CHAPITRE 1 RECENSION DES ÉCRITS
La revue de la littérature financière nous
permet de dégager deux courants d'analyse empirique en ce qui concerne
l'intégration des marchés financiers : l'un d'entre eux est
constitué des études qui se fondent sur les modèles
d'évaluation des actifs financiers, pendant que l'autre est
articulé sur des études qui visent à décortiquer le
co-mouvement des cours des marchés financiers.
L'analyse basée sur les modèles d'actifs
financiers a pour hypothèse sous jacente l'efficience des
marchés. Les études portant sur le co-mouvement des cours font
surtout appel aux modèles de co-intégration pour quantifier
l'interdépendance entre les marchés nationaux sans avoir comme
hypothèse sous jacente l'efficience des marchés. Cette
dernière vision ne s'inscrit pas de l'objet de ce travail.
1.1- L'analyse de l'intégration des
marchés financiers fondée sur les modèles
d'évaluation des actifs financiers
Les analyses empiriques sur l'intégration des
marchés financiers nationaux puisent leurs techniques du même
creuset théorique que le modèle de Solnik (1974). Ce
modèle s'appuie sur la prémisse de l'intégration parfaite
des marchés financiers où les variables locales n'ont pas
d'influence sur le prix du risque. Les hypothèses du modèle de
Solnik concernant la forme fonctionnelle du processus stochastique suivi par
les cours des actifs financiers sont similaires à celles de Sharpe
(1964), Lintner (1965) et Mossin (1969). Un autre processus stochastique
supposé par Solnik intègre le taux de change comme variable
d'état. En investissant dans des actifs risqués d'un pays
étranger i, l'investisseur d'un pays j court, bien évidemment, le
risque du marché de l'autre pays et le risque de taux de change.
L'inflation n'est pas prise en considération dans ce modèle. Le
modèle de Solnik admet que le risque de taux change peut être
couvert.
Les idées maîtresses de Solnik s'articulent sur le
scénario suivant :
> Dans chaque pays l'investisseur achète un lot
d'actifs financiers dont le risque de change est couvert par la souscription
à un emprunt dans ce même pays ;
> Achat d'actif sans risque de chaque pays.
La construction du modèle de Solnik suppose que
l'investisseur recherche la maximisation de la fonction d'utilité. Il
est plus proche du modèle de Merton (1973). Car la demande des actifs
risqués et la demande des obligations sans risque sont
séparables. Le portefeuille d'un investisseur qui s'immunise contre le
risque de change se décompose selon Solnik, de trois composantes :
> Le portefeuille de marché mondial ;
> Un portefeuille d'obligations des différents pays,
spéculatif à l'égard du risque de change ;
> L'actif sans risque du marché domestique.
Solnik en extrait l'équation suivante qui formalise
l'état d'équilibre dans un marché financier international
parfaitement intégré :
Å ( r i ) -rf=â
i [Å(rM-rf)] ,
(1.1)
où E(ri) et E(rM) désignent, respectivement,
l'espérance de la rentabilité du portefeuille du pays i et
l'espérance de rentabilité du portefeuille du marché
mondial composé par les portefeuilles de tous les pays, et rf est une
moyenne pondérée des taux d'intérêt sans risque des
différents pays. Soulignons au passage que la couverture contre le
risque de change telle que conçue par Solnik fut critiquée par
Sercu (1980) qui considère que la valeur optimale du ratio de couverture
dépend de l'exposition au risque de taux de change du portefeuille en
question au lieu que l'achat d'un portefeuille d'actifs risqués dans un
pays i soit tributaire d'un emprunt équivalent dans ce même pays
soit un ratio de couverture égal à 1.
Ader et Dumas (1983) intègrent le facteur inflation et
signalent que les écarts du taux de change par rapport à la
parité du pouvoir d'achat (PPA) rendent contraignant l'application d'un
modèle international à l'évaluation des actifs financiers.
Le risque d'écart du taux de change par rapport à la
parité du pouvoir d'achat peut être réduit par la
constitution d'un portefeuille optimal. Le ratio de couverture doit,
d'après Ader et Dumas être calculé par des
régressions des rentabilités des actifs inclus dans le
portefeuille optimal, sur la série des écarts entre le taux de
change effectif et les valeurs qui sont conformes à la PPA.
Un test du modèle d'équilibre international a
été effectué par Dumas et Solnik (1995). Il inclut des
prix de marché du risque de taux de change, sur des données
afférents aux marchés américain, allemand, japonais et
anglais, ainsi que la parité entre le dollar et les monnaies de ces
pays. Leur test indique que le taux de change joue un rôle significatif
dans le modèle d'évaluation international des actifs
financiers.
Karoly et Stulz (2003) soulignent que la PPA est plus
significative pour un certain bloc de pays que pour d'autres. Dans le
scénario où des pays ont une inflation plus élevée,
la PPA serait un bon instrument pour suivre l'évolution du taux de
change. Inversement dans les pays où l'inflation est faible, les
fluctuations du taux de change sont peu corrélées avec le taux
d'inflation. Abstraction faite de ces détails un modèle
d'évaluation international doit assurément s'appliquer pour tous
les pays.
Dans l'hypothèse de l'intégration parfaite, les
paramètres servant à évaluer les actifs financiers sur le
marché international sont similaires à ceux servant à
l'évaluation des actifs dans le marché domestique, c'est donc le
modèle international qui permet l'évaluation des actifs
financiers. Dans le cas de segmentation parfaite, les prix des actifs sur le
marché domestique sont totalement indépendants des prix des
actifs sur le marché international et par conséquent seuls les
paramètres nationaux interviennent et c'est le modèle national
qui en permet l'évaluation.
