République Algérienne Populaire et
Démocratique
Faculté des Lettres et des Langues, Université
d'Alger
Département de Français
Ecole Doctorale
La Figure du Père
Dans
Quelques Adieux de Marie Laberge
Discours de l'implicite et stratégies
narratives
Mémoire de Magister
Rédigé sous la direction de :
Présenté par :
Mme HARAOUI GHEBALOU YAMILE Mlle. AIT OUARAB MASSIVA
Année Universitaire
2007/2008
République Algérienne Populaire
Démocratique
Faculté des Lettres et des Langues
Département de Français
La Figure du Père
Dans
Quelques Adieux de Marie Laberge
Discours de l'implicite et stratégies narratives
Mémoire de Magister
Rédigé sous la direction de
Mme HARAOUI GHEBALOU YAMILE
Par
AIT OUARAB MASSIVA
Année
Universitaire 2007/2008
Je tiens à remercier chaleureusement Madame
HARAOUI GHEBALOU YAMILE pour ses remarques constructives, son soutien et sa
disponibilité.
J'aimerais également remercier Madame BERARHI
AFIFA pour la confiance qu'elle a su me témoigner.
Un grand merci à mes parents, à mes
soeurs, à mon frère, à mes collègues et à
mes amis.
A mes soeurs Djidji, Amel et Tinhinane,
mes merveilleuses et indispensables soeurs.
Sommaire
Introduction.............................................................................................6
I- Le choix de la littérature Québécoise, de
l'auteur et de l'oeuvre................................7
II- La biographie de M.
Laberge.......................................................................9
III- La
problématique...................................................................................11
Chapitre I : Temps et Significations
1. Études des indices
paratextuels.........................................................
16
Le
titre...........................................................................................18
Dédicace et
épigraphes.......................................................................21
Les
intertitres...................................................................................37
2- Une temporalité
interne .....................................................................40
2.1 Le temps de l'histoire
racontée .............................................................41
2.2.1 L'ordre et la durée du
récit ................................................................44
2.2.2 L'histoire comme signifiant : temps des verbes (le
présent et l'imparfait)..........51
Chapitre II : Etude Spatiale
I. Des espaces
signifiants..................................................................60
1. Itinéraire des protagonistes : Dans la
première partie de l'oeuvre.........................61
2. Le trajet inverse d'une veuve : Dans la deuxième
partie..................................67
II. Lectures de
l'espace.....................................................................69
1. Les déplacements et la distribution des
espaces............................................70
2. Vers des espaces
symboliques................................................................77
Chapitre 3 :
Discours de l'implicite : Portrait
en esquisses du Père
I. L'imaginaire familial et le fonctionnement social
du père dans la société
Québécoise.....................................................................................98
II. Les traits physiques et moraux des pères
cités dans l'oeuvre.........................101
.
III. Les rapports
Père/Enfant.....................................................................111
A. Le mécanisme du
déracinement..............................................................113
B. Le père comme élément central de
l'épanouissement ou du non
épanouissement...........................................................................................................118
IV. Le père dans son couple et au sein de sa
famille..........................................122
1. Un père
entier..................................................................................123
2. Un père
manquant..............................................................................124
3. Un père
manqué................................................................................125
Conclusion...............................................................................................129
Annexe.....................................................................................................141
Bibliographie............................................................................................154
INTRODUCTION
La culture algérienne accorde une large
place aux littératures Francophones, quelles soient maghrébine,
sub-saharienne, libanaise ou encore québécoise. Elles ont toutes
des préoccupations, souvent, communes à savoir : le
déracinement culturel et matériel, l'exil, la crise identitaire
et la famille patriarcale. Le dernier point cité sera notre
préoccupation dans ce modeste exposé.
La famille patriarcale et plus précisément
le Père a été l'objet de nombreuse
représentations dans la littérature maghrébine, les
oeuvres de M.Bey, à titre d'exemple, s'intéressent à une
figure redondante celle du Père, qui est à la fois le père
adoré, le père savoir, le père absent, le père
tradition et le père présent1(*), les oeuvres concernées sont : Au
commencement était la mer, Cette fille là,
Entendez-vous dans les montagnes.
Dans la littérature sub-saharienne, le père a
une place capitale, il représente la culture africaine. Il est souvent
décrit comme un homme autoritaire et conservateur. Son souci premier est
de préserver ses racines. Nous pouvons citer le roman de FOFANA LIBAR,
Le fils de l'arbre2(*), qui relate l'histoire de BAKARI revenu d'un voyage
où il était resté dix ans. Il apprend que son père
l'a marié à une femme BINTOU qu'il ne connaît pas, et qui a
déjà un fils YOUSSOUFOU. Les propos que le père avance
lorsqu'il voit son fils éberlué, expriment l'inquiétude
qu'il porte à ses traditions et à sa terre:
« Mais tu es un arbre, mon
fils...Et un arbre...Un arbre....a besoin de ses racines »
« -Occupe-toi de ton frère
et travaille la terre »3(*)
Egalement dans la littérature libanaise, le père
représente le noyau central de l'épanouissement des enfants, nous
pouvons prendre à titre d'exemple le roman d'Alexandre NAJJAR, Le
silence du ténor4(*).Ce dernier est un récit autobiographique
où l'auteur, après avoir perdu son père, raconte ses
souvenirs d'enfance et l'admiration qu'il portait à ce dernier. Il
le décrit comme un père :
« A la fois autoritaire et
facétieux, un père sévère, mais aussi plein
d'affection et de
tendresse. Un professeur d'espérance
et un personnage de roman »5(*)
Dans la littérature québécoise, le
père est souvent objet de conflit parce qu'il est peu présent
dans la vie de ses enfants et pas chaleureux. Cette image nous la retrouvons
dans le roman de Gil COURTEMANCHE, Une belle mort6(*), où le fils n'aime pas
son père car c'est un homme impitoyable. Ce dernier, atteint de la
maladie de Parkinson sera finalement pris en charge par un fils torturé
par le manque d'amour paternel.
Nous constatons que le personnage du père a une place
prépondérante dans les littératures Francophones, et pour
saisir le fonctionnement de cette figure, nous avons décidé de
choisir une oeuvre appartenant à la littérature
québécoise.
Le choix de cette littérature, de l'auteur et du texte,
sera explicité dans la partie suivante.
I- Le choix de la littérature
Québécoise, de l'auteur et de l'oeuvre
La littérature Québécoise connue en
Europe, peu diffusée et peu lue au Maghreb, fait l'objet d'une
intéressante recherche, menée par la critique maghrébine.
Celle-ci nous a permis de découvrir certains écrivains à
travers certaines revues littéraires telles que :
-La revue de littérature canadienne,
impression de lecture7(*)
-La revue contemporaine des deux rives,
Algérie-Canada8(*)
Après cette lecture, certains auteurs sont devenus des
classiques : Anne Hébert, Michel Tremblay, Marco Micone, Antonine
Maillet, Nancy Houston Robert Lafonde, Jaques Poulin, Marie Laberge. La liste
pourrait s'allonger, pour cela nous avons préféré retenir
ces quelques noms qui appartiennent à une génération issue
de la Révolution Tranquille.
Il convient avant de passer à l'étape suivante
d'expliquer ce qu'est la Révolution Tranquille : Celle-ci
débute aux élections de 1960 avec la défaite de l'Union
nationale et la victoire du Parti Libéral de Jean Lesage. Dès
lors le Québec s'oriente vers la voie de la modernité et vers une
véritable révolution dans les domaines sociaux,
économiques et politiques. L'adjectif Tranquilleattribué à
cette réforme montre que ce changement s'est fait sans violence.
Cet intérêt pour la littérature
québécoise est le résultat des lectures effectuées
durant notre cursus universitaire. Afin d'approfondir nos connaissances, nous
avons décidé de retenir Marie Laberge, une grande dame de la
littérature québécoise.
Après avoir lu plusieurs articles sur Internet et
plusieurs ouvrages de Marie Laberge, notamment la trilogie Gabrielle,
Adélaïde, Florent et Quelques Adieux9(*) , nous pensions faire une
étude comparative entre Quelques Adieux et Les nuits de
Strasbourg d'Assia Djebbar afin de faire ressortir la dimension du corps
féminin et voir les points communs et divergents des deux
littératures maghrébine et québécoise. Mais nous
avons remarqué que cette approche est liée à la figure du
Père. Nous nous trouvions donc devant un choix difficile, le premier
étant de faire une étude comparative et mettre en relief le corps
féminin dans les deux littératures. Le second, devant se centrer
sur un seul personnage. Nous avons opté pour la deuxième
proposition et ceux pour trois raisons :
1. Nous avions constaté que cette littérature
est nouvelle dans notre société et suscite un
intérêt que nous avions envie d'explorer.
2. Notre documentation portait essentiellement sur Marie
Laberge et cela par le biais d'Internet et du Département de
Français de l'université de Bouzareah.
3. Nous avions remarqué que la thématique du
Père était peu travaillée dans la littérature
québécoise, c'est ce qui nous a incité à
l'exploiter.
II- La biographie de M. Laberge
Née en novembre 1950 à Québec,
Marie Laberge a étudié chez les jésuites, ensuite à
l'université Laval en journalisme et en information, pour enfin finir au
conservatoire d'Art dramatique. Elle est l'auteure d'une vingtaine de
pièce de théâtres et de plusieurs romans. Elle a
reçu le prix du gouverneur général du Canada pour sa
pièce C'était avant la guerre à
l'Anse à Gilles10(*), et le prix court métrage de la
communauté radiophonique des programmes
De la langue française pour Eva et Evelyne. En
1989, elle a publié son premier roman Juillet11(*) suivi, en 1992,
de Quelques adieux12(*) qui lui a valu le Prix des lectrices de Elle
Québec.
Pour son roman Annabelle13(*), elle a obtenu
le Prix des Libraires du Québec en 1996 et le Prix Ludger-Duvernay en
1997. Son roman La Cérémonie des anges14(*) a également
remporté
Le Prix des Libraires du Québec 1999 et le Prix du
public du Salon du livre de Trois-Rivières. La trilogie Le
goût du bonheur15(*) est récompensée par le Prix du
public du Salon du livre de Montréal en 2001. Marie Laberge est membre
de l'Union des écrivaines et des écrivains
québécois.
Marie Laberge est romancière mais aussi une
comédienne de théâtre. C'est une femme qui s'est investie
sur la scène littéraire, elle en fait sa passion, sa raison
d'être et sa vie :
« Je me dis que j'avais besoin
d'inventer des mondes pour que ces mondes-là s'animent, existent, et que
l'imagination existe aussi. Pourquoi je continue ? C'est une question de
nécessité personnelle. Je crois que je pourrai me priver
d'à peu près tout dans la vie, mais certainement pas de
l'écriture, ça je n'y arriverais pas. Je n'arriverais pas
à être une femme normale, si je n'arrivais pas à
écrire. »16(*)
Nous avons retenu dans la production de cette auteure
l'ouvrage romanesque suivant, Quelques Adieux17(*)pour deux
raisons :
1. La présence constante dans la mémoire des
personnages de la figure du Père.
2. La capacité, de l'auteure, à transformer une
histoire banale en une histoire exceptionnelle.
Quelques Adieux, relate l'histoire de
François, enseignant à l'Université Laval marié
à Elisabeth. Ce personnage tente de retrouver dans sa mémoire des
souvenirs d'enfance liés à son père, mais il
s'aperçoit qu'il n'en a pas. Dès qu'il apprend que son
père est mort, il ressent le besoin d'avoir une relation extraconjugale,
un sentiment nouveau qu'il n'explique pas et qu'il ne contrôle pas.
« (...)-Mon père est mort la semaine
passée.
(...)- Depuis que mon père est mort, j'oublie tout, je
mélange tout, je suis
presque devenu idiot. On dirait qu'il a emporté avec
lui mon sens des
responsabilités »18(*)
Après la mort de son père, François vit
une passion dévorante avec son étudiante Anne Morissette. La
relation des deux protagonistes finit par la mort de François dans la
première partie de l'oeuvre et par la quête d'Elisabeth, femme de
François, dans la deuxième partie. L'objectif de ce personnage
féminin est de retrouver un passé qu'elle croyait
connaître.
Après avoir justifié le choix de la
littérature Québécoise, de l'auteure Marie Laberge, de son
ouvrage Quelques Adieux et de la thématique du père. Il
est nécessaire d'annoncer la problématique.
III- La problématique
Nous avons remarqué que le père est
lié au personnage central du roman, il est présenté sous
différentes formes, le père irresponsable, le père
oublié et le père aux souvenirs perdus dans la mémoire de
François Bélanger. Par contre Anne Morissette retient l'image
d'un père aimant, d'un père aimé et d'un père
aux souvenirs retrouvés.
Les deux valeurs différentes du père constituent
notre centre de préoccupation, car elles peuvent expliquer les
perturbations et l'envie de retrouver des souvenirs d'enfance, dont sont
victimes les personnages.
Notre objectif consistera à analyser la présence
et l'influence de cette figure fugace dans l'écriture de Marie Laberge.
Notre travail sera d'identifier tous les éléments qui se
rapportent à un personnage omniprésent mais masqué et cela
en optant pour une approche pluridisciplinaire.
L'expression de l'intitulé de ce mémoire,
à savoir «Discours de l'implicite et Stratégies
narratives » est un élément important dans
l'analyse du personnage fugace.
La stratégie narrative fait ressortir une
écriture qui s'articule autour de l'étude de l'espace, du temps
et des personnages à partir desquels nous localiserons et mettrons
à jour une organisation explicite et implicite du sens.
Notre étude va répondre aux questions
suivantes :
1. Quels procédés d'écriture, parmi
lesquels le traitement au temps, à l'espace et aux personnages, M.
Laberge convoque pour représenter le Père ?
2. En quoi ce personnage représenté très
brièvement dans la narration, a-t-il une influence sur la relation
entretenue par Anne et François ?
3. En quoi ce rapport est-il dénonciateur dans les
histoires respectives des trois principaux protagonistes?
Il convient à présent de
s'interroger sur les outils méthodologiques qui vont nous permettre de
répondre à ces questions.
Notre approche de l'oeuvre de Marie Laberge
s'appuie, essentiellement, sur les travaux de théoriciens qui ont pour
objet de recherche : la narratologie et l'anthropologie. Nous ferons
appel, de manière brève, à quelques notions de
psychanalyse dans le troisième chapitre de notre travail afin de
mettre en avant la notion de déracinement.
Il s'agira pour nous, par le biais de ces outils, d'analyser
notre corpus pour faire ressortir la figure du père, peu présente
dans le récit.
L'identification de ce personnage va se faire en trois
étapes matérialisées en trois chapitres : Le premier
aura pour objet d'étude le temps interne et externe de l'oeuvre.
Et pour cela, nous allons solliciter, principalement, les travaux de G. Genette
et plus précisément son ouvrage Seuils pour
l'étude du paratexte. Cependant, ce critique ne sera pas notre unique
référence, d`autres critiques s'imposeront à notre
recherche. Quant à notre deuxième étape de l'analyse
temporelle, c'est-à-dire le temps interne, le recours à un
ensemble d'ouvrages théoriques est indispensable, nous allons
travailler sur :
G. Genette, Figure III19(*), P. Hébert « La technique
du retour en arrière dans le nouveau roman au Québec et en
France »20(*) pour les anachronies, Y. Reuter, L'analyse du
récit21(*)
pour l'ellipse, H. Weinrich, Le temps22(*), P. Goldenstein, Pour lire le
roman23(*) , J.
M. Adam, Le récit24(*) pour le temps de la narration.
Ce recours aux temps interne et externe du récit, va
nous permettre de montrer qu'un élément constant revient à
chaque étape de notre travail, un élément qui
n'évolue pas directement dans le récit, mais plutôt
à travers les évocations qu'en font les personnages ou le
narrateur. Néanmoins, les événements gravitent plus ou
moins rapidement autour de lui.
A travers l'étude du paratexte, nous verrons les
influences littéraires de l'écrivaine, M. Laberge, et nous
essayerons d'expliquer la structure romanesque adoptée. Par le biais des
anachronies et surtout l'utilisation des analepses, nous tenterons de mettre en
avant les événements en rapport avec le passé des
protagonistes et voir en quoi ces événements peuvent être
liés à la figure du père. L'ellipse temporelle nous
permettra de déduire, puis de retracer le parcours inverse des
protagonistes, de cette manière nous pourrons suggérer les
raisons qui ont poussé ces derniers à s'engager sur le chemin
d'une passion dévorante.
Notre objectif de l'étude de l'éllipse, est de
montrer que les transformations subies par les personnages sont, souvent,
liées au personnage du père.
Le temps de la narration et plus précisément
l'utilisation de l'imparfait, permet de repérer des lieux de jonction
entre le temps de la narration et les analepses. De ces lieux de jonction, nous
verrons émerger un élément redondant, en rapport avec le
personnage du père : à savoir la mémoire de l'enfance
des protagonistes.
Le deuxième chapitre de notre travail, consistera
à prendre en considération la dimension spatiale de l'oeuvre.
Celle-ci sera divisée en deux parties : Les déplacements
et distribution des espaces, où certains indices vont nous
permettre de reconstituer la figure du père. Et l'espace
symbolique qui est repéré d'une part, à travers
l'utilisation d'objets représentatifs et la mise en abyme de la gravure,
d'autre part, dans la prise en considération de certains thèmes
qui entretiennent des liens avec les secteurs anthropologiques de la
société, et à travers lesquels s'expriment des besoins
fondamentaux. Ces derniers vont donner une impulsion particulière aux
comportements, aux choix et aux déplacements des personnages. Ce sont
principalement l'amour, la mort et la sexualité.
Comme notre démarche sera pluridisciplinaire, l'analyse
spatiale va convoquer la narratologie pour l'étude de l'espace,
avec pour principales références critiques : J-P.
Goldenstein, Pour lire le roman25(*) , un article d'Henri MITTERAND26(*) et J. WEISGERBER
L'espace romanesque27(*).
Cette étude de l'espace symbolique s'appuiera,
également, sur G. Bachelard avec son ouvrage critique de l'imaginaire
poétique.
L'analyse de la spatialité est nécessaire dans
la mesure où elle va nous permettre de retracer les parcours des
personnages, à partir desquels nous pourrons dégager une
structure signifiante qui rendra compte des comportements et des
métamorphoses éventuels des protagonistes. Cette démarche
nous permettra également de saisir en quoi et comment la figure du
père est liée à ces changements.
Quant à l'étude symbolique de l'espace, il
s'agira pour nous de cerner comment les déplacements spatiaux effectifs
des personnages sont liés à l'imaginaire, à
l'intériorisation d'un vécu, qui prend alors une densité
anthropologique particulière, liée aux grands thèmes
mythiques attachés à l'humanité, à savoir l'amour,
la mort et la sexualité. Cet intérêt que nous portons aux
espaces symboliques, va faire ressortir le lien entre l'imaginaire et
l'importance du père.
Le troisième chapitre de notre exposé, sera
consacré au personnage du père. Celui-ci sera non seulement
repéré grâce aux indices implicites présents dans le
texte, mais il fera l'objet d'une description physique et morale. Ces indices
nous mettront sur la voie des rapports père/enfant, et sur la relation
que ce père entretient avec sa famille. Pour analyser cette figure
complexe, nous allons solliciter plusieurs théories appartenant à
diverses disciplines, pour la narratologie, nous citons : J-P.
Goldenstein, Pour lire le roman28(*) , Y. Reuter, L'analyse du
récit29(*) , E. Borda, C.B. Moison, G. Bonnet, A.
Déruelle, C. M. Colard, L'analyse littéraire30(*) , PH. Hamon, Le
personnel du roman31(*) , P. Claudes, Y. Reuter, Le
personnage32(*).
Pour la sociologie, nous convoquerons : G. Dulac, La
fragilité de la paternité dans la société
Québécoise : Les paradoxes du père nécessaire
et du père abject 33(*), Sophia Mappa, Développer par la
démocratie34(*), Claude de Grève, Éléments
de littérature comparée II. Thèmes et
mythes35(*).
Pour la psychanalyse, nous nous référerons
à la Revue de Psychanalyse Filigrane36(*).
En effet, le personnage du père sera d'abord
identifié à partir de l'imaginaire familial et du fonctionnement
social de la société québécoise afin d'avoir une
idée sur l'image que celui-ci entretient dans cette culture. Puis, nous
enchaînerons avec les caractéristiques physiques et morales des
pères des personnages dans le but d'expliquer les rapports
père/enfant, ainsi nous pourrons reconstituer l'enfance des
protagonistes.
Cette démarche, nous permettra de différencier
les personnages épanouis de ceux qui ne le sont pas. Et enfin, nous
terminerons notre analyse du personnage du père en exposant ses
relations affectives au sein de sa famille et au sein de son couple, et
cela pour mettre en évidence la complexité de cette
figure.
Nous allons passer, maintenant, à la mise en oeuvre de
notre démarche en commençant par la première étape,
à savoir l'étude des indices paratextuels.
CHAPITRE UN
« Temps et Significations »
1- Etudes des indices paratextuels
Le sens implicite véhiculé par ce roman de M.
Laberge se dégage à partir du discours liminaire à
l'oeuvre, mis en place grâce au titre, à la dédicace et
à la présence d'épigraphes au début de chaque
chapitre.
Dans un premier temps, nous allons définir ces trois
notions avant de les mettre en relation avec le contenu de l'oeuvre. De cette
manière, nous pourrons constater que certains thèmes ressortent
et sont présents dans le roman. Notre lecture du paratexte aura pour
objet d'apporter non seulement des éclaircissements concernant les
thèmes redondants dans les épigraphes, puis éventuellement
dans l'oeuvre ; il s'agira aussi pour nous de retrouver le point commun de
ces derniers, c'est-à-dire, de mettre en évidence ces pratiques
d'écriture liées au paratexte.
La première notion mentionnée ci-dessus, le
titre, est définit comme une « formule signifiante
et la plus raccourcie du roman (...), elle renvoie aux quatre fonctions que
Genette emprunte à Grivel et à Hoeuk, il désigne et
identifie l'ouvrage, il le décrit, il connote et il
séduit »37(*). Cette définition retient l'idée que le
titre suggère le contenu et a la même fonction qu'un message
publicitaire, celui d'attirer l'attention du lecteur.
Il doit, également, l'attirer, éveiller sa
curiosité et son désir de lire l'ouvrage d'où la fonction
de séduction. L'analyse du titre se donnera comme tâche
d'interroger la pertinence de ces quatre fonctions par rapport au contenu de
l'oeuvre.
Le Robert (1995) définit la dédicace comme un
hommage que « l'auteur fait de son oeuvre à quelqu'un, par
une inscription imprimée en tête de
l'ouvrage »38(*) , c'est-à-dire que l'auteur, à
travers sa dédicace, affiche une relation entretenue ou qu'il entretient
toujours avec des dédicataires. Ces derniers peuvent être des
personnes connues ou méconnues du public, comme elles peuvent faire
partie de l'environnement de l'auteur et donc, connues de lui seul.
On en retrouve une concernant les soeurs de
l'écrivaine.
La dernière notion à laquelle nous ferons
référence dans notre analyse est la présence
d'épigraphes. L'épigraphe par définition est une
inscription, une sentence placée au début de chaque partie ou au
début d'une oeuvre, afin d'en suggérer le contenu.
Dans notre analyse, nous nous intéresserons au rapport
existant entre l'épigraphe et le chapitre qu'elle préside ainsi
que la fonction et le choix des épigraphiés par
l'épigrapheur.
En d'autres termes, le titre, la dédicace et les
épigraphes soulignent l'idée de la relation qui s'établit
entre le paratexte et le contenu de l'oeuvre. De ce rapport, nous pouvons faire
ressortir un aspect de la socialité de l'oeuvre ou du texte,
c'est-à-dire mettre en avant des préoccupations
littéraires, sociales, qui pourraient expliquer le choix des indices
paratextuels par l'écrivaine.
1.1- Le titre :
Le titre est l'élément premier qui attire
l'attention du lecteur, il doit remplir certaines fonctions : informative,
conative et incitative. Il agit tel un message publicitaire dont l'objectif est
de séduire, il est à la fois partie d'un ensemble et
étiquette de cet ensemble. (...) on éditeur, auteur,
typographe se préoccupe de cet aimant de lecture qui doit être
stimulation et début d'assouvissement de la curiosité du lecteur
39(*)
Quelques Adieux est directement lié à
des événements fictifs. L'adjectif indéfini Quelques
associé au nom masculin pluriel Adieux est un syntagme
nominal qui nous permet de généraliser tous les adieux.
Adieu, nom masculin, fait référence
à «quelqu'un que l'on ne reverra pas de longtemps
ou que ne l'on reverra plus »40(*), il dénote des situations
plurielles de ruptures : la mort, le divorce et la séparation
mais aussi le départ. A priori, le titre n'étant pas long et
comportant un sens universel commun à tous les hommes, suppose une
aisance d'interprétation pour le lecteur.
Cet énoncé facile à mémoriser, est
considéré comme thématique selon G.GENETTE qui
déclare que: « (...) Les titres indiquant, de quelque
manière que ce soit, le « contenu » du texte seront
dits, le plus simplement possible, thématiques
(...) » 41(*) et trace aussi la trajectoire de l'acte de lecture et
assume la fonction mnésique c'est-à-dire que le titre
« (...) travaille sur du déjà familier au lecteur
(...) »42(*)
Ce titre aux caractères thématique et
mnésique, suggère une histoire qui deviendra claire une fois que
nous aurons entrepris la lecture de l'oeuvre. Donc, le titre transmet un
savoir qui permet une meilleure compréhension de l'oeuvre. Le lecteur
est préparé à une histoire tragique qui annonce, soit une
séparation soit la mort d'un personnage. Effectivement, dans
Quelques Adieux, les deux protagonistes sont confrontés aux
souvenirs douloureux d'une séparation, celle de François avec sa
mère: « Elle était morte (...) et Il se sentit
terriblement orphelin. Il se dit qu'elle était vraiment morte maintenant
(...) Elle était morte toute seule, à l'hôpital, pendant
que ses frères étaient allés manger (...) Elle
était morte poliment, en secret, fidèle à
elle-même (...) »43(*), ses frères qui s'éloignèrent de
lui et ne donnèrent aucun signe de vie « (...)Elle (la
mère) les avait tenus tous ensemble et, après sa mort, la famille
s'était disloquée, comme si tout ce qui les empêchait de se
disperser ne tenait qu'à elle. »44(*), et celle de son père
qui dans un premier temps n'est pas présent dans son enfance et dans un
deuxième temps meurt « Rangé dans une place de
vieux,où celui-ci n'en finissait plus de dégringoler les
années à rebours et de baver, gâteux
(...) »45(*) . La séparation qu'a connue Anne, va
influencer sur tout son être et son comportement à venir. Elle
perd son père dans un accident, « (...) une mort au volant
d'une voiture trop rapide »46(*), et garde en elle l'espoir d'un
« retour (...) tant attendu et jamais survenu de son
père »47(*). Cette mort aura pour conséquence une fuite
redoutable face à tout ce qui peut ressembler à de l'amour. Mais
plus pour longtemps, la jeune étudiante tombe dans les filets d'une
passion tragique où l'amant, François, brûlant de
désir et de passion, meurt d'un cancer, et donc elle vivra une autre
séparation.
Cet énoncé dénotatif cède sa
place à un foyer connotatif 48(*) c'est-à-dire qu'on passe du
thème de la séparation au thème du désarroi :
celui d'Anne qui a perdu à jamais le sentiment d'amour et cela
après la mort de F. Bélanger. Et celui de François qui est
conscient de son incapacité à retrouver la mémoire de son
enfance, tente de vivre avec ce sentiment de déchirement et se sent
comme coupé d'un arbre, un être déraciné
« Personne ne pouvait plus l'aider. Déserté,
délaissé, des phrases obsédantes tournaient dans sa
tête : rien ne servait à rien, aucun amour n'avait jamais
existé. Comment peut-on être un arbre si on n'a pas de
racines ? Comment être un homme sans enfance ? »
49(*)
Le titre de l'oeuvre suggère aux lecteurs des troubles
psychiques manifestés par les personnages, suite à leurs
séparations. Il suffit d'analyser les extraits cités ci-dessus
pour saisir que la dimension psychique a une place prépondérante,
ainsi que la présence des thèmes de l'amour, de la passion et de
la mort, qui entraînent des comportements pour la plupart
incompréhensibles.50(*)
Nous constatons que les thèmes redondants dans ce roman
sont des thèmes d'actualité et qu'on retrouve, également,
dans les autres romans de M. Laberge. Parler de la vie, de la mort, de
l'amour, de la passion et de l'enfance, c'est parler de l'Homme, de son
existence, de sa condition et de sa place dans la société. Ces
thèmes qui ressortent à travers le titre sont universels et
touchent l'humanité, ainsi le lecteur est prédisposé
à les recevoir.
L'intérêt que nous portons aux thèmes de
Quelques Adieux n'est pas fortuit, il s'agit de mettre en avant les
préoccupations de M. Laberge, et par la même occasion celles des
écrivains québécois et cela à la même
période, également, d'autres écrivains appartenant
à d'autres littératures.
Qu'ils soient québécois, maghrébin,
africain ou autres, les écrivains exposent ces thèmes universels
de différentes manières. Cette diversité est liée,
à la fois, au contexte socioculturel et aux procédés
d'écritures utilisés par chaque créateur. Nous allons voir
comment ces thèmes apparaissent dans le contexte québécois
et plus précisément dans Quelques Adieux de M.
Laberge.
Après une ère de conservatisme, le Québec
assiste à son renouveau dans les années soixante avec la
Révolution Tranquille51(*). Celle-ci provoque d'importants bouleversements
d'ordre économique, social et culturel. Ce changement va se faire
ressentir dans le domaine de la littérature : on assistera à
l'émergence d'une catégorie d'écrivains qui
désirent s'imposer sur la scène littéraire avec des
créations originales. Ils tentent, également, d'écrire
sous le sceau de la modernité jusqu'à se libérer
complètement de toute norme littéraire et réinventer
l'écriture romanesque à partir : de thèmes
considérés, jadis, comme tabous, nous pouvons prendre à
titre d'exemple : l'amour, la passion, la sexualité, la mort et
l'homosexualité.
Et d'une écriture hybride qui mêle les genres
littéraires pour le plus grand plaisir du lecteur, cette écriture
métissée donne naissance à plusieurs courants
littéraires tels que le nouveau roman ; son objectif est
d'échapper à la forme traditionnelle et de s'ouvrir aux autres
cultures.
Cette approche de la titrologie, nous a
permis de signaler certaines constantes dans l'écriture
québécoise. Ces invariants sont : d'ordre du renouveau, ou
de celui de l'esthétique. A partir de cette constatation, nous pouvons
considérer que le choix d'écriture de notre auteure, sur le plan
formel et thématique, vient d'un désir de changement et de
liberté.
Pour appuyer notre hypothèse sur les indices
partextuels, nous allons étudier les dédicaces et les
citations.
1.2-Dédicace et épigraphes
1.2.1- La Dédicace
La dédicace permet à l'auteur de rendre hommage
soit à quelqu'un de connu ou pas connu du public, ou de s'adresser
directement aux lecteurs afin de lui transmettre un message.
Son utilisation « affiche (...) une relation (...)
entre l'auteur ou quelque personne, groupe ou
entité »52(*). Il s'agit d'une collaboration et d'un soutien des
personnes proches de l'écrivaine, et c'est aussi une forme de
reconnaissance à l'égard des dédicataires. Selon Lucie
Joubet, qui a fait une étude du paratexte dans l'oeuvre d'Anne Marie
Alonzo, Geste53(*) : les dédicataires
« témoignent à plusieurs reprises d'un besoin de
rattacher le recueil présenté à ceux et celles qui ont
déjà participé à l'élaboration de l'ensemble
de l'oeuvre »54(*).
Elle donnera l'exemple de « Margie Gillis, La
danse des marches, qui est dédié à celle qui
précisément, a inspiré le texte »55(*)
Le roman de M. Laberge est dédié à ses
soeurs :
« A mes soeurs Lise,
Michèle, Francine, Claire et Louise, mes merveilleuses,
indispensables
soeurs. »
Cette dédicace, placée au début du
roman, met en avant une relation fraternelle intense, l'utilisation des deux
adjectifs merveilleuses et indispensables, expriment un attachement
particulier à la famille; le pronom possessif mesrenforce ce sentiment
et accentue le degré de sororité. Il est vrai que le lecteur peut
se poser des questions concernant les dédicataires, il peut vouloir
connaître la raison qui a poussé l'auteure à dédier
son roman, uniquement, à ses soeurs et non à ses
parents :
Quelques Adieux contient un passage sur les
soeurs Brontë, qui peut nous permettre de revenir à la
dédicace. Ce retour à un élément du paratexte n'est
pas accidentel, il s'agit d'une stratégie d'écriture qui a pour
objectif d'éveiller les soupçons du lecteur et de le pousser
à réfléchir à une éventuelle comparaison
entre les soeurs Brontë et les soeurs Laberge.
Pour être plus précis, dans le premier chapitre
de l'oeuvre Le désir le personnage de François
Bélanger demande à son étudiante Anne Morissette de faire
un exposé sur les soeurs Brontë. Ce travail est le résultat
d'un débat fougueux qui a opposé nos deux protagonistes et la
classe « avait été passionnée par le
débat et avait suivi l'échange entre le prof et cette Anne
Morissette si éprise d'Emily Brontë. ».56(*)
Les soeurs Brontë sont d'origine anglaise, elles se sont
frayées un chemin dans le monde littéraire à une
époque où la femme n'avait pas le même statut que l'homme
sur le plan artistique, « étant donné l'importance du
facteur social dans la création (...) »57(*). Ce qui lient ces soeurs,
c'est la littérature et leur engouement à produire ainsi que leur
destin tragique : celui d'une mère morte laissant trois jeunes
filles avec leur père, qui finit par mourir lui aussi.
Nous supposons que la présence de ces écrivaines
anglaises dans l'oeuvre, suggère aux lecteurs un déjà vu
et une intimité thématique. De cette manière, M. Laberge
pourra mettre l'accent sur la relation qu'elle entretient avec ses soeurs, par
le biais des soeurs Brontë.
Ces dédicataires que G. Genette appelle privés,
peuvent être une source d'inspiration et « responsable(s)
de l'oeuvre qui leur est dédié et à laquelle ils
apportent, Volens nolens, un peu de leur
soutien, et donc de leur participation. ».58(*)
Ayant établit des hypothèses
concernant la dédicace et les dédicataires, c'est-à-dire
la mise en avant de la relation fraternelle, nous nous sommes interrogés
sur le lien existant entre la fiction et le choix du paratexte, c'est pour
cette raison que nous avons décidé d'étudier plus
précisément les épigraphes.
1.2.2- Les épigraphes
L'épigraphe est une citation placée en
tête d'une oeuvre ou d'un chapitre pour suggérer le contenu du
livre. Cette pratique esthétique n'est pas gratuite et ne constitue pas
une simple mesure d'embellissement du texte. En fait, elle oriente notre
lecture et la rend plus productive, c'est-à-dire que la présence
d'épigraphes, et cela sous la forme de quelques lignes souvent
centrées ou sur la droite en caractères italiques, nous invite
à imaginer plusieurs lectures possibles du chapitre ou de l'oeuvre
à laquelle elle introduit.
Genette précise, dans Seuils, que
l'épigraphe est une « citation placée en exergue,
généralement en tête d'une oeuvre ou de partie
d'oeuvre ; en exergue signifie littéralement hors
d'oeuvre, ce qui est un peu trop dire : l'exergue est ici plutôt un
bord d'oeuvre, généralement au plus près
du texte. »59(*). Il avance donc que l'épigraphe liminaire
suggère, brièvement, la partie qu'elle précède et
provoque chez le lecteur une forme d'attente qui a pour objectif
« d'augmenter la sensation, l'émotion (...), si
émotion il peut y avoir, et non pas présenter un jugement plus ou
moins philosophique sur la situation »60(*), c'est-à-dire que le
lecteur, à partir de l'épigraphe, peut ressentir le besoin de
lire l'oeuvre afin d'apporter une réponse à une curiosité
provoquée par l'exergue.
L'épigraphe peut, également, avoir
« un effet de caution indirecte que sa présence
détermine à l'orée du texte »,
c'est-à-dire qu'elle indique une préoccupation propre à
l'épigrapheur et qu'il suggère en sollicitant plusieurs
épigraphes de différents auteurs ; cela peut
également indiquer la volonté chez l'auteure, de désigner
un ralliement théorique et le partager avec l'auteur auquel il implique
le texte de l'épigraphe.
M. Laberge se prête plusieurs fois à cet
exercice, avec une épigraphe pour l'ensemble de l'oeuvre et une autre
pour chaque chapitre. Nous aborderons les sept citations du roman dans l'ordre
chronologique afin de déterminer leur rapport avec Quelques
Adieux.
oe Rainer Maria Rilke :
Ce soir quelque chose dans l'air a pas
qui fait pencher la tête ;
on voudrait prier pour les prisonniers
dont la vie s'arrête.
Et on pense à la vie
arrêtée...
A la vie qui ne bouge plus vers la mort
et d'où l'avenir est absent ;
où il faut être inutilement fort
et triste, inutilement.
Où tous les jours piétinent sur
place
où toutes les nuits tombent dans
l'abîme
et où la conscience de l'enfance intime
à ce point s'efface,
qu'on a le coeur trop vieux pour penser un enfant.
Ce n'est pas tant que la vie soit hostile ;
mais on lui ment,
enfermé dans le bloc d'un sort immobile
L'extrait ne comporte pas de titre d'oeuvre, nous avons
uniquement le nom de l'auteur. Cette absence d'oeuvre incite le lecteur
à se concentrer sur le texte de l'épigraphe. Et la
présence du nom de l'auteur va lui permettre de situer sa lecture dans
un contexte littéraire différent du sien.
Cette citation est un poème composé de quatre
strophes, dont les deux premières évoquent des sentiments
mélancoliques qui font penser à la mort, mais une mort à
double sens : celle « dont la vie
s'arrête » et celle dont « la vie(...)
ne bouge plus vers la mort », de ces deux vers, le poète
nous propose une mort physique et une autre symbolique.
