ACADEMIE D'AIX-MARSEILLE
Université d'Aix-En-Provence
L'Art dans ses rapports
avec l'intelligence
et l'imagination
Mémoire préparé par M.Mohamed Sellam en
vue de l'obtention de la Maîtrise en histoire de l'art.
Sous la direction des professeurs:
M.Coulet
M.Viard
Année Universitaire
1974-1975
ACADEMIE D'AIX-MARSEILLE
UNIVERSITE D'AIX-EN-PROVENCE;
L'ART DANS SES RAPPORTS
AVEC L'IMAGINATION ET L'INTELLIGENCE
Mémoire de maîtrise
préparé par Mohamed Sellam
Sous la directeur des Professeurs:
M.Coulet.& M.Viard
Année Universitaire.
1974-1975
UNIVERSITE D'AIX-EN -PROVENCE
Mémoire préparé en vue de l'obtentio
dla Maîtrise en Histoire de l'art
Note préliminaire
Ce mémoire que j'ai entrepris d'écrire,à
l'issue bien évidemment des études faites particulièrement
dans le domaine de l'art,dont la notion,en réalité fugitive et
insaisissable,n'a pu être éclaircie,quoique encore
superficiellement,que par le moyen d'une analyse minutieusement explicite,se
présente en effet comme une contribution modeste pour la connaissance de
l'art,dans son expression la plus large..
Aussi ai-je tenu à explorer cette notion sous tous ses
aspects immédiats,sans être le moins du monde
démoralisé ni effrayé par sa nature si
mystérieuse,si subtile et si complexe..
Je demeure persuadé cependant,que ce mémoire,par
son contenu si riche,par le contenu artistique qu'il pourrait immanquablement
susciter,par sa contribution enfin à stimuler,à revaloriser le
goût pour l'art,est déjà assez suffisant pour
conquérir en quelque sorte,une petite place parmi les études
souvent exhaustives et profondes faites dans ce domaine depuis bien des
années..
De plus,je me permets d'ajouter que,pour éviter d'en
encombrer le texte par des indications et références
bibliographiques,dont j'ai mis l'essentiel en bas de page,j'ai cru
nécessaire de n'y rien adjoindre que ce qu'on pourrait juger
indispensable..
De même que j'ai tenu à éluder,pour en
rendre la lecture plus aisée et plus souple,toutes sortes de
détails inutiles..
J'adresse mes vifs remerciements à mes chers
professeurs,M.Coulet et M.Viard,qui ont fait preuve de beaucoup de
compréhension et de mansuétude à mon
égard...Qu'ils reçoivent encore une fois l'expression de ma
profonde gratitude.
Aix-En-Provence le
24/06/1975
M.Mohamed
Sellam
TABLE DES MATIERES
PREMIERE PARTIE
L'inspiration est-elle un facteur primordial
dans la réalisation de l'oeuvre?
(I)
Le rôle du conscient et de l'inconscient.
P.1
(II)
Particularités de la sensibilité.
P.15
(III)
Formation de l'oeuvre
P.31
Deuxième Partie
Le message de l'oeuvre
(I)
L'oeuvre refléte-t-elle le réel?
P.42
(II)
L'oeuvre transforme-t-elle le réel?
P.60
(III)
L'oeuvre produit-elle un univers nouveau?
P.80
?I?
Le rôle du conscient et de l'inconscient
Quelle est la fonction de l'art?Comment assume-t-il sa mission
et dans quelle perspective humaine se situe-t-il?
L'art est une notion intellectuelle et
mentale,foncièrement inhérente à la pratique et au
savoir-faire,soumise à des régles particulières relevant
de l'aptitude et de la disposition de celui qui en détient les
secrets..L'art est donc fondé sur des principes logiques,permettant
d'agir selon la raison et non selon le caprice du moment .« A
vrai dire,on ne devrait nommer art que le produit de la
liberté,c'est-à-dire un vouloir qui fonde ses actes sur la
raison»1(*)
Or,l'art,lorsqu'il agit conformément à la
raison,réalise des prodiges surnaturels,s'intégrant dans le
sphère de la pensée humaine et civilisationnelle..
La mission de l'art est donc une mission difficile et
aléatoire,car elle est liée,non pas à l'essence de
l'art,en tant que tel,mais à l'audace et à la virtuosité
de l'homme en qui s'incarne l'esprit de l'art.2(*)
L'idée que l'art traduit seulement des faits et des
choses,auxquels il confère une certaine image fantastique et plus ou
moins réelle,ne se conçoit qu'au niveau de sa fonction
propre,réalisée conventionnellement par des prosélytes qui
sont loin de lui opposer d'autres prérogatives que celles
déjà connues par le vulgaire.« Ce que voient en l'art
ceux qui lui sont étrangers,l'art est un moyen de fixer les instants
émouvants de la vie ou de les imaginer.En réalité,la
détermination de la fonction de l'art est loin d'être
fixée:il ne s'agit nullement de question de réhabilitation,mais
disons plutôt de justice..car le profane ou le novice en matière
d'art,qui se nourrit volontiers de préjugés et de concepts
erronés et fallacieux,ne se donne guère la peine pour se rendre
compte de la signification réelle qu'implique la notion d'art..L'art
n'est pas un produit de l'homme,c'est un phénomène dû
à une intervention divine,accidentelle et métaphysique,car il
n'est pas donné à tout le monde de s'arroger le pouvoir de l'art
et de sa puissance occulte..La fonction de l'art au sein de la
société reste cepentant,indépendamment de son
caractère surnaturel,civilisationnelle et profondément
humaine..
L'art ne réside pas dans la conception et la
réalisation de la «beauté »en tant que forme
absolue du beau,l'art ne se borne pas uniquement à ce domaine,loin de
là,ses frontières s'étendent en effet au-delà de
toutes limites,pour atteindre au sublime,franchir l'inaccessible et soumettre
l'éternel..
Le génie de l'art,c'est d'opérer une large
percée dans le mystère de la vie,de sonder l'inconnu et de
naviguer dans les régions ténébreuses de l'esprit
divin,pour débrouiller l'écheveau de l'existence humaine.3(*)
Or donc,l'art,qui englobe dans sa sphère lumineuse tous
les aspects de l'inconnu,ne s'en est pas trouvé en difficultés
pour vaincre le néant,et faire surgir ce qui a fait l'admiration et
l'émerveillement de l'homme sur terre.4(*)
D'autre part,c'est l'art,un don naturel,une puissance
visionnaire et mystérieuse,qui fait naître chez l'individu,les
conditiions fondamentales du talent,qui est en effet une forme d'aptitude
à la concrétisation matérielle des choses..Quand on parle
d'un écrivain de talent,cela signifie en réalité,qu'il est
doué d'un don exceptionnel et surnaturel,et par conséquent,il
incarne cet esprit mystérieux que l'on appelle art,et cela,en
dépit de la discrimination,non pertinente d'ailleurs,que l'on a tendance
à afficher entre talent et art..
Un peintre de talent,c'est encore un peintre nanti de toutes les
qualités impératives qui feraient de lui un peintre ayant atteint
un haut dégré de savoir-faire et d'habileté et de
là,à l'apogée de l'art..car l'art,comme l'a fait remarquer
Kant « est ce que l'on n'a pas l'habitude d'exécuter tout de
suite,alors même qu'on en posséde complétement la
science,voilà seulement ce qui donne dans cette mesure
l'art »5(*)
L'art,comme les différentes phases physiologiques qui
s'accomplissent inconsciemment dans les entrailles de la
mère,n'exécute pas en effet son oeuvre dans l'immédiat,il
prend son temps,car il provient de Dieu,qui est sa seule et unique source..
Néanmoins,l'art ne s'acquiert pas,ne s'apprend pas
mécaniquement,l'art nait et croît,telle une plante dans un terrain
aride et sauvage,à l'intérieur de l'individu,sans que
l'inspiration ou quelque autre phénomène,intervienne dans ce
processus surnaturel6(*)..L'art est une tactique,une logique qui régle
tout,selon la réalité des choses,alors que l'inspiration,s'il y a
eu vraiment inspiration,reste loin du pouvoir de l'art,sa fonction en tant
qu'inspiration,se limite à faire éclore le germe de
l'idée,entreprend et poursuit son développement à
l'état brut,sans que l'art n'ait aucune part,si bien que l'oeuvre
produite,ne sera pas une oeuvre tout à fait artistique,mais une oeuvre
brute,massive,à l'état sauvage,contrairement à ce qu'avait
avancé Platon7(*) «Ce n'est pas en effet par art,mais
inspiration et suggestion divine que tous les grands poétes
épiques composent les beaux poémes » Et les
poétes lyriques de même,l'Iliade ou l'Odyssée ne sont pas
en réalité des oeuvres d'inspiration
aléatoire,fortuite,ce sont au contraire des oeuvres d'art,où
l'inspiration ne joue qu'un rôle en apparence infime..
L'inspiration ne produit rien,car elle est un acte,quoique
subtil,qui reste pourtant marqué par l'inertie et l'absence d'ordre et
de méthode,alors que la création de la beauté,qu'elle soit
sous la forme d'un poéme ou d'un tableau,devra impérativement
être due à un ordre supérieur et effectif8(*)..
Le poéte sentit tout à coup émerger en lui
une vision,une vision qu'il s'efforçait,grâce au pouvoir de
l'art,de fixer dans l'espace intellectuel de sa mémoire,de la
matérialiser dans la réalité environnante,d'en produire
une oeuvre magistrale et durable,ce que l'inspiration n'aurait jamais pu
accomplir à elle seule,d'où dès lors la distinction
très nette entre inspiration et art...
On disait souvent que le poéte ou le peintre ne produit
rien,lorsqu'il est dans un état psychologique normal,et que pour
créer,pour accoucher de quelque chose de grand et de sublime,il lui faut
pénétrer dans un univers différent de celui dans lequel il
vit..
Un esprit
obscur,mystérieux,impénétrable,s'insinue dans tout son
être,insuffle en lui un pouvoir divin,une faculté
céleste,qui l'engage à produire des choses
insoupçonnées et tout à fait inattendues,quelque chose de
profond et de divin,auquel l'intelligence ne prendrait aucune part
directe,prétention que Valéry semblait d'ailleurs démentir
catégoriquement«Je ne pouvais souffrir que l'on opposât
l'état de poésie à l'action complète de
l'intellect,cette distinction est aussi grossière que celle que l'on
enseigne exister entre sensibilité et intelligence ,deux termes que
l'on serait bien en peine de préciser sans se dédire ou se
contredire. »9(*)
Il ne serait pas logique,il est vrai,d'alléguer que
l'invention de la lumière,ou encore du Cid ou de quelque autre
chef-d'oeuvre que l'on juge de nos jours comme immortel,ne soit pas due
à l'action de l'intelligence.10(*)
Le problème,c'est que des affirmations concrètes
ont été d'ores et déjà avancées,concernant
l'état oû l'on se trouve,au moment oû il nous est
donné de produire,que ce soit dans le domaine poétique ou
autre...Platon,plus versé qu'aucun autre en la
matière,n'affirmait-il pas que,étant sous l'empire d'une force
inconnue,le créateur se laisse emporter par un courant
irrésistible,jusqu'à entrer en transe. «car le
poéte,ajoutait-il,est chose
légère,ailée,sacrée et il ne peut créer
avant de sentir l'inspiration d'être hors de lui et de perdre
l 'usage de la raison.Tant qu'il n'a pas reçu ce don divin,tout
homme est incapable de faire des vers et de rendre des oracles.11(*) »
Il est tout de même probable que le fou n'est pas celui
qui a perdu la raison ...La folie est capable de produire,d'inventer et
même de se dépasser elle-même pour atteindre à la
divinité,mais son action est éphémère et n'est pas
durable.en ce sens que la perte de la raison entraîne
inéluctablement la perte de toutes les facultés et ,en
conséquence;la stérilité radicale de l'esprit,puisque
l'inspiration,visiteuse inattendue et n'apparaissant que d'une manière
intempestive,n'accomplira aucunement son action,si elle ne se soumet pas
à la raison et à l'intelligence,même en cas de
révélation ou de prophétie,comme l'avait souligné
assez pertinemment Platon.«les beaux poémes ne sont ni humains,ni
faits par des hommes,mais divins et faits par des dieux et que les
poétes ne sont que les interprètes des dieux,puisqu'ils sont
possédés,quel que soit le dieu particulier qui les possède
»12(*)
Homère qui,en psalmodiant en cadence les beaux vers de
`l'Iliade` ou de `l'Odyssée' était-il pour de bon sous
l'influence d'un esprit étranger?
Dante,en écrivant la Comédie
divine,s'était-il pris à son insu dans l'engrenage d'une
domination incoercible,qui le maintenait de force sous son pouvoir?Etait-il
dans un état cauchemardesque,un état d'inconscience absolument
irréversible dont il ne pouvait se défaire,en dépit de
ses immenses efforts13(*)?
Le poéte,les écrivains de génie,les
peintres,bref tous ceux qui sont nantis de la faculté de
transformer,tels des alchimistes habiles,une idée en un
objet,intéressant et utile à la vie et à l'esprit,ces gens
-là étaient-ils sous la fascination d'un mystère
inaccessible ou plutôt les instruments passifs d'un esprit suprême
et invisible?
Cette force mystérieuse,cette idée qui jaillit
à la lumière de l'esprit,en traversant,tel un bolide,l'espace
vital du cerveau,c'est à coup sûr dans l'inconscient qu'elle a
couvé et c'est là en effet qu'elle a eu son berceau et sa source
primitive14(*)..
L'inconscient,sphère obscure gisant au sein de notre
être,s'extériorise et se manifeste à travers le germe qu'il
a fait naître pour déclencher l'étincelle de la
création..
L'expérience enseigne que le poéte prend son
unique point de départ « dans l'inconscient,je dirai
même qu'il doit s'estimer heureux,s'il parvient,tout au plus,en y
mettant la conscience la plus claire possible,à retrouver,dans le
travail achevé,non atténuée, la première et
obscure idée totale qu'il a conçue de son oeuvre.15(*) »
Le poéte ou l'écrivain,trouve l'idée
initiale de son oeuvre,comme une vision inattendue,dans l'inconnu,alors qu'il
était dans l'inconscient,plongé dans un état,comme dans
un état d'hypnotisme,d'où tout sentiment de son être s'en
trouverait comme exclu..dès lors,les ressorts et les mécanismes
de cette idée,se développent,s'affirment progressivement pour se
donner une forme,que l'art embellit et pare ingénieusement de ces
atouts magiques..
Or,une telle métamorphose ne peut jamais se concevoir
sans le secours de la raison,dont le pouvoir si fécond confère
à la forme créée du prestige et de
l'éclat,car,comme l'a fait entendre le grand poéte allemand
Schiller,« l'inconscient uni au réfléchi constitue
l'artiste en poésie.16(*) »
Cela nous incline à dire que,bien que l'inconscient
sans conteste joue un rôle de premier plan dans la conception de
l'oeuvre,il n'en est pas moins vrai que la raison,ou si l'on
préfère la conscience claire et lucide,dont le recours est plus
que fondamental,je dirai même impérieux à plus d'un
titre,car il ne serait absolument pas raisonnable de croire que le poéte
produise dans un état hors de lui-même, demeure fondamentalement
l'étincelle dominante dans toute production intellectuelle..
Ce qui est vrai,c'est que le créateur ne crée
pas d'instinct ou suite à une intuition subtile,abstraite,survenue
à l'improviste pour donner le branle-bas au génie
créateur..Cela n'est pas du ressort de la création,cela
relève plutôt de la fantaisie ou de l'insinuation capricieuse et
Edgar Poe ,poéte expérimenté,versé dans tout ce qui
touche à la création artistique,s'insurge contre ce
préjugé inadmissible.«la plupart des
écrivains,dit-il,les poétes surtout,préfèrent
laisser entendre qu'ils composent ,dans une espèce de splendide
frénésie,d'extatique intuition17(*). »
Cette opinion d'ailleurs commune à presque tous les
écrivains,n'aurait pas de raison d'être,car ce n'était
qu'une allégation fallacieuse,une sorte de prétention
gratuite,avancée dans le but évident de donner à leur
production le caractère d'une réalité sacrée et
céleste,une tentative de sacraliser en quelque sorte le produit
intellectuel «La vérité,c'est que l'originalité
n'est nullement ,comme d'aucuns le supposent,une affaire d'instinct ou
d'intuition.18(*). »
Tout est réduit à l'art et à son immense
pouvoir..Il est vrai que l'art ne s'apprend pas,comme on apprend un
métier,car l'art est quelque chose d'inné,quelque chose
d'imperceptible,de fluide et de déliquescent,quelque chose enfin que
l'on ne peut pas définir aisément et qui éclate,tel un
bourgeon,dans le jardin de l'esprit et du coeur.Et pourtant l'on persiste
à dire que l'art s'acquiert,comme n'importe quel autre
métier,mais son acquisition requiert
sacrifice,persévérance,
enfin un souffle inépuisable et énergique,comme
le précise pertinemment Malraux.«Entre la vision de l'artiste et
celle du non-artiste,la différence n'est pas d'intensité,mais de
nature,c'est que la seconde est ordonnée par des actions ,alors que
même pour le peintre le plus misérable,le monde est encore
tableau19(*).»
En effet,le vrai artiste manifeste une certaine
curiosité,une certaine inclination presque instinctive vers ce qui est
beau..Il essaie d'en comprendre tous les aspects,d'en déchiffrer tous
les secrets et d'en dévoiler,sans trop de difficultés,tous les
mystères,puisque,irrésistiblement,tout son être est
attiré vers lui,comme vers un objet magnétique 20(*)
Le poéte puise son idée dans la source de
l'inconscient.Mais cette idée s'avérerait insignifiante,si elle
n'était pas façonnée,modelée dans le creuset de
l'art;;L'art seul a le pouvoir absolu de mettre cette idée à
exécution,de lui donner forme et corps,en un mot, de la rendre utile et
significative.«La poésie consiste à savoir exprimer et
communiquer l'inconscient,en d'autres termes,à l'incorporer dans un
objet21(*).»L'inconscient se traduit en idées,en
spéculations mentales abstraites,que l'art par des moyens subtils et
ingénieux,métamorphose en une forme concrète et
tangible,si superbement travaillée qu'elle suscite l'admiration et la
joie.
«Celui qui n'est pas poéte peut fort bien,tout
comme le poéte,être ému par une idée
poétique,mais il est impuissant à l'incarner dans un objet,il est
impuissant à l'exposer sous une forme qui puisse s'arroger le
caractère de la nécessité;»22(*)
En effet,le passage de l'idée à l'objet,ne
s'accomplit qu'en application de certaines régles logiques,subtiles et
complexes,d'un savoir-faire rigoureux,enfin d'une aptitude psychique dont l'art
seul posséde le secret.23(*)
Certes tout le monde peut avoir des idées,comme tout le
monde ne manque pas d'imagination ou de culture,mais tout le monde n'est pas
capable de mettre en valeur et de concrétiser ces idées,issues
de l'inconscient et qui voguent vainement dans les horizons de l'esprit..
«On ne manque pas aujourd'hui d'hommes dont la culture
soit poussée assez loin et pourtant ils sont impuissants à
créer,le chemin qui mène du sujet à l'objet leur est
interdit24(*).»
D'autant plus que tout acte créateur suppose avant tout
une disposition mentale adéquate,susceptible de favoriser
l'épanouissement et la matérialisation de l'idée,sa
transfiguration,sa transformation en une réalité
concréte,opération que nul ne sera en mesure de faire,sauf pour
quelques rares initiés ou nantis d'un pouvoir mystérieux qui les
conduira à la réalisation de cette chose extraordinaire que l'on
appelle «Oeuvre »
«Les actes créateurs procèdent en effet non
de la connaissance de leurs lois,mais d'une puissance incompréhensible
et obscure,et qu'on ne fortifie pas en l 'éclairant25(*).»
De telles opérations s'accomplissent lentement,par
étapes,et non pas d'un seul coup,comme on a tendance à le
croire..Car engendrer une « oeuvre »peut supposer
forcément bien des difficultés,maints soucis,des anicroches
à franchir et des entraves à surmonter,bref de multiples combats
intérieurs où se mêlent,dans des réseaux
inextricables,le pour et le contre.«Car il faut bien,pour que la
lumière soit,que la puissance vibrante se heurte à des corps
d'où elle éclate.26(*)»
Paul Valéry,poéte profond et abscons,savait
mieux qu 'aucun autre l'étendue des difficultés
inhérentes à la création artistique,...Il en percevait les
valeurs insignes et le bonheur qui en résultait,comme il en percevait
également les déboires et les mortels chagrins,tribut qu'il
payait obligatoirement à la joie de la création27(*).
On a laissé entendre précédemment que,en
raison de la similitude génétique qui existe au niveau de
l'humanité,tout le monde posséde la faculté de penser et
d'agir,selon des lois imposées par une raison commune,si bien
que,au-delà des possibilités psychiques et psychologiques que la
nature confère au genre humain,on peut dire,dans le même ordre
d'idées,que le génie,que l'on a coutume à expliquer par
une vision exclusive,une puissance intellectuelle inattendue,vitale et
profonde,liée étroitement à la spécificité
psychique de tel ou tel homme, ne peut être le privilège d'une
seule créature,mais plutôt son pouvoir s'étend
également à toute la race humaine,sans discrimination,comme l'a
fait connaître le grand philosophe Nietzsche,excellent connaisseur de la
nature humaine et visionnaire de génie,auquel nul ne conteste l'immense
influence sur tous les esprits contemporains.
«L'activité du génie ne paraît pas le
moins du monde quelque chose de différent de l'éctivité de
l'inventeur,du savant astronome,ou historien,du maître en
tactique.28(*)»
Tout homme en qui se manifeste accidentellement ou non la
moindre étincelle de génie,ou plutôt,le plus simple
désir de créer,d'enfanter quelque chose de neuf et d'original,cet
homme mérite bien de prendre place parmi l'élite des
créateurs29(*).
La question de génie ne se pose donc pas avec cette
acuité coutumière,car le génie n'est nullement l'apanage
d'un individu ou d'un groupe au détriment d'un autre et Nietzsche sur un
ton primesautier,renchérit de plus belle,en s'interrogeant
sarcastiquement;«D'où vient donc cette croyance qu'il n'y a de
génie que chez l'artiste,l'orateur ou le philosphe?Eux seuls ont une
intuition?30(*)»
De plus,la suprématie du génie ne réside
pas toujours dans l'édification intégrale de l'oeuvre,elle
réside au contraire,aussi paradoxal que cela paraisse,dans les
premières manifestations de l'idée.«Le génie ne fait
rien que d'apprendre d'abord à poser des pierres,ensuite à
bâtir,que de chercher toujours des matériaux et de travailler
toujours à y mettre la forme.31(*)»Une telle assertion avancée par un grand
maître de la pensée contemporaine,ne sera que plus plausible et
irréversible,puisque,le génie se manifeste,selon toute
évidence,par à-coups,dans des moments où on l'attendait le
moins,sous l'impulsion du hasard ou des contingences extérieures
à toutes volontés.
Si l'art assure l'élaboration parfaite de
l'objet,veille munitieusement à son achèvement dans les
meilleures conditions possibles en lui donnant toutes les chances de se
prévaloir et d'atteindre par là le sommet de la perfection,cela
prouve indubitablement l'existence d'une faculté
éminente,latente,une intuition,pourrait-on dire,qui préside au
processus de l'exécution..Cette faculté,c'est un don
divin,incomparable,et ne peut être assimilée à aucune autre
faculté,,c'est une sorte de trésor organique,psychique,d'une
force stimulante et vitale,qui enrichit substantiellement l'idée
formulée32(*),en
l'entourant d'une auréole de lumière interne,bref la
perfection,à quelque niveau qu'elle soit,est impérativement
subordonnée à la richesse intérieure du peintre ou de
l'écrivain,«Son degré de perfection dépend de la
richesse intérieure qu'il possède et que conséquemment,il
produit au dehors et du degré de nécessité qu'impose son
oeuvre.33(*)»
Ce n'est pas là une capacité physique,visant
à l'emploi,pour maîtriser la matière brute,des moyens
autres qu'intellectuels,c'est plutôt une aptitude psychique,un pouvoir
spirituel,capable d'exhaler au-delà de toute limite,quelque baume
vital,un philtre,une espèce d'elixir subtil,susceptible
d'éveiller les sensibilités endormies.
«J'appelle poéte,j'appelle créateur,tout
homme qui est capable d'incorporer son état de sensibilité pour
que cet objet me contraigne à passer à cet état de
sensibilité et par conséquent exerce sur moi une action
vivante.34(*)»
Cette transmission indirecte des sentiments résulte
évidemment d'un état exceptionnel,un état de mouvement
intérieur,qu'aurait vécu le poéte lui-même,au moment
même de l'apparition de l'inspiration,c'est un univers de visions et
d'idées,complexes,désordonnées et confuses,gisant dans les
entrailles intimes de l'inconscient35(*).
Son émergence claire et nette ne saurait être
réalisée qu'à l'issue d'un calme relatif,au travers
duquel le conscient saisit immédiatement l'image encore enrobée
d'un voile obscur36(*),qu'il clarifiera et exprimera avec logique et
clarté,ce qui permettra la réalisation d'une oeuvre
sincère et véridique,transposant ainsi l'expérience de
l'humanité dans toute son étendue.
«On est en droit d'exiger de toute oeuvre poétique
qu'elle soit expressive dans toute la plénitude du terme,ou si non,elle
est si peu que rien,mais ce qu'exprime le poéte parfait,c'est
l'humanité dans toute sa totalité.»Schiller est en effet
plus conscient que ses illustres contemporains,de la portée du message
de l'oeuvre poétique,en tant que produit servant à garantir la
suprématie de l'esprit sur la matière,puisque le poéte
n'exprime pas sa propre expérience,en faisant état de ses
souffrances au moyen d'un langage spécifque,ce serait une très
grave méprise,car plus sa sensibilité est subjective,plus elle
est contingente;la force d'objectivité repose sur ce qui participe
à l'idée et de l'idée jaillit l'expérience
humaine,avec son lot de joie et de misère.37(*)
?II?
