UNIVERSITE DE LOME
FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT D'ALLEMAND
Laboratoire - ARTELI atelier de recherche sur les
thématiques : Ecriture, Littérature et
Identité
Présentation de documents allemands avec
traductions ou résumés en français
Documentation sur le statut
des métis de pères
allemands«
au Togo entre 1905 et 1914 :
Mémoire de Maîtrise ès
Lettres, Option : Civilisation allemande
présenté par sous la direction
de
Essosimna Tomfei ADILI Professeur Adjaï
Paulin
OLOUKPONA-YINNON
Version finale : Lomé, septembre
2012
DEDICACE
Au Dieu Un et Trine mon
Créateur,
À la Sainte Vierge Marie, Mère de la
Miséricorde Divine, À mon père Ambroise Yao ADILI et
à ma mère Mémouna Abla KATOUNKE pour leur attention
à mon égard.
REMERCIEMENTS
Au terme du présent Mémoire de
Maîtrise, il nous est nécessaire, avec le plus grand honneur, de
remercier toutes celles et tous ceux qui, de près ou de loin et sous
diverses formes, ont contribué à sa réalisation. Que le
Tout-Puissant les comble au-delà de ses attentes.
PREFACE
De 1884 à 1914, le destin des Togolais et celui
des Allemands ont été étroitement liés par la
colonisation, avec toutes ses conséquences dans tous les domaines, en
particulier dans la vie quotidienne des Allemands avec des femmes togolaises
à qui le colonialisme ne reconnaissait pas le statut de partenaires
légales. Fruits naturels de ces relations, les enfants métis, eux
aussi, ne pouvaient pas être officiellement reconnus« comme enfants
de pères allemands. Quelles ont été les
conséquences d'une telle situation? C'est la principale question que
l'auteur de ce travail, mademoiselle Essosimna Tomfei Adili, a voulu soulever
à travers cette documentation qui est le résultat d'un long et
patient parcours de recherche et d'analyse, dans le cadre de son mémoire
de maîtrise en Civilisation allemande.
L'essentiel du travail de recherche nous situe entre
histoire et mémoire, et peut se résumer par ce que le
médecin allemand Ernst Rodenwaldt, qui avait travaillé au Togo de
1910 à 1914, a affirmé ultérieurement dans un article
intitulé Hygiène raciale et politique coloniale« : Il
est [...] évident que des enfants métis ne pouvaient
jamais obtenir le statut juridique d'un citoyen du Reich.« Ce
postulat colonial est abondamment confirmé par les documents
rassemblés et analysés par mademoiselle Essosimna Tomfei Adili,
comme preuves du vécu identitaire quotidien de ceux que l'on appelle
aujourd'hui métis allemands«, mais qui n'avaient pas droit à
cette appelation sous le régime colonial allemand. La documentation
illustre la détermination de l'administation coloniale à
dénier aux métis le droit élémentaire d'être
reconnus par leurs géniteurs. C'est seulement après le
départ des Allemands du Togo en 1914 qu'ils sont autorisés
à porter le nom de leurs pères. A la suite de la soutenance
publique de ce mémoire de maîtrise, le jury a reconnu à
l'unanimité la pertinence du sujet et son importance historique
certaine, et surtout la nécessité de rendre accessible à
un grand public ce document, pour permettre - particulièrement aux
Togolais d'aujourd'hui - de connaître les réalités d'hier
sur la question sensible des métis allemands« au Togo, et de
laisser ensuite à chacun le soin de se faire son propre
jugement.
Professeur Adjaï Paulin Oloukpona-Yinnon Directeur
de recherches du Laboratoire ARTELI Université de Lomé,
FLESH
4
SOMMAIRE
INTRODUCTION 7
1- MISE EN PERSPECTIVE DU SUJET 19
i Illustration n° 1: Des membres du
Club der deutschen Mischlinge" (Club des metis allemands),
Lome (Source : Petschu111984 :17)
2 - LES DOCUMENTS : ORIGINAUX, RESUMÉ OU
TRADUCTION 62
2.1 - Document n° 1 62
2.2 - Document n° 2 64
2.3 : Les principaux textes réglementaires pris en
1909 67
2.3.1 : Document n° 3 67
2.3.2- Document n° 4 70
2.3.3 - Document n° 5 71
2.4 - Document n° 6 : 74
2.5 - Document n° 7 77
2.6 - Document n° 8 79
2.7 - Principaux textes de 1913 83
2.7.1 Document n° 9 83
2.7.2 - Document n° 10 85
2.7.3 - Document n° 11 92
2.7.4 - Document n° 12 95
2.7. 5 - Document n° 13 96
3 - Cas individuels 102
3.1 - Document n° 14 102
3.2 - Document n° 15 113
3.3 : Document n° 16 115
3.4 - Document n° 17 118
4 - Commentaire récapitulatif 125
CONCLUSION 127
SOURCES DOCUMENTAIRES 130
IIlustration n° 2 : le couple mixte Katharina et
Christian Rottmann, avec enfants (Source : Theil 2008:209)
6
INTRODUCTION
Il est tout aussi évident que des enfants
métis ne pouvaient jamais obtenir le statut juridique d'un citoyen du
Reich.« 1
Sur tous les sentiers [au Togo], on
rencontre maintenant des prostituées et des concubines. Les métis
vont bientôt pousser comme des herbes sauvages«2.
Ainsi s'exprimait en octobre 1899 le préfet apostolique de la
Mission Catholique de la Société du Verbe Divin« (SVD) au
Togo, Monseigneur Hermann Bücking, dans un rapport, adressé
à sa hiérarchie (Adja 2009 :73 & Sebald 1988 :477). Il
tentait ainsi de tirer la sonnette d'alarme au sujet d'une question devenue
alors urgente et inquiétante pour l'évolution de la colonie
allemande du Togo: le problème posé par l'augmentation
vertigineuse des enfants métis nés de pères allemands et
de mères togolaises. Ce faisant, Monseigneur Bückling utilisait
aussi le vocabulaire de l'époque qui considérait tous les
métis comme de « mauvaises plantes », des « herbes
sauvages », et désignait leurs mères noires par les termes
de « prostituées » et de « concubines ».
Le 16 juillet 1913, la Société de
Mission de l'Allemagne du Nord adressa à son tour une lettre à
l'administration coloniale impériale de Berlin. Dans cette lettre, la
Mission de Brême souligne qu'au Togo le nombre des métis
était plus important que celui de la population masculine
européenne, et pourtant les relations entre ces enfants métis et
leurs pères allemands ne sont pas cordiales, puisque les métis ne
sont pris en charge de manière adéquate que par les familles de
leurs mères indigènes, qui d'ailleurs manquent de
moyens.
Effectivement, l'alerte sonnée par les
missionnaires porta au parlement allemand (Reichstag) la question de la
prolifération des métis dans les colonies allemandes. Au cours
d'un débat sur cette question, le député du parti
centriste pro-catholique, Matthias Erzberger, avait déclaré en
1912 : Si nous avons dans bien des colonies plus de métis que
d'Européens, c'est à des fonctionnaires de l'administration
coloniale qu'incombe une importante
1 Ebenso selbstverständlich ist es, dass [...]
niemals Michlingskinder den Rechtstand eines Bürgers des Reiches erhalten
konnten.« In Rassenhygiene und Kolonialpolitik, in: Deutscher
Kolonialdienst, 1939, n° 7, p. 182, cité in Sebald 1988:713,
note 87
2 Auf allen Wegen begegnen einem jetzt die Huren und
Konkubinen, und das Geschlecht der Mischlinge sprießt bald auf wie das
Unkraut.« (cité in Sebald 1988:477)
part de la faute dans cette
situation"3. Erzberger pointait ainsi du doigt les principaux
responsables de cette situation : les fonctionnaires coloniaux allemands. Le
Ministre des Colonies, au cours du même débat parlementaire sur la
question, a lancé aux députés un appel pathétique -
aux accents « patriotiques » - pour qu'ils votent la loi qui interdit
les mariages mixtes dans les colonies. Son argumentation est
simple4:
Messieurs, je prie instamment de vous laisser
guider dans cette affaire, par vos instincts. Souhaitez-vous que vos fils vous
ramènt à la maison des belles-filles noires? Souhaitez-vous
qu'ils vous déposent dans le berceau des petits-fils aux cheveux
crépus? Non messieurs, la nation toute entière ne souhaite pas
cela.
C'est donc à ce sujet, c'est-à-dire
à la question des métis de pères allemands, que nous
voulons accorder notre attention dans le présent Mémoire de
Maîtrise, en nous appuyant sur la législation que l'administration
coloniale allemande au Togo avait adoptée pour endiguer ce
déferlement de la vague de métis que Jürgen Petschull (p.
113) appelle « die braunen Kinder der weißen Herren »
(les enfants bruns des maîtres blancs).
Dès 1962, Cornevin - témoin
privilégié de l'évolution sociale au Togo dans les
années d'avant l'indépendance, a noté dans son ouvrage
Histoire du Togo (p. 306) :
Les métis constituent, au Togo, un
élément particulier. Au départ, on peut distinguer les
métis `brésiliens, allemands et français'. Les
Brésiliens sont l'élément le plus ancien ; il est
difficile de les distinguer des descendants d'esclaves de leurs maisons qui
portent le même nom qu'eux [....] Beaucoup de ces familles se
considèrent comme les plus authentiquement `indigènes'des
Togolais. Les métis allemands ont, généralement
très jeunes, été séparés de leur
père. Elevés par la mère africaine, ils ont appris le
français, quelquefois l'anglais et ignorent pratiquement tous
l'allemand. [...] Ces métis auxquels se joignent maintenant ceux de la
période française, sont avec leurs familles près de 5000.
Ils font partie de la communauté togolaise dont ils constituent en
quelque sorte l'aristocratie.
La présentation des métis togolais par
Robert Cornevin traduit ici déjà l'essentiel des problèmes
historiques, sociologiques et psychologies liés à la question des
métis au Togo : il esquisse une classification et une
périodisation d'un point de vue européen, en mettant des
distinctions entre les métis, alors que, dans la société
togolaise qui connaissait le métissage entre les ethnies aussi bien que
le métissage entre les races, l'appartenance d'un métis à
une race ou une ethnie n'avait jamais vraiment posé de problème
en soi ; les métis ne constituent pas vraiment une catégorie de
personnes à part, s'ils ont accepté de vivre comme les autres et
avec les autres ; mais si la fortune ou la renommée leur confère
une
3 Wenn wir in manchen Kolonien mehr Mischlinge als
Europäer haben, dann tragen Beamte der Kolonialverwaltung einen
erheblichen Teil Schuld daran.« (cité in Petschull 1984
:8)
4 Meine Herren, ich bitte Sie dringend, sich in
dieser Frage von Ihren Instinkten leiten zu lassen. Wünschen Sie, dass
Ihnen Ihre Söhne schwarze Schwiegertöchter ins Haus bringen?
Wünschen Sie, dass sie Ihnen wollhaarige Enkel in die Wiege legen? Nein
meine Herren, die ganze Nation wünscht das nicht.« (cité
in Petschull 1984 : 121)
certaine prépondérance, cela n'est pas
lié à leur identité de métis. A titre d'exemple, le
métis « brésilien » Geraldo de Lima,
célèbre sur la Côte des Esclaves dans les années
1860 à 1890, n'est pas devenu célèbre parce qu'il est
métis : en réalité, il n'était pas du tout
métis, puisqu'il s'appelait Adzoviehlo Atiogbe, né à
Agoué ; c'est après avoir travaillé avec le négrier
brésilien Cosar Cequira Geraldo de Lima, et après avoir
hérité des richesses de ce dernier mort en 1862, que Adzoviehlo
Atiogbe est devenu Gerado de Lima, riche et prospère (Gayibor 1990 :
217ff). Ce phénomène de « trans-identité »
(échange d'une identité contre une autre) était
relativement fréquent en Afrique de l'Ouest ; on en trouve un autre cas
- encore plus intéressant à travers l'exemple de l'auxiliaire
noir de la Mission de Brême nommé Albert Binder, originaire de
Peki-blengo, qui a volontairement troqué son prénom africain
Komla-Kuma contre les nom et prénom d'un missionnaire allemand, Albert
Binder ; allant même plus loin, il a adopté l'habillement
intégral du missionnaire allemand, si bien que rien ne le distinguait
plus de ce dernier, sinon la couleur de la peau ou les traits du visage
(Azamede 2006 & Azamede 2010).
Lorsque Cornevin classe les métis togolais et
les caractérise comme « en quelque sorte l'aristocratie »
de la société togolaise, il porte là un jugement
d'Européen que certains Africains, notamment les métis togolais
eux-mêmes, reprennent souvent à leur compte, parce que cela les
arrange d'être considérés comme tels. Or, comme le souligne
Cornevin lui-même à juste titre et à demi-mot, les
métis allemands« par exemple n'étaient pas
élevés avec leur père allemand, et n'avaient donc
généralement rien d'allemand, sinon la ressemblance patente que
Jürgen Petschull illustre parfaitement dans son ouvrage, et dont nous
reprenons ici quelques photos. En d'autres termes, il y a une
contre-vérité historique à vouloir présenter un
métis comme « un élément particulier », et
surtout à en faire un « aristocrate ». L'histoire des
métis allemands« prouve exactement le contraire,
lorsque l'on se réfère aux documents d'archives relatifs à
leur naissance, leur éducation et leur identité. En somme, ce
sont les Européens - comme Cornevin - qui ont diffusé
l'idée raciste selon laquelle les métis seraient une « race
particulière » que l'on disqualifie quand elle menace l'avenir des
Européens dans les colonies, ou que l'on annoblit pour diviser les
sociétés africaines postcoloniales et mieux les gouverner
à distance. Il est donc temps de porter un regard objectif, historique
et véridique, sur la question du métissage, surtout dans le
contexte colonial. C'est ce que nous tentons de faire dans la présente
documentation.
Notre objectif à travers ce travail de
recherche et de documentation est donc d'abord de ramener la question à
sa véritable dimension historique, en présentant des textes qui
en fondent la vérité. Ensuite, nous voulons montrer que la
question du métissage des races n'avait jamais constitué un
problème« pendant l'ère précoloniale: c'est le
colonisateur allemand qui, dans le souci obsessionnel mais hypocrite de
préservation de la race blanche, a problématisé« les
rapports sexuels entre Allemands et Togolaises, créant ainsi des
difficultés que les Togolais ne connaissaient pas et ne comprenaient
pas. Accessoirement, il s'agit aussi de démontrer que toute la
législation inventée pour « gérer »
l'avènement de métis allemands« au Togo, ne s'attaquait pas
à la vraie cause du problème qui était la sexualité
débridée des administrateurs allemands au Togo, et que ce sont
les femmes togolaises, véritables victimes, qui sont
culpabilisées comme prostitués. Enfin, notre travail de
documentation vise aussi à briser les tabous et les mythes qui entourent
les métis allemands« au Togo, dans le but de rétablir la
vérité historique.
A propos des unions mixtes, il convient de
préciser que les Africains en général, et les Togolais en
particulier, n'avaient ni la même conception, ni les mêmes
pratiques que les Européens au sujet de l'union entre un homme et une
femme. L'Européen appelle mariage« toute union légale entre
un homme et une femme, consignée dans un registre matrimonial, ainsi que
celle qui est sanctionnée par une bénédiction nuptiale
dans une église, par un prêtre ou un pasteur. Mais l'Africain a
lui aussi sa forme traditionnelle de mariage qui n'est pas forcément
consigné dans un registre, mais simplement constaté et
consacré par les parents des mariés, après une
démarche du prétendant dictée par les coutumes de chaque
pays ou de chaque clan, démarche généralement
accompagnée de cadeaux somptueux ou symboliques aux parents et (ou)
à la future mariée.
Il ressort de cette distinction qu'un Européen
peut ne pas considérer comme engagement contractuel un mariage
traditionnel africain, mais dans la réalité, les Européens
qui vivaient en Afrique avec des femmes noires, avaient plutôt tendance
à préférer la forme simple du mariage africain, pour
éviter toutes les difficultés juridiques éventuelles
pouvant surgir dans une procédure européenne
régulière. Ainsi, il leur suffisait de donner par exemple une
noix de kola symbolique et quelques cadeaux aux parents de la fiancée,
pour considérer le mariage comme acquis. Bien sûr, chez les
Africains comme chez les Européens, il y a aussi la forme plus ou moins
officielle d'union qu'est le concubinage, et
que beaucoup d'Européens pratiquaient en Afrique,
sans engagement véritable. C'est ce que notre mémoire de
maîtrise voudrait illustrer, avec textes et images.
Brève revue de la littérature sur la
question
Les travaux de recherche consacrés à la
question des métis allemands« du Togo sont plutôt rares. Ceux
qui en parlent sont d'un caractère général. Robert
Cornevin, dans son Histoire du Togo (1962, édition revue et
augmentée en 1969) que nous avons déjà cité,
consacre une demi-page aux métis en général, y compris les
métis allemands«. Le professeur Yawovi
Amétépé Ahadji a consacré lui aussi une partie de
sa Thèse de Doctorat de 3ème Cycle (1976) au « mariage mixte
» pendant la période coloniale allemande. Dans le chapitre
intitulé « l'idéologie raciale et la condamnation du mariage
mixte », il met l'accent sur le point de vue des sociétés de
mission qui ont condamné le mariage mixte. Elles ne condamnaient pas
seulement le mariage mixte en soi, mais dénonçaient aussi
l'attitude de quelques fonctionnaires coloniaux au Togo, qui allaient
jusqu'à violer des filles mineures africaines. Pour ces
sociétés de mission, un gouverneur qui a pour femme une
indigène, enterre l'autorité morale de la race blanche. Les
missions annonçaient que la volonté de Dieu était de voir
les différentes races rester séparées, car chacune de ces
races avait une mission particulière sur la terre.
Dans le livre de Jürgen Petschull Der Wahn
vom Weltreich. Die Geschichte der deutschen Kolonien (Le rêve fou d'un
empire colonial. L'histoire des colonies allemandes), le
4ème chapitre intitulé « Die Braunen Kinder der
weißen Herren », aborde largement la question, avec de nombreuses
images dont nous reproduisons d'ailleurs certaines, pour ce qui concerne le
Togo allemand. Petschull insiste beaucoup sur la question de l'hypocrisie et
l'immoralité de la vie sexuelle des Allemands dans les colonies, avec
ses conséquences politiques et sociales. Il commence le chapitre par
l'histoire des métis allemands« au Togo, en accordant beaucoup
d'attention à quelques uns parmi eux. Il eut lui-même un entretien
avec des membres du « Club des Métis Allemands », et avec
Josef Comla5 Köhler, le fils de l'ancien gouverneur allemand
August Köhler. Il termine le chapitre par un long article
sous-titré « Zur Kolonie Togo » (A propos de la colonie du
Togo) article dans lequel il
5 Josef«: orthographie originale allemande que
l'on trouve dans la plupart des documents relatifs au fils du gouverneur
Köhler, et qui a été francisée en Joseph«, sans
doute dans la période française au Togo. Nous conservons donc ici
l'orthographie originale, sauf dans les citations qui comportent
Joseph«.
écrit: L'amour entre le Blanc et la Noire;
on n'en parlait pas chez nous au pays [en Allemagne], mais dans les
colonies, c'était une pratique quotidienne«6. Il
considérait les Allemands vivant dans les colonies comme des hypocrites,
et cite à ce sujet le sexologue Felix Bryk: Cet hypocrite, ce
champion du mensonge, voilà qu'il s'offusque maintenant lorsqu'on
l'intorroge à propos d'une femme noire, et pourtant, dans son lit
l'attend déjà une Noire«. 7
En ce qui concerne l'historien Peter Sebald, principal
initiateur du travail de mise en valeur des dossiers du Fonds allemand«
des Archives Nationales du Togo (ANT/FA), il a transcrit les documents
d'archives relatifs à notre sujet; il a aussi écrit des articles
sur la question. Ses publications ont été précieuses pour
notre travail, particulièrement son livre Togo 1884 - 1914. Eine
Geschichte der deutschen « Musterkolonie auf der Grundlage amtlicher
Quellen (1988), son article Christianus Jacob Protten Africanus
(1715-1769). Erster Missionar einer deutschen Missionsgesellschaft in
Schwarzafrika«8 et son repertoire sur les métis
allemands« du Togo (cf. bibliographie).
Dans Togo 1884 - 1914. Eine Geschichte der
deutschen Musterkolonie auf der Grundlage amtlicher Quellen (1988) il
relate l'histoire des métis en soulevant les problèmes decoulant
de leur éducation et de leur identité : problèmes
nés du racisme des colonialistes : « Pour les Allemands du Togo
parvenus au stade impérialiste, les métis sont devenus un
problème, non seulement en raison de leur nombre toujours croissant. Il
faut rechercher la raison principale du problème dans le racisme qui, de
plus en plus, gagnait les rangs de ces Allemands du
Togo«9. Il trouve que l'interdiction de donner des noms
allemands aux enfants métis n'est rien d'autre que de l'hypocrisie,
`'car ces noms [allemands] reflétaient visiblement la
duplicité morale de la plupart des colonialistes
allemands`'10.
La deuxième publication de Sebald
mentionnée est une contribution à l'ouvrage collectif issu du
deuxième symposium international de l'histoire coloniale organisé
en 1991 à Berlin. Dans cette publication sur Jacob Protten, le
premier missionnaire allemand en
6 In der Heimat wurde nicht darüber gesprochen,
aber in den deutschen Kolonien wurde sie täglich praktiziert - die Liebe
zwischen Weiß und Schwarz.« (cité in Petschull
1984:132f)
7 Dieser Heuchler, dieser Champion von Verlogenheit,
der jetzt so entrüstet tut, wenn man ihn über ein schwarzes Weib
befragt... in seinem Bette liegt bereits eine Schwarze`'. (cité in
Petschull, 1984 :133)
8 In: Wilfried Wagner (Ed.): Kolonien und
Missionen. Referate des 3. internationalen kolonialgeschichtlichen Symposiums
1993 in Bremen. Münster/Hamburg, List-Verlag, 1994, pp.
109-121.
9 Für die Kolonialdeutschen wurden im
imperialistischen Stadium die Mischlinge nicht nur wegen ihrer stetig
wachsenden Zahl ein Problem. Der Hauptgrund ist in dem sich bei den
Kolonialdeutschen ausweitenden Rassismus zu suchen«. Sebald, 1988:
267)
10 Denn in diesen Namen ihrer Kinder offenbarte
sich die doppelte Moral der meisten deutschen Kolonialisten. Car ces noms
[allemands] réflétaient visiblement la duplicité morale de
la plupart des colonialistes allemands`'. (Sebald, 1988: 268).
Afrique de l'Ouest et qui était un métis
né d'un Danois et d'une princesse d'Aneho, Sebald souligne de nouveau
que le racisme et le colonialisme sont deux choses intimement liées et
qui se complètent parfaitement, notamment sur la question des
métis.
Dans une autre publication intitulée
Kolonialregime und Mischlinge. Das Beispiel der deutschen Kolonie Togo
1884-1914« (1992), Peter Sebald revient sur la question en
considérant l'union mixte à l'époque coloniale allemande
comme une forme d'exploitation de la femme noire par l'homme blanc. Il
écrit : Pendant leur séjour en Afrique, les Européens
vivaient souvent avec des femmes africaines qu'ils avaient parfois
achetées comme esclaves, ou qu'ils avaient prises comme compagnes selon
les usages de la législation africaine.«11 Mais il
reconnaît aussi que parfois, c'est pour sauvegarder leurs
intérêts politiques ou sociaux que les colons se mariaient avec
les filles autochtones : Pour certains agents commerciaux ou fonctionnaires
coloniaux britanniques, prendre pour compagne une femme africaine selon la
coutume du pays était considéré comme une manière
de consolider leur entreprise commerciale ou leur
fonction«12.
Enfin, le repertoire de Sebald sur les métis
allemands« du Togo (document inédit) constitue pour notre travail
une base de données très utiles sur les enfants métis de
pères allemands du temps colonial au Togo (cf. bibliographie).
Grâce à cette liste, on peut non seulement connaître assez
précisément le nombre de ces enfants (environ 200), mais aussi
identifier, autant que possible, les noms et les parents des «
métis allemands » du Togo. Toutefois, comme le souligne Sebald
lui-même, ce repertoire ne permet pas de déterminer le nombre des
enfants métis de la colonie, mais seulement celui des enfants
déclarés auprès de l'administration coloniale au cours des
recensements13 : `'Die Liste erfasst also nur die zu einem
Zeitpunkt in einem Ort (oder Bezirk) wohnhaften Mischlingkinder bis zum Alter
von 14/15 Jahren, danach rechnete sie die Verwaltung zu den Farbigen ».
Ältere (erwachsene) dort wohnhafte Mischlinge wurden folglich nicht mehr
erfasst. Gleiches galt für die mit ihren Müttern verzogenen
Mischlingskinder, verstorbene Mischlinge in Dörfern, unter afrikanischen
Namen lebend`' Le repertoire contient donc seulement les enfants métis
résidant à un moment donné dans
11 Während ihres Aufenthalts in Afrika lebten
die europäischen Männer vielfach mit afrikanischen Frauen zusammen,
die sie teils als Sklavenmädchen gekauft, teils unter Beachtung
afrikanischer Rechtsgepflogenheiten zu sich genommen hatten.»
(Sebald, 1992 :110).
12 Eine afrikanische Frau nach Landessitte zu sich
zu nehmen, betrachtete mancher Handelsagent oder britischer kolonialbeamter als
einen für sein Handelsunternehmen b.z.w. seine Funktion fördernden
Umstand«. (Sebald 1992 : 110).
13 A titre d'exemple, monsieur Simtaro (1982) fait
état de métis allemands qui ne figurent pas sur la liste de
Sebald.
une localité (ou un district), et qui
était âgé de 14 à 15 ans au maximun. Au-delà
de cet âge, l'administration les considérait et les recensait
comme des Noirs. Les métis plus âgés (adultes)
nétaient donc plus recencés. De même, on ne recensait plus
les métis qui avaient démenagé avec leurs mères,
les métis morts dans des villages ou ceux qui y vivaient sous des noms
africains«14. La liste reste donc très fragmentaire
et très incomplète, car elle ne tient pas compte des enfants
métis non déclarés, non recensés, ou ceux dont les
mères se trouvent dans des localités difficilement
accessibles.
L'historien Ali Napo quant à lui, a
décrit les conditions des métis dans sa Thèse
intitulée: « Le Togo à l'époque allemande (1884 -
1914) ». Il désigne l'union entre femme noire et homme blanc par le
mot « commerce » : «Le fait que tous ceux qui arrivaient
dans le protectorat : commerçants, militaires et fonctionnaires
coloniaux, étaient tous des hommes très jeunes et sans femmes ne
pouvait que favoriser le commerce avec les négresses...« (Ali
Napo 1995: 842). Pour lui, ce fut l'augmentation du nombre des métis qui
conduisit à soulever les problèmes du métissage, car la
loi du Reich n'avait jamais prévu l'existence des enfants métis
et n'avait donc pas prévu la base juridique pour reconnaître ces
enfants dits naturels«.
Dans l'ouvrage Le Togo 1884-2004 : 120 ans
après Gustav Nachtigal. Connaître le passé pour mieux
comprendre le présent. (2007), Oloukpona-Yinnon et Coulibaley-
Béré ont présenté une contribution au colloque
organisé à cet effet. Parlant de la descendance africaine de H.
F. Achille Eccarius, ils montrent comment un Allemand, par l'union mixte avec
une femme noire, fonda une famille devenue aujourd'hui une vraie
collectivité africaine avec des ramifications internationales. Mais bien
avant cela, ils ont d'abord montré la situation des métis et
ensuite présenté l'essai de réglementation, par la loi, de
la question au Togo.
Dans sa Thèse de Doctorat de
3ème Cycle, monsieur Dadja H. Simtaro a non seulement
traité de la question des métis allemands au Togo, mais il a
donné la parole à certains d'entre eux, à travers de
longues interviews, dont nous reprenons quelques unes. Nous avons ainsi une
documentation précieuse sur la manière dont les
intéressés se voient euxmêmes, et la façon dont ils
perçoivent leurs parents allemands.
14 'Die Liste erfasst also nur die zu einem
Zeitpunkt in einem Ort (oder Bezirk) wohnhaften Mischlingkinder bis zum Alter
von 14/15 Jahren, danach rechnete sie die Verwaltung zu den Farbigen ».
Ältere (erwachsene) dort wohnhafte Mischlinge wurden folglich nicht mehr
erfasst. Gleiches galt für die mit ihren Müttern verzogenen
Mischlingskinder, verstorbene Mischlinge in Dörfern, unter afrikanischen
Namen lebend`' (Sebald, 2006: 1)
Face à la revue de littérature qui vient
d'être présentée, quel est notre apport et quelle sera
notre approche?
Puisque tous les travaux ci-dessus cités ne
traitent que de façon marginale la question des « métis
allemands » au Togo, il nous paraît nécessaire et utile
d'élaborer une documentation de référence qui soit
consacrée exclusivement à ce sujet, et qui aborde la question
sous l'angle de la société togolaise dans laquelle sont
nés ces métis. Il nous paraît utile aussi de poser quelques
problèmes soulevés par cette documentation
Problématique du sujet et intérêt de
cette étude
En quoi l'existence des métis de pères
allemands au Togo était-il un problème ? Quelle est la
problématique essentielle de cette question dans notre travail ? Quel
intérêt il y a-t-il à étudier aujourd'hui la
question du métissage et la législation coloniale allemande au
Togo sous domination allemande de 1884 à 1914, alors que le chapitre de
la colonisation allemande est clos depuis près de 100 ans maintenant ?
La principale raison du choix de ce sujet, c'est que la question est
très peu traitée sur la base des documents historiques, elle fait
plutôt l'objet de considérations romantiques et nostalgiques mal
fondées, comme si les métis allemands« avaient
été une catégorie de Togolais privilégiés.
Il existe à Lomé un Club des Métis
Allemands«15 (Petschull 1984 :16f) dont nous montrons une image
ici (illustration n° 1).
De manière plus générale,
l'évolution rapide de la société togolaise postcoloniale,
particulièrement au cours des décennies après
l'indépendance, tend à faire oublier d'où le Togo est
parti, et à occulter les problèmes de société
posés par le colonialisme allemand entre 1884 et 1914, ce qui ne permet
pas toujours de bien mesurer et apprécier à sa juste dimension le
chemin parcouru depuis la colonisation allemande jusqu'à
l'indépendance du Togo, en passant par la partition du pays et la
division des peuples par des frontières coloniales arbitraires.
Aujourd'hui, il est permis aux métis de toutes origines, et
particulièrement aux métis allemands« de vivre ensemble et
de côtoyer tous les Togolais sans problème et sans restriction.
Mais ceci n'a été rendu possible que pendant la
période
15 Officiellement dénommé
Association-Mutuelle des Métis au Togo« (Simtaro 1982:891ff), ce
Club était - en principe! - ouvert à tous les métis sans
distinction d'origine du père, mais, dans les faits, c'était un
Club pour les métis de père allemand.
du mandat français sur le Togo. C'était
une chose impensable à l'époque allemande, et pour cause: la
législation allemande ne connaissait pas - et ne reconnaissait donc pas
- les enfants nés de pères allemands et de mères
togolaises. Et même si certains Allemands du Togo ont bien voulu assumer
leur paternité et leur responsabilité vis-à-vis de tels
enfants et vis-à-vis de leurs mères respectives, la loi ne les
autorisait pas à donner leur nom de famille à leur
progéniture. Et les plus embarrassés au sujet de cette question
étaient avant tout les gouverneurs coloniaux eux-mêmes qui, pour
la plupart, étaient directement et personnellement concernés,
comme le montre un cas exemplaire que nous abordons dans ce Mémoire. On
peut donc déjà considérer que l'un des aspects
problématiques de la législation allemande sur les métis
au Togo réside dans la question suivante: comment l'administration
coloniale allemande pouvait-elle légiférer sereinement sur une
question morale délicate dans laquelle le gouverneur lui-même
autant que ses collaborateurs allemands - les administrateurs coloniaux -
étaient presque tous partie prenante?
Un autre aspect de la problématique pourrait
découler de la contradiction évidente entre la
réalité historique et la situation actuelle des «
métis allemands » au Togo . En effet, les métis
allemands« du Togo, jadis reniés par la législation
allemande, sont aujourd'hui publiquement reconnus au Togo comme tels. Nous
avons aujourd'hui des familles de métis allemands« du Togo qui ont
retrouvé des parents du côté allemand, se sont reconnus
mutuellement comme descendants d'un même ancêtre, et qui
fraternisent désormais de génération en
génération16. Alors, pourquoi les métis
allemands« du Togo - ainsi que leurs descendants - ne pourraient-ils pas
prétendre à la nationalité allemande sur la base du sang
allemand qui coule dans leurs veines? Le sujet de notre Mémoire de
Maîtrise ne manque donc pas d'actualité, mais notre objectif n'est
pas de fournir des documents historiques pour légitimer une quelconque
revendication politique, mais pour permettre de mieux connaître et juger
la réalité historique des métis allemands« au Togo.
Nous pensons sincèrement que notre travail est un « devoir de
mémoire » qui peut être un jalon dans la prise de conscience
des mythes historiques qui entourent les métis, et qu'il peut devenir un
modeste instrument de pédagogie de l'histoire des métis
allemands« au Togo. C'est aussi un aspect de la
réécriture de l'histoire du Togo allemand qui comporte encore des
zones d'ombres en ce qui concerne la véracité des faits. C'est
pourquoi nous
16 C'est le cas des descendants allemands et togolais de
Hans Gruner, administrateur au Togo de 1892 à 1914.
avons choisi de nous appuyer essentiellement sur des
documents d'archives authentiques, pour éviter toute spéculation
et toute contestation de l'objet de notre recherche.
Méthode employée et plan du travail
Notre thème de recherche a une portée
historique. Cela nous impose donc de fonder le travail essentiellement sur une
documentation historique, celle des Archives Nationales du Togo qui est la plus
proche et la plus disponible, en y ajoutant, bien sûr, les publications
également disponibles sur place, de même que des mémoires
et thèses non publiés, consacrés à certains aspects
de la question.
La sélection de documents d'archives qui est au
coeur de notre travail a pour objectif de fournir une base de données
fiables et vérifiables sur la réalité historique des
métis allemands« du Togo. Elle est
composée de divers textes réglementaires sur la question des
métis allemands« au Togo : il y a d'un
côté des textes généraux concernant l'ensemble de la
question, et il y a des textes spécifiquement consacrés à
des cas singuliers de métis ou de parents de métis. Nous les
présentons donc selon cette classification.
Les documents présentés
s'étendent sur la période de 1905 à 1914. Ce choix peut
paraître arbirtraire, mais il correspond à l'évolution de
la question des métis dans les colonies en général, et au
Togo en particulier : c'est en 1905 que fut interdit officiellement le mariage
mixte dans les colonies et c'est à partir de 1905 que le grand
réformateur de l'administration coloniale allemande au Togo, le Comte
Julius Zech, d'abord gouverneur intérimaire en 1904, puis gouverneur de
plein pouvoir à partir de 1905, a mis la question des métis
allemands sur le tapis, a engagé les pourparlers en vue de
réglementer ce phénomène social. C'est en 1905 que, pour
la première fois au Togo, des listes d'enfants métis furent
dressées dans les localités côtières telles que
Lomé et Aneho. C'est le début des mesures officielles en vue de
régler les « problèmes » posés par la
recrudesence des enfants métis. La dernière ordonnance prise en
1913 commençait à connaître un début d'application
lorsque les Allemands dûrent quitter le Togo en 1914. Toutefois, la
présente documentation n'est pas exhaustive en ce qui concerne les
textes choisis. Nous avons seulement fait un choix qui nous paraît
représentatif de la politique coloniale sur la question du
métissage et des métis au Togo sous la colonisation
allemande.
Dans la présentation des textes, nous
proposons, généralement, d'abord un résumé en
français du document original, puis le document lui-même dans sa
version allemande. Lorsque le document original se révèle
très important pour la compréhension du problème, nous
avons proposé à la place (ou en plus) du résumé une
traduction intégrale. Nous envisageons pour une phase ultérieure
du travail une traduction intégrale française de tous les
documents. Comme il s'agit d'une documentation qui doit illustrer l'état
historique et actuel de la question, nous avons ajouté aux textes des
illustrations qui nous paraissent adéquates pour soutenir notre
argumentation, puisque les images parlent parfois mieux que les
mots.
Le plan du mémoire lui-même comprend,
outre l'introduction générale, une partie consacrée
à la mise en perspective du sujet, trois parties consacrées
respectivement à la présentation des deux catégories de
documents et du commentaire sur l'ensemble des textes présentés,
et enfin une conclusion générale. Le tout est suivi de la
présentation des sources archivales et bibliographiques.
1- MISE EN PERSPECTIVE DU SUJET
1.1- Considérations générales et
regard précolonial sur le métissage
Métis et métissage
Selon le site wikipedia, « la notion de
métis (du mot latin mixtîcius ou mixtus qui
signifie « mélangé »/« mêlé »)
désigne le mélange de deux éléments distincts,
qu'il s'agisse de choses concrètes comme les êtres vivants, les
animaux ou les plantes, ou qu'il s'agisse de choses moins concrètes
comme la culture, la littérature etc. Dans le cas qui nous
intéresse ici, celui des êtres humains, le métissage
désigne le mélange des sangs du point de vue racial, et sa
principale illustration est la créolisation, type racial des «
créôles » des Caraïbes qui sont issus du mélange
des négriers blancs et des esclaves noires. Et la notion de
métissage devenue un concept plus général, s'applique au
domaine artistique (culture, littérature, arts plastique, musique, danse
etc...) ou commercial (dans le marketing de la mode par exemple).
Mais ce qu'il est important de souligner, c'est que la
perception du « métis » et la compréhension du mot
« métissage » dépendent de l'idéologie dominante
ou des fantasmes personnels ou collectifs. Le métis peut être
perçu comme un idéal de type humain, comme il peut être
traité comme un « bâtard ». Dans l'Allemagne nazie, les
mots « Mestize » et « Mischling » qui désignaient le
« métis », ciblaient explicitement les Juifs, et il fallait
éviter toute union avec les personnes d'origine juive, pour
préserver la pureté de la race aryenne17. Cette
politique de séparation des races était aussi valable pour les
Noirs, au point que le Chancelier Adolf Hitler avait publiquement refusé
de serrer la main de
17 Selon le site web Wikipedia,
Mischling«, qui signifie « métis » en allemand,
est un terme employé sous le Troisième Reich pour désigner
les personnes d'ascendance partiellement juive. Ce mot, dont l'origine est
à rapprocher du « mestizo » espagnol ou du «
métis » français, signifie littéralement «
personne mélangée ». D'après la définition des
lois de Nuremberg (1935), un Juif était : soit une personne ayant au
moins trois grands-parents juifs (indépendamment de son affiliation
religieuse ou de son identification propre), soit une personne ayant deux
grands-parents juifs et étant elle-même de confession
judaïque, ou mariée à un(e) Juif(ve). Les personnes
n'étant pas de confession judaïque étaient néanmoins
considérés comme : Mischlings au premier degré,
si deux de leurs grands-parents étaient juifs, Mischlings au second
degré, si un seul de leur grand-parent juif. Étant
donné qu'au XIXe siècle, de nombreux Juifs d'Allemagne se
convertirent à la religion reformée et épousèrent
des chrétiens, beaucoup de Mischlings aux premier et second
degrés étaient des protestants. En 1939, le recensement du Reich
dénombre environ 72 000 Mischlings au premier degré, quelque 39
000 au second, et des dizaines de milliers à des degrés plus
importants. Site wikipedia consulté le 22.09.2011
l'athlète noir américain Jesse Owens qui
avait gagné la médaille d'or aux Jeux Olympiques de 1936 à
Berlin. En Afrique du Sud, jusqu'à un passé récent, la
politique de l'apartheid proclamait et défendait la séparation
physique des races blanche et noire, et interdisait strictement les unions
mixtes, également au nom de la pureté et de la
supériorité de la race blanche. Cela a conduit à la
construction des ghettos appelés « Bantoustans », comme celui
de Soweto. En Australie, une doctrine eugéniste cultivait l'idée
que le métissage menaçait l'avenir du pays, et il fut
aménagé des « zones protégés » où
étaient concentrés les Aborigènes, pour éviter
qu'ils n'entrent en contact avec des Européens ou des Asiatiques. On
peut citer sans doute plusieurs autres exemples historiques - ou même
contemporains - comme les réserves d'Indiens aux Etats Unis
d'Amérique.
De nos jours, le métissage est plutôt
considéré comme « l'avenir de l'Humanité », car
aucune race humaine ne peut plus être considérée comme
pure, et le métissage des cultures est la politique à laquelle
aspirent presque tous les Etats et tous les gouvernements de la planète,
avec plus ou moins de conviction. D'ailleurs, de nos jours, le mot «
métis » ne se définit plus explicitement par la notion de
« race » qui est négativement connotée. La
définition allemande actuelle dans le dictionnaire Wörterbuch
der deutschen Sprache (Wissen Media, 2005) fait plutôt
référence à l'ethnie: «Mischling: dessen Eltern
verschiedenen ethnischen Gruppen angehören.« Et pourtant,
l'Allemagne n'est pas considérée comme un pays peuplé
d'ethnies, comme en Afrique. Tout ceci montre la difficulté qu'il y a
aujourd'hui à utiliser les mots « races », « ethnies
», « métis » et « métissage
».
Cette mise au point est nécessaire pour
comprendre que le contexte qui a vu la naissance des métis
allemands« du Togo constitue un facteur capital pour comprendre
comment fut traitée cette catégorie de personnes à cette
époque où régnait l'idéologie du colonialisme, avec
tous ses corollaires. Cette mise au point sert aussi à comprendre que
les termes « métis » et « métissage » peuvent
être définis négativement s'ils sont «
emprisonnés » dans une idéologie donnée. Ils peuvent
être synonymes de dégénérescence,
d'immoralité et d'insanité.
C'est ainsi que le dictionnaire colonial Deutsches
Kolonial-Lexikon (1920) consacre plusieurs pages aux deux concepts
« Mischehen » (unions mixtes) et « Mischlinge
» (métis), en soulignant surtout (tome 2, p. 564): La
question des mariages mixtes n'a eu
d'importance pratique que dans les colonies du
Sud-Ouest Africain Allemand et Samoa, puisque dans les autres protectorats, il
n'y a pas eu de mariages entre des Blancs et des Noires, à l'exception
de quelques cas isolés.«18
En d'autres termes : En dehors de la colonie allemande
du Sud-Ouest Africain et de Samoa où le mariage mixte était
déjà légalisé avant l'avènement de la
colonisation allemande, aucune union mixte n'a été
acceptée, reconnue ou légalisée dans les autres colonies
allemandes, à quelques rares exceptions près. Voilà le
cadre historique dans lequel il faut analyser et comprendre la question des
« métis allemands » au Togo : aucune union mixte n'a
été célébrée ou légalisée au
Togo sous domination allemande. Voilà la stricte vérité
historique qui détermine le statut et le destin des métis de
pères allemands au Togo.