Quant aux deux dernières strophes, elles
évoquent la mémoire de l'enfance effacée qui
entraîne un destin inéluctable. A partir des trois vers
suivants :
« et où la conscience de l'enfance
intime
à ce point s'efface,
enfermé dans le bloc d'un sort
immobile »
Nous constatons qu'il y a une corrélation entre le
thème de la mort et celui de l'enfance. Cette citation suggère
une enfance oubliée, effacée qui entraîne dans un premier
temps une mort symbolique « où tous les jours
piétinent sur place » « où toutes
les nuits tombent dans l'abîme ». Et dans un
deuxième temps une mort physique.
Ce poème semble vouloir mettre en avant un
problème plus profond que le lecteur, en fournissant un effort, doit
détecter. Il s'agit de s'interroger sur les événements qui
peuvent justifier cette mémoire effacée et cette mort à
deux versants.
Nous passons ici la simple évocation d'un individu pour
passer à une dimension plus élargie qui implique l'existence d'un
problème de nature sociale. Ici, l'épigraphe nous permet de
dépasser la lecture simpliste pour évoquer une dimension plus
élargie en collectivité.
Ainsi, ce questionnement déduit à partir de
l'épigraphe qui ouvre le roman, nous pousse à explorer plusieurs
pistes de lecture, d'abord en analysant les épigraphes des six
chapitres, ensuite voir si il y a des thèmes redondants et enfin
connaître l'origine de cette répétition.
oe Gabrielle Roy :
L'épigraphe qui se trouve en exergue du premier
chapitre Le désir, appartient à Gabrielle Roy. Ecrivaine
canadienne, dont le besoin est d'exprimer à travers son écriture
la misère, la pauvreté et l'amour. Ce dernier, convoque plusieurs
sortes d'amour filial, conjugal et passionnel, que G. Roy n'hésite
pas à signaler dans ses écrits, et plus spécialement, dans
les quelques lignes que M. Laberge, l'épigrapheur, a choisies :
« Et je
me demande si la foudroyante attirance que nous avons subie, de
tous les malentendus, de
tous les pièges de la vie, n'est pas l'un des plus
cruels. A cause de
lui, après que j'en fus sortie, j'ai gardé pour
longtemps, peut
être pour toujours, de l'effroi envers ce que l'on
appelle l'amour. »
61(*)
En lisant cette citation, notre première constatation
est que l'amour domine cet extrait , mais il ne s'agit pas d'un sentiment
doux, docile, joyeux ou même triste, bien au contraire, il s'agit d'une
émotion forte, insaisissable, incontrôlable et destructrice, nous
citons : foudroyante attirance, subie, malentendus, pièges,
effroi. Ces expressions mettent en avant un sentiment plus fort que
l'amour. Une passion ravageuse, qui peut anéantir les individus qui la
subissent, au point de vouloir y renoncer : « j'ai
gardé pour Longtemps, peut être pour toujours, de l'effroi envers
ce que l'on appelle l'amour.». Cette passion exacerbée peut
avoir une origine, une raison d'être, liée aux amants qui la
partagent. Ce qui attire notre attention, c'est l'utilisation de certaines
expressions qui laissent entendre que cette passion n'est pas
tolérée « (...) de tous les malentendus, de
tous les pièges de la vie (...) ». L'utilisation du mot
piège suggère que les amants ont traversé des
épreuves pour protéger ou cacher leur passion. Et si, c'est le
cas, cela signifie que la relation est interdite d'un point de vue social, elle
est peut être adultère.
Pour mieux examiner les hypothèses avancées,
nous allons nous intéresser au contenu du premier chapitre.
Ce chapitre relate une rentrée universitaire où
un enseignant François Bélanger est saisi d'une foudroyante
attirance envers une étudiante, Anne Morissette. Celle-ci partage
le même sentiment que son enseignant. Ces personnages résistent,
l'un comme l'autre, à l'envie de faire le premier pas. Ils tentent de
mettre fin à leurs sentiments en s'éloignant. Or, leurs
désirs augmentent, et François « ne semblait pas
être en mesure de freiner l'impulsion sauvage »62(*)qui le domine. Quant à
Anne, dès qu' « un homme l'enfermait dans un amour,
elle s'enfuyait immédiatement,
suffoquée. »63(*), elle garde probablement de l'effroi envers ce
que l'on appelle l'amour. Nous supposons que ces deux comportements sont
le résultat d'un accident de parcours lié au passé de
chacun, c'est ce que nous verrons, ultérieurement.
Donc, la citation choisie entretient une relation de sens avec
le contenu du chapitre, à savoir le désir vécu par nos
personnages et le besoin qu'ils éprouvent à vouloir le cacher
l'un à l'autre et à la société pour ne pas
souffrir. Cependant, le mal est fait, les tourments et les malentendus
vécus par chacun pour résister à ce nouveau sentiment,
sont considérés comme des pièges de la vie.
La dernière phrase de la citation, nous fait penser au
personnage d'Anne. Cette jeune étudiante préfère vivre des
histoires sans lendemain, cette sentence sentimentale est sans doute en
relation avec une histoire antérieure.
Après avoir constaté que l'épigraphe du
premier chapitre est en corrélation avec son contenu et transmet une
contrariété liée à une absence de souvenirs, nous
procéderons à l'étude de l'exergue placé au
début du chapitre deux Le refus et qui est un extrait de
l'oeuvre de W. Shakespeare.
oe William Shakespeare :
Le deuxième chapitre Le
refus, présente une épigraphe de w. Shakespeare.
Écrivain anglais, auteur de plusieurs chefs d'oeuvres64(*) dont King Lear
d'où est extrait la citation:
« -Ne
pouvez-vous traiter un esprit malade, arracher à la mémoire un
chagrin
enraciné, effacer les soucis écrits dans le cerveau, et
grâce à
quelque antidote de
doux oubli, soulager la poitrine oppressée du
poids
périlleux qui pèse sur le coeur ?
-Il faut ici que le
malade soit son propre médecin. »
Ces quelques lignes agencées sous forme de dialogue,
expriment la douleur d'un coeur souffrant de la maladie d'amour. A partir de ce
passage, nous pouvons signaler la présence de certaines expressions qui
rejoignent et renforcent ce que nous avons proposé dans l'analyse de
l'épigraphe du premier chapitre, et en même temps,
expliquer les raisons qui ont poussé les amants à s'aimer et
à se cacher. Esprit malade, mémoire,chagrin enraciné,
soulager, poids périlleux, toutes ces expressions renvoient
à la peine et à la douleur vécues par un être
amoureux. Si ce sentiment est aussi douloureux c'est parce qu'il va
au-delà de l'amour et consume l'être qui l'anime, au risque de le
perdre.
Ainsi, François et Anne résistent pour
mieux s'aimer. Après de vaines tentatives de séparation et
d'éloignement, ils finissent par consommer leur désir. Mais cela
ne rassasie pas leur fougue. Fatigués d'avoir aimé, ils
décident d'arracher à la mémoire un chagrin
enraciné, responsable de tous leurs maux.
Ce chagrin lié au passé et enfoui dans la
mémoire de François, est en relation avec son père. Ce
dernier, n'ayant pas assumé son rôle de père, marque
l'enfance de notre personnage avec son absence. Mais une fois son père
mort, François est assujetti au désir. Nous pouvons supposer,
que la blessure béante laissée par le père, a
entraîné le fils dans les méandres de la passion. Ce chemin
sinueux nécessite une force d'esprit que le protagoniste ne
possède pas, et se rend compte qu'il n'y a point de remède
à son adultère.
Pareillement, la mémoire d'Anne est
marquée par un accident mortel où la victime était son
père. Cette mort prématurée, va emporter avec elle le
coeur de la petite Morissette. C'est pour cela qu'Anne s'opposera à
l'amour avec conviction. Mais, face aux sentiments de son enseignant, elle se
sent vaincue. Ce second amour, différent certes, mais
éprouvé inévitablement, va la rendre vulnérable et
prédisposée à la reddition. Elle voudrait résister,
fuir et ne plus y penser afin de retrouver un semblant de paix
intérieure.
Nous constatons que cette deuxième citation,
tisse un lien sémantique avec le texte auquel elle préside.
Comme nous pouvons l'observer, l'absence est l'élément autour
duquel gravitent la passion, l'adultère et la souffrance. Afin de
continuer à mettre en avant les liens qui unissent l'épigraphe et
le contenu du chapitre, nous allons examiner la citation de M. Duras,
située au commencement du chapitre trois «La
Reddition«.
oe Margueritte Duras :
Le troisième chapitre La Reddition,
s'ouvre sur une citation de M. Duras. Connue pour ses thèmes
existentiels, comme R. M. Rilke, elle s'intéresse à la guerre,
à la mort, à l'amour et au désir charnel. Nous remarquons
qu'elle puise son écriture à la source des relations corporelles,
c'est-à-dire que les thèmes de l'amour et du corps sont des
sujets médiateurs qui lui permettent d'accéder à d'autres
préoccupations, nous pouvons prendre à titre d'illustration, son
roman L'amant, dans lequel une adolescente, issue d'un milieu
défavorisé, fréquente un jeune asiatique, riche. A partir
de leur pacte du corps, certaines réalités sont mises à
nu, celles de la guerre, du désir de liberté et de la
pauvreté qui pousse une famille, et plus précisément, une
mère à profiter de la relation qu'entretient sa fille pour
obtenir de quoi se nourrir.
Après avoir donné l'exemple ci-dessus, nous
allons voir en quoi l'épigraphe de cette écrivaine entretient
une relation avec le contenu du troisième chapitre.
«
Les baisers sur le corps font pleurer. On dirait qu'ils consolent.
Dans la
famille je ne pleure pas. Ce jour-là dans cette chambre
les larmes
consolent du passé et de l'avenir aussi. »65(*)
Cet extrait est sensuel, et comporte une
connotation érotique qui donne au plaisir une dimension
exagérée qui dépasse la jouissance et laisse entrevoir une
souffrance corporelle, consentie. Celle-ci est volontaire, et donne lieu
à des larmes de plaisir : Les baisers sur le corps font
pleurer . Cette première approche de la citation, nous fait penser
aux personnages du roman, et surtout aux événements du chapitre
La reddition . François et Anne, fatigués de leurs
combats intérieurs, rendent les armes et s'abandonnent à la
passion et au plaisir. Ce dernier est vécu comme une expérience
sans limite et proche de la mort, où les protagonistes se sentent libres
et piégés.
Pourtant ce témoignage physique n'a pas pour seul objet
la jouissance, on remarque dans l'épigraphe la référence
à la famille qui ne nécessite pas de larmes, par contre dans la
chambre des amants, les larmes sont présentes pour apaiser le
passé et l'avenir des personnages. Cette deuxième approche de la
citation, conjugue passion, jouissance et passé, ce
mélange est loin d'être anodin et sans intérêt. Il
rend compte des péripéties des protagonistes, jusqu'au jour de la
reddition.
Pour exemplifier, nous dirons que la famille Bélanger
joue un rôle déterminant dans la relation adultère de
François, c'est-à-dire que l'absence d'images liées
à son enfance, qui est le résultat d'une responsabilité
refusée, celle de son père, ne provoque pas en lui une
réaction immédiate, durant sa jeunesse, mais une réaction
tardive, survenue après la mort de son père.
Pour Anne, la famille n'existe plus depuis la mort de son
père. La notion de famille ne fait pas partie de son quotidien. Pour
elle, la famille est liée à la présence d'un père,
mais comme celui-ci est mort, donc, elle n'a aucune raison d'être.
Dans ce chapitre, Anne est victime du passé, sa
mémoire défaillante va l'inciter à chercher dans ses
souvenirs des images de la mort de son père, mais sans résultat.
Cet oubli volontaire, est une échappatoire pour ne pas succomber
à l'amour. Cependant, l'abstinence ne sera pas respectée et le
pacte du corps qui la lie à François, va réveiller en elle
une blessure lointaine.
Le chapitre trois s'ouvre sur une épigraphe
qui survole le texte, en exposant le thème de la passion et de
l'enfance. Des thèmes exploités dans le chapitre, pour les
besoins de la fiction, et associés à d'autres tels que l'amour,
l'adultère et la mort. Ces derniers permettent d'établir un
bilan de l'enfance des personnages, habitée par l'absence paternelle.
Pour aller dans la même optique que l'étude
précédente, nous allons analyser l'épigraphe du chapitre
quatre.
Romain Gary
Le chapitre La déchirure
commence avec une citation de Romain Gary, écrivain français
d'origine russe :
« Le blanc et le noir, y en a marre.
L e gris, il n'y a que ça de vrai » 66(*)
Ces deux phrases courtes, écrites dans un registre
familier, dénotent une forme de révolte, une sorte de
rébellion contre une situation mensongère. Cette citation
indique, notamment, que l'existence d'un être parfait, à l'abri
des erreurs et du mensonge, n'existe pas. Être humain, signifie apprendre
à partir de ses erreurs.
La place de cette épigraphe, dans la deuxième
partie de l'oeuvre et plus exactement au chapitre quatre, laisse entrevoir la
présence d'un personnage féminin qui mène une
enquête, délicate, pour détenir la vérité. Il
s'agit d'Elisabeth, la veuve de François. Celle-ci découvre
l'adultère de son mari. Déçue et croyant le
connaître, elle remet en question son mariage et l'amour que ce dernier
lui portait, de son vivant. Ainsi, son comportement lui paraissait
exemplaire :
« En tout cas, mon François à moi,
celui que j'ai toujours connu, le seul qui existe jusqu'à nouvel ordre.
Si j'apprends qu'il était seulement un homme frivole, qui n'a pas
pesé le poids de ses actes, qui n'a pensé ni à moi ni
à elle dans tout ça, qui s'est seulement laissé glisser
là dedans par hasard, je changerai d'idée sur
lui »67(*)
Convaincue que son mariage était solide,
dénué de tout mensonge, Elisabeth apprend la trahison de
François et tente de la comprendre. Dans un premier temps, elle
soupçonne la mort du père Bélanger, elle croit que son
décès a perturbé son mari et a fait de lui un homme,
momentanément, frivole . Or, elle découvre que sa
liaison a duré sept ans, c'est pour cette raison que la mort de son
père ne constituait plus une vraie réponse mais peut
être un élément déclencheur. Elisabeth
« refuse de s'enfermer dans ses bonnes raisons, elle veut
savoir, voir clair, avoir la vérité
vraie »68(*) , donc, connaître le coté humain de
François et cela par le biais d'une enquête qui reconstituera ses
sept années de mensonge.
Nous constatons, encore une fois, que la citation choisie par
l'auteure suggère des informations en rapport avec la fiction et plus
précisément avec le chapitre quatre.
L'extrait de R. Gary, expose deux couleurs opposées
le noir et le blanc pour expliquer les différentes
facettes de la vérité. Toutefois, ce raisonnement se heurte
à une couleur intermédiaire, le gris, qui ne permet pas une
explication limpide et logique de la vérité.
Cette vision de la vérité, nous la retrouvons
dans le chapitre «La Déchirure«où Elisabeth
tente de retracer son passé conjugal afin de comprendre
l'infidélité de son défunt époux. Et pour mieux
saisir les raisons de l'adultère, et la relation signifiante de
l'épigraphe avec le texte,il est nécessaire de procéder
à l'étude de la citation de E. Morante.
Elsa Morante
Le chapitre cinq débute avec
l'épigraphe d'Elsa Morante. Dans l'extrait mis en évidence, nous
retrouvons certains thèmes liés à l'existence, tels que la
solitude, le désespoir, la vie et la mort. Ces thèmes,
déjà, décelés lors de notre première
étude de l'épigraphe (nous faisons référence
à la citation de R. M. Rilke) se précisent. Nous allons, d'abord,
expliquer la citation , puis, voir en quoi peut elle être en rapport
avec le chapitre qui s'intitule La quête . L'épigraphe se
présente ainsi :
«
Parfois- surtout en de certaines solitudes extrêmes -une pulsion
désespérée se met à battre chez les vivants, qui
les incite à
chercher
leurs morts non seulement dans le temps, mais dans
l'espace
aussi. »69(*)
Cette référence à la solitude et
aux pulsions désespérées, trace la trajectoire d'un
individu trahi par une situation donnée qui l'enferme dans une
solitude extrême.
Cette hantise à vouloir connaître
la vérité, est une forme de mort symbolique qui peut avoir une
fin malheureuse ou salutaire.
Le désespoir qu'a connu Elisabeth, après sa
découverte, l'a transformée en une femme hystérique,
désireuse de retrouver celle qui lui a volé sept ans de vie
commune avec François.
L'acharnement qu'elle éprouve à vouloir
retrouver Anne Morissette, la rend « fatiguée,
blessée et seule (...) sans espoir, sans aide »70(*). Cependant, la présence
de Jérôme, son compagnon, va quelque peu l'aider sur le plan
psychologique.
Nous enregistrons, encore une fois, que la
référence au père est omniprésente et sous
différentes formes. Nous l'avons vue, auparavant, dans le passé
de François, ensuite dans celui d'Anne. Or, dans ce chapitre, c'est une
autre catégorie de père qui fait surface, celle d'un père
présent, vivant, assumant ses responsabilités. Nous faisons
référence à Jérôme qui a une fille
« mal élevée et
gâtée »71(*) selon les propos de la veuve.
Ce père, jeune et amoureux, va donner de l'espoir
à Elisabeth, mais ce qui va accentuer sa guérison c'est sa
rencontre avec la tante d'Anne, Jacynthe. Cette dernière, l'informe du
parcours de son défunt époux, du temps d'Anne. C'est à ce
moment là, que le désir de voir Anne Morissette
s'accroît.
Néanmoins, Elisabeth se surprend à vouloir
revivre et son objectif est de mettre fin à cette conjoncture, et cela
en allant surveiller la maison de la tante Jacynthe afin de voir Anne, et
enterrer son passé.
A présent, que la relation de la citation
avec le chapitre a été mise en évidence,
c'est-à-dire que nous avons souligné le fait que l'extrait de E.
Morante met en évidence la vie, et la relation que l'homme entretient
avec celle-ci, il est important de voir en quoi l'exergue du dernier chapitre
est en rapport avec le texte.
oe Albert Camus
Le chapitre six représente la
dernière partie du roman, d'où son titre La fin. La
citation choisie est celle d'Albert Camus. Elle fait l'apogée de la
vérité en une seule phrase :
« La
vérité vaut tous les tourments » 72(*)
Dans ce chapitre, Elisabeth, la veuve de François, va
tout mettre en oeuvre pour rencontrer Anne. Le fait de connaître tous
les événements des sept années d'adultère, ne lui
suffit plus. Elle veut rencontrer la femme qui a remis en question son mariage
et ses sentiments. Consciente que cette obsession risque de la projeter dans
un désarroi absolu, elle veut, malgré tout, prendre ce risque.
Elle décide d'espionner Anne Morissette. La voyant sortir de chez la
tante Jacynthe, Elisabeth est saisie d'une pitié extrême. Elle
découvre une Anne « au-delà de toute menace,
de toute injure. Il est évident que cette jeune femme
fatiguée (...) a au moins cent ans et s'est déjà servi
toutes les injures qu'Elisabeth pourrait lui
dire »73(*). Elle sait, aussi, qu'Anne est responsable de la mort
de François « parce que, sans cela, elle en serait
morte. Et elle en est quand même morte. L'oiseau blessé ne volera
plus »74(*).
Maintenant, qu'Elisabeth est face à l'ultime
vérité, « elle se sent tout à coup chaude,
pleine de vie, capable de tout »75(*), elle accepte la mort de François et fait la
paix avec son passé.
« Ils parlent durant des
heures »76(*), Jérôme comprend et pardonne le
comportement d'Elisabeth. Cette dernière prévoit de refaire sa
vie et d'avoir un enfant avec lui.
Après tant de tourments, la vérité finit
par transmettre à cette femme un sentiment de continuité
basé sur l'amour et le désir d'enfanter.
L'épigraphe de A. Camus tisse un lien
métaphorique avec le contenu du chapitre, et clôture, ainsi, le
roman .Elle est, également, porteuse d'un message optimiste, celui
de l'espoir.
Pour l'épigraphié la
vérité est un chemin sinueux qui permet le repos de l'âme.
Pour Elisabeth, c'est une trajectoire tortueuse qui permet de mettre fin
à une vie antérieure, et ainsi commencer une nouvelle vie.
La notion d'épigraphe ne peut être
envisagée seule, elle sollicite le rôle de l'épigrapheur,
qui est le dépositaire d'une architecture romanesque choisie qui va au-
delà de l'aspect visuel, elle intègre une architecture
implicite. A travers les épigraphes, l'épigrapheur tente
d'exposer comment le père agit de manière implicite et indirecte
sur les paersonnages.
L'épigrapheur
Dans Quelques Adieux le rôle de
l'épigrapheur est déterminant car il est responsable non
seulement de la disposition des épigraphes mais aussi du choix des
épigraphiés. Cette double fonction, pousse le lecteur à
s'interroger sur l'intérêt du nombre des citations mises en
épigraphes et sur leurs auteurs qui sont de différents horizons
culturels.
M. Laberge propose dans son roman une série d'extrait,
sept, d'écrivains sans mention des oeuvres ni des dates à savoir,
M.R. Rilke, G. Roy, M. Duras, W. Shakespeare, R. Gary, E. Morante et A. Camus.
En effet, ces écrivains ou épigraphiés
aux grands textes connus sont cités selon une architecture romanesque
qui suggère plusieurs mises en abyme qu'un lecteur concentré peut
découvrir : il s'agit pour l'épigrapheur d'attirer
l'attention de l'épigraphaire (lecteur) sur la citation qui
précède chaque chapitre lu afin de mettre en place un processus
de va et vient entre l'exergue et le contenu du chapitre, lors de la
lecture.
Certes, cette interaction entre la citation et le chapitre
permet à l'auteur de préparer son lecteur à la
compréhension de la fiction. Toutefois, il est important de signaler que
les épigraphes choisies convoquent des thèmes qui dominent les
chapitres qu'elles président, c'est ce que nous avons tenté
d'analyser dans la partie précédente. Et de ce fait, nous pouvons
dire que l'épigrapheur introduit son histoire romanesque en amplifiant
l'attention du lecteur par l'inscription d'un message volontairement
troublant.
Les citations choisies par l'auteure ne font pas partie de la
même époque, quelque fois des siècles les séparent,
cependant, les textes retenus affichent « un
événement ou une image datant de plusieurs années
[qui]peut se trouver très proche d'une souvenir d'Hier
(...) »77(*), c'est-à-dire que même si les auteurs
des exergues sont pris à des intervalles temporels différents
cela n'empêche en rien leur rapport à la fiction. Nous pouvons
citer le texte de W. Shakespeare, écrivain du XVI siècle; il
expose dans son extrait les aléas de l'amour. Sa citation ne perd
aucunement son authenticité et sa densité au XXI siècle
car l'amour implique notamment la souffrance quelle que soit l'époque.
D'ailleurs, le chapitre que l'extrait de cet écrivain
précède signale les affres de l'amour vécus par les
protagonistes François et Anne. Cette situation est le résultat
d'un refus de céder aux sentiments et à la passion.
Quant aux autres écrivains retenus par
l'épigrapheur, c'est-à-dire M. R. Rilke, G. Roy, M. Duras, R.
Gary, E. Morante et A. Camus, ils sont issus de la même
génération, c'est pour cette raison que nous ne les avons pas
explicités.
Cette première approche de la disposition des
épigraphes par l'épigrapheur, laisse apparaître en
filigrane une pensée humaine universelle. Notre deuxième approche
va mettre l'aspect universel et la polyphonie en épigraphe.
Si l'on considère que les thèmes
évoqués dans les citations sont toujours d'actualité,
même si l'époque et le contexte culturel sont différents,
cela désigne une préoccupation, une angoisse propre à
l'être humain. Et c'est cette métaphore universelle que
l'écrivaine souhaite transmettre par le biais des exergues.
De plus, cet arrière-plan nous renseigne sur la
présence et l'origine culturelle des épigraphiés.
Ces multiples voix venues du Canada, de la France, de
l'Autriche, de l'Angleterre et de l'Italie, s'inscrivent dans le
phénomène de polyphonie, à ce propos Bakhtine
dit : « Les voix restent autonomes et se combinent en
tant que telles, dans une unité d'un ordre supérieur à
celui de l'homophonie »78(*).
En analysant la théorie Bakhtienne, nous constatons que
le roman emprunte à la polyphonie ce qui accentue l'idée
d'ouverture et confère une connaissance ou du moins un code commun qui
parait être propre à nous les lecteurs.
En effet, le roman à première vue, se rapproche
du triangle amoureux classique. Pourtant, il s'en distingue par la
présence des épigraphiés qui appartiennent à des
horizons culrurels différents, et aussi par le contenu des exergues qui
suggère un problème plus profond que celui du schéma
classique que nous connaissons.
Il s'agit pour l'épigrapheur, de souligner des
préoccupations communes et aussi d'extraire son texte du cliché
de la triangulation amoureuse vers une approche plus abstraite et plus
universelle.
En résumé, l'épigrapheur a opté
pour une écriture stratégique qui affiche à la fois une
nature polyphonique et une réflexion sur la nature humaine. Cette
portée ontologique, suggère une introspection, un retour sur soi
afin de découvrir l'origine de la quête humaine, et qui est
souvent liée à la cellule familiale.
1.3- Les intertitres
Nous allons aborder le roman de manière plus
directe en nous intéressant aux intertitres nommés, et cela
à travers la disposition et le choix des sous-titres et du rythme qui
s'impose à nous en les lisant.
Quelques Adieux comporte deux parties, la
première a pour titre une année 1972 et la deuxième 1983.
Ces deux dates, font référence à deux époques
différentes :
La première est 1972 :
l'année où François rencontre Anne, et vit avec elle une
passion qui durera sept ans . C'est aussi la période où il subit
des contraintes sur le plan familial, il perd son père et se rend compte
qu'il n'a gardé de lui aucun souvenir chaleureux. Et sur le plan
conjugal, il préserve sa femme, Elisabeth, de son adultère et se
sent mal à l'aise des mensonges qu'il lui raconte.
La deuxième est 1983 :
l'année où Elisabeth découvre l'infidélité
de son défunt mari, et décide d'enquêter pour en
connaître les raisons, et par la même occasion, enterrer le
passé avec François.
Ces deux dates ne peuvent être comprises que si le
lecteur a lu le roman. Dans le cas contraire, les intertitres qui constituent
les chapitres de chaque partie, peuvent nous renseigner sur le contenu du roman
de manière brève.
Cependant, il nous parait nécessaire de
signaler que ces dates correspondent à une effervescence sociale et
culturelle, au Québec. Les années soixante dix et quatre vingt
marquent la montée fulgurante des féministes
québécoises qui veulent à tous prix s'imposer dans tous
les domaines afin de réhabiliter le statut de la Femme dans leur
société.
A la même période, un esprit provocateur
apparaît dont le but est de récuser une
littérature qui a longtemps été manipulée et
cloisonnée, par l'église. Nous citerons des oeuvres comportant
des titres audacieux tels que Denis Vanier, Lesbiennes d'Acid,
Josée Yvon, Filles- commandos bandés, etc. Et des
thèmes qui heurtent la sensibilité des familles conservatrices,
à ce propos Philippe Haeck dira:
« Ce qui fait irruption alors dans la
poésie, c'est l'Amérique, le jazz, la sexualité, la vie
quotidienne, les voyages, la beat generation. »
79(*)
Les événements que nous venons de
citer, sont importants et particulièrement intéressants pour la
compréhension de l'oeuvre et pour l'analyse des sous titres :
en ayant des informations sur le contexte des protagonistes, cela facilitera
notre travail qui consiste à repérer le fonctionnement des
intertitres.
Dans la première partie de l'oeuvre
intitulée : 1972, nous avons trois
chapitres : Le désir, Le refus et La
reddition. Ces trois premiers titres, suggèrent le contenu de
chaque chapitre. Sans lire le roman, le lecteur fait l'effort, à travers
ces titres, de deviner l'histoire de la fiction, exemple, le premier titre
Le désir, peut faire allusion à une rencontre, à
une attirance entre deux personnes. Le deuxième titre Le refus,
permet au lecteur de supposer que l'un des deux personnages est lié
à quelqu'un d'autre, c'est pour cette raison qu'il y a refus de
céder à la tentation. Le troisième titre La
reddition, inspire au lecteur, l'abandon où le refus n'a plus de
place. Les personnages se laissent guider par le désir.
L'usage de ces titres expose, également,
des étapes connues et universelles ; il s'agit d'un mythe
millénaire, l'histoire d'un homme et d'une femme. Ces titres ont une
portée paradoxale, c'est non seulement l'histoire d'un homme et d'une
femme mais c'est aussi une fiction qui relate l'histoire de deux personnages
masculin et féminin ; la portée est donc plus
générale, plus universelle.
Il convient de noter que les titres de
Quelques Adieux, comportent deux parties : un article et un nom. La
présence d'articles définis dans les intertitres, établit
un paramètre de sens réduit, c'est-à-dire que l'histoire
que nous venons de supposer à partir de la référence aux
intertitres, ne devient plus l'histoire de n'importe quel personnage; bien au
contraire, elle devient l'histoire d'une personne précise. Il ne s'agit
pas de n'importe quelle passion, il s'agit de la passion d'un personnage
déterminé, une passion exemplaire de toute humanité.
Cette approche du paratexte, nous a permis de
faire un détour par l'architecture implicite et explicite du roman, et
d'en connaître les point pertinents pour orienter notre lecture et notre
analyse.
Rappelons que l'objet de notre étude, est de
repérer, à travers le paratexte, des procédés
d'écriture faisant référence au personnage du Père,
que nous soupçonnons d'être l'élément fondamental de
la fiction et du déroulement des événements. Notre
analyse, a envisagé le titre, la dédicace, les épigraphes
et les intertitres, dans le but de mettre, en avant, un point de jonction qui
ferait de l'étude paratextuellle un indice majeur de notre recherche.
Au terme de cette première démarche de
l'étude paratextuelle, nous constatons que ce qui lie les
éléments du paratexte est la séparation : celle
de François avec son père, puis avec Anne, et enfin avec la vie.
Celle d'Anne avec son père, puis avec François et enfin avec la
vie. Et celle d'Elisabeth avec François et enfin avec son passé.
A partir de l'étude des
éléments du paratexte, nous observons que le fonctionnement
implicite du texte et cela par l'intermédiaire des épigraphes et
des intertitres, constitue un code de lecture pour le lecteur. Nous pouvons,
à présent, prétendre à une analyse plus approfondie
de l'oeuvre, à travers le temps de la narration.
2- Une temporalité interne :
« Le
récit est une séquence deux fois temporelle... : il y a le
temps
de la chose
-racontée et le temps du récit (temps du signifié et
temps du
signifiant). »80(*)
Selon G. Genette, le texte a deux vitesses : celle de la
fiction, c'est-à-dire, l'histoire qui nous est racontée, avec ses
saisons, ses mois, ses jours et ses moments. Et celle de l'écriture qui
est mesurée « en lignes et pages »81(*) , ce temps du signifiant
peut être étudié à travers l'utilisation des verbes.
Dans le cadre de notre travail, nous allons convoquer l'aide
des deux temps (signifié et signifiant) afin de retrouver des indices
nous permettant de mettre en relation le déroulement des
événements, le sort des protagonistes, avec le personnage du
Père.
Il est important de signaler, que le but de notre recherche,
est de voir en quoi le personnage du Père, peu présent dans le
récit, peut- il être responsable de l'adultère des
protagonistes, et par quels procédés d'écriture est-il
sollicité.
Pour les procédées d'écriture, nous avons
choisi d'interroger le temps de l'histoire racontée et le temps du
récit à travers l'étude des anachronies et de l'ellipse,
pour le temps du signifié; et le temps des verbes, pour le
signifiant.
2.1- Le temps de l'histoire
racontée :
Commençons notre travail
par l'élaboration d'un parcours chronologique du temps, dans chaque
partie :
Dans la première partie du roman, qui
commence en 1972, découle trois chapitres ; le premier
s'intitule Le désir et signale que l'histoire va prendre forme
à partir de la rentrée universitaire, au mois de Septembre de
l'année1972. Ce mois est caractérisé par la rencontre des
futurs amants : François Bélanger remarque la
présence d'une étudiante, nommée Anne Morissette. Au mois
d'Octobre, ces deux personnages se rendent compte de leur attirance et de leur
désir qui ne cessent d'augmenter. Ils tentent de résister
à la tentation, en adoptant de nouveaux comportements,
c'est-à-dire, que François opte pour un enseignement
sévère et passionné, et Anne préfère centrer
son attention sur le contenu de ses cours. Cette atmosphère
d'hésitation, d'attraction et de désir, persistera jusqu'à
la fin du trimestre, au mois de Décembre. Le deuxième
chapitre Le refus, débute avec la reprise des cours, au mois de
Janvier. On est en 1973, François et Anne continuent à se
résister jusqu'au mois de Mars, et plus exactement, le vingt six Mars,
la date d'anniversaire de François. Ce jour là, Jacques, le
meilleur ami de Bélanger, demande aux deux étudiantes
présentes dans le bureau de ce dernier, de l'embrasser pour son
anniversaire. Parmi ces deux jeunes filles, Anne Morissette. Son baiser va
tourmenter et hanter son enseignant. Le treize du mois d'Avril, François
apprend la mort de son père. C'est à ce moment là, que
tout bascule. Il s'engage dans une relation adultère avec Anne. Le
troisième chapitreLa reddition, illustre, parfaitement,
l'harmonie du pacte du corps des amants. Cependant, sur le plan de la
communication orale, ils ont des difficultés, François ne
supporte pas de mentir à sa femme, Elisabeth , il est rongé
par le remord. Et Anne adopte un comportement incompréhensible avec son
amant, dans le but de mettre fin à ses sentiments, car elle a peur
d'être victime de l'amour. Ces conflits amoureux, les mènent
à la séparation et à l'impatience durant cinq mois, de Mai
au mois de Septembre. Au début de ce mois, les amants rendent les armes
et s'abandonnent au plaisir de la chair82(*).
La deuxième partie du roman, commence en
1983. Entre la première partie et la deuxième, il y a un vide
temporel de dix ans qui sera rempli à travers les
péripéties d'une veuve, Elisabeth. Cette partie comporte trois
chapitres :
D'abordLa déchirure; qui s'ouvre sur la date
suivante : le dix sept Octobre 1983, deux ans après la mort de
François. C'est à cette date qu'Elisabeth, la veuve de
Bélanger, décide de ranger les dossiers de son défunt
époux, et découvre son adultère. Elle remet en question
son mariage et l'amour que lui portait son mari. Vers la fin du mois d'Octobre,
Elisabeth est submergée par le chagrin et taraudée par le
désir de connaître la vérité.
Puis, La quête, où Elisabeth
mène une enquête et retrouve la trace de la meilleure amie d'Anne,
Hélène Théberge. Elle va à sa rencontre,
début Novembre. Mais, n'ayant pas l'information qu'elle recherche,
c'est-à-dire l'adresse d'Anne Morissette, elle réclame celle de
sa tante, Jacynthe, tout en sachant, par le biais d'Hélène,
qu'elle est la seule personne à être restée en contact avec
Anne. Mais en vain. Le vingt trois Novembre, la veuve reçoit une lettre
d'Hélène où l'adresse de la marraine figure. Début
Décembre, les deux femmes se rencontrent. Elisabeth obtient des
explications, des raisons qui pourraient excuser l'adultère, mais sans
pour autant rencontrer Anne. La veille de Noël, le vingt trois
Décembre, Elisabeth surveille la maison de la tante Jacynthe afin de
voir Anne. Après l'avoir rencontrée, la veuve comprend que la
jeune femme est morte depuis longtemps et elle prend conscience de la chance
qu'elle a, à être en vie.
Et enfin, La fin, qui commence au mois de Janvier
1984 et décrit une femme, Elisabeth, équilibrée, qui a
fini par mettre fin aux conflits qui la tenaient à l'écart de la
vie. Cette réconciliation avec son passé, va lui permettre
d'envisager l'avenir et la conception d'un enfant, avec Jérôme,
son nouvel amant. Au mois de Février, l'enfant fut conçu83(*).
Ce parcours chronologique, est cité dans le
but de nous permettre de situer les actions à travers le temps. Notre
première observation est la suivante : l'histoire suit le
calendrier scolaire. Car dans la première partie de l'ouvrage,
l'histoire commence avec la rentrée des classes et donc, avec le
début, la rencontre des deux protagonistes. Le désir de
l'adultère est présent tout au long du premier chapitre et
même du deuxièm. Ce trouble trouvera sa place au troisième
chapitre où il y aura toute une série de changements : on
verra les protagonistes passer d'un état de désir,
d'intensité amoureuse et d'abandon à un état de conflits
intérieurs, de solitude et de séparation.
Le choix de la structure temporelle,
c'est-à-dire la présence du calendrier scolaire, a une grande
influence sur l'histoire. Les moments les plus intenses se déroulent
pendant l'année universitaire; quant aux vacances, ils constituent les
moments de repos les plus pondérés.
Nous pouvons exemplifier à partir des
chapitres relatifs à la première partie de l'oeuvre:
Le premier chapitre : Le
Désir, montre l'ascension de la convoitise entre François et
son étudiante. Mais lors des vacances d'hiver, qui surviennent au mois
de décembre avec la fête de Noël, on assiste non seulement
à un relâchement du désir mais aussi à une nouvelle
résolution de la part de Bélanger. Ce dernier, décide de
changer et de résister à l'assaut84(*). Mais en vain, celui-ci sera
de retour dès la rentrée universitaire. Nous observons à
travers la structure temporelle des faits du chapitre deux, correspondant au
titre Le Refus, une période de remise en question, celle de
François qui refuse l'idée d'avoir une relation adultère,
son comportement sera dans les limites d'un calendrier scolaire, de ce fait
l'intrigue en sera assujettie, c'est-à-dire que les moments les plus
intenses de l'histoire se déroulent la plupart du temps en début
de trimestre. Le début du deuxième chapitre est
caractérisé par un début d'hiver (janvier- février)
assez calme, suivi d'un événement qui ne laissera pas
l'enseignant et son étudiante hésitants, il s'agit, bien
évidemment, de la mort du père de François. Il suffit
d'observer le chapitre deux, pour que le lecteur soit convaincu qu'il y a
problème avec la mort du père, celle-ci déclenche toute
une série de comportements qui détermineront l'avenir des
personnages.