Les Particularités de la Sensibilité
L'artiste posséde-t-il une sensibilité
aiguë,profondément différente de celle du commun des
hommes?Le fait de produire un objet intellectuel ou
pictural,nécessite-t-il impérativement le recours à la
sensibilité?Faudrait-il encore être sensible pour saisir et capter
des choses d'ailleurs imperceptibles au commun?
Il demeure néanmoins vrai que l'artiste,et tout homme qui
travaille avec son intelligence,est foncièrement nanti d'une
faculté sensitive,non comparable aux autres facultés,une
faculté à part,exceptionnelle,que l'on peut considérer
comme l'essence même de la faculté productrice chez le
créateur.38(*).
Mais il n'en est pas moins vrai que la sensibilité
à elle seule ne suffirait pas pour conférer des attributs
exclusifs à l'artiste,car on pourrait être sensible sans qu'on ait
la moindre aptitude à être artiste.
«Il va de soi que si un grand artiste de l'émotion
est nécessairement sensible,l'homme le plus sensible du monde n'est pas
nécessairement un artiste39(*).»
La sensibilité se cultive,s'affirme et se
développe,comme n'importe quelle autre faculté psychique..Une
sensibilité à l'état brut,n'affirme pas les sentiments et
resterait en conséquence stérile et improductive.
Toutefois,et sans vouloir être paradoxal,il est possible
qu'un homme doué d'une sensibilité raffinée,pourrait avoir
des goûts exceptionnels sur toutes les choses,sans qu'il puisse
être pris pour un artiste..Car la sensibilité,jointe au talent et
au maniement habile des principes de l'art,constitueront les conditions
réelles pour former un bon artiste,sans pour autant prétendre au
génie d'un Shakespeare ou d'un Goethe.40(*)
Marcel Proust est un écrivain
sensible,intelligent,profondément fécond et
intarissable,d'où l'on déduit cette différence radicale
entre lui et la plupart de ses illustres contemporains,qui ne manquaient certes
pas de génie,mais qui étaient en fait de beaucoup moins
sensibles que lui,dont les oeuvres sont marquées par le sceau de
l'immortalité41(*).
La sensibilité forme l'artiste,mais un artiste sans
sensibilité serait un mauvais artiste,un artiste monotone,fade et
même improductf.
Ceci dit,et si l'on veut aborder le problème dans son
contexte le plus large,la sensibilité ,si elle venait à
durer chez l'artiste pendant la création de l'oeuvre,tuerait en lui
toute faculté productive,freinerait ce flux de pensées et de
sentiments et par un paradoxe étrange,l'insensibilité,dans ce
cas, deviendrait pour lui fondamentale pour la poursuite de l'oeuvre42(*).
Il est vrai cependant que la sensibilité est
foncièrement inhérente à la nature de l'artiste,car chez
lui,la sensibilité est psychiquement nécessaire,du moins pendant
la gestation de ses pensées,mais cette sensibilité deviendrait
fort périlleuse,si jamais elle tendait à s'extérioriser et
à se perpétuer indéfinément,car «un
poéte n'a pas pour fonction de ressentir l'état
poétique:ceci est une affaire privée43(*).
Que l'on se représente un acteur quelconque sur la
scène,dans une tragédie de Corneille ou de Racine,cet acteur
serait irrémédiablement perdu,s'il éprouvait le plus
simple désir de vouloir s'épancher de façon natuelle ou
même de ressentir les sentiments du personnage dont il campait le
portrait44(*).
Dès lors,la sensibilité est-sur le plan de la
créativité-la condition première pour former un auteur
authentique,du type d'un Balzac ou d'un Hugo,mais elle a ses limites qu'il ne
convient pas d'outrepasser,sans encourir de graves déconvenues.
Si la sensibilité est ainsi pour l'artiste un facteur
primordial sans pour autant être d'une nécessité absolue,en
particulier dans le temps de la composition de l 'oeuvre,pour ne pas
dévier de la ligne directrice,antérieurement
déterminée dans l'esprit du créateur.Mais
l'inspiration,quel rôle assume-t-elle dans la réalisation de
l'oeuvre?En vérité, l'inspiration,pour les uns,est un facteur
fondamental dans la concption de l'idée initiale,pour d'autres,elle
n'est rien d'autre qu'une manifestation psychique que l'on peut situer au
second plan des opérations intellectuelles à partir desquelles
l'oeuvre s'échafaude et s'édifie graduellement.«Je ne songe
pas à refuser à l'inspiration le rôle éminent qui
lui est dévolu..Je prétend seulement qu'elle n'est aucunement la
condition première de l'acte créateur,mais une manifestation
secondaire dans l'ordre du temps.45(*) »Cet argument de Strawinski est plus que
révélateur,car il dénote,à l'insu peut-être
du célèbre compositeur,une certaine
vérité,qui,incontestablement,hante tous les esprits de tous les
temps.
L'inspiration donc est un acte aléatoire et si elle
facilite en quelque sorte l'émergence de l'idée à
développer,elle n'en est pas moins un acte sans grande importance ,dont
on peut aisément se passer sans porter préjudice à la
réalisation de l'oeuvre.
L'inspiration est un phénomène dû en
réalité au hasard,n'ayant aucun fondement métaphysique
adéquat..Mais que,pour justifier en quelque sorte l'éclosion
d'une image ou d'une idée quelconque survenue d'une manière tout
à fait inattendue,on est réduit à lui donner des attributs
divins46(*).
Milton,en écrivant le fameux poéme « Le
Paradis Perdu »n'a pas été éclairé par
l'inspiration qui eût pu lui suggérer seulement le sujet,mais
c'étaient des dons intellectuels exceptionnels,une vaste
expérience du monde et des choses,qui lui avaient permis de
réaliser son chef-d'oeuvre..
Coysevox modelant délicatement la statue de louis XIV en
emprereur romain ou encore Chardon mettant soigneusement les dernières
touches à son prestigieux tableau « la
Bénédicité »,dans tout cela,quel rôle
l'inspiration a-t-elle joué?Elle a peut -être contribué
à la mise en place de l'idée préalable,un
élément d'ailleurs purement théorique et abstrait,mais
elle n'a jamais construit l'oeuvre en tant qu'objet esthétique et
matériel,sagement fignolé,embelli avec sollicitude,affiné
avec talent et que l'on est par dessus tout tenté de prendre pour une
grande merveille d'art et de génie.
L'étincelle de l'inspiration s'éteint pour
permettre à l'émotion et au désir occulte de poursuivre
l'échafaudage de l'oeuvre;
Plus l'émotion est grande,vive et crispée,plus
l'oeuvre s'achemine vers sa réalisation progressive,puisque«de
l'émotion sort non pas l'obscurité,mais une lucidité
mystérieuse 47(*)»
L'émotion n'offusque pas le prestige de l'art,au
contraire,elle ranime davantage le désir de produire l'oeuvre selon une
logique rigoureuse..Car l'intelligence ne fonctionne pleinement que sous
l'impulsion du désir,c'est l'émotion qui provoque le
désir,lequel,à son tour,met en branle les mécanismes
psychiques de l'intelligence.
Que l'on songe à Balzac,assis nonchalamment à sa
table de travail,écarquillant des yeux éblouis,que
l'émotion et le désir dominent,pendant qu'il écrit le
« Père Goriot »!
Par contre,Flaubert écrivant patiemment Mme Bovary ou
Salammbo,pouvait se trouver dans un état parfaitement
différent.
En ce sens que Balzac écrivait sous l'impulsion du
moment,ayant déjà en tête les portraits
caractéristiques de ses personnages,qu'il faisait évoluer
lentement dans un cadre spécial déterminé,sans chercher
nullement à approfondir le contexte romanesque de son oeuvre,alors que
Flaubert,n'ayant en vue que la forme esthétique de son oeuvre,ne pensait
qu'à affiner méthodiquement,ciseler et limer patiemment son
produit,quitte à le rendre monotone et même trivial pour le
lecteur ordinaire48(*)..
Mais pour le créateur,qu'il soit un Balzac ou un
Flaubert,l'amour qu'il voue pour son oeuvre n'a pas d'égal,puisqu'elle
incarne ses efforts,ses soucis,le fruit de ses multiples sacrifices.
Pour lui,je veux dire pour tout créateur,l'oeuvre
représente le point final de tout un voyage difficile et pénible
à travers l'espace et le temps,c'est le miroir de son âme
reflétant ses peines et ses douleurs,ses longs combats avec les
mots,constamment tiraillé entre le choix judicieux des mots et le souci
de la perfection artistique.49(*)
L'oeuvre est donc l'objet idéal,l'incarnation de
l'âme de l'écrivain.«De même qu'un musicien aime la
musique et non les rossignols,le poéte le vers et non les couchers de
soleil,un peintre n'est pas d'abord un homme qui aime les figures et les
paysages:c'est d'abord un homme qui aime les tableaux.50(*)»
Si le grand portraitiste Quentin de la Tour s'enthousiasme et
s'exalte devant le portrait qu'il venait habilement d'esquisser,c'est parce
qu'il se sentait profondément ému,non pas devant les traits en
apparence réels de ce visage,mais il exprimait sa béatitude,son
amour et son attachement au portrait en tant que fruit de ses efforts et
à rendre gràce à son propre talent,dont il se
glorifiait..
Chaque créateur cristallise son amour,sa passion,dans
l'objet de sa création,car pour lui,l'oeuvre c'est la raison
évidente,la cause réelle de son existence et de sa
présence dans cet univers..
De même que la femme enfante dans la douleur,une douleur
non démunie pourtant d'une certaine joie métaphysique,une
satisfaction occulte qui s'estompe dans l'arrière-fond du
subconscient,de même l'écrivain crée dans un climat
d'intense agonie,tempérée en quelque sorte par la perspective du
bonheur de la réussite et de la gloire.
«Le fait même d'écrire mon oeuvre,de
mettre,comme on dit,la main à la pâte,est inséparable pour
moi du plaisir de la création;en ce qui me concerne,je ne puis
séparer l'effort spirituel de l'effort psychologique et de l'effort
physique,ils se présentent à moi sur le même plan et ne
connaissent pas de hiérarchie51(*).»
Plaisir et effort,deux concepts essentiels liés l'un
à l'autre et inséparables pour le créateur qui voit en
eux,toute la source de sa vigueur et de son énergie.Dans tout
déploiement d'effort intellectuel,l'artiste,qu'il soit
écrivain,peintre ou sculpteur,perçoit une sensation de plaisir
et de soulagement suprême,une délectation onctueuse et douce,qui
s'infiltre dans les replis profonds de son âme.52(*)
Il est pénétré d'une sorte d'ivresse,de
griserie infinie.
Toute oeuvre,de quelque nature qu'elle soit,est le fruit d'une
méditation,d'un travail assidu et d'un effort inlassable de
reviviscence,c'est en un mot un objet qui a dû subir,grâce au
talent et à l'intuition de l'artiste,une métamorphose
radicale,afin de la rendre plus proche du moins de la forme idéale que
l'artiste lui-même lui avait fixée dès le début du
travail. «s'il advient que l'artiste fixe un instant
privilégié,il ne le fixe pas parce qu'il le reproduit,mais parce
qu'il le métamorphose.53(*)»
Peindre la nature telle qu'elle se présente à nos
yeux,cela ne signifie nullement création ou découverte,cela
signifie en vérité une imitation pure et simple et
l'imitation,comme chacun sait,est loin de requérir du
génie..L'art du créateur réside donc dans sa
technique,dans sa méthode de travail et encore dans son habileté
à atteindre le beau et le sublime:c'est là en effet l'objectif
éminent de tout artiste authentique.
Watteau,dans son remarquable tableau intitulé
« le menuet » n'a pas seulement fait preuve d'un
réalisme cru ,mais il est allé trop loin dans la
réalisation,il a développé et paré la scène
d'un goût exceptionnel,d'une espèce d'enchantement et de
magnétisme,au point qu'on y regardant,on a l'impression d'être
ému jusqu'au fond des entrailles.
On est fasciné,ensorcelé,attiré
malgré nous vers cette création grandiose.
Watteau a le don de nous communiquer cette vitalité,cette
lumière radieuse et galvanisante,en un mot,une certaine
sensibilité indéfinissable.
C'est là encore la preuve la plus évidente d'un
génie incontestable.54(*)
Hamlet,comme n'importe quel autre chef-d'oeuvre de
Shakespeare,est destiné,dès le premier mot,à
émouvoir et à troubler tous les sentiments qui animent la nature
humaine.
Shakespeare,en produisant ses piéces,ne les a pas
puisées dans la réalité crue...Sa sensibilité, fine
et délicate,lui a permis d'explorer au-delà des apparences,et de
faire jaillir l'étincelle qui a illuminé son oeuvre divine:il l'a
empreinte du sceau de son talent inépuisable et de sa capacité
intellectuelle immense.
C'est là encore ce qui fait la grandeur et le prestige
éternel du dramaturge anglais..!
Il en est de même pour Corneille,Racine ou encore
Molière,dont les piéces,loin d'être un simple reflet d'une
société particulière,se sont avérées en
effet autant de miroirs véridiques de toute humanité,dans son
évolution,dans son éclatement et dans sa métamorphose
continuelle.
Le créateur ne crée rien s'il n'est pas
poussé,soit par un désir occulte,soit par une
nécessité impérieuse..Le désir de produire lui
vient à l'improviste,à la suite d'un contretemps
imprévu,ou d'une idée qui traverse de manière inattendue
son esprit.
Ainsi Strawinski,musicien de génie et homme d'un
goût très délicat,savait comment saisir au vol cette
idée déjà évanescente:
«Toute création suppose à l'origine une sorte
d'appétit qui fait naître l'avant-goût de la
découverte.cet avant-goût de l'acte créateur accompagne
l'intention d'une inconnue déjà possédée mais non
intelligible et qui ne sera définie que par l'effort d'une technique
vigilante 55(*)«
Produire n'est pas une initiative prise à la
légèr,c'est plutôt une disposition sérieuse,issue
d'un désir réel de découvrir quelque chose d'inconnu et de
faire prévaloir la volonté de l'homme dans sa marche en
avant.56(*)
En tout cas,on ne produit pas pour le plaisir de produire,mais
plutôt dans l'intérêt de l'humanité,qui est toujours
dans la nécessité de se régénérer,de se
retremper,de se purifier dans l'idéal du beau.
L'imagination suscite l'impact du désir de produire,aucun
acte créateur ne peut se faire sans ce stimulant nécessaire et
aucune idée ne pourra jamais revêtir l'aspect d'une forme,sans
cette impulsion que l'on éprouve du fond de notre être,en
l'occurrence l'imagination éveillée au contact du désir
contingent,d'oû jaillira l'oeuvre d'art dans son état de vision
globale,en attendant de prendre corps et forme,selon le processus de la
créativité.«l'oeuvre d'art est le résultat de la
collaboration de l'imagination avec le désir 57(*)»
Le poéte habille soigneusement cette idée
fortuite,avec un attirail de mots divers,combinés ensemble et
enchaînés les uns aux autres selon une logique rigoureuse,pour
constituer ensuite la forme d'un poéme,comme l'a fait souligner encore
P.Claudel «la poésie est l'effet d'un certain besoin de faire,de
réaliser avec les mots l'idée qu'on a eue de quelque
chose.58(*)»
L'interprétation du désir par des mots
adéquats ,rien que par des mots ou par la manipulation du pinceau,sans
quoi le désir resterait à l'état
abstrait,mystérieux,au fond de l'inconscient,relevant seulement du
phantasme occulte,sans être assimilé à sa forme
réelle,à savoir sa réalisation sous la forme d'un objet
digne d'être apprécié ou déprécié,en
fonction de la construction formelle,qu'on lui attribue et dont on le
matérialise,car interpréter une idée au moyen des mots
n'est pas chose aisée.«L'aptitude à faire,à rejoindre
l'imagination au désir par un ajustement de mots est un don de la
nature.59(*)» et il
n'est pas donné à tout le monde d'etre favorisé par la
nature.
La construction de l'idée par des mots
s'achèvera donc dans un contexte approprié,psychologique et
psychique,réalisé par le talent du créateur qui
s'ingéniera à conférer à chaque mot son sens
réel,..Dans le cadre de la peinture,la maîtrise du système
des lignes et des traits,demeure le principe dominant dans la pensée du
peintre,tel Boucher dans sa « Pastorale »à travers
laquelle ce peintre profond a fait preuve d'un génie incomparable,car ce
tableau interpréte excellemment l'idée que le peintre se faisait
de son produit avant sa réalisation,où l'imagination s'allie avec
bonheur au désir.
On est amené à dire en conséquence que
cette réalisation picturale procède en quelque sorte du
rêve,puisque entre la poésie et le rêve,il existe une
analogie d'essence psychique,une affinité
foncière.«l'univers poétique présente de grandes
analogies avec ce que nous pouvons supposer de l'univers des
rêves60(*).
Une oeuvre poétique ne s'échafaude que sur les
piliers du rêve et nul n'a le pouvoir de faire mouvoir ou de faire
naître le rêve ,car c'est une représentation
spontanée,symbolique et purement intellectuelle ,fuyante et fugace et
créer le rêve ,revient à vouloir pénétrer
dans l'univers métaphysique,qui relève nécessairement du
monde de l'impossible et du mystère61(*).
En fait,le rêve s'affranchit des entraves qui le
retiennent,lorsqu'un désir profond et tenace,étreint
inexorablement le poéte ou le peintre et le pousse forcément
à extérioriser la quintessence du rêve ,en
l'interprétant par le biais des vers ou des couleurs sous l'aspect d'un
objet intellectuel,harmonieux et visible à l'oeil et qui se repercute
en retour dans l'esprit .
Ainsi des éléments
éparpillés,invisibles,incohérents ,absraits ,vaporeux et
infiniment mystérieux,le créateur alchimiste produit quelque
chose de visible,d'apparemment tangible,systématiquement
coordonné,enfin quelque chose d'idéal et de divin..
Or la poésie lamartinienne,comme d'ailleurs celle d'A.de
Musset ou même de V.Hugo,ne se baigne pas seulement dans un climat de
rêves éternels, d'effusions sentimentales larmoyantes ou de
vagues délires sublimes,c'est une poésie bâtie d'abord
à partir des faits d'expérience,éclairés et
soutenus par une rigueur intellectuelle, qu'elle soit faite sous forme de
tableau ou d'un poéme,n'a pas été à l'origine d'une
intervention fortuite de l'intelligence,dont l'action par
ailleurs,intransigeante et sévère,polit et cisèle l'oeuvre
finale.«Ce n'est pas l'intelligence qui fait,c'est l'intelligence qui nous
regarde faire.62(*)»
L'intelligence redresse,corrige,remanie inlassablement et
oriente l'oeuvre vers la perfection idéale...Sans elle il n'y aurait
à coup sûr que désordre et anarchie et toute
réalisation s'avérerait dans ce cas impossible.
Que l'on se figure Nicolas Poussin ébauchant
indifféremment son tableau « Les bergers
d'Arcadie »où le rêve,joint à un réalisme
délicat,grâce à l'action de l'intelligence,invite à
l'admiration et à l'émerveillement..Poussin n'eût
évidemment pas cette force exceptionnelle ,ce pouvoir
inébranlable,de réaliser une oeuvre aussi extraordinaire,s'il
n'eût été secondé intuitivement par le secours
d'une intelligence clairvoyante.
Ainsi le rêve,le désir,l'intelligence,alliés
à une sensibilité délicate et profonde,concourent à
l'épanouissementr de l'âme de l'artiste et lui confèrent en
dernier ressort les attributs de divin,crée en lui un univers autre que
celui où il vit,qu'il explore hardiment pour l'étaler finalement
tout nu devant nos yeux éblouis63(*).
Mais au-delà de tout cela,il existe une faculté
que l'on considère comme le moteur de l'acte de production,une
faculté raisonnante qui assure l'équilibre entre les
éléments de pensée et contrôle rigoureusement toute
déviation éventuelle dans la structuration matérielle de
l'image..Plus que l'intelligence,ou l'expérience,cette faculté
assume un rôle principal dans l'acte créateur,car c'est la
faculté à laquelle incombe la difficile mission de rendre
«le produit intellectuel»empreint de logique et profondément
ancré dans la réalité concréte
C'est en fait une intuition
métaphysique,mystérieuse et ne fonctionne que quand l'esprit est
en pleine gestation..
«L'inspiration,art,artiste,autant de mots pour le moins
fumeux qui nous empêchent de voir clair dans un domaine oû tout est
équilibre et calcul,où passe le souffle de l'esprit
spéculatif.C'est ensuite,ensuite seulemment que naîtra ce trouble
émotif qui est à la base de l'inspiration.64(*)»
Certes, c'est une stratégie innée,une tactique
née dans le subconscient,alliées spontanément à la
présence d'une capacité pratique rigoureuse,qui président
automatiquement au fonctionnement du processus de découverte.
L'ordre dans la démarche,qui est cependant en
évolution progressive,c'est une nécessité
dynamique,secrète et foncièrement incrustée dans
l'âme du créateur.
Autour de cette faculté,viennent se greffer les
autres,qui sont en vérité dotées d'un rôle
secondaire,se bornant généralement à nourrir,stimuler
singulièrement le corps de l'idée,dont le
développement,toujours en continuelle expansion,se fait au contact de la
réalité..
Plus qu'aucun autre,Paul Claudel,artiste d'une
sensibilité extrêmement fine,avait éprouvé,tout au
long de ses nocturnes élucubrations,
cet enchevêtrement systématique de toutes ses
facultés créatrices,cette coopération
mutuelle,constante,qui visait particulirement à la concrétisation
de l'idée.
«Toutes les facultés sont à l'état
suprême de vigilance et d'attention, chacune prête à fournir
ce qu'elle peut et ce qu'il faut,la mémoire,l'expérience,la
fantaisie,la patience,le courage intrépide et parfois
héroïque,le goût qui juge aussitôt de ce qui est
contraire ou non à notre intention encore obscure,l'intelligence surtout
qui regarde,évalue,consulte,réprime,stimule,sépare
condamne,assemble,répartit et répand partout l'ordre et la
lumière et la proportion.65(*)»
On sent dès lors qu'il y a une espèce de
cohésion,de solidarité profonde entre le différentes
facultés psychiques..cette affinité contribuera davantage
à donner plus de sens à l'objet réalisé,en lui
conférant les garanties de la consistance et du prestige66(*).
La foule est généralement insensible...Elle n'est
pas perméable aux sensations de la vie et à la beauté,son
comportement est anarchique et désordonné et n'agit que par
instinct..D'autre part,entre le public et la foule,la différence est
grande,car si la foule est un ramassis de gens hétéroclites,ayant
à peu près un rapport immédiat de ressemblance,souvent
incultes et déterminés,le public par contre est un groupe de
gens,ayant presque le même goût et la même inclination,le
plus souvent doué de sens et de sensibilité,cultivé et
amateur d'art sous toutes ses formes..
Le public aspire au sensationnel,au dramatique,mais aussi ne
s'empêche pas de goûter à la bouffonnerie et à la
farce,qui le ferait émouvoir ou pleurer de rire,à la suite d'un
événement rocambolesque ou joyeux.
Une poésie lugubre,une piéce de
théâtre qui relate des faits tristes ou désopilants,un
roman dramatique,plein d'aventures exaltantes,tout cela trouverait
auprès du public l'agrément et le soutien tant souhaités
par le créateur ou l'artiste.67(*)
Dans ce contexte précisément,Malraux,homme de
culture et écrivain de talent,a su diagnostiquer le goût du public
en manifestant à ce sujet un vif intérêt.
«Tout art qui atteint des masses est une expression de
sentiments:attendrissement,tristesse ou
gaieté,patriotisme,angoisse,amour,c'est pourquoi tels sommets de l'art
religieux où l'art s'unit à la fois à l'amour,et à
la conscience de la dépendance humaine ou à celle de sa
libération,trouvèrent dès leur naissance une audience
immense68(*).»
D'un autre côté,le public ne semble pas être
attiré par la poésie moderne réservée par ailleurs
à une rare élite initiée à la méthode et
à la technique des poétes..
le public voit dans cette poésie,dépourvue de
sensibilité et même du sensationnel,une oeuvre non
crédible,une oeuvre inutile et fade,ne véhiculant ni les
sentiments humains ni les passions qui font mouvoir le monde.
Le Parnasse,le Symbolisme,ou encore le Surréalisme,pour
ne citer que ces types de poésie,qui ont,magré d'ardentes
oppositions,frayé un chemin dans le monde contemporain,sont autant de
prétextes à cogitation,à d'exploits
d'exégèses et de subtilités spéculatives.Ce sont
des réserves inépuisables qui ont fait et feront travailler tous
les esprits du temps69(*).
Un tableau de Picasso,tel que « Les Trois
Musiciens. » ou encore celui de Henri Matisse « La Blouse
Romaine. »ne sont guère appréciés par le
public,toujours friand des choses sensibles,clairement
émouvantes,profondément humaines.Pour lui donc,de tels produits
ne sont pas plus compréhensibles que la poésie inepte d'un
Mallarmé ou d'un Valéry et leur cortège de disciples.
«Sans doute y a t-il de l'ignorance dans la
répulsion des masses devant l'art moderne,mais aussi de la colère
contre ce qu'elles tiennent obsurément pour une trahison70(*)»
?III?
Formation de l'oeuvre
Quoi qu'on ait pu dire au sujet de la portée de
l'inspiration,cette dernière ne pourra pourtant jamais avoir un effet
irrévocable dans la structure successive de l'oeuvre.
