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Mesures provisoires et conservatoires dans l'arbitrage
CCI
Cette étude a pour base une procédure arbitrale
qui se déroulait en 2009 au sein de la Cour internationale d'arbitrage
de la Chambre de commerce internationale.
Cet arbitrage avait lieu à Genève et
était celui qui nécessitait, à l'époque, les
mesures les plus urgentes. C'est la raison pour laquelle une analyse a
été consacrée aux mesures provisoires et conservatoires
dans le cadre de l'arbitrage CCI, vis à vis de son règlement et
de la pratique.
L'importance de cette affaire en discussion, son
intérét juridique et son adéquation aux thèmes qui
avaient attrait au master sont des facteurs qui amenées l'auteur
à y dédier ce travail.
Il convient de remarquer l'opportunité d'avoir pareil
accès à un arbitrage CCI soumis à un tribunal ayant des
composants expérimentés, présidé par un
renommé professeur genevois et concernant d'importants conseils.
Premièrement, il est temps de conter brièvement
les faits qui ont entrainé le déclenchement du litige, ainsi que
de formuler une synthèse des phases principales de la procédure
arbitrale (sentence partielle, mémoires et ordonnances) et du
problème de droit (A).
Par la suite, on se penche sur la matière des mesures
provisoires et conservatoires dans arbitrage international et surtout dans des
procédures se déroulant sous les auspices de la Chambre de
commerce internationale, en soulevant les recherches faites par le stagiaire et
leur utilité dans l'affaire en question (B).
1 Note de l'auteur : Le texte reproduit ici, qui correspond
à la deuxième partie du rapport de stage présenté
en 2009 à l'Université Paris 1, a été
rédigé après la réalisation d'un stage à
l'Association Boedels Avocats, cabinet d'avocats situé à Paris.
Cette étude s'est basée sur une procédure arbitrale qui se
déroulait sous les auspices de la Chambre de commerce internationale.
Pour les raisons habituelles, les noms des parties ont été
masqués.
A- Affaire CCI
1. Sommaire des faits
a. Contrat hôtelier du 31 octobre 1978
La société Demanderesse (bailleur) et la
société Défenderesse (preneur) ont signé le 31
octobre 1978 le ÇContrat de gestion d'unité
hôtelière È, appartenant à la catégorie
génériquement dénommée Çcontrat
hôtelier È. Ce type d'accord utilisé
généralement par les hôtels et les restaurants en France
consiste pour le bailleur à mettre à la disposition du preneur un
ensemble hôtelier que ce dernier doit rendre fin de bail dans
l'état d'usage, afin qu'il puisse être remis immédiatement
à un nouveau preneur, sans qu'il soit nécessaire de
réaliser de nouveaux travaux ou des réinvestissements.
Dans ce contexte, l'état d'usage ne se confond pas
avec l'état d'usure légère ou avancée bien qu'il se
situe plus près de l'une que l'autre. Il s'agit donc simplement
d'équipement ou de matériel qui ne peuvent être tenus pour
neuf pour avoir été utilisé, mais que l'on ne doit pas
pour autant déclarer comme usé ou usagé. En d'autres
termes, le matériel et les équipements sont censés pouvoir
être utilisés en hôtellerie ou en restauration, sans que le
client n'ait à redire sur leur qualité, leur présentation
et leur aspect.
b. Inventaire d'entrée dans les lieux
Le document a été signé
contradictoirement, c'est-à-dire par les deux parties concernées.
Il est pour autant incontestable de ce point de vue.
Son intérêt principal consiste à
démontrer qu'il a été remis, selon l'usage dans
l'industrie hôtelière, un ensemble immobilier comprenant les
bâtiments, le gros et le petit matériel, et que cet ensemble
devait être restitué en fin de contrat.
Plus que la recherche toujours éprouvante de
l'identité des objets, il relève le caractère
immédiatement opérationnel de l'unité
hôtelière. En outre, c'est en raison de l'existence de cet
inventaire que la Demanderesse juge avoir le droit de recevoir la même
chose en 1998, au moment de la fin du contrat.
c. Fin du contrat
Le contrat signé en 1978 prévoit une
durée de 20 ans. En effet, il étendrait le 31 octobre 1998
(article 4, contrat hôtelier). Il est donc habituel qu'en ce moment les
parties procèdent à ce que l'on appelle l'inventaire de
sortie.
Les usages de l'hôtellerie et de la restauration se
produisent de tel le forme que le jour de cet inventaire, les lieux doivent
être tenus propres et en ordre; il s'impose que le matériel soit
rangé et aligné pour être décompté et
inspecté plus facilement. Selon les propres professionnels,
l'avènement des litiges entre eux est rare. Or, habituellement, ils
tiennent à leur réputation, ont le souci de leur clientèle
et recherchent la conservation des appréciations dont ils ont pu
bénéficier dans des guides touristiques et auprès des
critiques gastronomiques.
Postérieurement à la restitution des lieux, la
Demanderesse a reproché le preneur de ne pas avoir respecté
Çla lettre du contrat, l'esprit des conventions et les usages de la
profession>> (pp. 8, Mémoire récapitulatif), dans la mesure
oü il aurait laissé l'ensemble hôtelier dans un état
de décrépitude, de délabrement >>.
D'après le bailleur, ce serait la raison pour laquelle
la Défenderesse a refusé de signer l'état des lieux de
sortie. Au vu de cette situation, la Demanderesse a décidé
d'établir unilatéralement l'inventaire de sortie.
d. Travaux de rénovation supportés par la
société Demanderesse
Sur le fondement du contrat de travaux conclu avec une
société tierce, la Demanderesse a fait effectuer les
rénovations, reconstructions et remises en état de l'ensemble
hôtelier qu'elle avait loué et qui lui avait été
restitué hors d'usage.
Après s'être rendu compte de la
nécessité pressante de rénover l'ensemble hôtelier,
sous peine de ne pas continuer l'exploitation du fonds de commerce, cette
société a dü supporter des dépenses diverses.
e. Pratique habituelle du preneur en matière de
gestion d'hôtel de luxe
Il résulte des renseignements concordants et
précis réunis auprès de professionnels des
opérations touristiques que le Club (É) réserve son
enseigne à la gestion d'ensembles hôteliers neufs ou
intégralement rénovés.
