ACTEURS ET INTERACTIONS AUTOUR DES
RESSOURCES HALIEUTIQUES DU PARC NATIONAL DE LA SALONGA
[CAS DE L'EXPLOITATION DE LA RIVIERE LUILAKA EN
TERRITOIRE DE MONKOTO, RD CONGO]
|
EURS ET INTERACTION AUTOUR DES RESSOURCES HALIEUTIQUES
DU PA
Mémoire présenté par : Billy
KAMBALA LUADIA TSHIKENGELA
En vue de l'obtention du Diplôme de Master
complémentaire en
NATIONAL DE LA SALONGA.
Développement, environnement et sociétés
Jury composé de :
Promoteur : Etienne VERHAEGEN (Université Catholique de
Louvain) Lecteur : Marc MORMONT (Université de Liège)
Lecteur : Paul K. VIKANZA (Université Catholique de
Louvain)
A mon regretté père Hyppolyte Luadia, soustrait
trop tôt à notre affection, en hommage à sa
mémoire, A mon fils Daniel Kambala Luadia, en témoignage de
mon affection.
REMERCIEMENTS
Ce travail reprend le texte de ma dissertation en Master
Complémentaire en Développement, environnement et
sociétés au terme de laquelle je tiens à exprimer mes vifs
remerciements à tous ceux qui ont contribué d?une manière
ou d?une autre au bon déroulement de ma formation à l?Institut de
Développement de l?Université Catholique de Louvain.
Au professeur Etienne Verhaegen, promoteur de ce
mémoire, s?adresse tout particulièrement ma profonde gratitude
pour m?avoir fait confiance tout au long de ce travail et permis de vivre une
expérience de recherche sous sa direction.
Je souhaite également remercier le professeur Marc
Mormont et le doctorant Paul Vikanza d?avoir accepté d?être
membres de mon jury et d?avoir pris le temps de porter un regard critique sur
mon travail au travers de la lecture attentive de mes écrits et leurs
critiques constructives.
Mes sentiments vont aussi à tous ceux avec qui j?ai
partagé et discuté de mon travail, et tout
particulièrement Lidjo Bolonga, office manager du bureau WWF-Monkoto
pour avoir répondu à toutes mes demandes d?informations fraiches
et complémentaires sur le milieu d?étude, Tyty Malu pour ses
conseils avisés et Raoul Monsembola pour sa documentation et ses
encouragements constants.
Mes remerciements s?adressent enfin à ma très
chère épouse Rebecca Ndaya pour avoir accepté mon absence
et joué le double rôle de « mère-père »
dans l?éducation et la protection de notre fils ainsi qu? à ma
mère qui s?est toujours souvenue de moi dans ses prières.
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS ii
TABLE DES MATIERES iii
ACRONYMES ET ABREVIATIONS v
LISTE DES TABLEAUX viii
LISTE DES FIGURES ix
Chapitre 0 INTRODUCTION GENERALE 1
0.1. Contexte de l?étude 1
0.2. Cadre de l?étude 5
0.2.1. Problématique 7
0.2.2. Questions de recherche 9
0.2.3. Objectifs de l?étude 10
0.2.3.1. Objectif général 10
0.2.3.2. Objectifs spécifiques 10
0.2.4. Hypothèses de l?étude 11
0.3. Milieu d?étude 11
0.3.1. Parc National de la Salonga (PNS) 11
0.3.1.1 Données biophysiques 12
0.3.1.2 Contexte Socio-économique 14
0.3.1.3. Structures et capacités de gestion du PNS 14
0.3.2. Territoire de Monkoto 17
0.3.2.1. Contexte actuel: Démographie et organisation
sociale 17
0.3.2.2. Conditions de vie et d?existence des populations
riveraines de Monkoto 18
0.4. Méthodologie et approches d?étude 19
0.4.1. Approches d?étude 19
0.4.2. Démarche méthodologique 19
Chapitre 1 CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL 21
1.1. Aperçu historique du foncier congolais 21
1.2. Biodiversité et développement durable 27
1.2.1. Biodiversité: concept multidimensionnel 28
1.2.2. Développement Durable 30
1.3. Protection de l?environnement 37
1.4. Notions de conservation des ressources naturelles 38
1.5. Développement local 40
1.6. Pratiques populaires 43
1.7. Conclusion partielle 45
Chapitre 2 HISTOIRE DU PARC NATIONAL DE LA SALONGA FACE AUX
POPULATIONS LOCALES 47
2.1. De la création du Parc National de la Salonga 47
2.1.1. Les origines de la création 47
2.1.2. Les objectifs visés à la création du
PNS 48
2.1.3. Extension du Parc National de la Salonga et sa mise en
oeuvre 50
2.1.4. Modes d?acquisition de l?espace 51
2.1.5. La réaction des indigènes 52
2.2. Acteurs impliqués dans la gestion et utilisation des
ressources halieutiques du PNS 55
2.2.1. Acteurs institutionnels 55
2.2.2. Acteurs non-institutionnels 55
2.3. Logiques d?acteurs 56
2.3.1. Logiques des protecteurs du PNS (l?ICCN et ses
partenaires) 57
2.3.2. Logiques des acteurs locaux (populations locales) 58
2.4. Régulations ayant existé dès la
création du PNS jusqu?à ce jour 60
2.4.1. La taxe de pêche 60
2.4.2. Le protocole d?accord de Bongonda 60
2.4.3. Situation actuelle sur la gestion et l?exploitation de la
ressource halieutique 61
2.5. Conclusion partielle 61
Chapitre 3 ANALYSE DU CONFLIT DU PARC 63
3.1. Accès aux forêts et aux ressources locales
63
3.1.1. Mécanismes traditionnels d?accès aux
ressources 64
3.1.2. Contraintes et Conditionnalités 66
3.2. Déplacement forcé des populations en vue de la
création du PNS 66
3.2.1. Gestion unilatérale du PNS 67
3.2.2. Non-implication de la population riveraine dans la gestion
du PNS 68