Or l'inspiration,comme j'ai eu l'occasion de le souligner
maintes fois,n'est qu'un phénomène aléatoire et dans ce
sens,il ne serait pas toujours souhaitable d'y avoir crédit71(*).
En conséquence,l'artiste,pour créer,pour mettre
à jour ce qu'il éprouve en son for intérieur,traduire en
quelque sorte par des mots ou des couleurs,cet univers de vagues
impressions,d'images flottantes qui voltigent distraitement dans les horizons
de l'inconscient,ne sera pas forcé cependant d'attendre ce brusque
revirement dans le cours de sa pensée,cette apparition inattendue qu'on
appelle inspiration..Au contraire,il s'ingéniera dans la mesure du
possible à trouver par lui-même et en fonction des données
dont il disposera,l'idée qu'il aspire à concrétiser en
termes réels ou en tableau de portée humaine et
civilisationnelle.D'autant plus que le germe de l'idée apparaît de
façon toute naturelle dans l'esprit et sans que d'autres facteurs
interviennent à ce stade.
De même,M.Blanchot,voit dans l'inspiration ,non pas une
dominante dans l'acte créateur,mais l'origine authentique,la source
réelle de l'objet créé «L'inspiration n'est pas le
don d'un secret ou d'une parole,consenti à quelqu'un existant
déjà,elle est le don de l'existence de quelqu'un qui n'existe pas
encore72(*).»
Souvent,on a tendance à croire que l'inspiration demeure
inéluctablement,surtout dans le cours du processus de la
création,un stimulus essentiel,et bien loin de se borner à cette
définition pertinente,l'inspiration pour le poéte,c'est
l'embryon,c'est le germe qui donne naissance à l'objet d'art,dans la
conception duquel du reste l'artiste n'a aucune part immédiate,mais tout
revient cependant au phénomène de l'inspiration qui descend d'en
haut,surgissant de l'inconnu,comme un spectre sortant de l'ombre73(*).
Et c'est encore M.Blanchot, qui lui confére,non pas le
fait de suggérer l'idée de l'objet à traduire,mais aussi
de faire sortir le poéte du néant,de lui donner existence et
valeur.
«C'est une des mystérieuses exigences du pouvoir
poétique,le pouvoir né par le poéme qu'il crée..
«Le poéme est son oeuvre,le mouvement le plus vrai
de son existence,mais le poéme est ce qui le fait être,ce qui doit
exister sans lui et avant lui,dans une conscience supérieure où
s'unissent l'obscur du fond de la terre et la clarté d'un pouvoir
universel de fonder et de justifier74(*).»
C'est l'oeuvre qui assure l'immortalité de l'artiste:Van
Gogh ou Rembrand,n'eussent jamais existé sans les oeuvres monumentales
qu'ils avaient accomplies dans l'intérêt de
l'humanité.C'est là en effet une vérité
incontestable,bien qu'on soit parfois enclin à manifester quelque
réserve à ce sujet:Corneille a créé le Cid et dans
ce cas,Corneille doit impérativement être supérieur au
Cid,qui n'était pourtant rien d'autre que le produit de son esprit,et
non pas le contraire,comme on a tendance à le faire accroire.
De plus,ce qui est frappant dans ce contexte,c'est que souvent
nous nous trouvons en face de l'oeuvre,sans en connaître le moins du
monde l'auteur.
Cela signifie que l'oeuvre a la faculté de
s'éterniser,contrairement à son auteur qui finira par tomber dans
l'oubli.
La survie de l'oeuvre seule est un fait réel,courant et
connu,une chose que l'on ne peut pas nier,sous peine d'être taxé
de naïf ou d'imbécile.
A cet instant où j'écris,en faveur d'un flot de
lumière diaphane qui me permet de voir clairement ce que j'imprime sur
le papier,alors que tout le reste de la chambre est quasiment plongé
dans les ténébres,cette lumière dont je me sers,et dont
j'ignore absolument tout,est due en effet au génie d'un homme,dont tout
le monde ignore le nom.Cette découverte ,qui a visé avant tout le
confort et le bien-être de l'humanité,se perpétue depuis
bien des décennies,tandis que le nom de celui qui l'a découverte
est déjà enterré depuis bien longtemps dans le sanctuaire
de l'oubli.
Les enfants de la Tunisie moderne entonnent avec enthousiasme
l'hymne national,sans en connaître le moins du monde le nom du
poéte qui l'a conçu et écrit;au même titre que les
enfant de France qui psalmiodient avec mesure la Marseilleuse,sans qu'ils
sachent absolument le nom de ce poéte perdu dans l'arrière-fond
de l'oubli.
L'inspiration procède dans son enfantement de
l'idée par à-coups,par une série de saccades,imprimant
ainsi à l'idée sa forme et son corps,tout en émergeant
à la surface du conscient.
Certes,l'inspiration n'assure pas toute l'exécution de
l'oeuvre,elle n'en est que l'étincelle accidentelle,laquelle,telle une
tâche d'huile,s'élargit progressivement au fur et à mesure
que le désir de création se développe et s'intensifie,pour
céder ensuite la place à une démarche logique,qui
procède,selon le principe cartésien,par phases
successives75(*).
Dans cet ordre d'idées,Eckerman attribue pourtant
à l'inspiration des pouvoirs plus
étendus.«C'est,déclara-t-il,dans cette région que je
place tout ce qui appartient à l'exécution d'un plan,tous les
maillons intermédiaires d'une chaîne de pensées dont les
points extrêmes,sont déjà là illuminés,s'y
place tout ce qui forme ce corps visible et toute le matière servant
à composer une oeuvre d'art76(*).»
C'est ainsi que pour Eckerman ,comme pour bien d'autres
d'ailleurs,l'inspiration est le pivot de toute l'oeuvre,c'est en elle que
réside la masse de matériaux nécessaires à la
réalisation de l'oeuvre,alors que,en revanche,on remarque d'autre part
que l'inspiration n'est en réalité qu'un stimulus
provisoire,contribuant incidemment à faire naître l'idée
primitive de l'oeuvre,et non pas à la modeler ou loa façonner
selon des lois esthétiques rigoureuses,car ce sera la tâche de
l'expérience et du travail assidu77(*).
On est peut-être amené à déduire en
dernier ressort que l'inspiration est le creuset parfait des concepts
oniriques,cela est peut-être vrai,dans la mesure où la fonction
de l'inspiration ne reconnaîtrait pas de frontières,car les
concepts oniriques ne sont nullement l'oeuvre d'un moment situé
synchroniquement dans l'échelle du temps,c'est une suite infinie de
séquences,allant du début de l'oeuvre jusqu'au
dénouement.Or ces concepts oniriques,tels que des instruments
hétéroclites,s'entrechoquent et obstruent l'esprit aussi
longtemps que l'artiste les entretient dans sa paisible retraite,comme Goethe
,qui,s'étant trouvé un jour dans la nécessité de
livrer ses idées au public,s'est saisi d 'étonnement de voir
combien ces concepts lui étaient cher.«je n'en avais aucune
impression,aucune idée à l'avance,ils me tombaient dessus
à l'improviste et voulaient être composés à
l'instant si bien que,je me sentais poussé à les jeter par
écrit à l'endroit même où je me trouvais
instinctivement et comme en rêve78(*).»
Le moment de l'accouchement est imminent,il ne servira plus
à rien de s'obstiner à la résistance,la chose est plus
sérieuse qu'on ne pense:Il faut que l'enfant sorte des entrailles et que
la mère s'en délivre!C'est là par ailleurs le principe de
toute création:se sentir sous l'empire d'un certain nombre
d'idées qui se bousculent à l'envi,s'affrontent et se poussent
mutuellement,désespérant de quitter le cloître de l'esprit
pour venir noircir finalement la feuille de papier et former ensuite le corps
d'une oeuvre.
Un certain jour,à l'occasion d'une fête ou d'une
promenade,l'on rencontre un spectacle,dont la beauté si
émouvante,s'incruste tout d'un coup dans notre mémoire de
façon indélébile:un tel spectacle,gisant au sein de notre
être,s'étale dans le temps,prend des proportions
réelles,sans être altéré ou enlaidi le moins du
monde.Et la vie continue,ordinaire,banale et prosaïque,et la vision de ce
spectacle vit en nous sans que nous ayons la moindre conscience79(*).
Un autre jour,un autre spectacle,différent du premier,non
par son intérêt immédiat,mais par le contenu qu'il
comporte:Ce second spectacle en effet nous a ému à l'inverse du
premier,car son contenu était empreint du caractère de la
violence et de la laideur,ce qui est de toute évidence l'opposé
du premier..Et pourtant,l'image de la beauté s'unissant
étroitement à celle de la laideur,font naître dans notre
esprit des visions mentales,des hallucinations périodiques,bref une
tendance intinctive au délire,au radotage intérieur,comme ferait
un homme au seuil de la sénilité et qui rejaillirait sur notre
comportement social et tout cela à notre insu.Si bien que,un jour,dans
des circonstances inattendues,et sans que nous nous en apercevions,les deux
visions s'estompent dans notre esprit et nous forcent à les
débusquer de leur nid douillet.«A contre-coeur,je me
décidais à dire adieu à ces brillantes visions que je
caressais depuis si longtemps et à leur donner corps avec de pauvres
mots insuffisants.Quand elles furent couchées sur le papier,je les
considérai non sans mélancolie.Il semblait que je dusse me
séparer pour toujours d'un ami qui m'était cher80(*).»
Quitter ces images familières,en leur donnant des formes
appropriées,au moyen des mots arides et futiles,cela signifie,pour
l'auteur,se séparer à jamais de ce qui faisait son délice
et sa joie.Tout réconfort,toute satisfaction,tout bonheur moral et
spirituel,tout cela dès lors s'évanouit,et disparaît pour
toujours,ce qui représente pour lui une perte à tout jamais
irrécouvrable.
En effet,chacun de nous vit avec ces images
mentales,intérieures,récessives,qui nous bercent confortablement
et nous fait goûterune joie inouïe,comme s'il s'agissait d'un beau
visage illuminé d'un sourire sensuel,que nous a décoché
à la dérobée une jolie femme que nous adorions en secret
et qui s'est incrusté dans notre être pour toujours81(*)à
Un geste plein d'affection et d'amour,dont nous nous souvenons
encore et qui nous berce encore pour longtemps;une rencontre
imprévue,dont l'impact reste impérissable,infiniment profond et
durable:ainsi autant d'illusions que nous nous entretenons en
nous-mêmes,mais qui en réalité des images et des souvenirs
véridiques,qui distillent en nous le goût de la vie et de l'espoir
et s'en séparer ainsi,cela ne serait pas aussi aisément qu'on
croyait.
Dieu,Maître de l'Univers,Etre omnipotent auquel rien ne
résiste,géniteur de la nature et de l'homme et Esprit occulte,qui
se glisse,à un moment donné,et sans cérémonie,dans
l'homme pour faire naître en lui des visions éclatantes,des choses
mystérieuses,incroyables,hallucinante et divines82(*).
L'inspiration provient donc ce cette puissance majestueuse,qui
se cache quelque part dans un coin sombre de l'univers,invisible,mais
doué en revanche d'une ubiquité
universelle,inviolableà«L'homme doit bien souvent être
considéré comme l'instrument de la haute puissance qui
régit l'univers,comme un vase reconnut digne d'accueillir un contenu
divin.83(*)»
Telle que la grâce,selon la doctrine
janséniste,cette vision révélatrice se manifeste de
manière absolument inattendue et incontrôlable dans l'homme ou
pour mieux dire dans celui que Dieu a choisi pour lui faire don de cette
offrande divine et lui conférer le statut sacré de son
représentant dans le monde?Eckerman et avant lui,de nombreux
esthètes et philosophes de grande envergure,en particulier
Platon,étaient fermement persuadés de l'imminence de cette
transmigration occulte et aucun n'a osé attribuer les mécanismes
de l'inspiration au hasard ou à un mouvement mystérieux de la
nature84(*).
Dieu agit dans le sens qu'il veut:il est juste dans son choix et
investit de sa bénédiction et de son immense vouloir la personne
qu'il veut,sans rendre compte à qui ce soit!
Dieu est tout et la révélation n'est qu'une
petite sinécure,un geste indifférent,un bref regard,lancé
à travers le néant pour venir se réfléchir sur
l'homme choisi,en l'occurrence l'artise.
L'idée naît du néant,grâce à
l'entremise insigne de Dieu,se développe et s'élargit
progressivement pour devenir finalement une vision ayant une expansion humaine
et universelle.Dès lors l'artiste s'astreint à l'application de
certaines régles,qui constituent son art dans la manipulation des
contingences inhérentes à l'éclosion de cette
idée.85(*)
Son travail,à lui,constitue cependant,non pas
l 'élément secondaire mais tout à fait le fondement
de l'oeuvre,dont la création s'amorce et s'eclaircit au fur et à
mesure que l'artiste applique son habileté et son
ingéniosité.
Le créateur,dans ce contexte,doit faire preuve de haute
compétence et de génie,pour achever l'oeuvre déjà
ébauchée,car une idée en soi,n'est moins que rien,c'est
une image immanente,à peine éclose et ne constitue à elle
seule aucune parcelle de réalité.
C'est une graine minuscule,insignifiante,dépourvue de
toute substance essentielle,susceptible par là de se flétrir et
de se corrompre,sans le secours d'un artiste talentueux qui s'emploie à
sauver le germe et au moyen d'un labeur assidu et méthodique,il
élabore l'oeuvre qui s'échafaude,s'élève peu
à peu pour atteindre l'apogée de la perfection.
«Le travail,la préoccupation de remplacer,par un
surcroît de conscience individuelle,l'impossible conscience absolue que
devrait constituer le poéme lui-même86(*).»
Un travail soigneux,méticuleux,est toujours à la
base de la réalisation du poéme,en revanche,un poéme sans
être travaillé,suivant une méthode
logique,intellectuelle,appuyée sur des considérations et des
impératifs du beau,c'est un poéme insignifiant et vain87(*).
Le travail est donc une nécessité
indiscutable,grâce auquel le poéme ou l'oeuvre d'art gagne en
prestige et en profondeur.
En quoi consiste exactement le trésor de la
divinité céleste?En réalité,ce n'est ni un ensemble
complexe de formes et d'images biscornues,de visions hétéroclites
et spectralesàCe n'est ni non plus une série infinies de
superstitions,de présupposés métaphysiques,de croyances
ineptes ou de colifichets religieux,autant de créations de l'homme!
C'est au contraire une somme de principes sévères
que l'on a reconnus intuitivement comme corollaire nécessaire et
évident à la condition humaine.
L'homme,en tant qu'héritier potentiel du patrimoine
divin,est réduit,tant par son éducation que par sa formation
spirituelle,à embrasser ces principes pour s'en faire le guide exclusif
éclairant sa voie dans la vie terrestre,,et tout ce qui lui vient
à l'esprit,tout ce qu'il découvre est lié
étroitement à l'intervention divine.
Eckerman,homme pieux et dont la foi coulait dans les
veines,n'osa à aucun moment mettre en doute,la puissance et le
génie des créateurs,anciens et modernes, en imputant sans
réserve toute faculté créatrice à la connivence
divine.
«Toute productivité d'un ordre supérieur,tout
point de vue significatif,toute invention,toute grande pensée qui
produit ses fruits et des conséquences,n'est du ressort de personne et
plane au-dessus des puissances terrestres,ce sont là des présents
que l'homme reçoit d'en haut,à considérer comme de purs
enfants de Dieu,qu'il doit accueillir avec de ferventes actions de
grâces88(*).»
L'oeuvre créée donc reste nécessairement
tributaire de l'intervention de Dieu et toute invention n'est inspirée
que par le tout -puissant,ce qui prouve,selon Eckerman,que l'homme n'est qu'un
simple outil au pouvoir de la puissance divine et les inventeurs de la bombe
atomique,des armes nucléaires et des différents produits
toxiques,capables d'annihiler,en un tournemain,l'humanité
entière,tous ces inventeurs donc ont-ils été
éclairés par Dieu.
Etre scientiste,c'est donc détruire,anéantir
l'humanité et tout ce qu 'elle avait édifié depuis
des millénaires?
Dieu intervient-il pour de bon dans toute découverte?Le
mal est-il donc d'essence divine?Et l'homme a-t-il hérité de cet
esprit du mal?
Dieu est l'Etre suprême,éternel et
impérissableàLes principes sacrés qu'il avait fait
descendre sur terre,pour être autant de flambeaux éclairant la vie
de l'homme,depuis sa venue au monde jusqu'à son extinction
imminente,sont également éternels et impérissables.
En revanche,l'homme,un être
éphémère,aspire donc constamment à
l'éternité et par là,s'occupe ingénieusement
à immortaliser sa courte présence en ce monde,en
créant,grâce au don dispensé consciemment par Dieu,quelque
chose d'idéal qui puisse embrasser et conquérir
l'éternité du temps,en triomphant du péril d'extinction
attaché à tout objet matériel créé.
«Je dis cela,considérant que bien souvent une seule
idée a donné une autre physionomie à des siécles
entiers,et que les individus,par ce qui est sorti d'eux,ont marqué leur
époque d'une empreinte qui est restée reconnaissable même
dans les générations suivantes,où elle a continué
d'exercer son action bienfaisante89(*).»
Vaincre les périls et la cruauté du
temps,surmonter triomphalement la tyrannie de l'oubli,en continuant avec toute
l'énergie possible à imposer sa présence tout au long des
siécles,traversant sans épuisement les générations
humaines:telle est en définitive l'oeuvre de l'homme,l'oeuvre
authentique,brillante,géniale,profitable pour toute l'humanité
,contribuant ainsi à l'essor et à l'expansion de la civilisation
humaine90(*)à
L'oeuvre de l'homme donc ,comme le Maître de
l'Univers,reste éternelle,impérissable,vivante,durable
jusqu'à la fin de notre monde.Mais si le temps se révèle
ainsi impuissant à détruire,à ensevelir dans le donjon de
l'oubli,cette oeuvre éminente,en revanche,l'homme créateur de
cette oeuvre,peut seul la détruire,par les moyens qu'il juge
appropriés ,car c'est entre ses mains que se placent la destinée
et la pérénnité de son oeuvre.
En outre,l'homme,par ses caprices et ses fantaisies,est capable
de démolir en un instant ce qu'il a créé pendant des
siécles,fruit d'un long et patient travail,fait de beaucoup de
sacrifices et de multiples frustrations!
Dès lors,il appartient à l'homme seul de conserver
pour toujours cette oeuvre ou la faire disparaître91(*)!
Mohamed Sellam
DEUXIEME PARTIE
Message de l'Oeuvre
?I?
L'oeuvre refléte-t-elle le réel?
Le secret de l'art,c'est qu'il ressuscite la vie,c'est qu'il
conserve et immortalise,non pas l'image de l'objet créé,mais
aussi le génie de l'homme.Par l'art,on triomphe de l'impossible et on
atteint à l'apogée du sublime:la mort,le néant,la
décrépitude des choses finies et périssables,tout est
vaincu et terrassé,car l'art est au-dessus de la mort,puisqu'il defie
l'oeuvre destructrice du tempsàL'art est immortel et assure
l'immortalité à l'humanité92(*).
Le Titien,ou Van Dyck,sont entrés dans
l'éternité absolue,au même titre qu'un Homère ou
qu'un DanteàBien que leur vie ait été relativement
courte,ils ont eu le génie de la faire durer au-delà de toutes
frontières,grâce à la puissance de l'art et de son
efficience extrinsèque.
«Car si l'art est long et la vie est courte,on peut dire en
revanche,que si l'inspiration est courte,les sentiments qu'elle doit peindre ne
sont pas beaucoup plus longs93(*).»
Oui,Proust n'en avait pas moins raison d'affirmer cette
certitude pour le moins angoissante;mais cela n'empêche pas toutefois de
conquérir l'immortalité,rien qu'en peignant ces sentiments
intérieurs,ces pulsions passagères,qui nous émeuvent et
nous hantent obstinément,pour leur revêtir au moyen de l'art la
forme d'un objet matériel,capable de faire perpétuer
indéfinément notre vie.
Le souffle de l'esprit n'est pas
éphémère,au contraire,il s'assigne dans l'espace
temporel,un régne immanent,et métaphysique,pour s'affranchir tout
à fait des limites du néant et regagner à jamais
l'éternité.
L'art et la vie,dichotomie inséparable,liée
étroitement par une affinité surnaturelle,puisque l'art absorbe
la vie et n'existe que par elle,car elle seule,lui distille la séve
dont il a besoin pour consolider son pouvoir d'enchantement et affirmer son
autorité au sein de l'univers.
D'un autre côté,l'art propulse la vie en avant et
lui assure grandeur et éternité!
Ainsi,tels deux vases communiquants,cette
réciprocité nécessaire basée sur une interaction
efficiente,entre l'art et la vie,est le fondement réel de la
civilisation moderne.
L'auteur,en tant qu'homme,mène une vie plus ou moins
normale,soit qu'il en ait été satisfait ou non,puisque,pour
lui,tout relève des circonstances!
Or cette vie qu'il a vécue jusqu'alors,c'est une vie
comme tant d'autres,sans toutefois l'investir des attributs particuliers, en
ce que l'artiste est un homme,comme n'importe quel homme en ce monde.
Et lorsqu'il peint sa vie ou les épisodes de sa vie,c'est
comme s'il avait interprété la vie des autres hommes,sans
être obligé de falsifier ou de dénaturer les
faits,puisqu'ils sont des faits probants issus de la réalité
crue. .Ce qui fait que la vie de l'artiste,souvent jalonnée de
péripéties pathétiques,demeure pour nous le vrai miroir de
la vie de la condition humaine.94(*)
Donc l'artiste est l'archétype,le symbole de
l'humanité en peine:ses souffrances,ses soucis,comme ses joies,sont ceux
de l'humanité et étant donnée cette vie si souvent
mouvementée,toujours en butte à des difficultés
insurmontables,marquée par le sceau du sacrifice et du
désespoir,l'artiste porte en soi,dans ses veines,dans les replis les
plus obscurs de son âme,tous les souvenirs
indélébiles,toutes les images,si obsédantes qu'il les sent
revivre à chaque instant devant ses yeux hallucinés,au poinrt
que,poussé par le désir invincibleà imprimer tout cela
dans la réalité immanente,il s'ingéniera à tout
reproduire sur le papier,sans omission et san s abus et ce reflet intime de ses
souvenirs émouvants,s'apparente en grande partie à celui de la
race humaine.95(*)
«Une oeuvre,même de confession directe,est pour le
moins intercalée entre plusieurs épisodes,de la vie de
l'auteur,ceux antérieurs qui l'ont inspirée,ceux
postérieurs qui ne lui ressemblent pas moins des amours suivantes,les
particularités étant calquées sur les
précédentes96(*).»
D'où l'on déduit que,même si sa vie active
s'avère différente de celui du commun des hommes,l'artiste,par
ses sentiments,ses deboires,ses échecs et ses joies,incarne l'esprit de
l'humanité.
L'oeuvre poétique ou romanesque récèle
sans aucun doute la masse d'une partie des souvenirs de
l'humanité:c'est un univers vivant,toujours en pleine
fermentation,indestructible et toujours éclatant dans sa fraîcheur
primitive,perpétué indéfinément au contact du
génie,qui s'exalte au fur et à mesure que ces souvenirs
émergent du gouffre de l'oubli,pour les retracer en traits brillants
dans la mémoire du temps:
«Une oeuvre est à la fois le souvenir de nos amours
passées et la péripétie de nos amours nouvelles97(*).»
L'oeuvre artistique,en tant que réceptacle de nos
souvenirs passés et présents,s'assigne donc le privilège
de la primauté totale dans notre vie et nos intérêts.
Balzac,dans son immense Comédie Humaine,a eu le
génie extraordinaire de remuer et de mettre en relief tout un tas de
faits et de moeurs si singuliers,des vérités et des
caractères hétéroclites et baroques, mettant par là
à nu tous les secrets intimes de l'humanité,offrant ainsi une
vaste mosaïque véridique de ces humbles souvenirs qui ont
jalonné le chemin de la vie humaine98(*).
Saint-Simon99(*),dans ses mémoires,quoiqu'il les ait
écrits avec quelque partialité,n'est pas loin cependant de faire
revivre sous nos yeux toute la cour de Louis XIV:Il a vivement
stigmatisé les courtisans bornés et indignes,ouvertement
flétri les seigneurs cupides du royaume,qui accaparaient les hauts
privilèges aux dépens du reste du peuple,jeté
l'anathème sur ses rivaux les plus farouchesàC'est aussi,une de
ces oeuvres immortelles,infiniment riche par son contenu,à la fois
spirituelle et savoureuse, qui nous transmet une image vraie de ce passé
révolu que nous envions et qui fait le charme de nos loisirs.100(*)
Un poéme bien conçu,un roman bien fait dans ses
différentes parties,un tableau peint avec les feux du génie,un
air musical,réalisé à la suite d'un
événement quelconque,une statue ou même un buste,incarnant
les traits éloquents d'un Voltaire ou d'un JJ.Rousseau,tout cela est
susceptible de nous faire plonger dans le climat d'antan,ce climat
vivace,mouvementé,spectaculaire et inoubliable,mais qui demeure pourtant
constamment présent dans les fibres de notre être et sensible
à tout ce qui nous environne et dont nous admirons et déplorons
tour à tour la grandeur et la cruauté..
L'imagination est la faculté primordiale qui
préside et veille à la réalisation de l'oeuvre...C'est le
véritable stimulant du génie et nul n'a le pouvoir de
prétendre à l'aptitude de produire,sans être nanti
naturellement et de façon innée,de cette puissance psychique
,latente et obscure101(*).