Sur cette base, le Deutsches Kolonial-Lexikon
(tome 2, pp. 564ff) définit le mot « Mischling » et rend
compte de sa réalité historique en six rubriques : 1. La question
de la terminologie, 2. L'appréciation anthropologique de la question, 3.
Les expériences rassemblées sur cette question, 4. Son
appréciation sociologique, 5. Le nombre des métis dans les
colonies allemandes, et 6. La situation juridique des métis. Cette
approche méthodique et systématique du concept de «
métis » montre l'importance de la question dans le colonialisme
allemand. Sans vouloir entrer dans tous les détails, on peut
résumer la question des métis dans le colonialisme allemand comme
suit : Pour un colon allemand (et sans doute pour la grande majorité des
Allemands de l'époque coloniale), il n'y a pas de place
intermédiaire entre la race du colonisateur blanc et la race des
colonisés, quelle que soit la couleur de leur peau. Dans les colonies
allemandes d'Afrique, on ne reconnaissait donc que deux races : il y a le Blanc
(colonisateur) et le Noir (colonisé). S'il y a naissance d'un
métis, ce dernier, quel que soit le degré de son
métissage, est donc classé dans la catégorie des «
gens de couleur » (Farbige) et est généralement
appelé « Mulâtre ». Le métis n'a donc pas
d'existence juridique légale, puisqu'aucune loi n'a été
prévue pour lui. Voilà le point de départ historique de
l'appréciation de ceux qu'on appelle des « métis allemands
», mais qui, selon les Allemands, n'ont rien d'allemand. C'est pourquoi
les colons allemands utilisaient le mot « mulâtre », pour
stigmatiser les métis et exprimer du mépris envers eux, car ce
mot « mulâtre » se réfère implicitement et
péjorativement au mulet, produit du croisement entre l'âne et la
jument. Dans la présente étude, nous allons
18 Die Frage der Mischehen hat praktische
Bedeutung nur in den Schutzgebieten Deutsch-Südwestafrika und in Samoa
erlangt, da in den übrigen Schutzgebieten, von vereinzelten Ausnahmen
ausgesehen, Eheschließungen zwischen Weißen und Farbigen nicht
vorgekommen sind.«( Deutsches Kolonial-Lexikon, Band 2, S.
564ff)
utiliser le terme « métis » »
plutôt que celui de « mulâtre », qui sera tout de
même conservé dans les citations, pour ne pas trahir les propos ou
en déformer le sens historique. Evidemment, selon les Togolais de
l'époque - et selon les « métis allemands »
eux-mêmes, nul ne peut nier - et aucune loi ne peut effacer le fait -
qu'il y avait des enfants dont les pères étaient des Allemands.
Comment pouvait-on nier une réalité sociologique, uniquement pour
des raisons idéologiques ? Voilà comment se posait à
l'administration coloniale allemande la question des métis de
pères allemands.
En réalité, aujourd'ui, à
l'époque postcoloniale, le métissage se définit, de
manière neutre, comme le résultat d'un croisement
génétique, et lorsqu'il s'applique aux humains, les enfants issus
de ce « croisement » sont généralement appelés
métis, étant donc issus de l'union de deux personnes de couleurs
de peau différentes. Dans les cas des métis
allemands« au Togo qui nous concernent ici, nous parlerons, non
pas de « croisement », mais de « mariage mixte » (ou «
union mixte ») et de « couple mixte » pour désigner
spécifiquement les relations entretenues par un Allemand et une
Togolaise (ou une Africaine en général), et dont la
progéniture est appelée « métis » ou «
métisse ». Le métissage tel qu'il est abordé ici est
donc l'union mixte féconde - légitime ou illégitime -
entre un homme d'origine allemande et une femme d'origine togolaise, à
l'époque coloniale allemande.
Dans ce mémoire, nous abordons surtout la
question des enfants nés de toutes ces unions mixtes, ainsi que les
principales mesures de législation coloniale relatives aux enfants
métis issus de ces unions, à l'époque du Togo allemand
(1884-1914). Ceux qui ne voyaient pas d'un bon oeil ces métis les
appelaient mulâtres«, et cela se remarque dans les documents que
nous traitons ici. D'aucuns considéraient donc les mulâtres (ou
les mulâtresses) comme des créatures entre l'homme et l'animal.
D'autres les traitaient explicitement de bâtards«19.
Appelés donc « Mulatten » (mulâtres), les
métis allemands« du Togo étaient ainsi
implicitement animalisés« et catégorisés, comme
appartenant à une race particulière.
Mais malgré cette image de métis
négativement connotée, les Européens d'Afrique
ne résistaient que rarement à la tentation d'en faire, et pour
cela ils n'hésitaient pas à vivre en ménage avec des
femmes noires qu'ils considéraient comme leurs épouses
légitimes, ou
19 Dans le Sud-Ouest Africain allemand (aujourd'hui
appelé Namibie), il existait - et il existe encore sans doute - une
race« appelée Nation der Bastarden«, c'est à-dire la
race« des bâtards.
tout au moins comme leurs compagnes officielles. Au
Sénégal par exemple, les Signares étaient des femmes
très convoitées.
Les signares sont ces jeunes femmes métisses
très célèbres au Sénégal depuis le
16ème siècle. Issues du mariage des Européens
avec des femmes wolof et fula, elles étaient très puissantes
à cause de leurs relations avec les plus hautes autorités
politiques du pays à cette époque, et surtout
réputées pour leur beauté envoûtante et leurs
richesses, qu'elles faisaient fructifier habilement. Pour attirer les
Européens, elles organisaient des fêtes dominicales
agrémentées par de petites captives richement parées qui
étaient généralement des esclaves sauvées de la
traite négrière et intégrées aux maisons des
Signares. Elles menaient généralement une vie de femme fatale,
cultivant à l'extrême la sensualité. Senghor les a
célébrées dans plusieurs poèmes dont « Joal
» dans lequel il écrit :
Joal!
Je me rappelle.
Je me rappelle les signares à l'ombre verte des
vérandas
Les signares aux yeux surréels comme un clair de
lune sur la grève.
(Léopold Sédar Senghor, Chants
d'ombre, 1945)
C'est d'ailleurs en se référant
implicitement aux Signares qu'un proverbe sénégalais dit :
Toute femme d'une grande beauté n'est indigne d'aucun lit,
fut-ce-t-il le lit conjugal d'un noble«. Effectivement, les Signares
ont construit leur célébrité en faisant de grandes
conquêtes de nobles européens comme ce fut le cas, entre autres,
du Chevalier Stanislas de Boufflers, gouverneur du Sénégal en
1785. Jusqu'aujourd'hui, les Signares représentent une institution
respectable au Sénégal, particulièrement à Saint
Louis.
Il y a donc également, à
côté de la perception négative du métis, une
perception positive. C'est valable pour les femmes appelées Signares au
Sénégal, mais c'est aussi le cas pour quelques métis
célèbres dont voici les portraits.
1.2 - Quelques « métis »
célèbres de la côte ouestafricaine à l'époque
précoloniale Depuis le 15ème siècle, les
Européens qui venaient en Afrique (commerçants, soldats,
explorateurs ou missionnaires) arrivaient généralement
célibataires et n'avaient aucune chance de trouver sur place une femme
blanche à épouser. C'est alors qu'ils prenaient des Africaines
pour compagnes, généralement selon les pratiques africaines
locales. Nombreux furent sans doute les enfants métis issus de telles
unions dans toute l'Afrique.
Ensuite, il y eut au milieu du 19ème
siècle, l'arrivée des métis afro-américains,
conséquence de l'abolition de la traite négrière, de
l'affranchissement des esclaves dans les Amériques, et de la naissance
d'Etats africains comme le Liberia et la Sierra Leone20. Il serait
fastidieux de nommer tous ces métis ouestafricains qui ont
constitué les premières élites de leurs divers pays, ainsi
que de toute la région ouestafricaine.
Quant aux premiers Européens installés
en Afrique de l'Ouest dès le 15ième siècle
(Portugais, Espagnols, Hollandais, Danois), ils ne trouvaient apparemment aucun
inconvénient moral à vivre avec des femmes noires et à
avoir des enfants avec elles. Au temps de la Traite négrière, les
gouverneurs des forts européens ne se privaient pas de choisir parmi les
esclaves à embarquer les plus belles (ou les plus jeunes) femmes qu'ils
faisaient monter dans leurs appartements. Et lorsque celles-ci tombaient
enceinte, elles étaient libérées et renvoyées dans
leurs familles pour y éduquer l'enfant métis21. Si
l'éducation de l'enfant est bien assurée, il pouvait alors avoir
un destin remarquable, comme ce fut le cas pour Jacob Protten, un métis
bien connu sur la côte ouestafricaine.
1.2.1 - Christianus Jacob Protten Africanus (1715-1769)
Dans son article intitulé «Christianus
Jacob Protten Africanus (1715-1769). Erster Missionar einer deutschen
Missionsgesellschaft in Schwarzafrika«, Peter Sebald trace la vie et la
carrière du métis Jacob Protten22, fils d'une
princesse d'Aneho et d'un soldat danois du fort de Christianborg (aujourd'hui
Accra).
Né le 15 septembre 1715 à Accra, il est
envoyé à l'âge de 12 ans à Copenhague (Danemark)
où il séjourne de 1727 à 1735 pour des études,
notamment les études de théologie qu'il commence en 1732. Il se
rend ensuite à Herrenhut en Allemagne, auprès du Comte allemand
Zinzendorf, fondateur de la congrégation des frères Moraves
appelée « Unitas Fratrum » ou « Herrenhuter
Brüdergemeinde ».
20 Les premiers dirigeants de ces Etats étaient
des métis américains, à l'instar de Joseph Jenkins Roberts
(15 mars 1809 à Norfolk- 24 février 1876 à Monrovia)
premier et septième président du Liberia ; l'aéroport
international Roberts de Monrovia est nommé d'après lui. Source:
http://fr.wikipedia.org,
consulté le 08-11- 2011.
21 Cette anecdote est souvent racontée aux
touristes qui visitent par exemple les forts d'Elmina ou de Cape Coast au
Ghana. Toutefois, il n'est pas précisé si les géniteurs
reconnaissaient juridiquement leurs progénitures et leur assuraient
toujours la subsistance nécessaire.
22 Cf. également Cornevin 1969 :126f
Illustration n° 3 : Christianus Jacob Protten
Africanus (source: www.bibliografica-africana) consulté le
13 octobre 2011
En 1736, Jacob Protten se rend en Hollande en
compagnie d'un frère morave nommé Heinrich Huckoff, avec qui il
retourne chez lui en Gold Coast en 1737 au fort d'Elmina devenu possession
hollandaise, se rendit la même année à Aneho pour y
prêcher. Après le décès de Huckoff en 1740, Protten
retourne en Allemagne et y épouse Rebecca Freundlich (1718-1780), une
métisse ancienne esclave venue des Caraïbes et veuve d'un
missionnaire. Il retourne à Accra comme enseignant à
l'école danoise des métis de 1756 à 1761, mais doit
rejoindre de nouveau l'Allemagne, avant de revenir pour la troisième
fois en Afrique en 1765, avec sa femme Rebecca. Il enseigne à nouveau
à l'école danoise des métis à Accra jusqu'à
sa mort le 23 août 1769. Sa vie a souvent été
présentée comme un « modèle de parcours » d'un
« homme de couleur » à l'époque. Dès l'âge
de 20 ans, et conscient qu'il était un Noir et que sa place était
en Afrique, il a décidé d'aller évangéliser chez
lui en Afrique. Et dans la demande d'adhésion à la
Congrégation des Frères Moraves en 1735, il avait ajouté
lui-même à son nom et son prénom de naissance le mot «
Africanus », pour affirmer son identité
africaine23.
1.2.2 - Thomas Birch Freeman (1809-1890)
Bien que Thomas Birch Freeman fût lui aussi un
missionnaire en Afrique, la configuration du couple dans lequel il a vu le
jour est différente, car son père était africain et sa
mère
23 Pour rendre un hommage posthume à ce premier
missionnaire africain envoyén en Afrique par une congrégation
allemande, le Musée ethnographique de Herrenhut a organisé en
2006 une exposition qui rassemble des objets rapportés de l'Afrique par
l'africaniste allemand Andreas Herrmann parti sur les traces de Jacob Protten
en Afrique.
anglaise, une union mixte plutôt rare à
cette époque. En outre, il était né en Grande Bretagne, et
non en Afrique.
Illustration n° 4: Thomas Birch Freeman (source:
internet www.bibliografica-africana) consulté le 13 octobre
2011
Né le 6 décembre 1809 à Twyford,
près de Winchester (Hampshire), d'un père noir, jardinier,
nommé Thomas Freeman, et d'une mère blanche, une Anglaise
appelée Amy Birch, veuve de son premier mari John Birch (dont elle avait
déjà eu trois enfants), Thomas Birch Freeman perdit son
père à l'âge de 6 ans. Il fut donc élevé par
sa mère qui parvint à lui donner une assez solide
éducation. Lorsque la « Methodist Mission Society »
lança un appel pour recruter des missionnaires pour l'Afrique, Thomas
Birch Freeman abandonna le modeste job de jardinier qu'il exerçait, et
répondit à l'appel, après avoir réussi
l'épreuve qui consistait à prêcher dans une église
de Leeds en 1837. Il est donc admis, formé et ordonné à
Londres, puis envoyé en Afrique de l'Ouest, à Cape Coast (en Gold
Coast), après avoir épousée Elisabeth Boot. Arrivée
en Afrique en janvier 1838. Il érigea à Cape Coast une
première église méthodiste inaugurée le 10 juin
1838. Considéré plutôt comme « un Anglais à
peau noire » et comme un « prêtre féticheur blanc
», il reçut pourtant de la part des autochtones le nom africain
(fante) de « Kwaku Anan ». Après avoir implanté avec
plus ou moins de succès des églises méthodistes à
travers la Gold Coast, il sillonna presque toute l'Afrique de l'Ouest, de
Badagry jusqu'à Abeokuta au Nigeria, en passant plusieurs fois par la
cour du roi Guezo à Abomey, le palais de Chacha de Souza à
Ouidah, s'engagea dans la lutte pour l'abolition de la Traite
négrière, de l'esclavage et des sacrifices humains. Mais ses
multiples périples à travers l'Afrique lui valurent la
désapprobation de sa congrégation à Londres. Il se tourne
alors vers le gouverneur civil de
la Gold Coast. Engagé comme administrateur
civil, il fut médiateur dans les négociations et le
règlement de plusieurs querelles interafricaines et guerres
euro-africaines.
Après avoir travaillé pour
l'administration colonial britannique, il s'installe à son propre compte
comme agriculteur près d'Accra, et s'adonne à sa première
occupation que fut le jardinage. Il crée une Société pour
l'Agriculture à Accra, écrit un livre intitulé
Missionary Enterprise No Fiction.
En septembre 1873, il se remet au service de la
Mission Méthodiste et travaille pour elle encore une decennie environ,
avec son fils Thomas Birch Junior. Après avoir été le
prédicateur principal au cours du jubilée de la Mission
Méthodiste de Wesley en Gold Coast en septembre 1885, il prend sa
retraite officielle. Thomas Birch Freeman senior est mort le 12 août 1890
à Accra, à l'âge de 81 ans.
Au nombre des actes qui relient son nom à la
future colonie allemande du Togo, il convient de mentioner qu'il visita Aneho
plusieurs fois au cours de ses visites pastorales. C'est lui qui créa en
1843 la première école missionnaire dans cette ville et la
première communauté méthodiste de cette région.
C'est aussi lui, Thomas Birch Freeman, qui accueillit le 5 mai 1847 à
Cape Coast, les premiers envoyés allemands de la Société
des Missions de l'Allemagne du Nord en Afrique de l'Ouest, la Mission de
Brême«.
Comme on peut le constater, les métis Jacob
Protten et Thomas Birch Freeman avaient eut avec les populations de l'Afrique
de l'Ouest des relations de proximité si étroites que nul ne
voyait plus en eux des métis d'une catégorie particulière.
Bien au contraire, leur vie riche et engagée au service des Africains
les avait intimement liés à ces derniers, faisant d'eux des
Africains authentiques.
1.2.3 - Katharina Anstrup ( ?- 1882)
Sans doute moins célèbre et moins connue
que Protten et Freeman, Katharina Anstrup n'en n'est pas moins une
métisse africaine comme eux. D'elle-même, on ne sait pas
grand'chose, sauf qu'elle est née sur la Côte de l'Or (Gold Coast,
aujourd'hui Ghana). Mais à cause de son mariage avec Christian Rottmann,
elle est devenue une figure emblématique pour avoir vécu d'une
manière exemplaire sa vie de « femme de couleur »
mariée à un Blanc.
Afin de conforter leurs intérêts
commerciaux avec leurs partenaires africains, les commerçants
européens contractaient parfois des alliances avec des filles de ces
familles. C'est probablement le cas de Katharina dont le père devait
être un autre Européen (Hollandais) installé sur la
Côte ouest africaine depuis longtemps, avec une femme noire. C'est sans
doute dans le cas d'une relation d'affaires que Christian Rottmann, agent
commercial de la firme allemande J. K. Vietor en Afrique de l'Ouest, a
épousé cette « métisse hollandaise »
nommée Katharina Anstrup (illustration n° 5). Négociant
originaire d'Altona (près de Hambourg), Christian Rottmann était
agent de la firme J. K. Vietor à Kéta où il épousa
Katharina Anstrup le 4 mars 1863. Ils eurent 4 enfants : Gotthelf Samuel,
Johannes, Bertha, et Theodora24. Katharina mourut en 1882, et son
mari en 1897 (Theil 2008 :209).
Comme le fait remarquer Ilse Theil (p.209) dans sa
thèse consacrée aux femmes de missionnaires allemands, Christian
Rottmann est le seul agent commercial de la firme allemande J. K. Vietor qui
fut autorisé à épouser une « mulâtresse ».
Le couple Rottmann fut en effet un cas d'exception, car la firme Vietor,
partenaire de la « Mission de Brême », avait formellement
interdit de telles unions à ses agents en Afrique : « Tout
employé ou collaborateur de la firme devait s'engager par écrit
à s'abstenir de toute relation avec les indigènes noires
lorsqu'il s'embarquait pour les territoires d'outres mer. La firme pieuse de
J.K. Vietor recherchait avant tout des collaborateurs capables de respecter les
principes religieux auxquels elle était attachée elle-même
» (Ahadji 1976: 303). Quant à la « Mission de Brême
» elle-même qui voulait anticiper ce problème pour les
missionnaires qu'elle envoyait en Afrique, elle avait organisé un
système bien rôdé de mariage par correspondance dont traite
Ilse Theil dans sa thèse de Doctorat sous le titre Reise in das Land
des Todesschattens. Lebensläufe von Frauen der Missionare der
Norddeutschen Mission in Togo/Westafrika (von 1849 bis 1899) - eine Analyse als
Beitrag zur pädagogischen Erinnerungsarbeit25.
24 Il serait sans doute intéressant de faire
sur ces enfants, une étude similaire à la nôtre, afin de
voir ce qu'ils sont devenus et comment ils ont conduit leur vie.
25 Page 4 de la couverture: Im 19. Jahrhundert
entsandte die Norddeutsche Mission ihre Missionare nach Togo/Westafrika. Die
Problematik der physischen und psychischen Lage der Missionare veranlasste das
Komitee, Frauen als Ehefrauen nachzusenden. Ihre Mitarbeit fand innerhalb der
Missionsgesellschaft kaum Beachtung. Bewegende Briefe, die Ilse Theil aus dem
Missionsarchiv gesichtet und analysiert hat, dokumentieren dramatische
Situationen der Überfahrt, des Krankseins und des Sterbens ihrer Kinder
oder des Ehepartners, ebenso wie die Hilflosigkeit und das Alleingelassensein.
Der Autorin gelingt eine andere Sicht auf die Missions- und Kolonialgeschichte,
indem sie vergessenen Frauen eine Stimme gibt.«
Illustration n° 5a : Katharina Anstrup,
épouse Rottmann (source : Schöck-Quinteros 1986 : 29)
Illustration n° 5b : Couple mixte Rottmann avec
enfants (source: Theil 2008: 209)
29
Pour avoir une idée de la difficulté que
devait représenter - pour un Européen à cette
époque - l'union mixte avec une métisse, il faut prendre en
considération le commentaire qui accompagne une photo du couple Rottmann
dans l'ouvrage 150 Jahre Norddeutsche Missions 1836-1986:
Lucie Dahse, femme de négociant [à
Kéta], écrivait le 3 février 1869 à son amie
à Brême: C'est très difficile de mettre de l'ordre parmi
les gens d'ici, particulièrement ici à Kéta. Et
d'où vient cela? Comme la femme de monsieur R.[othmann] est une
femme de couleur, les Noirs, particulièrement ceux de sa famille, se
sentent jusqu'à présent comme les maîtres dans la ferme.
D'ailleurs, il faut bien se garder de les appeler `negro' par exemple; ils sont
plutôt des gens de couleur, et si le mot `negro' sort par hasard de notre
bouche, on a alors une réponse comme celle-ci: `Moi, je ne suis pas un
`negro', c'est vous qui êtes un `negro', un `negro
blanc'«26
Cette légende de la photo montre
déjà l'état d'esprit sur la question à cette
époque (1869) : les époux Rottmann autant que leurs voisins sont
confrontés au fait que deux couples doivent cohabiter : le couple mixte
des Rottmann (entouré de la famille africaine) et le couple «
normal » allemand des Dahse (époux allemand, épouse
allemande). La question raciale n'était donc pas la moindre dans cette
situation, mais il faut bien penser que les époux Rottmann ont su bien
gérer les problèmes, puisqu'ils avaient pu vivre la plus grande
partie de leur vie conjugale en Afrique, et qu'ils ont rejoint le pays du mari
- l'Allemagne - pour la fin de leurs jours. C'est à Hambourg que tous
deux sont morts.
Quelles conclusions peut-on tirer de ces trois cas
cités ?
A l'exemple de Christianus Jacob Protten ou de Thomas
Birch Freeman, il est aisé de constater que les métis issus
d'Européens et d'Africaines (voire d'une Européenne et d'un
Africain pour le cas de Freeman) n'était nullement une rareté en
Afrique. La place que ces deux métis avaient prise dans la
société africaine et le rôle qu'ils y avaient joué,
démontrent que les Africains comme les Européens les avaient bien
adoptés et acceptés. Avec l'exemple de Katharina Anstrup et
Christian Rottmann, on peut aussi constater de manière empirique que
c'est avec l'arrivée de missionnaires et de commerçants allemands
en Afrique de l'Ouest au milieu du 19ème siècle que
commencent les mesures d'interdiction et de réglementation des «
mariages mixtes ». Nous verrons plus loin que, par la suite, le regard
jeté sur les unions mixtes et les métis issus de ces unions
commencera aussi à
26 Die Kaufmannsfrau Lucie Dahse schrieb am
3.2.1869 an ihre Bremer Freundin : `Es ist sehr schwer, Ordnung in die Leute
hineinzubringen, besonders hier in Keta, und wo rührt es her ? Die Frau
von Herrn R. ist ja eine Farbige und daher fühlen sich die Schwarzen,
besonders die aus ihrer Verwandtschaft, bisher als Herren auf dem Hofe.
Übrigens muss man sich schon sehr davor hüten, sie etwa mal `nigger'
zu nennen ; sie sind coloured men, und wenn uns mal das Wort `nigger'
entfliegt, dann bekommt man die zornige Antwort : `I am no nigger, you are a
nigger, you are a white nigger'«. (Cité in
Schöck-Quinteros & Lenz 1986:29)
changer. Avec l'avènement de la colonisation
allemande en 1884, la question des « unions mixtes » va devenir une
affaire problématique. Le « problème » est d'abord
posé sur le plan de la morale, puis il sera un « problème de
politique raciale ». Les Allemands n'étaient pas disposés
à faire ce que les Portugais, les Danois, les Hollandais et les
Français faisaient depuis des siècles : considérer les
métis comme des hommes et des femmes à part
entière.
1.3 - La colonisation allemande et la question du
métissage
1.3.1 - Hugo Zöller et la situation de la question en
1884
Dès l'annonce de la prise de possession des
premières colonies en Afrique en 1884, la gazette allemande
Kölnische Zeitung envoie en Afrique de l'Ouest un journaliste
nommé Hugo Zöller, avec pour mission d'informer les Allemands sur
la réalité des colonies allemandes. L'une des premières
choses qui ont surpris Hugo Zöller et dont il parle abondamment dans son
ouvrage Die deutschen Besitzungen an der westafrikanischen Küste. Das
Togoland und die Sklavenküste, c'est la question du mariage des
Européens avec les femmes indigènes. Il écrit : `'Un
nombre non négligeable de commerçants qui résident depuis
longtemps ici se sont mariés aux femmes indigènes selon la
coutume du pays [...]» (Zöller 1990: 203). Et pour illustrer ce
qu'il critiquae ainsi, il montre un portrait d'un couple mixte :
Une observation attentive de cette icônographie
précoloniale« du « couple mixte« montre qu'elle est
-volontairement ou involontairement connotée, car elle présente,
de la femme comme de l'homme - une image contrastive de désordre
(l'homme, civilisé, assis, à l'aise, alors que la femme,
indigène, semi-civilisée est debout); image aussi de disharmonie
et de dégénérescence (cheveux et barbe hisurtes, tenues
contrastées, européenne pour l'homme, africaine pour la femme);
tenue débrayée (pas de casque colonial, pas de veste
boutonnée); poses inversées (l'homme assis en maître
prétendu, la femme debout en domina«, imposant sa stature de
semi-civilisée.
Illustration n° 6 : Légende : Ein
Europäer mit seiner eingebornen Frau« (Un Européen
avec sa femme indigène«) (source : Zöller 1885 :
219)
32
Pour une analyse complète de cette image, il
faut la comparer avec l'ilustration n° 5b (couple Rottmann, style
classique, puis avec l'illustration n° 9b, (l'administrateur Gruner et sa
concubine«, style colonial)27.
Pour montrer clairement ce qu'il critique dans l'union
mixte, Hugo Zöller donne une longue description détaillée
sur la question (pp. 245ff) (voir encadré n°
1)28.
La critique du journaliste Hugo Zöller est sans
doute pertinente pour la société allemande puritaine de
l'époque, mais elle n'était pas partagée par tout le
monde, comme le prouve l'opinion de Max Buchner, celui-là même qui
fut l'adjoint de Gustav Nachtigal au moment de la proclamation du protectorat
allemand au Togo puis au Cameroun en 1884, et qui sera d'ailleurs
désigné par Nachtigal comme le premier Commissaire de cette
colonie allemande du Cameroun.
27 Dans l'illustration n° 5b, la compagne noire
du Blanc est typique de la femme noire déjà «
civilisée » (puisqu'elle apparaît élégante,
habillée à l'européenne) ; elle est assise,
entourée de leurs deux enfants, dans la pose classique de la femme
soumise à l'homme qui est debout et qui protège toute la famille.
Il en est de même de l'image n° 2, du même couple. Les deux
images respirent l'harmonie conjugale, même si ceci peut n'être
qu'une simulation. On pourrait presque oublier qu'il s'agit d'un couple mixte,
mais la couleur de la peau de la femme ne peut pas cacher cette
réalité. Ce que les deux photographies tentent de gommer, la
couleur de la peau de la femme le rappelle assez. Mais, dans l'ensemble,
l'apparence d'un couple heureux et équilibré, est
sauvegardée. Quant à l'illustration n° 9b, la
disparité, l'inégalité et l'incompatibilité sont
les traits caractéristiques de l'image du Blanc qui tient la femme noire
comme un jouet, une « poupée » que l'on peut manipuler
à sa guise. Les deux partenaires sont assis, mais dans une posture qui
démontre que la femme est la propriété de l'homme, et ce
dernier peut faire d'elle ce qu'il veut, notamment un « objet sexuel
». On dirait bien qu'il ne s'offusque nullement que sa compagne soit torse
nu, les seins exposés sans pudeur aux regards de tout le monde,
même des petits serviteurs du « maître ». Quelle
considération cet homme accorde-t-il à cette femme ? Apparemment
aucune, sinon celle de posséder un « objet de distraction »,
une « poupée docile ».
28 Traduction française de ce passage in K. Amegan
et A. Ahadji sous le titre Le Togo en 1884 selon Hugo Zöller.
Lomé : Haho/Karthala, 1990, pp. 203-205.
Spitzen besetzte Seidenkleid. Der Frisur ihres
kurzgeschorenen Haares und der Pflege des Mundes widmen
die schwarzen Frauen besondere Sorgfalt; sie haben fast
stets einen stabartigen Zahntocher aus einer gewissen
Holzart, die gleichzeitig als Zahnbürste und als
Zahnpasta dient, zur Hand und verwenden zehnmal mehr Zeit auf die
Pflege ihrer Zähne, als ein Europäer dies thun würde.
Leute aus dem niedern Volke reiben sich wohl ab und zu den Körper mit
Palmöl ein, die Vornehmen aber und namentlich die Frauen der Europäer
mit wohlriechender Salbe und Sandelholz. Ihr nackter Oberkörper sieht dann
häufig so aus, als ob er mit Kreide beschmiert wäre.
In Bezug auf gutes und schlechtes,
hübsches und hässliches Aussehen herrscht unter Negern
fast noch eine größere Verschiedenheit als unter
Europäern. Dem Neuankommenden mißfällt die ganze
Rasse, aber nach und nach findet er Figuren und
Gesichtszüge heraus, die gar nicht so übel
sind. Ich habe manche Photographien mit den Bildnissen
europäischer Kaufleute und ihrer eingebornen Gefährtinnen
gesehen. Letztere erscheinen aber auf allen dieen Bildnissen weit
vorteilhafter als in Wirklichkeit. Für besonders hübsch
gelten die einer gut beanlagten und nicht
schlecht entwickelten Rase angehörigen
Togo- und Povo-Mädchen.
Die Geistes- und Charakterbildung der schwarzen
Lebengefährtinnen ist nicht so vernachlässigt,
als man denken sollte; während sie sich
anfänglich wie wilde Tigerkatzen
gebärden, besänftigt sich allmählich ihr
Nervenystem, und es tritt eine natürliche Anlage zu
harmlosem Scherze hervor, die den von der Gechäftrabeit ausruhenden
Weißen manche heitere Stunde bereitet. Da die schwarzen Frauen nicht
Englisch sprecehen [sic!], so sind ihre Gatten
gezwungen, sich mit der Togo- und PovoSprache
zu beschäftigen, die sie im Verkehre mit ihren Frauen am
leichtesten und angenehmsten erlernen, um sie dann später im
Geschäfte auch auf nutzenbringende Art anzuwenden.
Als ich einmal einen Kaufmann, der sogar
eifersüchtig, sehr sehr eifersüchtig auf seine
schwarze Gefährtin war, fragte, wie er denn mit einem Wesen
leben könne, das an Geistes- und Herzensbildung so tief unter
ihm stehe, erwiderte er: Bringt es nicht die Gewohnheit mit sich,
dass man einen treuen, anhänglichen Hund zu lieben
beginnt? Und anhänglich, wenn auch nicht immer treu
sind diese Frauen. Als ich das letzte Mal fieberkrank war, hat dieses arme
Geschöpf fünf Nächte hindurch schlaflos an meinem
Lager gesessen, zeitweise unterstützt von dem
Hauptmann meiner Kru-Jungen, und als es endlich wieder frei in
meinem Kopfe wurde, das war das erste Gefühl, dessen ich mir bewußt
wurde, daß eine zitternde Hand liebevoll über meine mit
Schweiß bedeckte Stirne strich.« (Zöller 1885: 245f) .
Encadré n° 1
Ein durchaus nicht unbedeutender Teil der für
längere Zeit hier lebenden Kaufleute ist nach
Landesbrauch mit eingebornen Frauen verheiratet; bloß
den Angestellten einer einzigen mit der Mission in
Verbindung stehenden Firma ist dies ausdrücklich
untersagt. Das Heiraten ist hier, wie allenthalben unter
Negern, eine Geld- und Geschäftssache. An die ihre Töchter
anbietenden Eltern wird für Jungfrauen ein Geschenk von 16
Dollars in Geld und 6 bis 8 Dollars in Waren gemacht, so daß
also der Besitz einer Jungfrau auf etwa 100 Mk. zu stehen kommt. Zu
den Hochzeitsfeierlichkeiten, wenn man dieselben so nennen darf, versammelt
sich die ganze Familie der jungen Frau, um die
sogenannten customs« zu begehen, die in Tanzen und
übermäßigem Genusse von Bier und Rum bestehen. Das
Verhältnis der weißen Kaufleute zu ihren schwarzen Frauen ist in den
Augen des Volkes ein vollkommen legitimes ohne jeden
entehrenden Beigeschmack. Diese Frauen sind keine bezahlten Dirnen,
sondern gehören durchweg den ersten Familien des
Landes an. Außer dem geringen an die Eltern
bezahlten Kaufpreise braucht der weiße Mann bloß in
mässiger Weise für den Unterhalt seiner schwarzen Frau zu
sorgen. Wenn auch nicht geleugnet werden kann,
dass die bessere Behandlung, die im Gegensatze zu allem
übrigen Weibern den Frauen der Weißen zu
teil wird, dabei ihre Rolle spielt, so gilt es
unter den Eingeborenen doch auch in jeder Hinsicht als Ehre, die
Frau eines Europäers zu sein. Diesem Ideengange
entsprechend zeigt man an der Sklavenküste eine
große Vorliebe für die in der Gestalt von Mulatten sich
darstellende Verbesserung der Rasse, während man im
Kamerungebiete gerade umgekehrt auf
reine Rasse sieht und alle neugebornen
Mischlinge tötet.
Die schwarzen Frauen wohnen nicht bei ihren weißen
Ehegatten, sondern gehen jeden Morgen in einer
Kleidung, die sich durch
verhältnismäßigen Luxus von der ihrer Mitschwestern
unterscheidet, in ihr Dorf zurück, um erst abends wieder zur Faktorei zu
kommen. Die Weißen pflegen mit ihren schwarzen Frauen
bloß dann gemeinsam zu speisen, wenn sie fieberkrank sind und
sich von denselben pflegen lassen.
Die Kleidung der von den Weißen
Auserwählten ist diejenige der übrigen
jungen Frauen, ausgenommen, dass zu dem kurzen
Hüftentuche noch ein andres
toga-ähnliches, beim Ausgehen über die eine
Schulter geschlagenes Gewand hinzukommt.// Perlen und
sonstiger Schmuck umgehen Nacken und
Handgelenke. Auch möge man nicht glauben,
dass dürftige Kleidung in allen Fällen die
Toilettenkosten auf das geringste Maß
herabsetze; ich habe Mädchen gesehen, die nichts
weiter als eine um die Hüften gewundene Schnur Korallen und
Perlen trugen und deren Tracht dennoch kostspieliger war
als das eleganteste, mit echten
1.3.2 - Max Buchner et le concubinage comme «
solution hygiénique » La vie en concubinage d'un Européen
avec une Africaine dans les colonies était parfois
considérée, non pas comme un problème, mais comme une
solution à un problème. Max Buchner premier Commissaire
Impérial allemand au Cameroun, fit l'observation suivante: Mais en
ce qui concerne la fréquentation des filles du pays, il faut y voir plus
une manière de promouvoir la santé plutôt que de la mettre
en danger. [...] Avoir une amie intime, cela vous préserve de
bien de dangers.«29 Buchner voyait sans doute dans l'union
mixte entre un Allemand et une Africaine une mesure salutaire d'hygiène
sexuelle qui fait éviter le vagabondage et la multiplication des
partenaires.
Voici l'extrait qui exprime la position de Buchner en
1887, avec son argumentation30 :
On entend souvent dire chez nous que les jeunes
négociants en Afrique de l'Ouest ruinent leur santé par une vie
de débauche. Il est vrai que la soif d'alccol fait là-bas pas mal
de victimes, notamment dans les rangs des Anglais. Il faut mettre ces cas sur
le compte du climat. Car, en Europe, ces personnes n'auraient certainement pas
eu besoin de se saoûler. La chaleur et la fièvre causent trop
souvent une envie maladive de boire que l'eau tiède n'arrive pas
à satisfaire, si bien que l'on réclame des boissons plus fortes
pour contrebalancer. Mais en ce qui concerne la fréquentation des filles
du pays, il faut y voir plutôt une manière de promouvoir la
santé que de la mettre en danger.Sous la peau noire aussi,
l'éternel féminin reste un excellent fétiche contre
l'abrutissement du caractère qui vous envahit trop facilement quand on
vit dans la solitude en Afrique. En outre, dans cette affaire, il faut tenir
compte aussi des avantages pratiques pour la sécurité
personnelle. Avoir une amie intime, cela vous préserve de bien de
dangers. Chacun peut avoir son opinion à propos du caractère
immoral de telles relations. Mais à propos de ce que les missionnaires
pieux affirment souvent, à savoir que leurs fidèles feminines
sont soumises à toutes sortes d'immorales astuces de séduction de
la part des factoristes blancs,il semble bien que ce soit souvent tout à
fait le contraire.
29 `'Was aber den freien Umgang mit den
Töchtern des Landes betrifft, so ist drin mehr eine Förderung als
eine Schädigung der Gesundheit zu erblicken. [...] Eine intime schwarze
Freundin zu haben, schutzt vor manchen Gefahren» (Buchner 1887:
245f)
30 Man begegnet bei uns oft der Meinung, dass die
jungen Kaufleute in Westafrika ihre Gesundheit durch ein ausschweifendes Leben
ruiniren. Es st [sic!] wahr, dass die Trunksucht dort manches Opfer fordert,
namentlich unter den Engländern. Derlei Fälle sind unbedingt auf die
Rechnung des Klimas zu setzen. Denn zu Hause in Europa wären die
Betreffenden wahrscheinlich nüchtern geblieben. Hitze und Fieber erzeugen
nur zu häufig einen krankhaften Durst, den das lauwarme Wasser nicht zu
stillen vermag, so dass man nach stärkeren Gegenreizen verlangt. Was aber
den freien Umgang mit den Töchtern des Landes betrifft, so ist darin mehr
eine Förderung als eine Schädigung der Gesundheit zu erblicken. Das
ewig Weibliche ist auch unter der dunklen Haut ein vortrefflicher Fetisch gegen
die Verkümmerung des Gemütes, der man in afrikanischer Einsamkeit so
leicht verfällt. Außer diesem seelischen Werte kommen aber auch in
derselben Angelegenheit noch praktische Vorteile der persönlichen
Sicherheit in Betracht. Eine intime schwarze Freundin zu haben, schützt
vor manchen Gefahren. Über das Unmoralische derartiger Verbindungen
lässt sich streiten. Aber was die frommen Missionare so oft behaupten,
nämlich dass ihre weiblichen Lämmer von Seiten der sittenlosen
Faktoristen den Nachstellungen teuflischer Verführungskünste
ausgesetzt seien, verhält sich meist umgekehrt.« (Buchner 1887 :
154f)
L'opinion de Buchner est du reste confirmée
ultérieurement par le « sexologue » allemand Felix Bryk,
auteur de l'ouvrage à sensation paru en 1924 sous le titre
Neger-Eros - Ethnologische Studien über das Sexualleben bei
Negern (Eros nègre - Etudes ethnologiques sur la vie sexuelle
chez les Nègres), traduit en anglais dès 1933 et
réédité sous le titre Voodoo-Eros (en 2001). Bryk
affirme31: La question des relations sexuelles des Blancs avec
les Noires fait partie des questions les plus vitales de toute la politique
coloniale, parce qu'elle se rapporte, avant tout, aussi bien au bien-être
corporel qu'au bien-être mental des colons blancs, évidemment, le
bienêtre du Noir ne compte pas. Mais pour des raisons d'hypocrisie, cette
question n'a pas été abordée publiquement jusqu'à
présent.« Et Bryk ajoute32 Je ne connais aucun
homme blanc en bonne santé qui ait vécu longtemps dans les
colonies, sans avoir eu régulièrement des rapports avec des
femmes noires, et cela concerne tous les hommes de toutes les couches
sociales.«
On peut donc constater que l'union mixte
n'était ni problématique, ni stigmatisée avant
l'arrivée des Allemands en 1884, mais Zöller suggérait
déjà que cela devrait changer. Et cela allait rapidement changer,
notamment, dès l'arrivée du Commissaire Jesko von Puttkamer au
Togo33. Puttkamer confirmait les observations de Zöller,
notamment dans un rapport adressé à la Chancellerie
Impériale à Berlin dès le 31 mai 1888 (cité in
Sebald 1992 :112) : Dans ce protectorat [du Togo], il arrive
souvent que les Européens établis ici fassent des enfants avec
des filles du pays. [...] La plupart du temps, les Européens
concernés cherchent généralement à garantir tant
bien que mal l'avenir de leurs enfants.« C'est
précisément le cas de Heinrich Friedrich Achille Eccarius dont
les enfants métis sont nés à l'orée de la
colonisation allemande : l'administration colloniale n'a pas encore les moyens
de lutter contre les relations entre Allemands et Africaines ; elle se contente
donc de prendre acte, tout en prenant le temps de réfléchir sur
la meilleure manière de lutter contre cette situation. Voyons donc
l'évolution du cas des enfants de H. F. Achille Eccarius.
31 Die Frage der geschlechtlichen Beziehungen der
Weißen zu den Schwarzen gehört zu den vitalsten der gesamten
Kolonialpolitik, weil sie sich vor allem auf das körperliche wie seelische
Wohl des weißen Kolonisten - das des Schwarzen zählt ja nicht -
bezieht ; sie wurde aber aus heuchlerischen Motiven bisher öffentlich
nicht erörtert.« (cité in Petschull 1984
:132)
32 Ich kenne keinen gesunden weißen Mann,
der längere Zeit in den Kolonien gelebt hat, ohne regelmäßige
Beziehungen zu schwarzen Frauen gehabt zu haben, und das betrifft Männer
in allen gesellschaftlichen Schichten.« (cité in Petschull
1984 : 124)
33 En juillet 1887, il devient commissaire
intérimaire du Togoland, puis consul à Lagos en août 1888
et de nouveau commissaire impérial pour le Togo de 1889 à 1893
avec le titre de Landeshauptmann« source:
http://fr.wikipedia.org
consulté le 08-11-2011.
1.3.3 - La descendance de Heinrich Friedrich Achille
Eccarius
Au début des années 1880, le
commerçant allemand Heinrich Friedrich Achille Eccarius, agent de la
firme « Hansa Faktorei (Max Grumbach) » à Aneho, a eu de son
union avec la fille du roi d'Agbanakin, deux enfants. La publication
consacrée à cette union mixte (Oloukpona-Yinnon &
Béré-Coulibaley 2007)34 montre comment ce couple a
engendré en Afrique une véritable collectivité dont le
Juif allemand Heinrich Friedrich Achille Eccarius est
l'ancêtre.