Ce groupe hôtelier effectue durant la période
oü il est en charge de l'opération les travaux lui incombant tels
qu'ils résultent du contrat. Lorsque le coüt des travaux
d'entretien s'élève au point qu'il faut passer à des
travaux de rénovation, le Club (É) procède alors à
une double opération.
Premièrement, l'hôtel de catégorie palace
luxe ou cinq étoiles (selon la dénomination locale) est
déclassé en village de vacances, haut gamme tout d'abord et puis
de niveau courant. Au cours de ce processus, le nom de Club (É)
dispara»t pour laisser la plac e uniquement à la
société Défenderesse qui lui succède, afin de ne
pas trop obérer son image. Cette substitution aboutit
inéluctablement à une lente dévalorisation des ensembles
immobiliers.
f. Témoignage d'un salarié du preneur
Le témoignage de M. Alfio Belluso est édifiant
dans la mesure oü il démontre que le preneur avait conscience
d'être tenu tôt ou tard de l'exécution de l'obligation de
restitutio in integrum (Cf. item 3.c suivant): Ç Il s'agit d'un
hôtel de luxe oü les exigences sont élevées et sans
ces remplacements du mobilier fixe le bon fonctionnement de l'hôtel ne
peut pas être assuré. Des remplacements de cette sorte n'ont
jamais eu lieu pendant ma période de travail à l'hôtel
(É). Cette omission est souvent devenue l'objet des plaintes et des
protestations qui des fois furent assez intenses de la part du
propriétaire du complexe hôtelier È.
2. Procedure arbitrale
a. Clause arbitrale insérée dans le contrat
hôtelier
Le Contrat de gestion d'unité hTMteliêre de
1978 contient la clause d'arbitrage suivante:
Article 16:
Tout différend entre les parties relatif à
l'interprétation ou à l'exécution du présent
contrat sera tranché par arbitrage à Genéve (Suisse)
conformément au réglement alors en vigueur de la Chambre de
commerce
internationale, devant un collège de trois
arbitres, nommés de la manière prévue par ce
règlement. Les parties s'engagent à exécuter la sentence
arbitrale et l'homologation de la sentence rendue pourra être obtenue de
tout tribunal compétent ou, suivant le cas, il pourra être
présenté au Tribunal une requête aux fins de confirmation
judiciaire de la requête et aux fins d'exequatur.
Le présent contrat est conclu à
Genève et l'interprétation du contrat ainsi que la
détermination de droits et obligations des parties aux présentes,
seront faites conformément au droit francais sous réserve de ce
qui est dit au paragraphe précédent.
La clause détermine que des éventuels litiges
issus de cette relation commerciale doivent être tranchés par un
tribunal arbitral de trois composants au sein de la Cour internationale
d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI). Le siège de
l'arbitrage serait établi dans la ville de Genève, en Suisse.
En ce qui concerne le droit applicable au fond du litige, il
est permis de conclure que le droit francais serait tenu en compte par les
arbitres dans l'interprétation des obligations issues du contrat.
En revanche, les règles de procédure ayant
vocation à s'appliquer n'ont pas été expressément
fixées dans la clause d'arbitrage, qui ne mentionne que le
règlement de la CCI en vigueur au moment de l'avènement du
litige. Cet aspect a été source d'embarras au long de la
procédure, comme pour savoir la portée des mesures provisoires
ayant vocation à s'appliquer par les arbitres (Cf. 2nde
partie, B).
b. La demande de la société Demanderesse
Au vu des faits mentionnés ci-dessus, et en
présence d'une clause d'arbitrage, la Demanderesse s'est vue contrainte
à entamer une procédure arbitrale auprès de la CCI.
Cette société a donc demande au Tribunal
arbitral de statuer sur trois types d'indemnisation, à savoir: (a) la
remise en état des lieux ou de l'immeuble; (b) l'indemnisation au titre
du petit matériel; (c) l'indemnisation au titre du gros
matériel.
(a) La remise en état des lieux ou de l'immeuble: le
défaut d'entretien et le défaut de remise en état de
l'immeuble constituent une violation grave des dispositions contractuelles. Il
s'agit d'une reconstitution dans l'état d'origine, dont les frais
devraient être intégralement à la charge du preneur.
(b) Indemnisation au titre du petit matériel: le
contrat de 1978 détermine que le preneur devrait assurer à ses
frais l'entretien et le renouvellement du petit matériel qui lui a
été fourni au départ. Ce contrat prévoit de
même que le petit matériel devrait être amorti au bout de
trois ans.
(c) Indemnisation au titre du gros matériel: selon le
contrat, le gros matériel devrait être amorti au bout de sept ans.
Le gros matériel doit faire l'objet d'une remise en état de
manière à pouvoir être utilisé en permanence.
3. Le problème de droit
a. Obligations contractuelles et usages de la
profession
Les obligations contractuellement engagées, ainsi que
les usages de la profession, la loi grecque et l'ordre public économique
grec exigent, dans le cas de l'espèce, que l'ensemble hôtelier
soit rendu, à la fin du bail, en une condition favorable à la
suite immédiate de l'activité hôtelière.
Autrement dit, il résulte donc tant du contrat de
gestion liant les parties que des usages de la profession
hôtelière que:
(a) le preneur devrait restituer les locaux, le mobilier
commercial, le matériel, les installations en parfait état
d'entretien;
(b) leur restitution devait intervenir en fin de contrat en
parfait état d'usage, prêt à l'emploi.
b. Article 1731 et 1732 du Code civil francais
Conformément à ce qui dispose la clause
arbitrale, le droit francais est applicable à la présente
affaire.
Bien que la non signature du constat de sortie de lieux par le
preneur aurait pu affaiblir le bien fondé des demandes, la lecture des
articles 1731 et 1732 du Code Civil vient renforcer position de cette
dernière:
Art. 1731: S'il n'y a pas été fait
d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir recus
en bon état de réparation locative, et doit les rendre tels,
saufpreuve contraire.
