effet, la grande majorité des enfants enquêtés
pensent, d'après leurs différentes déclarations, que
leurs conditions de travail et de vie sont acceptables, comparativement aux
réalités quotidiennes qu'ils connaissent dans leur pays
d'origine. Leur perception peut s'expliquer sans doute par le fait que, pour le
même effort de travail fourni dans leur pays, ils tirent des revenus
substantiels en Côte d'Ivoire, qui n'ont rien à voir avec qu'ils
gagnent chez eux :
« Au pays, je travaillais la
terre ; par an, je gagnais vingt mille (20 000) francs CFA. Quand je
suis arrivé en Côte d'Ivoire, j'ai pu avoir, la première
année, cent soixante quinze mille (175 000) francs CFA. On dit que
les enfants ne doivent pas travailler dans les plantations ; mais qui peut
me donner une telle somme d'argent que je n'ai jamais attrapée dans ma
main ? Pour gagner cet argent, on m'a payé mon contrat annuel, et
j'ai fait d'autres contrats les jours de repos. » (Un
jeune manoeuvre burkinabé rencontré à Zuenoula).
L'obtention, pour une première fois, d'une telle somme
d'argent, peut paraître faramineuse aux yeux d'un enfant qui provient
d'un pays où sévit, en général, une pauvreté
endémique. On peut alors parfaitement comprendre que les conditions de
travail et de vie des enfants dans les plantations, ne soient pas
forcément vécues négativement par ces derniers. De notre
analyse du vécu du travail chez les enfants, il semble que s'affrontent
deux types de perception :
Enfants au travail dans les plantations de café - cacao
, considérés par les uns, acteurs institutionnels
impliqués dans la lutte contre ce phénomène, comme
identités sociales négatives, et perçus par les autres,
des enfants travaillant dans les exploitations agricoles, comme
identités sociales positives. Les enquêtes menées
auprès des jeunes de quatorze (14) à dix-huit (18) ans, et en
rapport avec leurs projets, montrent aussi qu'en dehors des activités
agricoles et des ressources financières qu'ils en tirent, ils n'ont
apparemment pas d'autres horizons de vie. La majorité d'entre eux qui
ont parlé de leurs projets, ont tenu le genre de discours
ci-après :
« Je viens d'un pays pauvre où
mes parents n'ont rien. Je suis ici pour travailler dans les plantations pour
gagner beaucoup d'argent, et retourner chaque fois au pays, pour aider mes
parents. Ils comptent sur moi ici. Moi, je ne connais pas papier, c'est donc
dans la plantation que je peux gagner ma vie. » (Un
jeune manoeuvre Togolais).
Etant donné, comme nous l'avons déjà vu
plus haut, que les enfants sont pour la plupart d'entre eux
analphabètes, et qu'ils sont issus de familles très pauvres et
nombreuses, ils ont conscience qu'ils n'ont aucune possibilité de
mobilité verticale dans le secteur formel, et que les
opportunités financières qui peuvent se présenter à
eux, et qui leur permettent d'aider leur famille résident
essentiellement dans l'espace du travail agricole, auquel ils restent par
conséquent, fondamentalement attachés.
L'étude des motivations des parents et des jeunes, au
départ du pays d'origine, du vécu de leur travail dans les
plantations et de leurs projets vie, prouvent que ce sont des variables
culturelles et psychosociales, qui créent des conditions de
perpétuation de la traite et des pires formes travail des enfants dans
les plantations de café-cacao, de même qu'elle rendent compte.
Le travail des enfants a une réelle incidence sur
l'avenir et le devenir de l'enfant. En effet vu la dangerosité des
activités pratiquées, les enfants sont exposés à
plusieurs problèmes. Au-delà de l'enfant, il faut aussi
comprendre que c'est le cacao ivoirien qui est mis en danger si rien n'est fait
car les institutions internationales menacent de ne plus acheter le cacao en
provenance des zones où le trafic est signalé.
I- CONSEQUENCES AU NIVEAU DES ENFANTS
Les populations, acteurs directement impliqués dans le
développement du phénomène, accordent très peu de
crédits aux conséquences (conséquences négatives),
ils se sont pour la majorité prononcée sur les avantages du
travail.
Toutefois, nous avons pu en relever à partir des
différents témoignages.
1-1 Inconvénients du phénomène pour
les enfants
Selon le témoignage des enfants dans les plantations de
café-cacao, nous avons pu entrevoir des conséquences
négatives tant physiques que psychologiques.
En ce qui concerne ces impacts physiques, il faut
essentiellement relever le cas des blessures causées dans l'ensemble par
les machettes et qui laissent, en général des cicatrices, quand
elles sont profondes.
Situées sur les membres inférieurs ou
supérieurs, ces cicatrices paraissent banales pour la population
agricole, les exploitants agricoles, les enfants contractuels et aides
familiaux ayant terminé leur apprentissage. Ce qui se comprend, dans la
mesure où ces acteurs utilisent des machettes bien aiguisées et
très tranchantes de sorte à leur permettre une bonne performance
et un rendement meilleur dans l'accomplissement des activités.
Au delà des risques relatifs aux matériels de
travail, les enfants ont également donné leur point de vu sur la
pénibilité à parcourir les distances qui séparent
leur lieu d'habitation aux plantations, de l'intensité du rythme du
travail et du volume élevé de travail.
Ces dernières difficultés (liées au
rythme, volume de travail, et temps de repos) sont en effet imputables à
l'absence des parents dans l'environnement immédiat de l'espace agricole
et suscitent à la fois des conséquences d'ordre psychologique.
Au-delà de ces conséquences physiques et
psychologiques, ces enfants (les plus grands) ne sont pas à l'abri de
bien d'autres dangers dans leur milieu de vie, singulièrement la
pandémie du VIH/SIDA.
Ces enfants loin du cadre familial, ont le devoir de s'auto-
éduquer. Cette relative liberté peu être pour eux lourde de
conséquences, car leur fréquentation sexuelle s'oriente pour la
plus part vers les filles de joies.
1-2 Avantages du phénomène pour les
enfants
Les travaux champêtres permettent aux enfants
d'acquérir une relative expérience. Cette connaissance leur
permet de réaliser leurs projets de vie et s'intégrer dans leurs
communautés, voire dans la société.
Tandis que certains enfants, ceux qui n'ont aucune
possibilité de mobilité verticale dans le secteur formel, (du
fait de leur analphabétisme et des études écourtées
au niveau du cycle primaire, ont dit acquérir les techniques culturales
du café et du cacao), ont la chance d'évoluer dans cet espace de
travail agricole, d'autres affirment encore pouvoir hériter des
plantations de leurs parents, de satisfaire eux mêmes leurs besoins
(fournitures scolaires, trousseaux de mariage, vêtements).
De même, les gains tirés du travail agricole
permettent à la majorité des contractuels d'épargner pour
la réalisation de leurs projets de vie, soit en investissant dans le
secteur agricole ou en milieu urbain dans la mécanique auto.
Les rémunérations assurent parfois la survie des
ménages en permettant aux enfants de contribuer aux dépenses du
foyer parental et améliorer les conditions socioéconomiques de
vie des parents qui ont des difficultés financières et
matérielles.
Après avoir indiquer les avantages et
conséquences négatives du travail dans les plantations de
café- cacao sur les enfants, l'interrogation est de savoir ce qu'il en
est de la Côte d'Ivoire, premier producteur du binôme café-
cacao?
II- CONSEQUENCES DU TRAVAIL DES ENFANTS POUR LA COTE
D'IVOIRE
La Côte d'Ivoire, premier pays producteur du
binôme café - cacao au plan mondial, avec une offre moyenne
annuelle de 1.250.000 à 1 .300.000 tonnes sur un total mondial moyen de
2.800 000 à 2.850.000 tonnes78(*), devra prouver qu'il n'est pas concerné par
les accusations portées contre elle. Elle est d'autant plus
mobilisée par cette lutte qu'elle est accusée à tort ou
à raison d'utiliser les enfants dans des conditions périlleuses
dans ses plantations de café- cacao.
Si cette accusation était avérée, elle
devra en assumer les conséquences. Ce qui signifie qu'elle devra faire
face aux effets pervers du protocole «HARKING-ENGEL»79(*) qui s'insurge contre tout
travail abusif ou esclavage des enfants dans le monde. Ledit protocole ayant
engagé les industries depuis l'année 2001 à faire en sorte
qu'à partir du 1er juillet 2005, date différée aujourd'hui
au juillet 2008, que le cacao Ivoirien soit cultivé de manière
responsable. Il est interdit d'après ce protocole d'avoir recours
à une main- d'oeuvre forcée ou infantile. Pour cela un certificat
d'attestation est demandé à tout importateur de café-
cacao américain.
L'économie de la CÔTE d'Ivoire dépend en
grande partie du binôme café-cacao. Il est donc important que la
situation des enfants dans les plantations soit clarifiée afin
d'éviter des sanctions.
Conclusion de la deuxième partie
Cette deuxième partie relative aux résultats
repose sur deux points : la description du phénomène d'une part
et les facteurs susceptibles de l'expliquer ainsi que les éventuelles
conséquences d'autre part.
Le premier est relatif à la description des
caractéristiques socio économiques et démographiques
(âge, sexe, niveau d'instruction, situation socio professionnel) des
principaux acteurs et des acteurs secondaires, suivie de celle des
manifestations du phénomène. La description et
interprétation des manifestations, relatent en effet, les conditions
dans lesquelles, les enfants immigrés (Togolais, Burkinabés,
maliens...) accomplissent les travaux dans les plantations. Elle met à
nu les activités, le rythme et le volume de travail auxquels ils sont
soumis, lesquels sont moins fonction de l'âge et de la catégorie
du travailleur que des liens de parenté affirmés ou non avec le
planteur.
Quant aux conditions de vie des enfants dans les campements et
villages, qui, elles dépendent des conditions de travail, elles ne sont
pas tout à fait différentes pour ce qui est des enfants
actifs.
Elles paraissent d'autant plus similaires que l'ensemble des
enquêtés (les planteurs et les enfants ainsi que les acteurs
secondaires, les responsables institutionnels et d'autres responsables de
service) expliquent en majorité le travail des enfants dans les
plantations de café - cacao selon les mêmes facteurs: la pesanteur
de la tradition socioculturelle africaine, l'indigence socio économique
des parents, le faible niveau de mécanisation des systèmes
agricoles et l'insuffisance ou la faible application des textes juridiques. Le
même constat est fait pour ce qui est de chaque département.
Les conséquences liées au travail en plantation
sont exprimées en terme de blessures causées à la
machette, notamment et concerne aussi des difficultés psychologiques. En
ce qui concerne les avantages, elles sont multiples et relatives surtout
à l'intégration sociale de l'enfant. Il s'agit également
des avantages pécuniaires que les parents et les enfants tirent de leur
travail.
I- INSTRUMENTS JURIDIQUES
La législation protectrice des enfants en
général et des enfants travailleurs en particulier est abondante.
Malheureusement, ces instruments juridiques sont très peu connus et
quand bien même ils sont connus par certains, ceux-ci ne sont pas
appliqués et les personnes qui exploitent des enfants ne sont pas
toujours sanctionnées.