3.3. Situation économique dans la région 69
3.3.1. Changements perçus dans la région 70
3.3.2. Changements perçus au niveau local 70
3.4. Réaction de la population locale 73
3.4.1. Perception de la population vis-à-vis du PNS et de
ses Partenaires 73
3.4.2. Désobéissance civique et non-reconnaissance
de l?autorité de l?ICCN 76
CONCLUSION GENERALE 78
BIBLIOGRAPHIE 83
ANNEXES 91
ACRONYMES ET ABREVIATIONS
ACP: Afrique, Caraïbes, Pacifique
AMNH: American Museum of Natural History
AP: Aire Protégée
APAD: Association Euro-Africaine pour l?Anthropologie du
changement social et du Développement
ASARECA: Association pour la Recherche Agricole en Afrique
Centrale et de l?Est
AWF: Africain Wildlife Foundation
BAD: Banque Africaine de Développement BCI: Bonobo
Conservation Initiative
CARPE: Programme Régional de l?Afrique Centrale pour
l?Environnement
CNRS: Centre National de Recherche Scientifique
CCNUCC: Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement
Climatique
CDB: Convention sur la Diversité Biologique
CEFDHAC: Conférence sur les Ecosystèmes de
Forêts Denses Humides d?Afrique Centrale CIFOR: Center For International
Forestry Research
CIPV: Convention Internationale sur la Protection des
Végétaux
CITES: Convention sur le Commerce International des
Espèces de Faune et de Flore Sauvages menacées d?extinction
CMAP: Commission Mondiale des Aires Protégées
CMN: Congrès Mondial de la Nature CNB: Cadre National de
Biosécurité COCOSI: Comité de Coordination de Site
COMIFAC: Commission des Forêts d?Afrique Centrale
CSIRO: Commonwealth Scientific and Industrial Research
Organisation
CTB: Coopération Technique Belge
DSCRP: Document de Stratégie de Croissance et de
Réduction de la Pauvreté EIC: Etat Indépendant du Congo
EIE : Evaluations d?Impact Environnemental
ERAIFT: Ecole Régionale d?Aménagement
Intégré des Forêts Tropicales
FAO: Organisation des Nations Unies pour l?Alimentation et
l?Agriculture
FEM: Fonds pour l?Environnement Mondial FMI: Fonds
Monétaire International
GEEC: Groupe d?Etudes Environnementales du Congo
GRASP: Partenariat pour la Survie des Grands Singes GTZ:
Coopération Technique Allemande
ICCN: Institut Congolais pour la Conservation de la Nature
IDDRI: Institut du Développement Durable et des Relations
Internationales IDD: Institut pour un Développement Durable
IDS: Institut du Développement Social
IIED: Institut International pour l?Environnement et le
Développement
IITA: Institut International pour l?Agriculture Tropicale
IJZBC: Institut des Jardins Zoologiques et Botaniques du Congo
LWRP: Lukuru Wildlife Research Projet
MECNT: Ministère de l?Environnement, Conservation de la
Nature et Tourisme MPI: Max Planck Institue
OGM: Organismes Génétiquement Modifiés
OIBT: Organisation Internationale des Bois Tropicaux ONG:
Organisation Non Gouvernementale
PNS: Parc National de la Salonga
PFBC: Partenariat pour les Forêts du Bassin du Congo
PNUD: Programme des Nations Unies pour le Développement
RAPAC: Réseau d?Aires Protégées d?Afrique
Centrale
RDC: République Démocratique du Congo
REDD: Réduction des Emissions issues de la
Déforestation et de la Dégradation
RFO: Réserve de faune à OkapiSADC:
Communauté pour le Développement de l?Afrique Australe
SLS: Salonga-Lukenie-Sankuru
SNPAB: Stratégie Nationale et Plan d?Action de la
Biodiversité SPIAF: Service Permanent d?Inventaire et
d?Aménagement Forestier UE: Union Européenne
UICN: Union Internationale pour la Conservation de la Nature
UNEP: Programme des Nations Unies pour l?Environnement
UNESCO: Organisation des Nations Unies pour la Science et
l?Education UNF: United Nation Foundation
USAID: Agence des Etats Unis pour le Développement
International WCMC: World Conservation Monitoring
Centre
WCS: Wildlife Conservation Society
WFC: World Fish Center
WWF: World Wild Life Fund for Nature
ZSM: Zoological Society of Milwaukee
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1. Etat des lieux du Parc National de la Salonga 16
Tableau 2. Composition du territoire 17
Tableau 3. Résultats des enquêtes de vacance des
terres 54
LISTE DES FIGURES
Figure 1. Paysage-Salonga-Lukenie-Sankuru 13
Figure 2. Schéma du concept « Biodiversité
» 29
Figure 3. Schéma du concept « développement
durable » 31
Figure 4. Actions mises en oeuvre sur le terrain par opposition
au niveau de la rhétorique conservationniste 45
Figure 5. Schéma actionnel 59
Figure 6. Niveaux d?accès aux forêts et aux
ressources locales de Monkoto (10 villages) 64
Figure 7. Causes des changements dans l?usage des ressources
halieutiques 72
Figure 8. Opinions des populations de pêcheurs à
propos de leurs relations avec les gardes de
l?ICCN 74
Résumé
Ce travail comporte quatre chapitres. Le premier donne une
introduction générale sur la faune et la flore de la
République démocratique du Congo. Ce chapitre nous aide à
mieux cerner notre champ d?étude, à bien définir les
objectifs poursuivis, à situer notre problématique, et à
formuler nos hypothèses de travail.
