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L'apport de « Héritiers de la Justice » à  l'émergence d'une culture juridique et de paix au Sud- Kivu en RDC

( Télécharger le fichier original )
par Isaac Kitoka Moke Mutondo
Université protestante d'Afrique Centrale (Cameroun ) - Diplôme d'études approfondies en théologie option éthique politique 2006
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE PROTESTANTE D'AFRIQUE CENTRALE
(UPAC)
PROTESTANT UNIVERSITY OF CENTRAL AFRICA
FACULTE DE THEOLOGIE PROTESTANTE
FACULTY OF PROTESTANT THEOLOGY
Yaoundé - Cameroun

APPORT DE « HERITIERS DE LA JUSTICE »
A L'EMERGENCE D'UNE CULTURE JURIDIQUE
ET DE PAIX AU SUD - KIVU (RDC)

MEMOIRE

Présenté pour l'obtention du Diplôme d'Etudes Approfondies en Théologie

Option : Ethique Politique

Par

KITOKA MOKE MUTONDO

Directeur : Rév. Pr. Jean Samuel ZOE OBIANGA

Résumé

Le présent mémoire de DEA traite de l'Apport de « Héritiers de la Justice » à l'émergence d'une culture juridique et de paix au Sud-Kivu.

En effet, le problème qui préoccupe M. Kitoka Moke Mutondo est celui de l'inadéquation entre l'émergence de la violence et de la justice populaire au Sud-Kivu alors que, depuis 1991, l'association sans but lucratif Héritiers de la Justice travaille dans le domaine de la promotion des Droits Humains dans cette Province située à l'Est de la RD Congo.

La question principale que soulève ce problème est celle de savoir pourquoi la présence de Héritiers de la Justice ne parvient-elle pas à développer une culture juridique et de paix dans la Province ?

A l'issu de ses recherches, l'auteur constate que le déficit d'une culture juridique et de paix au Sud-Kivu se justifie par l'approche sectorielle utilisée par Héritiers de la Justice. C'est-à- dire, l'association ne socialise juridiquement que les enseignants et élèves de quelques écoles de la Province.

C'est pourquoi, après avoir présenté le fondement théologique de la socialisation juridique, l'auteur propose une socialisation juridique globale et globalisante appliquée au contexte de la province du Sud-Kivu comme approche susceptible de développer une culture juridique et de paix dans La province : non seulement que tous les cadres de socialisation présentes dans la Province (la famille, les confessions religieuses, les écoles maternelles et les institutions d'enseignement supérieur et universitaire, les mutualités tribalo ethniques, les partis politiques, l'armée, la police, les services de sécurité, les médias, les syndicats et la société civile) doivent être impliqués dans le processus, mais aussi toutes les couches sociales de la population doivent bénéficier de la socialisation juridique pour qu'émerge une culture juridique et de paix à l'Est de la RD Congo.

L'Auteur : Né à Lusilu (RD Congo, Sud-Kivu, territoire de Fizi) le 14 juillet 1971, le Pasteur Kitoka Moke Mutondo est de nationalité congolaise. Après avoir longtemps travaillé comme assistant chargé des cours dans la chaire de théologie systématique à l'Université Evangélique en Afrique (Bukavu-RD Congo), il est actuellement Doctorant en éthique politique au sein de l'Université Protestante d'Afrique Centrale (UPAC) au Cameroun où il prépare sa thèse dans le même domaine.

LA FACULTE N'ENTEND NI APPROUVER NI DESAPROUVER
LES OPINIONS PARTICULIERES DU CANDIDAT

DEDICACE

A la mémoire de Pascal KABUNGULU KIBEMBI, défunt secrétaire exécutif de Héritiers de la Justice, lâchement assassiné l'aube du 31 juillet 2005 devant sa femme et ses enfants pour la cause des Droits Humains. Malheureusement depuis lors, ... !

A tous les activistes des Droits Humains au Sud - Kivu.

En mémoire de notre père et ami, le Révérend MUTONDO KITOKA MOKE qui, malgré sa détermination, n'est pas arrivé à la moisson. Que notre veuve mère TUMAINI MUTONDO trouve ici une consolation.

Nous dédions ce travail.

Yaoundé, le 08 juin 2007

5
REMERCIEMENTS

Nombreux sont ceux et celles qui, directement ou indirectement, ont rendu possible la réalisation de ce mémoire.

Merci donc :

A l'Eternel Dieu pour sa fidélité à notre égard.

A l'Université Evangélique en Afrique qui nous a recommandé tant pour une bourse d'études que pour la formation doctorale.

A Evangelischer Entwicklungsdienst e.V. (EED) pour la bourse sans laquelle nos études ne seraient possibles.

Au comité de gestion et au corps enseignant de l'Université Protestante d'Afrique Centrale pour la formation reçue.

A Héritiers de la Justice, non seulement pour nous avoir accepté et encadré comme stagiaire, mais aussi pour avoir mis à notre disposition toutes les informations utiles à ce travail. Que ses animateurs et les responsables de ses structures relais à la base trouvent ici l'expression de notre reconnaissance pour la collaboration.

Au Rév. Pr. Jean Samuel ZOE OBIANGA qui nous a fait l'honneur de bien vouloir diriger ce mémoire. Sa rigueur scientifique et ses conseils ont beaucoup contribué à l'orientation de ce travail.

Au Dr. Jacqueline EKAMBI MUTOME dont le regard de sociologue a enrichi ce

travail.

Au Dr. LAM BIDJECK qui, avec son regard de juriste, a beaucoup apporté à l'aspect juridique de ce travail.

Au Pr. Maurice KOUAM pour les remarques et observations qui ont enrichi l'aspect théologique de ce mémoire.

Au juriste Gervais ZOLO ASSOUMOU dont la contribution mérite d'être reconnue.

A notre épouse ALPHONSINE BWADJA et à nos filles Jeanne MANYUNDO et Jeanoah TUMAINI MOKE pour avoir consenti à une séparation au moment très fort de leur attachement envers nous.

A la famille Daniel HALLDORF et MARTHA GRETA qui a été pour nous une grande consolation depuis la mort de notre père. Ses conseils et son soutient désintéressés nous ont rassuré.

A notre beau père FAMBA ABDALAH et sa femme Anne pour leurs conseils et soutiens de tout genre.

Aux oncles MUSENGE et LUYUBA KITOKA pour leur paternité.

A nos frères et soeurs KITOKA KILONGO, KITOKA SUKUMA, NGOY, MWAJUMA, et APENDEKI MUTONDO pour leurs prières en notre faveur. Qu'ils trouvent en nous le modèle à suivre.

Au Pr. Bosco MUCHUKIWA dont la collaboration a fait naître en nous ce sujet lors de nos échanges du 03 mars 2005.

A la famille Jacques et Anne TCHINO qui nous a adopté et soutenu au Cameroun.

Aux Révérends MAENDELEO NKUSHIBWIRE et MITIMA OLONDHO pour avoir soutenu notre famille en RD Congo pendant notre absence.

Au Révérend ABEKYAMWALE EBUELA ABI dont la collaboration et les conseils constructifs nous ont encouragé.

Au Rév. SHINDANO MASILYA, notre pasteur, pour avoir spirituellement encadré notre famille laissée au Pays. Qu'à travers lui, toute la Paroisse de la 8ème CEPAC / CHAI trouve ici l'expression de notre reconnaissance.

A la paroisse Margaret ANN CHASE de l'Eglise Presbytérienne Camerounaise pour notre encadrement spirituel au Cameroun.

A NKUMUNDO Joseph, Marie Jeanne MEYONG, MINKO Evangéline, NKOTO Sara, MBENUN Rebecca, ESSAM, NKOLO GRACIA et MINTYA ENGOLA Octave pour la collaboration dans l'oeuvre de Dieu au Cameroun.

Aux collègues et amis MBOUTE Madeleine, EPIEMBONG Louis, MUENYI KAMUINGA, KALONDJI Claude, MAZAU et NYEMBO IMBANGA pour leur collaboration.

7
SIGLES ET ABREVIATIONS

AG : Assemblée Générale

a.i. : à d'intérim

AFDL : Alliance des forces démocratique pour la libération du Congo

al. : et les autres

AMP : Alliance de la majorité présidentielle

AOG : Assembles of God

Art. : Article

BP : Boite ostale

CA : Conseil d'Administration

CAA : Connaissance, Attitude et Attentes

CAC : Communauté anglicane au Congo

CADAF : Communauté des assemblées de Dieu en Afrique

CADC : Communauté des assemblées de Dieu au Congo

CBCA : Communauté baptiste au Centre de l'Afrique

CCI : Consolider les capacités institutionnelles

CCTV : Congo communication télévision

CDE : Convention relative aux droits de l'enfant

CDP : Club de paix

CEBCE : Communauté des églises baptistes au Congo Est

CEEBECO : Communauté des Eglises Evangéliques Beréennes au Congo

CECA : Communauté des Eglises Chrétiennes en Afrique

CEDAC : Centre d'études, de documentation et d'animation civique

CELCE : Communauté des églises luthériennes au Congo Est

CEGC : Communauté des églises de grâce au Congo

CELPA : Communauté des Eglises de Pentecôte en Afrique

CELZa : Communauté des églises libres au Zaïre

CEPAC : Communauté des Eglises de Pentecôte en Afrique Centrale

Cfr. : Confère

Chap. : Chapitre

CIIRE : Centre interdisciplinaire et interreligieux de recherches en éthique

CMLC : Communauté Méthodiste Libre au Congo

EMGL : Eglise mennonite des Grands Lacs

CNCA : Communauté des Nations du Christ au Congo

CNS : Conférence nationale souveraine

COJESKI : Collectif des organisations des jeunes du Sud- Kivu

DDR : Démobilisation, Désarmement et réinsertion

DEA : Diplôme d'études approfondies

DFID : D EPARTMENT FOR INTERNATIONAL DEVELOPMENT

DH : Droits Humains

DHP : Droits de l'Homme et de la Personne

Dr. : Docteur

ECC : Eglise du Christ au Congo

ECZ : Eglise du Christ au Zaïre

ECOPA : Ecole des parents

éd. : Edition (s)

EED : Evangelischer Entwicklungsdienst

EMCC : Eglise méthodiste unie

EP : Ecole primaire

EPP : Ecoles pour la paix

etc. : et cetera

F : Femme ou fille

FFP : Fédération des femmes protestante

FIDH : Fédération internationale des Droits Humains

G : Garçon

GASAP : Groupe d'action sociale agro pastorale

GTER : Groupe technique d'encadrement régional

H : Homme

HJ : Héritiers de la Justice

Ibid. : ibidem, même auteur et la même oeuvre

ICCO : I nterchurch organisation for development cooperation

Idem : même auteur, même ouvrage et même page

ISDR : Institut Supérieur de Développement Rural

KIOS : THE FINNISH NGO FOUNDATION FOR HUMAN RIGHTS

M : Monsieur

MLC : Mouvement pour la libération du Congo

NB : Nota Bene

Nb : Nombre

ONG : Organisation non gouvernementale

ONGDH : Organisation non gouvernementale des Droits Humains

ONU : Organisation des nations unies

Op. Cit. : opus citatum, ouvrage cite

p., pp. : Page (s), pages

PAPR : Programme Aide légale, Recherche et Protection

PCC : Programme Campagne et Communication

PDP : Paillote de aix

PFE : Programme Femme et Enfant

PFRI : Programme Formation et Renforcement Institutionnel

PPDH : Programme promotion des droits humains

Pr. : Professeur

PRIO : Plan de renforcement institutionnel et organisationnel

PUF : Presse universitaire de France

RDC : République Démocratique du Congo

ROI : Règlement d'ordre intérieur

RADOSKI : Réseau des Associations des Droits de l'homme du Sud - Kivu

REDOCIC : Réseau des organisations des jeunes du Sud- Kivu Registre du
Ministère Public

REPRODHOC : Réseau Provincial des organisations de droits de l'homme

au Congo

Rév. : Révérend

RIO : Réseau d'innovation organisationnelle

RTNC : Radio télévision nationale congolaise

sd. : Sans date

s/CMD : Sous /Comité de médiation et de défense

s/d i r : Sous la direction

SMM : Sauti ya mama myonge (la voix de la femme indigente)

T : Total

TH : Tuitetee haki (défendons les droits)

% : Pourcentage

O. INTRODUCTION GENERALE

Le choix de travailler sur l'émergence d'une culture juridique et de paix est né du souci de contribuer, en tant que théologien et à la suite de bien d'autres chercheurs, à la construction de la paix dans un monde où la violence est omniprésente. En ce qui concerne le choix de Héritiers de la Justice (HJ) comme objet d'étude de ce mémoire, il est dû au fait qu'en notre qualité de chrétien protestant du Sud-Kivu, à la fois témoin et victime de l'absence d'une culture juridique et de paix dans la Province, sommes obligé d'apporter notre contribution à l'émergence de la culture juridique et de paix à travers cette association d'obédience protestante.

Les mots clés1 constituant l'intitulé de ce travail sont utilisés dans les sens ci- dessous :

- Apport : Contribution.

- Emergence : Développement.

- Culture juridique : Ensemble des valeurs, des attitudes, des traditions, de comportements et des modes de vie fondés sur le droit.

- Droit : Ensemble des règles régissant la vie en société et sanctionnées par la puissance publique.

- Culture de paix : Ensemble des valeurs, des attitudes, des traditions et de comportements fondés sur le respect de la vie, le rejet de la violence, la promotion et la pratique de la non-violence, le dialogue, la coopération ainsi que sur l'engagement de régler pacifiquement les conflits.

- Socialisation juridique : Processus d'information et de formation du citoyen droit.

1 Pour plus de détails, se référer aux ouvrages, articles et site ci-dessous : - Microsoft Encarta 2005

- Le petit Robert, Dictionnaire de la langue française, Dictionnaire le Robert, Paris, 2004, p. 120 - Collection, Dictionnaire des synonymes, les usuels du Robert, Paris, 1984, p. 39

- Collection, Le petit Larousse illustré, 10ème édition, Larousse, Paris, 2004, p. 101 .- www.reds.msh-paris.fr/publications/revue/html/ds019/ds019-05.htm

- E. Le ROY, Le jeu des lois, une anthropologie dynamique du droit, L. G. D. J. , 1999, p. 145 - M. VIRALLY, La pensée juridique, I. G. D. J., Paris, 1998, p. 9

- Nations Unies, Résolution 53/ 243 portant déclaration et programme d'action sur une culture de paix, 1999, p.2

- W.A., ETEKI MBOUMOUA, « Eléments d'une culture de la paix en Afrique centrale » in La prévention des conflits en Afrique centrale. Prospective pour une culture de la paix, Karthala, Paris, 1999, p.p. 189 - 1999

- S. GUINCHARD et G. MONTAGNIER (S/dir), Lexique. Termes juridiques, 10ème éd., Dalloz, Paris, 1995, p. 216

Ainsi, ce travail traite de la contribution de HERITIERS DE LA JUSTICE au développement (par l'information et la formation des citoyens au droit) des valeurs, des attitudes, des traditions, de comportements et des modes de vie fondés sur le droit et sur le respect de la vie, le rejet de la violence, la promotion et la pratique de la non- violence, le dialogue et la coopération ainsi que sur l'engagement de régler pacifiquement les conflits dans la Province du Sud- Kivu.

De ce fait, l'intérêt de ce travail ressort à deux niveaux :

- Sur le plan théorique, il a pour intérêt de comprendre dans quelles circonstances les protestants du Sud - Kivu s'étaient trouvés dans l'obligation de créer HJ ; les objectifs qu'ils s'étaient fixés à la création de l'association et l'impact de la présence de l'association sur l'émergence d'une culture juridique et de paix dans la province ;

- Sur le plan pratique, le travail a pour intérêt d'analyser les stratégies utilisées par l'association pour l'émergence d'une culture juridique et de paix au Sud- Kivu, d'en dégager les forces et faiblesses de ces stratégies et de proposer une démarche qui permet à l'association de contribuer de manière efficace à l'émergence d'une culture juridique et de paix dans la Province.

En initiant cette étude, l'objectif général est de contribuer à l'émergence d'une culture juridique et de paix au Sud - Kivu à travers Héritiers de la Justice.

Ainsi, le travail poursuit les objectifs spécifiques suivants :

- Comprendre les circonstances et les motivations qui ont milité pour la création d'une organisation des Droits Humains et de paix par les laïcs protestants du Sud - Kivu ;

- S'imprégner de l'interaction entre HJ et les autres structures de socialisation existantes dans la Province ;

- Analyser le travail fait par HJ dans le domaine des DH et de la paix au Sud- Kivu ;

- Apprécier, à la lumière de son apport à l'émergence d'une culture juridique et de paix dans la Province, l'efficacité des stratégies de travail de l'association;

- Présenter l'adéquation entre la foi chrétienne et la socialisation juridique ;

- Proposer une approche globale et globalisante de la socialisation juridique pouvant permettre à HJ de contribuer efficacement à l'émergence d'une culture juridique et de paix au Sud - Kivu.

La revue de la littérature sur la socialisation juridique est abondante. C'est le cas des travaux de Chantal KOURILSKY, de MALEWSKA-PAYRE, de NAOUMOVA S. ROULAND N., TAPP J. L. et KOHLBERG L., de TAPP J. L. et LEVINE F. J. ainsi que celui de TORNEY J.V. pour ne citer que ceux là. Cependant, en ce qui concerne Héritiers de la Justice, il n'en n'existe aucun autre travail scientifique à part le mémoire de maîtrise présenté par Moïse RWABIRA MAKUBULI et qui traite des « ONG et la gestion des conflits en territoire d'Uvira : cas de Héritiers de la Justice et de GASAP » dans lequel l'auteur souligne l'apport de Héritiers de la Justice dans la gestion de conflits en territoire d'Uvira à travers ses structures relais à la base.

La spécificité de notre travail est donc triple :

- D'abord il ne fait pas une étude restreinte de Héritiers de la Justice, mais la traite dans son ensemble ;

- En suite, il aborde le travail fait par l'association sur la promotion des DH et de la paix à travers l'ensemble de la Province du Sud-Kivu et non de la gestion des conflits dans le territoire d'Uvira ;

- Enfin, ce travail constitue un diagnostic institutionnel dont le but est d'évaluer la contribution de HJ à l'émergence d'une culture juridique et de paix dans la Province.

En effet, depuis son accession à l'indépendance le 30 juin 1960, la RD Congo a connu des moments tragiques qui, non seulement l'ont ruinée, mais aussi l'ont plongée dans une crise multiforme dont les conséquences sont entre autres, l'appauvrissement de la population, la violation massive des Droits Humains, l'injustice sociale, la corruption, la dictature, les guerres cycliques, la violence, les conflits tribalo - ethniques, l'instabilité politique, etc.

Le vent de la démocratie qui a soufflé sur le continent africain a fait que le 24 octobre 1990 le feu président, le Maréchal MOBUTU SESE SEKO, proclame le début du multipartisme comme signe de la démocratisation du pays. C'est dans une telle circonstance que verront le jour plusieurs organisations non gouvernementales de défense des DH à travers le pays dont Héritiers de la Justice est la plus ancienne au Sud - Kivu.

Pendant que la période de transition est terminée par des élections dites libres, démocratiques et transparentes, et que les institutions démocratiquement élues se mettent en place, il sied de souligner que la pérennisation des cas de violations des DH et de la violence au Sud- Kivu risque de mettre en péril le processus de démocratisation en cours. Cette inadéquation entre l'existence de Héritiers de la Justice depuis 1991 et la pérennisation des cas de violation massive des DH et de la violence au Sud - Kivu suscite la curiosité et soulève la question de savoir pourquoi Héritiers de la Justice ne parvient pas à développer une culture juridique et de paix dans la Province.

Cette question principale de notre étude sous-entend des questions secondaires d'ordre ecclésiologique, théologique, éthique et socio - politique :

a. Sur le plan ecclésiologique : dans quelles circonstances les protestants du Sud - Kivu se sont-ils retrouvés dans la nécessité de créer cette organisation de défense des Droits Humains ?

b. Sur le plan théologique

- Quelle relation existe -t-il entre la confession de foi chrétienne et la

promotion des Droits Humains dont s'occupe Héritiers de la Justice ?;

- Quelles sont la connaissance, l'attitude et les attentes de l'Eglise

protestante du Sud- Kivu vis- à - vis de l'association ?

c. Sur le plan socio - politique : Quelle relation Héritiers de la Justice entretient - elle avec les autres structures de socialisation : l'Eglise, l'administration publique, la police, l'armée, les instances judiciaires la population ainsi qu'avec les autres organisation de défense des Droits Humains, présentes dans la Province ?

d. Sur le plan éthique : En créant cette organisation des Droits Humains, les protestants pensent que l'Etat Congolais ne travaille pas pour l'émergence d'une culture juridique et de paix dans le pays. Que fait Héritiers de la Justice pour développer les deux cultures dans la Province ?

De ce fait, deux hypothèses peuvent être formulées pour ce travail :

- Le fait de s'impliquer dans beaucoup d'activités à la fois déconcentre Héritiers de la Justice de sa mission de promouvoir les Droits Humains et la paix ; et

- L'émergence d'une culture juridique et de paix à travers Héritiers de la Justice n'est pas remarquable au Sud-Kivu parce que l'approche utilisée par l'association n'est pas globalisante. L'implication des toutes les

structures de socialisation présentes dans la Province est l'approche d'une socialisation juridique devant développer la culture juridique et de paix au Sud - Kivu.

Pour la réalisation de ce travail, les méthodes et techniques suivantes ont été utilisées :

a. Méthode inductive

Elle a permis de remonter à la genèse de HJ, de comprendre son évolution dans le temps et son implication dans l'émergence d'une culture juridique dans la province du Sud - Kivu.

b. Approche qualitative

Cette orientation a été utilisée dans la mesure où son emploi permet de déterminer la connaissance, l'attitude et l'attente de l'Eglise Protestante du Sud - Kivu par rapport à l'association.

c. Recherche action

Pendant les recherches sur l'apport de HJ à l'émergence d'une culture juridique et de paix au Sud - Kivu, nous avons travaillé avec l'association et les structures de base comme stagiaire dans la structure. Il s'est agi de diriger les séances de médiation, participer à l'accompagnement Juridique et Judiciaire des indigents ainsi que de participer à la formation des enseignants pour la paix lors de séminaires de formation. Ces trois méthodes sont soutenues par les techniques ci-dessous :

a. Interview

L'interview est l'entretien ou interaction verbale entre deux personnes dont l'une transmet à l'autre des informations à la demande de l'autre. C'est donc une forme de communication entre le chercheur et la population cible ayant pour but de recueillir certaines informations concernant un objet précis. Elle a servi dans la collecte d'information sur HJ au près des personnes ressources : les responsables à divers niveaux au sein de l'ECC/Sud - Kivu et de ses communautés membres, les autorités politico- administratives, militaires et de la police, les responsables et animateurs de Héritiers de la Justice ainsi que les responsables et membres de structures relais à la base travaillant avec l'association.

b. La technique documentaire

Il s'agit de la consultation des publications, des différents rapports d'activités, de stage, les documents à télécharger, les monographies et mémoires ainsi que des ouvrages généraux en rapport avec HJ et la socialisation juridique.

d. Le questionnaire d'enquêtes ouvert

Une étude CAA (Connaissance, Attitude et Attente) a été menée après des Représentants Légaux des communautés membres de l'Eglise du Christ au Congo / Sud- Kivu, des chargés d'évangélisation et vie de l'Eglise au niveau communautaire, des pasteurs responsables des paroisses, des responsables des associations des femmes et des jeunes ainsi que des préfets et directeurs d'écoles conventionnées protestantes sur HJ entant que structure d'obédience protestante.

Le présent mémoire est limité de la manière suivante :

- Sur le plan spatial, le sujet se délimité à l'espace couvert par HJ dans l'ensemble de la Province du Sud - Kivu ;

- Sur le plan temporel, les observations vont de la création de l'association en 1991 à la fin du mois d'octobre 2006, date qui marque la fin de nos recherches sur le terrain.

- Sur le plan thématique, le travail examine l'aspect de la promotion des Droits Humains.

Par ailleurs, le travail est divisé en deux grandes parties :

- La première partie consacrée à la présentation de HJ, comprend deux chapitres dont l'organisation de l'association et la contribution de HJ au développement d'une culture juridique et de paix au Sud - Kivu.

- Dans la deuxième partie qui traite des mécanismes d'une socialisation juridique globalisante, deux chapitres y sont également développés dont : le fondement théologique de la socialisation juridique et l'approche globalisante de la socialisation juridique au Sud - Kivu.

Première partie
PRESENTATION DE HERITIERS DE LA JUSTICE

Introduction

Selon les sources concordantes en notre possession, cette association est née dans un contexte où la RD Congo, ancien Zaïre, venait de faire son entrée dans le processus démocratique accepté par le Maréchal MOBUTU SESE SEKO, alors Président de la République, qui avait proclamé le début du multipartisme politique le 24 avril 1990. A cette époque, l'Eglise du Christ au Congo (ECC), alors Eglise du Christ au Zaïre (ECZ), s'était rendue compte de la violation massive des DH, des arrestations arbitraires, du non respect de la dignité humaine et de la peur de l'autorité de l'Etat qu'avait développée le pouvoir de Mobutu. Au-delà de ces facteurs, Charles MAYAO SHEMUPENGE2 ajoute la dégradation de la situation sécuritaire, le trafic d'influence, la corruption, le népotisme, l'injustice sociale, consécutifs à la paupérisation de la population à la suite du non paiement des salaires des agents de l'Etat comme facteurs ayant milité à la création de l'association.

D'après MUNDYO MWENELUSIBA3, l'Association tire ses origines du Département de l'Evangélisation et Vie de l'église de l'ECZ/ Sud- Kivu qui, pour faire face à cette déplorable situation des DH, initia un programme dénommé : évangélisation libératrice qui était piloté par LUBALA MUGISHO KAZA, alors conseiller juridique de l'ECZ. Le but de ce programme était, selon MUNDYO, d'aider les pasteurs et fidèles protestants à connaître leurs droits en tant que citoyens afin de les revendiquer en cas de violation et de défendre la cause des victimes de violation des Droits Humains4. Cette explication de MUNDYO montre à suffisance que la création d'une structure de défense des DH par les laïcs protestants au Sud -Kivu n'est pas, comme le prétend Charles MAYAO, l'idée personnelle de LUBALA MUGISHO KAZA comme avocat près la cours d'appel de Bukavu5 ; mais une inspiration du programme d'évangélisation libératrice de l'ECC / Sud Kivu que LUBALA, en sa qualité de conseiller Juridique de l'ECZ à l'époque, pilotait. C'est ce que soutiennent davantage les propos de LUBALA MUGISHO KAZA qui nous a déclaré :

2 Charles MAYAO CHEMUPENGE, Rapport de stage inédit effectué à Héritiers de la justice du 30 janvier au 28 mars 2006, p. 2

3 MUNDYO MWENELUSIBA, Chargé d'Evangélisation et Vie de l'Eglise à l'E. C. C./ Sud -Kivu, interview accordé à Bukavu, le 28 août 2006

4 Enquêté déjà cité, interview accordé à Bukavu, le 28 août 2006

5 Charles MAYAO SHEMUPENGE, Op. Cit., p. 2

A l'époque tout a commencé lorsque moi, le Rév. LUKEBA MULAMBA, le Rév. MUNDYO MWENELUSIBA et le Rév. TOTORO, respectivement conseiller juridique de l'ECZ, président, vice président de l'ECZ et Représentant Légal de la 5ème CELZa, avions fait, dans toutes les zones de la région du Sud-Kivu, des descentes de sensibilisation de la population sur les droits de l'homme à travers le programme évangélisation libératrice....la création de Héritiers de la Justice a même été décidée lors d'un comité exécutif de l'ECZ/ Sud Kivu6.

Il a fallu attendre 19937, pour que les laïcs protestants (juristes, sociologues, psycho - pédagogues, théologiens) rendent le programme autonome sous la dénomination Héritiers de la Justice tirée du passage d'Hébreux 11, 7 et dont l'ECC ne deviendra que tuteur moral. Il ressort donc que depuis 1993, HJ n'est plus un programme de l'ECC / Sud - Kivu mais une association sans but lucratif (asbl) jouissant d'une personnalité juridique.

Cette «privatisation» du programme évangélisation libératrice par les laïcs sous le nom de Héritiers de la Justice est confirmée tant par l'article premier des statuts qui dispose : entre les soussignés et ceux qui adhéreront aux présents statuts, et conformément au décret-loi du 18 septembre 1965, il est constitué une association sans but lucratif dénommée « HERITIERS DE LA JUSTICE8 » ; que par la note de présentation de l'association qui ajoute : Héritiers de la Justice a été fondée par trois personnalités de la région, soucieuses du niveau de répression des populations civiles sous le régime de Mobutu ainsi que du degré d'ignorance dans laquelle croupissaient ces personnes9.

S'agissant de l'inscription service des églises protestantes pour les Droits Humains et la paix que porte le papier entête de l'association, trois explications sont données :

- Pour BAHATI NAMWIRA10, elle se justifie par le fait que l'association a été créée et est gérée par les laïcs protestants ;

- Pour MUNDYO MWENELUSIBA11, elle se justifie par le fait qu'elle est l'émanation du programme Evangélisation libératrice créé par l'ECC ; et

6 LUBALA MUGISHO KAZA, Président de Héritiers de la Justice, interview accordé à Bukavu, le 25 août 2006

7 la considération de 1993 comme année de privatisation de l'association est justifiée par le fait que les statuts de l'association ont été signé par ses propriétaires le 08 juin 1993 et son acte notarial date du même jour.

8 Art. 1er des statuts de Héritiers de la Justice, p. 2

9 Découvrez HJ in www.heritiers.org

10 BAHATI NAMWIRA, Secrétaire Exécutif a. i. de Héritiers de la Justice, Interview accordé à Bukavu, le 15 août 2006

- Pour Moïse RWABIRA MAKUBULI, elle se justifie par le fait que l'Association est d'inspiration chrétienne12.

Il s'avère que c'est la justification que donne MUNDYO qui s'accorde le mieux avec l'inscription qui était valable avant que l'association ne soit autonome en 1993.

En ce qui concerne son rayon d'action, l'association travaille dans l'ensemble de la Province du Sud -Kivu et ne s'est pas encore implantée dans d'autres Provinces de la RD Congo. Ainsi que le précise Moïse RWABIRA ; compte tenu du contexte qui prévaut dans la sous- région des Grands Lacs africains, les actions de l'Association ont débordé en dimension provinciale et touchent le niveau régional et international13.

Selon ses textes14, Héritiers de la Justice a un double but :

- Rendre le faible fort pour qu'il revendique lui-même ses droits au quotidien ;

- Promouvoir la justice, la cohésion sociale et la force critique individuelle et collective pour une société véritablement de paix.

Quant à l'objet social de départ, l'article 6 des statuts de l'association montre que la création de HJ poursuivait les objectifs ci-après :

- Promouvoir, dans la communauté de base une justice équitable qui engendre l'harmonie collective et une culture des Droits Humains et de la démocratie par la formation, l'information et la sensibilisation ;

- Aider l'Eglise et les autres organisations de la base dans la recherche des réponses aux questions juridiques notamment par des consultations périodiques, systématiques ou épisodiques, par la fourniture des textes légaux ou règlementaires et par des consultations écrites ;

- Appuyer les revendications des victimes et combattre les violations des Droits Humains par la non-violence évangélique ;

- Accorder une assistance juridique aux groupes sociaux vulnérables (indigents,

minorités, exclus, réfugiés, etc.), spécialement aux femmes et aux enfants ; et
- Favoriser les échanges d'expériences entre organismes régionaux et

internationaux ayant des objectifs similaires15.

11 Op. Cit.

12 Moïse RWABIRA MAKUBULI, Les ONG et la gestion des conflits en territoire d'Uvira : Cas de Héritiers de la Justice et de GASAP, Mémoire, ISDR, Bukavu,

13 Ibid, p. 8

14 www.heritiers.org

15 Statuts de Héritiers de la Justice, Art. 6, pp. 2 - 3

2005 - 2006, p. 7

Par ailleurs, même si les objectifs opérationnels de chaque programme de l'association varient selon la situation sécuritaire, de DH, de la paix et selon les besoins de la population au niveau local, ils sont toujours inspirés et orientés par ces buts et objectifs fixés par l'association à sa création.

Les mêmes statuts de l'association précisent que HJ a cinq organes : l'AG, le CA, la présidence, le comité directeur et le secrétariat exécutif. Ainsi, l'association est structurée et organisée selon les organigrammes présentés en annexes n° 1 et 2.

A ce jour, HJ emploie 18 agents répartis de la manière suivante dans les différents programmes et services :

Service ou Programme

Nombre

1

PAPR

3

2

PCC

3

3

PFE

2

4

PFRI

2

5

Sentinelles

2

6

Chauffeurs

2

7

Comptabilité

1

8

Encodage

1

9

Réception16

1

10

Secrétariat exécutif

1

Total

18

16 Pour le moment, c'est le réceptionniste qui joue aussi le rôle de caissier

Chap. I. ORGANISATION DE HERITIERS DE LA JUSTICE

Ce chapitre traite de deux points :

- Les différents programmes de HJ

- La relation entre HJ et les autres structures de socialisation dans Province.

I.1 .1. Les différents programmes de Héritiers de la Justice

L'engagement de HJ dans le domaine de la paix et des DH se réalise à travers les quatre programmes coordonnés par le secrétariat exécutif de l'association. Il s'agit des programmes suivants :

- Programme Aide légale, Protection et Recherche (PAPR) ;

- Programme Campagne et Communication (PCC) ;

- Programme Formation et Renforcement Institutionnel (PFRI) ;

- Programme Femme et Enfant (PFE) ;

I.1.1.1. Programme Aide légale, Protection et Recherche (PAPR)

I.1.1.1.a. Création du Programme

Le programme aide légale, protection et recherche est le service de HJ crée en 1991. Il est donc le plus ancien des programmes de l'association.

I.1.1.1.b. But du programme

Ce programme a pour but l'amélioration de la situation des DH dans la province. C'est pourquoi, il poursuit les objectifs suivants :

- Contribuer à la réduction des cas de détention arbitraire, au réconfort des défenseurs des DH, au rétablissement de la cohésion sociale, aux actions de poursuite et de campagne ainsi qu'au soulagement des indigents et victimes de violations des DH ;

- Sensibiliser l'opinion locale, nationale et internationale sur la situation des DH; - Interpeller les autorités sur les cas de violations des DH ;

I.1.1.1 .c. Activités

Le Programme Aide légale, Protection et Recherche a pour activités :

- Assister juridiquement et judiciairement les indigents et victimes des violations des DH;

- Accueillir, écouter et orienter les indigents et les victimes de violations des DH; - Accompagner et réaliser les médiations ;

- Appliquer les mécanismes non violents de revendication des DH;

- Mener les recherches sur les cas de violation des DH et les thèmes y relatifs ;

- Répondre ou mener des actions non violentes par rapport aux cas de violation des DH;

- Elaborer le rapport des violations des DH;

- Assister les défenseurs des DH en danger ;

- Faire des recherches sur les thématiques liées aux DH, des résultats de la médiation pour le maintien de la paix ainsi que des dossiers judiciaires des indigents et victimes de violation des DH ;

- Etablir des contacts ;

- Surveiller systématiquement la situation des DH ;

- Documenter les faits ;

- Analyser les informations collectées et en vérifier les allégations ;

- Participer à l'enregistrement des émissions et aux sessions de formation ; - Assurer la médiation entre personnes ou groupes en conflit ;

- Eduquer à la résolution pacifique des conflits à travers le dialogue et la non violence ;

- Localiser les lieux de détention et militer pour l'amélioration des conditions carcérales.

I.1.1.1.d. Stratégies de travail

Pour atteindre ses objectifs, le PAPR utilise les stratégies suivantes :

- Production des émissions Haki Yetu (notre droit) et des rapports synoptiques des cas de violation des DH ;

- Collection et traitement des informations collectées sur la violation des DH ; - Plaidoirie ;

- Enquêtes et investigations dans le domaine des DH ;

- Assistances juridique et judiciaire des victimes de violation des DH ;

- Ecoute et conduite de médiation entre les personnes ou les parties en conflit ; - Visites des détenus et des lieux de détention ;

- Recherches sur les cas de viols et violences faites aux femmes ;

- Protection des défenseurs des DH.

I.1.1.1.e. Réalisations du programme

Les réalisations du PAPR ont un poids certain dans le domaine de la

construction de la paix et de défense des droits humains.

En effet, dans le domaine de la construction de la paix, le rapport sectoriel du programme17 montre que HJ, à travers ce programme, est devenu la structure de référence pour la population. Souvent, lorsqu'un conflit voit le jour, la population consulte Héritiers de la Justice pour une médiation. C'est ce qui ressort du tableau ci- dessous reprenant les cas et la fréquence des conflits dont les acteurs ont sollicité la médiation de HJ de juillet à octobre 2005, sans considérer les cas traités dans l'ensemble de la Province, tant par HJ que par les CMD depuis la création de l'association et de ses structures relais :

Type de conflit

Fréquence de cas

1

Conflits fonciers/ parcellaires

306

2

Abus de confiance

264

3

Tracasseries policières, administratives et militaires

276

4

Adultère

249

5

Abus de pouvoir

248

6

Arrestation arbitraires et détention illégale

234

7

Inexécution des obligations contractuelles

189

8

Inexécution des décisions judiciaires

187

9

Dénonciation calomnieuse /imputation

dommageable

153

10

Pillage et extorsion

120

11

Conflit conjugal et / ou de famille

89

12

Conflit de succession

78

13

Abandon de famille

58

14

Torture

57

15

Conflits de travail

46

16

Coups et blessures

23

17

Assassinat et / ou meurtre

23

18

Enlèvement

21

19

Demande d'asile

4

Total

2. 893

S'agissant de la provenance de la population qui consulte l'association pour une médiation et un accompagnement juridique ou judiciaire, le même rapport cite tous les territoires de la Province du Sud-Kivu. Ce qui montre que la population lui fait confiance sur l'ensemble de la Province.

17 Héritiers de la Justice, Programme Aide légale, Protection et Recherche, Rapport sectoriel annuel Janvier - Décembre 2005, janvier 2006, p. 15

Dans le domaine de la protection juridique, le programme assiste la population victime de violation des DH. A titre d'exemple, pour la seule période allant de juillet à octobre 2005, le programme a suivi 75 dossiers judiciaires et 91 dossiers physiques ont été enrôlés devant les cours et tribunaux du Sud Kivu et sont conservés dans le bureau du Président de l'association.

