2.3 Les études portant sur des données de
panel:
L'économétrie des données de panel est
l'approche la plus pertinente en termes de significativité statistique
et/ou en terme d'interprétation économique. Les données de
panel ont deux avantages qu'on ne trouve pas en travaillant avec des
données temporelles ou individuelles, à savoir l'augmentation de
la base des données, et la prise en compte de
l'hétérogénéité inter-individuelle. Les
travaux en économétrie appliquée qui utilisent les
modèles à double indice sont nombreux, et ceux qui ten-tent
à étudier la demande d'eau résidentielle ne font pas
l'exception. Ainsi, nous avons constaté durant la dernière
décennie une progression des travaux étudiant la demande d'eau
résidentielle en utilisant le modèle à double indice
à savoir Ayadi et al [2002][1], Nauges C et A Thomas [2003][40] et R
Martinez Espenira [2003][50]. Dans cette section, nous essayons à
synthétiser les principaux apports théoriques et empiriques de
ces études, ainsi que leurs limites réciproques, en
précisant enfin l'intérêt de notre travail par rapport aux
autres travaux, et son caractére innovant.
Le travail de Nauges C et A Thomas [2003][40] est une nouvelle
approche microéconométrique qui vise à combiner
l'utilisation de la programmation à plusieurs objectifs et
l'économétrie de données de panel. Ainsi, les auteurs ont
dérivé le modèle de la demande d'eau résidentielle,
pour un échantillon de 116 municipalités observées sur six
ans (1988-1993), à partir d'un programme d'optimisation dynamique qui
traduit le comportement de la municipalité2 en utilisant le
prix de l'eau comme étant la variable de contrôle. Sous
l'hypothèse que la communauté a un double objectif, la
maximisation de l'utilité indirecte des consommateurs locaux, et la
réduction de sa dette chez la sociéte privée.
Céline N et Alban T [2003][40] formulent le programme intertemporel
suivant:
2En france la municipalité à le choix
entre distribuer l'eau par elle même ou donner la mission à une
sociéte privé.
X8 t=0
max
{Pt}
(1 + ñ)-t[v(Pt, Mt) - Dt]
? ?
?
S/c
Dt+1 = Dt(1 + r) - kPtCt D0 = D P0 = P
|
?
?
?
|
Pm
avec Ct = BPâ1
t Mâ2
t ; B = Câ0
j=3
|
Zâj
j (j = 3 m), v(Pt, Mt) est l'utilité indirecte,
|
Dt est la dette de la municipalité et Mt est le prix d'un
m3
La résolution de ce programme intertemporel, à
travers l'équation de BELL-MAN, puis les conditions de premier ordre,
donne lieu à la spécification d'un modèle dynamique
à erreur composé avec un effet fixe individuel qui tient compte
de l'existence d'une éventuelle
hétérogénéité interindividuelle observable
et inobservable. Le biais d'endogeneité augmente grâce à la
présence de la variable endogène retardée et l'effet
individuel. En outre, la corrélation entre les autres régresseurs
et l'effet individuel est une autre source d'inconsistance de l'estimateur MCO.
La solution souvent adoptée est la différence première,
pour éliminer l'effet fixe individuel, et la quasi-différence
pour éliminer le temps-variable effet fixe aléatoire. Ainsi, les
auteurs proposent une double transformation du modèle en utilisant
à la fois les deux types de transformations pour éliminer les
deux effets individuels. Ils l'ont appelé "GMM on double-differenced
data" qui est consistent et qui donne des résultats meilleurs que
l'estimateur GMM FD et QD. Le modèle dérivé de la
résolution de programme intertemporel est un modèle non
linéaire tel que ;
!
u Cit
u1 + ñ u Pit k(1 +
â1)Mâ2
it
log = - log + â1 log + log + 1 +
uit ,
Ci,t-1 1 + r Pi,t-1 1 + r
Avec i = 1...N et t = 1...T
Sur une base de données composée de 696
observations, l'estimation de ce modèle fait apparaitre une
élasticité prix (â1 = -0.2646) significative et
une élasticité revenu (â2 = -0.3366) non
significative.
Le modèle linéaire en logarithme est ;
Cit = äCi,t-1 + â1Pit +
â2Mit + ái + ètíi +
åit
L'estimation de ce modèle par la méthode "GMM on
double-differenced data" donne une élasticité prix
(â1 = -0.3186) et une élasticité revenu
(â2 = 0.4080) qui sont très significatives.