Le second chapitre présente le cadre théorique
et conceptuel de notre étude. Pour ce faire, nous recourons à
l?abondante littérature sur le foncier, l?environnement, la
biodiversité et le développement, la conservation et gestion des
ressources naturelles, touchant de près ou de loin à la gestion
et l?exploitation des ressources du Parc National de la Salonga, dont
halieutiques, afin de bien comprendre le sujet sous étude.
Le troisième chapitre brosse un historique du PNS face
aux populations riveraines de Monkoto depuis le projet de sa création
jusqu?à ce jour. En tant que deuxième parc de forêt au
monde et source de conflits, celui-ci est une préoccupation ancienne. La
domanialisation, l?expropriation et le déplacement forcé
survenues dans les années 56, 57 et 58, et même après
l?indépendance (1970), furent les modes d?acquisition de l?espace
où est érigé l?actuel PNS. Face à ces modes
d?acquisition, les réactions des indigènes ont été
observées à travers leur refus d?être indemnisés
ainsi qu?à l?opposition à la cession de leurs droits
indigènes sur les terres qui étaient domanialisées. Il
montre aussi les acteurs qui sont impliqués dans la gestion et
l?utilisation des ressources halieutiques du PNS, d?où la construction
d?un schéma actionnel pour montrer les logiques d?actions de ces acteurs
ainsi que leurs interactions autour des ressources halieutiques du Parc
National de la Salonga.
Enfin, le dernier chapitre concerne l?analyse du conflit du
parc entre protecteurs du parc et populations riveraines de Monkoto. Pour
comprendre ce conflit, nous analysons les mécanismes traditionnels
d?accès aux ressources locales, les stratégies utilisées
par les acteurs institutionnels pour gérer le PNS, la situation
socio-économique dans la région ainsi que les réactions
des acteurs locaux de Monkoto face au PNS et ses partenaires.
Nous terminons par une conclusion générale qui se
veut un rappel sélectif et critique de différents points de ce
travail en même qu?une réflexion en découlant.
Abstract
«Actors and interactions around fishery resources in the
Salonga National Park. The Luilaka river case in Monkoto territory
(DRC)».
This study in four chapters gives, first, a general
introduction to the DR Congo fauna and flora that helps to a better
understanding of the topic. We define the objectives, put up the problems and
formulate the hypothesis.
The second chapter presents the study theoretical and
conceptual framework. To do so, we refers to the abundant literature available
on land, environment, biodiversity and development, conservation and management
of natural resources, affecting directly or indirectly the Salonga National
Park management and exploitation, including fishery resources, in order to
understand the topic.
The third chapter traces a historical review of the SNP
project in link with the Monkoto local population since its inception to date.
As the world second largest forest park and a source of conflicts, it can be
viewed as recurrent problem. Domanialisation, expropriation and forced
displacement occurred in 1956, 1957 and 1958, and even after independence
(during 1970), were different means of acquiring space for the current SFN
project. With these different types of acquisition, the natives reactions have
been observed through their refusal to be compensated and opposition to the
sale of their indigenous rights on land that was domanialized. It also shows
actors involved in the SNP fishery resources management and utilization, with
the construction of a action diagram to show these actors logic of actions and
their interactions around the SNP fishery resources.
The final chapter gives an analysis of the conflict between
protecting the park and the Park surrounding populations from Monkoto
territory. To understand this conflict, we analyze the access to local
resources traditional mechanisms, the strategies used by institutional actors
to manage the PNS, the socio-economic development in the region and the
reactions of local actors to address the PNS and Monkoto territory partners.
A general conclusion of this study is proposed as a selective and
critical reminder of the different points and also as a way to think more
deeply.
Chapitre 0 INTRODUCTION GENERALE
0.1. Contexte de l'étude
Située de part et d?autre de l?Equateur entre
5°20? de latitude nord et 13° 27? de latitude sud, étendue
entre 4° 12? et 31° 00? de longitude est, la République
Démocratique du Congo constitue un vaste territoire d?environ 2.345.000
km2 entouré par neuf pays: la République
Centrafricaine, le Soudan, l?Ouganda, le Rwanda, le Burundi, la
République du Congo, l?Angola, la Zambie et la Tanzanie1.
Elle renferme une diversité exceptionnelle de milieux
naturels et une grande variété d?espèces incluant une
proportion élevée d?espèces endémiques. Plus de la
moitié des forêts denses tropicales du continent africain (soit
près de 135 millions d?hectares) se trouvent en RDC2, elles
occupent plus de 52% de l?étendue nationale et jouent, en plus du
rôle purement économique de la production de la matière
ligneuse, plusieurs autres rôles notamment sur le plan écologique,
culturel et social tout en fournissant d?autres biens et services dans le
domaine de l?alimentation et de la santé3.