A la suite de ce chapitre, un autre qui s'y
greffe, presque insolemment, pour indiquer aux lecteurs les
péripéties amoureuses des protagonistes et la manière dont
elles s'imposent. Le chapitre quatre, qui annonce le début de la
deuxième partie, et qui a pour titre une date 1983 (10ans après),
raconte les désillusions d'une femme trahie par un passé
volé. Ce chapitre La Déchirure, est tel un coup de
théâtre dans lequel Elisabeth est instable et perturbée, et
perd confiance en l'amour et en son mariage. Déçue, elle ne s'en
remettra pas, elle sera comme morte. Et voudra comprendre la faille de son
mariage et les raisons de cette infidélité. C'est pour cela que
le chapitre cinq s'annonce houleux, avec une première rencontre celle
d'Hélène Théberge, puis celle de la marraine d'Anne et
enfin celle des deux femmes de François. Cette dernière, va
mettre de l'ordre dans la vie de la veuve et va lui permettre un nouveau
départ qu'on observera dans le dernier chapitre La Fin.
2.1.1- L'ordre et la durée du
récit :
Sachant qu'il y a une distorsion temporelle dans
le récit, en général, selon G. Genette, le lecteur est
confronté, dans ce cas à une dualité relevant d'un temps
du signifié et celui du signifiant. Ces derniers marquent, dans le roman
retenu, la chronologie du récit, l'ordre de la disposition des
événements et cela par le biais des anachronies et plus
distinctement les analepses. Cependant, la durée des
événements est tout aussi importante que leurs agencements dans
le texte, c'est pour cette raison que nous nous intéresserons de
près à l'ellipse temporelle.
a) Anachronies :
Une anachronie, selon G. Genette
« peut se porter dans le passé (analepse) ou dans
l'avenir (prolepse) plus ou moins loin du moment présent,
c'est-à-dire du moment de l'histoire ou le récit s'est interrompu
pour lui faire place (...) »85(*). Suite à la recherche
adoptée, l'analepse semble être le futur centre
d'intérêt de notre travail.
A présent, voyons la distribution des
segments analeptiques et leurs incidences dans l'univers romanesque :
La première partie du roman comporte six analepses, que
nous répartirons comme suit : le premier chapitre en contient une,
qui se situe à la page 44 du roman. Cette réminiscence est
liée au présent qu'Elisabeth a offert à
François , il s'agit de la gravure de Florence qui désigne
un arbre luttant contre le vent. Le deuxième chapitre rassemble deux
analespses qui sont réparties entre la page 108 et la page 111. La
première est liée au souvenir de la mère de
François, qui a toujours su maintenir la famille réunie :
« Elle les avait tenus ensemble et, après sa mort, la
famille s'était disloquée (...) ».86(*) La deuxième, fait
référence à l'absence et au manque de
responsabilité du père de François, de qui, il ne garde
aucun souvenir : « Il ne se rappelait que d'un homme,
vu de dos (...) qui s'éloignait doucement »87(*).
Quant au troisième chapitre, il relate trois segments
rétrospectifs positionnés, de la page161 à la page 163
pour le premier , la page 179 pour le deuxième et de la page
181à la page 191 pour le troisième88(*).
Le premier segment est relatif à la mort du père
d'Anne. Celle-ci, tente de se rappeler son père et les
événements qui ont suivi son enterrement. Elle n'a trouvé
que quelques images de son enfance, notamment celle de ses souliers rouges,
que son père lui avait offert, le jour de son anniversaire, et qu'elle
ne retrouve plus : « (...) elle chercha follement dans son
souvenir où pouvaient bien être les petits souliers rouges,
brillants, qu'il son père lui avait donnés pour ses
sept ans.»89(*).
Le deuxième segment est en relation avec une rencontre
celle d'Anne et de François, au cinéma Cartier. Ces derniers,
étaient séparés, et en se croisant la douleur les gagne.
Ce souvenir est resté, gravé, dans la mémoire
d'Anne : « Elle Anne ferma les yeux et revit son
François regard traqué, suppliant de ce soir terrible du
cinéma Cartier. »90(*)
Le dernier segment, est une lettre de la tante Jacynth
à Anne, dont le souci est de lui faire retrouver la mémoire de
son enfance et surtout le sort de ses souliers rouges : « Au
cimetière (...) tu te rendais compte que ton père était
parti pour toujours. (...) tu as arraché tes souliers et tu les as
tirés dans le trou, sur la tombe, de toutes tes forces, avec une rage
que je n'avais jamais vue. »91(*)
La deuxième partie du roman, comporte dix analepses,
distribuées dans les deux premiers chapitres. Le chapitre quatre,
à lui tout seul, regroupe sept analepses :
La première, située entre la page 245 et la
page 246, relate l'échec du mariage de Mireille et de Jacques en 1975,
qui s'est soldé par un divorce : « C'est après
une grave dépression qu'elle Mireille s'était
décidée à demander le divorce. »92(*)
La deuxième, est à la page 249, et sollicite la
mémoire d'Elisabeth et de Mireille. Ces dernières se
remémorent François, malade :
« François s'enfonçait dans la mort avec une
rapidité effroyable »93(*)
La troisième se développe de la page 253
à la page 256, c'est encore une fois, l'image de la gravure de Florence
qui refait surface, mais cette fois, c'est Elisabeth qui se souvient du bonheur
que son défunt mari a éprouvé lorsqu'elle lui a offert son
cadeau. Elle se rappelle, également, de la contribution de son
père (le père d'Elisabeth) à l'achat de la
gravure :
« Son père lui avait confié un
peu d'argent pour qu'elle se gâte, un supplément de voyage de
noces, une somme donnée à la dernière minute pour lui dire
qu'il la voulait heureuse »94(*)
La quatrième, située entre la page 268 et la
page 269, est en rapport avec le souvenir de Mireille. Elle explique à
Elisabeth comment elle a rencontré François lors d'un
congrès à Montréal, en Novembre 1973, en compagnie d'une
étudiante. Son objectif est de dissiper tout soupçon d'amour et
de l'orienter vers une aventure : « J'aperçois
François avec une fille. Tout de suite, j'ai pensé ce que tu
penses : que François n'était pas mieux que Jacques, que les
étudiantes y passaient avec lui aussi. »95(*)
La cinquième, placée à la page 277,
expose les soupçons qu'Elisabeth avait à l'égard du
comportement de son mari en 1973 : « Le soupçon
envahit Elisabeth, la gagne (...) »96(*)
La sixième, à la page281, est entreprise par
Jacques. Il explique à Elisabeth, les raisons qui poussaient
François à aller à Montréal, deux fois par
semaines, en 1976. Il y allait pour rencontrer Anne.
La septième, située entre la page 295 et 296,
met en avant les souvenirs de Jacques, concernant la durée de la dite
aventure de François.
Au chapitre cinq, nous avons trois segments
rétrospectifs : le premier sollicite la mémoire
d'Hélène. Cette dernière se rappelle la visite d'Anne en
1979, et sa promesse de revenir la voir : « La
dernière fois que je l'ai vue, c'était en juin 79, j'étais
enceinte de quatre mois. Elle m'avait dit qu'elle viendrait pour
l'accouchement. ».97(*)
Elle se remémore, également, la relation de sa
meilleure amie avec François ; et en donne des détails
à Elisabeth. (De la page 337 à la page 347)
Le deuxième, situé de la page 362 à la
page 372, retrace le parcours d'Anne, de son enfance, à partir de la
mort de son père, jusqu'à sa relation avec François. Cette
réminiscence appartient à la tante Jacynthe. Elle la relate
à Elisabeth pour mettre fin aux troubles qui l'habitent.
Le dernier, à la page 382, est celui de la veuve, qui
avant d'enterrer son passé, se souvient d'un moment d'intimité,
de bonheur, avec son défunt époux : « Elle se
souvient (...) de ces après midi où il l'entraînait dans le
bois, près de la rivière, et où il la déshabillait
sur une vieille couverture (...) ».98(*)
Quant au chapitre six, il ne comporte aucune
réminiscence. Il est consacré au futur d'Elisabeth et à sa
résolution de ne plus laisser la mémoire du passé
perturber son bonheur actuel.
Nous constatons que le nombre des analepses dans la
première partie, c'est-à-dire les chapitres 1,2 et 3,
s'élève à 6 analepses. La première distribution
suscite notre curiosité parce qu'elle est en rapport avec une gravure
que le protagoniste a reçue, comme cadeau de la part sa femme, et
que Anne Morissette remarque, en premier, dans son bureau. Cette image
« représente un arbre qui lutte. Il a l'air solide, fort,
indestructible, mais il penche, se brise, se casse en un lieu secret, invisible
pour l'oeil. Le vent fait le reste. »99(*). On peut supposer que cette
description de la gravure est symbolique, car l'arbre qui lutte et qui finit
par être emporté, est une image qui peut faire
référence au destin du personnage. Dans Quelques Adieux,
la vie de François ressemble à l'image de la gravure,
c'est-à-dire :
Tout comme l'arbre, François vacille entre deux vies,
une vie conjugale et une vie adultère. La raison qui pousse l'arbre
à bouger dans tous les sens, est l'absence de racines.
En effet, François se sent perdu et sans enfance
depuis la mort de son père. Cet élément, crucial, va faire
de lui un homme sans racine, qui se brise et se casse, tout comme l'arbre.
Les deux analepses du chapitres deux, sont
présentes comme processus de récupération des
antécédents100(*), c'est-à-dire que c'est un retour en
arrière qui permet aux lecteurs de prendre connaissance du passé
de François. On apprend que ce dernier a perdu sa mère en
étant jeune et il en garde des souvenirs de tendresse. Quant à
son père, il éprouve des difficultés à se rappeler
de lui, il garde le souvenir d'un chauffeur d'autobus.
Quant au chapitre de la reddition, trois analepses s'imposent
et informent le lecteur de l'enfance d'Anne, la perte de son père
lors d'un accident de voiture, le remariage de sa mère et la lettre de
sa tante Jacynth qui lui permet de retrouver la mémoire.
A travers ces segments analeptiques, la figure du père
apparaît comme un élément problématique à
l'épanouissement des personnages. Il est lié directement aux
souvenirs et au non souvenir de ces derniers. Ce que nous entendons par
souvenirs, ce sont les images qu'on garde de l'enfance et qui sont
rattachées au Père. François a le souvenir d'un
père absent, alors qu'Anne garde en elle l'image d'un père
tendre, aimant, mais qui est mort trop tôt. L'expression non souvenir,
est le mélange d'une irresponsabilité paternelle, pour
François, et d'une mort prématurée, pour Anne.
On remarque que cette partie va crescendo dans son utilisation
des rétrospections, notamment les dix segments rétrospectifs de
la deuxième partie.
La deuxième partie, nous permet de repérer 10
analepses, sept pour le chapitre quatre, trois pour le chapitre cinq et
zéro pour le dernier. La déchirure représente
l'unique chapitre où le nombre d'analepses est considérable.
Cette structure croissante de la première partie jusqu'au début
de la deuxième, et décroissante à partir du chapitre
quatre, est marquée par un bond temporel, une ellipse de dix ans. Ce
vide temporel nécessite un retour en arrière afin d'informer le
lecteur de la trajectoire narrative des événements d'où
les sept analepses du chapitre quatre, selon G. Genette ces analepses
« viennent combler (...) une lacune antérieure du
récit, lequel s'organise ainsi par omissions provisoires et
réparations plus ou moins tardive, selon une logique narrative
(...) »101(*).
Dans ce qui suit, nous allons retracer le parcours
analeptique des protagonistes avec l'aide d'Elisabeth. Au début de la
deuxième partie, les retours en arrière se font sentir et cela
pour appuyer l'intérêt et l'inquiétude que porte Elisabeth
à vouloir reconstruire son passé et plus exactement sa relation
avec son défunt mari et son refus d'avoir un enfant et donc d'être
père. Vers la fin de la deuxième partie, le nombre des
anachronies diminu jusqu'à disparaître, complètement, dans
le dernier chapitre. Cet ordre appauvri des segments rétrospectifs,
affiche un caractère plus serein d'Elisabeth qui finit par
accepter l'adultère de François et pardonner à Anne tout
en se réconciliant avec elle-même « Le lendemain,
gommée, brouillée avec son estomac, avec la terre entière,
Elisabeth décide d'en finir avec la colère, la rage, la haine,
l'amour (...) »102(*). A présent, elle peut envisager un nouvel
avenir avec Jérôme et concevoir un enfant :
« Elle (Elisabeth) un enfant parce que, contrairement
à ce qu'elle pensait, François n'est pas le seul père
possible et sa mort n'est celle des désirs d'Elisabeth. Elle veut un
enfant pour elle, égoïstement, (...) »103(*). Avoir un enfant a toujours
été le désir d'Elisabeth mais François ne
partageait pas son point de vue, ayant eu un père absent,
démissionnaire, il refusait de reproduire le même parcours
affectif. Cette nouvelle perspective, c'est-à-dire, penser à un
enfant et revivre, va mettre fin à l'utilisation des analepses qui n'ont
plus lieu d'être104(*).
Sachant que les indices temporels, sur lesquels nous venons de
prendre appui, ne sont pas suffisants pour renforcer le postulat de l'impact du
Père sur le déroulement des événements, nous allons
passer à une autre étape de l'analyse, qui nous semble importante
pour affirmer notre hypothèse : il s'agit d'interroger le
fonctionnement de l'ellipse. Nous constatons que cette dernière divise
le roman en deux parties et en deux points de vue différents, celui de
François dans la première partie et celui d'Elisabeth dans la
deuxième partie. L'un vit pleinement son adultère et l'autre
tente d'accepter l'infidélité de son époux.
b) Ellipse :
Selon G. Genette :
« Du point de vue temporel, l'analyse
des ellipses se ramène à la considération du temps
d'histoire élidé, et la première question est ici de
savoir si cette durée est indiquée ou
non. »105(*)
A priori, le décalage temporel entre la première
partie et la deuxième partie du récit est de dix ans c'est ce
qui provoque un vide sur le plan des informations et un besoin de
reconstruction à travers les segments analeptiques. Ce bond est un
« degré ultime de l'accélération, consiste
à sauter de la durée temporelle et des actions de la fiction,
dans la narration »106(*) , et donc, il se traduit comme un
phénomène qui introduit une vitesse qui développe l'axe du
raconté.
En d'autres termes, la brèche temporelle qui
sépare les deux parties du roman perturbe la linéarité du
texte sans oublier que l'auteure n'a pas relaté les
événements des sept dernières années où
François rencontrait Anne. Bien au contraire, l'écrivaine fait
avancer le récit en semant des anachronies de manière croissante
pour combler le vide thématique, et une fois que les informations ont
été restaurées, l'ordre devient décroissant.
Cette ellipse, placée au milieu des deux parties, est
comme un fossé qui sépare deux histoires. La première, est
celle d'un homme qui, après la mort de son père, se lance dans
une passion adultère avec une jeune étudiante, et qui finit par
en mourir. Et la deuxième, est celle d'une femme qui reconstitue son
passé, à partir des indices qu'elle rassemble. L'ellipse
sépare un destin tragique, celui de François, programmé
dès l'enfance et qui s'enfonce, inévitablement, vers la mort,
d'un destin optimiste, qui va vers un avenir meilleur, celui d'Elisabeth.
2.2.2- L'histoire comme signifiant : temps des verbes
(le présent et l'imparfait)
Entrer dans une oeuvre, c'est suivre son mouvement à
travers le rythme narratif. Un rythme souvent perturbé par les tensions
que connaît le récit. Nous nous proposons, pour cela, de faire un
travail sur les changements de temps qui seront suivis par des perturbations
de la fiction Pour mieux illustrer ce que nous venons d'énoncer, nous
pouvons dire que l'emploi des verbes à un temps précis, n'est pas
sans importance, il désigne soit une transformation capitale dans le
récit, soit un complément d'information et cela par le biais de
segments analeptiques et des moments de pauses présentés sous
forme de description.
Dans notre cas, on distingue une alternance entre les verbes
conjugués au présent et ceux conjugués au passé,
c'est-à-dire qu'il y a utilisation d'un temps précis dans le
domaine du discours et un autre dans la narration. Weinrich Hérald
parlera du monde commenté pour l'utilisation du présent, du
passé composé et du futur, et du monde raconté pour
l'imparfait, le plus-que-parfait, le conditionnel, le passé
antérieur et le passé simple. Son prédécesseur E.
Benveniste, nommera le monde du raconté histoire et celui du
commenté discours". H. Weinrich soutient que les verbes commentatifs
sont déterminants pour le récit et nécessitent une grande
attention de la part du lecteur car ils annoncent des
transformations contrairement aux verbes du monde raconté.
« En employant les verbes commentatifs, je fais
savoir à mon interlocuteur que le texte mérite de sa part une
attention vigilante. Par les temps du récit, au contraire, qu'une autre
écoute, plus détachée, est
possible. »107(*)
A partir de cette citation, l'attention est portée sur
l'évolution des verbes au sein de l'écriture. Les verbes
commentatifs, suggèrent la présence d'événements ou
d'actions, déterminants pour la compréhension de la fiction, et
dans ce cas le lecteur doit se concentrer et être vigilant, par contre
avec le monde du raconté,l'histoire, son attention peut être
moindre.
Passons, maintenant, à l'analyse de notre corpus. Dans
un premier temps, nous allons voir les temps se rapportant au personnage du
Père dans la première et la deuxième partie, ainsi que
l'évolution thématique qui les accompagne. Dans un
deuxième temps, le recours à une synthèse nous sera
indispensable pour faire le bilan de notre analyse.
Dans la première partie du roman, nous
comptons de nombreuse utilisations de l'imparfait comme temps de description et
de remémoration, surtout concernant la figure du père. Celle-ci
n'apparaît pas au début du récit mais plus loin dans la
narration et plus exactement dans le deuxième chapitre. Ce temps
intervient comme un outil descriptif de ce que fut l'enfance de
François. Cependant, nous tenons à préciser que notre
attention sera portée uniquement sur les temps qui font ressortir le
personnage du père. Il est vrai que ce personnage surgit au milieu de la
première partie, c'est-à-dire, au chapitre Le refus
(p.110) ; et est décrit sur deux pages de manière
nébuleuse comme si le protagoniste n'avait gardé aucun souvenir
de lui :
« Et il n'arrivait plus à
se rappeler son père avant ; avant la vieillesse, avant la
dégradation, avant la mort de sa mère. Rien. Il ne se
rappelait que d'un homme, vu de dos, sa boite à lunch dans une main, sa
casquette de chauffeur d'autobus sur la tête, qui s'éloignait
doucement. »108(*)
La focalisation du protagoniste à vouloir
se rappeler son père, vient d'un tout autre malaise : Anne. Cette
dernière, le pousse à chercher refuge dans sa mémoire,
dans son enfance, pour échapper à l'adultère. Ce
phénomène qui taraude l'esprit de François, du
début jusqu'à la fin de la première partie, s'exprime
à travers le présent. Ce temps permet au lecteur d'accéder
directement au coeur du problème, c'est-à-dire le désir
extra conjugal du héros, et cela à partir de la première
page du roman. Il est également important de signaler que les temps au
présent nous permettent de percevoir, de sentir, les battements de la
narration. Leurs présences sont remarquables dans l'oeuvre, ils font
avancer le récit à une vitesse instable, changeante de chapitre
en chapitre. Dans Le désir, ils amorcent un rythme de parcours
ascendant pour se voir accélérer dans Le refus et
atteindre leur cime dans La reddition. Quant à l'imparfait, sa
présence se limite à celle des analepses, et donc pas aussi
importante d'un point de vue chiffre, que le présent. Néanmoins,
on suppose que l'imparfait exprime les raisons pour lesquelles le héros
se sent envahi par un désir qu'il ne se connaissait pas. En d'autres
termes, « Les propositions comprenant un verbe à
l'imparfait (...) ne font pas, véritablement, avancer l'histoire. On
trouve essentiellement dans cet arrière plan des circonstances
secondaires, des descriptions (...) »109(*). L'absence de l'amour
paternel, chez François, l'a poussée, inconsciemment, à
chercher un abri affectif dans l'adultère. Nous pouvons présumer
que cette explication est valable pour Anne Morissette. Celle-ci, aura recours
à sa mémoire pour se rappeler un accident, celui de son
père, lorsqu'elle se sent perdue, déchirée à
l'égard d'un sentiment amoureux. Ce souvenir est présent pour
qu'elle n'oublie pas que « l'être humain reste seul,
toujours. Anne savait, du fond de son enfance, que l'amour ne sert à
rien d'autre que lacérer, déchirer, repousser. Elle ne
désirait pas s'en souvenir. Elle ne demandait que
l'oublie.»110(*) . Or, elle se souvient de tout,
grâce à la lettre de sa tante Jacynthe111(*) qui lui a permis de
recouvrir la mémoire de son enfance. Le père d'Anne est
décrit et raconté à travers un couple de temps le
plus-que-parfait et le présent. Le premier décrit ce qui reste de
l'enfance de l'étudiante : « Le sourire de son
père, son rire, et les gestes doux qu'il avait eus pour mettre les
souliers à sa petite fille éblouie. Il avait soigneusement
tiré les bas blancs, les avait pliés, avait attaché la
courroie mince et brillante (...) »112(*). Le deuxième raconte
avec exactitude l'accident du père ainsi que le comportement de la
petite fille chérie après le décès de ce dernier,
et cela par le biais de la lettre envoyée par la tante.
En utilisant le présent, dans la lettre, la tante
permet à l'enfant amnésique de retrouver une part
d'elle-même et de la vivre au même moment où se
déroule sa lecture.
Dans la deuxième partie, qui comprend une
cassure de dix ans, on apprend que François Bélanger est mort, et
que sa veuve découvre l'origine de ses maux. Ce que vit et surmonte
Elisabeth sont exprimés au présent, alors que le personnage de
Jérôme, père d'une adolescente et nouveau compagnon
d'Elisabeth, est décrit à l'imparfait. Sa fonction de père
fait de lui une cible parfaite pour Elisabeth car elle aurait bien aimé
avoir un enfant avec son défunt mari mais comme celui-ci n'en voulait
pas, elle se résigna et se contenta de remettre en question
l'éducation de Lucie, la fille de son nouveau partenaire. Ce dernier a
eu, d'un premier mariage, une fille et plus exactement une adolescente,
gâtée qui a « décidé d'abandonner ses
études (...) [et] s'est arrangée pour faire chanter le
prof de mathématiques »113(*). Lucie, la fille de Jérôme, ne
s'arrête pas là, elle décide d'aller en vacances aux frais
de son père. Ce comportement de petite fille révolte Elisabeth
qui n'hésite pas à témoigner son mécontentement.
Nous remarquons que l'écrivaine recourt à
l'imparfait pour désigner le personnage du père, que ce soit
celui de François, d'Anne ou encore JérômeCette
démarche indique au lecteur qu'« il faudrait (...)
insister sur le fait qu'une description est toujours transmission et
acquisition d'un savoir. Selon les types de fiction, ce savoir acquis par un
personnage peut jouer un rôle ou n'en jouer aucun dans la suite de
l'histoire racontée (...) »114(*)
Il convient de finir cette sous partie en
mettant en évidence le nombre des verbes à l'imparfait dans
chaque partie et signaler les passages qui font référence
à la matière première de l'action, à savoir la
figure du Père. En conjuguant le nombre des verbes à l'imparfait
avec les passages analeptiques, nous pouvons mettre en relief la relation
étroite qui existe entre les analepses et la présence du
Père. Il nous parait intéressant de chercher si ce personnage
fugace, qui n'est pas présent dans le roman mais auquel on fait
allusion, fait partie des réminiscences des protagonistes. Si c'est le
cas, il est évident que le comportement, de ces derniers, résulte
d'une responsabilité non assumée (le père de
François), ou d'une absence involontaire (le père d'Anne).
Notre hypothèse de départ, à savoir que
le nombre d'imparfait augmente dans les passages où figure le
père, se confirme à travers notre analyse. On constate que ce
temps va en ordre croissant jusqu'au chapitre trois pour ensuite faire une
chute vertigineuse au chapitre six. Il est vrai que l'imparfait suggère
le père mais il fait, également, référence au
passé et aux récits personnels de chaque protagoniste, c'est le
temps de la filiation.
Dans le premier chapitre, le nombre de verbes à
l'imparfait est de 375, le narrateur décrit l'état d'âme
de François et sa disposition à l'adultère. Pour le moment
l'imparfait n'a qu'un seul rôle, celui de fournir des détails
nécessaires à la bonne compréhension du récit et
éveiller l'intérêt du lecteur.
Dans le deuxième chapitre la situation est
différente, nous assistons à une augmentation de verbes
conjugués à l'imparfait, 538 verbes dont la plupart font
référence à l'enfance du protagoniste, plus
précisément à l'absence de son père, mais
aussi à sa mort récente qui le laisse perplexe. Vide de
souvenirs, amnésique, François souffre de l'absence d'un
rôle, celui du père. Cet équilibre qui lui est inconnu, va
l'influencer dans sa vie quotidienne. Sachant que François était
prédisposé à l'adultère dans le premier chapitre,
un élément viendra se greffer à sa vie et le faire passer
à l'acte, il s'agit de la mort de son père. Le désir de
retrouver la mémoire de son enfance et la mort de son père vont
faire naître en lui un sentiment nouveau, celui de la liberté,
« plus rien ne le retenait plus à rien, maintenant. Aucun
lien, aucun passé, aucun souvenir. Cette liberté l'oppressait, le
terrorisait. »115(*).
Mais nous nous apercevons, que dans le troisième
chapitre les verbes à l'imparfait sont à leur apogée, nous
relevons 912 verbes distribués de deux manières : la
première faisant référence aux ébats amoureux des
protagonistes et la deuxième renvoie, essentiellement, au père
d'Anne et cela par le biais d'une lettre, celle de la tante Jacynthe qui veut
permettre à sa nièce de retrouver son enfance et de mieux
comprendre ses agissements et désirs.
Dans le reste des chapitres, le nombre de verbes à
l'imparfait116(*)
diminue, nous sommes en contact avec une femme affligée,
désireuse de retracer le parcours de son défunt mari, en ayant
recours au passé de sa maîtresse. Son objectif est de comprendre
cette trahison, elle découvre que le point commun des amants est la mort
de leurs pères. Après de nombreuse déceptions, Elisabeth
finit par déduire qu'Anne recherchait l'image et l'amour de son
père dans sa relation avec François « (...) fille
de vingt ans qui va chercher un homme qui va la servir comme son père,
la comprendre comme son père l'aimer même quand elle est plate
comme avec son père. » 117(*). Cette allusion à l'inceste n'est pas moins
révélatrice du comportement de François. Ce dernier, ne
voulait pas avoir d'enfant avec sa femme de peur de reproduire le même
schéma affectif qu'avec son père, mais il finit par céder
et désirer un enfant avec son étudiante
préférée, cela laisse supposer que le héros a
réussi à travers son adultère à rattraper le
sentiment affectif qu'il n'a jamais eu.
En restant toujours dans nos hypothèses, nous supposons
que la mort de François était prévisible parce qu'il avait
commis l'inceste, l'irréparable, sur le plan symbolique.
L'utilisation dominante de l'imparfait coïncide avec
celle des analepses, donc « nous avons un arrière-plan sur
lequel se détacheront les actions des
personnages »118(*), c'est-à-dire que, dans Quelques
Adieux l'imparfait, et donc la description des pères , a une
place importante selon sa distribution dans l'oeuvre. Sa répartition
à des moments différents de la narration concorde avec les
segments rétrospectifs. Notre étude renforce le postulat de
départ, c'est-à-dire, la présence de retours en
arrière à travers l'imparfait exorcise la figure du père
et témoigne de son influence sur les événements
futurs119(*).
Nous venons donc de présenter la structure temporelle
de Quelques Adieux, d'un point de vue externe et interne, dans le but
de retrouver toutes traces du personnage du père. Les
éléments paratextuels ont dévoilé des indices se
référant au père et cela par le biais d'une architecture
saisissante, à savoir la présence des sept épigraphes, des
titres et des sous titres, pour chaque partie et pour chaque chapitre. Ces
derniers, introduisent des éléments de l'enfance, de l'amour, de
la passion, de la vie et de la mort. Même si, cette première
approche est insuffisante pour montrer l'impact du père sur les
protagonistes, néanmoins, elle n'en est pas moins intéressante,
car le paratexte est révélateur d'une diversité et d'une
richesse littéraire, ainsi que d'une connaissance scripturale qui fait
de l'auteure de Quelques Adieux, une cible parfaite de la recherche
littéraire.
L'analyse des temps internes, c'est-à-dire, les
analepses, l'ellipse et le temps des verbes, nous ont permis d'interroger la
figure fugace du père et de la repérer à travers une
écriture implicite. Avec les analepses, le passé des personnages
et plus exactement celui de François et d' Anne, remonte des profondeurs
de l'enfance et expose un manque affectif, important, lié au
père. Ce dernier ne cesse de hanter les protagonistes et de les
déstabiliser, au point de les projeter dans une passion
éphémère.
Quant à l'ellipse temporelle, elle s'inscrit dans le
cadre d'un parcours romanesque latent, qui sépare les deux parties du
roman, sans prévenir le lecteur de la présence d'une rupture de
dix ans. Cependant, la deuxième partie de l'oeuvre, nous renseigne sur
les événements qui se sont produits durant cette période.
En les relatant, nous observons que le personnage du père y est souvent
présent à travers la lettre de la tante Jacynthe, qui
ranime la mémoire d'enfance d'Anne concernant la mort de son
père, et par l'intermédiaire d'une rencontre, celle de la veuve,
Elisabeth, avec la marraine d'Anne. Egalement, par le biais des propos
d'Elisabeth qui, en voulant justifier l'infidélité de son
défunt époux, use de l'excuse de la mort de son père.
Et enfin, l'analyse des temps verbaux, et plus
précisément l'imparfait, indique une forte présence de ce
temps, dans le récit, lorsqu'il y a réminiscence de la part des
personnages. Cette constatation, nous a permis d'établir une
correspondance entre les analepses et l'imparfait, le résultat obtenu,
expose une constante du début de l'oeuvre jusqu'à sa fin, sous la
forme d'un personnage masculin qui endosse le rôle du père.
Ces résultats mettent en avant la redondance de la
figure paternelle, de manière implicite dans le récit, et de ce
fait sa localisation devient problématique. C'est dans cette optique,
que nous nous proposons de poursuivre notre travail en attribuant une place
importante à l'analyse spatiale.
CHAPITRE DEUX
« Etude Spatiale »
L'étude de l'espace est une étape
incontournable de notre recherche car elle constitue un réseau de sens
et de représentations :
« L'utilisation de l'espace romanesque
dépasse (...) la simple indication de
lieu. Elle fait système à
l'intérieur du texte alors même qu'elle se donne
avant tout, fréquemment, pour le reflet
fidèle d'un hors- texte qu'elle prétend
représenter. C'est dire que l'étude de
l'espace romanesque se trouve
inextricablement liée aux effets de
représentativité. »120(*)
L'espace littéraire n'est plus considéré
comme énumération des lieux empruntés par les personnages,
il est transposition d'un imaginaire, celui des protagonistes où
certaines images sont révélatrices d'une angoisse ou d'une
préoccupation.
L'espace romanesque est une donnée importante dans
l'analyse de la figure paternelle, il s'agira pour nous d'étudier cette
donnée spatiale afin de mettre en avant les lieux qui provoquent, chez
les protagonistes, des réminiscences liées au personnage du
père. A cet effet, nous envisageons deux axes d'analyse : le
premier se construit autour des espaces signifiants et le
deuxième propose une lecture de l'espace.
Nous pouvons, dans un premier temps, définir ces deux
approches de l'espace afin de mentionner l'intérêt de ce plan dans
l'analyse de la figure paternelle.
Les espaces signifiants désignent tous les
lieux se rapportant aux déplacements des personnages, car
« dans un récit, un lieu devient souvent l'objet d'une
description : il est alors conseillé de l'étudier en tant
que décor. Maints narratologues modernes ont insisté sur la
nécessité d'envisager la description selon ses aspects externes
et selon ses aspects internes »121(*), c'est-à-dire que la
première démarche de l'analyse spatiale consiste à faire
un relevé des espaces, et étudier la place de la description par
rapport aux événements de la fiction. Cette première
démarche facilite l'accès aux diverses interprétations
possibles des lieux. C'est dire que les aspects internes ont une fonction de
représentativité et c'est ce qui va alimenter notre
deuxième démarche, à savoir une lecture de
l'espace.
Après l'inventaire des lieux, notre étude
s'attardera sur la répartition des espaces en fonction des
déplacements et des événements liés aux
personnages. Cette deuxième démarche nécessite une
attention particulière non seulement sur le choix et la fonction des
espaces distribués, mais aussi sur certains thèmes et objets qui
tissent des réseaux symboliques.
De cette lecture de l'espace découle deux sous
parties, une première liée au choix et à la distribution
des lieux, et une deuxième faisant intervenir la dimension symbolique de
certains thèmes, l'amour et ses différents aspects, la mort et
les relations amoureuses et sexuelles ; et un objet, la gravure de
Florence.
Nous pouvons, maintenant, à partir du plan
énoncé passer à la première démarche de
notre étude, à savoir Les espaces signifiants.
I. Des espaces signifiants
Il s'agit de montrer les déplacements des personnages
en divers lieux, car le romancier « est en effet attentif aux
rapports qui existent entre les personnages qu'il crée et l'univers
romanesque qui les entoure. Pour mieux nous faire voir ses héros, il
plante le décor à l'intérieur duquel ils se
meuvent. »122(*). Une étude de la répartition des
lieux, a pour objectif de montrer la place qu'un lieu occupe dans une histoire
et son rapport à la fiction, c'est-à-dire, que chaque
décor est choisi en fonction du comportement et des actions des
personnages. Il est important de signaler que notre analyse se fera en deux
étapes se rapportant aux deux parties de l'oeuvre :
Premièrement, nous allons repérer les déplacements des
protagonistes, dans la première partie du roman. Deuxièmement,
nous allons suivre la trajectoire d'un personnage féminin, Elisabeth,
qui menant une enquête, se déplace régulièrement et
domine la deuxième partie du roman.
1-Itinéraire des protagonistes : Dans la
première partie de l'oeuvre
Selon Jean WEISGERBER, le propre de l'espace romanesque est
d'être verbal123(*). Étudier la construction de l'espace dans un
texte est tout aussi importante que le sens qui en découle. L'espace
dans lequel évoluent les protagonistes n'est pas le résultat du
hasard, cette mise en place de lieux a un effet d'opposition, de
symétrie ou de répétition. Nous nous proposons de voir les
points de conjonctions et de disjonctions dans le parcours de François
Bélanger et d'Anne Morissette.
a) Le parcours de François
Le chemin qu'emprunte ce héros, depuis qu'il s'est
découvert une « nouveauté qu'était le
désir extra- conjugal »124(*), est redondant. On le voit circuler dans des
espaces différents liés, tantôt, à sa vie
professionnelle, l'université, à sa vie conjugale : c'est la
maison rue Gomin , et tantôt, à sa vie extraconjugale :
l'appartement de son étudiante, rue Fraser.
Cette transformation ne se fait pas rapidement, il y a un
processus émotionnel qui guide le personnage et donne lieu à une
géométrisation de l'itinéraire.
De l'Université à son bureau, de son bureau
à sa classe, et de sa classe à sa maison, rue Gomin .
François a le parcours d'un homme socialement complet dans son
quotidien. Or, avec la naissance du désir, son parcours ne change pas
dans le premier chapitre , mais il subit des modifications sur le plan
émotionnel, c'est-à-dire qu'il prend des allures de fête,
d'hésitation et de torture, il vit, intensément, les moments
passés dans le milieu professionnel, et la raison en est : la
présence d'une étudiante Anne Morissette.
Dans le deuxième chapitre, des transformations
surviennent, François Bélanger suit le même cheminement,
cependant il rajoute à ses déplacements un lieu : Rue
Fraser, l'appartement de son étudiante A. Morissette.
En d'autres termes, le trio Université, Classe et
Bureau s'intensifie avec le désir du protagoniste et de son
étudiante. Ces lieux, souvent fréquentés et où la
passion se développe, poussent les personnages à chercher une
excuse à leurs émotions, et par la même occasion envisager
une relation asociale. L'excuse retenue, sera la mort du père de
François. Cette cassure va propulser les amants dans un autre
décor, celui de l'appartement Rue Fraser.
Ce lieu, asocial, non -autorisé pour un homme
marié, est un lieu de rencontre et de transit que choisit le
protagoniste pour défier les moeurs sociales, et va devenir le
pôle central de sa relation adultère.