Art. 1732 : Il répond des dégradations ou
des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve
qu'elles ont lieu sans sa faute
L'article 1732 du Code civil imputerait donc le fardeau de la
preuve à la Défenderesse.
c. La restitutio in integrum
La pratique de la restitutio in integrum est
unanimement reconnue et respectée dans l'industrie
hôtelière. Elle s'explique de la manière suivante, à
savoir:
A l'expiration de la période contractuelle, en cas de
disparition, destruction quelle qu'en soit la cause, comme en cas de
disparition des objets ou matériels portés sur l'inventaire
initial, le remplacement doit intervenir par le preneur, nombre par nombre, par
des objets répondant exactement au méme usage, de méme
forme, de méme qualité, bien que leur valeur marchande au moment
du remplacement s'avère supérieure.
Aussi, sur le fondement de cette pratique de l'industrie
hôtelière la restitution doit intervenir en cas de disparition
d'éléments actifs, sans aucun abattement pour usage ou
vétusté.
En effet, il est permis de conclure que, en l'occurrence, soit
le matériel est restitué en état d'usage en fin de
contrat, soit le preneur doit, le cas échéant, le reconstituer
à l'état neuf, faute de l'avoir remplacé en cours de
contrat.
(i) La restitutio in integrum d'un point de vue
juridique La Demanderesse justifie sa requête par trois raisons
diverses.
a) L'article 1732 du Code civil indique que le preneur
Ç répond des dégradations ou des pertes qui arrivent
pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans
sa faute È. Cet a rticle présume que les dégradations ou
les pertes résultant du preneur qui ne s'est pas comporté en bon
père de famille doivent être réparés
intégralement par lui.
b) La restitutio in integrum se justifie
également par le fait que les pertes et dégradations
alléguées résultent d'un abus de jouissance du preneur.
Dans cette hypothèse, il ne saurait limiter sa responsabilité aux
seuls dégâts qui affectent les lieux loués, mais
également l'immeuble lui-même, en dépit des dispositions de
l'article 606 du Code civil.
c) Le bailleur n'a pas à prouver la faute du preneur.
C'est à ce dernier de montrer qu'il a pris toutes les mesures
préventives et toutes les précautions nécessaires afin
d'éviter les dégradations.
d) Le preneur devait établir chaque année une
provision pour la remise en état du matériel appartenant à
la Demanderesse. Elle ne justifie pas l'avoir fait et ne fourni pas
d'attestation de ses contrTMleurs apportant la preuve de l'exécution de
cette obligation contractuelle.
e) L'article 9 du Contrat de gestion d'une unite
hTMtelière détermine que: Ç les frais de
réparation des dégâts aux installations qui seraient
causés par la faute de la SET (preneur), ses préposés et
ses clients ou pour toute autre personne acceptée par la SET dans ses
installationsÉseraient à la charge de la SET È. Le contrat
prévoit donc un usus, tenant compte d'une restitution en état
d'usage. Néanmoins, il n'a jamais été question d'autoriser
ou de permettre un abusus, au sens large du terme, incluant un usage abusif de
la chose, affectant sa consistance et sa valeur substantielle.
(ii) Méthode de calcul proposée par la
Demanderesse
La principale critique de la Demanderesse au Tribunal
arbitral, laquelle se répète au long de toute la
procédure, concerne la méthode d'évaluation de son
préjudice. Ce reproche sera reproduit dans presque tous ses
mémoires.
Ainsi, la méthode de calcul proposée par le conseil
de ladite société dès qu'il a pris en charge l'affaire en
2007 est la suivante :
Factures de la Demanderesse - Factures valables de la
Défenderesse = Préjudice subi par la Demanderesse
Néanmoins, tel qu'il sera démontré
ci-avant, le Tribunal a hésité à ordonner la
réalisation d'une expertise comptable. M. le Président du
Tribunal a même envisagé de proposer aux parties une
évaluation aléatoire qualifiée par son président de
Ç pifométrique È, ce qui a été
gravement repoussée par la Demanderesse.
4. Phases principales de la procedure arbitrale
a. Sentence partielle du 28 juin 2004
Par sentence partielle datée du 28 juin 2004, le tribunal
arbitral a tranché les points suivants, a savoir:
(a) Sur le droit applicable et la procédure arbitrale:
le Tribunal a confirmé que le fond du litige était soumis au
droit francais. Il a par ailleurs, décidé que les pièces
et documents produits pat les parties, notamment les documents en langue
grecque, devaient être traduits en francais.
Ces documents ont été traduits et
communiqués par courrier électronique le 21 juin 2004, aux
conseils de la Défenderesse et de Club (É) sous le numéro
d'ordre 1243. Le conseil de la Défenderesse ayant déclaré
ne pas les avoir recus, ils ont fait l'objet d'une nouvelle communication par
courrier électronique le 22 juillet 2004 à 10 heures 24 sous le
numéro d'ordre 1434.
(b) Sur le fond du litige : le Tribunal a estimé que
les travaux de gros entretien au sens de l'article 606 du Code civil
incombaient à la Demanderesse notamment pour ceux qui avaient trait
à Ç lÕensemble ou VRD intérieurs et
extérieurs, le clos et le couvert È tandis que les
défendeurs étaient tenus des Ç reparations
locatives È ; le Tribunal a également
jugé que la Défenderesse était débitrice d'une
obligation de restitution dans leur état d'usage, après
amortissement:
· du petit, linge, verrerie, vaisselle, bibelots,
etc.
· des meubles, machines, équipements de cuisine,
matériel technique,
Enfin, il a dit que les remises en état des lieux,
après transformations et travaux modificatifs entrepris par la
Défenderesse, sans autorisation de la Demanderesse étaient
à sa charge en sa qualité de locataire.
Dans ces limites ainsi définies par le Tribunal dans la
sentence partielle du 28 janvier 2004, la société Demanderesse a
adapté ses demandes initiales.
b. Ordonnance du 7 octobre 2005 et audience du 25
octobre 2005
Le Tribunal a jugé le 7 octobre 2005, que:
Le fardeau de la preuve de la restitution de ces
matériels incombe à la Défenderesse.