1-1 Instruments juridiques de protection
générale de l'enfant
L'enfant comme mentionné précédemment est
toute personne de l'un ou l'autre sexe âgé de moins de 18 ans
selon la Convention des Nations Unies relative aux droits des enfants, la
Charte africaine des droits des enfants et la Convention 138 de l'OIT sur
l'âge minimum. Tous ces instruments juridiques ont été
ratifiés par la Cote d'Ivoire. Cependant, en droit ivoirien il y a une
pluralité de définitions de l'enfant. En effet, le droit
pénal considère comme mineur l'individu de l'un ou l'autre sexe
âgé de moins de 18 ans, et la loi sur la minorité
considère comme mineur celui qui est âgé de moins de 21 ans
(code pénal article 1er, et la loi de 1970 sur la
minorité en son article 1er).
Cette pluralité de la notion de mineur est source de
contradiction et est préjudiciable aux enfants, car comment comprendre
qu'à 18 ans on soit majeur au niveau pénal et de ce fait apte au
service militaire (code de la fonction militaire de 1995) et qu'on soit encore
mineur au niveau civil et donc soumis à l'autorité parentale.
L'enfant mineur bénéficie, selon la
législation, ivoirienne de protection et cette protection est
assurée par l'Etat (constitution de 2000 articles 5 et 6) et par les
titulaires de la puissance paternelle : père, mère ou tuteur (loi
sur la minorité). Ceux-ci doivent le protéger contre les
violences et l'exploitation économique ou sexuelle et ils doivent par
ailleurs assurer son éducation, sa garde, son entretien (loi sur la
minorité de 1970, loi sur le mariage de 1964 modifiée en
1983)80(*).
L'enfant ne doit pas choisir lui-même sa
résidence, ce qui revient à dire qu'il ne doit pas normalement
avoir d'enfant de la rue (la rue n'étant pas une résidence). Il
ne doit pas aussi subvenir à ses besoins ni à ceux de ses parents
tant qu'il n'a pas atteint l'âge légal pour travailler.
La Constitution ou loi fondamentale du 1er Août 2000,
interdit le travail forcé et l'esclavage ainsi que tous les traitements
cruels, inhumains et humiliants, la torture physique ou morale et toutes les
formes d'avilissement des Etres humains en son article 3.
La présence de nombreux enfants dans les rues et le
nombre d'enfants victimes d'exploitation en Côte d'Ivoire
témoignent du désengagement de la famille et de l'Etat de cette
mission confiée par la Constitution et par les lois sur le mariage et la
minorité. En effet, selon la loi sur la minorité du 3 Août
1970, le mineur doit être assisté par son représentant
légal : père, mère ou tuteur dans tous les actes de la vie
civile81(*).
Le mineur de 16 ans ne peut conclure et rompre seul un contrat
de travail. Il doit être assisté de son représentant
légal ce qui n'est pratiquement pas le cas en Côte d'Ivoire. En
effet, de nombreux enfants travaillent avant l'âge de 16 ans sans
l'autorisation du représentant légal et cela dans
l'indifférence totale des familles et de l'Etat.
Le mineur de moins de 18 ans ne peut conclure et rompre seul
son contrat de travail et exercer le commerce. Il a besoin de l'autorisation de
ses parents pour se marier.
1-2 Instruments juridiques spécifiques de
protection de l'enfant travailleur
La Constitution ivoirienne au même titre que la
convention 29 de l'OIT de 1930, interdit le travail forcé et l'esclavage
de tout être humain. Il en est de même de la loi sur la
minorité qui exige la présence des parents du mineur de 16 ans
pour la conclusion et la rupture de son contrat de travail. Ceux-ci peuvent, en
effet, apprécier la portée du travail confié à leur
enfant et discuter de la rémunération ainsi que des conditions
dans lesquelles ce travail sera exercé, l'enfant de 16 ans
n'étant pas capable d'une telle appréciation.
Le Code du travail ivoirien (loi de 1995)
assure la réglementation du travail des enfants. Nous citons ici les
plus significatifs :
ï L'article 23-2 du code de travail fixe l'âge
minimum d'accès au travail à 14 ans. Celui-ci interdit de
recevoir même comme apprenti un mineur de 14 ans. Avant 14 ans
le mineur doit consacrer son temps aux études ou à la formation
professionnelle.
ï Les travaux de nuit et les travaux dangereux sont
interdits (article 22-3 du code de travail).
ï L'arrêté n° 2250 du Ministère
de l'emploi en date du 14 Mars 2005 a renforcé l'interdiction de la
réalisation de travaux dangereux par les enfants de moins de 18 ans. Ces
travaux concernent tous les secteurs d'activités (agriculture, commerce,
artisanat, transport , voir annexe)
ï L'enfant qui travaille doit offrir librement sa force
de travail et travailler dans des conditions acceptables. Il ne doit pas
être privé de sa liberté de mouvement et il doit percevoir
sa rémunération sinon ce travail est assimilable au travail
forcé et à l'esclavage interdit par la Constitution, le code du
travail dans son article 3 et sanctionné par le code pénal en ses
articles 376 et 378. La mise en gage d'un mineur de 15 ans est
sanctionnée par un emprisonnement de cinq ans (article 377 du Code de
travail).
C'est le non respect de cette interdiction du travail
forcé par la législation ivoirienne, ainsi que le non respect des
conventions internationales ratifiées par la Côte d'Ivoire qui lui
a valu le battage médiatique et la menace d'interdiction du cacao
ivoirien sur le marché américain en 2001.
En effet, il a été constaté que
malgré l'existence de textes interdisant le travail forcé,
ceux-ci n'étaient pas appliqués. Les enfants sont utilisés
par certains employeurs avant l'âge de 14 ans et sont soumis à des
travaux pénibles de jours comme de nuits parfois, et cela dans
l'indifférence totale, voire coupable, des familles, de la
société, de l'Etat.
Cette indifférence de l'Etat ivoirien est à
déplorer d'autant plus que celui-ci a ratifié la Convention 182
de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) relative aux pires formes de
travail des enfants. Celle-ci interdit aux enfants de moins de 18 ans tous
travaux qui par leur nature et les conditions dans lesquelles ils s'exercent,
nuisent, abusent, exploitent ou privent l'enfant de ses droits à la
santé, à l'éducation, au loisir, etc.
Les travaux abusifs et les pires formes de
travail interdits aux enfants par la Convention 182 de l'OIT en son article 3
et ratifiée par la Côte d'Ivoire sont :
ï Toutes les formes d'esclavage ou pratiques analogues
telles que la vente, la traite des enfants, la servitude pour dette, le
servage, le travail forcé ou obligatoire, (pratiques punies par le code
pénal ivoirien en articles 376 à 378) ;
ï le recrutement forcé ou obligatoire des enfants
en vue de leur utilisation dans les conflits armés (interdit par le Code
de la Fonction Militaire).
ï L'utilisation, le recrutement ou l'offre des enfants
à des fins de prostitution, de production de matériel
pornographique ou de spectacles pornographiques, (pratiques punies aussi par le
code pénal en ses articles 335 à 337).
ï L'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant
aux fins d'activités illicites notamment pour la production ou le trafic
des stupéfiants, (pratiques punies par la loi ivoirienne du 23 juillet
1986 sur les stupéfiants).
ï Des travaux qui par leur nature ou les conditions dans
lesquelles ils s'exercent sont susceptibles de nuire à la santé,
à la sécurité ou à la moralité de
l'enfant.
Il convient de souligner que les personnes qui commettent des
infractions sur les enfants sont sanctionnées par le Code pénal
ivoirien. Celui-ci stipule :
ï les violences et voies de fait sur mineures, les
privations d'aliments et de soins, les atteintes à leur liberté
et à leur vie, les enlèvements d'enfants (articles 362, 370 et
371), ce dernier point d'enlèvements d'enfants étant des
éléments constitutifs du délit de la traite
d'enfants ;
ï la vente d'enfants ou les conventions portant sur la
liberté d'une personne par l'article 376;
ï le travail forcé, la mise en gage (articles 377
à 378) ;
ï l'incitation de mineur à la débauche et
le proxénétisme (exploitation sexuelle des enfants, articles 335
à 337) ;
ï les coups et blessures volontaires (l'article 345) ;
ï les violences sexuelles (articles 354 à 360 du
code pénal).
Il convient de souligner que faute de loi spécifique
sur la traite des enfants, les magistrats législateurs se
réfèrent aux articles ci-dessus du code pénal pour
réprimer tous ceux qui s'adonnent à l'exploitation d'enfants
mineurs. C'est à ce titre qu'entre 2001 et 2006, une cinquantaine de
trafiquants a été sanctionnée.
D'autres lois et conventions existent en matière de
protection des enfants. Ce sont :
ï la loi du 23 Juillet 1986 sur les
stupéfiants réprimant ceux qui utilisent les enfants pour le
trafic des stupéfiants, de même que la Convention relative aux
droits des enfants en ses articles 6 (droit à la vie), 28 (droit
à l'éducation), droit aux loisirs (article 31), protection contre
les violences (article 19), l'exploitation économique (article 32) et
sexuelle (articles 34 et 36), protection contre l'enlèvement, la traite
(article 35) ;
ï la charte africaine des droits des
enfants en ses articles 3 (intérêt supérieur de l'enfant),
survie et développement (article 5), droit à l'éducation
(article 11), protection contre l'exploitation économique (article 15),
protection contre les abus (article 16), les pratiques traditionnelles
néfastes (article 25), l'exploitation sexuelle (article 27), l'abus des
stupéfiants (article 28), l'enlèvement, la traite et la
mendicité (article 29) ;
ï la loi du 23 Décembre
1998 qui interdit le mariage précoce et forcé
des enfants : de nombreux enfants victimes de la traite sont vendus sur le
marché pour des mariages arrangés ou la prostitution.
En résumé, les Conventions ratifiées par
la Cote d'Ivoire : Convention des Nations Unies de 1989 relative aux droits des
enfants. Charte Africaine des droits et du bien-être des enfants de 1990,
Conventions 138 et 182 de l'OIT sur l'âge minimum et les pires formes de
travail des enfants par les juridictions ivoiriennes auraient permis d'assurer
une protection maximum aux enfants victimes d'exploitation par le travail si
elles étaient appliquées.
II- CADRE INSTITUTIONNEL
2-1 Les institutions de l'Etat
Ce sont :
ï La Primature (projet pilote systèmes de suivi du
travail des enfants dans le cacao culture);
ï Le Ministère de la Famille, coordonnateur des
actions de lutte contre la traite des enfants et son comité national de
lutte contre la traite ;
ï Le Ministère de l'Emploi et son comité
directeur national de lutte contre le travail et les pires formes de travail
des enfants,
ï Les institutions de répression :
Ministères de la Sécurité, de la Défense et de la
Justice assurent la protection juridique, judiciaire et l'arrestation des
trafiquants et des exploiteurs d'enfants.
2-2 Les partenaires au
développement
Les partenaires au développement que sont l'UNICEF, le
BIT/IPE, l'OIM, INTERPOL, la Coopération Allemande, et les ONG
nationales et internationales apportent un appui à l'Etat pour la
protection des enfants travailleurs et victimes des pires formes de travail.