I.1.1.2.Programme Campagne et Communication (PCC)

I.1.1.3.a. Création du programme

Le Programme Campagne et Communication a été créé en 2003 après la fusion de programmes Information et Communication ainsi que Campagne et advocacy.

I.1.1.2.b. But et objectifs du Programme

Comme le souligne BAGULA BURUME18, le but de cette fusion était de rendre plus efficace le travail de ces deux programmes qui étaient complémentaires. Ainsi, le but du programme est de contribuer à la transformation sociale et à la promotion des DH et la paix. C'est pourquoi il poursuit entre autres objectifs :

- Alimenter et sécuriser le site Héritiers de la Justice ;

- Mobiliser et informer la communauté locale, nationale et internationale sur la situation des DH dans la région des Pays des Grands Lacs d'Afrique ;

- Informer la population locale sur ses droits et ses devoirs ;

- Contribuer à la disponibilité de l'information ;

- Accroître la synergie entre les différents programmes de HJ.

I.1.1.2.c. Activités du programme

Le PCC exécute les activités suivantes :

- Production des émissions radiodiffusées Sauti ya Mama Mnyonge (la voix de la femme indigente), Tuitetee Haki (défendons le droit), Mimi Kadogo (moi l'enfant soldat) et Haki Yetu (notre droit) ainsi que des rapports synoptiques, des feuillets Nota Bene, des livrets didactiques, des brochures, des affiches, des T-shirt, des calendriers, des dépêches et des annonces précoces ;

- La sensibilisation à travers les actions de campagne, advocacy et lobbyng; - Dissémination de l'information sur les violations des DH ;

18 BAGULA BURUME, Animateur au PCC, interview accordé à Bukavu, le 07 août 2006

- Identification des adresses des maisons des indigents et victimes de violation des DH ;

- Souscription aux abonnements, passation des commandes et achat d'ouvrages - Gestion de la pharmacie de droit et du site de l'association

- Participation aux activités d'autres programmes de l'association, aux visites des associations partenaires et au processus de démobilisation des enfants soldats ; - Entretien du contrat avec les médias locaux et internationaux19.

I.1.1.2.d. Stratégie de travail

S'agissant des stratégies utilisées par le programme, BAGULA BURUME20

cite :

- La sensibilisation de la population ;

- La surveillance ;

- La documentation de faits de violation des DH;

- Les publications à travers le site web ;

- La dénonciation par la radio, les publications et le site de l'association.

I.1.1.2.e. Réalisations du programme

Le programme a pour mérite d'avoir contribué au changement social du milieu. Ainsi, ses réalisations sont :

- La régularité de l'apparition des bulletins et feuillets ;

- La mise sur pieds d'une pharmacie de droits21 ;

- La production des émissions radiodiffusées sur les DH et la paix.

I.1.1.3. Le Programme Formation et Renforcement Institutionnel (PFRI)

I.1.1.3.a. Création du programme

Crée en 2003, le Programme Formation et Renforcement Institutionnel est le résultat de la fusion des deux anciennes approches de HJ, formation et suivi de terrain, dans le but de mettre en place un programme qui pourra assister le secrétaire exécutif dans l'exercice de ses fonctions.

19 Héritiers de la Justice, Rapport du brainstorming sur les méthodes de travail de Héritiers de la
Justice,
Bukavu, du 22 au 23 décembre 2004

20 BAGULA BURUME, Enquêté déjà cité.

21 Dans ce programme, la pharmacie des droits désigne exclusivement la

Bibliothèque. Ce qui n'est pas le cas au sein du PFRI.

I.1.1.3.b. But et objectifs du programme

Le programme a pour but de renforcer les capacités des structures et acteurs des DH. C'est pourquoi il poursuit les objectifs suivants :

- Renforcer les capacités d'action de la société civile ;

- Offrir aux organisations non gouvernementales des DH et la paix un cadre d'échange d'expériences ;

- Promouvoir les instruments juridiques et les lois nationales ;

- Consolider le niveau d'action des animateurs des Comité de Médiation et de Défense (CMD).

I.1.1.3.c. Activités du programme

Comme activités, le programme planifie et organise différentes formations tant au niveau national qu'au niveau sous - régional. En plus de cela, il s'occupe de :

- Former et recycler les enseignants et Inspecteurs d'enseignement ;

- Encadrer les CMD ;

- Rende visiter et échanger avec les organisations partenaires et échanger avec elles ;

- Organiser les formations, les colloques, les conférences et les sessions de planification ;

- Renforcer les réseaux et les partenariats locaux ;

- Produire les rapports de formation.

I.1.1.3.d. Stratégies de travail :

Pour atteindre ses objectifs, le programme fait usage des stratégies suivantes : - La formation en salle ;

- La distribution de documentation en matière des DH, paix et démocratie ;

- Visite de suivi auprès des ONG bénéficiaires de formation (CMD et autres) ; - Appui au fonctionnement des CMD ;

- Echange des correspondances.

Les bénéficiaires directs et indirects du programme sont HJ, les CMD, Les ONG locales des DH, les enseignants pour la paix, pour la première catégorie, et les victimes des violations des DH, les autorités politico - administrative et les élèves pour la seconde catégorie.

I.1.1.3.e. Réalisations du programme

Comme Héritiers de la Justice ne peut pas être partout à la fois, elle a installé, depuis 1993, des comités de médiation et de défense (CMD) qui sont des structures relais à la base dont les responsables et animateurs bénéficient de la formation de la part de HJ. C'est ce que souligne Déodatte CIKWANINE dans son rapport de stage22. En installant les CMD, HJ ne tient pas compte des divisions administratives de la province de manière que le rayon d'action de chaque CMD dépend de sa capacité de s'étendre en créant les sous CMD.

Dans son analyse, Gérard KWIGWASA23 définit le CMD et présente son mode d'installation en disant que le CMD est un regroupement des personnes dont les principales attributions sont la médiation et la protection des Droits de l'Homme. Ses membres et animateurs sont issus des différentes couches sociales sans discrimination de quelque nature que ce soit. Ainsi, à la suite de HJ, le rôle des CMD est de contribuer à la cohésion sociale à travers :

- La gestion des conflits au sein des communautés de base ;

- La protection et la promotion des DH violés par le pouvoir ou ses représentants ; - La dénonciation et la documentation des cas de violation des DH ;

- La formation et l'information de la population sur ses droits et sur la procédure

légale de les revendiquer selon le principe de non violence évangélique.

C'est dans ce sens que la médiation est la stratégie la plus utilisée dans la gestion des conflits par les CMD. Pour atteindre sa mission, HJ promeut la justice et la cohésion sociales par la réalisation du « gendarme social » et d' « artisans de paix »qui sont des personnes morales ou physiques dont les principes fondamentaux et d'action sont :

- L'évangile libère l'homme et le conduit à agir avec un profond respect de ses

semblables ;

- La connaissance de ses droits est l'un des sentiers qui débouchent sur leur reconnaissance ;

- Chaque individu a le devoir d'exiger le respect des droits de ses semblables ;

- La vraie justice est celle qui est consentie librement par les parties et réconcilie les hommes appelés à vivre dans la joie et l'entraide en société ;

22Déodatte CIKWANINE KULIMUSHI, Héritiers de la Justice et la lutte contre les viols et violence faits aux femmes (Cas de la Province du Sud -Kivu), Rapport de stage

effectué du 13 décembre 2004 au 15 janvier, 2005, p.6

23 Les Comites de Médiation et de Défense des Droits Humains (CMD) : Etat des lieux et perspectives après dix ans d'âge, Analyse de Gérard KWIGWASA NAKAHUGA, Animateur au Programme Formation et Renforcement Institutionnel, septembre 2005, p. 2

- Les droits et libertés de chaque personne s'exercent dans le respect du droit de l'autre, de la sécurité collective, de la morale et de l'intérêt commun.

Il faut noter que cette appellation d' « artisan de paix » convient mieux aux membres des CMD préalablement formés par HJ.

En ce qui concerne la genèse des CMD, Gérard KWIGWASA24. observe que les membres de l'équipe exécutive de HJ chargés de la structuration de la base procédaient par des réunions de sensibilisation à travers les Eglises et autres structures connexes. A l'issue de ces séances, la population s'organisait pour mettre sur pied, sur la base d'élections, une équipe de personnes qui constituait désormais le noyau soit provisoire, soit définitif du CMD naissant

A ce jour, HJ a réussi à implanter 21 CMD dans l'ensemble de la Province. Pour leur localisation à travers la province, se référer au tableau tracé par Gérard KWIGWASA25 et présenté ci-dessous :

Entités administratives

 

Nom du Comité

Ville de Bukavu

 


·

CMD Bagira

 
 


·

CMD Ibanda

 
 


·

CMD Kadutu

Territoire de Fizi

 


·

CMD Fizi/Baraka

Territoire de Kalehe

 


·

CMD Bunyakiri

 
 


·

CMD Kalehe

 
 


·

CMD Kalonge

 
 


·

CMD Nyabibwe

Territoire de Mwenga

 


·

CMD Kalambi

 
 


·

CMD Kamituga

 
 


·

CMD Kitutu

 
 


·

CMD Mwenga

Territoire d'Uvira

 


·

CMD Lemera

 
 


·

CMD Luvungi

 
 


·

CMD Sange

 
 


·

CMD Uvira

Territoire de Walungu

 


·

CMD Bideka

 
 


·

CMD Ibanda/Ngweshe

 
 


·

CMD Kamanyola

 
 


·

CMD Kamisimbi

 
 


·

CMD Kaziba

Pour ce qui est de l'encadrement des CMD, il relève de la responsabilité du PFRI appuyé par les autres programmes de l'association.

Selon Gérard KWIGWASA, la formation et le mandat des responsables des CMD ainsi que leur structuration se font de la manière suivante :

- De la formation des membres des CMD : elle est constituée des divers modules

utiles à l'exercice de leur travail d'Artisan de paix et activistes des DH. C'est le cas des modules qui ont été dispensés aux membres des CMD selon le calendrier ci - dessous:

PERIODE

THEMES CENTRAUX

THEMES DES EXPOSES

Mars

Droits de l'Homme

- Analyse des problèmes dans une approche communautaire

- Comment collecter les informations en matière des Droits Humains

- Les principales atteintes aux droits de l'homme dans nos milieux

- L'Eglise et la protection des Droits Humains

- Les techniques d'animation et de mobilisation de la base

- La non-violence évangélique

Juillet

Connaissances juridiques

de base

- Les connaissances spéciales du droit de la famille

- Les éléments du droit foncier

- La légalité des actes de l'administration - La fiscalité et la parafiscalité dans les entités décentralisées au Zaïre (actuelle

RD Congo)

- L'organisation et le fonctionnement des juridictions au Zaïre

- Les mandats de justice

- Démocratie et élections au quotidien - Les éléments méthodologiques

d'éducation des adultes

Octobre

Gestion des conflits

- Eléments d'éducation à la paix

- Etude de cas : Expérience du centre Espoir

- Modes et avantages de résolution

pacifique des conflits

- Analyse des conflits au sein des groupes structurés

- Les techniques de médiation

- De l'organisation des CMD : Chaque Comité de Médiation et de Défense s'organise à sa manière. Cependant, dans l'ensemble, chaque CMD a un Président, un Vice-président, un Secrétaire, un Trésorier et des conseillers. Ce qui fait que le rapport entre HJ et les CMD est structuré à quatre niveaux :

1er niveau : Equipe exécutive de Héritiers de la justice

2ème niveau : Comités de Médiation et de Défense

3ème niveau : Sous Comités de Médiation et de Défense

4ème niveau : Antennes ou Cellules de Médiation et de Défense

Contrairement à ce que présente Gérard KWIGWASSA comme structure des CMD26, il s'est avéré que seul le CMD d'Uvira possède un organigramme et un R.O.I. clairs et mis en application (les autres CMD travaillent sans organigramme ni R.O.I). Cet organigramme du CMD Uvira nous a été présenté par BWEYO27 de la manière suivante :

Assemblée Générale

Conseil d'Administration

 
 

Commission de suivi

Direction exécutive

 
 
 

S'agissant des personnes constituant les CMD, ce sont des volontaires reconnus dans leurs milieux respectifs comme des leaders locaux : agents d'évangélisation, laïcs (fonctionnaires, enseignants, membres du personnel médical, commerçants, femmes) ; seule l'appartenance à la classe du pouvoir public et l'immoralité manifeste constituent des freins à l'adhésion au CMD.

26 Les CMD fonctionnent comme des structures autonomes par rapport à HJ à qui ils sont liés par un protocole de collaboration contre signé par le Secrétaire exécutif de HJ et le Président de chaque CMD.

27 M. BWEYO, Président du CMD Uvira, Interview accordé à Uvira, le 16 août 2006

Pour s'inscrire à l'idéal de HJ, les CMD se sont accordés d'accompagner les populations victimes des abus et violations des DH en utilisant la sensibilisation et la conscientisation de la base en matière des DH, la défense des droits de la personne (canaliser les revendications), l'éducation sur la démocratie et les droits et les devoirs de la personne, la médiation, la supervision des Pharmacies de droits ainsi que l'organisation et l'animation des Barza juridiques.

Outre les CMD, le PFRI encadre, comme structures relais à la base, les Barza juridiques et les pharmacies de droits.

Par Barza juridique, Gérard KWIGWASA28 entend des rencontres foraines organisées périodiquement par un CMD pour diverses raisons, notamment un échange d'informations sur la situation des DH dans la contrée, une initiation et une formation progressive du gendarme social dans le chef de la population ainsi qu'une éducation populaire, à la culture démocratique, sur les droits de l'homme et les devoirs du citoyen en utilisant la sagesse africaine comme support de la vulgarisation.

En ce qui concerne la Pharmacie de droit, Moïse RWABIRWA29 dit que ce terme inspiré du monde médical, désigne à la fois la permanence des CMD. Celle-ci est assurée à tour de rôle par les membres de la structure, le lieu d'écoute et d'orientation des opprimés et indigents, le cadre où l'on conduit les médiations conciliatrices des parties en conflits et le lieu de documentation en DH, paix et démocratie.

Bien que Héritiers de la Justice ait fourni des efforts pour la formation des membres des CMD, force est de constater, avec Gérard KWIGWASSA, que la plupart des membres des CMD aujourd'hui ne sont pas formés. C'est ce qui ressort du tableau ci-dessous qu'il présente dans son rapport30:

28 Gérard KWIGWASSA, Op. Cit., p. 9

29 Moïse RWABIRA MAKUBULI, Op. Cit., p. 28

Nom du CMD

Nb S/CMD Opéra.

Membres

Nombre

Femmes

Formés *

Non formés

1

Bagira

 

5

0

4

1

2

Ibanda

 

6

1

3

3

3

Kadutu

 

12

4

4

8

4

Bideka

1

9

0

5

4

5

Ibanda/Ngweshe

7

33

3

6

27

6

Kamanyola

1

11

2

6

5

7

Kamisimbi

3

37

5

3

34

8

Kaziba

2

20

1

6

14

9

Lemera

 

7

0

5

2

10

Luvungi

 

7

2

4

3

11

Sange

 

14

1

4

10

12

Uvira

 

13

3

10

3

13

Fizi

 

7

0

2

5

14

Bunyakiri

4

47

7

10

37

15

Kalehe

1

13

0

2

11

16

Kalonge

 

8

1

5

3

17

Nyabibwe

2

25

3

2

23

18

Kalambi

1

11

2

4

7

19

Kamituga

2

18

0

7

11

20

Kitutu

10

39

3

9

30

21

Mwenga

1

15

1

4

11

 

TOTAL

34

357

38

105

252

Ce tableau révèle que sur 357 membres que compte les CMD, seul 105 sont formés, soit un pourcentage de 29 % de formés contre 71 % (252) des membres non formés. Ce qui justifie bien les faiblesses constatées dans le fonctionnement des CMD par Gérard KWIGWASSA31 dans le tableau présenté en l'annexe n°3. Interrog és sur ces faiblesses, les responsables de certains CMD nous ont donné les raisons présentées en annexe n°4 et qui ne sont pas forcéme nt celles évoquées par Gérard KWIGWASA. De ces enquêtes, il ressort que la responsabilité des faiblesses de CMD doit être partagée entre HJ et les CMD ; car, si HJ respectait les closes du protocole d'accord (présenté en annexe n°5) avec les CMD, ce ux-ci pourraient aussi bien fonctionner.

S'agissant des remèdes à ces faiblesses des CMD, le tableau présenté en annexe n° 6 présente clairement tant les propositions de HJ que celles des CMD.

I.1.1.4. Programme Femme et Enfant (PFE)

31 Gérard KWIGWASA, forces et faiblesses des comites de médiation et de défense (CMD) de Héritiers de la Justice, sd, pp. 1-9

I.1.1.4.a. Création du programme

Contrairement à ce qu'écrit Moïse RWABIRA32 qui situe en 2 000 la création du programme de promotion de la paix piloté par PFE, les origines de ce programme remontrent à 1994. S'agissant des circonstances qui ont motivé cette création, Paulin KISANGULA observe :

L'expérience de Héritiers de la Justice dans le domaine d'éducation à la paix dans les écoles remonte de l'année 1994 lors de la guerre fratricide qu'a connue le Rwanda. Dans la marée humaine des réfugiés qui avaient réussi à traverser la frontière de la RD Congo, Zaïre à l'époque, Héritiers de la Justice avait récupéré certains enfants non accompagnés et les a encadré dans le « Centre Espoir ». Dans ce centre, contrairement à ce qui se passait au Rwanda, où les frères s'entretuaient sur des stéréotypes faciès, ces enfants non accompagnés vivaient en parfaite harmonie. Cette situation engendra l'idée,

pour Héritiers de la Justice, d'aider les enfants pour qu'ils s'engagent

activement et inévitablement dans le travail de la pacification et la

reconstruction du pays sans tenir compte du temps que cela va prendre ni du sacrifice que cela va coûter ni même de la difficulté de la tâche à accomplir. Les enfants doivent éradiquer dans leur esprit les tendances déshumanisantes leur laissées par les guerres pour espérer arriver à un Congo pacifié demain33.

C'est de là qu'est né le programme de promotion de la paix auprès des enfants. Ayant débuté avec 8 écoles, puis successivement 16, 26 et 40 écoles, le programme encadre aujourd'hui 1. 028 écoles regroupées dans 20 points focaux à travers la Province34.

Pour sa part Déodotte CIKWANINE35 précise que le centre de promotion de la paix au près des femmes et enfants n'est pas une structure à part, mais désigne l'ensemble des activités de promotion de la paix menées en faveur de ces deux catégories vulnérables de la population.

I.1.1. 4.b. But et objectifs du programme

Le PFE a pour but de promouvoir la culture de la paix et des DH auprès des enfants et des femmes. C'est pourquoi, ses objectifs sont les suivants :

- Contribuer à l'édification d'une société de paix avec les enfants ;

- Renforcer les capacités d'intervention des femmes démunies membres des Paillotes de Paix ;

- Accroître la synergie et la complémentarité entre les programmes ;

32 Moïse RWABIRA MAKUBULI, Op. Cit., p. 30

34 Ibid

33 Paulin KISANGULA, L'éducation à la paix à travers l'école. Une expérience de Héritiers de la Justice, Exposé présenté au séminaire atelier organisé par RIO, Bukavu, le 19 juillet, 2006

35 Déodotte CIKWANINE, Op. Cit. , p. 8

- Eduquer à la démocratie et à la participation citoyenne. I.1.1 .4.c. Les activités du programme

Pour atteindre ces objectifs, le PFE déploie les activités suivantes :

- Informer et former les enseignants, les élèves ainsi que les parents d'élèves des EPP en DH et la paix ;

- Visiter les écoles de paix ;

- Accompagner les Clubs de Paix des écoles et quartiers ;

- Organiser les échanger inter CDP, les projections des films, les écoles des parents, les campagnes de sensibilisation et les journées de réflexion ;

- Créer, organiser et faire le suivi des CDP ;

- Documenter sur les cas des viols et violences sexuelles ;

- Participer aux activités des autres programmes de l'Association.

I.1.1.4.d. Les stratégies de travail

Pour réaliser ces activités, le PFE fait usage des stratégies suivantes :

- Organisation des ateliers de travail avec les différents éducateurs sur les stratégies

d'éducation des enfants à la paix, des ECOPA, des sessions de formations des

enseignants sur la paix et des journées de réflexion sur l'enfant et la paix ;

- Mise au point, production et diffusion d'un guide pédagogique et d'autres supports

pédagogiques d'éducation des enfants aux DH et à la paix ;

- Enseignement des notions des DH et la paix dans les écoles ;

- Publication des bulletins Salam ;

- Production et animation des émissions radiodiffusées avec les enfants ;

- Célébration de la journée internationale de la paix le 21 septembre de chaque année et celle de l'enfant africain.

I.1.1.4.e. Les réalisations du programme

Depuis sa création, le programme a déjà réussi à mettre sur pied, à travers la province, les structures relais et activités ci-dessous :

- Les écoles pour la paix (EPP) : le rapport narratif de la formation - restitution faite par les points focaux de juillet à septembre 200636 révèle que le programme a réussi à parsemer, à travers la province, 20 points focaux comptant 1. 028 écoles

36 Paix et Démocratie, Rapport narratif trimestriel juillet - septembre 2006, p. 3

de paix avec un effectif de 1. 822 enseignants formés (dont 1. 465 hommes et 357 femmes) et 80. 278 enfants (dont 66. 940 garçons et 13. 338 filles) en DH et paix. Soit, un effectifs global de 82. 100 personnes formées sur les Droits Humains, la paix et la démocratie à travers les écoles, sans compter les parents de ces élèves encadrés à travers les ECOPA. Ces effectifs sont présentés dans le tableau en annexe n° 7.

S'agissant des thèmes développés pendant cette formation, le même rapport37 les présente en deux domaines, à savoir : Les Droits Humains et la démocratie :

Thèmes concernant les Droits Humains

Thèmes concernant la démocratie

1.

Droits Humains : Notions et raisons de leur enseignement ;

1. Une entrée dans les systèmes

électoraux ;

2.

Introduction au Pacte International

relatif aux Droits Economiques,
Sociaux et Culturels ;

2. Elections libres, démocratiques et
transparentes ;

3. Rôle du citoyen avant, pendant et

3.

Comprendre la Convention relative aux

 

après les élections

 

Droits de l'Enfant ;

 
 

4.

Vers une culture de paix à l'école et dans la société : promouvoir la tolérance

 
 

5.

Introduction aux méthodes

participatives

 
 

6.

Techniques d'élaboration des rapports.

 
 
 

A chaque école pour la paix le PFE distribue, en plus de la formation des enseignants pour la paix, les supports pédagogiques suivants :

- La Convention relative aux Droits de Enfant ;

- La Constitution de la RD Congo ;

- La loi électorale ;

- Le guide pédagogique de l'éducation des enfants aux DH et à la paix ;

- Le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

- Les rapports synoptiques de la situation sécuritaire et des DH dans la province et

dans la région ;

- Les bulletins d'information sur la paix et les DH, les Nota Bene, les Salam, les recueils des poèmes des enfants sur la paix et les DH, le pacte international des D H;

- Les grandes dates des journées nationales et internationales de la paix, de l'enfant africain ;

- Les rapports et les modules de formation sur les DH et la paix ;

- L'argent pour permettre aux participants aux séminaires de formation à organiser des séances de restitution - formation dans leurs écoles et points focaux respectifs.

Parmi ces documents que quatre instruments juridiques font l'objet de socialisation juridique et sont distribués à toutes les EPP. Il s'agit de copies de la Constitution de la République Démocratique du Congo, de la Convention relative aux Droits de l'Enfant, de la loi électorale et du Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels. C'est ce qui ressort du tableau ci-dessous présenté par le PFE38. Ces livres sont distribués dans les points focaux qui, à leur tour les distribuent dans les 1. 028 écoles pour la paix, partenaires à Héritiers de la Justice39 :

AXE BUKAVU ET SES ENVIRONS

AXE PLAINE DE LA RUZIZI-FIZI

POINT FOCAL

Nbre. Doc. Reçus

POINT FOCAL

Nbre. Doc. Reçus

A

B

C

D

A

B

C

D

01

Ibanda I

222

111

111

111

01

Kamanyola

70

35

35

35

02

Ibanda II

112

56

56

56

02

Luvungi

90

45

45

45

03

Kadutu

142

71

71

71

03

Lemera

54

27

27

27

04

Bideka

90

45

45

45

04

Sange

66

33

33

33

05

Kabare

80

40

40

40

05

Kiliba

86

43

43

43

06

Kaziba

106

53

53

53

06

Uvira

178

89

89

89

07

Katana

78

39

39

39

07

Mboko-Nundu

74

37

37

37

08

Kavumu

80

40

40

40

08

Baraka

110

55

55

55

09

Bagira

142

71

71

71

09

Fizi

88

44

44

44

10

Mumosho- Nyangezi

94

47

47

47

10

Makobola

38

19

19

19

TOTAL

1146

573

573

573

TOTAL

854

427

427

427

Soit, un total de 2. 000 copies de la Constitution de la RD Congo, 1. 000 copies de CDE, 1. 000 copies de la loi électorale de la RD Congo et 1.000 copies de PIDESC distribuées dans les écoles de paix, partenaires de HJ. En outre, avant de distribuer les différents manuels des lois et conventions aux écoles de paix, l'association commence par organiser des sessions de formation en faveur des enseignants, des préfets d'études et des inspecteurs d'enseignement primaire et secondaire sur ces manuels et leur utilisation.

38 Idem, p. 8

39 Légende :

· A = Constitution de la République

· B = Convention relative aux Droits de l'Enfant

· C = Loi Electorale

· D = Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels

- Les paillotes de paix (PDP) qui regroupent les femmes marginalisées que HJ encadre pour les aider à connaître leurs droits civiles, politiques, économiques, sociaux et culturels. La plupart d'entre elles sont soit des veuves, soit des divorcée ou vivant seules.

- Les écoles des parents (ECOPA) qui sont un cadre de formation et information des parents d'élèves des EPP. A travers ce cadre, le PFE sensibilise les parents sur les droits de l'enfant (CDE), les DH, les mécanismes de transformation des conflits, la coexistence pacifique et le processus de paix en cours.

- Les Club de paix (CDP) qui regroupent les enfants issus des écoles pour la paix à travers les camps d'entraînement à la paix, l'émission « L'enfant et la paix », la production des oeuvres littéraires (poèmes) et artistiques (dessins), des scénettes, des pièces théâtrales par les enfants, la production du bulletin mensuel Salam et la célébration de la Journée Internationale de la Paix (le 21 sept de chaque année).

- Diffusion des émissions sur la paix et les Droits Humains sur les ondes RTNC Bukavu, RTNC Uvira et Umoja de Kaziba40.

Les quatre programmes sont coordonnés par le secrétariat exécutif chargé d'assurer un meilleur service administratif, de capitaliser les données, de renforcer l'interaction entre les différents programmes, de contribuer à l'efficience du plan et à la facilitation du fonctionnement des programmes ainsi que de stimuler la productivité et contribuer au renforcement d'une gestion saine41.

Faut-il encore savoir la relation que HJ entretient avec les autres structures de socialisation existant dans la Province du Sud - Kivu à par l'école.

I.1.2. Relation entre Héritiers de la Justice et les autres structures de socialisation dans la Province

Ce paragraphe examine la relation que l'association entretient avec l'Eglise protestante42, avec l'administration publique, l'armée, la police et les autres organisations non gouvernementales des DH dans la Province.

I. 1.2.1. Relation entre Héritiers de la Justice et les églises protestantes

40 PFE, Paix et Démocratie, rapport narratif trimestriel juillet - septembre 2006, Op. Cit., pp. 6-7

41 Héritiers de la Justice, Plan de renforcement institutionnel et organisationnel de Héritiers de la Justice (Plan PRIO - CCI, inédits, mars 2005, pp. 7-11

42 Par églises protestantes, nous entendons les communautés constituant l'E. C. C.

Une étude CAA (connaissance, attitude et attentes) a permis de dégager la relation entre HJ et les communautés constituant l'ECC / Sud Kivu. Ceci, parce qu'en tant qu'une structure d'obédience protestante, la connaissance, l'attitude et les attentes de l'Eglise protestante peuvent jouer un rôle déterminant dans l'efficacité de l'action de l'association dans la Province. Ce qui n'est pas le cas pour l'interaction avec les autres structures. L'étude a consisté à lancer un questionnaire ouvert à 9 questions auquel étaient soumis les faiseurs d'opinion dans ces communautés (Représentants légaux43, les chargés d'évangélisation et vie de l'Eglise au niveau des communautés dans la Province, les Pasteurs responsables des paroisses, les présidents des comités des femmes et des jeunes au sein des paroisses) ainsi que les préfets et directeurs des écoles conventionnées protestantes de la ville de Bukavu44.

Compte tenu du nombre des paroisses que compte les communautés membres de l'ECC dans la ville de Bukavu notre enquête a été menée de la manière suivante :

- Des 20 Représentants Légaux des églises constituant l'ECC/ Sud- Kivu enquêtés,

13 ont répondu et remis notre questionnaire ; soit 80 %

- Des 20 chargés d'Evangélisation et vie de l'Eglise enquêtés, 7 ont remis notre questionnaire; soit 35 %

- Pour les pasteurs, Présidentes des Femmes et Présidents des jeunes, nous avons ciblé 33 paroisses protestantes considérées comme les plus peuplées et plus influentes de la ville de Bukavu selon les cota suivant45 : 8ème CEPAC : 9 paroisses ; 5ème CELPA : 8 paroisses ; 26ème CELMC : 4 paroisses ; 7ème CEGC : 4 paroisses ; 40ème CECA : 3 paroisses ; 34ème CADAF : 3 paroisses et la 21ème CNCA : 2 paroisses. De 99 responsables ciblés, 92 ont remis le questionnaire ; soit 93 %

- Sur 15 préfets et Directeurs d'écoles conventionnées protestantes que nous avons ciblés, 9 ont remis le questionnaire, soit 60 %

Ainsi, sur 152 questionnaires distribués, 121 nous ont été retournés ; soit 79 %.

43 Par Représentant Légaux, il faut entendre soit les présidents communautaires au niveau national (pour les Communautés qui ont leurs sièges dans la Province) ou les Délégués provinciaux, les Représentants légaux suppléants ou adjoints qui sont des représentants légaux de leurs communautés respectives dans la Province (pour les communautés dont les sièges sont dans d'autres Provinces que le Sud -Kivu

44 Ces deux questionnaires sont présentés en annexes n° 8a et b

45 Le nombre de paroisses attribué à chaque communauté a tenu compte de l'importance et de l'influence des communautés dans la ville.

I.1.2.1. a. Présentation de l'échantillon Tableau n° 1 : Présentation de l'échantillon

Paramètres

Eglises

Ministères ou Fonctions dans l'Eglise

Ages

Total

%

Représentant Légal

Chargé d'évangélisation et vie de l'église

Pasteurs

Présidentes de femmes

Présidents des

jeunes

Préfets ou Directeurs d'école

18- 27 ans

28- 37ans

38- 47ans

48- 57ans

58ans et

plus

8ème CEPAC

1

1

10

8

10

6

1

9

15

8

3

36

30

5ème CELPA

1

0

3

5

7

0

6

4

4

2

0

16

13

26ème CMLC

1

0

4

5

4

1

1

6

4

4

0

15

12

40ème CECA

1

1

4

3

3

0

2

4

3

3

0

12

10

21ème CNCA

1

0

3

2

2

2

0

1

5

4

0

10

8

34ème CADAF

0

0

2

3

3

0

0

5

0

2

1

8

7

7ème CEGC

1

0

3

1

2

0

0

5

1

1

0

7

6

28ème CMCC

1

2

1

0

0

0

0

1

2

1

0

4

3

37ème CADC

1

0

2

0

0

0

0

1

1

1

0

3

2

12ème AOG

1

0

1

0

0

0

0

1

0

1

0

2

2

52èmeCELCE

1

1

0

0

0

0

0

0

0

2

0

2

2

55ème CEBCE

1

1

0

0

0

0

0

0

1

0

1

2

2

3ème CBCA

1

0

0

0

0

0

0

0

0

1

0

1

1

11ème CAC

0

1

0

0

0

0

0

0

0

1

0

1

1

19èmeCEEBECO

1

0

0

0

0

0

0

0

0

1

0

1

1

27ème EMGL

0

0

1

0

0

0

0

0

0

0

1

1

1

Total

13

7

34

27

31

9

10

37

36

32

6

121

100

%

11

6

28

22

26

7

8

31

30

26

5

100

100

De ce tableau n° 1 il ressort que notre échantillon est constitué de 121 personnes reparties de la manière suivante selon les paramètres Eglise d'appartenance, ministères ou fonction dans l'Eglise et âge :

- selon le paramètre église d'appartenance il y a 36 membres de la 8ème CEPAC, 16 membres de la 5ème CELPA, 15 membres de la 26ème CLMC, 12 membres de la 40ème CECA, 10 membres de la 21ème CNCA, 8 membres de la 34ème CADAF, 7 membres de 7ème CEGC, 4 membres de la 28ème CMCC, 3 membres de la 37ème CADEC, 2 membres de la 12ème AOG, 2 membres de la 52ème CEELCO, 2 membres de la 55ème CEBCE, 1 seul membre de la 3ème CBCA, 1 seul membre de la 11ème CAC, 1 seul membre de la 19ème CEBCO et 1 seul membre de la 27ème EMGL.

- Selon le paramètre ministère ou fonction au sein de l'église d'appartenance, l'échantillon est constitué de 34 Pasteurs responsables des paroisses, 31 Présidents des jeunes dans les paroisses, 27 Présidentes des mamans dans les paroisses,

13 Représentants légaux dans la Province, 7 Chargés d'évangélisation et vie de l'Eglise au niveau communautaire dans la Province et de 9 Préfets et directeurs d'écoles conventionnées protestantes de la ville.

- Selon le paramètre âge, notre échantillon est constitué d'hommes et des femmes les jeunes de moins de 27 ans représentent 8 % ; les personnes dont l'âge varie entre 28 et 37 ans représentent 31 %, celles dont l'âge varient entre 38 et 47 ans représentent 30 %, celles dont l'âge varie entre 48 et 57 ans représentent 26 % et les répondants dont l'âge varie entre 58 ans et plus représentent 5 % de l'échantillon.

I.1.2.1. b. De la connaissance des lois du pays par les enquêtés

Question n°1 : Pouvez-vous dire le nombre des lois promulguées pendant
la période de transition dans notre pays ?

Tableau n° 2 : de la connaissances des lois promulg uées pendant la période de transition dans le pays

Assertions

Ministères ou fonctions

Oui

Non

Total

%

Pasteurs

13

21

34

28

Présidents des jeunes

10

21

31

26

Présidentes des femmes

7

20

27

22

Représentants Légaux

5

8

13

11

Préfets ou Directeurs d'école

4

5

9

07

Chargés d'évangélisation et vie de l'église

4

3

7

6

Total

43

78

121

100

%

36

64

100

100

De ce tableau, il ressort que 64 % de faiseurs d'opinions dans les églises protestantes ne savent pas le nombre de lois promulguées en RD Congo pendant la période de transition allant de 2002 à 2006 ; contre 43 % qui prétendent le connaître. Parmi ceux qui ignorent ce nombre, les présidents des jeunes viennent en premier lieu (68 %), puis Pasteurs des paroisses (62 %) et les Représentants Légaux des communautés (62 %), suivis des Présidentes de femmes (74%), puis viennent les des préfets et directeurs d'écoles secondaires et primaires conventionnées protestantes

56 %) ; et en fin, les chargés d'évangélisation et vie de l'Eglise dans les différentes communautés membres de l'ECC (42 %).

Parmi les 43 enquêtés qui prétendent connaître le nombre précis des lois promulguées, les Présidentes de femmes représentent le pourcentage le plus faible (26 %) suivies des Présidents des jeunes (31 %), puis suivent les pasteurs des paroisses (38 %), en suivis des préfets et directeurs d'écoles conventionnées protestantes (44 %), en suite Représentants Légaux des communauté (56 %), et en fin les chargés d'évangélisation et vie de l'Eglise (57 %) des enquêtés par catégorie.

Ces résultats impliquent que l'Eglise protestante a besoin d'une socialisation juridique comme structure de d'encadrement de la population dans la Province du Sud - Kivu.

i. Parmi les 5 Représentants Légaux qui ont lu au moins une loi promulguée pendant la transition :

- Un ne connaît pas le nombre des lois promulguées mais avoue avoir lu trois lois ; - Un deuxième parle de 4 lois promulguées et les a toutes lues ;

- Un troisième parle de 5 lois promulguées et en a lues trois ;

- Un quatrième ne connaît pas le nombre mais avoue avoir lu 3 lois ; - Un dernier parle de 229 lois promulguées dont il a lu 150.

ii. Parmi les 4 chargés d'Evangélisation et vie de l'Eglise qui ont lu au moins une seule loi :

- Le premier dit que seules quatre lois ont été promulguées et les a lues toutes ;

- Le deuxième parle d'une seule loi promulguée et l'a lue ;

- Le troisième parle des 5 lois promulguées dont il n'a lu que 3 ;

- Et le quatrième parle des 244 lois promulguées et prétend les avoir

lues toutes.

iii. Des 12 pasteurs responsables des paroisses ciblées et qui ont lu au moins une loi :

- Le premier parle de 6 lois promulguées mais n'a lu qu'une seule ;

- Le deuxième parle des 2 lois promulguées et les a toutes lues ;

- Le troisième ne connaît pas le nombre mais a lu 3 lois ;

- Le quatrième parle de plus ou moins 30 lois promulguées dont il n'a

lu que 7 ;

- Le cinquième parle de 4 lois promulguées dont il n'a lu qu'une seule ;

- Le sixième parle de 3 lois promulguées et les a toutes lues ;

- Le septième parle de 6 lois promulguées mais n'a lu qu'une seule ;

- Le huitième ne connaît pas le nombre mais prétend avoir lu 229 lois ;

- Le neuvième parle de 229 lois promulguées mais n'a lu que plus ou

moins 18 lois ;

- Le dixième parle de 3 lois promulguées et a lu 2 lois ;

- Les deux derniers parlent d'une seule loi promulguée et l'ont lue.

iv. Parmi les 8 présidentes des associations de femmes qui ont lu au moins une loi :

- La première a parlé de 229 lois promulguées et n'en a lue que 4 ;

- La deuxième a parlé de 2 lois promulguées et n'a lu qu'une seule ; - La troisième a parlé de 3 lois promulguées et n'a rien lu ;

- La quatrième a parlé de 225 lois promulguées et n'a lu que 10 ;

- La cinquième a parlé de 150 lois promulguées et n'a lu que 36 ;

- La sixième a parlé de 10 lois promulguées et n'a lu que 3 ;

- La septième parle de 229 lois promulguées mais n'a lu que 31 ;

- La huitième ne connaît pas le nombre des lois promulguées mais avoue avoir lu 47 lois.

v. Parmi les 11 présidents des associations des jeunes qui ont lu au moins une loi :

- Le premier fixe à 543 le nombre des lois promulguées pendant la transition

et n'a lu que 150 ;

- Le deuxième avoue qu'il ne connaît pas le nombre des lois promulguées

mais dit avoir lu 100 ;

- Le troisième a parlé de 75 lois promulguées et n'a lu que 25 ;

- Le quatrième a parlé de 229 lois promulguées et les a lues toutes ;

- Le cinquième parle aussi de 229 lois promulguées et n'a lu que 217 ;

- Le sixième parle de 2 lois promulguées et n'a lu qu'une seule ;

- Le septième parle de 6 lois promulguées et n'a lu que 4 ;

- Le huitième parle de 2 lois promulguées et les a lues toutes ;

- Le neuvième parle de 4 lois promulguées mais n'a lu que 3 ;

- Le dixième ne connaît pas le nombre des lois promulguées et n'a rien lu ;

- Le onzième ne connaît pas non plus le nombre de lois promulguées mais a

lu 1 une seule loi.

vi. Parmi les quatre Préfets et Directeurs des écoles conventionnées protestantes qui ont lu au moins une loi :

- Le premier a parlé 2 lois promulguées et n'a lu aucune ;

- Le deuxième a parlé de 245 lois promulguées dont il dit avoir lu 8 ;

- Le troisième ne connaît pas le nombre des lois promulguées mais dit avoir lu

une seule ;

- Le quatrième a parlé de 3 lois promulguées et les a lues toutes.