Il a, de surcroit, estimé que:
La Demanderesse prétend que certains
matériels dont elle admet qu'ils lui ont été
restitués auraient été défectueux ou obsoletes
(pour n'avoir pas été renouvelés)
ou d'une qualité inférieure à ceux remis en 1979, le
fardeau d'une telle preuve lui incombe.
Une telle position a renversé la charge de la preuve,
car il appartiendrait à la Défenderesse, débiteuse de
l'obligation, de justifier qu'elle a procédé à une
restitutio in integrum des objets mobiliers corporels, en
conformité avec le contrat de gestion d'une unité
hôtelière du 31 octobre 1978.
c. Ordonnance de procédure du 27 février
2007
Par ordonnance de procédure en date du 27 février
2007, le Tribunal arbitral a décidé :
A. Ordonne à la Défenderesse:
a) de déclarer si elle a procédé, au
cours des années 1996, 1997 et 1998, au renouvellement de tout ou partie
des élémentsÉ du Ç petit matériel È
dont la Demanderesse prétend qu'ils lui ont été
restitués dans un état non conforme au Contrat;
b) de déclarer semblablement si elle a
procédé, au cours des années 1992 à 1998, au
renouvellement de tout ou partie des éléments É des
«autres matériels» dont la Demanderesse prétend qu'ils
lui ont été restitués dans un état non conforme au
Contrat;
c) d'indiquer au Tribunal Arbitral quelles sont les
factures É qui établissent la réalité de ces achats
de renouvellement, en accompagnant lesdites factures d'une traduction
francaise;
d) de communiquer au Tribunal Arbitral copie des factures
non produites jusqu'ici qui établissent la réalité de ces
achats de renouvellement(É).
B. Impartit à la Défenderesse un
délai de deux mois à compter de la réception de la
présente Ordonnance pour adresser au Tribunal Arbitral les indications
et documents visés ci-dessus, et à la Demanderesse (ainsi qu'aux
Défenderesses n° 2 et n° 3, si elles souhaitaient s'exprimer a
ce propos) un délai d'un mois à compter de la réception de
la communication de la Défenderesse pour prendre position au sujet de
celle -ci.
Apres la communication des pieces ordonnees, il fallait que la
Demanderesse se manifeste. Elle a considers que l'execution par la Defenderesse
de l'ordonnance precitee n'etait que tres partielle.
La Demanderesse s'est donc prononce de la façon suivante
:
« le Tribunal arbitral devra dire que la
défenderesse succombe dans ses moyens et allouera à la
Demanderesse le plein de ses demandes, pour tout le matériel qui devait
etre renouvelé contractuellement pour les années 1992, 1993 et
1994, la Défenderesse ne produisant pour ces années aucune
facture. Le Tribunal devra également attribuer à la Demanderesse
le plein de ses demandes pour le « petit matériel », sous
déduction d'une infime fraction de ce qui aurait pu etre
éventuellement renouvelé dans les délais contractuels et,
seconde condition qu'il soit d'une qualité équivalente et
troisieme condition qu'il ait été laissé effectivement
entre les mains de la Demanderesse, sous les réserves suivantes.
»
Pour conclure en demandant au Tribunal de:
Dire et juger non probantes les factures
présentées par la Défenderesse pour les motifs
indiqués dans le corps du présent mémoire.
Adjuger à la Demanderesse l'entier
bénéfice de ses précédentes demandes, telles que
présentées et justifiées par les factures produites pour
les postes énumérés dans l'ordonnance de procédure
du 27 février 2007.
Statuer comme précédemment requis sur les
intérêts moratoires.
Mettre l'intégralité des dépens du
présent arbitrage à la charge exclusive de la
Défenderesse.
Or, Demanderesse envisageait, comme toujours, une
appréciation purement comptable des factures présentées
par la Défenderesse.
e. Audience du 13 mars 2008
Le 13 mars 2008, une audience rassemblant les parties, leurs
conseils et le Tribunal arbitral a eu lieu dans les locaux de la Chambre de
commerce, d'industrie et des services de Genève.
Cette phase de la procédure arbitrale portait
exclusivement sur le Chef C-31 de la demande de la Demanderesse, ainsi
qu'aux difficultés auxquelles se heurtait la décision que le
Tribunal arbitral devrait arréter à cet égard,
vis-à-vis de l'absence d'inventaire contradictoire de sortie.
Ledit Chef C-31 porte sur le renouvellement du
matériel. Selon la Demanderesse, le petit et le gros matériel
n'auraient pas été renouvelés. Cela serait
impératif en raison du défaut d'entretien au cours du contrat
hTMtelier.
A l'audience, l'avocat de la Défenderesse a soutenu la
réalisation d'une expertise comptable pour évaluer le montant
dü par le preneur. Le conseil de la Demanderesse n'a pas voulu savoir la
valeur transactionnelle considérée comme raisonnable par le
Tribunal. Le représentant du preneur, lui, s'est déclaré
contre la réalisation de l'expertise, qui lui paraissait Ç
tardive et trop schématique È.
Aussi, le Tribunal a imparti un délai à la
Demanderesse pour qu'elle lui soumette, ainsi qu'aux défenderesses, une
proposition précise en vue d'une telle expertise
comptable2.
f. Proposition d'expertise et demande de provision du 20
octobre 2008 (réitérée par Mémoire d'incident du 25
mars 2009) et l'ordonnance du 31 mars 2009
La Demanderesse a effectivement proposé l'expertise
comptable dans son mémoire du 20 octobre 2008. Sur ce, le Tribunal s'est
manifesté par ordonnance le 31 mars 2009.