2-3 Les comités de lutte contre la traite et
l'exploitation des enfants, et les organisations professionnelles
agricoles
Les comités de lutte contre la traite et l'exploitation
des enfants, et les organisations professionnelles agricoles,
spécialement celles de Bouaflé et de Sinfra, assurent la
protection juridique, judiciaire, l'arrestation, les sanctions des trafiquants
et des exploiteurs d'enfants et la prise en charge des enfants victimes pour
une meilleur protection des enfants.
I- ACTIONS MENEES
1-1 Actions de l'Etat
1-1-1 La primature
Elle est chargée de superviser le processus de
certification du cacao ivoirien suite au protocole signé en 2001 entre
les chocolatiers et l'Etat américain.
L'Etat ivoirien étant témoin de cet accord, les
chocolatiers américains doivent arriver à certifier que le cacao
produit en Côte d'Ivoire n'est pas le fruit du travail des enfants
esclaves. Il a été donc créé avec les
coopérateurs et le gouvernement ivoirien un projet pilote de suivi du
travail des enfants dans le cacao culture dans le département
d'Oumé au centre ouest de la Côte d'Ivoire. Ce projet pilote du
système de suivi du travail des enfants (PPSSTE) est une approche
opérationnelle à la question du travail abusif des enfants dans
la cacao culture ivoirienne. Cette région a été choisie
à partir de certains critères : sa productivité (plus
40 000 tonnes par an, la présence des organisations agricoles et sa
représentativité administrative). Ce projet qui s'exerce dans les
deux (2) sous-préfectures d'Oumé et de Diégonéfla
qui composent le département couvre 06 villages de ses
sous-préfectures. Le projet est opérationnel depuis
décembre 2004 et le comité départemental de lutte contre
le travail des enfants d'Oumé a été installé en
janvier 2005.
Des équipes d'appui de terrain dans ses six villages
sont chargées d'établir un diagnostic participatif de la question
du travail des enfants dans les plantations. Elles doivent par ailleurs
recueillir les informations relatives au phénomène, recenser le
cas d'enfants victimes, identifier les employeurs d'enfants, élaborer un
plan d'action en vue de prévenir, remédier et recueillir les
informations sur le travail des enfants. Les données recueillies seront
publiées sur le site Internet du projet et des rapports juridiques
seront disponibles. Des ateliers de formation des acteurs chargés de
mener les actions de terrain ont été réalisés en
mars et en avril 2005.
Ce projet pilote a aussi pour mission principale d'identifier
et d'extraire les enfants victimes d'exploitation et de les
réinsérer dans le circuit scolaire ou professionnel. Il permettra
par ailleurs de suivre le travail des enfants, d'empêcher de nouveaux
cas, de pérenniser la prise de conscience des partenaires sociaux et
institutionnels quand aux contrôles du travail des enfants et de
recueillir toutes informations utiles pour combattre le fléau.
En plus de ce projet pilote qui bénéficie de
l'appui gouvernemental et du Bureau International du Travail à travers
son projet WACAP, le comité départemental a
bénéficié de l'appui de la Coopération Technique
Allemande à travers son projet de lutte contre la traite et les pires
formes de travail des enfants pour une sensibilisation des communautés
villageoises en matière de lutte contre le phénomène du
travail des enfants dans la cacao culture.
1-1-2 Les ministères
Deux Ministères spécifiques sont chargés
du phénomène de la traite et du travail des enfants dans ses
pires formes. Ce sont : le Ministère de la famille, de la femme et de
l'enfant, et le Ministère de la fonction publique et de l'emploi. Trois
(3) autres se chargent de la répression des auteurs de traite et
d'exploitation des enfants.
1-1-2-1 Ministères spécifiquement
chargés de la traite et du travail des enfants
1-1-2-1-1 Le Ministère de la Femme, de la
Famille et de l'Enfant
Une cellule de lutte contre le phénomène a
été installée. Cette cellule est chargée de
coordonner les actions de lutte contre la traite des enfants. Il dispose d'un
comité national de lutte contre la traite des enfants créé
en 2001. Il a été l'initiateur de l'accord de coopération
entre la Côte d'Ivoire et le Mali de 2000 en matière de lutte
contre la traite transfrontalière et de l'accord multilatéral de
lutte contre la traite des enfants de juillet 2005 intervenu entre la
Côte d'Ivoire et d'autres pays de la sous région : Bénin,
Burkina-Faso, Guinée, Libéria, Niger, Nigeria, Mali et Togo.
La cellule de communication du ministère a entrepris
également de lutter contre la traite des enfants par des campagnes de
sensibilisation à Abidjan et à l'intérieur du pays, dans
la sous région ouest africaine et en Europe. Il a participé
à des réunions sous-régionales concernant la traite des
enfants : Cotonou en 1998, Lomé en 2000, Libreville - Gabon 2000 et
2003, Cameroun en 2005. Il a organisé en 2002 une réunion
sous-régionale sur la traite des enfants à Yamoussoukro.
Ces rencontres ont abouti à des recommandations et
à une plate-forme commune d'actions. La première plate-forme
élaborée est dénommée plate-forme commune d'action
de Libreville (Gabon) en 2000.
Le Ministère collabore avec des ONG nationales et
internationales et bénéficie de l'appui des partenaires au
développement dans cette lutte contre la traite des enfants dont
l'UNICEF, le BIT, la Coopération Allemande, la Fondation Save The
Children Suède, etc.
Le Ministère de la Famille a proposé un projet
de loi sur la traite des enfants, et par ces actions de plaidoyers a permis la
ratification des conventions 138, 182 de l'OIT et de la charte africaine des
droits et du bien être des enfants en 2002.
1-1-2-1-2 Ministère de la Fonction Publique et
de l'Emploi
Ce Ministère est chargé de la
réglementation générale de l'emploi et de la protection
des enfants travailleurs. Il a depuis 2004 un comité directeur national
de lutte contre le travail et les pires formes de travail des enfants, 6
comités départementaux à Daloa, Soubré,
Adzopé, Oumé, San-Pédro, Abengourou ; 12 comités
sous-préfectoraux et 24 comités villageois. Ce Ministère
coordonne toutes les actions de lutte contre le travail des enfants. Il a
établi la liste des travaux dangereux et interdits aux enfants par
arrêté ministériel 2250 du 14 mars 2005.
Il a organisé de nombreux séminaires de
formation et d'information sur le travail des enfants et dispose d'un plan
d'action national de lutte contre le travail et les pires formes de travail des
enfants. Les comités de lutte contre le travail des enfants sont
chargés de sensibiliser les populations et les producteurs sur le
travail des enfants, d'identifier les enfants travailleurs et les employeurs
d'enfants, de retirer les enfants du travail dangereux dont ils sont
exposés et de les réinsérer dans le circuit scolaire et
professionnel. Le ministère de la fonction publique travaille en
partenariat avec les autres ministères, les ONG nationales et
internationales, les partenaires au développement dont la
Coopération Allemande, le Bureau International du Travail, certaines
structures de la filière cacao.
1-1-2-2 Ministère chargés de la
répression
II s'agit du Ministère de la Justice, du
Ministère de la Sécurité et du Ministère de la
Défense.
Le Ministère de la Justice est
chargé de la protection juridique et judiciaire des enfants victimes de
la traite et de pires formes de travail et des enfants travailleurs.
Les Ministères de la Sécurité et
de la Défense sont chargés d'appréhender tous les
malfaiteurs et les trafiquants d'enfants. C'est à ce titre que la
brigade mondaine du ministère de la sécurité a
enregistré :
ï En 2002 : 41 cas d'enfants victimes de la traite
originaires de la Côte d'Ivoire (12), du Burkina (02), du Togo (08), du
Mali (03), du Bénin (13), du Nigeria (01), de la Guinée (02). Ces
enfants sont âgés de 08 à 15 ans. Ils ont été
remis au Bureau international catholique de l'enfance (BICE) qui s'est
chargé de les remettre à leurs parents82(*).
ï En 2003, vingt (20) cas d'enfants victimes de
maltraitance, dix (10) cas d'enlèvements d'enfants, quatre (04) cas
d'exploitation.
Le Ministère de la justice a pu juger
et condamner une cinquante de trafiquants d'enfants de 1999 à 2005,
identifier et rapatrier de nombreux enfants victimes de la traite. Quelques
statistiques 2000-2005 :
ï Tribunal de Daloa : 02 cas / 10 enfants
ï Tribunal de Bouaflé : 02 cas / 8 enfants
ï Tribunal d'Aboisso : 2 cas d'enfants domestiques, 2
enfants travailleurs victimes de sévices
ï Tribunal d'Abidjan Plateau et Yopougon : 30 personnes
jugées pour enlèvement d'enfant de 2003 à 2005 et 60
autres pour violences diverses sur les enfants dans la même
période. 50 cas d'enfants travailleurs victimes de violences sexuelles
et de sévices
La majeure partie des trafiquants a été
jugée à Bouaké, Odienné et Boundiali.
Le nombre très limité des personnes
jugées pour traite ou exploitation d'enfants s'explique par le fait que
peu de cas sont portés à la connaissance de la justice. Les
enfants victimes d'exploitation sont confiés aux ONG pour leur
réinsertion familiale ou professionnelle ou refoulés par la
police des frontières.
L'absence ou l'insuffisance des structures d'accueil et
l'insuffisance des ressources des structures chargées de la protection
des enfants ne permet pas toujours de mener des actions de
réhabilitation des enfants victimes.
1-1-2-3 Les autres Ministères
Ils sont chargés chacun en ce qui les concerne
d'apporter une protection aux enfants en fonction de leur domaine
spécifique : éducation, santé, affaires sociales, affaires
étrangères, agriculture, sport etc...
Le Ministère de l'agriculture ne
dispose pas d'un texte pour la protection des enfants travaillant dans le
domaine agricole. Il participe aux travaux des Ministères de la famille
et de l'emploi et des projets du Bureau International du Travail (BIT) et son
programme d'élimination du travail des enfants (EPIC) et ses projets
LUTRENA et WACAP consacrés spécifiquement au travail des
enfants.
Le Ministère de l'éducation
nationale a créé par arrêté n*0093du 02
Décembre 2005 des centres d'éducation communautaire pour apporter
une éducation de base aux enfants en âge scolaire qui sont
astreints au travail.
1-2 Actions des partenaires au
développement
Ce sont les agences des Nations Unies (UNICEF, BIT/EPIC, OIM),
les partenaires au développement comme la Coopération Allemande /
GTZ, de INTERPOL et des ONG nationales et internationales.
1-2-1 Les agences de l'ONU et les partenaires
bilatéraux de coopération
L'UNICEF et le BIT à
travers son projet IPEC accordent une protection
générale aux enfants et une protection spécifique aux
enfants travailleurs, victimes d'exploitation et de la traite. Ils accordent un
appui technique, financier à l'Etat, aux ONG nationales et
internationales intervenant dans la protection des enfants et
particulièrement des enfants victimes d'exploitation. Les domaines de
l'éducation, de la santé, de la protection sociale et
légale sont leurs domaines prioritaires d'intervention.
L'UNICEF accorde chaque année des kits éducatifs
aux enfants, aide l'Etat à organiser des événements
spéciaux comme la journée de l'enfant africain, à
participer à des réunions internationales consacrées aux
droits des enfants.