I.1.2.1. c. Source de provenance des lois lues

Question n°2 : De qui avez-vous eu les lois lues

Tableau n° 4 : De la provenance des lois lues par les enquêtés

Assertions

Ministères ou fonctions

D'un parti

politique

De Héritiers de la Justice

D'une autorité

ecclésiastique

De votre pasteur

D'une

autre

source

Total

%

Représentants Légaux

0

0

2

0

11

13

18

Chargés d'évangélisation et vie de l'église

0

0

0

0

7

7

9

Pasteurs

2

2

7

2

1

14

19

Présidentes des femmes

2

1

5

2

6

16

22

Présidents des jeunes

4

2

2

2

6

15

20

Préfets ou Directeurs d'école

0

0

0

0

9

9

12

Total

8

5

16

6

39

74

100

%

11

7

22

8

53

100

100

Tels qu'ils se présentent dans le tableau n° 4, les résultats des enquêtes montrent que des 74 enquêtés qui ont prétendu avoir lu au moins une loi promulguée pendant la période de transition, seuls 7 les ont eues de HJ. Ce qui représente le dernier taux de 5 % alors que 39 les ont eues d'autres sources dont la Commission Electorale Indépendante compte 34 des 39 enquêtés qui ont reçu les lois d'une autre source. C'est ce qui justifie le fait que le Référendum constitutionnel, la loi électorale et la Constitution de la troisième République sont les lois qui ont été lues par tous les 74 enquêtés qui ont lu au moins une lois. Ces résultent sous-entendent que l'Eglise comme structure de socialisation ne bénéficie pas de l'information et de la formation au droit que HJ donne à certaines écoles.

I.1.2.1. d. De la connaissance que les enquêtés ont de Héritiers de la Justice Question n° 3 : Avez-vous personnellement une certaine connaissance de Héritiers de la Justice ?

Tableau n° 5 : De la connaissance que l'on a de Héritiers de la Justice

Assertions

Ministères ou fonctions

Oui

Non

Total

%

Représentants Légaux

10

3

13

11

Chargés d'évangélisation et vie de l'église

6

1

7

6

Pasteurs

21

13

34

28

Présidentes des femmes

13

14

27

22

Présidents des jeunes

18

13

31

26

Préfets ou Directeurs d'école

8

1

9

7

Total

76

45

121

100

%

63

37

100

100

De ce tableau, il ressort que 76 des enquêtés ; soit 63 % de 121 personnes qui ont répondu au questionnaire ont une certaine connaissance de Héritiers de la justice contre 45 enquêtés, soit 37 % qui disent n'avoir aucune connaissance de cette association.

S'agissant de la manière dont ils ont eu connaissance de HJ, deux moyens sont donnés par 52 des 76 enquêtés ayant une certaine connaissance de l'association, il s'agit des émissions à la radio et à travers les publication de l'association ; alors que les 24 autres ont eu connaissance de HJ en bénéficiant, directement ou indirectement, de la plaidoirie, de l'accompagnement juridique ou judiciaire, de la médiation en cas de conflits ou à travers les relations personnelles avec les agents e l'association. Malheureusement, tous les 76 enquêtés ont une connaissance erronée de HJ, qu'ils identifient à une

structure de l'ECC alors que depuis 1993 Héritiers de la Justice est une association sans buts lucratifs autonome vis-à-vis de l'ECC/ Sud- Kivu.

I.1 .2.1. e. De la relation entre Héritiers de la Justice et les Communautés membres de l'ECC

Question n° 4 : Votre communauté entretient-elle de relation avec Héritiers de la Justice ?

Tableau n° 3 : De la relation entre communautés mem bres de l'EC C et Héritiers de la justice

Paramètres Eglises

OUI

NON

Je ne sais pas

Total

%

3ème CBCA

1

0

0

1

1

5ème CELPA

5

9

2

16

19

7ème CEGC

0

6

1

7

6

8ème CEPAC

12

21

3

36

30

11ème CAC

1

0

0

1

1

12ème AOG

0

2

0

2

2

19ème CEBCO

0

1

0

1

1

21ème CNCA

3

7

0

10

8

26ème CELMC

4

11

0

15

12

27ème EMGL

0

1

0

1

1

28ème CMCC

1

3

0

4

3

34ème CADAF

1

7

0

8

7

37ème CADEC

0

3

0

3

2

40ème CECA

4

8

0

12

10

52ème CEELCO

0

2

0

2

2

55ème CEBCE

1

1

0

2

2

Total

33

82

6

121

100

%

27

68

5

100

100

En ce qui concerne la relation entre Héritiers de la Justice et les Eglises protestantes membres de l'ECC/ Sud- Kivu, le tableau ci-dessus montre que 82 sur 121 responsables et faiseurs d'opinions dans ces églises disent que leurs communautés n'entretiennent pas de relation avec cette association dont les fondateurs sont des Laïcs protestants issus des Communautés constituants l'ECC. Soit 68 % de ceux dont les communautés n'ont pas de relation avec H.J. ; contre 33 personnes ; soit 27 % de ceux qui prétendent que leurs communautés ont une relation avec l'Association.

Interrogé sur la relation entre Héritiers de la Justice et l'ECC d'une part et les communautés membres de l'ECC/Sud -Kivu de l'autre, l'un des hauts responsables de l'EC C au niveau provincial et qui a voulu garder l'anonymat nous a dit ce qui suit :

Il existe un sérieux problème d'identité de cette association qui se dit Service des Eglises protestante pour les Droits Humains et la paix ; car elle n'appartient pas à l'ECC et n'entretient aucune relation particulière ni avec l'ECC, ni avec les communautés membres. C'est pourquoi, elle doit changer l'inscription service des églises protestantes et la remplacer par une autre pour éviter que les responsables de l'ECC continuent à répondre des actes et les publications de cette association qui ne lui appartient pas comme c'était le cas lors de l'occupation de l'Est du pays par le Rassemblement Congolais pour la Démocratie. Si cette relation n'est pas clarifiée, nous allons créer une commission justice et paix de l'ECC qui sera considérée comme service protestant pour les Droits Humains et la paix46.

Ce souci de dissiper tout malentendu quant à la relation entre Héritiers de la Justice et l'ECC/Sud-Kivu est clairement exprimé dans le rapport47 des travaux de diagnostic organisationnel organisés par l'ECC. En effet, la qualité du travail de HJ et l'unité des protestants dans la promotion et la protection des Droits Humains dans la Province en dépendent.

Interrogé sur cette méconnaissance de Héritiers de la Justice comme service des églises protestantes pour la paix et les DH par certains des hauts responsables de l'ECC, le président de Héritiers de la Justice l'a justifié de la manière suivante :

L 'asbl Héritiers de la Justice a été créée par une décision prise par le comité exécutif de l'ECZ lors de l'une de ses assises. Si elle a été rendue autonome, c'est de peur qu'elle ne tombe en faillite comme le Groupe Technique d'Encadrement Régional qui était dissout48 à cause des conflits qui sévissaient à l'ECZ. L'intention n'était pas de détourner le programme, sinon, elle ne porterait plus l'inscription Service des églises protestantes pour la paix et les Droits Humains49.

Cette déclaration du présidant de Héritiers de la Justice donne l'impression que, selon lui, l'association appartient à l'ECC, ce qui n'est pas conforme à l'article premier des statuts de l'association et de la présentation du site évoqués dans les pages précédentes du présent travail.

Précisons cependant que, dans ses statuts, l'association donne à l'ECC la considération suivante :

- Dans l'Art. 18, les statuts de Héritiers de la Justice disent que parmi les six personnes devant constituer le Conseil d'Administration de l'Association, deux devront être les délégués de l'ECC ;

46 Responsable anonyme de l'E C.C./ Sud- Kivu, interview accordé à Bukavu, le 30 août 2006

47 Eglise du Christ au Congo, Programme de redynamisation de l'ECC /Synode du Sud - Kivu, Rapport inédit, Bukavu, juin 2006, p. 22

48 Selon les informations à notre possession, le GTER était dissous le 12 mai 1998

49 LUBALA MUGISHO KAZA, enquêté déjà cité

- L'Art. 2 des statuts de Héritiers de la Justice dispose que Héritiers de la Justice est une association apolitique sous tutelle de l'Eglise du Christ au Zaïre, Secrétariat Régional du Sud -Kivu ;

- L'Art. 9 des statuts dispose que sont membres d'honneur toutes les communautés religieuses membres de l'ECZ/ Sud- Kivu et toutes autres personnes ayant rendu des services exceptionnels à l'Association, en particulier lors de sa création ;

- Le deuxième paragraphe de l'Art. 14, relatif aux membres de l'assemblée générale de l'Association dispose que le Conseil d'Administration de l'Association fixe le nombre des membres du conseil d'Administration et en élit les membres à l'exception des délégués du Secrétariat Régional de l'ECZ/ Sud - Kivu.

- Le quatrième paragraphe du même article dispose que le rapport annuel et les comptes sont adressés chaque année à tous les membres de l'Association.

De ces articles, il ressort que la demande de la clarification de la relation entre l'ECC ou les communautés membres de l'ECC et HJ est consécutive au flou qu'entretien l'association qui, se reconnaissant autonome par rapport à l'ECC, s'appelle Service des églises protestantes pour la paix et les Droits Humains alors que Héritiers de la Justice présente les 13 Communautés constituant l'ECC en 1993 comme associées et non fondatrices de l'association50. Aussi, le fait de demander la clarification de la relation entre elle et Héritiers de la Justice montre à suffisance que tous les membres du Comité Exécutif de l'ECC n'ont pas la connaissance des statuts régissant HJ et qui précisent le statut et les droits de l'ECC par rapport à HJ : Tuteur moral de l'Association, ayant droit à deux sièges au CA, membre d'honneur, libre de désigner et fixer le nombre de ses délégués à l'Assemblée Générale de HJ et ayant droit de recevoir les copies de rapport annuel et des comptes de l'Association en sa qualité de membre.

Interviewé sur cette question du flou entretenu sur la relation entre l'ECC et Héritiers de la Justice, le président51 de l'Association répond que seuls les nouveaux responsables d'églises ne connaissent pas bien l'appartenance de Héritiers de la Justice à l'ECC; ceci à cause des guerres qui n'ont pas permis d'organiser beaucoup de réunions

50 Découvrez HJ, www.heritiers.org

51 LUBALA MUGISHO KAZA, Président de Héritiers de la Justice, interview accordé à Bukavu, août 2006.

avec eux. Sinon, à chaque conseil d'administration de HJ, il y a toujours les délégués de l'ECC.

Contrairement à cette raison avancée par le président de l'association, les informations recueillies pendant les enquêtes ont révélé que la cause de ce conflit d'information est la non tenue des réunions de l'AG et du CA de l'Association qui sont des cadres qui pourraient dissiper cette ignorance de l'Eglise Protestante du Sud Kivu sur la relation entre elle et HJ52.

I.1 .2.1. f. Du service rendu par Héritiers de la Justice aux chrétiens protestants Question n° 5 : Avez -vous déjà bénéficié des services de Héritiers de la Justice ? Tableau n° 4 : les protestants ayant bénéficié des services de HJ.

Assertions

Ministères ou fonctions

Oui

Non

Total

%

Présidents des jeunes

5

26

31

26

Présidentes des femmes

5

22

27

22

Représentants Légaux

3

10

13

11

Chargés d'évangélisation et vie de l'église

2

5

7

6

Préfets ou Directeurs d'école

4

5

9

7

Pasteurs

16

18

34

28

Total

35

86

121

100

%

29

71

100

100

Le tableau ci-dessus révèle que des 121 enquêtés seulement 35 ont déjà bénéficié des services de HJ contre 86 qui ont répondu par non ; soit 71 % des nos enquêtés n'ont pas encore bénéficié des services de l'association contre 29 % qui en ont déjà bénéficié. De ces 86 responsables enquêtés qui n'ont jamais bénéficié de services de HJ, les présidents des jeunes viennent en premier lieu avec 84 %, puis suivent les présidentes des femmes avec 81 %, suivies de Représentants Légaux avec 77 %, puis suivent les chargés d'évangélisation et vie de l'Eglise avec 71 %, et en fin les préfets et directeurs d'écoles conventionnées protestantes avec 53 % d'enquêtés par catégorie.

S'agissant d'enquêtés qui ont déjà bénéficié des services de HJ, les préfets et directeurs d'écoles viennent en premiers lieu avec 57 %, suivis des pasteurs de

52 A moins que certains documents aient échappé à notre recherche, il est établi qu'une seule assemblée générale s'est tenue lors de l'adoption des textes statutaires de l'association. Depuis lors aucune autre A. G. n'a été organisée bien que les statuts de l'association (Art. 14) prévoient au moins une assemblée générale par an . S'agissant du C.A., le dernier conseil ne s'est tenu qu'en 1999 à Nairobi ; bien qu'il soit prévu au moins 4 séances du CA par an (Art. 22 des statuts de l'association).

paroisses avec 47 %, puis les chargés d'évangélisation et vie de l'Eglise avec 29 %, suivis des Représentants Légaux avec 23 %, en suite les présidentes des femmes avec 19 % et en fin viennent les présidents des jeunes avec 16 %. La prééminence des préfets et directeurs d'école ainsi que des pasteurs des paroisses se justifie à la fois par le fait que l'école est la structure de socialisation qui bénéficie de la socialisation juridique de la part de HJ, et par le fait que lors de notre stage à HJ, plusieurs indigents venus consulter l'association étaient munis de recommandations des pasteurs des paroisses protestantes.

I.1 .2.1. g. De l'attente des Protestants vis - à - vis de Héritiers de la Justice

Question n°6 : Selon vous que devrait faire Héritiers de la Justice pour être plus utile à la population ?

Les réponses des chrétiens protestants au Sud- Kivu sur leurs attentes vis-à-vis de cette association peuvent être résumées en cinq catégories telles que présentées dans le tableau ci-dessous :

Ministères/Fonction

Attentes

Représentants Légaux

Chargés d'Evangélisation et vie de l'Eglise

Pasteurs

Présidentes
des femmes

Présidents
des jeunes

Préfets et directeurs d'écoles conventionnées protestantes

Total

%

Création des comités justice et paix dans chaque communauté et chaque paroisse

4

2

11

1

9

1

28

23%

Plaidoirie et accompagnement juridique et judiciaire des

victimes de violation des DH

0

1

7

16

3

1

28

23%

Information et formation sur les DH

4

1

5

0

11

6

27

22%

Collaboration dans la promotion et la protection des DH

5

3

9

2

3

1

23

19%

Appui financier aux pauvres et militaires

0

0

2

8

5

0

15

12%

Total

13

7

34

27

31

9

121

100%

De ce tableau, il apparaît que les attentes des églises protestantes par rapport à HJ sont de trois ordres : premièrement, la volonté de collaborer avec l'association pour la promotion des Droits Humains à travers la création des comités justice et paix dans chaque communauté et/ou paroisse protestante cette attente est exprimée par 51 sur 121 les deux attentes présentées par la majorité des Représentant Légaux (69 %), les Chargés d'évangélisation et vie de l'Eglise dans différentes communautés (71 %), par les pasteurs responsables des paroisses (59 %) et par les présidents de jeunes (35 %) ; ensuite, La plaidoirie ainsi que l'appui financier des pauvres et des militaires est l'attente des trois quarts des femmes enquêtées (89 %). Ceci se justifie par le fait que les femmes ont été les premières victimes de viols et violences de la part des militaires et bandes armées opérant dans la Province pendant les périodes de guerre. En fin, l'information et la formation en DH est la proposition présentée par la plupart de préfets et directeurs d'écoles primaires et secondaires conventionnées protestantes (67 % de 9 répondants).

De cette étude sur la connaissance, l'attitude et l'attente de l'Eglise protestante

du

Sud - Kivu vis-à-vis de HJ, il ressort ce qui suit : L'Eglise protestante du Sud- Kivu n'a pas une bonne connaissance de l'association étant donné qu'elle l'identifie comme son association alors que HJ est autonome, ayant sa personnalité juridique et que l'ECC n'est qu'un tuteur moral ; l'attitude de l'Eglise Protestante vis-à-vis de HJ est d'indifférence, car, au bout de 15 ans de fonctionnement de l'Association, dirigée et animée par les Laïcs protestants issus des communautés constituant l'ECC/ Sud- Kivu, ces dernières n'entretiennent aucune relation avec l'Association et pourtant, les attentes de ces communautés vis-à-vis de l'association sont nombreuses.

Cette incohérence entre d'une part, la connaissance et l'attitude ; et les attentes de l'Eglise protestante vis-à-vis de HJ de l'autre, constituent à la fois un défi à relever et un atout à exploiter. Un défi parce que l'Association ne collabore pas avec les églises ; un atout parce que l'Eglise est, à travers ses attentes, disposée à collaborer avec HJ si celle-ci l'implique dans ses activités.

I.1.2. 2. Relation avec le pouvoir public

Selon le Secrétaire général exécutif à d'intérim de l'Association, la relation entre Héritiers de la Justice et les autorités politico- administratives de la Province n'est pas stable. Elle est bonne lorsque HJ ne dénonce pas les cas de violation des DH commis par elles. Elle est mauvaise ou de tension lorsque HJ les dénonce53.

A propos des tensions sporadiques entre le pouvoir public et HJ, l'une des autorités politico administratives nous a dit ce qui suit :

Le travail que fait HJ dans la province est important, car elle nous permet parfois de découvrir ce qui se passe sur le terrain. En ce qui concerne la relation médiocre entre nous et elle, elle est consécutive au fait que H.J. ne nous respecte pas comme autorité et écrit du n'importe quoi sur nous54.

Interrogé sur la raison de la publication des forfaits des autorités politico - administratives, policières et de l'armée dans les journaux, BYAMUNGU DUNIA les a justifiés en ces termes :

Parmi les missions de Héritiers de la Justice, il y a celle d'amener l'Etat congolais à respecter et promouvoir les Droits Humains. Or, il est souvent remarqué que les représentants de l'Etat constituent le groupe qui bat le record dans la violation des Droits Humains et insécurisent la population à travers la Province. Dénoncer publiquement leurs délits est l'un des moyens pour les amener à respecter et à faire respecter ces droits55.

Il s'avère cependant qu'au-delà des moments de tension, les agents publics bénéficient parfois de la formation dispensée par HJ sur les DH et la paix.

I.1.2.3. Relation avec l'armée et la police

La relation entre la police, l'armée et HJ est la plus tendue dans la Province du Sud - Kivu et ce, en dépit des formations que celle-ci donne parfois aux militaires et policiers. Cette médiocrité de relation est consécutive à trois raisons :

- A cause du non paiement de leurs salaires, les militaires et policiers

congolais sont la couche qui viole les droits de l'homme à travers les

53 BAHATI NAMWIRA, Secrétaire Exécutif a. i. de HJ, interview accordé à Bukavu, le 23 août 2006

54 Enquêté anonyme, interview accordé à Bukavu, le 26 août 2006

55 BYAMUNGU DUNIA, Avocat et animateur au PAPR, interview accordé à Bukavu, le 24 août 2006

arrestations arbitraires, viol et violence faites aux femmes, extorsion, vol à main armée, etc.

- HJ dénonce ces violations des Droits de l'Homme chaque fois que cela

se passe ;

- HJ assiste juridiquement et judiciairement les victimes des tracasseries

militaires et policières.

I.1.2.4. Relation avec les instances judiciaires

La relation entre Héritiers de la justice et les instances judiciaires dans la province est, aux yeux du secrétaire exécutif à l'intérim de HJ, bonne. Le fait que les juristes de l'association offrent gratuitement leurs services aux indigents, rend mécontents les autres juristes qui gagnent leur vie dans l'accompagnement juridiques des personnes qui cherchent les avocats défenseurs de leurs causes. C'est ce que nous a affirmé un avocat près la cours de la ville de Bukavu qui a préféré garder l'anonymat56.

I.1.2.5. Relation avec les autres organisations de défense des Droits Humains Répondant à notre questionnaire d'enquête à ce sujet, le secrétaire exécutif

a.i. de HJ nous a affirmé que Héritiers de la Justice collabore très bien avec les

autres associations sans but lucratif des DH. C'est dans ce sens qu'elle collabore :

- Avec des réseaux comme CRONGD, Société Civile, RADHOSKI, REPRODHOC, REDHOCIC, COPARE, COJESKI sur le plan local ; et

- Sur le plan international avec Amnesty International, Human Rights Watch, International Law Group, EED, ICCO / HOLLAND, CHRISTIAN AID, DFID, 11.11.11., KIOS et FIDH57.

De ce qui précède, il ressort d'une part que l'interaction entre Héritiers de la Justice et les différentes structures d'encadrement de la population au Sud -Kivu n'est pas la même. Car, paradoxalement, avec l'Eglise protestante du Sud - Kivu, l'Association ne collabore pas (bien qu'elle soit financièrement appuyée par les églises : EED, Christian Aid, ICCO, etc.). Avec le Pouvoir public, la Police et l'Armée, la relation n'est pas stable étant à la fois de collaboration et de tension. Cependant,

56 Enquêté anonyme, interviewé à Bukavu, le 12 octobre 2006

57 Héritiers de la Justice, Eduquer les enfants aux droits humains et à la paix, rapport intérimaire inédit de la session de formation des enseignants pour la paix de la province du Sud - Kivu, du 04 au 08 février 2004, pp. 3-4

la collaboration entre l'association et les instances judiciaires de la Province comme avec les autres associations de défense des DH est très bonne ; d'autre part que seule l'école comme milieu de socialisation est capitalisée par HJ dans le processus d'information et de formation de la population au droit dans la Province du Sud- Kivu.

Chap. II. LA CONTRIBUTION DE HERITIERS DE LA JUSTICE AU DEVELOPPEMENT D'UNE CULTURE JURIDIQUE ET DE PAIX AU SUD - KIVU

A partir du travail et des réalisations de chaque programme de Héritiers de la Justice présentés dans le chapitre précédant, il ressort que la contribution de cette association à l'émergence d'une culture Juridique et de paix reste indéniable bien qu'insuffisante.

I.2.1. Dans le domaine de la promotion d'une culture juridique

- 1. 822 enseignants et 80. 278 élèves des 1. 028 EPP sont juridiquement socialisés

- 1. 822 enseignants et 80. 278 élèves des 1. 028 EPP connaissent et exercent davantage leurs droits et devoirs et sont capables de les revendiquer ;

- Les enfants, élèves dans les écoles de paix, connaissent leurs droits et les revendiquent. Ceci est rendu possible par la distribution du recueil de la convention relative aux droits des enfants (CDE) dans les écoles et de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard de la femme aux différentes associations des femmes ;

- Certaines des victimes de violations des DH sont réhabilitées ;

- Les institutions étatiques fonctionnent mieux qu'avant en matière de protection et de respect des DH en craignant d'être dénoncées dans les journaux ;

- Les institutions intergouvernementales et organismes internationaux tiennent mieux compte des évolutions au niveau des droits de la personne et des peuples dans leurs actions et politiques respectives ;

- Les organisations de la société civile sont plus efficientes dans leurs actions de promotion et de protection des droits de la personne et des peuples

- Les autorités politico administratives cessent d'être au dessus de la loi et commencent à répondre de leurs actes de violation des DH. Ceci se manifeste par la comparution à Bukavu de l'ancien Vice / Gouverneur de province (Didace KANINGINI), du Commandant Thierry ILUNGA ainsi que des caporaux Désiré NDAGANO et HEMEDI TAMBWE impliqués dans le meurtre de Pascal

KABUNGULU, ancien secrétaire Exécutif de Héritiers de la Justice58. Malheureusement, le verdict n'est jusque là pas tombé.

- La mise sur pied des structures relais à la base (CMD, ECOPA, EPP, CDP, ...) chargées de la promotion des DH.

- L'appui et accompagnement des structures de promotion des DH sur le plan local.

- Le renforcement, si modeste soit-il, de capacités des membres et animateurs des CMD, EPP, ECOPA, PDP, en matière des DH et la paix.

- Les cas de violation des DH sont observés et documentés par les CMD, les EPP et H.J.

- La population de la région est sensibilisée et conscientisée sur les DH et la paix.

I.2.2. Dans le domaine de la promotion d'une culture de Paix :

- 1. 822 enseignants et 80. 278 élèves des 1. 028 EPP sont capables de travailler pour la paix.

- Les élèves des écoles de paix sont capables de concevoir les poèmes, matériels et outils d'éducation à la paix.

- Formation des Artisans des paix et leur installation dans les différents territoires et communes de la Province.

- Création des structures locales (écoles de paix, Clubs de paix, Ecoles des

parents, paillotes de paix) de contribution à la construction de la paix.

- Disponibilité des outils d'éducation à la paix, des supports pédagogiques pour les

enseignant pour la paix.

- Encadrement, à travers la formation, l'information et le soutien financier, des structures de promotion à paix dans la Province.

- Disponibilité d'une documentation sur les DH et la paix.

- Les personnes et groupes en conflits qui consultent HJ ou ses structures relais à la base, bénéficient de médiation.

Toutefois, l'association présente plusieurs lacunes qui nécessitent un amendement pour que sont travail soit plus efficace.

58 Photos de leur comparution en annexe n°9

I.2.3. Limites de l'Association

Les lacunes que présente Héritiers de la justice et qui ne favorisent pas l'émergence d'une culture Juridique et de paix dans la Province sont à la fois d'ordre institutionnel, organisationnel, social, logistique, matériel, gestion des ressources humaines et stratégique.

I.2.3.1. Sur le plan institutionnel

Héritiers de la Justice présente les faiblesses suivantes :

- L'association vit une crise d'identité entre son appartenance à l'ECC et à des personnes physiques ;

- L'association utilise les textes (statuts et règlement du personnel) très anciens et non adaptés aux réalités et exigences actuelles du travail. Depuis leurs conception et adoption, les statuts et le règlement du personnel de HJ n'ont jamais été modifiés ;

- Le manque d'alternance à la tête de l'association. Selon les informations en notre possession c'est toujours LUBALA MUGISHO KAZA qui est président de l'association depuis sa création en 1991.

- Irrégularité dans la tenue des réunions de l'AG et du CA. Cette irrégularité des réunions expose le président au danger de ne faire de rapport ni aux autres membres du CA ni à ceux de l'association comme cela est prévu par l'Art. 14 des statuts;

- Le texte donne beaucoup de pouvoir au président de l'Association qu'à l'AG59.

I.2.3.2. Sur le plan Organisationnel

- Manque de bâtiment propre à l'association. Sur ce point, rappelons que HJ est toujours locataire de la FFP à qui elle paie le loyer ;

- Manque d'une bonne structuration des structures relais à la base. Beaucoup de CMD fonctionnent sans ROI et au gré des vagues ;

- Plusieurs des structures relais n'ont pas de bureau et fonctionnent dans les maisons des membres ;

- Manque de projets générateurs de recettes pouvant rendre les structures relais et HJ financièrement autonomes vis-à-vis des bailleurs de fonds étrangers.

I. 2.3. 3. Sur le plan financier

- Manque de financement de certaines activités des différents programmes ;

- Manque des moyens financiers suffisants. C'est le cas des frais de protection juridique des indigents qui font défaut : la plupart des personnes victimes de violations des Droits Humains qui viennent solliciter l'accompagnement juridique de Héritiers de la Justice économiquement pauvres et attendent, non seulement la mise à leur disposition d'un avocat, mais aussi les frais liés aux dossiers à introduire dans les instances judiciaires. Comme le programme ne dispose pas de fonds à cette fin, les indigents se découragent et pensent que Héritiers de la Justice est soit incapable, soit une structure des farceurs, soit encore une structure qui détourne l'argent envoyé à leur nom.

I.2.3. 4. Sur le plan logistique

- Manque de parc automobile pour les recherches, descentes sur le terrain et suivi des dossiers. Lorsque les indigents viennent porter plainte, ils exigent que Héritiers de la Justice descente sur le terrain pour le suivi de leurs dossiers. Le fait que le programme n'a pas son propre véhicule, le programme donne parfois les rendez-vous qu'il ne sait plus honorer. C'est ce que nous avons, à plusieurs reprises constaté pendant les deux premières semaines d'août passées comme stagiaire dans le programme. Il serait mieux que chaque programme ait son véhicule 4 x 4 ;

- Etat vétuste du véhicule de l'Association ;

- Manque d'ordinateur et imprimantes pour certains programmes60 ;

- Manque d'un cadre de travail approprié. Ceci a pour conséquences le désordre dans la manière de travailler : L'un des animateurs de PFRI, deux du PCC et deux autres du PFE travaillent tous dans un même couloir faute de bureaux. C'est le cas aussi de l'animateur principal du PFE qui travail dans le même bureau que le secrétaire de l'association, du PAPR dont le bureau contient trois avocats qui ont de la peine, soit à entendre les indigents, soit à diriger une séance de médiation ; du bureau du président de Héritiers de la Justice où travaille également un autre animateur du PFRI ; le désordre dans le classement des dossiers : Beaucoup des dossiers de Héritiers de Justice sont à terre et mélangés faute de place et d'armoire ; l'insécurité du personnel et des outils de

60 Certains programmes utilisent encore des ordinateurs dépassés et non conformes à leur travail (PAPR, Encodage, PFE)

travail : Comme certains agents travaillent dans le couloir, il est facile pour un agent de Héritiers de la Justice d'être enlevé par les inciviques ; mais aussi, il est facile que les outils de travail soient volés par les visiteurs comme ils se trouvent dans le couloir et mal classés ; le Responsable du programme est séparé des animatrices qui sont installées dans le couloir avec un animateur de PFRI et un autre de PCC ; la difficulté pour les agents des certains programmes à travailler en étroite collaboration, et la perte régulière des outils de travail ; etc.

I.2.3.5. Sur le plan de la gestion des ressources humaines

- Manque de mécanismes appropriés de sécurisation des Artisans de paix et des agents de l'Association qui sont victimes des arrestations, tortures et tueries. Dans son travail avec les structures de base, Héritiers de la Justice, à travers le PAPR ne garantie pas la sécurité de ses partenaires ou de ses agents. C'est ce

qui ressort du répertoire présenté par Gérard KWUGWASSA61 dans ses analyses sur l'état des lieux et perspectives après dix ans de fonctionnement et repris dans le tableau présenté en annexe n°10. A cette liste, il faut ajouter l'assassinat, à son domicile le 31 juillet 2005, de l'ancien Secrétaire exécutif de l'Association, M. Pascal KABUNGULU.

Cette situation de victimisation des agents ou des partenaires de Héritiers de la Justice constitue un blocage dissuasif pour l'adhésion de nouveaux membres, mais aussi sur l'efficace engagement des activistes des DH et sur la réputation de l'association ;

- Insuffisance des animateurs : actuellement, le personnel de Héritiers de la Justice

est débordé. Aucun des programmes n'a le nombre d'agents dont il a besoin ;

- Salaire insuffisant par rapport au travail fourni par le personnel et à la nécessité de

conditions sécuritaires qu'exige leur travail ;

- Les conditions de travail très difficiles (de 7h 30' à 16h sans manger) ;

- Les responsables et animateurs des structures relais à la base ne sont pas salariés

comme ceux de HJ ; Ce qui a pour conséquence le désintéressement des

membres dans l'engagement ;

- Recrutement et implication des personnes soit non formées, peu formées ou sans expérience dans les CMD et au sein de HJ. La formation des animateurs et

61 Gérard KWIGWASSA, Les comités de Médiation et de Défense des Droits Humains (CMD) : Etat des lieux et perspectives après dix ans d'age, Analyse inédit, Bukavu, septembre 2005, pp. 12 - 13

collaborateurs de l'association devrait aussi être financée par les collaborateurs de fond de l'association ;

- Manque d'une politique de formation approfondie des animateurs et responsables des programmes au sein de HJ.

I.2.3. 6. Sur le plan stratégique

- L'association s'est engagée dans un domaine d'activité très vaste. Elle fait
beaucoup de choses à la fois. C'est ce qui justifie la multiplicité de programmes ;

- L'irréalisme dans la planification des activités: souvent, PFRI planifie les activités qu'il n'arrive pas à exécuter. C'est ce qui ressort du travail d'évaluation du plan PRIO - CCI 2005 présenté par Gérard KWIGWASSA et Roger MUCHUBA dans le tableau en annexe n° 11. Cette évaluation montre que sur 20 activités programmées pour l'année 2005, seules 2 ont été totalement réalisées, 5 partiellement réalisées et 13 non entamées. Ce qui est plus frappant ici c'est que ce sont les programmes les plus importants de l'Association qui ont été soit partiellement réalisées, soit pas exécutées du tout ;

- Le manque des moyens financiers suffisants62 ;

- Seuls 80. 278 enfants et 1. 822 enseignants des 1. 028 écoles primaires et secondaires bénéficient de la socialisation juridique63. Ce qui représente un taux minime de 10 % de la population de la Province qui, en 2004, était déjà évaluée à 4. 303. 041 habitants64.

Ceci implique que seule l'école comme structure de socialisation est impliquée par HJ au détriment d'autres structures existant dans la Province (confession religieuse, famille, associations, mutualités, syndicats, médias, etc.) qui ne bénéficient que des dénonciations, plaidoirie, accompagnement judiciaire et juridique. Ce qui a pour conséquence la pérennisation de la violation massive des DH et de violence dans la Province étant donné que ce ne sont pas les écoliers qui violent les DH et font manquer la paix ; mais des adultes membres de ces milieux de socialisation non impliqués dans le travail de HJ.

62 Comme on l'a remarqué dans le tableau reprenant le nombre d'enfants formés, les filles sont moins scolarisées que les garçons. Parfois les parents sollicitent l'appui financier de HJ pour la scolarisation des filles ; Parfois les femmes membres de PDP sollicitent les micro crédits à HJ qui est incapable de les leurs donner.

63 Comme nous l'avons remarqué dans le rapport narratif de septembre - décembre 2006 du programme PFE seuls les élèves et enseignants des écoles pour la paix reçoivent les copies et la formation sur les lois (Constitution, CDE, Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culture, etc.) au détriment du reste de la population.

64 Statistiques fournies par la division provinciale des affaires intérieures au Sud - Kivu, mars, 2007

I.2.4. Quelques propositions pour le renforcement institutionnel

Pour le renforcement institutionnel de l'Association, les propositions suivantes peuvent palier aux insuffisances constatées ci-dessus.

I.2.4.1. Sur le plan institutionnel

- Comme l'ECC s'est déjà stabilisée par rapport aux conflits qu'elle traversait et qui ont conduit à la dissolution du GTER, les fondateurs de HJ et le Comité Exécutif de l'ECC pourraient étudier les modalités, soit du retour de Héritiers de la Justice sous la direction du département de la diaconie à l'ECC, soit de la signature d'un protocole de partenariat pour qu'elle fonctionne désormais comme le RIO, le COPARE et le programme éducation à la démocratie. Car, il ne sert à rien aux protestants de fragiliser leur action en créant deux structures qui se concurrencent dans la promotion et la protection des DH dans la même Province du Sud - Kivu. En travaillant en bonne collaboration avec l'ECC, l'association se doterait d'un ROI actualisé, adapté à la mission de l'association et respecté en ce qui concerne l'alternance à la tête de l'association et la tenue régulière de réunions des différents organes. S'il s'avère que l'association voudrait demeurer autonome, il lui sera indispensable de réviser ses textes et conclure un partenariat de collaboration avec l'ECC pour garder l'inscription Service des églises protestantes.

- La collaboration entre l'association et l'ECC présente plus d'avantages que les désavantages :

· Elle mettra fin à la crise d'identité que traverse l'Association ;

· Elle permettra aux protestants de travailler ensemble en évitant à l'ECC de créer une autre commission justice et paix ;

· Elle facilitera la tâche aux bailleurs des fonds qui financent presque les mêmes activités dans plusieurs organisations protestantes.

I.2.4.2. Sur le plan organisationnel

- En harmonisant sa relation avec l'ECC Héritiers de la Justice aura résolu le problème de bâtiment étant donné qu'elle sera gratuitement hébergée par l'ECC comme RIO, COPARE et le programme éducation à la démocratie qui ne payent pas de loyer ;

- HJ devrait aider les structures relais à la base à se stabiliser en ayant de

bâtiment propre, des projets générateurs de recettes pouvant leur permettre de se prendre en charge après un certain nombre d'années.

I.2.4.3. Sur le plan financier

Les églises membres de l'ECC devront appuyer financièrement HJ à travers les cotisations des chrétiens pour la permettre de fonctionner sans beaucoup des difficultés et la préparer à fonctionner sans financement extérieur.

I.2.4.4. Sur le plan Logistique

Les programmes étant déjà réduits à trois, quatre véhicules suffiraient pour l'association : 1 pour le secrétariat exécutif, 1 pour les descentes de terrain pour le programme protection des DH, 1 pour les descentes de terrain pour le programme promotion des DH et 1 pour les courses en ville pour les suivis des dossiers judiciaires. Il faudra aussi doter chaque animateur d'un ordinateur portable et acquérir une imprimante par programme.