Par ailleurs, la RDC dispose d?une abondante quantité
d?eau douce, représentant environ 52% de la réserve totale du
continent4. La gestion de l?eau est assujettie aux lois
n°73-021 du 20 juillet 1973 et n°74-009 du 10 juillet 1974, ainsi
qu?au décret du 06 mai 1952 relatif aux concessions et à
l?administration des eaux, lacs et cours d?eau.5
L?article 16 de l?ordonnance 73-021 telle que modifiée
et complétée par la loi 80-008 du 18 juillet 19806
prévoit que le lit de tout lac et celui de tout cours d?eau navigable,
flottable ou non, font partie du domaine public de l?Etat. Il en va de
même de l?eau des cours d?eau et des lacs, mais aussi des eaux
souterraines7. Les réserves pour la pêche sont immenses
et le stock halieutique n?est pas vraiment connu. Cette méconnaissance
du stock est couplée d?un système de pêche qui ne peut
déterminer les quotas dont les pêches sont irrespectueuses des
lois devenues elles-mêmes
1 RDC, MECNT (2009). Quatrième rapport national
sur la mise en oeuvre de la convention sur la diversité biologique,
Kinshasa
2 MALELE MBALA S. 2007 Intégrer les
questions de genre dans le secteur forestier en Afrique, R D Congo, FAO
3 RDC, MECNT (2009), Op. Cit. p.16
4 RDC, Ministère de l?environnement,
Conservation de la nature et Tourisme (2009), Etat des lieux de
l?environnement: Eaux.[
http://www.mecnt.cd]
5 RDC, Ministère de l?Environnement, Op. Cit. [
http://www.mecnt.cd].
6 Loi n° 80-008 du 18 juillet 1980, modifiant et
complétant la loi n°73-021 du 20 juillet 1973 portant régime
général des biens, régime foncier et immobilier et
régime de sûretés, Journal Officiel de la république
du Zaïre, 22è année, n° 15 du 1er Août 1980,
p3.
7 Voir l?article 18 de l?ordonnance n°73-021 du
20 juillet 1973, portant régime général des biens,
régime foncier et immobilier et régime de sûretés.
[ttp://www.leganet.cd/Legislation/Droitdebiens/Loi.73.02120.07.1973.htm].
obsolètes; en plus le service des eaux et forêts
lui-même compte un personnel vieillissant, peu motivé et peu
formé pour le suivi du stock halieutique, d?où l?exploitation non
planifiée et extensive des ressources halieutiques.
La RDC ne dispose pas encore d?une loi spécifique ou
d?un code de l?eau. Un projet intitulé << CODE DE L?EAU » est
en cours d?approbation au niveau du Gouvernement8.
Le World Conservation Monitoring Centre, un organisme relevant
du programme des Nations Unies, classe la RDC parmi les 17 pays au monde
[Australie, Brésil, Chine, Colombie, RDC, Equateur, Inde,
Indonésie, Madagascar, Malaisie, Mexique,
Papouasie-Nouvelle-Guinée, Pérou, Philippines, Afrique du Sud,
Etats-Unis, Venezuela] contenant une << méga-biodiversité
»9.
Cette situation est liée à l?immensité du
territoire (2.345 000 km2) et à la grande
variété des milieux et des conditions physiques et climatiques
qui y règnent. En effet, sa position géographique à cheval
sur l?équateur entre les latitudes 5°20?Nord et 13°27?Sud et
entre 4° 12? et 31° 00 de longitude Est10 lui
confère une large zonation climatique (climat équatorial, climat
tropical humide, climat tropical à saison sèche plus ou moins
marquée, etc.) qui, alliée aux conditions variées de
relief (allant de zéro mètre à l?embouchure du fleuve
Congo à 5119 m au Mont Ruwenzori) et de sol, se traduit par une gamme
largement diversifiée de biomes, d?écosystèmes et
d?habitat11
En termes de diversité des espèces en Afrique,
la RDC se place en tête pour plusieurs catégories taxonomiques: on
estime à 482 espèces de mammifères, 1086 espèces
d?oiseaux, 216 espèces de batraciens, 352 espèces de reptiles et
10 000 espèces d?angiospermes dont 3 000 seraient
endémiques12.
La faune ichtyologique du pays compte une quarantaine de
familles regroupant 1000 espèces, dont environ 80% vivent dans le
système fluvial et le reste dans les lacs de l?Est. Les taux
8 RDC. (2008) Conférence de Haut Niveau sur
l?eau pour l?agriculture et l?énergie en Afrique: les défis du
changement climatique, Rapport National d?Investissement, Syrte, Jamahiriya
Arabe Libyenne, 15-17 décembre 2008.
9 JANN WILLIAMS et al. (2001) Etat de l'environnement 2001,
rapport thématique sur la biodiversité, CSIRO, Australie.
10 RDC, MECNT (2009). Rapport intermédiaire sur
la mise en oeuvre de la convention relative à la biodiversité en
RDC, décembre 1997, p.7
11 RDC, Ministère des Affaires
foncières, Environnement, Conservation de la nature, Péche et
Foréts. Plans d?Action provinciaux de la Biodiversité, juin 1999.
Voir à ce sujet:
http://bch-cbd.naturalsciences.be/congodr/cdr-fra/contribution/straction/plandaction/province,
consulté le 17/02/2010.
12 RDC, Etat de la diversité biologique: Niveau de
connaissance, utilisation, gestion et menaces, Monographie nationale de la RD
Congo,
http://bch-cbd.naturalsciences.be/congodr/cdr-fra/contribution/monographie/intro.htm.
Consulté le 17/02/2010.
d?endémisme des espèces de poissons d?eau douce
dans les lacs et cours d?eau du pays sont estimés à
70%13.