Le BIT/IPEC à travers ses
projets WACAP et LUTRENA apportent un appui
aux enfants travailleurs et victimes d'exploitation et de la traite en zone
urbaine et rurale. Il contribue à la lutte contre la traite et
l'élimination progressive du travail des enfants dans l'agriculture
commerciale et dans les villes. Il a amélioré la connaissance du
phénomène du travail et des pires formes du travail des enfants
par des études sur le travail domestique, le travail des enfants dans
les mines artisanales (2003), la traite des enfants aux fins d'exploitation
dans le secteur informel à Abidjan (2004). 11 contribue à la
sensibilisation, au renforcement des capacités, au retrait, au
rapatriement des enfants victimes de la traite et de pires formes de travail
des enfants, à la réinsertion scolaire et professionnelle des
enfants travailleurs, à la création des comités de
surveillance et à la collecte des données sur le
phénomène.
Le projet BIT/IPEC est présent sur l'axe
Bassam-Noé, San-Pedro, Tabou et dans certaines zones de Daloa,
Yamoussoukro, Abengourou, Gagnoa, Oumé, Soubré, Agboville,
Alépé.
L'Organisation Internationale pour les Migrations
(OIM) Côte d'Ivoire contribue à la protection des
migrants et des enfants victimes de trafic international.
La Coopération Technique Allemande au
Développement (GTZ) à travers le projet Lutte contre la
Traite et les pires formes de Travail des enfants (projet
LTTE), placé sous la tutelle eu Ministère de la Fonction
Publique et de l'Emploi) donne un appui aux structures privées et
étatiques chargées de la lutte contre la traite et l'exploitation
des enfants. L'appui concerne:
ï des actions de formation et d'apprentissages
professionnels,
ï des actions d'insertion socio-économique,
ï des actions de sensibilisation et d'information sur le
phénomène,
ï la réalisation d'études sur le
phénomène.
14 ONG et 3 structures décentralisées
(Préfecture de Oumé, Mairie d'Agnibilékro, Mairie de Koro
dans le département de Touba) bénéficient des actions
susmentionnées83(*).
A Oumé le comité départemental a
bénéficié de l'appui pour une sensibilisation des
communautés villageoises en matière de lutte contre le
phénomène du travail des enfants dans la cacao culture. Soixante
(60) villages sont concernés par cette sensibilisation. A cet effet des
comités villageois de cinq (5) à dix-sept (17) membres ont
été installés dans les différents villages qui ont
pour mission de sensibiliser les populations dans ce domaine mais aussi de
mener des actions de lutte contre ce phénomène. Les membres de
ces comités ont bénéficié d'une formation technique
d'animation communautaire en matière de travail des enfants du 26
Août 2005 au 10 Septembre 2005.
Les départements de Soubré, Daoukro et
Abengourou ont également bénéficié d'un appui
consistant pour la mise en place des comités départementaux,
sous-préfectoraux et villageois.
Save The Children Suède contribue
à la promotion et à la protection des droits des enfants et
spécifiquement des enfants victimes d'exploitation par :
ï la lutte contre la traite et l'exploitation des enfants
;
ï le renforcement des capacités des ONG et du
personnel de l'Etat dans le domaine de la protection des enfants ;
ï les plaidoyers, sensibilisation sur les droits des
enfants victimes d'exploitation ;
ï la création de comités de protection ;
ï l'appui aux comités de protection existant et
aux ONG intervenant dans la protection des enfants victimes de la traite
à travers la réinsertion, le rapatriement et la scolarisation des
enfants victimes de la traite.
La Fondation International Cocoa Initiative
(ICI) contribue à la lutte contre le travail des enfants par
:
ï la promotion d'action pour les normes du travail
responsable de la production du cacao ;
ï la prise en charge des enfants victimes de la traite
;
ï l'élaboration de brochures pour les acteurs de
terrain et les personnes chargées de la protection des enfants ;
ï la mise sur pied d'un groupe de travail sur la
protection des enfants victimes de la traite et de pires formes de travail.
En résumé, ces partenaires contribuent à
la promotion et à la protection des droits des enfants par un appui
matériel et financier aux structures étatiques,
décentralisées, et aux ONG nationales et internationales
intervenant dans le domaine de la protection des enfants.
Leurs actions consistent en :
ï un appui financier et technique à toutes les
structures intervenant dans le domaine de la protection des enfants contre
l'exploitation ;
ï un appui aux campagnes de sensibilisation et de
mobilisation communautaire ;
ï dons de kits éducatifs, professionnels ;
ï un appui aux actions de renforcement de capacité
;
ï une intervention directe pour les actions de
sensibilisation à Oumé (GTZ/LTTE) ;
ï un appui à l'organisation de séminaires
d'élaboration de plan d'action et de textes de lois.
ï Un appui à l'apprentissage professionnel et
insertion économique des enfants et jeunes victimes de traite et
d'exploitation.
1-2-2 Interpol
L'Organisation de police criminelle INTERPOL à travers
ses bureaux centraux collectent les informations sur les activités
criminelles et sur la traite des enfants et les partagent avec les pays
concernés (Afrique de l'Ouest et du Centre).
Interpol a pour mission de recueillir des informations et
procéder au rapatriement d'enfants victimes de ce
phénomène. Ainsi en :
ï 2002 : 425 enfants victimes
identifiés et 15 trafiquants arrêtés.
ï 2003 : 613 enfants victimes et 53
trafiquants arrêtés
ï 2004 : 260 victimes et 25 trafiquants
appréhendés84(*).
1-2-3 ONG et associations nationales
Elles sont très nombreuses qui interviennent dans le
domaine de la protection des enfants. Néanmoins, nous retenons ici
celles qui sont les plus actives et connues au plan national et international
comme oeuvrant dans le domaine de la lutte contre la traite et l'exploitation
des enfants.
1-2-3-1 Les ONG à caractère
religieux
· Le Bureau International Catholique de
l'Enfance (BICE). Il contribue à :
- la protection générale des enfants ;
- la protection des enfants privés de liberté,
des enfants handicapés, des filles domestiques, des enfants
réfugiés ;
- l'accueil, hébergement, assistance éducative,
écoute ;
- l'identification, au retrait, au rapatriement des enfants
victimes d'exploitation, à leur formation professionnelle et leur
installation.
En 2002, 1600 enfants ont été accueillis dans
ces centres et 119 enfants victimes d'exploitation ont été
réinsérés (appui par le projet LTTE).
En 2004 : 552 enfants victimes d'exploitation et d'abus
sexuels pris en charge.
ï Les communautés religieuses
à travers leurs centres d'accueil : Foyers Akwaba
(Bouaké et Abobo), centre de Niangon Lokoa, Foyer Don
Bosco, Villages Marie Dominique, contribuent à
la protection des enfants et spécialement des victimes d'exploitation ou
des enfants en circonstances difficiles. Elles s'orientent vers :
- l'information, l'orientation, l'appui psychoaffectif,
l'accueil ;
- l'hébergement d'enfants victimes d'exploitation et
d'enfants en circonstances difficiles ;
- la réinsertion sociale, professionnelle et
familiale.
ï Communauté Abel / ELVIA de
Bassam assure :
- l'accueil, l'hébergement, l'assistance aux enfants
en difficulté ;
- la prise en charge des enfants victimes d'exploitation (100
enfants en 2002 et 101 en 2004, financement LTTE) ;
- la réinsertion familiale, professionnelle ;
- l'identification, le retrait, le rapatriement des enfants
victimes de la traite.
ï Le Mouvement du Nid Côte d'Ivoire assure
:
- l'écoute active, l'assistance sociale ;
- la sensibilisation et la prévention de la
prostitution et des infections sexuellement transmissible ;
- la prise en charge socioprofessionnelle et
éducative.
ï La Fondation Amigo contribue à
la protection des enfants par :
- l'encadrement des enfants en situation difficile et des
enfants victimes d'exploitation ;
- l'alphabétisation, l'apprentissage de métiers,
la réinsertion sociale et professionnelle (40 en 2000, en 2002 et en
2004 avec financement LTTE);
- l'écoute active.
1-2-3-2 Les ONG et associations à caractère
non religieux
ï Le Mouvement pour l'Education, la Santé
et le Développement (MESAD).
Il contribue à :
- l'assistance dans la rue, 1'écoute, l'assistance
médicale, l'hébergement des enfants privés de
liberté et des enfants victimes d'exploitation ;
- l'insertion pré professionnelle, la
réinsertion familiale, la sensibilisation et
l'alphabétisation.
ï Afrique Secours et Assistance
(ASA)
Cette ONG contribue à :
- l'écoute, au conseil, à la
réhabilitation, la réinsertion et la réalisation de
projets générateurs de revenu pour les enfants victimes et les
familles démunies.
- la sensibilisation et la lutte contre la traite.
- la protection des enfants victimes d'exploitation (enfants
travaillant dans les décharges d'Akouédo ; projet financé
par LTTE).
ï L'Association des femmes juristes de Côte
d'Ivoire contribue à la promotion des droits des femmes et des
enfants par :
- la sensibilisation et la diffusion des textes juridiques
;
- la formation juridique (coopérateurs sur le travail
des enfants) ;
- l'écoute et l'assistance juridique.
ï Le Parlement des enfants de Côte
d'Ivoire contribue à la promotion et à la protection des
droits des enfants par des actions de sensibilisation.
ï L'Association des enfants et jeunes
travailleurs (AEJT) affilié au mouvement africain des enfants
et jeunes travailleurs assure la défense et la promotion des droits de
l'enfant travailleur
· Le Réseau Ivoirien des
communicateurs amis de l'enfant (RICAE) contribue à la
défense et à la promotion des droits de l'enfant par les
médias et actions de sensibilisation.
ï Le Réseau Ivoirien de Lutte contre la
Traite des Enfants (RILTE) affilié au réseau africain de
lutte contre la traite contribue à la Défense et à la
promotion des droits des enfants victimes de traite et d'exploitation.
ï Le Forum des ONG d'aide à
l'enfance (47 membres associés) contribue
à la Promotion et à la défense des droits des enfants par
:
- La protection des enfants victimes d'exploitation ;
- Le renforcement des capacités des ONG membres du
forum ;
- La recherche de financement.
1-2-4 Les centrales syndicales et organisations à
caractère professionnel
ï L'Union Générale des Travailleurs
de Côte d'Ivoire (UGTCI), la Fédération des Syndicats des
Travailleurs (FESACI) et Dignité assurent :
- La protection des travailleurs ;
- La protection des enfants travailleurs et victimes
d'exploitation.
ï Le Groupe de travail STCP/BIT sur le travail
des enfants et le trafic contribue à la réflexion sur le
phénomène et à la recherche de solutions pour combattre le
phénomène de l'exploitation des enfants dans la cacao culture.
ï Les Organisations professionnelles
Agricoles et spécialement la KAVOKIVA (Daloa),
les coopérateurs de Sinfra :
- Promotion des droits des planteurs ;
- Protection des enfants travailleurs ;
- Lutte contre le travail des enfants dans les exploitations
agricoles.
ï Les Comités de protection, des droits
des enfants et les comités de vigilance :
- les comités de protection du BICE (Daloa, Gagnoa,
Divo, Aboisso, Tabou, Korhogo). les Comités de protection de Save
thé Children Abidjan et Bouaké.