Ses fonctions se limitent en fait à la mise en valeur des
idées engendrées,à aiguillonner et à
émouvoir les sentiments qui sont dans un état de
léthargie relative,à réveiller l'esprit de sa
passivitéàAinsi sous l'impulsion de l'imagination,«l'esprit
se détache de l'objectivité,descend en lui-même ,scrute sa
conscience et cherche à satisfaire le besoin qu'il éprouve
d'exprimer non la réalité de la chose,mais la manière
dont elle affecte l'âme subjective et enrichit l'expérience
personnelle,le contenu et l'activité de la vie
extérieure102(*)».Hégel dont je viens de reproduire ce
bref passage,considère l'imagination comme le moteur du cerveau.Son
rôle dans la création de l'oeuvre est plus que
fondamental,impérieux et d'une nécessité
absolue103(*).
L'imagination,outre qu'elle assure de la vigueur et de la
puissance à l'esprit,un facteur d'enrichissement de la
personnalité de l'artiste,quel qu'en soit le courant artistique auquel
il appartient,que ce soit la peinture,l'architecture,la musique ou encore la
littérature..Par l'imagination le poéte pénétre
dans un univers surnaturel,fait irruption dans une réalité autre
que celle à laquelle il s'était accoutumé
jusqu'alors,s'astreint à affronter des choses d'ordre
métaphysique,qui le rebutent certes,mais qui ne lui procurent pas moins
le stimulus indispensable pour la création de son oeuvre,par laquelle
il s'affirme et se situe dans le temps.
Explorer le passé par le biais de l'imagination,cela
revient de prime abord à tendre toujours vers le même
but,principalement à faire des efforts constants en vue de remuer les
cendres du passé qui renferment cet amas inextricable de souvenirs
à la fois tendres et cruels,à déployer la réserve
d'énergie qui l'anime dans le but de tout étaler sans
discrétion ni hypocrisie aux yeux de la postérité.
Les confessions de JJ Rousseau ne sont que le produit d'une
imagination aiguë,sensitive et susceptibleàC'est le corollaire d'un
ensemble touffu d'événements divers qu 'il avait
vécus et scrupuleusement conservés dans l'arrière -fond
de sa mémoireàEt grâce au pouvoir extraordinaire de
l'imagination,de tels événements furent alors
émergés du néant pour servir de tremplin à une
oeuvre magistrale ,que l'on apprécie et que l'on admire à sa
juste mesure.
Les fonctions de l'imagination sont multiples et complexes,comme
nous le verrons plus loin,tantôt elle déforme la
réalité,tantôt elle la grossit
démesurément,pour nous éblouir expressément ou
plutôt la réduire à un état,tel qu'elle nous
apparaît insignifiante et andine104(*).
C'est en effet cette imagination qui,avec ses mécanismes
tortueux et incompréhensibles,nous introduit avec délice dans
l'univers de l'illusion et du fantastique
L'imagination s'exerce,non seulement dans le domaine de la
poésie,qui est par ailleurs le terrain propice où elle retrouve
toute sa force et son éclatante vivacité,mais aussi dans les
autres domaines,artistique ou scientifique.
L'imagination shakespearienne a mis au monde des merveilles de
l'univers théâtral,de vrais joyaux qui font honneur à
l'esprit humain!
L'imagination,pour qu'elle soit donc créatrice,ne doit
pas s'astreindre à reproduire seulement le réel,ce qui serait
d'une monotonie et d'une banalité insupportables,mais son action doit
s'exercer également sur le merveilleux et le fantastique,comme l'a fait
déjà avec une exubérance de génie,le grand
Milton,dans son « Paradis perdu ».
L'imagination nous insuffle un certain sentiment qu'il ne nous
est pas donné d'éprouver dans d'autres circonstances.
«l'imagination poétique dans son activité,ne
met pas sous nos yeux,comme les arts plastiques,la chose elle-même,telle
qu'elle existe dans la réalité extérieure,bien
élaborée par l'art,mais nous en donne seulement une intuition et
un sentiment purement intérieurs105(*).»
C'est d'ailleurs le but que s'assigne en réalité
toute imagination dans sa conception et sa réalisation de l'oeuvre
d'art.Son influence,si ostensible qu'elle soit,semble être d'une
complexité ardue,en ce sens qu'elle impose arbitrairement une contrainte
permanente à l'esprit de l'auteur et l'oriente selon des habitudes
régulièrement établies et érigées en dogmes
fixes et immuables.Le poéte,je veux dire le vrai poéte,à
l'égal d'un Lamartine ou d'un Hugo,doit être nanti,non seulement
d'une imagination fougueuse et exubérante,cela ne suffit pas en soi,mais
aussi d'une sensibilité ardente,efficiente,profonde,susceptible de
remuer les fibres intimes de l'âme.Autrement dit,si le soi-disant
poéte venait à manquer ces deux qualités
éminentes,condition essentielle pour produire des oeuvres de haute
portée intellectuelle et esthétique,il ne serait pas plus qu'un
homme ordinaire,dépourvu de toute espéce de génie et
incapable d'exprimer réellement ses propres sentiments.
La sensibilité et l'imagination sont deux axes psychiques
inséparables,nécessairement unis et coordonnés,pour venir
au secours de l'intelligence dans l'élaboration d'un poéme ou
d'un tableau.
Proust,un génie pourtant très sensible et
imaginatif,d'une intelligence fine et délicate,ne voit,quant à
lui,aucune nécessité dans l'union de ces deux concepts et qu'un
poéte,toujours selon son point de vue,peut ne pas être doué
d'imagination et pourtant capable de produire de très beaux
poémes,grâce à la sensibilité qui supplée
ingénieusement à ce défaut.
«Il n'est pas certain que,pour créer une oeuvre
littéraire,l'imagination et la sensibilité ne soient pas des
qualités interchangeables et que la seconde ne puisse sans grand
inconvénient être substituée à la
première,comme des gens dont l'estomac est incapable de digérer,
chargent de certte fonction leur intestin:un homme,né sensible et qui
n'aurait pas d'imagination,pourrait malgré cela écrire des romans
admirables106(*).»
Par contre,être capable d'imagination sans être pour
autant très sensible,ne permettrait en aucune manière d'atteindre
le stade de la production artistique et ne contribuerait nullement non plus
à former une oeuvre d'art,même de moindre importance...Car de la
sensibilité,jaillirait forcément ce flux émouvant
d'idées et d'images,éclatantes de sève et de
lumière,dont l'imagination s'emparerait pour les modeler,les
pétrir selon une technique inconsciente, en vue de former graduellement
l'architecture d'une oeuvre,dans laquelle le génie du fond s'allie
à la beauté de la forme107(*)!
Le poéte vit de ses rêves
multiples,tentaculaires:il s'en nourrit et il trouve alors une
délectation infinie dans l'entretien incessant de ses rêves qui
deviennent avec le temps autant de hantises morbides:toute oeuvre
créée par lui continue dés lors à être une
source inépuisable de rêves et de satisfactions subtiles
susceptibles de lui procurer un climat psychologique propre à son
tempérament.
Tel qu'un Chateaubriand,alors qu'il était en pleine
fougue juvénile,capable de concevoir un monde de rêves
frénétiques,des horizons nouveaux dans sa vie intime et de s'y
accrocher inlassablement pour fuir la réalité et continuer
à caresser voluptueusement les charmes délectables qui
découlent nécessairement de tels rêves,jusqu'au jour
oû il s'arrache de force à ses illusions mesquines,pour sombrer
dans de profondes amertumes108(*)..
Freud s'est penché sur cette question,en concluant que le
poéte,en vrai alchimiste éclairé,tend toujours à
élever ses désirs et ses rêves au rang d'une certaine
réalité métaphysique irrationnelle.
«Il possède le pouvoir mystérieux de modeler
des matériaux donnés jusqu'à en faire l'image
fidèle de la représentation existant dans sa fantaisie et de
rattacher à cette représentation de sa fantaisie inconsciente une
somme de plaisir suffisante pour masquer ou supprimer provisoirement du
moins,les refoulements109(*).»
J.J.Rousseau,dans sa Nouvelle Héloïse,reproduisait
l'itinéraire sentimental qu'il eût vécu probablement,s'il
avait été favorisé par les circonstancesàC'est
justement pour apaiser ou pour mieux dire,pour refouler les conséquences
néfastes de ses désappointements,de son manque de chance,comme il
aurait pu dire,qu'il avait écrit cette oeuvre dont le charme
pathétique émerge incessamment dans le fond de nore
mémoire.
On ne pourra pas toutefois nier que l'imagination,jointe
à un talent éprouvé et génial,a joué dans
l'édification de ce roman un rôle de premier plan:l'âme
s'est bercée voluptueusement sur les ailes du rêve charnel,sur les
vagues d'une mer immense d'amour et de passion..par là le poéte
est créateur de rêves illusoires et évanescents certes,mais
qui n'en sont pas moins cependant susceptibles de communiquer le goût
et le plaisir de vivre et même l'oubli du moins pour un temps la
misère viscérale qui accable la condition humaine!110(*)
Le peintre,ingénieusement,incarne ses rêves dans
des traits et des figures,des profils plus ou moins vagues,qu'il dessine
machinalement dans un tableau:son but n'est pas du tout d'exhaler ce qui se
meut en lui,ce serait pour lui une peine inutile,mais de faire montre de son
habileté et de la richesse de sa sensibilité
esthétiqueà!
Cependant,s'il ne descend pas en lui-même pour puiser le
sujet qu'il aspire à matérialiser,il le prend dans la
réalité crue,l'emprunte même à des
événements contemporains,à sa vie active ou
quotidienne,qui n'en fourmille pas moins d'ailleurs,puisqu'elle peut lui offrir
une multitude infinie de sujets divers.
Le sujet étant ainsi choisi,il se propose de tout faire
voir avec un sens de rigueur et de netteté:il peint strictement les
détails attachés à l'objet,mais aussi pour rendre cet
objet artistiquement acceptable,il est contraint cependant de faire outre des
mesures déontologiques,et de fouiller des images pittoresques dans sa
mémoire,qu'il ajoute habilement au tableau,pour constituer en tout et
pour tout un vrai chef-d'oeuvre qui mérite l'admiration111(*).
Dans tout cela,où réside alors
l'originalité?et surtout à quelle limite s'arrête
l'imitation?Entre l'originalité et l'imitation ,il existe en en effet
tout un trajet à parcourir,qui se traduit par la mise en oeuvre,patiente
et méthodique,des principes de l'art,qui constituent d'ailleurs le
talents même de l'artiste,qui donne à l'objet initial,okus de
beauté et plus d'éclat qu'il n'en avait auparavant.«Quelle
vanité que la peinture,s'insurgea Pascal,qui attire l'admiration par la
ressemblance des choses dont on n'admire point les originaux112(*)!»Un objet soumis au
travail de l'art,change naturellement de fond et d'aspect,et ne subsiste plus
dans sa forme primitive,puisqu'il a été en quelque sorte
métamorphosé àEn vérité,ce qui
caractéristique,c'est que ce changement va dans l'intérêt
de l'objet transformé et nullement le contraire,ce qui contribue
à la consolidation intrinsèque de la magie de l'art.
Le poéte,aussi bien que le peintre,ont toujours besoin
d'un certain stimulant,qu'ils trouvent en fait dans un objet
extérieur,pour pouvoir donner le branle à leur talent:Boileau
avait trouvé dans la satire sociale un expédient
caractéristique qui lui a permis de mettre en mouvement ses
idées et de les façonner suivant son génie
poétique;Molière,qui s'est acharné sans répit sur
les vices et les travers d'une société hypocrite et corrompue ,a
fait preuve,lui aussi, d'un génie incomparable,qui lui a permis
d'atteindre à l'originalité sans être le moins du monde
l'imitateur de Térénce ou de Plaute.
D'un autre côté -et abstraction faite du
génie et du prestige tout à fait divins qui caractérisent
incontestablement ces deux créateurs incomparables-,si les
phénomènes sociaux traités aussi bien par l'un que par
l'autre,sont des phénomènes généralement
insignifiants et qui ne portent guère de préjudice très
grave à la société,pour laquelle d'ailleurs de telles
tares ou carences sont indispensables pour qu'il y ait nécessairement
un équilibre entre les différents facteurs qui
déterminent l'évolution normale de la
sociétéàLeur démonstration cependant est souvent
explicitée avec tout un attirail extraordinaire de phraséologies
et de redondances qui accusent la monotonie et la routine.
,et qui font plus d'honneur au génie de l'écrivain
que d'intérêt pour le contenu de l'oeuvre113(*)à
Ainsi si l'on supprime tous ces clinquants et tous ces
atours,qui sont par ailleurs inutiles à l'armature
générale de l'oeuvre,qu'en reste-t-il?c'est une question à
laquelle Platon a pu répondre sans ambiguïté.«on peut
les comparer à ces visages qui,n'ayant d'autre beauté que leur
fraîcheur,cessent d'attirer les yeux ,quand la fleur de la jeunesse les a
quittés114(*).»
Ainsi pour atteindre à l'originalité,il est
impérieux d 'éluder toute imitation,de quelque nature
qu'elle soit,et en particulier les considérations oiseuses,les remarques
insignifiantes et creuses,qui gâtent plus la beauté de l'oeuvre
qu'elles n'en ajoutent à son prestige..et cela nécessite en
réalité un génie supérieur et une puissance
intellectuelle sans faille.
l'univers de l'artiste est un univers
particulier,exceptionnel,impénétrable et secret..Lui seul se
baigne dans cet univers qu'il crée et qu'il illumine par son
génie et ses rêves exaltants..Il sort de la réalité
et s'engage dans ce monde
déliquescent,ténébreux,embaumé d'une
atmosphère d'exultation et de griserie permanente.C'est là qu'il
vit et c'est là qu'il se sent vraiment vivre,car le monde réel
pour lui,n'a pas d'existence ,c'est un monde décevant,cruel et
stérile115(*).
«C'est pourquoi,comme tout homme insatisfait,il se
détourne de la réalité et concentre tout son
intérêt et auusi sa libido sur les désirs
créés par sa vie imaginative qui peut le conduire facilement
à la nervosité116(*).»
La création de cet univers,si curieuse qu'elle puisse
paraitre à première vue,semble être tout à fait
normale pour l'artiste,qui,désappointé et toujours
assoiffé de grandeur et de lumière,se réfugie comme
inconsciemment dans une vie plus exaltante et plus féconde,qui lui
procure plénitude et euphorie mentale,au point que,peu à peu et
d'une manière quasi graduelle,il finira enfin par s'accoutumer
résolument à ce genre de vie,dont il lui sera désormais
impossible de se défaire de si tôt et, subséquemment,il se
sentira,tel que Baudelaire,sous l'ivresse de la morphine,comme
entraîné vers un gouffre insondable,d'où il ne remontera
plus:
L'artiste,toujours selon Freud,est «en même temps un
introverti qui frise la névrose:».Dostoïevski est
épileptique et succombe souvent à des crises mystérieuses
qui le retiennent longtemps dans un état d'hallucination
morbide,dû évidemment à sa constitution
nevropathique:Doué d'un génie extraordinaire et d'un talent
remarquable dans l'élaboration équilibrée du réseau
des événements romanesques,que ce soit dans l'Idiot ou dans les
frères Karamasov,ce créateur de génie pose un
problème difficile à la postérité,qui voit en lui
un malade exceptionnel,un malade dont la maladie n'est que la source de son
génie et sans laquelle il n'aurait probablement pas vécu,au
même titre d'ailleurs que son célébre compatriote
Léon Tolstoi,qui,à la suite d'une séquelle de crises
effrayantes,sombre dans la démence,qui l'entraîne peu à peu
au suicide:
Pascal,quoique nanti d'un génie précoce,subtil et
profond,sa santé non seulement physique mais aussi mentale,était
très précaire et chancelante,c'est ce qui le conduira plus tard
à embrasser la doctrine janséniste,et à vivre le reste de
ses jours quasiment isolé,loin du monde et de ses agitations:
Marcel Proust,tout comme Van Dyck ou même
Shakespeare,était d'une sensibilité si maladive qu'elle le pousse
malgré lui à des actes irraisonnés et irrationnels
Cet état de choses est naturellement dû à
des implications purement matérielles,«animé d'impulsions
extrêmement fortes,il voudrait conquérir honneur,
puissance,richesse,gloire et amour des femmes117(*):».
Car plus l'artiste,(j'appelle artiste,tout
peintre,écrivain ou poéte)se rend compte de ses aspirations
latentes,qu'il tend à extérioriser et à valoriser,plus sa
tension mentale s'aménuise,s'aigrit,s'exaspére d'une
intensité telle qu'il se sent au bout du compte submergé par des
visions étranges,suspectes,qu'il essaie de toutes ses forces de refouler
au fond de son être...Ce refoulement exacerbé provoque en lui
cette nervosité extatique qui l'accompagne tout le temps qu'il met
à produire,si bien que,l'esprit extrêmement tendu,les nerfs
chatouillés et le coeur débordant de passions occultes,il se met
à accuser l'adversité qu'il rend responsable de ses affreux
déboires...mais à laquelle cependant il finira par se
résigner bien volontiers.
Ainsi,pour calmer un tel
déappointement,qui,insidieusement, s'infiltre pourtant dans son
âme,il crée,il forge des êtres chimériques,des
personnages plus ou moins réels,en qui il insuffle âme et
sentiment,en les faisant toutefois mouvoir sur la scène,au décor
suggestif,qu'il échafaude dans son imagination .
Or,de tels êtres,scrupuleusement inventés et
examinés avec un souci constant de réalisme,incarnent pour lui
les archétypes de l'humaine condition,qui porte cependant en son sein
tout un arsenal de vices,de travers,de laideurs farouches et des tares
incurables,qu'il met en conflit avec les principes de vertu et d'honneur.
Et de tous ces personnages imaginaires,mais qui agissent,qui
pensent et qui meurent comme des êtres vivants,il y en a toujours un qui
incarne l'état d'âme de l'auteur.
«La plupart des romanciers veulent connaître les
autres autant et plus qu'ils ne veulent se connaître
eux-mêmes...Il n'est pas vrai que tous les personnages de Guerre et Paix
soient Tolstoï;on connait les modèles qui lui ont servi;et s'il
peint malgré tout par sa façon de les décrire,par le choix
qu'il a fait de leurs traits,c'est sans le savoir et en dépit de
lui-même:118(*).»
J.P.Sartre semble avoir raison,car aucun écrivain,de
quelque envergure qu'il soit,n'a la faculté de pouvoir incarner à
la fois des attitudes sentimentales et psychologiques contradictoires et
exrêmement différentes;mais il a cependant toute latitude d'opter
pour un seul personnage,suseptible d'être le vulgarisateur de ses
propres idées et sentiments119(*).
Dans la Comédie Humaine,par exemple,il y a toujours un
personnage,en qui nous devinons aisément l'esprit et le coeur de
BalzacàDe même que dans «le Rouge et le noir" ou la
"Chartreuse de Parme" ,on a l'impression d'être poursuivi par Stendhal
lui-même,qui nous parle,nous contemple de loin à travers les
nuages épais du temps.Pour le peintre,qu'il soit un Van Gogh ou un
Manet,sa présence se devine,se dégage explicitement du tableau
qu'il peint,que ce soit une nature morte ou un paysage à la verdure
luxuriante ou même des ruines des temps révolus.
Ainsi,en tout temps,le peintre dépose forcément
son empreinte sur l'nsemble du tableau.
Toujours est-il que le héros,en tant qu'entité
individuelle créée et agissante,véhiculaire d'un monde
d'idées et de principes que son créateur lui avait
infusés et qui,une fois ces principes incrustés en lui,au point
de devenir comme un modèle vivant,consacré par l'usage,nous donne
forcément la sensation comme si c'était l'auteur
lui-même120(*).
«Et chaque avatar de ses héros lui
réflète alors un aspect de sa situation,une possibilité de
souffrir qui lui a été refusée,une conclusion que le
destin n'a pas tirée121(*):»
L'acteur,en ce sens que l'acteur se mouvant librement sur la
scène,interpréte les idées et les sentiments de l'auteur
de la piéce,sans que les spectateurs ordinaires aient la moindre
connaissance de ce stratagème122(*).
Molière,par l'entremise de quelques personnages
habiles,dans la plus grande partie de ses fameuses
piéces,s'attaquant,avec uns sagacité non moins cruelle et
caustique,aux médecins prévaricateurs,aux charlatans de tout
bord,semblait avoir trouvé en effet une arme très efficace pour
parvenir à ses fins,à savoir démasquer forcément
ces types d'imposteurs qui pullulaient dans le milieu de la
société parisienne de son siécle.
Corneille et Racine,deux figures éminentes,que les
siécles à venir continueront encore à
vénérer,l'un par son examen minutieux des passions
humaines,l'autre par le sentiment de vertu et de courage,vrais piliers de
l'humanité.
Lorsque Corneille ou Racine se mettent à
écrire,ce sont leurs passions,leurs idées et leurs sentiments,qui
se déploient amplement dans leurs personnages respectifs,qui ne sont par
ailleurs que des images d'eux-mêmes,des répliques authentiques.
Ainsi l'auteur s'identifie-t-il toujours avec ses héros
et ce qui est étrange,c'est qu'il s'identifie non pas avec un seul
personnage,mais avec plusieurs qu'il juge comme de vrais interprétes de
ses idéaux ..
En ce sens que,puisque la personne humaine est versatile,un vrai
kaléidoscope de sentiments variables,tantôt
pénétrés de bonté et de
mansuétude,tantôt de cruauté et d'égoïsme
farouches,apparaît à travers un seul personnage.
J.P.Sartre,homme d'expérience et de génie
remarquable,a été amené incidemment à
dévoiler le secret dont tout auteur enveloppe les personnages qu'il
crée.«l'expérience morale n'est au fond qu'une
expérience verbale.Le créateur produit ses personnages pour vivre
à travers eux jusqu'à la lie ses propres possibilités
et,par là,s'en dépouiller:il se délivre de ses
désirs,de ses émerveillements,de ses dernières illusions
comme de ses hantises123(*)."
Tel le serpent qui se dépouille de sa peau,l'auteur
extériorise le fond de ses rêves et de ses illusions,pour les
projeter en plein dans le sein de ses personnages,à travers lesquels il
les développe à loisir,jusqu'à en être
blasé,pour s'en détacher ensuite définitivement.
Tout créateur donc est une réserve extraordinaire
de passions et de rêves,de visions,d'images fantasmagoriques et plus il
en produit,plus les horizons de ses ressources s'élargissent
indéfinément,c'est pourquoi l'on rencontre des créateurs
inépuisables ,dont le génie ne se limite pas à un seul
domaine,mais aussi s'étend à des domaines divers,qu'ils explorent
avec le même talent et la même habileté,sans qu'on
décèle dans leurs oeuves la moindre négligence ou
lacune,au contraire,l'on y perçoit toujours un équilibre
constant,une corrélation pertinente dans leurs structures.
?II?
L'oeuvre transforme-t-elle le réel?
L'art instille la séve dans le corps brut,il y insuffle
la vigueur et la force,qui transforment en dernier ressort l'objet amorphe en
une forme éclatante de vie et de beauté.
Houdon,en sculptant le buste de J.J.Rousseau ou celui de
Voltaire,n'avait auparavant aucune idée de ce que serait la nature de
ces bustes.Or,en se mettant au travail,il se sentit comme pris dans un
tourbillon étrange,quelque chose d'insolite,d'irrésistible s'est
emparé de tout son être,c'est en réalité,l'esprit du
génie de l'art,qui s'est saisi du sculpteur célébre,et
bien que,tout en maniant avec dextérité la matière brute
servant à modeler le buste,Houdon donnait l'impression d'avoir
été un autre que lui-même.Si vous lui tapiez sur
l'épaule à ce moment-là,le moment crucial d'incubation et
d'enfantement,il ne vous sentirait absolument pas124(*).
Il insuffle la vie à la matière vierge,qu'il
transforme en quelque chose de grand et de sublime,quelque chose
débordant de vitalité et d'énergie.
«Prenons,si l'on veut,deux masses de pierres placées
l'une à côté de l'autre;l'une est brute et n'a pas
été travaillée;l'autre a subi l'empreinte de l'artiste,et
s'est changée en une statue de dieu ou d'homme,d'un dieu comme une
Grâce ou une muse,d'un homme qui n'est pas le premier venu mais celui que
l'art a créé en combinant tout ce qu'il a trouvé de
beau;il est clair que la pierre en qui l'art a fait entrer la beauté
d'une forme,est belle,non parce qu'elle est pierre(car l'autre serait
également belle)mais grâce à la forme que l'art a
introduite125(*).»
C'est dans l'art que réside la vie et c'est dans l'art
aussi que s'estompe à jamais l'éternité.
Or,la matière,chose putrescible,sujette à la
décompostion et à la pourriture,se réduit en
poussière et par là,à rien,.Cette matière
pulvérisante donc et qui se prédestine au néant,c'est
l'art qui l'a ressuscitée,c'est l'art qui a versé en elle le
philtre de l'immortalité,en lui conférant le
caracètère du sacré et du divin.
L'art galvanise,revigore tout ce qu'il
touche,pénétre hardiment dans les plus vieilles nécropoles
pour arracher les morts à leur léthargie
éternelle,ressuscite le passé révolu,remue les ruines et
les décombres des cités disparues,pour immortaliser la grandeur
des civilisations déjà tombées en déconfiture et
nous offrir un exemple vivant de cette décadence.
Iphigénie représente-t-elle la victime
consentante,volontaire et résignée?Savait-elle qu'elle est un
être vulnérable,fragile et sans résistance?Mais
Phèdre,cette femme énergique,à la fois séduisante
et indigne,symbolise-t-elle vraiment l'infidélité?Serait-elle
manipulée par une force mystérieuse,au point de se laisser
succomber à la tentation et consentir à commettre ce grave
péché:l'infidélité?En un mot,Phèdre
était-elle pour de bon victime irresponsable de son acte,ou au
contraire,complétement lucide et consciente de ce qu'elle faisait?