I.2.4. 5. Sur le plan de la gestion des ressources humaines

- Les partenaires de l'association devraient aussi appuyer la formation en spécialisation des animateurs des différents programmes ;

- Le recyclage des animateurs tant de HJ que des structures relais devrait être régulier ;

- Le nombre des programmes ayant diminué, les salaires des animateurs seraient
revus à la hausse pour leur permettre de travailler dans les bonnes conditions ;

- L'ECC et l'association devraient prendre des mesures efficaces pour la sécurisation des membres de l'association et pour que justice soit faite pour les familles de victimes.

De ce deuxième chapitre, les investigations sur l'apport de HJ à l'émergence d'une culture Juridique et de paix au Sud - Kivu ont révélé que l'association privilégie la protection des DH au détriment de leur promotion étant donné toute la population bénéficie de la plaidoirie, l'accompagnement judiciaire et juridique alors que seuls 82. 100 élèves et enseignants de 1. 028 écoles primaires et secondaires bénéficient de la socialisation juridique qui est l'approche successible de susciter le

développement d'une culture juridique et de paix. Ceci confirme l'hypothèse selon laquelle la pérennité des cas de violation des Droits Humains et de la violence au Sud - Kivu en dépit de la présence de HJ se justifie par le fait que son approche de socialisation juridique n'est pas globalisante. Car, les 82. 100 élèves et enseignants sont juridiquement socialisés à travers 1. 028 écoles primaires et secondaires de la Province. Ce qui représente un taux de 10 % de la population provinciale qui, en 2004, s'évaluait déjà à 4. 303. 041 habitants65 dans toute la Province du Sud - Kivu. Etant minoritaires, ces élèves et enseignants informés et formés au droit ne peuvent pas influencer le développement d'une culture juridique et de paix dans la Province. Au contraire, leur propre culture juridique et de paix se corrompe par la culture de violence et de délinquance qu'ont la majorité de la population provinciale non juridiquement socialisée.

I.2.4.6. Sur le plan stratégique

- En tant que service des églises protestantes, Héritiers de la Justice ne devrait s'occuper que de la promotion et de la protection des DH. Ce qui sous entend que certaines activités qu'elle réalise seraient attribuées soit au RIO, soit au COPARE, soit encore au Programme éducation à la démocratie de l'ECC66. En effet, HJ devrait s'organiser en trois programmes s'il faut considérer le secrétariat exécutif comme un autre. Ces programmes sont le Secrétariat Exécutif chargé de la coordination de l'association. C'est ce programme qui combinera les tâches du secrétariat exécutifs et celles du PFRI ; celui de Promotion des Droits Humains (PPDH): il pourra fusionner le Programme Femme et Enfant ainsi que le Programme Campagne et Communication. Ce programme aura pour tâche la promotion des DH. Le programme devrait privilégier la socialisation juridique globalisante comme approche pour l'émergence d'une culture juridique dans la Province. Ceci implique qu'elle devrait aussi informer et former la population au droit à travers les familles, les écoles (primaires, secondaires, professionnelles et universitaires), les confessions religieuses, les partis politiques, les syndicats et la société civile au lieu de ne travailler qu'avec les quelques écoles primaires et

65 Rapport de la division provinciale des affaires intérieures. Les données de 2005-2006 ne sont pas encore disponibles. Il est font possible que les statistiques ont augmenté pendant les deux dernières années.

66 - Toutes les activités liées à la médiation, réconciliation et à la paix seraient réalisées par COPARE - Les activités liées à l'éducation à la démocratie et à la participation citoyenne dont s'occupe PFE seraient affectées au programme éducation à la démocratie

- Les activités liées à l'éducation à la paix et au renforcement institutionnel seraient affectées au RIO qui s'investie de manière efficace dans ces domaines

secondaires de la Province selon la proposition présentée au chapitre quatre du présent travail ainsi que le Programme Protection Juridique (PPJ) qui comprendra les juristes dont le rôle sera d'amener l'Etat à respecter et à faire respecter les Droits Humains. C'est ce programme qui fera le travail que fait actuellement le PAPR.

Conclusion partielle

Au terme de cette première partie consacrée à la présentation de Héritiers de la Justice, nous pouvons affirmer qu'elle est une organisation non gouvernementale et sans buts lucratifs issu du programme évangélisation libératrice créé en 1991 par l'ECC/ Sud -Kivu. Les conflits que traversait cette institution protestante vers les années 1991 ayant conduit à la disparition de l'un de ses programmes dénommé Groupe Technique d'Encadrement Régional (GTER), les Laïcs protestants (juristes, sociologues, psycho pédagogues, théologiens), dans le souci de sauver le programme évangélisation libératrice, l'ont doté, en 1993, d'une personnalité juridique sous le nom de Héritiers de la Justice. Dès lors, le programme évangélisation libératrice de l'ECC est devenue une association sans but lucratif jouissant d'une personnalité juridique propre et dont l'ECC n'est que tuteur moral. L'histoire de Héritiers de la Justice comprend donc deux grandes périodes : la première part de sa création en 1991 à février 1993. A cette période, il n'était que question d'un programme évangélisation libératrice de l'ECZ / Sud -Kivu. La seconde période part de mars 1993 à nos jours. Pendant cette période, le programme évangélisation libératrice est devenu une association sans but lucratif jouissant d'une personnalité juridique le rendant autonome par rapport à l'Eglise du Christ au Congo.

S'agissant du contexte et de motivation de sa création, il apparaît que cette association a été créée dans le contexte de l'entrée de la RD Congo, alors Zaïre, dans le processus de démocratisation proclamé par le Maréchal Mobutu en 1990 ; processus mettant fin au monopartisme et au régime du MPR caractérisé par la violation massive des Droits Humains, le népotisme, les tracasseries militaires, la corruption, l'injustice sociale, ainsi que du musellement de la population et de la presse.

Régie par les statuts, le ROI et un règlement du personnel, la structure de Héritiers de la Justice comprend cinq organes dont l'AG, le CA, la présidence, le comité directeur et le secrétariat exécutif.

tous, travaillent sous la supervision de l'administration chapotée par le Secrétaire Exécutif de l'Association. Parmi ces programmes figurent, celui de la formation et renforcement institutionnel, celui d' « Aide Légale, Protection et Recherche », celui dit Femme et enfant ; et celui de Campagne et Communication.

Concernant l'interaction entre HJ et les autres structures d'encadrement de la population dans la Province, les recherches ont révélé que le rapport est nuancé étant donné qu'avec les églises protestantes, la relation est d'indifférence à cause de l'incertitude sur son appartenance ou pas à l'ECC; avec les autorités politico- militaires et policières, la relation est soit bonne , soit de tension ; avec les autres organisations locales des DH, la relation est de collaboration ; et avec la population à la base, l'association jouit de la crédibilité de cette dernière.

En matière de stratégie de travail, HJ fait usage de la protection des DH pour l'ensemble de la population et la promotion des DH aux seuls élèves et enseignants de 1. 028 écoles primaires et secondaires pour la paix qu'elle encadre. Ce qui rend moins visible sa contribution à l'émergence d'une culture juridique et de paix dans la Province étant donné que son approche n'est pas globalisante, n'impliquant pas toutes les autres structures de socialisation présentes dans la Province (familles, les confessions religieuses, les syndicats, les mutualités tribalo-ethniques, les médias, les partis politiques et la société civile).

Pour son renforcement institutionnel, nous proposons que l'association clarifie sa relation avec l'ECC pour fonctionner comme RIO, COPARE et le programme éducation à la démocratie ; qu'elle réduit ses programmes de cinq à trois (le Secrétariat Exécutif, le Programme Promotion des Droits Humains et le Programme Protection des Droits Humains) laissant ainsi les autres activités au RIO, COPARE et au programme éducation à la démocratie de l'ECC.

De ce qui précède, les hypothèses de départ sont confirmées. Devant ce constat, une question reste pendante : Comment Héritiers de la Justice devra -t-elle impliquer les autres structures de socialisation au processus d'information et de formation des citoyens au droit à travers la Province?

Deuxième partie

MECANISME D'UNE SOCIALISATION JURIDIQUE
GLOBALISANTE

Introduction

Avant de traiter du fondement théologique de la socialisation juridique et de l'approche globalisante de socialisation juridique au Sud - Kivu, il sied de préciser que le travail de socialisation juridique que font les protestants à travers HJ au Sud- Kivu n'est pas en contradiction avec la confession de foi chrétienne étant donné qu'elle tire son fondement de la Bible et fait partie intégrante de la mission du peuple de Dieu.

En ce qui concerne la socialisation juridique comme processus d'information et de formation des citoyens au droit, disons avec Chantal KOURILSKY67 qu'elle s'inscrit dans le domaine de la sociologie du droit et constitue un champ de recherche non encore suffisamment exploité.

Dans son étude sur « la socialisation juridique et identité du sujet », le même auteur68 distingue deux approches les plus souvent utilisées :

- La première porte sur la période qui précède l'âge adulte et qui a une orientation instrumentale plutôt qu'elle ne s'intéresse directement à la construction de l'identité du sujet. Bien qu'elle ait recours à la théorie explicative empruntée à la psychologie cognitive ou à la psychologie sociale, c'est plutôt du point de vue du système qu'elle semble rechercher la voie d'une adéquation entre l'individu et le système juridique. Cette approche passe par les questions d'obéissance (ou de non obéissance) aux lois, de conformité (critique ou non) ou de déviance, d'utilisation des ressources du système juridique ou au contraire l'évitement du système et de ses règles. C'est ce qui est à la base de ce qu'elle appelle la culture juridique dominante.

- La seconde concerne les recherches sur les phénomènes de socialisation juridique qui adoptent davantage le point de vue du sujet et s'attache à la construction par lui d'un système de représentation du monde social qui fasse

67 C. KOURILSKY, « socialisation juridique : naissance d'un champ de recherche et d'un concept aux confins de la sociologie du droit et de la psychologie », Annales de Vaucresson,

« Adolescence et socialisation », n°8, 1988 in www. http://www.reds.msh- Paris.fr/publications/revue/html/ds019/ds019-05.htm

68 C. KOURILSKY, Op. Cit. C'est cette approche qui est considérée par les autres auteurs comme la phase primaire de la socialisation

sens pour lui et dans lequel s'inscrit le droit. C'est ce qu'elle appelle la culture propre de l'individu.

Dans le contexte de la Province du Sud - Kivu, aucune de ces deux approches ne suffit en elle seule étant donné que la population de la Province n'a pas encore développé une culture juridique et de paix. Ayant défini la culture juridique comme l'ensemble des valeurs, des attitudes, des traditions, de comportements et des modes de vie fondés sur le droit, la socialisation juridique de la population au Sud - Kivu doit combiner les deux approches.

Si la culture juridique dominante recouvre, pour KOURILSKY, l'ensemble des savoirs relatifs aux lois et aux institutions, aux rapports entre l'Etat et les citoyens, à leur formation au cours de l'histoire nationale et aux valeurs communes auxquelles ils font appel, cet ensemble des savoirs doit s'acquérir par l'information et la formation de la population par des personnes compétentes en matière de droit pour éviter une interprétation partisane et restrictive de la loi. C'est pour cette raison que, même dans la Constitution de la RD Congo, l'accès aux lois est présenté comme un droit pour tout citoyen et la socialisation juridique un devoir pour l'Etat.

Dans un contexte de l'après guerre, post conflit où le peuple a développé une culture de violence, de conflits, de non respect des DH et de la délinquance ; la culture propre à l'individu, entendue par l'auteur comme étant la combinaison unique des savoirs (savoir - faire, savoir- dire, savoir- penser) et des valeurs qui lui ont été transmis par ses groupes d'appartenance (famille, école, etc.) et qu'il s'est appropriés, ne peut pas à elle seule contribuer au développement d'une culture juridique et de paix dans la Province du Sud - Kivu.

Cela sous-entend que la culture propre du Sud - Kivucien de l'après guerre ne peut contribuer à l'émergence d'une culture juridique. Cette approche ne peut porter des fruits que pour les nouvelles générations des pays démocratiquement avancés et non dans une société comme la RD Congo où l'on voudrait encore renforcer le processus de socialisation juridique69.

69 Dans le cas de RD Congo, le travail à faire est celui de faire connaître et comprendre le droit aux citoyens.

C'est de cette connaissance et compréhension que, avec l'aide de l'Etat qui doit respecter et respecter le

droit par la justice, que l'appropriation du droit par la population sera possible.

Chez Chantal KOURILSKY70, comme dans toute forme de socialisation, un double processus est à l'oeuvre pour favoriser la socialisation juridique : le processus d'acculturation juridique DU sujet dans la mesure où il reçoit l'ensemble des éléments de la culture juridique qui pénètre sa société, et le processus d'acculturation PAR le sujet de ces éléments, une sorte d'acclimatation par lui de ces éléments dans sa culture propre de manière à ce qu'il fasse sens de cette culture.

Ce double processus d'acculturation DU et PAR le sujet consécutif à la socialisation juridique peut être appelé connaissance et appropriation du droit par le sujet. C'est ce processus qui en fin conduit le sujet à avoir, non seulement une connaissance et une compréhension du droit, mais surtout à développer des valeurs, des attitudes, des traditions, de comportement et de mode de vie fondés sur le droit.

Chap. III. : FONDEMENT THEOLOGIQUE DE LA SOCIALISATION JURIDIQUE

Comme dans ce travail la socialisation juridique est utilisée dans son sens de processus d'information et de formation du citoyen au droit, l'objectif de ce chapitre est de montrer qu'elle n'est pas en contradiction avec la foi chrétienne, étant donné qu'elle tire son fondement de la Bible et fait par conséquent partie de la mission de l'Eglise.

Pour mettre ce fondement en évidence, la démarche consistera à dégager, dans les deux grandes parties de la Bible, la manière dont se faisait la socialisation juridique au sein du peuple de Dieu.

II.3.1. Dans l'Ancien Testament

Selon Jacques PIRENNE71, la notion de l'Etat72 n'est entrée en Israël qu'avec le roi David. Avant lui, il n'était question que de familles, de clans et de tribus. Par la multiplication des familles, le nombre des clans n'a cessé de croître. Les rapports permanents, forcément noués entre voisins, ont créé entre les clans une cohésion nouvelle et si étroite qu'il en est résulté des groupements nouveaux, les Tribus, lesquelles conservèrent le souvenir de leur origine commune.

Avant le désert et la réception de la loi de Dieu par Moïse, le peuple était un ensemble de tribus que les anciens avaient le pouvoir de juger. C'est avec la loi que la cohésion entre tribus et la notion de nation ont vu le jour autour d'un culte unique. Dans ses analyses, M.-J. LAGRANGE73 précise que cette loi était à la fois religieuse et sociale74. Et il ajoute qu'à la loi purement religieuse du culte rendu au seul Yahvé, était jointe une loi morale qui réglait les rapports des membres de la tribu entre eux, sous l'aspect de la justice qui doit régner parmi les hommes : c'était la loi dictée par la divinité. Nous pouvons donc affirmer qu'à partir du don de la loi sur le Sinaï, Dieu n'était pas seulement attentif aux négligences commises dans le service de son autel. Il se devait de punir aussi toute infraction à la justice, que le prochain fût atteint sur sa femme, dans ses biens ou dans tout autre de ses droits.

71 J. PIRENNE, La société Hébraïque d'après la Bible, Albin Michel, Paris, 1965, p. 29

72 Le mot Etat n'a pas ici son sens actuel et signifie la nation.

73 M.-J. LAGRANGE, Le judaïsme, Librairie LECOFFRE, Paris, 1931, p. 1

74 M.-J. LAGRANGE, Op. Cit., p. 4

Dans la Bible, la socialisation juridique trouve son fondement dans le texte de Deutéronome 6 : 6 - 7 où il est écrit: Et ces commandements, que je te donne aujourd'hui, seront dans ton coeur. Tu les inculqueras à tes enfants, et tu en parleras quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras.

Dans ce passage, le mot qui a été traduit par inculqueras est, dans la originale,

~~

~ T

Z1~ . Il est ici question du verbe ïð ù (enseigner, apprendre) qui, selon N. Ph.

SANDER et I. TRENEL75, a le sens d'aiguiser. Au piel le sens est de faire pénétrer dans l'esprit, façonner. C'est pourquoi ils proposent la traduction de ce verbe par inculquer qui se rapproche beaucoup du sens d'aiguiser. Il n'est donc pas seulement question de à1' (lire) la loi à plusieurs reprises devant les enfants, mais de les enseigner avec le but de tailler l'enfant, le travailler pour faire de lui un homme juridique, qui se comporte selon la loi, qui se l'approprie. C'est pourquoi, le Seigneur insiste sur le fait que le processus de socialisation se fera quand tu seras dans ta maison, quand tu iras en voyage, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras.

BASHER76 montre que ce sont ces deux mots à1' (lire) et ïð ù (enseigner), caractéristiques de l'étude de la loi écrite et la loi orale chez les juifs, qui sont à l'origine des noms Miqra et Mishna attribués par les juifs aux deux catégories de la loi. Ceci montre suffisamment combien la socialisation juridique est une mission que Dieu donne à son serviteur Moïse en faveur de son peuple. C'est ce que précise Moïse en disant au peuple : Voici les commandements, les lois et les ordonnances que l'Eternel, votre Dieu, a commandé de vous enseigner, afin que vous les mettiez en pratique dans le pays dont vous allez prendre possession (Deutéronome 4, 14 ; 6, 1). Il ressort de ce texte que le but du don de la loi par Dieu était sa mise en pratique par le peuple. Pour permettre au peuple de pratiquer les commandements, les lois, il faut, non seulement une prise de connaissance, mais aussi leur compréhension par celui-ci. Ce qui n'est possible qu'après un enseignement. C'est pourquoi, en Deutéronome 5, 1 Moïse s'adresse au peuple en ces termes: ...Ecoute, Israël, les lois et les ordonnances que je vous fais entendre aujourd'hui. Apprenez-

75 N. Ph. SANDER Et I. TRENEL, Dictionnaire Hébreu - Français, Slatkine Reprint, Genève, 1979, p. 764

76 BASHER cité par T. PERLOW, L'éducation et l'enseignement chez les juifs à l'époque talmudique, Ernest

LEROUX, Paris, 1931, p.34

les et mettez-les soigneusement en pratique77. La chaîne logique de l'appropriation de la loi se dessine en trois étapes à l'époque de Moïse : présentation de la loi au peuple (prise de connaissance de la loi), apprentissage de la loi par le peuple (enseignement ou explication) et la mise en pratique de celle-ci par le peuple (l'appropriation de la loi). Point n'est donc besoin de préciser avec Deutéronome 5, 29 que la paix ou le bonheur de générations en générations était lié à la pratique de la loi.

A chaque étape du voyage dans le désert après Sinaï, Moïse prenait soin de reprendre la socialisation juridique pour que le peuple n'oublie la loi. C'est ainsi qu'il la présenta de nouveau au peuple de l'autre côté du Jourdain, dans la vallée, vis-à- vis de Beth-Peor, au pays de Sihon, roi des Amoréens, qui habitait à Hesbon (Deutéronome 4, 44-46).

C'est cette socialisation juridique qui a donné naissance aux lois plus détaillées qui déterminent les modalités d'application des dix commandements que le Seigneur donna à Moïse.

Ecrivant sur la Cabale, ALEXANDRE SAFAN78, différencie bien la Tora écrite de la tradition Orale (le Talmud)79. Pour lui, la Tora est d'origine divine, c'est en elle et par elle que Dieu se manifeste à l'homme, se lie à lui. Cependant, ajoute - t -il, l'homme est incapable de saisir la substance de Dieu ; d'où son besoin d'une explication et d'une interprétation. C'est la Massora, communément appelée tradition orale.

A propos de la naissance de la tradition orale chez les juifs, ALEXANDRE affirme :

Moïse a inauguré formellement la « tradition » ou la Massora qui, en fait, existait déjà. Après l'avoir « transmise » oralement à ses collaborateurs et au peuple tout entier, il l'a « liée », concentrée et incluse symboliquement dans le texte même de la Tora. La tradition est ainsi devenue une Massora qui vise à l'extrême précision des termes80.

77 A ce passage il faut ajouter Deutéronome 4, 5, 14 ; 5, 31

78 S. ALEXANDRE, La Cabale, Payot, Paris, 1960, p.10

79 Dans le langage contemporain, la Tora (constituée des dix commandements) peut être considérée comme

la constitution de la République et le Talmud (né de la tradition orale) comme les différentes lois déterminant les modalités d'application de la constitution.

80 Ibid, p. 11

Ainsi, précise ALEXANDRE, Moïse a reçu Kibel (Tora) sur le Sinaï, et la transmise (messara) à Josué. La Cabale ou la Tora, d'origine divine, se distingue de la Massora, tradition d'homme à homme81.

Toutefois, la socialisation juridique chez Moïse comportait une faiblesse : elle n'était pas globalisante du fait que seuls les chefs de famille (les anciens) et des clans étaient juridiquement socialisés au détriment des femmes, des enfants et des jeunes. C'est ce qu'affirme, à la suite de Proverbes 31, 1, Roland DE VAUX82 qui montre que, chez les juifs, dans ses premières années l'enfant était laissé à sa mère ou à sa nourrice après avoir été sevré. La mère donnait à ses petits les premiers éléments d'une instruction surtout morale. Ces conseils maternels pouvaient continuer jusqu'à l'adolescence. Il fallait attendre l'après l'adolescence pour que seul l'enfant garçon reçoive un enseignement de son père. Cet enseignement paternel, précise DE VAUX83, était constitué des traditions nationales, qui étaient aussi les traditions religieuses, et les inscriptions divines données aux ancêtres. Le même auteur84 précise que cette instruction dont bénéficiaient les enfants mâles ne concernait pas les filles qui restaient sous la direction de leur mère pour apprendre ce qu'elles devaient savoir pour leur métier de femme et la tenue d'une maison.

Cette exclusion des femmes et filles dans le processus de socialisation juridique aura des conséquences non négligeables dans la pratique de la loi en Israël.

Après la mort de Moïse, la socialisation juridique du peuple de Dieu fut l'oeuvre de Josué son successeur. Cependant, le texte de Deutéronome 31, 9ss, précise que, avant sa mort, Moïse écrivit la loi et la remit aux sacrificateurs, fils de Lévi, qui portaient l'arche de l'Alliance de l'Eternel et à tous les anciens d'Israël et leur donna l'ordre de lire la loi devant tout Israël en leur présence après chaque sept ans. Dans ce testament, Moïse ajoute deux éléments : ce n'est pas Josué seul, comme son successeur, qui se chargera de la socialisation juridique mais aussi les sacrificateurs, les responsables spirituels. C'est ce qui justifie l'implication des sacrificateurs, des prêtres, des lévites et des prophètes dans le processus de socialisation juridique; et ce ne sont plus les anciens seuls qui devront être

81 Ibidem

82 R. DE VAUX, Les institutions de l'Ancien Testament, Cerf, Paris, 1960, p.p. 1, 8 et 82

83 Op. Cit,, p. 13

84Ibid, p. 85

juridiquement socialisés, mais l'ensemble du peuple dont les hommes, les femmes, les enfants et l'étranger afin qu'ils apprennent à craindre l'Eternel, à observer et à mettre en pratique toutes les paroles de cette loi (Deutéronome 31,12-13).

Avant que Josué ne prenne la direction du peuple, Dieu se révèle à lui pour le rassurer de son soutien dans la mission. Cependant, cette réussite est conditionnée par la fidélité à la loi de Moïse dont il ne doit se détourner ni à gauche, ni à droit. Pour y parvenir, Dieu lui révèle la stratégie : Que ce livre de la loi ne s'éloigne point de ta bouche ; médite-le jour et nuit (Josué 1, 7 et 8). C'est dans cette condition seulement que le succès est garanti à Josué. Il est donc question pour lui, non seulement de prendre connaissance de la loi, mais de la maîtriser en vue de se comporter selon elle.

Le texte de Josué 3 : 34 montre que Josué a effectivement continué avec la socialisation juridique: arrivé au mont Ebal où il bâtit un autel, comme Moïse le lui avait recommandé, Josué lut ensuite toutes les paroles de la loi, les bénédictions et les malédictions, suivant ce qui est écrit dans le livre de la loi.

Malheureusement, malgré le testament qu'avait laissé Moïse dans Deutéronome 31, 12-13, la socialisation juridique à l'époque de Josué n'a concerné que les anciens, les officiers et les sacrificateurs et non pas l'ensemble du peuple. C'est ce qui ressort des séances de socialisation juridique organisées par Josué et rapportées dans Josué 8, 34 ; 22, 5 et 23, 6. La précision à relever ici est que la socialisation était, bien que non globalisante, globale étant donné que rien de tout ce que Moïse avait prescrit n'était oublié dans l'enseignement.

La socialisation juridique a donc, jusqu'à Josué, joué un rôle très important dans la consolidation de la nation au détriment des tribus.

Lors de son installation en Canaan, la société juive se trouvait organisée suivant un double principe de cohésion, celui de la famille et de la tribu, qui s'était déjà formé lors de son séjour en Egypte. Comme le souligne Jacques PIRENNE, la dispersion des tribus à travers la terre de Canaan et au milieu de peuples étrangers fragilisa l'unité que le peuple d'Israël s'était donnée dans le désert. Les tribus reprirent, par la force des choses, leur vie autonome85. Cette fragilité de l'unité

85 J. PIRENNE , Op. Cit., p. 55

nationale par la mise en place des tribus en Canaan est confirmée par CECIL ROTH:

De longues bandes de territoires ennemis séparaient les différents groupes les uns des autres. Juda, Siméon et Ruben vivaient dans l'extrême Sud ; Nephtali et Zabulon au Nord, coupés du centre par les forteresses cananéennes qui se dressaient entre Beth Chean et Meguido ; les puissants Manassé et Ephraïm occupaient le centre montagneux, et une partie de ces deux tribus demeurait sur l'autre rive du Jourdain. Dans des telles conditions des violentes jalousies locales se déclanchaient. L'organisation tribale supplanta la nation. La constitution politique était rudimentaire. L'organisation tribale elle- même était faible, chaque ville ou chaque village formait en fait une communauté indépendante dirigée par ses anciens qui rendaient justice86.

Ainsi, après Josué qui apparut encore comme « roi » de toutes les tribus israélites, la vie nationale se limitait, pendant les premiers siècle de l'installation en Canaan, à la tribu.

Décrivant la manière dont le peuple était dirigé après la mort de Josué, ROTH précise que de temps à autre, quelques personnalités remarquables parvenaient à faire connaître leur autorité sur une région plus vaste, généralement après une victoire militaire, et en vertu de ce fait les pouvoirs de Juges leur étaient confiés par le peuple ou par une fraction du peuple, pour un certain temps87. Embrouillés par les guerres de conquête (Juges 1 et 2), les anciens qui succèdent à Josué ne s'occupent pas de la socialisation juridique. Cette ignorance de la loi plongera le peuple dans la délinquance de sorte que chacun faisait ce que bon lui semblait (Juges 21, 25).

En ce qui concerne les Juges en Israël, le Dictionnaire Encyclopédique de la Bible en distingue deux catégories :

- Les grands Juges qui étaient les chefs de guerres choisis pour des missions spéciales de salut. Parmi eux nous pouvons retenir : Othniel (Juges3, 8-11), Ehud (3, 12, 30), Baraq (4, 5), Gédéon (6,8), Jephté (10, 6-12, 6) qui devint en suite petit juge. On les croyait porteur d'un charisme guerrier (Juges 3, 30 ; 6, 34 ; 11, 29) qui n'impliquait aucune autorité permanente (Juges 8, 22s), ni l'administration de la justice. Ils conduisaient la guerre, sauvaient du péril et n'exerçaient leur fonction qu'au profit d'un clan ou d'une tribu88, sauf dans le cadre da Baraq. Ils n'étaient donc pas des juges au sens propre du terme.

86 C. ROTH, Histoire du peuple juif, éd. De la terre retrouvée, Paris, 1963, p.p. 28-29

87 Ibidem

88 A ce sujet, précisons que les juges n'avaient pas le pouvoir sur toutes les tribus comme chacune était libre

- Les petits Juges dont Deborah, Tolah, Yaïr, Jephté, Ibçan, Elon, Ebdon et Samuel. Ils exerçaient leurs fonctions pendant la période qui précéda immédiatement l'institution de la monarchie et dura une centaine d'années. Leur charge consistait à gouverner l'ensemble d'Israël et ils auraient donc accédé à la plus haute autorité civile de l'Etat amphictyonique89.

Cette classification du Dictionnaire encyclopédique de la Bible90 montre qu'elle fut l'oeuvre des petits Juges. C'est dans ce sens que Déborah siégeait sous un palmier entre Rama et Béthel pour juger le peuple (Juges 4, 4-5). Commentant ce passage, C.H. MACKINTOSH précise que le jugement du peuple dont il est question consistait à enseigner la loi au peuple pour lui montrer son déraillement.

Il fallait attendre le règne de Jephté pour que l'unité nationale perdue se reconstruise progressivement au tour du sanctuaire de Silo qui devint un lieu de pèlerinage de plus en plus fréquenté par toutes les tribus (1 Samuel 1, 1-3) ; et il parait bien que le premier juge qui fut unanimement reconnu par tout Israël fut le grand prêtre Eli (1 Samuel 1, 9 ; 4, 18). Ainsi, l'arche d'alliance devint le signe de ralliement de l'armée des tribus. Après Héli, ce fut un autre prêtre, Samuel, que le peuple se choisit comme juge devant jouer le rôle semblable à celui du roi dans les temps avenir (1 Samuel 7, 5-6).

La mauvaise conduite des fils de Samuel, le dernier des juges en Israël, et surtout la pérennité des guerres, poussèrent le peuple à demander un roi à Samuel (1 Samuel 8, 5). C'est ce qu'affirme LAGRANGE91 en précisant que la monarchie était née de la nécessité d'avoir un chef de guerre. Profitant de l'unité nationale qui se construisait et se consolidait par l'oeuvre du juge Samuel, Saül sera le premier roi établi par tout le peuple (1 Samuel 11, 14-15). Inaugurée dans Benjamin avec Saül, la royauté aura pour condition de succès l'obéissance au Seigneur manifestée dans le respect de la loi (1 Rois 2, 23).

de s'en choisir un « juge » propre à elle : Ehud juge de la tribu de Benjamin (Jg 3, 21) ; Gédéon, juge de

la tribu de Manassé (6, 14-15) ; Thola juge de la tribu d'Ephraïm (10, 2) ; Jaïr de Galaad (10, 3-5) ; Jephté de Gallad (11, 3) ; Abesan de Benjamin (12, 8-10) ; Ahialon de Zabulon ( 12, , 11) ; Abdon d'Ephraïm (12, 13-15) ; Samson de Dan ( (15, 20) ; Héli le grand prêtre et juge 1Samuel 4, 18 et Samuel

le dernier des Juges (1 Samuel 7, 2)

89 Collection, Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Brepols, Paris, 1987, p. 703

90 C.H. MACKINTOSH, Notes sur le livre des Juges, Bibles et traités chrétiens, Vevey, 1975, p. 29

91 M.-J., LAGRANGE, Op. Cit., p. 9

Evoquant le rôle joué par la royauté davidique pour la consolidation de l'unité nationale à la place des tribus, LAGRANGE dit de cette monarchie ce qui suit : Grandie par l'élévation du judéen David, roi d'Hébron, puis conquérant de Jérusalem, la royauté ayant fait ses preuves et organisé sa capitale s'était imposé facilement à toutes les tribus. Le règne glorieux de Salomon, avait scellé l'unité92.

La socialisation juridique à l'époque de la royauté était l'apanage des sages, des prophètes (2 Rois17, 13), des prêtres (2 Chroniques 15, 3) des chefs, des Lévites et des sacrificateurs (2 Chroniques 17, 7-9) étant donné que chaque roi étaient entouré de sages, de secrétaires, de chefs et de sacrificateurs.

Comme le montre J. PIRENNE, chaque roi était obligé de revoir la loi en l'adaptant aux réalités de son époque tout en restant fidèle à la loi du Seigneur. C'est ce que stipule en affirmant:

Au bout de 7 ans était inaugurée l'année sabbatique en Israël. Pendant cette fête chaque roi devait revoir la loi pour l'adapter aux situations du moment. Puis, les sages et secrétaire du roi devaient convoquer le peuple et le roi lisait la loi en présence de tout le peuple93.

Selon les versets 12 et 13 de Deutéronome 31, le processus de socialisation juridique au bout de chaque 7 ans était globalisante étant donné que c'est l'ensemble du peuple (hommes, les femmes, les enfants et l'étranger vivant au milieu d'Israël) participait aux séances.

Ainsi, la loi occupe une place de choix dans les fonctions royales en Israël. Non seulement il lui est demandé de marcher selon elle, mais aussi le roi est évalué en fonction de son degré d'obéissance à la loi. C'est pourquoi :

- Dès son entrée au pouvoir comme premier roi, Saül juge le peuple en fonction de la loi (1 Samuel 14, 33);

- dans son testament à son fils et successeur à la royauté, David demande à

Salomon de marcher selon la loi du Seigneur (1 Chroniques 22, 12)

- Le roi Salomon fait allusion à la loi dans l'exercice de ses fonctions (2

Chroniques 6, 16)

92 Ibidem

93 J. PIRENNE, Op. Cit., p.

- Les rois Jéhu et Roboam sont jugés n'avoir pas marché selon la loi (2 Rois, 22,11 ; 2 Chroniques 12, 1)

- 2 Chroniques 15, 3 montre comment le peuple se plaint du manque de prêtre, non pour les services cultuels, mais pour l'enseignement de la loi à l'époque de ses pères.

C'est dans ce cadre que le reproche du prophète Amos contre le peuple est lié au manque d'obéissance à la loi comme le souligne le passage d'Amos 2, 4-6 : Parce qu'ils ont rejeté la loi de Yahvé, et qu'ils n'ont pas gardé ses ordonnances,... Chez le prophète Osée, la préoccupation concerne également la désobéissance à la loi (Osée 2, 18 ; 4, 6). Si Josias est considéré comme un roi qui plait à Dieu, c'est parce qu'à partir de la connaissance de la loi découverte dans la maison de Dieu, il initia la réforme qui rétablit la relation entre Dieu et son peuple d'une part, mais aussi pour avoir accordé beaucoup d'importance à la socialisation juridique: ayant découvert la loi dans la maison de Dieu il envoya une équipe de ses chefs avec les lévites et les sacrificateurs enseigner la loi au peuple dans les villes de Juda (2 Chroniques 17, 7- 9). Malheureusement, les rois qui lui succédèrent n'accordèrent pas d'importance à la socialisation juridique jusqu'à ce que Dieu les amène en captivité en Babylonie. En Babylonie, le petit groupe du peuple et des prophètes qui connaissaient la loi a joué un rôle important dans la socialisation juridique pendant la déportation. C'est ainsi que la prédication d'Ezéchiel à Babylone était au fond la même que celle de Jérémie resté au pays. Ne rendre un culte qu'à Dieu seul, et sans le diminuer par une image, se serrer autour de la loi. Là était le principe de la cohésion nationale que la domination chaldéenne ne put mettre en péril.

De même, malgré la division entre Judas et Israël lors de la royauté de Roboam (2 Chroniques 10), la loi demeura l'élément commun aux deux peuples. C'est ainsi que le Roi Asa commande à Juda d'obéir à la loi (2 Chroniques 14, 3-4).

De la lecture d'Ezéchiel 8,1 ; 14, 1 ; 20,1, il ressort de ce texte que pendant la période de la déportation babylonienne de 586, au sein de la communauté des captifs, une personnalité de premier plan se dresse, c'est le prophète Ezéchiel. Il va, le premier, s'attacher à résoudre le problème dont dépendait le salut d'Israël. Ces prophéties mentionnent trois circonstances où les « anciens de Juda» se réunirent chez- lui et l'on est fondé à supposer que dans ces entretiens fut examinée la

question qui obsédait leur esprit. La solution qu'ils retinrent peut être résumée en un seul mot : Torah.

Selon A. COHEN94, les savants s'accordent à penser que l'institution de la synagogue date du temps de l'exil babylonien. L'expression hébraïque qui la désigne beth hakenéseth (maison d'assemblée) en marque avec précision le but initial : On s'y réunissait pour lire et expliquer les écritures. C'est plus tard, lorsque les prières furent jointes à ces lectures commentées de la Torah, que la synagogue devint le lieu d'adoration.

Cette pensée de COHEN permet d'affirmer que la socialisation juridique était faite par les anciens dans les synagogues pendant la déportation. A l`époque de la déportation, la chute de Jérusalem marque la fin des institutions politiques en Israël. La Judée sera désormais une partie intégrante des empires néo-babyloniens, perse et séleucide qui lui imposeront le statut habituel de leurs provinces.

Concernant la manière dont la loi a réussi à survivre pendant la déportation, ROLAND DE VAUX95 montre que malgré leur état de déportés, une certaine autonomie fut accordée aux juifs sur le plan religieux et culturel. De ce fait les habitudes anciennes ont été perpétuées, au plan de la vie municipale, par les clans et leurs anciens qui représentent le peuple auprès des autorités (Esdras 5, 9 ; 6, 7) ; mais il n'y a plus de notion de la nation d'Israël. C'est ainsi que les juifs constituèrent, en Babylonie, une communauté religieuse régie par la loi, sous le gouvernement de ses prêtres qui l'enseignaient au peuple pendant les cultes. Cet enseignement de la loi, précise COHEN96, provoqua l'éveil d'un intérêt croissant pour l'étude des livres hébreux en terre étrangère, et ce désir de connaissance, en se répandant parmi les masses, fit nécessairement éprouver le besoin d'avoir des hommes qualifiés par leur instruction pour donner l'enseignement. Ils sont connus sous le nom de sopherim (scribes), ce qui veut dire « hommes de lettres ». Quelques uns d'entre eux figurent certainement dans la liste des « docteurs » mentionnés en Esdras 8, 16 et dans l'énumération de ceux qui s'occupent de la socialisation juridique en expliquant la torah au peuple (Néhémie 8, 7). Au premier rang de ces instructeurs, se trouve Esdras.