Statuant à l'unanimité, les arbitres ont
décidé:
Ç de confier à un expert le soin de
déterminer la quantité et la valeur des divers matériels
non restitués à la Demanderesse par la Défenderesse
n1/41 à l'échéance du contrat,
à fin octobre 1998 (É) È
Sur la demande de communication de documents proposée
par la Demanderesse, les arbitres ont à nouveau statué
favorablement à sa faveur, en ordonnant à la
Défenderesse:
Ç de communiquer au Tribunal Arbitral (avec copie
aux autres parties) une copie du contrat d'assurance conclu par elle en
exécution de l'article 8, lettre b du contrat, et ce dans le 30 jours de
la réception par elle de la présente Ordonnance de
Procédure ; È
Ç de communiquer au Tribunal Arbitral (avec copie
aux autres parties), dans le 30 jours de la réception par elle de
la présente Ordonnance de Procédure, un extrait de
2 A la suite d'une confusion provoquée par
le propre Tribunal, le compte-rendu de l'audience du 13 mars 2008 n'est parvenu
au conseil de la qu'au 6 aoüt 2008. Cela constitue donc en une des
plusieurs raisons ayant contribuée au retard de la procédure.
sa comptabilité, certifié conforme par son
contrTMleur aux comptes, faisant ressortir, d'une part, les amortissements du
matériel ici litigieux (Ç petit matériel È et
Ç autres matériels È) effectués au cours des sept
derniêres années du Contrat (1991-92 à 1997-98) et, d'autre
part, ses achats desdits matériaux au cours de la même
période È
Compte tenu de la longueur de la procédure en cours, la
Demanderesse avait compris une autre demande dans son mémoire du 20
octobre 2008, car elle considérait légitime qu'une provision lui
soit allouée à hauteur de 1.500.000 euros à valoir sur la
valeur du petit matériel.
Dans sa demande de provision du 20 octobre 2008, qui a
été réitérée le 25 mars 2009 face à
l'inaction du Tribunal, elle a soutenu à nouveau que le ce dernier doit
statuer en droit uniquement et a indiqué que la procédure
arbitrale n'aboutissait pas parce qu'il a :
(i) voulu substituer des le début une estimation
forfaitaire globale, sans relation avec la réalité comptable
et
(ii) ne tient aucun compte des fautes dont il a
lui-même demandé la précaution à la
Défenderesse et une observation de la Demanderesse à leur sujet.
Il est édifiant de constater que les notes adressées aux parties
ne les mentionnent même pas, alors qu'il s'agit d'un
élément de décision fondamental.
qu'une provision lui soit allouée à hauteur de
1.500.000 euros à valoir sur la valeur du petit matériel.
Malgré cet essai, le Tribunal a, cette fois-ci,
rejeté la demande. Selon les arbitres, elle serait Ç irrecevable
et, subsidiairement, infondée >>. Pour son importance
vis-à-vis de mes activités dans le cadre du stage et, par
conséquent, de l'encha»nement de la Seconde partie du
présent travail, je transcris l'intégralité de ce chef de
l'ordonnance:
Le Tribunal arbitral observera tout d'abord que le
Réglement d'arbitrage de la CCI, auquel le présent arbitrage est
soumis est muet au sujet d'une telle Ç demande de provision È.
Son article 23, paragraphe 1, prévoit certes, en termes trés
généraux, la compétence du tribunal arbitral Ç
d'ordonner toutes mesures conservatoires ou provisoires qu'il considére
appropriées È, sans préjudice, le cas
échéant, de Ç la constitution de garanties
adéquates par le requérant È. La question se pose, des
lors, de savoir si, au titre de te lles mesures provisoires, un tribunal CCI
peut, par anticipation, prononcer une condamnation à titre de Ç
provision È.
La question ne parait pas avoir été
tranchée dans le cadre de la jurisprudence arbitrale rendue dans sous
l'empire du Réglement susvisé de 1998. Sous l'empire du
précédent Règlement (de 1988), la seconde édition
du Traité de Craig, Park and Paulsson observe, en relation avec
l'article 8, paragraphe 5, dudit Réglement, que Ç in certain
contexts, it may be usefull to give the arbitrators powers to order immediate
provisional relief...>> (International Chamber of Commerce
Arbitration, 1990, p. 144); ces auteurs donnent un exemple qui se rapproche de
l'exécution par provision sollicité par la Demanderesse, soit
l'exécution d'un paiement dans un compte bloqué Ç to
maintain the project at least in suspended animation (if not in progress)
pending resolution of the dispute È ; ils observent, toutefois,
qu'une telle mesure, si elle n'est pas prévue par le contrat
et si l'une des parties la conteste, ' is delicate
indeed È (ibidem, p. 145)!
Aussi bien, la Cour de Justice des Communautés
Européennes a-telle décide, dans son arrêt Van Uden de
1998, que ' le paiement à titre de provision d'une contre-prestation
contractuelle ne constitue pas une mesure provisoire au sein de l'article 24
des Conventions de Bruxelles et de Lugano È ; même si cette
décision a trait à une ordonnancejudiciaire de
référé -provision au sens du droit francais É, on
ne voit paspourquoi elle ne s'appliquerait pas également aux mesures
provisoires visées à l'article 23, paragraphe 1, du
Réglement CCI.
Le Tribunal Arbitral tient à ajouter que,
même si l'on voulait interpréter la disposition susvisée du
Réglement CCI de maniére plus large, afin de permettre aux
arbitres de prononcer une condamnation 'par provision È, il devrait
néanmoins écarter la provision prise dans ce sens par la
Demanderesse. En effet, quand bien même il parait probable, des lors
qu'il est d'ores et déjà constant que la Défenderesse n'a
pas intégralement restitué, à fin octobre 1998,
l'intégralité des divers matériels qu'elle avait recus,
à teneur de l'inventaire conjoint de l'année 1978, que la
Demanderesse se verra allouer une partie des conclusions prises par elle au
titre du chef c-31de sa demande, rien ne permet, à l'heure actuelle,
d'admettre que cette condamnation de la Défenderesse atteindra le tiers
de la somme ainsi réclamée par la Demanderesse. En se
référant à la note du 7 octobre jointe à son
Ordonnance de Procédure du même jour, le Tribunal Arbitral
rappellera qu'il avait abouti, trés provisoirement, à la
conclusion que la réclamation de Demanderesse, au titre du chef 31-c de
sa demande, semblait admissible prima facie à hauteur de
636.585 euros seulement. Compte tenu des diverses objections soulevées
par la Défenderesse (et dont certaines sont apparues bien
fondées), il ne saurait être question d'allouer à la
Demanderesse sa ' demande de provision È même dans une mesure
réduite de la sorte, à supposer
que l'article 23, paragraphe 1, du Règlement CCI le
permette (quod non).