Racine n'est pas allé trop loin pour nous éclairer
sur ce point et nous épargner l'incertitude où nous a
plongé l'attitude étrange de Phèdre.
En effet,le célébre dramaturge,pour
éprouver la foule des spectateurs,n'a pas omis de faire preuve d'un peu
trop de hardiesse et faire mouvoir sur la scène-en toute liberté-
une femme en proie à ses passions et sous l'empire d'une force si
incompréhensible que toutes ses réactions sont irrationnelles
et inconscientes et qui ne sont très loin de nous rappeler les
stigmates ou les symptômes de la démence.
Cette femme,en qui la nature eût pu mettre le germe de la
douceur et de la vertu,osa encore,probablement par esprit de vengeance,accuser
l'innocent Hippolyte,en l'occurrence son beau-fils,d'avoir tenté de la
violer,ce qui a amené son père -dès son retour d'un long
périple-à le maudire et à le faire périr126(*).
Iphigénie n'a plus de raison d'être,c'est la
victime de certaines moeurs purtant périmées,surgies à la
surface à l'issue des contingences aléatoires127(*):elle est victime de
l'ambition aveugle de son père,qui ne voit que la raison d'Etat,qui
prime tout et qui ne reconnait rien,même les liens sacrés du
sang.
Par contre,Phèdre incarne à nos yeux,dans notre
société moderne et dans tous les temps,les charmes,les
attraits,les vices et les passions de la femelle des temps modernes.
D'où l'on déduit que Racine,conduit par les liens
de l'intrigue qu'il voulait d'ailleurs tragique,dans l'une comme dans l'autre
piéce,avait tenté de transformer Phèdre en une sorte de
"succube"sous l'empire d'une démence infernale et par là capable
de tout dépraver et de tout corrompre sans qu'elle ait eu la moindre
prise de consciencede son acte.
Dès lors,cette image,déjà largement
mitigée par le fait que la femme était censée sous le
pouvoir des forces occultes,n'en est pas moins scandaleuse,et qui, de plus,
demeure encore pour les âmes dévotes,après presque trois
siécles,outrageante et indigne.
Ainsi Racine a usé en toute liberté des moyens
techniques pour édifier sa belle tragédie et assurer à
sa piéce toute l'ampleur tragique escomptée ,fût-ce de
rendre même le tableau encore plus sombre qu'il ne l'était en
réalité.
L'art de Racine a tout métamorphosé et cette
fois-ci ,cette métamorphose n'a pas été dans
l'intérêt du beau et du vertueux mais dans celui de la laideur et
du baroque.
«Mais ce qui nous attire dans ces contenus,quand ils sont
réprésentés par l'art,c'est justement cette apparence et
cette manifestation des objets,en tant qu'oeuvres de l'esprit qui font subir
au monde matériel,extérieur et sensible,une transformation en
profondeur128(*)."
Dans l'art,il existe deux formes antagonistes,le bien et le
mal,deux pôles essentiels autour desquels pivote l'intrigue de
l'oeuvre.
Or,si l'une de ces deux forces triomphait accidentellement sur
l'autre,il se produirait forcément un déséquilibre,
irrationnel,qui dénaturerait l'oeuvre et la réduirait à
une bluette sans valeur.
Ainsi,dans la piéce de Racine,qui est en
vérité une piéce merveilleuse,pailletée de traits
de génie et d'efforts artistiques,Phèdre,malgré sa
pénitence,n'échappe pas à son destin et se suicide au
milieu d'affreux remords.
Dès lors,on constate que le temps détruit et que
l'art ressuscite...
Le temps ravage, annihile,sape les fondements même de la
beauté,alors que l'art la ranime de ses cendres,l'extrait du
néant,l'élève aux nues et la fait rentrer dans
l'éternité.
«L'art remplit le même rôle par rapport au
temps et,ici encore,il agit en idéalisant.Il rend durable ce qui
à l'état naturel n'est que fugitif et passager129(*).»
Mais le temps n'idéalise pas,le temps mine,ronge de
manière lente et insidieuse les choses et la vie,ce qui est tout
à fait l'inverse de l'art,dont l'action bénéfique et
bienfaisante s'exerce avec tact et beaucoup d'intelligence sur les choses,pour
les embellir et les rendre éternelles.
Rembrand,peintre génial des lumières,a
immortalisé,gràce au pouvoir infaillible de l'art,quelques
scènes de la vie domestique, insignifiantes en elles-mêmes,mais
qu'il avait rendues d'un effet extraordinaire et inoubliable.
Son tableau "les syndics des drapiers» par exemple,est un
tableau très émouvant,en ce sens que,d'un événement
banal,conventionnel,infimeet prosaïque,il a fait naître tout un
univers de beauté et de charme impressionnant ,hautement remarquable
à première vue.
Et cet autre peintre Pieter de Houch de moindre importance
d'ailleurs,mais qui,à travers ce tableau merveilleux "Intérieur
hollandais"a mis en exergue la douceur,la paix,la béatitude de la vie
familiale,rien qu'à partir d'une petite scène à l'aspect
anodin et insignifiant dans le fond .
Deux tableaux que j'ai pu voir et admirer à loisir et qui
m'ont ému et captivé au plus haut point.
Or le temps a passé sur ces scènes comme un coup
de vent et rien n'est resté de ces petits spectacles si
charmants130(*)!Et
cependant,ils sont là,étalés sous nos yeux
ébaubis,toujours vivaces et profondément réalites.
Ainsi,si la peinture triomphe invinciblement de l'action
destructrice du temps,il n'en est pas de même de l'architecture,dont les
maîtres les plus illustres aux siécles passésétaient
sans conteste,Mansart et Gabriel,dont les oeuvres,aussi magnifiques qu'elles
dussent être,n'ont pas échappé cependant à l'emprise
du temps.
Par contre Rembrand et Pieter de Houch,étaient là
et,d'un seul coup d'oeil,s'étaient systématiquement
emparés de la scène dans son aspect panoramique,pour lui
imprimer la magie de leur art et de leur génie et,devenue ainsi vivante
à jamais,la scène défie le temps et l'esprit destructeur
même de l'homme.
Cependant,la mission de l'artiste n'est pas de vaincre le
temps,de mâter les agents destructeurs,de triompher du néant et
de s'ériger en symbole de l'éternité,mais bien plus, c'est
de s'arroger le pouvoir omnipotent de pénétrer dans les
âmes humaines,d'en extraire les ressorts secrets,avec leurs sensations
subtiles et tous les mouvements psychiques qui les régissent131(*).
«Nous avons à saisir l'esprit,la physionomie des
choses et des êtres132(*).»
Une oeuvre durable ,sempiternelle,doit refléter tous les
traits de l'humanité...!
Et nul n'a été aussi génial à le
faire autant que Pigalle et Falconet...L'un dans son chef-d'oeuvre"Amour" dont
une impression magnétique se dégage et qui vous attire
malgré vous..et l'autre dans "l'enfant à la cage."dont je
m'étais émerveillé à un plus haut degré,car
jamais une oeuvre de cette grandeur ,de ce prestige extraordinaire n'a
exercé sur moi autant d'attraction profonde..
Les deux éminents sculpteurs avaient saisi,non pas les
traits physiques ou les apparences extérieures,mais les sentiments,les
sentiments intimes,les choses abstraites et occultes,qui caractérisent
profondément les deux sujets.
C'est la mission de l'art d'être aussi grandiose,aussi
divine et transcendentale,parce que l'art n'appartient pas à l'univers
matériel,mais plutôt au cosmos et à l'univers de
Dieu133(*).
L'art est issu de la lumière céleste pour embellir
la vie,pour faire descendre sur terre l'espoir dans un monde meilleur,où
la beauté régne à jamais.
Rien ne se réalise donc sans l'intervention
immédiate de l'art,car l'art n'est pas seulement une forme technique et
intellectuelle abstraite,une pratique et un savoir -faire ingénieux,
mais c'est aussi la vie,telle que nous la vivons,tantôt assujettie
à des moments de détresse et de morosité,tantôt
pleine de béatitude et de joie.
Par l'ar on crée des événements tristes
comme on crée des événements heureux..!
Or,Zola,dans «les Rougon-Macqart»,offre à
l'humanité souffrante sa propre image:les péripéties et
incidents plus que réels d'ailleurs ne sont pas dus au hasard,ce sont
des événements produits par l'art,mais vécus par
l'humanité,et l'art,par le biais de cet interpréte,en
l'occurrence Zola,n'a fait que les retracer et reproduire en traits
imagés,mais authentiques,comme disait déjà Balzac avec
cette conviction qui lui était coutumière:
«La mission de l'art n'est pas copier la nature,mais de
l'exprimer134(*).»
Rembrand,dans ses meilleurs tableaux,ne recopie pas la nature,je
veux dire la nature,telle qu'elle se présente à nos yeux,au
contraire,il la pénétre à fond pour en exprimer
l'essentiel,à savoir l'âme et l'esprit.
Balzac lui-même,a fait preuve d'un génie profond,en
donnant de la nature humaine,l'expression la plus exaltante qui ait jamais
été faite,par aucun de ses illustres
prédécesseurs.
Pour tout dire,la nature s'exprime par le moyen de l'art et par
l'art,on ne recopie pas,mais on traduit la chose comme elle devait être,
telle qu'elle se présente aux yeux.
D'où l'on peut déduire que,par le génie de
l'art,tout se métamorphose et tout se transforme,pour créer,non
pas l'objet tel qu'il se conçoit dans la réalité,mais
plutôt tel qu'il devait être dans la
réalité135(*).
Le génie de l'art ne se borne pas seulement à
créer la beauté pure,sublime et divine,mais aussi à la
faire durer dans le temps,à en immortaliser les traits éclatants
dans toutes les époques.
Par l'art,on remédie aux tares et imperfections
attachées à la nature humaine et aux choses,comme l'avait bien
souligné Plotin «L'art supplée aux défauts des
choses,parce qu'il posséde la beauté:Phidias fit Zeus,sans
égard à aucun modèle sensible;il l'imagine tel qu'il
serait,s'il consentait à paraitre à nos yeux136(*).»
Shakespeare peint les hommes tels qu'ils sont,mais avec un
génie divin,si bien que,tout au long de son oeuvre
théâtrale,il nous offre des types,des modèles parfaits de
la condition humaine...Tous les types qu'il avait mis en relief,de Hamlet
à Macbeth,sont des créatures vivantes,réelles,en mouvement
perpétuel sur la scène du monde.
L'art shakespearien ne se réfugie pas dans la
transformation de la réalité,mais il crée la
réalité même,en ce sens qu'il forge un univers où
évoluent perpétuellement des êtres en chair et en sang,tels
que nous les voyons dans toute société humaine.
Donc le monde de Shakespeare ,loin d'être un monde
falsifié,modifié à plaisir,est,par contre ,un monde
parfaitement conscient de l'immanence de son devenir, n'ayant ni
préjugés ni illusions sur ce qu'il est et nul n'ose nier le
réalisme authentique,profondément génial,qui reste pour
toujours son apanage propre.
Le génie efficace de l'art n'est plus donc de
mise..d'autant plus que l'art n'est pas proprement parler un acte
régulateur,un acte générateur de beauté ou de
gloire,mais un phénomène plutôt
métaphysique,très proche du Tout-Puissant.
Toute création suppose donc une intervention
élémentaire de l'art,car toute création n'est pas due
à l'application judicieuse et stricte des régles et des principes
pertinents, mais plutôt à des phénomènes
mystérieux et latents,qui régissent comme d'instinct des
facteurs psychiques disparates,issus du subconscient137(*).
"Il ne suffit pas ,pour être un grand poéte de
savoir à fond la syntaxe et de ne pas faire des fautes de
langue138(*)"
Tout écrivain n'est pas infaillible:certes il a des
éclairs de génie,mais cela ne l'empêche pas de faire des
fautes de goùt ou même de langue et dans ce contexte
précisement,la Bruyère,plus chevronné en ce domaine
qu'aucun autre,déclara "Il est peut-être moins difficile aux
rares génies de rencontrer le grand et le sublime que d'éviter
toute sorte de fautes."
Or on ne refuse pas d'avouer qu'il est déjà
donné à tout le monde ou presque de savoir écrire
correctement,cela,ajoutons-le,est incontestable,mais en revanche,il n'est pas
donné à tout le monde de savoir produire des oeuvres
géniales et extraordinairement humaines,du même prestige que
celles d'un Balzac ou d'un Shakespeare..
Car il n'est pas donné à tout le monde de
connaître les mécanismes intrinseques de l'art: Rares sont ceux
qui ont eu le privilège exceptionnel de pénétrer dans son
univers si restreint pourtant et si mystérieux..Ceux -là seuls
sont aptes à créer,à bouleverser les tabous
centenaires,pour en faire sortir la beauté,et les secrets profonds des
choses inconnues139(*).
On est incapable de produire sans le secours efficace de
l'art,et c'est par l'art seul,qu'on illumine le monde,qu'on efface les
ténèbres qui voilent l'esprit humain.
Dante et Milton,sont descendus,rien que par l'art,dans les lieux
infernaux et macabres,pour dévoiler les secrets millénaires de
l'humanité éplorée,et mettre du même coup sous les
yeux des générations successives les longues litanies des
âmes meurtries.
Le réalisme flaubertien,comme tout autre réalisme
littéraire,est irréversiblement mis en doute par Marcel
Proust,qui s'obstinait à en démentir la valeur,en dépit de
l'authenticité des tendances réalistes des oeuvres,qui avaient
pourtant marqué leur époque et les époques suivantes de
leur sceau indélébile en faisant naître toute une
véritable révolution réaliste touchant à tous les
domaines.
«La littérature qui se contente de
décrire"les choses",de donner un misérable relevé de leurs
lignes et de leur surface,est malgré sa prétention
réaliste,la plus éloignée de la
réalité.140(*)»
Les frères Goncourt ont produit des oeuvres en apparence
immortelles,mais que la postérité,ingrate et orgueilleuse,n'a pas
daigné prendre en considération au même titre,par
exemple,que celles d'un Guy de Maupassant ou d'un Flaubert.
Et pourtant les Goncourt auraient pu être placés au
même rang que ce dernier du moins,dont les oeuvres pourtant ont
suscité plus de controverses et de polémiques abracadabrantes que
d'intérêt.
Littérature et réalisme,deux termes liés
indissolublement par leur sens même,car qui dit littérature dit
réalisme et vice versa..En ce sens que la littérature peut et
doit être réaliste ou elle n'est rien.Or, de la
littérature de fiction et fantastique à la littérature
réaliste,c'est-à-dire de la condition humaine,le chemin est fort
long,scabreux et difficile.
Cependant,les deux pôles ne se rejoignent absolument
jamais,puisque,de la fiction,il n'en est sorti le plus souvent que des choses
évanescentes et éphémères,tandis que du
réalisme,c'est le coeur de l'humanité, toujours meurtri dans ses
longues agonies,enveloppé dans le voile d'un pessimisme
sombre,étalé sur l'autel de la réalité,et
impeccablemen exposé sous nos yeux,tangible,sans fioritures ni
retouches141(*).
Cependant,si en littérature,on est parfois amené
à dépasser le cadre du réalisme cru,en ppeinture,en
revanche,l'on se tient souvent dans les limites prescrites par le sujet et
toute exagération,dans ce contexte,s'avérerait insipide et
stérile:que l'on regarde "le moulin à vent" de Jacob ruysdale,que
l'on scrute de plus prés tous les éléments compiosant ce
tableau merveilleux,l'on s'aperçoit que tout est véridique et
qu'il n'y a sous ce rapport aucune exagération manifeste.
Dans tout produit intellectuel,il y a selon toute
évidence,une cause et un effet,deux concepts que l'on ne peut pas
dissocier et que l'on a tendance au contraire à relier
étroitement l'un à l'autre.
«Ni le peintre,ni le poéte,ni le sculpteur non plus
ne doivent séparer l'effet de la cause qui sont invinciblement l'un dans
l'autre142(*)».Cette assertion de Balzac est très
plausible,puisque,dans le tissu inextricable et complexe des
événements romanesques,l'effet et la cause,se complètent
généralement,pour se fondre l'un dans l'autre:la cause est
déterminée par un acte fortuit,aléatoire et
mystérieux,que l'esprit ne saurait avoir le pouvoir de concevoir et
d'en préciser même les implications ou les contingences..
Donc les causes des incidents scéniques et des faits
événementiels,résultant inéluctablement d'une
logique d'essence artistique,restent cependant enveloppées dans un voile
de mystère et d'obscurité,que ni le lecteur ni même
l'auteur ne parviendront à clarifier...Quant aux effets,ils sont le
corollaire nécessaire des causes,ce qui prouve une fois de plus,leur
cohésion dynamique et leur caractère inséparable143(*).
Par un beau temps,très ensoleillé,je sors de la
maison pour aller méditer dans un lieu solitaire,dans une forêt
compacte et touffue,loin du regard des importuns;et au moment où
j'étais absorbé ainsi dans mes réflexions ,la pluie,que
rien n'annonçait tout à l'heure,commença à tomber
pour devenir bientôt une pluie diluvienne.
Il n'y a pas de lieu sûr où je puisse
m'abriter,et,par conséquent,réduit à subir magré
moi ce contre-temps affreux,je me laisse trempé jusqu'aux os...
Or,dans un pareil cas,pourrait-on déterminer la cause de
cette pluie torrentielle dont j'ai été terriblement
incommodé?
Pourrait-on imputer cet incident subi à la malchance ou
plutôt à la fatalité qui m'a poursuivi jusque dans le fond
de la solitude!
Il en est presque de même pour le créateur
qui,entamant son oeuvre par une idée fortuite,se laisserait ensuite
malgré lui bercé d'une manière tout à fait
inconsciente par un déluge d'autres idées,incompatibles certes
avec l'idée initiale, mais qui viendront malgré tout s'y greffer
machinalement pour créer finalement l'oeuvre inattendue.
Ainsi,d'une part entre la pluie que rien n'a auguré
d'ailleurs et dont la cause s'est avérée en fin de compte
incomprise et incompréhensible,et d'autre part, l'architecture
progressive,fortuite ,inconsciente de l'oeuvre,il est impossible de percevoir
le moindre degré de différence.
Certes,l'effet procède de la cause,mais il n'y aura pas
d'effet sans cause,ce qui m'amène à induire que,la cause et
l'effet,de par leur nature universelle,de la conception métaphysique et
agnostique de l'oeuvre,sont caractéristiques de l'immanence
transcendentale144(*).
Cependant l'intérêt que l'on donne souvent au
contenu de l'oeuvre est généralement minime,voire
dérisoire,car ce qui noous intéresse d'emblée dans une
oeuvre d'art,c'est évidemment la forme.
«Le contenu peut être tout à fait
indifférent et ne présente pour nous ,dans la vie ordinaire,en
dehors de la représentation artistique,qu'un intérêt
momentané145(*).»
Par un paradoxe étrange,la forme seule assure la survie
de l'oeuvre,que ce soit un tableau,un roman ou même un
poéme,puisque la forme s'inspire et s'édifie par l'art et
l'art,en soi,est immortel,inépuisable et infini,une chose
abstraite,capricieuse et sérieuse à la fois,qui ne se
révèle pourtant qu'à des gens très rares,des
initiés ou plutôt des inspirés ,lesquels,grâce au
maniement habile des canons de l'art,transforment une idée ou un objet
informe en une forme divine.
Ce que l'on apprécie plus que tout,dans les piéces
de Shakespeare ou les poémes de Byron,ce n'est pas du tout le contenu en
soi,c'est plutôt la manière avec laquelle s'élaborent et
s'enchaînent les événements ou les sentiments
exprimés.
Donc, on ne saurait répéter que la forme ,dans ses
limites déjà connues,prime et dépasse en valeur le fond
des choses.
«Le style,c'est l'homme146(*)"cet axiome de Buffon ne révéle rien
en vérité,sinon que la forme demeure et demeurera toujours le
signe ou le symbole de beauté dans l'oeuvre d'art147(*).
Un Boileau,par les sujets souvents insignifiants et oiseux,qu'il
traitait,soit dans ses Epîtres ou dans ses Satires,n'aurait pas acquis
cette grande notoriété doint il jouissait depuis des
siécles,s'il n'eût pas enveloppé l'architecture de son
oeuvre par la magie de l'art,en conférant tout d'abord à la
forme plus d'intérêt et de soin qu'il n'en avait donné au
contenu.
C'est pourtant là un phénomène dont on ne
saurait que déplorer amèrement les conséquences
facheuses..Puisque,les créateurs de génie,toujours hantés
par l'obsession de l'art et de ses principes draconiens,faisaient souvent fi du
fond pour consacrer exclusivement tous leurs efforts à
l'embellissement de la forme,aliénés qu'ils étaient par
les dogmes esthétiques de la tradition et de leur emprise
viscérale sur les esprits.
Balzac,ou tout autre écrivain de la même
envergure,n'a pas été un homme démuni d'expérience
vitale,au contraire,c'était un homme qui avait mené de front une
vie très agitée,une vie pleine de vicissitudes,toujours en butte
à des obstacles et à des difficultés sentimentales et
pécuniaires,ce qui lui a permis de posséder une vaste
expérience qui s'est projetée avec bonheur dans toute son
oeuvre,que la postérité prend aujourd'hui pour un vrai miroir de
toute une société disparue,et dont seuls les vestiges des
moeurs,des sentiments,des habitudes et coutumes,restent encore
vivaces,grâce à la hardiesse et à la vigueur d'un
écrivain dont la volonté et la persévérance n'ont
pu être entamées par des difficultés matérielles
inimaginables148(*).
Et toutes ces péripéties,véhiculées
par la Comédie Humaine,avec leurs détails minutieux,leurs faits
et méfaits romanesques,parfois grossiers et monstrueux,leurs
conséquences plus ou moins crédibles,leurs cortéges
interminables de jubilations et de malheurs,tout cela suscite en nous des
impressions à la fois d'admiration et de malaise.
«Une image offerte par la vie,nous apporte en
réalité à ce moment-là des sensations multiples et
différentes149(*).»
D'autre part rien qu'à voir le tableau de David «le
serment des Horaces»ou encore celui de Fragonard«la leçon de
musique» pour se rendre compte des effets de contradictions et
d'étranges paradoxes que pouvait englober l'oeuvre d'art:ainsi à
la vue de ces deux tableaux l'on se sent comme frappé par un
étonnement à la fois merveilleux et blasé,très
proche de l'admiration offusquée tout à coup par un changement
brusque des tons et des coloris,un changement surprenant en
vérité qui avait gravement gâché et faussé
les proportions et l'équilibre des lignes et des images.
On a l'impression de sentir la présence de l'auteur dans
chaque touche et retouche:les caractères et les figures
s'éclipsent comme par enchantement pour laisser apparaître les
traits dominants du peintre,ses sentiments,ses déceptions,ainsi que ses
passions,qui s'y manifestent avec profondeur et persistance.
Donc on peut percevoir dans chaque création,l'empreinte
évidente de son créateur,d'autant plus que le réalisme,un
réalisme cru ,s'imprime dans la contexture profonde et intime de la
chose créée,ce qui nous amène à dire que l'oeuvre
et l'auteur ne font souvent qu'un,uni et indissociable.
Ceci est,sans conteste,vrai,car pour lui,tout existe
déjà,bien avant qu'il suggère l'idée à
interpréter ou l'image à peindre puisque la société
existe déjà avant la venue de l'artiste et ce dernier,pour
exprimer les faits qui s'accomplissent régulièrement au sein de
cette société,,n'a plus qu'à traduire et à
développer ce que lui inspirent les événements.
«Si j'essayais de me rendre compte de ce qui se passe,en
effet en nous au moment où une chose nous fait une certaine
impression,je m'apercevais que,pour exprimer ces impressions,pour écrire
de ce livre essentiel le seul livre vrai,un grand écrivain n'a pas,dans
le sens courant ,à l'inventer,puisqu'il existe déjà,en
chacun de nous,mais à le traduire.Le devoir et la tâche de
l'écrivain sont ceux d'un traducteur150(*).»
Chaque créateur ne fait que traduire ses impression,ses
sensations obscures,en les valorisant avec cette exubérance
inhérente à sa nature de poéte ou de peintre.
Coléridge ou Wordsworth,au même titre qu'un
Lamartine ou un Musset ,aucun d'eux pourtant, n'a exprmé un seul mot
issu de sa propre individualité,au contraire,chaque terme,chaque
vers,chaque expression même la plus insignifante,se réfère
directement au thème universel,à savoir
l'humanité,déjà soumise passivement au destin et à
la providence151(*).
Chaque poéte,chaque peintre,depuis les temps
immémoraux jusqu'à nos jours,n'a jamais obéi à des
ressorts d'égoïsme individuel ou au pouvoir de la vanité,il
s'ingénie toujours à dépasser ce cap mesquin,à
s'affranchir de ses fantasmes et de ses propres illusions,pour embrasser les
problèmes de l'humanité et produire une image authentique
réflétant sans nulle complaisance la grandeur et la
décadence de son temps.
Créer la beauté,c'est avoir le pouvoir de
maîtriser l'impossible,car la beauté est une chose
récalcitrante et coriace,et la mâter,nécessite donc des
efforts colossaux et une persévérance inlassable,comme l' abien
souligné Balzac:
«La beauté est une chose sévère et
difficile qui ne se laisse point atteindre ainsi,il faut attendre ses
heures,l'épier,la presser et l'enlacer étroitement pour la forcer
à se rendre152(*).»
Honoré de Balzac,Théophile gautier,ou encore
Leconte de Lisle,tous les trois avaient passionnément
idolâtré la beauté pour elle-même;ils sont nés
et ont vécu pour elle seule,et même en mourant,pendant que leur
âme se consume dans les affres de l'agonie,l'ultime et vibrant soupir que
leurs lèvres livides ont exhalé,l'unique vision qui s'est
estompée sous leurs yeux flétris et exsangues,c'était
à n'en pas douter, l'image éternelle du beau,du merveilleux et de
l'exceptionnel.