Ceci justifie pour les organismes de conservation l?existence
d?un vaste réseau d?aires protégées (AP) à
l?intérieur du pays, comprenant sept Parcs Nationaux et une soixantaine
de domaines de chasse et réserves couvrant approximativement un peu plus
de 11% du territoire national14 et incluant 5 sites au Patrimoine
Mondial de l?UNESCO (Parc National des Virunga, Parc National de la Garamba,
Parc National de Kahuzi-Biega, Parc National de la Salonga, et la
Réserve de Faune à Okapi)15.
La gestion de la conservation des Aires
Protégées (AP) est confiée à l?Institut Congolais
pour la Conservation de la Nature (ICCN), qui a été crée
en 1975 et dont la politique de base en la matière fut établie
par l?ordonnance loi 69-041 du 22 août 1969 qui définit le statut
des parcs nationaux et des réserves. Ce statut fut modifié par
l?ordonnance n° 78-190 du 05 mai 1978 qui établit les statuts de
l?ICCN16. Cette gestion a été jusqu?à
présent, et en vertu des textes légaux, l?apanage exclusif des
services étatiques.
Il sied de noter qu?aucun des textes relatifs à la
faune et à la flore ne cite la nécessité de faire
participer les autres acteurs sociaux, notamment les communautés et
associations locales dans la gestion et la conservation des ressources
fauniques ainsi que dans le partage des bénéfices qui en
découlent, dont l?écotourisme.
Outre l?absence de participation des communautés
riveraines dans la gestion, on constate que les aires protégées
connaissent d?énormes difficultés liées à
l?insuffisance des infrastructures (immobilières et de surveillance),
des moyens humains et financiers, à la lourdeur de son administration,
et à des faits de guerre pendant lesquels la quasi-totalité
d?entre elles ont été visitées par les braconniers et les
différents exploitants (miniers, agricoles et forestiers).
L?ICCN n?a vraiment pas réussi à mettre en
application les plans d?actions de gestion et de conservation en rapport avec
sa mission officielle. Dès lors les causes directes de non-application
des plans d?actions sont: (i) l?exclusion de la gestion des aires
protégées des populations locales déplacées avant
ou après la création de celles-ci; (ii) la faible capacité
de l?ICCN: à titre illustratif, il existe actuellement au PNS 187
personnes reconnues officiellement, comprenant 7
13 RDC, Etat de la diversité biologique, Op.cit
14
http://www.unops.org/SiteCollectionDocuments
15 ICCN (2009). Rapport Annuel 2008, Direction
Générale, Institut Congolais de Conservation de la Nature,
Kinshasa, RD Congo.
16 ICCN Rapport annuel 2008, Op.cit (2009)
conservateurs, 129 gardes matriculés à l?ICCN,
18 travailleurs, 20 gardes pris en charge par la ZSM et 13 gardes parmi le
quota supplémentaire de prise en charge par le programme UNFUNESCO, mais
sans statut légal17, (iii) beaucoup de gardes n?ont pas
reçu de formation adéquate, ne possèdent pas de
connaissances et n?ont pas les moyens pour protéger les parcs nationaux
et réserves, (iv) les difficultés financières dès
la fin des années 1980, aggravées par les troubles politiques de
1991 et 199318, qui l?affaiblirent considérablement
jusqu?à perdre sa capacité à financer les salaires de ses
agents et les frais opérationnels de gestion et de surveillance des
aires protégées, (v) la rébellion dite << guerre de
libération » de 1996 et le conflit sous-régional (1998) dont
l?ampleur menaçait, non seulement de consacrer le démembrement du
pays, mais aussi d?embraser toute la sous-région des grands lacs; ainsi
les sites de l?ICCN ont été victimes d?occupation par certaines
populations déplacées, d?exploitation illégale des
ressources de la faune, ainsi que de perte et destruction du matériel
des aires protégées et réserves19.
La fracture politique et la répartition territoriale
qui suivirent les conflits armés eurent pour effet d?isoler de plus en
plus la Direction Générale de l?ICCN du personnel de terrain en
place dans les parcs et réserves, en l?occurrence ceux situés
dans la partie Est et Nord du pays20.
Devant toutes ces difficultés, l?ICCN s?est
récemment engagé dans la rédaction d?un Plan
Stratégique d?Action 2005-2009, d?une Politique et Plan de recherche
ainsi que d?une nouvelle Stratégie Nationale de Conservation en se
basant sur la coopération avec les communautés locales et les
autres partenaires pour le bien-être des populations congolaises et de
toute l?humanité21.
Ce passage des responsabilités du national au local est
plus développé dans le programme 14 de la Stratégie
Nationale de conservation intitulé << Promotion de la conservation
communautaire », et poursuit les trois objectifs spécifiques
suivants: (i) obtenir du législateur que la conservation communautaire
constitue un des mandats de l?ICCN, (ii) développer la stratégie
de la conservation communautaire dans et/ou autour des aires
protégées, (iii) impliquer effectivement les populations
riveraines dans l?exécution de la stratégie de la conservation
communautaire22.
17 UNESCO, Op cit, 2007
18 Cette période fut marquée par les pillages
perpétrés par l?armée et la population en septembre 1991
et janvier 1993
19 Rapport Annuel 2008, Direction Générale,
Institut Congolais de Conservation de la Nature
20 BENE et al. 2006. Rapport de l'étude des
activités de peche sur les rivières bordant le parc national de
la salonga en RD Congo et recommandations sur la mise en place d'une gestion
collaborative du parc par les communautés riveraines et l'ICCN,
Kinshasa-RDC
21 ICCN (2005) Stratégie Nationale de Conservation de la
biodiversité dans les Aires Protégées de la RDC
22 ICCN, 2005. Op. Cit.
0.2. Cadre de l'étude
Actuellement, plusieurs programmes se focalisent sur la
gestion et la conservation des ressources naturelles en Afrique.
