2- Analyse des stratégies des acteurs directs du
projet Jatropha agissant au sommet
A l'image de beaucoup de projets mis en oeuvre au
Sénégal, l'idée de promouvoir des plantations de Jatropha
pour la satisfaction des besoins énergétiques des
collectivités rurales est venue de promoteurs développeurs qui
ont su mobiliser un groupe de leaders paysans.
En effet, la sensibilisation initiale et le recensement des
paysans pour l'adhésion au projet en gestation ont été
menés de bout en bout par des leaders de l'actuel bureau exécutif
de la Fédération des Groupements de Producteurs de Tabanani de
Foundiougne (FPTF) sous la houlette des experts du bureau d'étude
Performances. Certains de ces leaders producteurs ont acquis une bonne
connaissance de la zone du projet et ont bénéficié d'une
notoriété au sein de la population à la faveur de leur
participation au programme d'électrification rurale. Ce sont ces acquis
relationnels et ce capital de confiance qui ont facilité la phase
d'information et de sensibilisation auprès des producteurs.
Après leur adhésion, les paysans se sont
constitués en groupements villageois avant de former des pôles de
développement et se liguer en Fédération des Groupements
de Producteurs de Tabanani de Foundiougne (FPTF). Le bureau exécutif est
constitué principalement des leaders paysans instigateurs du projet.
Cette fédération est co-fondatrice avec le
cabinet d'étude Performances de la SOPREEF qui est maître d'oeuvre
du programme EESF. Sa mission est « de coordonner un investissement
dans 30 pôles de développement et d'organiser à
l'échelle du département une filière de production de
biocarburants à partir de plantations de Jatropha ». Une
convention d'associés a été signée entre
partenaires de SOPREEF. Les acteurs du programme y sont tous
représentés avec les modalités idéales
suivantes:
? chaque associé dispose d'une voix et d'une seule,
quelle que soit l'importance de ses engagements financiers.
? les décisions stratégiques sont prises par
consensus. La mise en oeuvre du programme EESF applique le principe de
subsidiarité en privilégiant systématiquement le
développement des capacités et la génération de
revenus au niveau villageois. SOPREEF, structure de coordination du programme,
développe des capacités organisationnelles, techniques,
commerciales avancées au profit de l'ensemble des structures
impliquées dans le programme.
La SOPREEF bénéficie de l'assistance technique
de THD (Technologies for Human Development), département de Performances
spécialisé dans l'organisation et la gestion de services d'eau et
d'électricité en milieu rural et la valorisation des
énergies renouvelables pour le développement rural. THD
connaît très bien la zone d'implantation du programme EESF pour y
avoir coordonné pendant 2 ans la mise en oeuvre d'un service
d'électrification rurale desservant 8600 usagers dans 280 villages du
département de Foundiougne.
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Mémoire Master Amadiane DIALLO
La gérance de la SOPREEF est confiée à un
expert de ce département qui a une bonne expérience de la zone
comme coordinateur du programme d'électrification rural cité. Il
est chargé de la gestion administrative et technique du programme avec
l'appui d'un groupe de travail constitué d'un technicien agricole
assisté de deux responsables de la Fédération des
Producteurs de Tabanani de Foundiougne (FPTF).
Conscients qu'ils ne peuvent pas à eux seuls financer
leur ambitieux programme, les acteurs d'EESF ont élaboré un
document de projet intitulé « Validation d'un modèle
d'huilerie rurale » pour rechercher des financements au niveau national et
international. L'objectif de ce projet est de « développer la
capacité technique et financière de SOPREEF, à promouvoir
un modèle viable de production d'huiles végétales de
qualité en milieu rural. Les résultats attendus incluent la
validation d'un modèle d'huilerie rurale, la mise en place au niveau de
SOPREEF des capacités techniques et financières
nécessaires pour accompagner la diffusion de ce modèle au niveau
des pôles de développement du programme EESF.»
La mise en oeuvre du projet va s'appuyer sur un partenariat
technique nord-sud entre deux entreprises rurales que sont l'Atelier du Lys (en
France), inventeur de la presse AXIA et la SOPREEF qui compte prendre en charge
43% du coût total de ce projet estimé à 264 Millions FCFA
(403.000 €). Ainsi, ces acteurs sont à la quête de
compléments de financement pour l'acquisition des équipements de
production (extraction, filtration et stockage de l'huile) et la prise en
charge des coûts de développement du modèle technologique,
et des capacités techniques et commerciales de SOPREEF.
A travers ce projet « Validation d'un modèle
d'huilerie rurale », SOPREEF projette de s'établir comme un centre
de référence technique, chargé de la diffusion de ce
modèle. Elle aura alors pour rôle :
? d'assurer la filtration, le stockage, le conditionnement et
la commercialisation des huiles produites par les unités villageoises
? d'apporter une assistance technique aux opérateurs
des huileries villageoises et de mettre en oeuvre un contrôle de
qualité et un traçage détaillé des produits
? de traiter les graines de Jatropha provenant des zones de
production non encore équipées de capacité de
transformation
? d'assurer la formation initiale et le recyclage des techniciens
travaillant dans les pôles de développement.
Dans cette perspective, les acteurs directs du projet Jatropha
agissant au sommet sont tous animés d'une volonté de trouver des
partenaires financiers. En effet, lors de mes interviews cet état
d'esprit est perceptible. L'exemple de ces déclarations suivantes est
patent : « nous savons que notre programme tient la route mais il nous
manque des appuis financiers pour décoller », « les
possibilités de mobiliser des financements ne manquent pas dans le cadre
des mécanismes de développement propre, nous allons nous y mettre
à fonds ..»
Comme indiqué dans la partie théorique, ils ont
réussi à décrocher quelques partenaires. Mais ces derniers
n'ont jusqu'ici octroyé que des financements ponctuels. Malheureusement
cette attitude d'être à la quête perpétuelle de
financement risque de les déconnecter des réalités et
préoccupations des populations concernées. Les obligations et
contraintes imposées par chaque bailleur risquent d'être
érigées en feuille de route au détriment des
intérêts des acteurs à la base. D'ailleurs certains
producteurs commencent à dire : « nous n'avons pas encore vu
les retombés des premiers financements alors que les leaders de la
SOPREEF en profitent eux.... ». Ainsi, la suspicion des acteurs
à la base à l'endroit de ceux au sommet est nourrie par cette
propension à accumuler des bailleurs aux financements partiels.
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