On ne crée pas la beauté selon une méthode
et des principes applicables.La beauté est immanente et apparaît
dans des moments inattendus et sous une forme étrange:un tableau de
Rubens ou de son génial disciple Van Dyck,nous offre le sens de la
beauté,dans ses contours comme dans ses limites,,si bien qu'on se sent
amené à dire que c'est la beauté elle-même.Quand on
regarde de plus près cette"Jeune fille accroupie"de Maillol ,sculpteur
de grand talent,on est impressionné par les charmes si
émouvants,par cette élégance captivante dans les
lignes,cette finesse ingénieuse qui caractérise chaque
élément,cette régularité parfaite des formes,enfin
cet air superbe qui émane d'elle,:tout vous séduit et vous
fascine!
Ou encore ce tableau de Claude Monet intitulé
modestement"femmes dans un jardin"si simple en soi,si prestgieux pourtant,si
grand,si remarquable par les nuances des tons,les sentiments nobles qui s'en
dégagent et les idées pathétique qu'il inspire153(*).
Pour tout dire,la création de la
beauté,relève au premier degré,non de l'inspiration
accidentelle,ou de tout autre expédient,qui ne serait en
définitive qu'un moyen fallacieux,illusoire,mais au contraire d'un acte
de foi,de croyance profonde dans l'immanence métaphysique de la
beauté.
On peut dire néanmoins que l'artiste est un puissant
prestidigitateur,non pas un prestidigitateur qui fait des miracles
trompeurs,mais un prestidigitateur qui crée la beauté,qui
transforme un objet laid en un objet qui incarne la beauté sublime,la
beauté divine,en un mot,un prestidigitateur qui,à partir du
néant,il fait naître les sensations vibrantes de la vie,du beau
inviolable et transcendant "toute figure est un monde,un portrait dont le
modèle est apparu dans une vision sublime,teint de
lumière,désigné parune voix
intérieure,dépouillé par un doigt céleste qui a
montré,dans le passé de toute une vie,les sources de
l'expression154(*).»
La magie n'est pas l'apanage de l'artiste (il y a eu un temps
où l'on accusait le poéte de magicien et de sorcier perfide)mais
ce temps là est déjà révolu depuis bien
longtemps,c'était le temps de l'obscurantisme,de l'ignorance et de la
cécité intellectuelle,alors que dans les temps modernes,le
poéte est adulé,juché sur le piédestal de
l'idolâtrie et de la gloire.
Son influence sur la masse est infinie:c'est un
éclaireur,un démiurge, un flambeau dans un monde
ténébreux,c'est un guide révolutionnaire,chargé de
la haute mission de relever les âmes abattues,d'élever
l'humanité au rang de la transcendance divine,de contribuer enfin
à bâtir l'armature d'une civilisatiion supérieure et
éternelle,loin de tous préjugés mesquins et de toute
gloriole oiseuse.
C'est justement dans cette action,dans cette entreprise de
longue haleine,que réside la magie de l'artiste,sa sorcellerie se limite
uniquement à cette transformation profonde des choses de la vie et du
monde.
L'artiste éprouve une joie immense à la vue de son
oeuvre achevée;elle lui procure une satisfaction morale,une
félicité infinie,paradisiaque,parce qu'il est conscient de
l'étendue civilisationnelle et de la nature divine de l'oeuvre qu'il
venait de créer:ainsi par cette création,il n'a pas seulement
surmonté les souffrances dues à l'enfantement,et les tourments
profonds qui taraudaient ses entrailles,mais il a le sentiment bienheureux
d'avoir maîtrisé le néant,l'infini insondable et d'en
avoir dégagé la lumière universelle nécessaire au
développement du monde et de l'humanité155(*).
«Mais ce qui,dans cette idéalité
formelle,nous intéresse surtout,ce n'est pas le contenu même,mais
la satisfaction que procure son extériorisation.La représentation
doit ici apparaître naturelle,mais ce n'est pas naturel comme tel,c'est
l'acte par lequel se trouvent réduites au néant et la
matérialité sensible et les conditions extérieures,qui
constitue le poétique et l'idéal au point de vue formel156(*).»
Falconet a fait preuve d'un génie incommensurable dans
son oeuvre intitulée «Amour» c'est une oeuvre à la fois
émouvante et merveilleuse,qui prouve une fois de plus,la magie
intrinsèque de l'artiste,avec cette sensation extraordinaire de
béatitude qu'il ne cesse de répandre autour de lui,contribuant
ainsi à instaurer un climat permanent de bonheur dans le monde et
à l'épanouissement de la vie.
Il en est de même pour l'oeuvre de Pigalle "l'enfant
à la cage» qui n'en est pas moins attachante et sublime,parce
qu'elle implique des sentiments nobles et d'idées lumineuses.
Ainsi,l'artiste,par sa transformation du monde,a su vaincre le
mystère de la vie,atteindre l'inaccessible et conquérir
l'impossible trophée de la victoire sur le néant,restaurer un
monde nouveau fait d'optimisme,de tolérance et d'esprit de
solidarité et d'amour.
?III?
L'oeuvre produit-elle un univers nouveau?
Les piéces de Molière ou celles de Racine sont
faites d'abord pour être présentées sur la
scène,mais paradoxalement,grâce au prestige du style et à
l'élégance magnifique de la forme,ces piéces sont de nos
jours beaucoup plus goûtées par la lecture qu'au
théâtre,dont la primauté,à l'époque classique
du moins,était tout à fait absolue et incontestable.
Le lecteur moderne ne s'empêche pas de savourer ,de se
laisser en quelque sorte griser par le style enchanteur et le génie
profond qui sont incontestablement à l'origine de la survie de ces
piéces,qui,bien qu'elles aient traversé des siécles et
subi des controverses infinies parfois hostiles et dénigrantes,sont
souvent d'une fraîcheur suave et vivace157(*).
Son excitation s'accroît au fur et à mesure qu'il
avance dans sa lecture,si bien que,tantôt délicieusement
bercé par le ton émouvant,les tirades expressives et
bouleversantes,tantôt délibérément enivré par
la cohérence dramatique,le suspense des coups de théâtre
spectaculaires.
Il a l'impression en effet de vivre lui-même la
scène,d'être le principal protagoniste,de décocher des
traits violents,d'aplanir les obstacles,de combattre le fanatisme et la
haine,d'instaurer le régne de la justice158(*).
L'univers produit par la piéce est un univers
authentique,quoique né de l'imagination,c'est un univers
découvert,non seulement par l'auteur,mais aussi par le lecteur
lui-même,qui y participe pourtant d'une manière directe et
immédiate,c'est univers enfin où ce dernier,volontiers
complice,se baigne complaisamment,constamment grisé par la nature des
passions dépeintes ou le décor pathétique où se
meuvent cependant momentanément les personnages.Lire en
vérité c'est découvrir,c'est retrouver un nouveau
monde,c'est faire une percée dans l'inconnu et dévoiler le
mystère qui se cache derrière chaque ligne159(*),précisément
comme s'il eût été lui-même l'auteur de la
piéce,puisque,écrire n'est pas du tout prendre la plume et
entreprendre d'écrire des idées préconçues,au
contraire,écrire pour l'auteur,c'est aussi découvrir,c'est faire
des retrouvailles insolites,«L'oeuvre en prose ou en poésie a
réussi à nous imposer cette idée que la littérature
est une expérience et que lire,écrire,ne relèvent pas
seulement d'un acte qui dégage des significations mais constitue un
mouvement de découverte160(*).»
Or,écrire,c'est se connaître soi-même,'est
découvrir;c'est se dévoiler à son insu,ouvertement,sans
barrières ni obstacles,,car l'écriture suppose vraisemblablement
une découverte et une recherche ,un sondage au plus profond de
soi-même,enfin une exploration dans les fibres intimes du subconscient
et de l'âme.
Saint-Augustin dans ses "Confessions» ou même Pascal
dans ses "Pensées et Opuscules161(*).»se sont volontairement livrés à
l'exercice de l'écriture,dans le but évident bien entendu de
s'extérioriser ,d'éclairer les coins obscurs de leurs âmes
tourmentées par des aspirations déjà inavouées..
L'un tiraillé par la foi,une foi immense et ardente,par
un désir constant d'élévation vers une illumination
céleste,vers le paradis tant souhaité.
L'autre,obsédé par le repentir et
déchiré par les remords, dans une ultime aspiration ,se
rapproche, après avoir reconnu et expié par dés
pénitences et des mortifications ses péchés,dus par
ailleurs à la faiblesse de la nature humaine,vers la pureté de
l'Etre Suprême.
Ainsi,par ce moyen infaillible,en l'occurrence
l'écriture,l'artiste ,au lieu de chercher à camoufler la
vérité qui gît en son sein , s'ingénie au contraire
à la révéler et à l'exposer telle qu'elle se
manifeste à son esprit.
M.Blanchot,en écrivant,avait fait l'expérience et
savait mieux que personne la portée de l'écriture et son
influence sur la personne même qui
écrit,«L'artiste,déclara-t-il,dont l'esprit est toujours en
éveil,s'évertue à faire preuve de beaucoup de
persévérance surtout au moment où il écrit,pour ne
pas se laisser paralyser par les mouvements saccadés de l'inspiration
,car souvent ,il en vient soit à se sentir,quand il écrit,l'agent
des forces supérieures soit-plus modestement-à reconnaître
dans cette activité une expérience originale,une sorte de moyen
de connaissance et de voie de recherche162(*).»
Ainsi,écrire,c'est sentir et se sentir;c'est savoir
s'affranchir des velléités et des arrière-pensées
mesquines,pour rejoindre l'état de pureté divine.163(*)
L'oeuvre ne permet pas seulement à son auteur de se
connaître et de dévoiler son être, en un mot,d'être
transparent et clair comme la lumière du jour,mais lui permet aussi de
trouver à foisons des idées insoupçonnées,des
idées auxquelles il n'a jamais pensé,et qui affluent en son
esprit indéfinément,jusqu'au moment oû il s'aperçoit
que le sujet qu'il traitait est déjà épuisé.
L'oeuvre est donc génératrice d'idées
universelles ,qui demeurent infiniment vastes,soit pour l'auteur
lui-même,soit pour le lecteur,qui est cependant plus apte à
découvrir à travers l'oeuvre des choses auxquelles l'auteur
lui-même,en les enfantant inconsciemment,ne semble cependant nullement
en avoir la moindre image dans son esprit .
L'oeuvre ne réflète pas le monde tel qu'il est en
réalité,mais le transforme,pour en créer un monde
nouveau,plus beau et plus grand,comme l'a laissé entendre
M.Blanchot."Mais reconnus comme moyen de connaissance ,l'art et même le
roman sont forcément appelés à se rencontrer avec d'autres
disciplines intellectuelles.Cette rencontre n'a rien d'extraordinaire ,elle a
été presque constante dans toute l'histoire de la
pensée.Des présocratiques à Dante,de Léonard de
Vinci à Goethe ,de Cervantès à Kafka,l'histoire est
jalonnée d'oeuvres d'art qui n'exposent pas seulement des idées
mais les trouvent,ne se contentent pas d'illustrer une certaine image de notre
condition,mais l'approfondissent et le changent164(*).»
Karl Marx,grâce à son oeuvre surprenant à
plus d'un titre,a modifié le monde en y semant le germe du
changement,d'une révolution inattendue,qui a mis en question tout un
univers d'institutions ,toute une panoplie de dogmes ,de
traditions,d'idéologies ,de mentalités sclérosées
et archaïques.
La Révolution Française,qui a eu également
le pouvoir de tout changer de fond en comble,est l'oeuvre,non d'un seul
homme,mais d'une multitude d'hommes,dont les oeuvres ont été
bâties à peu près sur les mêmes idées et les
mêmes principes,visant avant tout la félicité et la
dignité de la race humaine165(*).
De Voltaire à J.J.Rousseau,en passant par D'Alembert
,Diderot et les grands encyclopédistes,tous ont plus ou moins
contribué à la chute de l'ancien régime,pour
édifier sur ses cendres croulantes,un nouveau monde,où
régneraient la liberté,l'égalité et la
tolérance.Ceci sans généralement tenir compte des abus
effrayants et des actes d'injustice et de tyrannie,qui ont dû jalonner la
mise en application de leurs principes fondamentaux.
Pour tout dire,l'oeuvre,qu'elle soit littéraire ou
picturale,implique en elle -même le sens d'expérience et de
recherche...Elle est née à la suite d'une longue exploration de
la vie et ne reflète en ce sens que la vie,puisque,une oeuvre sans vie
n'est pas du tout une oeuvre,c'est plutôt une tentative oiseuse et
d'esprit stérile.
L'oeuvre est donc porteuse de significations,du sens réel
de l'existence.Elle est le résultat d'un effort immense,d'une riche
expérience réaliste, en vue de transmettre à la
postérité un message authentique pour fonder un monde,transformer
les mentalités des peuples,en provoquant cette espèce de
sympathie qui a consacré le rapprochement et la réconciliation
entre les esprits166(*).
Chaque oeuvre donc porte en son sein un objectif
particulièrement salutaire,tendant essentiellement à promouvoir
et à galvaniser énergiquemeent le sens du bonheur des peuples du
monde,sans frontières d'aucune sorte.
De là,nous pouvons avancer que le célébre
roman de Don Quichotte,de Cervantès,celui du Roland Furieux de
Baccace,ou même les Liaisons Dangereuses de Choderlo de Laclos et
d'autres romans innombrables écrits avec le même génie et
le même talent,sont de vrais monuments de l'esprit humain:et pourtant
tous étaient à l'origine d'une vision imaginaire et purement
fictive,mais que,avec le temps,devenus ainsi d'une vogue notable,sont
considérés de nos jours comme d'autant de miroirs
reflétant sans camouflage et en toute évidence l'âme des
peuples167(*).
Ce qui est vraiment extraordinaire,c'est que,ce passage de la
fiction à l'expérience,a été accompli dans le cadre
d'une certaine croyance particulière,propre en effet à l'esprit
de la société moderne,qui a tendance cependant à voir dans
toute oeuvre bien écrite une réalité et une
expérience.
«La possibilité,disait encore M.Blanchot,pour une
fiction de devenir une expérience révélatrice hante
toute notre littérature moderne168(*).»
Il fut un temps où Don Quichotte,par
exemple,n'était qu'une oeuvre de cocasseries époustouflantes et
de distractions grotesques et ridicules,une vision des choses que
Cervantès avait eue pour montrer l'aspect proprement comique et
burlesque de la vie humaine.En réalité ce passage de la fiction
à l'expérience n'a pas été réalisé
fortuitement,cette transformation a été opérée
à l'issue de graves méditations,émaillées de
réticences,d'hésitations parfois déchirantes,de
polémiques et de querelles interminables qu'avaient connues les peuples
tout au long des siécles.
De plus,le mythe, comme le phénix,renaît toujours
de ses cendres.Tantôt le mythe reste tel qu'il est,c'est-à-dire
quelque chose auquel l'on ne croit guère,quelque chose qui
relève de la fiction et de la légende et qui ne posséde
aucune parcelle de vérité :les traditions orales en particulier
sont largement farcies de faits contradictoires et étranges:tantôt
il incarne une réalité indéniable,entretenue
complaisamment par les peuples de tous les lieux et à toutes les
époques "le mythe,derrière le sens qu'il fait apparaître,se
reconstitue sans cesse.»
Cependant la fiction se mue en un mythe et de là
à une réalité qui devient avec le temps un fait
vécu,une expérience pure et authentique.169(*)
L'oeuvre rabelaisienne est une fiction certes,engendrée
à la suite d'une idée fantaisiste,mais cela ne nous empêche
pourtant pas de dire que c'est une oeuvre réelle,qui s'est
inspirée directement du vécu et du sensible,mais que
l'auteur,fuyant l'écriture banale et les poncifs a cherché une
autre forme d'expression,en l'occurrence l'ironie et l'humour à la fois
sarcastique et impassible,pour réaliser la construction de son
oeuvre170(*).
De là,l'on peut dire que Cervantès et Rabelais,que
j'ose ranger dans la même catégorie,ont la même
affinité,les mêmes tendance spirituelles et le même
génie,surtout dans leur conception du monde.
D'autre part,il n'est pas moins vrai que la peinture en
particulier se caractérise par le silence,mais un silence
éloquent,profondément plus suggestif que le roman
même,-puisque à travers un tableau,nous percevons une vue
d'ensemble,une vision globale et claire de tout un monde de pensées et
de faits,alors qu'un roman,quoiqu'il présente les
événements dans un cadre plus précis et plus net,ne nous
offre souvent que des détails abondants mais inutiles,des
problèmes cernés avec munitie,mais toujours insuffisamment
éclaircis,car la faconde ou la tendance à la volubilité
exagérée empêche l'écrivain d'être souvent
objectif dans ses interventions.
Dès lors,il m'est possible d'affirmer que le peintre,par
le silence au sein duquel il se réfugie,par sa manière de
suggérer les faits avec plus ou moins de vraisemblance,est plus
expansif,plus ouvert et même plus franc que le romancier,quoi qu'il
ait«perdu,comme disait Malraux171(*),les sentiments de sa dépendance:il en a
chassé les maîtres,il en a chassé la réalité
à laquelle il a substitué le silenc.» Or «La mort
d'Ophélie»un des tableaux de Millais,préraphaélite de
génie,est plus suggestif,plus émouvant que tous les romans du
monde.
Dans ce tableau pathétique,comme d'ailleurs dans celui de
Courbet "un enterrement à Ornans.»,un silence macabre,profond et
effarant,se substitue comme de force à l'écriture jugée
par ailleurs inutile et stérile.
Ce silence,c'est la réalité transparente,profonde
et humaine;c'est l'esprit,l'âme même de l'univers qui s'est
exprimée à travers ce silence indescriptible.172(*)
le créateur est souvent fasciné par l'objet qu'il
crée..C'est un Pygmalion sans le savoir,un Pygmalion pourtant
éternel,il est pris dans le chausse-trape de ses propres sensations,dont
il peint les effets sur le papier pour les rendre visibles à l'oeil et
sensibles à nos sens.
Tout son art réside en principe dans ce
phénomène insolite,qui lui permet de s'évader de la
quotidienneté,de l'univers sensible où il évolue,pour
plonger dans le fond de son être,créer ne serait-ce que par
l'imagination,l'idéal auquel il aspire et vivre les moments d'une extase
infinie.
C'est là un état psychologique propre à
l'artiste,un état naturel en quelque sorte et ne diffère en rien
de sa vie ordinaire dont Malraux connaît à fond les secrets.
«il s'agit d'un état psychologique sur quoi repose
presque tout l'art tragique et qui n'a jamais été
étudié parce qu'il ne ressortit pas à
l'esthétique:la fascination173(*).+
La fascination provoque l'inverse des sens,enflamme les nerfs,et
conduit l'artiste à l'euphorie et à l'enthousiasme
frénétique et de là à l'expression profonde des
passions.
La fascination enveloppe le sens esthétique de
lumière,stimule l'intuition et l'intelligence,pour assurer à
l'oeuvre son unité intrinsèque et profonde.
Par la fascination,qui est un état psychologique tout
à fait particulier,l'artiste descend en
lui-même,pénétre et s'infiltre dans les replis profonds de
son être et s'engage dans le chemin tortueux de l'exploration de
soi174(*).
Les belles trouvailles ne se manifestent pas à l'esprit
de l'artiste pendant qu'il est dans un état normal:il lui faut alors
subir un certain vertige étourdissant,entrer en transe,être sujet
à des à-coups d'un aiguillon insidieux,enfin une certaine
fiévre délirante,qui torpille toute activité
gestuelle,paralyse les mouvements de son être et le mène lentement
vers l'enfantement douloureux certes,mais en tout cas non dépourvu de
délectation et d'extase infinie.
«De même que l'opiomane ne rencontre son univers
qu'après la drogue,le poéte tragique n'exprime le sien que dans
un état particulier,dont la constance montre la
nécessité175(*).» Les génies modernes,tels que Van Gogh
ou Baudelaire,ne se sont pas privés de ce plaisir,en se procurant cet
élixir,cet onguent magique qui les excite tellement qu'ils s'attribuent
les pouvoirs même de Dieu!En ce sens qu'on ne crée pas alors qu'on
est dans un état psychologique ordinaire,il faut donc provoquer une
sorte d'anarchie des sens,une mise de sens dessus dessous de toute la logique
rationnelle des choses,ébranler toutes les facultés psychiques et
faire naître cet état d'inconscience,de sang-froid et
d'insensibilité totale,opération absolument nécessaire
à toute création artistique176(*).
Une frénésie extatique,un mouvement
désordonné et instable de tous les sens,une espèce de
fiévre intense,ardente,inexorable ,accomppagnée d'un
déluge de sueur,une réquisition totale de toutes les
facultés,toutes convergeant déjà vers le même
but,bref une impossibilité absolue de sentir le monde
exogène,pour ne voir qu'en soi,en son âme:tel est enfin
l'état où se trouve l'artiste de génie au moment où
il produit son oeuvre.
Baudelaire -et il n'est pas le seul d'ailleurs-usait d'un
procédé généralement assez connu pour vaincre
l'excitation nerveuse et en particulier l'angoisse:l'opium dont il se servait
fréquemment et abondamment ,pour échapper aux souvenirs
déchirants de sa situation de désespéré et
d'orphelin malheureux,aussi pour tromper l'angoisse qui le dévorait au
moment où il se mettait à cogiter et à produire ,cet opium
avait insidieusement affecté la santé du grand poéte
visionnaire177(*).
Et pourtant,pour Baudelaire,comme d'ailleurs pour tout
artiste,l'opium constitue un moyen efficace pour se protéger contre les
influences extérieures,c'est un moyen pour voir au plus profond de soi
,pour pouvoir s'accrocher constamment à l'image que l'on entretient
délicieusement à l'intérieur de soi.Car exprimer et
dépeindre l'angoisse,c'est non pas pour fuir
l'angoisse,c'est-à-dire s'en délivrer par confession directe,mais
au contraire,c'est pour l'exacerber davantage,l'accroître
démesurément et l'artiste,qu'il soit un Baudelaire,un Musset ou
un Raphaël,s'en trouverait pourtant bien à l'aise,comme quelqu'un
qui,ayant par malheur un gros poignard dans le coeur, aurait beaucoup de mal
à l'en arracher,de peur d'expirer instantanément178(*).
«L'artiste ne se défend pas contre l'angoisse en
l'exprimant,mais en exprimant autre chose avec elle,en la réintroduisant
dans l'univers.La fascination,la plus profonde,celle de l'artiste,tire sa force
de ce qu'elle est à la fois l'horreur et la possibilité de le
concevoir179(*).»
Malraux,explorateur génial des secrets des artistes
anciens et modernes,a su définir impeccablement ce sentiment d'angoisse
et de malaise perpétuel qui se dégage de toute oeuvre qui
tomberait entre ses mains.
En général,ce qui exaspère
prondément les passions du poéte ou du peintre,c'est
naturellement l'angoisse incisive et le mortel ennui:l'un et l'autre sont
autant de virus impitoyable,qui,s'infiltrant dans l'âme,provoquerait
irréversiblement,non pas une anémie intellectuelle,mais
plutôt un ébranlement profond de tous les organes psychiques,qui
le pousserait finalement au désespoir et de là directement au
suicide.
D'ailleurs,aucune oeuvre,que je sache,depuis le moyen-âge
jusqu'à l'ère contemporaine,qu'elle soit de caractère
burlesque ou tragique, n'a échappé tout à fait au miasme
de l'angoisse et du désespoir!
L'oeuvre poétique de Ronsard respire,au-delà de
l'effluve de cette passion amoureuse qui se consume d'elle-même dans une
vanité grossière,la tristesse d'un coeur déchiré
par les tracas matériels et l'ennui d'une vie monotone et pesante..Tout
autant que l'oeuvre de Rabelais ,où,à travers ses deux
personnages grotesques Pantagruel et Gargantua ,il exprimait un état de
désespoir infini,qui sourdait au-dessous de chaque ligne.
Tous les grands classiques s'étaient montrés
à nu dans leurs oeuvres immortelles:il suffirait de relire un Racine,un
Corneille ou un Molière,ou même,pour parler d'une oeuvre de
moindre importance, un Chapelain180(*),pour se rendre compte de cette vérité
fondamentale181(*).
De tout temps l'artiste est un isolé,un pauvre solitaire
en butte aux anicroches de la vie quotidienne.C'est un solitaire au milieu de
la multitude,au milieu d'une société qui parfois refuse de le
reconnaître et de lui accorder une juste place en son sein182(*) et pourtant l'artiste est un
"albatros»,fier et plein d'orgueil,auquel rien ne résiste
cependant,puisque,par son génie,par sa capacité de saisir
l'insaisissable,par son autonomie qui est en fait essentielle pour lui,par son
originalité indéniable,il est en droit de vivre seul»toute
grande oeuvre nous atteint en démiurgie :un grand artiste n'est pas
autonome parce qu'il est original,mais il est original parce qu'il est
autonome,d'où sa part de solitude183(*).»
J'ai l'impression que Malraux a eu raison d'avancer un tel
argument d'ailleurs plein de sens et de vérité,car l'artiste se
trouve souvent devant un dilemme des plus cruels:
ou bien être autonome,c'est-à-dire ne
dépendant ni de personne ni de rien,sacrifiant ainsi toute ambition
d'ordre matériel,et par là être original,ce qui l'amenerait
à subir inéluctablement les effets de la solitude et les
frustrations douloureuses qui en découleraient,ou bien faire partie de
la communauté,en être un membre comme n'importe quel autre,et par
là perdre à la fois son autonomie et son originalité,ce
qui le réduirait à accepter en derenier ressort le statut d'un
membre stérile et consentir à être le satellite du pouvoir
ou d'une coterie littéraire mondaine184(*).