L'application de test Rivers-Vuong d'équivalence
asymptotique entre les deux modèles montre qu'on ne peut pas rejeter
l'hypothèse nulle d'équivalence à 5% risque de premier
espèce.
Le papier de Céline et Alban [2003] est intitulé
"Long run study of residential water consumption", alors que l'investigation
d'une méthode économétrique susceptible d'estimer un effet
de long terme sur données de panel n'a pas été
utilisée. L'estimation d'une éventuelle relation de long terme
sur un panel non stationnaire fait recours à la littérature
économétrique relative à l'estimation d'une relation de
cointégration sur données de panel à savoir l'application
de différents tests de stationnarité sur panel, puis les tests de
cointégration sur données de panel, et par la suite l'estimation
d'une relation de cointégration, si elle existe, qui relie les variables
du modèle en double indice par la méthode appropriée
(FMOLS et/ou DOLS). Les paramètres estimés par l'une de ces
méthodes seront interprétés comme étant les
élasticités de long terme. L'estimation d'un VECM en panel donne
les élasticités de court terme. En revanche, les auteurs ont
procédé à une estimation qui ne tient pas compte du
paramètre de nuisance (variance de long terme) et ils
interprètent l'estimateur GMM comme étant l'effet de long
terme.
La non prise en compte d'une variable, dans le modèle,
susceptible de capter l'effet pluviométrie, est une limite. En effet,
les études de la demande d'eau résidentielle montrent la
contribution de cette variable à expliquer une partie de la consommation
de l'eau, Ayadi et al [2002][1],R Martinez Espenira [2003][50], R Martinez
Espenira [2007][49], l'omission d'une telle variable peut avoir comme
conséquence la non robustesse des résultats, une approche qui n'a
pas été testée dans ce travail.
Une des issues les plus controversées concernant la
littérature de la demande d'eau, est l'analyse des tarifs non
linéaires par blocs. L'étude de R Martinez Espenira [2003][50]
est la plus récente qui utilise cette approche sur données de
panel, et qui permet de mieux comprendre l'intérêt d'une telle
spécification de prix dans un systéme de tarification non
linéaire. L'analyse représente une modification de celle
entreprise par Corral et al.[1998][12], les seuls auteurs connus qui ont
employés le prix marginal (weighted-mean) avec de vraies données.
Leur modèle est inspiré de celui de Moffitt [1986][?] et Hewitt
et Hanemann [1995][21]. La divergence principale de Corral et al [1998][12] est
que chez R Martinez Espineira [2003][50], la variable de différence est
définie avec précision comme en Nordin
[1976][39] et Schefter et David [1985][51], Notons que la
variable différence sera intérpretée comme étant
l'indicateur de niveau de vie.
Les spéciÞcations des prix
suggérées par Nordin [1976][39] pour l'analyse de la demande sous
des tarifs de bloc sont appliquées pour estimer des fonctions de demande
de l'eau, en utilisant des données agrégées du nord-ouest
de l'Espagne, La disponibilité des données sur la proportion
d'utilisateurs par bloc, permet également de modéliser
explicitement le choix du bloc. Les résultats prouvent que, dans
l'échantillon analysé, les valeurs de l'élasticité
des prix sous les spéciÞcations traditionnelles et ceux modernes
ne sont pas sensiblement différent. Notons que l'estimation a
été conduite sur un panel non cylindré. Les
élasticités prix, en introduisant la proportion de nombre
d'abonnés par bloc, ont été de l'ordre de (-0.662) par MCO
et (-0.475) par 2-step GLS.
La limite de ce travail se traduit par le faite que les
séries de données peuvent être non stationnaires, et que
l'estimation à tort d'une telle régression conduit à
l'interprétation des résultats qui n'ont pas un sens
économique (Granger et Newbold [1974])[18] et augmente le risque de
faire face à des régressions fallacieuses.
Au niveau national, l'utilisation des données de panel
pour estimer la demande d'eau résidentielle, a constitué
l'innovation apportée par le travail de Ayadi et al [2002][1].
L'objectif de cette étude a été l'évaluation de la
politique tarifaire pratiquée par la SONEDE3, un tel objectif
ne pourra être concrétisé que lorsque la Tunisie sera
classée parmi les pays les plus pauvres en eau et qu'elle
connaîtra un déÞcit entre les ressources mobilisables et les
besoins potentiels à l'horizon 2010. En revanche, cette étude a
été motivée par l'inclusion de plusieurs innovations,
à savoir la subdivision de la Tunisie en six régions, la
construction de deux blocs de consommation permettant de mieux capter l'effet
prix et l'introduction de l'effet de l'extension du réseau de
distribution propre à tout pays en développement.