Heinrich Friedrich Achille Eccarius est un
personnage-clé des événements qui ont conduit à la
proclamation du protectorat allemand sur le Togo en 1884. Il constitue avec
Randad et Daake le trio de commerçants allemands qui forca la main au
Capitaine Stubenrauch en février 1884 pour obtenir l'intervention
militaire de ce dernier à Aného, le 3 février. C'est dans
la « Hansa-Faktorei (factorerie Hansa) dont il était le
gérant, que se tinrent des pourparlers préliminaires avec
l'officier allemand, les notables locaux et les commerçants allemands de
la place. Son nom apparaît à plusieurs reprises dans les rapports
du Capitaine Stubenrauch35, de même que dans ceux de Gustav
Nachtigal qui passa d'ailleurs une nuit dans sa maison à
Aného.36
Selon l'enquête orale menée par les
auteurs de l'article sur cette famille, le premier métis de la
première lignée de la descendance métisse du Juif allemand
Heinrich Friedrich Achille Eccarius s'appelait Wingoln Achille Eccarius,
né vers 1880, du négociant Heinrich Friedrich Achille Eccarius,
un Juif allemand, et de Founikè Kéchtéché, fille
aînée du roi de Grand Popo. Il se maria à une
Béninoise et ils eurent une fille née vers 1912. Mais celle-ci
n'ayant pas eu d'enfants, cette première lignée s'éteignit
avec sa mort. Le fils cadet du Juif allemand Heinrich Friedrich Achille
Eccarius s'appelait Henri Achille Eccarius (donc une simple francisation des
prénoms du géniteur), il est né vers 1883, du même
père et de la même mère. Après ses études
primaires, Henri Eccarius fut recruté en 1899 comme enseignant à
l'Ecole Gouvernementale allemande à Zébévi (Aného)
où il exerca jusqu'en
34 La descendance africaine de H. F. Achille Eccarius,
un Juif allemand au Togo. Par Franceline CoulibaleyBéré &
Adjaï Paulin Oloukpona-Yinnon, in : Adjaï Paulin Oloukpona-Yinnon
(éd.): Le Togo 1884-2004 : 120 ans après Gustav Nachtigal.
Connaître le passé pour mieux comprendre le présent. Actes
du Colloque International de Lomé des 27, 28 et 29 septembre 2004:
Lomé, PUL, 2007 pp. 293-310
35 Cf. Woulamatou Gbadamassi & A.Paulin
Olokpona-Yinnon (éds) : Le Capitaine Wilhelm
Stubenrauch
à Aneho (Togo) en 1884 : Documents de la
S.M.S. Sophie« (janvier-février 1884) - Stubenrauchs Berichte aus
Westafrika (Januar bis Februar 1884). Dokumente zur Geschichte Togos Edition
bilingue français-allemand Deutsch-französische Ausgabe.
Document inédit, à paraître instamment.
36 Cf, Peter Sebald : Les cinq jours du Dr. Nachtigal
au Togo /2-7 juillet 1884), in : Adjaï Paulin OloukponaYinnon
(éd.): Le Togo 1884-2004 : 120 ans après Gustav Nachtigal.
Connaître le passé pour mieux comprendre le présent. Actes
du Colloque International de Lomé des 27, 28 et 29 septembre 2004:
Lomé, PUL, 2007 pp. 1751
1901, puis émigra vers le Cameroun où il
fonda une grande famille qui devint prospère. Retourné au Togo,
Henri Achille Eccarius est décédé à Lomé le
1er octobre 1957.
Illustration n° 7 : Henri Eccarius-Achille, fils
de Heinrich Friedrich Achille Eccarius (source :
Coulibaley-Béré & Oloukpona-Yinnon 2007 : 310)
Comme Jacob Protten Africanus en son temps, Henri
Eccarius-Achille fait partie des « métis allemands » du Togo
qui ont eu le droit incontestable et incontesté de porter le nom de leur
géniteur allemand, et même de transmettre ce nom à leur
propre progéniture, sans qu'aucune administration ne puisse les en
empêcher. Mais cela va rapidement et radicalement changer avec les
métis allemands de l'époque coloniale proprement
dite.
1.4 - Quelques exemples de métis de
l'époque coloniale allemande
Dans la période précoloniale et dans les
premières années de la colonisation allemande, le
phénomène des mariages mixtes ne subissait aucun contrôle
officiel, et les enfants nés de telles unions voyaient, certes, leur
destin lié à la bonne ou à la mauvaise volonté du
géniteur blanc, mais en vérité, c'était
généralement la famille africaine de chaque mère qui,
riche ou pauvre, assurait avec cette dernière l'éducation et la
formation de l'enfant. Jusque dans les années avant la fin de la
colonisation, le comportement immoral et irresponsable des administrateurs
allemands était souvent dénoncé. Dans un article
du
Gold Coast Leader (1912), le journaliste
écrit à propos de la débauche des fonctionnaires
coloniaux37 allemands:
The Togo-Germans are destitute of moral training.
They are of German conscription and German militarism locked up in the fort for
years under a severe and rigid training; they have lost all their high
attainments of moralism. These barbarians here are brought in Africa to
contaminate the poor virgins of the Gold Coast and Togoland. If you want a
proof I will give you. [...]
Au fur et à mesure que s'amplifiait le
phénomène et qu'il s'accompagnait souvent de problèmes
sociaux (abandons, errance etc.) que tout le monde pouvait observer, la
nécessité de contrôler la situation s'imposait de plus en
plus. Au Togo, on peut considérer que le premier déclic
décisif pour l'administration fut la naissance de Josef Comla, fils du
gouverneur August Köhler en personne. C'était là une affaire
très délicate pour l'ensemble de l'administration coloniale, et
probablement très embarrassante pour l'administration coloniale à
Berlin, si jamais celle-ci venait à en être officiellement
informée. La documentation que nous avons rassemblée dans le
présent mémoire, prouve que la gestion de cette affaire fut
discrète.
1.4.1 - Josef Comla, fils du gouverneur August
Köhler : embarras et discrétion Le « mulâtre Josef Comla
», comme on l'appelait à l'époque, est né le 17 mars
1897 de l'Allemand August Köhler et de la Togolaise Douha (ou Doaha,
Johaha ou Dualia, selon les documents). A cette date, le père portait
encore le titre de « Landeshauptmann » (Chef de l'Administration du
Territoire) du Togo, avant de devenir officiellement quelques mois plus tard,
en 1898, « Gouverneur de la colonie du Togo ».
37 Gold Coast Leader du 6 juillet 1912, auteur:
Quashie«
Illustration n° 8a : le Gouverneur Köhler en
1901 (Source : Meinecke 1901: 2)
August Köhler, né le 30 septembre 1858
à Eltville (sur le Rhin, près de Wiesbaden), avait
été d'abord juge assesseur avant d'entrer à la Direction
des Affaires coloniales au Ministère des Affaires Etrangères
à Berlin, en février 1891. La même année il fait
partie de l'expédition de Curt von François dans le Sud-Ouest
Africain Allemand (aujourd'hui Namibie), en tant que Conseiller pour les
questions juridiques, à la suite de quoi il est demeuré
administrateur dans cette colonie juqu'en 1894. C'est en février 1895
qu'il est affecté au Togo38. Il venait donc de faire à
peine deux ans au Togo lorsque survint la naissance de Josef Comla. Ceci
suppose qu'il a eu cette liaison très peu de temps après son
arrivée. Or, en tant qu'autorité suprême de la colonie, il
avait la réputation d'être un
38 Köhler prenait ainsi la succession de Puttkamer
nommé gouverneur au Cameroun. Il sera d'ailleurs souvent appelé
à assurer l'interim de Puttkamer comme gouverneur du Cameroun (Sebald
1958:158)
40
homme sévère : « Er galt als
energischer Verfechter deutscher Sitte und Moral »39 (Il
était considéré comme un défenseur énergique
de la morale et des moeurs allemandes). Son portrait ornait des cartes
postales, comme on le voit dans l'illustration n° 8a. Il est mort le 20
janvier 1902, à Lomé40 et est enterré au
cimetière municipal de Lomé où sa tombe demeure la plus
prestigieuse parmi celles de tous les Allemands qui y reposent..
Deux actes historiques fondamentaux ont marqué
l'action d'August Köhler à la tête de l'administration
coloniale au Togo : c'est lui qui a signé et appliqué l'acte de
transfert de la capitale de la colonie d'Aného-Zébé
à Lomé le 06 mars 1897 ; c'est aussi sous lui que fut
décidée la construction du Palais du Gouverneur qui est devenue -
et qui reste encore aujourd'hui - l'une des plus belles réalisations et
attractions de la capitale Lomé.
Dans les documents officiels, le fils du gouverneur
est appelé tout court « Josef Comla ». Les auteurs des
documents évitent ainsi - autant que possible - de mentionner le nom du
père, August Köhler. Peu de temps après sa naissance, Josef
Comla est discrètement confié à un autre administrateur
allemand nommé Jacobi, assistant des douanes, nouvellement arrivé
dans la colonie, et qui a - pour ainsi dire - adopté l'enfant et «
épousé » sa mère avec laquelle il aura un autre
enfant nommé Paul Quakuvi Jacobi.
Pendant dix ans, les textes ne révèlent
rien de l'enfant du gouverneur, ni d'ailleurs de sa mère, sans doute
parce qu'il y a eu dès 1898 entre August Köhler et le douanier
Jacobi une sorte de « gentleman agrement » dont les termes
ne sont pas rendus publics. Une chose est certaine : monsieur Jacobi s'est bien
occupé de Josef Comla, comme il l'a fait de son propre fils Paul
Quakuvi. Lorsque dix ans plus tard, la prolifération des métis
allemands était devenue un problème public, le gouverneur Zech
prit des mesures pour gérer la situation. C'est dans ce contexte que
l'affaire du fils du gouverneur devient publique, puisqu'elle va faire l'objet
de procédures judiciaires dont les documents ici présentés
en retracent le contenu.
39 Petschull 1984 :124
40 H. Seidel écrit, sans doute par erreur
« à l'âge de 42 ans », cf. Heinrich Seidel in
Globus Band 81 (1902/1), pp. 208-209: Togo im Jahre 1901. Unser
Bericht über die letztjährige Entwicklung des Schutzgebietes muss
diesmal mit einer Todesanzeige beginnen. Im Januar verstarb in Lome der
bisherige Gouverneur A. Köhler, nur 42 Jahre alt, nachdem er beinahe 11
Jahre im Kolonialdienst thätig gewesen war. Er hatte zuerst in
Südwestafrika und dann - seit 1895 - in Togo gewirkt, zu dessen
höchstem Amt er 1898 aufgerückt war. Auf seinem Posten erwies er sich
stets als ein gerader, ehrlicher Charakter, dem das Gedeihen des Landes
ernstlich am Herzen lag. Sein Hingang bedeutet daher einen schweren Verlust
für die Kolonie, der er den Ruf verschafft hatte, dass sie von allen
unseren auswärtigen Besitzungen die am besten verwaltete sei. Bekannt und
geschätzt waren u.a. die klaren, eindringenden Berichte, die während
seiner Amtsführung von den Bezirks- wie Stationsleitern nach Deutschland
gesandt wurden. Sie gaben fast immer ein zutreffendes Bild der jeweiligen Lage
und wurden deshalb nicht selten als Muster für gewisse andere
Kolonialverwaltungen hingestellt. [...]»
Le 21 mars 1907 (Josef Comla avait alors 10 ans et son
père était décédé depuis 5 ans), le
gouvernemeur Zech demanda aux héritiers allemands du feu gouverneur
Köhler de s'occuper des frais de scolarité et d'hébergement
de son enfant métis. Certes, la garde de l'enfant avait
été confiée à l'assistant des douanes Jacobi qui,
jusque là, s'en occupait assez bien, mais les dépenses
effectuées ne lui étaient pas remboursées, ni par la
famille Köhler, ni par l'administration coloniale. Dans un document en
date du 16 août 1909, l'assistant des douanes Jacobi
déclare41:
Je ne reconnais aucune obligation de prendre soin de
l'enfant métis Josef Komla. L'enfant était
néavant mon arrivée dans la colonie. Dans
l'intérêt de la mère de Komla, je suis prêt à
acheter pour
l'enfant métis Paul dont je suis le
géniteur, la moitié-arrière du lot acquis pour Komla, si
l'accès à cette moitié-arrière est garanti par un
passage légal dûment notifié, et si je suis
autorisé, en contrepartie, à construire sur le reste du lot de
Komla une maison d'une valeur minimale de 250 marks. Komla sera
propriétaire de cette maison, cependant, mon enfant et sa mère
doivent avoir le droit d'y vivre au moins 5 ans.
Cette déclaration suppose qu'il y a eu une
plainte, mais il n'est pas facile de savoir de qui elle provenait: de la
mère de Josef Comla et Paul Quakuvi ou des parents maternels du fils du
gouverneur qui auraient appris que les héritiers de ce dernier avaient
droit à une part d'héritage ou de dédommagement, ou encore
de la part de la Mission Catholique à Lomé qui avait pris
l'enfant en charge dans son école. Cela n'est pas facile à
établir avec certitude à partir des documents relatifs à
cette affaire. Quoi qu'il en soit, une note officielle en date du 6 aôut
1907 précise42
L'argent n'est pas encore parvenu. Jusqu'à
présent, Jacobi n'a pas encore introduit de requête de liquidation
et déclare à ce sujet, qu'il ne peut pas le faire. Il propose
d'acheter au jeune-homme, avec l'argent de l'héritage de Köhler, un
terrain sur lequel il pourrait vivre avec sa mère : La Mission
Catholique accorde depuis un an le gîte et le couvert à Jos.
Köhler, elle va formuler aussi ses prétentions [à
l'héritage], dès qu'elle sera informée de l'arrivée
de l'argent. La meilleure solution devrait être de prendre le jeune homme
comme pensionnaire de l'nécole gouvernementale.
Jacobi mourut en 1912 à Leipzig, laissant
derrière lui un fils métis, Paul Quakuvi, à qui il
a fait don d'un terrain et d'une maison pour respecter la coutume des
Européens de dédommager les enfants issus de rapports
extra-conjugaux avec une indigène. Selon les
41 Irgendeine Verpflichtung, für das
Mulattenkind Josef Komla zu sorgen, erkenne ich nicht an. Das Kind war vorher
geboren, bevor ich ins Schutzgebiet kam. Im Interesse der Mutter des Komla bin
ich bereit, die hintere Hälfte des für Komla erworbenen
Grundstückes für das von mir erzeugte Mulattenkind Paul zu kaufen,
falls der Zugang zu dieser Hälfte durch eine entsprechende
Weggerechtigkeit gesichert und mir gestattet wird, als Entgelt auf dem dem
Komla verbleibenden Restgrundstück ein Haus im Werte von mindestens 250 M
zu errichten. Komla soll das Eigentum an diesem Haus haben, jedoch soll mein
Junge und die Mutter auf mindestens 5 Jahre ein Wohnrecht in dem Haus
behalten.«
42 Das Geld ist noch nicht eingetroffen. Jacobi
hat bislang noch keine Liquidation eingereicht und erklärt sich hierzu
ausser Stande. Er schlägt vor, dem Jungen von dem Geld der
Köhlerschen Erben ein Grundstück zu kaufen, auf dem er mit seiner
Mutter wohnen könnte. Die Kath.Mission gibt seit einem Jahr dem Jos.
Köhler Wohnung und Essen, sie wird mit ihren Ansprüchen kommen,
sobald sie von dem Eintreffen des Geldes Kunde hat. Es dürfte am
zweckmässigsten sein, den Jungen als Kostschüler in die
Regierungsschule aufzunehmen.«
notes d'archives du commissaire de police Bähr en
date du 14 avril 1913, le fils de Jacobi aurait été
embauché à la direction d'une l'entreprise, et Josef Comla
continuerait à fréquenter l'école de la mission
catholique, et il n'y aurait plus d'argent auprès du gouvernement
colonial pour ces deux enfants.
Illustration n° 8b : Köhler, père et
fils, jamais réunis !
Face à la confusion qui règne dans les
documents allemands au sujet de cette affaire, il est important de prendre en
considération le seul témoignage direct dont nous disposons sur
elle : l'interview que le fils du gouverneur, Josef Comla, a donnée
à monsieur Simtaro en 1981 et à travers laquelle nous apprenons
qu'en fait, sa mère s'appelait Duaha (ce qui signifie « à
côté de la ville ») et qu'elle fut baptisée Hanna
(Simtaro 1982 :673).
Lorsque le journaliste allemand Jürgen Petschull,
pour les besoins du Centenaire de la colonisation allemande en Afrique en 1984,
effectua un voyage au Togo et rendit visite à Josef Comla, ce dernier,
vieux et malade, l'accueillit avec ces mots appris par coeur : « Ich
bin Joseph Köhler, der Sohn des Gouverneurs » (Je suis
Joseph Köhler, le fils du gouverneur »)43. En
réalité, il n'a jamais eu le droit de porter ce nom du temps des
Allemands, et rien de sa vie ne porte la marque du rang du gouverneur qui fut
son géniteur. Qu'a-t-il gardé comme
43 Cité in Petschull 1984 :124
souvenir de son père ? Ce dernier l'a-t-il
jamais pris une fois dans ses bras ? L'a-t-il reconnu comme son enfant,
même extra-conjugal ? S'est-il occupé de lui ? Dans le jugement
final qui a clôturé l'affaire de Josef Comla - du moins selon les
documents ici présentés - ce dernier devait payer à sa
mère une partie des sommes que Jacobi avaient investies pour son
éducation et la construction de son logement, car Jacobi avait
déclaré devant le juge Dr. Asmis44 :
Mais je m'engage à faire au profit de Josef
Komla des dépenses supplémentaires au delà des 250 marks,
uniquement à condition que Josf Komla prenne l'engagement de rembourser
à sa mère Tohaha, dès qu'il le pourra, le montant des
dépenses supplémentaires engagées pour lui. Jusqu'au
remboursement total de cette dette, Tohaha doit avoir le droit d'utiliser aussi
l'habitation de Komla.
Josef Comla aura ainsi à payer, dès
qu'il aura commencé à travailler, une somme estimée
à plus de 530 marks à l'époque. Il y a de quoi penser que,
depuis son enfance, il doit avoir vécu sa naissance comme un mauvais
sort qui lui fut jeté.
Nous aurions voulu connaître bien de choses sur
la vie de Josef Comla Köhler, mais il n'est pas certain que ses desendants
soient disposés, à l'instar des autres familles de métis,
à étaler sur la place publique, leur version de l'histoire du
« fils du gouverneur », encore moins celle de sa mère qui fut
sans aucun doute la double victime dans cette affaire : deux enfants à
charge fils de deux pères différents, aucun vrai statut de
conjointe reconnue, identité totalement occultée et niée.
Qu'a-t-elle été toute sa vie : une «maîtresse »,
une « concubine », une « épouse », ou tout
simplement une « fille-mère » ? En effet, non seulement il
règne la plus grande confusion dans les textes au sujet de son nom
(Tohaha, Dohaha, Dualia), mais à travers ces documents allemands, on
n'apprend pratiquement rien sur son origine et sur sa famille, sur sa vie et
sur son parcours. Et surtout rien sur sa liaison avec le gouverneur
Köhler. Comme si elle n'avait pas existé !
August Köhler ne fut pas le seul gouverneur du
Togo à avoir engendré un métis au Togo. Le dernier
gouverneur du Togo, Adolf Friedrich Herzog zu Mecklenburg, eut lui aussi un
fils nommé Koffi (Simtaro 1982 : 896). Il est connu au Togo sous le nom
de Herzog Koffi, bien que « Herzog » ne soit pas le nom de famille de
son père allemand. C'est pourquoi, dans ce cas aussi, le secret fut bien
gardé. Le Vice-Gouverneur Hans-Georg von Doering eut aussi plusieurs
enfants dont un fils connu sous le nom de « Vondoli », une
déformation du nom de son père allemand, et une fille
nommée Luise von Doering.
44 Zu den Mehrleistungen über den Betrag von
250M hinaus zu Gunsten des Josef Komla verpflichte ich mich aber nur unter der
Bedingung, dass Josef Komla verpflichtet wird, den für ihn aufgewandten
Mehrbetrag an seine Mutter Tohaha zurückzuzahlen, sobald er erwachsen ist.
Bis zur Tilgung dieser Schuld soll die Tohaha für sich berechtigt sein,
auch den Komla'schen Raum zu Benutzen.«
1.4.2 - Les enfants de Hans Gruner
Hans Gruner est arrivé au Togo en 1892 et
devint le chef de la Station de Misahöhe. Docteur en philosophie, le
lieutenant de réserve Gruner, resté célèbre au Togo
par son poids et sa remarquable connaissance des coutumes évhé de
Palimé.« (Cornevin 1969:148), il est nommé chef de
l'expédition allemande vers l'hinterland du Togo
(Togo-Hinterland-Expedition«) de 1894 à 1895, et devint ainsi
l'initiateur de la plupart des traités signés avec les souverains
de l'intérieur du pays qui donneront lieu aux négociations pour
la formation territoriale du Togo allemand. Comme cette expédition
partie de Misahöhe le 5 novembre 1894 le mena jusqu'au fleuve Niger, Hans
Gruner peut aussi se vanter d'avoir été l'un des premiers
administrateurs coloniaux allemands à sillonner la quasi-totalité
du Togo allemand. Il participa aussi aux diverses guerres de conquête de
1896-1897, notamment en pays bassar, konkomba, tchiokossi. Par contre,
malgré son titre de docteur en philosophie qui faisait de lui - a
priori - plutôt un intellectuel, il a très peu publié
de contributions scientifiques45 sur le Togo où il a pourtant
vécu, de manière presque continue, de 1892 à 1914. Il n'a
d'ailleurs jamais pu terminer et publier ses notes de voyages qui n'ont
été éditées et publiées qu'en 1997 sous le
titre Vormarsch zum Niger. Die Memoiren des Leiters der
Togo-Hinterland-expedition 1894/1895. Dans le commentaire de l'historien
Ulrich van der Heyden, éditeur de la collection Cognoscere dans laquelle
paraît cette publication (p. 412), les documents publiés sont
considérés comme une forme de rencontres culturelles«
(Kulturkontakt« entre les Allemands et les pays étrangers
concernés. Dans le cas de Hans Gruner, ses Mémoires ne peuvent
guère être lus comme une rencontre entre la culture allemande et
la culture togolaise, mais plutôt comme une documentation
détaillée des méthodes et des moyens mis en oeuvre dans la
tentative allemande de conquête de l'hinterland du Togo en
1894-1895.
45 Cornevin (1969) signale de lui seulement un
commentaire d'une carte (H. Gruner: Begleitworte zur Karte des
Sechsherrenstocks [Amandeto], in : Mitteilungen von Forschungsreisenden und
Gelehrten aus den deutschen Schuztgebieten, 26, 1913, p. 26) et deux
co-publications (H. Gruner/A. Mischlich, v. Seefried/V. Danckelmann : Über
das Harmattanphänomen inTogo, in : Mitteilungen von
Forschungsreisenden und Gelehrten aus den deutschen Schuztgebieten, 12,
1899, p. 1, et H. Gruner/E. Baumann : Die Resultate der meteorologischen
Beobachtungen in Misahöhe, in : Mitteilungen von Forschungsreisenden
und Gelehrten aus den deutschen Schuztgebieten, 9, 1896, p.
53.).
Illustration n° 9a : Les trois « héros
de l'expédition de 1894-1895 : Dr. Hans Gruner assis au milieu, Ernst
von Carnap-Quernheimb debout à droite et Dr. med. Richard Doerung
debout à gauche (source : Gruner 1997:9)
A propos de Gruner lui-même, Ulrich van der Heyden
écrit (p. 413)46:
Gruner avait une capacité d'observation
intacte et n'avait pas, comme plusieurs de ses semblables de caste et de
profession, des préjugés envers les Africains. Il n'était
à proprement parler, ni un ami, ni un admirateur des Africains, ni un
défenseur de leurs droit face aux exactions de conquête des
Allemands, mais il restait un observateur lucide et
intelligent.
En réalité, les mémoires de Hans
Gruner ne concernent que la toute première partie de sa traversée
de l'Afrique, et comme il s'agissait en grande partie d'un document
destiné à l'opinion publique, il s'était bien gardé
d'y mentionner les événements personnels de sa vie privée.
Ses Mémoires donnent donc de lui, l'image d'un homme sérieux et
rigoureux,
46 Gruner verfügte indes über eine
unbelastete Beobachtungsgabe und war weit weniger voreingenommen gegenüber
den Afrikanern als viele seiner Standes- und Berufsgenossen. Er war kein
ausgesprochener Freund oder Bewunderer der Afrikaner oder ein Verteidiger ihrer
Rechte gegenüber den kolonialen Eroberungsgelüsten Deutschlands, aber
er war ein nüchterner und intelligenter Beobachter.«
46
intègre et irréprochable. Cela est moins
vrai pour l'autre page de sa vie d'administrateur colonial. Donc deux vies,
deux faces. Selon Robert Cornevin (1969: 172), Hans Gruner fait partie des
premiers administrateurs [qui] ont laissé dans le souvenir
des indigènes une marque profonde. A Palimé, dans les palabres,
on invoque longtemps le souvenir du Dr Gruner. « Mais Cornevin, un
des administrateurs français qui ont pris la relève des Allemands
au Togo, ne précise pas la nature exacte des souvenirs que la population
garde de Hans Gruner. Et pour cause ! Cet administrateur allemand avait
visiblement un goût immodéré pour les filles du pays. Ses
« frasques sexuelles » ont fait l'objet de critiques publiques dans
le journal Gold Coast Leader de cette époque qui affirme qu'il
avait un vrai harem« au Togo. Dans le Gold Coast Leader du 30
décembre 1911, un journaliste écrit sur l'immoralité des
fonctionnaires coloniaux allemands, et particulièrement leur vie
sexuelle, en citant Hans Gruner comme prototype : «Go to Kpalime and
you will see Dr. Grunar there, surrounded by his proud secretaries. Go to the
Government House at Misahoe, and you will see him surrounded by a host of black
girls, and yet he hates the black man.» 47 Dans un autre
article du Gold Coast Leader (1912), le journaliste reprend à
propos de la débauche des fonctionnaires coloniaux48:
Grunar, the King of Valanie, with his Harems of young girls, he has since
married [1912 a German wife]49. Comme on peut le voir
sur une photo coloniale (illustration n° 9b), sa favorite du moment est
visiblement le principal objet d'exhibition de l'administrateur. Elle a
posé torse nu, les seins nus exposés aux regards de tout le
monde, même des jeunes garçons qui servaient le maître comme
elle-même. Mais a-t-elle posé volontairement ou selon la
volonté de son « maître »? Nous avons ici une
illustration partielle de l'esprit d'immoralité et de débauche
que dénoncent les journalistes du Gold Coast Leader, qui sont
d'ailleurs des Togolais exilés en Gold Coast à cette
époque. Désormais maîtres du pays dans toute la colonie,
les administrateurs coloniaux se comportaient en véritables potentats
locaux, assurés de l'impunité en ce qui concerne les questions de
moeurs, car ils ne faisaient qu'imiter la plus haute autorité de la
colonie : le gouverneur.
47 Gold Coast Leader du 30 décembre 1911,
Quashie
48 Gold Coast Leader du 6 juillet 1912,
Quashie
49 Il faut noter que Hans Gruner ne dit aucun mot sur
ses frasques amoureuses au Togo dans ses Mémoires parus sous le titre
Gruner, Hans, 1997 : Vormarsch zum Niger. Die Memoiren des Leiters der
Togo-HinterlandExpedition 1894-189 Berlin : Edition Ost,
édité par Peter Sebald.
Illustration n° 9b : Dr. Hans Gruner, chef du
District de Misahöhe (source : Trotha 1994 : 85). Légende de la
photo (en noir & blanc) 50: Stationsleiter Dr. Hans Gruner
vor dem im Bau befindlichen Hauptgebäude der Station Misahöhe mit
(stehend v.l.n.r.) Max Bruce, Diener, William Bruce, Koch und Diener, Karl
Garber, Dolmetscher, Foli, Diener, Fritz Togbe, Diener«
Apparemment, dans une troisème phase de sa vie,
ce qui est historiquement décrit comme « frasques » dans la
vie de l'administrateur Hans Gruner, a manifestement un peu changé,
puisque sa vie dans la colonie s'est couronnée par des liaisons qui ont
donné une famille togolaise parfaitement honorable, avec deux enfants
devenus des Togolais respectés : Johannes Kodjo Gruner et Hans Komla
Gruner (Simtaro 1982: 695, interview n° 9). Hans Gruner - selon les
témoignages ultérieurs - a assumé avec une
honorabilité exemplaire, ses responsabilités
paternelles.
50Source: Staatsbibliothek
Preußischer Kulturbesitz, Berlin, Nachlass 250 (Dr. Hans Gruner), Kasten
23
48
Illustration n° 9c : « Hans Komla Gruner »
à Lomé (dans les années 1980) avec les photos de ses
parents
Selon les propos de Hans Komla Gruner lui-même,
il est né le 26 octobre 1910, cela correspond approximativement à
la période où son père Hans Gruner semble s'être
assagi après, presque 20 ans après son arrivée dans la
colonie du Togo.
Dans l'interview qu'il a accordée au
journaliste Petschull à Lomé, Hans Komla Gruner51
raconte comment son père Hans a connu sa mère Nutsua à
Kuma-Tokpli, dans le Kloto52:
Mon père fit, avec sa troupe allemande, son
entrée à cheval dans un village situé dans
l'arrière-pays du Togo, près de Misahöhe. Pour l'accueillir,
il fut organisé par les indigènes un grand tam-tam. Les hommes
battaient le tam-tam et les femmes dansaient. Mon père jeta dans la
foule, en guise de cadeau, des pièces de monnaie. C'est là que
mon père a vu ma mère pour la première fois. En effet,
contrairement aux autres, elle ne s'est pas baissée pour ramasser les
pièces; elle est restée debout à regarder les
étrangers d'un air de rejet, presque
d'hostilité.«
51 Comme dans la descendance d'Eccarius, le fils porte le
prénom (ou un des prénoms) du père!
52 Mein Vater ritt mit seiner deutschen Truppe in
ein Dorf ein, das im Hinterland von Togo bei Misahöhe liegt. Zu seiner
Begrüßung veranstalteten die Eingeborenen ein großes Tamtam.
Die Männer schlugen die Trommeln, und die Frauen tanzten. Mein Vater warf
als Dank Pfennigstücke in die Menge. Dabei hat mein Vater meine Mutter zum
erstenmal gesehen. Die hatte sich nämlich im Gegensatz zu den anderen
nicht nach den kleinen Geldstücken gebückt; sie ist stehengeblieben
und hat die Fremden abweisend, beinahe feindselig angeblickt.«
(Petschull 1984 :119)
Et le journaliste ajoute ce commentaire avec une ironie
à peine voilée53:
Hans Gruner [junior] raconte tout cela
dans un allemand parfait et d'une manière détaillée, comme
si lui-même avait assisté à la scène. Il dit que sa
mère lui a raconté cette scène plusieurs fois. `Ma
mère appartenait à l'ethnie ewe. Elle était la fille d'un
chef de village. C'était une belle femme. Le soir -même de cette
visite de la troupe allemande, son père a envoyé un adjudant au
chef de village pour lui annoncer, qu'il souhaite faire la connaissance de sa
fille et l'épouser. Quelques jours plus tard, le mariage a
été célébré selon les usages du pays. Avec
tam-tam et danse, beaucoup de danse et beaucoup de tam-tam.' Un mariage qui,
selon le droit allemand, n'en était pas un.
Effectivement, la « description africaine »,
romantique et idyllique, que Hans Komla Gruner donne de la rencontre historique
de ses parents, correspond probablement très peu à la
réalité. En tout cas, comme le souligne à juste titre
Jürgen Pettschull, le mariage africain qui fut
célébré entre ces deux personnes, n'avait aucune
validité aux yeux de la législation allemande, et cela
constituait déjà un fardeau fatal pour les enfants à
naître de ce couple mixte. Hans Komla Gruner raconte d'ailleurs qu'il n'a
qu'un seul souvenir de son père (p. 120)54:
Il n'a de son père qu'un seul souvenir,
mais un souvenir intensif: `je devais avoir environ trois ans et demi ou quatre
ans. Mon père m'a pris dans ses bras et m'a jeté plusieurs fois
en l'air, si haut que j'ai eu le vertige et que j'ai tremblé de peur.
Puis mon père a dit à ma mère, d'une voix forte et
lugubre: `Tout ce que tu fais, fais-le pour notre fils. Il doit être pour
toi, plus important que toi-même.' Ensuite son père serait
allé à la guerre. Il aurait été fait prisonnier par
les Français en 1914, après la bataille perdue pour la
défense de la station télégraphique allemande de Kamina,
dans la haute plaine du Togo. Relâché quelques mois plus tard, il
aurait rejoint l'Allemagne. Mais il avait versé auparavant, à la
Caisse d'Epargne à Lomé, 300 marks. Nutsua devait en utiliser les
intérêts pournourrir et élever leur fils.
Hans Komla Gruner fréquenta l'école de
la Mission de Brême à Lomé, sortit major de sa promotion au
concours de 1927, devint plus tard instituteur et eut une longue
carrière et une nombreuse famille (11 enfants). Après sa retraite
en 1966, il eut l'opportunité d'aller à Jena en Allemagne pour
faire la connaissance de son demi-frère Wilhelm Gruner, né du
mariage du père après la première guerre mondiale. Il
commente cette rencontre historique en ces termes (p. 121): « Ich
wurde aufgenommen, als hätte ich schon immer zur
53 Hans Gruner [junior] erzählt in
perfektem Deutsch, so detailliert, als sei er selber dabei gewesen. Seine
Mutter, erklärt er, habe ihm diese Szene viele Male geschildert. `Meine
Mutter gehörte zum Ewe-Stamm. Sie war die Tochter des Dorfhäuptlings.
Sie war eine schöne Frau. Noch am Abend nach dem Einzug der deutschen
Schutztruppler hat sein Vater einen Adjudanten zum Dorfhäuptling geschickt
und ihm ausrichten lassen, dass er seine Tochter kennenlernen und heiraten
wolle. Ein paar Tage später ist bereits nach Landessitte Hochzeit gefeiert
worden. Mit Trommeln, Tanz und viel Tamtam. Eine Hochzeit, die nach deutschem
Recht keine war.«
54 An seinen Vater hat er nur eine einzige, aber
intensive Erinnerung: `Ich muß dreieinhalb oder vier Jahre alt gewesen
sein. Mein Vater hat mich auf den Arm genommen und ein paarmal so hoch in die
Luft geworfen, dass mir schwindlig geworden ist und ich vor Angst gezittert
habe. Dann hat mein Vater mit lauter, dunkler Stimme zu meiner Mutter gesagt:
`Alles, was du tust, tue für unseren Sohn! Er muß für dich
wichtiger sein als du selbst'. Danach sei sein Vater in den Krieg gezogen.
1914, nach der verlorenen Schlacht um die deutsche Funkstation Kamina auf der
Hochebene Togos, sei er in französische Gefangenschaft geraten und ein
paar Monate später nach Deutschland entlassen worden. Zuvor habe er noch
auf der deutschen Sparkasse in Lomé 300 Reichsmark eingezahlt. Von den
Zinsen sollte Nutsua den gemeinsamen Sohn ernähren und
großziehen.«
Familie gehört. Am liebsten wäre ich in
Deutschland geblieben. (J'ai été accueilli comme si j'avais
toujours fait partie de la famille. De préférence, j'aurais voulu
rester en Allemand«).
Hans Komla Gruner semble être le seul
métis allemand du Togo qui a eu la possibilité d'aller en
Allemagne au pays de son père, et de faire connaissance avec la famille
allemande de ce dernier. C'est à juste titre que dans son interview
recueillie par Dr. Simtaro (encadré n° 2), il parle de son
père et de ses frères avec fierté :
Vous savez, nous étions quatre frères
Gruner: deux Allemands et deux Métis:
1. Mon frère aîné Johannes Kodjo
Gruner (métis), né à Akposso-Tomegbé de Aku,
originaire d'Akposso-Tomegbé, mort en 1952 à Kpalimé et
enterré au cimetière protestant.
2. Moi-même Hans Komla Gruner (métis),
né le 26 octobre 1910 de Woegblo Nutsua à
AgoméTomégbé.
3. Mon frère Hans Gruner Junior (Allemand),
né le 12 mai 1912, tombé au front le 8 novembre
1943.
4. Mon frère Wilhelm Gruner (Allemand),
âgé de 65 ans« (Simtaro1982: 695).
Peu de métis allemands« du Togo peuvent
s'estimer aussi heureux que lui. C'est donc l'exemple modèle qui permet
de présenter l'histoire des métis allemands« de
l'époque coloniale comme des enfants « comme tous les autres
».
Encadré n° 2
Entretien avec M. Hans Komlan Gruner, à son domicile
à Lomé, 28, rue Bugeaud (quartier des
Etoiles), le 17 mars 1981 à partir de 17 heures et le 19 mars à
partir de 16 heures 15'.
Agé de 71 ans, l'ancien instituteur et
Directeur d'Ecole Hans Komlan Gruner, retraité depuis le 1er
janvier 1966, est fils métis-allemand du Dr Hans Gruner, ancien
Bezirksamtmann (Commandant de Cercle) de Misahöhe (actuelle
circonscription administrative de Kloto). Mon informateur est aussi
Vice-président de l'Association des métis du Togo.
Après mon passage au début du mois de
février 1981 dans son village natal de
Tomégbé (dans le Kloto) où j'interviewe son
vieil oncle maternel, le très hospitalier Emil Kossi Kuma Nutsua, et
l'octogénaire Mme Yoho Biaku, mère d'un métis
allemand (Schwinger), j'arrive le 17 mars, dans la matinée,
au domicile de M. Gruner à Lomé, 28, rue Bugeaud,
près du boulevard circulaire, non loin du commissariat central. La
charmante Mme Gruner (métis) m'accueille. Son mari est sorti. Je vais
repasser entre 16h30' et 17 heures. L'après-midi donc je suis au
rendez-vous à l'heure. M. Gruner m'attend dans son fauteuil sur sa
terrasse. Aussitôt l'objet de ma visite exposé explicitement, mon
informateur tout souriant et visiblement intéressé par mon
enquête, se lance dans un passionnant récit qu'il illustre par des
photos et des papiers de ses albums et archives personnels qu'il me
fait voir ainsi que les grands portraits de ses parents,
accroché au mur du salon. C'est dans la même atmosphère
cordiale et détendue que notre agréable
interview, interrompue à la tombé de la nuit, reprendra quarante
huit heures plus tard.
Gruner :- Eh bien, ma femme m'a dit que vous alliez
revenir ce soir, et je vous attendais. Je n'avais pas très bien compris
le but de votre visite. Vous savez, je suis toujours très heureux de
voir nos jeunes gens qui travaillent sérieusement,
qui font des recherches qui seront un jour utiles
à notre pays, à notre histoire. Votre enquête
sur le souvenir des Allemands au Togo m'intéresse
particulièrement. Vous êtes courageux mon ami, car
c'est très difficile de parcourir tout le pays pour
recueillir des souvenirs et témoignages. Je vous
souhaite d'avantage de courage et de
persévérance. On dit bien " Qui cherche, trouve ! "...
Je suis particulièrement heureux que vous
ayez interrogé mon oncle Nutsua au
village et que vous soyez venu me voir. Je
crois que le vieux vous a raconté des tas de choses. Seulement avec
l'âge, il mélange un peu tout parfois... Eh
oui, c'est mon oncle maternel, le frère cadet de ma mère
Woegblo.
Je suis né à
Agomé-Tomégbé (Kloto) près de
Misahöhe, le 26 octobre 1910 de ma mère Woegblo
née Nutsua. Mon père, le Dr. Hans Gruner était
effectivement le Commandant du Cercle de Misahohe, au temps des Allemands. Il
commandait tout Misahöhe (actuellement circonscription administrative de
Kloto) ainsi que les districts de Ho, Kpandu et
Kété-Kratchi dépendants de Misahöhe. Ces trois
régions font aujourd'hui partie du Ghana. Au temps des
Allemands tous ces districts à l'ouest étaient partie
intégrante du Togo. Ce sont les
Français et les Anglais qui ont
partagé le pays en deux à l'issue de la
guerre de 1914. La partie occidentale revenant aux
Britanniques et la partie orientale aux
Français... Pour en revenir à mon père, le Dr.
Hans Gruner, il résidait donc à Misahohe, chef-lieu de toute la
région. Son adjoint, le sous-lieutenant Smend,
chargé de la police, s'occupait du district de
Kété- kratchi. Il est le père de mon cousin métis
feu Julius Smend, comme vous l'a raconté mon oncle Nutsua. Lui
emboîtant le pas, le Dr. Gruner (mon père) épousa à
son tour ma mère Woegblo Nutsua, qui me mit au monde donc le
26 octobre 1910 à
Agomé-Tomégbé. Vous avez pu
constater qu'il y a beaucoup de familles métis [sic!] chez
nous là-haut. On peut dire que les Allemands avaient une
prédilection pour ce petit village
d'Agomé-Tomégbé dont les habitants,
paisibles et sympathiques, les avaient accueillis avec empressement.
On dit aussi qu'à coté de son charmant climat et ses hommes
très hospitaliers, le village de
Tomégbé avait aussi des filles fort belles !... ha, ha
!... Vous avez vue cette route de Misahohe qui serpente la montagne.
Vous avez un carrefour au niveau du poste de douane de Kloto : le tracé
de la route devait passer par le village de Kuma (vers la droite).
Mai le Dr. Gruner (mon père) avait dit de passer plutôt par
Agomé-Tomégbé (vers la
gauche). Les gens ont dit que cette
modification n'étonnait personne d'autant plus que
Tomégbé est le village de la femme du
Commandant de Cercle... Vous voyez !... Ce n'est
qu'après que le tronçon de route
fut poursuivi vers Kuma (à droite)...
A l'instar du Dr. Hans Gruner et du sous-lieutenant Smend, les
Allemands ont épousé beaucoup de filles de notre
village. Sur ce point, mon oncle vous a déjà tout
raconté. Je préciserai simplement que le Dr. Von Raven
qui épousa Konu Biassa, était adjoint au chef du
district de Kété- Kratchi. Von Raven n'a quitté le
Togo qu'en 1914, après la reddition des Allemands à
Kamina. Son épouse Konu Biassa a eu de lui une fille du nom de Grace
Abra et un fils, Kodjo. La métis [sic !] Grace Abra
aura pour fils un médecin-chirurgien du nom de Quist
qui travaille à l'Organisation Mondiale de la
Santé aux Antilles. Son frère métis Kodjo Raven, a eu lui
aussi un fils du nom
d'Edouard Kokou Raven, journaliste, chargé
de l'information aux Nation Unies à Lomé... Quant à la
vieille Yoho Biaku, ancienne épouse Schwinger, je ne savais
pas qu'elle était encore en vie. Il y a bien
longtemps que je ne suis plus allé au
village...
Je voudrais aussi rectifier quelque chose dans ce que mon
oncle vous a dit à propos de mon feu cousin Julius Smend, notamment sur
les circonstances dans lesquelles ce dernier avait retrouvé
les traces de sa famille paternelle en Allemagne. C'était par
un heureux hasard. C'était en 1963, lors d'une consultation
ophtalmologique chez un ophtalmologue allemand
alors en service au Centre National Hospitalier de Lomé, actuellement
CHU (Centre Hospitalier Universitaire). Le docteur s'appelait Schlitter. Julius
entre donc dans le cabinet du Dr. Schlitter et se présente. Le docteur
réagit spontanément à la surprise de voir un
métis Smend. « Vous êtes métis allemand ? lui dit -il.