94 A. COHEN, Le Talmud, Payot, Paris, 1958, p.18.

95 R. DE VAUX, Les Institutions de l'Ancien Testament, T1, Cerf, Paris, 1960, p. 151

96 A. COHEN, Op. Cit., p.18

Parlant d'Esdras, Marcel PELLETIER dit que lorsqu'il part de Babylone pour Jérusalem, il a en main deux documents : la rédaction du livre de Moïse, la Tora, à quelque chose près, notre actuel Pentateuque et l'édit du roi qui est un acte royal qui, à côté des dispositions destinées à faciliter la mission à l'envoyé, rend obligatoires pour les juifs les dispositions de la Torah. L'Edit disait :

Quiconque, en mon royaume, partie du peuple d'Israël, de ses lévites ou de ses prêtres, déclare le Souverain, peut partir avec toi puisque le roi t'a envoyé pour inspecter Juda et Jérusalem d'après la loi de ton Dieu et pour porter l'argent et l'or que le roi et ses conseillers ont offerts au Dieu d'Israël dont la maison est à Jérusalem97.

Le reconnaissant comme Prêtre et scribe versé dans la Loi de Dieu des cieux, le roi l'envoie en disant : et toi Esdras, selon la loi de Dieu que tu as en main, installe des scribes et des juges pour tout le peuple de l'autre côté du fleuve qui pratique la loi de ton Dieu et qui est la loi du roi. C'est ainsi que la « loi de Moïse » constitue désormais, pour les juifs en déportation, la « loi du roi » ; elle devient officielle. S'y soustraire devient un délit et n'est plus seulement une faute devant Dieu : quiconque de la communauté juive n'observe pas la loi de ton Dieu sera condamné à la mort, au bannissement, à une amende ou à la prison, ajoutait d'Edit royal.

M. PELLETIER précisera que, jusqu'à cette époque, la loi n'était qu'une exhortation sans véritable obligation, tout au plus, placée sous la contrainte de la pression sociale, au mieux, un droit coutumier, une jurisprudence réglant les rapports entre les individus ou entre les groupes et tirant sa seule force d'un consentement mutuel né d'un culte commun et de la tradition.

Dans son ouvrage, M. PELLETIER98 présente Esdras, spécialiste de la loi, comme le père des scribes qui vont tenir une place si importante, tout particulièrement chez les Pharisiens. Il est aussi un prêtre et un personnage officiel chargé d'une sorte de secrétariat aux affaires judéennes en Babylone.

C'est ainsi qu'arrivé à Jérusalem, Esdras est venu proclamer que l'antique loi des pères est désormais la loi officielle. L'holocauste, la solennité de sang, des chairs et des graisses offerts au Dieu de la nation préparent la socialisation juridique. Le but de cette socialisation juridique est double chez Esdras :

97 M. PELLETIER, Les Pharisiens, Histoire d'un parti inconnu, Cerf, Paris, 1990, p. 35

98 Ibidem

- Il faut que le peuple possède la connaissance complète de la loi, et - Qu'il s'en pénètre.

Ainsi que le relève PELLETIER, avec Esdras, la socialisation juridique devint plus globalisante qu'à l'époque de Moïse, de Josué, des Juges et des rois chez qui, comme le soutient Jacques PIRENNE99, seuls les anciens des tribus, les magistrats et les hommes majeurs étaient convoqués pour apprendre la loi. Esdras, lui, convoque les hommes, les femmes et tous les enfants en âge de raison100.

Ainsi la socialisation juridique comprendra deux étapes dont :

- La lecture de la loi à haute voix devant tout le monde

- L'explication de la loi à travers les commentaires

Ces deux étapes peuvent être appelées INFORMATION - FORMATION du peuple au droit.

L'analyse du texte d'Esdras 10 montre que cette socialisation juridique a eu quatre résultats :

- Par la connaissance de la loi et après avoir considéré sa façon de vivre, le

peuple

tombe sous une grande émotion ; les larmes jaillissent sous l'effet conjugué du repentir ;

- Toute interprétation de la loi est appréciée et amène les divisions lorsqu'elle devient relativiste et infidèle à la loi apprise ;

- La loi occupe désormais la place capitale dans la société ;

- La loi devient omniprésente dans la vie quotidienne.

Esdras enseignait que l'existence quotidienne du juif doit nécessairement être réglée, dans chacune de ses étapes, par les préceptes qu'on trouve dans la Torah vue qu'elle est destinée à servir de guide complet à l'existence, elle sera forcement capable de fournir pour toute circonstance de la vie humaine une direction efficace. Pour accomplir cette mission, il faut absolument connaître la Torah. C'est pourquoi Esdras introduit en Judée la socialisation juridique de manière à familiariser les masses avec son contenu (Néhémie 8, 7 - 8). Ce passage de Néhémie montre combien la socialisation juridique avait pris la forme d'un métier : 13 personnes sont ajoutées aux Lévites pour s'occuper de la socialisation juridique. Cette réforme vient du fait que, pour Esdras, exclure les femmes et les enfants en âge de raison au processus de socialisation juridique entretient, au sein de la communauté, un groupe

de personnes qui peut facilement corrompre la culture juridique que peuvent acquérir les hommes socialisés.

Dans leur travail de socialisation juridique JOSUE, BANI, SCHEREBIA, JAMIN, AKKUB, SCHABBETHAÏ, HODIJA, MAASEJA, KELITHA, AZARIA, JOZABAD, HANAN, PELAJA, et les Lévites ne se limitaient pas à faire une lecture de la loi, mais donnaient également le sens pour faire comprendre ce qu'ils avaient lu. C'est pourquoi la socialisation juridique prit sept jours (Néhémie 8, 18).

D'après la tradition juive, écrit COHEN, Esdras avait fondé le kenéseth hagedola (la grande synagogue), corps des docteurs qui reçurent l'ensemble doctrinal conservé jusqu'à eux, pour l'adapter et le développer en accord avec les conditions nouvelles de leur époque, et le transmirent ensuite aux devanciers directs des rabbins talmudiques101. La preuve de l'émergence d'une culture juridique chez les juifs, à la période intertestamentaire, peut être relevée dans la première moitié du second siècle avant notre ère. Une poignée de juifs entreprit la lutte héroïque pour résister à ceux qui tentaient alors d'anéantir leur religion : Les Hasmonéens se dressent contre les armées assyriennes, parce qu'ANTIOCUS EPIPHANE a osé leur enjoindre de violer les préceptes du Judaïsme, d'oublier la Torah et de changer toutes les règles de la Justice (1 Maccabées 1, 49). Mattathias, levant l'étendard de la révolte, lance cette proclamation : Que ceux qui aiment la Tora et veulent maintenir l'alliance viennent et me suivent. (1 Maccabées 2, 27). Avant de mourir, il exhorte encore ses fils en ces termes : Déployez votre force et votre vaillance en faveur de la Torah (1 Maccabées 6, 64).

Ceci établit incontestablement que, dès le début du second siècle avant notre ère, la Tora était puissamment implantée parmi les juifs grâce à la socialisation juridique.

Décrivant l'éducation et l'enseignement chez les juifs à l'époque talmudique,

Towa PERLOW102 montre que l'enseignement comportait trois cycles :

- Au premier cycle, le jeune apprenait la lecture, la prière et les points essentiels de la religion. Toute personne qui ne possédait pas ce niveau était méprisable ;

- Au deuxième cycle, on ne dépassait pas en moyenne la compréhension du pentateuque ainsi que certains passages de la Michna ; et

101 A. COHEN, Op. Cit., p. 19

102 T . PERLOW, Op. Cit., p. 20

- Au troisième cycle l'on abordait l'étude approfondie du Talmud sous la direction des plus savants docteurs.

Il ressort de cette organisation de l'éducation et l'enseignement qu'au fond, le judaïsme repose tout entier sur l'éducation et ce sont ses conceptions essentiellement religieuses et morales du monde et de la vie qui impriment à toute la question de l'éducation le caractère d'importance primordiale qu'elle revêt chez lui : c'est par elle qu'elle transmet aux enfants d'Israël la Tora. Dans la société juive la loi domine et protège à la fois l'individu qui ne saurait vivre sans elle, la vie est Tora et la Tora est la vie. Autrement dit, la Tora est, pour le juif, loi de vie.

Montrant la place qu'occupait l'appropriation de la loi par les juifs, Towa ajoute :

C'est elle qui dirige la vie et qui enseigne comment on doit vivre ; c'est la doctrine qui embrasse toute la théologie et la métaphysique et c'est aussi la morale qui règle les rapports des individus entre eux et leurs devoirs envers la société ; connaître la Tora, c'est savoir ce qu'il faut croire et pratiquer dans le domaine religieux comme dans le domaine moral et social103.

C'est dans ce sens que la vertu principale devint donc de posséder dans leur ensemble tous les détails de la Tora, d'en entendre et d'en approfondir la connaissance, de se rendre capable d'en discuter avec utilité.

S'agissant de l'éducation des enfants à la période talmudique, saint Jérôme témoigne : Dès leur âge le plus tendre, ils sont familiarisés avec l'Ecriture et peuvent citer tous les personnages bibliques depuis Adam jusqu'à Zorobabel sans hésiter que si on leur demandait leur propre nom104.

Dans leur travail de socialisation juridique, les docteurs n'étaient pas des théoriciens et ne poursuivaient pas la connaissance pour elle - même. Ils s'attachaient surtout à l'application de leur enseignement : La théorie doit s'accorder avec la pratique et se borner à lui servir de guide ; disaient-ils. Cet accent mis sur la pratique de loi dans la vie des juifs est confirmé par F. JOSEPH105 qui témoigne qu'en conformant la théorie à la pratique, les juifs se sont distingués des Lacédémoniens et des Crétois ou encore des Athéniens et d'autres Grecs qui prescrivaient par les lois ce qu'il fallait faire ou éviter, mais ne se souciaient point d'en donner l'habitude par l'action.

103 Ibid, p. 18

104 Saint Jérôme cite par T. PERLOW, Ibid, p. 20

105 JOSEPH F., Cité par T. PERLOW, Ibid, p. 21

Cet accord entre les notions de la loi apprises à l'école et son application dans la vie courante paraît être la preuve de l'émergence d'une culture juridique dans la société juive. C'est ce qu'affirmait ELISHA en disant :

Un homme vertueux qui a étudié la Tora est comme un architecte qui construirait des murs de brique sur des fondations de pierre : son bâtiment résistera aux plus fortes inondations. Mais celui qui étudie la Tora sans pratiquer la vertu est comme un architecte qui ferait ses fondations en brique et ses murs en pierre, la moindre crue renversera sa construction106.

Et PHILON ajoute qu'étant donné qu'ils considèrent leurs lois comme révélées par Dieu, et qu'on les instruit dans la connaissance de ces lois dès leur plus tendre enfance107, ils portent dans leurs âmes l'image des prescriptions de la loi108.

A la suite d'ELISHA et de PHILON, JOSEPHE témoigne également de cette culture juridique chez les juifs du deuxième siècle avant notre ère en disant : Chez nous, qu'on demande les lois au premier venu, il les dira toutes plus facilement que son propre nom. Ainsi dès l'éveil de l'intelligence, l'étude approfondie des lois les grave, pour ainsi dire, dans nos âmes109.

Dans l'Ancien Testament, la socialisation juridique apparaît donc comme une mission du peuple de Dieu.

II.3.2. Dans le Nouveau Testament

Après la grande synagogue qui cessa d'exister vers le milieu ou la fin du 3ème siècle, c'est le Sanhédrin qui pris la relève de la socialisation juridique. La tradition juive affirme que ce furent cinq couples de rabbins (Zougoth) qui se succédèrent dans cette tâche. La dernière comprenant HILLEL et CHAMMAÏ (morts vers l'an 10 ap. JC).

Selon A. COHEN110, les études historico - modernes montrent que le sanhédrin fut un corps composé de prêtres et des légistes, réunis sous la présidence du grand prêtre. Les délibérations du sanhédrin furent marquées de bonne heure par une opposition qui composa la formation de deux partis distincts : les Sadducéens d'une part et les Pharisiens, lesquels constituaient le bloc des légistes, héritiers

106 ELISHA cité par T. PERLOW, Ibidem, note 4

107 Précisons que chez les Juifs, un jeune garçon de 12 ans était appelé Bar - mitsrah = enfant de la loi.

108 PHILON cité par T. PERLOW, Ibid, p. 27

109 F. JOSEPH cité par T. PERLOW, Ibidem

110 A. COHEN , Op. Cit., p. 22

directs d'Esdras, qui continuèrent avec la socialisation juridique dans la synagogue, les académies et les retraites à l'époque de Jésus.

Contrairement à ce que dit M. SIMON111, pour qui les pharisiens étaient légalistes comme les Sadducéens, P. MARCEL précise que les deux partis n'avaient pas la même considération de la loi : les Pharisiens présentaient au peuple une multitude d'observances héritées de leurs pères et non inscrites dans la loi de Moïse. Ils combinaient la tradition orale avec la loi ; alors que les Sadducéens déclaraient ne tenir pour obligatoires que les prescriptions contenues dans la Parole écrite et affirmaient qu'il n'y avait pas lieu d'observer ce qui émanait de la tradition (orale) des pères112.

Outre les Pharisiens et les Sadducéens qui ont choisi l'enseignement de la loi comme moyen d'acquérir la paix, existaient trois autres partis juifs à savoir les Zélotes, les Esséniens et les publicains. Alors que pour les Zélotes, la paix serait obtenue par la révolution populaire, la violence ou la guerre, les Esséniens privilégiaient la vie de sanctification et de dévotion. C'est dans ce sens qu'ils se sont séparés du reste du peuple pour se retirer dans la montagne113.

A propos des Pharisiens, Marcel PELLETIER114 montre que ce parti inscrit vit dès le départ au centre de ses préoccupations, la fidélité à l'alliance contractée au Sinaï. Il exigeait encore une conformité de tous les instants à la volonté de Dieu exprimée dans la loi. Car, cette loi renfermait, à côté des obligations proprement cultuelles, des règles concernant la vie collective et la vie individuelle.

Justifiant le poids des Pharisiens sur les instances légales, M. PELLETIER115 dit que ces derniers avaient une certaine influence sur le peuple étant donné que

111 M. SIMON, Les sectes juives au temps de Jésus, PUF, Paris, 1960, p.19

112 M. PELLETIER, Op. Cit., p. 9

113 Pour plus de détails sur les Zélotes et les Esséniens, lire : S.G.F. BRANDON, Jésus et les Zélotes, Flammarion, France, 1975, pp. 39- 81

P. GRELOT, L'espérance juive à l'heure de Jésus, Desclée, Paris, 1978, pp. 61 - 85

A. PAUL, Le monde des juifs à l'heure de Jésus. Histoire politique, Desclée, Paris, 1981, pp. 216 - 219

114 M. PELLETIER, Idem, pp.7-8

115 Ibidem

leur réussite fut l'éducation populaire116 qu'ils s'étaient fait le devoir de promouvoir, l'éducation de masse.

En ce qui concerne la socialisation juridique, les pharisiens furent les premiers, à l'époque de Jésus, à concevoir un enseignement élémentaire pour tous et à commencer à mettre systématiquement en place un programme d'enseignement de la loi. C'est ce qu'affirme PALLETIER en disant :

A l'époque de Jésus, partout où s'élevait une synagogue, se trouvait une école capable d'accueillir les garçons de 5 à 10 ans. On y apprenait à lire et écrire et l'on s'y nourrissait de la Loi. Au-delà de 13 ans, cet enseignement élémentaire pouvait être approfondi au sein de nombreuses académies d'où sortaient les scribes, spécialistes de la Loi, et le plus souvent animateurs des confréries. La formation de l'adulte du commun se poursuivait dans la synagogue, autre pièce maîtresse du système pharisien, et par l'enseignement bénévole donné par les docteurs de la Loi lors des pèlerinages117.

Cette citation de Pelletier, montre qu'à l'époque de Jésus, chez les

Pharisiens, la socialisation juridique n'était plus globalisante comme l'avait fait Esdras ; étant donné qu'elle ne concernait que les garçons et les hommes. Cependant, le mérite des Pharisiens est à deux niveaux :

- La socialisation juridique se fait de manière systématique et conserve la

forme d'une école avec trois niveaux : élémentaire (pour les enfants garçons de 5 à 13 ans), académique (pour les jeunes de13 ans et plus) et pour les adultes lors des cultes et pèlerinages.

- La socialisation juridique est incorporée dans le programme

d'alphabétisation : les enfants qui apprennent à lire et écrire se nourrissent de la loi.

- Le huitième jour de sa naissance, Jésus est amené au temple pour la

circoncision conformément à la loi de Moïse (Luc 2, 21) ;

- En Luc 6, 2, les pharisiens reprochent à Jésus de faire ce qui n'est pas

permis de faire

- Joseph et Marie se sont rendus à Jérusalem pour leur purification selon la

loi de Moïse (Luc 2, 22) ;

116 L'éducation populaire ne vise pas seulement l'acquisition du savoir en général, mais inclut également

«l'idéologisation »' et a une dimension de politisation. Chez les Juifs de l'époque de Jésus Les synagogues (à la fois comme école et lieu de culte) constituait un cadre d'idéologisation. 117Ibid, p. 9

- Comme le recommandait la loi de Moïse, Jésus, en tant que premier né

mâle, est amené au temple pour être consacré au Seigneur et ses parents donnent un sacrifice pour la purification de Marie (Luc 22, 23 - 24).

- La lapidation d'Etienne en Actes 6, 12 est montée par les maîtres de la loi ;

- Actes 13, 15 montre que la socialisation juridique a continué dans la

communauté chrétienne naissante qui se réunit dans les synagogues ;

- En Actes 15, 1 l'obéissance à la loi est présentée aux pagano chrétiens
comme l'unique moyen du salut ;

- En Actes 15, 5, on voit les pharisiens insister sur la circoncision de pagano

chrétiens avant de prier avec eux ;

- Actes 15, 21 montre que chaque jour du sabbat, la socialisation juridique a

continué par la lecture et l'enseignement de la loi dans les synagogues et les réunions des chrétiens ;

- Actes 21, 20 relève que les juifs, malgré leur conversion au christianisme

continuent à suivre fidèlement la loi et à la mettre en pratique ;

- Actes 21, 28 présente comment les juifs se soulèvent contre les apôtres

accusés d'enseigner ce qui n'est pas conforme à la loi ;

- L'apôtre Paul utilise la loi pour persuader les notables ;

- Dans Romains 3, 31 Paul montre que croire c'est donner à la loi toute sa

valeur.

Ces passages et bien d'autres dans le Nouveau Testament attestent à suffisance que les Pharisiens on joué un rôle important dans l'émergence d'une culture juridique depuis la naissance de leur parti à l'époque d'Esdras jusqu'à l'an 70 ap. J. C., année à laquelle ils ont pris le pouvoir. L'influence exercée par les pharisiens dans la communauté juive était très importante. C'est ce qui justifie la libération des apôtres par la seule parole de Gamaliel qui était un Pharisien (Actes 5 : 34-35).

Se référant à Actes 8, 1 et 12, 1ss, Georges GANDER affirme que la communauté chrétienne de Jérusalem était restée judaïsante118. Car, ajoute t-il, les quelques hommes venus de la Judée dont il est question en Actes 15, 1 sont des

118 G. GANDER, Les actes des apôtres. Nouveau commentaire d'après l'Araméen, le Grec et le Latin, éd.

Contrastes diffusion, Lausanne, 1990, p. 222

juifs légalistes stricts appartenant à la secte des pharisiens119. Ainsi, la vision et l'exigence des pharisiens voulaient que la loi soit lue et enseignée dans les synagogues et les maisons dans lesquelles se réunissaient les chrétiens. C'est pourquoi, en Actes 21, 20-24, l'apôtre Paul est repris par les anciens de l'église de Jérusalem en ces termes :

Quand ils l'eurent entendu, ils glorifièrent Dieu. Puis ils lui dirent : tu vois, frère, combien de milliers de juifs ont cru, et tous sont zélés pour la loi. Or, ils ont appris que tu enseignes à tous les juifs qui sont parmi les païens à renoncer à Moïse, leur disant de ne pas circoncire les enfants et de ne pas se conformer aux coutumes. Que faire donc ? Sans aucun doute la multitude se rassemblera, car on saura que tu es venu. C'est pourquoi fais ce que nous allons te dire. Il y a parmi nous quatre hommes qui ont fait un voeu; prends-les avec toi, purifie-toi avec eux, et pourvois à leur dépense, afin qu'ils se rasent la tête. Et ainsi tous sauront que ce qu'ils ont entendu dire sur ton compte est faux, mais que toi aussi tu te conduis en observateur de la loi.

L'équivoque qu'il faut lever ici c'est que ni Jésus ni ses disciples ne sont opposés à la loi, car :

- En Matthieu 5, 17- 18, Jésus montre qu'il n'est pas venu abolir la loi mais l'accomplir et que rien n'en sera aboli aussi longtemps que le ciel et la terre existeront ;

- Au verset 19 Jésus montre combien celui qui se charge de la socialisation juridique sera important dans le royaume des cieux ;

- Au verset 20, Jésus présente l'obéissance à la loi comme condition d'entrer dans le royaume de Dieu ;

- En Actes 15, 23 - 29 il ressort que malgré la tenue de la conférence de Jérusalem la loi a continué à être enseignée et pratiquée dans les communautés chrétiennes.

C'est ce qui ressort de cette conclusion - recommandation des apôtres à toutes les églises d'Antioche, en Syrie, et en Cilicie :

Alors il parut bon aux apôtres et aux anciens, et à toute l'Église, de choisir parmi eux et d'envoyer à Antioche, avec Paul et Barnabas, Jude appelé Barsabas et Silas, hommes considérés entre les frères.

Ils les chargèrent d'une lettre ainsi conçue: Les apôtres, les anciens, et les frères, aux frères d'entre les païens, qui sont à Antioche, en Syrie, et en Cilicie, salut! Ayant appris que quelques hommes partis de chez nous, et auxquels nous n'avions donné aucun ordre, vous ont troublés par leurs discours et ont ébranlé vos âmes, nous avons jugé à propos, après nous être réunis tous ensemble, de choisir des délégués et de vous les envoyer avec nos bien-aimés Barnabas et Paul, ces hommes qui ont exposé leur vie pour

le nom de notre Seigneur Jésus -Christ. Nous avons donc envoyé Jude et Silas, qui vous annonceront de leur bouche les mêmes choses. Car il a paru bon au Saint -Esprit et à nous de ne vous imposer d'autre charge que ce qui est nécessaire, savoir, de vous abstenir des viandes sacrifiées aux idoles, du sang, des animaux étouffés, et de l impudicité, choses contre lesquelles vous vous trouverez bien de vous tenir en garde. Adieu.

Bien que l'intervention de Jacques commence par maintenant donc, pourquoi tentez-vous Dieu, en mettant sur le cou des disciples un joug que ni nos pères ni nous n'avons pu porter ? (Actes 15, 10), il s'avère que la loi de Moïse a été imposée aux pagano chrétiens (Lévitiques 17, 10s ; 18, 6ss).

Concernant l'attitude de Jésus vis-à-vis des pharisiens, il n'est pas question pour lui de refuser la socialisation juridique faite par ces derniers, mais de lutter contre leur hypocrisie : ils enseignent ce qu'ils ne vivent pas et que pour eux : la loi devient plus importante que l'homme. Ces reproches de Jésus sont suffisamment présentés dans le chapitre 23 de l'Evangile de Matthieu où il leur reproche qu' :

- Ils disent, et ne font pas ;

- Ils lient les fardeaux pesants, et les mettent sur les épaules des hommes ; - Ils font toutes leurs actions pour être vus des hommes ;

- Ils aiment la première place dans les festins et les premiers sièges dans les synagogues ;

- Ils aiment à être salués dans les places publiques et à être appelés par les hommes rabbi, rabbi ;

- Ils ferment aux hommes le royaume des cieux et ils n'y entrent pas ;

- Ils dévorent les maisons des veuves et qu'ils font pour apparence des longues prières ;

- Ils courent la mer et la terre pour faire un prosélyte de qui ils font deux fois fils de la géhenne plus qu'eux-mêmes ;

- Ils laissent ce qui est important dans la loi : la justice, la miséricorde et la fidélité ;

- Ils nettoient le dehors de la coupe et du plat alors qu'au-dedans ils sont pleins de rapine et d'intempérance ; etc.

Ces caractéristiques des pharisiens du temps de Jésus et du début de l'Eglise montrent que la mise en pratique de la loi avait souffert de l'hypocrisie des pharisiens qui auraient dû être un modèle à suivre.

Bien que l'apôtre Paul soit accusé d'avoir interdit l'enseignement et la pratique de la loi (Actes 21, 28), le malentendu entre lui et les pharisiens comme avec les autres apôtres ne porte pas sur la nécessité ou pas de continuer la socialisation juridique, mais sur le moyen d'accession au salut offert par Jésus. Ceci est prouvé par le fait que lui-même, ayant été juridiquement socialisé auprès du grand docteur du pharisien (Gamaliel), il connaît ses droits de citoyen romain et les revendique, en faisant recours à la loi, lors de son arrestation à Rome (Actes 23, 3). Il prend Aussi soin de recourir à la loi dans ses enseignements, ils entre librement dans les synagogues où se faisait la socialisation juridique et demande au jeune Timothée de se rappeler de l'enseignement reçu de la part de sa grand-mère Aloïs qui était une juive pratiquante (2 Timothée 1, 5) ; il fait circoncire Timothée selon la loi (Actes 16, 3). C'est ainsi qu'il procède lui-même à la socialisation juridique en envoyant aux églises les parties de la loi qu'il demande de lire dans l'église :

- Dans Romains 7, 2-3 il ingère les instructions de la loi sur le mariage ;

- Dans Actes 7, 53 il montre que croire en Jésus c'est donner à la loi toute sa valeur ;

- Dans Romains 8, 4 il demande aux chrétiens de vivre comme la loi juive le demande ;

- Dans 1 Corinthiens 14, 34 il demande à l'église de ne pas permettre à la femme de parler dans l'assemblée selon la tradition juive.

Il apparaît donc que dans le Nouveau Testament la socialisation juridique était l'oeuvre des pharisiens, des apôtres, des judéo chrétiens et des anciens d'Eglise.

De cette étude sur le fondement théologique de la socialisation juridique, il ressort que le processus d'information et de formation des citoyens sur la loi est une mission confiée aux responsables politiques et spirituels du peuple de Dieu. Depuis le don de la loi au Sinaï par Dieu, Il insiste pour que le peuple soit tenu informé et ait un enseignement approfondi de la loi pour éviter la violence, la délinquance et l'anarchie dans la société. C'est pourquoi, dans la Bible, la paix et la prospérité du peuple de Dieu dépendent de la connaissance de la loi qui doit se manifester par sa mise en pratique. L'ignorance de la loi par le peuple conduit à sa perdition, à son malheur et à la violence (Osée 4, 6).

L'exemple d'Israël qui était toujours en déportation, dans les guerres et la misère
chaque fois que le peuple ignorait ou refusait de mettre en pratique la loi suffit pour

montrer que le processus d'information et de formation du peuple au droit contribue beaucoup au développement d'une culture juridique et de paix au sein d'un peuple, d'une nation ou d'un pays.

Loin d'être une innovation humaine, la socialisation juridique trouve sa source en Dieu qui insiste devant Moïse, Josué, les Juges, les rois, les sacrificateurs, les prêtres, les sages, les prophètes Ezéchiel, Esdras et Néhémie sur l'information et la formation du peuple au droit étant donné qu'il n'y a pas de pratique de droit sans la lecture (àø÷) et l'enseignement ou l'apprentissage (ïðù) de la loi par le peuple.

Pour faire émerger une culture juridique, cette socialisation juridique doit être non seulement globale (concernant toutes les lois) mais aussi globalisante (impliquant toutes les catégories sociales).

C'est la mauvaise interprétation des remarques que Jésus adresse aux Pharisiens et aux Scribes ainsi que de l'enseignement de l'apôtre Paul sur la loi et la grâce qui ont fait que la connaissance et la pratique de loi soient remises en cause et la socialisation juridique sans importance pour les chrétiens. Par conséquent, le travail de socialisation juridique fait par Héritiers de la Justice n'est pas en contradiction avec la foi chrétienne étant donné qu'il fait partie de la mission du peuple de Dieu dans le monde. C'est ce que soulignent E. FUCHS et P.-A. STUCKI : les DH tirent leur fondement de la loi de Dieu. Ainsi, affirment-ils, les DH doivent être reconnus dans leur portée ultime que si on les comprend comme l'expression même de la loi de Dieu120.

120 E. FUCHS et P.- A. STUCKI, Au nom de l'autre. Essai sur le fondement des droits de l'homme, Labor et Fides, Genève, 1985, p.125

Chap. IV. APPROCHE GLOGALE ET GLOBALISANTE DE LA SOCIALISATION JURIDIQUE

Ce chapitre développe l'accès aux lois comme un droit constitutionnel en RD Congo, la nécessité du rôle joué par l'Eglise dans la socialisation juridique en RD Congo et propose la manière dont HJ pourra capitaliser les différents milieux de socialisation dans le processus d'information et de formation des citoyens au droit au Su-Kivu.

II.4.1. L'accès aux lois comme droit constitutionnel en R. D. Congo

L'article 12 de la Constitution121 de la RD Congo dispose que tous les congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection. Cette égalité démocratique a une vertu pédagogique, pivot des valeurs républicaines et fondement de la légalité et du respect du droit qui ne peut être garantie aux citoyens que par la mise sur pied de dispositions officielles assurant l'accès de tous les congolais aux lois. Elle est la condition préalable d'une éthique fonctionnelle qui préfigure l'Etat de droit et constitue la seule base d'un développement durable et juridiquement garanti tant attendu par la population. Le contenu du deuxième paragraphe de l'article 62 de la Constitution qui dispose que toute personne est tenue de respecter la Constitution et de se conformer aux lois de la République sous- entend l'obligation qu'a chaque Congolais de se comporter conformément aux lois du pays. Et pourtant, le droit ne commande l'action de l'homme qu'après avoir été reçu matériellement et psychologiquement par celui à qui il s'adresse ; conçu et bien un accès réel à tout ce qui est objectivement présenté comme étant le droit.

C'est pourquoi, comme nous l'avons constaté chez les juifs, l'Etat de droit et de paix ne peut survivre que par la socialisation juridique des citoyens dans le cadre des valeurs et règles propres à assurer son fonctionnement. L'accès aux lois constitue de ce fait une donnée essentielle dans la réalisation de l'Etat de droit, non seulement dans la déclaration des textes de principes, mais aussi dans la réalité concrète. Car, toute culture juridique passe par les conditions de socialisation juridique et par les modalités de civilité au quotidien dans les modes de régulation.

121 Il s'agit de la Constitution régissant la troisième République promulguée et le 16 février 2006

C'est dans ce sens que le sixième paragraphe de l'article 45 de la Constitution dispose:

Les pouvoirs publics ont le devoir d'assurer la diffusion et l'enseignement de la Constitution, de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, ainsi que de toutes les conventions régionales et internationales relatives aux droits de l'homme et au droit international humanitaire dûment ratifiées.

Ce devoir de l'Etat congolais vis-à-vis de la population sous entend que l'accès aux lois du pays est un droit de chaque Congolais et suppose la réduction de l'ignorance de la loi par les citoyens ; l'accès aux lois dans le sens de la connaissance effective des normes et règles qui régissent l'ensemble du corps social ; l'accès aux lois comme la possibilité matérielle pour tout Congolais de faire valoir ses droits par les procédures prévues par la loi.

Les dispositions prévoyant explicitement l'accès aux lois sont nombreuses dans la Constitution de la RD Congo. Au lieu d'en faire une liste exhaustive, nous essayerons d'en faire un survol. La revendication de ses droits par la population suppose l'accomplissement préalable d'une mesure officielle d'information suivant la nature de la règle : publication, notification ou affichage constituent la formule la plus répandu d'informer les citoyens sur les lois les régissant. La publication des lois au journal officiel est l'un des moyens prévus par la Constitution dans son article 141; mais l'insuffisance de la pratique du journal officiel dans la publication et la diffusion des lois en RD Congo a conduit à l'ignorance quasi-totale des lois du pays par les citoyens. En ce début de la troisième République, l'Etat devrait respecter les clauses de l'article 45 qui lui demandent d'intégrer les droits de la population à la connaissance de la loi au programme d'alphabétisation et d'enseignement aux différents cycles scolaires et universitaires et dans tous les programmes de formation des forces armées, des forces de sécurité publique et assimilés. Il devrait également l'assurer dans les quatre langues nationales, par tous les moyens de communication de masse, en particulier par la radiodiffusion et la télévision, la diffusion et l'enseignement des lois.

régissent : Non seulement elles affirment l'obligation du pouvoir public à pourvoir et à faciliter l'accès aux lois, mais encore, elles en prévoient les moyens. On comprend dès lors que le principe « nul n'est sensé ignorer la loi » de l'article 141 puisse être contesté en RD Congo en l'absence d'une véritable politique de publication et de diffusion des règles juridiques. La pratique du Journal Officiel est très limitée dans ce pays et circonscrit l'accès aux textes juridiques aux seules chefs lieux des provinces si ce n'est qu'à Kinshasa, et encore qu'il faut avoir le moyen de se le procurer.

Les clauses du septième paragraphe de l'article 45 revêtent un intérêt particulier étant donné qu'elles prévoient que l'Etat a l'obligation d'intégrer les droits de la personne humaine dans tous les programmes de formation des forces armées, de la police et des services de sécurité. Ces dispositions sont pertinentes dans le contexte de la RD Congo étant donné que ce sont les militaires, les policiers et les agents de sécurité qui ont battu le record en violation des DH de la deuxième République à ce jour en passant par la période de transition allant de 1990 à 2006. Et pourtant, en sa section XII, la loi n° 04/023 du 21 novembre 20 04122 portant organisation générale de la défense et des forces armées pendant la transition, prévoyait la création d'un service d'éducation civique et patriotique des forces armées. Et qu'en son article 115, la même loi précise que le rôle de la justice militaire est de faire respecter la loi et de renforcer le maintien de l'ordre public et de la discipline au sein des Forces Armées.

Le contenu de l'article 45 de la Constitution de la troisième République, ainsi que des articles de la loi ci - haut citée, montrent également la nécessité de procéder à la socialisation juridique des militaires, policiers et des agents de sécurité en RD Congo.

Par ailleurs, le préambule de la Constitution présente la volonté du peuple congolais à bâtir, au coeur de l'Afrique, un Etat de droit et une nation puissante et prospère fondés sur une véritable démocratie politique, économique, sociale et culturelle; bien que ce préambule réaffirme l'adhésion et l'attachement du peuple congolais à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, aux Conventions des Nations Unies sur les Droits de l'Enfant et sur les Droits de la femme ; même si les lois de la RD Congo

122 CEDAC, Loi n°04/023 du 12 novembre 2004 portant organisation générale de la défense et des forces armées, éd. du CEDAC, Bukavu, mars 2005, pp. 59 et 53

étaient bonnes et présentaient des garanties suffisantes pour les citoyens, le fait qu'elles soient ignorées des citoyens restreint leur application et ne permet pas à ces derniers de les revendiquer ou de les défendre123. La stabilité politique et la construction de la paix en RD Congo ont besoin du droit. Or, seule la connaissance de ce droit peut en être le moteur. Mettre à la disposition des Congolais tout l'arsenal normatif (Constitution, Traités, lois, décrets, conventions internationales ratifiées par le pays) qui gouverne leurs activités et toutes les formes de rapports qu'ils entretiennent avec l'Etat, les collectivités et entre eux est un moyen indispensable pour l'émergence d'une culture juridique et de paix devant conduire à la stabilité politique et au développent tant attendu par tous.

L'accès aux lois sous entend à la fois une adaptation des moyens d'information et de publication des différentes lois et une diversification des acteurs pouvant contribuer à la socialisation juridique.

En République Démocratique du Congo, la présence des ONGDH (notamment celles appartenant aux églises) depuis la démocratisation du pays en 1990, a joué un rôle important dans ce domaine, surtout au Sud - Kivu où ces structures non gouvernementales se sont investies, non seulement dans les questions du développent local et des droits de l'homme, mais aussi dans la socialisation juridique; car, la « démission de l'Etat » dans ces domaines depuis la deuxième République montre bien l'abandon de la population à son propre sort.

La seule pratique de moyens classiques, et d'ailleurs insuffisante, de publication des lois (publication au Journal Officiel, notification ou affichage) est incapable d'atteindre le but dans un pays aussi continental que la RD Congo. L'expérience de la diffusion de la Constitution et de la loi électorale par la Commission électorale indépendante, a montré que le but de faire accéder tous les citoyens aux lois est loin d'être atteint ; soit à cause de l'ignorance, par la population, de l'importance de connaître les lois ; soit à cause des moyens financiers insuffisants, nous croyons surtout à la cause essentielle de l'analphabétisme de la population.

Le dispositif de l'article 45 de la Constitution propose des voies plus adaptées au
contexte de la RD Congo. : l'usage des médias, la vulgarisation des lois
fondamentales par l'enseignement aux niveaux primaire, secondaire et universitaire,

123 L'exemple de la deuxième République est très significatif sur ce point : Les forces de l'ordre traînaient arbitrairement la population en prison sous prétexte des manquements graves aux idéaux du parti qui étaient totalement ignorés par celle-ci.

puis des programmes de formation adaptés à certains corps de l'administration, la conception de la formation des fonctionnaires dans le contexte des mutations politiques et institutionnelles en cours dans le pays. Pour que cette socialisation juridique soit globalisante, l'article 142 de la Constitution demande au Gouvernement d'en assurer la diffusion en français et dans chacune des quatre langues nationales dans les délais de soixante jours à partir de la date de promulgation de la loi. Cet article soulève la question, non seulement de l'accès de tous à la loi, mais aussi de l'importance à y attacher pour mettre la population au courant de la loi le plutôt possible. C'est pourquoi, conscient du taux exorbitant de l'analphabétisme dans le pays, l'article 44 de la Constitution fait de l'éradication de l'analphabétisme un devoir national pour la réalisation duquel le Gouvernement doit élaborer un programme spécifique.

La « défaillance de l'Etat » congolais constatée depuis la Deuxième République, dans plus d'une de ses missions, dont celle de socialisation juridique ; le souci de stabiliser les institutions issues des élections de 2006, ne permet pas d'imaginer pour demain une structure étatique spécifiquement conçue et adaptée à la socialisation juridique des citoyens en République Démocratique du Congo. Ce qui rend encore plus nécessaire l'implication de l'Eglise, à travers ses ONGDH, dans le processus de socialisation juridique dans ce pays.