Méme après cet accueil négatif du
Tribunal, le conseil de la Demanderesse n'était pas encore convaincu de
l'impertinence des mesures provisoires dans cette affaire. Elles
constitueraient le seul moyen de pourvoir à Marbella une compensation
économique avant la fin de cette longue procédure.
B- Les mesures provisoires et conservatoires 3dans
l'arbitrage CCI
Au vu des éléments déjà
démontrés, on peut conclure que l'arbitrage en question
s'entra»ne pour une période au-delà de l'acceptable pour les
procédures CCI.
Il n'est pas naturel de voir des cas similaires parmi les
dossiers en déroulement sous les auspices de ladite organisation: un
arbitrage CCI est censé durer deux ans environ4. Pour
illustrer le problème, il suffit de voir que la première sentence
partielle date du 28 juin 2004 et qu'en mai 2009 le Tribunal n'avait pas encore
rendu sa sentence finale.
Tel qu'il a été mentionné auparavant, il
a alors été nécessaire d'étudier la matière
des mesures provisoires et conservatoires dans l'arbitrage CCI. Ce faisant, il
serait possible d'apporter une solution pour satisfaire du moins partiellement
l'aspiration de la cliente/Demanderesse. On s'est donc mis à
étudier ce thème.
3 Ç(É) les expressions Ç mesures provisoires
È et Ç mesures conservatoires È sont souvent
employées indifféremment alors qu'elles désignent, pour la
première, la nature de la décision (une décision
provisoire ou provisionnelle est une décision qui ne lie pas l'arbitre
ou le juge appelé à statuer au fond) et, pour la seconde, l'objet
de la décision (une décision
conservatoire est une situation qui a pour objet de
préserver une situation, des droits ou des
preuves)È (Ph. Fouchard, E. Gaillard et B. Goldman,
Traité de l'arbitrage commercial international , Paris, Litec, 1996
, § n° 1303).
4 La durée de vie moyenne d'une affaire
d'arbitrage est de 2 ans, et la Cour Internationale d'Arbitrage reçoit
environ 600 nouvelles affaires par an, auxquelles viennent s'ajouter les
affaires non encore clôturées (de plus de 2 ans) et qui sont
encore en cours. Le volume d'une affaire varie entre 2 à 25 classeurs
à raison de 500 pages en format A4 environ par classeur
sachant que le volume moyen est de
5 classeurs. On a donc à ce niveau une idée du
volume de stockage matériel que cela nécessite (site:
www.sinequa.com;
visualisé le 25 aoüt 2009).
La nécessité de prendre pareilles mesures s'est
montrée encore plus criante apres la non communication par la
Défenderesse, jusqu'à la fin du délai imparti, des
documents ordonnés par le Tribunal arbitral.
L'idée de base serait donc de démontrer aux
arbitres la possibilité d'accorder des provisions dans un arbitrage
soumis au Reglement CCI. Or, il était notoire que la procédure en
question durerait encore pour une période considérable :
l'expertise comptable n'avait même pas été autorisée
le jour de mon arrivée au cabinet. Pour cela, il a fallu analyser, outre
le propre Reglement, les approches de la doctrine, la jurisprudence et des
anciennes affaires.
1. Article 23 du Riglement CCI de 1998
Applicable au cas de l'espèce en vertu de disposition
expresse de la clause arbitrale, le Reglement CCI consacre un article aux
mesures provisoires et conservatoires :
Article 23 :
1. A moins quÕil nÕen ait ete convenu
autrement par les parties, le tribunal arbitral peut, dès remise du
dossier, à la demande de lÕune dÕelles, ordonner toute
mesure conservatoire ou provisoire quÕil considere appropriée. Il
peut la subordonner à la constitution de garanties adequates par le
requerant. Les mesures envisagées dans le present article sont prises
sous forme dÕordonnance motivee ou, si necessaire, sous forme
dÕune sentence, si le tribunal arbitral lÕestime
adéquat.
2. Les parties peuvent, avant la remise du dossier au
tribunal arbitral et dans des circonstances appropriées aprés,
demander à toute autorité judiciaire des mesures provisoires ou
conservatoires. La saisine dÕune autorité judiciaire pour obtenir
de telles mesures ou pour faire executer des mesures semblables prises par un
tribunal arbitral ne contrevient pas à la convention dÕarbitrage,
ne
constitue pas une renonciation à celle-ci, et ne
préjudicie pas à la compétence du tribunal arbitral
à ce titre. Pareille demande, ainsi que toutes mesures prises par
l'autorité judiciaire, devront être portées sans
délai à la connaissance du Secrétariat. Ce dernier en
informera le tribunal arbitral.
L'article 23 prévoit donc que le tribunal arbitral
peut, dès la remise du dossier et à la demande de l'une des
parties, ordonner Çtoute mesure conservatoire ou provisoire qu'il
considère appropriée >>.
C'est la raison pour laquelle il est possible de
considérer que, relativement aux mesures provisoires et conservatoires,
ledit Règlement est l'un des plus permissifs puisqu'il donne pouvoir
à l'arbitre de prendre les mesures provisoires ou conservatoires qu'il
considère appropriées5. Parmi ces mesures, le
professeur Thomas CLAY soulève Çles mesures d'anticipation qui
accordent une provision sur le montant de la créance demandée
>>6.
Dans l'article nommé L'expérience de la
Chambre de commerce internationale dans le cadre du règlement
d'arbitrage, le professeur Emmanuel JOLIVET mentionne également que
Ç l'article 23-1 du Règlement CCI vise Ô'toute mesure
conservatoire ou provisoire Ô' que le tribunal arbitral juge
appropriée >>, en soulignant que Çle choix laissé
aux arbitres est extrêmement large >>7.