Ma femme est née d'une famille Smend ! ». Julius Smend qui n'avait
jamais connu son père, raconte son histoire. L'ophtalmologue
allemand va raconter à son tour l'histoire à son épouse.
Le contact est alors né entre mon cousin Julius et la famille du Dr
Schlitter. Et c'est au cours d'un séjour de congés
d'été que Mme Schlitter (née Smend) fait des recherches
dans sa famille où elle obtient des photos du Sous-lieutenant Smend pour
Julius. C'est donc grâce à M. et Mme Schlitter que mon
cousin aura connu son père par l'image... Le Dr. Schlitter
était un homme très compétent et très
gentil. Il travaillait sans arrêt. Il y avait
constamment une foule de patients dans son couloir. Il travaillait sans repos.
C'était un vrai Allemand ! On a beaucoup regretté son
départ... Je vois que vous souriez, vous avez certainement entendu
parler de ce grand ophtalmologue ?
Simtaro - Oh, oui ! Non seulement j'ai entendu parler de lui,
mais je l'ai connu aussi, le Dr. Schlitter : c'est lui
qui m'a prescrit les verres médicaux en
août 1966 au C.N.H. de Lomé. Vous l'avez bien dit, c'est un
très grand ophtalmologue... Mais je ne voulais pas
vous interrompre, M. Gruner, car en tant que fils d'une ancienne
grande autorité allemande, vous devez avoir encore
sûrement beaucoup de choses à dire, sur votre père, le Dr
Gruner, en particulier et sur ce que vous avez retenu des Allemands en
général ?! ...
Gruner - Vous savez, le Dr. Hans Gruner était l'ami des
gens laborieux, des bons travailleurs. Ses pires ennemies
étaient les paresseux, les fainéants. Pour lui,
il était inconcevable de rester les bras croisés. Il
n'était pas question de se dérober aux travaux
d'intérêts publics. Bien entendu les travaux étaient
très durs. Mais le Dr. Gruner ne faisait pas punir n' importe qui. Seuls
les paresseux et les gens malhonnêtes méritaient des
fessées ou la prison, selon le degré de leurs
fautes...
Il faut reconnaitre que les Allemands ont
gagné le coeur des Togolais, ils ont
conquis le coeur des Togolais à cause de leur
caractère, dur certes, mais surtout juste et honnête. Les
Allemands ont été justes et honnêtes.
Certes nul ne peut nier la farouche résistance des
populations du Nord-Togo à la pénétration du
colonisateur et les dures répressions allemandes qui s'en
sont suivies. Vous avez surement entendu beaucoup de récits à ce
sujet auprès des vieux de ces régions de
l'arrière-pays. Compte-tenu de ces fâcheux
évènements de jadis, ce sont les peuples du Nord qui
devraient logiquement parlant, détester le plus les
Allemands. Or, on remarque que se sont plutôt ces gens du Nord
qui aiment ou admirent les Allemands. Je pourrais vous raconter des
tas d'anecdotes à ce sujet. A titre d'exemple, je vous citerai seulement
quelques expériences personnelles de mes séjours dans les
régions de Bafilo et de Bassar. En 1945, j'ai
séjourné à Bafilo en pays Kotokoli, dans la
famille Gado. Le vieux Gado était un ancien instituteur formé
à l'école allemande avant 1914. Le vieux Gado m'avait alors
accueilli avec beaucoup d'empressement. Il était visiblement très
heureux de faire la connaissance d'un fils du Dr. Gruner. Je n'en revenais pas
d'émotion. Le vieux ne voulait jamais croire que les Allemands avaient
perdu la guerre et étaient rentrés
définitivement. Il attendait toujours leur retour au Togo.
Cette mentalité était générale à
cette époque-là chez tous ceux qui avaient
connu jadis les Allemands... En tant qu'instituteur, j'ai travaillé un
an à Kabou où j'ai dirigé l'école
officielle. C'était en 1958, du temps où M. Bonfoh était
chef de circonscription à Bassar. J'avais alors eu l'occasion de visiter
tout le pays Bassar. J'avais aussi circulé dans toute la
vaste région Konkomba, à travers les
villages et cantons de Nwaré, Nandouta, Bapuré,
Katchamba, etc... Voyez-vous, j'ai circulé partout en
compagnie du Docteur Médecin de Bassar, un bon ami. Nous
avons visité tous ces coins reculés de la belle et vaste brousse
Konkomba. Mais ce que je voulais vous dire, c'est que je ne m'attendais pas du
tout à un accueil aussi aimable et hospitalier de la part des chefs
traditionnels et de leurs villageois que nous visitons.
Etant fils métis du Dr. Gruner qui avait eu jadis à briser
durement des résistances des guerriers Bassar et Konkomba, je
m'attendais à rencontrer un sentiment hostile de la part de ces
populations. Mais paradoxalement, j'étais vraiment surpris que certains
chefs, auxquels mon ami le Docteur me présentait, n'arrêtaient pas
d'échanger avec moi des salutations chaleureuses et me
donnaient même quelques cadeaux... Le
grand chef Konkomba de Bapuré m'avait même offert un
canard dodu et un gros coq, en précisant bien au Docteur :
« Ceci pour notre ami, le fils du blanc Djama !... »
Eh bien ces expériences-là, je les ai
vécues en personne. Vous voyez vous-même que
cette attitude dénuée de tout esprit de vengeance a
heureusement dissipé les mauvais préjugés que
je me faisais auparavant sur ces peuples. Car j'avais parfois peur d'être
une cible de leur vengeance. Je m'étais plutôt rendu
compte combien ces gens-là, à côté du
choc terrible des guerres coloniales, admiraient la fermeté
des Allemands dans le travail et l'honnêteté...
Voyez-vous, j'ai gardé un
agréable souvenir de mon séjour dans les
régions du Nord, et plus spécialement de mes
tournées en 1959 à travers le vaste pays Konkomba. En
plein coeur de pays jadis très guerrier, les
Allemands avaient construit un fort militaire, à l'entré du
village de Iboubou dans le canton de Nandouta. Je ne sais pas s'il
reste encore de nos jours quelques traces de ce fort, car il a
été détruit après les élections de 1958 par
un administrateur français de l'époque,
dont j'ignore le nom, soi-disant qu'il voulait remblayer
la route de Nandouta-Bapuré... c'était là un des rares
vestiges allemands qu'on rencontrait dans le
Nord-Togo. Je crois que ce sont des souvenirs concrets de
la présence allemande. Et je trouve votre recherche très
intéressante pour l'histoire de notre pays.
Simtaro - Vous avez parfaitement raison, M. Gruner. C'est
pour contribuer à l'enrichissement et à la propagation
de notre histoire qu'il nous faut récolter divers éléments
du passé, tant à travers les vestiges que
les souvenirs oraux. Voilà pourquoi vos
témoignages, en tant que «
Togolais descendant des Allemands » (si vous permettez cette
expression), sont fort intéressants. Vous comprendrez alors ma
curiosité de chercher si je vous demande de me parler du statut d'un
métis allemand, les souvenirs des siens, les relations avec sa famille
paternelle ou ses parents en Allemagne, avec l'administration
allemande, etc...
Gruner - Les métis issus d'un père allemand et
d'une mère togolaise gardent en
général de leurs familles
allemandes de très bons sentiments filiaux.
Vous savez, le Gouvernement impérial Allemand de jadis
avait exigé que tout sujet allemand qui
aurait marié une femme noire devait acheter un terrain et y
construire une maison d'habitation à son épouse et à son
enfant. Un Allemand qui voulait épouser une togolaise,
devait, selon les exigences du Gouvernement, remplir toutes les
formalités conformes aux us et coutumes de la région
concernée (dot, cadeaux, demande en mariage, etc..).
Le Gouverneur Adolf Duc de Mecklenbourg a
épousé lui-aussi une femme du pays et a eu d'elle un
fils métis, tout comme ses compatriotes le commandant de Cercle
Metzger, Kenzler, Paass.
Certaines femmes du pays, ne pouvant plus vivre
à Lomé après le départ de leurs époux
allemands, avaient tout simplement vendu les propriétés que leur
avaient procurées leurs maris-blancs. C'est l'exemple d'une femme
Kotokoli de la région de Sokodé dont j'oublie le nom.
Son fils métis est mort depuis. Elle avait vendu sa maison située
non loin de l'actuel Commissariat de Police du 1er Arrondissement, au bout de
la rue du 24 janvier, puis elle avait regagné son
village natal.
A part mon village natal
d'Agomé-Tomégbé, nous avons un
certain nombre de famille de métis allemands ici à Lomé.
Au village mon oncle Nutsua vous a déjà cité
les Gruner, Smend, Raven, Schwinger, etc... ici à
Lomé, vous avez les Herzog (le feu Herzog Koffi a
été le fils métis du Gouverneur Adolf-Friedrich
Herzog Zu Mecklenburg ; Koehler ( le vieux Josef Koehler,
fils du Gouverneur Koehler ; vous pouvez lui rendre visite) ; Gärtner ;
Brenner ; Krüger ; Hundt (à Aného) ;
Metzger ; Kentzer ; Paass ; Rinkleff (à Sokodé) etc...
il faut remarquer que la plupart des épouses des Allemands
étaient originaires de la région
d'Aného, première région où les
Allemands avaient séjourné...
Vous savez, nous avons une association de métis au
Togo et j'en suis le Vice-président. Nous entretenons avec
l'Ambassade de la République Fédérale
d'Allemagne de très bonnes relations amicales. Lors des
fêtes de la République Fédérale
d'Allemagne, notre association rend des visites de courtoisie
à l'Ambassadeur.
Certains d'entre nous entretiennent des relations
étroites avec leur famille paternelle en Allemagne. C'est le
cas de M. Rinkleff et de moi-même, etc... Vous voyez donc
que nous n'oublions point nos parents, tout comme les
Togolais n'oublient jamais les Allemands.
En ce qui me concerne personnellement, voyez-vous,
mon père le Dr. Gruner a épousé ma mère
Woegblo (née Nutsua) qui me donna le jour le 26
octobre 1910 dans mon village natal
d'AgoméTomégbé. Elle mourra en 1929
dans son coin natal où elle sera enterrée. Mon père, qui
était conseiller du gouvernement et commandant de cercle de
Misahöhe, avait donc rempli toutes les exigences conformes aux
normes coutumières pour épouser légalement ma
mère. Il nous avait aussi acheté des terrains et construit des
maisons ici à Lomé et au village où vous avez
pu voir la maison Gruner. Pour subvenir à nos besoins, il avait
déposé en 1912 auprès de la caisse
d'épargne (Banque Allemande de l'Ouest Africain) à
Lomé un testament au terme duquel un fonds de subsistance était
alloué à ma mère et à moi. On y avait
établit à ma mère un livret d'épargne
n° 267. Voyez, j'ai noté tout cela dans ce vieil
agenda. Le livret même doit se trouver quelque part dans mes
valises. Il, faudra que je le cherche après à tète
reposée... Tenez, j'ai encore dans ce vieux dossier, une copie
complètement jaunie de cette
procuration de mon père. Regardez : c'est
écrit en allemand avec traduction en français. Vous
pouvez garder cette copie si ça peut vous servir
à illustrer peut-être votre travail...
Voyez-vous, je n'ai pas connu vraiment les
Allemands. Je ne connais mon père que par la photo. Je
n'avais guère que cinq ans quand les Allemands quittaient le
Togo. Cependant, je me suis beaucoup renseigné sur
leur séjour et leurs activités chez nous au Togo. J'ai
recueilli beaucoup de souvenirs sur eux, tant auprès de ma mère
qu'auprès des vieux. J'ai fréquenté l'école
anglaise à Lomé et en Gold-Coast (Ghana) de 1915
à1920, puis l'école française à
Lomé de 1921 à1925 (école primaire). Après mes
études supérieures (1926-1930), j'entre après concours en
1930 dans le cadre supérieur des Instituteurs Africains, puis plus tard
en 1950, j'entre après concours dans le cadre des Instituteurs
Métropolitains. En 1957, j'obtins la Palme académique
avec mention honorable. J'ai pris ma première retraite le 1er
janvier 1966. Membre de comité de ville de Lomé, j'ai
été fait Officier de l'ordre du Mono le 24 avril 1971, n°
Mle 22/A/71, décret 71-69. Je suis père de onze enfants (sept
filles et quatre garçons dont un
décédé).
Mais tout ceci ne doit pas vous intéresser. Je vais
plutôt vous faire voir les photos-souvenirs de mon père et de mes
demi-frères. Vous savez je visite mes parents Allemands et ils me
visitent également. Mon dernier voyage
en Allemagne remonte en 1976 à Iéna en D.D.R.
(Allemagne de l'Est), chez mon demi-frère allemand Wilhelm
Gruner, Melanchthonstrasse 4-/69000 Iéna (D.D.R.). Agé
de soixante-cinq ans, il est en retraite depuis 1980. Voyez sa photo
en compagnie de notre père et celle que nous
avions prise lors de ma visite. Sur cette photo vous voyez un
clairon utilisé par mon père lors de son expédition en
pays Konkomba ainsi que des masques et ornements de cette
région du Togo.
A Iéna, j'ai visité la tombe de mon père
né le 10 mars 1865, décédé le 06 août 1943
(à l'âge de 78 ans).
Vous savez, nous étions quatre frères Gruner : deux
Allemands et deux Métis :
1) Mon frère aîné Johannes Kodjo Gruner
(métis), né à Akposso-Tomégbé de
Aku, originaire d'AkpossoTomégbé, Mort en
1952 à Kpalimé et enterré au cimetière
protestant.
2) Moi - même Hans Komlan Gruner (métis) né
le 26 octobre 1910 de Woegblo Nutsua à
Agomé - Tomégbé.
3) Mon frère Hans Gruner junior (allemand), né le
12 mai 1912, tombé au front le 08 novembre 1943.
4) Mon frère Wilhelm Gruner (allemand),
âgé de 65 ans.
Vous pouvez regarder toutes ces photos dans mes
albums. Vous avez aussi aux murs au salon, les photos et portraits
géants de mes parents (père et mère) etc...
Si les photos de mon père le Dr. Gruner peuvent vous
être utiles pour vos travaux, je pourrai vous en donner quelques-unes.
Parce que je trouve votre travail très intéressant et très
utile et je vous encourage vivement.
Simtaro - Merci bien, M. Gruner ! Merci infiniment pour vos
intéressants témoignages et vos archives
personnelles que vous m'avez montrées, et
surtout pour les photos et documents que vous me donnez pour m'aider
à concrétiser mes travaux. Votre gentillesse et la
spontanéité de notre entretien sont déjà pour moi
des éléments indispensables de satisfaction et
d'encouragement dans ma difficile, mais passionnante recherche. Je
souhaite que notre entretien se poursuive et s'enrichisse à travers des
échanges épistoliers, car beaucoup
d'éléments demanderont certainement à être
approfondis pour des recherches ultérieures.
Gruner - Il n'y a pas de quoi me remercier, mon ami.
C'est pour moi un plaisir de discuter avec le jeunes gens
des thèmes intéressants comme le vôtre. Je
suis donc toujours à votre disposition pour une
quelconque indication dont vous aurez besoin. Mon adresse
est simple : BP.1169 Lomé, Tél. 21.19.02 (28, rue
Bugeaud / quartier des étoiles). Revenez me voir
quand vous voudrez, téléphonez ou écrivez-moi.
Ca me fera plaisir.
Simtaro -Merci bien. Je vais repasser demain en fin
d'après - midi, vers 16 heures. Si ça vous va ?
J'aimerais
aussi que vous m'indiquiez la maison du
fils du gouverneur Koehler pour que je m'entretienne avec
lui.
Gruner -Oh, c'est simple. Venez seulement demain soir à
quatre heures. Je vous conduirez moi-même auprès du vieux Josef
Koehler. Il est toujours à la maison : il à plus de
quatre-vingt ans, il est un peu malade et ne sort plus.
Mais je crois que vous pourrez lui parler. Je vais vous introduire à
lui. Je vous attends donc demain soir à quatre heures.
Simtaro - Je vous suis très reconnaissant, M. Gruner. Au
revoir et à demain.
Illustration n° 9d : « Hans Gruner im hohen
Alter, um 1940 » (Hans Gruner dans la force de l'âge) (source :
Gruner 1997 :13)
1910 - année de naissance de Hans Komla Gruner -
semble avoir été l'année de
l'explosion démographique des « métis
allemands » au Togo.
Une des explications de cette explosion des
métis au Togo réside dans le constat suivant : l'administration
coloniale du Togo ne s'attaqua pas à la cause principale, à
savoir, la vie sexuelle débridée des administrateurs coloniaux.
Et pour cause : les plus hautes autorités coloniales étaient
impliquées et concernées. Alors, les autres allemands du Togo se
sentaient dans une impunité garantie, allant jusqu'à refuser de
payer pour l'entretien et l'éducation de leur enfant métis, ou
même vivant dans une forme évidente de polygamie
56
qui, certes, ne choquait pas les Africains, mais
était totalement interdite dans la culture et la religion des Allemands.
C'est le cas du commerçant Harry Grunitzky dont l'un des enfants est
devenu, malgré tout, une personnalité emblématique de la
politique togolaise : Nicolas Grunitzky.
1.4.4 - L'arbre qui cache la forêt: le cas de Nicolas
Grunitzky (1913-1969)
De tous les métis allemands« du Togo,
Nicolas Grunitzky est incontestablement le mieux connu sur le plan national et
international, parce qu'il est le seul qui soit parvenu au plus haut sommet de
l'Etat. Mais aussi, c'est « l'arbre qui cache la forêt » : la
grande majorité des métis allemands« sont totalement
inconnus, parce qu'ils n'ont pas bénéficié du soin et de
la formation nécessaires pour percer dans la société
togolaise. Nicolas Grunitzky n'a jamais revendiqué un statut de «
métis allemand », et n'en a jamais fait un fonds de commerce, il
fait sans doute la fierté de tous les métis togolais en
général, et des métis allemands« en
particulier.
Illustration n° 10 : Nicolas Grunitzky (source :
Cornevin 1969 : 160b)
Né le 5 avril 1913 à Atakpamé, le
peit Nicolas n'a guère connu son père, un officier allemand
originaire de Dantzig (Petschull 1984 :131) nommé Harry Grunitzky,
reconverti dans le commerce colonial au Togo, et d'une mère togolaise
originaire d'Atakpamé nommée Sossimè (de « famille
royale » selon Cornevin 1969 : 410). D'ailleurs, selon le site wikipedia,
le père est mort « quelques mois après la naissance du petit
Nicolas », et « le jeune métis sera l'un des tous premiers
boursiers togolais à être envoyés en France
»55 où il fait ses études en France, d'abord au
Lycée de Mignet à Aix-en-Provence, puis à Paris
des
55 Site
www.biographie.tv/nicolas-grunitzky.htm
consulté le 13 octobre 2011
études d'ingénieur en travaux publics.
Ensuite, il intègre d'abord l'administration coloniale française,
avant de créer sa propre entreprise. Il est l'un des membres-fondateurs
du PTP (Parti Togolais du Progrès) créé en 1946 et qui
l'emporte aux élections législatives de 1951 sur Martin Aku,
député sortant (Cornevin 1969 :387). Lorsque le 30 août
1956, la République autonome du Togo est proclamée, Nicolas
Grunitzky est investi le 10 septembre 1956 comme premier ministre et forme le
premier gouvernement autonome du Togo le 18 septembre 1956. Le 21 septembre
1956, le Ministre de la France d'Outre-Mer installe solennellement la
République Autonome du Togo avec Nicolas Grunitzky à sa
tête. Mais aux élections du 27 avril 1958, le parti de Nicolas
Grunitzky (PTP) est battu par celui de Sylvanus Olympio (CUT) à la
majorité absolue. Et Sylvanus Olympio remplace Nicolas Grunitzky. Le 13
janvier 1963, un coup d'Etat met fin à la vie et au gouvernement de
Sylvanus Olympio, et « un Comité militaire insurrectionnel »
fait appel simultanément à Nicolas Grunitzky. Mais un nouveau
coup d'Etat militaire survenu le 13 janvier 1967, amène les militaires
à reprendre le pouvoir à Nicolas Grunitzky (Cornevin 1969 :412).
Nicolas Grunitzky part en exil pour la Côte d'Ivoire, ce qui met fin
à la carrière politique du premier métis allemand, qui a
joué un rôle majeur dans la vie de son pays le Togo. Il est mort
à Paris le 27 septembre 1967 dans un accident de voiture.
Nicolas Grunitzky est le benjamin des métis
nés du commerçant Harry Grunitzky qui a eu au total 11 enfants au
Togo. De sa femme Ayoko, originaire d'Aného Legbanou, il a eu cinq
enfants : Walter Grunitzky (né en 1906), Maria Grunitzky (née en
1900), Eleck Grunitzky (année de naissance non connue), Berta Grunitzky
(année de naissance non connue), et Pazian Grunitzky (né le 9
août 1912). De son autre femme nommée Hodjinga, originaire de
Keta, il a eu deux enfants qui sont Dina Grunitzky (née en 1903) et
Felix Grunitzky (né en 1905). D'une troisième femme nommée
Otodopé et originaire de Eoué en zone anglaise, il a eu une fille
nommée Victoria Agnès, née en 1905. De la quatrième
femme nommée Nadou, originaire d'Aného, il a eu aussi une fille
nommée Paulina, née en 1912. La cinquième femme,
Dédé, originaire de Lomé, lui a fait un garçon
nommé Friedrich-Franz, né en 1907. Il en ressort que
Sossimè, la mère de Nicolas Grunizky, originaire
d'Atakpamé, est la sixième femme africaine de l'Allemand Harry
Grunitzky. On peut considérer, à juste titre, que cet Allemand a
vécu en Afrique quasiment comme dans un ménage polygame africain.
C'est un phénomène de son temps.
Il faut noter que le petit Nicolas est né en
1913, précisément dans l'anné même de
la promulgation de l'ordonnance sur le nom des métis. A l'issue de
longues consultations
menées avec les diverses composantes de la
communauté des Allemands du Togo (évidemment, les autochtones,
principaux concernés, n'y ont pas été conviés),
l'ordonnance le 18 octobre 1913 par le gouverneur, déclarait ce qui
suit56 :
En vertu de l'article 2 de l'ordonnance
impériale du 3 juin 1908 relative à la création de
l'administration et aux usages coutumiers dans les colonies africaines et du
Pacifique (Journal officiel du Reich, p. 397), il est
décrété avec l'accord du Chancelier impérial, ce
qui suit:
§ 1: Les indigènes ne sont pas
autorisés à porter ou à ajouter à leur nom, un nom
allemand comme nom de famille, pour leur propre compte ou pour le compte de
leurs parents, sans l'autorisation du Gouverneur.
§ 2: Tout acte contraire à cette
disposition sera puni d'une amende allant jusqu'à 150 marks, et si cette
somme ne peut pas être payée, il sera infligé en
compensation une peine de prison maximale de 6 semaines avec travaux
forcés.
Fait à Lomé le 18 octobre 1913 Le
Gouverneur
Duc de Mecklenburg.
Le problème était ainsi tranché
sur le plan du droit, mais sur le terrain concret de la vie quotidienne, il
n'était pas réglé, comme le montre l'article sur le cas
exemplaire de Fritz Kuawovi Durchbach, métis de la toute première
génération, connu comme fils de Durchbach et qui portait ce nom
depuis longtemps, mais qui, au regard de la nouvelle loi, n'avait plus le droit
de porter ce nom (Béré-Coulibaley & Oloukpona-Yinnon
2007).
Comme Harry Grunitzky, plusieurs commerçants
allemands ont eu des enfants métis au Togo. C'est le cas du métis
Otto Hundt, fils d'un commerçant de Hambourg.
56 Auf Grund des § 2 der Kaiserlichen
Verordnung betreffend die Einrichtung der Verwaltung und die
Eingeborenenrechtspflege in den afrikanischen und Südsee- Schutzgebieten
von 3, Juni 1908 (Reichsgesetzblatt s. 397) wird mit Zustimmung des
Reichskanzlers verordnet, was folgt.
§ 1: Eingeborene dürfen ohne Genehmigung
des Gouverneurs einen deutschen Namen als Familiennamen sich oder ihren
Angehörigen nicht beilegen oder führen.
§ 2: Zuwiderhandlungen werden mit Geldstrafe
bis zu 150 Mark bestraft, an deren Stelle, falls sie nicht beigetrieben werden
kann, Gefängnisstrafe mit Zwangsarbeit bis zum Höchstbetrage von 6
Wochen tritt. Lomé, den 18. Oktober 1913
Der Gouverneur, Herzog zu
Mecklenburg«.
Extrait de : Amtsblatt für das Schutzgebiet Togo
(1913), Nr. 59, pp. 313-314
Illustration n° 11a : Otto Hundt
Illustration n° 11b : Otto Hundt avec les photos de
ses parents57
Otto Hundt, fils d'un commerçant allemand de
Hambourg, fut Président du « Club des Métis allemands »
du Togo, et à ce titre, il avait coutume de dire : (Petschull 1984
:119): « Die Deutschen sind alle unsere Brüder und Schwestern
». Mais la réalité coloniale fut
totalement différente: la loi du Reich n'avait pas
prévu l'existence des métis allemands« dans les colonies :
"[...] le métis n'avait pas d'existence légale aux yeux de la
loi allemande qui n'a pas prévu son existence. La plupart des
métis n'ayant pas été reconnus par leurs pères, ne
sont
57 NB : Comme pour Josef Comla Köhler et Hans
Komla Gruner, ici aussi les parents de ces métis n'ont visiblement
jamais apparu sur une même photo (ou dessin), et pour cause : leur union
ne fut jamais officiellement sanctionnée par un acte qui aurait
mérité d'être immortalisé. C'est donc l'histoire qui
se charge aujourd'hui de réunir leur photo entre les mains de leurs
progénitures respectives
60
pas aussi reconnus par la loi qui les
ignore» (Ali, 1995, p. 850). Même les « métis
allemands » reconnus par leurs pères allemands selon les coutumes
africaines, n'étaient pas allemands au regard de la loi allemande. C'est
ainsi que les enfants métis de père allemand étaient
devenus un problème. C'est à la résolution de ce
problème que l'administration coloniale allemande s'est attachée
à partir de 1905, à travers divers mesures dont nous
présentons quelques documents ici.
2 - LES DOCUMENTS : ORIGINAUX, RESUMÉ OU
TRADUCTION INTEGRALE
2.1 - Document n° 1 : Rapport du commandant de
cercle d'Aného Oscar Schmidt sur les métis d'Aného en
1905. Source originale : Archives Nationales du Togo (ANT) FA1/551, pp.
37-43
2.1.1 - Résumé du document en
français Ce rapport de l'administrateur local Oscar Schmidt sur la
situation des métis dans le District d'Aného fournit plusieurs
informations importantes et intéressantes sur le sujet. Il montre, entre
autres, que le nombre des métis augmente régulièrement, et
que Blancs et Noirs ne partagent pas les mêmes points de vue sur la
question des unions mixtes et des métis. Le rapporteur se prononce
personnellement pour que les Européens paient une certaine rente pour
leurs enfants métis éventuels. Il justifie cette prise de
position et propose une fourchette pour cette rente. Cette prise de position
personnelle est d'autant plus intéressante que l'auteur du rapport est
le seul Allemand qui soit venu au Togo avec sa femme blanche, et l'un des rares
administrateurs à ne pas avoir eu d'enfant métis en
Afrique.
2.1.2 - Texte original allemand
Bezirksamt Anecho, Sebe, den 15. August 1905
»Auf Grund der von mir eingezogenen Erkundigungen
bei den nachstehend bezeichneten Häuptlingen und Eingeborenen Ayite
Ajavon, Lawson, Quamivi, Häuptlinge von Anecho; Mensah, Häuptling von
Porto Seguro; Frank Garber, Victorine da Silveira, Chico d'Almeida, Eingeborene
aus alten, angesehenen Familien Anechos berichte ich gehorsamst
folgendes:
Das Mulattenkind erbt unter allen Umständen das
ganze Vermögen seiner Mutter. Es ist hier in Anecho Sitte, dass auch die
Frauen genau dasselbe Erbrecht haben wie die Männer. Die Erziehung der
Mulattenkinder übernahm bisher die ganze Familie der Mutter gemeinsam. Das
Kind bleibt solange bei seiner Mutter, bis es selbst arbeiten kann, und kommt
dann, wenn es von der Familie für gesund und arbeitsfähig anerkannt,
oft irgendwo in die Bahn. Die Mädchen werden vielfach in der Mission
ausgebildet, und zwar teilweise bisher umsonst.
Bis das Kind zur Schule geht bedarf es keiner grossen
Aufwendungen seitens der Mutter oder Familie mit etwa 3- 4 Mark den Monat. Die
Schulzeit beginnt hier bei den Mulattenkindern gewöhnlich vom 7. oder 8.
Jahr ab. Nunmehr treten etwas Anforderungen an die Mutter beziehungsweise deren
Familie heran, da es hier Sitte ist, die Mulattenkinder, ihrer Abstammung
gemäss, besser zu kleiden als die Eingeborenenkinder. Die Kosten
erhöhen sich daher auf etwa 8 Mark monatlich und werden bis zum 15.
Lebensjahr in Mittel die Höhe von 15 Mark im Monat erreichen. In Anecho
kennt man es nicht anders, als dass die sämtlichen Mulattenkinder auch
ähnlich der weissen Rasse erzogen und aufgebildet werden je nach den
Familienverhältnissen. Von dem Augenblick an, in dem ein Mulattenkind sich
seinen Unterhalt selbst verdient, ist dasselbe verpflichtet, seiner Mutter ab
und zu Lebensmittel zu geben.
Will sich ein Mulattenkind verheiraten, dann wird es
von seiner Mutter und deren Familie ausgestattet. Die Häuptlinge und
Erschienenen erklären einstimming [sic!], sie sähen ein Mulattenkind
stets für voll an, nur müsse es den Namen seines Vaters tragen. Wie
ich mich selbst überzeugt habe, ist dieses letztere auch stets der Fall
und es wird streng darauf gehalten, dass das betreffende Mulattenkind, wenn es
gefragt wird, stets den Namen seines Erzeugers mit angibt.
Stirbt die Mutter eines Mulatten, so ist es bisher
selbstverständlich gewesen, dass sie deren Familie um die Erziehung und
Pflege des Kindes weiter annimmt; gewöhnlich nimmt die Grossmutter das
Kind zu sich.
Irgendeine Verpflichtung nach dem hier unter den
Eingeborenen Anechos geltenden Recht, wonach der europäische Vater
für das Mulattenkind zu sorgen hätte, bestand bislang nicht. Es wurde
seitens der Familie oder der Mutter einem jeden Europäer überlassen,
Geschenke zu geben oder anderweitig zu sorgen beziehungsweise
unterstützend einzugreifen.Viele Europäer haben sich jedoch
überhaupt um ihre Kinder gar nicht mehr gekümmert, so dass die ganze
Last auf den Schultern der Familie lag. Irgendwelche Versprechungen seitens der
Mutter oder deren Familien sind nicht gefordert und auch von den Europäern
bislang nicht gemacht werden.
Was nun die richterliche Gewalt über das
Mulattenkind anbetrifft, so bleibt hier im Anecho-Bezirk diese stets dem
europäischen Vater und ist er jederzeit berechtigt, sein Kind zu sich zu
nehmen, ohne die bislang entstandenen Kosten ersetzen zu müssen. Bis zum
vollendeten 15. Lebensjahr hätten daher die eingeborenen Familien etwa
1400 Mark für das Kind aufzubringen, was den einzelnen Familien bei der
grossen Anzahl der Mulattenkind oft nicht leicht fallen dürfte. So ergab
zum Beispiel die letzte Zählung im Juni der Mulattenkinder im Bezirk die
Zahl 55, welche Zahl jedoch in den letzten Monaten noch zugenommen haben
dürfte. Soweit Mulattenkinder männlichen Geschlechts in Frage kommen,
wäre es wohl sehr wünschenswert, diese im Einverständnis mit den
Vätern für den Regierungsdienst, durch Aufnahme in die
Regierungsschulen etwa vom 10. Lebensjahr ab, vorzubereiten. Auf Grund der von
mir in den Tropen gemachten Erfahrungen glaube ich bestimmt, dass unseren
Kolonien ein gewisser Stamm unter den Untertanen von grossem Nutzen sein wird,
die sich durch geeigneten Heranbildung, aus dem hiesigen Klima besser Stand
haltenden Mulatten sicher und gut nachziehen lassen dürfte. Auch werden
derart erzogene Mulattenkinder sehr gern von den Factoreien in den Dienst
genommen werden,wo sie sehen heute an verschiedenen Orten und Landschaften, z.
B. Dahomey, als billiger Ersatz für europäische Hilfskräfte
angestellt werden.
Ich bin im Interesse der Aufrechterhaltung der
Stellung, welche der Europäer hier draussen in Afrika dem Neger
gegenüber einnehmen soll und muss entschieden dafür, dass jeder Vater
eines Mulatten in entsprechender Höhe, je nach seiner sozialen Stellung,
zur Entrichtung einer Geldrente herangezogen wird. Jedoch halte ich, den
hiesigen Lebensgewohnheiten entsprechend, eine Gesamt-Entschädigung je
nach Stellung und Einkommen des Vaters bis zu 1500 Mark, jedoch nicht unter 500
Mark für vollkommen ausreichend.
Der commissarische Bezirksamtmann Schmidt,
Oberleutnant*.
An das Kaiserliche Gouvernement in Lome.
* (Oberleutnant Oscar Schmidt war vom 27.3.1904 bis
11.12.1905 in Togo, davor war er 8 Jahre lang in Kamerun. Er war der erste und
einzige Bezirksamtmann, der seine deutsche Frau Elsa mit nach Togo brachte, wo
ihnen am 22.10.1904 ein Sohn geboren wurde; wahrscheinlich ist er wegen der
bevorstehenden Geburt an den Sitz des deutschen Regierungsarztes nach Anecho
versetzt worden. Schmidt hatte mithin kein Mulattenkind und dürfte mithin
unparteiisch berichtet haben.P.S.)
2.2 - Document n° 2 : Un article de presse sur la
question du métissage dans les colonies allemandes.
Source originale : Archives Nationales du Togo (ANT) -
FA1/22
2.2.1 - Résumé du document en
français
Ce document se fonde sur deux articles parus dans la
presse coloniale en 1906, l'auteur du document résume la situation de la
question des métis dans les colonies en posant une seule question :
« Voulons-nous le mélange des races ou la pureté de la race
dans nos colonies ? » Le premier article parle d'une mesure de boycott
envisagée par une association dans la colonie allemande du
Sud-Ouest-Africain (aujourd'hui Namibie) pour sanctionner tous les Blancs qui
ont des relations sexuelles avec des Noires. L'Association exige l'intervention
du gouvernement colonial contre ces Blancs, sinon, elle mettrait sa menace
à exécution. Cette menace avait alors suscité dans la
presse allemande libérale un tollé de protestations de la part de
ceux qui voyaient dans une telle action une atteinte à la liberté
individuelle, une manifestation de fanatiques de la pureté de la race.
Dans un autre article en réponse à ce dernier, un lecteur
s'étonne que des libéraux en Allemagne s'insurgent contre cette
menace de boycott, mais se demande aussi comment il serait possible de lutter
contre des Blancs ayant des relations sexuelles avec des femmes noires. En
somme, il ne croit pas à l'efficacité de mesures
répressives contre ce phénomène, mais prêche
plutôt pour une politique d'éducation des Blancs pour le respect
de leur race.
2.2.2 - Texte original allemand
Deutsche Kolonial- und
Überseekorrespondenz«, Berlin Nr. 10, vom 21. Juli 1906 4)
K.Ü.K. Rassenmischung oder Rassenreinheit in den Kolonien?
Grosses Aufsehen erregte bekanntlich vor einiger Zeit
das Vorgehen eines Bezirksvereins in Gibeon, Deutsch-Südwest, welcher den
gesellschaftlichen Boykott über alle Weissen zu verhängen
beabsichtigt, die offensichtlich mit schwarzen Frauen in sexuellem Verkehr
ständen. In der deutschen Presse, namentlich der freisinnigen, erhoben
sich vielfach Stimmen, welche ein derartiges Vorgehen für einen Eingriff
in die persönliche Freiheit des Einzelnen bezeichneten und voraussagten,
dass es viel böses Blut machen werde. Vielfach forderte man scharfes
Vorgehen der Behörden gegen solche Unfug« von germanischen
Rassenreinheitsfanatikern.
Ein tüchtiger Kenner unseres
südwestafrikanisches Schutzgebietes, wie Südafrika überhaupt,
schreibt nun der Deutschen Kolonial- und Übersee- Korrespondenz« zu
diesem Gegenstande: Die Aufregung über den Gibeoner Verein ist mir
unverständlich. Ja, wenn es sich noch um irgendwelche obrigkeitliche
Anordnungen und Strafbestimmungen handelte. Das ist ja nicht zu verkennen, dass
ein Eingriff der Behörden auf diesem difficilsten Gebiete allerdings die
grössten Bedenken hat. Aber auf der anderen Seite zu fordern, dass eine
freie Vereinigung von Menschen, die planmässig und durch ein
gesellschaftliches Mittel, dessen Wirksamkeit erst noch erprobt werden soll,
die Reinhaltung der weissen Rasse bezwecken, nun von der Regierung totgemacht
werden soll, ist gänzlich absurd, und dies um so mehr, wenn solche
Forderung von Preisen erhoben wird, die sonst über jede Einmischung des
Staates in die geheiligten Privatangelegenheiten seiner Bürger Zetermordio
schreien.
Dass im Allgemeinen der Standpunkt jenes Vereins von
allen Weissen drüben wenigstens unbewusst geteilt wird, ist jedem
Afrikaner zweifellos. Bisher liegen in unserer Kolonie die Sachen so, dass
wirkliche Ehen weisser Männer mit reinrassigen eingeborenen Weibern,
soviel ich weiss, überhaupt nicht existieren. Und auch die Zahl der
Mischehen weisser Männer und Bastardfrauen sind nicht so häufig, wie
man wohl glaubt, sondern grosse Seltenheit. Dass sie geschlossen worden sind,
ist lediglich auf wirtschaftliche Gründe zurückzuführen. Die
ökonomische Depression hat manchen Farmer und Händler bewogen, durch
eheliche Verbindung mit einem reichen Basdardmädchen seine
Verhältnisse zu verbessern. Soviel ich weiss, wäre es ein Ding der
Unmöglichkeit, diesen Ehen volle gesellschaftliche Anerkennung zu erringen
und die Basdardkinder den weissen Kindern gleichsetzen zu wollen.
Hier handelt es sich eben um so tiefgewurzelte
instinktive Rassengefühle, dass weder staatliche Massnahmen noch
reichliche Fütterung mit Humanitäts- und Menschengleichheitsidealen
seitens gutherziger Philanthropen etwas ausrichten können. Betrachten wir
doch nur das umgekehrte Verhältnis, dass eine weisse Frau einen Schwarzen
heiratet oder sich ihm sonst hingibt. Ich nehme keinen Anstand zu
erklären, dass ich jeden, der darin nichts finden« kann, für ein
Ferkel halte, mit dem ich mich nicht an einen Tisch setzen möchte. Mit
verschwindenden Ausnahmen von Menschen mit rassenmoralischer Gehirnerweichung
haben alle weissen Männer und Frauen das tiefe und unzerstörbare
Gefühl einer grässlichen Unreinlichkeit einem solchen Verhältnis
gegenüber. Eine derartige Frau ist natürlich für immer aus der
Gesellschaft ausgestossen- von rechtswegen. Hier sehen wir alle klar, dass man
Rassenfragen nicht aus einer philosophischen Weltanschauung der Gleichheit
aller Menschen mit Hilfe schöner logischer Deduktionen und sogenannter
edlen Gefühle lösen kann. Hier spricht die Stimme des Blutes gewaltig
und eindringlich mit. Damit ist für jeden vernünftigen Menschen mit
normalen Empfindungsleben die grundsätzliche Gleichheit von Weiss und
Schwarz bei der ehelichen oder sonstigen Mischung ad absurdum
geführt.
Nun scheint mir allerdings auch die Forderung des
Gibeoner Bezirksvereins, jeden Mann, der mit einer Eingeborenen offensichtlich
verkehrt gesellschaftlich zu ächten, wenn auch nicht als unsittlich, aber
doch als zu weitgehend und völlig undurchführbar. Aber wahrscheinlich
liegt hier nur ein Mangel der Berichterstattung vor, wie das Wörtchen
offensichtlich klar zu machen scheint. Zu meiner Zeit verstand man in
Südafrika unter offensichtlichen« Verkehr mit einer Eingeborenen
einen solchen, der die äusseren Formen des ehelichen Zusammenlebens
annahm: gemeinsame Benutzung von Wohn- und Schlafräumen etc. Aber dies ist
gleichfalls immer stillschweigend von allen als vom Rassen- standpunkt aus
unsittlich angesehen worden. Und mehr wird vermutlich jener Verein auch nicht
beabsichtigen.
Etwas anderes ist die Frage des freien gelegentlichen
Verkehrs mit schwarzen Frauen. Hier haben jedenfalls wir Männer
notgedrungen immer den Mantel christlicher Liebe und Duldsamkeit über den
Sünder gedeckt, der sich einmal in die Arme einer schwarzen Sirene
verirrte. Immer helfen freundliche Ermahnungen und moralische Aneiferungen
nicht, gegen das unter der heissen afrikanischen Sonne üppig wuchernde
Triebleben. Ein Notbehelf ! Auch die Buren, die man sonst und nicht mit Unrecht
als Muster in der Eingeborenenbehandlung ansieht, haben diesen
Verhältnissen schliesslich Rechnung tragen müssen, wie die nicht
unbedeutende Mischbevölkerung bei ihnen beweist. Sie hatten dabei den
Rassenkampf bedeutend leichter zu führen, weil sie in ihrer geschlossenen
Masse, familienweise stark organisiert, stets eine grosse Anzahl weisser Frauen
aufzuweisen hatten. Wir sind in diesser Hinsicht viel schlimmer daran. Und ich
kann nicht einsehen, dass es eine Inkonsequenz ist, wenn man bei allem starken
Rassegefühl derartigen rein triebmässigen Verbindungen eine gewisse
Duldung widerfahren lässt. Jeder Versuch durch gesellschaftlichen Boykott
auch die heissblütige Jugend zu notgedrungener Askese zu erziehen ist -
seien wir einmal vernünftig - eine Narrerei und gänzlich
aussichtslos. Dass vernünftige Leitung durch alte Afrikaner hier sehr viel
abzuschwächen und zu bessern vermag, will ich natürlich nicht in
Abrede stellen.