C'est à Stehle (1977) que revient le premier
modèle empirique ayant pour but l'étude de la segmentation des
marchés financiers. Ici, le marché domestique est supposé
prendre le rôle prépondérant dans l'évaluation des
actifs financiers, le marché mondial est relégué au second
plan. Implicitement le modèle reconnaît
l'éventualité que le marché financier d'un pays i soit
sensiblement ou partiellement intégré au marché mondial,
cependant l'hypothèse de l'intégration parfaite est exclue.
La méthodologie suivie par Stehle est scindée en
deux compartiments. Au premier compartiment, la composante de l'indice mondial
non corrélée avec l'indice domestique est
déterminée par la régression linéaire suivante :
~ ~
R W = á WD +âDRD
+õ ~ W , (1.2)
~ ~
où RW est la rentabilité du
portefeuille de marché mondial, RD est la
rentabilité de portefeuille domestique
et õ~W
est la composante de la rentabilité du portefeuille mondial non
corrélée avec le portefeuille domestique. Une deuxième
régression fait partie du premier compartiment, qui permet l'estimation
des coefficients bêta de chaque actif domestique individualisé i,
par rapport à l'indice domestique et à la composante
õ~W de l'indice mondial :
~ ~
. (1.3)
R i = á + â iD R
D + â õ õ ~ +
å ~ i i w i
Le deuxième compartiment est constitué par la
régression de d'espérance de rentabilité des actifs sur
les estimateurs des coefficients bêtas, ayant pour objectif l'estimation
de la relation d'équilibre entre l'espérance de
rentabilité et le risque systématique :
Å ( ri ) -rf
=âiDëD+âiDëõ ,
(1.4)
où ëD et
ëõ sont les prix du risque du portefeuille du
marché domestique et du portefeuille résiduel. Le marché
des actions domestiques est partiellement intégré dans le
marché mondial si ëõ = 0 , et il est
complètement segmenté si ëõ = 0
.
Akdogan (1996) propose une manière simple pour mieux
saisir l'intégration des marchés qui consiste à les
comparer par rapport à un marché mondial. En plus selon l'auteur
la réduction du risque et les opportunités d'amélioration
des rendements qu'un pays peut offrir sont étroitement reliés
à son degré de segmentation comparativement au reste du monde ou
typiquement par rapport à un marché référence.
.
En effet selon Akdogan, les économies mondiales sont
devenues plus interdépendantes et institutionnellement plus
intégrées et ce, en raison de démantèlement graduel
des barrières douanière et du contrôle des capitaux et du
développement rapide des nouvelles technologies de l'information et des
télécommunications.
Si un degré de segmentation plus élevé
est susceptible d'engendrer des opportunités de diversification plus
grandes, alors la mesure de degré de segmentation du marché
devient un élément important dans la diversification de
portefeuille. La mesure appropriée de la segmentation c'est la
contribution d'un pays au risque systématique du portefeuille mondial.
Une contribution moindre signifie plus de segmentation.
Étant donné que cette contribution augmente avec
le temps, le marché devient plus intégré avec le
portefeuille mondial. Une fois les pays sont rangés sur la base de leur
contribution au risque systématique, les fonds pourraient être
alloués proportionnellement aux scores de chaque pays (scores au niveau
de la segmentation).
On voit donc qu il y a une analogie entre la sélection
des pays et la sélection des titres. Une autre approche après
quelques modifications pourrait être appliquée au choix des titres
individuels. En plus un gestionnaire de portefeuille doit être
intéressé par :
> Le degré de segmentation d'un actif transigé
sur un marché étranger avec le portefeuille mondial
(sélection des titres);
> Le degré de segmentation du marché
étranger par rapport au portefeuille mondial;
> Le comportement des degrés de segmentation dans le
temps;
> Les variations de segmentation entres les marchés.
Pour la mesure de l'intégration financière, Akdogan
fait appel aux travaux de Markowitz et essentiellement au modèle
standard de rendement transposé à l'échelle internationale
:
R i = ái +
âiR W+ åi ,
(1.5)
avec :
Ri : le taux de rendement du
portefeuille du marché du pays i; ái
: constante de la régression;
âi : c'est le
âi du pays par rapport au portefeuille mondial;
RW : le taux de rendement du portefeuille
mondial;
åi : Les
résidus de la régression;
Cov ( Ri
,RW)
â i =
Var( RW) .
La variance du portefeuille i est :
Var ( Ri ) =
âi2 Var( RW)
+Var(å i) (1.6)
Posons :
P iVar
â
i
2
Var( RW)
( Ri)
;
(1.7)
Var( å) i
; Q i = Var(
Ri ) (1.8)
avec :
Pi + Qi =1 .
Le terme Pi indique la fraction du risque
systématique dans le pays (i) par rapport au portefeuille mondial. Il
mesure la contribution du pays (i) au risque du marché mondial. En
effet, le Pi est une mesure appropriée du
degré d'intégration ou de segmentation du marché (i) par
rapport au portefeuille mondial (w).
Un Pi plus grand signifie que le
marché (i) est devenu plus intégré au marché
mondial. Si Pi diminue ou alternativement
Qi augmente à travers le temps le marché (i)
devient moins intégré avec le marché mondial et ce, vu sa
contribution moindre au risque systématique du portefeuille mondial.
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