En outre, il convient de rappeler que, d'après une
Ïuvre publiée par la propre Chambre de internationale
8
commerce , les mesures provisoires et conservatoires
peuvent, en vertu de sa diversité, être comprises
de plusieurs manières distinctes, en allant Çd'injonctions et de
saisies à des ordonnances exigeant un paiement provisoire (É)
>>.
5 JACQUET, Jean-Michel et al: Les mesures
provisoires dans l'arbitrage commercial international:
évolutions et innovations, Ed. Litec, Paris, p. 16
6JACQUET, Jean-Michel et al, Op.
cit, p. 12
7 JACQUET, Jean-Michel et al, Op. cit
p. 34
8 Mesures conservatoires et provisoires en
matière d'arbitrage international, Paris, 1993, p. 52
Les mesures auxquelles fait référence le
Règlement CCI iraient donc <<bien au-delà de la simple
sauvegarde ou vente de marchandises>> et pourraient être
<<des ordonnances en tous genres >>, telles << qu'ordonnances
de paiement provisoire >>9.
D'ailleurs, une analyse du droit comparé
démontre que la majorité des ordres juridiques d'Europe
continentale acceptent, actuellement, l'attribution de provisions similaires
à celles demandées dans la présente affaire. Même en
sachant qu'en l'espèce les règles de procédure francaises
n'ont pas forcément vocation à s'appliquer, il est à noter
que le juge des référés a le pouvoir d'ordonner des
provisions, sans se prononcer sur le fond du litige. Comme exemple, on
mentionne aussi le droit belge, qui a vu le référé se
développer sous l'impulsion de sa
10
jurisprudence, et l'Italie, qui possède un système
original de mesures provisoires .
Ainsi, compte tenu de la nécessité de solutions
dynamiques au sein des procédures arbitrales, il n'y aurait que des
raisons à justifier, surtout dans une procédure aussi longue, la
concession de la mesure envisagé par la Demanderesse.
Il est notoire que l'une des principales raisons d'être
de l'arbitrage international est la célérité de sa
procédure, de sorte que cette dernière ne pourrait pas être
forgée par le Tribunal arbitral d'une manière à faire
grief audit principe de l'arbitrage, en étant moins rapide qu'une
hypothétique soumission de la même affaire à un juge
étatique.
En d'autres termes, il ne semble pas logique que le
Règlement CCI soit, en matière des mesures provisoires (lato
sensu), plus strict que certains ordres juridiques nationaux, tel que le
droit francais.
C'est la raison pour laquelle j'ai conclu, en analysant
l'article 23 du Règlement et ses implications, qu'une nouvelle demande
de provision de la Demanderesse mériteraient d'être
accordée par le Tribunal arbitral. Ce faisant, ce dernier ne serait pas
<<une juridiction de référé mais une juridiction de
fond saisie de demandes provisionnelles >>11.
9 Mesures conservatoires et provisoires en matière
d'arbitrage international, Paris, 1993, p. 48 1 0Revue
internationale de droit compare, année 1999, volume 51, nO 4, p.
1168
1 1 Mesures conservatoires et provisoires en matière
d'arbit rage international, Paris, 1993, p. 62
2. Interpretation de l'arrêt Van Uden de la CJCE de
17 novembre 1998
L'Ordonnance de 31 mars 2008 s'est également
référée (item 24, pp. 14) à l'arrêt Van
Uden, rendu par la Cour de justice des communautés
européennes (CJCE) en 1998, afin de justifier son refus de la demande de
provision de la Demanderesse.
En effet, il fallait démontrer que cet arrêt ne
poserait pas non plus des problèmes à l'égard des mesures
requises.
S'il est vrai que, d'après la CJCE <<le paiement
à titre de provision d'une contreprestation contractuelle ne constitue
pas une mesure provisoire au sens de l'article 24 des Conventions de Bruxelles
et de Lugano >>, il n'en demeure pas moins que ces conventions
internationales ne s'appliquent pas à l'arbitrage.
L'interprétation attribuée par la CJCE à
l'expression <<mesures provisoires et conservatoires >> n'a donc
aucune relation avec celle admise en arbitrage international et surtout dans le
Règlement de la CCI, le seul applicable au cas de l'espèce.
Tel qu'il a été mentionné, il est notoire
que les conventions de Bruxelles et Lugano citées par le Tribunal
arbitral ne s'appliquent pas à l'arbitrage. Autant l'article 1er de
cette dernière, que l'article 1 er, alinéa 2, point 4
de la Convention de Bruxelles (laquelle n'est d'ailleurs plus en vigueur et a
été remplacée par le Règlement CE 44/2001) excluent
la matière arbitrale de leur champ d'application.
Sur ce, la lecon du Professeur Andrea Giardina est
précise : << Il est intéressant de rappeler (É) une
clarification apportée par une jurisprudence récente de la Cour
de Justice. Comme l'on sait la Convention de Bruxelles, et maintenant le
Règlement 44, excluent l'arbitrage de leur champ d'application (article
1.2(d)) et la Cour a interprété d'une manière large cette
exclusion l'appliquant aussi aux procédures judiciaires en
matière d'arbitrage (arrêt Marc Rich du 25 juillet 1991)
>>12.
L'arrêt Van Uden cité par le Tribunal
arbitral est également mentionné par le professeur Giardina. Il
le cite pour expliquer que la conception de mesures provisoires et
conservatoires apportée par la CJCE n'est pas dirigée aux
arbitres, mais si au juge
étatique lorsqu'il est saisi en
référé: <<l'article 24 (de la Convention de
Bruxelles) s'applique et fonde la compétence du juge saisi de cette
demande même si sur le fond de ce litige des arbitres seraient
compétents >>13.
Par conséquent, vu qu'en l'occurrence le juge
étatique n'a joué aucun rTMle car la demande de provision a
été dirigée au Tribunal Arbitral, il n'est pas question
d'observer l'interprétation de l'expression <<mesures provisoires
et conservatoires >> au sein des conventions internationales
citées ci-dessus.