- les Comités de Vigilance de la Communauté Abel
et de ASA : Aboisso, Bassam, Bonoua contribuent à la :
- protection et à la promotion des droits des enfants
;
- protection des enfants victimes de la traite et
d'exploitation ;
- sensibilisation, la mobilisation communautaire et à
la prise en charge des enfants victimes de la traite et d'exploitation.
Toutes ces structures oeuvrent dans le domaine de cette lutte
contre ce phénomène. Néanmoins, celles-ci
présentent des atouts mais aussi sont confrontées à des
difficultés.
II- PROPOSITIONS DE SOLUTIONS
Nous allons élaborer nos propositions dans des tableaux
afin de donner une bonne interprétation et un bon usage aux
décideurs.
2-1 Les instruments juridiques
2-1-1 Les instruments juridiques nationaux
Texte
|
Les atouts
|
Les contraintes
|
Les propositions
|
La constitution de la CÔTE D'IVOIRE du
1er Août 2000
|
- - Interdit le travail forcé, l'esclavage
- -Confie à la famille et à l'Etat le soin de
protéger les enfants
|
- - -Texte pas du tout connu
|
- Assurer la diffusion de ce texte
|
la loi du 3 Août 1970 sur la
minorité
code civil ivoirien
|
- Prévoit la présence du représentant
légal du mineur de 16 ans pour la conclusion et la rupture du contrat de
travail
- Le titulaire de la puissance paternelle : père,
mère ou tuteur est chargé de l'éducation, de l'entretien,
de la garde du mineur
- Lorsque des infractions graves sont commises par le
père, mère contre leurs enfants mineurs, ils peuvent se voir
déchus totalement ou partiellement de leur droit de puissance
paternelle.
- Peut-être condamné à payer une pension
alimentaire le père ou la mère qui ne subvient pas aux besoins de
son enfant mineur.
|
- -Texte peu connu
- -Pas de sanctions pour les tiers qui violent les droits des
enfants.
|
- Prévoir des sanctions civiles pour les personnes qui
violent les droits des enfants
|
La loi de 1964 sur le mariage modifié en
1983
Code civil ivoirien
|
Obligations des père et mère et des titulaires de
la puissance paternelle : d'entretien, de garde, de surveillance et
d'éducation.
Sanctions civiles pour les parents ou tuteurs qui ne respectent
pas les obligations susmentionnées.
|
- Absence de sanction contre les utilisateurs de main-d'oeuvre
enfantine
|
- Prévoir des sanctions pour les personnes qui violent les
droits des enfants
|
Le code du travail ivoirien de 1995
|
- -Interdiction du travail forcé à des mineurs.
-Interdiction du travail précoce aux enfants mineur de 14
ans.
- - Interdiction des travaux de nuits et des travaux dangereux
aux mineurs de moins de 18 ans
|
- - Ne réglemente pas tous les secteurs d'activité
où s'exerce le travail des enfants
- - Ne définit pas les travaux dangereux et les travaux
interdits aux enfants mineurs
- - Permet à l'inspecteur du travail d'accorder des
dérogations en ce qui concerne les travaux de nuit et les travaux
dangereux même pour les mineurs
- - Pas de réglementation du travail des enfants en
agriculture et dans les mines.
|
- -Réglementer le travail des enfants dans l'agriculture
et les mines artisanales
- -Prévoir des sanctions pour les utilisateurs de
main-d'oeuvre enfantine
- -Prévoir une disposition contre la traite
|
Le Code pénal ivoirien de 1981
|
- - Sanctionne les infractions contre les mineurs
- - Sanctionne l'enlèvement d'enfants,
élément constitutif de la traite des enfants
- - Sanctionne la mise en gage et la servitude pour dettes.
- - Sanctionne le proxénétisme, l'incitation de
mineurs à la débauche, le mariage précoce et force et
permet de réprimer l'exploitation économique et sexuelle des
mineurs
|
-Peu ou pas de textes spécifiques pour les infractions
commises sur les enfants.
- -Répression indirecte à partir des textes issus
du code pénal ou civil du trafic et de l'exploitation économique
et sexuelle des enfants eu égard à l'absence spécifique de
texte en matière de la traite d'enfants.
- -Non application systématique des sanctions
prévues par le code pénal en matière de la traite et
d'exploitation des enfants.
- -Ignorance de ces textes par certaines autorités
juridiques (relevant des forces de l'ordre) et administratives (préfets
et sous-préfets) ne permettant pas de sanctionner à juste titre
les trafiquants.
|
- Prévoir une disposition contre la traite
|
La loi n°95-06-96 du 07 Septembre 1995 sur
l'éducation et l'arrêté de 2005 créant les centres
d'animation communautaire
|
- Proclame l'éducation pour tous
- -Création de structures pour l'éducation des
enfants astreints au travail
|
Education non obligatoire, ni gratuite.
|
Rendre l'éducation obligatoire jusqu'à 15 ans et
assurer la gratuité de celle-ci
|
La loi du 22 juillet 1986 sur les
stupéfiants
|
- Sanctionne les personnes qui utilisent les mineurs pour le
trafic des stupéfiants
|
Pas de mesures de réhabilitation pour les enfants
consommateurs de stupéfiants ou utilisés pour le trafic de
stupéfiants
|
Prévoir des mesures de réhabilitation pour les
enfants toxicomanes ou victimes de trafic de stupéfiants
|
Arrêté 2250 déterminant la liste des
travaux dangereux et interdits aux mineurs de moins de 18 ans du 14 Mars
2005
|
Liste des travaux dangereux et interdits aux mineurs de moins de
18 ans disponibles
|
La non vulgarisation de cette liste au niveau des populations par
les autorités politiques ou administratives, ce qui amène
certains acteurs de la société à considérer cet
arrêté déterminant les pires formes de travail des enfants
comme un complot contre la Côte d'Ivoire en vue de faiblir son
économie nationale et ternir son image de marque.
|
- Vulgariser ce texte au niveau des autorités politiques,
administratives, et de toutes les structures chargées de la protection
des enfants.
- Un appui technique ou financier doit être
apporté aux médias surtout les radios locales pour une large
diffusion de cette liste des pires formes de travail des enfants au niveau des
communautés villageoises
|
2-1-2 Les instruments juridiques
internationaux
Texte4.2
|
Les atouts
|
Les contraintes
|
Les propositions
|
La déclaration Universelle des droits de l'homme
de 1948
|
interdit l'esclavage et la traite des humains
|
Texte peu connu, pas de sanction prévue
|
Diffuser ce texte
|
La convention des nations unies pour l'élimination
de toutes les formes de discriminations à regards des femmes de 1979
ratifiée en 1996
|
Interdit la traite des femmes et l'exploitation de leur
prostitution
|
Texte peu connu
|
Diffuser ce texte
|
Convention des nations Unies de 1989 relative aux droits
des enfants, ratifiée en 1991
|
Protection générale et spécifique des
enfants travailleurs et victimes d'exploitation
|
pas de sanction prévue, texte peu connu.
|
- Assurer la diffusion
- Produire les rapports au comité des droits des
enfants dans les délais
|
Charte africaine des droits et du bien - être des
enfants de 1990 ratifiée en 2002
|
Protection générale des enfants et protection
contre l'exploitation économique et sexuelle, la traite,
l'enlèvement, la mendicité
|
|
Diffuser le texte
Faire le rapport au comité africain
|
Conventions 138 et 182 de l'OIT sur l'âge minimum
et les pires formes de travail des enfants ratifiées en 2002
|
oblige les Etats à fixer un âge minimum d'admission
des enfants à l'emploi et un âge de fin de scolarité de
base obligatoire
oblige à déterminer les travaux dangereux et
interdits aux enfants et de prendre des mesures pour éradiquer les pires
formes
Réglemente et protège les enfants victimes de
traite internationale
|
Pas de sanctions
Dérogations accordées aux Etats concernant la
fixation de l'âge minimum.
|
- Diffuser le texte
- fixer l'âge de fin de scolarité de base
obligatoire
- harmoniser les conventions ratifiées aux lois
nationales pour faciliter leur application
|
L'Accord multilatéral de Juillet 2005
|
Protection des enfants victimes de traite
transfrontalière
Existence d'un instrument sous régional de lutte contre la
traite
|
Pas de mesures d'application ni de sanctions, texte peu connu
|
Diffuser le texte
Prévoir des mesures d'application
|
Déclaration CEDEAO de lutte contre la traite de
2001
|
Plan d'action non mis en oeuvre
|
Engagement des chefs d'Etats de la CEDEAO pour lutter contre la
traite
|
Mettre en oeuvre le plan d'action pour une lutte plus efficace
contre la traite
|
L'accord de coopération Côte d'Ivoire Mali
de 2000
|
- Existence d'un accord bilatéral de lutte contre la
traite transfrontalière
- lutte contre la traite et protection des enfants victimes
|
Pas de mesures d'application, texte peu connu
|
Prévoir des mesures d'application, diffuser le texte
|
2-2 Le cadre institutionnel
2-2-1 Les institutions de l'Etat
|
Les atouts
|
Les contraintes
|
Les propositions
|
Projet systèmes de suivi du travail des enfants
dans la cacao culture géré par la Primature
|
Systèmes de suivi du travail des enfants dans
l'agriculture dans certains départements, dont Oumé choisi comme
zone pilote pour exécuter ce projet au niveau national
|
financières : les ressources sont insuffisantes pour la
réalisation des actions
|
- Etendre le projet à l'ensemble des zones de
production de café et de cacao.
|
Ministère de la Famille, de la Femme et de
l'Enfant
|
- Création par décret présidentiel d'un
comité de lutte contre le trafic des enfants mineurs (2001)
- Coordination nationale des actions de lutte contre le trafic
- Sensibilisation sur le trafic
- Organisation d rencontres nationales et sous régionales
sur la traite des enfants.
- Accord Côte d'Ivoire Mali août 2000 sur le
trafic transfrontalier des enfants mineurs
- Accord multilatéral avec sept pays de la sous
région (juillet 2005).
|
- Financière : pas de budget pour le fonctionnement du
comité
- mesures relatives à l'accord de coopération non
exécutées, II s'agit pour exemple de l'identification et du
retrait des enfants victimes.
- Non coordination des actions initiées et menées
par le comité du Ministère de la Famille et celui du
Ministère de la Fonction Publique dénommée comité
directeur national de lutte contre le travail et les pires formes de travail
des enfants
|
- Doter le comité de ressources matérielles et
financières pour son fonctionnement.
- Réhabiliter, aménager les structures d'accueil
existantes
- Construire des centres d'accueil pour la réhabilitation
des enfants victimes,
- Appuyer l'insertion professionnelle et économique des
enfants mineurs de 18 ans.
|
Ministère de
l'Education Nationale
|
- éducation gratuite sauf frais d'écolage et frais
annexes
- existence de centres d'éducation communautaire pour les
enfants astreints au travail
|
- gratuité de l'éducation théorique
(multiples frais portant atteinte à cette gratuité)
- école non obligatoire
|
- supprimer ou réduire les frais annexes
- rendre l'école obligatoire jusqu'à 15 ans
|
Ministère de la Fonction Publique et de
l'Emploi
|
Création par décret présidentiel d'un
comité directeur national de lutte contre les pires formes de travail
des enfants,
|
Mise en place de comités régionaux de lutte contre
la traite et les pires formes de travail
|
Mesures existantes ou en cours de proposition pour
réglementer le travail des enfants à tous les niveaux.
|
Ministère de la Justice
Ministère de la
Sécurité,
Ministère de la Défense
|
Chargé de sécurité des personnes et des
biens,
Défense du territoire nationale en matière de
circulation des personnes et surtout des enfants en vue de leur
exploitation.