II.4.2. Nécessité du rôle joué par l'Eglise dans le processus de socialisation juridique en RD Congo

L'expérience de la Province du Sud - Kivu de 1990 à nos jours, rend incontestable le rôle joué par l'Eglise124 dans le domaine de la démocratisation et du développement du pays. Elle a été consultée en matière de décisions politiques, de planification et de mise en oeuvre des projets tant au niveau local que national. Elle offre souvent de nouvelles perspectives et possède une grande expérience dans les domaines tels que le développement de la base, la protection de l'environnement, la défense des DH et la protection des groupes défavorisés.

Au Sud- Kivu par exemple, l'Eglise (Catholique et Protestante) est plus active et mieux informée sur les cas de violation des DH et sur les besoins de la

124 Le mot Eglise implique ici tant les ONGDH créés par l'Eglise que celles créés par les chrétiens Laïcs.

population que les organes de l'Etat. Cela s'est matérialisé par la création de plusieurs Organisations Non Gouvernementales des DH d'obédience chrétiennes telles HJ, GJ, CDJP., APRODEPED, ICJP, Justice pour tous, CJP, CADHOM et AED, pour ne citer que celles là.

Employant des juristes qualifiés, ces ONGDH de l'Eglise disposent d'un large éventail de connaissances, de données juridiques et statistiques fiables, sur la situation des DH dans la Province. Ils sont le reflet d'un réel engagement de l'Eglise dans la promotion et la protection des droits des citoyens les moins pourvus. C'est pourquoi, en RD Congo en général, l'Eglise influence de plus en plus le gouvernement, mobilise la population à la base par le renforcement de ses institutions et accroît ses compétences jusqu'à avoir a une influence sur elle que le gouvernement est souvent accusé par celle-ci de « défaillant125 ». Par l'information, la sensibilisation et la formation de la population sur les lois, l'Eglise contribue beaucoup, à travers ces ONGDH, directement ou indirectement à la socialisation juridique de la population au Sud- Kivu.

Comme chez les juifs à l'époque de Jésus, la conception de la paix et des moyens d'y accéder n'est pas les mêmes au Sud -Kivu. L'on peut dès lors constater des similitudes entre la population juive et Congolaise en matière de moyen de la construction de la paix :

- La position des Zélotes qui avaient opté pour la guerre et la violence comme moyen d'établir la paix, était la même que celle des mouvements de résistance locale dénommé Maï Maï en RD Congo ;

- La position des esséniens qui ont trouvé la solution dans la vie de prière et de sanctification, s'est fait remarquer dans plusieurs mouvements de réveil spirituel et chez ceux qui fréquentaient les chambres de prière, et qui interprétaient la crise congolaise comme punition de Dieu aux Congolais qui se sont livrés à l'idolâtrie pendant la deuxième République ;

125 Sur ce plan, voir le rôle joué par l'Eglise pendant la période de l'incursion Ougando -Rwandaise à l'Est de la RDC ; le rôle joué par l'Eglise Congolaise pour la réussite de la transition (La commission électorale indépendante, la commission vérité et réconciliation et le Sénat ont été, pendant la transition, dirigés par les Leaders Chrétiens sans considérer autant de Laïcs animateurs des ministères) ; et son rôle dans la sensibilisation pour la paix et la réussite des élections organisées en juillet et octobre 2006 dans le pays.

- La position des Organisations chrétiennes des Droits Humains était celle des Sadducéens et Pharisiens qui ont opté pour la promotion et la protection des droits humains comme moyen de construction de la paix.

Telle est la situation à laquelle, nonobstant les tracasseries administratives, les expropriations, les législations politisées, les groupes d'intérêts formés par les composantes, les politiciens, l'armée et la police, font face tant l'Eglise que les ONGDH depuis 1990.

II.4.3. Les principaux milieux de socialisation juridique au Sud - Kivu

Pour que la socialisation juridique soit globalisante, Héritiers de la Justice devrait collaborer, en plus de l'école, avec les autres milieux de socialisation existant dans la Province. C'est le cas des confessions religieuses, des partis politiques, des syndicats, des mutualités tribalo ethniques, des familles, des médiats ainsi que des forces armées et de la police qui encadrent la population. Le but de cette approche est de pouvoir socialiser juridiquement toute la population.

En impliquant les divers milieux de socialisation juridique dans la Province, Héritiers de la Justice, bien que d'obédience chrétienne, l'on devra éviter la confusion entre la mission d'évangélisation et celle de socialisation juridique, pour deux raisons :

- L'objet de cette socialisation juridique n'est pas l'Evangile ou la loi de Moïse mais les instruments juridiques régissant le pays ;

- Le but dans ce processus n'est pas d'amener les âmes à Christ, mais de travailler pour l'émergence d'une culture juridique dans la Province à travers l'information et la formation de la population au droit.

Comme le rappelle bien J. ELLUL126, le droit est institué pour tous, ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. Les chrétiens font aussi partie d'une nation terrestre, et ils ont à se soumettre au droit de cette nation qui ne saurait être un droit chrétien, parce qu'est chrétien ce qui dérive de la foi en la personne de Jésus - Christ et l'on ne peut imposer ces conséquence à ceux qui n'ont pas cette foi.

De cette pensée d'ELLUL, il ressort que le droit fait partie du monde laïc et est laïc. Ainsi, pour promouvoir une culture juridique au Sud- Kivu, la socialisation juridique

126 J. ELLUL, Op. Cit., p.9

faite par l'Eglise à travers HJ devra revêtir une dimension globalisante atteignant à la fois les chrétiens et les non chrétiens, les enfants, les jeunes, les adultes et les vieux.

Sur le plan didactique, P. PERRENOUD127 relève que la fonction socialisante a moins d'emprises sur les adultes que chez les enfants mis en situation analogue. Les adultes affichent parfois des comportements d'indépendance aux consignes, aux règles, à l'autorité du formateur que ne le font les élèves. Cela tient au niveau de socialisation atteint par les adultes. Ainsi, HJ devra tenir compte des remarques ci- dessous évoquées dans le processus de socialisation juridique :

- Le dispositif pour la socialisation des enfants devra donc être l'éducation qui

développe la construction de l'identité de la personne chez ces derniers.

- Quant aux jeunes, un encadrement, une guidance, un pilotage seront d'autant plus nécessaires que l'on ira vers le début de la scolarité ; d'où les consignes plus nombreuses, un accompagnement par un responsable et des rapports de « savoirs sociaux ». La socialisation chez les jeunes consistera donc au développement de savoir être, de savoir devenir. Le dispositif éducatif pour les jeunes dont la socialisation est en pleine élaboration, doit avoir nécessairement ce double objectif : éducation et apprentissage.

- Pour les adultes ayant acquis un degré de socialisation et de savoir-faire plus développé que les enfants et les jeunes, la formation est plus socialisant que l`éducation et l'apprentissage.

HJ devra donc tenir compte du fait que si pour les enfants l'éducation est l'approche indiquée et pour les jeunes c'est à la fois l'éducation et l'apprentissage, alors que la formation qui est l'approche la mieux indiquée pour les adultes. Car, C. DUBAR128 fait remarquer que l'éducation, avec et par la socialisation, développe la construction de l'identité de la personne qu'est l'enfant ; alors que la formation a pour effet de développer l'identité professionnelle de l'adulte. Ces considérations d'ordre pédagogique sont à prendre en compte dans le processus de socialisation juridique

127P . PERRENOUD, De la construction des identités sociales et professionnelles, A. Colin, Paris, 1991, p. 7

128 . DUBAR, La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, A. Colin, Paris, 1991, p. 7

à travers diverses structures de socialisation que pourra exploiter Héritiers de la Justice au Sud - Kivu.

II.4.3.1. La famille

La valeur et la nécessité de la famille comme cellule de base de la communauté humaine sont bien reconnues par la Constitution de la RD Congo en son article 40 qui souligne qu'elle est placée sous la protection des pouvoirs publics.

Comme le soulignent BERGER et LUCKMANN129, l'intervention de la famille dans le processus de socialisation se situe au stade primaire; donc au tout début de la socialisation de la personne. Ainsi, précisent-ils, la famille est l'organe clé de construction de la personnalité de base. En tant que milieu de socialisation, la famille doit être impliquée dans le processus de l'émergence d'une culture juridique et de paix au Sud- Kivu. C'est ce qu'a aussi constaté Andras SAJO130 dans une étude sur la socialisation juridique en Hongrie où les opinions des parents sur le problème de l'avortement par exemple, avaient plus d'impact que celles des enseignants auprès des jeunes adolescents de 17 ans enquêtés dans dix classes scolaires.

Il ressort que le rôle des parents comme agents et de la famille comme milieu de socialisation est primordial et son efficacité sans faille. De ce fait, Héritiers de la Justice doit mettre beaucoup d'importance dans la socialisation juridique des parents dont dépend la socialisation des enfants à travers la famille et l'école.

Parlant du rôle que joue la cohérence entre le dire et le faire des parents sur l'appropriation d'une culture politique par les enfants, Philippe BREAUD dit :

Ce sera par exemple, dans la famille, la convergence entre ce que disent les parents du bon usage de l'autorité, la manière dont ils se comportent dans les relations de pouvoir entre eux ou à l'extérieur, enfin le mode concret de distribution de tâches entre tous les membres... ainsi, les préférences politiques des parents ont-elles de meilleures chances d'être intériorisées par leurs enfants si l'environnement local est lui-même majoritairement marqué131.

129 BERGER et LUCKMANN, « Famille et socialisation » in, http://www3.ac-clemont.fr/pedago/sec/ sujets/prem/socialisation_fp.htm

130 A. SAJO, La socialisation juridique en Hongrie sous le communisme et après le communisme in http://G:/ds01 9- 12.htm

131 P. BRAUD, Socialisation politique, 7ème éd., L.G.D.J., 2004, p. 277

Parlant du rôle du langage dans l'assimilation des concepts juridiques les plus courants, C. KOURILSKY132 soutient cette idée de BREAUD en disant que la famille transmet à l'enfant tous les concepts communs au langage juridique et au langage quotidien (droit, responsabilité, autorité, égalité, tolérance). Elle lui transmet aussi sa propre compréhension des connaissances et jugements de valeurs (loi, juge, Etat). Ces deux auteurs soulèvent la question de l'importance à attacher à l'appropriation d'une culture juridique par les parents pour l'émergence d'une culture juridique et de paix chez les enfants. Si l'information et la formation au droit sont bien faites chez les adultes, les parents (père et mère) peuvent donner des informations de base sur les lois et le droit, les interpréter et formuler des commentaires embryonnaires à leurs enfants.

Précisons cependant que le fait que les normes et valeurs évoluent au Sud - Kivu ne signifie pas nécessairement que la famille a perdu son sens dans la Province. Sa place dans le processus de socialisation juridique reste déterminante étant donné le rôle qu'elle a joué pendant les conflits : l'adhésion massive des jeunes dans les mouvements politico militaires à base tribale133 comme preuve du patriotisme ; le fait que les membres de plusieurs familles soit victimes de viols et violences pendant les guerres atteste le caractère décisif de sa contribution montrent à l'émergence d'une culture juridique et de paix dans la Province.

S'agissant du mécanisme de la socialisation à travers la famille, Patrick ROBO134 précise que l'enfant acquiert les éléments de la culture par deux mécanismes :

1 ° Par l'apprentissage :

- Répétition : l'enfant répète les mêmes choses que les parents. Ainsi cela devient un réflexe ;

- Imitation : l'enfant imite ses parents

- Renforcement/Coercition : l'enfant reçoit les récompenses/punitions et son apprentissage se structure en conséquence.

2° Par l'intériorisation d'autrui : elle complète l'apprentissage. L'accent est mis sur

132 C. KOURILSKY, Op. Cit.

133 Nous faisons ici allusion aux mouvements mai mai qui ont été créés dans les différentes tribus de la Province : les Batembo, les Bavira, les Bafuliro, les Bambembe, etc

134 P. ROBO, De la socialisation, janvier 2002, in http://probo.free.fr

l'importance de l'interaction. C'est par ce moyen qu'on acquiert un rôle social.

Dans le processus de socialisation juridique à travers la famille, HJ devra procéder par la création des paillotes pour les rencontres avec les parents et adultes dans les quartiers et /ou villages ainsi que des clubs pour des rencontre avec les enfants et les jeunes. Ici encore, la présence des structures locales comme CMD, EPP, ECOPA est nécessaire.

Dans le processus de socialisation juridique à travers la famille, les instruments juridiques suivants feront l'objet de socialisation : la Constitution du Pays, le code de la famille, les pactes, conventions et traités ratifiés par la RD Congo tant au niveau régional qu'international. Ceci n'exclut pas des séances exceptionnelles de socialisation juridique des femmes, filles et enfants sur les instruments juridiques spécifiques.

II.4.3.2. Les confessions religieuses135

L'article 22 de la Constitution garantit le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion et dispose que toute personne a le droit de manifester sa religion ou ses convictions, seule ou en groupe, tant en public qu'en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques, l'accomplissement des rites et l'état de vie religieux, sous réserve du respect de la loi, de l'ordre public, des bonnes moeurs et des droits d'autrui. Cet article sous entend au préalable la connaissance de la Constitution, des lois régissant les asbl et les confessions religieuses en RD Congo ainsi que les différents textes ratifiés par la République tant au niveau régional qu'international.

Avant de fréquenter l'école, l'enfant est déjà amené à l'église par ses parents ou par les membres de la famille. L'église devra donc collaborer avec les parents pour son éducation à la fois religieuse et civique.

Selon une étude réalisée par le Réseau d'Innovation Organisationnelle sur les conflits et leurs causes au sein des églises membres de l'ECC/ Sud - Kivu,,il s'est avéré que la culture juridique peu développée occupe, avec le tribalisme et

135 Nous prendrons ici l'exemple de l'E. C. C. à travers les communautés la constituant. Les mécanismes de la socialisation juridique utilisés à travers cette confession religieuse seraient adaptés à d'autres religions et confessions religieuses selon leurs organisations et livres sacrés.

l'ethnicité, la deuxième place - après la course au pouvoir, comme cause des conflits dans les églises136. Non seulement que les textes régissant ces églises accusent beaucoup de lacunes d'ordre juridique, mais aussi parce que la plupart des leaders ecclésiastiques ne connaissent pas les lois régissant les « asbl » et n'ont pas en eux- mêmes une culture juridique. Ce manque de culture juridique au sein des églises se manifeste par le fait que :

- La plupart des conventions se font oralement ;

- Les textes ne sont pas respectés ;

- L'on ne se réfère pas souvent aux textes lors de la résolution des problèmes ; - Ces textes ne sont pas souvent adaptés à la réalité de la vie ;

- Ils renferment beaucoup de vides et d'erreurs juridiques ;

- Ils sont presque ignorés par les membres et certains responsables ;

- Ils ne contiennent pas les dispositions de retraite et de sécurité sociale garantissant la survie de ceux qui quittent le pouvoir.

Somme toutes, les confessions religieuses du Sud- Kivu n'ont pas une culture juridique et nécessitent par conséquent une socialisation juridique adéquate. C'est ce que, parlant de la nécessité de la connaissance du droit par les chrétiens, Jacques ELLUL affirme en disant: et de même qu'il est nécessaire de leur (les chrétiens) apprendre ce qu'est l'Etat et pourquoi ils doivent lui obéir, de même il est nécessaire de leur enseigner le fondement et la finalité du droit, de leur former une conscience juridique1 37.

Outre ce manque d'une culture juridique en leur sein, les confessions religieuses ont été victimes de violation de leurs droits de la part de l'Etat (expropriation de leurs terrains, arrestations arbitraires, les viols et violences faits à leurs membres, etc.) par ignorance de leurs droits en tant que Congolais. Et pourtant, parlant de la nécessité de la connaissance du droit par les missionnaires dans les pays étranger, Marc BOEGNER souligne :

Assurément les missions poursuivent un but essentiellement religieux : apporter l'Evangile aux peuples qui ne le connaissent pas encore, et, par cela même, implanter l'Eglise chrétienne dans les pays où elle n'exerçait antérieurement aucune action. Elles n 'en sont pas moins obligées, cependant, par le développement même de la vie chrétienne individuelle et collective, d'organiser

136 MATENDO, Les conflits et leurs causes au sein des communautés membres de l'ECC/Sud-Kivu, Exposé

présenté à Bukavu, août 2006

137 J. ELLUL, Le fondement théologique du droit, Delachaux et Niestlé, Paris, 1946, p. 107

des communautés, des écoles et des hôpitaux. Dès lors, elles deviennent nécessairement propriétaires et leur propriété doit être reconnue et garantie par la loi138.

Ce constat de BOEGNER montre que la nécessité pour l'église de développer une culture juridique qui se caractérise par l'implication de la loi dans le fonctionnement de l'Eglise est un impératif et vaut pour les communautés membres de l'ECC/ Sud - Kivu qui ont réussi à créer des structures qui nécessitent une couverture juridique139.

Pour ce faire, Héritier de la Justice devra collaborer avec les départements d'éducation chrétienne et de développement140 pour une socialisation juridique de la population à travers l'Eglise. Dans cette collaboration, un programme devra être conçu en vue de la conception d'un guide pédagogique adapté au différents groupes et niveaux de l'éducation chrétienne. Les cadres à exploiter à travers l'Eglise seront :

- Au niveau de l'ECC: Le comité exécutif, le COPAB, la FFP et bien d'autres

cadres en collaboration avec RIO, le COPARE et le programme éducation à la

démocratie qui ont déjà des partenaires sur le terrain ;

- Au niveau de chaque communauté : Le conseil d'administration, le comité exécutif, les départements de l'éducation chrétienne, de développement, de la femme et famille, des oeuvres sociales, de l'évangélisation et vie de l'église, la coordination des écoles primaires secondaires et professionnelles et des instituts bibliques ainsi que les délégations provinciales ou les régions ecclésiastiques ;

- Au niveau des paroisses : le conseil paroissial, l'école du dimanche, les comités de jeunes, les comités des mamans, comités des papa, les chorales. Cette vision sous-entend donc la création des structures de base dans chaque communauté et paroisse que l'on nommerait par exemple comité de défense des DH ou comité Justice et paix.

138 M. BOEGNER, Les missions protestantes et le droit international, Librairie Hachette, Paris, 1929, p. 8

139 A titre d'exemple, nous pouvons citer le cas de la 8ème CEPAC qui a déjà 724 paroisses autonomes avec bâtiments, 2 écoles maternelles, 535 écoles primaires, 193 écoles secondaires, 3 hôpitaux, 12 c entres hospitaliers, 154 centres et postes de santé, 2 pharmacies centrales, 2 instituts des techniques médicales, etc. cfr. MAENDELEO KUSHIBWIRE, Interview accordé à Bukavu le 22 août 2006

140 Dans les religions non chrétiennes, Héritiers de la Justice pourra, avec l'aide de ses techniciens, étudier

les cadres à collaborer avec.

En ce qui concerne les instruments juridiques devant faire l'objet de cette socialisation juridique à travers les confessions religieuses, nous pouvons citer la Constitution de la RD Congo, la loi régissant les « asbl » et les confessions religieuse dans le Pays, les traités, pactes et conventions ratifiés par le pays au niveau régional et international ainsi que d'autres instruments juridiques jugés importants.

II.4.3.3. L'école

L'article 43 de la Constitution accorde le droit à toute personne à l'éducation qui est pourvue par l'enseignement national. L'article 45 ajoute que les Pouvoirs publics ont le devoir de promouvoir et d'assurer, par l'enseignement, l'éducation et la diffusion, le respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales et des devoirs du citoyen énoncés dans la présente Constitution.

Cet article sous-entend que l'Etat congolais reconnaît le rôle que doit jouer l'école dans la socialisation juridique de la population.

Tout en reconnaissant le rôle des liens affectifs (au sein de la famille) dans la facilitation de la transmission des traits culturels, E. DURKHEIM141 fonde la nécessité de l'école comme milieu pouvant compléter le processus de socialisation déjà amorcé par la première est trop douce, trop instable pour permettre l'apprentissage des règles morales abstraites.

A la différence de la famille et des confessions religieuses, la socialisation juridique à travers l'école devra emprunter le canal officiel du programme d'enseignement en collaborant avec le ministère de tutelle pour l'intégration, dans l'enseignement d'histoire, de géographie, d'éducation civique, de morale et d'éducation à la citoyenneté. Pour ce faire, outre le guide pédagogique de l'éducation des enfants aux droits de l'homme et à la paix conçu en mai 2000142, HJ mettrait à la disposition d'institutions d'enseignement supérieures et universitaires un autre guide pédagogique pouvant approfondir ce que les enfants reçoivent de la famille, de l'églises, des écoles maternelle, primaire, secondaire et professionnelle. Là encore, les écoles conventionnées protestantes, catholiques et kimbanguistes pourront bénéficier de la collaboration entre HJ et les confessions religieuses fondatrices dans le domaine de la socialisation juridique. Ce sera le cas des cours de morale, de

141 E. DURKHEIM, « Famille et socialisation » in, Op. Cit.

142 Précisons que ce guide pédagogique de mai 2000 a été révisé et compété en 2006

religion et de l'éthique qui pourront également développer d'autres notions pouvant contribuer à la socialisation juridique des élèves et étudiants.

En RD Congo, de la deuxième République à nos jours, les étudiants au Sud - Kivu ont développé une culture de délinquance manifestée à travers les casses, le libertinage, de violence et de liberticide : Lorsqu'ils ne se comprennent pas avec le comité de gestion sur une question d'ordre académique, soit ils cassent les vitres, arrêtent les membres du comité de gestion, certains de leurs collègues ; en cas de la mort d'un de leurs, ils descendent dans la rue et prennent en otage les véhicules des particuliers sans leurs consentement ; lorsque l'un des leurs a un problème personnel avec un particulier ou avec les membres de sa famille, les étudiants quittent le campus pour aller saccager les maisons, prendre en otages les gens ou confisquer les objets d'autrui. C'est ce qu'ils appellent raide. Cette pratique a atteint son point culminant lors de l'affaire Tontine en 2005. Tous ces agissements sont les caractéristiques de la délinquance. Ces exemples montrent qu'ils ont besoin d'une socialisation juridique pouvant les aider à développer une culture juridique et de paix.

Les instruments juridiques devant faire l'objet de la socialisation juridique à travers l'école sont : La Constitution du pays, les lois régissant l'enseignement et le syndicat d'enseignants dans le pays, les instructions académiques établies par le ministère de tutelle ainsi que les différents pactes, conventions et traités ratifiés par le pays tant au niveau national qu'international.

II.4.3.4. Les Mutualités tribalo - ethniques

L'article 37 de la Constitution dispose que l'Etat garantit la liberté d'association et que les pouvoirs publics collaborent avec les associations qui contribuent au développement social, économique, intellectuel, moral et spirituel des populations et à l'éducation des citoyennes et des citoyens. Dans l'article 51, la Constitution donne à l'Etat le devoir d'assurer et de promouvoir la coexistence pacifique et harmonieuse de tous les groupes ethniques du pays.

L'existence des mutualités tribalo-ethniques au Sud- Kivu nécessite qu'elles soient bien encadrées et que leurs membres soient informées et formés sur la Constitution, les lois régissant les associations, des textes régionaux et

internationaux ratifiés par la République pour qu'elles contribuent à l'émergence d'une culture juridique et de paix en RD Congo étant données le rôle qu'elles ont joué dans l'entretien et le transfert des conflits pendant les guerres.

Au Sud - Kivu, les mutualités tribalo ethnique ont pris un élan les amenant à constituer un autre nouveau cadre d'importance non négligeable à capitaliser pour la socialisation juridique. C'est dans ce cadre que l'on retrouve, Lokochi pour la tribu Zimba, Lusu pour la tribu de Warega, Emo'ya m'bondo pour les Babembe, etc. Tous ces regroupements à base tribale et ethnique se retrouvent réunies dans une structure dénommée Barza inter communautaire du Sud - Kivu.

Il y a lieu de souligner aussi le rôle important joué plus tard par cette structure dans l'amortissement des tensions entre tribus pendant la période des guerres et dans la résolution des conflits tribalo - ethniques dans la Province.

Dans le processus de socialisation juridique à travers ce cadre de socialisation, Héritiers de la Justice procédera par la traduction des différents instruments juridiques, pouvant faire l'objet de la socialisation, dans les différentes langues locales. Elle devra donc capitaliser les enfants, la jeunesse, les femmes, les hommes de chaque tribu et le Barza inter communautaire au niveau provincial.

Compte tenu du niveau de l'analphabétisme de la population rurale, HJ devra également collaborer avec les structures qui gèrent le programme d'alphabétisation pour procéder à la socialisation juridique des analphabètes.

Les instruments juridiques devant faire l'objet de socialisation juridique à travers les mutualités tribalo ethniques sont : La Constitution de la République, la loi régissant les associations, les traités, conventions et pactes ratifiés par le pays tant au niveau régional qu'international.

II.4.3.5. Les partis politiques

L'article 6 de la Constitution reconnaît le pluralisme politique en RD Congo et reconnaît le droit, à tout Congolais jouissant de ses droits civils et politiques, de créer un parti politique ou de s'affilier à un parti de son choix. L'article précise que les partis politiques concourent à l'expression du suffrage, au renforcement de la conscience nationale et à l'éducation civique. Ils se forment et exercent librement leurs activités dans le respect de la loi, de l'ordre public et de bonnes moeurs. Ainsi,

ils sont tenus au respect des principes de démocratie pluraliste, d'unité et de souveraineté nationales. C'est dans la confirmation de ce multipartisme qu'à son article 7, la Constitution de la RD Congo qualifie l'institution d'un parti unique d'une infraction imprescriptible de haute trahison et punie par la loi.

Définis par P. BRAUD143 comme des organisations, relativement stables, qui mobilisent des soutiens en vue de participer directement à l'exercice du pouvoir politique au niveau central et/ou local, les partis politiques ont un rôle important à jouer, comme milieu de socialisation, dans l'émergence d'une culture juridique. Les partis politiques accomplissent trois fonctions: ils clarifient les choix électoraux, sélectionnent les candidats aux fonctions électives et sont facteurs d'intégration sociale144. C'est en tant que facteurs d'intégration sociale que les partis politiques au Sud - Kivu devront être capitalisés par HJ.

Parlant du rôle que joue les partis politiques dans la formation de l'opinion, Roger- Gérard SCHWARTZENBERG145 précise que les partis politiques contribuent à créer ou à maintenir une conscience politique en assurant l'information et la formation de l'opinion ; ils assurent un encadrement thématique, doctrinal ou idéologique des électeurs et des candidats. Ils clarifient et alimentent le débat politique, en explicitant plus clairement les choix.

En RD Congo existe l'absence d'une culture politique bâtie sur la tolérance, le respect de l'opinion d'autrui, le respect de la liberté d'adhérer à un parti de son choix, le respect des Droits Humains ; etc. Ayant évolué dans une culture politique à régime dictatorial sous MOBUTU suivie des guerres alimentées par la géo politique et l'ethno tribalisme, les partisans des différents partis politiques en RD Congo nécessitent une socialisation juridique pouvant permettre la construction d'un Etat de droit.

Il y a lieu de signaler la culture de casse, d'injures et de violence manifestée par les
partisans de différents partis politique qui sont parvenus à détruire ou à incendier les
bureaux des autres partis politiques. Depuis la deuxième République, l'opposition

143 P. BRAUD, Op. Cit., p. 429

144 KITOKA MOKE MUTONDO, Eglise et Etat, Cours inédit dispensé à l'Université Evangélique en Afrique, 2005 - 2006, p.19

145 R. - G. SCHWARTZENBERG, La sociologie politique, Montchretiens, Paris, 1998, 5ème éd., 408

politique est considérée comme ennemi du pouvoir. La culture de marche non pacifique, de casse et d'injures publiques qu'affichent les opposants politiques et leurs partisans146, nécessite que les partis politiques (toutes tendances confondues) soient juridiquement socialisés.

L'expérience de la violence, de l'intolérance et de la délinquance affichées par les partisans des différents partis politiques147, les discours envenimant des politiciens congolais lors des campagnes présidentielles de juillet et octobre 2006 témoignent de la nécessité d'un processus d'information et de formation au droit de la population à travers les partis politiques.

Parmi les mérites de la transition en RD Congo, l'on peut citer l'évolution des partis politiques qui sont passés des partis de cadres aux partis de masses libérant ainsi la population d'une prise en otage dont elle a été victime de la part de certains leaders politiques qui se faisaient charismatiques148.

En travaillant avec les partis politiques dans le processus de socialisation juridique, Héritiers de la Justice devra focaliser son attention sur le leadership politique, la jeunesse, les femmes partisanes et les hommes partisans de chaque parti ainsi que les cadres à différents niveaux (Village, Collectivité, Chefferie, Territoire et Province).

Dans les partis politiques, les instruments juridiques suivant feront objet de la socialisation :La Constitution du Pays, la loi régissant les partis politiques et l'opposition et les pactes, traités et conventions ratifiés par la R. D. C. tant au niveau régional qu'international.

II.4.3.6. Les médias

L'article 24 de la Constitution dispose que la liberté de presse, la liberté d'information et d'émission par la radio et la télévision, la presse écrite ou tout autre moyen de communication, sont garanties sous réserve du respect de l'ordre public, des bonnes moeurs et des droits d'autrui. Ceci implique que les médias doivent être

146 Le discours de l'une de commissions à la CNS in Mobutu roi du Zaïre, Vol. 2

147 La culture de casse, d'injures et de violence manifestée par les partisans de différents partis politique qui sont parvenus à détruire ou à incendier les bureaux des autres partis politiques

148 KITOKA MOKE MUTONDO, Les élections en RD Congo. Quels enjeux sur la paix dans la région des pays des Grands Lacs africains, Conférence animée à l'Université Evangélique en Afrique, juillet 2006

juridiquement socialisés pour qu'ils connaissent et comprennent la Constitution, les lois fixant les modalités d'exercice de ces libertés et régissant les médias en RD Congo et tous les autres textes ratifiés par le pays tant au niveau régional qu'international.

Le fait même que parmi les deux institutions d'appui à la démocratie que sont le conseil supérieur de l'audio visuel et de la communication soient retenu comme institutions d'appui à la démocratie, implique l'importance que la Constitution de la RD Congo accorde aux média comme moyen très important pour le changement et la formation des opinions. C'est dans ce cadre que l'article 112 de la Constitution attribue pour mission à cette institution, non seulement de garantir la liberté et la protection de la presse et de tous les moyens de communication de masse dans le respect de la loi, mais aussi de veiller au respect de la déontologie en matière d'information et à l'accès équitable des partis politiques, des associations des citoyens aux moyens officiels d'information et de communication.

Le rôle des médias dans la formation de l'opinion public nécessite que ce cadre puisse , non seulement bénéficier de la socialisation juridique, mais aussi contribuer à la socialisation juridique du reste de la population étant donné qu'il a un pouvoir de suggestion reposant sur son caractère d'intrusion et de persuasion de la programmation permanente et délibérée d'images animées, inanimées et de son qui jouent un rôle non négligeable dans le changement d'opinion, d'attitude et de comportement de la population.

Reconnaissant l'importance des médias dans la communication juridique, Guillaume Joseph FOUDA dit :

L'idée de l'utilisation des médias comme moyen de communication juridique nous paraît comme particulièrement appropriée. Non seulement parce que plus d'un foyer sur deux disposent déjà d'un récepteur radio, mais plus encore parce que l'importance des moyens de communication de masse est un fait reconnu par la plupart des chercheurs en sciences sociales qui l'abordent comme un spectacle composé de discours et d'images149.

149 G. J. FOUDA, L'accès au droit : richesse et fécondité d'un principe pour la socialisation juridique et l'Etat de droit en Afrique noire francophone in http://www.afrilex.u-bordeaux4.fr/ pdf/1doc3fouda.pdf

Matthias PREISWERK150 soutient cette idée en évoquant le rôle non négligeable qu'a joué la Radio PIE XII dans l'éducation populaire en Bolivie lorsqu'il affirme que la Radio est un moyen de communication et d'expression populaire particulièrement important.

Au Sud - Kivu, comme dans l'ensemble du pays, les médias officiels ont été plus au service du pouvoir qu'à celui de la population. Corrompus, les journalistes ne pouvaient diffuser que ce qui leur était dicté par ceux qui leur donnaient de l'argent. C'est ce qu'affirme Cyprien BIRINGINGWA en disant :

Les acteurs de la radio et de la télévision officielles, regroupés au sein de la RTNC sont perçus par la population comme ce qu'ils sont réellement : des propagandistes, des hauts parleurs qui diffusent à longueur des journées, « la voix de leur Maître » sans aucun sens critique. Certains vont jusqu'à l'excès en enjolivant, pour un intérêt ou un autre, le message qui leur a été imposé151.

C'est cette corruptibilité de la radio et de la télévision officiels qui a rendu nécessaire et célèbre la création des radios privées qui, malgré les intimidations, l'arrestation de leurs agents et la fermeture toujours répétée de certaines d'en elles, ont su jouer leur rôle de briser le silence devant les violation massives des DH dans la Province. Parmi ces radios nous pouvons retenir la radio Maendeleo, la radio Ave Maria et la Radio sauti ya Rehema. Parlant de la fermeture de la Radio Maendeleo par le RD Congo, MUSHIZI NFUNDIKO KIZITO rapporte que l'un des conseillers de la rébellion avait justifié cette fermeture en disant : Pendant la guerre, il n'y a pas de démocratie : vous n'avez pas aidé notre mouvement à être accepté, on va vous suspendre pour non respect du cahier des charges152.

Malgré cette bravoure de ces radios, Cyprien BIRINGINGWA remarque qu'un constant plutôt amer se dégage au regard de la profession du journaliste communicateur dans la Province du Sud - Kivu : la presse y est quasi inexistante si l'on considère à leur juste valeur les paramètres qui doivent définir ce métier. Les journalistes, mal payés, en sont réduits à monnayer leurs articles pour une interview

150 M. PREISWERK, L'éducation populaire : Un lieu théologique. Quatre exemples boliviens, Labor et Fides, Genève, 1994, p. 145

151 C. BIRINGINGWA, « Au Sud - Kivu, le pouvoir fait des journalistes des griots » in Op. Cit., pp. 111 - 113

152 MUSHIZI NFUNDIKO KIZITO, « Maendeleo, une radio dans la guerre » in Parole d'Afrique centrale : Briser les silences, Karthaka, Paris, 2003, pp. 107 - 110

auprès de leurs « sponsors », hommes politiques ou hommes d'affaires153. Ce qui fait que cette couche des faiseurs d'opinion a besoin d'une formation pouvant lui permettre d'être à la hauteur de sa mission. En RD Congo en général et au Sud - Kivu l'implication des médias dans le processus de socialisation juridique se justifie par le rôle parfois négatif qu'ils ont joué pendant la deuxième République et durant toute la période de la transition :

- Ils ont servi, dans le monopartisme, comme cadre d'idéologisation de la population,

- Ils ont servi l'AFDL et l'ont facilité dans la guerre contre Mobutu en sensibilisant des enfants dits Kadogo (enfant soldat) pour leur enrôlement dans l'armée154.

- Ils ont, pendant les campagnes électorales, servies aux différents partis politiques du pays.

En RD Congo, d'autre part, au lieu de contribuer à la compréhension mutuelle et à la tolérance entre les groupes tribalo - ethniques, les militants des différents partis politiques, l'Est et l'Ouest du pays, les médias ont plutôt contribué à propager la haine, la division et la fragilité de l'esprit national. De manière que chaque radio et /ou télévision est suivi par les membres du parti politique, partie du pays, groupe ethnique ou tribal auquel appartient le leader de tel ou tel autre parti politique155. Et pourtant, comme l'a bien signalé Sergueï LAVROV, le potentiel des médias doit être employé pour le rapprochement des peuples, pour l'intensification du dialogue et la promotion des rapports humanitaires156.

Parlant des propagandes, Jacques ELLUL157 soutient fermement ce rôle négatif des moyens de communication intellectuels (radio, presse) pendant les propagandes en montrant que loin d'unir et de rapprocher les hommes, ils les

153 Ibidem

154 L'on se rappellera des émissions animées par Raphaël BAKEMANA à la RTNC pour le « lavage

de cerveau » de la population en faveur de l'idéologie de l'AFDL, les chansons révolutionnaires diffusées par les médias, etc.

155 C'est le cas de Digital Congo pour le PPRD et CCTV pour le MLC qui ont

beaucoup contribué à cette division. La création même de la Radio Maria d'un coté et IBRA Radio et Sauti ya Rehema de l'autre, suffit pour montrer combien les catholiques ont leur radio et les protestants ont les leurs au Sud- Kivu.

156 S. LAVROV discours prononcé le 1er décembre 2006 et cité dans LAVROV insiste sur le rôle croissant des médias dans la formation du climat international in http:/ fr.rian.ru/society/2006 12O 1/56328920.html

157 J. ELLUL, Propagandes, éd. Economica, 1990, p. 236

divisent. Car, selon lui, on trouve dans cette propagande des éléments de critique et de réfutation dirigés contre les autres groupes.

A côté du rôle négatif joué par les médias, Fernand TALA- NGAI rappelle que la presse écrite et audiovisuelle a également joué un rôle positif dans le changement de l'opinion publique en tant que faiseur d'opinion. C'est ce qu'il affirme dans le cas de la RD Congo en disant :

C'est grâce à la témérité de la presse privée nationale que malgré toutes les brimades, arrestations, interdictions, spoliations endurées, un certain droit à la parole a pu être préservé et que les avancées ont pu être constatées. Dans cet optique, les responsables d'éditions, de publications, de rédaction comme les journalistes, sont des faiseurs d'opinion158.

Ainsi, dans le processus de socialisation juridique de la population par les médias, Héritiers de la Justice devrait commencer par la socialisation juridique des propriétaires des médias privés et publics, des membres des conseils d'administration, des directeurs et chefs de services ainsi que des journalistes. Parlant de l'affectation du monde du travail par les lois sociales et restrictives qui voient le jour aux USA, Henry H. SCHULTE et Marcel P. DUFRESNE159 soulignent que le journaliste doit se poser les questions suivantes chaque fois qu'une loi vient d'être promulguée :

- Qu'y a -t-il dans la loi ?

- Qui touche-t-elle ?

- Comment les normes vont-elles changer ?

- Quelle est la réaction de l'industrie du bâtiment et des fonctionnaires chargés de veiller à l'application de la loi ?

- Comment la loi va-t-elle affecter les calendriers des principaux chantiers en cours ?