Donc l'originalité de l'oeuvre dépend avant tout
du degré d'autonomie dont devrait jouir éventuellement tout
"créateur"et ce dernier n'atteindrait en vérité la gloire
et l'honneur qu'en s'affranchissant de la dépendance matérielle
ou spirituelle même des autres ou même de la
société.
Une telle caractéristique ne saurait être
dénigrée ,d'autant plus que,tout au long des siécles
,l'artiste autonome est toujours celui que la postérité
reconnaît comme un vrai créateur et par là immortel.
L'artiste en peinture,en littérature,en sculpture ou
même en architecture,je veux dire tout homme qui est capable de produire
du beau est avant tout un artiste,un visionnaire qui transforme le monde,pour
créer un monde idéal,pur et humain185(*).
L'artiste est donc un dominateur,un potentat en puissance,qui
surveille de loin son monde,en régle les mécanismes et supervise
de plus près les rouages complexes.Il domine par là,non pas par
la pensée,mais aussi par sa présence ,le monde environnant,sur
lequel il exerce son pouvoir et sa volonté indomptable.
Néanmoins,l'artiste,qui était dominé par
les contingences manifestement abstraites de son sujet ou de l'objet,qu'il
avait entrepris de manipuler et de traiter selon les principes de son
art,devient tout de suite,une fois l'oeuvre entreprise finalement
achevée,«dominateur,non pas seulement de l'objet crée,mais
que depuis cinquante ans il choisisse de plus en plus ce qu'il domine,qu'il
ordonne en fonction des moyens de son art186(*).»
L'oeuvre est certes un produit de l'esprit,mais aussi le produit
d'un désir charnel,d'une espèce de concupiscence latente et
obscure,qui lui procure vie et lumière187(*).
Une fois édifiée et l'architecture
générale achevée,consacrant ainsi l'ambition initiale de
l'artiste,l'oeuvre implique en soi une authentique vision de la vie et de
l'univers.
C'est pourquoi la mission qu'elle assume vise principalement
à la réorganisation du monde,à l'instauration du
régne de l'idéal et de la paix parmi les peuples,réalisant
ainsi par là,les aspirations profondes de son "créateur"
«La grande oeuvre d'art n'est pas tout à fait
vérité comme le croit l'artiste:elle est,elle a surgi.Non pas
achèvement,mais naissance,vie en face de la vie,selon sa nature
propre;et animée,au sens étymologique,,par la coulée du
temps des hommes,qui la métamorphose et s'en nourrit188(*).»
Un roman,un ouvrage amorçant des questions purement
théoriques,ou même un traité philosophique,une oeuvre
littéraire ou même théologique,est par
définition,une oeuvre ,bien comprise et pertinemment
interprétée,vise un seul et unique objectif:c'est d'assurer le
bonheur pour les générations présentes et
futures.189(*)
De Platon à J.J.Rousseau,en passant par
Locke,Hume,Newton,Leibniz,Descartes et Voltaire,tous les génies des
siécles révolus,ont contribué avec presque le même
effort et la même persévérance au bonheur matériel
et moral de l'humanité,à l'universelle ascension de l'esprit
humain,en jetant les bases fondamentales des lumières..
Une seule idée a pu généralement modifier
en profondeur toute une multitude infinie de structures archaïques et
décadentes,pour élever à leurs places d'autres structures
plus modernes et plus évoluées,assurant ainsi au genre
humain,les garanties de sa survie et de sa gloire.
L'art,c'est combattre l'impossible,c'est vaincre le
néant:c'est un moyen de vivre une aventure,avec ses obstacles
infinis,ses soucis et ses mortels ennuis,comme ses immenses tribulations.C'est
aussi un but bien circonscrit dans la pensée de l'artiste, un but
auquel il tendrait de toute son âme,de toutes ses forces,pour transcender
l'infini,s'affranchir des frontières étroites qui le retiennent
ici-bas et prendre l'essor vers le monde de la lumière et de
l'extase190(*).
«L'art naît précisément de la
fascination de l'insaisissable,du refus de recopier des spectacles,de la
volonté d'arracher des formes au monde que l'homme subi pour les faire
entrer dans celui qu'il gouverne.
«L'artiste pressent les limites de cette incertaine
possession;mais sa vocation est liée à son origine puis à
plusieurs reprises avec moins d'intensité,au sentiment violent d'une
aventure.Il n'a peut-être ressenti d'abord que la nécessité
de peindre.191(*)»
Or,l'art,ne reconnaissant pas l'impossible,est au-delà
même de l'infini,car il est immanent et profondément très
proche de l'esprit divin,dont il est par ailleurs l'élément
essentiel.
La nature céleste a créé l'art,car l'art
n'est pas de création humaine,l'art est un phénomène
mystérieux,métaphysique,au même titre que la mort ou la
naissance.L'esprit humain,qui pratique et maitrise les mécanismes de
l'art,sous toutes ses formes,est un esprit que l'on peut considérer
comme ayant effectivement atteint l'apogée de la perfection
céleste et par là doué d'essence divine.
Shakespeare,Racine ou Corneille,se sont rapprochés de
Dieu par la magie de leur art et restent par conséquent très
proches de Lui ,aussi sublimes,puissants et infiniment grands que le
Tout-puissant dont l'oeil immensément perspicace converge
spontanément vers ce monde qu'ils ont modifié et qu'ils
continuent encore à modifier192(*).
Et pour clore cet essai,aurait-on le droit de dire enfin que
l'oeuvre offre le sens de la vie et qu'elle donne un sens à la vie
?Pourrait-on encore croire qu'elle s'inspire non pas du pouvoir transcendant de
l'artiste,mais de Dieu même?
La nature,qui est en principe l'oeuvre de l'Etre
Suprême,était à l'origine une nature
brute,compacte,rigide,abrupte et sauvage,mais avec la venue de l'homme,elle est
d'ores et déjà devenue plus humaine,plus hospitalière et
plus serviable.Et cette grandes métamorphose ne fut accomplie que par
l'intelligence de l'homme,qui a su avec détermination vaincre et
conquérir tous les éléments inaccessibles et faire fleurir
les déserts les plus arides.
Dieu a donc créé une nature
inflexible,non-malléable et inexorablement impitoyable,que l'homme a
amadouée,apprivoisée et embellie par son génie.
De toute cette entreprise gigantesque faite par l'homme pour
rendre la vie plus vivable,le bonheur une réalité permanente,la
paix terrestre un fait tangible et concret,le rapprochement entre nations de
civilisations différentes un principe fondamental et
irréversible.la culture intellectuelle au développement
perpétuellement progressif un dogme vital,l'instauration des valeurs
spirituelles indéfectibles une chose sacrée et intouchable.
Tout cela enfin se trouve contenu en quelque sorte dans
l'oeuvre infiniment magistrale et grandiose de tous les créateurs
qu'ils soient peintres,musiciens,poétes,romanciers ou même
sculpteurs,des siécles passés.
Et cependant,en dépit de l'évolution du monde,qui
avait nécessité essentiellement un nouvel esprit,une nouvelle
sève et un idéal nouveau,tirés des oeuvres
antérieures,que nous n'avons jamais cessé de bénir et
d'apprécier,avec un goùt toujours renouvelable,notre monde a
encore besoin d'une nouvelle forme d'art,une nouvelle vision des
choses,susceptible de lui insuffler une nouvelle âme et une nouvelle
redemption.
C'est là encore la nouvelle mission de l'artiste
contemporain ,car lui seul a la faculté d'accomplir cette nouvelle
renaissance,cette nouvelle résurrection tant souhaitée.
L'artiste est à la fois un Promethée et un
Pygmalion:il capte les lumières célestes qu'il fait descendre sur
terre pour purifier l'humanité et demeure en même temps prisonnier
de ces lumières,dont il ne pourrait plus se défaire,puisqu'elles
sont devenues une partie de lui-même.
INDEX DES THEMES
(I)
Fonction de l'art.
P.1
òLe génie de l'artòLe talent et
l'artòArt et inspirationòPoésie et
intelligenceòInspiration et raisonòle poéte et la
prophétie divineòL'inconscient et le germe de
l'oeuvreòPrétention commune aux intellectuelsòInconscience
et luciditéòTranscendance de la conscienceòL'idée
inconsciente traduite en images concrètesòCulture et
créationòMystère de l'acte
créateuròL'obstacle est nécessaire au processus de la
créationòLe génie est commun à tous les
créateursòLe génie n'est pas l'apanage de
l'artisteòArtiste et non-artiste òConcrétisation de
l'idée abstraiteòLa perfection en art est subordonnée
à la richesse intérieureòLa raison et l'oeuvre
achevéeòPortée du message de l'oeuvre
poétiqueòPerméabilité magnétique de la
poésie.
(II)
Les particularités de la
sensibilité.
P.15
òL'artiste et le
sensibilitéòL'insensibilité est inhérente à
la nature du poéteòL'inspiration et ses
limitesòL'incidence de l'émotionòDon inné et
individuelòL'artiste est un alchimisteòDésir de
produireòL'imagination et le désiròConstruction de
l'idée par des motsòLe rêve et la
poésieòL'action de l'intelligenceòIl y a une
faculté raisonnante à la base de toute
créationòCohésion et solidarité entre les
facultés psychiquesòLa masse populaire et
l'émotionòLa masse et l'art moderneòInteraction
transcendentale entre le poéte et son lecteurò
(III)
Formation de l'oeuvre.
P.31
òL'inpiration et le poéteòLe poéme
et le poéteòL'étendue de l'inspirationòLes images
oniriquesòLes images mentales et leur influenceòL'homme et
DieuòLes caractéristiques du travailòL'homme
héritier du patrimoine divinòL'oeuvre de l'homme est
impérissableò
Deuxième Partie
(I)
L'oeuvre refléte-t-elle le
réel
p.42
òL'art et la vieòPhases de la vie
vécueòL'oeuvre,réceptacle de nos
souvenirsòExploration de l'imaginationòInfluence de l'imagination
poétiqueòRôle de la sensibilité et de
l'imaginationòLe poéte est créateur de
rêvesòOrigginalité et imitationòPrestige de l'oeuvre
originaleòL'artiste et son proppre universòL'artiste est un
maladeòL'ambition de l'artisteòL'auteur étudie la nature
humaine à travers ses hérosòL'auteur s'identifie à
ses hérosòL'auteur incarne les désirs et les r^ves de ses
hérosò
(II)
L'oeuvre transforme-t-elle le
réel?
P.60
òL'action de l'art sur la matière viergeòLa
métamorphose de l'objet par l'artòL'action de l'art et du
tempsòLa haute mission de l'artòL'art,c'est l'expression pure de
la natureòGénie et puissance de l'artòL'art est un
phénomène métaphysiqueòLittérature et
réalismeòL'effet et la causeòLa forme prime le
fondòIncidence des sentimentsòL'artiste,interpréte divin
des sentiments de l'humanitéòLa beauté,une chose
récalcitrante et insoumiseòl'artiste est-il un visionnaire
universel ou un puissant prestidigitateur?òLa maîtrise des
contingences de l'inconnuò
(III)
L'oeuvre produit-elle un univers
nouveau,
P.80
òLa vraie découverte de l'esprit,c'est lire et
écrireòL'oeuvre génératrice d'idées et de
sentimentsòLa notion d'expérience et de rechercheòDe la
fiction à l'expérienceòRéalité et
silenceòL'état psychologique du
«créateur»òPropulseurs de création
poétiqueòProcédé artificiel pour vaincre
l'excitation nerveuse et l'angoisseòOriginalité et
autonomieòL'artiste dominateur et dominéòL'oeuvre est une
vision du mondeòL'art,c'est combattre l'impossibleòl'oeuvre est
la vie mêmeò
BIBLIOGRAPHIE GENERALE
òAlain:Système des Beaux-Arts.Gallimard 1920
òAlain:Vingt leçons sur les Beaux-Arts. Gallimard
1931
òAndré Malraux:Préface à Sanctuaire
de W.Faulkner ;gallimard 1933
òAndré Malraux.Les voix du silence.Gallimard
1951
òBalzac:Le chef-d'oeuvre inconnu ,édité en
1845.
òBalzac:Préface de la Peau de Chagrin .Edition
Formes et reflets 1953
òBaudelaire:Curiosités esthétiques.T.II
Gallimard 1932
òBergson:L'effort intellectuel ,in l'Energie spirituelle
P.U.F 1925.
òBoris de Schloezer:Introduction à J.S.Bach,essai
d'esthétique musicale,Gallimard 1947.
òBuffon :Discours sur le style.Edition classique 1984
òCondillac:Traité des sensations.Edition Plon
1957.
òDiderot :Ecrivain d'art.Hatier 1964
òEckerman:Conversations avec Goethe.Gallimard 1930
òEugène de Lacroix:Journal T.II. Plon 1950
òFreud:Introduction à la psychanalyse.Edition
Payot 1921
òG.Bachelard. L'air et les songes.Edition Corti 1942/La
terre et les rêveries de la volonté.Corti 1948.
òHegel:Esthétique T.III .Aubier 1944.
òHenry Focillon:Vie des formes .P.U.F 1947.
òHenry James:Préface du roman"Les
dépouilles de Poyton "Denoel 1954.
òIgor Strawinski:Poétique Musicale .Plon 1952
òJ.P.Sartre:Saint-Genet:Comédien et
Martyr.Gallimard 1952.
òKant:Critique du jugement.Edition Plon 1942.
òKarl Jaspers:Strindberg et Van Gogh.edition de Minuit
1953.
òMarcel Proust:A la recherche du temps perdu T.VIII :Le
temps retrouvé II.Gallimard 1927.
òMarcel Proust:Contre Sainte-Beuve.Gallimard 1954.
òMaurice Blanchot:la part du feu.Gallimard 1949.
òMichel-Ange:Poésies.Aubier 1950.
òNietszche:Humain trop humain ,1ère partie
,Mercure de France 1910.
òPaul Claudel:Sur l'inspiration Poétique,dans
Positions et Propositions,Gallimard 1928.
òPaul Valéry:Au sujet d'Adonis,in
Variété,Gallimard 1924.
òPaul valéry:Leçon inaugurale du Cours de
Poétique au Collège de France ,Gallimard 1944;
òPaul Valéry:L'esthétique,in
Variété IV,Gallimard 1933.
òPaul Valéry:Mémoire d'un poéme,in
Variété V,Gallimard 1944;
òPaul Valéry:Poésie et pensée
abstraite,in Variété V.Gallimard 1944.
òPlaton:Ion,Garnier 1945.
Platon:La République.Les Belles-Lettres 1940.
òPlotin:Ennéades V,8,I ,Les Belles-Lettres
1931.
ED.Poe:La philosophie de la Composition,dans trois
manifestes,Ed.du Sagittaire 1927.
òRené Huyghe:Vers une psychologie de l'Art,la
Revue des Arts,Juillet 1951.
òReynolds:Discours sur l'Art,Garnier 1950.
òSchiller:Correspondance entre Schiller et Goethe.T.IV
Plon 1923.
APPENDICE A LA BIBLIOGRAPHIE
GENERALE
Lectures compplémentaires
(les chiffres entre guillemets renvoient aux pages
correspondantes)
òOeuvres de tendances
générales:
-Alfred Tonnellé :Fragments sur l'Art et la
Philosophie .Edition Plon 1950.(P.57)
-Eugène Fromentin:Les Maîtres d'Autrefois.
Edition Garnier 1940) (P.39)
-Les Goncourt :L'art au XVIIIe siécle
édition Flammarion 1920.(P.33)
òCritique d'Art:
-A.Bougot :essai sur la critique d'art,ses
principes,sa méthode,son histoire en France.Edition Plon 1940
(P.39)
:Essai sur le principe et les lois de
la critique d'art Edition Fontemoing,1903 (P.39)
-Adolphe Boschot:Histoire d'un romantique :Hector Berlioz
(Une vie romantique) Edition Plon 1932.(P.54)
-Gabriel Séailles:Lépnard de Vinci .Edition
Garnier 1940 (P.45) :Eugène Carrière .Edition
Garnier 1906 (P.45)
-Camille Bellaigue:Etude Musicale .Edition Garnier
1907.(P.66)
-Camille Mauclair:Psychologie musicale.Edition Larousse
1920 .(P.58)
:L'art en silence .Edition
larousse 1900 (P.66)
:Histoire de l'impressionisme
.Edition NRF 1903.(P.50)
:la beauté des
formes.Edition NRF 1909 (P.52)
:Trois crises de l'art
actuel.Edition Larousse 1904;(P.64)
-Gustave Geoffroy:La vie artistique.Edition Larousse 1904
(P.42)
:Les musées d'Europe
.Edition Balland 1913.(P.42)
-Jules Breton :la vie d'un artiste Edition Larousse
1940 (P.52)
:Art et Nature,Edition Balland
1920 (p;46)
-Robert de la Sizeranne:La peinture anglaise
contemporaine.Edition José Corti 1937 (P.43)
:Ruskin et la
religion de la beauté.Edition NRF 1940
:Les questions
esthétiques contemporaines .Edition Bloud et Gai 1921.(p;43)
:Le miroir de la
vie.Edition Desclée et Brouwer 1924.(P.45)
:l'art pendant la
guerre .Edition Lib.Pijollet 1918.(P.45)
Romain Rolland :L'histoire de l'Opéra
.Edition Mercure de France.1895.(P.54)
:Voyage musical au pays
des passés .Edition du Siécle 1919.
Théodore Duret :histoire des peintres
impressionnistes.Edition Bloud et Gai 1876.
Ce mémoire est confectionné (typographie et
reliure)
dans les ateliers de la Faculté des Lettres
d'Aix-En-Provence.
10 exemplaires tirés sur papier normal.
N° de série :0024/75
Mai 1975
* 1 _ Cf Kant
.« Critique de la raison pure. »p.24
* 2 _ Voir à ce sujet
l'excellent ouvrage de Charles Baudouin intitulé « La
Psychologie de l'Art »Ed Gallimard 1926 (Ouvrage non
réédité:un seul exemplaire se trouvant actuellement
à la bibiliothèque de la Faculté des Lettres d'Aix)
* 3 _ .Celui qui illustre le
mieux cette vision de l'art,cest sans conteste Victor Hugo...L'art lui a permis
de faire l'anatomie de la société contemporaine et et à
explorer l'esprit du temps.Son oeuvre demeure pour toutes les
générations un monument impérissable.
* 4 _ .Platon,dans sa fameuse
République,avait soulevé la question de l'art,tout en
définissant son caratère universel « En effet,si les
poétes savaient traiter par art un sujet particulier,ils sauraient aussi
traiter tous les autres sujets »
* 5 _ .Opus.cité p;50
* 6 _ -Voir à ce sujet
l'ouvrage d'André Michel ½Histoire de l'art.+ Edition A.Colin
1926.C'est un ouvrage d'un vrai érudit,puisque le tableau historique
qu'il y a brossé est large exhaustif.
* 7 _ .CF le Banquet (passim)
p.52
* 8 _ -Consulter dans ce
contxte le remarquable traité de Verne et Chavance ½Pour comprendre
l'art décoratif moderne+ Edition Hachette 1925.
* 9 _ Cf.Paul Valéry ,in
Varité II,p.50
* 10 _ -Pour pouvoir avoir une
vision très claire dans ce contexte,voir R.Lalou ½Le roman
français depuis 1900.+ edition Puf 1946.L'auteur y aborde cette question
cruciale avec intelligence et tact.
* 11 _ -Cf.Op.cité
p.120
* 12 _ .Cf Platon
+Téetete + p.40
* 13 _ .Presque tous les
créateurs de génie sont sujets à cet état
psychanalytique qui frise la folie.
La démence est aussi un facteur de création
,comme on le verra plus loin.
* 14 _ -Pour mieux
connaître ce phénomène,voir l'oeuvre de Focillon ½La
peinture aux XIXe et Xxe siécles,du réalisme à nos
jours..+Edition Laurens 1928.Un e synoptique très suggestive.
* 15 _ .Cf
Schiller.½Correspondance entre Schiller et Goethe + édition Plon
1923 p;92
* 16 _ -Cf Schiller .Ouvrage
cité ci-dessus.p.106
* 17 _ -Ed Poe ½La
philosophie de la composition+ Edition du Sagittaire p.41
* 18 _ .Ed.Poe « la
philosophie de la composition » Ed du Sagittaire.p58 Voir
bibliographie à la fin du mémoire.
* 19 _ -Les voix du
silence.p80 Ed.Gallimard 1951
* 20 _ -Se reférer
à M.Arnavon ½Histoire littéraire des Etats-Unis.+ Edition
Hachette 1953.
Ce livre comporte dans ses derniers chappitres une anlyse
stnthétique très caractéristique,aboutissant au
phénomène du magnétisme créateur.
* 21 _ -Ed.Poe op.cité
p 90
* 22 _ -Schiller.
«Correspondance entre Schiller et Goethe » Ed; Plon 1923
p.70
* 23 _ -Voir L.Gishia et
N.Vedrès ½La sculpture en France depuis Rodin+ Edition du Seuil
1945.
L'entregent,l'habileté,l'adresse,alliés à
l'intelligence et à la délicatesse spirituelle,tout permet de
transformer un objet sauvage,déformé,amorphe,en un objet
sublime et beau.
* 24 _
-Schiller.Opus.cité p.80
* 25 _ -Proust. «Contre
Sainte-Beuve » Ed Gallimard p40
* 26 _ -Paul
Valéry. «Poésie et Pensée abstraite »
in Variété V Ed Gallimard 1944.
* 27 _ -Voir Gombarieu
½Histoire de la Musique.+ A.Colin 1924.
* 28 _ -Nietzsche
. «Humain,trop humain. » Ed.Mercure de France p90
* 29 _ -Voir à cet
effet B.Dorival :½Les étapes de la peinture française
contemporaine.+Gallimard 1946.Excellent ouvrage pour mieux comprendre la
dynamique de la créativité.
* 30 _ -Ibid.p.70
* 31 _ -Ibid.p90
* 32 _ .cf.l'oeuvre d'art
est,selon Jean Rousset,«l'épanouissement simultané d'une
structure et d'une pensée » et cependant la forme ne se
réduit pas là à une structure ,mais elle est«une
ligne de force,une figure obsédante,une trame de présences ou
d'échecs,un réseau de contingences. »
* 33 _ -Op;cité p
80
* 34 _
.Schiller.Op.cité p120
* 35 _ -D'où Georges
Poulet ,dans son excellent essai «la métamorphose du Cercle»
«Quête d'un secret,d'une origine antérieure à la
création verbale,chaque étude va du sujet au sujet en passant
par l'objet »
* 36 _ -L'image est,selon
Bachelard,substance et forme et elle se définit comme totalité,il
développe le retentissement de l'image dans une démarche
généralisante;
* 37 _ -Pour plus
d'informations,voir à ce propos P.Benichou.«Le sacre de
l'écrivain » Ed.José Corti 1973o .Voir
également Jean Delon « Sur Edgar Poe publié en 1933.
Ou encore Charles Mouron et son excellent ouvrage « Des
métaphores obsédantes au mythe personnel »
publié par José Corti en 1963
* 38 _ -C'est en particulier
dans le domaine de la musique que la sensibilité la plus fine et la plus
délicxte apparaît avec plus de netteté:Voir à cet
effet .Ch.Nef ½Histoire de la Musique.+ Edition Payot 1927.
* 39 _ -A.Malraux
« Les Voix du silence » p.40
* 40 _ -Consulter à ce
sujet l'ouvrage de J.P.Richard. «Littérature et
Sensation. » Ed.du Seuil 1954.
* 41 _ -Pour de plus amples
détails,voir l'ouvrage de J.P.Richard «proust et le monde
sensible »Ed.du Seuil 1971
* 42 _ -Cf.se reférer
à l'oeuvre de Pierre Machrey « Pour une théorie de la
production littérairz. »Ed Maspéro 1966.
* 43 _ -P.Valéry
« Mémoire d'un Poéme. »Ed Gallimard.p92
* 44 _ -Voir à ce sujet
« Le Paradoxe du Comédien. » de Diderot.
* 45 _ -Igor Strawinski
« Poétique musicale » Ed Plon 1952
* 46 _ -C'est ce qu'affirme
Platon dans sa République.Mais l'assersion PLATONICIENNE est très
controversée par les esthètes modernes.
* 47 _ -Paul claudel
« Sur l'inspiration poétique » in Positions et
Propostions Gallimard 1928,ouvrage non réédité depuis
cette date.
* 48 _ -Pour plus
d'informations sur ce passage,consulter avec fruit les ouvrages de P.Benichou.
et en particulier « le Sacre de l'écrivain. »
José Corti 1973.
* 49 _ -Pour mieux
connaître la technique de production littéraire et ses multiples
aspects,se reférer à l'ouvrage de H.Meschonnic
« Pour la poétique » Gallimard 1970,de même
que celui de Léo Spitzer « Etude de Style »
Gallimard 1970.
* 50 _
-Cf;Strawinski;OP.cité p.90
* 51 _
-Strawinski.Op.cité p89
* 52 _ -Consulter à ce
sujet l'ouvrage de Marie Bonaparte « Sur Edgar Poe »
Gallimard 1933
* 53 _ -André Malraux
Préface à Sanctuaire de W.Faulkner.Gallimard 1933 p94
* 54 _ -Pour plus de
détails sur ce point,voir Erich Auerbach
« Mimésis,essai sur la représentation de la
réalité dans la littérature occidentale. »
Ed.Gallimard 1968
* 55 _
-Cf.Strawinski.Opus.cité p81
* 56 _ -Pour avoir une vision
plus nette sur les mécanismes de la créativité chez les
écrivains de génie,consulter l'ouvrage de Lucien Goldman
« le Dieu caché » Ed Gallimard
1956;ýýIl revient sur le même thème dans un second
ouvrage intitulé « Pour une sociologie du
roman » Ed Gallimard 1964.C'est d'ailleurs dans ce dernier
qu'il développe mieux la problématique qui nous
intéresse.