Le circuit de notre personnage se verra, encore une fois
troublé par l'avènement des vacances scolaires, nous le verrons
dans d'autres lieux que le trio Université, Classe et Bureau et Rue
Fraser, même si ces endroits sont toujours présents, d'autres
s'imposent tels que le cinéma Cartier lieu où sa rencontre
avec Anne, après une séparation, provoque « une
souffrance intacte qui déchirait ses
entrailles »125(*). Puis, la campagne, lieu de vacances et de
détente, se voit troublé et transformé, par les
pensées de François. Ce dernier, dans sa solitude, s'autorise
à penser à Anne « l'imaginer, la sourire, la
regretter là, tout seul. »126(*) , et en même
temps, l'intimité partagée avec sa femme , Elisabeth, lui permet
de se sentir plus proche d'elle et de « la considérer d'un oeil
neuf. Il la trouve belle, solide et (...) passionnément
vivante. »127(*). Et enfin Montréal, qui permettait
au personnage principal de voir Anne, deux fois par semaine. C'est un lieu
où les amants pouvaient vivre leur histoire. Pour eux, cet endroit
« n'aime pas les limites grossières que les villes de
province s'imposent avec tant de plaisir et de
fierté »128(*)
La trajectoire de
François129(*)
indique des périodes d'actions et de repos liées à son
histoire avec Anne. Cette alternance événementielle autorise le
lecteur à entrevoir des endroits redondants en rapport avec : la
vie conjugale de F. Bélanger, et sa nouvelle condition d'homme
infidèle. Afin de mieux distinguer l'importance de la spatialité
liée à ce personnage, il est nécessaire d'établir
celle de sa maîtresse.
b) Le parcours d'Anne Morissette
Les déplacements d'Anne sont ressemblant à
ceux de François, néanmoins le trio Université, classe et
bureaucède la place à un autre trio Université, classe et
Restaurent de la Jonction. Comme François, Anne partage presque les
mêmes espaces, sauf, pour le restaurant de Jonction. Ce dernier, est un
lieu de réflexion, de sérénité et de solitude,
où « Anne était bien. Elle retrouvait son calme
(...). Par bonheur, elle arrivait à ne penser à
rien. » 130(*)
Célibataire, Anne n'a pas le même quotidien que
le personnage principal, nous ne faisons pas référence à
sa vie universitaire mais à sa vie nocturne. Contrairement à son
amant, il lui arrive de passer la nuit avec des hommes qu'elle ne connaît
pas, chez elle ou ailleurs. Par ailleurs sa nouvelle préoccupation,
c'est-à-dire les sentiments et le désir qu'elle porte à
son enseignant, vont la métamorphoser en une jeune fille
sédentaire, appréciant et dépréciant son
appartement et sa chambre, devenus les lieux essentiels de la relation
fiévreuse des personnages, mais aussi les lieux de toutes les douleurs
du passé: la mort de son père alors qu'elle n'avait que sept ans
et le remariage de sa mère.
Nous signalons, également, que les déplacements
de notre étudiante sont ambigus, on la voit prendre le chemin de
Montréal avec François, à son retour, elle est
changée, et adopte un autre comportement celui de la fuite. Sa fuite
s'exprime par des disparitions régulières en des lieux inconnus
des personnages et du lecteur. L'écrivaine ne donne aucun indice, on
apprend par le biais de l'inquiétude de François et
d'Hélène, qu'Anne est partie sans laisser d'adresse. Le silence
qui règne sur ces endroits sans nom, est une stratégie
d'écriture permettant à M. Laberge de transmettre au lecteur la
même angoisse que les personnages, et l'envie de comprendre les
réactions d'Anne. « Elle pouvait partir pour une ou deux
semaines, sans donner de nouvelles, sans avertir (...). Elle partait. Elle se
sauvait »131(*)de l'amour qui l'envahissait et l'étouffait.
Ces lieux « secrets et interdits »132(*)lui permettaient de purger sa
peine, d'avoir aimé ; « elle en revenait blanche, maigre,
épuisée (...) »133(*). Après ces moments d'absences, le
récit suit son cours, et le personnage reprend sa trajectoire
initiale.
Pour le moment, notre représentation de l'espace est
dépourvue d'interprétations car notre but est de retrouver,
uniquement, le parcours des protagonistes. Nous pouvons, également,
renforcer notre exposé, à partir d'une description regroupant
tous les lieux fréquentés par Anne et François, dans les
trois premiers chapitres. Notre objectif est d'avoir une structure topologique
précise du parcours des protagonistes. Or, une fois
dépassé l'inventaire des unités spatiales, nous pourrons
aisément en dégager le sens.
Dans le chapitre un, qui a pour titre Le désir, nous
évoquerons le trajet de chaque protagoniste, puis nous soulignerons les
lieux de jonction.
Le personnage principal, François Bélanger,
emprunte le même parcours durant un trimestre, qui correspond dans
l'oeuvre au premier chapitre. Nous le voyons donner ses cours à
l'Université, en classe, on le voit perturbé par une
présence féminine, celle de son étudiante Anne Morissette.
Cette dernière, suscite en lui des réactions et des
comportements inattendus, c'est-à-dire, qu'en essayant de fuir son
désir de la voir, il la provoque en classe à partir de certains
cours comme celui des soeurs Brontë, et tente de l'humilier. Comme si
l'humiliation allait atténuer ses pulsions. Pour fuir son désir,
sa classe et son étudiante, il se réfugie dans son bureau.
Le seul endroit où elle, Anne, ne l'atteindra pas, mais elle
peut, néanmoins, occuper ses pensées. Pour une meilleure
protection, François rentre chez lui, chemin Gomin , dès
qu'il retrouve sa femme, Elisabeth, son intimité, il est comme
rassuré et retrouve sa sérénité.
Anne Morissette prend, chaque jour, le chemin de
l'Université, en classe, c'est une jeune fille absorbée par le
savoir qui lui est transmis, sauf, pour le module de littérature,
enseigné par François Bélanger. Dans sa classe, elle se
sent agressée par l'intérêt que son professeur lui porte,
elle voudrait ne pas partager son désir. Lors d'un débat sur les
soeurs Brontë, et qui a duré trente minutes, Anne sait qu'elle
est, irrémédiablement, liée à François. Le
seul endroit qui lui permet de se calmer et de ne pas penser à son
désir, est le restaurant de la Jonction. Mais cette sensation
d'apaisement ne dure pas longtemps, Anne est rattrapée par
Hélène Théberge, sa meilleure amie. Celle-ci est loquace
et pleine de questions, tout le contraire d'Anne. Après le restaurant de
la Jonction, Anne rentre chez elle, Rue Fraser. Elle vit dans un appartement
avec sa meilleure amie, mais elle passe, souvent, ses nuits dans les bras de
jeunes hommes différents. Celui qui apparaît dans le premier
chapitre, est Gaetand Durand, Anne le fréquente mais sans qu'il y ait,
de sa part, un quelconque attachement, pour elle il s'agit d'une relation qui
lui procure du plaisir. Elle refuse tout témoignage d'amour et si
elle se voit confrontée à ce genre de situation, elle fuit, comme
fut le cas de ce jeune homme.
A partir de cette répartition des lieux, nous
remarquons que certains sont communs, partagés par les personnages. En
premier lieu, l'Université, l'endroit où les protagonistes se
croisent. En deuxième lieu, la classe, l'espace des débats
intellectuels comme pour les soeurs Brontë, et le lieu du
désir car les personnages partagent la même attirance. En dernier
lieu, le bureau de François, son lieu de méditation qui va
être perturbé par la présence de son étudiante
préférée. Pour la première fois Anne se
présente au bureau de son professeur. Et l'objectif de ce dernier, est
de présenter ses excuses suite au débat qu'il a animé avec
son étudiante en classe, sur les soeurs Brontë. Cette
première intimité, va leur permettre de découvrir leurs
goûts littéraires.
Dans le chapitre deux, intitulé Le refus,
François garde, toujours, le même parcours, cependant, d'autres
informations nous parviennent : Son nouveau désir le pousse
à changer de comportement en classe. Il décide d'être
ferme. Il change de comportement même chez lui, il se surprend à
ressasser le passé, il revoit sa mère morte, son père
absent et ses frères s'éloigner de lui. Toutes ces perturbations
sont liées au sentiment nouveau qui l'assaille.
D'un autre coté, Anne, tourmentée par le
même désir que François, décide de
« s'en éloigner comme d'un être
vénéneux »134(*). A l'université et en classe, elle se fait
discrète, elle combat son envie, sa tentation, en ayant une aventure
avec Louis Tremblay, son nouvel amant, pour un jour.
Nous constatons que le désir pousse les protagonistes
à adopter des comportements qui ne leur ressemblent pas. Ce désir
s'affirmera et prendra forme lorsqu' Anne et son amie Hélène se
présenteront au bureau de François, le jour de ses 39ans. Sous
l'influence de Jacques Langlois et de Théberge, Anne embrasse
François sur le joue. Cette deuxième rencontre dans le bureau de
François en présence d'autres personnes, ne laisse pas les
amants sans émoi. Lorsque arrive leur troisième rencontre et sous
prétexte d'avoir perdu son père, François ainsi que son
étudiante ne résistent plus et se laissent prisonnier d'un long
baiser. Séparés, ils se donnent rendez-vous au restaurant de la
Jonction, lieu où leur future intimité se décidera. Ayant
retenu l'appartement, Rue Fraser, les amants consomment leur désir.
Le chapitre trois, intitulé La reddition, s'ouvre sur
un lieu commun aux amants, celui de la chambre Rue Fraser, qui abrite les corps
des personnages. Nous observons, que les lieux de jonction dominent dans ce
chapitre, contrairement aux chapitres précédents. La chambre
d'Anne devient un espace très fréquenté de la part des
protagonistes. Avec l'arrivée des vacances d'été, les
amants se séparent et chacun suit une trajectoire
différentes : Pour François, c'est la campagne qui l'attend,
avec sa femme, puis il revient au chemin Gomin vers la fin de
l'été. Pour Anne, les vacances sont une source de
réminiscences, surtout dans sa chambre où elle se rappelle la
mort de son père. Mais une fois sortie de son appartement, elle se
trouve un travail d'été au gouvernement et tente d'oublier
Françoise en ayant une nouvelle conquête Jean Yves.
Après avoir cité les espaces individuels
utilisés par les personnages, nous remarquons que le chapitre revient
aux lieux de jonction : cela commence par une première rencontre au
cinéma Cartier, où les amants ont souffert de leur collision.
Puis une deuxième à l'Université, avec la rentrée
universitaire, où ils ne résistent pas à la tentation
d'aller Rue Fraser pour s'abandonner à la passion dévorante qui
les unit. Et enfin, une troisième à Montréal pour vivre,
temporairement, leur pacte du corps dans un espace loin de Québec.
Cette répartition spatiale du chapitre trois, expose
une structure particulière : Nous distinguons, dans un premier
temps, des espaces communs, dans un deuxième temps, des espaces et des
trajectoires séparés, et dans un troisième temps, nous
revenons, encore une fois aux espaces collectifs.
La localisation spatiale d'Anne comporte des
éléments de jonction avec certains espaces empruntés par
son amant. Comme lui, son parcours est doté de deux vitesses, l'une
rapide qui s'effectue durant l'année scolaire et l'autre lente qui se
réalise pendant les vacances.
La description des deux parcours, révèle un
sentiment de complicité et une tonalité mensongère,
c'est-à-dire que chaque protagoniste se trouve dans une situation
inconfortable par rapport à la société, et de ce fait les
amants sont dans l'obligation de mentir à leur proche :
François ment à Elisabeth, sa femme, et Anne à son
entourage. Cette première démarche spatiale décrit le
parcours des amants dans la première partie de l'oeuvre, alors que la
deuxième partie du roman expose l'itinéraire d'Elisabeth que nous
nous proposons d'examiner.
2- Le trajet inverse d'une veuve : Dans la
deuxième partie
Selon A. Camus « La vérité vaut
tous les tourments » Elisabeth, épouse de François
Bélanger, en a fait l'expérience et désire plus que tout
comprendre la trahison de son défunt époux ; pour cela elle
mènera une enquête. A travers celle-ci, nous tenterons de
reconstituer ses déplacements.
Le récit nous conduit dans plusieurs lieux
différents, dont le premier est le bureau de François. Ce
dernier, gardait, précieusement, les devoirs d'Anne Morissette
qu'Elisabeth finit par découvrir. Elle se pose des questions auxquelles
elle ne trouve pas de réponse. Désireuse de connaître la
vérité, elle raconte sa découverte à ses amis,
Mireille et Jacques. Ces derniers, confirment ses soupçons. Cette
réalité provoquée par les devoirs conservés, saisit
Elisabeth d'angoisse. Elle se voit chercher des indices dans toutes les
directions possibles, afin de retrouver la dite Anne Morissette. Et c'est
à partir de cet instant qu'on la verra s'aventurer sur un terrain
miné qui peut soit provoquer sa mort ou lui procurer la paix de l'esprit
et de l'âme.
Sous le choc, Elisabeth s'isole à la campagne. Ne
parvenant pas à comprendre ce qui lui arrive, elle se perd
volontairement dans un bois pour pleurer sa détresse, son
désarroi. Après avoir accepté l'idée que son mari,
mort d'un cancer, ne lui ait rien dit sur son aventure, elle entreprend des
démarches pour en connaître les raisons. Elle rend visite à
la meilleure amie de sa rivale, Hélène Théberge, mais
à son grand regret, elle n'apprend rien sur l'endroit où se
trouve Anne. Sa deuxième réaction sera d'aller à
l'Université pour obtenir des informations, mais en vain.
Troisième réaction, voir la tante Jacynthe au 1080 Laurier, qui
fut une mère pour Anne, son adresse lui a été
communiquée par H. Théberge. La tante explique les raisons qui
ont poussées sa nièce à désirer un homme
marié mais sans pour autant lui donner son adresse :
« Anne aimait François mais ne
pouvait pas supporter l'angoisse qu'un tel amour
Provoquait. Anne allait à sa
perte en aimant François. Elle le savait, mais
N'arrivait pas à faire
autrement. Et puis, François est mort peu de temps après
(...). Anne est venue près de
moi (la tante Jacynthe), on a parlé encore longtemps
De François, d'elle, de son
père, de son passé (...) »135(*)
Fatiguée, Elisabeth rentre chez elle, mais elle garde
l'espoir de retrouver Anne au 1080 Laurier, lors de la fête de
noël. Pour la veuve, la maison de la tante représente son passeport
vers la vérité.
Nous pouvons enrichir cette topographie à travers une
récapitulation de tous les espaces empruntés dans la
deuxième partie de l'oeuvre, et cela dans le but de mieux en saisir le
sens.136(*)
La deuxième partie de l'oeuvre comporte trois
chapitres, le premier a pour titre La déchirure, le second La
quête et le dernier La fin. Ces derniers, vont nous permettre de retracer
le parcours d'Elisabeth.
D'abord La déchirure, ce chapitre nous renseigne sur la
mort de François et sur les nouvelles préoccupations d'Elisabeth.
Cette dernière, travaille dans le domaine social, une fois dans son
bureau, elle pense à sa peine qui ne s'apaise pas après le
décès de François, « sa douleur, elle ne
l'analyse pas, elle la juge interminable »137(*). De retour chez elle, chemin
Gomin, la veuve décide de faire le trie dans les affaires de son
défunt époux. C'est à ce moment là qu'elle
découvre son adultère. Elle se réfugie dans son lieu de
travail et plus exactement dans son bureau. Tourmentée, ne sachant pas
quel comportement adopter, elle se dirige vers la maison de campagne pour avoir
les idées claires. Affolée, étouffée, la veuve
éprouve le besoin de marcher à pieds, dans la neige, c'est alors
qu'elle se perd dans un bois. Sauvée par Jérôme, son nouvel
amant, elle regagne sa maison. Elisabeth décide de mener une
enquête, sa première démarche sera d'aller se renseigner
à l'Université. N'ayant aucune information, elle sollicite l'aide
de Jacques et de Mireille.
Puis La quête, dans ce chapitre Elisabeth obtient des
informations sur la relation adultère de son mari, par
l'intermédiaire de Jacques. Mais son envie de connaître la
vérité n'est pas assouvie, elle veut rencontrer Anne. Avec l'aide
de Mireille, la veuve obtient l'adresse d'Hélène Théberge,
la meilleure amie de A. Morissette. Elisabeth va la voir, toujours insatisfaite
parce qu'elle n'a pas pu retrouver la jeune étudiante, elle demande une
adresse qui pourrait la mener vers elle. C'est alors, que le domicile de la
tante Jacynthe, la marraine d'Anne, lui a été indiqué.
Elisabeth se présente au 1080rue Laurier, elle rencontre la tante et
découvre toute l'histoire, dans les moindres détails. Or, son
désir de voir Anne ne s'apaise pas. Une fois chez elle, Elisabeth garde
en tête l'idée de retourner chez la tante la nuit du 24
décembre afin de voir A. Morissette.
Enfin La fin, où Elisabeth surveille la maison de la
tante Jacynthe, la veille de Noël, et aperçoit Anne en sortir.
Elle va à sa rencontre dans une épicerie. En la voyant,
anéantie, vieillie et enceinte, elle décide d'enterrer son
passé. Sa dernière destination après la Rue Laurier, est
la maison de Jérôme, avec qui elle envisage un avenir.
Cette première approche de l'espace est une
étape informative en rapport avec les déplacements des
personnages. Elle permet, également, de saisir une structure signifiante
liée aux adresses énoncées, c'est-à-dire que chaque
espace cité est prédisposé à être
révélateur d'une information importante. Pour que la dimension
signifiante soit mise en valeur, nous nous proposons d'examiner les
capacités signifiantes de la localisation.
II. Lectures de l'espace
L'espace de la fiction, doit être abordé de
manière précise, car chaque lieu cité, dans le roman,
constitue un système signifiant, qui « n'est pas
toujours (...) lisible. Une lecture véritablement construite s'efforcera
de dégager, au-delà de l'anecdote rapportée, les possibles
capacités symboliques de la localisation »138(*) . Il s'agit, donc,
d'analyser les espaces romanesques en se référant aux
possibilités de sens qui pourraient emmagasiner.
Il est important de signaler que notre objectif, est de voir
comment l'écriture de l'espace marque la présence du père.
Selon Goldenstein :
« L'utilisation de l'espace
romanesque dépasse (...) de beaucoup la simple
indication de lieu. Elle fait
système à l'intérieur du texte alors même qu'elle
se donne avant tout,
fréquemment, pour le reflet fidèle d'un hors-texte qu'elle
prétend représenter.
C'est dire que l'étude de l'espace romanesque se trouve
inextricablement liée aux
effets de représentativité. »139(*).
Cette citation, met en avant le rôle de l'espace
romanesque qui ne se limite pas à une indication de lieu, il s'agit
d'aller au delà de la localisation spatiale, de prétendre
à une représentation liée au texte.
Dans Quelques Adieux, M. Laberge utilise des espaces
conformes, non pas à la chronologie de perception des faits, mais
à leur ordre réel de succession, c'est-à-dire, que les
espaces qui se précisent dans le roman, sont basés sur des
éléments signifiants. En d'autres termes, l'espace romanesque est
lié aux effets de sens qui se dégagent du texte. Pour notre part,
nous allons voir si ces effets de sens indiquent la présence d'un
personnage fugace, le père, qui est peu présent directement dans
le roman. Dans notre premier axe de travail portera sur l'usage des
déplacements et de la distribution des espaces. Et le deuxième
axe, mettra l'accent sur les espaces symboliques.
Dans notre analyse de l'espace, il est important de recourir
à des notions et à des théoriciens qui pourraient nous
aider à retrouver le système signifiant relatif au personnage du
père. Nous pensons que l'étude nos deux axes nécessitent
de faire appel aux travaux mis en place par Gaston Bachelard. Ces derniers vont
nous permettre d'expliquer, dans La poétique de l'espace140(*), les espaces
symboliques. Cela n'exclut, aucunement, la référence à
d'autres théoriciens.
1- Les déplacements et la distribution des
espaces
La distribution des espaces est en rapport avec les effets de
sens qui dépendent de la division spatiale, dans laquelle les
personnages s'insèrent et se meuvent. Il ne s'agit pas, dans l'espace
fictif, de juxtaposer les endroits et voir leur mode de transformation. Bien au
contraire, il s'agit d'aller au delà de la disposition spatiale de
mettre en relation les lieux fictionnels et qualitatifs qui
s'établissent entre les personnages et les lieux dans lesquels ils se
meuvent, selon Caroline Andriot- Saillant « (...) l'espace
littéraire, la dispersion, la fissure, le vertige de l'espacement, la
solitude, éclairent à la fois l'expérience du personnage
(...) »141(*) .
Pour illustrer notre théorie de l'espace producteur de
sens, nous avons opté pour le relevé, l'analyse des lieux
cités et la trajectoire des personnages, dans le roman, afin de faire
ressortir le lien qui existe entre l'espace et le personnage. Cette relation
peut nous permettre d'obtenir des explications sur l'adultère des
protagonistes, et voir en quoi la figure du père en est responsable.
a) L'Université
L'université comme son nom l'indique est un lieu de
savoir, d'apprentissage et d'éducation, or cette institution devient un
lieu de désir a- social, exprimé à travers nos
protagonistes, Anne et François, qui éclate après la mort
du père Bélanger.
Cet endroit comporte des lieux où les personnages ont
vu leur désir accroître, nous pouvons citer la classe, où
ils se sont vus résister à la tentation par
l'intermédiaire d'un conflit sur la littérature anglaise et plus
exactement sur le personnage de Emily Brontë
« Pendant trente minutes, il s'en souvient, la
classe avait été passionnée par le débat et avait
suivi l'échange entre le prof et cette Anne Morissette si éprise
d'Emily Brontë. Ils avaient argumenté, ratiociné,
s'étaient affrontés dans une joute passionnante et il ne savait
plus qui avait gagné. »142(*)
Le refus de céder au désir, a
entraîné un comportement changeant : pour François,
allant de la sévérité à la passion professionnelle,
il « se présenta à l'université raidi dans
sa décision de ramener ses rapports avec ses étudiants à
des proportions plus acceptables. Ce qui signifiait de cesser de rêver
à une étudiante. Le résultat fut que tous les
étudiants le trouvèrent distant et plutôt
sec. »143(*). Pour Anne, il s'agit de discrétion, elle
« écoute, enveloppée dans un chandail rose en
laine mousseuse qui lui donne un teint transparent. Les yeux brillants, les
bras croisés sur son désir, son attention est si intense que
François la perçoit presque penchée en
avant. »144(*).
Ce changement de comportement « nous rend
à la primitivité du refuge. Physiquement l'être qui
reçoit le sentiment du refuge se resserre sur soi-même, se retire,
se blottit, se cache,(...). En cherchant dans les richesses du vocabulaire tous
les verbes qui diraient toutes les dynamiques de la retraite
(...) »145(*).
En d'autres termes, pour ne pas commettre
l'irréparable, François Bélanger s'abrite dans sa classe
en donnant ses cours avec une hardiesse exemplaire. Passionnée, son
« assaut » 146(*)en fait autant, pour ne pas succomber, elle oriente
tout son désir vers l'absorption d'un savoir, désormais, ses
seuls centres d'intérêt, sont ses cours de littérature.
Hormis la classe, le personnage principal trouve un autre lieu
favori, un endroit sans quelqu'un pour perturber sa conscience, il s'agit de
son bureau. Ce lieu est un coin de méditation 147(*)et de travail ; mais
plus pour longtemps. Après avoir perdu son père, François
se sent perdu. Cette mort va remettre en question son enfance, il a
l'impression, constante, de chercher quelque chose sans y parvenir. Il
« ne parvenait pas à ramener le calme et la
quiétude dans sa vie. Quelque chose s'était effectivement
brisée avec la mort de son père. Il avait l'impression dangereuse
de marcher sur un quai inconnu un soir de tempête et d'avancer dans la
plus pure inconscience vers le bout du quai, qui peut-être descendait en
pente douce vers la mer ou peut-être finissait
brutalement. »148(*).
Ce passage montre l'angoisse que vit François, car la
présence d'un père est indispensable pour l'équilibre d'un
homme. Même si son père était peu présent dans sa
vie, néanmoins, sa seule existence suffisait à le rassurer. A
présent que le père Bélanger est
décédé, François est tourmenté et vit un
conflit intérieur. Cet orage va l'éloigner de son sens des
responsabilités, ayant besoin de se confier, il convoque dans son bureau
son étudiante préférée.
Cette première rencontre, dans un endroit clos à
l'abri des regards indiscrets, va libérer les consciences et laisser la
place aux corps.
Dès que Anne, apprend l'inquiétude et la
détresse de son enseignant, il y a comme un flottement dans l'air qui
traduit une complicité liée à la perte d'un père
« -Mon père est mort la semaine
passée.
(...)-Vous avez beaucoup de peine ?
-Pas vraiment, non. Ou plutôt, de la peine pour
moi, pas pour lui. Je le connaissais très peu.
-Je pensais qu'on connaissait toujours très peu
son père.
-Ah oui ? Vous croyez ?
-Je ne connais personne qui connaît son
père.
-Pourquoi alors les gens disent que c'est une relation
importante, essentielle ?
-Parce qu'ils ne connaissent pas leur père et
qu'ils le regrettent. »149(*)
Cet extrait comporte de nombreux points d'interrogation en
relation avec l'angoisse et la peur du personnage principal. Ce dernier
prétend ne pas avoir de la peine et donne comme justificatif, l'absence
de son père. A travers ce comportement, François cherche des
explications et une logique à ses sentiments, c'est pourquoi Anne
Morissette le rassure et le réconforte en déclarant que les gens
partagent son angoisse. Les propos d'Anne et sa logique, expriment une faille
dans sa relation avec son père, que François détecte,
c'est pour cette raison qu'il se sent lié à elle.
Cette mort est aussi vécue comme une libération
sur le plan social.
« (...)
-Depuis que mon père est mort, j'oublie tout, je
mélange tout, je suis devenu idiot.
On dirait qu'il a emporté avec lui mon sens des
responsabilités.
-ça doit faire du bien.
Cette fois, il est franchement surpris. Il n'avait
jamais considéré la question sous l'angle
relaxant que cela pouvait
avoir. »150(*)
La société Québécoise est une
société patriarcale où le père représente
l'ordre et le pilier de la famille. En sa présence, l'enfant se sent en
sécurité mais en même temps il est dépourvu de
liberté. L'autorité d'un père est nécessaire pour
l'épanouissement d'un individu, elle lui permet de connaître ses
limites et de respecter la société. Notamment, sa mort est une
perte de repère qui entraîne un déséquilibre
psychique.
Ce premier lieu exploité, détient des
informations sur la progression émotionnelle des protagonistes :
ils passent du statut de regards échangés et de conflit, à
celui de conversation dans le bureau de François. Nous pouvons,
également, observer une variation du désir à travers
d'autres lieux tel que la maison.
b) La maison
La notion de maison, chez nos deux personnages, est
différente. Pour l'un, c'est un lieu de repos, de bien être, de
refuge et de vie de couple. Pour Anne Morissette, c'est l'endroit où
elle exerce sa liberté.
Le Chemin Gomin abrite une relation de couple qui donne l'air
d'être indéfectible mais celle-ci se voit altérer par la
mort d'un proche (le père).Dès lors, François n'est plus
le même, Elisabeth, sa femme, essaie tant bien que mal de comprendre ses
déboires, et en femme modèle, elle patiente.
La maison qui était autrefois un abri, un refuge, va
devenir le lieu où « le passé, le présent et
l'avenir donnent à la maison des dynamismes différents, des
dynamismes qui souvent interfèrent, parfois s'opposent, parfois
s'excitant l'un l'autre. »151(*)
Pour Anne la maison n'existe pas, cette dernière a
disparu avec la mort de son père. Mais sa mémoire garde l'image,
intacte, d'une maison chaleureuse et pleine d'amour, selon Bachelard
« c'est par l'espace, c'est dans l'espace que nous trouvons les
beaux fossiles de durée concrétisés par de longs
séjours. L'inconscient séjourne. Les souvenirs sont immobiles
d'autant plus solides qu'ils sont mieux
spatialisé »152(*). Cet avantage du souvenir, François ne le
possède pas. Contrairement à Anne, il ne dispose pas d'un socle
solide qui lui permette de tenir de cap de l'avenir.
L'appartement Rue Fraser, partagée avec
Hélène Théberge, ne laisse pas beaucoup de place à
Anne, c'est pour cette raison qu'elle se cache, souvent, dans sa chambre.
Ce deuxième lieu analysé, marque les
changements affectifs des amants, de l'état de refus de céder
à l'adultère à celui d'angoisses et de
réminiscences. Ces perturbations vont les propulser vers la consommation
du désir, dans la chambre de l'étudiante. Cette pièce tant
convoitée et fréquentée par les protagonistes, sera
témoin des souffrances amoureuses liées à la fois au
passé et au présent de chacun, d'où l'importance de son
étude.
c) La chambre
L'usage de la chambre implique une série complexe de
comportements qui pourraient traduire une manière d'être, une
véritable expérience existentielle.
Dans le roman, la chambre de l'étudiante devient le
lieu central où s'épanouit la relation des protagonistes. Elle
abrite, à la fois les corps des ces derniers mais aussi les angoisses du
personnage féminin. Vécue dans l'acception la plus large, cette
sorte d'espace nous permet d'assister à un spectacle où l'espace
s'attache étroitement au corps humain, et où « la
conscience d'être en paix en son coin propage, si l'on ose dire, une
immobilité. L'immobilité rayonne. Une chambre imaginaire se
construit autour de notre corps qui se croit bien caché quand nous nous
réfugions en un coin »153(*)
En d'autre terme, la relation interdite des personnages les
pousse à choisir un endroit, une chambre discrète, à
l'abri des regards accusateurs. Cette chambre est non seulement un refuge, mais
aussi un lieu de transcendance à la fois corporelle, c'est-à-dire
libérer son corps de toutes règles instaurées par la
société ; et morale pour exprimer une certaine grandeur et
profondeur cachées qui se déclarent et apparaissent effectivement
après avoir perdu un être dominant (le Père) dans la vie
des protagonistes. La chambre n'est pas uniquement le lieu de transcendance,
elle est aussi la proie de toutes les angoisses.
Une fois seul dans sa chambre, Chemin Gomin, François
se rappelle son enfance : la mort de sa mère et l'absence de son
père, son regard distingue les murmures, les goût et les couleurs
de son passé, et il n'enregistre aucun souvenir de son père. Ce
qui le perturbe, également, c'est l'amour qu'il porte à deux
femmes différentes, l'une étant sa femme et l'autre son
étudiante. Nous supposons que cette conjoncture est le résultat
d'un manque que seule l'une des deux femmes peut comprendre, et bien entendu
Anne Morissette est celle qui conçoit le mieux la crainte profonde de
François. Cette crainte est liée à une partie de son
enfance privée d'amour paternel, une fois adulte, il refuse
l'idée même d'avoir un enfant et cela de peur de reproduire ce
qu'il a vécu. Quant à Anne, ayant elle aussi connu l'absence d'un
père aimant, elle se réfugie dans ses souvenirs pour retrouver sa
trace. Ces souvenirs peuvent aider la jeune fille à reconstituer son
passé, et à ce moment là, la chambre devient un
élément déterminant, un espace de solitude recoupant
toutes les analepses nécessaire pour ce processus.
Néanmoins, cette mémoire perdue ne sera
restituée qu'avec l'aide de sa tante Jacynthe, et grâce à
sa lettre, Anne recouvre la mémoire.
Nous constatons que toutes ces images perdues et
restituées pour certains, rapprochent et lient les deux personnages. Il
est clair que l'absence d'un père influence le comportement des
personnages et pour user d'une image chère à G.
Bachelard :
« (...) Tous les espaces de nos solitudes
passée, les espaces où nous avons souffert de la solitude, jouir
de la solitude, désiré la solitude, compromis la solitude sont en
nous ineffaçables. Et très précisément,
l'être ne veut pas les effacer. Il sait d'instinct que ces espaces de sa
solitude sont constitutifs. »154(*)
Par conséquent, nos deux protagonistes se sentent
investis d'une mission, reconstituer un passé pour mieux envisager
l'avenir, et cela ne peut se réaliser que si chacun d'eux fait un
travail sur soi.
Nous constatons que cet espace, mis en scène, permet
à l'auteure de s'adresser directement à l'imaginaire du lecteur.
Ce dernier, à travers les tentatives des personnages, revoit par la
même occasion ce qui le perturbe, c'est-à-dire que
« les valeurs d'intimité sont si absorbante que le lecteur
ne lit plus votre chambre : il voit la sienne. Il est déjà
parti écouter les souvenirs d'un père, (...), bref de
l'être dominant le coin de ses souvenirs les plus
valorisés. »155(*)
Ce dernier lieu examiné, expose l'intimité
sexuelle et les tourments antérieurs des personnages. Ces derniers
hantés par leurs passés, révèlent une
déficience paternelle qui peut être responsable de l'angoisse
vécue par chacun et de la relation qui les lie. Cette hypothèse,
nous incite à revoir notre approche de l'espace romanesque,
c'est-à-dire que notre travail nécessite l'étude de
certains thèmes et objets, tout en leur attribuant le statut
« d'espace romanesque ». Cette association de thèmes
et d'objet avec l'espace, ne peut être effectuée que si la
dimension symbolique de l'espace romanesque est mise en valeur.
2-Vers des espaces symboliques
Nous ne voulons pas considérer que les lieux ;
nous voulons aller au-delà, vers ce que nous avons appelé des
espaces symboliques c'est-à-dire vers des états affectifs qui
agissent sur les personnages, modifient leur comportement et leur
déplacement. Ces états affectifs (comme l'amour) sont tellement
complexes, variés qu'ils représentent une unité de
spatialité qui transforme de l'intérieur la quête des
personnages.
Dans cette partie, nous allons mettre en évidence la
dimension spatiale à partir d'une organisation de sens à savoir
l'amour, la mort, les relations amoureuses et sexuelles et la gravure de
Florence. Ces derniers apparaissent dans le récit comme des
éléments signifiants, ils vont au-delà de leur acception
première afin de mettre en avant l'aspect affectifs des personnages. Il
s'agira pour nous, d'analyser ces espaces que nous supposons symboliques :
« un espace symbolique est un signe global qui détermine
les conditions de la circulation des signes, et d'autre part que ce signe
global ne saurait se définir que par l'intermédiaire des signes
qui le composent »156(*), c'est-à-dire qu'il y a un effet de
représentations, et de mettre en avant un processus de sens
« chargé de fixer et de rassembler les diverses
représentations catégorisées (...) et associées
à des objets et des techniques (...) créant ainsi des
«habitudes« d'interprétation »157(*). Cette association de
l'amour, de la mort, des relations amoureuses et sexuelles et de la gravure de
Florence avec la mémoire antérieure des protagonistes, va faire
ressortir l'image du père, car celle-ci est liée au passé
des personnages.
Il convient avant de passer à l'analyse des espaces
symboliques de définir les éléments cités
ci-dessus.
Le dictionnaire définit l'amour comme
une « inclination envers une personne, le plus souvent à
caractère passionnel, (...) mais entraînant des comportements
variés »158(*), tel que le chagrin. Il s'agit d'observer le
comportement, tantôt passionné et tantôt affligeant, des
personnages amoureux afin de déterminer en quoi ce thème peut
être considéré comme un espace, mais aussi comme un indice
qui nous permettrait de retrouver la figure fugace du père.
Le premier aspect de l'amour, la passion, domine la
première partie de l'oeuvre et concerne le personnage principal,
François, et son étudiante, Anne.
Le deuxième aspect de l'amour, la trahison, et
l'affliction d'Elisabeth, épouse de François, dominent la
deuxième partie du roman. Teintée, au départ, de
pessimisme et de désespoir, la fiction s'achève sur une note
d'optimisme.
Nous constatons que cette structure sémantique
(l'amour) est intense, car elle fait ressortir l'intériorité des
personnages, qui est chargée d'émotions et de souvenirs, et
influence leurs déplacements et leurs comportements.
Le thème de la mort est présent
dans toute l'oeuvre. Sa définition demeure complexe dans la fiction, le
dictionnaire nous informe que la mort est « cessation de la
vie »159(*) ; or, dans Quelques Adieux, ce
réseau de sens est complexe et représentatif de la quête
que mènent les protagonistes. Il s'explique par son rapport à
l'amour et plus exactement à la passion, c'est-à-dire qu'à
travers le désir, les amants côtoient des limites qui les
rapprochent de la mort. Nous constatons que François échappe au
tourment qui l'habite par le biais de la mort, il meurt d'un cancer. Et pour
Anne, il s'agira d'une vie dénuée de désir et d'avenir,
elle est condamnée à vivre dans un univers vidé de toute
substance affective.
La sexualité dans Quelques
Adieux est complexe, elle dépasse la pulsion parfois sauvage,
partagée entre un homme et une femme et dont le but est de satisfaire
leurs instincts. Elle va au delà du désir, et donne des allures
d'exploration et de quête. Elle expose des amants en quête de soi,
et à la rechercher de quelque chose qu'ils ont perdu ou qu'ils ne
connaissent pas mais qui reste liée, au passé.
Tous ces réseaux de sens sont considérés
comme des espaces symboliques parce qu'ils rendent compte de la progression des
personnages au sein de la fiction. Cependant, d'autres espaces symboliques
s'ajoutent à notre liste, il ne s'agit pas d'un thème mais d'un
objet : une gravure, la gravure de Florence que François exposait
dans son bureau et qui représente un arbre déraciné et
emporté par le vent. Cette dernière résume la vie du
protagoniste, c'est ce que nous appelons une mise en abyme, « un
procédé consistant à placer à l'intérieur
du récit principal un récit qui reprend de façon plus ou
moins fidèle des actions ou des thèmes du récit
principal »160(*), c'est-à-dire que l'objet cité
comporte une image et constitue une métaphore de la vie du personnage
principal.
Nous allons voir à travers cet itinéraire
symbolique tous les éléments de l'enfance chassée de la
mémoire, revenir sous forme d'images qui hantent les personnages et qui
exposent, souvent, des pères mis dans l'ombre. Passons à
présent à la première étape de notre analyse
à savoir l'amour et la mort.
A. Les différents aspects de
l'amour
Si la notion d'amour est évoquée dans
l'étude des formes romanesques, la réflexion sur le concept
général de l'espace romanesque ne peut être que lié
à ce thème.
En effet, si l'amour est un espace symbolique cela
suggère des sentiments entraînant des comportements par les
personnages qui pourraient expliquer certaines images liées à la
figure du père. Il s'agira pour nous de repérer à travers
les visages de l'amour, la passion et la trahison, les constantes
récurrentes afin de saisir le poids et la profondeur du personnage du
père. Avant de passer à l'analyse, il convient de mettre l'accent
sur le sentiment complexe qu'est l'amour :
« L'amour est comme un cancer, un chancre, une
masse
sournoise qui se nourrit
d'elle-même, grossit, grandit et
finit par nous dévorer.