Unsinnig ist natürlich auch die Forderung, dass
man den vielen unehelichen Basdardkindern, insbesondere den sogenannten
Soldatenkindern, deren sich die Missionsgesellschaften in so anerkennenswerter
Weise annehmen, volle Gleichberechtigung im Bildungsgange mit den weissen
Kindern zugestehen soll. Einmal handelt es sich durchaus nicht um die
Blüte der afrikanischen Weiblichkeit, die hier in Betracht kommt, und dann
geht es eben nicht, weil die meisten dieser Kinder aus Rassengründen
geistig nicht fähig sind, eine derartige Bildung in sich aufzunehmen und
zu verdauen. Und schliesslich ist es auch politisch töricht und
gefährlich und erzieht uns nur Stänkerfriede und Unruhestifter, denen
das bischen eingetrichterte Bildung das arme kleine Gehirn verwirrt. Sie
dagegen zu einem tüchtigen Arbeiterstamm heranzuziehen ist eine
äusserst dankbare Aufgabe.
Immer hat die Erfahrung gelehrt, dass die
ungezügelte und gesellschaftlich sanktionierte Rassenmischung zwischen
Dunkel und Hell zum Ruin der früheren weissen Herrenklasse geführt
hat, zum Untergang oder doch zur Gefährdung ihrer Herrschaft. Es ist nicht
zu viel behauptet, dass der Neger selbst den Weissen anfängt zu verachten,
wenn er seine schwarzen Töchter zur Frau begehrt. Jeder Versuch, den
gesellschaftlichen Abstand zwischen den beiden Rassen in irgendetwas zu
überbrücken, führt mit Sicherheit zu Unruhen und
Aufständen, mit grösserer
Sicherheit zu Aufständen als harte ungerechte
Behandlung. Dies ist eine afrikanische Binsenwahrheit.
Eine Lösung der Schwierigkeiten ist nur zu
erhoffen durch Stärkung der öffentlichen Sicherheit, Kräftigung
der wirtschaftlichen Verhältnisse und der Existenzfähigkeit des
Farmbetriebes, damit unsere deutschen Frauen ihren männlichen Landsleuten
beruhigt übers Meer nach Neu- Deutschland folgen können. Haben wir
deutsche Frauen und deutsche Mädchen drüben, dann kann der Gibeoner
Bezirksverein diese Frage aus seinen Statuten streichen.
2.3 : Les principaux textes réglementaires pris
en 1909
2.3.1 : Document n° 3 : Procès-verbal de la
rencontre annuelle des Chefs de Districts à Bassari sur la prise en
charge des métis (séance du 1er au 5 mars 1909
présidée par le gouverneur Julius Graf Von Zech).
Source originale : Archives Nationales du Togo (ANT) -
FA1/1020, pp. 155-156
2.3.1.1- Texte original allemand
Bezirketag [sic!] in Bassari vom 1. bis 5. März
1909, Gouverneur Graf Zech als Vorsitzender « Zu 34
«Mulattenfrage«
Der Vorsitzende: Es liegen 4 Entwürfe vor
betr. Fürsorge für Mulattenkinder. Aus mehreren der Entwürfe
könnte die Auffassung herausgelesen werden, als sei es Sache der farbirgen
Mütter, für die Erziehung des Mulattenkindes zu sorgen. Einer solchen
Auffassung könnte ich mich nicht anschließen. Der Vorsitzende
verliest die wichtigsten Teile dreier Entwürfe, aus welchen diese
Auffassung entnommen werden kann.
Reg.-Rat Dr. Kersting (Bezirksleiter
Sokode-Bassari): Die Weissen sind verpflichtet, die Mulattenkinder zu erziehen.
Wo Weisse aus irgendeinem Grunde nicht zur Bestreitung der Erziehungs- und
Verpflegungskosten herangezogen werden können oder wo der Weisse nicht in
der nötigen Weise für Mulattenkinder sorgen [sic!], sollte dies die
Regierung tun.
Der Vorsitzende: Auch ich kann mich nicht auf
den Standpunkt stellen, dass Mulattenkinder von der Mutter zu erziehen seien.
Auch vom praktischen und wirtschaftlichen Gesichtspunkt aus ist es notwendig,
dass wir uns der Mulattenkinder annehmen. Die Mulatten können der
Regierung vermöge ihrer zweifellos höheren Begabung bei
sachgemässer Erziehung nützliche Dienste leisten.
Der Vorsitzende verliest den vierten Entwurf, in
welchen zur Vermeidung der irrtümlichen Auffassung, als sollte durch die
Fürsorge für die Mulatten eine Änderung an dem bisher
festgehaltenen Rasseprinzip eintreten, ein entsprechender Zusatz aufgenommen
wird.
Der Entwurf wurde in der beifolgenden Fassung einstimmig
angenommen.
Ferner wurde es allseitig als wünschenswert
erkannt, sobald ein Mulattenkind geboren wird, den Vater zu einer schriftlichen
Erklärung zu veranlassen, wo er das Kind erzogen zu haben wünscht
und, falls es ein Mädchen ist, für welche Mission er sich
entscheidet.
Dr. Kersting fragt an, ob seitens der Reg.
etwas getan werden kann für ein Mulattenkind, für das nicht oder
nicht genügend gesorgt wird und dessen Vater sich nicht mehr im
Schutzgebiet befindet.
Der Vorsitzende: In solchem Falle würde an
das Gouv. zu berichten sein. Der Vater des Kindes würde dann auf
dienstlichem Wege veranlasst werden, das nötige Verpflegungsgeld zu
zahlen. Andersfalls würden die Bestimmungen des Erlassentwurfes anzuwenden
sein.
Hauptmann Mellin: (Bezirksleiter Mangu)
wünscht Festsetzung eines Mindest- satzes des
Verpflegungsgeldes.
Der Vorsitzende: Das ist Sache der
Bezirksleiter, da in den einzelnen Bezirken der Satz ein anderer sein kann;
jedoch kann in jedem Fall, in dem nach Ansicht des Bez.-leiters zu wenig
bezahlt wird, an das Gouvernement berichtet werden, das dann das Nötige
zur Beschaffung ausreichende Mittel veranlassen wird.«
2.3.1.2 - Traduction intégrale du texte en
français La rencontre annuelle des Chefs de Districts à Bassari
du 1er au 5 mars 1909, présidée par le gouverneur Graf Zech.
Le Président : « Quatre projets
[d'ordonnance] sont proposés concernant la prise en charge des enfants
métis. Vu la plupart de ces projets, on pourrait en déduire qu'il
reviendrait aux mères noires de s'occuper de l'éducation des
enfants métis. Je ne pourrais pas me rallier à une telle
conception. »
Le président lit les principales parties des trois
projets d'où découle cette conception.
Le conseiller du gouvernement Dr. Kersting :
(Commandant de Cercle Sokodé-Bassari). « Les Blancs ont
l'obligation d'éduquer les enfants métis. Au cas où un
Blanc, pour une raison quelconque, ne pourrait assurer les frais
d'éducation ou d'alimentation ou au cas où il n'est pas possible
pour le Blanc de s'occuper de manière adéquate des enfants
métis, le gouvernement devrait le faire. »
Le Président : « Moi aussi je ne
partage pas le point de vue selon lequel les enfants métis doivent
être pris en charge par leurs mères. Pour des raisons pratiques et
économiques, il est nécessaire que nous prenions en charge les
enfants métis. Ces enfants pourraient, à travers une
éducation adéquate, servir le gouvernement par leurs
incontestables talents. » Le Président lit le quatrième
projet dans lequel est ajoutée une mention additive précisant que
la prise en charge des métis [par les Blancs] ne change rien au principe
de la séparation des races, ceci afin d'éviter toute
interprétation erronée.
Le projet fut alors adopté à
l'unanimité dans la forme ci-jointe.
Par ailleurs, il a été reconnu par tous
comme souhaitable, d'amener chaque père d'un enfant métis
à prendre, dès la naissance, l'engagement écrit stipulant
là où il souhaite faire éduquer son enfant, et si c'est
une fille, dans quelle société de mission il voudrait la voir
placée.
Dr. Kersting : demande si du côté
du gouvernement quelque chose pourrait être fait pour un enfant
métis qui n'a pas ou n'a pas assez de soutien et dont le père ne
se trouve plus dans la colonie.
Le Président : « De tels cas
devraient être rapportés au gouvernement. Le père de
l'enfant devrait être amené par voie administrative, à
payer les frais d'alimentation.
Dans le cas contraire, les dispositions du projet
d'ordonnance adopté à cet effet seront appliquées
».
Le Capitaine Mellin : (Commandant de cercle
Mango) souhaite la fixation d'un taux minimal des frais
d'alimentation.
Le Président : « C'est l'affaire
des commandants de District, car le taux peut varier selon les
réalités de chaque circonscription. Cependant, un rapport peut
être adressé au gouvernement, au cas où le montant
payé est jugé trop bas par le commandant, et dans ce cas, le
gouvernement prendra les dispositions nécessaires pour obtenir des
moyens suffisants ».
Commentaire succinct
Il ressort de cette conférence des
administrateurs locaux et centraux du Togo en 1909 (année du
25ème anniversaire de la colonisation allemande au Togo) que
le gouvernement a enfin pris la mesure du problème social posé
par les « métis allemands » dans la société
coloniale togolaise. Les Allemands eux-mêmes ont constaté la
misère dans laquelle sont confinés les enfants métis non
entrtetenus par leurs géniteurs. Il ont adopté le principe selon
lequel tout père d'un enfant métis est dans l'obligation d'en
assurer l'entretien et l'éducation. C'est la concrétisation
officielle de la proposition que l'administrateur Oscar Schmidt avait
déjà faite dans les remarques consécutives au recensement
des métis dans le District d'Aneho (document n° 1). Mieux vaut tard
que jamais ! Toutefois, les administrateurs ont adopté à
l'unanimité une mention additive selon laquelle « la prise en
charge des métis [par leurs géniteurs allemands] ne change rien
au principe de la séparation des races ». C'est donc une
politique de ségrégation raciale qui prédomine dans cette
question des métis.
2.3.2- Document n° 4 : Circulaire du gouverneur Zech
relative à la prise en charge des métis par l'Administration
coloniale
Source originale : Archives Nationales du Togo (ANT) -
FA3/185, pp. 274-276
2.3.2.1- Texte original allemand
Runderlass betreffend die Fürsorge für
Mulattenkinder.
Für den Unterhalt und die Erziehung derjenigen
Mulattenkinder, für welche nicht in angemessener Weise gesorgt wird, haben
die Leiter der Bezirksämter und Stationen die Fürsorge zu
übernehmen, und dabei folgende Grundsätze zu befolgen:
Bis zur Vollendung des 6. Lebensjahrs sind die
Mulattenkinder bei der Mutter zu belassen.
Alsdann sind die Knaben der Regierungsschule als
Kostschüler, die Mädchen den Missionsanstalten
zuzufüren.
Sind diese Massnahmen ohne Aufwand von Kosten nicht
durch führ-bar [sic!] oder stellen sich ihrer Durchführung sonst
Schwierigkeiten entgegen, so ist unter Darlegung des Sachverhalts an das
Gouvernement zu berichten.
Die Leiter der Bezirksämter und Stationen haben
sich persönlich von dem Wohlergehen der unter ihrer Obhut stehenden
Mulattenkinder zu überzeugen, bis diese das 15. Lebensjahr vollendet
haben.
An dem Prinzip, dass Mulatten als Farbige zu gelten haben
soll durch obige Anordung nichts geändert werden.
Lome,den 9. Juli 1909
Der Gouverneur
gez. Graf Zech.
2.3.2.2 - Traduction intégrale du texte en
français Circulaire relative à l'assistance aux enfants
mulâtres
L'entretien et l'éducation des enfants
mulâtres qui ne reçoivent pas d'aide convenable, doivent
être pris en charge par les chefs de Circonscription et de Stations selon
les principes suivants :
- Jusqu'à l'âge de 6 ans révolus, les
enfants mulâtres doivent être laissés à leurs
mères.
- Ensuite, les garçons doivent être
envoyés comme pensionnaires à l'école gouvernementale, et
les filles dans les établissements missionnaires.
- Au cas où ces mesures ne peuvent pas
être appliquées sans engendrer des frais, ou bien si l'application
de ces mesures rencontre quelques autres difficultés, un rapport doit
être adressé au gouvernement, en y exposant les faits.
- Les Chefs de Districts et de Stations doivent
s'assurer personnellement du bien-être des enfants mulâtres
placés sous leur garde jusqu'à ce que ceux- ci atteignent
l'âge de 15 ans révolus.
- Les dispositions ci- dessus énoncées ne
doivent rien changer au principe selon lequel les mulâtres sont à
considérer comme des gens de couleur.
Lomé, 09 Juillet 1909
Le Gouverneur,
Von Zech.
Commentaire succinct
Cette circulaire est la traduction en texte
réglementaire de la décision issue de la conférence
annuelle des administrateurs locaux tenue à Bassari en mars 1909
(document n° 3).
2.3.3 - Document n° 5 : Rapport de Dr. Asmis58 sur le
port de noms allemands par les enfants métis
Source originale : Archives Nationales du Togo (ANT) -
FA3/185 pp. 143-147
2.3.3.1- Résumé du document en
français
L'administrateur Asmis, chef de la Circonscription
administrative de Lomé-Ville, a remarqué que les enfants
métis ajoutent à leurs prénoms les noms de leurs
pères allemands. Pour lui, cette attitude est dangereuse du point de vue
de la politique raciale. Il justifie son point de vue et propose donc pour
adoption au cours de la prochaine réunion des Chefs de Circonscription,
un projet d'ordonnance pour réglementer le port de noms allemands par
des métis de pères allemands.
58 Dr. Rudolf Asmis est né le 12 juin 1879
à Meshenhagen. Il arriva dans la colonie du Togo le 13 décembre
1906 où il fut nommé le 27 juillet 1908 assesseur auxilliaire de
la justice puis après président de la commission des terrains. Il
défendait l'interêt du territoire de la population
indigène, dont les terres vacantes et sans maître étaient
illégalement occupées par la DTG (Die Deutsche Togo
Gesellschaft). Soucieux de cette population, il entreprit des recherches en vu
d'une codification des droits des indigènes. Mais il lui fut interdit de
publier les résultats de ses recherches. Et lui-même conscient des
limites fixées pour ses recherches sur la codification des droits des
indigènes se tut et trouva sa satisfaction personnelle dans la
carrière coloniale. Ayant pris conscience de son appartenance à
la race supérieure et à un peuple de seigneurs Asmis s'opposa
évidemment à la politique raciale des Anglais, des Hollandais,
des Portugais et des Français qui toléraient le métissage;
ce qui justifie sa prise de position dans ce texte. Il quitta la colonie le 5
janvier 1912 pour ses congés en Allemagne et ne revint plus. (Ahadji
1995 : 43ff).
2.3.3.2 - Texte original allemand
Kaiserliches Bezirksamt Lome-Stadt, Lome 30. Okt.
1909,
[...] Anlässlich der vom Bezirksamt
auszuübenden vormundschaftlichen Tätigkeit habe ich beobachten
können, dass den Mulattenkindern häufig die Namen ihrer
ausserehelichen Väter beigelegt werden. Ich halte diesen Brauch vom
rassenpolitischen Standpunkt für bedenklich. Meines Erachtens ist es
erwünscht, dass die Scheidung, die in der gesamten Rechtsstellung der
beiden Bevölkerungsteile zwischen den Weissen und den Farbigen gemacht
wird und die den Grundzug der Rassenpolitik des Gouvernements bildet, auch in
der Namengebung zum Ausdruck kommt. Diese Vermischung der Namen wird, wenn es
einmal notwendig werden wird, gesetzlich festzulegen, bis zu welchem Grade der
Blutvermischung der Mischling noch als Farbiger anzusehen ist, die
Durchführung einer derartigen Massnahme äusserst erschweren, wenn
nicht unmöglich machen. Sie wird weiter zur Folge haben, dass sich der
Mischling mit überwiegend europäischem Blut dank seines Namens als
Europäer fühlen wird und sich als solcher behandelt wünscht.
Komplikationen sind alsdann unausbleiblich. Sie lassen sich vermeiden, wenn
auch für das Schutzgebiet betreffend der Eingeborenen der Grundsatz des
deutschen Rechts (vgl BGB § 1706)59 anerkannt und
durchgeführt wird, dass das uneheliche Kind den Familiennamen der Mutter
erhält. Auch in späteren Generationen wird sich alsdann aus dem Namen
die Abstammung ergeben. Führen die Mütter keine Familiennamen, so
wären den Mulattenkindern seitens des Gouverneurs Namen beizulegen, die ja
in Anlehnung an die bei der Namenverleihung an die in Preussen und
Österreich in Bezeichnungen der Stammessprache aus dem Tier-, Pflanzen und
Steinreich bestehen könnten. Treten einmal aus der Verpflichtung zu dieser
Namensführung besondere Härten hervor, so liessen sich diese dadurch
beseitigen, dass ein Namenwechsel mit Genehmigung des Gouverneurs als
zulässig erachtet wird.
Wenn auch die Zahl der Mulatten nach den letzten
Statistiken von 93 im Jahre 1908 auf 156 im Jahre 1909 angewachsen ist, so wird
sich trotzdem zur Zeit eine entsprechende Massnahme noch unschwer
durchführen lassen. Andererseits weist diese Zunahme der Mulatten um 59, 6
% in einem Jahr - mag auch ein Bruchteil dieser Zunahme auf die genauere
Zählung zurückzuführen sein - mit zwingender
Überzeugungskraft auf die Notwendigkeit einer alsbaldigen gesetzlichen
Regelung hin. Die gesetzliche Unterlage ist in der Kaiserlichen Verordnung vom
3. Juni 190860 gegeben. Ich stelle daher gehorsamst zur
Erwägung, die Frage auf dem nächsten Bezirkstag zur Erörterung
zu stellen und alsdann möglichst bald den Erlass einer entsprechenden
Verordnung herbeizuführen. Den Entwurf einer solchen beehre ich mich
beizufügen.
Verordnung des Gouverneurs betr. die Namensführung
von Abkömmlingen von Europäern und Farbigen. Auf Grund des §
2 der Allerhöchsten Verordnung betr. die Einrichtung der Verwaltung und
die Eingeborenen-Rechtspflege in den afrikanischen und
59 §1706 des Bürgerlichen Grundbuches: Das
uneheliche Kind erhält den Familiennamen der Mutter.
Führt die Mutter in Folge ihrer Verheiratung
einen anderen Namen, so erhält das Kind den Familiennamen, den die Mutter
vor der Verheiratung geführt hat. Der Ehemann der Mutter kann durch
Erklärung gegenüber der zuständigen Behörde dem Kinde mit
Einwilligung des Kindes und der Mutter seinen Namen erteilen; die
Erklärung des Ehemanns sowie die Einwilligungserklärung des Kindes
und der Mutter sind in öffentlich beglaubigter Form abzugeben (S.1009)
.
60 In der Hauptversammlung vom 12. Juni 1908 sprach
sich die Gesellschaft dahin aus, dass keinem Farbirgen die
Reichsangehörigkeit verliehen werden soll, dass kein Farbirger eine
amtliche Stellung erhalten darf, in welcher er direct oder indirect Vorgesezter
von Weissen ist und dass Ehen zwichen Farbigen und Weissen in den
Schutzgebieten standesamtlich nicht eingetragen werden dürfen und Kinder
aus solchen Ehen als Farbige gelten (Zeitschrift für Kolonialpolitik,
Kolonialrecht und Kolonialwirtschaft 1912, S.744).
den Südseeschutzgebieten vom 3. Juni 1908
(Deutsches Kolonialblatt S. 617) wird mit Zustimmung des
Reichskanzlers Folgendes verordnet:
§ 1 Abkömmlinge von Europäern und
Farbigen erhalten den Familiennamen des farbigen Teils der Eltern. Führt
dieser selbst keinen Familiennamen, so ist dem Abkömmling ein Familienname
aus dessen Stammessprache durch den Gouverneur zu verleihen.
§ 2 Diese Verordnung tritt am in Kraft,
Lome, den der Gouverneur
A(smis) Bezirksamtmann«
2.3.3.3 - Traduction du document en français
District impérial de Lomé - Ville,
Lomé le 30 octobre 1909
Dans l'exercice de mes fonctions de tuteur [des
métis] dans ma Circonscription, j'ai pu constater que les prénoms
des enfants mulâtres s'accompagnent dans la plupart des cas des noms de
leurs pères illégitimes. Je trouve cette pratique
inquiétante pour notre politique raciale. A mon avis, il est souhaitable
que se reflète aussi dans l'attribution des noms la séparation
entre Blancs et Noirs fixée par la position juridique des deux
composantes de la population, et qui fait le fondement de la politique raciale
du gouvernement. Si jamais il s'avérait nécessaire de
déterminer légalement, jusqu'à quel degré de
mélange de sang le métis devrait être encore
considéré comme un Noir, la confusion de noms rendra difficile,
sinon impossible l'application d'une telle mesure. Par ailleurs, la
conséquence d'une telle pratique sera que le métis, grâce
à ce nom, se sentira comme étant un Européen, et voudra
être traité comme tel, parce qu'ayant un sang majoritairement
européen. Des complications seront alors inévitables. Cela
pourrait être évité si l'on reconnaît et que l'on
applique pour la colonie, en ce qui concerne les indigènes, le principe
du droit allemand (Cf. Code Civil allemand BGB) § 1706, selon lequel
l'enfant hors-mariage se voit attribué le nom de famille de sa
mère. Ainsi, même pour les générations futures,
l'origine d'une personne se reconnaîtra dans son nom. Si les mères
ne portent aucun nom de famille, le gouverneur pourrait alors attribuer aux
enfants métis des noms selon la pratique en vigueur en Prusse et en
Autriche, et qui consiste à choisir des noms désignant des
animaux, des plantes ou des roches dans la langue locale. Dans le cas où
une telle manière d'attribuer les noms viendrait à rencontrer des
difficultés particulières, on pourrait y remédier en
envisageant de concéder un changement de nom, sur autorisation du
gouverneur. Même si, selon les statistiques récentes, le nombre
des
mulâtres est passé de 93 en 1908 à
156 en 1909, l'application d'une mesure conséquente se fera actuellement
sans difficulté. Sinon, selon l'impérieuse conviction qui
s'impose de plus en plus, l'augmentation des mulâtres de 59% en un an
rend nécessaire une réglementation urgente, même si une
partie de cette augmentation est due à un manque de précision
dans le recensement. Le cadre juridique d'une telle mesure est
déjà fourni par l'ordonnance impériale du 3 juin 1908.
C'est pourquoi je me permets de proposer qu'il soit envisagé d'aborder
cette question au cours de la prochaine conférence des Chefs de
District, afin que la décision d'une ordonnance allant dans ce sens
puisse être prise dans les plus brefs délais. Je me permets de
proposer ci-joint un projet d'une telle ordonnance.
Avec l'accord du Chancelier du Reich et
conformément à l'article 2 du décret impérial
portant institution de l'administration coloniale et application du droit des
indigènes dans les protectorats africains et ceux d'outre-mer du 3 juin
1908 (Deutsches Kolonialblatt p. 617), il est
décrété avec l'accord du Chancelier du Reich au sujet du
port de noms des descendants d'Européens et de femmes de couleur, ce qui
suit :
Article 1 : Les descendants d'Européens et de
femmes de couleur reçoivent les noms de famille du parent noir. Au cas
où ce dernier ne porte pas lui- même de nom de famille, il
reviendrait alors au gouverneur de donner au descendant un nom de famille en se
référant à sa langue d'origine.
Article 2 : Ce décret entre en vigueur le
.....
Lomé le
signé
Le gouverneur
le chef de district, Asmis
2.4 - Document n° 6 : Procès verbal de la
conférence régionale des administrateurs du sud de la colonie
Lomé en 1911, sur l'attribution des noms aux enfants métis
Source originale : Archives Nationales du Togo (ANT) -
FA3/1012, pp. 9-11
2.4.1- Résumé du document en français
La réunion qui fait l'objet de ce procès
verbal fait suite à la demande formulée dans le document
précédent (n° 5) d'envisager une réglementation du
port des noms allemands par des métis.
2.4.2 : Texte original allemand
Niederschrift über den am 9. März 1911 im
Gouverneurshause in Lome abgehaltenen südlichen Bezirkstag« stellv.
Gouverneur von Doering als Vorsitzender
Namengebung der Mulattenkinder
Der Vorsitzende vorliest einen Bericht des
Bezirksamts Lome-Stadt vom 30. Okt. 1909 und bemerkt dazu, dass in dem
Verordnungsentwurf die Behandlung eines von einer weissen Mutter abstammenden
Mulattenkindes nicht vorgesehen sei.
Dr. Asmis: Ein von einer weissen Mutter
abstammenden Mulattenkind würde nach dem B.G.B. den Namen der Mutter zu
führen haben. Er schätze die Zahl der Mulattenkinder auf etwa 200,
sie werde bald die Zahl der Europäer übersteigen. Sobald erst Kinder,
die zu drei Vierteln europ. Blut hätten, vorhanden wären - und das
sei nur eine Frage der Zeit - würden die gleichen Schwierigkeiten
bezüglich der Rassentrennung entstehen, wie sie jetzt schon in anderen
Staaten, die den Grundsatz des Rassengegensatzes anwendeten,
beständen.
Diese Schwierigkeiten liessen sich zum grossen Teil
vermeiden, wenn der Mischling durch seinen Namen sofort als solcher kenntlich
sei. Jetzt seien diesbezügliche Massnahmen noch durchführbar. Er
halte es daher aus rassenpolitischen Gründen für wünschenswert,
dass die Namengebung durch Verordnung geregelt werde.
Regierungsrat Hermans: Bei der noch geringen
Zahl der Mulattenkinder und ferner unter Berücksichtigung des Umstands,
dass die Mulatten keine bessere Erziehung als die Neger geniessen, halte ich
die Sache nicht für so dringend, dass die Angelegenheit schon jetzt durch
Verordnung zu regeln wäre; eine Regelung der Namengebung durch
Verfügung oder Runderlass wäre zu erwägen.
Der Vorsitzende bespricht hierauf den Fall Blank.
Blank halte sich zur Zeit in (Deutsch-) Südwest auf und habe abgelehnt,
für den Unterhalt des Kindes zu sorgen. Da es bedenklich, ja aussichtslos
erscheine, Blank in Südwest auf Unterhaltsansprüche zu verklagen, so
befinde sich das Gouvernement in diesem Fall in einer misslichen Lage. Um
keinen Präzedenzfall zu schaffen, könne das Gouvernement nicht
für den Unterhalt des Kindes eintreten. Das Kind befinde sich zur Zeit in
einem recht verwahrlosten Zustande in Bassari, und da es ein Mädchen sei,
würde sich die kath. Mission vielleicht seiner annehmen. Das Gouvernement
würde dieserhalb mit der Mission in Verbindung treten.
Der Vorsitzende stellt hierauf den Verordnungsentwurf
einstweilen zurück. Nach der Geburt des ersten Quadronenkindes könne
dieser Frage wieder nähergetreten werden.«
2.4.3 : Traduction intégrale du texte en
français Procès-verbal de la réunion des Chefs de District
de la région méridionale, tenue le 9 mars 1911 dans la
résidence du Gouverneur à Lomé. Cette réunion fut
présidée par von
Doering, Gouverneur intérimaire, et avait pour
ordre du jour «le nom à donner aux enfants
mulâtres».
Le Président de séance donna lecture
d'un rapport du Chef de District de Lomé-Ville du 30 octobre 1909 et fit
remarquer que le traitement d'un enfant mulâtre né d'une
mère Blanche, n'est pas prévu dans le projet de
décret.
Dr. Asmis: Selon le code civil allemand, un
enfant mulâtre né d'une mère blanche devrait porter le nom
de la mère. Il estima le nombre des enfants mulâtres à
environ 200 et en a déduit qu'il dépasserait bientôt celui
des Européens. Dès qu'il existerait des enfants qui auraient
jusqu'à 3/4 de sang européen - et ceci n'est plus qu'une question
de temps - il existerait à propos de la politique de séparation
des races, les mêmes difficultés que celles déjà
survenues dans les autres pays qui appliquent le principe fondamental de la
séparation entre les races.
On anticipera la plupart de ces difficultés, si
le métis est reconnaissable comme tel à son nom. Les mesures
relatives à ce problème sont actuellement encore applicables.
Pour ce faire, il serait souhaitable, pour des raisons de politique raciale,
que le port de nom par les enfants métis soit réglementé
par un décret.
Hermans, Conseiller du Gouvernement: Pour un
nombre encore faible des enfants mulâtres et aussi compte tenu du fait
que les mulâtres ne jouissent pas d'une meilleure éducation que
celle des Nègres, je ne trouve pas qu'il soit si urgent de sortir un
décret pour statuer sur cette affaire; il faudrait encore étudier
la possibilité de réglementer le problème de l'attribution
par simple décret.
Le Président de séance a
évoqué à ce propos le cas Blank. Blank réside
actuellement dans la colonie allemande du Sud-Ouest Africain et a refusé
de payer la pension alimentaire de l'enfant. Et puisqu'il se
révèle inquiétant et sans issue de porter plainte contre
Blank là-bas pour obtenir le versement de la pension alimentaire, alors
le Gouvernement se retrouve dans un grand embarras. Pour ne pas créer de
précédents, le Gouvernement ne peut pas intervenir dans la prise
en charge de l'enfant qui se trouve actuellement à Bassari dans un
parfait état de déchéance, et puisque c'est une fille, la
mission catholique pourrait peutêtre la prendre dans son
établissement. À ce sujet, le Gouvernement va donc entrer en
contact avec la mission.
Sur ce, le Président de séance remet
à plus tard le projet de décret. Cette question pourra de nouveau
retenir l'attention des autorités après la naissance du premier
enfant de la quatrième génération de
métis.
Commentaire succinct
C'est la première tentative officielle
d'obtenir une réglémentation sur le port de noms allemands par
des métis de pères allemands, constaté par Dr. Asmis dans
sa Circonscription, comme cela est d'ailleurs de coutume partout ailleurs. La
décision est remise à plus tard, mais le problème demeure,
selon les administrateurs coloniaux.
2.5 - Document n° 7 : [Konkubinat zwischen Weissen
und farbigen Frauen«] Concubinage entre Blancs et femmes noires
Source originale : Archives Nationales du Togo (ANT) -
FA1/487, p.19.
2.5.1 : Résumé du texte en
français
Ce document est une mise au point du gouvernement
colonial, par délégation de pouvoir, au sujet du statut
matrimonial des relations entre un Blanc et une Noire : cela ne peut, en aucun
cas, être considéré comme un mariage. C'est clair et
net.
2.5.2 : Texte original allemand
Abschrift J. no 5220 /
11
Konkubinat zwischen Weissen und farbigen
Frauen
Das Zusammenleben eines Europäers mit einer
Farbigen kann auch dann nicht als Ehe im deutschrechtlichen Sinne angesehen
werden, wenn die für den Abschluss der Ehen von Farbigen nach Stammesrecht
üblichen Gebräuche und Formalitäten beobachtet worden sind. Es
kann daher, wenn die mit einem Europäer zusammenlebende farbige Frau von
einem Farbigen geschlechtlich gebraucht wird, auch keine Bestrafung wegen
Ehebruchs, sondern, sofern die übrigen Begleitumstände dies
rechtfertigen, nur eine Bestrafung wegen Beleidigung oder Achtungsverletzung
von bezw. gegenüber einem Europäer erfolgen.
Lome, den 19. Juli 1911
Der Gouverneur i. A. gez. Hermans.
2.5.3 : Traduction intégrale du texte en
français
Copie J. n 5220/11
Concubinage entre Blancs et femmes de couleur
La vie commune d'un Européen avec une femme de
couleur ne peut pas être considérée comme un mariage au
sens du droit allemand, même si les coutumes et formalités
habituelles pour la conclusion des unions des gens de couleur selon le droit
coutumier ont été respectées. Pour cette raison,
lorsqu'une femme de couleur vivant avec un Européen a été
utilisée pour des relations sexuelles par un homme de couleur, il ne
peut y avoir de sanction pour adultère, mais plutôt une punition
pour outrage, ou pour atteinte à l'honneur d'un Européen, pour
autant que le permettent tous les autres faits liés à ces
relations.
Lomé, le 19 juillet 1911
Pour le le Gouverneur et p.o. Hermans.
Commentaire succinct
Il serait intéressant de connaître le
contexte réel de cette mise au point, car il s'agit sans doute d'un cas
où un Blanc a porté plainte contre un Noir qui aurait eu des
relations avec sa femme noire. Sollicité pour trancher cette question,
l'Administration coloniale ne veut pas tomber dans un piège en punissant
le Noir ou la Noire accusé(es) d'adultère. Car une telle sanction
reviendrait à reconnaître comme un mariage la vie commune d'un
Blanc avec une Noire. Alors, pour couper la poire en deux, il est convenu de ne
pas parler d'adultère, mais d'atteinte à l'honneur d'un
Européen.
Cette vision du droit selon l'administration coloniale
montre toute la complexité de la question : on ne reconnaît pas
à la femme noire un statut d'épouse, même si les
formalités de mariage à l'africaine ont été toutes
respectées. Mais si la femme noire vient à faire un écart
conjugal, elle sera sanctionnée, comme son partenaire noir, pour offense
à honneur d'un Européen. Curieuse vision du droit !
2.6 - Document n° 8 : Procès-verbal
d'une session du gouvernement colonial du Togo tenue à Lomé en
1912 sur la question du métissage et du mariage mixte
Source originale : Archives Nationales du Togo (ANT) -
FA1/412, pp. 23-25
2.6.1- Résumé du document en
français
Le 18 septembre 1912, s'est tenue une réunion
du Conseil de gouvernement de la colonie au domicile du gouverneur Adolf
Friedrich zu Mecklenburg, avec comme 5ème point de l'ordre du
jour, la question des métis et des mariages mixtes. À l'issue de
cette séance, il ressort que tous les participants sont unanimement
contre les mariages mixtes. Au terme de la séance, le conseil du
gouvernement a donc demandé au gouvernement
1 De faire cesser le plus tôt possible les mariages
mixtes dans la colonie.
2 De redéfinir les lois concernant les droits des
enfants hors mariage auxquels le code civil ne peut être
appliqué.
2.6.2 : Texte original allemand
"Niederschrift über die am 18. Sept. 1912 im
Gouverneurshaus zu Lome abgehaltene Gouvernementsratssitzung" unter Vorsitz des
Gouverneurs Adolf Friedrich zu Mecklenburg: 5. [Punkt] Stellungnahme zur
Mischlings- und Mischehenfrage." "Regierungsrat Hermans führt
folgendes aus: Nach einer im Reichstag eingebrachten Resolution sollen
Mischehen in den Kolonien gestattet sein. Die Regierung wäre dagegen. Das
Reichskolonialamt wünsche Stellungnahmen zu dieser Frage durch die
Gouvernementsräte. In Togo sei der Rassenunterschied bisher scharf gewahrt
worden und man sei gut dabei gefahren. Die Gestattung der Mischehe würde,
wenn auch zur Zeit hier im Schutzgebiet Ehen zwischen Schwarzen und Weisse in
absehbarer Zeit nicht in Frage kommen, das scharfe Rassengefühl, welches
wir unbedigt brauchen, schwächen. Die Mischehenfrage kann nicht aus
ethischen und religiösen Gesichtspunkten, sondern vor allem aus
rassenpolitischen Gesichtspunkten beantwortet werden. Die Missionen in
Südwestafrika wären sämtlich dagegen.
Planzungsdirektor Wöckel ist auch der
Ansicht, dass Mischehen in den Kolonien verboten werden sollen, dass
insbesodere dadurch das Ansehen der weissen Frau geschädigt
werde.
Missionar Däuble erklärt, vom
christlichen Standpunkt sei gegen Mischehen nichts einzuwenden. Aber vom
natürlichen und gesellschaftlichen Standpunkt aus müsse man dagegn
ankämpfen.
Präfekt Schönig schliesst sich den
Worten der Vorredner an und führt aus, dass eine Ehe zwischen Schwarzen
und Weissen schon deshalb untunlich sei, weil nach kath. Auffassung die Ehe
unlöslich sei. Ein Europ.[äer] aber, der hier eine Eingeb.[orene]
heirate, sei aus klimatischen Gründen über kurz oder lang
genötigt, die gemässigte Zone aufzusuchen, was angesichts der
praktischen Unmöglichkeit, ein eingeb.[orenes] Weib
dorthin mitzunehmen, die Lösung der Ehe zur Folge
habe. Ebenso wendet er sich auch scharf gegen die illegitimen Ehen.
Der Vorsitzende ist auch der Meinung, dass man nur
einen ablehnenden Standpunkt einnehmen könne.
Der Referent bemerkt, dass die Gestattung der
Mischehe auf das Zusammenleben von Europäern mit eingeb. Weibern in keiner
Weise Einfluss ausüben werde.
Alle Anwesenden halten eine Regelung des Rechtes
der unehelichen Kinder im Schutzgebiet für wünschenswert.
Es wird hierauf folgende Resolution einstimming
angenommen:
Der Gouvernementsrat ersucht das Gouvernement,
daraufhinzu wirken, dass die Eingehung [sic!] von Mischehen im Schutzgebiet
unter allen Umständen unmöglich gemacht wird und hält eine
Regelung des Rechtes derjenigen unehelichen Kinder, auf welche das
Bügerliche Gesetzbuch zur Zeit nicht Anwendung findet, für
erwünscht."
Unterschriften: zu Mecklenburg, Geh. Reg.-Rat von
Doering, Assessor Clausnitzer, Assessor Dr. Fleischhauer, landwirtsch. Beirat
Sauerwein, Stabsarzt Dr. Rodenwaldt, Kaufmann Armerding, Pflanzungsdirektor
Woeckel, Präses Däuble, Präfekt Schönig, Bauunternehmer
Starcke, Sekretär Schnecko als Protokollführer.
2.6.3 : Traduction intégrale du texte en
français Procès-verbal de la séance du Conseil de
Gouvernement tenue le 18 septembre 1912 dans la maison du gouverneur à
Lomé, et présidée par le Gouverneur Adolf Friedrich zu
Mecklenburg.
Cinquième point [de l'ordre du jour] : Prise de
position sur la question des mulâtres et des mariages mixtes.
Le conseiller du gouvernement Hermans explique ce qui
suit : d'après une résolution introduite au Reichstag, il est
demandé que les mariages mixtes soient autorisés dans les
colonies. Le gouvernement serait contre cela. L'administration coloniale
impériale souhaite donc des prises de position sur cette question
à travers les conseils de gouvernement [des colonies]. Selon Hermanns,
au Togo, la différence entre les races est très clairement
observée jusqu'à présent et la situation a
été bien maîtrisée. Même si une autorisation
des mariages mixtes n'est pas envisagée ici dans la colonie dans
l'immédiat, une telle mesure affaiblira le sentiment racial qui demeure
une nécessité. La question des mariages mixtes ne peut pas
être abordée et résolue d'un point de vue éthique ou
religieux, mais surtout du point de vue de la politique raciale. Les
sociétés de mission dans le Sud-OuestAfricain Allemand sont toute
contre cela.
Woeckel, Directeur de plantation est aussi de l'avis
que les mariages mixtes doivent être interdites dans les colonies,
particulièrement parce qu'ils portaient atteinte à la
considération envers la femme blanche.
Le missionnaire Däuble [de la Mission Protestante
de Brême au Togo] explique que du point de vue religieux, il n'y a rien
à dire contre les mariages mixtes, mais que du point de vue naturel et
social, il faut combattre cela.
Le préfet apostolique Mgr Schönig [de la
mission catholique de Steyl] se rallie à l'opinion de l'orateur
précédent et explique qu'un mariage entre des Noires et des
Blancs est déjà impensable en soi, parce que l'Eglise catholique
considère le mariage comme indissoluble, alors qu'un Européen qui
serait marié ici à une indigène sera tôt ou tard
amené à retourner dans une zone tempérée, et
l'impossibilité d'emmener une femme indigène conduirait
inévitablement à la dissolution du mariage. De même, le
missionnaire catholique est strictement contre les mariages
illégitimes.
Le président de séance est aussi d'avis
que seule une prise de position négative doit être
envisagée.
Le rapporteur fait remarquer que l'autorisation de
mariages mixtes n'aura aucune influence sur la vie commune des Européens
avec les femmes indigènes.
Toutes les personnes présentes
considèrent qu'il est souhaitable d'élaborer une
réglementation des droits des enfants nés hors-mariage dans la
colonie.
Sur ce, la résolution suivante a été
adoptée à l'unanimité :
Le Conseil de Gouvernement demande au gouvernement de
faire cesser par tous les moyens les mariages mixtes dans la colonie et
souhaite une réglementation des droits des enfants hors mariages pour
lesquels le code civil [allemand] ne peut pas, pour le moment, être
appliqué.
Ont signé: zu Mecklenburg, le Conseiller de
Gouvenement von Döring, l'Assesseur Clausnitzer, l'Assesseur Dr.
Fleichhauer, l'Assistant agricole Sauerwein, le Médecin Dr. Rodenwaldt,
le Commerçant Armerding, le Directeur de plantation Wöckel, le
Missionnaire Däuble, le Missionnaire Schönig, l'Entrepreneur Starcke,
le Secrétaire Schnecko en tant que Rapporteur de
séance.
Commentaire succinct
Ce qui ressort essentiellement de cette séance
du Conseil de Gouvernement, c'est l'hypocrisie flagrante des membres de ce
Conseil qui campent sur des positions tranchées et font la politique
de l'autruche en face de la réalité du terrain : alors qu'il
est
unanimement reconnu que le mariage mixte existe bel et
bien au Togo - avec beaucoup de mauvais exemples certes, mais avec quelques cas
encourageants - tous les membres de cette instance s'efforcent de nier cela.
Plus ridicule encore est la position de ceux d'entre eux qui fondent leur
argumentation de refus sur le fait que le Blanc ne pourra pas emmener une femme
noire en Europe. En somme, tous préfèrent tolérer dans la
colonie ce qui n'est pas tolérable en Allemagne ! Une telle attitude
face à une réalité évidente et troublante ne
pouvait que compliquer toute solution au problème. Enfin, il faut
souligner que, vu rétrospectivement, les missionnaires des deux
confessions se sont discrédités en se rangeant sur les positions
colonialistes. Le pasteur Däuble, de la Mission de Brême, a bien
commencé sa réflexion en affirmant que « du point de vue
religieux, il n'y a rien à dire contre les mariages mixtes«,
mais en ajoutant que d'un point de vue naturel et social, il faut combattre
cela«, on se demande de quelle nature il parle, sinon de la nature
raciste qui guide ses opinions. En se ralliant à lui, le préfet
apostolique Mgr Schönig, de la mission catholique de Steyl, commet la
même erreur historique en affirmant qu'un mariage entre des Noires et
des Blancs est déjà impensable en soi«. Au nom de quel
dogme religieux une telle union estelle impensable? L'explication qu'il donne -
(«parce que l'Eglise catholique considère le mariage comme
indissoluble«) - n'a rien à voir avec la race des
mariés. Les églises chrétiennes, à travers la prise
de position de ces deux missionnaires, ce sont discrétées au Togo
sur la question du mariage mixte. Elles se sont ralliées à des
positions doctrinales qui n'ont rien à voir avec les dogmes religieux
(cf. également document n° 11 du présent mémoire).
