Les modifications de la crue du fleuve Ouémé
à travers l'inondation partielle de plus en plus récurrente de la
plaine d'inondation est manifeste dans la mémoire des communautés
locales qui la subissent à travers le non renouvellement naturel de la
fertilité de certaines parties cultivées. En effet, la crue
affecte une zone moins étendue (77% des CE exploitations
enquêtées) et apparait de plus en plus tardivement pendant les
quinze (15) dernières années par rapport aux quinze (15)
précédentes (83% des CE exploitations enquêtées). Le
témoignage de l'Encadré 3 est celui d'un producteur du village
Sissèkpa et illustre ce fait.
Encadré 3 : Propos d'un producteur sur les
changements perçus dans les crues
Dans la vallée, il y a certains trous à
poissons à différents endroits qui ne sont plus inondés
chaque années par la crue comme autrefois. Nos grands parents nous
disaient que l'excès d'eau à la base de la crue du fleuve vient
du nord de notre pays, et qui sait s'il ne pleut plus bien là-bas comme
chez nous ici pour qu'il ait l'arrivée de beaucoup d'eau dans le fleuve
pour inonder toute la plaine d'inondation !
Autrefois, avant la fin des cérémonies du culte
« Oro » dans notre village (Dernière décade du
mois d'Août), toute la plaine était déjà
inondée mais depuis plus de 10 ans, à cette même
période, certaines parties exploitées attendent encore de
recevoir la crue. Désormais la crue arrive en Août et quelquefois
en Juillet et plus jamais en juin comme autrefois.
Source : Données d'enquête
Août-Octobre 2009
Quoique ne constituant pas directement un facteur climatique,
la crue est toute fois liée de façon intrinsèque à
l'un de ces facteurs en l'occurrence la pluie et les modifications
pluviométriques enregistrées peuvent expliquer cette perception
paysanne qui impute les
changements dans la crue du fleuve aux changements
climatiques. Ce constat est conforté par les travaux de
Lalèyè et al., (2005) (cité par Chikou, 2006)
pour qui, la baisse sensible, l'irrégularité et la mauvaise
répartition des précipitations que connaît le Bénin
notamment dans sa partie méridionale, ces dernières
années, ont provoqué une apparition tardive et la diminution de
l'étendue des crues en même temps qu'une diminution de la
production halieutique et de cultures vivrières dans les plaines
d'inondation du delta de l'Ouémé. Mentionnons toute foisque pour
96% des CE des exploitations de notre échantillon d'enquête, il
n'y a pas eu changement de la période de décrue, de même
que le niveau des eaux pendant la crue pour 91% d'eux.
Somme toute, les populations locales de notre zone
d'étude ne sont pas restées insensibles aux modifications des
principaux facteurs du climat de leur milieu. Sur la période des quinze
(15) dernières années comparées aux quinze (15)
précédentes, les producteurs de nos deux villages d'enquête
ont perçu des modifications radicales dans le déroulement des
saisons pluvieuses, qu'il fait plus chaud avec plus de soleil, qu'il a plus de
vents violents et qu'il y a une diminution de l'étendue des crues du
fleuve Ouémé dans la vallée ; toute chose
caractéristiques des changements climatiques. Nous pouvons ainsi
conclure que les producteurs ont perçus les changements climatiques dans
leur terroir. Les proportions élevées de CE d'exploitations
enquêtées ayant répondu positivement (au moins 75% dans
tous les cas) avoir perçus ces changements traduit de plus que ces
changements sont perçus quelque soit le type d'exploitation auquel
appartient le CE. Ces résultats sont conforment à ceux de
Ogouwalé (2006). En effet, une étude qu'il a menée sur les
effets des changements climatiques sur le Lac Nokoué et les populations
riveraines, révèle que ces dernières ont perçu les
changements à travers
- le démarrage tardif et/ou mauvaise
répartition et la baisse des hauteurs de pluies, - la diminution du
nombre de jours de précipitations
- la rareté ou disparition assez rapide des
périodes de crues et
- une chaleur plus intense et accablante.
Néanmoins, nos résultats ne sont que des
perceptions paysannes fondées sur l'observation empirique du climat.
Pour conclure à la vérification de notre première
hypothèse selon laquelle les producteurs perçoivent les
changements climatiques de leur terroir, la
confrontation de ces perceptions aux résultats de
l'analyse statistique des données climatiques de leur localité
est nécessaire.