L?Agence américaine pour le Développement
International (USAID) à travers son Programme de l?Afrique Centrale pour
l?Environnement (CARPE) a pour objectif stratégique de réduire le
taux de dégradation de la forêt et la perte de la
biodiversité par le renforcement des capacités des acteurs en
termes de gestion des ressources naturelles au niveau local, national et
régional23.
L?Union Européenne dans son programme «
renforcement des capacités de gestion de l?ICCN et appui à la
réhabilitation d?aires protégées en RDC » (ZR 4/1
d?UE-9 ACP), soutient l?ICCN à travailler avec les communautés
locales situées sur la périphérie du parc national de la
Salonga, dans le cadre de l?utilisation durable de leurs ressources
naturelles.
Le Partenariat des Forêts du Bassin du Congo (PFBC) a
pour but de fournir aux populations des moyens de survie durables par des
concessions forestières bien gérées, par une agriculture
durable..., en identifiant les opportunités de partenariat entre les
efforts de conservation et les besoins en gagne-pain de la
communauté24.
Le World Fish Center (WFC), au travers de son portefeuille
« Afrique de l?ouest et centrale », soutient les actions tendant
à améliorer les conditions de vie, à réduire la
pauvreté et à améliorer la sécurité
alimentaire des populations rurales par le biais du développement des
pêches artisanales.
Tous ces programmes soulignent toujours l?importance
d?associer les communautés locales dans toute action visant une gestion
durable des ressources naturelles.
Si ailleurs comme au Cameroun, Gabon, Congo-Brazza, etc. ces
programmes ont un impact visible sur le terrain, en RDC en
général et dans le paysage Salonga-Lukenie-Sankuru en
particulier, leurs actions ne sont pas visibles aux yeux des populations
locales qui sont misérables et enclavées. Ces dernières
pensent que ces bonnes intentions sont loin d?être transformées en
actions pour leur intérêt et que c?est plutôt le PNS qui est
au centre de l?intérêt commun des tous ces programmes.
23 CARPE, (2003) phase II :
http://carpe.umd.ed/how-carpe-works/historique,
consulté le 12/12/2009.
24
http://www.cbfp.org/acceuil.html.
Consulté le 12/12/2009
Mais quelques actions du CARPE25 telles que le
financement des études socio-économiques et biologiques de base,
ainsi que le programme de petites subventions, exécutées par le
WWF dans le paysage Salonga-Lukenie-Sankuru, méritent d?être
citées26.
En effet il est de plus en plus admis qu?une gestion durable
des ressources naturelles puisse constituer la base d?un développement
des communautés sous condition qu?elle soit fondée sur une
approche participative et que le développement prenne en
considération à la fois les aspects économiques,
environnementaux, sociaux, politiques et institutionnels27.
La meilleure façon de gérer les ressources
naturelles consiste à impliquer dans cette gestion les populations
locales vivant autour de ces ressources, ce qui pourra garantir le respect des
mesures de protection des paysages.
Bien que traditionnellement la création des parcs
nationaux ait eu pour but la protection de l?une ou l?autre espèce
faunique rare, la RDC doit aujourd?hui faire face à un double
défi: d?une part satisfaire les besoins de l?homme par rapport à
son milieu naturel et d?autre part maintenir la diversité et la richesse
biologique du territoire28.
L?histoire de la gestion des parcs nationaux au Congo remonte
à la création en 1925 du premier parc national, le Parc National
Albert, aujourd?hui Parc National des Virunga. A ce premier parc sont venus
s?ajouter les Parcs Nationaux de la Garamba et de l?Upemba, créés
successivement par décret royal en 1938 et 1939.
Cependant, la notion même de conservation de la nature
prendra de l?ampleur au Congo dès 1970 avec la création
simultanée de quatre nouveaux parcs nationaux : la Salonga, la
Maïko, le Kahuzi-Biega et les Kundelungu, et par la mise sur pied à
la même époque des structures organiques et juridiques
appelées à gérer ces réserves naturelles. Depuis
les années 70, existent toujours des conflits d?intérêts
qui opposent souvent l?organisation protectrice de la nature et les populations
vivant aux alentours des parcs nationaux29.
25 Il s?agit de l?appui de l?agence américaine pour le
Développement International (USAID) à travers CARPE selon les
termes de l?accord n° 623-00-03_00064-00 du Partenariat pour les
Forêts du Bassin du Congo (CBFP)
26 En 2006, neuf ONG locales du territoire de Monkoto furent
sélectionnées et financées dans le cadre du programme des
petites subventions, mais aucun programme de suivi ni d?évaluation n?a
été fait après ce financement.
27 ELLOUMI M. et al. (2006) << Développement local,
institutions et gestion des ressources naturelles : Le cas de la
communauté d?Ouled H?lel dans la délégation de Aïn
Draham »., Options Méditerranéennes, Sér.