Toutes ces questions sous entendent que le journaliste doit connaître toutes les lois possibles pour pouvoir participer au processus de socialisation juridique de la population. C'est à ce niveau que doit également intervenir la déontologie

158 F. TALA - NGAI, R.D.C. de l'an 2001 : Déclin ou déclic ?, éd. Analyses sociales, Kinshasa, 2001, p. 106

159 H. H. SCHULTE et M. P. DUFRESNE, Pratique du journalisme, Traduit de l'Américain par Christine DEMOREL et Michel Le SEAC'H pour le chapitre 5, Macmillan College Publishing Company, Paris, 1999, p. 209

journalistique étant donné que le journaliste, comme tout citoyen, est à la fois sujet du droit et de droit : il est situé, en tant que Congolais, dans un pays doté d'un système juridique précis qui attend de lui qu'il se conforme aux règles communes mais aussi lui reconnaît des droits en tant que citoyen et journaliste. C'est dans cette optique que Daniel CORNU rappelle qu'en son troisième principe, la déclaration de l'Unesco sur les médias précise la responsabilité sociale du journaliste en ces mots :

Dans le journalisme, l'information est comprise comme un bien social, et non comme un simple produit. Cela signifie que le journaliste partage la responsabilité de l'information transmise. Il est donc responsable, non seulement envers ceux qui dominent les médias mais, en dernière analyse, envers le grand public, la diversité des intérêts sociaux étant prise en compte. La responsabilité sociale du journaliste requiert qu'il agisse en toutes circonstances en conformité avec sa propre conscience éthique160.

Dans le même ordre d'idée Laurent- Charles BOYOMO ASSALA161, citant le code d'éthique des professionnels de la communication de l'International
Association of Business Communication (IABC), renchérie en disant que les communicateurs publics doivent-ils être particulièrement dans la conduite des opérations de communication, attentifs aux dispositions légales qui préservent l'égalité des citoyens et assurent le bon usage de l'argent public engagé, privilégier l'information et l'explication et ne pas céder aux seuls artifices de séduction.

De ces deux principes, découle la nécessité pour le journaliste de prendre connaissance, non seulement des lois, mais aussi des codes déontologiques régissant sa profession sur le plan national, régional et international.

Les instruments juridiques devant faire l'objet de la socialisation juridique des journaliste et de la population à travers les médias sont : La Constitution du pays, la loi régissant les medias en RD Congo, toutes les autres lois de la République ainsi que les conventions, pactes et traités ratifiés par le pays sur le plan régional et international.

160 D. CORNU, Journalisme et vérité. Pour une éthique de l'information, Labor et Fides, Genève, 1994, pp. 481-482

161 L.- CH. BOYOMO ASSALA, «Les critères professionnels de respect de l'éthique: survol des différents codes déontologiques» in J. S. ZOE -OBIANGA et J. MOUTOME (s/dir), Ethique et communication au Cameroun, CLE- CIIRE, Yaoundé, 2006, pp.116-117

II.4.3.7. Les syndicats

L'article 39 de la Constitution garantit la liberté syndicale en RD Congo et donne le droit à tous les Congolais de fonder des syndicats ou de s'y affilier librement, dans les conditions fixées par la loi. Il s'avère donc indispensable que ces lois soient connues par les membres des différents syndicats.

Si le Petit Larousse illustré définit le syndicat comme étant un groupement constitué pour la défense des intérêts professionnels162, le site Wikipedia163. le définit comme étant une organisation professionnelle ou catégorielle et privée, indépendante de l'État (mais reconnue par lui) et régie par un ensemble de lois. Il concerne des groupes de professionnels, notamment des salariés, ayant pour but la défense des intérêts de ses membres (revenus, conditions d'emploi et de travail, relations avec leurs partenaires...). À ce but économique, s'agrège souvent une action politique visant à la modification des institutions et des structures économico - politiques ou socio-économiques existantes, voire pour certains syndicats à leur destruction (voir aussi syndicalisme- révolutionnaire et syndicalisme de lutte) Pour Pierre BESNARD164, le syndicat est un mouvement naturel qui groupe, sous des formes diverses, des hommes qui ont des intérêts communs et des aspirations identiques ; des hommes chez lesquels la concordance des intérêts et l'identité des buts déterminent normalement et logiquement le choix de moyens d'action semblables pour atteindre le but qui est commun à leurs efforts.

De toutes ces définitions, il ressort que les deux grandes caractéristiques d'un syndicat restent son indépendance de l'Etat et sa constitution pour la défense des intérêts professionnels. Par conséquent, il doit avoir pour but le progrès social qu'il défend principalement pour de nouveaux acquis sociaux en luttant par exemple dans le domaine des conditions de travail, des salaires ou du nombre d'emplois. C'est pourquoi, les syndicalistes doivent avoir pour souci l'amélioration des conditions de production, d'achat, de vente, relation entre employeurs et salariés, les conditions de travail, salaires, etc.

162 Collection, Le petit Larousse illustré en couleur, Larousse, Paris, 2005, p. 1027

163 http://fr.wikipedia.org/wiki/Repr%C3%A9sentativit%C3%A9_syndicale

164 P. BESNARD in http://bibliolib.net/article.php3?id_article=29 1

Présentant le syndicat comme l'un de groupes de pression R.-

G.SCHWARTZENBERG165 situe son importance dans la canalisation de revendications et précise qu'il rend à la communauté le service de canaliser et de «rationaliser » des aspirations et des mouvements qui, sans lui, prendraient souvent une forme désordonnée et violente. Ce rôle modérateur prévient les excès de la revendication « sauvage».

Bien que E. DURKHEIM166 ait pensé que le syndicat n'est plus important dans un monde moderne, il reste important dans un pays comme la R. D. Congo où, d'une part, les salaires ne sont plus payés aux fonctionnaires et dans lequel l'Etat est le premier violateur des Droits des travailleurs ; de l'autre, les mouvements syndicaux sont tombés soit dans un clientélisme sans précédant, soit dans l'anarchie totale ne respectant aucune loi. Fernand TALA - NGAI167 stigmatise cette faiblesse des syndicats congolais en affirmant que supprimés d'autorité ou manipulés pendant la deuxième République, les syndicats n'ont jamais pu retrouver ni leur totale indépendance, ni la vigueur qui les animaient. Tout en respectant le pacte social, les syndicats devraient se remettre en question pour jouer leur véritable rôle de groupe de pression. Constitué des représentants dont la plupart ne connaissent pas la signification, le fonctionnement, le rôle, les objectifs du syndicat et les lois régissant les mouvements syndicaux en R.D. Congo, les syndicats sont parfois composés des personnes sélectionnées en fonction d'appartenance religieuse, de tendance politique et/ou d'appartenance tribale. Or, Ce ne sont pas des chrétiens, des radicaux, des partisans de tel ou tel autre parti politique, des représentants de tribus qu'il s'agit de réunir dans un mouvement syndical, mais des travailleurs en tant que tels. Dans la perspective d'un Congo qui se veut démocratique, les syndicalistes doivent cesser d'être des chrétiens, des radicaux, des partisans des partis politiques ou des représentants de tribus, réunis dans un groupement voué d'avance à l'impuissance en raison de la diversité des idées de ses composantes - ce qui est bien le cas actuellement168 - pour devenir des syndicats exclusivement des travailleurs aux intérêts concordants. Pour son efficacité, le Syndicalisme congolais se doit d'abandonner les luttes politiques stériles pour les luttes sociales pratiques et fécondes ; de passer de la constatation

165 R.-G. SCHWARTZENBERG, Op. Cit., p. 569

166 E. DURKHEIM, Texte 3. Fonctions sociales et institutions, éd. De Minuit, Paris, sd., p. 205

167 F. TALA-NGAI, Op. Cit., p. 109

168 L'on parle parfois de syndicat des enseignants des écoles conventionnées catholiques

de fait à l'action nécessaire ; de s'unir sur un terrain solide au lieu de se diviser pour des fictions.

De ce fait, les syndicalistes devraient être sérieusement informés et formés sur le droit pour éviter les dérapages liés à la délinquance consécutive à l'ignorance de la loi et à la confusion des termes souvent utilisés dans leurs revendications. Pour justifier les violations de la loi, les syndicats utilisent couramment deux expressions : la désobéissance « civique » et la désobéissance « civile ». Souvent confondues, ces expressions recouvrent des réalités très différentes en éthique politique. La première a pour objectif de contester un ordre juridique injuste afin d'obtenir la reconnaissance de droits nouveaux : droit au logement, principe de précaution, droit à un environnement sain... Elle constitue donc une expression de la citoyenneté. Le fondement de la désobéissance « civile » est tout autre : le philosophe américain Henry David THOREAU169 qui l'a inventée, la définit comme le droit de s'élever, au nom de la seule conscience individuelle, contre les lois de la cité. Cette désobéissance de l'individu aux injonctions de l'Etat reste l'étendard des défenseurs d'un droit dit naturel, par opposition à la loi démocratique, et érige le for intérieur en censeur de l'ordre social, avec toutes les ambiguïtés qu'une telle attitude peut receler. Bien que le pouvoir public ait souvent considéré les mouvements syndicaux comme une menace, dans un Etat qui se veut démocratique, les syndicats ont un rôle important à jouer pour aider le gouvernement à considérer l'intérêt des travailleurs. Ce rôle est bien défini par E. DURKHEIM en disant : ...Il ne faut pourtant pas perdre de vue qu'en dehors et au-dessus de l'intérêt des fonctionnaires, il y a autre chose : il y a l'intérêt général du pays170.

Dans le processus de socialisation juridique, à travers les mouvements syndicaux, HJ devra inclure les notions des différentes sortes de lutte telles que présenté dans le site http://www.cntait.info/article.php3?id_article=1171.

169 Henry David Thoreau in http://www.monde-diplomatique.fr/2006/04/ALBALA/13351

170 E. DURKHEIM, Op. Cit., pp. 203- 204

171 Techniques de lutte in http://www.cnt-ait.info/article.php3?id_article=1 du mardi 28 mars 2006 :

Avant de procéder à telle ou telle autre approche de lutte, le syndicaliste doit savoir les dispositions prises par la loi de son pays sur le syndicat et son rôle. Pour réussir, la lutte des syndicalistes doit chercher la complicité et le soutien de la population, expliquer les revendications et éviter de gêner le plus possible les salariés et/ou les usagers en violant les droits des autres172. En tant que « groupe de pression », le syndicalisme a besoin d'être réorganisé en RD Congo. Fragilisés par des répressions, les travailleurs Congolais n'ont pas compris l'importance d'adhérer aux différents mouvements syndicaux. Dans ce pays, le processus de socialisation juridique devra impliquer les trois niveaux de syndicat : les cadres, les groupements des classes moyennes et les organisations générales des salariés.

Les instruments juridiques devant faire l'objet de socialisation juridique sont : la Constitution de la RD Congo, la loi régissant les syndicats et le travail ainsi que les

- La pétition : c'est un écrit dénonçant, réclamant, exprimant un désaveu, un désir. La pétition peut

quelque fois influencer, faire obtenir de menus avantages le plus souvent illusoires et démagogiques;

- Le débrayage : c'est la cessation d'activité pendant une courte durée maximum quelques heures.

Le débrayage exprime déjà un mécontentement plus grand, la naissance d'une certaine radicalité. Le débrayage est utilisé comme pression pour des négociations sur des effets à court terme ou des revendications mineures ;

- La grève perlée : débrayage d'une partie du personnel puis reprise tandis qu'une autre partie

débraye et ainsi de suite ;

- Le coulage : freiner la production en étant le moins productif possible ;

- La grève du zèle : application stricte ou excessive des consignes et des règlements entravant le bon fonctionnement de la production ;

- La grève limitée : les salariés cessent le travail pour une durée limitée ;

- La grève illimitée : cessation du travail par les salariés jusqu'à ce que ceux-ci décident de

reprendre le travail ;

- Le piquet de grève : mise en place de barrages pour empêcher les non grévistes de pénétrer dans l'établissement pour réaliser l'ouvrage. Les conditions matérielles du piquet sont souvent déplorables : pas d'abris, soumis aux intempéries ;

- La grève avec occupation : les grévistes investissent le secteur visé, évacuent les non grévistes,

détournent à leur profit la logistique : salles de réunions, réfectoires, dortoirs, photocopieuses, téléphones et véhicules.

172 Il y a lieu de rappeler la pratique tant de la société civile, des étudiants que des mouvements syndicaux au Sud -Kivu ; pratique qui consiste à barricader la route, à faire des casses, prendre en otage certaines personnes comme moyens de revendication de leurs droits. Cette pratique viole les droits du reste de citoyens qui ne sont ni auteurs du conflit ni impliqués dans le conflit ou concernés par les revendications des manifestants.

différents pactes, traité et convention ratifiés par le pays tant au niveau régional qu'international.

II.4.3.8. La société civile

L'histoire de la société civile remonte, selon le Dictionnaire de philosophie173, aux grands penseurs du droit naturel tels que HOBBES, LOCKE et ROUSSEAU chez qui elle désignait l'association politique d'Aristote. A partir de HEGEL, le terme société civile aura le sens de l'ensemble des individus dans leur activité économique et leur sphère privée, par opposition à la puissance publique de l'Etat, alors que chez les marxistes, la société civile est l'ensemble des forces qui se déterminent par opposition au pouvoir de l'Etat et du marché. C'est A. GRAMSCI qui, le premier, a parlé de deux types de société civile dont celle qui comprend les organes de gouvernement exerçant de façon coercitive une domination directe sur la société civile et celle qui a pour vocation, à travers les institutions par lesquelles elle s'exprime, d'être productrice d'orientation commune du sentiment publique.

En RD Congo, Jean - François PLOQUIN rappelle que la société civile, comme organisation, tire ses premiers repères dans les préparatifs de la conférence nationale souveraine qui eut lieu d'août 1991 à décembre 1992. La société civile rassemblait toutes les composantes organisées de la société autres que les institutions publiques et les partis politiques : églises, syndicats, organisations professionnelles, ONG, associations féminines, associations sportives et culturelles, mouvements de jeunesse, mutuelles, sociétés savantes, chefs coutumiers et entrepreneurs174. C'est donc en vue de la conférence nationale que se sont constituées des coordinations régionales de la société civile qui restent encore actives aujourd'hui.

L'importance de la société civile en RD Congo ressort, non seulement dans sa reconnaissance comme partie prenante de la conférence nationale souveraine, mais aussi par le fait que le préambule de l'accord global et inclusif sur la transition en RD Congo la considère comme composante et entité du dialogue intercongolais au

173 CH. GODIN (s/dir.), Dictionnaire de philosophie, Fayard, Paris, 2004, p. 1224

174 J. - F. PLOQUIN, « Dialogue inter congolais : la société civile au pied du mur » in Politique africaine n° 84 - décembre 2001, p. 139

même titre que les partis politiques, l'opposition politique, les mouvements rebelles et les Maï Maï en disant :

Le gouvernement de la RD Congo, le Rassemblement congolais pour la démocratie, (RCD), le Mouvement pour la Libération du Congo (MLC), l'opposition politique, les forces vives, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie/Mouvement de Libération (RDC/ML, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie/National (RCD/N), les Maï - Maï175 ; ...

Cette considération de la société civile comme structure incontournable dans le processus de la construction de la paix en RD Congo est aussi justifiée par PLOQUIN par la place que cette dernière a su prendre sur la scène publique congolaise depuis une dizaine d'années en disant que la vitalité de cette société civile s'explique également par le dynamisme de populations qui ont appris depuis des années à pallier les défaillances, voir l'absence de l'Etat dans de nombreux domaines (enseignement, santé, équipement, etc.), dynamisme canalisé par les initiatives des jeunes diplômés ne trouvant à s'employer ni dans une administration publique déliquescente, atrophiée, ni dans un secteur de l'économie formelle176.

C'est à partir de l'engagement de ses leaders et de l'encadrement de la population que la société civile est devenue une structure influente en RD Congo jusqu'à se tailler une place de choix dans le monde politique. Cependant, elle n'a pas échappé à d'énormes défis qu'elle devait relever : parler haut et juste alors que ses moyens d'expression sont limités et réprimés ; dénoncer les pratiques arbitraires au risque d'être accusée de collusion avec l'ennemi ; s'assurer de l'appui des bailleurs de fonds étrangers sans paraître « à la solde de l'Occident » ; en zone gouvernementale, elle doit trouver le juste milieu entre un radicalisme et un alignement également suicidaires. Outre ces défis, PLOQUIN177 souligne deux défis majeurs que doit vaincre la société civile congolaise étant donné qu'ils fragilisent son action. Il s'agit du défi du maintien de sa cohésion et celui de son indépendance. Parlant de la fragilité de la cohésion de la société civile constituée en fonction de la CNS, l'auteur rappelle que la société civile représentée au sein du parlement de transition, n'a pas tarder à subir la bipolarisation qui divisait la classe politique

175 Accord global et inclusif sur la transition en République Démocratique du Congo signé le 17 décembre

2002

176 J. - F. PLOQUIN, Op. Cit., p. 136

177 Ibid, p. 140

entre « mouvance présidentielle » et « force du changement », servant ainsi parfois d'adjuvant ou de supplétif à l'un ou l'autre des camps en lutte pour le contrôle - ou le partage du pouvoir.

Ce clientélisme de la société civile tant à la période de la CNS que lors du dialogue inter congolais est affirmé avec force par André KABANDA Kana K. qui affirme:

« Clochardisés» par une crise économique qui ne cesse de s'aggraver au jour le jour, les ténors de la société civile se sont laissés embarquer dans le même bateau que l'opposition politique, s'assimilant ainsi à des « marchandises » qui se vendent au plus offrant des manipulateurs. Ce phénomène dégradant s'est illustré dans toute sa splendeur, non seulement pendant la CNS, mais aussi lors de l'accord intervenu, en avril 2002, à Sun City, en République Sud Africaine, entre le gouvernement de Kinshasa et le MLC (Mouvement pour la Libération du Congo) de J. P. Bemba, auquel avait adhéré une bonne partie des délégués de l'opposition non armée et de la société civile178.

En ce qui concerne le Sud - Kivu, la société civile y a joué un rôle déterminant du fait de la relative ancienneté de son tissu associatif et de la maturité politique de ses leaders. Bien que confrontée au dilemme entre dénoncer l'occupant sans donner prise aux accusations d'alliance avec la résistance armée (les Maï Maï) ; des deux côtés, elle doit porter les attentes populaires sans abonder dans de possibles dérives « ethnoracistes », la société civile du Sud- Kivu a joué un rôle non négligeable, non seulement dans l'encadrement de la population, mais aussi à travers :

- Le mémorandum à la délégation du Conseil de sécurité des l'ONU en mai 2001 ; - La participation aux propositions de la société civile de la RD Congo au

Président de la République relatives à la gestion du pays et au dialogue national

(16 février 2001) ;

- La dénonciation de l'occupation de l'Est par le Rwanda et l'Ouganda ; - L'organisation des marches pacifiques, rédaction des pétitions ; etc.

Pourtant, la société civile du Sud - Kivu n'a pas échappé à la prise de position politique pendant la période de transition, prise de position qui l'a rendue subjective et partisane. Le fait que le RDC et le MLC soient parrainés par les pays agresseurs, a fait que, pendant la transition et les élections, la société civile se comporte en

178 A. K. KABAN DA Kana, L'interminable crise du Congo - Kinshasa. Origines et conséquences, L'Harmattan, Paris, 2005, p. 167

représentant du PPRD dans la Province. C'est ce qui l'a conduite à l'intolérance politique, à la culture de casse, de marches non pacifiques, etc.

L'organisation de la société civile au Sud - Kivu comme instance constituée des « forces vives » telles que les ONG, les Eglises, les syndicats, les organisations professionnelles, les associations féminines, les associations sportives et culturelles, les mouvements de jeunesse, les mutuelles, les sociétés savantes, les chefs coutumiers, les entrepreneurs, etc. fait qu'elle nécessite une socialisation juridique étant donné l'importance de la population qu'elle encadre et sa capacité à influencer l'opinion publique dans la Province. Les décrétions des journées villes mortes réussies, des grèves, des soulèvements de la population, sont autant d'éléments qui militent pour l'information et la formation des animateurs de la société civile au droit.

Dans le processus de socialisation juridique à travers la société civile, HJ devra éviter de tomber dans l'erreur de la deuxième République qui, selon Fernand TALA -NGAI179, a consisté à ne pas impliquer la société civile dans la gestion du pays. De ce fait, elle doit collaborer avec les autres structures locales qui travaillent pour la promotion des DH comme le CEDAC, la CDJP, GJ, etc. Ainsi, non seulement la Constitution, les pactes, les conventions ratifiés par le pays tant au niveau régional qu'international devront faire l'objet de cette socialisation, mais aussi toutes les lois de la Républiques étant donné la multiplicité des structures composant la société civile au niveau de la Province.

De ce chapitre, il ressort que la socialisation juridique de la population par HJ n'a pas seulement pour fondement la Bible mais aussi la Constitution de la RD Congo qui présente l'accès aux lois comme un droit pour chaque Congolais et un devoir pour le Pouvoir public. C'est pourquoi, non seulement elle détermine les moyens de cette socialisation juridique, mais aussi elle en fixe les milieux à travers lesquels le pouvoir public pourra l'assurer.

La « défaillance de l'Etat » congolais dans le domaine de la socialisation juridique depuis la Deuxième République a rendu nécessaire le rôle joué par l'Eglise, à travers ses ONGDH, dans le cadre de la promotion et la défense des DH

dans la Province du Sud- Kivu dont HJ. Cependant, pour que la socialisation juridique faite par cette association atteigne toute la population et développe ainsi une culture juridique au Sud - Kivu, elle devra collaborer avec tous les milieux de socialisation encadrant la population dans la Province comme la famille, les confessions religieuses, l'école, l'armée, la police et les services de sécurités, les mutualités tribalo-ethniques, les partis politique, les médias, les syndicats ainsi que la société civile.

Conclusion partielle

Au terme de cette deuxième partie consacrée aux mécanismes d'une socialisation juridique, rappelons que le but de cette partie était de présenter le fondement théologique de cette socialisation ainsi qu'une approche globalisante de socialisation juridique adaptée au contexte du Sud - Kivu.

S'agissant du fondement théologique de la socialisation juridique, nos recherches ont montré que ce processus d'information et de formation du peuple au droit tire son fondement du texte de Deutéronome 6, 6-7 où, après lui avoir donné la loi au Sinaï, Dieu demande à Moïse de la lire et de l'enseigner au peuple pour qu'il la mette en pratique. Il est avéré donc que depuis Moïse, l'information et la formation du peuple au droit fait partie intégrante de la mission, non seulement des serviteurs de Dieu, mais aussi de l'ensemble de son peuple. C'est pourquoi, dans l'Ancien Testament, la socialisation juridique était faite par Moïse, Josué, les juges, les rois, les conseillers du roi, les prêtres, les sacrificateurs, les prophètes, les maîtres de la loi, les parents, etc.

Pendant la période néotestamentaire, la socialisation juridique était l'oeuvre des Pharisiens qui, en dépit de la contestation de leur approche par les Sadducéens (ces derniers les accusaient d'avoir ajouté la tradition orale à l'enseignement de la loi qui, selon eux devrait concerner seulement la loi écrite), ont réussi à informer et former le peuple aux lois.

Descendant de la lignée d'Esdras, les Pharisiens ont fait des synagogues un lieu par excellence de la socialisation juridique. Subdivisée en trois degrés, cette formation comprenait le degré élémentaire où l'on associait l'apprentissage de la loi à l'alphabétisation des enfants de 5-10 ans, au-delà de 13 ans cet enseignement était approfondi au niveau des académies. La formation des adultes était assurée dans les synagogues et les retraites. L'impact et le succès de cette socialisation juridique se manifestent dans l'attachement du peuple à la loi et à l'intolérance envers quiconque enseigne ce qui est contraire à cette loi. C'est ce qui justifie le conflit toujours renouvelé entre Jésus et les Pharisiens d'une part et puis l'apôtre Paul et le reste des juifs, de l'autre. L'exemple de l'apôtre Paul qui connaît ses droits et les

revendique devant le proconsul, démontre le niveau de l'appropriation de la loi par les juifs.

Cependant, ni Jésus, ni l'apôtre Paul ne sont contre la loi comme telle, mais en tant que moyen du salut.

En ce qui concerne les mécanismes d'une socialisation juridique globalisante, nos investigations ont dégagé qu'en RD Congo, la socialisation juridique des citoyens est indispensable étant donné que l'accès des citoyens aux lois est un droit constitutionnel. Ainsi, le pouvoir public n'ayant pas rempli ce devoir l'Eglise, à travers ses organisations non gouvernementales des DH, a joué un rôle très important pour la promotion et la protection de DH pendant la longue période de transition allant de 1990 à 2006.

Pour que la culture juridique puisse se développer dans la Province, nous avons suggéré que le processus de socialisation amorcé par Héritiers de la Justice soit globalisante en atteignant toutes les couches de la population et pas seulement les écoliers et leurs enseignants. De ce fait, l'Association devra impliquer tous les milieux de socialisation encadrant la population dans la Province : La famille, les confessions religieuses, l'école, les mutualités tribalo-ethniques, les partis politiques, les médias, les syndicats et la société civile. Sur le plan pédagogique, l'éducation est indiquée pour les enfants, l'éducation et l'apprentissage pour les jeunes et la formation pour les adultes sont des approches à utiliser.

CONCLUSION GENERALE

Avant d'établir les éléments de réponses aux questions soulevées à l'introduction générale et d'évaluer les hypothèses émises ainsi que les objectifs visés, de fixer que ce mémoire relève à la fois du domaine de l'éthique sociale, de la théologie de la paix et de la sociologie du droit étant donné qu'il part d'un diagnostic institutionnel pour proposer la socialisation juridique globalisante comme approche devant contribuer au développement d'une culture juridique et de paix à travers l`Eglise. Il s'agit donc d'une éthique empirique doublée de l'éthique appliquée prévoyant l'usage de la socialisation juridique dans le contexte de la Province du Sud- Kivu. Dès lors, l'éthique politique trouve sa place dans le fait que l'émergence d'une culture juridique et de paix au Sud - Kivu vise à contribuer à la stabilité politique de la RD Congo180.

Sur le plan ecclésial, les investigations ont souligné que la nécessité de la création d'une structure des Droits Humains et de paix par les protestants du Sud - Kivu est née du souci de rendre le faible fort et de l'amener à revendiquer ses droits au quotidien. L'on se souviendra que l'injustice sociale, le népotisme, le clientélisme, la violation massive des DH, la corruption et le musellement de la population qui ont caractérisé la deuxième République ont rendu la situation insupportable. Profitant de la proclamation du multipartisme consacrant le début de la démocratisation du pays, l'ECZ/ Sud - Kivu a mis sur pieds, en 1991, un programme dénommé Evangélisation libératrice chargé de sensibiliser la population sur les DH à travers la Province. Les conflits qui sévissaient au sein de l'ECZ ayant conduit à la dissolution du Groupe technique d'encadrement régional181, les laïcs protestants qui dirigeaient le programme évangélisation libératrice jugèrent utile de protéger ce programme en le rendant autonome par rapport à l'ECZ

C'est ainsi que depuis 1993 le programme est devenu une ONGDH jouissant d'une personnalité juridique sous le nom de Héritiers de la Justice et dont l'ECZ n'est que tuteur moral.

180 Toutes les guerres qu'a connues la RD Congo depuis la transition de 1990 ont toujours commencé dans la Province du Sud - Kivu.

181 Le GTER est l'un des programmes que pilotait l'ECZ comme celui d'évangélisation libératrice.

Sur le plan institutionnel, l'association est régie par les statuts, le règlement d'ordre intérieur et le règlement du personnel. Elle a comme organes l'Assemblée générale, le Conseil d'Administration, la Présidence, le comité directeur et le Secrétariat Exécutif. Héritiers de la justice compte aujourd'hui cinq programmes dont le secrétariat exécutif, le Programme Formation et Renforcement Institutionnel, le Programme Aide légale Protection et Recherche, le Programme Campagne et Communication ainsi que le Programme Femme et Enfant. Pour atteindre ses objectifs, Héritiers de la justice utilise plusieurs stratégies dont la recherche et la documentation des faits de violation des DH, la dénonciation, la plaidoirie, la médiation, la création et l'encadrement des structures relais à la base (les CMD, les CDP, les PDP, les EPP), la formation des animateurs pour le renforcement institutionnel, la production des émissions radiodiffusées, la publication des feuillets, périodiques et des rapports synoptiques sur la situation des DH et de la paix dans la région ainsi que la mise sur pied d'une pharmacie des droits et du site internet.

Bref, Héritiers de la Justice réalise plusieurs activités dépassant les limites de la protection et de la promotion des DH et de la paix.

En ce qui concerne l'aspect socio - politique, il ressort que Héritiers de la Justice jouit de la crédibilité auprès de la population et d'une renommée tant régionale qu'internationale. Cependant, sa relation avec le pouvoir public, l'armée, la police et les services de sécurité - bien que parfois bonne - est plus souvent faite de tension ; car ces derniers étant le premiers violateurs des DH dans la Province, l'association constitue une menace pour eux en publiant, dénonçant leurs forfaits et en exigeant que la justice soit faite à leurs victimes. C'est ce qui explique les menaces, les intimidations, les arrestations ainsi que les tueries dont sont souvent victimes tant les responsables de Héritiers de la Justice, ses animateurs que les membres des structures relais à la base. Par rapport à l'ECC et aux communautés la constituant, l'association ne collabore pas avec elles dans le processus de socialisation juridique et elle traverse une crise d'identité étant donné que celle-ci (l'ECC) ne la reconnaît pas comme service des églises protestantes pour la paix et les DH en exigeant la clarification de la relation entre les deux institutions. Toutefois, il y a lieu de constater la disponibilité des églises protestantes à collaborer avec HJ qu'elle souhaite voir installer dans chaque communautés et paroisse une

commission justice et paix au modèle de la commission diocésaine justice et paix qui a installé des comités dans chaque paroisse catholique182.

S'agissant de l'aspect théologique, les recherches effectuées ont dégagé une adéquation entre la foi chrétienne et la socialisation juridique, montrant que celle-ci tire son fondement de la Bible et fait partie intégrante de la mission du peuple de Dieu. Dès la remise de la loi à Moïse sur le Sinaï, Dieu exige que l'ensemble du peuple en soit informé et formé au droit pour éviter l'anarchie, la violence et le liberticide au sein de la nation. L'expérience du peuple juif a suffisamment démontré que la paix et la pratique du droit entre les groupes sociaux d'une nation dépendent de la présence d'une culture juridique et de paix qui est le fruit d'une socialisation juridique global et globalisante.

Sur le plan éthique, point n'est besoin de constater l'échec de l'Etat congolais dans son rôle de faire accéder les citoyens aux lois et ce, depuis l'indépendance. D'où l'implication de l'église dans la protection et la promotion des DH, surtout depuis l'entrée du pays dans le processus de démocratisation. Bien que la Constitution régissant la troisième République ait présenté l'accès aux lois comme droit de chaque Congolais et la socialisation juridique des citoyens comme le devoir du pouvoir public, l'implication de l'église et des ONGDH dans le processus de socialisation juridique demeure plus que nécessaire pour l'émergence d'une culture juridique et de paix en RD Congo aussi longtemps l'Etat ne mettra pas sur pieds les mécanismes adéquats pour atteindre le but.

La pérennisation des cas de violation des DH et de la violence au Sud- Kivu en dépit de l'existence de Héritiers de la Justice dans la Province depuis quinze ans témoigne des limites que présente l'association sur le plan institutionnel, organisationnel, financier, logistique, de la gestion des ressources humaines et sur le plan stratégique. C'est pourquoi, quelques propositions pour le renforcement institutionnel ont été faites.

Sur le plan stratégique, la présence de Héritiers de la Justice ne parvient pas à développer une culture juridique et de paix au Sud - Kivu à cause du fait que la socialisation juridique qu'elle utilise comme approche n'est pas globalisante. Il s'en

est suivi que seule l'école comme structure de socialisation est utilisée par l'association dans le processus d'information et de formation des citoyens au droit. Le fait de collaborer avec l'école seule comme milieu de socialisation juridique dans la Province rend inexistante la culture juridique et de paix au Sud - Kivu vue que ce ne sont pas les écoliers et leurs enseignants qui sont auteurs de violence et de violation des DH au Sud - Kivu. Aussi, les élèves et enseignants juridiquement socialisés étant minoritaires par rapport aux statistiques de la population dans la Province qui, en 2004 s'évaluait déjà à 4. 303. 041 habitants, ils sont incapables d'influencer le reste de la population et la culture juridique qui tente de se développer chez eux est vite corrompue par l'entourage qui n'est pas juridiquement socialisé. La culture juridique et de paix ne peuvent par conséquent pas être manifestes dans la Province étant donné que 98 % de la population provinciale, n'étant pas juridiquement socialisés, ne peuvent développer des valeurs, des attitudes, des traditions, de comportements fondés sur le droit et sur le respect de la vie, le rejet de la violence, la promotion et la pratique de la non violence, le dialogue et la coopération ainsi que sur l'engagement de régler pacifiquement les conflits. C'est cette faiblesse de l'association sur le plan stratégique qui justifie l'inadéquation entre l'existence de Héritiers de la Justice et la pérennisation des cas de violation massive des DH et de la violence dans la Province, constituent de fait la réponse à la question principale de notre étude et confirme les hypothèses pré établies.

C'est pourquoi, pour que Héritiers de la Justice fasse développer une culture juridique et de paix dans la Province, il faudrait que le processus d'information et de formation des citoyens au droit soit globalisant ; c'est-à-dire, impliquant tous les milieux de socialisation encadrant l'ensemble de la population du Sud - Kivu. Autrement dit, qu'en plus des écoles primaires et secondaires, Héritiers de la Justice doit capitaliser la famille, les confessions religieuses, les écoles maternelles et les institutions d'enseignement supérieur et universitaire, les mutualités tribalo ethniques, les partis politiques, l'armée, la police, les services de sécurité, les médias, les syndicats et la société civile en usant de la pédagogie pour les enfants, de la pédagogie et de l'apprentissage pour les jeunes et de la formation pour les adultes.

Ainsi, en présentant les circonstances et les motivations de la création, l'organisation, le dégagement de l'apport de Héritiers de la Justice à la promotion des Droits Humains et de la paix ainsi que ses limites dans la première partie, ce travail satisfait aux trois premiers objectifs; alors qu'en présentant le fondement théologique de la socialisation juridique et en proposant une approche globalisante de la socialisation juridique adaptée au contexte du Sud - Kivu, nous avons atteint les deux derniers objectifs assignés.