3. La demande d'astreintes en cas de non communication des
pièces ordonnées
Ayant déjà conclu que l'article 23 du
Règlement CCI pourrait permettre la concession de provisions par le
Tribunal arbitral et que l'arrêt Van Uden de la CJCE n'aurait
pas dü être mentionné dans l'Ordonnance du 31 mars 2009, la
question était de chercher une solution de contraindre la
Défenderesse à communiquer les pièces ordonnées par
les arbitres.
Tel qu'il a été cité auparavant, le
Règlement CCI est l'un des plus permissifs quant à la concession
de mesures provisoires et conservatoires, au vu de la rédaction de
l'article 23. En ne pas énumérant ces mesures ledit
Règlement laisse aux arbitres un large pouvoir, qui ne saurait
être limité que par des dispositions contractuelles. Il n'est pas
le cas.
Compte tenu de cela, il fallait réfléchir à
des solutions juridiques efficaces pour minimiser le problème de la
Demanderesse.
En droit comparé, l'imposition d'astreintes en vue de
contraindre une partie à respecter des ordres judiciaires est une mesure
largement appliquée. En droit francais, ce mécanisme est
prévu par les articles 33 à 37 de la loi du 9 juillet 1991
portant réforme des procédures civiles d'exécution et les
articles 51 à 53 du décret du 31 juillet 1992 instituant
de nouvelles règles relatives aux procédures civiles
d'exécution. Même au Brésil, cet outil originaire du droit
francais et inscrit à l'article 461 du Code de procédure civile
est reconnu.
Ainsi, au vu de cette ample utilisation des astreintes dans le
cadre du contentieux judiciaire classique, il m'a paru que rien
n'empêcherait son recours dans le cadre d'une procédure arbitrale
CCI.
Or, l'imposition d'astreintes rentrerait donc dans
l'éventail des mesures provisoires au sens de l'article 23 du
Règlement CCI: ce serait donc une manière de contraindre une
partie à l'arbitrage à accomplir les ordonnances du Tribunal. En
l'espèce, les astreintes contribueraient à donner plus de
célérité à la procédure, toujours en tenant
compte du fait que, outre la non communication des documents, la
Défenderesse n'a même pas justifié cette inaction.
Sur ce thème, les professeurs Fouchard, Gaillard et
Goldman se sont aussi manifestés, avec quelques hésitations,
favorablement à la possibilité accordée aux arbitres
d'assortir des injonctions d'astreintes. Ils indiquent que, en tenant compte
que la convention d'arbitrage n'exclue pas expressément cette
alternative, Çrien n'empêcherait (É) des arbitres du
commerce international d'assortir leurs injonctions de telles mesures, à
la condition, pour les rendre exécutoires, de les incorporer dans une
sentence intérimaire susceptible d'exequatur È14.
Dans la présente affaire, la non communication des
pièces demandes par l'ordonnance du 30 mars 2009 justifierait donc
l'imposition d'astreintes à la Défenderesse, sauf dans
l'hypothèse oü elle -même confirme l'inexistence soit du
contrat d'assurance requis, soit de l'extrait de sa comptabilité ou bien
des deux documents ordonnés, ce qui entra»nerait per se
des conséquences procédurales favorables à la
Demanderesse.
4. Conclusion
Après toutes ces démarches, le résultat
de la recherche à été présenté à Me.
Boedels, le conseil de la Demanderesse, pour qu'il puisse en tirer ses
conclusions et entreprendre les mesures qu'il juge nécessaires. A la
suite de l'analyse, il a bien accepté les suggestions
présentées, surtout en ce qui concerne la demande
d'astreintes.
1 4 Traité de l'arbitrage commercial
international, Ed. Litec, Paris, pp. 712-713
Par conséquent, il a présenté au Tribunal
arbitral la Requête afin de donner acte e d'astreinte dans
laquelle il a compris la demande suivante:
Le Tribunal se doit de faire respecter les injonctions
découlant de ses décisions et de contraindre la partie
récalcitrante à leur exécution.
Faute de le faire, la procédure arbitrale qui
repose sur la bonne foi et le consensualisme des parties serait vidée de
sa substance.
En conséquence, il est demandé au Tribunal
de condamner la Défenderesse sous astreinte définitive de
1.500€ par jour à compter de sa notification:
- de produire le contrat d'assurance requis dans
l'ordonnance de procédure du 31 mars 2009,
- sous la même astreinte définitive de 1.500
€ par jour, l'extrait de la comptabilité requis dans l'ordonnance
de procédure du 29 mars 2009.
A défaut de déferrer au terme d'un
délai de 30 jours, la Défenderesse sera redevable de l'astreinte
prononcée et il sera conclu qu'elle est défaillante dans les
obligations procédurales mises à sa charge.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
FOUCHARD, GAILLARD et GOLDMAL, Traite de l'arbitrage
commercial international, Paris, Litec, 1996, p. 712-713
JACQUET, Jean -Michel et al: Les mesures provisoires dans
l'arbitrage commercial international: evolutions et innovations,
Ed. Litec, Paris
Revues et publications de la CCI
L'arbitrage commercial international en Amérique
Latine - Supplement special. Paris, ICC Publishing, 1997
Revue internationale de droit compare, année
1999, volume 51, n° 4, p. 1168
Mesures conservatoires et provisoires en matiere d'arbitrage
international. Paris, ICC Publishing, 1993
Internet
www.iaiparis.com
www.legifrance.fr
www.sinequa.com
Articles
PINSOLLE Ph., « L'exécution
provisoire des sentences arbitrales rendues en
matiére internationale en dépit d'un recours en
annulation », Gaz. Pal, 20 Mai 2004 n° 141, p.
23
Codes et riglements d'arbitrage
Code civil
Nouveau code de procédure civile Code de
procédure civile brésilien
Reglement d'arbitrage de la CCI de 1998 Reglement d'arbitrage
de la CCI de 1988 Jurisprudence
Arrét Van Uden: CJCE, 17 novembre 1998
Règlements d'arbitrage
Reglement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le
droit commercial international
Reglement d'arbitrage de la Chambre de Commerce International
Reglement d'arbitrage international du Ç International
Center for Dispute Resolution (ICDR) of the American Arbitration Association
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