On meurt et on se demande si
finalement, on n'aurait pas
mieux fait de haïr seulement
ou de rester
indifférent. »161(*)
Ce sentiment se nourrit de deux sensations insaisissables dans
l'oeuvre, il est béatitude et peine, trahison et mort. Ces deux couples
d'adjectifs résument les états d'âme des
protagonistes : l'histoire de François et d'Anne est variable, ils
se sentent, à des moments, en sécurité et remplis de
bonheur dans la chambre rue Fraser, et à d'autres moments, ils se
déchirent et se fuient tant leur relation est complexe et interdite.
« Anne qui lui a
révélé l'autre versant de la vie, le brûlant, le
périlleux
versant qui s'accole au définitif,
qui vit chevillé à la seule vérité
irrémédiable
de l'homme : sa
mort »162(*)
Cette situation intense et instable sur le plan
émotionnel, prend la forme d'une passion brûlante. Celle-ci expose
un désir de dépassement de soi par le biais du corps aux
frontières de la mort.
A ce sentiment de passion s'ajoute le sentiment de trahison,
ressenti par Elisabeth, la femme de François, lorsqu'elle
découvre l'adultère de son défunt époux:
« Pétrifiée, elle
laisse la littérature faire son chemin, elle laisse les mots
d'Anne Morissette révéler
l'inavouable. Elisabeth tend une main aveugle
et, au contact chaud de Solo (la
chienne), laisse sortir un gémissement »163(*)
Cette vérité brute va remettre en question la
vie et le mariage de cette femme, anéantie et incapable de d'avoir des
réponses directes, elle décide de mener son enquête afin de
revivre. Le principe de la trahison est soit la reddition ou l'espoir.
Il convient à présent de passer à
l'analyse de ces deux sous thèmes de l'amour à savoir la passion
et la trahison.
Ø La passion:
M. Laberge utilise un langage qui suggère des
sentiments intenses que nous pouvons qualifier de passion. Celle-ci est
considérée comme un gouffre dans lequel s'enfoncent les amants
François et Anne.
En effet, le décès du père de
François est une donnée importante dans le processus de la
reddition des protagonistes, et est responsable de la nouvelle sensation de
liberté du personnage central. Ce dernier, se sent libéré
de toutes conventions sociales : ces sentiments de liberté et
d'avoir un poids en moins (la présence du père) entraînent
François dans les méandres du désir extraconjugal qui le
tenaillait et auquel il résistait.
Par ailleurs, Anne jouit de cette liberté du corps et
de l'âme depuis longtemps. Ayant perdu son père jeune, elle s'est
sentie investie d'une mission, celle de laisser libre cours à ses
désirs afin d'évacuer, d'elle, la capacité d'aimer qui
pourrait la rendre dépendante.
Cette crainte, ce besoin de ne pas aimer, de ne pas
s'attacher, sont les conséquences d'un accident de voiture dans lequel
Anne a perdu l'être qu'elle chérissait, son père. Depuis
cet événement, elle est sur ses gardes, refusant de
témoigner tout sentiment d'amour.
Cependant, cette autoprotection sera
déstabilisée par la présence d'un personnage masculin,
François. Cette présence suspecte va propulser la jeune
étudiante hors des frontières qu'elle s'était
fixée. Elle aimait François « mais ne pouvait pas
supporter l'angoisse qu'un tel amour provoquait. Anne allait à sa perte
en aimant François. Elle le savait, mais n'arrivait pas à faire
autrement. »164(*)
Cette passion est un lieu de solitude pour les amants, car
elle les éloigne de la réalité et les isole dans des
endroits carcéraux (la chambre, le bureau, la chambre d'hôtel)
où leur sens du devoir n'a plus de place. Incapables de lutter, les
protagonistes se laissent envahir par ce gouffre qui finit par tuer
François et achever l'âme d'Anne. Il est vrai que la passion
« n'est nullement cette vie plus riche dont rêvent les
adolescents, elle est bien au contraire, une sorte d'intensité nue et
dénuante, (...), un amer dénuement, un appauvrissement de la
conscience vidée de toute diversité, une obsession de
l'imagination concentrée sur une seule image- et dès lors le
monde s'évanouit (...) »165(*).
Nous constatons que la mort d'un Père et le manque
affectif, peuvent transformer un individu d'apparence saine jouant le jeu de
la société, en un mari refusant la paternité
(François). Et peuvent, également, le pousser à craindre
l'amour et à redouter la perte d'un être cher.
Souvent dans l'écriture de M. Laberge, le personnage
féminin est une femme indépendante qui tient tête aux
moeurs et tente de faire évoluer la société. C'est le cas
des personnages féminins, de ses deux premiers romans de la
trilogie : Gabrielle, Adélaïde et
Florent. Il s'agit de deux femmes, Gabrielle et Adélaïde,
qui refusent de sacrifier leurs opinions et leurs carrières pour le
mariage. Des épouses non soumises, qui remettent en question les valeurs
traditionnelles du Québéc.
Cet exemple de femmes indépendantes correspond aux deux
personnages féminins de Quelques Adieux, Anne affiche sa
liberté par son refus d'être comme les autres c'est-à-dire
ne pas dépendre d'un point de vue affectif. Et Elisabeth, exprime son
indépendance en faisant face à la mort de son époux et
à sa découverte de l'adultère.
Certes, après avoir consommé son désir,
François finit par se consumer et mourir laissant derrière lui
une femme, sa femme, Elisabeth subir les tourments et l'affliction de la
trahison.
L'espace de la passion se confirme dans cette volonté
d'échapper à la réalité et de vivre
intensément une passion qui sous son apparence d'adultère,
affiche la quête des amants.
Cet espace de recherche du passé n'est pas le seul,
nous pouvons rajouter la trahison, qui tend, elle aussi, à
produire une spatialité.
Ø La trahison :
La trahison que vit Elisabeth, est un espace de souffrance et
d'interrogations sur les raisons qui ont poussé le personnage principal
à l`adultère. Contrairement à Anne, la veuve ne comprend
pas les besoins, les faiblesses et le manque affectif qui ont incité
François à dévier du droit chemin.
Néanmoins, « elle préfère
vivre à cent pour cent dans la vérité même brutale,
qu'à cinquante pour cent dans l'inconfort moelleux, douceâtre du
mensonge. »166(*). Cette souffrance, cette envie d'avoir des
réponses poussent parfois Elisabeth à se réfugier dans un
univers de réminiscences afin de garder, intacte, l'image de sa vie
conjugale, toutefois cette image est altérée par la dure
réalité des événements à savoir sa
découverte de l'adultère.
En effet, la notion d'amour dans Quelques Adieux est
précaire, elle passe d'une exaltation amoureuse et du refuge des
incompris de la société (François et Anne), à la
souffrance provoquée par une infidélité (le cas
d'Elisabeth).
Face à la douleur, à la déception, la
personne trompée doit faire un choix, soit renoncer à l'amour,
mourir d'angoisse et creuser sa propre tombe, soit réapprendre à
vivre, même si la douleur est toujours présente, et croire en un
avenir meilleur.
Elisabeth, après avoir rencontré la
détentrice de la vérité, la tante Jacynthe, décide
de vivre et se sent « capable d'aimer, capable de pardonner par
amour, (...) capable de vivre même avec ce
poids-là »167(*)
L'amour n'a pas de définition figée. C'est un
sentiment complexe, à l'abri de toute interprétation
scientifique. Il est à la fois plaisir et souffrance. Qu'il soit
félicité ou peine intense, il apporte à l'être
humain un espace de solitude, mais aussi un abri, une coquille qui le
protège.
C'est dans cette optique que nous avons orienté notre
travail, c'est-à-dire que le comportement lié aux sentiments des
personnages est justifié par l'absence de la paternité. Ce
constat n'est que temporaire, pour l'affirmer ou l'infirmer, nous devons passer
au point suivant à savoir la mort.
B. La mort
Depuis le début de ce travail, nous nous sommes rendus
compte que le thème de la mort est présent à chaque
tournant de notre analyse, dans les perspectives symbolique et physique. Sa
progression, nous amène à l'envisager comme une structure
ternaire où les personnages se réfugient et l'adoptent comme
mobile, qui excuserait leur relation.
La mort est perçue par les personnages comme
échappatoire, comme excuse de l'adultère: François,
conscient du danger que peut engendrer son infidélité, sur sa
femme et sur la société, se laisse emporter par la maladie afin
de ne plus souffrir des sentiments qu'il éprouve à la fois pour
Elisabeth et pour Anne.
La mort est pour ce personnage un refuge ; mais elle a
aussi un effet de caution sur la passion des amants. A partir de l'analyse
effectuée sur le texte évoquant le passé des personnages,
nous avons constaté que la raison qui a poussé les protagonistes
à s'engager dans une relation adultère, est la mort de leurs
pères respectifs ainsi que l'absence de l'enfance :
« L'enfance (...) est la seule source, le seul
commencement, la seule déchirure
vraiment essentielle et ineffaçable, l'ultime
parce que première blessure. Les
autres, celles qui suivront, n'en seront que le
terrible écho »168(*)
A travers cet extrait, la réflexion sur l'enfance, ne
doit pas faillir à sa mission prioritaire : présence des
parents. Or, François et Anne ont connu l'absence, celle d'un
père, et le manque d'amour paternel, provoqués par une mort
accidentelle (père d'Anne) et par une irresponsabilité et une
mort tardive (le père de François). Cette déchirure
ineffaçable, cette première blessure, n'est que le
commencement de toutes les autres. Donc, la mort du père devient le
point commun et le prétexte des protagonistes de leur
infidélité.
Cette structure de la mort comporte trois
dérivations : le décès du père de
François, le décès de François et la mort
symbolique d'Anne.
La mort du Père Bélanger :
En faisant le bilan de son enfance, après la mort de
son père, François remet en question son passé et
constate que la fonction affective attribuée au père n'a pas
été respectée. Il a l'impression d'être un orphelin
qui n'a plus « aucun lien, aucun passé, aucun
souvenir. »169(*) . Il se livre à une expérience de
remémoration d'où, il espère trouver une étincelle
qui donnerait sens à son existence, mais il découvre, avec
regret, que sa mémoire n'a enregistré que l'image d'un
« vieil homme, un déserteur de carrière, un
père ignorant de tout y compris de ses enfants, était mort et
cela suffisait à le tuer (...) »170(*).
A présent libre de tout lien, il se sent
abandonné, perdu et seul face à ce destin inéluctable.
Cette nouvelle solitude, cette « enfance morte à travers
un père mort (...) »171(*) va le livrer à la passion adultère
où une mort certaine le guette.
François est conscient que son père est mort
depuis longtemps, avant même son accident. Mais il refusait d'admettre sa
solitude et son « enfance ignorée, trahie, oubliée
(...) »172(*)tant que son père avait une présence
physique sur terre. Une fois le père mort, le protagoniste expulse de
lui tous les sentiments qui ont été refoulés. Cette
pulsion longtemps détournée, trouve, enfin, une excuse pour se
libérer à travers une passion dévorante.
Cette mort du père amène notre réflexion
sur le constat suivant :
Le décès du père est à la fois un
prétexte et un espace de découverte de soi. A travers ce
trépas, François devine en lui un coté sombre qu'il ne
connaissait pas, dépassant toutes les limites de la raison et du
raisonnable. Ce voyage « fertile en péripéties
accède au centre de soi (...) »173(*) et se termine par une mort
lente et douloureuse.
oe La mort de François :
François, lui aussi, trouve sa fin dans la
maladie : Le cancer. Sa mort devient pour le lecteur une forme de punition
à son adultère. Il est vrai qu'elle le guettait depuis son
enfance, mais elle s'affirme lorsque ce dernier est complètement
ravagé par la maladie.
Pour François, la maladie est une récompense car
elle lui permet de mettre fin au tumulte dans lequel il se débattait
vainement. Il savait que la mort avait différentes facettes et qu'elle
n'attendait qu'un prétexte pour l'emporter.
En effet, pour lui, s'abstenir d'Anne, ne pas la voir, mettre
fin au pacte du corps qui les scellait, annonce la fin. Il avoue ne pas pouvoir
vivre sans Elisabeth, sa femme, mais en même temps, il prétend ne
pas pouvoir se séparer et vivre loin d'Anne. Sa vie se résume
à l'amour qu'il porte à ses deux femmes. Cette ambivalence ne
peut pas durer, et loin d'être crédule, François sait que
sa jeune étudiante le quitterait, et décide de vivre chaque
instant auprès d'elle comme si il s'agissait du dernier. Pour
François, sa présence signifie que « le monde est
sauvé. Et que la mort est remise à plus
tard. »174(*).
Dans cette courte analyse, la mort et la maladie deviennent
une excuse qui permet à François d'échapper à la
passion et au déséquilibre affectif qu'il subissait, cependant,
cette mort physique entraîne une autre mort, celle d'Anne.
oe La mort symbolique d'Anne :
Anne est anéantie par la passion qu'elle a vécu
avec François. Pour elle aimer c'est mettre fin à son existence,
et la mort de son amant n'arrange pas son état psychique. Pour mieux
comprendre le ressentiment de ce personnage à l'égard de l'amour,
nous nous proposons de récapituler son parcours affectif. Ayant
était abandonnée par son père, mort lors d'un accident de
voiture, Anne refuse d'aimer un homme au risque de l'enterrer ou à
« en faire son deuil (...) »175(*). Cette mort a mis un terme
à sa vie et à la capacité d'aimer, elle est morte en
même temps que son père. C'est cette assertion qui lie ce
personnage féminin à François. Ils partagent, sans se
l'avouer, la même angoisse, celle qu'un père laisse après
sa mort, et qui leur donne une sensation de liberté déroutante.
Le manque affectif, leur permet de se retrouver et de l'exprimer à
travers le pacte du corps. Ce handicap affectif, ressenti dès l'enfance,
les prépare à une mort certaine, qu'elle soit physique ou
symbolique.
Sachant, dans son cas, que la passion est une maladie qui
rouvrira la plaie de son passé, Anne se laisse emporter au risque de
tuer François « parce que, sans cela, elle en serait
morte. Et elle en est quand même morte.» 176(*)
La mort de François est, ici, une solution à la
tornade des amants, mais c'est également une sentence insupportable pour
Anne, car elle est condamnée à perpétuité.
La progression de la mort, est tout aussi
présente que sa progression spatiale. Elle est un espace de
l'extrême, elle ne laisse pas le choix aux protagonistes, ils
l'acceptent, l'adoptent comme une évidence, comme une trajectoire
déjà planifiée dès enfance.
Toutefois, la mort n'est pas la seule référence
de l'extrême, les relations amoureuses et sexuelles ont la même
densité, c'est pour cette raison que nous avons choisi d'analyser ce
réseau de sens.
C. Les relations amoureuses et
sexuelles
Depuis toujours la sexualité est
considérée comme un sujet tabou dans toutes les cultures, y
compris la culture québécoise. Parler de libido, dire ses envies,
est un acte déplacé, toutefois, notre écrivaine ne se
limite pas aux jugements de valeur. A travers son écriture, elle va au
delà de l'acte physique et pousse le lecteur à en faire autant,
c'est-à-dire comprendre en quoi le pacte du corps peut être
révélateur d'un manque, d'une absence et d'un besoin.
Il s'agit de voir comment le corps peut être un enjeu
d'importance, et cela en saisissant les liens qui unissent les personnages
entre eux afin de repérer les constantes et les différences
à travers l'expression corporelle. Ainsi, analyser le langage du corps
identifie la présence récurrente d'un renvoi au passé et
plus exactement à la figure paternelle.
Nous avons noté deux sortes de relation, la
première est partagée entre François et Anne et la
deuxième entre François et Elisabeth. Il s'agit d'analyser
à travers ces deux relations, le comportement corporel des
protagonistes, afin d'en extraire la dimension spatiale.
D. Un pacte interdit :
Après la consommation du désir, les amants
excellent dans la communication corporelle. Le désir sexuel n'est plus
ce qu'il l'était, c'est-à-dire la principale source du plaisir et
la production de sensation agréable. Il se transforme, il se
métamorphose en une urgence : l'amour physique devient une
angoisse, une peur, la peur de perdre l'être qu'on aime au point de vivre
chaque parcelle du corps intensément comme si il s'agissait d'un
adieu :
« (...) quelques fois, pour le damner, elle
Anne restait debout,
nue, loin, dans un rayon de soleil qui la
tenait chaude comme
sa peau à lui François et
elle le regardait et elle aiguisait son
désir en attente à bout de
bras, du bout de ses yeux et quand il
murmurait, le souffle court, le sexe
presque douloureux de la
tant vouloir, elle s'approchait lentement
et le prenait d'un coup,
follement, (...). Elle ne le reconduisait
jamais ; roulée au fond
du lit, fermée sur son corps
palpitant, elle refusait de le voir partir. »177(*)
Dans cette aventure du corps, les personnages sont
considérés comme des victimes : les rapports qui se nouent
entre le professeur et la jeune étudiante, sont les résultats de
l'inconscient. Ils sont victimes de leur inconscient, c'est-à-dire que
l'environnement charnel des protagonistes, est un lieu où le
passé de chacun ressurgit pour s'incruster et déstabiliser leur
entente physique. Cette dernière est caractérisée par la
jouissance sexuelle et par une forme de dépassement physique, qui laisse
entrevoir un comportement et un instinct animal.
Nous constatons que les protagonistes se font longtemps
languir, souffrir, pour ensuite jouir. Nous supposons que ce comportement a une
origine liée au passé des personnages, et plus exactement, en
rapport avec l'absence du père. Nous avons, déjà,
évoqué ci-dessus que cette absence peut donner l'illusion d'une
liberté sans limite, ainsi, « au fur et à mesure
que l'homme se détache de ses parents ; l'anima arrache l'homme
à son univers rationnel (...) »178(*). Les protagonistes sont,
comme, piégés par ce sentiment de liberté, car il provoque
en eux une angoisse permanente, liée aux limites qu'ils doivent
s'imposer. Celles-ci n'étant pas respectées, transforment la
relation physique des personnages en un accouplement sauvage :
« Son corps était plus sauvage que son
esprit, moins dompté, il n'avait pas
vraiment appris à se protéger, se fermer.
Il pouvait accéder à Anne à travers
son corps, à travers sa vibration première
et cela troublait profondément le
sien et il apprenait, lui, le docile, le sage corps
bien apprivoisé, à se laisser
emparer, envahir par cette loi fulgurante qu'est celle
du désir. » 179(*)
Le registre utilisé par l'auteure met en place un
processus de réflexion et de comportement dignes d'un animal et non d'un
être humain. Les adjectifs «sauvage«,«
dompté«, «docile «,
«apprivoisé«, mettent en avant le coté bestial des
personnages. Cette allusion à la bestialité n'est pas gratuite,
hormis le fait de raconter la jouissance sexuelle des amants, elle expose un
état d'esprit et une quête commune.
Le facteur sexuel, n'est qu'un prétexte.
François et Anne mènent une quête existentielle, chacun se
cherche à travers l'autre. L'un mène un voyage au coeur de
l'enfance dans le but de retrouver des images, de la tendresse et un
père. Et l'autre, tente d'exorciser un père qui est mort depuis
longtemps. Cette quête finit par les tuer.
E. L'espace de la relation
conjugale :
Elisabeth est l'exemple type de la femme stable et
épanouie. Ayant grandi dans un environnement sain, elle
n'éprouve aucun besoin extraconjugal. Cet équilibre familial, lui
procure un bien être intérieur et lui permet d'être une
femme fidèle, respectant les moeurs et la société.
Dans les bras de sa femme, François se sent en paix
avec lui-même, il ne connaît ni l'urgence de l'acte sexuel, ni
les tourments de l'amour. Elle est pour lui un stabilisateur auquel il recourt
lorsqu'il se sent envahi par la passion.
A chaque moment difficile, de sa relation avec Anne, il se
réfugie dans les bras de son épouse. Lui faire l'amour devient un
moment d'euphorie :
« Il l'étreint, en reconnaissant qu'il
est un homme favorisé. (...) Troublé, heureux, il caresse
Elisabeth comme s'il la découvrait. Fouetté par un désir
de possession qui ne l'a pourtant jamais habité, il la contemple un
instant, puis l'embrasse farouchement. Ils font l'amour sur le divan devenu
soudain moins confortable, avec une ardeur qui ressemble presque à de la
violence. »180(*).
Cette plénitude, cette intégrité, lui
permettent d'affronter sa passion brûlante. Sa relation physique avec
Elisabeth, est comme une décharge électrique qui le relance
à chaque fois dans les méandres de la passion. Son épouse
lui permet de revivre dans ses bras.
D'une part, nous constatons que la pulsion centripète
qui anime le couple, est placée sous le signe de l'amour, de la
tendresse et de la stabilité. Et d'autre part, elle se fait rare avec la
sinuosité de la passion adultère. Vivant sous la pression du
mensonge, du désir et de l'absence, François passe de
l'état d'un homme énergique à un individu faible qui se
détourne de la réalité et se réfugie dans la
maladie.
F. La gravure
Si nous considérons la gravure comme un espace
symbolique c'est parce qu'elle donne à lire de manière
concentrée la totalité de l'intrigue. D'ailleurs, c'est ce qu'on
appelle une mise en abyme, parce qu'elle « reflète plus ou
moins fidèlement la composition de l'ensemble de l'histoire
(...) »181(*)
La gravure de Florence offerte par Elisabeth à son
mari, « représente un arbre qui lutte. Il a l'air solide,
fort, indestructible, mais il penche, se brise, se casse en un lieu secret,
invisible pour l'oeil. Le vent fait le reste. »182(*)Cette image placée
dans le bureau de François, résume son parcours, selon G.
Bachelard : « Les grandes images ont à la fois une
histoire et une préhistoire. Elles sont toujours à la fois
souvenir et légende. On ne vit jamais l'image en première
instance. Toute grande image a un fond onirique insondable et c'est sur ce fond
onirique que le passé personnel met des couleurs particulières.
(...) dans le règne de l'imagination absolue, on est jeune très
tard. »183(*).
En effet, la gravure représente un arbre qui se bat
contre un vent qui finit par avoir raison de lui. Cet arbre, n'ayant pas de
racines, n'arrive pas à faire face au danger qui le déstabilise,
et ne peut protéger ceux qui s'abritent en lui, c'est-à-dire les
nids et les oiseaux.
Tout comme François, la mémoire est pour lui ce
que les racines sont pour l'arbre. On se surprend à établir un
parallèle entre l'image de la gravure et la trajectoire du
protagoniste.
Il est certain que « l'arbre entier est, pour
l'oiseau le vestibule du nid. Est (...) pour l'oiseau un
refuge »184(*). Si bien que la mémoire de l'enfance
représente un nid et un refuge pour François et c'est à
partir de « ce fond lointain que l'enfant revient. Dans son
coin de méditation, le rêveur (...) fait son
examen de conscience. Le passé remonte pour affleurer dans le
présent.»185(*). Il s'agit de décrire l'objet mis en abyme
afin de dégager le message qu'il comporte et tenter d'expliquer en quoi
cet objet peut être considéré comme un espace
symbolique :
L'absence de racines, de mémoire et d'images
liées à l'enfance, déstabilisent le personnage, tout
comme l'arbre de la gravure. La conscience de François n'est pas en paix
face à une enfance égarée et absente, et de ce fait il ne
peut prétendre à un avenir.
Au fond, nous pouvons nous demander si la gravure n'est pas un
espace de l'imaginaire ? Il ne s'agit pas d'opter pour une
méthodologie de l'imaginaire mais de « scruter les
représentations que les hommes se sont forgés d'eux-mêmes
en réponse à leur désir de
paraître. »186(*). Ici, le désir de paraître ne peut
être réalisé que si le sujet jouit d'une vie sociale
convenable, or François n'a pas eu une enfance heureuse et une vie de
famille, et c'est ce qui va constituer un handicap pour son
épanouissement social.
La gravure résume cette situation et selon, G. Bertin
« c'est la petite étincelle qui donne son sens aux divers
contenants (...) »187(*), c'est-à-dire, que l'objet
évoqué dans le récit fait office d'étincelle qui
met en place une structure d'interprétation diverse, et nous ne pouvons
qualifier cette gravure d'espace symbolique qu'en l'interprétant.
Pour clôturer ce chapitre, nous pouvons signaler que
les espaces cités sont, en général, des refuges qui
réveillent la mémoire des amants afin qu'ils appréhendent
leurs futurs. Cependant, le futur des amants est la mort. Celle-ci les guette
dès l'enfance, et elle est le résultat d'un manque affectif qui
est la base de tout équilibre psychique, nous faisons
référence à l'amour paternel. L'absence d'un père
peut engendrer des handicaps :
« Anne ne se voulait pas froide. Cela ne
procédait pas d'une volonté
personnelle : elle l'était. Depuis toujours,
cette froideur et ce détachement
l'abritaient des pires dangers comme une couche de
cellophane protectrice.
Anne n'avait jamais décidé de se
protéger ainsi. C'était comme ça. »
188(*)
La figure du père, présente dans les deux
espaces géographique et symbolique, implique l'expression d'un
besoin d'ordre affectif et social.
D'un point de vue topologique, le père est
présent dans la mémoire des protagonistes, lorsqu'ils se
retrouvent dans des endroits fermés et vides, tels que la chambre et la
maison. Ces dernières, relèvent de l'angoisse et de la solitude
que chaque protagoniste tente de surmonter, et de cette manière, elles
deviennent des lieux de réminiscences.
Ces lieux ravivent les blessures du passé, qui sont,
pour la plupart, liées à l'absence paternelle, et donc, à
une carence affective qui sera considérée plus ou moins
consciemment comme prétexte par les amants pour s'abandonner à
la passion.
Et d'un point de vue symbolique, la figure paternelle
découle de l'évocation de certains thèmes : l'amour,
la mort, l'acte sexuel, et d'un objet, la gravure de Florence. En vivant une
passion fatale, François et Anne exposent les différentes
facettes de l'amour, de la mort et de la sexualité :
L'amour est perçu comme un phénomène
donnant naissance à deux sentiments, la passion et la trahison, qui sont
dans ce cas de figure complémentaire.
L'un domine la première partie du roman, marquant ainsi
les aléas de la relation adultère, entretenue par François
et Anne. Et l'autre, annonce la quête d'une femme, Elisabeth, ayant pour
objectif de trouver les raisons de l'infidélité conjugale. Cette
trahison sera présente et exprimée, tout au long, de la
deuxième partie de l'oeuvre.
Quant au thème de la mort, il domine toute l'oeuvre, et
est constant dans le passé et le présent des personnages. Lorsque
la mort est évoquée dans le texte, elle fait, souvent,
référence à celle d'un père,
également, à celle de François, et en dernier, à
celle d'Anne (une mort symbolique). Nous avons observé, que la mort des
pères, est responsable de l'état instable des amants et de leur
adultère, cependant, ce déséquilibre et cette
infidélité, ne vont pas disparaître, ils ne trouveront de
remède que dans la mort physique de François, et
l'anéantissement psychique d'Anne.
Ces deux thèmes sont considérés comme des
lieux symboliques, car ils deviennent pour les personnages des refuges :
l'amour est un lieu de compensation pour les amants, c'est
l'élément qui leur permet de transcender leur passé et
donc, leur manque paternel. Et la mort permet à François de ne
pas faire face à ses sentiments, tiraillé entre ce qu'il
éprouve envers sa femme et la passion qu'il ressent pour son
étudiante. L'absence de François, est pour Anne un
deuxième abandon, après celui de son père. Elle ne
surmontera pas cette deuxième épreuve, elle sera comme morte,
sans vie et sans avenir.
Comme l'amour et la mort, l'acte sexuel est aussi un
thème pertinent et nécessaire pour notre analyse, car la relation
corporelle que le personnage principal entretient avec sa femme et son
étudiante est différente.
Avec Anne, nous avons remarqué que les rapports
physiques révèlent un besoin de dépassement sur le plan
psychique, c'est-à-dire, aller au delà de l'acte lui-même
et jouir, pleinement, du moment présent. Cette hâte et cet
engouement sexuel, viennent du fait que les amants se sentent menacés
par la mort.
Avec Elisabeth, la communication physique procure au
protagoniste une stabilité, un retour au calme et un refuge
émotionnel.
Ces deux facettes de l'acte sexuel, sont
complémentaires pour François. La première est le lieu de
la transcendance et de l'interdit, et la deuxième est un refuge dans
lequel il se sent en sécurité, et est une illusion de
stabilité.
L'objet faisant office d'espace symbolique, est la gravure de
Florence offerte par Elisabeth à François. Cette dernière
résume le parcours du protagoniste. Nous observons un arbre sans racines
luttant contre le vent, mais ne parvenant pas à se défendre, il
finit par être emporté.
En mettant en place un parallèle, nous constatons que
nous sommes faces à l'histoire de François, qui n'ayant pas
d'enfance, de père et donc de racines, n'arrive pas à affronter
les sinuosités de la vie et se laisse emporter par la mort.
Comme nous le constatons, nous revenons, continuellement, au
passé des protagonistes et plus précisément à leur
enfance et à l'absence paternelle. Celle-ci est présente dans le
premier et le deuxième chapitre de notre travail, c'est pour cette
raison que nous avons trouvé plus judicieux d'affiner notre recherche,
et de l'orienter vers l'étude du personnage du père. Cette
démarche va préciser l'impact du père sur la relation
adultère des protagonistes.
CHAPITRE TROIS
« Discours de l'implicite : Portrait en
esquisses du Père »
Après l'analyse du temps et de l'espace, nous nous
intéresserons à l'élément central de notre
recherche, le personnage du père.
Les temps interne et externe nous ont permis de repérer
des éléments se rapportant à la présence du
père, tels que l'utilisation des analepses, des verbes à
l'imparfait, le choix des épigraphes et des
épigraphiés.
L'espace romanesque a renforcé notre postulat de
départ, qui est de montrer à travers l'écriture de M.
Laberge, l'impact du père sur la relation entretenue par François
et Anne. Le système signifiant recueilli de l'analyse spatiale, tel que
la distribution des lieux et les lieux symboliques, va dans le même sens
que l'étude temporelle, c'est-à-dire, que la structure spatiale
met en avant une constante repérée, déjà, dans le
chapitre un de notre exposé, et qui est le personnage du
père ; « c'est dons au carrefour de plusieurs
disciplines, qu'il faut situer l'étude du
personnage »189(*).
A présent, nous pouvons prétendre à une
analyse des personnages et plus exactement des personnages qui ont le
rôle de Père. Le personnage du père, apparaît
très peu dans le roman, mais son influence est, telle, que tous les
autres personnages dépendent de lui, de sa présence ou de son
absence. Notre approche de cette figure sera pluridisciplinaire.
L'image du père est ambiguë, c'est pour cette
raison que nous allons procéder à l'analyse de cette figure
à travers quatre étapes : Nous nous intéresserons
à l'imaginaire familial et au fonctionnement social du père dans
la société Québécoise. Puis, nous tenterons de
repérer les traits physiques et moraux des pères cités
dans le roman. Ensuite, nous mettrons l'accent sur les rapports
père/enfant pour mieux comprendre le comportement des personnages. Et
enfin, nous analyserons le comportement du père dans son couple et au
sein de sa famille. Ces quatre sous parties, vont nous permettre de montrer que
« le père est (...) un prétexte à quelque
chose de plus diffus, d'inavouable (...) »190(*)
I. L'imaginaire et le fonctionnement social du
père dans la société Québécoise
Dans la société québécoise, le
père a une place prépondérante, il est le
représentant de l'ordre et de la morale établie par la religion.
Il a pour rôle, de préserver le discours du devoir tenu par ses
aînés, et de transmettre une éducation stricte basée
sur la soumission aux règles de la morale191(*). La description que nous
venons de mettre en place n'est pas propre au Québec, la plupart des
sociétés conservatrices accordent au père le statut de
dominateur. Cette image a évolué avec l'évolution des
sociétés, notamment la société
québécoise. Sa place et son statut deviennent complexes, voire
problématiques, ce qui nous permet de supposer cela, c'est la place que
les écrivains lui octroient dans leurs oeuvres littéraires. Et ce
qui nous amène à citer les écrivains, c'est le fait que
ces derniers mettent en avant des fictions qui comportent pour la
majorité une constante, celle du père. Les
« écrivains (...) ne cessent de repenser et de mettre en
scène le personnage paternel dans la trajectoire désirante de
fils et de fille orphelins de père. S'il y a abondance de production
à ce sujet, c'est peut être qu'il y a malaise dans la
paternité. » 192(*).
La figure du père, que nous retrouvons dans les romans
québécois, possède plusieurs facettes : Celle d'un
homme aimant, aimé, haï, absent et mort. L'intérêt
porté à ce personnage, apparaît au Québec
après la révolution Tranquille, cela s'explique comme suit :
le Québec ayant vécu dans une sphère dépendante de
la religion et de l'autorité du père, se voit transformé
à partir des années soixante avec un renouveau du fonctionnement
social du père. Ce dernier, n'a plus autant de pouvoir sur la famille
qu'avant, néanmoins, sa présence est indispensable pour
l'épanouissement des membres de la cellule familiale.
Ce renouveau, se fait sentir dans la littérature
à travers des personnages qui assument mal le désistement du
père à l'égard de ses fonctions sociale et morale,
c'est-à-dire, que le relâchement de la fonction paternelle peut
provoquer, chez les enfants et les adultes non habitués, une angoisse
insurmontable. C'est pour cette raison, que les écrivains créent
des héros ayant pour objectif une quête identitaire, qui sera
partagée par le lecteur :
« Chercher ou comprendre ses origines est
inquiétant pour
tout (...) héros et
donc pour tout (...) lecteur. La figure du
père est donc
ambivalente » 193(*)
Nous supposons que le personnage du père peut
être à l'origine du processus de création
littéraire, chez l'écrivain. Et peut être aussi
considéré comme une opportunité pour les personnages
fictifs, dont l'objectif est de le « déchiffrer (...),
l'égaler ou même le dépasser. Car cela permet
(...) au fils de sonder la vérité de son
être »194(*).
Comme les personnages fictifs sont une création de
l'écrivain, ce dernier met en amont, l'image et les sentiments que tout
individu a vis-à-vis de son père. Et il met en aval, les
conséquences que cette figure peut avoir sur l'être humain.
Cependant, l'imaginaire social de l'homme à
l'égard du père est changeant, car cette figure évolue
simultanément avec la société dans laquelle elle baigne.
L'image du père passe d'une conception traditionnelle à une
dimension moderne. En effet, l'évolution d'une société
contribue soit à sa destruction, soit à sa restructuration, et
cette progression comporte, également, une influence inéluctable
sur l'imaginaire des individus, même si, ces derniers gardent en eux des
germes traditionnels.
La crise que rencontrent les personnages d'une fiction et qui
est liée au père, vient de ce germe traditionnel, enfoui dans
l'imaginaire de chacun des personnages, et qui les empêchent d'être
épanouis. En d'autres termes, dans Quelques Adieux, nous sommes
confrontés à des personnages appartenant à une
époque moderne, et où le statut de la famille et celui du
père ont changé. Nous observons des personnages, des
prétendants de la modernisation, qui subissent une crise profonde, dans
laquelle « il faudra chercher son noeud originel, et
cela dans le caché, l'occulte. Au coeur du dispositif de
régulation sociale, la société accouche alors d'un nouvel
imaginaire social. »195(*), dans lequel certains protagonistes ne
s'adaptent pas, c'est-à-dire, que nous sommes face à des
personnages qui appartiennent à une structure sociale qui se veut
moderne, mais en même temps, leurs besoins résident dans
l'ancienne structure traditionnelle.
Au plus près de nous, les personnages de
François et d'Anne ont choisi leur mode de vie : François
décide de ne pas avoir d'enfant et d'être à la pointe du
savoir, et Anne jouit d'une liberté sexuelle et croit pouvoir
contrôler ses sentiments.
Ces deux conduites sont les comportements types d'individus
voulant faire croire qu'ils rejettent « une conception
traditionnelle de la société,...et pour eux c'est
affirmer que la société peut se définir par sa
capacité à produire un ordre nouveau, à engendrer le
changement et l'innovation, (...) »196(*). Mais en vérité, ils ne la
rejettent pas, ils la refoulent pour ensuite la libérer à
travers des besoins, des angoisses et des comportements.
Dans le cadre de notre travail, nous allons analyser certaines
facettes (absence et présence) du personnage du père. Puis, nous
poursuivrons notre étude, en dressant une esquisse de traits physiques
et moraux des pères afin de saisir en quoi l'absence ou la
présence de ces derniers, peut être déterminante dans la
vie et l'épanouissement des protagonistes.
II. Les traits physiques et moraux des pères
Dans Quelques Adieux, la figure du père est
omniprésente, nous la repérons à travers le comportement
des personnages suivants : François, Anne et Elisabeth, mais aussi
par le biais de certains personnages, tels que Jacques Langlois, ami et
collègue de François, et Jérôme, l'amant
d'Elisabeth, dans la deuxième partie du roman. Ces derniers ont des
enfants et assument leur rôle de père, cependant, dans notre
travail, nous allons nous attarder sur les pères des amants
(François et Anne) et sur celui de la veuve trompée
(Elisabeth).
Notre analyse comportera trois sous parties : La
première sera consacrée aux caractéristiques du
père de François, la deuxième au père d'Anne et la
troisième au père d'Elisabeth.
1. Le père de François
Le personnage du père apparaît dans la
première partie du roman et plus exactement dans le chapitre deux
intitulé Le Refus. Nous y trouvons une description physique peu
précise, même si elle nous est donnée à deux
périodes différentes le passé et le
présent.
L'écrivaine commence par décrire le physique du
père de François en convoquant sa mémoire, celle de
l'enfance. Mais celle-ci, ne garde que le souvenir « d'un homme
vu de dos, sa boite à lunch dans une main, sa casquette de chauffeur
d'autobus sur la tête, qui s'éloignait
doucement. »197(*). Sur le plan de la description physique, c'est tout
ce que François enregistre comme image du passé. Nous constatons
que l'éloignement et l'absence, sont des sentiments latents, chez
François, le fait de garder l'image d'un père, mais de dos
explique sa non disponibilité et son manque de présence
auprès du protagoniste.