Mais on comprend très bien la raison de cette attitude : tant que la
cohabitation entre Blancs et Noirs dans la colonie est fondée sur la
politique de la séparation des races, le gouvernement ne peut pas scier
la branche sur laquelle il est lui-même assis. Le racisme comme doctrine
coloniale ne peut pas officiellement cohabiter avec les mariages mixtes. Donc
le Conseil de Gouvernement offre une fin de non-recevoir à la demande
venue du Reichstag qui s'apprêtait à envisager l'autorisation des
mariages mixtes dans les colonies. De ce côté-là aussi, il
s'agissait sans doute également d'une demande hypocrite : le Reichstag
demande l'avis des gouverneurs coloniaux, en sachant que cet avis sera
négatif. En effet, cette question avait été
déjà débattue en 1911 au Reichstag, et c'est le Ministre
des Colonies en personne, Wilhelm Solf, qui était venu défendre
la pureté de la race devant les parlementaires en
s'écriant61: « Messieurs, je prie instamment de vous
laisser guider dans cette affaire,
61 Meine Herren, ich bitte Sie dringend, sich in
dieser Frage von Ihren Instinkten leiten zu lassen: Wünschen Sie, dass
Ihnen Ihre Söhne schwarze Schwiegertöchter ins Haus bringen?
Wünschen Sie, dass sie Ihnen wollhaarige Enkel in die Wiege legen? Nein
meine Herren, die ganze Nation wünscht das nicht.» (cité
in Petschull 1984:121)
par vos instincts. Souhaitez-vous que vos fils vous
ramènt à la maison des belles-filles noires?
Souhaitez-
vous qu'ils vous déposent dans le berceau des
petits-fils aux cheveux crépus? Non messieurs, la nation toute
entière ne souhaite pas cela.
C'est d'ailleurs pourquoi Solf, dans une
correspondance ultérieure, datée du 12 juillet 1913, salue la
décision du Conseil du Gouvernement du Togo en ces termes :
«Von der Entschliessung des Gouvernementsrats über die Mischehen-
und Mischlingsfrage habe ich seinerzeit mit Befriedigung Kenntnis
genommen.« [A cette époque, j'avais pris connaissance, avec
satisfaction,de la décision prise alors par le Conseil de gouvernement
au sujet de la question des mariages mixtes et des métis] (cf.
document n° 10 du présent mémoire).
2.7 - Principaux textes de 1913
2.7.1 Document n° 9 : Clarification au sujet de
l'ordonnance du 30 octobre 1909 et décret portant attribution des noms
allemands.
Source originale : Archives Nationales du Togo (ANT)-FA3
/185 pp.148 - 151
2.7.1.1- Résumé du texte en
français
Après la tentative de Dr. Asmis en 1909 de
faire réglementer le port de noms allemands par les métis de
pères allemands (document n° 5), proposition repoussée
à plus tard à la réunion du 9 mars 1911 (document n°
6), voici une nouvelle tentative dans le même sens faite par
l'administrateur Körmigk, chef du District de Lomé-Ville. Ce
dernier propose non seulement de remettre ce projet de décret sur le
tapis, mais aussi d'étendre la réglementation au port de tout nom
européen, donc pas seulement aux métis allemands«, mais
à tous les indigènes.
2.7.1.2 : Texte original allemand
An das K. Gouvernement in Lome. Lome, den 12. Mai
1913
Im Bericht vom 30. Okt. 1909 H.
No 2464/09 hat Bezirksamtmann Dr. Asmis Bedenken
gegen den im Schutzgebiet verbreiteten Brauch geltend gemacht, dass
Mulattenkindern häufig die Namen ihrer ausserehelichen Erzeuger beigelegt
werden. Er hielt dies vom rassenpolitischen Standpunkt aus für
unerwünscht, da sich Mischlinge mit europäischem Blut und Namen
leicht auch als Europäer fühlen könnten und als solche behandelt
zu werden wünschten. Es wurde darauf eine Verordnung entworfen, wonach
Abkömmlinge von Europäern und farbigen Frauen den Familiennamen der
Mutter erhalten sollten; falls diese keinen Familiennamen führte, sollte
dem Abkömmling ein Familienname aus seiner Stammessprache verliehen
werden. Diese Frage wurde auf dem am 9. März 1911 abgehaltenen Bezirkstage
erörtert und dann bis zu der Geburt des ersten Quateronenkindes
zurückgestellt.
Nachdem dieser Fall vor einiger Zeit eingetreten ist,
dürfte diese Frage von neuem zu prüfen sein.
Im Zusammenhang hiermit ist es vielleicht
zweckmässig auch zu prüfen, ob nicht nur den Mulatten, sondern auch
den Eingeborenen überhaupt das Führen europäischer oder zum
mindesten deutscher Namen zu untersagen ist. Ausser rassenpolitischen
Gründen liesse sich für die Einführung eines solchen Verbots
geltend machen, dass im Schriftverkehr mit einem Eingeborenen, der einen
europäischen Namen führt, leicht der Irrtum Platz greifen kann, man
habe es mit einem Europäer zu tun. Auf diese Weise können sich z. B.
auswärtige Firmen leicht verleiten lassen, einem eingeb. Besteller einen
weitergehenden Kredit zu gewähren, als sie es sonst einem Eingeb.
gegenüber tun würden. Unter den europ. Namen, die in Togo bei Eingeb.
vorkommen, handelt es sich meist um solche nicht deutsche, namentlich
portugiesischer Herkunft, während deutsche Namen bisher nur ganz selten
sind. Gegenüber den Trägern nichtdeutscher europ. Namen wäre es
wohl zweckmäßig, von der Durchführung eines solchen Verbots
abzusehen, da sie die Namen meistens schon viele Generationen hindurch
führen und die Durchführung des Verbots mit
unverhältnismäßigen Härten verbunden wäre. Wohl aber
wäre es m. E. am Platze, der Einbürgerung deutscher Namen unter den
Eingeb. entgegenzuarbeiten. Hierzu wäre m. E. der Erlass einer Verordnung
nicht nötig, vielmehr liesse sich dies auch ohne Schwierigkeit im
Verwaltungswege von Fall zu Fall regeln.
L(ome) 12/5. 13 d(er) K( aiserliche) B(ezirks) A(mtmann)
K(örmigk)«
Commentaire succinct
A la lecture de cette proposition de l'administrateur
Körmigk, on constate qu'au fur et à mesure que s'établit la
domination coloniale allemande sur le Togo, l'administration cherche à
durcir de plus en plus les relations entre Noirs et Blancs,
particulièrement sur la question des unions mixtes. Ici, ce n'est plus
le métissage en soi qui est visé par la proposition de
décret, mais tout simplement le nom des Européens. Dans un pays
où des noms comme Lawson, d'Almeida, da Silva, Johnson etc. existaient
avant l'arrivée des Allemands en 1884, on envisage de
légiférer sur le port de tels noms. Ce n'est même plus le
respect du sang allemand ou de la « race » allemande (aryenne ?)
qu'il s'agit, mais du racisme pur et dur, dans le but de mettre des entraves
aux activités de toute personne noire portant un nom à
consonnance européenne. En ce sens, cette proposition de
Körmigk sonne comme une véritable provocation
délibérée. Et il affirme que cela pourra être
imposée sans difficulté, par simple voie d'ordonnance
administrative !
2.7.2 - Document n° 10 : Correspondance du
Secrétaire d'Etat aux Colonies, Dr. Solf, en date du 12 juillet 1913,
élaboration de dispositions conséquentes.
Source originale : Archives Nationales du Togo
(ANT)-FA1/439, pp. 22-23
2.7.2.1- Résumé du texte en
français
Dans cette correspondance qui se réfère
au document n° 8, le Ministre des Colonies, Dr. Wilhelm Solf, autorise le
gouvernement colonial du Togo à légiférer sur le statut
juridique des métis.
2.7.2.2 - Texte original allemand
»Der Staatssekretär des Reichs-Kolonialamts
Berlin, den 12. Juli 1913
An den Herrn Gouverneur, Lome.
Mit Bezug auf den Bericht vom 27. Sept. vorigen
Jahres
Von der Entschliessung des Gouvernementsrats über
die Mischehen- und Mischlingsfrage habe ich seinerzeit mit Befriedigung
Kenntnis genommen. Die Frage der Zulässigkeit der Mischehe und der
rechtlichen Gleichstellung von Mischlingen mit Weissen sind hier auch weiterhin
Gegenstand eingehender Prüfung gewesen. Um Härten, die sich in
einigen Schutzgebieten bei der Betonung eines grundsätzlichen
Mischehenverbots gezeigt haben , zu beseitigen, habe ich in Aussicht genommen,
eine kaiserliche Verordnung zu erbitten, die auf Grund der §§4,7
Sch.G.G. den Gouverneur ermächtigt, im Einzelfall würdige Eingeborene
der im §2 Sch.G.G. geregelten Gerichtsbarkeit und den in den §§
3,7 Sch.G.G. bezeichneten Vorschriften zu unterstellen. Einen
Verordnungsentwurf werde ich seinerzeit Euerer Hoheit zur Äusserung
mitteilen.
Während sich so für die Mischehenfrage nur
eine allen Schutzgebieten gemeinsame Lösung finden lassen wird, liegt die
gleichfalls in der Reichstagsentschliessung berührte, nach
Eingeborenenrecht zu behandelnde Frage der Rechtsverhältnisse der
unehelichen Mischlinge in den einzelnen Schutzgebieten derartig verschieden,
dass ihre Regelung zweckmässig durch Gouvernementsverordnung
erfolgt.
Die Entschliessung des Gouvernementsrats, die diese
Regelung für erwünscht bezeichnet, kann ich nur billigen. Euere
Hoheit will ich nunmehr ermächtigen, die Materie auf Grund der
Kaiserlichen Verordnung vom 3. Juni 1908 in einer die Interessen des
unehelichen Mischlings und des weissen Vaters gleich und billig
berücksichtigenden Weise zu regeln. Jedoch bitte ich, mir die Verordnung
vor ihrem Erlass im Entwurf vorzulegen. Solf
Darauf erarbeitete das Gouvernement...Entwürfe, die
aber im Juli 1914 in Lome noch diskutiert wurden.
S. 7-8 »II.Entwurf Verodnung des Gouverneurs
betreffend die Rechtsverhältnisse der Mulatten vom
Auf Grund der §§ 1 und 2 der Kais.
Verordnung betr. die Einrichtung der Verwaltung und die
Eingeborenenrechtspflege in den afrik. und den Südsee-Schutzgebieten vom
3. Juni 1908 (Reichsgesetzblatt S. 397) wird mit Zustimmung des Reichskanzlers
folgendes verordnet:
§ 1. Die durch unehelichen Geschlechtsverkehr
zwischen einem Weissen und einer Farbigen erzeugten Kinder haben die rechtliche
Stellung Eingeborener.
§ 2. Auf das Verhältnis des Vaters zu dem
Kinde und seiner Mutter finden die Vorschriften der §§ 1708-1718 des
bürgerl. Gesetzbuches entsprechende Anwendung, soweit sich nicht aus den
Bestimmungen dieser Verordnung etwas anderes ergibt.
§ 3. Die Verpflichtung des Vaters zur
Unterhaltsgewährung dauert unbeschadet der Vorschrift des §
170862 Abs.2 des bürgerl. Gesetzbuches nur bis zum vollendeten
15. Lebensjahr des Kindes.
§ 4.Durch eine gemäss §1710
B.G.B.63 erfolgte Vorausleistung für eine spätere Zeit als
drei Monate wird der Vater nur befreit, wenn der gesetzliche Vertreter des
Kindes die Vorausleistung genehmigt hat.
§ 5. Eine gemäss § 1714
B.G.B.64 getroffene Vereinbarung bedarf der Genehmigung des
Gouverneurs.
§ 6. Die nach dem § 1715 B.G.B.65
dem Vater obliegende Verpflichtung umfasst nur die Zeit für die ersten
drei Wochen nach der Entbindung. Der Anspruch verjährt in
einem
62 §1708 des Bürgerlichen Grundbuches: Der
Vater des unehelichen Kindes ist verpflichtet, dem Kinde bis zur Vollendung des
sechzehnten Lebensjahrs den der Lebensstellung der Mutter entsprechenden
Unterhalt zu gewähren. Der Unterhalt umfasst den gesammten Lebensbedarf
sowie die Kosten der Erziehung und der Vorbildung zu einem Berufe.
Ist das Kind zur Zeit der Vollendung des sechzehten
Lebensjahrs in Folge körperlicher oder geistiger Gebrechen ausser Stande,
sich selbst zu unterhalten, so hat ihm der Vater auch über diese Zeit
hinaus Unterhalt zu gewähren (S. 1020).
63 §1710 des Bürgerlichen Grundbuches: Der
Unterhalt ist durch Entrichtung einer Geldrente zu gewähren. Die Rente ist
für drei Monate vorauszuzahlen. Durch eine Vorausleistung für eine
spätere Zeit wird der Vater nicht befreit.
Hat das Kind den Beginn des Vierteljahrs erlebt, so
gebührt ihm der volle auf das Vierteljahr entfallende Betrag (S.
1030).
64 §1714 des Bürgerlichen Grundbuches: Eine
Vereinbarung zwischen dem Vater und dem Kinde über den Unterhalt für
die Zukunft oder über eine an Stelle des Unterhalts zu gewährende
Abfindung bedarf der Genehmigung des Vormundschaftsgerichts.
Ein unentgeltlicher Verzicht auf den Unterhalt für
die Zukunft ist nichtig (S. 1036).
65 §1715 des Bürgerlichen Grundbuches: Der
Vater ist verpflichtet, der Mutter die Kosten der Entbindung sowie Kosten des
Unterhalts für die ersten sechs Wochen nach der Entbindung und falls in
Folge der Schwangerschaft oder der Entbindung weitere Aufwendungen notwendig
werden, auch die dadurch entstehenden Kosten zu ersetzen. Den wöhnlichen
Vertrag der zu ersetzenden Kosten kann die Mutter ohne Rücksicht auf den
wirklichen Aufwand verlangen.
Der Anspruch steht der Mutter auch dann zu, wenn der
Vater vor Geburt des Kindes gestorben oder wenn das Kind tot geboren
ist.
Der Anspruch verjährt in vier Jahren. Die
Verjährung beginnt mit Ablaufe von sechs Wochen nach der Geburt des Kindes
(S. 1039).
Jahr. Die Verjährung beginnt mit dem Ablauf von drei
Wochen nach der Geburt des Kindes.
§ 7. Zur Wahrung der für das Kind aus
dieser Verordnung und der hierzu ergangenen Ausführungsverordnung sich
ergebenden Rechte erhält es einen gesetzlichen Vertreter. Als solcher ist
der Leiter des Bezirks des Geburtsortes des Kindes berufen. Erscheint die
Übernahme der Vertretung durch ihn nicht angebracht, so ist an den
Gouverneur zu berichten welcher einen gesetzlichen Vertreter bestimmt. Die
Vertretung kann aus Zweckmässigkeitsgründen an ein anderes Bezirksamt
(Station) abgegeben werden.
§ 8. Der Gouverneur kann zu dieser Verordnung
Ausführungsbestimmungen erlassen.
§ 9. Die Verordnung tritt am .... in Kraft. Die
rechtliche Stellung des vor dem Inkrafttreten dieser Verordnung geborenen
Kindes bestimmt sich vom Inkrafttreten ab nach denVorschriften dieser
Verordnung. Lome, den Der Gouverneur
S. 9-11 »II. Entwurf Ausführungsverordnung zu
der Verordnung des Gouverneurs betreffend die Rechtsverhältnisse der
unehelichen Mulatten vom
Auf Grund des §8 der Verordnung des Gouverneurs
betreffend die Rechtsverhältnisse der unehelichen Mulatten vom wird
folgendes verordnet:
§ 1. Die Geburt eines unehelichen Mulatten muss
binnen 3 Monaten nach der Geburt beim Bezierksamt (Station) des Geburtsortes
angezeigt werden. Die Anzeige hat zu enthalten: 1) Ort, Tag und Stunde der
Geburt, 2) Geschlecht des Kindes, 3) Namen, Stammeszugehörigkeit,
Standoder Gewerbe und Wohnort der Mutter, 4) Namen des Kindes. Zur Anzeige, die
schriftlich oder mündlich erstattet werden kann, sind in nachstehender
Reihenfolge verpflichtet:
1) die Mutter des Kindes, 2) die Verwandten der Mutter,
3) der Häuptling des Geburtsortes.
§ 2. Die Geburt des Kindes ist durch das Bezirksamt
(Station) in eine Liste einzutragen, deren Inhalt mit der im § 1
erwähnten Anzeige übereinstimmen soll.
§ 3. Der gesetzliche Vertreter hat den als Vater
bezeichneten Weissen zur Erklärung über die Anerkennung seiner
Vaterschaft aufzufordern. Nötigenfalls sind von Amts wegen Ermittlungen
nach dem Vater anzustellen. Bestreitet der als Schwängerer Bezeichnete
seine Vaterschaft, so hat der gesetzliche Vertreter ihn auf Leistung des
Unterhalts zu verklagen.
§4. Das Kind soll mindestens bis zur Vollendung
des 6. Lebensjahres bei der Mutter oder ihren Verwandten belassen oder bei
einer geeigneten farbirgen Familie untergebracht werden. Danach sollen die
Knaben einer Regierungsschule, die Mädchen einer Missionsanstalt
zugeführt werden. Den billigen Wünschen des Vaters oder der
Verwandten des Kindes ist tunlichst Rechnung zu tragen.
§5. Falls weder von dem Vater die Gewährung
eines unzureichenden Unterhaltes für das Kindzu erlangen ist, noch auch
die Mutter oder ihre Verwandten für den Unterhalt und die Erziehung des
Kindes sorgen, so dass das Kind der Gefahr des körperlichen oder
sittlichen Verkommens ausgesetzt ist, so hat der gesetzliche Vertreter unter
Darlegungdes Sachverhalts an das Gouvernement zu berichten (gestrichen und die
Bereitstellung amtlicher Mittel zu beantragen).
§6. Die Bezirksämter (Stationen) haben am
Schlusse eines jeden Kalenderjahres über das Wohlergehen und die
Verwaltung des Vermögens der Kinder dem Gouverneur Bericht zu
erstatten.
§7.
Die Bezirksämter (Stationen) haben nach
Inkrafttreten dieser Verordnung festzustellen, welche Beträge zum
Unterhalt und zur Erziehung eines Kindes in den einzelnen Lebensabschnitten
unter gewöhnlichen Verhältnissen erforderlich sind. Die
festgestellten Verpflegungssätze sind dem Gouverneur
einzureichen.
§8. Zuwiederhandlungen gegen §1 dieser
Verordnung werden mit den gegen Eingeborene zulässigen Strafmittel
bestraft.
§9. Diese Verordnung tritt am in Kraft. Der
Runderlass vom 9. Juli 1909 betreffend die Fürsorge für
Mulattenkinder tritt mit diesem Zeitpunkt ausser Kraft.
Lome, den Der Gouverneur.
Im I. Entwurf war ein Paragraph enthalten, der gestrichen
wurde»§6 Haben der Mütter mehrere innerhalb der
Empfängniszeit beigewohnt, so gelten sie als Gesamtschuldner.
Die Vorschrift des §1717 Absatz 1 Satz 2 findet
Anwendung .
2.7.2.3- Traduction intégrale du texte en
français
« Le Secrétaire d'Etat aux colonies, Berlin,
le 12 juillet 1913
A Monsieur le gouverneur, Lomé.
Me référant au rapport du 27 septembre
dernier, j'ai pris connaissance de la résolution du conseil du
gouvernement sur la question du mariage mixte et des métis avec
satisfaction. La question de l'autorisation du mariage mixte et de
l'égalité de droit des métis avec les Blancs font encore
ici aussi l'objet d'un examen minutieux. Pour écarter toutes les
duretés qui se sont révélées dans certaines
colonies à propos de l'interdiction sans condition du mariage mixte, je
me suis proposé de demander un décret impérial, qui
conformément aux articles 4, 7 de la loi fondamentale des colonies,
confère au gouverneur le pouvoir de placer des autochtones respectables
dans une juridiction, telle que le stipule l'article 2 de la loi fondamentale
des colonies, sous un règlement stipulé par les articles 3 et 7
de la loi fondamentale des colonies. Je vais envoyer à Votre Excellence
en temps opportun, un projet de ce décret pour avoir votre
avis.
Alors qu'il sera ainsi possible de trouver une seule
solution commune aux problèmes du mariage mixte dans toutes les
colonies, l'autre question également abordée dans la
décision du Reichstag, et qui concerne le statut juridique des
mulâtres hors mariage qui doivent être traités selon le
droit coutumier, se présente de manière différente dans
chaque colonie, si bien qu'il serait plus judicieux de la régler par une
ordonnance de chaque gouvernement. Je ne peux qu'approuver la résolution
du conseil du gouvernement qui considère une telle ordonnance comme
souhaitable, et je voudrais donc mandater Votre Excellence de
réglementer cette affaire aussi équitablement et aussi
parcimonieusement que possible, sur la base du décret impérial du
3 juin 1908, en sauvegardant à la fois les
intérêts des enfants métis
hors-mariage et de leurs pères blancs. Cependant je vous prie de me
soumettre le projet de décret avant sa promulgation. Signé : Solf
»
[NB]: A la suite de cette correspondance, le gouvernement
colonial du Togo a élaboré divers projets de décret qui
étaient encore en discussion en juillet 1914 à
Lomé.
pp. 7 - 8
2ème Projet de décret du gouvernement
concernant le statut juridique des mulâtres du Togo.
Conformément aux §§ 1 & 2 du
décret impérial du 3 Juin 1908 (cf. Reichsgesetzblatt p.
397) relatif à la création de l'administration coloniale et au
droit coutumier des autochtones dans les colonies africaines et du Pacifique,
il est décrété avec le consentement du chancelier du Reich
ce qui suit :
§1 : Les enfants issus de l'union entre un Blanc
et une Indigène ont le statut juridique des autochtones.
§2 : Concernant la relation du père avec
l'enfant et sa mère, les dispositions des §§ 1708- 1718 du
code civil s'appliquent, pour autant qu'il n'y ait pas dans le décret
des dispositions différentes qui en découlent.
§3 : Le père est tenu de prendre soin de
l'enfant seulement jusqu'à l'âge de 15 ans révolus, sans
porter préjudice à la prescription du § 1708 alinéa 2
du code civil.
§4 : Si le père, conformément au
§ 1710 du code civil, a versé une provision par avance pour une
période de plus de trois mois, il ne peut être dispensé de
ses obligations que si le tuteur légal du métis a attesté
que le père de l'enfant a effectivement versé cette
provision.
§5 : Tout accord conclu en vertu du § 1714
du code civil nécessite le consentement du gouverneur.
§6 : L'obligation imposée au père
selon le § 1715 du code civil, s'étend seulement sur une
période de trois semaines après l'accouchement. Toute
prétention reposant sur cette obligation perd sa validité
juridique après 1 an. Cependant l'expiration du droit de revendication
après l'écoulement des trois semaines après la naissance
de l'enfant.
§7 : Pour la défense des droits de
l'enfant découlant de cette ordonnance ainsi que de ses décrets
d'application, l'enfant dispose d'un représentant légal. Le chef
de district du lieu de naissance de chaque enfant est désigné
comme son représentant légal. S'il n'est pas indiqué qu'il
assume cette fonction, alors il doit faire un rapport au gouverneur qui
devra
décider quel remplaçant légal il
conviendrait de nommer. La fonction de représentant légal peut
être confié à un autre chef de District (ou de station)
pour des raisons de convenance.
§8 : Le gouverneur peut prendre des décrets
d'application de cette ordonnance.
§9 : L'ordonnance prend effet à partir de
.... Son application au statut juridique d'un enfant né avant
l'entrée en vigueur de cette ordonnance se décidera dans les
décrets d'application de l'ordonnance.
Lomé, le
.............................. Le Gouverneur
pp. 9-11 : deuxième projet de décret
d'application au décret du gouverneur concernant le statut juridique des
enfants mulâtres illégitimes.
Conformément au § 8 du décret du
gouverneur concernant le statut juridique des mulâtres hors-mariages il
est décrété ce qui suit :
§1 : La naissance d'un enfant mulâtre
illégitime doit être déclarée auprès du Chef
de District (ou de station) dans un délai de 3 mois après la
naissance.
La déclaration doit contenir :
1) Le lieu, le jour et l'heure de la
naissance
2) Le sexe de l'enfant
3) Le nom, l'ethnie, la situation ou la profession de la
mère et le lieu où elle réside
4) Le nom de l'enfant
Les déclarations doivent êtres faites par
écrit ou oralement, par l'une ou l'autre des personnes suivantes
désignées par ordre de préséance :
1) La mère de l'enfant
2) Les parents de la mère
3) Le chef noir du lieu de naissance
§2 : La naissance de l'enfant doit être
enregistrée sur une liste par l'administration du district (ou de la
station) conformément aux indications du §1.
§3 : Le remplaçant légal doit exiger
la reconnaissance de paternité par le père
blanc indiqué. En cas de besoin, les administrations font des
recherches sur le père. Si celui qui a
été désigné comme auteur
de la grossesse nie sa paternité, alors le représentant
légal peut porter plainte contre lui pour exiger l'application de la
prise en charge.
§4 : Au moins jusqu'à 6 ans
révolus, l'enfant doit rester chez sa mère ou les parents de
celle-ci, ou encore être logé chez une famille indigène
capable de le supporter. Après quoi les garçons doivent aller
à l'école gouvernementale et les filles être conduites chez
les missionnaires.
§5 : Au cas où il n'est pas possible que
le père verse une allocation suffisante pour l'entretien de l'enfant, et
que la mère ou ses parents ne peuvent pas s'occuper de l'entretien et de
l'éducation de cet enfant, au point que l'enfant court le risque
d'être abandonné aux dangers de dépravations corporelles ou
morales, alors le tuteur légal peut en rendre compte au
gouverneur.
[NB]: (ce dernier point a été
barré et remplacé par: peut faire une demande de soutien par voie
officielle«).
§6 : A la fin de chaque année, les chefs
de district (ou de station) doivent faire au gouverneur un rapport sur la bonne
santé des enfants ainsi que sur la gestion de leurs biens.
§7 : Dès l'entrée en vigueur de ce
décret, les Chefs de District (ou de Station) doivent fixer le montant
de l'allocation qui doit être versée pour l'entretien et
l'éducation d'un enfant à chaque phase de sa vie et dans les
conditions habituelles. Les montants fixés doivent être
communiqués au gouverneur.
§8 : Toute infraction à l'article 1 de ce
décret sera puni conformément à la sanction prévue
contre les indigènes.
§9 : Le présent décret entre en
vigueur ....A partir de son entrée en vigueur, la circulaire du 9
Juillet 1909 concernant la prise en charge des enfants mulâtres perd
toute validité.
Lomé, le
..............................
Le Gouverneur
[NB] Le premier projet contenait un article qui a
été supprimé et qui prévoyait ceci : §6: si
plusieurs hommes [blancs] ont eu des relations avec les mères [noires]
durant la période de fertilité de celles-ci, ils sont
considérés comme collectivement redevevables [des allocations].
La disposition de l'article 1717, alinéa 1, phrase 2, sera alors
appliquée. »
2.7.3 - Document n° 11 : Echange de Correspondances
entre la société de mission de Brème et le
Secrétariat d'Etat aux Colonies à Berlin
Source originale : Archives Nationales du Togo (ANT)-F.A.
1/ 439, pp. 25-26 & 27 (16
juillet 1913)
2.7.3.1 : Résumé de deux textes en
français
Le 16 juillet 1913, la société des
missions de l'Allemagne du Nord adressa une lettre à l'administration
coloniale impériale de Berlin. Dans cette lettre, la mission de
Brême souligne qu'au Togo le nombre des métis était plus
important que celui de la population masculine européenne, et pourtant
les relations entre ces enfants métis et leurs pères allemands ne
sont pas cordiales, puisque les métis ne sont pris en charge que par les
familles de leurs mères indigènes, qui d'ailleurs manquent de
moyens. C'est pourquoi la Mission de Brême salue la Ligue Coloniale
allemande d'avoir décidé, lors de son assemblée de 1912
à Hambourg, d'obliger les pères européens à
assister leurs enfants afin de réduire le nombre des métis au
Togo. La Mission de Brême demanda à l'administration coloniale
impériale de nommer un tuteur pour métis; celui-ci se chargerait
de leur alimentation lorsque leurs pères auraient payé la somme
qui leur est destinée. La mission demanda également que ces
pères renforcent la relation entre eux et leurs enfants.
Répliquant à leur demande le 26 juillet
1913, le secrétaire d'Etat aux Colonies s'est félicité de
l'importance qu'accorde la société des Missions aux
problèmes de justice et d'entretien des métis, tout en les
rassurant que toutes ces dispositions seront prises en compte.
2.7.3.2 - Les deux textes originaux allemands
1. »An das Reichs- Kolonialamt Berlin, Bremen, 16.
Juli 1913
Norddeutsche Missions-Gesellschaft. Betr. Fürsorge
für Mulattenkinder in Togo.
Nach dem letzten 1913 erschienenen amtlichen
Jahresbericht über die deutschen Schutzgebiete waren in Togo 240
Mischlingskinder vorhanden. Die Summe der erwachsenen, männlichen, europ.
Bevölkerung betrug 254, darunter 42 kath. und evangel. Missionare. Im
Verhältnis zu dieser Zahl europ. Männer ist die Zahl der
Mischlingskinder eine grosse. Die Norddeutsche Missionsges. steht auf dem
Standpunkt, dass sie jede Verbindung von europ. Männern mit eingeb. Frauen
und Mädchen verwirft. Ihre Vertreter haben daher wiederholt betont, dass
man z.B. den Beamten jede nur mögliche Erleichterung zu ihrer
Verehelichung gewähren solle. In Ansehung der tatsächlichen Lage sind
wir der Meinung, dass in Togo Mischlingskinder auf die Seite der Eingeb.
gehören. Dementsprechend sind Mischlingskinder auf Antrag
und mit Unterstützung der Beteiligten durch
unsere Missionare fast immer bei Eingeb. untergebracht worden. Leider fehlt es
nicht an Fällen, wo seitens der Väter unzureichend oder gar nicht
gesorgt wird. Dadurch entstehen Verhältnisse, die sowohl wegen der
Mischlingskinder und ihrer Mütter, wie auch wegen des Ansehens der Europ.
lebhaft zu beklagen sind. Die Fälle der hier vorliegenden schwierigen
Fragen ethischer, hygenischer, sozialer, rechtlicher und politischer Art sin
uns wohlbekannt. Umso dankbarer haben wir es begrüsst, dass die Deutsche
Kolonialgeselschaft 1912 bei ihrer Hauptversammlung in Hamburg mit Nachdruck
die Alimentationspflicht der europ. Väter gegenüber den
Mischlingskindern betont hat. Die Durchführung dieser Forderung
dürfte zu einer Verminderung der Zahl der Mischlinge beitragen. Wir
erlauben uns daher die Bitte auszusprechen: Das Reichs-Kolonialamt wolle
geeignete Vorkehrungen treffen, vielleicht durch die Ernennung eines
General-Vormundes, dass in Togo europ. Väter von Mischlingskindern zur
Zahlung einer angemessenen Alimentationssumme angehalten und die
Verhältnisse der Mischlingskinder in einer Weise wahrgenommen werden, die
dem Interesse dieser Kinder der Mission und der Regierung
entspricht.
Der Vorstand der Norddeutschen
Missions-Gesellschaft,
gez. A. W. Schreiber, Misssionsdirektor.
2. S. 27 Antwort
»Der Staatsekretär des Reichs-Kolonialamts,
Berlin, den 26 Juli 1913
Mit Genugtuung habe ich davon Kenntnis genommen, dass
die Missionsgesellschaft den Fragen der Rechtsstellung und Unterhaltung der
Mischlingskinder ihr Interesse entgegenbringt. Die Gouverneure der mir
unterstellten Schutzgebiete sind bereits ersucht worden,
Verordnungsentwürfe vorzulegen, die die Rechtsverhältnisse der
unehelichen Mischlingskinder regeln. Ich habe ihnen von Ihrem Schreiben
Mitteilung gemacht.
In Vertretung.
Gez. Gleim».
2.7.3.3: Traduction intégrale en français
Au Secrétariat d'Etat aux Colonies à Berlin,
Brême, le 16/07/1913
La société missionnaire de l'Allemagne du
Nord, au sujet de la prise en charge des enfants mulâtres au
Togo.
Selon le dernier rapport administratif de
l'année paru sur les colonies allemandes, il existerait au Togo 240
enfants mulâtres. La population masculine européenne
s'élèverait à 254, dont 42 missionnaires catholiques et
évangéliques. Comparé à ce nombre des
Européens, le nombre des enfants métis est élevé.
La société de mission de l'Allemagne du Nord soutient la
thèse selon laquelle toute union entre Européens et femmes et
filles autochtones doit être rejetée. Ses représentants ont
donc plusieurs fois insisté, qu'il faudrait par exemple accorder toutes
les facilités possibles au mariage des fonctionnaires.
Eu égard à la situation réelle
sur le terrain, nous sommes d'avis qu'au Togo les enfants mulâtres ont
leur place parmi les indigènes. Conformément à cela,
à la demande et avec le soutien des parties concernées, et avec
l'aide de nos missionnaires, les enfants mulâtres sont presque toujours
placés chez des indigènes ou dans les familles de leurs
mères africaines. Mais malheureusement, il arrive souvent du
côté des pères, que la prise en charge des enfants soit
insuffisante ou n'existe pas du tout. C'est pour cela que la mission a
salué avec gratitude le fait que la Ligue Coloniale allemande a
souligné avec insistance, lors de son assemblée
générale de 1912 à Hambourg, l'obligation faite aux
pères européens de payer des frais d'alimentation pour leurs
enfants métis. Ceci devrait contribuer à réduire le nombre
de mulâtres.
Nous nous permettons donc de formuler des
doléances, à savoir : l'administration coloniale impériale
devrait prendre des mesures adéquates, peut-être en nommant un
tuteur général des mulâtres, afin qu'au Togo, les
pères soient amenés à payer des frais d'alimentation
suffisants, pour que les conditions des enfants métis soient
réglées d'une manière qui corresponde aux
intétêts des enfants respectifs eux-mêmes, de la mission et
du gouvernement.
Pour la Présidence de la société des
missions de l'Allemagne du Nord
a signé
A. W. Schreiber, Directeur de Mission.
P. 27 Réponse
Le secrétaire d'Etat, Berlin, le 26 juillet
1913
C'est avec satisfaction que j'ai pris connaissance de
l'importance qu'accorde la société de mission aux
problèmes juridiques et à l'entretien des mulâtres. Les
gouverneurs des colonies qui sont sous mes ordres sont prêts à
présenter les projets de décrets réglementant le statut
juridique des enfants métis hors-mariage. Je leur ai transmis votre
doléance.
a signé par intérim
Gleim
Commentaire succinct
La Direction de la mission de Brême s'invite
officiellement en Allemagne dans le débats sur la question des
métis au Togo. En campant sur une position raciste dogmatique qui est
celle du gouvernement colonial, elle manque de marge de manoeuvre pour jouer sa
propre
partition. En effet, c'est de la pure naiveté
de penser que l'obligation faite aux pères européens de payer des
frais d'alimentation pour leurs enfants métis, peut contribuer à
réduire le nombre de mulâtres. La mission de Brême manque
donc d'arguments et de solutions crédibles pour affronter la situation
des métis. Aussi se borne-t-elle à proposer ce qu'elle-même
fait avec ses missionnaires : faciliter le mariage des administrateurs
coloniaux avec des femmes blanches, pour éviter que ceux-ci se tournent
vers des femmes noires66. On voit que la Mission de Brême n'a
pas encore compris une des dimensions principales de la question : l'attrait de
la femme noire, symbole d'érotisme exotique
2.7.4 - Document n° 12 : Ordonnance du gouverneur A.
F. Herzog zu Mecklenburg en date du 18 octobre 1913 relative au port du nom du
géniteur des métis allemands« au Togo
Source originale : Amtsblatt für das
Schutzgebiet Togo 1913 n° 59, pp. 313 - 314 .
2.7.4.1 : Résumé du texte en
français
Voici l'une des mesures juridiques - sans doute la
principale - de lutte contre la situation des métis dans la colonie
allemande du Togo : l'ordonnance d'interdiction faite aux métis de
porter le nom de leurs pères allemands.
2.7.4.2 -Texte original allemand
Lome, den 25 Okt. 1913
Verordnung des Gouverneurs betreffend die Namen-Gebung
und Führung seitens Eingeborener. Auf Grund des § 2 der Kaiserlichen
Verordnung betreffend die Einrichtung der Verwaltung und die
Eingeborenen-Rechtspflege in den afrikanischen und SüdseeSchutzgebieten
vom 3. Juni 1908 (Reichsgesetzblatt S. 397) wird mit Zustimmung des
Reichskanzlers verordnet, was folgt:
§ 1 Eingeborene dürfen ohne Genehmigung des
Gouverneurs einen deutschen Namen als Familiennamen sich oder ihren
Angehörigen nicht beilegen oder führen.
§ 2 Zuwiderhandlungen werden mit Geldstrafe bis
zu 150 Mark bestraft, an deren Stelle, falls sie nicht beigetrieben werden
kann, Gefängnisstrafe mit Zwangsarbeit bis zum Höchstbetrage von 6
Wochen tritt.
Lome, den 18. Oktober 1913. Der Gouverneur. Herzog zu
Mecklenburg«
66 A propos de l'organisation des mariages pour les
missionnaires de Brême, cf. Ilse Theil (2008: Page 4 de la couverture),
déjà citée ci-dessus dans la présente
étude:
2.7.4.3- Traduction intégrale du texte en
français
«Journal Officiel pour le protectorat Togo,
Lomé, le 25 oct. 1913, n ° 59, pp.313 -
314.
Décret du Gouverneur relatif à
l'attribution et au port de noms par les indigènes.
Vu l'article 2 du décret impérial du 3
juin 1908 (Code Civil du Reich, p. 397), portant installation d'une
administration et d'un droit pour les indigènes dans les protectorats
africains et ceux des mers du sud, il est décrété, en
accord avec le Chancelier du Reich, ce qui suit:
Article 1: Les indigènes n'ont pas le droit de
porter ou de donner à leurs proches un nom allemand comme nom de famille
sans l'autorisation du Gouverneur.
Article 2: Toute infraction à cette loi
entraîne une amende financière allant jusqu'à 150 mark, ou
en cas d'impossibilité de recouvrement de cette amende, une peine
d'emprisonnement avec travaux forcés jusqu'à une durée
maximale de 6 semaines.
Lomé, le 18 octobre 1913. Le Gouverneur, duc de
Mecklenburg»
2.7. 5 - Document n° 13 : Clarification au sujet de
l'ordonnance du 18 octobre 1913 Source originale : Archives Nationales du Togo
(ANT)-FA 3/185, p. 260 - 273
2.7.5.1 - Résumé du texte en
français
Il s'agit ici d'une proposition du Chef du District de
Lomé-Ville, Clausnitzer, destinée à clarifier les
conditions de l'attribution de nom allemands aux enfants métis, plus
exactement pour restreindre autant que possible l'utilisation de la seule
concession faite aux métis de solliciter auprès du gouverneur le
droit de porter le nom de leur géniteur allemand. C'est donc un
durcissement par rapport à l'ordonnance précédente
promulguée deux mois plus tôt (cf. document n°
12).
2.7.5.2 - Texte original allemand
An das Kaiserliche Gouvernement, hier. Lome, den 16.
Dezember 1913
Vorgang: Verordnung des Gouverneurs betr. die
Namen - Gebung und Führung seitens Eingeborener vom 18. Okt.
1913
Durch die vorbezeichnete Verordnung wird die Befugnis
Eingeb., einen deutschen Familiennamen zu führen, von der Genehmigung des
Gouverneurs abhängig gemacht. Da von dieser Bestimmung vornehmlich die
ihrer Mehrzahl nach in Lome lebenden Mulatten betroffen werden und dann eine
Anzahl von ihnen um die in Rede stehende Genehmigung einzukommen gedenkt,
gestatte ich mir über die Voraussetzungen, von denen nach diesseitiger
Auffassung in allen Fällen die Genehmigung abhängig zu machen sein
wird, folgendes gehorsamst auszuführen:
Die Verordnung beseitigt den bisherigen durchaus
unerwünschten Zustand, dass ein von einem Europ. mit einer Farbigen
erzeugtes Kind sich ohne weiteres den Namen des angeblichen Erzeugers beilegen
durften. Hierdurch waren die in Togo stets unehelichen Mulatten in Ansehung der
Namensführung tatsächlich besser gestellt als die unehelichen Kinder
von beiderseits europ. Eltern, die nach § 1706 des Bürgerlichen
Gesetzbuches den Namen der Mutter zu führen haben und sich den Namen des
Erzeugers selbst dann nicht beilegen können, wenn dieser seine Vaterschaft
ausdrücklich anerkennt (§ 1708 B.G.B.) und willens ist, dem Kind
seinen Namen zu geben. Nur dann, wenn der Erzeuger die Mutter des Kindes
heiratet, kann er mit ihrer Zustimmung dem Kinde seinen Namen verleihen (§
1706 B.G.B.) eine Möglichkeit, die hier ausscheidet, da Ehen zwischen
Europäern und Eingeb. nicht geschlossen werden.
Abgesehen von dem letzteren hier nicht zutreffenden
Falle gibt es in Deutschland für ein uneheliches Kind nur zwei Wege, den
Namen des Erzeugers zu erlangen: die Adoption und die Genehmigung der
Behörde (in Preussen des Regierungspräsidenten), den Namen zu
führen. Die Adoption sieht begrifflich die Bestimmung des Adoptierenden
voraus; bei der behördlichen Genehmigung hat die Behörde auf die
Namensfrage anderer Rücksicht zu nehmen und wird jedenfalls einem
unehelichen Kinde nicht gegen den Willen des Erzeugers ausgerechnet dessen
Namen verleihen. Das läge nicht im Sinne der Vorschrift des § 12
B.G.B., die den Namensschutz gesetzlich statuiert und auch nicht der schon
genannte § 1706,dessen Zustimmung auf diese Weise illusorisch gemacht
werden könnte. Den gleichen oder vielmehr einen erhöhten Schutz muss
meines Erachtens der deutsche Familienname in einem deutschen Schutzgebiet
gegenüber dem sogenannten Mulattenkinde geniessen. Die Gründe
hierfür brauche ich hier nicht auszuführen. Nur auf einen möchte
ich, da er leicht übersehen werden kann, hinweisen, auf die in der Regel
bestehende Unmöglichkeit für die in Deutschland lebenden
Namensberechtigten gegen die Verleihung des Namens an einen Mulatten Einspruch
zu erheben, da sie wegen der weiten räumlichen Entfernung nicht davon
erführen. Man kann dagegen auch nicht einwenden, dass eben wegen der
weiten Entfernung die in Deutschland lebenden Träger des betreffenden
Namens kein oder kein besonderes Interesse daran hätten, ob ein Eingeb. in
Togo den gleichen Namen führt. Es muss mit der Möglichkeit gerechnet
werden, dass in Zukunft mehr Eingeb. als heute nach Deutschland kommen und
durch Führung eines deutschen Familiennamens, besonders wenn es sich um
einen bekannteren Namen handelt, Anstoss und unliebsame Erörterungen
erregen können.