A/n° 71, p68
28 LANDU N. Populations et forêts: comment concilier
les besoins locaux, régionaux et nationaux. Séminaire
FORAFRI, Libreville, Gabon
29 CTB, RDC (2007) << Nos forêts, notre avenir
». Magazine de la Coopération Belge en RD Congo, numéro
thématique sur les forêts du Congo, 1er juin 2007,
p.9
0.2.1. Problématique
En RDC, les parcs nationaux ont été crées
sans aucune forme de consultation des communautés indigènes
vivant déjà de leurs ressources. Elles en ont été
seulement expulsées et sont aujourd?hui les "populations
riveraines"30.
Le Parc National de la Salonga (PNS) est perçu par les
populations périphériques comme une entrave à la
subsistance et aux activités économiques des villages
déplacés lors de la création du parc et ceux ayant leurs
forêts et leurs eaux (étangs) dans les limites de celui-ci.
Ce déplacement de populations pose de multiples
problèmes d?identité culturelle, de recomposition familiale,
d?abri, de ressources ainsi que d?autonomie économique et de perte de
tout un patrimoine hérité de leurs ancêtres et qu?elles
doivent transmettre aux générations à venir.
L?interdiction d?accès à leurs anciennes terres
a été reliée à la baisse de la disponibilité
du gibier et des poissons car les villages ont été forcés
à concentrer leurs activités dans un secteur plus réduit,
partagé entre plusieurs populations
déplacées31.
Ces populations sont aujourd?hui face à une
marginalisation socio-économique de plus en plus importante et une
pauvreté chronique déjà très marquée. Elles
ont un fort ressentiment de spoliation et de rancoeur à l?égard
du parc et de ceux qui sont perçus comme ses protecteurs (agents de
l?ICCN)32.
Les limites du parc n?ont jamais été
matérialisées et sont sources permanentes de mésententes
et de tensions avec les populations locales.
Ces tensions sont souvent exacerbées par un
comportement inapproprié de la part des gardes du parc, qui sont
accusés « d?arrestations arbitraires », d?extorsions, de vol,
voire de viols33.
De plus, la non-résolution du problème de
personnes résidant dans le parc a fait que la gestion du PNS se
caractérise depuis longtemps par une série d? « arrangements
» qui sont en contradiction
30 VIKANZA K. P, (2004) Population, gestion des ressources
naturelles et développement dans la région du Nord-Kivu. Cas du
parc des Virunga en territoires de Beni et Lubero (RDC),mémoire de
DEA, UCL, Louvain-la-Neuve, p2
31 COLOM, ALEJANDRA. (2006). Aspects socio-économiques
de l?utilisation et de la gestion des ressources naturelles dans le paysage
Salonga-Lukenie-Sankuru: un guide pour la conservation et l?amélioration
des conditions de vie. Rapport non publié préparé par
WWF-République Démocratique du Congo p.12.
32 BÉNÉ C., GORDON, A., KAMBALA LUADIA, B. et
SAMAFU-SAMENE, A. (2006). Etude des activités de pêche sur les
rivières bordant le Parc National de la Salonga, RDC et Recommandations
sur la mise en place d'une gestion collaborative du Parc par les
communautés riveraines et l'ICCN, Kinshasa-RDC
33 WCS, 2004. Proposition pour la mise en place d'un
programme de conservation communautaire en faveur du Parc national de la
Salonga. Etude socio-économique détaillée-document de
synthèse, Wildelife Concervation Socity, Kinshasa DRC, 79p.
avec son statut de Parc National34, et crée
de l?hostilité envers l?ICCN de la part des communautés
riveraines qui ont accepté de quitter le parc lors de sa
création.
Le conflit entre l?organisation protectrice du PNS et les
communautés locales date de 1970, lors de la création même
du parc. Les populations autochtones ont été
déplacées massivement de leur milieu habituel (l?actuel site du
parc), laissant derrière elles terres, maisons, forêts, champs,
rivières et étangs, pour être concentrées dans les
nouvelles terres qui forment aujourd?hui les limites au parc.
Ce déplacement forcé, sans consentement des
populations ni mesures d?encadrement, n?a pas été
digéré par les populations victimes; elles réclament
toujours leur patrimoine. Cette expropriation de leurs espaces de survie est
aussi en violation avec la loi foncière qui impose la procédure
d?enquêtes préalables, et celle sur l?expropriation pour cause
d?utilité publique qui prévoit l?indemnisation préalable
et équitable.
Pour ce qui est des populations locales de Monkoto sous
étude, exclues de la gestion du parc, elles continuent à
revendiquer un droit d?autorité sur leurs anciennes terres et ressources
et à collecter les fruits et autres produits dans leurs anciens
champs35.
En plus de ces revendications, les politiques floues de l?ICCN
ont créé de véritables confusions, dans la mesure
où certaines coopératives et certains individus ont obtenu
l?autorisation de pêcher dans le parc en payant des taxes36
.
Depuis novembre 2009, la taxe de pêche a
été annulée de manière brusque et il y a eu
libéralisation de la pêche sur les deux rives de la rivière
Luilaka pour toute la population confondue (migrante et locale), par contre la
pêche n?est plus autorisée sur les plans d?eaux (rivières,
étangs) à l?intérieur du parc et cette prohibition
concerne toutes les populations riveraines de Monkoto y compris les six
groupements de l?ex-coopérative de Bongonda, signataires du protocole
d?accord. Ce qui favorise en plus un climat de mésentente et de
confusion à Monkoto.
34 Par exemple un des premiers conservateurs du bloc sud dans les
années 70 aurait autorisé les Iyaelimas résidents dans le
PNS à pratiquer leurs activités de chasse dans la partie du parc
au sud de l?ancienne piste Anga-Moundja (le long de laquelle les villages des
Iyealima sont installés. Cet accord officieux est aujourd?hui
considéré comme un acquis.