Nous remarquons, également, qu'il y a un désir
chez François, de dépasser son père. Ce besoin
« (...) vient du fait qu'il ne perçoit
aucun écho dans le regard de son père, et il ne
peut pas se sentir exister réellement et obtenir sa
légitimité »198(*). Si, François ne prend pas l'initiative de
transcender socialement et psychiquement son père, c'est-à-dire,
tenter d'avoir un meilleur statut, d'un point de vue social, et ne pas
reproduire le même schéma affectif, d'un point de vue familial, il
risque de se sentir manipulé par l'autorité d'un père
absent :
« Le petit dernier (François)
s'était finalement distingué et était
devenu professeur de
littérature. Ce qui ne signifiait pas rien
pour le fils d'un chauffeur
d'autobus. »199(*)
Ce qui confère tant de pouvoir à un père,
même absent, c'est la place qu'il a au sein de la société,
selon Gwénaëlle Gautier de l'Université de Lille :
« Les pères continuent de représenter
l'autorité, le pilier qui ne
doit pas s'effondrer et qui
doit coûte que coûte préserver
l'équilibre et
l'harmonie du foyer, (...). Mais ce que les
enfants recherchent avant tout
c'est la reconnaissance de leur
être, ils doivent se
sentir exister dans le regard de leur
père.» 200(*)
Pour François, la reconnaissancen'est pas au
rendez-vous, ayant connu l'absence physique et donc morale de son père,
il ne peut prétendre à un épanouissement affectif et voire
même social, c'est-à-dire que le manque affectif a engendré
chez le protagoniste, un refus catégorique de la
paternité :
« François ne voulait pas d'enfant,
François ne voulait pas
discuter, il s'était
même fâché sérieusement à ce sujet là.
(...). Il
ne voulait pas avoir un
enfant qui compliquerait tout (...) »201(*)
Ce refus, ce choix est le résultat d'une enfance
effacée. François « n'arrivait plus à se
rappeler son père »202(*) et ce handicap le pousse à se demander
« si on pouvait vraiment ne glaner que ce souvenir et se sentir
un enfant normal. La pauvreté affective de son enfance l'effrayait
toujours, non parce qu'il la ressentait avec angoisse, mais parce qu'il la
mesurait aux multiples souvenirs d'Elisabeth »203(*). Le comportement qu'il a
adopté, et qui est de remplir le vide affectif qu'il a connu, et de le
mesurer aux souvenirs d'enfance dont dispose Elisabeth, va lui permettre de
vivre sa vie de couple avec un semblant d'harmonie, jusqu'au jour où
Anne Morissette fera surface et le déstabilisera, et également
lorsqu'il apprendra la mort de son père. Ces événements
vont transformer le protagoniste, et faire ressurgir de lui une enfance
vidée de toute substance affective.
La deuxième étape de
l'écriture de M. Laberge, est de solliciter la mémoire adulte de
François : il s'agit de recourir aux images de la figure du
père dans la vie, non pas passée mais présente, du
personnage principal. Une fois adulte, François tente de rattraper le
temps perdu avec son père, mais celui-ci « rangé
dans une place de vieux, (...) n'en finissait plus de dégringoler (...)
et de baver, gâteux et de s'accrocher à lui (François) en
l'appelant par d'autres noms (...) »204(*). Cette
déchéance physique provoque la colère de François,
car il se sent incapable de rattraper son enfance et ne peut pas recevoir un
quelconque témoignage affectif. Les visites de François à
son père se faisaient rares, mais elles avaient un objectif :
racheter le passé. Voyant que ce n'était pas possible, à
cause de l'état physique et mental du père, le protagoniste
« souhaitait furieusement sa mort et se sentait
égoïste et vil de ce désir »205(*). Nous constatons qu'à
travers ce processus de renouement, la narratrice
« pourrait nous donner des renseignements sur les
sentiments profonds de la figure paternelle. Or ce n'est pratiquement
jamais le cas et le père conserve ainsi sa part de
mystère. Le lecteur comme le personnage principal doivent se faire leur
propre opinion. »206(*).
Nous avons repéré un passage dans Quelques
Adieux, où les rôles des personnages sont
inversés :
« Le vieux, en effet, s'amusait plutôt
bien dans son inconscience
béate : il
triturait continuellement des bouts de plastiques coloré
avec des ficelles et des fils
de fer. Il pouvait faire cela durant des
heures, concentrant toute son
attention sur ses précieuses
constructions. Le seul
éclair d'intérêt que traversait son regard
délavé
était celui qui brillait à la vue du cadeau apporté par
François : toujours
des formes de plastique coloré pour enfant,
toujours applaudies comme une
nouveauté. Sitôt le cadeau ouvert,
François pouvait
disparaître ou souffrir en silence à regarder son père
raboudiner avec ferveur ses
jouets, lui ne s'en souciait plus. Plus rien
n'existait pour le vieux
(...) »207(*)
Cette description expose une relation père/enfant.
Cependant, dans ce passage c'est François qui joue le rôle du
père, et son père celui de l'enfant. Ce changement de rôle
est l'expression d'une attention inconsciente, portée sur l'image de la
relation Père/Enfant.
En d'autres termes, François se comporte comme un
père avec son père, et celui-ci à cause de sa vieillesse,
se comporte comme un enfant. A travers ce système affectif
inversé, le fils tente de donner, inconsciemment, l'exemple de ce qu'un
père doit faire, en espérant qu'il y ait une prise de conscience
et peut être même réconciliation, avec son père.
Or, ce dernier ne possède plus la capacité de
réfléchir, et François en est conscient et
« démoli, pétri de honte et de
remords »208(*).
Ainsi, nous pouvons dire que la figure du père, chez
François, garde une part de mystère qui la rend inaccessible, non
seulement au personnage principal qui après de vaines tentatives pour
retrouver son père échoue, mais aussi au lecteur qui ne
perçoit, sur le plan narratif, aucun sentiment ou explication, quant au
comportement du père.
Après les caractéristiques physiques et morales
du père de François, nous passons à celles du père
d'Anne, afin de mieux saisir la dimension signifiante de la figure
paternelle.
2. Le père d'Anne
Le père d'Anne apparait au troisième chapitre
de l'oeuvre La Reddition. Ce personnage est perçu qu'à
travers les réminiscences d'Anne et de Jacynthe, la tante et marraine de
l'étudiante.
Nous allons, dans un premier temps nous intéresser aux
souvenirs d'Anne pour faire ressortir le personnage du père, puis aux
souvenirs de la tante Jacynthe.
Lors d'une séparation avec François, Anne,
seule, dans son appartement Rue Fraser, se souvient de ses souliers rouges. Ces
derniers, lui ont été offerts par son père le jour de son
septième anniversaire. La petite qu'elle était, montrait
l'attachement et l'amour qu'elle portait à son père, en gardant
précieusement près d'elle ses souliers rouges, elle refusait de
les enlever. La seule personne qui avait la possibilité de lui faire
entendre raison, était son père. Elle se souvient
« le sourire de son père, son rire, et les gestes doux
qu'il avait eus pour mettre les souliers à sa petite fille,
éblouie. Il avait soigneusement tiré les bas blancs, les avait
pliés, avait attaché la courroie mince et brillante, l'avait
soulevée, embrassée et mise debout devant lui, tout fier de sa
trouvaille. Elle avait dormi avec ses souliers une semaine entière, les
serrant dans ses bras (...) »209(*).
Le père d'Anne est un personnage aimant, tendre et dont
le comportement laisse voir un père présent, assumant ses
responsabilités et son rôle, contrairement au père de
François. Ce qui va mettre fin à cette présence et
à cet amour, c'est la mort. Dans d'un accident de voiture, le
père de la protagoniste meurt, et laisse une petite fille
perturbée par son absence, et angoissée à l'idée
d'aimer et de perdre l'être qu'elle aimerait.
Nous constatons qu'à l'âge adulte, Anne est prise
de panique parce que certains événements de son passé, et
plus précisément la mort de son père, ont
été effacés de sa mémoire. Elle désire les
retrouver et connaître le sort de ses souliers rouges, qu'elle ne
retrouve plus.
Nous remarquons que l'écriture de M. Laberge, associe
au personnage du père, dans le cas d'Anne, un objet : les souliers
rouges. Au lieu de donner des détails ou des informations qui pourraient
aider le lecteur à saisir cette figure ambiguë, elle adopte une
autre stratégie d'écriture qui est celle de la
caractérisation indirecte, selon Goldenstein :
« Il y a caractérisation
indirecte lorsque nous devons
saisir par nous même une
information nouvelle sur un
personnage, donnée cette
fois ci implicitement à partir
d'un détail
matériel, d'une parole, d'une action »210(*)
Cette stratégie d'écriture ne donne pas
d'informations directes sur le personnage du père, elle associe un objet
à valeur sentimentale, comme le cas des souliers rouges, avec la figure
paternelle. Cet objet simulacre permet d'observer une participation du lecteur.
Ce dernier, doit se concentrer et faire un effort personnel pour retrouver et
comprendre, à travers l'écriture de M. Laberge, le chaînon
manquant, et qui est le personnage du père. La participation du lecteur
rend ce personnage fugace, intéressant dans la mesure où
« le lecteur, (...) ressent l'impression délicieuse de
vivre d'autres vies. »211(*), c'est-à-dire, qu'il retrouve à
travers le récit des images liées à sa vie
réelle.
Il est vrai que le personnage du père, n'est pas
présent dans le récit, mais il est « souvent
lié au degré de (...) participation à l'histoire
racontée (...). Cette participation peut être plus importante que
la présence du personnage dans le tissu
narratif. »212(*). Il s'agit de convoquer l'influence du père
dans le déroulement des événements et dans le comportement
instable des personnages. C'est pour cette raison que le personnage d'Anne,
ayant subi la mort de son père, refuse de vivre la même
expérience avec l'être qu'elle aime, François, d'où
sa fuite.
L'absence de son père, a entraîné une
série de comportements, chez la protagoniste à savoir, son refus
d'aimer et sa reddition à la passion « avec des crises,
des ruptures, des fuites, des déchirements et une passion sans
nom »213(*).
Le personnage du père survient, également, dans
la lettre de la tante Jacynthe, qui avait pour objectif de restaurer la
mémoire de sa nièce, et plus exactement, connaître le sort
des souliers rouges. A travers le récit de la tante, nous pouvons
retracer le parcours de la petite Anne, lorsqu'elle a perdu son père.
En lisant la lettre, Anne retrouve la mémoire de son enfance et se
rappelle l'enterrement de son père. Elle lui en voulait de l'avoir
laissée et abandonnée, et pour mieux exprimer sa colère,
elle a jeté ses souliers rouges sur la tombe de son père.
Le récit de la tante, nous permet de constater qu'Anne
a eu un début d'enfance heureux et a connu, momentanément, la
chaleur d'une famille. Contrairement à François, elle garde de
son père des souvenirs agréables et des témoignages
d'amour paternel. La description du père d'Anne est plus
élaborée que celle du père de François. Nous
apprenons, par le biais de la lettre, que le père d'Anne s'appelle Henri
et que c'est un mari et un père tendre :
« Tu (Anne) t'es endormie sur ses genoux, un
bras passé autour de son cou et
c'est lui qui, doucement, avec mille
précautions, t'a retiré tes souliers.
Je crois que j'ai rarement vu Henri faire si
attention, et, il faut bien le dire,
il y avait beaucoup d'amour dans ses gestes. (...) Ta
mère a dit que ces
souliers n'étaient pas une très bonne
idée (...). Ton père a bien ri et il l'a
prise dans ses bras (...).Je (la tante
Jacynthe) me souviens de
son regard, de cette jeune
femme amoureuse qu'était ta mère. »214(*)
Ce passage dresse le portrait d'un homme, d'un père et
d'un mari, responsable et dont la présence est importante au sein de la
famille.
Plus loin dans le récit, et plus exactement dans la
deuxième partie de l'oeuvre, au chapitre La Quête, le
personnage de Jacynthe explique à Elisabeth, la femme de
François, la relation adultère de son défunt époux.
Une fois encore, la mort d'Henri, le père d'Anne, est
réitérée mais sans pour autant donner des
précisions. La tante fait l'impasse sur le comportement et l'amour
d'Henri, mais dans une même phrase, elle lie François, Anne et
Henri :
« Anne est venue près de moi, on a
parlé (...) de François,
d'Elle, de son père, de
son passé et même d'une certaine
paire de souliers
rouges. »215(*)
Dans cet extrait, nous relevons une seule
référence à François et trois
références au père d'Anne, son père,
son passé et souliers rouges. Nous supposons que cette
phrase a été utilisée par la tante dans le but de faire
comprendre à Elisabeth, que l'absence d'Henri a perturbé
l'enfance et l'épanouissement de sa nièce, d'où la
référence au passé et aux souliers rouges, et de cette
manière, elle justifie la relation qu'a eu Anne avec François.
Nous soupçonnons également dans les propos de la
tante une allusion à l'inceste c'est-à-dire qu'Anne
retrouve à travers sa relation avec François le père
qu'elle a perdu, en étant enfant. Et ce qui nous permet d'émettre
cette hypothèse, ce sont les propos d'Elisabeth lorsqu'elle se dispute
avec son nouvel amant, Jérôme, à cause de sa fille.
Elisabeth s'emporte et donne pour prétexte la conduite de Lucie, la
fille de Jérôme, mais en réalité les propos qu'elle
tenait, étaient pour Anne :
« Tout ce que ça va donner, c'est une
fille de vingt ans (allusion à Anne)
qui va chercher un homme
( allusion à François) qui va la servir comme
son père (allusion
à l'inceste), la comprendre comme son père,
l'aimer même quand elle
est plate comme avec son père »216(*)
Cette hypothèse de l'inceste, est présente dans
la première partie de l'oeuvre, au chapitre La Reddition ,
lorsque François use de son intelligence pour s'expliquer et
départager les sentiments qu'il éprouve envers Anne, et envers
sa femme, Elisabeth. Il se rend compte que le lien qu'il l'unit à Anne,
est fort au point que :
« La seule analogie acceptable qui lui venait
lorsqu'il argumentait avec
lui-même pendant des heures sur le sujet
était l'amour que l'on porte
à ses enfants qui peut varier totalement d'un
enfant à l'autre sans perdre
de sa qualité. On pouvait aimer ses enfants
différemment, selon le type
d'attachement que chacun d'eux
suscitait. Et le sentiment pouvait être
aussi fort et sincère
même s'il différait selon l'enfant. »217(*).
A partir de ce passage, nous constatons que notre
hypothèse d'une équivalence avec l'inceste, n'est pas sans
fondement. Elle expose, clairement, l'importance du père dans
l'évolution affective des protagonistes, c'est-à-dire,
qu'étant privé d'amour paternel, les personnages se lancent dans
une passion où chacun tente de récupérer un peu de cet
amour, même si ce sentiment est implicite, néanmoins, il demeure
présent.
Ainsi, la figure du père, chez Anne, est
constituée d'informations qui permettent au lecteur de dresser un
portrait moral, non physique, du père. Ce personnage fugace, peu
présent dans le récit, est la matrice de toutes les actions et
comportements du personnage féminin, Anne.
Après avoir mis en place le portrait du père
d'Anne, et montré l'influence qu'il a eue sur la vie de sa fille, nous
passons au père d'Elisabeth. Cette dernière, semble être
le personnage le plus équilibré du roman.
3. Le père d'Elisabeth
Le père d'Elisabeth, est cité dans la
deuxième partie de l'oeuvre, et plus exactement au chapitre de La
Déchirure . Dans ce chapitre, Elisabeth découvre
l'adultère de François et en même temps, elle se rappelle
les moments partagés avec lui. Parmi ces moments, leur voyage à
Venise et l'achat de la gravure de Florence, ainsi que la contribution de son
père, au voyage de noces. Voulant faire plaisir à
François, Elisabeth lui achète un cadeau, une gravure. Celle-ci
étant chère, n'a pu être offerte qu'avec l'aide du
père d'Elisabeth :
« Son père lui avait confié un
peu d'argent pour qu'elle se gâte,
un supplément de voyage de noces, une somme
donnée à la dernière
minute pour lui dire qu'il la voulait
heureuse »218(*)
Ce seul extrait, qui met en scène le père
d'Elisabeth, ne comporte aucune description physique, mais il met en avant
l'image d'un père présent et responsable, désireux de voir
sa fille heureuse.
A travers ce passage, peu riche en information, le lecteur
constate une certaine satisfaction quant au rôle du père, et
comprend, parfaitement, l'équilibre dont jouie ce personnage
féminin, et la capacité qu'elle a de revivre après
l'infidélité de son défunt époux.
A cet extrait se greffe un autre passage, qui ne fait pas
référence explicitement à la figure du père, mais
il fait allusion à l'enfance de la protagoniste :
« La pauvreté affective de son enfance
(François) l'effrayait toujours,
non parce qu'il la ressentait avec angoisse, mais parce
qu'il la mesurait
aux multiples souvenirs
d'Elisabeth »219(*)
Nous remarquons, dans ce passage, que François n'ayant
pas eu d'enfance, se sent menacé par les multiples souvenirs de
sa femme. Cela signifie qu'Elisabeth n'a pas connu l'absence et le manque
affectif dont ont souffert François et Anne. Cette situation, fait
d'elle un personnage stable qui ne connaît pas et ne comprend pas le
besoin qu'ont eu les amants, c'est-à-dire, l'adultère.
Le personnage d'Elisabeth atteste, encore une fois, notre
postulat de départ à savoir, l'influence et l'impact du
personnage du père, peu présent dans la fiction, sur la relation
adultère des protagonistes. Toutefois, il est nécessaire
d'établir un rapport père/enfant, pour chaque personnage, afin de
renforcer notre hypothèse. Cette démarche, nous permettra de
mettre l'accent sur le sentiment de déracinement éprouvés
par François et Anne, et montrer en quoi le père peut être
l'élément central de l'épanouissement et du non
épanouissement, des personnages.
III. Les rapports Père/Enfant
La relation père/enfant, est très importante
dans la mesure où elle permet un développement normal de
l'enfant. Sa suppression peut engendrer des perturbations, parfois
irréversibles, du comportement. Dans Quelques Adieux, nous
relevons une relation père/enfant, plus ou moins complexe : nous
avons des rapports quasi inexistant chez certains personnages tels que
François, très forts et momentanés pour le personnage
d'Anne, solides et durables concernant le personnage d'Elisabeth. Ces
différents rapports, rendent compte des facettes multiples du
père, qui sont souvent liées au contexte socioculturel.
Dans ce présent travail, les personnages baignent dans
une société québécoise où le statut du
père a changé, et cède la place à un père
démissionnaire, à ce sujet Germain Dulac, sociologue et chercheur
dans un centre d'étude appliqués sur la famille, dira :
« Plusieurs personnes hésitent
désormais avant de définir ce qu'est un père.
Si nous divergeons d'opinion sur ces points, cela n'est
pas sans lien avec
le fait que, comme société, nous vivons
sous l'emprise d'un paradoxe du
père nécessaire et du père abject.
D'un côté, on nous dit que le père
est nécessaire; de l'autre, il serait un
être immoral, indigne de notre
confiance. »220(*)
Ce paradoxe du père dans la société
québécoise, est similaire aux études faites par d'autres
sociologues appartenant à d'autres pays, et donc, d'autres cultures.
L'aspect responsable et irresponsable du père, n'est pas un
phénomène qui date d'aujourd'hui, toutefois, il est
intéressant de constater que certaines productions littéraires
s'y intéressent. Nous avons remarqué que la figure du
père, est un sujet d'actualité.
Notamment, dans Quelques Adieux, le personnage du
père est présent sous différentes formes,
c'est-à-dire, qu'il est à la fois, un père responsable,
indigne, absent, mais nécessaire :
« Il (le personnage du
père) apparaît si intimement lié à l'action
-
qu'il (...) assume ou
provoque- qu'il constitue le vecteur privilégié
de l'intrigue et le coeur des
programmes narratifs »221(*)
Ce passage, montre l'importance du personnage du père
dans le récit, car il représente le facteur essentiel du
déroulement des événements, même si, ce
personnage est peu présent dans la narration, selon Philippe Hamon, ce
personnage fugace « on doit l'abstraire, car on ne peut
l'extraire : localisable partout et nulle part, ce n'est pas une partie
autonome, ... prélevable et homogène du texte, mais unlieu
ou un effet sémantique diffus.»222(*).
Cette figure insaisissable, et qui constitue à elle
toute seule un élément signifiant, a une grande incidence sur la
vie des protagonistes, et plus précisément sur celle des enfants.
De ce constat découle le besoin d'établir des rapports
père/enfant pour chaque personnage.
Ces relations père/enfant, peuvent être
étudiées à partir de deux axes : l'un
s'intéressant au mécanisme du déracinement chez les amants
(François et Anne). Et l'autre, considérant le père comme
le point d'ancrage de l'épanouissement et du non épanouissement,
des personnages.
A. Le mécanisme du
déracinement
Avant de procéder à l'analyse, il est
important de définir le concept du déracinement, tel que nous
l'entendons dans notre étude. Il ne s'agit pas de s'intéresser
au sort et aux méandres des exilés qui quittent leur terre
d'origine pour des raisons matérielle ou politique, et qui rencontrent
des problèmes d'ordre culturel et valorisent la quête identitaire.
Certes, dans notre récit les personnages mènent
une quête identitaire, mais celle-ci a été provoquée
par l'absence du père. Et le sens du déracinement, dans notre
travail, va avoir une portée psychique. Il s'agit d'exposer
l'état d'esprit des protagonistes qui ont subi une absence, un
arrachement, de l'être qu'ils aimaient ou qu'ils auraient voulu aimer.
Nous allons voir le cas de François, privé
d'amour paternel et qui tente de retrouver son enfance, mais sans
résultats. Ainsi que le cas d'Anne qui a connu la perte d'un père
attentionné, et désire rejeter l'amour, mais en vain.
Le personnage de François, est présenté,
au début de l'oeuvre, comme un être stable et comblé, mais
nous nous apercevons à la page 33, qu'il y a une redondance de la phrase
suivante :
« Quelque chose est fini qui ne reviendra
plus ».223(*)
Cette phrase est répétée cinq fois dans
un espace très réduit, c'est-à-dire, dans un paragraphe de
quinze lignes. Cette répétition, nous intrigue et incite le
lecteur à se poser des questions quant à l'élément
qui est fini et qui ne reviendra plus.
A partir de ce moment, le lecteur se sent investi d'une
mission, celle de trouver une réponse à son étonnement.
Ce qui va amplifier notre besoin de connaître le «
quelque chose qui est fini et qui ne reviendra
plus », c'est la question suivante :
« D'où venait la
cassure ? »224(*)
A travers cette question, nous pouvons, dores et
déjà, nous mettre sur la piste du passé, car le paragraphe
fait allusion au passé et à la nostalgie, avec une pointe de
tristesse :
« Quelqu'un dans le voisinage a mis le feu aux
feuilles. (...)L'odeur
le (François) remplit d'une tristesse
indicible, (...) le parfum est puissant
et l'enveloppe d'une nostalgie qui ne cherche pas
à se nommer.
(...) Un souvenir, un souvenir brumeux dans l'air
piquant de l'automne,
comme l'écho d'un cri venu d'une vie
antérieure. »225(*)
Cet extrait en rapport avec le passé de
François, n'est pas clair et ne donne aucune indication quant à
l'événement qui est responsable de ce qui est fini. La
question que nous avons relevée, nous pousse à chercher des
détails, des informations, qui ont provoqué la cassure
dans laquelle vit François. Ces sentiments de cassure, de
nostalgie et de tristesse, sont en relation avec une enfance
marquée par l'absence, et ce qui nous autorise à avancer ces
propos, c'est le travail qui a été effectué, non seulement
dans le premier chapitre de notre exposé mais aussi dans le
deuxième. Et également, les résultats obtenus, lors de
notre recherche, c'est-à-dire, la redondance et la
référence constante à un seul personnage peu
présent dans le récit, il s'agit de la figure du Père.
Même adulte, François continue à ressentir
le malaise de l'absence, parce qu'il l'a privé de souvenirs, de
mémoire et d'enfance. Dans la fiction, le protagoniste donne
l'impression de ne pas tenir son père pour responsable de son
instabilité, mais son comportement exprime tout autre chose : le
fait de ne pas vouloir d'enfant et de se comporter comme un père
à l'égard de son père, vieilli et inconscient,
révèlent un homme en quête de son enfance et de son
identité.
L'enfance est une étape importante, chez l'homme, sans
elle, il n'a pas de repère et se sent perdu, tel est le cas du
personnage principal. François voudrait comprendre l'absence qu'il a
connue, et connaître les raisons qui ont poussé son père
à être irresponsable; or, le personnage du père, devenu
malade, est inaccessible.
Cette incapacité à découvrir la
vérité, réduit le héros à l'état de
victime du passé, et les conséquences en sont la solitude,
la perturbation psychique, l'adultère, la maladie et la mort.
Le parcours fictif de François est ressemblant à
celui de la gravure décrite dans le récit. Celle-ci
résume, parfaitement, son déracinement intérieur dû
à une vie antérieure. La gravure de Florence
représente un arbre qui n'a pas de racines, et qui devient la victime du
vent. Pareillement, le protagoniste n'a pas de racines et d'enfance, sa
situation est sujette aux comportements asociaux tel que l'adultère.
Le personnage d'Anne, au début de
l'oeuvre, semble être mystérieux et dépourvu de tout indice
concernant sa vie de famille, et ce n'est qu'au chapitre trois de la
première partie du roman, que le passé d'Anne surgit, et nous
donne des précisions sur les raisons de son comportement.
Ce personnage féminin est complexe, et son attitude
laisse paraître une étudiante sûre d'elle et libre de tout
attache affectif. D'ailleurs, le portrait moral qui a été
établi dans le récit rejoint cette attitude de liberté
affective, et le besoin de solitude :
« L'université permettait à
Anne d'habiter presque seule avec
subsides parentaux eu
égard aux études, (...) partir en nowhere
aurait nettement mieux convenu
à Anne, (...).Elle (Hélène Théberge)
considère (...) que Anne
est tout fait le type de fille avec qui elle
peut apprendre (...). Surtout
en ce qui concerne l'autonomie, vertu
très
développée chez Anne (...). (...)Assise toute seule au
restaurant
de la Jonction, Anne savourait
le plaisir d'être l'unique cliente.
(...) c'était le genre
de calme qu'appréciait Anne Morissette (...) »
226(*)
Ce désir de solitude, que nous apercevons dans le
premier chapitre, n'est pas justifié, il nous a fallu attendre le
troisième chapitre de la première partie, pour connaître
l'origine de cette nécessité et recueillir des informations
d'ordre familial. Cette solitude provoquée par un
événement passé, a donné naissance à une
Anne refusant tout lien affectif, d'un point de vue familial ou amoureux.
Elle exprime sa liberté en disposant des hommes comme
elle le désire :
« Anne avait dû séduire un gars du
cours et passer la nuit avec lui.
Ça lui arrivait souvent.
Hélène enviait beaucoup sa liberté et son
audace. (...) Anne, (...) avait
presque une baguette magique ; elle
regardait le gars et, dix
minutes plus tard, il était à ses pieds. Il
semblait à
Hélène qu'Anne n'avait jamais connu d'échec. Ni
amoureux, ni scolaire, ni
d'aucune sorte. » 227(*)
La liberté sexuelle dont jouit Anne, son manque
d'attachement aux hommes et la fuite qu'elle entreprend à chaque
témoignage d'amour, montrent qu'il y a une faille dans son vécu
personnel. Nous pouvons considérer cette solitude et liberté,
comme un moyen de compenser un sentiment ou une absence, liés au
passé de la protagoniste.
Grâce au chapitre de La Reddition, la conduite
de ce personnage est justifiée, elle est en rapport avec son enfance, et
plus distinctement, avec la mort de son père. Nous signalons que le
manque d'amour paternel, a des incidences sur le comportement social et
privé du sujet, c'est-à-dire, que le personnage d'Anne
conçoit la figure du père comme un tout, un équilibre
indispensable, et contrairement à François, Anne garde de son
père des souvenirs tendres et affectueux :
« Le sourire de son père (...), et les
gestes doux qu'il avait eus pour
mettre les souliers à
sa petite fille éblouie. »228(*)
Cet amour, cette tendresse et cet homme, qui est son
père, l'ont aliénés et ramenés, rapidement à
une vie instable où la peur d'enterrer un être cher et
« à en faire son deuil »229(*) l'obsède et
l'angoisse. Cette faille psychique a déraciné Anne,
l'éloignant d'abord de sa famille puis de l'amour.
Ainsi, le déracinement d'Anne et son manque de
sociabilité proviennent d'une carence affective, celle du père,
qui a une portée significative dans la vie du personnage. Il est
responsable de la souffrance et de l'instabilité psychique,
vécus par Anne.
La figure du père est, non seulement à l'origine
des perturbations psychiques du personnage, mais elle est, aussi, un
prétexte à l'adultère. La quête de soi, les
questions sans réponses, les états d'âmes changeants,
poussent la protagoniste à chercher une compensation. Celle-ci se fera
sous la forme d'une passion ravageuse, qui ne deviendra pas substitut affectif,
mais la fera retrouver face à la mort.
L'aspect dérisoire de l'absence d'un
père, a engendré des êtres incompris, qui se cherchent,
sans succès. Nous allons voir, si cette quête de soi, une fois
menée à terme, permet l'épanouissement ou le non
épanouissement des personnages.
B. Le père comme élément central
de l'épanouissement ou du non épanouissement
Il s'agit de voir si la figure du
père, personnage peu présent dans le récit, influence
l'évolution psychique de l'enfant. Nous supposons que cette influence
comporte deux versants, le premier concerne les personnages qui ne connaissent
pas la carence affective du père, et donc il y a
épanouissement et c'est le cas d'Elisabeth. Le deuxième
concerne les personnages qui ont vécu l'absence de l'amour paternel, et
dans ce cas, nous ne pouvons pas prétendre à leur
épanouissement.
a) Elisabeth
Elisabeth est un personnage équilibré, de par
son enfance et sa famille. Le récit n'accorde pas une grande place
à son passé, néanmoins, le peu de passages faisant
référence à sa vie antérieure et à son
père, montrent que la protagoniste n'a pas souffert d'absence ou de
manque affectif.
Dans sa famille, son père la gâte et son
désir est de la voir heureuse :
« Son père lui avait confié un
peu d'argent pour qu'elle se
gâte (...) une somme
donnée (...) pour lui dire qu'il la voulait
heureuse »230(*)
Même dans son couple, c'est une femme aimée par
son mari, et le lien qui l'unit à François est particulier car
elle a vécu tant d'année auprès de lui en acceptant sa
résolution, celle de ne pas avoir d'enfant. Ce sacrifice, ce
renoncement, est un témoignage d'amour. Et lui, aussi l'avait rendue
heureuse :
« Elle avait eu ses vingt ans heureux, et ses
vingt et un ans de
mariage proche d'un homme
qu'elle aimait et qui l'aimait. Elle
était tout de
même dépositaire de ce trésor inouï qu'est le bonheur.
Même
passé. »231(*)
Ce bonheur ne peut s'effacer avec l'infidélité
de François, même si Elisabeth a subi les méandres de la
vérité, toutefois, elle reprend confiance et décide de
bâtir un autre avenir auprès d'un autre homme,
Jérôme.
Cette attitude, qui est d'enterrer le passé et
d'entreprendre l'avenir, met l'accent sur un personnage féminin
épanoui, contrairement à François, qui se laisse
anéantir par la maladie pour échapper à son passé,
à son adultère, à ses mensonges, à sa passion et
à son instabilité psychique.
b) François
François, après avoir subi l'absence de son
père en étant enfant et après l'avoir perdu une fois
adulte, n'a qu'un seul langage, celui du corps avec Anne, et celui du mensonge
avec Elisabeth. Les deux facettes du protagoniste, méconnues par
Elisabeth, vont l'anéantir car il n'a pas la capacité de
faire un choix. La double vie qu'a menée ce personnage, lui a
été fatale mais en même temps nécessaire :
Avec Elisabeth, il retrouve un semblant de stabilité
sociale, celle-ci le rassure et lui permet de faire face à sa
deuxième vie qui le préoccupe. Même si François
remarque que la reconnaissance sociale est une illusion du bonheur et de
l'épanouissement, cela ne l'empêche pas de vouloir la maintenir,
pour permettre à sa femme une vie décente et sans agitations.
Simultanément, avec Anne, on assiste à
l'émergence d'un François différent, libéré
de toute volonté et de tout désir à vouloir respecter les
règles de la bienséance, ce qui le rassure, c'est que sa femme,
Elisabeth, soit protégée du regard de la société.
Cela ne l'empêche pas d'être tourmenté par la passion qu'il
vit auprès de son étudiante, et surtout par le lien qui les unit.
A travers notre analyse de ce personnage, et par le biais de
l'écriture de M. Laberge et de son utilisation des analepses, nous
constatons que l'ambivalence de François relève d'un passé
et d'une absence non acceptée, tout comme Anne. D'ailleurs, c'est ce qui
fait la particularité de leur relation. Ce qui revient à dire,
que la présence de la figure paternelle est indispensable à
l'évolution sociale et familiale du personnage, et son absence
« qu'elle soit physique ou psychique constitue (...) une
modification importante (...) »232(*) sur le plan mental.
Sa disparition signifie la perte de repères, et c'est
justement là qu'on voit le personnage tiraillé entre deux vies
et hanté par un passé inexistant, puis tourné vers la
maladie, pour ensuite se laisser mourir.
L e personnage de François, n'évolue pas parce
qu'il ne détient pas la clef de son passé.
Dans l'écriture de M. Laberge, nous observons un
dispositif mis en place par l'écrivaine dans un but précis, et
qui est « la réalisation d'un souhait (...) qui
rencontre (...) de nombreux obstacles remettant en cause les capacités
d'action (...) du personnage (...) »233(*), c'est-à-dire, que le
protagoniste, François Bélanger, a un objectif : se
rapprocher de son père afin de réaliser son souhait qui
est de rattraper les souvenirs de son enfance.
Cependant un obstacle s'impose, celui de la vieillesse et de
la maladie de son père. Ces dernières, ont provoqué chez
le père de François un handicape mental, ainsi, le fils est dans
l'incapacité de reconstruire son passé et son enfance. Et donc,
il est condamné au non épanouissement et à la mort.
c) Anne
Tout comme François, Anne souffre de l'absence de son
père, toutefois, elle détient la clef de son passé parce
qu'elle a en mémoire les souvenirs d'un père présent et
aimant qui, malencontreusement, a connu une mort précoce.
Néanmoins, la présence de son père,
même si elle a été de courte durée, a
apportée à la protagoniste la force nécessaire pour
survivre. Cette survie se résume à un comportement libertaire
dénué de tout attachement, et de fuite, en cas de tentation
à l'égard de l'amour.
Ce dernier point, tant respecté et voulu par le
personnage féminin, a cessé d'exister le jour où
François est allé avec elle, Rue Fraser. L'amour de
François est envahissant, et étouffe Anne. Elle tente d'y mettre
fin mais elle n'y arrive pas. Le sentiment de dépendance qu'elle
éprouve, va la pousser à fuir cet amour, même si il a
duré sept ans. Ce sentiment, va la mettre face à une solitude,
insurmontable, qui finira par la tuer non pas physiquement mais
symboliquement.
La relation intense qu'a connue Anne avec François,
est une forme de substitut affectif. Privée de son père
très jeune, elle renonce à l'amour pour ne plus être
blessée, mais sa rencontre avec F. Bélanger, va raviver les
sentiments qu'elle avait, jadis, enfouis en elle pour ne plus être
hantée par le passé et la mort. Ces sentiments refoulés et
qui font surface, vont réveiller une blessure profonde non
cicatrisée, celle de la mort de son père. Cette mort a
entraîné, chez Anne, deux conduites paradoxales : l'une
évitant l'amour et l'autre l'épuisant jusqu'à provoquer sa
mort et celle de son amant.
Nous pouvons dire, également, qu'avec la mort de son
père, Anne sent une partie de son être mourir, et avec la
disparition de François, c'est tout son être qui meurt. Et cette
mort symbolique est la preuve du non épanouissement de ce personnage.
Nous soulignons que la figure du père, est
incontournable et nécessaire pour l'épanouissement de l'enfant et
de l'adulte. Nous l'avons vu avec Elisabeth, le personnage le plus
équilibré comparé aux deux autres. Et nous reconnaissons
que l'absence du père peut engendrer des transformations d'ordre
psychique et perturber, ainsi, le bon développement social et familial
de l'enfant, une fois devenu adulte. C'est ce que nous avons essayé de
montrer à travers le comportement des amants : François et
Anne. Et afin de saisir l'impact de la présence ou de l'absence du
père, il est indispensable de délimiter son rôle au sein de
sa famille et de son couple.
Notre travail, à présent, consistera à
mettre l'accent sur le rôle de la figure paternelle au sein de sa
famille et de son couple, afin de souligner sa densité et son
influence.
IV. Le père dans son couple et au sein de sa
famille
Le comportement d'un père au sein de sa
famille et de son couple, dépend de la culture à laquelle il
appartient, dans certaines cultures traditionnelles, le père est
perçu comme celui qui doit subvenir aux besoins de sa famille,
d'être présent, d'éduquer ses enfants et de leur
témoigner de l'affection. Cependant, la description que nous venons de
faire n'est pas toujours vraie. Souvent, dans les familles conservatrices, le
père est perçu comme un homme à caractère
autoritaire, sévère avec qui la communication est impossible, et
où le témoignage affectif est quasi absent. Le père
adopte, donc, avec sa famille, une relation de pouvoir, de protection et de
soumission, et son éducation réside de son autorité
uniquement.
De nos jours, le comportement du père a changé,
mais pas dans toutes les sociétés : il est le
résultat d'une mutation sociale et d'un dépassement des moeurs.
