Chapitre
Caracterisation mecanique de la qualite du depart
de
course de vitesse
L'accomplissement d'une bonne performance lors d'une course
de vitesse sur 100 m est souvent rattaché à la qualité
« explosive » de l'athlète. Le terme « explosive »
est couramment employé dans le langage technique pour décrire une
des qualités physiques d'un athlète. Il est adopté ici
pour désigner le fait de déplacer une masse donnée en un
minimum de temps.
Dans le cadre de l'appréciation de «
l'explosivité » d'un athlète, plusieurs tests qui reposent
sur des fondements théoriques de la physiologie de l'exercice ont
été conçus. Leurs protocoles consistent à
apprécier la performance accomplie lors d'une tâche
standardisée à partir de :
m méthodes invasives (biopsie musculaire,
prélèvements sanguins) qui déterminent les
propriétés contractiles des muscles, mesurer la
lactatémie, le pH sanguin ;
m méthodes non invasives telles que des examens
électromyographiques qui renseignent directement sur l'activité
électrique d'un groupe musculaire ou des tests indirects comme ceux de
Margaria-Kalamen et Sargent. Ils offrent une estimation
indirecte de la puissance des membres inférieurs lors d'une course en
montant les marches d'un escalier (Margaria-Kalamen) ou lors d'un saut
vertical (Sargent-test). Ces deux tests
sont les plus répandus. Ils ont déjà
fait l'objet de critiques sévères dans les travaux de El Mouahid
(2001) qui précise que les résultats évoqués
pour calculer la puissance générée par l'athlète ne
correspondent nullement aux travaux des forces internes [Moua 01].
La finalité de ces tests est d'évaluer le plus
précisément possible les réponses de l'organisme à
un exercice donné. Toutefois, ils ne renseignent pas sur la
coordination, le niveau d'efficacité et l'efficience motrice de
l'athlète [Broo 94 ; Houe 04]. Il est par conséquent
nécessaire, pour affiner l'évaluation de la performance,
d'analyser le mouvement effectué par l'athlète.
Dans l'espace Euclidien qui permet de décrire notre
environnement, il existe deux observables : la position et le temps.
L'évaluation de la gestuelle en biomécanique repose sur la mesure
de ces deux grandeurs. La mécanique classique, conduit à
définir des variables secondaires issues de ces deux observables. Ces
variables sont par exemple : la vitesse et l'accélération.
Il existe des méthodes non invasives directes pour
caractériser les 3 grandeurs physiques du mouvement de l'athlète
: la cinématographie ou analyse du geste par l'image (position), l'effet
Doppler (vitesse), l'accélérométrie
(accélération), la dynamométrie (force). Il est à
noter que la force est estimée à partir de la mesure de
déformations (variation de position).
À ce jour, l'effet Doppler [Sand 91] donne une mesure
de la vitesse qui ne caractérise pas un point particulier mais une zone
de l'athlète. Il ne sera pas exploité dans cette étude.
Seules la cinématographie et la dynamométrie le seront.
1-Interets et limites des methodes non invasives
La performance d'un athlète sur 100 m dépend de
plusieurs paramètres mécaniques qui peuvent être
classés en deux catégories. La première, correspond aux
variables dépendantes de l'athlète. Elles concernent son aptitude
et sa capacité physique (technique gestuelle) à se mouvoir afin
d'accomplir les différentes phases de la course (§-I.2.1). La
seconde catégorie regroupe les variables indépendantes de
l'athlète. Elles concernent son environnement (caractéristique de
la piste, des chaussures ...). La variabilité de cette dernière
catégorie de variables ne sera pas prise en compte dans cette
étude.
La cinématographie et la dynamométrie font une
analyse discrète du geste. Le choix de la fréquence
d'échantillonnage doit respecter au moins le théorème de
Nyquist-Shanon : La fréquence d'échantillonnage doit
être égale ou supérieure au double de la fréquence
maximale contenue dans le signal à mesurer. Selon Winter (1990) la
fréquence maximale d'un mouvement humain est de l'ordre de 6 Hz [Wint
90]. Pour les entraîneurs, une grandeur importante est la vitesse.
Celle-ci est obtenue soit par intégration de
l'accélération soit par dérivation de la position en
fonction du temps. Afin de pouvoir garantir une bonne précision sur
l'estimation de la vitesse, il importe de disposer d'un maximum de points qui
caractérisent les courbes expérimentales des variables
recueillies au cours d'un cycle élémentaire du geste.
L'expérience a montré qu'il faut des fréquences
d'échantillonnage supérieures ou égales à 200 Hz
pour obtenir des résultats satisfaisants.
1.1-Les outils dynamometriques
La dynamométrie est la « mesure » des
forces. Dans leurs travaux portant sur l'impulsion, Marey et Demenÿ (1885)
ont mis au point un outil spécifique indispensable à la prise
d'information sur des forces exercées instantanément sur le sol.
Le fonctionnement de cet instrument repose sur le déplacement en
fonction du temps d'un jeu de neuf spirales reliées à un levier
inscripteur : c'est la première plateforme de force [Mare 85].
Figure 17 La plateforme de force de Marey et
Demenÿ [Mare 85]
Avant leurs travaux, les forces (statiques) étaient
mesurées par comparaison à des poids étalonnés
à l'aide de leviers, de fils et de poulies. Les mesures étaient
relevées lorsque le système était en équilibre
stable.
Actuellement, la mesure de l'intensité
instantanée de forces peut se faire avec une précision qui
atteint les 1/100ème de Newton pour certaines plateformes de
forces. Le fonctionnement de ces outils repose sur deux grands principes, la
piézoélectricité et l'extensométrie
(§-Annexe3.1). Les appareils les plus élaborés permettent
une détermination quasi instantanée des six composantes
du torseur des efforts de contact ainsi que les
coordonnées du centre de pression exprimées
dans le repère associé à la plateforme de force.
Cependant, la masse (environ 40 kg), la dimension (600 x 400 x 100 mm) et
surtout l'exigence de stabilité d'une plateforme de force rendent
délicate son intégration sur certains sites sportifs. D'autres
dynamomètres moins encombrants et plus maniables offrent des solutions
précieuses rendant possible l'instrumentation d'ergomètres [Bego
07, Bouc 05, Coll 03], de chaussures [Faiv 04] ...
Le contrôle de la sensibilité et de la
reproductibilité d'un dynamomètre est une étape
essentielle (§-III.3.2). Cette procédure concerne tous les axes de
mesure du dynamomètre dont il convient de ne pas dépasser ses
étendues de mesure. La vérification de la qualité de
réponse d'un dynamomètre limite les incertitudes :
m dans le processus itératif de calcul des efforts
intersegmentaires lors de l'application de la démarche de la dynamique
inverse ;
m lors de l'évaluation de la cinématique de
l'athlète le calcul de la variation de la quantité de mouvement
et du moment cinétique (quantité d'accélération).
Cette dernière grandeur est généralement exprimée
par rapport au centre de gravité de l'athlète. Ces calculs
doivent prendre en compte les constantes d'intégration telles que la
vitesse et la position du centre de gravité au début de la phase
étudiée afin d'évaluer les grandeurs à un instant
déterminé et non leurs variations.
La méthode dynamométrique est une
méthode réductrice ; elle réduit le mouvement de
l'athlète à celui de son centre de gravité. Toutefois,
elle reste un des moyens les plus performants et offre un retour d'information
rapide sous réserve que son implantation soit possible sur le site
choisi.
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