Protection juridique et judiciaire de personnes plus
particulièrement des enfants victimes de traite ou d'exploitation et
sévices de tous genres
|
Moyens et ressources limités pour une bonne protection des
personnes.
Absence de statistiques en matière de traite des
enfants.
Méconnaissance des textes et des procédures de
prise en charge des enfants victimes d'exploitation
|
Augmenter les budgets de fonctionnement des Ministères
Renforcer les capacités techniques et institutionnelles de
ces
Ministères,
Organiser des brigades mixtes pour le contrôle aux
frontières
|
2-2-2 Les partenaires au
développement
Structures
|
Les atouts
|
Les contraintes
|
Les propositions
|
Agences des Nations Unies UNICEF
|
- Appui à la protection générale et
spécifique des enfants victimes de la traite et d'exploitation pour leur
insertion socioprofessionnelle et économique
- Appui à la prise en charge scolaire et professionnelle;
don de kits scolaires et d'apprentissage, aide à l'installation des
jeunes formés
|
- Ressources limitées
- Lenteurs dans les décaissements
|
- Renforcer l'appui au gouvernement et aux ONG
- Contribuer à l'élaboration d'un manuel de lutte
contre la traite et l'exploitation
|
Coopération Allemande au développement
(GTZ) Projet LTTE
|
- Appui au développement et à la mise en oeuvre
d'une stratégie nationale et régionale, y compris l'adaptation du
cadre législatif et institutionnel,
- Appui à l'autorité départementale pour des
actions d'information et de sensibilisation des populations et pour
identification de cas concrets,
- Appui à des ONG pour la formation, la réinsertion
ou le rapatriement des enfants
|
Ressources limitées du projet par rapport à la
demande
|
- Renforcer et étendre les activités, rechercher
des fonds supplémentaires
- Organiser une étude nationale sur la traite et
l'exploitation des enfants
|
BIT/IPEC
Projet Wacap Lutrena
|
- Projet WACAP: Projet de lutte contre le travail des enfants
dans la caco culture et dans l'agriculture commerciale
- Projet LUTRENA (lutte contre la traite)
|
Ressources insuffisantes pour les actions à mener
|
Renforcer les ressources
|
Organisation internationale pour les migrations
(OIM)
|
- Aide aux migrants et aux victimes de la traite
|
Ressources limitées
|
Renforcer les ressources
|
INTERPOL
|
- Appui à la recherche des criminels et des trafiquants
d'enfants,
|
Institution peu connue
|
Se faire connaître
|
2-2-3 ONG et Associations
Texte
|
Les atouts
|
Les contraintes
|
Les propositions
|
Association des Femmes Juristes de Côte d'Ivoire
(AFJCI)
|
- Sensibilisation sur les droits des enfants travailleurs et
victimes des pires formes de travail.
|
Diffusion du droit et des textes juridiques nationaux et
internationaux
|
- Insuffisance des ressources techniques et financières
|
Femme et
Développement
(FEMAD)
|
- Sensibilisation sur le travail des enfants
- Identification et retrait des enfants victimes d'exploitation
économique et sexuelle
- Lutte contre la pauvreté des femmes par des
activités génératrices de revenus
|
Insuffisance des ressources techniques et
financières
|
- Renforcer les capacités des femmes pour réduire
le travail des enfants
- Mettre sur pied des activités
génératrices de revenu pour les femmes
|
Comité de Protection du BICE et de Save The
Children
Comités locaux de vigilance
Comité des Coopérateurs de
Sinfra
|
- Alphabétisation et création de réseau
d'artisans formateurs
- Assistance juridique aux enfants victimes et
établissements des jugements supplétifs pour les enfants non
déclarés à l'Etat civil
- Prise en charge familiale et rapatriement des enfants
victimes
- Collecte des données
- Ecoute et Orientation des enfants
|
- Insuffisance de ressources
- Personnel peu ou pas formé aux techniques de prise en
charge des enfants victimes de la traite et des pires formes de travail
|
- Renforcer les capacités techniques et institutionnelles
de ces comités et de leurs membres
- Les doter de ressources suffisantes pour les actions à
mener
|
Côte d'Ivoire
Prospérité
|
- - Protection des jeunes filles se livrant à la
prostitution.
- - Lutte contre la pauvreté des filles exploitées
à travers des activités génératrices de revenus.
|
- Pas d'échanges d'information entre les
différentes ONG concernées par le phénomène
|
Echanger, partager les expériences
|
Mouvement du NID Côte d'Ivoire
|
- Protection des filles domestiques et filles victimes de
prostitution ou s'adonnant à la prostitution
|
Insuffisance de moyens matériels et financiers pour la
réalisation des activités programmées
|
Rechercher des financements
|
Mouvement pour l'Education, la Santé et le
Développement (MESAD)
|
- Existence d'un centre d'accueil d'enfant en situation
difficile
- Existence d'un centre médical qui dispense des soins
relativement très peu coûteux aux démunis
- Apprentissage professionnel et réinsertion
économique des enfants mineurs victimes de traite et d'exploitation.
|
- Insuffisance de moyens pour la réalisation des
activités programmées
- Insuffisance de personnel technique qualifié qui
maîtrise les textes en matière de protection des enfants mais
aussi en technique d'animation communautaire sur le phénomène
|
- Rechercher des financements
- Former leur personnel
|
Forum des ONG d'aide à l'enfance
|
- Coordination des actions des différentes ONG oeuvrant
dans le domaine
- Recherche de financement pour l'exécution d'actions
d'insertion socioéconomiques
|
Insuffisance de moyens pour la réalisation des
activités programmées
|
Renforcer les capacités techniques, financières des
ONG membres
|
Réseau Ivoirien de lutte contre la traite des
enfants (RITTE)
|
Cette structure coordonne les actions nationales et sous
régionales des ONG membres du réseau
|
Réseau peu opérationnel faute de moyens financiers
pour les actions à mener plus particulièrement la collecte de
données qui devait être réalisées par le
réseau et à transmettre au réseau africain sous
régional
|
- Assurer une meilleure coordination des actions
- Rechercher des financements
- Renforcer les capacités des ONG membres du
réseau
|
2-3 Récapitulatif du cadre juridique et
institutionnel
Intitulé
|
Les atouts
|
Les contraintes
|
Les propositions
|
Les instruments juridiques
|
- Existence d'une législation abondante :
constitution de 2000, loi sur la minorité de 1970, code
pénal de 1981, loi sur l'éducation de 1995, code du travail de
1995, lois spéciales
- - - Ratification des Conventions 138 et 182del'OITetde la CDE
et de la charte africaine sur les droits des enfants
|
- Textes trop généraux et inaccessibles à
tous
-
- Pas de loi spécifique réprimant le trafic des
enfants en Côte d'Ivoire
- - Pas de loi réglementant le travail des enfants dans
les mines et l'agriculture
- Pas de sanction des utilisateurs de main d'oeuvre enfantine au
niveau des autorités judiciaires
- - Les textes sanctionnant la traite ou l'exploitation des
enfants sont très peu connus ou pas du tout connus par les
autorités censées lutter contre le phénomène
|
- -Vote de lois réprimant le trafic des enfants,
réglementant le travail des enfants dans les mines et l'agriculture
-Vote de loi rendant l'éducation de base gratuite et
obligatoire jusqu'à 15 ans
- -Sanction stricte par les autorités judiciaires des
utilisateurs de main d'oeuvre enfantine
- Harmonisation des lois nationales aux conventions
ratifiées
- - Organisation d'atelier à l'endroit des
autorités administratives, politiques, judiciaires en vue de la mise
à leur disposition de tous les textes relatifs aux droits et protection
des enfants, mais surtout en vue de les impliquer activement à la lutte
contre ce phénomène et à l'application effective de leur
part des sanctions existantes.
|
Les institutions de l'Etat
|
- - Existence d'un projet pilote système de suivi du
travail des enfants
- - Existence d'un comité de lutte contre le trafic des
enfants.
- - Existence d'un comité directeur national de lutte
contre le travail et les pires formes de travail des enfants et des
comités régionaux locaux.
|
- Ressources insuffisantes pour atteindre les objectifs
assignés aux différentes structures de lutte.
- - Personnel pas toujours qualifié pour lutter contre le
phénomène.
- - Absence de programme national de lutte contre la traite, les
pires formes de travail et de programmes de prise en charge des enfants
victimes
- - Absence de supports didactiques permettant une
sensibilisation des populations surtout celles qui sont analphabètes
|
- - Doter les structures de moyens financiers et
matériels
- - former et renforcer les capacités du personnel
chargé de la protection et de la répression
- - élaborer un programme national de lutte contre le
phénomène et de prise en charge des enfants victimes
d'exploitation
|
Les institutions de coopération
|
- - Existence de comités de protection, de comités
vigilance pour lutter contre le phénomène initié par
certaines ONG et structures étatiques.
- - Existence de réseau de lutte contre la traite
|
- - Ressources insuffisantes pour atteindre les objectifs de
lutte contre ce phénomène,
- - Personnel pas toujours qualifié en la
matière,
- - Absence de techniques de lutte contre le
phénomène
- - Pas de synergie d'action entre les différents acteurs
intervenant dans la lutte contre le phénomène
|
- - Doter les structures de moyens matériels, financiers
et humains
- - élaborer un manuel de lutte et de prise en charge des
enfants victimes de la traite.
- - établir une plate forme de lutte contre le
phénomène au niveau de tous les acteurs concernés.
L'élaboration de cette plate-forme se fera à partir d'un atelier
placé sous la présidence du Ministère de la fonction
publique et financé par le projet GTZ/LTTE. Ce qui éviterait le
problème de la paternité de l'atelier au niveau des partenaires
au développement qui prendront part au dit atelier comme participants au
même titre que les autres acteurs invités à y
participer.
|
Dans l'intention de permettre une bonne application de nos
propositions, nous avons jugé utile d'indiquer « les
structures de mise en oeuvre » et d'identifier « les
sources de vérification ».
Nous entendons par « structure de mise en
oeuvre » les ministères, ONG, institutions nationales
où internationales qui de par leur rôle vont proposer ou soumettre
la proposition soit au conseil des ministres ou à l'Assemblée
Nationale pour aboutir à des lois. Une loi ou un arrêté
pris dans le sens de lutter contre la traite doit avoir une suivie
particulière du fait de l'invisibilité de acteurs. Ce qui nous
amène à identifier des « sources de
vérification ».
2-2-2 Les instruments juridiques
2-2-3 Les instruments juridiques nationaux
Texte
|
Rappel des propositions
|
Structure de mise en oeuvre
|
Source de vérification
|
La constitution Ivoirienne du 1er Août
2000
|
- - Assurer la diffusion de ce texte
|
Ministère d'Etat, ministère de la justice et des
gardes de sceaux
- Ministère de la communication
|
-Enquête auprès de la population, des ONG.
|
la loi du 3 Août 1970 sur la
minorité.