* 57 _ -Paul Claudel
Opus.cité p 40
* 58 _ -Ibidem p.82
* 59 _ -Paul Claudel
Opsc.cité p.52
* 60 _ -Paul
Valéry; «L'esth étique » in
Variété IV Gallimard 1944.
* 61 _ -CF Voir à cet
effet les ouvrages de Gaston Bachelard « L'eau et les
Rêves »José Corti 1940 et « l'air et les
songes » José Corti 1942.Bachelard avait souligné avec
vigueur ,en particulier dans ces deux ouvrages , les spécificités
du rêve en relation avec la créativité artistique.
* 62 _ -Paul Claudel
Op.cité p.80
* 63 _ -Ce
phénomène est traité avec plus de tact et de finesse par
Gibert Durant,surtout dans son oeuvre principale; «Les structures
anthropologiques de l'imaginaire. » Ed. Bordas 1960.
* 64 _
-Cf.Strawinski.Opusc.cité p.85
* 65 _ -Paul
Claudel.opusc.cité .p.60
* 66 _ -L'artiste,s'il n'est
pas doué de talent,un talent instinctif ,ayant son origine dans le
subconscient,c'est-à-dire né avec l'artiste et non pas un talent
acquis par l'expérience,ne pourra jamais construire une oeuvre qui se
singularise par la beauté et par le génie.
* 67 _ -Consulter à ce
propos l'oeuvre de Gilbert Durand « Le décor mythique de la
Chartreuse de Parme » Ed José Corti 1961.L'auteur y
soulignait,avec sa vigueur habituelle,les mécanismes des
événements souvent irréels,mais qui nous donnent
l'impression d'être réels.
* 68 _ -A.Malraux
« Les Voix du Silence » Gallimard 1951 p.85
* 69 _ -Pour mieux être
éclairé sur les caractéristiques de la poésie
moderne,voir les oeuvres de J.P.Richard,en particulier
« Poésie et Profondeur » Ed du Seuil 1958, ou
bien «L'Univers imaginaire de Mallarmé"Ed du seuil 1964.
* 70 _
A.Malraux.Opusc.cité p.92
* 71 _ -Voir à ce sujet
le remarquable ouvrage de Jean Bellemin Noel « Texte et avant
texte » Ed. Larousse 1972.
* 72 _ Cf.M.Blanchot.«La
part de Feu. » Ed Gallimard 1949 p.42
* 73 _ -Pour mieux saisir le
degré d'amplitude de l'inspiration dans la formation progressive de
l'oeuve ,voir l'ouvrage de Marthe Robert « Roman des origines et
Origine du roman » Grasset 1972.
* 74 _
-M.Blanchot. « La part du Feu. » Ed Gallimard 1949
p;85(ouvrage non réédité)
* 75 _ -Cf Voir Descartes
½Le discours de la méthode.+
* 76 _ -Cf.Eckerman.½
Conversations avec Goethe + Gallimard 1930 (ouvrage non
réédité)
* 77 _ -Voir à cet
effet régine Robin et Marc Angenot ½La sociologie de la
littérature:un historique.+
* 78 _ -Voir
½Correspondance entre Schiller et Goethe + Ed. Plon 1923 p.50
* 79 _ -Marcel Proust demeure
à cet égard le pionnier du « Souvenir »
allié indissolublement à la mémoire.Toute son
oeuvre,globalement,comporte cette vision ,la vision du souvenir enfoui dans le
creux de la mémoire et dont la résurgence s'accomplit à
l'improviste.
* 80 _ -Opusc.cité
p.86
* 81 _ -Parfois,ce sont les
mauvais souvenirs qui persistent dans la mémoire,tandis que les
souvenirs attachés à la joie et au bonheur disparaissent avec le
temps.Pourquoi?Je crois que c'est parce que les mauvais souvenirs sont rares
et ne frappent l'imagination que dans des circonstances exceptionnelles,alors
que ceux inhérents au bonheur sont multiples et ne peuvent pas
être décomptés.
* 82 _ -C'est peut-être
là une image utopique et fantaisiste,mais c'est la
réalité,car tout l'itinéraire des poétes et des
écrivains de génie, est jalonné par des illuminations,des
visions extraterrestres,et des voyances certes incroyables pour les esprits
sceptiques.
* 83 _ -Eckerman ½
Conversation avec Goethe.+ Gallimard 1930 p.89
* 84 _ -Cf. Taine. ½La
philosphie de l'art+ Excellent ouvrage existant en plusieurs
éditions.Voir également.Eugène Fromentin.½Les
Maîtres d'autrefois+Ed en date de 1876.
* 85 _ -pour mieux
apprécier le processus de la mise en place de l'idée
matérialisée,consulter A.Bougot:½Essai sur la critique
d'art,ses principes,sa méthode,son histoire en France+ed.de 1877.
* 86 _ -Maurice
Blanchot.½La part de feu.+ Ed Gallimard 1949.p.98
* 87 _ -Voir également
.A.Bougot.:½Essai sur les principes et les lois de la critique d'art.+
Ed.Fontemoing 1903
* 88 _
-Eckerman.½Conversations avec Goethe+ Ed Gallimard 1930 p.78
* 89 _ -Cf Eckerman
.Opusc.cité p.78
* 90 _ -Pour mieux
connaître l'oeuvre de l'homme sur terre,consulter Gustave
Geoffroy½La vie artistique+,ouvrage datant de 1904,sans être
réédité.Voir également du même auteur
.½Les Musées d'europe+ édition datant de 1913.L'exemple le
plus eclatant,où l'homme ne s'empêche pas de se
détruire,c'est à l'issue des guerres dévastatrices,telles
ques les guerres religieuses ou encore la 1ère et la 2ème
guerres planétaires.de plus,on assiste aujourd'hui à l'invention
des armes meurtrières très raffinées,capables de
pulvériser en un clin d'oeil des nations entières.
* 91 _ Cf.Sur la survie de
l'oeuvre,voir Robert de Sizeranne ½La peinture anglaise contemporaine.+
dans sa vieille édition datant de 1895 ainsi que son autre ouvrage,qui
n'est pas moins important que le premier.½Les questions esthétiques
contemporaines.+
* 92 _ -Voir dans ce contexte
les ouvrages de gabriel Séailles ½Léonard de Vinci+
MF.(1892)
½Eugène Carrière+MF (1906)
* 93 _ -Marcel
Proust.Opusc.cité.p78
* 94 _ -Consulter l'ouvrage
de Robert de Sizéranne.½Le miroir de la vie.+ et surtout son
½L'art pendant la guerre.+ NRF .1918
* 95 _ «Les
Confessions » soit celles d'un Saint-Augustin ou encore celles d'un
JJ.Rousseau,illustrent parfaitement notre propos dans ce contexte.
* 96 _ -Marcel
Proust.½Contre Sainte-Beuve.+ Ed.Gallimard.1954 p.87
* 97 _ -Marcel
Proust.Opusc.cité p.95
* 98 _ -Des enquêtes
munitieuses entreprises à tous les niveaux,ont déterminé
que la Comédie Humaine est le reflet de toute une
société,en l'occurrence la société du Second
Empire.Balzac n'a rien inventé,mais il a interprété des
faits sociaux qui sont authentiques.
* 99 _ -Saint-Simon est un
bon écrivain,je dirais même qu'il est un écrivain de talent
et de génie,puisqu'il a eu l'audace de nous dire tout sur la cour de
Louis XIV.
* 100 _ -Pour plus de
détails sur la véracité des faits rapportés par
l'oeuvre d'art,voir Lukacs.½Le roman historique.+ ouvrage traduit et
publié en 1965.
* 101 _ -CF.Voir à ce
sujet l'excellent ouvrage de Mikhaïl Bakhtine .½L'oeuvre de Rabelais
et la culture populaire au moyen âge et à la renaissance.+
Ed.Gallimard 1970àConsulter en même temps cette belle
étude qu'il a consacrée à Dostoevski intitulée
précisément ½la Poétique de Dostoevski+ed:du Seuil
1970.
* 102 _
-Hégel.½Esthétique.+T.III Ed.Aubier 1944 p.74
* 103 _ -L'imagination est un
outil de créativité,un outil psychique et psychologique,qui
engendre des images récessives,mais qui apparaissent fortuitement
à la surface du conscient
* 104 _ -Cf.Voir l'oeuvre
magistrale de L.Todorov .½Théorie de la littérature.+ ed.du
Seuil 1965.
Todorov a mis le point dans cette oeuvre l'influence de
l'imagination sur la production du texte littéraire.Consulter aussi
avec fruit l'oeuvre du critique Georges Blin.en particulier,son ½La crise
du roman :des lendemains du naturalisme aux années vingt.+Ed José
Corti 1967.
* 105 _ -Cf.Hégel
Opus.cité pý56
* 106 _ -Cf Marcel Proust
.Opus.cité p68
* 107 _ -Cf.Voir à cet
effet l'ouvrage de Robert de Sizéranne ½Ruskin et la religion de la
beauté.+ édité en 1901, non
réédité,ouvrage d'une excellente facture. Consulter aussi
½Histoire des peintres impressionnistes+MF 1876 de Théodore
Duret,un ouvrage qui ne manque pourtant pas de parti pris et de
partialité.Tout comme celui de Camille Mauclair intitulé
½Histoire de l'impressionnisme.+paru en 1903 dans édition de luxe
,déjà épuisée,puisqu'il n'en existe plus qu'un seul
exemplaire,conservé précieusement par la Bibliothèque.
* 108 _ -Cf.Voir
½Paysage de chateaubriand.+ de Jean-Pierre Richard ;Edition du Seuil
1967.
Il serait probablement utile de consulter en même temps
un autre texte du même auteur,intitulé.½etudes sur le
romantisme.+.Ce dernier livre met l'accent sur la fonction du rêve dans
l'élaboration de l'oeuvre.
* 109 _
-Cf.Freud.½Introduction à la psychanalyse.+ Ed.Payot.1921
(réédité par plusieurs maisons d'édition.)
* 110 _ -Cf.Consulter
à cet égard ½Stendhal et les problèmes du roman.+ de
George Blin.Edition José Corti 1954àVoir également du
même auteur ½La cribleuse de blé:la critique.+ Ed.José
Corti 1968.L'auteur,dans ce dernier ouvrage,avait mis en exergue le rôle
éminent de l'imagination dans la structure de l'oeuvre
littéraire.
* 111 _ -Cf.Voir à ce
sujet,Camille Mauclair ½La beauté des formes.+ Edition de 1909
déjà épuisée.
* 112 _ -cf.Pascal
½Pensées et Opuscules+ Edition classique.
* 113 _ -Voir à cet
effet ½La vie d'un artiste+ de Jules Breton et son ouvrage ½art et
nature+ publié en 1850.Dans ses deux ouvrages,Jules breton,un critique
perspicace,avait souligné avec brio la recurrence des mêmes
thèmes dans l'oeuvre littéraire classique.
* 114 _ -Cf.Planton
½Ion+ Edition Garnier 1952 p.85
* 115 _ -Cf Voir à ce
sujet ½Voyage musical au pays du passé.+ de Romain Rolland
édition MF (1919) .Consulter également ½l'histoire d'un
romantique:Hector Berlioz+ d'Adolphe Boschot édition Mercure de France
(1945)
* 116 _ -Cf.Freud ½La
pensée et le rêve dans la Gradiva de W.Jensen+ Traduit et
publié en 1949.
* 117 _
-Cf.Freud.Opusc.cité p.78
* 118 _ -Cf.Jean-Paul
Sartre.½Saint-Genet:comédien et martyr.+ Edition Gallimard
1952.p54
* 119 _ -Consulter à
ce sujet ½Fragments sur l'Art et la philosophie.+ de Alfred
Tonnellé :existe à la bibliothèque dans son ancienne
édition qui remonte à l'année de 1859.
* 120 _ -Voir Camille
Mauclair .½Psychologie musicale+ édition de 1893,ouvrage
fondamental pour connaître les mécanismes de l'objet
créé.
* 121 _
-J.P.Sartre.Opusc.cité p 54
* 122 _ -L'illustration la
plus )pertinente de cette assersion est vraisemblablement la piéce de
J.P.Sartre ½Huis Clos+ Edition du seuil 1985,où chacun des acteurs
(trois en tout)exprime de façon frappante les idées de
l'auteur,qu'il matérialise ensuite dans des romans remarquables.
* 123 _
-j;p;sartre.½Saint-genet,comédien et martyr.+ edition Gallimard
1954 p74
* 124 _ -Cf.Consulter dans ce
contexte l'oeuvre remarquable des Goncout .½L'art au XVIIIe
siécle+édition de l'année de 1859.
* 125 _ -Cf.Plotin. ½
Ennéades V.+ Edition Bréhier «Les Belles-Lettres»
1931.p.32
* 126 _ -Voir l'ouvrage de
Jean Starobinski.½Sur Racine.+ édition Gallimard 1986.Toujours dans
ce contexte,il serait utile de consulter également l'excellent ouvrage
de critique de Stendhal intitulé.½Racine et Shakespeare.+
édition Plon 1988.
* 127 _ -En
réalité,Iphigénie n'aurait pas dû subir ce sort
implacable,si les coutumes et les traditions si singuliers , n'étaient
pas d'une influence incoercible sur l'esprit du peuple athénien.
* 128 _
-Cf.Hegel.Opusc.cité p.75
* 129 _ -Cf.Voir
Hégel,ouvrage déjà cité ci-dessus.
* 130 _ -Voir Camille
Mauclair et son ouvrage très caractéristique .½Trois crises
de l'art actuel.+,édité en 1906 par José Corti.
* 131 _ -Un hégel,un
Nietzsche ou encore un Dostoïeski,pour ne citer que ceux-là,sont
parvenus à un tel degré de génie qu'on les prendrait,non
pas pour des visionnaires ou des démiurges,mais des dieux.
* 132 _ -CF.Balzac ½Le
chef-doeuvre inconnu.+ édition de 1854 p.45
* 133 _ -Voir l'ouvrage de
Camille Bellaigue intitulé ½Etudes musicales+ édité
en 1907 par la NRF.Consulter en même temps celui de Camille Mauclair
½L'art en silence+ paru en 1900 et édité par la même
maison.Ce dernier ouvrage dont la lecture n'en est pas moins passionnante,est
considéré comme vadé-mécum par les jeunes peintres
de la génération du début du siécle.
* 134 _ -Cf-Balzac.ouvrage
cité ci-dessus.p.78
* 135 _ -Voir à ce
sujet l'excellent traité de Jean Starobinski intitulé
½L'invention de la liberté.+ Edition Skira 1964.
* 136 _ -Cf Plotin .ouvrage
cité ci-dessus.p75
* 137 _ -Consulter
½Poésie et Profondeur.+ de Jean-Pierre Richard ,édition du
Seuil 1958.Voir également ½Onze études sur la poésie
moderne.+du même auteur et la même édition 1967.L'auteur,un
des meilleurs critiques de ce temps,a su avec talent déceler le
processus de la création,en particuliet au niveau de la poétique
de la poésie.Il en a systématiquement mis en relief des
détails précis sur l'évolution continuelle de la
poésie moderne.
* 138 _ -Cf Balzac. Ouvrage
déjà cité plus haut. p.85
* 139 _
-Cf.Reynolds.½Discours sur l'art.+ Ed.Garnier 1970.C'est un excellent
traité,qui mérite d'être lu ,puisqu'il définit avec
beaucoup de talent les principes de l'Art.
* 140 _ -Cf marcel
Proust.Ouvrage cité plus haut.p.45
* 141 _ -Cf.L'ouvrage de Jean
Delon intitulé ½Sur André Gide.+ ed.Gallimard 1957,est
d'une perspicacité remarquable,car l'auteur situe son contexte dans un
cadre plutôt universel,sans qu'il perde cependant de vue l'objet
réel annoncé par le titre+
* 142 _ -Cf.Honoré de
Balzac:Préface འLa Peau de chagrin+ Ed Gallimard 1953
P.45
* 143 _ -Voir l'ouvrage du
russe Youri Lotman ½la structure du texte artistique+ Gallimard 1973.Il
serait également de consulter avec fruit celui de propp et Souriau
½Les deux cents mille situations dramatiques+ Edition flammarion 1950.Ce
dernier livre souligne pertinemment les mécanismes et les
corrélations de la cause et de l'effet dans l'oeuvre artistique.
* 144 _ -Cf.T.Todorov
.½Théorie de la littérature.+Edition du Seuil 1965,voir
également ½La morphologie du conte.+de Propp ,édition du
Seuil 1970.Ces deux ouvrages ont mis l'accent -et de façon implicte- sur
l'immanence métaphysique de l'oeuvre d'art,qui part du signe et revient
au signe,comme la représentation divine.
* 145 _ -Cf .Hegel ,ouvrage
cité plus haut,p.78
* 146 _ -Cf .Buffon
.½Discours sur le style.+ edition Larousse 1965 p.15
* 147 _ -consulter dans ce
même ordre d'idées ,R.Barthes ½Le degré zéro de
l'écriture.+ Ed du Seuil 1953 ainsi que son autre ouvrage ½Michelet
par lui-même+ dans la même édition 1954.
* 148 _ - Voir su le
même thème Umberto Eco ½L'oeuvre ouverte+ édition du
Seui 1965.L'auteur-par le biais d'une démarche
sémiologique,avait éclairé avec bonheur la progression
thématique qu'élaborait tout écrivain qui voulait
être l'interpréte de sa société.
* 149 _ -Cf Marcel
Proust.Ouvrage cité plus -haut , p.45
* 150 _ Marcel Proust ½A
la recherche du temps perdu.+ T.VIII Edition Gallimard 1927. p.95
* 151 _ -Pour avoir plus de
précisions à ce sujet voir l'ouvrage de Jacques Derrida
½L'écriture et la différence+ Edition du Seuil 1970.L'auteur
revient sur le même thème mais avec moins de profndeur dans son
autre livre intitulé ½Marges de la philosopphie+Edition du seuil
1972.
* 152 _ -Cf.Balzac.Ouvrage
cité précédemment.p.85
* 153 _ -Pour plus de
détails sur ce sujet,se reporter à Alain ½Vingt
leçons sur les Beaux-Arts.+Edition Gallimard 1931:L'auteur passe en
revue toutes les formes artistiques et brosse un tabeau synoptique sur les
aspects multiples de la beauté.
* 154 _ Cf-Balzac.Ouvrage
cité ci-dessus.p.84
* 155 _Pour mieux saisir le
sens de ce phénomène,se reporter particulièrement
à l'ouvrage de Nicolas Ruwet intitulé
.½Langage,Musique,Poésie+édition du Seuil 1972.un autre
ouvrage qui traire de la même approche est celui de Jean Cohen
½Structure du langage poétique+ édition Flammarion 1966.
* 156 _ -Cf Hegel
.½Esthétique+ Edition Aubier 1944 p.75
* 157 _ -Pour mieux voir ce
qui fait exactement la valeur d'une oeuvre littéraire,se reporter
essentiellement à ½Linguistique et poétique+ de M.Riffaterre
et Julien Greimas .Edition Larousse 1973.Voir également dans le
même contexte ½Structure du langage poétique+de Jean Cohen
Edition Flammarion 1966.
* 158 _ -Une poétique
de la lecture est actuellement en gestation.Des prémices sous forme
d'articles sérieux commencent déjà à faire jour
dans les milieux critiques.
* 159 _ -Voir à ce
sujet l'excellent ouvrage du critique Jean Starobinski ½la relation
critique+ édition Gallimard 1970.
* 160 _ -Cf .M.Blanchot
½La part du feu.+ Edition Gallimard 1954 p.59
* 161 _ -Plusieurs
éditions existent déjà soit de celles « Des
Confessions » soit encore dee « Pensées et
Opuscules ».Les meilleures sont celles de Garnier-Flammarion.
* 162 _
-Cf.M.Blanchot.Ouvrage cité plus haut . p.123
* 163 _ -Il serait utile de
consulter-pour cette approche-l'opuscule ingénieux de Paul Claudel
« Sur l'inspiration poétique » in Positions et
Propositions Edition Gallimard 1928.
* 164 _
-Cf.M.Blanchot.ouvrage cité plus haut. p.89
* 165 _ -Voir à ce
sujet l'oeuvre monumentale de Michelet intitulée
précisément ½la Révolution Française+
édition Larousse 1968.C'est une oeuvre partiale certes et sur laquelle
domine d'ailleurs l'emprise de la passion,mais elle n'en est pas moins d'une
portée capitale pour la connaissance de cet évément
extraordinaire.
* 166 _ -Certes l'oeuvre
artistique a pour fonction essentielle d'engendrer des traansformations
radicales au sein des sociétés.
* 167 _ -Les romans
cités,malgré le temps écoulé depuis leur
création,sont encore l'objet d'étude et d'exégèse
de la part de nombreux critiques et commentateurs modernes.Ils sont des
réserves inépuisables pour toutes les générations
passées et peut-être à venir.
* 168 _
-Cf.M.Blanchot.Opuscule cité précédemment .P.79
* 169 _ -Il serait utile de
consulter à ce propose l'ouvrage de Henry Focillon ½Vie des
formes.+édition PUF 1947 ainsi que celui de Paul valéry
½Au sujet d'Adonis+ édition Gallimard 1928 ,une plaquette de
portée remarquable pour connaître ce poéte ,qui devenu au
fil du temps,un mythe,auquel on ne croit plus.
* 170 _ -Voir à ce
sujet le célèbre critique ½l'activité
structuraliste.+ édition du Seuil 1964;
* 171 _ Cf.A.Malraux
.Préface à ½Sanctuaire+ de W.Faulkner.édition
Gallimard 1933. p.4
* 172 _ -Il est souvent vrai
que le silence est parfois plus éloquent que les mots,et dans ce cas,un
tableau,qui est en quelque sorte différent d'une oeuvre
littéraire,nous permet de lire à travers les lignes et les
contours les péripéties d'un roman.
* 173 _
-Cf.A.Malraux.Opuscule cité ci-dessus.p.74
* 174 _ -Consulter
l'excellent livre de Diderot ½Ecrivain d'Art.+ édition hatier
:c'est un traité qui n'a pas encore perdu de sa fraîcheur.
* 175 _ -Cf.A.Malraux
.Opuscule cité plus haut. p.46
* 176 _ -Voir dans ce
contexte Bergson ½L'effort intellectuel+in l'Energie spirituelle
édition puf 1925
* 177 _ -Voir à cet
effet l'oeuvre même de Baudelaire ½Les curiosités
esthétiques.+ édition Gallimard 1932,consulter également
l'édition classique intitulée « Badelaire:critique
d'art. et surtout l'article où Baudelaire fait l'éloge de la
morphine.
* 178 _ -Il serait plus utile
de revoir les deux ouvrages de Jean Rousset,édition José
Corti:½L'intérieur et l'extérieur.+(1968) et ½Narcisse
romancier+(1973)
* 179 _ -A.Malraux.ouvrage
cité plus haut.p89
* 180 _ -Cet auteur,bien
qu'il ne manque pas tout à fait de virtuosité,fut à
multiples reprises fustigé et ridiculisé par Boileau dans ses
Satires,qu'il considérait comme un rimailleur à gage et un
écrivain stérile.
* 181 _ -D'abord,on
n'écrit pas pour le plaisir d'écrire,on écrit en
réalité pour dire ce qu'on sent dans le fond de notre
être,puisqu'on ne pleure pas à sec,mais on pleure pour faire
jaillir les larmes;il en est de même pour l'écriture,qui a pour
but d'exprimer des sentiments de joie ou d'angoisse enfouis dans les fibres de
l'âme.
* 182 _ -L'artiste ou
l'écrivain,dans les sociétés du tiers-monde sont des
individus effacés et mal vus ,en particulier par le pouvoir politique.
* 183 _ -Cf A.Malraux.Ouvrage
cité précédemment .p96
* 184 _ -Le cas de
Mallarmé et de quelques autres poétes symbolistes illustre
à merveille ce phénomène social:le poéte novateur
reste pour la plupart du temps incompris de la masse,c'est-à-dire la
majorité des lecteurs,ce qui le réduirait à la solitude
et à la marginalisation.
* 185 _ -Pour moi,la mission
de l'artiste est avant tout la transformation du monde vers le bien ,vers ce
qui est meilleur :c'est une mission difficile certes,mais c'est le temps qui en
assure la consecrétion finale.Et les exemples abondent dans ce sens.
* 186 _ -Cf.A.Malraux
.ouvrage cité plus haut.p.91
* 187 _ -Voir dans ce
contexte ,l'ouvrage de Freud ½Le roman familial des nevrosés+.Il va
sans dire que toute oeuvre est à l'origine d'un désir,d'un
fantasme obscur,mais qui se précise à travers l'oeuvre.
* 188 _
-Cf.A.Malraux.½Les voix du silence+ édition Gallimard 1951
p.95
* 189 _ -Un exemple
frapppant,c'est que l'oeuvre de Racine a contribué à polir les
passions d'amour dans la société française,celle de
Corneille,l'épanouissement du sentiment d'orgueil et l'amour de la
gloire,même au péril de la vie;celle de Molière,la haine
des préjugés,de l'hypocrisie morale ou religieuse et surtout
l'éviction des tares nocives sociales.
* 190 _ -L'art n'est pas
dû à la fantaisie créatrice de l'individu,l'art est
d'essence divine,c'est un esprit occulte et immanent et ne saurait être
réduit à un objet matériel,à une technique,une
pratique,un savoir-faire ingénieux et habile.
* 191 _ -A.Malraux.Ouvrage
cité plus haut.p123
* 192 _ -Cet argument
pourrait paraître à premiere vue naïve et fantaisiste,mais
en réalité ce n'en est pas le cas,car le poéte ou
l'écrivain se rapproche de Dieu et sa création n'est pas loin
de cette de dieu même.
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