Hinzu kommt, dass die Auffassung des Eingeb. uneheliche
Kinder nicht kennt, vielmehr in der Regel alle Kinder zur Familie des Vaters
gehörig rechnet. Der Mulatte Fritz
Durchbach, der kürzlich um die Genehmigung, den
genannten Namen auch in Zukunft führen zu dürfen, eingekommen ist,
hat mir auf den Vorschlag, er möge den Namen seiner Mutter (Garber)
annehmen, erwidert, das könne er nicht, denn er habe Durchbach- und nicht
Garberblut«. Ein Mulatte mit dieser Auffassung würde, wenn er nach
Deutschland käme, womöglich keinen Anstand nehmen, sich den
Verwandten seines Erzeugers als schwerlich erwünschtes Familienmitglied zu
präsentieren, ihnen jedenfalls, etwa in einer kleinen Stadt, wo er den
gleichen Namen führt und hierdurch den Anschein der Zugehörigkeit zur
Familie erweckt, schwere Unannehmlichkeiten bereiten können.
Weiter ist zu berücksichtigen, dass die
Genehmigung des Gouverneurs, den Namen zu führen, den betreffenden Eingeb.
auch zur Führung des Namens in Deutschland berechtigen würde und die
Namensträger in Deutschland auch auf Grund des § 12 B.G.B. nicht auf
Unterlassung der Namenführung gegen ihn klagen könnten, da er zufolge
der Genehmigung den Namen nicht unbefugt« führt.
Aus den angegebenen Gründen schlage ich
gehorsamst vor, die Genehmigung zur Führung des Namens des Erzeugers - nur
dieser dürfte überhaupt in Frage kommen - an die Voraussetzung zu
knüpfen, dass der Erzeuger die Verleihung des Namens selbst beantragt,
seine Vaterschaft ausdrücklich anerkennt und sich zur Unterhaltung des
Kindes nach Massgabe der Vorschriften des B.G.B. über die
Unterhaltspflicht gegenüber unehelichen Kindern verpflichtet. Die
betreffenden Erklärungen müssten vor der örtlichen
Verwaltungsbehörde in öffentlich beglaubigter Form abgegeben werden.
Ist der Erzeuger bereits verstorben, so müsste ein etwaiger Antrag der
Kinder auf Verleihung des Namens unter allen Umständen zurückgewiesen
werden schon aus dem Grunde, weil die Vaterschaft nicht genügend glaubhaft
zu machen ist.
Ich möchte aber weitergehend vorschlagen, auch
die Zustimmung oder vielmehr den Antrag des Erzeugers nicht in allen
Fällen als ausreichend gelten zu lassen. Manche Europäer verlieren
bei längerem Aufenthalt unter den Eingeb. den richtigen Massstab für
die Beurteilung der Dinge. Sie betrachten ihre Handlungsweise lediglich im
Rahmen der hiesigen Verhältnisse, glauben auf heimische Anschauungen keine
Rücksicht nehmen zu brauchen und rechnen vielleicht auch gar nicht mit der
Möglichkeit, dass dieses oder jenes, was sie tun, eine Rückwirkung in
der Heimat haben könnte. Ein solcher Europ. wird sich unter Umständen
leicht dazu entschliessen, einem Mulattenkinde seinen Namen zu geben,
während er einem unehelichen Kinde zu Hause gegenüber die gleiche
Zumutung mit Entrüstung zurückweisen würde. Hier würde ihn
schon die Rücksicht auf seine Familienangehörigen anhalten, den
Namen, der Gemeingut der Familie ist, preiszugeben. Ich würde es hiernach
für richtig halten, Anträge Eingeborener oder ihrer Erzeuger auf
Verleihung europ. Namen diesbezüglich abzuweisen und nur in ganz besonders
gearteten Fällen Ausnahmen zuzulassen. Ein derartiger Fall wäre
vielleicht dann gegeben, wenn der betref. Erzeuger Angehörige seines
Namens, auf die er Rücksicht zu nehmen brauchte, nicht mehr besitzt oder
wenn es sich um Namen wie Müller oder Meier handelt, die wegen ihrer
weiten Verbreitung eines besonderen Schutzes nicht bedürfen. Indessen
würde selbst in letzterem Falle die Notwendigkeit einer
Rücksichtnahme auf heimische Familienmitglieder in Frage
kommen.
Der hier vertretene Standpunkt stellt auch keine
Unbilligkeit oder Härte gegen die Mulatten dar, die damit in Ansehung der
Namensführung nicht schlechter gestellt werden als uneheliche Kinder in
der Heimat. Dass für diejenigen Mulatten, die sich bisher die Führung
eines deutschen Familiennamens angemaßt hatten, die Ablehnung unbequem
ist, mag zugegeben werden, kann aber meines Erachtens keine Rolle
spielen.
Endich entspricht die hier vertretene Auffassung auch
den Grundsätzen der hier bisher verfolgten Rassenpolitik, nach denen
der Mulatte wie jeder andere Eingeborene zu behandeln ist. Das Bestreben der
Mulatten, den übrigen Eingeborenen gegenüber eine
bevorzugte Stellung zu erlangen., würde eine
erhebliche Förderung erhalten, wenn man ihnen in grösserem Umfange
gestattete, die Namen ihrer Erzeuger anzunehmen. Auch würden die
geschlechtlichen Beziehungen zwischen Europ. und eingeb. Frauen hierdurch
indirekt eine nicht gerade beabsichtigte Anerkennung erfahren. C(lausnitzer)
16/12/13« Bezirksamtmann.
2.7.5.3 - Traduction intégrale du texte en
français Au Gouvernement Impérial local. Lomé, le 16
décembre 1913 Objet: Décret du Gouverneur du 18 octobre
1913 relatif au port de noms par les indigènes. Par le décret
susmentionné, les indigènes peuvent, sur autorisation du
Gouverneur, porter un nom de famille allemand. Considérant le fait que
ce sont surtout les mulâtres de Lomé qui sont concernés par
une telle disposition, et vu leur nombre relativement élevé, et
concidérant aussi le fait que certains d'entre eux envisagent de
solliciter l'autorisation prévue dans ce décret, je me permets de
faire les observations suivantes relatives aux conditions préalables
dont doit dépendre la sollicitation d'une telle autorisation, selon
notre compréhension des choses:
Le décret exclut la situation actuelle des
choses qui est totalement indésirable, et qui veut que tout enfant
né d'un Européen et d'une indigène ait le droit de porter
sans aucun problème le nom du prétendu géniteur. Ce
faisant, les mulâtres du Togo toujours nés hors-mariage,
étaient jusqu'ici effectivement plus favorisés dans le port de
noms par rapport aux enfants naturels issus de deux parents européens,
lesquels, conformément à l'article 1706 du code civil, doivent
porter le nom de la mère, et ne peuvent pas porter le nom du
géniteur, même si celui-ci reconnaît explicitement sa
paternité (Article 1708 du code civil du Reich) et est disposé
à donner son nom à l'enfant. C'est seulement quand le
géniteur a épousé la mère de l'enfant qu'il peut
donner son nom à l'enfant, et seulement avec l'autorisation de la
mère (§ 1706 du Code Civil), une possibilité qui est exclue
dans le cas occurent, puisqu'il n'y a pas de mariage entre Européens et
indigènes.
En dehors de ce dernier cas qui est exclu ici, il n'y
a en Allemagne que deux moyens pour un enfant naturel de porter le nom de son
géniteur: L'adoption et l'autorisation des autorités (ou du Chef
du Gouvernement pour le cas de la Prusse). L'adoption prévoit en termes
clairs l'accord de l'adopteur; quant à la permission des
autorités, celles-ci doivent prendre en compte l'intérêt
d'autres personnes éventuelles ; dans tous les cas, elles ne
peuvent pas faire porter à un enfant naturel le
nom de son géniteur sans l'accord de ce dernier. Cela serait contraire
aux dispositions de l'article 12 du Code Civil qui statue sur la protection
juridique des noms, de même que cela irait à l'encontre de
l'article 1706 déjà évoqué plus haut, et dont
l'esprit pourrait être ainsi rendu illusoire.
À mon avis le nom de famille allemand devrait
jouir de la même protection, voire d'une protection plus
élevée dans un protectorat allemand vis à vis d'un enfant
dit mulâtre. Je n'ai pas besoin d'en exposer les raisons ici. Je voudrais
attirer l'attention sur une seule raison qui pourrait être
oubliée, notamment sur l'impossibilité qui pourrait
résulter pour ceux qui sont autorisés à porter
légalement des noms allemands et qui vivent en Allemagne,
impossibilté d'émettre quelque objection que ce soit contre
l'attribution de noms à des mulâtres, car ils n'auraient pas
été informés à temps, vu la distance
considérable qui les sépare [des colonies]. On ne peut pas non
plus refuter cela en argumentant que, justement à cause de la distance
considérable qui les sépare des colonies, les personnes portant
ce nom en Allemagne, n'ont aucun intérêt particulier à
savoir si un indigène au Togo porte le même nom.
Il faut prévoir l'éventualité
selon laquelle plus d'indigènes se rendront en Allemagne dans le futur
qu'il n'en est le cas aujourd'hui, et que le fait qu'ils portent un mom de
famille allemand pourrait provoquer là-bas une protestation ainsi que
des propos fâcheux, surtout s'il s'agit d'un nom
célèbre.
À cela s'ajoute le fait que selon la conception
de l'indigène, il n'existe pas d'enfants illégitimes. En
règle générale, tous les enfants sont
considérés comme membres de la famille du père. Le
mulâtre Fritz Durchbach est récemment venu solliciter
l'autorisation de porter, même à l'avenir, le nom
submentionné ; cela m'a amené à lui faire la proposition
selon laquelle il pourrait bien porter le nom de sa mère (Garber), mais
malheureusement, il m'a répondu qu'il ne peut pas le faire, car il a
dans ses veines du sang Durchbach et non du sang Garber. Un mulâtre avec
une telle conception n'hésiterait pas un seul instant, s'il arrivait en
Allemagne, à se présenter aux parents de son géniteur
comme un membre normal de la famille, et en tout cas, il pourrait de ce fait
leur causer mal de désagréments, par exemple dans une petite
ville, où il porterait le même nom de famille qu'eux et donnerait
ainsi l'apparence d'appartenir à la famille.
En outre, il est à remarquer que l'autorisation
du Gouverneur de porter le nom donnerait aussi le droit à
l'indigène concerné de porter ce nom en Allemagne, et les
détenteurs allemands de ces noms ne pourraient pas porter plainte
contre lui pour qu'on lui ôte ce
nom, conformément à l'article 12 du Code
Civil allemand, parce qu'il ne porte pas ce nom « sans autorisation
».
Au vu de ces raisons énoncées plus haut,
je propose respectueusement que l'autorisation du port du nom du
géniteur - d'ailleurs il ne doit être exclusivement question que
de celui-là - soit subordonnée à une demande du
géniteur lui-même signifiant sa volonté de léguer
son nom, à la reconnaissance explicite de la paternité par le
géniteur et enfin à un engagement de ce dernier de prendre en
charge la pension alimentaire de l'enfant, conformément aux dispositions
du Code Civil allemand portant obligation de soins vis-à-vis d'un enfant
naturel. Les déclarations requises devraient être
déposées auprès des autorités administratives
locales sous forme officiellement certifiée. Au cas où le
géniteur serait déjà mort, alors la demande de legs de nom
devrait être systématiquement rejetée, étant
donné que la paternité ne peut plus être prouvée
d'une façon crédible.
Je voudrais en outre proposer de ne pas
considérer dans tous les cas l'accord du géniteur, ou plus
exactement la demande du géniteur comme une condition suffisante. Bien
d'Européens perdent le vrai sens du discernement à la suite d'un
long séjour parmi les indigènes. Ils mesurent leurs actes
exclusivement par rapport aux réalités d'ici, ils pensent n'avoir
pas besoin de se référer aux idéaux de leur patrie et ne
voient même pas l'éventualité que tel ou tel autre de leurs
actes pourraient avoir des répercussions sur leur patrie. Un tel
Européen risque de se décider facilement à léguer
son nom à un enfant mulâtre, alors qu'au pays il récuserait
avec indignation la même exigence vis à vis d'un enfant naturel.
Là-bas, la prise en compte des membres de sa famille l'empêcherait
déjà de léguer le nom qui est un bien commun de la
famille. En conséquence, je trouverais tout à fait
justifié de refuser toute demande des indigènes ou de leurs
géniteurs sollicitant le port de noms européens, et de n'accepter
des exceptions que dans des cas vraiment particuliers. Un tel cas
interviendrait par exemple quand le géniteur concerné a perdu
toutes les personnes (membres de sa famille), dont il devait prendre en compte
les intérêts, ou quand il s'agit par exemple des noms comme
Müller ou Meier, qui n'ont pas besoin d'une protection
particulière, vu leur usage répandu. Même dans ce dernier
cas, il faudra aussi toujours envisager la nécessité de prendre
en considération l'avis des autres membres éventuels de la
famille en Allemagne.
Le point de vue défendu ici ne représente
pas une désaprobation ou une rigueur contre les mulâtres qui,
du point de vue du port de noms, ne sont pas moins bien lotis que
les enfants naturels en Allemagne. Même si on doit avouer qu'un refus
serait gênant pour les
mulâtres qui se sont permis jusqu'alors de porter
un nom de famille allemand, cela ne peut jouer aucun rôle, selon
moi.
Enfin la conception ici défendue est
également conforme aux principes de la politique raciale
pratiquée jusqu'ici dans le protectorat, et qui définissent
comment le mulâtre ou n'importe quel autre indigène devrait
être traité. Le souci des mulâtres d'accéder à
une meilleure position que les autres indigènes
bénéficierait d'un soutien considérable, si l'on les
autorisait, dans une plus large mesure, à hériter des noms de
leurs géniteurs. Par ailleurs, les relations sexuelles entre
Européens et femmes indigènes connaîtraient indirectement
par là même une reconnaissance que nous n'avons pas
envisagée.
C.[lausnitzer], 16/12/13», le Chef de
District.
Commentaire succinct
Les propositions faites par Clausnitzer pour
l'application du décret du gouverneur sur le port de noms par les
métis, nous révèlent le fond de la pensée qui
soutient la politique coloniale allemande au sujet des indigènes : c'est
la politique de stricte séparation raciale entre Noirs et Blancs. C'est
ce dogme politique qui détermine l'administration coloniale
vis-à-vis de la question des métis. Toutes mesures qui sont
préconisées ici sous forme de propositions ne sont que des
contorsions juridiques pour se conformer à ce dogme. Et des
administrateurs tels que Clausnitzer, Asmis et autres semblent avoir
été les plus durs partisans de la rigueur inflexible sur cette
question.
3 - Cas individuels
3.1 - Document n° 14 : Josef Comla [Köhler
*]
Source originale : Archives Nationales du Togo (ANT)-FA
3/185
3.1. 1 - Résumé en français de
l'ensemble des extraits
L'histoire de Josef Comla [Köhler *], né le
17 mars 1897, intimement associé à celle de son
demi-frère Paul Quakuvi Jacobi, né en juin 1898, est un cas
très intéressant qui permet
de découvrir la complexité des
problèmes liés aux « métis allemands » du Togo.
Les extraits de documents d'archives présentés ici donnent une
idée de cette complexité.
Le mulâtre Josef Comla, fils du feu gouverneur
Köhler et de sa femme togolaise Douha, est né le 17 mars 1897. Dix
ans plus tard, le 21 mars 1907, le gouvernemeur Zech demanda aux
héritiers allemands du feu gouverneur Köhler de s'occuper des frais
de scolarité et d'hébergement de ce mulâtre. La garde de
l'enfant avait été confiée à l'assistant des
douanes Jacobi qui, jusque là, s'occupait du mulâtre parce qu'il
avait eu lui aussi un enfant de sa mère, un mulâtre nommé
Paul Quakuvi. Mais jusqu'alors, les dépenses effectuées pour
l'éducation de Josef Comla ne lui sont pas remboursées. C'est
pour cela que le gouverneur Zech demande de dresser un bilan mensuel de
dépenses, afin de se prononcer sur l'exactitude des dépenses
effectuées.
L'assistant des douanes Jacobi avait manifestement
pris avec lui - de gré ou de force - Josef Comla et sa mère. De
son union avec la mère de Josef Comla est né en Juin 1898 Paul
Quakuvi. Jacobi propose d'acheter un terrain au petit Josef Comla et d'y
construire une petite maison, afin qu'il puisse y vivre avec sa mère. De
l'autre côté, il y a la mission catholique qui réclame le
remboursement des frais de pension et de soins du petit Josef Comla. La
mère de l'enfant est d'accord pour l'achat d'un terrain. Alors, Jacobi
propose l'achat d'un terrain d'une plus grande parcelle avec sa contribution
afin que la mère et ses deux enfants puissent y vivre. Le 15
décembre, il est porté à la connaissance du commissaire de
police Röhn qu'un terrain approprié serait à vendre. Le 20
juillet 1909 l'agriculteur Boko Agedji a vendu un terrain sis à
Lomé, et qui mesure 0,0681 ha pour un montant de 500 Marks qui ont
été versés en liquide. Et la signature du contrat de vente
a été faite en présence de l'agriculteur Boko Agedji de
Lomé, le chef de cercle de Lomé-ville, l'Assesseur de justice Dr.
Asmis, tuteur du petit mulâtre Josef Komla. Le 11 septembre 1909, une
autre vente de terrain s'est effectuée entre le chef de cercle de
Lomé, Monsieur l'Assesseur Dr. Asmis comme tuteur du petit mulâtre
Josef Komla et Monsieur l'Assistant des douanes Jakobi comme tuteur du petit
mulâtre Paul Quakuvi. Le terrain n'est autre que la moitié du
terrain du mulâtre Josef Komla, vendu à 250 marks. Toutefois,
l'assistant de douane Jacobi garantit à Josef Komla le libre
accès au terrain.
L'assistant de douane Jacobi s'engage à
construire sur le terrain de Josef Komla et de Paul Quakuvi une sorte de maison
pour jumeaux qui sera séparée par un mûr mitoyen et un
puits, qui profiterait équitablement aux deux propriétaires. Il
s'engage à débourser 500 M y compris les 250 M de l'achat du
terrain de Josef Komla et à faire des dépenses
supplémentaires en dehors des 250 M; seulement
si Josef Komla s'engage à son tour à rembourser ces
dépenses à sa mère dès qu'il aura atteint
l'âge adulte. Ainsi cette dernière aurait le droit de partager
cette maison jusqu'au remboursement de cette dette. La somme totale
dépensée pour la construction de la maison s'élève
à 1567,45Mark et Josef Komla devrait rembourser la moitié de
cette somme : 783,70 Mark, moins la somme du terrain 250 M, soit 533,70
Mark.
L'Assistant Jacobi quitta le Togo en 1911 et mourut en
1912 à Leipzig, laissant derrière lui un fils mulâtre Paul
Quakuvi à qui il a fait don d'un terrain et d'une maison pour
répondre à la coutume en vigueur des Européens de
dédommager les enfants issus de leurs rapports extra-conjugaux avec une
indigène.
Selon les notes d'archives du commissaire de police
Bähr le 14 avril 1913, le fils de Jacobi a été
embauché à la direction d'une entreprise à Lomé, et
Josef Komla continuerait à fréquenter l'école de la
mission catholique, et il n'y aurait plus d'argent auprès du Chef de
District pour ces deux enfants.
3.1.2- Extraits de textes: n° 1 : original
allemand
Mulatten (Köhler)
S.162 «An das Bezirksamt Lome-Stadt , Lome, den
21.März 1907
Ich habe nun mehr die Erben des verstorbenen
Gouverneurs Köhler aufgefordet, die Kosten der Erziehung und des
Unterhalts des Mulattenkindes Josef Comla zu übernehmen. Die Aufsicht
über das Kind würde dem Bezirksamt Lome-Stadt obliegen. Es
dürfte jedoch zweckmässig sein, die Fürsorge dem Zollassistenten
Jacobi wie bisher zu überlassen, wenn er dazu bereit ist. Die Auslagen,
welche er für das kind fortab zu machen hat, werden ihm vorläufig von
dem Fiskus erstattet werden. Zu diesem Zwecke ersuche ich ergebenst, monatlich
eine Aufstellung über die Angemessenheit der verauslagten Beträge zu
äussern. Der Gouverneur Zech» (Josef Komla Köhler wurde am 17.
März 1897 geboren, Mutter Doaha(Johaha) aus Togo.
3.1.2 - Texte n° 2 : original allemand
S.165 Aktennotiz vom 6. Aug.1907: « Das Geld ist
noch nicht eingetroffen. Jacobi hat bislang noch keine Liquidation eingereicht
und erklärt sich hierzu ausser Stande. Er schlägt vor, dem Jungen von
dem Geld der Köhlerschen Erben ein Grundstück zu kaufen, auf dem er
mit seiner Mutter wohnen könnte. Die Kath.Mission gibt seit einem Jahr dem
Jos. Köhler Wohnung und Essen, sie wird mit ihren Ansprüchen kommen,
sobald sie von dem Eintreffen des Geldes Kunde hat. Es dürfte am
zweckmässigsten sein, den Jungen als Kostschüler[67] in
die Regierungsschule aufzunehmen.»
(Le nom de l'auteur du document n'est pas
mentioné).
67 Traduction française:
pensionnaire»
NB: S.171: 25. Mai 1908: 500 Mark sind eingetroffen
3.1.3 - Texte n° 3 : original allemand
S.174 «1.Vermerk: Mit Assistant. Jacobi wurde
Rücksprache genommen. Der Wunsch der Mutter ist, dass für das Kind
ein Grundstück gekauft werde. Jacobi erklärte sich bereit, auch
seinerseits zum Kaufgelde etwas zusteuern, damit ein grösseres
Grundstück gekauft werden könne, auf welchem die Mutter mit den 2
Kindern wonhnen könne» (Anmerkung von Se: Die Mutter Johaha (Dahaha)
hatte dem Jacobi, der offenbar die Frau über nommen hatte, als Köhler
zeitweilig nach Kamerun ging, im Juni 1898 gleichfalls einen Sohn
geboren.)
2. An Polizeimeister zur gelegentlichen Feststellung
eines Grunstücks, welches verkauft und für den gedachten Zweck
geeignet ist» Lome 15/12.(08)
Notiz des Polizeimeisters: «Für ein
Grundstück stehen von den Erben Köhlers 500 M zur Verfügung.
Boko-Agedji will eine diesem Preise entsprechende Teilparzelle von seinem
Grundstück Kartenblatt 2, Parzelle 117 verkaufen. Das Grundstück ist
für den gedachten Zweck geeignet. Assistent Jacobi müsste dann
seinerseits auf diesem Grundstück ein Haus erbauen lassen. 11.5.09.
Bärhr»
3.1.4 : Texte n° 4 : original allemand
S.181-183. «Kaiserliches Bezirksgericht Lome, Lome,
den 20 Juli 1909.
Es erschienen heute ohne Ladung 1) der Farmer Boko
Agedji aus Lome 2) der Bezirksamtmann von Lome-Stadt Gerichtsassessor Hermans
als Vormund des Mulattenkindes Josef Komla...» Boko verkauft «das ihm
gehörige in Lome gelegene Grundstück Kartenblatt 2/Parzelle 242/117
welches 0,0681 ha gross ist und wie folgt begrenzt wird: im Norden von dem
Restgrundstück des Verkäufers, im Süden von den
Grundstücken der Amalie Ablewavi und des John K.Anyanyo, im Osten von
einem Grundstück des Martin Adzaklo, im Westen von der Sulugastrasse. Der
Kaufpreis beträgt 500-Funfhundert- Mark und wird nach Genehmigung des
Kaufvertrages baar an denVerkäufer bezahlt werden»
3.1.5 : Texte n° 5 : original allemand
S.185-187 am gleichen Tag Kaufvertrag mit Boko Agedji
und Hermans für Amalie Ablewawi(Wirth) Kartenblatt 2/Parzelle239/ 117
0,0284ha im Norden angrenzend an Josef Komla, (Köhler) im Süden von
der Dadjestr., im Osten von Grundstück des John K. Anjianyo, im Westen von
der Sulugastr. für 300 Mark.
3.1.6 : Texte n° 6 : original allemand
S.189-191 Kaiserliches Bezirksgericht Lome, Lome, den 11.
Sept. 1909
Es erschienen ohne Ladung der Bezirksamtmann von Lome,
Herr Assessor Dr. Asmis als Vormund des Mulatten indes Josef Komla, 2) Herr
Zollamtsassistent Jacobi als Vormund des Mulattenkindes Paul Asmis verkauft
Jacobi von Parzelle 242/117 die östliche Hälfte, etwa 340 qm gross im
Norden begrenzt von einem Grundstück des Jakob Garber, im Süden von
einem Grundstück des Boko Agedji, im Westen von einem Grundstück
des
Josef Komla für 250 M. Freier Zugang über das
Grundstück von Josef Komla gewährleistet.
3.1.7 : Texte n° 7 : original allemand
S.193 "Lome, den 16. Aug. 1909. Herr Zollassistent
Jacobi von hier erklärt: Irgendeine Verpflichtung, für das
Mulattenkind Josef Komla zu sorgen, erkenne ich nicht an. Das Kind war vorher
geboren, bevor ich ins Schutzgebiet kam. Im Interesse der Mutter des Komla bin
ich bereit, die hintere Hälfte des für Komla erworbenen
Grundstückes für das von von mir erzeugte Mulattenkind Paul zu
kaufen, falls der Zugang zu dieser Hälfte durch eine entsprechende
Weggerechtigkeit gesichert und mir gestattet wird, als Entgelt auf dem dem
Komla verbleibenden Restgrundstück ein Haus im Werte von mindestens 250 M
zu errichten. Komla soll das Eigentum an diesem Haus haben, jedoch soll mein
Junge und die Mutter auf mindestens 5 Jahre ein Wohnrecht in dem Haus behalten.
"
3.1.8 : Texte n° 8 : original allemand
S.195 Jacobi 9. Okt. 1909 Ich verpflichte mich auf
dem Grundstück des Josef Komla und des Paul Quakuvi ein sogenanntes
Zwillingshaus in der Weise zu bauen, dass auf jedem Grundstück sich ein
Raum mit zugehöriger Veranda befindet und die Wand auf der Grenze steht.
Der auf den Gründstücken befindliche Teil des Hauses soll dem
jeweiligen Eingentümer des Grundstücks gehören. Für den
Hausbau verpflichte ich mich insgesamt mindestens 500M aufzuwenden, wenn die
dem Josef Komla für den abgetretenen Grundstückteil auszuzahlenden
250M hierauf in Anrechnung kommen. Ausserdem verpflichte ich mich, auf die
Grenze der beiden Grundstücke einen Brunnen zu bauen, der von beiden
Grundstücken gleichmässig zu benutzen ist. Zu den Mehrleistungen
über den Betrag von 250M hinaus zu Gunsten des Josef Komla verpflichte ich
mich aber nur unter der Bedingung, dass Josef Komla verpflichtet wird, den
für ihn aufgewandten Mehrbetrag an seine Mutter Tohaha
zurückzuzahlen, sobald er erwachsen ist. Bis zur Tilgung dieser Schuld
soll die Tohaha für sich berechtigt sein, auch den Komla'schen Raum zu
benutzen.« Asmis ist einverstanden damit.
NB: S.218 Bausumme insgesamt 1567,45 für
Haus, Hälfte davon 783,70 minus 250M zu Lasten Josef Komla
(Köhler) 533,70 Mark.
3.1.9 : Texte n° 9 : original allemand
S.230 Jacobi stirbt 1912 in Leipzig. Er hat hier ein
Mulattenkind mit Namen Paul hinterlassen. Er hat diesem Kind ein
Grundstück mit Wohnhaus geschenkt und es auf den Namen des Kindes in das
Grundbuch eintragen lassen. Das Haus wird von dem Paul und seiner Mutter
bewohnt. Die Schenkung entspricht dem hier herrschenden Brauch der Europ., ihre
aus dem ausserehelichen Verkehr mit einer Eingeb. hervorgegangenen Kinder
abzufinden.«
NB: S.232 Aktennotiz von Polizeimeister Bähr
14.4.13:«Der Junge von Jacobi ist bei der Betriebsleitung eingestellt. Der
Junge von Gouv. Köhler besucht noch die Schule der kath. Mission, obgleich
er der ältere ist. Geld ist beim Bez.Amt nicht mehr vorhanden für die
Kinder.«
3.1.2 - Interview accordée à monsieur Simtaro
en 1981 par Josef Comla sur son père et sa mère
Source : Simtaro 1982 :673ff
(traduction)
Entretien avec M. Joseph KOEHLER, 85 ans, fils
métis du Premier Gouverneur allemand au Togo, August KOEHLER
(1898-1902). Le Gouverneur Koehler mort à Lomé en 1902, repose au
cimetière de la capitale togolaise, grand cimetière de la Plage,
parmi une quarantaine de ses compatriotes. Interview de son fils Joseph
Koehler, exclusivement en allemand, à son domicile de Lomé, le
vendredi 27 mars 1981 à partir de 17h30. (Traduction)
Une semaine environ après notre entretien, M.
Hans Komla Gruner, fils métis de l'ancien commandant de Cercle de
Misahöhe (Kpalimé), le Dr. Hans Gruner, me conduit dans la maison
du vieux Joseph Koehler dans l'après-midi du 25 mars 1981, pour me
mettre en contact avec le fils de l'ancien gouverneur allemand du Togo que j'ai
l'intention d'inter-viewer. Malgré les apprehensions de sa famille
à cause de sa santé fragile, on réussit à obtenir
un rendez-vous pour le lendemain vers 17 heures. Le 26 mars, des
imprévus m'empêchent d'être à l'heure chez les
Koehler. Je n'ai pu me présenter qu'à 17 heures 45. Et comme le
vieux octogénaire respecte scrupuleusement ses heures de repos et de
sommeil (il va au lit tous les soirs à 7 heures!), je m'excuse
auprès de son fils Théodore Komla Koehler, inspecteur des P.T.T.,
et nous nous entendons pour le jour suivant à 17h30 sans faute. Vendredi
27 mars 1981, 17h25, nous voilà dans le salon, les deux Koehler
père et fils et moi..., dans un coin, dans son fauteuil, la mère
Koehler ne s'occupe pas de nous. Dans son fauteuil en face de moi, le vieux
Joseph Koehler tout gris et un peu fatigué, me regarde un peu
interrogateur... Son fils m'avait bien dit la veille: "Vous savez papa oublie
trop vite les choses. Il se pourrait même qu'il ne se souvienne plus de
vous demain...". Alors, je commence sans attendre. En allemand, bien sûr!
Je réussis aussitôt à engager le plus vieux des
métis germono-togolais (sans doute) dans son récit où il
se répète continuellement: C'est l'âge ! Mais n'est-ce pas
aussi un moyen de m'enfoncer dans la tête ses vieux souvenirs
?!...
Simtaro : Bonsoir Papa Koehler, comment allez-vous
?
Koehler Ça va un peu bien, merci. Et vous, comment
allez-vous ?
S. Bien, merci. Je suis très heureux de faire
votre connaissance. Vous êtes M.
Koehler, fils du Gouverneur Koehler ?
Koehler Oui, oui, je suis M. Koehler. Je suis le fils du
Gouverneur Koehler. Il est mon
père. Mon prénom est Joseph. Prenez-donc
place. Asseyez-vous là... Mais
vous parlez très bien allemand!... Qui
êtes-vous, s'il vous plaît?
Simtaro Mon nom est Simtaro. Dadja Simtaro.
J'étais venu avant-hier avec M. Hans
Gruner. Hier aussi, j'étais là.
K. Hans Gruner! Ah, oui, oui! Vous étiez venu
avant-hier avec M. Hans Gruner.
Oui, oui, je me souviens. Comment va M. Hans
Gruner?
S. Il va très bien... Eh bien, Papa Koehler, je
suis étudiant. J'étudie en
Allemagne et en France. J'écris un travail sur
l'époque coloniale allemande au Togo... On m'a dit que vous êtes
un fils du Gouverneur allemand Koehler. Je voudrais avoir avec vous un petit
entretien sur vos souvenirs des Allemands...
K. Hi, hi, hi!... Mes souvenirs ?!
S. Oui, oui ! Comment vous vous souvenez des Allemands de
ce temps là? De
votre père par exemple?...
K. Eh oui, les souvenirs de mon père!... Mon
père lui-même est mort très tôt.
Très, très, très tôt. Je
n'étais pas du tout grand avant qu'il meure. J'avais à peine dix
ans. Pour ainsi dire, je ne l'ai pas connu. Je dois dire que je ne l'ai jamais
approché. A l'époque mon père voyageait en Allemagne,
revenait, puis allait de nouveau en Allemagne et revenait de nouveau... Non,
non, je ne connais pas très bien mon père. Je ne le connais pas
pour ainsi dire. Peut-être aussi ma mère et la soeur de ma
mère ne voulaient point que je m'approche de lui. Pourquoi? Je ne sais
pas... Mais c'est très dommage qu'il soit mort trop tôt. Si mon
père n'était pas mort trop tôt, je l'aurais sûrement
très bien connu. Je l'aurais bien connu. Oui, lui parler... Ainsi, je
pourrai aujourd'hui vous raconter beaucoup de chose sur mon père.
Malheureusement il est mort très tôt!... Les Allemands aiment
beaucoup les femmes, ça peut paraître comme une plaisanterie, mais
c'est vrai. Ils aiment beaucoup les femmes togolaises, car beaucoup d'Allemands
ont épousé des femmes togolaises. C'est ainsi que ma mère
a épousé mon père et m'a mis au monde. Depuis qu'elle m'a
mis au monde, je n'ai jamais approché mon père. Je ne me suis
jamais approché de lui. Non. Ainsi, je ne connais pas bien mon
père. Mon père est mort très tôt. C'est en 1902 que
mon père est mort. Ma mère est originaire de Togoville. Son nom
indigène,
c'est-à-dire son nom togolais est Duaha, ce qui
signifie à côté de la ville (du village, du pays). Elle a
été baptisée et s'appelle Hanna. Mais elle ne vit plus.
Elle est morte en 1919 et enterrée ici à Lomé.
Moi-même, je suis né en 1896. Je suis donc né en 96. Mon
père est mort ici en 1902 et enterré ici à Lomé. Sa
tombe se dresse au cimetière allemand. Quand il était gouverneur,
il a sorti une loi, selon laquelle les Allemands qui mourraient ici au Togo
devaient être enterrés ici. Sinon, il aurait été
transporté en Allemagne et inhumé là-bas. C'est
lui-même qui a sorti cette loi. C'est pourquoi il a été
aussi enterré ici à Lomé. Si vous allez au
cimetière, vous verrez tant et tant de tombes allemandes. Beaucoup
d'Allemands y sont enterrés.
Vous savez, ma mère a épousé
aussi un autre Allemand, un douanier. Son nom est JACOBI. Otto JACOBI, mais il
est mort en Allemagne et enterré là-bas. Jacobi a eu avec ma
mère un fils: Paul Jacobi. Il est mon frère. Nous sommes
nés de la même mère, mais nous avons des pères
différents. Mon frère Paul Jacobi est malheureusement mort aussi.
S'il n'était pas mort, vous auriez fait sa connaissance, et parlé
allemand avec lui... Malheureusement, il est mort en 1958...Vous savez, le
douanier Otto Jacobi, père de mon frère Paul, a pris soin de nous
et nous a éduqués comme ses fils. C'est lui qui nous a
envoyés à l'école, à l'école de la Mission
catholique. Nous avons commencé l'école en 1906. Nous habitions
la Mission, chez les Pères. Nous avons tout obtenu des Pères: la
nourriture, les cahiers et livres d'écoles, les habits, etc... Le repas
était préparé par les Soeurs. Nous servions les
Pères à table. Nous mettions la table: assiettes, fourchettes,
cuillères, couteaux, verres, etc... Après le repas, nous
débarrassions la table. Nous faisons la vaisselle et nettoyions
tout...
Nous étions à l'époque dans la
chorale de la mission. Nous avons très bien chanté à
l'église. A l'école, nous étions beaucoup de
garçons. Nous apprenions, à côté de la langue
Ewé, l'allemand, la réligion, l'écriture, la lecture, le
calcul, l'histoire, la géographie, ect... Nous sommes sortis de
l'école en 1914. J'ai obtenu mon certificat d'études. Il doit se
trouver quelque part dans ma valise ou dans mes affaires. Je ne sais plus
où. S'il faut que je le cherche maintenant, je vais me casser la
tête... L'école était dure, mais nous avions bien appris et
bien travaillé. A l'époque, nous aimions beaucoup
chanter les chansons allemandes, par exemple: l'hymne
national allemand : "Deutschland, Deutschland, über alles" (l'Allemagne
par-dessus tout), "Ich hatte einen Kameraden" (j'avais un camarade), etc...
Maintenant, je ne peux plus chanter. Je suis vieux et un peu malade. J'ai
oublié aussi beaucoup de chansons. Autrefois j'aimais beaucoup
chanter. Surtout au moment des fêtes. Quand les Allemands
fêtaient le "Kaisertag", l'anniversaire de l'empereur, nous les
élèves, nous allions sur la place des festivités et nous
chantions. Puis les soldats faisaient leur parade. Tout cela était
très beau! Je m'en souviens encore. C'était une belle
époque. Je n'oublierai jamais ce temps-là... Un jour, un
ministre allemand est venu en visite à Lomé. Le Secrétaire
d'Etat aux Colonies, M. le Dr. Solf. C'était en 1913. Il y eu aussi
une très grande fête, avec des danses et des parades de troupes
!... Le Dr. Solf avait aussi visité notre école.
J'étais aussi présent. Je l'ai vu. Nous avions très bien
chanté. Il était content et nous étions heureux.
C'était une très belle époque, vous savez! Oui, oui,
une très belle époque. Je me souviens de tout cela...
Après la période scolaire nous avons travaillé au
chemin de fer. Avec les Allemands, puis les Anglais et puis les
Français. Nous ne gagnions pas beaucoup. Nous n'étions que des
ouvriers auprès des Européens... J'ai travaillé pendant
deux ans et demi à NUATJA, cinq ans à Agbeluhoe et puis tout
le reste du temps ici à Lomé. Après la guerre de 1914,
les Allemands étaient obligés de s'en aller. Ils avaient perdu
la guerre contre les Français et les Anglais.
C'étaient mauvais pour nous Togolais. Les Togolais aimaient beaucoup
les Allemands. Nous avons obtenu des autorités allemandes, mon
frère Paul Jacobi et moi, ce terrain où nous avons construit
notre maison. Nous avons reçu des dons en espèces comme aide
pour l'achat de ce terrain et la construiction de notre maison. Mais mon
frère est mort. Ma mère aussi ne vit plus. Elle est morte en
1919. Je vous l'ai déjà dit. Voyez vous les Allemands sont
partis, mais ils ont laissé un très bon souvenir chez nous
ici. Ils ont construit des chemins de fer et beaucoup d'édifices.
Nous utilisons encore aujourd'hui ces chemins de fer et ces bâtiments.
Ici à Lomé, nous avons le gigantesque Palais du Gouvernement
au bord de la mer. La mission a beaucoup fait pour l'école et
l'église au Togo. Près du marché se dresse la grande
cathédrale. Ce sont les Allemands qui ont fait tout ça... Sur
mon père même, je ne sais pratiquement
rien. Il est mort trop tôt. Je n'ai obtenu que
sa photo en souvenir. Le gouvernement allemand de l'époque nous a
aidé, mon frère Paul Jacobi et moi, à obtenir ce terrain
et à nous bâtir une maison... Voilà Bernard qui passe, un
fils à mon frère Paul Jacobi. Et à côté de
vous c'est mon fils Théodore ; il travaille à la poste.
Là, c'est ma femme...
Eh bien, mon ami, je vous ai tout dit. Je vous ai
raconté tout ce que je sais... Vous savez, j'ai toujours gardé un
très bon souvenir des Allemands. Je ne peux jamais les oublier.
Seulement mon père est mort trop tôt. J'étais encore un
tout petit enfant. Il faut que je vous dise la vérité, je ne l'ai
pas connu. J'ai bien appris la langue allemande à l'école.
J'avais beaucoup de livres allemands. J'avais aussi de bons amis allemands.
Nous nous écrivions régulièrement. Aujourd'hui, mes
correspondants ne m'écrivent plus. Oh, j'aime lire et écrire
l'allemand. J'écris beaucoup mieux l'allemand que je ne le parle. Je
n'ai jamais été en Allemagne. A présent, je suis vieux et
ne peux plus travailler. Je vous remercie beaucoup de votre visite. Je suis
très heureux de parler allemand avec quelqu'un.
Simtaro C'est moi qui vous remercie, Papa Koehler. Vous
m'avez raconté de très bons
et interessants souvenirs de votre jeunesse. Votre
excellent allemand m'a beaucoup émerveillé. Je vous remercie
beaucoup.
Koehler Oh, s'il vous plait il n'y a pas de quoi... Je me
réjouis beaucoup de votre
visite! ... Qu'est-ce que vous aller faire plus tard ?
Vous allez travailler en Allemagne ?
S. Je dois maintenant terminer mes études. Puis je
regagnerai le pays natal pour
enseigner, comme professeur d'allemand.
K. Professeur d'allemand! Ah, vous enseignerez donc
l'allemand ?... C'est très
bien? Je vous souhaite beaucoup de succès!...
Vous savez, à l'époque allemande nous n'apprenions que l'allemand
à l'école, et nous avons toujours bien parlé cette langue.
De nos jours, on enseigne à l'école beaucoup de langues à
la fois: allemand, anglais, français, etc... Les enfants ne peuvent pas
bien assimiler toutes ces langues. C'est difficile! Les enfants n'arrivent
même pas à bien parler une seule de ces langues. Cette
méthode, je la trouve mauvaise. Qu'en pensez-vous?
Simtaro Vous avez raison, Papa Koehler. Trop de choses
à la fois, c'est mauvais.
Koehler Vous voyez, on confond tout... On dit chez nous:
"Trop de sel gâte la
sauce!"... Pas vrai ?... Hi, hi, hi!...
S. Oui, oui, vous avez bien raison.
K. Je me réjouis de votre visite. Mais vous parlez
parfaitement l'allemand!...
Passez donc quand vous avez le temps. Nous parlerons
l'allemand. Cela me réjouit beaucoup. Je vous dis maintenant adieu, bon
voyage et beaucoup de succès!
S. Merci bien, Papa Koehler. Je reviendrai vous voir
dès mon retour d'Europe,
soyez-en sûr.
K. Oui, oui, si je suis encore en vie... Tout
dépend de Dieu, mon fils. Au revoir,
mon bon ami.