On assiste à « l'émergence d'un nouveau type de
père : un père aimant et représentant la loi à
laquelle on adhère par amour et par raison
(...) »234(*). Ces facettes du père que nous venons de
citer, soit à travers le temps ou l'époque, soit par le biais des
sociétés traditionnelles, nous les retrouvons dans Quelques
Adieux, par l'intermédiaire d'indices textuels.
Dans notre étude du personnage du père, nous
remarquons qu'il « n'est qu'un signe,
particulièrement valorisé par toute une tradition et une
conception de la littérature, à l'intérieur d'un code
donné, (...), assurant le fonctionnement d'un système
(...) »235(*), c'est-à-dire, que la figure du père
dans le roman de M. Laberge, n'est qu'un élément, cité et
utilisé pour mettre en place toute une architecture romanesque, dont
l'objectif est de transmette une réflexion et d'interagir avec le
lecteur.
Dans ce système, nous distinguons trois facettes du
père, et donc, trois attitudes différentes, au sein de sa famille
et au sein de son couple. Nous entreprendrons notre analyse, pour mettre en
avant la première facette de la paternité, celle qu'a connue
Elisabeth, auprès d'un père présent et responsable. Puis,
nous enchaînerons sur la deuxième facette de la paternité,
celle qu'a connue Anne et qui s'avère interrompue par la mort. Et enfin,
nous terminerons avec la troisième facette de la paternité,
relative à l'expérience de François et qui est
placée sous le joug de l'irresponsabilité et de l'absence.
1. Un père entier
Il s'agit de repérer tous les
éléments, qui pourraient nous permettre de déterminer le
comportement de la figure du père d'Elisabeth à travers le texte.
Le roman ne donne aucune précision quant au comportement de ce dernier,
le seul passage faisant allusion à lui, désigne un père
responsable, présent, qui ne cherche que le bonheur de sa
fille :
« Son père lui avait confié
(...) un supplément de voyage de noces (...)
à la dernière
minute pour lui dire qu'il la voulait heureuse. »236(*)
En effet, cet extrait ne prétend pas affirmer notre
hypothèse, néanmoins, il la sous entend. Ce personnage du
père n'a d'autre désir que de voir sa fille heureuse, et cela
signifie que ce souhait ne date pas, uniquement, du voyage de noces, mais il a
toujours été présent dans son esprit.
Et si Elisabeth est une femme équilibrée et
optimiste, c'est parce que son père lui a permis d'avoir un foyer, une
famille stable et normale.
La mention de l'adjectif normale, a pour sens une famille
qui serait constituée d'un père aimant et présent, et
d'une mère aimante et présente. Cette normalité sera
à l'origine de l'épanouissement de l'enfant et de l'adulte ;
dans le cas contraire, c'est la famille qui disparaît.
L'épanouissement d'Elisabeth, suggère un
père ayant accomplit son devoir de mari, au sein de son couple, ce qui
nous permet de déduire cela, c'est le fait, qu'une famille ne peut
être normale que si, il y a entente entre les deux partenaires.
Donc, le rôle du père a été
assumé, en entier, chez le personnage d'Elisabeth, cependant, tous les
personnages ne jouissent pas de la même situation, parmi eux, Anne.
2. Un père manquant
La famille d'Anne Morissette,
a été marquée par un événement, un accident
de voiture qui a provoqué la mort de Henri, le père d'Anne. Ce
dernier, avant sa mort, assumait son rôle de père et son
rôle de mari. Il était tendre avec sa fille :
« (...) Henri
était très fier de sa fille, (...) et il faut bien le dire, il y
avait beaucoup d'amour
dans ses gestes. » 237(*)
Sans oublier, la complicité qui unissait le couple
Morissette :
« Ton
(Anne) père l' mère d'Anne a prise dans ses bras (...).
Je
(Jacynthe) me
souviens de son (Henri) regard, de cette jeune
femme amoureuse
qu'était ta mère. Elle aimait Henri (...)
follement. »238(*)
Cette union, cette entente, a donné naissance à
un foyer et une famille normale, mais cette normalité se verra
perturbée, puis disparaître, avec la mort de Henri, le père
d'Anne. L'absence de ce père a disloqué sa famille, et
éloigné Anne de toute personne susceptible de lui procurer de
l'amour. La paternité, chez Anne, a été interrompue, sans
cela, elle aurait eu une vie et une famille normale, avec un avenir optimiste.
Encore une fois, nous revenons sur l'indispensable
présence du personnage du père au sein de sa famille. D'ailleurs,
son absence, sa mort prématurée, a entraîné sa
fille, Anne, dans les méandres d'une passion mortelle.
3. Un père manqué
Le père de François est
décrit, dans le chapitre deux, comme un homme absent et irresponsable,
à l'égard de ses enfants, mais aussi, à l'égard de
sa femme :
« Il
(François) errait dans la maison (...) et pensa (...) que sa
mère
n'y était jamais
venue. (...) Elle était morte toute seule, à l'hôpital,
pendant que lui et ses
frères étaient allés manger. Même son père,
(...) l'avait ratée.
Elle les avait tenus tous ensemble, et après sa mort,
la famille s'était
disloquée, comme si tout ce qui les empêchait de se
disperser ne tenait
qu'à elle. »239(*)
Cet extrait, fait ressortir le comportement du père,
dans sa famille et dans son couple. Nous remarquons, que la mère endosse
toute la responsabilité de la famille, et qu'elle est
l'élément central de l'unification des enfants et du foyer. Cette
responsabilité totale de la mère, en laisse peu au père,
voire rien. Celui-ci est, étranger, dans sa maison, il n'est
présent pour personne, ni pour sa femme ni pour ses enfants, la preuve
en est la séparation de la famille, après la mort de la
mère.
Le père de François, ne possède pas la
capacité parentale et ne peut prétendre au paternage240(*), même si nous savons
que « les pères sont aussi sensibles et peuvent
établir des relations avec les enfants aussi naturellement que les
mères (...) »241(*). Ce potentiel parental, est présent chez le
père d'Elisabeth et chez le père d'Anne, même si, sa
présence était temporaire. Cependant, le père de
François ne s'est pas intéressé à sa fonction de
père, et ne semble pas, une fois vieilli, vouloir réparer et
rattraper ses erreurs passées.
Ce qui fait défaut à ce père, c'est la
vieillesse, « rangé dans une place de vieux celui-ci n'en
finissait plus de dégringoler (..). Le vieux, (...) s'amusait
plutôt bien dans une inconscience béate
(...) »242(*).
En effet, le père de François n'a pas
assumé son rôle, et son absence a marqué l'esprit de son
fils, d'une empreinte indélébile, qui le poussera, d'abord, vers
l'adultère, et ensuite, vers une mort certaine.
A ce stade de notre analyse, nous constatons que le personnage
du père, a de multiples facettes, qui entraînent à chaque
fois des comportements et des modifications dans l'esprit des personnages. Il
est l'élément central de la fiction, même si, sa
présence n'est pas souvent citée, néanmoins, il est
à l'origine de toute attitude approuvée ou non approuvée,
des protagonistes.
La passion d'Anne et de François, est le
résultat d'une absence et d'une irresponsabilité. C'est cette
carence en amour paternel, qui fait la particularité de ces personnages,
et c'est aussi l'écriture de M. Laberge, qui a le pouvoir de transformer
une histoire tout à fait ordinaire, en une fiction particulière,
hors du commun.
Le pouvoir de cette écriture, réside dans les
procédés d'écriture adoptée par l'écrivaine,
tels que les analepses et l'ellipse pour relater le passé des
personnages, ou encore, l'utilisation excessive des épigraphes pour
interpeller le lecteur et le faire participer à l'histoire, quelque soit
son origine.
L'écriture de M. Laberge, donne l'impression au lecteur
qu'il élabore la fiction au même titre que l'écrivaine.
Ce dernier chapitre, nous a permis d'affiner notre
hypothèse de départ. Après avoir dressé un plan
basé sur quatre points essentiels, le premier étant,
l'imaginaire familial et le fonctionnement social du père dans la
société québécoise, le deuxième
décrit les caractéristiques physique et morale des pères
cités dans le roman, le troisième met l'accent sur les rapports
père/enfant et le dernier s'intéresse à la place du
père au sein de sa famille et de son couple. De ces quatre
étapes, nous avons fait ressortir le statut et le rôle
attribués au père dans la communauté
québécoise, rôle caractérisé par
l'autorité et la responsabilité. Ensuite nous les avons
comparés aux rôles des pères cités dans la fiction,
et à partir de nos résultats, nous avons établi des
paramètres en fonction des facettes paternelles existantes dans le
roman.
Nous avons constaté la redondance de trois sortes de
pères, un père accompli, un père responsable mais mort
trop tôt et un père démissionnaire. En distribuant ces
pères aux personnages de Quelques Adieux, il en ressort deux
catégories de personnages : la première concerne les sujets
équilibrés et épanouis, et dans ce cas nous n'en avons
relevé qu'un, il s'agit d'Elisabeth. Cette dernière
possède une maturité sociale et affective que les autres
personnages n'ont pas.
Quant à la deuxième catégories, elle
renferme tous les personnages marqués par une crise sociale et
familiale, et dans Quelques Adieux François et Anne, souffrent
du non épanouissement social et affectif et cela parce qu'ils ont
été confrontés à une absence paternelle, dès
l'enfance.
La figure du père est désignée à
travers les propos des personnages, et elle se construit au fur et à
mesure, que nous avançons dans notre lecture. Ce personnage fugace, peu
présent dans le récit, a une influence latente sur les
protagonistes .De cet impact découle l'adultère de
François et d'Anne, car ce sont les deux victimes de l'absence
paternelle contrairement à Elisabeth, qui après avoir vécu
la trahison de son défunt époux, décide de penser à
l'avenir. Cette résolution, nécessite une force morale et
physique qu'elle puise dans son être et dans son équilibre
familial.
C'est ainsi que nous observons la présence d'une
écriture du père, même si le personnage en question est peu
présent ou implicitement désigné dans le récit,
toutefois il se construit à travers les stratégies
d'écriture adoptées par M. Laberge.
CONCLUSION
Le personnage du père dans le roman, est une
figure complexe et problématique. Il a une grande une influence sur les
personnages et sur leurs progressions au sein de la fiction, selon Philippe
Hamon :
« Définir la compétence du personnage et notamment
contribuer à des sous-classes d'actants bien différenciés,
selon
que ces
actants sont puissants ou impuissants, qu'ils ont les
moyens
ou non d'agir conformément à leur vouloir qu'ils
disposent ou non d'adjuvants, que leur pouvoir est inné ou
acquis. »243(*)
Effectivement, la figure du père, dans Quelques
Adieux, est un personnage dont la portée confirme le
caractère de puissance, mais aussi celui du «pouvoir
inné«, c'est-à-dire, que sa présence ou son
absence comporte une faculté de modification sur le plan narratif. Ce
«pouvoir inné« que nous venons de citer est en
rapport avec le domaine anthropologique : la place qu'occupe la figure
paternelle dans la société, est déterminante et en
relation directe avec l'usage qu'en font les écrivains. Pour plus de
précision, nos pouvons dire que la simple suggestion de la
présence de ce personnage dans la fiction, pousse les personnages,
inconsciemment, à adopter des comportements parfois
incompréhensibles.
A partir de l'écriture de M. Laberge, nous constatons
que ce personnage est le noyau central de toutes les transformations que les
protagonistes mettent en place, même si sa présence sur le plan
narratif, est réduite. Toutefois, à travers les indices formels
tels que : le para texte, le temps, l'espace et les personnages, il
s'impose. Sa présence ainsi que son statut, dans le récit, sont
liés à une écriture influencée par le contexte
social. Pourtant, l'écrivaine relate une histoire à
caractère universel en recourant à des thèmes qui touchent
l'humanité ; mais le travail effectué sur le plan de
l'écriture permet aux lecteurs de saisir l'histoire romanesque comme une
fiction exceptionnelle, c'est-à-dire qu'il y a transformation d'une
histoire ordinaire en une fiction complexe.
Le personnage du père, dans le roman, dispose d'un
savoir faire et d'une influence suggérés par l'écriture,
à ce propos Y. Reuter insiste sur le fait que :
« Les
personnages ont un rôle essentiel dans l'organisation
des
histoires. Ils permettent les actions, les assument, les
subissent,
les relient entre elles et leur donnent sens. D'une
certaine
façon, toute histoire est histoire des
personnages. » 244(*)
En prenant en considération la place qu'occupe le
père dans la fiction, et en faisant de lui l'élément
central de notre problématique, nous nous sommes interrogés sur
l'utilisation de ces informations dans le processus de recherche. Il est vrai
que notre approche de la fiction a été déterminée
par un profond souci de rendre compte de l'influence
prépondérante du rôle paternel sur le développement
à la fois psychique et social des personnages. Nous avons fait recours
à l'examen des stratégies utilisées par M. Laberge afin de
faire ressortir la figure paternelle.
Initialement, nous étions orientés
vers une étude comparative de l'oeuvre de M. Laberge, Quelques
Adieux , et celle d'Assia Djebar, Les Nuits de Strasbourg.
Nous voulions analyser l'écriture du corps chez les deux
écrivaines afin de dégager des éléments de jonction
et de disjonction, dans leurs écrits respectifs, et de cette
façon exposer une préoccupation commune aux deux cultures
algérienne et québécoise, exprimée à travers
une écriture différente, sollicitant un intérêt
particulier, basé sur une étude approfondie de l'écriture
du corps.
Ce premier désir, était né d'une
observation faite à partir des transformations subies par le corps dans
la fiction romanesque, et nous avons remarqué que le
« corps en souffrance, mutilé, ou bien entièrement
tourné vers la reconstruction, le corps francophone se cherche en tout
aspect, en toute cause. Il n'est plus simplement un corps
imprégné d'âcres odeurs sexuelles,
(...) »245(*)il est la représentation d'un besoin, d'une
défaillance identitaire.
Cette première approche a intrigué et
incité à comprendre ce besoin de faire l'amour non pas pour
« un simple acte de connaissance de soi, mais de
«naître avec l'autre« (...), c'est-à-dire que le
détour par l'autre est nécessaire et fondamental pour
accéder au moi.»246(*). Et nous avons constaté que pour
accéder au «moi«, il faut avoir connaissance de son
passé et plus exactement de son enfance. Ce savoir constitue le socle
du développement humain et donc de l'identité, dont souffrent les
personnages, des deux romans.
A ce stade de notre réflexion, nous avons
décidé de nous consacrer, essentiellement, aux problèmes
liés à l'enfance et provoqués par un
élément, qui jusque là nous semblait anodin.
Pour étudier cette nouvelle perspective, nous avons
décidé de ne pas entreprendre l'approche comparatiste et de
ce fait, choisir un seul ouvrage. Notre mémoire est consacré
à Quelques Adieux de M. Laberge, car ce roman rend compte d'un
comportement complexe des personnages, lié à un passé et
une enfance perturbés, causés par l'absence paternelle. Celle-ci,
va constituer et déterminer l'avenir des protagonistes, c'est pour
cette raison que nous avons opté pour une problématique qui
s'interroge sur l'impact du personnage du père, peu présent dans
le récit, sur la relation entretenue par les protagonistes. Et pour
élaborer ce travail, nous avons analysé les
procédés d'écriture adoptés par l'auteure.
Notre approche se décline comme suit :
Nous avons, d'abord, opté pour l'analyse paratextuelle du roman, pour
voir si le paratexte peut nous donner des indices sur le personnage du
père, avant la lecture de l'oeuvre. Puis, le besoin d'une étude
temporelle s'est avérée nécessaire, pour mettre en amont
l'utilisation de certaines techniques de narration tels que les analepses,
l'ellipse ou encore les temps des verbes, surtout l'imparfait, et mettre en
aval, une constante qui découlerait de ces procédés, et
qui serait en relation avec la figure du père. Le caractère
implicite du père, nous a conduit vers une étude spatiale de
l'oeuvre, celle-ci aurait la capacité de nous éclairer sur le
parcours des protagonistes, un parcours présent ou passé, dans le
but de retrouver la trace de la figure paternelle.
Et en dernier, nous avons choisi l'étude des
personnages et plus précisément le personnage du père.
Notre désir était d'exposer les différentes facettes de
celui-ci, et donc, les différentes fonctions choisies dans la fiction.
Ce choix nous est apparu intéressant dans la mesure où il
montrerait l'influence du père sur les personnages.
L'analyse paratextuelle, nous semblait
essentielle pour indiquer le choix de la structure romanesque de
l'écrivaine, c'est-à-dire l'utilisation récurrente des
épigraphes, des épigraphiés ainsi que des sous titres.
Cette architecture interne du roman, revêt un univers littéraire
et culturel, multiple, qui laisse transparaître une écrivaine
ouverte sur le monde, mais, également, intéressée par ce
qui le préoccupe.
Nous avons commencé ce premier chapitre, avec
l'idée de retrouver une trace, un indice de la figure du père,
à partir des thèmes qui dominent les exergues, et de la relation
sous-titre/contenu , selon J.Y. Tadié :
« Lire la structure d'un texte c'est y relever
des
parallélismes dans la fiction comme dans la
narration. Le
relevé peut être
infini. Pour qu'il reste significatif, il faut
noter les
parallélismes qui concernent la totalité du
texte.»247(*)
Certes, la composition du roman, « où un
élément de paratexte (...) si il consiste en un message
matérialisé, a nécessairement un emplacement que l'on peut
situer par rapport à celui du texte lui-même : autour du
texte, dans l'espace du même volume, comme le titre ou la préface,
et parfois inséré, dans les interstices du texte, comme les
titres de chapitres ou certaines notes, »248(*) que G. Genette nomme
péritexte. Ces indices vont nous permettre de suivre la
progression de la fiction, c'est-à-dire, que le relevé des
éléments situés en «bord
d'oeuvre«249(*)permettent une approche de la fiction de
manière réfléchie.
Notre première étape qui se voulait informative
sur le plan des éléments redondants, nécessite un
approfondissement en rapport avec les informations extraites de l'étude
paratextuelle. Cette dernière, expose des thèmes universels qui
préoccupent tous les pays du monde, à savoir l'amour, la
solitude, la vie, la mort, la passion. Toutefois, nous avons remarqué
qu'une donnée se distingue, il s'agit de la référence au
passé et à l'enfance.
C'est cette première constatation, qui nous a
encouragé à poursuivre notre analyse et à mettre l'accent
sur cette donnée.
Afin d'affiner notre recherche, nous avons
intégré au premier chapitre l'étude du temps interne, qui
regroupe les analepses, l'ellipse et le temps des verbes. Cette
deuxième démarche met en avant la présence paternelle
à partir des souvenirs des personnages. Ce personnage fugace, n'est pas
toujours présent dans la mémoire des protagonistes et est
mis en place à partir des analepses.
La mémoire des protagonistes, « est une
mémoire brisée, une mémoire complètement en
morceaux (...) qui revient donc (...) par hésitations, par
débit »250(*). Cette mémoire du passé qu'on nomme
analepse, est un procédé d'écriture qui nous renseigne sur
le passé des personnages surtout celui de François et d'Anne, et
souligne l'importance de certaines images redondantes, souvent liées au
Père. Cette utilisation des segments analeptiques est, également,
apparente à travers les verbes conjugués à l'imparfait. Ce
temps « domine (...), [et] n'implique pas un temps accompli,
fermé, mais une durée qui se construit et ne cesse pas de
construire, dans le cheminement des consciences ou, plus justement, dans le
cours du texte »251(*), c'est-à-dire que par le biais de cette
structure verbale, nous avons tenté de montrer que les analepses sont
mises en valeur et que leur aspect rétrospectif, évoque une
présence imposante dominant le passé des protagonistes, et qu'il
s'agit du personnages du père.
D'ailleurs, ce qui va renforcer ce chapitre consacré
aux temps externe et interne, c'est la présence d'une ellipse, divisant
le roman, non seulement en deux parties, mais aussi en deux histoires : la
première, est celle de la passion vécue par François et
Anne, et la deuxième est celle d'Elisabeth qui découvre
l'adultère de son défunt époux, François.
Dans notre analyse de l'ellipse, nous soulignons l'importance
de la progression de la fiction à partir d'un bond temporel qui
n'apparaît pas, selon G. Genette, il s'agit d'une ellipse implicite
« c'est-à-dire celle dont la présence même
n'est pas déclarée dans le texte, et que le lecteur peut
seulement inférer (...) quelque lacune chronologique ou solutions de
continuité narrative »252(*)
Ainsi, ce «segment nul de
récit«253(*), nous a permis, dans la deuxième
moitié de Quelques Adieux, de retrouver le passé d'Anne
de façon précise, et surtout le rapport qu'elle avait avec son
père. Cette rétrospection, n'a pu être effectuée
qu'à partir d'une enquête, entreprise par la veuve de
François, Elisabeth, qui voulait coûte que coûte ,
comprendre l'infidélité de son mari, et cela après sa
mort.
Dans le roman de M. Laberge, les sept années de
relation adultère entretenue par François et Anne, ne figurent
pas ainsi que la maladie du protagoniste et sa mort. Ces informations seront
transmises dans la deuxième partie du roman à travers
l'enquête de la veuve, et auront pour causes et explications, un
passé dépourvu de présence paternelle.
Cette conclusion de carence paternelle, est non seulement le
résultat de notre analyse mais c'est aussi la déduction
d'Elisabeth. Celle-ci, évalue le comportement de son mari, comme une
conséquence directe de la mort de son père. Même celui
d'Anne, a été expliqué de la même manière.
Nous constatons que le résultat obtenu, affirme notre hypothèse
de départ, et c'est ce qui nous a autorisé à entreprendre
le deuxième chapitre consacré à l'espace romanesque.
La structure spatiale de l'oeuvre, nous a
amené à interroger tous les lieux se rapportant aux
déplacements des personnages. Mais le plus intéressant, c'est
notre perception de certains thème et objet qui passent du statut
intrinsèque au statut d'espaces symboliques. Cette richesse de l'espace
rend son accessibilité complexe, et c'est dans cette
ambiguïté spatiale que nous avons extrait la figure du père.
Pour y parvenir, nous avons présumé que l'analyse de la
distribution des lieux empruntés par les personnages, est
nécessaire car « dans un texte, l'espace se définit
(...) comme l'ensemble des signes qui produisent un effet de
représentation »254(*)et c'est justement cette représentation qui
nous a permis de dégager une structure signifiante de l'espace.
Tous les espaces utilisés par François et Anne,
mettent en avant des images liées à la passion, à la
solitude et à l'angoisse. Ces dernières, ont un point
commun : le passé de chaque personnage, c'est-à-dire, que
ces images « distribuent (...) les signes, où se lient les
relations achroniques : la pensée a besoin des métaphores
spatiales »255(*)
En d'autres termes, ces signes qui sont pour nous : la
passion, la solitude et l'angoisse, sont reliés par une force
centripète présente chez chaque protagoniste, et faisant d'eux
des victimes de leur passé. Cette force qui « enferme le
désir des personnages (...) [et] apporte une
contrainte »256(*) sur le plan de l'épanouissement, porte le nom
de Père. Celui-ci est présent dans les moments de solitude et
d'angoisse exprimées par les protagonistes, dans des lieux
fermés, tels que la chambre et l'appartement. Ces endroits sont des
lieux « où l'absence d'un personnage (le père)
produit une aspiration, un charme (...)
insupportable »257(*), dans l'esprit des protagonistes. Ils se retrouvent
confrontés à un spectre de leurs enfances : le Père.
Après avoir analysé tous les lieux
empruntés par les personnages, nous avons évoqué le besoin
d'élaborer une autre étude spatiale basée sur l'aspect
symbolique des espaces.
Cette démarche a pour objectif de faire ressortir tous
les pères (celui d'Anne, de François et d'Elisabeth) à
partir de certains thème et objet, tels que l'amour et ses versants, la
mort, et la gravure de Florence. Ces éléments vont nous servir
d'intermédiaire entre les personnages et leur passé. Nous avons
remarqué que l'amour est un thème paradoxal exprimant, à
la fois, la passion et la tristesse. Ces deux sous-thèmes,
représentent une base de données informant le lecteur de la
progression psychique et émotive des personnages, et de plus, le
renseigner sur la raison originelle de toutes modifications conjoncturelles sur
le plan romanesque.
A la suite de l'analyse des deux versants de l'amour,
c'est-à-dire, la passion et la tristesse, nous avons déduit que
les émotions ressenties par les protagonistes désignent : la
nostalgie de l'enfance et la puissance d'un souvenir marquant, qui portent
l'image de l'absence, celle du père.
Quant au thème de la mort, nous avons été
confrontés aux séquelles de la carence paternelle. Nous
assistons, non seulement, à une mort physique mais aussi à une
mort symbolique du personnage : François, personnage
déraciné, ne possédant aucun moyen pour rattraper son
enfance, s'abandonne à une passion dévorante et adultère
où il masque un sentiment d'inceste, pour ensuite se réfugier
dans une maladie incurable, échappatoire. Cette mort, est pour lui une
forme de délivrance car son coeur ressemblait à une
scène de théâtre où chaque sentiment se mêle
à un autre, créant ainsi une confusion dans l'esprit du
protagoniste.
Anne vit sa mort différemment, c'est-à-dire, que
ce personnage féminin est mort au même moment que son père.
A partir de cet instant, son coeur n'a toléré aucun sentiment
d'amour. Toutefois, sa relation avec François ainsi que sa disparition,
n'ont fait qu'affirmer notre perception de la mort symbolique, chez Anne.
Cette première partie de la symbolique de l'espace,
expose « un espace fictionnel très vaste, pour ne pas dire
infini, ouvert à toute sorte d'imagination »258(*). C'est en ces termes, que
nous constatons que l'espace, n'a plus la même conception ; il passe
de l'état de lieu à l'état de thème et d'objet,
c'est-à-dire, qu'il prend plusieurs formes pas forcément
palpables, comme les thèmes de la mort et de l'amour.
Lorsque nous avons entamé l'analyse de l'espace
symbolique, l'image de la gravure s'est, aussitôt, imposée. Cet
objet, exposant un arbre sans racines luttant contre le vent vainement, a
été, immédiatement, révélateur. L'image qui
s'est, rapidement, superposée à celle de la gravure, est le
destin de François : N'ayant pas de racines ou plus exactement
d'images liées à son l'enfance, il se retrouve à
l'âge adulte avec une fragilité psychique qui entraînera sa
perte.
Si nous avons décidé de considérer la
gravure comme espace symbolique, c'est parce qu'elle
« révèle des repères psychiques et dessine
une cartographie symbolique »259(*)
Tous les espaces cités, ont pour matière
première l'imagination. Celle-ci « est l'expression en
images des instincts fondamentaux, l'imagination de la vie traduit
symboliquement le vouloir- vivre dans ses variations multiples : peur et
dégoût de vivre, (...) »260(*). En d'autres termes, les
images extraites de chaque espace géographique et symbolique,
témoignent des instincts et des envies ancrés dans les
profondeurs de l'individu mais présents sous différents
aspects : peur, angoisse et passion. Et dans ce deuxième
chapitre, l'image cachée dans l'esprit de chaque personnage est celle du
père.
Pour plus de précision, nous avons rajouté un
troisième chapitre consacré au personnage du père. Ce
volet touche, directement, la cible de notre recherche et est en mesure
d'affirmer ou d'infirmer notre postulat de départ, car
« le personnage le plus intéressant est celui qui fait le
récit. »261(*). Même si pour le détecter, il a fallu
analyser la mémoire de l'enfance de chaque protagoniste et mettre en
avant des hypothèses afin de repérer une esquisse du portrait du
père.
Nous nous sommes proposés, dans ce dernier chapitre, de
rappeler la place qu'occupait et qu'occupe le père dans la
société québécoise, avant et après la
révolution tranquille. Notre objectif étant d'informer le lecteur
sur l'évolution du statut et du rôle paternel, c'est ce qui nous a
permis de mieux saisir la figure du père dans Quelques Adieux.
Cette étape informative sur le fonctionnement social du
père au sein de la société québécoise, va
développer chez le lecteur une image du père qui est en rapport
avec celle que nous voudrions transmettre, c'est-à-dire qu'il va
projeter sa propre image. Celle-ci sera liée à son vécu et
sera en rapport avec la société à laquelle il appartient.
Le lecteur va examiner les liens du personnage du père avec la
réalité qu'il vit.
De cette première démarche de l'étude du
personnage du père, découle le besoin de dresser les portraits
physique et moral, des pères présents dans la fiction. Il est
vrai que sa présence, dans le récit, est quasi inexistante.
Cependant, il est « une image verbale, et n'est que cela. C'est
un fantasme qui sert à l'assouvissement du désir ; (...)
[et] est porteur du mouvement du désir
(...) »262(*). Nous sommes partis de l'idée que le
père n'est présent dans le récit, que par le biais des
images exprimées par les protagonistes, souvent, provoquées par
des périodes d'angoisse, de solitude et de passion intense. Ces images
extraites des réminiscences des personnages, nous ont permis de
décrire les différents signes du père. Cette description
n'est pas gratuite, elle interroge les différentes facettes du
père afin de mettre l'accent sur les rapports père/enfant.
Ce dernier point a été exploré en
troisième position dans notre analyse du personnage du père. Et
c'est dans cette sous partie que nous avons constaté que notre recherche
s'avère être sur la bonne trajectoire, c'est-à-dire, que
la mise en valeur de la relation père/enfant, a enregistré
l'influence du père sur l'épanouissement et le non
épanouissement de l'enfant, qui une fois adulte, sans se rendre compte,
se comporte en conséquence.
Pour plus de précision, nous avons divisé cette
sous partie en deux points : le premier désigne les amants,
François et Anne, qui souffrent de déracinement et cela pare
qu'ils ont vécu l'absence paternelle. Celle-ci justifie leur
adultère, car n'ayant pas eu une enfance normale, ils deviennent
« des objets qui convoquent le mouvement
d'Eros »263(*) comme compensation à l'amour paternel, c'est
ce que nous avons tenté d'exposer et de prouver, non seulement à
travers ce premier point mais aussi en se référant au
deuxième point. Ce dernier, interroge l'enfance des protagonistes dans
le but de cerner les personnages épanouis de ceux qui ne le sont pas. Et
c'est à cette étape de notre travail que notre hypothèse
se confirme :
Nous avons remarqué que les deux personnages ayant
entretenus une relation adultère, François et Anne, souffraient
d'une carence paternelle et représentaient des signes de non
épanouissements social et familial. Alors que le personnage
féminin d'Elisabeth, la femme de François, constitue
l'élément le plus équilibré et épanoui de la
fiction, car ses liens avec les membres de sa famille et avec son père
sont présents et solides. Elisabeth ne connaît pas l'absence et
surtout celle du père, c'est ce qui lui a permis d'évoluer
sainement.
Ainsi, notre recherche se termine avec un dernier sous titre
qui insiste sur le rôle du père au sein de sa famille et au sein
de son couple. Cette dernière approche va renforcer les résultats
obtenus jusque là, c'est pour cette raison que nous avons opté
pour l'énumération des différents pères
cités dans le récit, en mettant en évidence leurs
comportements avec leurs familles et leurs enfants. Même si, nous ne
détenons pas d'informations suffisantes, toutefois « le
vide sémantique du personnage fait le plein du
texte »264(*) et à partir de la structure verbale, nous
avons pu repérer les différentes facettes du père, et
donc, les différents comportements adoptés avec la famille ou
avec les enfants.
Cette classification a donné naissance à trois
catégories du personnage du père : Un père
entier, celui d'Elisabeth, responsable de son épanouissement et de
sa stabilité sociale et affective. Un père manquant,
celui d'Anne, un homme responsable et aimant, mort trop tôt. Cette
absence prématurée, a transformé la vie d'Anne, et l'a
faite basculer vers une relation adultère, avec un homme ayant les
mêmes préoccupations qu'elle. Mais la mort de son amant,
François, va entraîner, chez Anne, une mort symbolique qui
l'anéantira. Donc, pour compenser la première absence Anne se
lance dans une passion, qui engendrera une deuxième absence qui lui sera
fatale. Un père manqué, celui de François: un
homme démissionnaire, refusant d'assumer ses responsabilités. Ce
rejet de la paternité provoquera, chez François, des
comportements instables qui donneront lieux à une relation
adultère et à une maladie incurable. Perturbé
psychiquement, par l'absence paternelle, François se refuse le
rôle de père, même si son comportement avec Anne, laisse
voir un transfert affectif qui pourrait relever de l'inceste. A ce propos, dans
la deuxième partie de l'oeuvre, Elisabeth y fait
référence.
Comme nous venons de le voir, le personnage du père est
une donnée indispensable pour le bon épanouissement de l'enfant
et pour son équilibre familial et donc social.
Ainsi, nous achevons ce travail en soulignant
l'intérêt et la rigueur que nous avons portés à
l'écriture de M. Laberge. Son écriture met en avant la
quête d'identité qu'entreprennent les protagonistes et se termine
sur un constat de carence paternelle.
Toutefois, notre orientation de lecture et la perspective
choisie, ne remettent aucunement la possibilité d'extraire de l'oeuvre
de cette écrivaine d'autres objectifs de recherche, qui peuvent
être orientés vers : Une analyse intertextuelle, ou encore
une étude comparative avec un autre ouvrage appartenant à une
autre littérature. C'est sans doute là matière à
une autre étude.
ANNEXE
Le calendrier des
événements265(*)
Chapitre : Le Désir
La rentrée
François remarque Augmentation
Fin du
Anne du désir
trimestre Noël
.........................................................
.............................23.........1972
Septembre octobre novembre
décembre
Chapitre : Le refus
Résolution de Amplification
Anniversaire de La mort du père de
François du désir. Le
François François
Résister refus de céder
Baiser d'Anne Ils cèdent au
désir
............................................................26............13.........
1973
Janvier février
mars avril
Chapitre : La reddition
Désir et conflits Le pacte
Amoureux Impatience du
Séparation des amants corps
Conflits amoureux
.......................................................................................1973
Mai août septembre
octobre novembre décembre
Chapitre : La
déchirure
Découverte de
l'infidélité
De François par
Elisabeth
(après10ans)........................17.............................................1983
Octobre
Fin octobre
Chapitre : La quête
Quête
D'Elisabeth Lettre d'Hélène
Rencontre avec Jacynthe
....................................23......................................................31..1983
Novembre
décembre
Chapitre : La fin
Conflit et réconciliation
avec Jérôme
Conception d'un enfant
.....................................................................................
1984
Janvier
février
Distribution des segments analeptiques266(*)
Tableau 1 :
Première partie 1972
|
Chapitre un : Le désir
Nombre d'analepses : 1
Numéro de pages : 45
Chapitre deux : Le refus
Nombre d'analepses : 2
Numéro de pages : 108 à 111
Chapitre trois : La reddition
Nombre d'analepses : 3
Numéro de pages : 161à 163
179
181 à 191
|
Tableau 2 :
Deuxième partie 1983
|
Chapitre quatre : La
déchirure
Nombre d'analepses : 11
Numéro de pages : 245 à 246
249
253 à 256
264 à 265
268 à 269
275 à 278
280 à 281
291
295 à 296
298
310
Chapitre cinq : La quête
Nombre d'analepses : 4
Numéro de pages : 337 à 339
340 à 349
362 à 372
382
Chapitre six : La fin
Nombre d'analepses : 0
Numéro de pages:/
|
Graphe N°1
Ce graphe a pour objectif, dans le premier chapitre de notre
mémoire, d'exposer la progression analeptique à travers toute
l'oeuvres de M. Laberge, afin qu'on puisse établir des parallèle
avec la fiction, et ainsi de faire ressortir l'élément
perturbateur de la narration.
Graphe N°2
Cette courbe temporelle, découle de l'utilisation des
segments analeptiques, qui indiquent un retour en arrière, et
nécessitent un temps adapté pour la narration, c'est pour cette
raison que nous avons tenu à signaler la progression de l'imparfait,
temps de la narration et de la description.
Graphe N°3
Ce dernier graphe, du chapitre un de notre exposé,
indique des lieux de concupiscences entre l'utilisation de l'imparfait et des
analepses. Ces données vont nous permettre de déterminer
l'élément redondant, se rapportant à la fiction, dans les
lieux de jonction.