Pour répondre à cet objectif, les auteurs ont
estimé en premier lieu une équation de la demande d'eau pour les
deux blocs;
LogC(j)
it = á(j)
0i + á(j)
1i LogRit + á(j)
2i LogPit + á(j)
3i LogNit + á(j)
4i LogRLit
X
+
s=1,2,4
|
á4siQDsit + å(j) (j)
1it
|
Avec i = 1...6, t = 1...68 et j = 1, 2 (1:bloc supérieur
et 2:bloc inférieur)
3SONEDE est la sociéte nationale d'exploitation
et de distribution de l'eau en Tunisie, C'est l'autorité responsable de
ce secteur.
Là oft C, R et P sont respectivement la consommation
moyenne de l'eau par ménage, le revenu moyen des ménages et le
prix payé par les consommateurs dans le bloc considéré, N
représente la taille de réseau actuelle pour capturer l'effet de
l'extension du réseau, RL est un indicateur des
précipitations,
QDs est un dummy trimestriel pour le trimestre s et å(j)
1it est un terme
d'erreur aléatoire.
Pour tenir compte de l'aspect non linéaire du tarif,
les auteurs estiment une deuxième équation du modèle, la
proportion de ménages dans chaque bloc j (pour la région i et la
période t) est exprimé en fonction des mêmes variables
explicatives que celles de la consommation moyenne excepté le revenu.
1/2NB 3/4(j)
Log N it
X
= á0i +á(j)
(j) 1i LogPit+á(j)
2i LogNit+á(j)
3i LogRLit+ á(j)
4siQDsit+å(j)
2it
s=1,2,4
oft N dénote le nombre des consommateurs dans le bloc j
.
Les résultats de Ayadi et al [2002][1] ont
été conformes aux intuitions i.e. L'effet prix a
été négatif pour le bloc supérieur, ce qui traduit
le glissement des consommateurs de bloc supérieur vers le bloc
inférieur grâce à la tarification rigoureuse qui a comme
objectif l'incitation des ménages qui consomment beaucoup de l'eau
à le conserver. L'effet prix positif pour le bloc inférieur
signifie que la demande de l'eau est relativement inélastique pour les
consommateurs de ce bloc.
Les élasticités prix ont été
autour de (-0,1) pour le bloc inférieur et autour de (-0,40) pour le
bloc supérieur. Les constantes sont toutes positives et varient entre
les régions (implique une consommation minimale positive).
L'effet d'extension de réseau est fortement
significatif pour les deux blocs, mais du signe opposé pour toutes les
méthodes. La consommation moyenne des nouveaux débutants semble
être légèrement plus haute, puisque des consommateurs
inférieurs existent, de ce fait les coefficients de l'effet de
réseau sur le bloc inférieur ont été positifs.
Cependant les nouveaux arrivants ne consomment pas autant que le consommateur
moyen du bloc supérieur ayant pour résultat un impact
négatif sur la consommation moyenne de ce bloc.
Les précipitations ont un impact significatif sur la
consommation pour les deux blocs. Son coefficient est négatif comme
prévu. L'effet des variables binaires saisonnières a
été comme prévu, la consommation augmente pendant les
sessions sèches et diminue pendant l'hiver.
Cette étude a été entreprise sans tenir
compte du problème de stationnarité des séries en double
indice. En revanche, l'utilisation des méthodes habituelle pour estimer
une régression linéaire en panel n'a de sens que lorsque les
variables sont stationnaires. Ainsi, l'hypothèse de stationnarité
si elle impose d'une manière adhoc, aura comme conséquence
l'estimation d'une régression fallacieuse.
Notre travail sera la nouvelle version de l'étude de
Ayadi et al [2002][1] en évoquant le problème de la non
stationnarité et les données de panel. Nous conduisons
l'estimation du même modèle toute en utilisant les méthodes
susceptibles d'estimer une relation de long terme entre les variables non
stationnaires. Par conséquence, notre objectif sera l'évaluation
de la politique tarifaire pratiquée par la SONEDE4 depuis son
existence jusqu'à nos jours, il sera aussi très
intéressant d'avoir l'utilité de la technique de
cointégration sur données de panel à estimer la demande de
l'eau résidentielle. Cette technique économétrique a
été beaucoup utilisée pour estimer la demande d'autres
types des ressources naturelles mais elle n'était pas utilisée
auparavant pour estimer la demande d'eau résidentielle, c'est en faite
cette motivation qui nous pousse à conduire ce travail
d'économétrie appliquée.
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