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2. TOB intégrale, Cerf/Société biblique française, Paris, 188

2. DICTIONAIRES, ENCYCLOPEDIES ET LEXIQUES

1. Collection, Dictionnaire des synonymes, les usuels du Robert, Paris, 1984

2. Collection, Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Brepols, Paris, 199

3. Collection, Le petit Larousse illustré, 10ème éd., Larousse, Paris, 2004

4. Collection, Le petit Larousse illustré en couleur, Larousse, Paris, 2005

5. GODIN C. (s/dir), Dictionnaire de philosophie, Fayard, éd. du Temps, Paris, 2004

6. GUINCHARD S. MONTAGNIER et G. (S/dir), Lexique. Termes juridiques, 10ème éd., Dalloz, Paris, 1995

7. Le petit Robert. Dictionnaire de la langue française, Dictionnaire le Robert, Paris, 2004

8. SANDER N. Ph. Et TRENEL I., Dictionnaire Hébreu - Français, Slatkine Reprint, Genève, 1979

2. OUVRAGES

1. ALEXANDRE S. , La Cabale, Payot, Paris, 1960

2. BOEGNER M., Les missions protestantes et le droit international, Librairie Hachette, Paris, 1929

3. BRANDON S.G.F., Jésus et les Zélotes, Flammarion, France, 1975

4. BRAUD P., Socialisation politique, 7ème éd., L.G.D.J., 2004

5. CEDAC, Loi n°04/023 du 12 novembre 2004 portant organisation générale de la défense et des forces armées, éd. du CEDAC, Bukavu, mars 2005

6. COHEN A. , Le Talmud, Payot, Paris, 1958

7. CORNU D., Journalisme et vérité. Pour une éthique de l'information, Labor et Fides, Genève, 1994

8. DE VAUX R. , Les institutions de l'Ancien Testament, Cerf, Paris, 1960

9. DU BAR, La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, A. Colin, Paris, 1991

10. DURKHEIM E., Texte 3. Fonctions sociales et institutions, éd. De Minuit, Paris, sd

11. ELLUL J., Propagandes, éd. Economica, 1990

12. ELLUL J., Le fondement théologique du droit, Delachaux et Niestlé, Paris, 1946

13. FUCHS E. et STUCKI P.- A., Au nom de l'autre. Essai sur le fondement des droits de l'homme, Labor et Fides, Genève, 1985

14. GANDER G. , Les actes des apôtres. Nouveau commentaire d'après l'Araméen, le Grec et le Latin, éd. Contrastes diffusion,Lausanne, 1990

15. GRELOT P., L'espérance juive à l'heure de Jésus, Desclée, Paris, 1978

16. KABANDA Kana A. K., L'interminable crise du Congo - Kinshasa. Origines et conséquences, L'Harmattan, Paris, 2005

17. LAGRANGE M.-J. E, Le judaïsme, Librairie LECOFFRE, Paris, 1931

18. Le ROY E., Le jeu des lois, une anthropologie dynamique du droit, L.G.D.J., 1999

19. MACKINTOSH C.H., Notes sur le livre des Juges, Bibles et traités chrétiens, Vevey, 1975

20. PAUL A., Le monde des juifs à l'heure de Jésus. Histoire politique, Desclée, Paris, 1981

21. PELLETIER M. , Les Pharisiens, Histoire d'un parti inconnu, Cerf, Paris, 1990

22. PERLOW T., L'éducation et l'enseignement chez les juifs à l'époque talmudique, Ernest LEROUX, Paris, 1931

23. PERRENOUD P., De la construction des identités sociales et * professionnelles, A. Colin, Paris, 1991

24. PIRENNE J. , La société Hébraïque d'après la Bible, Albin Michel, Paris, 1965

25. PREISWERK M., L'éducation populaire : Un lieu théologique. Quatre exemples boliviens, Labor et Fides, Genève, 1994

26. ROTH C. , Histoire du peuple juif, éd. De la terre retrouvée, Paris, 1963

27. SCHULTE H. H. et DUFRESNE M. P., Pratique du journalisme, Traduit de l'Américain par Christine DEMOREL et Michel Le SEAC'H chapitre 5, Macmillan College Publishing Company, Paris, 1999

28. SCHWARTZENBERG R. - G., La sociologie politique, 5ème éd., Montchretiens, Paris Cedex, 1998

29. SIMON M. , Les sectes juives au temps de Jésus, PUF, Paris, 1960

30. TALA - NGAI F., R.D.C. de l'an 2001 : Déclin ou déclic ?, éd. Analyses sociales, Kinshasa, 2001

31. VIRALLY M., La pensée juridique, I. G. D. J., Paris, 1998

3. ARTICLES DES PERIODIQUES ET REVUES

1. BIRINGINGWA C., « Au Sud- Kivu, le pouvoir fait des journalistes des griots » in Paroles d'Afrique centrale : Briser les silence, Karthala, Paris, 2003

2. BOYOMO ASSALA L.- CH., « Les critères professionnels de respect de l'éthique:

survol des différents codes déontologiques » in J. - S. ZOE -OBIANGA

et J. MOUTOME EKAMBI (s/dir), Ethique et communication au

Cameroun, CLE- CIIRE, Yaoundé, 2006

3. ETEKI MBOUMOUA W.A., « Eléments d'une culture de la paix en Afrique centrale »in La prévention des conflits en Afrique centrale. Prospective pour une culture de la paix, Karthala, Paris, 1999

4. FOUDA G. J., « L'accès au droit : richesse et fécondité d'un principe pour la socialisation juridique et l'Etat de droit en Afrique noire francophone » in http://www.afrilex.u-bordeaux4.fr/pdf/1doc3fouda.pdf

5. KOURILSKY CH., « socialisation juridique : naissance d'un champ de recherche et

d'un concept aux confins de la sociologie du droit et de la psychologie »,

Annales de Vaucresson, « Adolescence et socialisation », n°8, 1988 in

http//www. http://www. reds.msh

Paris.fr/publications/revue/html/ds019/ds019-05.htm -

6. MUSHIZI NFUNDIKO KIZITO, « Maendeleo, une radio dans la guerre » in Paroles d'Afrique centrale : Briser les silence, Karthala, Paris, 2003

7. PLOQUIN J. - F., « Dialogue inter congolais : la société civile au pied du mur » in Politique africaine n° 84 - décembre 2001

8. ROBO P., De la socialisation, janvier 2002, in http://probo.free.fr

9. SAJO A., « La socialisation juridique en Hongrie sous le communisme et après le communisme » in http://G:/ds019-12.htm

4. MEDIAS ET SITES INTERNET

1. MOBUTU le roi du Zaïre. Tragédie africaine, les films de la parcelle, éd. Montparnasse

2. http://www.heritiers.org

3. http://www.afrilex.u-bordeaux4.fr/pdf/1doc3fouda.pdf 4. http://www.http:// www.reds.msh-Paris.fr/publications/revue/html/ds019/ds019- 05.htm

5. http://www.Microsoft Encarta 2005

6. http://www.bible works 5

7. http://www.reds.msh-paris.fr/publications/revue/html/ds019/ds019-05.htm

8. http://G:/ds01 9-1 2.htm

9. http://probo.free.fr

10. http://fr.wikipedia.org/wiki/Repr%C3%A9sentativit%C3%A9_syndicale

11. http://bibliolib.net/article.php3?id_article=291

12. http://www. monde diplomatique.fr/2006/04/ALBALA/13351

13. http://www.cnt-ait.info/article.php3?id_article=1 du mardi 28 mars 2006

14. http://www3.ac-clemont.fr/pedago/sec/ sujets/prem/socialisation_fp. htm

5. CONFERENCES, RAPPORTS, COURS ET AUTRES DOCUMENTS INEDITS

1. CIKWANINE KULIMUSHI Déodatte, Héritiers de la Justice et la lutte contre les viols et violence faits aux femmes (Cas de la Province du Sud - Kivu), Rapport de stage effectué du 13 décembre 2004 au 15 janvier, 2005

2. Eglise du Christ au Congo, Programme de redynamisation de l'ECC , Synode du Sud - Kivu, Rapport inédit, Bukavu, juin 2006

3. Héritiers de la Justice, Eduquer les enfants aux droits humains et à la paix, rapport intérimaire inédit de la session de formation des enseignants pour la paix de la province du Sud - Kivu, du 04 au 08 février 2004

4. Héritiers de la Justice, Rapport du brainstorming sur les méthodes de travail de Héritiers de la Justice, Bukavu, du 22 au 23 décembre 2004

5. Héritiers de la Justice, Plan de renforcement institutionnel et organisationnel de Héritiers de la Justice (Plan PRIO - CCI, inédits, mars 2005

6. Héritiers de la Justice, Programme Aide légale, Protection et Recherche, Rapport sectoriel annuel Janvier - Décembre 2005, janvier 2006

7. KISANGULA Paulin, L'éducation à la paix à travers l'école. Une expérience de

Héritiers de la Justice, Exposé présenté au séminaire atelier organisé par RIO, Bukavu, le 19 juillet, 2006

8. KITOKA MOKE MUTONDO, Eglise et Etat, Cours inédit dispensé à l'Université Evangélique en Afrique, 2005 - 2006

9. KITOKA MOKE MUTONDO, Les élections en RD Congo. Quels enjeux sur la paix dans la région des Grands Lacs africains, Conférence animée à l'Université Evangélique en Afrique, juillet 2006

10. KWIGWASSA NAKAHUNGA Gérard, Les comités de Médiation et de Défense Des Droits Humains (CMD) : Etat des lieux et perspectives après dix ans d'âge, Analyse inédite, Bukavu, septembre, 2005

12. KWIGWASA NAKAHUNGA Gérard, forces et faiblesses des comites de médiation et de défense (CM D) de Héritiers de la Justice, sd.

13. MATENDO exposé présenté à Bukavu, août 2006

14. MAYAO CHEMUPENGE Charles, Rapport de stage inédit effectué à Héritiers de la Justice du 30 janvier au 28 mars 2006

15. Paix et Démocratie, Rapport narratif trimestriel juillet - septembre 2006

16. PFE, Paix et Démocratie, rapport narratif trimestriel juillet - septembre 2006

17. Statuts de Héritiers de la Justice

6. MEMOIRE INEDIT

RWABIRA MAKUBULI Moïse, Les ONG et la gestion des conflits en territoire d'Uvira : Cas de Héritiers de la Justice et de GASAP, mémoire inédit, ISDR, Bukavu, 2005 - 2006

7. PERSONNES RESSOURCES

Noms

Fonction

Lieu et date d'interview

1

ALPHONSE

Président du CMD Kadutu

Bukavu, le 05 août 2006

2

BAGULA BURUME

Animateur au PCC

Bukavu, le 07 août 2006

3

BAHATI NAMWIRA

Secrétaire Exécutif a. i. de

Héritiers de la Justice

Bukavu, le 15 et le 23

août 2006

4

BWEYO M.

Président du CMD Uvira

Uvira, le 16 août 2006

5

BYAMUNGU N.

Président du CMD Sange,

Sange, le 16 août 2006

6

BYAMUNGU DUNIA

Avocat et animateur au PAPR

Bukavu, le 24 août 2006

7

Enquêté anonyme

Responsable politico-

administratif du Sud - Kivu

Bukavu, le 26 août 2006

8

Enquêté anonyme

Responsable à l'ECC/ Sud- Kivu

Bukavu, le 30 août 2006

9

Enquêté anonyme

Avocat près la cours de Bukavu

Bukavu, le 12 octobre

2006

10

KABWE MUKAMBILWA

Membre du CMD Baraka

Baraka, le 17 août 2006

11

LUBALA MUGISHO KAZA

Président de Héritiers de la

Justice

Bukavu, le 25 août 2006

12

MANOKA Noé

Président du CMD Luvungi

Luvungi, 19 août 2006

13

MULONGECHA L.

Président du CMD Lemera

Lemera, le 18 août 2006

14

MUNDYO MWENELUSIBA

Chargé d'Evangélisation et Vie de l'Eglise à l'E. C. C./ Sud - Kivu

Bukavu, le 28 août

2006

15

NDAGANO Pierre

Président du CMD Bideka

Bukavu, le 25 août 2006

16

RUHANYA MULEMANGABO

Président du CMD Kamisimbi

Kamisimbi, le 13août

2006

17

SEMURONGO K.

Membre du CMD Lemera

Lemera, le 18 août 2006

Table des matières

Dédicace i

Remerciements ii

Introduction générale 1

Première Partie

PRESENTATION DE HERITIERS DE LA JUSTICE Introduction 7

Chap. I. Organisation de Héritiers de la Justice 11

I.1.1. Les différents Programmes de Héritiers de la Justice 11

I.1.1.1. Le Programme Aide légale, Protection et Recherche (PAPR) 11

I.1.1.2. Le Programme Campagne et Communication (PCC) 14

I.1.1.3. Le Programme Formation et Renforcement Institutionnel (PFRI) 15

I.1.1.4. Le programme Femme et Enfant (PFE) 24
I.1.2. Relation entre Héritiers de la Justice et les autres structures de socialisation

dans la Province. 29

I.1.2.1. Relation entre Héritiers de la Justice et l'Eglise Protestante 29

I.1.2.2. Relation entre Héritiers de la Justice et le pouvoir public 44

I.1.2.3. Relation entre Héritiers de la Justice et l'armée et la police 45

I.1.2.4. Relation entre Héritiers de la Justice et les instances judiciaires 46

I.1.2.5. Relation entre Héritiers de la Justice et les autres organisations de défense

des Droits de l'Homme

Chap. II. : Contribution de Héritiers de la Justice au développement d'une

.46

culture juridique et de paix dans la Province

47

I.2.1. Dans le domaine de la promotion d'une culture juridique

47

I.2.2. Dans le domaine de la promotion d'une culture de paix

.48

I.2.3. Limites de l'association

48

I.2.3.1. Sur le plan institutionnel

49

I.2.3.2. Sur le plan organisationnel

49

I.2.3.3. Sur le plan financier

49

I.2.3.4. Sur le plan logistique

50

I.2.3.5. Sur le plan de la gestion des ressources humaines

51

I.2.3.6. Sur le plan stratégique

.51

I.2.4. Quelques propositions pour le renforcement institutionnel

52

I.2.4.1. Sur le plan institutionnel 52

I.2.4.2. Sur le plan organisationnel 53

I.2.4.3. Sur le plan financier 53

I.2.4.4. Sur le plan logistique 53

I 2.4 5. Sur le plan de la gestion des ressources humaines 54

I.2.4.6. Sur le plan stratégique 54

Conclusion partielle 56

Deuxième Partie

MECANISME D'UNE SOCIALISATION JURIDIQUE GLOBALISANTE

Introduction 58

Chap. III. : Fondement théologique de la socialisation juridique 61

II.3.1. Dans l'Ancien Testament 61

II. 3. 2. Dans le Nouveau Testament 74

Chap. IV. Approche globalisante de la socialisation juridique 82

II.4.1. L'accès aux lois comme droit constitutionnel en RD Congo 82

II.4.2. Nécessité du rôle joué par l'Eglise dans le processus de socialisation juridique

en RD Congo

86

II.4.3. Les principaux milieux de socialisation juridique au Sud - Kivu

87

II.4.3.1. La famille

89

II.4.3.2. Les confessions religieuses

91

II.4.3.3. L'école

94

II.4.3.4. Les mutualités tribalo - ethniques

95

II.4.3.5. Les partis politiques

96

II.4.3.6. Les médias

98

II.4.3.7. Les syndicats

.103

II.4.3.8. La société civile

106

Conclusion partielle

111

Conclusion Générale

113

Bibliographie

117

Table des matières

123

Annexes

 

LES ANNEXES

Annexe N°1 : Organigramme de Héritiers de la Justice

Assemblée Générale

Conseil d'Administration

Secrétaire Exécutif

Chargé de l'Administration et finances

Comptable

Programme aide légale protection

et recherche

Comité de médiation et de défense

Programme de formation et renforcement institutionnel

Centre de formation et de documentation

- Agents publics

- Employés

- Formateurs sociaux - Leaders des églises - Médiateurs ruraux - Moniteur juridique

Programme campagne et communication

Bulletins, Radio et Web site

Programme femme et enfant

Centre de formation de la paix auprès des enfants et des femmes

-Ecole des parents (ECOPA) - Ecole pour la paix (COP)

Huissier

 

Sentinell

 

Chauffeur

 

Encodage

 
 
 
 
 

Réception

Annexe N° 3 : Faiblesses des CMD telles que présen tées par Gérard KWIGWASA

Structure

Faiblesse

CMD Bagira

- Effectif des membres statique et réduit

- Structure sans cadre de travail approprié - Tenue irrégulière des réunions

- Rareté d'activités d'éclat

- Non couverture effective du rayon d'action - Absence de femme dans l'équipe

- Production irrégulière et souvent tardive des rapports

- Manque de concrétisation de bonnes résolutions prises en réunion

- Crainte, parfois injustifiée, d'agir et de prendre le risque

- Surveillance et documentation des faits limitées - Prééminence de la personne du Président

- Manque de statuts et du R.O.I.

CMD Ibanda

- Léthargie dans les activités d'accompagnement des populations

- Regard plus tourné vers l'appui qui viendrait de HJ et moins sur la visibilité sur terrai

- Surveillance et documentation des faits limitées à une partie du rayon d'action - Crainte, souvent injustifiée, d'agir et de prendre le risque

- Structure fermée : nombre inchangé des membres au fil des années - Tenue irrégulière des réunions des membres

- Responsabilisation théorique des membres

- Faible utilisation des matériels disponibles

- Manque de cadre approprié de travail

- Manque de statuts et du R.O.I.

CMD Kadutu

- Peu d'occasions d'évaluation des activités et des stratégies - Initiative réduite de collaborer avec les autres CMD

- Manque de statuts et du R.O.I.

CMD Bideka

- Prééminence du Président sur la structure

- Tenue sporadique des réunions des membres - Absence de figures féminines

- Absence de planification des activités

- Non organisation de la Pharmacie de droits - Insouciance vis-à-vis du S/CMD Bolole

- Non définition claire des responsabilités - Manque de statuts et du R.O.I.

CMD Ibanda/Ng.

- Existence des sous structures presque non opérationnalisés - Utilisation réduite de matériel

- Manque de statuts et du R.O.I.

CMD Kamanyola

- Manque de cadre approprié pour la Pharmacie de droits - Faible initiative de faire lire les documents disponibles

- Présence infime de la femme

- Rapport parfois tumultueux avec d'autres ONG locales ; - Faible capacitation des membres

CMD Kamisimbi

- Participation réduite de certains membres aux activités du comité

- Absence d'initiation pour organiser la restitution des formations par les quelques membres déjà formés

- Faible représentation de la femme

- Manque de statuts et du R.O.I.

- Non remplacement des membres partis

CMD Kaziba

- Irrégularité dans la tenue des réunions

- Dynamique « Genre » non respecté

- Usage peu visible du matériel reçu

- Production des rapports en chute

- Membres en grande partie non encore formés

- Absence d'initiatives pour contourner l'éloignement géographique par rapport

 

aux autres CMD du même territoire

CMD Lemera

- Manque de statuts et du R.O.I.

- Structure quasiment cantonnée au seul groupement de Lemera

- Timide engagement à opérationnaliser la Pharmacie de droits

- Connaissances et compétences restées en friche

- Effectif réduit des membres au regard de l'espace à couvrir et de la multiplicité des violations enregistrées

- Hésitation de sortir du traumatisme de la guerre

- Structure sans femme

CMD Luvungi

- Nombre de membres statique depuis plusieurs années

- Manque de stratégies réalistes de couvrir le rayon d'action

- Absence remarquée des femmes

- Rencontre irrégulière des membres

- Baisse de l'engagement des membres

- Connaissances et compétences restées en friche

- Faible couverture du terrain (Katogota, Bwegera, Ndolera, Lubarika,...)

CMD Sange

- Manque de statuts et du R.O.I.

- Manque de restitution des acquis de formations

- tenue irrégulière des réunions

- Faible matérialisation des bonnes résolutions prises en réunions, notamment la création des S/CMD

- Pas de bureau approprié

- Membres en grande partie non formés

- Une seule femme dans l'équipe depuis la naissance

CMD Uvira

- Pas de pancarte indicateur du Bureau

- Point focal de HJ, il collabore peu avec d'autres CMD de l'axe

- Décisions importantes prises avec hésitations

- Différentiel engagement des membres

- Grands médiateurs à l'extérieur souvent incapables de s'accorder sur des questions importantes de la vie de la structure

- Non organisation des visites aux S/CMD

- Implication moins marquée des femmes dans les prises de décision et les activités d'éclat

CMD Fizi

- Manque de statuts et du R.O.I.

- Travail en routine et quasiment clandestin

- Membres pour la plupart non encore forcés

- Prééminence du Président

- Faible utilisation à bon escient des moyens

- CMD difficilement dissociable de l'EPP que le Président dirige aussi - Rencontre irrégulière des membres

- Absence de femmes

- Effectif statique des membres

- Non répartition des tâches

CMD Bunyakiri

- Présence insignifiante de la femme

- S/CMD Kavumu quasi oublié (peut être à cause de son éloignement

géographique)

CMD Kalehe

- Manque de statuts et du R.O.I.

- Moindre capacité du Président et quelques autres membres de dissocier le CMD de l'EPP Ruharaga

- Travail en vase clos et sans répartition des tâches

- Absence quasi-totale de visite et suivi de S/CMD

- Membres en nombre insuffisant

- Balbutiement dans la collaboration avec HJ

- Réunions et productions de rapports irrégulières

- Structure exclusivement masculine

CMD Kalonge

- Dynamisme tributaire d'un petit nombre de membres - Tergiversation sur les stratégies de couvrir le rayon

CMD Nyabibwe

- Erosion des membres au niveau du comité central

- Peu de membres formés et non organisation de restitution des formations par d'autres

- Représentation faible de la femme

- Gestion parfois inappropriée des conflits internes et avec les antennes

CMD Kalambi

- Effectif réduit et non évolutif depuis plusieurs années

- Lenteur des réformes malgré le départ/désertion de certains membres

CMD Kamituga

- Irrégularité de permanence à la Pharmacie de droits - Répartition théorique des tâches

- Manque des textes réglementaires

- Prééminence Président du dans la structure - Absence de femmes

CMD Kitutu

- Faible concertation avec d'autres structures locales - Absence de femmes

- Utilisation moins efficiente des outils

- Irrégularité dans la production des rapports - Absence des statuts

- Manque de cadre approprié de travail

CMD Mwenga

- Insuffisance dans la coordination des activités - Absence de cadre approprié de travail

- Non respect de l'approche Genre

Annexe N° 4 : Justification des faiblesses des CMD telle que donnée par les responsables de certains CMD

CMD

Réponses

Kamisimbi183

- H.J. ne forme plus les nouveaux membres que nous avons

- H.J. a suspendu l'appui financier mentionné dans notre contrat de
collaboration

- Plusieurs personnes hésitent d'adhérer au CMD vu les menaces dont

nous sommes victimes

- Plusieurs membres démissionnent par manque de motivation

- Nous manquons le bureau

- Manque des cartes de service comme membre des CMD

Bideka184

- H .J. ne fait plus le suivi et visites des CMD depuis la mort de

Kabungulu

- Les conditions de travail sont devenues difficiles

- L'argent de fonctionnement ne vient plus de H.J.

- H. J. n'est pas resté fidèle à ses engagements vis-à-vis des CMD

- Manque des fournitures des bureaux

- Manque de moyen de déplacement et de communication

- H.J. ne nous a pas aidé à réhabiliter notre bureau abîmé

- Pas de prime de motivation pour les membres

- Pas de formation des nouveaux adhérents

- Difficultés de payer le loyer du bureau

- Manque des cartes de service comme membre des CMD

Kadutu185

- Manque des moyens de financement

- La formation donnée par H.J. est non continue et insuffisante

- Manque des frais de fonctionnement (vélo, téléphone, crédits pour le

téléphone)

- Manque des cartes de service comme membre des CMD

- H.J. n'est pas expéditif dans la correspondance

- Manque d'implication des responsables des CMD par H.J. dans

l'établissement des différents programmes et activités

Luvungi186

- Manque de bureau

- Manque des frais de fonctionnement

- Manque de moyen de fonctionnement

- Manque des cartes de service comme membre des CMD

- Manque de moyen de communication (vélo, téléphone, crédits pour le

téléphone)

Uvira187

- Insuffisance des frais de fonctionnement

- Impermanence des frais de fonctionnement envoyés par H.J.

- Manque des cartes de service comme membre des CMD

- Manque des moyens de communication et de déplacement

- Manque de rémunération des responsables des CMD

- Manque d'outils informatiques

- Difficultés d'accéder à l'Internet.

Baraka188

- Indifférence de la population envers les membres des CMD

- Manque de moyen de déplacement

- Manque des cartes de service comme membre des CMD

- H.J. n'envoie plus les frais de fonctionnement depuis janvier 2006

183 RUHAMYA M., Président du CMD Kamisimbi, interview accordé à Kamisimbi, le 13 août 2006

184 NDAGANO P., Président du CMD Bideka, interviewé à Bukavu, le 25 août 2006

185 Alphonse, Président du CMD Kadutu, Interview accordé à Kadutu, le 05 août 2006

186 MAHOKA N., Président du CMD Luvungi, Interview accordé à Luvungi, le 19 août 2006

187 BWEYO M., Président du CMD Uvira, Interview accordé à Uvira, le 16 août 2006

188 KABWE MUKAMBILWA, Membre du CMD Baraka, Interview accordé à Baraka, le 17 août 2006

 

- Certains membres partent avec les matériels de la structure

- La grandeur de l'étendu de travail

Sange189

- Manque de logistique

 

- Insécurité croissante

 

- Insuffisance de la documentation

 

- Manque de bureau

 

- Manque des cartes de service comme membre des CMD

 

- Héritiers de la justice ne réalise pas ses promesses

Lemera190

- la victimisation des membres des CMD

 

- Manque des moyens de communication et déplacement (vélo,

téléphone, crédits dans le téléphone)

 

- Les arrestations dont sont victimes les membres des CMD

 

- Manque des cartes de service comme membre des CMD

189N. BYAMUNGU, Président du CMD Sange, interview accordé à Sange, le 16 août 2006

190 K. SEMURONGO et L. MULONGECHA, Membre et Président du CMD Lemera, interview accordé à

Lemera, le 18 août 2006

Annexe N°5 : Protocole d'accord entre Héritiers de la Justice et les CMD

Entre A.S.B.L. HERITIERS DE LA JUSTICE

Et le COMITE DE MEDIATION ET DE DEFENSE (CMD) de

IL EST CONVENU CE QUI SUIT :

Article 1 : Le CMD de est une structure locale constituée à la

base après sensibilisation de la population par HERITIERS DE LA JUSTICE.

Article 2 : HERITIERS DE LA JUSTICE et le CMD de sont décidés de

renforcer leurs liens et d'oeuvrer pour la transformation sociale par la promotion des droits humains et de la paix à la base.

Article 3 : a cet effet :

· HERITIERS DE LA JUSTICE s'engage à :

- Accompagner le CMD dans sa mission par la formation de ses membres, l'information et le suivi de ses activités ;

- Renforcer le CMD en tant que structure locale notamment par une allocation mensuelle des frais de fonctionnement (75 DM/mois) pour diverses fournitures et démarches ponctuelles ;

- Assurer la protection juridique des membres de CMD dans l'exercice de leur mission - Doter le CMD d'un minimum de matériel nécessaire à la bonne exécution de sa mission (vélo, imperméable, botte, cartable).

· Pour sa part, le CMD s'engage à :

- Se confier à HERITIERS DE LA JUSTICE pour tous les problèmes relatifs à la promotion des droits humains et de la paix

- Participer à toutes les sessions de formation organisées par HERITIERS DE LA JUSTICE à l'intention des CMD

- Sensibiliser constamment la population dans la revendication de ses droits dans le cadre des Pharmacies des droits, et promouvoir une culture de paix au sein de celles-ci ;

- Privilégier la médiation comme mode de résolutions des conflits sociaux ;

- Etablir régulièrement des rapports d'activités et les transmettre à HERITI ERS DE LA

JUSTICE, et l'informer sur tous les cas de violation des droits humains ; - Utiliser rationnellement le matériel et autres moyens mis à sa disposition

Article 4 : Les deux parties conviennent d'exécuter les clauses du présent protocole d'accord

de bonne foi.

La violation par l'une des parties d'une des clauses ci-dessous peut entraîner l'interruption de la collaboration.

Article 5 : Le présent protocole est valable pour une période de trois renouvelable à dater du

Fait à Bukavu, le / /19

Annexe N° 6 : Propositions données par Gérard KWIGW ASSA et recommandations des responsables des CMD pour remédier aux faiblesses de ces derniers

Structure

Propositions de H.J.191

Recommandations de quelques
CMD192

Structure

Défis majeurs à relever

 

CMD Kadutu

- S'ouvrir davantage à d'autres ILD présentes dans le milieu

- Maintenir la participation de chaque membre

- Que H.J. respecte le

protocole d'accord signé

entre elle et les CMD

- Que H.J. soit réaliste dans

les promesses qu'elle

donne aux CMD

- Que H.J. soit transparente

dans la gestion des fonds envoyés pour le fonctionnement des CMD

- Que H.J. mette en contact les CMD et les organismes qui les financent à travers H.J.

- Que H. J. prenne au

sérieux les demandes des CMD

CMD Bideka

- Trouver un cadre de travail approprié

- Cultiver une culture démocratique - Dossier du S/CMD Bolole apparemment non désiré aujourd'hui

- Initier d'autres sous structures

- Que le protocole d'accord

entre les CMD et H. J. soit actualisé

- Que les agents des CMD

soient aussi mensuellement rémunérés comme ceux de H .J.

- Que H. J. mette à la

disposition des CMD un moyen de déplacement et de communication adéquat.

- Que H. J. face

régulièrement la formation des membres des CMD

CMD Kamisimbi

- Rendre actifs tous les membres - Former/recycler les membres

- Sensibiliser les femmes pour qu'elles adhèrent à l'équipe

- Trouver des astuces pour faire lire la documentation en attendant la construction du bureau

- Chercher un accord de tous avant de lancer une activité de grande portée

- Que H. J. aide les CMD à

être autonomes au lieu de

les avoir sous tutelle

chaque jour.

- Que H.J. intensifie la

formation des membres des CMD

- Que H. J. alimente

régulièrement les bibliothèques des CMD

CMD Lemera

- Vaincre la peur et sortir de l'anonymat

- Que H.J. reprenne le

soutien financier des CMD

191 Forces et faiblesses des comites de médiation et de défense (CMD) de héritiers de la justice, Op. Cit., pp. 1 - 9

192 Responsables des CMD enquêtés au Sud - Kivu, août 2006

CMD Luvungi

- Etendre le champ d'action

- Stimuler l'arrivée de nouveaux membres

- Respecter le « Genre »

- Prendre un engagement pour une sortie de la dormance

- Prendre des initiatives et les matérialiser

- Diversifier les activités au-delà de la médiation, notamment s'activer dans l'éducation aux droits

humains et la démocratie

- Rendre effectives les promesses répétées de créer des S/CMD et intégrer les femmes

- Que H.J. aide les CMD à
devenir autonomes

- Que les membres formés par H.J. aient des certificats Renforcer le travail des

CMD et intensifier les formations

- Que H.J. prenne au sérieux les correspondances lui envoyées par les CMD

- Que H.J. continue à

envoyer les frais de

fonctionnement aux CMD

- Que les CMD soit dotés de

leurs propres bâtiments

- Que H.J. dote les CMD de

moyens de déplacement.

CMD Sange

CMD Uvira

- Concrétiser le projet de création des S/CMD

- Augmenter le nombre de femmes et éviter qu'elles ne fassent la figuration

- Trouver un cadre de travail approprié

- Mobiliser les ressources à

hauteur des ambitions

- Renforcer la solidarité de l'équipe - Responsabiliser effectivement les membres

- Jouer le rôle de locomotive des autres CMD de l'axe

- Impliquer grandement les

femmes

- Que H.J. soit régulière dans

l'assistance financière

- Que les Bibliothèques des CMD soient bien

alimentées

- Que H.J. intensifie la

formation des anciens et des nouveaux membres des CMD

- Que H.J. aide les CMD à être autonomes

- Que H.J. intensifie la

formation des membres des CMD

- Que les visites des CMD soient régulières

- Que les frais de fonctionnement envoyés aux CMD soient revus à la hausse

- Que les frais de

fonctionnement soient envoyés aux CMD de manière régulière

- Que les membres du

bureau des CMD soient mensuellement rémunérés

- Que les moyens de communication et déplacement soient mis à la disposition des bureaux des CMD

- Que les membres des CMD soient sécurisés

Annexe N° 7 : Effectifs des enseignant et d'élèves des écoles pour la paix selon les points focaux

Point
Focal

Nbr. EPP formées

Nombre enseignants formés

Nombre d'élèves

F

H

T

F

G

T

01

Kabare

33

17

49

66

889

1883

2772

17

09

25

34

02

Baraka

37

04

61

65

223

2645

2868

22

02

42

44

03

Fizi

25

03

47

50

136

2005

2141

19

01

36

37

04

Uvira

14

08

20

28

1713

7599

9312

21

07

13

20

29

14

44

58

25

11

39

50

05

Kiliba

29

03

49

52

361

4492

4853

14

01

27

28

06

Kadutu

39

13

62

75

2018

3126

5144

32

17

44

61

07

Kamanyol a

18

06

27

33

197

1396

1593

17

08

21

29

08

Bideka

26

11

32

43

395

2395

2790

19

05

33

38

09

Mboko

11

01

19

20

165

2570

2735

17

00

31

31

12

00

24

24

10

Ibanda I

57

19

38

57

1638

4973

6611

54

13

41

54

11

Ibanda II

(Panzi)

21

17

25

42

1523

3641

5164

35

21

44

65

12

Luvungi

33

12

54

66

388

884

1272

17

07

27

34

13

Sange

16

09

23

32

309

3094

3403

13

05

21

26

09

00

18

18

14

Kaziba

37

12

57

69

916

2247

3163

16

02

30

32

15

Bagira

45

17

28

45

848

4240

5088

26

14

38

52

16

Mumosho

18

08

28

36

481

9424

9905

27

13

39

52

17

Makobola

13

00

26

26

144

1355

1499

09

00

18

18

18

Lemera

16

05

27

32

 
 
 

11

02

20

22

19

Kavumu

19

13

25

38

435

2110

2545

21

11

31

42

20

Katana

24

09

39

48

559

6861

7420

15

07

23

30

TOTAL

1028

357

1465

1822

13338

66940

80278

Annexe N° 8a : Questionnaire d'enquêtes pour les fa iseurs d'opinion au sein des Communautés membres de l'E. C.C. / Sud Kivu

Lisez attentivement chaque question et répondez-y.

- Pour certaines questions mettez X entre parenthèses

- Pour d'autres, écrivez brièvement votre réponse entre les prévus.

En cas de nécessité, utilisez le verso du papier en précisant le n° de la question.

De quelle communauté êtes- vous membre :

a. 8ème CEPAC ( ) ; b. 5ème CELPA ( ) ; c. 26ème CELMC ( )

d. 40ème CECA ( ) ; e. 7ème CEGC ( ) ; f. 21ème CNCA ( ) g. autre ( )

Quel (le) est votre ministère (fonction) dans l'Eglise

a. Représentant Légal193 ( ) ; b. Chef de département ( )

c. Révérend Pasteur ( ) ; d. Pasteur ( )

e. Président des jeunes ( ) ; f. Présidente des mamans ( ), g. Laïc ( )

h. Préfet d'école ( ) ; i. Directeur d'école ( )

Votre âge varie entre :

a. 18 ans - 27 ans ( ) ; b. 28 ans - 37 ans ( ) ; c. 38 a ns - 47 ans ( )

d. 48 ans - 57 ans ( ) ; e. 58 ans et plus ( )

QUESTIONS

1. Pouvez-vous dire le nombre des lois promulguées pendant toute la période de transition
dans notre pays ? Oui ( ) ; Non ( )

2. Si oui, Précisez le nombre ( )

3. De toutes ces lois, combien avez-vous lues ? Précisez le nombre ( )

4. De qui avez-vous eu (la) les lois lues (lue) ?

a. D'un parti politique ( )

b. De Héritiers de la Justice ( )

c. Du comité diocésain Justice et Paix ( )

d. D'une autorité ecclésiastique ( )

e. De votre Pasteur ( )

f. De qui d'autre ?

5. Avez-vous personnellement une certaine connaissance sur Héritiers de Justice ? a. Oui ( ) ; b. Non ( )

Si oui, la quelle (précisez en quelques mots

6. Votre église entretient-elle de relation avec Héritier de Justice ? a. Oui ( ) ; b. Non ( )

7. Comment avez-vous fait connaissance de Héritiers de Justice :

8. Avez-vous déjà Bénéficié des services de Héritiers de Justice ?

a. Oui ( ) ; b. Non ( ) ,

lesquels .

9. Selon vous que devrait faire Héritiers de la justice pour être de plus en plus utile à

la population ?

Annexe N° 8b : Questionnaire d'enquêtes pour les Préfets et Directeurs d'écoles conventionnées protestantes de la ville de Bukavu

Lisez attentivement chaque question et répondez-y.

- Pour certaines questions mettez X entre parenthèses

- Pour d'autres, écrivez brièvement votre réponse entre les prévus.

En cas de nécessité, utilisez le verso du papier en précisant le n° de la question.

A quelle communauté appartient votre école ?

a. 8ème CEPAC ( ) ; b. 5ème CELPA ( ) ; c. 26ème CELMC ( )

d. 40ème CECA ( ) ; e. 7ème CEGC ( ) ; f. 21ème CNCA ( )

Quelle est vote fonction ?

a. Préfet d'école ( ) ; b. Directeur d'école ( )

Votre âge varie entre :

a. 18 ans - 27 ans ( ) ; b. 28 ans - 37 ans ( ) ; c. 38 a ns - 47 ans ( )

d. 48 ans - 57 ans ( ) ; e. 58 ans et plus ( )

QUESTIONS

4. Pouvez-vous dire le nombre des lois promulguées pendant toute la période de transition
dans notre pays ? Oui ( ) ; Non ( )

5. Si oui, Précisez le nombre ( )

6. De toutes ces lois, combien avez-vous lues ? Précisez le nombre ( )

4. De qui avez-vous eu (la) les lois lues (lue) ?

a. D'un parti politique ( )

b. De Héritiers de la Justice ( )

c. Du comité diocésain Justice et Paix ( )

d. D'une autorité ecclésiastique ( )

e. De votre Pasteur ( )

f. De qui d'autre ?

5. Avez-vous personnellement une certaine connaissance sur Héritiers de Justice ? a. Oui ( ) ; b. Non ( )

Si oui, la quelle (précisez en quelques mots

6. Votre école entretient-elle de relation avec Héritier de Justice ? a. Oui ( ) ; b. Non ( )

7. Comment avez-vous fait connaissance de Héritiers de Justice :

8. Avez-vous déjà Bénéficié des services de Héritiers de Justice ? a. Oui ( ) ; b. Non ( ) lequel

9. Selon vous que devrait faire Héritiers de la justice pour être de plus en plus utile à La population ?

Le Colonel Thierry Ilunga donnant son
témoignage

Annexe N° 9 : Comparution du Vice/ Gouverneur Didace Kaningini, du Colonel Thierry Ilunga et des caporaux Désiré Ndagano et Hemedi Tambwe lors de la 11ème journée du procès Pascal Kabungulu

Mr.le Vice Gouverneur Didace
Kaningini, déposant devant la cour

A l'avant plan, de gauche à droite, les caporaux
Désiré Ndagano et Hemedi Tambwe

Annexe N° 10 : Liste des agents et collaborateurs de H. J. assassines

Structure

Victimes

Fonctions

Date de décès

Circonstances

CMD Kalonge

Cizungu

Président

2002

Difficiles

conditions de vie en refuge causé par l'insécurité et sa traque par la rébellion du RCD

CMD Uvira

Djumapili Rumanya

Conseiller

29/11/2001

Abattu froidement chez lui par des hommes armés qui n'ont emporté

CMD Sange

Ndaheba Rusagara, son

épouse Dikila et

leur nourrisson
Sharifa Rusagara

Président

30/11/2002

Assassinés chez

eux par des
éléments

présumés Maï-

Maï qui n'ont rien pris. Les
multiples

dénonciations faites par ce

CMD des exactions dont le groupe était responsable dans le cité de Sange seraient la cause.

CMD Kalambi

Florent Bashika

Ngirangi

Membre

Dans la nuit du

19 au 20/06/2003

Tué à domicile à Kionvu par des hommes armés

S/CMD Bushushu

Cizungu

Chirembya et sa femme

Président

Août 2004

Mort survenue en refuge consécutif aux menaces des hommes de Laurent Nkunda.

Bureau central

KABUNGULU KIBEMBI

Secrétaire Exécutif de HJ

31 juillet 2005

Mort assassiné à son domicile par les hommes armés

Annexe N° 11 : Tableau des activités réalisées et n on réalisées en 2005

Activités

Réalisées

Non
réalisées

observation

Totalement

Partiellement

01

Former les CMD en technique de conception et gestion des projets

 
 

X

 

02

Former les points focaux et

associations en droits fonciers et communautaire

 
 

X

 

03

Organiser des ateliers de réflexion sur les femmes et la paix pour les autorités gouvernementales et militaires

 
 

X

 

04

Organiser une formation des

femmes des PDP

 
 

X

 

05

Former les EPP

X

 
 
 

06

Organiser un échange avec les Inspecteurs de l'EPSP

 
 

X

 

07

Tenir une session d'évaluation du programme promopaix

 

X

 

Réalisée avec

le concours des consultants

08

Ouvrir un centre de formation et d'échanges sur les DHP

 
 

X

 

09

Organiser des formations sur la lutte contre la torture et l'impunité

 
 

X

Financement

non octroyé par la Commission Européenne

10

Organiser 2 formations sur la

collecte et le monitoring des DH

 
 

X

Activité non

financée

11

Former le personnel - DH

- Anglais

- Webmaster

- Restitution des formations

 

X
X

X
X

Participation

aux ateliers des partenaires

Formation de 3 agents par Samy et 1 par Front Line

12

Visiter les CMD

 

X

 

- tous les CMD visités 1 fois,

- 6 CMD

seulement

visités 2 fois

13

Faciliter les échanges inter-CMD

 
 

X

 

14

Créer des nouveaux CMD

 
 

X

 

15

Organiser des visites d'échanges avec d'autres organisations

 
 

X

 

16

Collecter et traiter les informations sur les DH et la Paix

 

X

 

En moyenne

Une info

collectée et

traitée sur deux prévues par semaine

17

Suivre et évaluer les activités

d'autres programmes

 
 

X

 

18

Assister le Secrétaire Exécutif

 

X

 
 

19

Participer aux activités d'autres

programmes

X

 
 
 

20

Organiser des colloques

 
 

X

 





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