Code civil Ivoirien
|
- Prévoir des sanctions civiles pour les personnes qui
violent les droits des enfants
|
- -Ministère d'Etat, ministère de la justice et
des gardes de sceaux
- - -Assemblée Nationale
|
- Ministère d'Etat, ministère de la justice et
des droits de l'homme.
|
- La loi de 1964 sur le mariage modifié en
1983.
Code Civil Ivoirien
|
. Prévoir des sanctions pour les personnes qui violent les
droits des enfants
|
-Ministère d'Etat, ministère de la justice et
des gardes de sceaux
-Assemblée Nationale
|
- Ministère d'Etat, ministère de la justice et
des droits de l'homme.
|
Le code du travail Ivoirien de 1995
|
- -Réglementer le travail des enfants dans l'agriculture
et les mines artisanales
- -Prévoir des sanctions pour les utilisateurs de
main-d'oeuvre enfantine
- -Prévoir une disposition contre la traite
|
- Ministère d'Etat, ministère de la justice et
des gardes de sceaux
- - -Assemblée Nationale
|
- Ministère d'Etat, ministère de la justice et
des droits de l'homme.
|
- Le Code pénal de 1981.
Code Pénal Ivoirien
|
- Prévoir une disposition contre la traite
|
Ministère d'Etat, ministère de la justice et des
gardes de sceaux
-Assemblée Nationale
|
Ministère d'Etat, ministère de la justice et des
droits de l'homme.
|
La loi n°95-06-96 du 07 Septembre 1995 sur
l'éducation et l'arrêté de 2005 créant les centres
d'animation communautaire
|
- Rendre l'éducation obligatoire jusqu'à 15 ans et
assurer la gratuité de celle-ci
|
Ministère de l'éducation Nationale et de la
formation de base
-Assemblée Nationale
|
-Enquête auprès de la population, des ONG et des
Institutions nationales et Internationales chargées de l'Education
|
Arrêté 2250 déterminant la liste des
travaux dangereux et interdits aux mineurs de moins de 18 ans du 14 Mars
2005.
Ministère de la fonction publique
|
- Vulgariser ce texte au niveau des autorités politiques,
administratives, et de toutes les structures chargées de la protection
des enfants.
|
- - -Ministère de la communication
- - Journaux privés et publiques, les radios de
proximités, la RTI
- Les organisations villageoises
- - Ministère de la femme, de la famille et de l'enfant
- - Ministère de l'agriculture
- - Un appui technique ou financier doit être
apporté aux médias surtout les radios locales pour une large
diffusion de cette liste des pires formes de travail des enfants au niveau des
communautés villageoises
|
- - -Enquête auprès des syndicats de travailleurs,
ONG, BIT/OIT
|
2-1-3 Les instruments juridiques
internationaux
TEXTE
|
LES PROPOSITIONS
|
SOURCE DE VERIFICATION
|
STRUCTURE DE MISE EN OEUVRE
|
La déclaration Universelle des droits de l'homme
de 1948
|
Diffuser ce texte
|
- Enquête auprès de la population, des ONG
chargées de la question de l'enfant
|
- -Les ONG chargées de la question d'enfant
-Le Ministère de la communication
|
Convention des nations Unies de 1989 relative aux droits
des enfants, ratifiée en 1991
|
- Assurer la diffusion
- Produire les rapports au comité des droits des
enfants dans les délais
|
- -Enquête auprès des institutions
internationales (UNICEF, BIT/OIT, ONU, OUA)
|
- - Les Etats signataires de la convention de la convention
|
Charte africaine des droits et du bien - être des
enfants de 1990 ratifiée en 2002
|
Diffuser le texte
Faire le rapport au comité africain
|
- Colloque international sur les droits des enfants en Afrique
- Enquête auprès des Etats signataires
pour avoir une idée de la diffusion des textes
|
- Les Etats signataires de la convention de la convention
- Les organisations membre de l'OUA chargés de la
question des enfants
|
Conventions 138 et 182 de l'OIT sur l'âge minimum
et les pires formes de travail des enfants ratifiées en 2002
|
- Diffuser le texte
- fixer l'âge de fin de scolarité de base
obligatoire
- harmoniser les conventions ratifiées aux lois
nationales pour faciliter leur application
|
- Colloque international sur les droits des enfants en Afrique
- Enquête auprès des Etats signataires pour avoir
une idée de la diffusion des textes
|
-Les Etats signataire de la convention
-L'OIT
|
Déclaration CEDEAO de lutte contre la traite de
2001
|
Mettre en oeuvre le plan d'action pour une lutte plus efficace
contre la traite
|
- Enquête auprès des institutions internationales
(UNICEF, BIT/OIT)
|
- Le comité interministériel des pays signataires
de la convention de la CEDEAO pour la lutte contre la traite des enfants
|
L'accord de coopération Côte d'Ivoire Mali
de 2000
|
Prévoir des mesures d'application, diffuser le texte
|
|
- Le comité interministériel des pays signataires
de la convention de la CEDEAO pour la lutte contre la traite des enfants
|
2-2 Le cadre institutionnel
2-2-3 Les institutions de l'Etat
Textes
|
Rappel des propositions
|
Source de vérification
|
Structure de mise en oeuvre
|
Projet systèmes de suivi du travail des enfants
dans la cacao culture géré par la Primature
|
- Etendre le projet à l'ensemble des zones de
production de café et de cacao.
|
- - Enquêtes auprès des planteurs, ONG, l'ANADER,
des coopératifs
|
- -Primature
-
- -Ministère de la Famille, de la Femme et de
l'Enfant
- -Ministère de l'agriculture
|
Ministère de la Famille, de la Femme et de
l'Enfant
|
- -Doter le comité de ressources matérielles et
financières pour son fonctionnement.
- -Réhabiliter, aménager les structures d'accueil
existantes
- -Construire des centres d'accueil pour la réhabilitation
des enfants victimes,
- -Appuyer l'insertion professionnelle et économique des
enfants mineurs de 18 ans.
|
Enquêtes auprès des planteurs, ONG chargées
de la lutte contre la traite des enfants.
|
Ministère de la Famille, de la Femme et de l'Enfant
|
Ministère de
l'Education Nationale
|
- Supprimer ou réduire les frais annexes
- rendre l'école obligatoire jusqu'à 15 ans
|
- Enquête auprès de la population
|
Ministère de
- l'Education Nationale
|
Ministère de la Justice et des droits de
l'homme
Ministère de l'intérieur,
Ministère de la Défense
|
Augmenter les budgets de fonctionnement des Ministères
Renforcer les capacités techniques et institutionnelles de
ces
Ministères,
Organiser des brigades mixtes pour le contrôle aux
frontières
|
|
Ministère de la Justice et des droits de l'homme
Ministère de l'intérieur,
Ministère de la Défense
|
Conclusion de la troisième partie
Dans cette troisième partie, nous nous somme
penchés sur l'aspect juridique de la question de la traite et de
l'exploitation des enfants. En plus de cela, nous avons eu à
énumérer les actions déjà menées dans le
cadre de la lutte par les organisations non gouvernementales, les institutions
de l'état, les institutions internationales et les organismes
chargés de la question de l'enfant.
En se qui concerne l'aspect, nous pouvons affirmer que les
textes existent mais ne sont pas appliqués. Ils y a une grande lassitude
au niveau des autorités. Les textes bien que présentant des
insuffisances méritent une grande diffusion auprès de la
population afin de faire prendre conscience des dangers que cours l'enfant dans
ces plantations. Une reforme des textes s'impose, car certains aspects ne
s'adaptent plus à la réalité du terrain, le
phénomène ayant évolué.
Pour éviter à la Côte d'Ivoire une
sanction internationale, le gouvernement devra rectifier les conventions
internationales sur la traite des enfants et faire appliquer ces textes.
Pour coller à la réalité des temps nous
avons fait des propositions sous forme de tableau qui prend en compte ce qui
est déjà fait et comment l'améliore.
Le travail des enfants se développe dans des
proportions inquiétantes depuis plusieurs décennies. Pourtant,
l'engouement du gouvernement ivoirien face au phénomène ne date
que de quelques années. En la matière, il a fait élaborer
et valider, des actions et ratifier des conventions. Un plan national de lutte
a été validé. L'état semble donc avoir pris
conscience de la gravité du problème et de la
nécessité d'y apporter des solutions durables. Toutefois, nous
nous posons la question de savoir si ces actions peuvent endiguer le
phénomène de la traite des enfants dans un pays
sous-développé comme le notre, en milieu rural, notamment
où les acteurs attendent des enfants une participation active dans un
secteur d'activité largement dominée par une agriculture de type
traditionnelle. Pour cerner notre thème, nous avons
élaboré trois hypothèses.
Nous pouvons retenir de la première hypothèse
que la mise au travail des enfants étant une tradition socioculturelle
en Afrique, il ne peut être admis comme une exploitation ou de la
maltraitance.
Parlant de la seconde hypothèse, elle énonce
l'indigence socioéconomique des parents qui est un facteur
déterminant dans l'implication des enfants dans les travaux dans les
plantations café- cacao.
Pour la troisième hypothèse, l'ignorance des
lois est un facteur explicatif dans la mise au travail des enfants.
Les hypothèses ci-dessus ont été
élaborées autour d'un objectif principal.
L'objectif principal consiste à appréhender dans
une étude déterministe, les causes, les similitudes par
région et l'ampleur du phénomène du travail des enfants
dans les plantations de café-cacao en Côte d'Ivoire.
Les objectifs spécifiques ont conduit à
identifier les enfants au travail dans les plantations de café et cacao,
tout en cherchant à connaître leurs typologies. Il s'est agit
également d'identifier les employeurs et/employés afin d'analyser
la nature de leurs rapports avec les enfants, après avoir
déterminé les manifestations de ce travail et évaluer le
degré d'implication des enfants.
La connaissance des motivations et projets de vie des enfants
ainsi que les éventuels impacts ont fait partie de nos objectifs.
L'élaboration du cadre de référence
théorique, nous a amené à utiliser des théories
d'ordre général qui font référence au
phénomène du travail en général, puisqu'il n'en
existe pas encore qui soit élaborée dans le cadre de la traite
des enfants. Celles qui existent ont trait à la problématique du
travail dans le domaine, principalement de la sociologie, l'économie et
de la philosophie. Les philosophes comme HEGEL et KARL MARX ont
développé deux positions opposées sur le travail85(*).
Hegel en s'appuyant sur l'économiste Adams Smith, a en
effet entretenu un certain optimisme à l'égard du travail avec sa
construction dialectique de la relation maître esclave ; l'esclave
qui s'est affirmé et libéré de la soumission du
maître par son ardeur au travail. Alors que Karl Marx, qui imagine une
société sans lutte et donc sans classes et son homologue
Proudhon, ont une vision plutôt négative du travail, notamment
dans les manufactures.
Dans ces unités de productions, ces philosophes ont
affirmé que le travailleur était exploité par la classe
prolétaire et bourgeoise qui bénéficiaient davantage de
productions du travailleur et le réduisaient à la fois à
l'état animal, du fait de la mécanisation qui ne lui laissait pas
une marge de réflexion dans l'accomplissement de ses tâches. Cette
théorie Marxiste qui sera durement critiquée par
l'économiste Georges Riesman, de ce qu'elle n'ait pu, selon lui,
favorisé l'épanouissement du travailleur, mais plutôt son
appauvrissement, mieux son exploitation avec l'avancée du socialisme, va
faire place à d'autres théories plus modernes.