S. Au revoir, Papa Koehler. Bonne nuit!
Illustration n° 13 : carte postale coloniale
commémorative à l'effigie de August Köhler, père de
Josef Comla. (Source :
http://www.deutsche-schutzgebiete.de/togoland.htm
18.10.2011
3.2 - Document n° 15 Les enfants métis du
Dr. Krüger au Togo Source originale : Archives Nationales du Togo
(ANT)-FA3/185 3.2.1 : Texte original allemand
Dr. med. Ernst Krüger, geb. 13. April 1870,
Medezinalrat, 1901-1914 Regierungsarzt in Togo hatte folgende Kinder in
Togo:
1. Klara Akoavi (Gobi) geb. (3.4.) 1907, Mutter Kokovi I
aus Anecho (auch Kokoviga)
2. Magaretha Ablavi (Marguerite), geb. 25. Juni 1909
(25.5.1908), Mutter Kokovi II aus Anecho.
3. Ernst Oskar (Kodjo), geb. 25.Okt. 1909, Mutter Kokovi
I (Kokoviga) aus Anecho.
4. Julia Afiavi, geb. 8.1.1912, Mutter Kokovi I
(Kokoviga).
5. Quassi geb. 20.10.1912 Mutter Kokovi (Kind
gest.?).
S. 303 "Sir, on the 16/6/1911 Dr. Krüger was
appointed as guide to the children of Kokovi I and Kokovi II (Mulatto-
children) - children born by himself - which appointment he accepted and
promised faithfully care for the children. He intended to establish a coconut
plantation on the lands to be acquired at Bagida for the children.
2) Vide Akten K 5, Band II, Lome-Stadt, page 1- 4.
(heute FA 3/185, S. 2-7 se)
3) Mr.(Emmanuel) Ajavon bought the land for 1300 M. from
the chief of Bagidah & sold it to Dr. Krüger as guidance to the
children above mentioned - vide A 20 Lome-Land
4) Dr. was only acting for his children. Act
14/XI/19"
S.5-6 "Kaiserliche Bezirksamt Lome (Stadt), Lome, den
16.Juni 1911
Es erscheint, persönlich bekannt, der
Regierungsarzt Dr.Krüger von hier. Es wurde ihm eröffnet, dass er zum
Vormund für die von den Eingeborenen Kokovi I und Kokovi II geborenen
Mulattenkinder, die von ihm selbst erzeugt sind, wie er hiermit anerkennt,
nämlich
1. Cara Akoavi, 2. Ernst Oskar Kuadjo (Mutter: Kokovi
I), 3.Magarete Ablavi (Mutter: Kokovi II) bestellt werde. Er versprach, treu
und gewissenhaft für die Kinder zu sorgen. Er beabsichtigt, auf den
für die Kinder zu erwerbenden Grundstücken in Bagida eine
Kokosplantage68 anzulesen. v(orgelesen), g(enehmigt),
u(nterschrieben) Dr.Krueger, Regierungsarzt. geschlossen Ledon".
3.2.2 : Traduction intégrale du texte en
français Dr. Ernst Krüger, né le 13 avril 1870, conseiller
médical, médecin du gouvernement colonial au Togo de 1901
à1914, a eu les enfants métis suivants avec des Togolaises
:
1. Klara Akoavi (Gobi) née le 03 avril 1907,
mère : Kokovi I d'Aného (encore appelée
Kokoviga)
68 Au sujet de la plantation de Dr. Krüger cf.
Sebald 1988: 656
2.
Margaretha Ablavi (Marguérite), née le 25
juin 1909, mère : Kokovi II d'Aného.
3. Ernst Oskar (Kodjo), né le 25 octobre 1909,
mère : Kokovi I d'Aného.
4. Julia Afiavi née le 8 janvier 1912,
mère : Kokovi I
5. Quassi né le 20 octobre 1912, mère :
Kokovi d'Aného (enfant décédé ?).
[Reconnaissance de paternité et procès
verbal officiel]
p. 303 : Monsieur, le 16 juin 1911, le Dr. Krüger
a été désigné comme tuteur des enfants de Kokovi I
et de Kokovi II (enfants mulâtres), nés de lui-même, ce
qu'il a accepté en promettant de prendre fidèlement soin des
enfants. Il a exprimé son intention de créer une plantation de
cocotiers sur un terrain à acquérir à Baguida pour ses
enfants. M. (Emmanuel) Adjavon a acheté un terrain à 1300 M.
auprès du chef de Baguida et l'a vendu au Dr. Krüger, tuteur des
enfants ci-dessus mentionnés.
P. 5- 6 « Administration de la circonscription de
Lomé-Ville, le 16 juin 1911.
Le Dr. Krüger, médecin du gouverement
colonial, s'est présenté personnellement ici ce jour. Il lui a
été [officiellement] signifié qu'il est le tuteur des
enfants mulâtres nés des indigènes Kokovi I et Kokovi II,
engendrés par lui-même, ce qu'il a accepté et reconnu,
notamment pour les enfants suivants:
1) Clara Akoavi, 2) Ernst Oskar Kuadjo (Mère :
Kokovi I)
3) Magarete Ablavi (Mère: Kokovi II)
Il a promis de s'occuper fidèlement et
consciencieusement de ces enfants.
Il envisage de créer sur un terrain à
acquérir à Baguida une plantation de cocotiers pour les
enfants.
Lu et approuvé, signé Dr. Krüger
Médecin d'Etat
Commentaire succinct
Nous avons ici un cas où le père
allemand reconnaît officiellement ses enfants métis et promet par
écrit de s'occuper d'eux. Au moment où fut signé cet acte
officiel de reconnaissance de paternité en juin 1911, le Dr. Ernst
Krüger avait eu 3 enfants de deux femmes indigènes de la ville
d'Aného. Plus tard, il a eu encore deux enfants,
précisément en 1912 [1.Julia Afiavi née le 8 janvier 1912,
mère : Kokovi I, 2.Quassi né le 20 octobre 1912, mère :
Kokovi d'Aného (enfant décédé ?)].
La reconnaissance de paternité et de
responsabilité signée par le Dr. Krüger au profit de ses
enfants métis est conforme aux dispositions jusque-là
adoptées par l'administration coloniale allemande pour responsabiliser
les administrateurs et les commerçants allemands du Togo. En ce sens, le
Dr. Krüger est un père allemand digne d'être cité en
exemple. Par son geste, il aurait pu sans doute aussi accorder officiellement
son nom allemand à tous ses descendants métis, si l'ordonnance du
18 octobre 1913 signée par le gouverneur n'était pas venue
ôter aux métis le droit de porter des noms allemands.
3.3 : Document n° 16 : Correspondance relative
à la réclamation de pension alimentaire de la nommée
Afassi pour sa fille métisse née de l'administrateur allemand
[Wernher ?] Rotberg
Source originale : Archives Nationales du Togo
(ANT)-FA3/185, pp. 274-276
3.3.1- Résumé du document en
français
Werner Freiherr von Rotberg, né vers 1870, fut
assesseur stagiaire et chef du district de Lomé au Togo de 1902 à
1903. Pour des raisons politiques liées à « l'affaire
d'Atakpamé » (cf. Adja 2006), il fut expulsé du Togo et
devint chef de Mannheim en 1907. Le 15 septembre 1913, l'indigène
Afassi, originaire de Kéta, s'est présentée au poste
administratif de Lomé-ville déclarant, von Rotberg comme
père illégitime de sa fille Adjovi Christine. Elle affirme avoir
dépensé la somme de 370 marks reçue de von Rotberg en
1905. Alors, elle prie le chef de district de bien vouloir rechercher von
Rotberg, afin qu'il paye les frais de soins de sa fille qui va à
l'école de la mission de l'Allemagne du Nord.
Répondant à la note qui lui fut
adressée, von Rotberg verse une somme de 100 marks pour le compte de la
nommée Afassi, et prie le chef de district d'utiliser cette somme par
tranches, à raison de 5 marks par mois à partir du 1er
janvier 1914, puisqu'il a versé la somme le 7 décembre 1913.
Toutefois, von Rotberg précise que cet acte ne signifie nullement une
reconnaissance de paternité au profit de la fille Adjovi
Christine.
3.3.2 : Texte original allemand
»Kaiserliches Bezirksamt Lome-Stadt, Lome, den 15.
Sept. 1913
Es erscheint die Eingeb. Afassi aus Kita
gebürtig, in Lome, Sangerastr. wohnhaft und erklärt : Ich habe
seinerzeit (1905) für mein aus dem geschlechtlichen Verkehr mit dem
Bez.-Amtmann von Rotberg hervorgegangenes Kind Adjoavi Christine von dem
unehelichen Vater den Betrag von 370 M. bekommen. Diese Summe ist seit langem
aufgebraucht. Das Mädchen ist ordentlich, es besucht jetzt die Schule der
Norddeutschen Mission. Da es mir sehr schwerfällt, mein Kind zu
unterhalten, so bitte ich das Bez.-Amt, den Bez.-Amtmann von Rotberg zu
ersuchen, weitere Unterhaltsgelder für das Mädchen zu
zahlen.
Handweichen xxx der Afassi W.S.Mensah als Dolmetscher;
geschlossen Paulick»
»Herrn Bezirksamtmann Freiherrn von Rotberg,
Hochwohlgeboren, Wittstock in Baden Euer Hochwohlgeboren übersende ich in
der Anlage Abschrift eines mit der Eingeborenen Afassi aufgenommenen Protokolls
zur gefälligen Kenntnisnahme. Ich bemerke ergebenst, dass Mutter und Kind
sich wohl befinden gez. Körmigk Lome, den 25. Sept. 1913»
»An das Kaiserliche Bezirksamt Lome-Stadt Adelsheim,
Baden, 7. XII. 1913
Heute habe ich die Süddeutsche
Discontogesellschaft in Freiburg i./B. beauftragt, wohl demselben den Betrag
von einhundert Mark auszuzahlen. Ich bitte das Kaiserliche Bezirksamt, diesen
Betrag sparsam, am besten wohl in kleinen Beiträgen, für Afassi zu
verwenden und sie freundlich von mir zu grüssen. Die Abstammung der
kleinen Adjoavi Christine, von mir soll indessen damit nicht anerkannt
sein.
Für die gefällige Vermittlung sage ich dem
Kaiserlichen Bezirksamt meinen besten Dank. Ergebenst Freiherr W. von Rotberg.
Kammerherr und Oberamtmann»
Vermerk auf dem Schreiben Rotbergs »Vom 1.I.ab
monatlich 5 M. auszahlen» »100 M auf Sparbuch angelegt. Paulick
3.1.14»
Zur Person aus Kartei Sebald
Werner Freiherr von Rotberg
geb. ca 1870,
Referendar, Assessor, Bezirksamtmann von Lome in Togo 1902-Okt. 1903. Aus pol.
Gründen aus Togo abgeschoben (siehe L. Külz, S.86), 1907
grossherzoglicher Amtmann in Mannheim
3.3.3 : Traduction intégrale du texte en
français :
«Poste administratif de Lomé-Ville,
Lomé, le 15 septembre 1913.
S'est présentée ici ce jour
l'indigène Afassi, originaire de Kita [Kéta] et domiciliée
à Lomé, rue Sangera, qui explique: J'ai reçu à
l'époque (1905) du chef de district von Rotberg, père
illégitime de ma fille Adjoavi Christine, une somme de 370 marks. Cette
somme est épuisée il y a longtemps. La fille est bien entretenue
et va actuellement à l'école de la
mission de l'Allemagne du Nord. Puisque j'ai du mal
à subvenir aux besoins de ma fille, alors je prie le Chef de district de
bien vouloir rechercher le chef de district von Rotberg, afin qu'il paie les
frais de pension pour la fille.
Emargement de Afassi (xxx), interprète : W. S.
Mensah, dossier traité par Paulick«.
À son Excellence Monsieur le Chef de District
Freiherr von Rotberg, Wittstock à Baden Excellence,
je vous envoie en annexe le duplicata d'un
procès verbal adopté avec l'indigène Afassi pour une
reconnaissance à l'amiable. Je peux vous assurer que la mère et
la fille se portent bien.
Signé K (örmigk), Lomé, le 25
septembre 1913»
«Au District de Lomé-Ville Adelsheim, Baden,
le 7 décembre 1913
J'ai donné l'ordre ce jour, à la
société-discount du Sud de l'Allemagne à Freiburg de
verser de ma part une somme de cent marks. Je prie le Chef de District de
dépenser cette somme avec parcimonie, en l'utilisant par tranches, pour
les besoins de Afassi, et de me la saluer cordialement. Cependant, ceci ne
signifie pas que je reconnaîs la petite Adjoavi Christine comme ma
fille.
J'exprime au Chef de District mes sincères
remerciements pour l'amicale médiation. Votre dévoué,
Freiherr W. von Rotberg, Chambellan et Chef de service.«
Note additive sur la lettre de Rotberg: À partir
du 1er janvier, payer 5 marks par mois« [NB :] Les 100 Mark sont
placés sur un compte. P (aulick), le 3. 1. 14.
Sur la personne de Rotberg, selon le fichier de
Sebald
Né vers 1870, Wernher Freiherr von Rotberg fut
stagiaire, assesseur et chef du District de Lomé au Togo de 1902
à octobre 1903. Expulsé du Togo pour des raisons politiques (voir
L. Külz, p. 86), il devint Chef ducal supérieur de Mannheim en
1907.
Commentaire succinct
Contrairement au document précédent
(n° 15), nous avons ici un cas où le père allemand, parti
sans laisser d'adresse, finit par être retrouvé. Il ne
reconnaît pas son enfant métis. Et pourtant, il accepte de verser
la pension alimentaire et les frais d'éducation de l'enfant
!
3.4 - Document n° 17 : Le cas de Kuaovi Fritz
Durchbach Source originale : Archives Nationales du Togo (ANT)-FA3/185,
pp. 282-297 3.4.1- Résumé du document en français Selon
l'extrait d'un rapport du commandant de cercle Clausnitzer du 16
décembre 1913, les intentions des enfants indigènes hors-mariage
sont pour la plus part du temps inconnues. Le mulâtre Fritz Durchbach a
demandé le 23 décembre 1913 l'autorisation de continuer de porter
le nom de son père dans l'avenir. Ceci étant devenu impossible
depuis la promulgation de l'ordonnance du 18 octobre 1913, il lui est
demandé de porter le nom de famille de sa mère née Garber.
Il refuse cette proposition en affirmant qu'il est du sang Durchbach et non
Garber. Son combat pour imposer cette vision des choses devient pour
l'administration un cas d'école qui a déjà fait l'objet
d'un article prédemment cité (Coulibaley-Béré &
Oloukpona-Yinnon 2007). Les documents présentés ici sont ceux qui
ont été à la base de cet article.
3.4.2 : Texte original allemand
S. 266: Auszug aus einer Niederschrift von
Bezirksamtmann Clausnitzer von 16.12.1913: »Hinzukommt, dass die
Auffassung des Eingeborenen uneheliche Kinder nicht kennt, vielmehr in der
Regel alle Kinder zur Familie des Vaters gehörig rechnet. Der Mulatte
Fritz Durchbach, der kürzlich um die Genehmigung, den genannten Namen auch
in Zukunft führen zu dürfen, eingekommen ist, hat mir auf den
Vorschlag, er möge den Namen seiner Mutter (Garber) annehmen, erwidert,
das könne er nicht, denn er habe `Durchbach- und nicht Garber-
Blut'.»
S. 282: »Verfügung» Aktenvermerk:
»die Sache Seiner Hoheit [Herzog zu Mecklenburg] zur Entscheidung
vorgelegt» Rücksprache mit ihm am 23.12.
»Verfügung, Lome, den 24. Dez.
1913.
Das Gesuch des Mulatten Fritz Durchbach in Lome um
Erteilung der Genehmigung zur Beibehaltung des deutschen Familiennamens
"Durchbach" wird aus grundsätzlichen Erwägungen abgelehnt. Abgesehen
davon, dass es zweifelhaft erscheint, ob der Kaufmann Durchbach der Erzeuger
des Antragstellers und dieser auf den Namen Durchbach getauft worden ist, so
sind auch bei Zutreffen dieser beiden Angaben weder diese noch die sonst
vorgebrachten Gründe stichhaltig genug, um die Erteilung der Genehmigung
zu rechtfertigen. Dem Antragsteller wird anheimgegeben, bei Umschreibung seines
auf den Namen "Durchbach" eingetragenen Grundstückes zu beantragen, dass
die durch die Umschreibung entstehenden Kosten niedergeschlagen
werden.
Der Antragsteller hat binnen Monatsfrist anzuzeigen,
welchen Familiennamen er in Zukunft führen will. Es würde
genügen, wenn in dem Namen "Durchbach" die beiden
[Buchstaben] ch gestrichen würden. Mit dem Ersuchen,
den Antragsteller in vorstehender Entscheidung zu bescheiden.
Der Kaiserliche Gouverneur im Auftrag von
Doering».
Vermerk» Antragsteller ist beschieden 1/1. 14
Paulick»
S. 284: »Durchbach heisst Fritz Kuavowi. Er weigert
sich einen anderen Namen anzunehmen und will das Schutzgebiet verlassen. Fette,
(Lome) 5/II»
S. 285-287: »An das Kaiserliche Gouvernement hier.
Lome, den 6. Febr. 14
Auf den Erlass vom 24 Dezember vorigen
Jahres.
Durchbach weigert sich, einen anderen Namen
anzunehmen. Er will seine Stellung bei Bödecker & Meyer aufgeben und
auswandern, wenn ihm die Erlaubnis zur Weiterführung des Namens Durchbach,
auf den er ein Recht zu haben vermeint, nicht erteilt wird. Jeden
Änderungen gegenüber ist er unzugänglich.
Der Hauptagent der Firma Bödecker &
Meyer,Kaufmann Fette ist vor seiner Heimreise nach Deutschland wegen der
Angelegenheit hier vorstellig geworden und hat erklärt, dass die Firma
grossen Wert darauf lege, Durchbach zu halten. Ich habe Fette mitgeteilt, dass
das Kaiserliche Gouvernement unter den vorliegenden besonderen Umständen
Durchbach vielleicht ausnahmsweise die Fortführung des Namens gestatten
werde, wenn festgestellt würde, dass lebende Angehörige des
verstorbenen Kaufmanns Durchbach nicht mehr vorhanden sind oder deren
Zustimmung beigebracht würde. Fette will dieserhalb Erkundigungen in
Deutschland einziehen und das Ergebnis mitteilen. Ich stele gehorsamst anheim,
bis zum Eingang dieser Mitteilung die Entscheidung in der Sache auszusetzen und
Durchbach vorläufig die Fortführung des Namens zu
gestatten.
Clausnitzer 5/II (1914)»
Vermerk: » Ich bin mit diesem Vorschlag
einverstanden. Wiedervorlage nach Eingang einer Mitteilung des Herrn Fette. Der
Gouverneur Herzog zu Mecklenburg 7/2.»
S. 291: »Bödecker & Meyer Hamburg den 9.
März 1914
An das Kaiserliche Bezirksamt Lome-Stadt,
Lome
Ich konnte feststellen, dass der Kaufmann Durchbach
vor vielen Jahren in Altona gestorben ist. Ferner habe ich festgestellt, dass
laut Adressbuch weder im Hamburger noch im Altonaer Bezirk der Name Durchbach
existiert. Ich werde versuchen, eine diesbezügliche Bescheinigung von der
Altonaer Polizeibehörde zu erhalten, um die dem Kaiserlichen Bezirksamt
Lome-Stadt mit der nächsten Post einzusenden. Hochachtungsvoll P. Fette.
»
S. 293 Hamburg, den 24. April muss ich » zu
meinem Bedauern mitteilen, dass es mir nicht gelungen ist, eine Bescheinigung
von der hiesigen Polizeibehörde zu erlangen, woraus hervorgeht, dass sich
im Hamburger/Altonaer Polizeigebiet keine Personen mit dem Namen Durchbach
aufhalten. Hochachtungsvoll P. Fette. »
»Laden Durchbach auf 15/5. Durchbach wurde
beschieden, dass er den Namen »Durchbach» nicht weiter führen
dürfe und ihm nochmals anheimgegeben, den Namen Durbach anzunehmen»
Clausnitzer.
S. 294, Lome, den 19. Mai 1914 Kaiserliches Bezirksamt
Lome-Stadt
»Es erscheint der Mulatte Fritz Durchbach und
erklärt: Ich werde in Zukunft den Familiennamen »Durbach»
führen. Fritz Durbach, Adolph d'Almeida als Dolmetscher, geschlossen
Clausnitzer.»
S.297 »An die Firma Bödecker & Meyer hier.
Lome den 9. 6. 14
Dem dortigen Angestellten Fritz Durchbach ist durch
Verfügung des Gouvernements vom 26. vorigen Monats die Weiterführung
des deutschen Familiennamens Durchbach verboten und vom Bez.amt entsprechende
Eröffnung gemacht worden unter dem Hinweis, dass er im
Zuwiderhandlungsfalle Bestrafung zu gegenwärtigen habe. Er ist besonders
darauf aufmerksam ge macht worden, dass er sich des Namens
»Durchbach» auch in der Firma nicht mehr bedienen dürfe.
Durchbach hat die Erklärung abgegeben, dass er künftig den Namen
Kuaovi führen werde. Clausnitzer»
(eine solche Erklärung ist nicht in den
Akten)
S. 302: »I find that this Mulatto still using the
forbidden name of »Durchbach» contrary to the order of the late
German Governor dated 24th December 1913 (see page 170) and the order of 15th
May 1914 (see page176) and the consent signed by himself on the 19th May 1914
(page177). He is informed that the order of the late German Governer is still
in force and must be obeyed & is warned not to use the name Durchbach
again. See page 410 of criminal record book of this date. A.R. Holliday.
District Political Officer 27th April 1918.»
Nach meiner Personenkartei war Durchbach
(wahrscheinlich Friedrich) Hauptagent der Firma Max Grumbach in Klein Popo
(Anecho) 1885-1888; hat mithin dort eine Frau aus der Garber Familie gehabt,
und sein Mulattensohn Fritz ist in dieser Zeit geboren.
3.4.3- Traduction intégrale du texte en
français
P. 266 : Extrait d'un rapport du chef de district
Clausnitzer en date du 16. 12. 1913
« [...] Par ailleurs, dans la conception des
indigènes, on ne connaît pas la notion « d'enfants
hors-mariage », bien au contraire, la plupart du temps tous les enfants
d'un même père sont considérés comme étant de
la même famille, celle du père. Le mulâtre Fritz Durchbach a
demandé récemment l'autorisation de continuer à porter le
nom de son père dans l'avenir ; à la proposition selon laquelle
il devrait prendre le nom de sa mère (Garber), il a
répliqué en disant qu'il a le sang Durchubach et non
Garber.
P. 282 : Disposition prise et mentionnée sur le
dossier : l'affaire est soumise à Son Excellence [le duc de Mecklenburg]
pour décision à prendre. Entretien avec lui sur la question le le
23. 12.
`'Décision prise, Lomé 24 Dec.
1913
La requête du mulâtre Fritz Durchbach,
résidant à Lomé, au sujet de l'autorisation de garder le
nom de famille allemand « Durchbach » a été
rejetée pour des raisons de principe. Mis à part le fait qu'il
paraît douteux que le commerçant Durchbach soit le géniteur
du requérant et que ce dernier ait été effectivement
baptisé sur le nom de Durchbach, et même si ces deux indications
sont exactes, elles et toutes les autres
argumentations présentées ne sont pas
suffisamment probantes pour justifier l'attribution d'une telle autorisation.
Le requérant est invité, lors du changement de nom sur les
papiers de son terrain immatriculé sous Durchbach, à solliciter
que les frais entraînés par le changement de nom soient
réduits. Le requérant a un délai d'un mois pour indiquer
quel nom de famille il voudrait porter désormais. Il suffirait que l'on
supprime les deux [lettres] ch dans le nom « Durchbach ».
Je vous prie de veiller à ce que le
requérant soit informé de cette décision.
pour le gouverneur et p.o. signé von
Doering
P. 284 : `' Durchbach s'appelle Fritz Kuavowi. Il refuse
de porter tout autre nom et désire quitter la colonie» Fette,
Lomé 5/II (5 février 1914)
P. 285-287. Au gouvernement impérial d'ici.
Lomé, le 06 février 1914 suite à l'arrêté du
24 décembre passé.
Durchbach refuse de porter tout autre nom. Il veut
abandonner son poste chez Bödecker & Meyer et émigrer, si l'on
ne lui permet pas de continuer de porter le nom `' Durchbach» auquel il
pense - à tort - avoir droit. Pour tout changement à ce propos,
il reste inflexible. Avant son voyage sur l'Allemagne, le responsable de la
firme Bödecker & Meyer, le commerçant Fette, s'est
adressé à moi à ce sujet et à déclaré
qu'il était d'une grande importance pour la firme de garder Durchbach.
J'ai informé Fette, que le gouvernement impérial pourrait
peut-être permettre à Durchbach, à titre exceptionnel, de
continuer de porter le nom, à la condition particulière, qu'il
soit prouvé qu'aucun membre du feu commerçant Durchbach ne soit
plus vivant, ou le cas échéant, que tout descendant de Durchbach
encore vivant donne son accord. Fette veut pour cela recueillir des
informations en Allemagne et faire part de ses résultats.
Je propose très respectueusement qu'en attendant
d'avoir ces résultats, la décision dans l'affaire soit suspendue
et que le requérant continue provisoirement de porter le
nom.
Clausnitzer 5/II (1914)
Note : J'accepte cette proposition. Une nouvelle
présentation sera faite à l'arrivée de M. Fette. Le
gouverneur Duc de Mecklenburg.
P.291 : `'Bödecker & Meyer. Hamburg, le 9 mars
1914
Au Chef de district de Lomé,
J'ai pu constater que le commerçant Durchbach
est décédé il y a plusieurs années à Altona.
En outre j'ai remarqué que le nom Durchbach n'existe dans aucun registre
que ce soit, ni à Hambourg, ni à Altona.
J'essayerai d'obtenir une attestation à cet effet
de la police d'Altona, afin de l'envoyer par le prochain courrier au Chef de
District de Lomé.
Avec mes salutations distinguées, P.
Fette
P. 293 Hambourg, le 24 avril. Je suis aux regrets de
vous annoncer que je n'ai pas réussi à obtenir une attestation de
la part de la police d'ici, d'où il en ressort que la police de Hambourg
et celle d'Altona ne connaissent personne du nom de Durchbach.
Avec mes salutations distinguées, P.
Fette.
Durchbach est informé qu'il ne doit plus continuer
à porter le nom Durchbach et qu'il est libre d'accepter le nom
Durbach.
Clausnitzer.
P. 294 : Lomé, le 19 mai 1914. Le chef de
District, Lomé.
Le mulâtre Fritz Durchbach comparut et
déclara, je porterai à l'avenir le nom de famille
`'Durbach».
Fritz Durbach.
Interprète. Adolph d'Almeida.
Dossier clos
Signé Clausnitzer.
P. 297 À la firme Bödecker & Meyer d'ici.
Lomé, le 9 juin 1914.
Il est interdit à l'employé Fritz
Durchbach, sur ordre du gouvernement, depuis le 26 du mois dernier, de
continuer de porter le nom de famille Durchbach, et conformément
à la déclaration du Chef de district, il est averti qu'en cas
de désobéissance il sera puni. Il
devrait particulièrement faire attention pour que
le nom `'Durchbach» ne lui serve plus aussi dans la firme. Durchbach a
fait la déclaration de porter le nom Kuaovi à
l'avenir.*
Clausnitzer.
*[NB] : Une telle déclaration ne se trouve pas
dans le dossier.
P. 302 : Je constate que ce mulâtre continue de
porter le nom de famille `'Durchbach» contrairement à l'ordre du
dernier gouverneur allemand en date du 24 décembre 1913 (voir page 170)
et l'ordre du 15 mai 1914 et le consentement signé par lui-même le
19 mai 1914 (page 177). Il est informé que l'ordre du dernier gouverneur
allemand est toujours en vigueur et devrait être obéi et il lui
est interdit de porter encore le nom Durchbach. Voir la page 410 du code
pénal de cette date.
A.R. Holliday - Officier politique du district. 27 avril
1918.
[NB] : D'après mon fichier personnel, Durchbach
(probablement Friedrich) fut agent principal de la firme Max Grumbach à
Petit Popo (Aného) 1885 - 1888 ; il a eu là-bas une femme de la
famille Garber et son fils mulâtre Fritz est né en ces
temps-là. (Sebald)
Commentaire succinct
Le cas de Fritz Durchbach illustre de manière
exemplaire l'idée selon laquelle, avant l'administration allemande au
Togo, le métissage ne constituait pas un problème. Après
avoir décrété qu'un métis n'a pas le droit de
porter le nom de son géniteur, l'adminsitartion coloniale allemande
avait laissé une petite porte de compromis en concédant des cas
exceptionnels, par autorisation du gouverneur. Fritz Durchbach qui avait
jusque-là porté son nom allemand sans problème, s'est
rué dans cette petite prèche, pour pouvoir rester dans la
légalité. Mais le traitement de son dossier montre que
l'administration n'envisageait nullement de laisser des métis porter des
noms allemands. Le combat de Durchbach s'est achevé faute de combattant,
car c'est pratiquement l'issue de la guerre qui a implicitement clos le
dossier, mais s'il avait eu gain de cause face à l'administration
allemande, nul doute qu'il aurait créé ainsi un
précédent porteur de conséquence pour les autres
métis. D'ailleurs, lui-même n'était pas le seul à
porter le nom de Durchbach, car son père avait eu deux autres enfants
métis (Brenda et Randal Durchbach), et il aurait été
intéressant de savoir comment ces cas auraient été
traités : auraient-ils eu ce droit automatiquement, par déduction
du droit de leur frère ainé Fritz,
ou bien seraient-ils traités
séparément ? Ce ne sont là que des interrogations
spéculatives. Mais la réalité est là : Fritz,
Brenda et Randal Durchbach n'ont eu le droit de porter le nom de leur
père que par décret de l'administration
française.
Chaque « métis allemand » du Togo a
certainement son histoire digne d'être connue, mais il existe trop peu
d'études consacrées à cette question, alors que tous les
jours et dans tous les coins du Togo, on rencontre des noms de
résonnance allemande. Le cas de Fritz Durchbach qui s'est courageusement
battu pour reconquérir le droit de porter le nom allemand de son
père nous amène aussi à parler des nombreux métis
(ou de leurs familles) qui n'ont pas jugé utile de mener un tel combat.
Parmi eux, certains ne se sont jamais vraiment intéressés
à la question du nom du père ; ils ont tout juste gardé le
nom de naissance de la maman, comme cela a été proposé
à Fritz Durchbach. Le repertoire de Peter Sebald en fournit des
exemples. Ce repertoire offre d'ailleurs aussi l'opportunité de
déceler bien d'autres problèmes liés aux relations des
Allemands du Togo avec les Togolaises, à l'époque coloniale :
viols de mineures, contestation de grossesse et de paternité, polygamie
des Européens en Afrique etc. Mais aborder tous ces problèmes ici
déborderait largement le cadre de notre modeste
étude.
4 - Commentaire récapitulatif
Il ressort de la documentation globale
présentée ici que la question des « métis allemands
» au Togo est apparue au grand jour avec la naissance en 1897 de Josef
Comla, fils du gouverneur Köhler qui a eu du mal à camoufler cette
affaire considéré comme un scandale, et qui, de surcroît,
est mort peu de temps après, alors que cet enfant n'avait pas encore
l'âge d'être autonome. C'est alors que l'administration coloniale a
pris conscience que la question des métis n'était pas une affaire
privée, mais qu'elle pouvait créer des situations sociales
difficilement gérables. Elle a donc commencé à envisager
des solutions, toutefois sans avoir le courage de prendre le mal à la
racine, notamment en agissant en direction des administrateurs allemands. La
première mesure de réglementation fut l'intervention
policière sous forme de rafle, comme le prouve le cas suivant
rapporté par Jürgen Petschull (1984 :124)69 : Le 10
mars 1901, l'employé de commerce Hermann Schubert écrit à
la police: `Hier nuit l'indigène Eugenea Malami a été, par
erreur de votre part, arrêtée comme prostituée. En fait, il
s'agit de ma concubine. Je vous prie respectueusement de la remettre
immédiatement à ma disposition.«
On constate donc que, faute de pouvoir agir en
direction des hommes blancs qui recherchent les femmes noires, la police
décide plutôt de sévir contre les femmes noires, en les
arrêtant comme de vulgaires prostituées. Et cela donne comme
conséquence, ce cas pénible où c'est le partenaire
allemand de la femme noire qui vient réclamer, par voie officielle
écrite, la restitution de sa partenaire qu'il appelle « concubine
». Il n'a donc aucune honte et aucun mal à déclarer
publiquement qu'il a une concubine noire. En somme, l'administration n'a aucun
moyen de lutter contre son union mixte, pourtant décriée par
presque tous les Allemands de la métropole. Il est donc assuré de
l'impunité, sachant que l'union mixte avec une femme noire ne constitue
pas un délit.
Ainsi, lorsqu'on voit le nombre d'enfants que le Dr
Ernst Krüger lui seul reconnaît avoir engendré au Togo, ou
encore le nombre des enfants du commerçant allemand Harry
69 Da schrieb am 10. März 1901 der
Faktorei-Angestellte Hermann Schubert an die Polizeidienststelle Lomé:
`Gestern Nacht wurde von Ihnen die Eingeborene Eugenea Malami ihrerseits
irrtümlich als Prostituierte aufgegriffen. Richtigerweise handelt es sich
um meine Konkubine. Ich bitte ergebenst, sie mir wieder umgehend zur
Verfügung zu stellen."(cité in Jürgen Petschull 1984
:124)
Grunitzky, il y a de quoi mesurer l'ampleur du
phénomène des « métis allemands »
engendrés en toute impunité, et parfois négligés,
voire rejetés, comme le montre le cas de la dame Afassi obligée
de venir réclamer devant l'administration la pension alimentaire de
l'enfant qu'elle a eu avec un noble, l'administrateur allemand Baron von
Rotberg. Ce cas, comme celui de Josef Comla, fils du gouverneur August
Köhler, illustre non seulement la précarité de l'existence
des « métis allemands » et de leurs mères togolaises,
mais surtout l'immoralité de certains pères allemands : Le Baron
Wernher von Rotberg qui n'a passé que peu de temps au Togo, a eu cette
liaison et cet enfant, s'est contenté de donner à la mère
une somme forfaitaire dérisoire, puis a disparu du Togo sans plus jamais
s'enquérir de l'avenir de sa progéniture. Où est donc la
morale de la noblesse allemande? Quelle est la légitimité de tels
administrateurs à «civiliser» les Noirs, si eux-mêmes se
comportent d'une manière aussi immorale? Voilà des questions que
soulève le cas du Baron von Rotberg, comme d'ailleurs celui de beaucoup
d'autes pères de «métis allemands» du Togo.
L'autre cas, celui de Fritz Durchbach, pose la
question du droit des métis à porter le nom de leur père
allemand. Dans le rapport que l'administrateur Schmidt a adressé au
Gouverneur en date du 15 août 1905, suite à une enquête
approfondie qu'il avait menée auprès des familles les plus en vue
à Aneho, il avait bien précisé le point de vue
exprimé par les autochtones: «Die Häuptlinge und
Erschienenen erklären einstimming, sie sähen ein Mulattenkind stets
für voll an, nur müsse es den Namen seines Vaters tragen. Wie ich
mich selbst überzeugt habe, ist dieses letztere auch stets der Fall und es
wird streng darauf gehalten, dass das betreffende Mulattenkind, wenn es gefragt
wird, stets den Namen seines Erzeugers mit angibt.»Après des
pourparlers avec les représentants de tous les Allemands du Togo,
l'ordonnance 18 octobre 1913 prise à ce sujet par l'administration
coloniale, va totalement à l'encontre de l'avis des autochtones: un
métis n'a pas le droit de porter le nom de son père allemand.
Cette decision est explicitement justifiée par les discussions autour du
cas de Fritz Durchbach, et révèle que l'administration coloniale
ne veut pas qu'un Allemand revenu des colonies puisse avoir des enfants
métis qui pourraient revendiquer les mêmes droits que des enfants
allemands. On peut postuler que c'est donc l'instinct de conservation de la
race qui a poussé les Allemands à refuser de reconnaître
les métis.
CONCLUSION
L'opinion publique togolaise parle
généralement des trente années de colonisation allemande
au Togo (1884-1914) comme ayant été une période dont on
garde des souvenirs merveilleux, ce qui expliquerait la grande sympathie que
beaucoup de populations togolaises éprouvent encore aujourd'hui. Mais si
l'on devrait faire des recherches très poussées sur chaque aspect
de la vie à l'époque allemande, il n'est pas certain que l'on
parvienne à confirmer que tous les souvenirs ont été
vraiment si merveilleux. C'est l'impression générale qui se
dégage de la modeste étude que nous avons entreprise sur les
« métis allemands » du Togo. En trente années,
l'administration coloniale allemande au Togo a réussi à faire de
ce qui n'était nullement un problème en 1884, un vrai
problème de société. Il faut comprendre cette expression
« problème de société », non pas au sens
où l'entendaient les Allemands qui se disaient soucieux de la
préservation de la race blanche tout en commettant impunément des
actes d'immoralité et d'irresponsabilité, mais plutôt au
sens de la souffrance des femmes togolaises qui se croyaient mariées
à des hommes blancs, mais qui étaient réduites au rang de
maîtresses et de concubines, parfois considérées comme de
simples prostituées par une administration coloniale qui leur
déniait tout droit et tout sentiment. Pire encore, ce problème de
société concernait en premier lieu les enfants nés
métis, nés « hors-mariages » et qui ont souvent
été doublement victimes : d'abord de la part de leurs
géniteurs qui, le plus souvent, refusaient de les reconnaître,
puis de la part de l'administration coloniale qui, au nom du principe de la
séparartion des races, ne les reconnaîtra jamais, même si
les géniteurs le désiraient. Beaucoup de « métis
allemands » du Togo ont donc été doublement victimes de
cette réalité historique, et en ont gardé sans aucun doute
un traumatisme qu'ils tentent d'oublier et de guérir en proclamant
aujourd'hui que « tous les Allemands sont nos frères et soeurs
» (Petschull 1984 :119). Jamais l'administration coloniale allemande
n'a accepté les métis allemands du Togo comme des frères
et soeurs des Allemands, car c'est seulement après le départ des
Allemands du Togo que les lois iniques sur les métis ont
été abrogées, et que les métis allemands« ont
obtenu le droit de porter le nom de leur géniteur allemand
respectif.
Si certains métis allemands« du Togo ont pu
avoir une éducation acceptable et mener plus tard une vie honorable,
ils le doivent certes aux mesures prise par l'administration
coloniale d'obliger les géniteurs allemands
à s'occuper de leur progéniture, ce qui fut respecté par
certains, même avant la promulgation de cette ordonnance. Mais la plupart
des métis allemands« doivent leur succès à leurs
mères africaines et aux familles de ces dernières qui les ont
toujours pris pour des enfants comme tous les autres. On ne doit pas passer
sous silence le rôle capital des missions catholiques et protestantes
auxquelles la plupart de ces métis furent confiés pour leur
scolarisation et leur formation; mais en même temps, il faut aussi
souligner et déplorer la complicité
délibérée des missionnaires allemands - catholiques comme
protestants - dans la politique raciale du gouvernement colonial envers les
métis: si, en tant que messagers de la Bonne Nouvelle qui a aboli les
frontières entre maîtres et esclaves, si, en tant que serviteurs
du Christ qui a proclamé la Nouvelle Loi de l'Amour entre tous les
hommes, les missionnaires allemands avaient refusé de cautionner le
principe raciste sur lequel étaient fondées toutes les mesures
prises dans la gestion de l'affaire des métis au Togo, alors ils
auraient constitué le garde-fou qui aurait empêché les
problèmes sociaux engendrés par la recrudescence des métis
allemands au Togo, et ils auraient ainsi mérité plus de
reconnaissance et plus d'éloge de la part de ceux qui sont
chargés d'écrire l'histoire des Togolais, particulièrement
sur cette question.
Vu avec le recul du temps, la législation sur
les métis allemands« a fait des victimes
individuelles, mais n'a pas réussi à modifier profondément
la structure traditionnelle de la société togolais
précoloniale. Les 30 années de colonisation allemande, et
particulièrement les dix années de réglementation de la
vie des métis, n'ont été qu'une parenthèse vite
oubliée - plus exactement : vite occultée - dès que les
Allemands ont dû quitter le Togo en 1914. On le voit bien à
l'exemple de Fritz Durchbach qui a repris immédiatement son nom à
l'avènement des Français.
Le règlement de la question des
métis allemands« par l'administration coloniale
allemande avait pour justification initiale l'aspect social: protection des
métis. Mais en réalité, les discussions qui ont
précédé les différents textes réglementaires
prouvent que la justification principale de l'intervention de l'administration
coloniale dans cette question est d'ordre politique: c`est la politique raciale
du Reich qui a dicté les mesures prises dans cette question.
Finalement, la réglementation sur la question
des métis ne s'est pas du tout attaquée à la cause du
problème qui est la dépravation des moeurs des administrateurs
coloniaux et l'immoralité de leur comportement envers les femmes
noires. C'est pour préserver la
prétendue pureté et la supposée
supériorité de la race blanche que l'administration coloniale a
réglementé le port des noms allemands par les enfants
métis allemands«. Et finalement, c'est pour pour garantir la
pérennité du pouvoir colonial blanc sur la population noire.
C'est la peur de voir les métis constituer politiquement une classe
intermédiaire entres les Blancs et les Noirs, et de les voir s'appuyer
sur ces derniers pour réclamer ensuite le partage du pouvoir avec les
Blancs : c'est la peur de voir les métis constituer une
élite« politique qui deviendrait éventuellement
l'avant-garde de la lutte pour l'indépendance, comme ce fut le cas
ultérieurement dans plusieurs colonies européennes, notamment
portugaises.
SOURCES DOCUMENTAIRES
1 - Documents d'archives
- Bundesarchiv- Militärarchiv (Archives
Fédérales Allemandes, Section militaire). RM1/v. 2713 (107-114)
von August 1882 bis April 1886, RM1/v 2885, RM1/v 2436, RM31/328 Sophie
1882-1898, RM92/1252 Log-Buch S.M.S. Sophie vom 2. 2. 1884 - 3. 4.
1884
- Archives Nationales du Togo (ANT), Fond Allemand
(FA1/22), FA1/412), FA1/439, FA1/487, FA1/551, FA3/185, FA3/1020,
FA3/1021.
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Nr. 59
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Traduction française par K. Amegan et A. Ahadji sous le titre Le
Togo en 1884 selon Hugo Zöller. Lomé : Haho/Karthala,
1990.
L'auteur de cette publication :
Essosimna Tomfei Marie-Josée ADILI, née
en 1986 à Bassar (Togo), titulaire d'une Licence de langue,
littérature et civilisation allemandes, et d'une Maîtrise de
Lettres Allemandes, option : Civilisation, membre du Laboratoire ARTELI,
(Atelier de Recherche sur les Thématiques Ecriture, Littérature
et Identité) à l'Université de Lomé/Faculté
des Lettres & Sciences Humaines, Lomé (Togo), actuellement
en formation à la vie religieuse dans la Congrégation
des Soeurs de Sainte Catherine d' Alexandrie Vierge et
Martyr.
e.mail : adilimarie@
yahoo.fr
www.humboldt-Africa.org/arteli
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