Topologie Fictive267(*)
Première partie
1972
Chapitre
un : Le désir
Le trajet de François
Lieux de jonction Le trajet
d'Anne
Université
Restaurent de la
Jonction
Classe
Appartement, Rue
Fraser
Université
Bureau
Classe
Maison conjugale
Université
Classe
Chapitre deux : Le refus
Le trajet de François
Lieux de jonction Le trajet
d'Anne
Université
Classe
Appartement Rue
Fraser
Université
Classe
Bureau
Maison conjugale, Chemin
Gomin
Appartement, Rue Fraser
Université
Classe
Appartement, Rue Fraser
Chapitre
trois : La reddition
Le trajet de François
Lieux de jonction Le trajet
d'Anne
Université
Classe
Appartement Rue
Fraser
Montréal
Université
Classe
Bureau
Maison conjugale, Chemin
Gomin
Appartement, Rue Fraser
Campagne
Montréal
Université
Classe
Appartement, Rue Fraser
Montréal
Deuxième partie
1983
La quête d'Elisabeth
Chapitre quatre : La
déchirure
Maison, Rue Gomin
Découverte de l'adultère
La Campagne
L'impacte de la découverte
L'Université
Recherches d'indices
Rue Gomin
L'enquête
Chapitre cinq : La Quête
Maison, Rue Gomin
Maison d'Hélène Théberge
Objectif : retrouver Anne
Retour au Chemin Gomin
Chapitre six : La Fin
Maison, Chemin Gomin
Maison de la marraine, Jacynthe
1080 Laurier
Retrouver Anne
Maison, Chemin Gomin
Obstinée à retrouver Anne
Maison de la marraine, Jacynthe
1080 Laurier
La vue d'Anne
Maison de jérome
Réconciliation et conception d'un enfant
Bibliographie
I. OEuvres de M. Laberge
Romans
1- Florent, Le Goût du Bonheur III,
Boréal, 2001
2- Adélaïde, Le Goût du Bonheur II,
Boréal, 2001
3- Gabrielle, Le Goût du Bonheur I,
Boréal, 2000
4- Quelques Adieux, Boréal, 1992
II. Romans cités dans
l'introduction
1- Alonzo. A. M, Geste, Paris, Des femmes, 1979
2- Bey Maissa, Au commencement était la mer,
Marsa, 1996
3- Bey Maissa, Cette fille là, L'Aube, 2001
4- Bey Maissa, Entendez- vous dans les montagnes,
L'Aube, 2002
5- COURTEMANCHE Gil, Une belle mort, Boréal,
2005
6- NAJJAR Alexandre, Le silence du ténor,
Plon, 2006
7- LIBAR FOFANA, Le fils de l'arbre, Gallimard,
2004
III. Ouvrages Théoriques
1- Adam. J. M, Le récit, Que sais-je, 1984
2- Bachelard. G, La poétique de l'espace,
Presses Universitaires de France, 1957
3- Bordas Éric, L'analyse littéraire,
Nathan, 2002
4- Burney Pierre, L'amour, QSJ, PUF, 1973
5- Boutinet Jean-Pierre, Anthropologie du projet,
Paris, PUF, coll. Psychologie d'aujourd'hui, Paris, 1992
6- Claude de Grève, Éléments de
littérature comparée. II. Thèmes et mythes, Paris,
Hachette, 1995
7- Didier.B, L'écriture femme, PUF, 1981
8- Genette.G, Figure III, Seuil, 1972
9- Genette. G, Seuils, seuil, février 1987
10- Goldenstein. P, Pour lire le roman, Deboeck -
Duculot, 1986
11- Hébert.P, « La technique du retour en
arrière dans le nouveau roman au Québec et en
France », Neohelicon, XII, 2, 1985
12- Hamon. PH, Le personnel du roman, Le
système des personnages dans Les Rougon - Macquart d'Émile
Zola, Geneve, Droz, 1983
13- Haeck. P, Poétique et modernité,
Montréal, VLB, 1984
14- Lipovetsky Gilles, Métamorphoses de la culture
libérale, Liber, 2002
15- Mappa Sophia, Développer par la démocratie,
Karthala, 1995
16- Marcotte. G, Le roman à l'imparfait, essai sur
le roman québécois d'aujourd'hui, Montréal, Edition
La Presse, 1978
17- Reuter.Y, L'analyse du récit, Nathan,
2003
18- Rougemont. D, L'amour et l'occident, Paris, Plon,
1939
19- Tadié. J. Y, Le récit poétique,
PUF écriture, 1978
20- Weinrich. H, Le temps, coll.
« Poétique », Paris, Seuil, 1964
A_- Ouvrages collectifs
1- E. Borda, C.B. Moison, G. Bonnet, A. Déruelle, C. M.
Colard, L'analyse littéraire, Nathan, 2002
2- P. Claudes, Y. Reuter, Le personnage, PUF, 1998
3- Christiane ACHOUR, Amina BEKKAT, Clefs pour la lecture
des récits Convergences critiques II, Tell, 2002
4- René DUROCHER, Paul-André LINTEAU,
François RICARD et Jean-Claude ROBERT, Le Québec depuis
1930, Montréal, Boréal, 1986
IV. Revues
1- Revue de littérature canadienne, impression
de lecture, Tell, Mars2005
2- Revue contemporaine des deux rives,
Algérie-Canada, Revue annuelle de poèsie-N°3-Novembre2005
V. Dictionnaires
1- Petit Larousse illustré1991, librairie
Larousse, 1990
2- OEuvres intimes, pléiade, II, p.129. Sur la
pratique stendhalienne de l'épigraphe, cf. M. Abrioux,
« Intertitres et épigraphes chez Stendhal »,
poétique 69, fevr.1987
3- Lagarde et Michard, XX ème siècle,
Bordas, 1997
4- H. Mitterrand, Dictionnaire des genres et des notions
littéraires, écrit à la rubrique
«Réalisme«
5- L'Aveuglette, «Les gardiens« :
OEuvres, Cercle du livre précieux, T.I
VI. Mémoire
1- Mémoire de magister de Latifa MEZALI, dirigé
par Madame Ouarda HIMEUR, Père et Repères dans trois oeuvres
de Maïssa BEY , Juillet 2007
VII. Sitographie
1- Alexandre NAJJAR, Le silence du ténor,
In :
www.libanvision.com/livre-
actu.htm (le 23/01/2007 à 21h)
2- Anthony Cadet, La figure du père,
La figure du père dans la littérature jeunesse,
mai 2000, Université de Lille III, p.3.
In
http://jeunet.univ-lille3.fr/article.php3?id_article=858
(site consulté le 16 juin 2007 à 20h)
3- Bourbonnais. N, La symbolique de l'espace dans les
récits de Gabrielle Roy, in
http//www.erudit.org/revue/vi/1982/v7/12/20036ar.pdf (site consulté
le 1/12/2007 à 23h)
4- Bachelard Gaston, dans l'encyclopédie Wikipedia,
In http//www.wikipedia.org/wiki/imaginaire (site
consulté le 10/11/2007 à 12h)
5- Dulac. G, La fragilité de la paternité
dans la société Québécoise : Les paradoxes du
père nécessaire et du père abject, dans la revue
professionnelle « défi jeunesse ». In
http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/cmulti/défi/defi_jeuness_0006/paternite.htm
(site consulté le 5/11/2007 à 20h)
6-Encyclopédie Wikipédia :
http://www.fr.wikipedia.org/wiki/william_shakespeare
(15/01/2007à 22h)
7-Encyclopédie Wikipédia :
http://www.fr.wikipedia.org/wiki/romain_gary
(15/01/2007à 22h)
8-Georges Bertin, Nouveau millénaire,
défis libertairespour l'imaginaire, principes et méthodes,
RevueEspritcritiqueVol.04No.02-Fèvrier2002,
In : http//www.espritcritique.org/0402/article2.ht-l
(14/07/2007 à 20h)
9- Georges Bertin, Imaginaire social et politique:
Quand le système entre en dérive, Revue Esprit
critique
Printemps 2003 -
Vol.05, No.02,
in
http://1libertaire.free.fr/Castoriadis16.html
(site consulté 15/11/2007 à 20h )
10- Gwénaëlle Gautier,
La figure du père dans la collection
Médium, mai 2000, Université de Lille III, p.3.
In
http://jeunet.univ-lille3.fr/article.php3?id_article=859
(site consulté le samedi 16 juin 2007 à
22h).
11- Hamon PH., Introduction à l'analyse du
descriptif, Paris, Hachette, 1981, in Thèse de doctorat de
littérature Française sous la direction de Jacques Neefs, Qan
Sun, Poétique et génétique de l'espace Hérodias
de Flaubert, Avril 1994. In
http://membres.lycos.fr/sunqian/sommaire.html
(site consulté le 26/11/2007)
12- Joubet. L, le paratexte chez Anne- Marie-
Alonzo : invitation à une lecture de la complicité,
Université Queen's, p. 303.
In :
http://www.erudit.org/revue/vi/1994/v19/n2/201093ar.pdf
(03/09/2007 à10h)
13- MITTERAND Henri, in
http://membres.lycos.fr/sunqian/part1.chap1.html
(le 22/08/2007 à 15h)
14- Monénembo. T, utilisés dans l'article
de Pius Ngandu Nkashama, «Esthétique de la transgression dans les
écritures romanesques«, Mondes Francophones, in
http://www.mondesfrancophones.com/espaces/afriques/articles/esthétique-de-la-transgression/view
(site consulté le 30/11/2007)
15- Robert Viau (entrevue), Marie Laberge,
Dramaturge, Ecrire pour vivre, SCL/ELC, Volume22.1 :1997,
p.117-134.
http://www.lib.unb.ca/Texts/SCL/bin/get.cgi?directory=Vol22_1/&filename=viau.html
16- Revue de Psychanalyse Filigrane, Automne
2005, le volume 14, article de Louise Grenier et André Jacques, «
Tout sur mon père », p2.
In
http://rsmq.cam.org/filigrane/themes.htm
(site consulté le 10/09/ 2007 à 23)
17- Roy Gabrielle, La détresse et
l'enchantement, Montréal, Boréal, Express, 1984, p. 93. In
http://www.collectioncanada.ca/roy/h7-210-f.html
(15/01/2007 à 22h)
18- Saillant C. A., Espace et topique de Don
Quichotte in
http://www.vox-poetica.org/sflgc/concours/tx/ETQuichotte.html
(10/07/2007 à 21h)
19- Sandrine Merslet,« Sexualité :
projection de l'instance sensorielle en terre littéraire«,
Lundi 1janvier2007, in
http://www.la-plume-francophone,ov
20- Ségun. M, «Récits
d'îles. Espace insulaire et poétique du récit dans
l'Estoire del Saint Graal«, Médiévale, n°47,
automne 2004, p. 79-96. In
http://www.medievales.revues.org/sommaire1310.html
21- Virginie Brinker, «Le Tangage des corps et
des âmes dans Les Nuits de Strasbourg d'Assia Djebar«, Lundi
1janvier 2007, in
http://www.la-plume-francophone,over-blog.com/categorie-1039157.html
22- WEISGERBER, L'espace romanesque,
éd, L'age d'homme, « bibliotheque de littérature
comparée », 1978
In
http://membres.lycos.fr/sunqian/part1.chap1.html
(le 22/08/2007 à 15h)
23-
http://www.crdp.ac-creteil.fr/telemaque/comite/amour.htm#rupture
(10/09/2007 à 23h)
Résumé
Discours de l'implicite et Stratégie
narratives est une étude de Quelques Adieux, oeuvre de M.
Laberge, son objectif est de faire ressortir la figure du Père, à
travers une approche pluridisciplinaire. Suite à une lecture analytique,
nous avons inscrit notre travail dans le champ de la narratologie, de
l'anthropologie et de la psychanalyse. Notre travail pose la question de
l'écriture du Père et cela à travers trois parties, ou
plus exactement trois chapitres.
Dans le premier chapitre intitulé «
Temps et Significations », nous avons opté pour
l'analyse des indices paratextuels afin de retrouver des pistes menant au
personnage du père. Il s'avère que cette première
démarche n'est pas suffisante, elle rend compte d'une certaine
préoccupation universelle de l'écrivaine et d'une ouverture sur
le monde littéraire. Le manque de données, nous a incité
à étudier la structure temporelle, à savoir les analepses,
l'ellipse et le temps des verbes. Cette démarche, souligne la
présence d'un père à travers les souvenirs des
protagonistes.
Dans le deuxième chapitre intitulé
« Etude Spatiale », nous n'avons pas seulement
repéré les lieux empruntés par les personnages, nous avons
également considéré certains thèmes et objet comme
espace romanesque. Cette richesse et cette ambiguïté spatiale qui
nous font passer du statut intrinsèque des thèmes et objets
à leur statut symbolique, sont des intermédiaires entre le
passé et les protagonistes. Et c'est justement dans ce passé, que
la figure du père, personnage fugace, apparaît. Et de ces
éléments symboliques, l'image de l'absence, celle du père,
s'impose par le biais de la nostalgie de l'enfance.
Dans le dernier chapitre intitulé
« Discours de l'implicite : Portrait en
esquisses du Père », nous avons tenté de
reconstituer ce personnage fugace à travers les informations recueillies
par les personnages. Mais avant, un détour par le statut social du
père dans la société québécoise, nous a
semblé intéressant pour comprendre son fonctionnement au sein de
l'oeuvre romanesque. De là, notre dernière partie a mis en
évidence les rapports Père/Enfant et l'intégrité du
père au sein de sa famille et de son couple. Cette dernière
démarche explique l'adultère des protagonistes, par l'absence et
le manque de responsabilité, du père.
Ainsi, notre mémoire met en avant le personnage du
père, peu présent dans le roman, mais vivant dans la
mémoire des protagonistes. Ici, les nombreuses corrélations
établies, nous permettent de dire que ce personnage, fugace est une
donnée indispensable pour le bon épanouissement et pour
l'équilibre familial, et donc social, des protagonistes.
La question du Père est une préoccupation
d'actualité qui ne cesse d'être évoquée dans les
écrits littéraires. Elle est également une invitation
à d'autres réflexions, dans le cadre de la recherche.
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2007/2008
* 1 - Appellations
inspirées du magister de Latifa MEZALI, dirigée par Madame
Ouarda HIMEUR, intitulé : Père et Repères dans
trois oeuvres de Maïssa BEY .
* 2 - FOFANA LIBAR, Le fils
de l'arbre, Gallimard, 2004
* 3 -F.LIBAR, Le fils de
l'arbre, Gallimard, 2004.
* 4 - Alexandre NAJJAR, Le
silence du ténor, Plon, 2006
* 5
-www.libanvision.com/livre-actu.htm (le 23/01/2007 à 21h)
* 6- Gil COURTEMANCHE, Une
belle mort Boréal, 2005.
* 7 -Revue de
Littérature Canadienne « Impression de
lecture »,Tell, Mars2005.
* 8 -Revue annuelle de
poèsie-N°3-Novembre2005
* 9 -Marie Laberge, Quelques
Adieux, Boréal, 1997.
* 10 -Marie Laberge, VLB
éditeur, 1981 ; Les éditions du Boréal, 1995
* 11 -Marie Laberge,
1989(collection « Boréal compact », 1993)
* 12 -Marie Laberge,
1992(collection « Boréal compact », 1997)
* 13 -Marie Laberge,
1996(collection « Boréal compact », 2001)
* 14 -Marie Laberge,
1998(collection « Boréal compact », 2004)
* 15 -Marie Laberge,
Gabrielle. Le Goût du bonheur I, 2000 ;
Paris Anne Carrière, 2003
-Marie Laberge, Adélaïde. Le Goût du
bonheur II, 2001 ; Paris, Anne Carrière, 2003
-Marie Laberge, Florent. Le Goût du bonheur III,
2001 ; Paris, Anne Carrière, 2003
* 16 -Robert Viau (entrevue),
Marie Laberge, Dramaturge, Ecrire pour vivre, SCL/ELC,
Volume22.1 :1997, p.117-134.
* 17 -Marie Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1997.
* 18 -Marie Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1997, p.146-147.
* 19 - G. Genette, Figure
III, Seuil, 1972
* 20 - P. Hébert,
« La technique du retour en arrière dans le nouveau roman
au Québec et en France », Neohelicon, XII, 2, 1985
* 21 - Y. Reuter,
L'analyse du récit, Nathan, 2003
* 22 - H. Weinrich, Le
temps, coll. « Poétique », Paris, Seuil,
1964
* 23 - P. Goldenstein, Pour
lire le roman, Deboeck - Duculot, 1986
* 24 - J. M. Adam, Le
récit, Que sais-je, 1984
* 25 - J-P. Goldenstein,
Pour lire le roman, De Boeck - Duculot, 1986
* 26 - H. MITTERAND, in
http://membres.lycos.fr/sunqian/part1.chap1.html
(le 22/08/2007 à 15h).
* 27 - WEISGERBER L'espace
romanesque, éd, L'age d'homme, « bibliotheque de
littérature comparée », 1978 in
http://membres.lycos.fr/sunqian/part1.chap1.html
(le 22/08/2007 à 15h).
* 28 - J-P. Goldenstein,
Pour lire le roman, De Boeck - Duculot, 1986
* 29 - Y. Reuter, L'analyse
du récit, Nathan, 2003
* 30 - E. Borda, C.B. Moison,
G. Bonnet, A. Déruelle, C. M. Colard, L'analyse
littéraire, Nathan, 2002
* 31 - PH. Hamon, Le
personnel du roman, Le système des personnages dans Les Rougon
- Macquart d'Émile Zola, Geneve, Droz, 1983
* 32 - P. Claudes, Y.
Reuter, Le personnage, PUF, 1998
* 33 - G. Dulac, La
fragilité de la paternité dans la société
Québécoise : Les paradoxes du père nécessaire
et du père abject, dans la revue professionnelle
« défi jeunesse ». In
http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/cmulti/défi/defi_jeuness_0006/paternite.htm
(site consulté le 5/11/2007 à 20h)
* 34 - Sophia Mappa,
Développer par la démocratie, Karthala, 1995
* 35 - Claude de Grève,
Éléments de littérature comparée. II.
Thèmes et mythes, Paris, Hachette, 1995
* 36 - Revue de Psychanalyse
Filigrane, Automne 2005, le volume 14, article de Louise Grenier et
André Jacques, « Tout sur mon père »,
p2. In
http://rsmq.cam.org/filigrane/themes.htm
(site consulté le 10 septembre 2007 à 23)
* 37 -J. Reymond,
« Paratexte et échec des formules dans Brazzaville Beach
de William Boyd », Etudes Britaniques contemporaines n°1.
Montpellier : Presses Universitaires de Montpellier, 1992, p.50.
* 38 -Dictionnaire Le
Robert, 1995, p. 327.
* 39 -Christiane ACHOUR, Amina
BEKKAT, Clefs pour la lecture des récits Convergences
critiques II, Tell, 2002, p71.
* 40 -Petit Larousse
illustré1991, librairie Larousse, 1990, p.37.
* 41 -G.GENETTE,
Seuils, seuil, février 1987, p.75.
* 42 - C. ACHOUR, A .BEKKAT,
Clefs pour la lecture des récits Convergences
critiques II, Tell, 2002 p73.
* 43 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.108.
* 44 - Ibid, p.109.
* 45 -Idem, p.109.
* 46 -Idem, p.162.
* 47 -Ibidem, p. 162.
* 48 - C. ACHOUR, A .BEKKAT,
Clefs pour la lecture des récits Convergences
critiques II, Tell, 2002 p147.
* 49 -M. Laberge, Quelques
Adieux, Boréal, 1992, p.140.
* 50 -Nous allons
étudier cette dimension psychique dans notre prochain chapitre.
* 51 -« (...) Au
sens strict, la Révolution tranquille désigne habituellement la
période de réformes politiques, institutionnelles et
sociales réalisées entre 1960 et 1966 par le gouvernement
libéral de Jean Lesage.(...) Au sens large, l'expression est aussi
utilisée pour caractériser l'ensemble des décennies
1960-1970, marquées par le triomphe du néo-libéralisme et
du néo-nationalisme et par une remarquable continuité dans les
orientations des divers gouvernements qui se succèdent à
Québéc. » René DUROCHER, Paul-André
LINTEAU, François RICARD et Jean-Claude ROBERT, Le Québec
depuis 1930, Montréal, Boréal, 1986, p.393.
* 52 -G. Genette,
Seuils, Seuil, Paris, 1987, p.126.
* 53 - A. M. Alonzo, Geste,
Paris, Des femmes, 1979.
* 54 -L. Joubet, le paratexte
chez Anne- Marie- Alonzo : invitation à une lecture de la
complicité, Université Queen's, p. 303. In :
http://www.erudit.org/revue/vi/1994/v19/n2/201093ar.pdf
(03/09/2007 à10h)
* 55 -Idem,
* 56 - M. Laberge, Quelques
Adieux, Désir, Boréal, 1992, p22.
* 57 -B. Didier,
L'écriture femme, PUF, 1981, p5.
* 58 - G. Genette,
Seuils, Seuil, Paris, 1987, p.123.
* 59 - Idem, p.134.
* 60 - OEuvres
intimes, pléiade, II, p.129. Sur la pratique stendhalienne de
l'épigraphe, cf. M. Abrioux, « Intertitres et
épigraphes chez Stendhal », poétique 69, fevr.1987.
* 61 -Extrait de Gabrielle Roy
dans Quelques Adieux de M.Laberge, Boréal, ch.1 Le
Désir, 1992, p.13.
* 62 -M. Laberge, Quelques
Adieux, Boréal, 1992, p.13.
* 63 -Ibid, p. 67.
* 64-tels que :
Hamlet, Roméo et Juliette, etc.
* 65 - Extrait de M.Duras, dans
Quelques Adieux de M.Laberge, Boréal, ch.3 La Reddition, 1992,
p.155.
* 66 - Extrait de Romain Gary,
dans Quelques Adieux de M. Laberge, Boréal, ch.4 La
Déchirure, 1992, p.237.
* 67 -M. Laberge, Quelques
Adieux, Boréal, 1992, p. 316.
* 68 -Idem, p. 277.
* 69 - Extrait de Elsa Morante,
dans Quelques Adieux de M.Laberge, Boréal, ch.5 La Quête,
1992, p.321.
* 70 -M. Laberge, Quelques
Adieux , Boréal, 1992, p.347.
* 71Idem, p. 377.
* 72 - Extrait d'Albert Camus,
dans Quelques Adieux de M.Laberge, Boréal, ch.6 La Fin, 1992,
p.387.
* 73 - M.Laberge, Quelques
Adieux, Boréal, 1992, p.389.
* 74 -M. Laberge, Quelques
Adieux, Boréal, 1992, p. 390.
* 75- Idem, p.390.
* 76 -Ibid, p.393.
* 77 -J. Duranteau,
« Claude Simon : le roman se fait, je le fais et il me
fait », Les lettres françaises, 1178, 13-19 avril, 1967,
p.3
* 78 -M. Bakhtine, La
poétique de Dostoïevski, Paris, Seuil, coll.
« Points, Essais », 1970, p. 52.
* 79- P. Haeck,
Poétique et modernité, Montréal, VLB, 1984,
p.80.
* 80 -G. Genette, Figure
III, Seuil, 1972, p.77.
* 81 -Éric Bordas,
L'analyse littéraire, Chapitre9, Nathan, 2002, p. 105.
* 82- Voir le calendrier
scolaire, annexe, p.132.
* 83 Voir le calendrier
scolaire, annexe, p.133.
* 84- C'est une expression
utilisée pour désigner Anne dans l'ouvrage de M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.14.
* 85 - G. Genette, Figure
III, Seuil, 1972, p.89.
* 86 -M. Laberge, Quelques
Adieux, Boréal, 1992, p. 109.
* 87 -Idem, p.110.
* 88 -Voir tableau 1, annexe.
p. 134.
* 89-Ibid, p.161.
* 90 -Ibidem, p. 179
* 91-Ibidem, p. 188.
* 92- Idem, p. 245.
* 93 -Ibid, p. 249.
* 94 -Ibidem, p. 255.
* 95 -Ibidem, p. 268.
* 96 -Ibidem, p.277.
* 97 -Ibidem, p. 337.
* 98 -Ibidem, p. 382.
* 99 -M. Laberge, Quelques
Adieux, chap. un La désir, Boréal, 1992, p.45.
* 100 P. Hébert,
« La technique du retour en arrière dans le nouveau roman
au Québec et en France » Neohelicon, XII, 2, 1985,
p.265-286.
* 101 -G. Genette, Figure
III, Seuil, 1972, p.92.
* 102 -Idem, p.385.
* 103 -Ibid, p.395.
* 104 - Voir le graphe
n°1 dans l'annexe, P. 136.
* 105-G. Genette, Figure
III, Seuil, p.139.
* 106 -Y. Reuter,
L'analyse du récit, Nathan, 2003, p37. p.39.
* 107- H. Weinrich, Le
temps, coll. « Poétique », Paris, Seuil,
1964, p.30.
* 108 -M. Laberge,
Quelques Adieux, chap. Le refus, Boréal, 1992,
p.110.
* 109 -Y. Reuter,
L'analyse du récit, Nathan, 2003, p.66.
* 110 -M. Laberge,
Quelques Adieux, chap. La reddition, Boréal, 1992,
p.161.
* 111 -Idem, p.181. p. 191.
* 112 -Ibid, p.161. p.163.
* 113 -Ibidem, p. 376.
* 114 -J. M. Adam, Le
récit, Que sais-je, 1984, Chapitre III, p.50.
* 115 -M. Laberge,
Quelques Adieux, chap.Le refus, Boréal, 1992,
p.140.
* 116 -Voir le graphe n°2
dans l'annexe, P. 137.
* 117 -Idem, p.378.
* 118 -J-P. Goldenstein,
Pour lire le roman, Deboeck - Duculot, 1986, p.124.
* 119 -Voir le graphe n°3
dans l'annexe, P. 138.
* 120 - J-P. Goldenstein,
Pour lire le roman, De Boeck- Duculot, 1986, p. 88.
* 121 - Luc Benoit,
Thème,« mythe et structure des oeuvres«,Symboles et
mythes,PUF, p. 105.
* 122 -J-P. Goldenstein,
Pour lire le roman, De Boeck - Duculot, 1986,p. 88.
* 123 - Expression
empruntée à J. WEISGERBER L'espace romanesque,
éd, L'age d'homme, « bibliotheque de littérature
comparée », 1978 in in
http://membres.lycos.fr/sunqian/part1.chap1.html
( le 22/08/2007 à 15h).
* 124 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.13.
* 125 -Idem, p 169.
* 126 -Ibid, p. 194.
* 127 -Ibidem, p.195.
* 128Ibidem, p.219.
* 129 - Voir le schéma
de l'annexe, p. 139, 140, 141.
* 130 -Idem,p 26.
* 131-Ibid, p.338.
* 132 -Ibidem, p.338.
* 133 -ibidem,p.338.
* 134 -M. Laberge, Quelques
Adieux, Boréal, p.84.
* 135 -Ibid, p.369.
* 136 - Voir le schéma
de l'annexe, p. 143 , 144.
* 137 -Ibidem, p.237.
* 138 - J-P. Goldenstein,
Pour lire le roman, De Boeck - Duculot, 1986, p.97.
* 139 -Idem, p.88.
* 140 - G. Bachelard, La
poétique de l'espace, Presses Universitaires de France, 1957.
* 141 -C. A. Saillant, Espace
et topique de Don Quichotte in
http://www.vox-poetica.org/sflgc/concours/tx/ETQuichotte.html
(10/07/2007 à 21h)
* 142 Idem,p.22.
* 143 -Idem, p. 83.
* 144 -Ibidem, p.92.
* 145G. Bachelard, La
poétique de l'espace, Presses Universitaires de France, 1957,
p.93.
* 146 -Nom utilisé dans
le texte et faisant référence à Anne Morissette, p. 14.
* 147-Inspiré de
G.Bachelard dans La poétique de l'espace, Presses
Universitaires de France, 1957.
* 148 - M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.144.
* 149 -Idem, p. 147.
* 150 -Ibid, p. 147.
* 151 - G. Bachelard, La
poétique de l'espace, Presses Universitaires de France, 1957,
p.26.
* 152 - Idem, p. 28.
* 153 -Ibid, p. 131.
* 154 -Ibidem, p. 28.
* 155-Ibidem, p. 34.
* 156 - François
Vanoosthuyse, « Ce que raconter représente «,
groupe de recherche «littératures et histoires«,
Université Paris 8 .
* 157 - D. Ducard,
«L'efficacité symbolique« : L'affect du signe,
Université de Paris 12, p. 3.
* 158 - Le Robert, DICOROBERT
INC, Montréal, Canada, 1994, p.42.
* 159 -Idem, p. 823.
* 160 -Encyclopédie
Wikipedia, in
www.wikipedia.org/wiki/mise_en_abyme#Proc.C3.A9d.C3.A9_artistique
* 161 -Ibid, p. 264.
* 162 -Ibidem, p. 234.
* 163 -Idem, p. 262-263.
* 164 -Ibidem, p.369.
* 165 -D. Rougemont,
L'amour et l'occident, Paris, Plon, 1939, p.126.
* 166 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 361.
* 167 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 373.
* 168 -Idem, p.263.
* 169 -Idem, p. 140.
* 170 -Ibid, p. 142.
* 171 -Ibidem, p. 143.
* 172 -Ibidem, p. 143.
* 173- Georges Bertin,
Nouveau millénaire, défis libertairespour l'imaginaire,
principes et méthodes,
RevueEspritcritiqueVol.04No.02-Fèvrier2002, in :
http//www.espritcritique.org/0402/article2.ht-l, Date14/07/2007, p.4.
* 174 - M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 197.
* 175 -Idem, p. 163.
* 176 -Ibid, p. 390.
* 177 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.157-158.
* 178 - Georges Bertin,
Nouveau millénaire, défis libertairespour l'imaginaire,
principes et méthodes,
RevueEspritcritiqueVol.04No.02-Fèvrier2002, in :
http//www.espritcritique.org/0402/article2.ht-l, Date14/07/2007, p.4.
* 179 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 157.
* 180 -Idem, p. 55.
* 181 -Yves Reuter,
L'analyse du récit, Nathan, 2003, p. 59.
* 182 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 44.
* 183 -G. Bachelard, La
poétique de l'espace, Presses Universitaires de France, 1957, p.
47.
* 184 -Idem, p. 97.
* 185 -Ibid, p. 134.
* 186 - Georges Bertin,
Nouveau millénaire, défis libertairespour l'imaginaire,
principes et méthodes,
RevueEspritcritiqueVol.04No.02-Fèvrier2002, in :
http//www.espritcritique.org/0402/article2.ht-l, Date14/07/2007, p. 10.
* 187 -Idem, p. 2.
* 188 -Ibid, p.84.
* 189-P. Claudes, Y.
Reuter, Le personnage, PUF, 1998, p.4.
* 190 -Anthony Cadet, La
figure du père, La figure du père dans la
littérature jeunesse, mai 2000, Université
de Lille III, p.3. In
http://jeunet.univ-lille3.fr/article.php3?id_article=858
(site consulté le 16 juin 2007 à 20h).
* 191 -Propos inspirés
de G. Lipovetsky, Métamorphoses de la culture libérale,
Liber, 2002, p.32.
* 192 -Revue de Psychanalyse
Filigrane, Automne 2005, le volume 14, article de Louise Grenier et
André Jacques, « Tout sur mon père »,
p2. In
http://rsmq.cam.org/filigrane/themes.htm
(site consulté le 10 septembre 2007 à 23)
* 193 -Anthony Cadet, La
figure du père, La figure du père dans la
littérature jeunesse, mai 2000, Université
de Lille III, p.3. In
http://jeunet.univ-lille3.fr/article.php3?id_article=858
(site consulté le 16 juin 2007 à 20h).
* 194 - Idem, p. 3.
* 195 -Georges Bertin,
Imaginaire social et politique: Quand le système entre en
dérive, Revue Esprit critique
Printemps 2003 -
Vol.05, No.02, in
http://1libertaire.free.fr/Castoriadis16.html
(site consulté 15/11/2007 à 20h )
* 196 -Jean-Pierre
Boutinet, Anthropologie du projet, Paris, PUF, coll. Psychologie
d'aujourd'hui, Paris, 1992 ,p.116.
* 197 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 110.
* 198 -Gwénaëlle
Gautier, La figure du père dans la
collection Médium, mai 2000, Université de Lille III, p.3.
In
http://jeunet.univ-lille3.fr/article.php3?id_article=859
(site consulté le samedi 16 juin 2007
à 22h).
* 199 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 111- 112.
* 200- Gwénaëlle
Gautier, La figure du père dans la
collection Médium, mai 2000, Université de Lille III, p.5.
In
http://jeunet.univ-lille3.fr/article.php3?id_article=859
(site consulté le samedi 16 juin 2007
à 22h).
* 201 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 363-364.
* 202Idem, p.110.
* 203 -Ibid, p. 110.
* 204 -Ibidem, p. 109.
* 205- Ibidem, p.109.
* 206 - Gwénaëlle
Gautier, La figure du père dans la
collection Médium, mai 2000, Université de Lille III, p.5.
In
http://jeunet.univ-lille3.fr/article.php3?id_article=859
(site consulté le samedi 16 juin 2007
à 22h).
* 207 - M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 109-110.
* 208M. Laberge, Quelques
Adieux, Boréal, 1992, p. 109.
* 209 -Ibid, p.161-162.
* 210 -Goldenstein, Pour
lire le roman, De Boeck- Du culot, 1986, p.52-53.
* 211 -Ibide, p. 54.
* 212 -Claude de Grève,
Éléments de littérature comparée. II.
Thèmes et mythes, Paris, Hachette, 1995, p.109.
* 213 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 369.
* 214-Idem, p. 183-184.
* 215 -Ibid, p.369.
* 216-Ibidem, p. 378.
* 217-Ibidem, p.172.
* 218 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 255.
* 219 -Ibid, p.110.
* 220 -G. Dulac, La
fragilité de la paternité dans la société
Québécoise : Les paradoxes du père nécessaire
et du père abject, dans la revue professionnelle « défi
jeunesse ». In
http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/cmulti/défi/defi_jeuness_0006/paternite.htm
(site consulté le 5/11/2007 à 20h)
* 221 -E. Borda, C.B. Moison,
G. Bonnet, A. Déruelle, C. M. Colard, L'analyse
littéraire, Nathan, 2002, p. 147.
* 222 -PH. Hamon, Le
personnel du roman, Le système des personnages dans Les Rougon -
Macquart d'Émile Zola, Geneve, Droz, 1983, p19.
* 223 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 19992, p.33.
* 224 -Idem, p.33.
* 225 -Ibid, p.33.
* 226 -Ibidem, p. 19-25.
* 227 -Ibidem, p.64.
* 228-Ibidem, p.161-162.
* 229 -Ibidem, p.163.
* 230 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 255.
* 231-Ibid, p. 275.
* 232 -C. Olivier, L'ogre
intérieur, De la violence personnelle et familiale, Paris,
Fayard, 1998, p.67. Dans la Revue professionnelle Défi
jeunesse, La fragilité de la paternité dans la
société québécoise : Les paradoxes du
père nécessaire et du père abject, article de , G.
Dulac, in
http://wwww.centrejeunessedemontreal.qc.ca/cmulti/defi_jeunesse_0006/paternite.htm
(site consulté le 5/11/2007 à 20h)
* 233 -E. Bordas, C. B.
Moison ,G. Bonnet, A. Déruelle, C. M. Colard, L'analyse
littéraire, Nathan, 2002, p.151.
* 234 - Sophia Mappa,
Développer par la démocratie, Karthala, 1995, p.159.
* 235 - Goldenstein, Pour
lire le roman, De Boeck- Du culot, 1986, p43.
* 236 -M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.255.
* 237 -Idem, p.183.
* 238 -Ibid, p.184.
* 239 -Ibidem, p.109.
* 240 -Terme inspiré de
l'article de G. Dulac, dans la Revue professionnelle
« Défi jeunesse »
* 241 - G. Dulac, La
fragilité de la paternité dans la société
Québécoise : Les paradoxes du père nécessaire
et du père abject, dans la revue professionnelle « défi
jeunesse ». In
http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/cmulti/défi/defi_jeuness_0006/paternite.htm
(site consulté le 5/11/2007 à 20h)
* 242 - M. Laberge,
Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 109.
* 243 -PH. Hamon,
Introduction à l'analyse du descriptif, Paris, Hachette, 1981,
in Thèse de doctorat de littérature Française sous la
direction de Jacques Neefs, Qan Sun, Poétique et
génétique de l'espace Hérodias de Flaubert, Avril
1994. In
http://membres.lycos.fr/sunqian/sommaire.html
(site consulté le 26/11/2007)
* 244 - Y. Reuter,
L'analyse du récit, Nathan, 2003, p.27.
* 245 -Sandrine
Merslet,« Sexualité : projection de l'instance sensorielle
en terre littéraire«, Lundi 1janvier2007, in
http://www.la-plume-francophone,ov
* 246 -Virginie Brinker,
«Le Tangage des corps et des âmes dans Les Nuits de Strasbourg
d'Assia Djebar«, Lundi 1janvier 2007, in
http://www.la-plume-francophone,over-blog.com/categorie-1039157.html
* 247 -J .Y. Tadié,
Le récit poétique, PUF écriture, 1978, p. 144
* 248 -G. Genette,
Seuils, Seuil, 1987, p. 8-9
* 249 -Expression
utilisée par G. Genette, Seuils, Seuil, 1987, p. 123.
* 250 -Propos de T.
Monénembo, utilisés dans l'article de Pius Ngandu Nkashama,
«Esthétique de la transgression dans les écritures
romanesques«, Mondes Francophones, in
http://www.mondesfrancophones.com/espaces/afriques/articles/esthétique-de-la-transgression/view
(site consulté le 30/11/2007)
* 251 -G. Marcotte, Le
roman à l'imparfait, essai sur le roman québécois
d'aujourd'hui, Montréal, Edition La Presse, 1978, p. 13.
* 252 -G. Genette,
« Discours du récit », Figure III,
Seuil, 1972, p. 140.
* 253 - Expression
inspirée de G. Genette, dans Figure III, 1972, p140.
* 254 - J. Y. Tadié,
Le récit Poétique, PUF Ecriture, 1978, p.48.
* 255 - Idem, p.47.
* 256 -Ibid, p.74.
* 257 -Ibidem, p.60.
* 258 - H. Mitterrand,
Dictionnaire des genres et des notions littéraires, écrit
à la rubrique «Réalisme«, p.2
* 259 - M. Ségun
«Récits d'îles. Espace insulaire et poétique du
récit dans l'Estoire del Saint Graal«,
Médiévale, n°47, automne 2004, p. 79-96. In
http://www.medievales.revues.org/sommaire1310.html
* 260 - N. Bourbonnais, La
symbolique de l'espace dans les récits de Gabrielle Roy, in
http ://www.erudit.org/revue/vi/1982/v7/12/20036ar.pdf (site
consulté le 1/12/2007 à 23h)
* 261 - L'Aveuglette,
«Les gardiens« : OEuvres, Cercle du livre
précieux, T.I, p.272.
* 262 - J. Y.
Tadié, Le récit poétique, PUF Ecriture, 1978,
p.29.
* 263 - Idem, p.40.
* 264 - Ibid, p.45.
* 265 -Ce calendrier permet la
compréhension de l'analyse temporelle du chapitre un de notre travail.
Il est, également, inspiré d'un mémoire de maîtrise
qui a pour titre : Formes et Significations duelles dans Quelques
Adieux de Marie Laberge, de Guylaine Lemieux, Université de
Sherbrooke, Décembre 1997.
* 266 -Cette distribution
expose l'importance et la potée du passé dans la vie des
personnages. Ce travail est nécessaire pour l'analyse des anachronies,
dans le chapitre un de notre mémoire.
* 267 -Les schémas de
la première partie et de la deuxième partie, concernant les
espaces de la fiction empruntés par les personnages, font l'objet de
l'analyse du deuxième chapitre de notre recherche
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