Axées sur la qualification et la motivation, ce sont
également des théories du même domaine (philosophiques) qui
nous ont donné d'apprécier, pour ce qui est des premières,
relatives à la qualification. La place de choix accordée au
système d'organisation du travail et l'amélioration de
l'environnement qui tiennent compte surtout de la valeur intrinsèque du
travailleur. Les secondes en rapport avec la motivation, se proposant
d'insister sur la satisfaction personnelle du travailleur.
C'est au regard de ces éléments relatifs
à l'environnement du travailleur, mieux aux conditions de travail que
nous avons opté pour ces théories basées sur ce domaine
central de l'activité humaine qu'est le travail, mieux encore
l'exploitation du travailleur, notion central de notre travail de recherche.
Pour la vérification des hypothèses relatives au
phénomène du travail des enfants dans les plantations de
café-cacao, nous avons eu droit à travailler sur un
échantillon de 71 (soixante onze enfants mineurs) répartis entre
les départements de Bouaflé 36 (trente six),
Sinfra 17 (dix sept ) et Zuenoula 18 (dix huit) . En plus de ces
manoeuvres mineurs nous avons eu à interroger des populations
impliquées directement dans notre enquête, planteurs, membres de
coopératives. Au cours de notre enquête nous avons eu aussi
à interroger des personnes qui sont indirectement impliqués dans
notre sujet d'étude. Lesquelles nous ont fourni des
éléments d'information sur les conditions dans lesquelles les
enfants travaillent et vivent dans les plantations de café-cacao. Nous
les avons également directement observées pendant le travail dans
les plantations de café-cacao dans le but de pouvoir mieux nous
imprégner les réalités du terrain.
En outre, trois types de questionnaires d'administration
directe et indirecte, avec des questions fermées et ouvertes ont
été adressés respectivement aux enfants et planteurs de
même qu'aux autorités modernes.
A l'issue de ce travail, nous avons eu une idée du
travail des enfants dans les plantations de café-cacao dans les
départements de Bouaflé, Sinfra et Zuénoula. Il faut en
effet retenir de nos différentes démarches que les enfants
immigrés contractuels sont commis aux travaux champêtres
dès leur arrivée en Côte d'Ivoire.
Dans ce contexte, cet apprentissage reste une étape
importante à la fois pour les planteurs ou les tuteurs et les enfants.
Cela permet à l'exploitant de trouver rapidement un contrat à
l'enfant quelques jours après sont arrivée dans le
département. Ce sont des étrangers (Burkinabé, Maliens,
Togolais, Guinée, Bénin) venus de la sous-région et des
ivoiriens (autochtones, allochtones) qui nous ont entretenu sur notre sujet de
recherche.
En somme, qu'il s'agisse des planteurs, ce qui est d'ailleurs
évident et des intellectuels, le statut socio -professionnel n'est pas
un critère pour la mise au travail des enfants. Ces étrangers et
ces ivoiriens perçoivent le travail dans les plantations comme des
séances d'apprentissage au métier d'agriculteur, et donc une
étape assez importante dans la vie de ces enfants. Elle s'avère
d'autant plus importante ou mieux, demeure une tradition pour les africains
qu'ils ont tous tendance à en faire une étape primordiale pour la
socialisation des enfants. Pour ces enquêtés, c'est un processus
éducationnel accepté et acceptable par tous et au-delà une
culture qu'il convient de transmettre à tous les enfants sans aucune
distinction.
Cette conception positive du travail, qu'ont les planteurs et
les trafiquants est admise par les concernés eux-mêmes, à
savoir les enfants, des fois par ignorance. Ainsi, au-delà de quelques
difficultés vécues par certains d'entre eux, leurs
réponses n'ont pratiquement pas varié. Ils sont restés
dans le même schéma que les acteurs de ce trafic. Ces acteurs ont
en effet des positions identiques, quant à l'appréhension du
phénomène du travail des enfants comme canal de transmission des
normes et valeurs en Afrique. Ce qui confirme notre première
hypothèse selon laquelle le travail des enfants est une tradition
socioculturelle en Afrique, qui loin de s'assimiler à une exploitation,
concourt plutôt à la socialisation et l'intégration de
l'enfant dans sa communauté. Cependant, il n'y a pas que la pesanteur
des normes sociales et culturelles qui concourt à la mise au travail
précoce de l'enfant.
En effet, nos résultats ont montré que la
participation des enfants aux activités, en tant que contractuels
notamment, relève avant tout, des possibilités qui leur sont
offertes par leurs différentes familles pour leur intégration
dans la société. L'indigence économique des parents de ces
enfants, semble expliquer l'arrivée des enfants dans les plantations,
d'autant plus que ceux là recherchant une indépendance
financière. Les planteurs immigrés qui utilisent la
majorité des enfants contractuels, (permanents ou occasionnels) ont
insisté sur les difficultés financières et
matérielles de leurs parents géniteurs.
D'où la contrainte pour les enfants issus de ces
régions, avec l'aide de leurs parents, de rechercher des emplois
agricoles vers les pays du Sud de l'Afrique en zones forestières,
principalement vers notre zone d'étude, apparemment dans l'optique
d'aider les parents restés au pays d'origine.
Ainsi, ces enfants qui sont en droit d'attendre que leurs
parents les assistent et assurent leur insertion dans la société,
deviennent dans ce contexte, ceux qui les soutiennent et leur permettent de
s'insérer ; la survie du ménage dépendant en grande
partie des gains qu'ils tirent de leur travail des plantations de
café-cacao en Côte d'Ivoire.
Les parents ont le devoir d'instruire les enfants par
l'école. Mais, nous observons qu'ils ne peuvent aller jusqu'au bout de
leur devoir faute de moyen financier. Pour preuve, les
déscolarisés enquêtés ont tous un niveau
primaire.
Partant de ce constat, les enfants affirment ne pas avoir
d'autres alternatives d'insertion que le recours au travail.
Ces planteurs trouvent l'intervention des enfants dans les
plantations de café-cacao, d'autant plus normal que selon eux, ces
derniers doivent les aider à faire face au poids de la pauvreté
en participant aussi à la vie du foyer parental. Ce qui confirme notre
deuxième hypothèse, qui admet que les enfants sont
impliqués dans les travaux du fait de l'indigence socio -
économique des parents.
La traite et les pires formes de travail des enfants sont
particulièrement aggravées, par le fait que les acteurs de la
filière peuvent, avec une relative impunité, exercer leurs
activités, étant donné que les textes législatifs
actuels ne sont pas adaptés, au niveau national, à la lutte
contre la traite des jeunes migrants. Au niveau de la prévention et la
répression de ce phénomène, l'insuffisance de textes peut
être, par conséquence, considérée comme une
contrainte majeure.
Cette étude a abouti à trois types de
résultats majeurs : le travail des enfants relève en effet
de la tradition socio-culturelle en Afrique. Il constitue un canal par lequel
sont transmis le savoir et savoir-faire parental, qui contribue au processus
d'intégration de l'enfant dans sa communauté et dans sa
société. Aussi le travail des enfants est-il accepté et
acceptable de tous en Afrique, notamment en Côte d'Ivoire où les
enfants sont impliqués précocement dans le processus de
production du café-cacao. Loin de constituer un obstacle à leur
épanouissement, le travail contribue plutôt à
l'éducation et à la socialisation de l'enfant. Ainsi, en nous
référant à ces facteurs traditionnels, nous rejoignons
HEGEL (1977), qui dans sa théorie dialectique de la relation
Maître-Esclave, développe une position positive à
l'égard du travail en mettant un accent particulier sur la
réalisation de l'homme par le travail, du fait de sa soumission au
maître86(*).
Le deuxième type de résultat porte sur
l'indigence socioéconomique des parents qui font des enfants des
travailleurs pour leur propre prise en charge et la contribution aux revenus
familiaux. Cette implication des enfants dans le monde du travail constitue
d'autant plus une réalité indéniable pour les pays en
développement, notamment africains qu'ils enregistrent la plus grande
proportion d'enfants travailleurs dans le monde (BIT, 1996).
En effet, face aux conditions économiques et
matérielles difficiles, voire misérables de leur foyer d'origine
(A. TOURE, 1985), les enfants trouvent diverses manières de gagner leur
vie (D. GUEU, 2005)87(*).
Ces enfants exécutent alors des activités dans tous domaines
d'activités économiques susceptibles de leur rapporter de
l'argent, notamment dans les plantations de café-cacao en Côte
d'Ivoire afin de se prendre en charge.
Mais, au-delà de la satisfaction qu'ils tirent de leur
revenu qui leur permettent de se prendre en charge et de réaliser
à la fois leurs projets de vie, les enfants apportent également
une contribution au foyer parental (M. ASSEMIAN 1992), (S. RAJIKOU,
2001-2003).
Au-delà de la confirmation de nos résultats
relativement aux études antérieures, il est important d'indiquer
les limites que nous avons pu y déceler.
En effet, nous sommes quelque peu sceptiques sur l'âge
des enfants enquêtés, faute de preuves fiables. Ces derniers
peuvent ne pas connaître leur âge ou se tromper sur les dates
exactes de leur naissance. Même, les parents géniteurs de ces
enfants et tuteurs semblent aussi avoir des doutes sur l'âge réel
de leur progéniture. Les enfants, une minorité d'ailleurs dont
nous avons su les dates de naissance, ne nous ont fourni que des documents dont
la fiabilité reste à démontrer vue les ratures
exercées sur ces papiers.
Par ailleurs, leur forme ne correspondait pas toujours
à l'âge indiqué. L'on pourrait a priori s'attendre à
ce que cette situation concerne seulement les analphabètes, qui, il faut
le souligner, sont généralement dépourvus de papiers sur
les sites de recherche. Mais, il s'agit aussi des élèves,
quelques uns nous ayant confié en toute liberté que leur
âge réel ne figurait pas sur leur jugement supplétif,
compte tenu des modifications à la baisse, pour retard observé
dans la scolarisation. Ces doutes auraient pu être dissipés et mis
au compte de la conception socioculturelle que les peuples africains ont de
l'enfant et qui écarte le critère d'âge.
Nos incertitudes se situent également au niveau
d'autres caractéristiques socio-économiques et
démographiques. Des observations et analyses nous ont parfois
amené à déceler des contrevérités sur les
déclarations faites par les enfants, relativement à leur lien de
parenté avec les planteurs dans les trois zones d'étude.
Notre attention a surtout été attirée par
le fait que la quasi totalité des enfants immigrés ont
affirmé travailler avec leurs parents géniteurs. Or, en Afrique,
c'est une tradition que de confier son enfant à une tierce personne,
généralement un membre de la famille jouissant d'une situation
sociale relativement stable. Donc, nous ne voyons aucun inconvénient
à avouer que les enfants sont en dehors du cercle familial.
Malgré ces insuffisances, qui en réalité
ne dépendent pas de notre volonté, nos résultats
méritent - ils attention ? Autrement dit peuvent-ils contribuer
d'une manière ou d'une autre à l'avancement des connaissances
relatives au phénomène du travail des enfants, et à tout
secteur d'activité économique dans lequel les enfants
interviennent?
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