35 BENE et al, Op cit 2006
36 Il s?agit ici du protocole d?accord signé entre la
Direction Générale de l?ICCN et les membres de la
Coopérative de Bonganda à Monkoto, en 1990, dans lequel ICCN
accordait aux membres de la coopérative et leurs familles l?accès
aux eaux du parc pour y pécher, et ces derniers offraient gratuitement
leurs bâtiments en location à l?ICCN. En plus, tout individu qu?il
soit migrant ou local, pouvait pécher dans le parc moyennant paiement
d?une taxe.
Cette façon d?agir des autorités de l?ICCN, en
faveur de la protection du parc et la gestion des ressources halieutiques au
détriment des populations riveraines qui en dépendent, suscitent
à nos yeux une attention particulière et un questionnement: par
rapport à qui cette gestion des ressources halieutiques est-elle faite?
La protection du patrimoine naturel qui ne prend pas en compte le vécu
des communautés locales, peut-elle engendrer le développement
durable? Pourquoi l?ICCN, vingt ans après, prohibe t-il la pêche
dans les eaux du parc? Pourquoi l?autorise t-il sur les deux rives de la
Luilaka?
Les réponses immédiates peuvent être que
l?ICCN est désormais capable de prendre ses responsabilités en
main, c'est-à-dire qu? il a tous les moyens (financiers,
matériels et humains ) capables de lui permettre de surveiller
l?entièreté du PNS et de ne plus faire de compromis avec les
populations riveraines en matière de l?exploitation des ressources
halieutiques.
Et si cela est vrai, quelles stratégies pourra t-il
utiliser pour garder ce parc hors de toute activité humaine?, et que
dit-il du protocole d?accord signé avec les travailleurs de
l?ex-coopérative de Bongonda?
Face à toutes ces mesures, les populations locales se
sentent lésées, et pour leur survie, elles doivent
développer les stratégies pour faire face aux mesures de l?ICCN
étant donné qu?elles ont tissé des liens durables avec ces
ressources halieutiques bien avant la création du parc.
Les capacités institutionnelles actuelles de l?ICCN
sont telles que l?on dénombre 180 gardes en charge de la gestion et de
la protection du PNS, pour une surface de 36000 km2 (un territoire
plus grand que la Belgique), ce qui signifie 1 garde en fonction pour 200
km2 de forêt tropicale. Ces chiffres montrent clairement que
l?ICCN est loin de prendre ses responsabilités en main et de surveiller
à suffisance toute l?étendue du parc.
Les acteurs qui interviennent dans la gestion de ce parc se
trouvent face à un double défi de la gestion des ressources
naturelles dont halieutiques et de leur exploitation par des populations
riveraines pour leur subsistance et leur survie.
0.2.2. Questions de recherche
Dans le souci d?identifier et d?analyser les stratégies
d?acteurs dans la gestion et l?exploitation des ressources halieutiques du PNS,
la question fondamentale de recherche est la suivante : Quel type de
gestion des ressources halieutiques peut-on promouvoir pour satisfaire les
acteurs impliqués dans la gestion et l'exploitation des ressources
halieutiques du PNS?
Celle-ci sera appréhendée par l?analyse des
acteurs impliqués dans la gestion et l?exploitation des ces ressources
halieutiques et décortiquée par la suite en cinq sous-questions,
auxquelles le présent travail se propose d?apporter quelques
éléments de réponse, à savoir :
- Qui sont les acteurs impliqués dans la gestion et
l?exploitation des ressources halieutiques du PNS?
- Quelles sont les stratégies utilisées par l?ICCN
et ses partenaires pour la gestion des ressources halieutiques du parc national
de la Salonga?
- Quelles sont celles utilisées par les populations
riveraines de Monkoto pour l?exploitation des ces mêmes ressources?
- La logique qui les sous-tend est-elle favorable ou
préjudiciable à la gestion des ressources naturelles?
- Enfin, quelle est la nature des relations entre ces acteurs de
gestion et d?exploitation des ressources halieutiques du PNS?
0.2.3. Objectifs de l'étude
0.2.3.1. Objectif général
L?objectif général est de trouver un consensus sur
le type de gestion des ressources halieutiques capable de satisfaire tous les
acteurs impliqués dans la gestion et l?exploitation de ces
ressources.
0.2.3.2. Objectifs spécifiques
Deux objectifs seront atteints au terme de cette étude:
(i) Identifier l?ensemble d?acteurs impliqués dans la
gestion et l?exploitation des ressources halieutiques du Parc National de la
Salonga,
(ii) Déterminer les rôles de ces acteurs, leurs
interventions (stratégies) et leurs relations dans la gestion et
l?exploitation des ressources halieutiques.
Ce travail voudrait arriver non seulement à la
proposition d?un type de gestion satisfaisant des ressources halieutiques du
PNS, mais aussi à la prévention des conflits qui peuvent subvenir
en
l?absence d?une telle gestion, à la connaissance des
problèmes entravant la bonne gestion et la bonne exploitation des
ressources halieutiques du PNS.
0.2.4. Hypothèses de l'étude
(1) L?hypothèse générale de cette
étude considère que le déplacement forcé des
populations riveraines du territoire de Monkoto, en vue de la création
du parc, est à la base des conflits entre ces populations et les
institutions officielles de gestion du parc. A celle-ci s?ajoutent deux autres
secondaires :
(2) La non-implication des populations
déplacées dans la gestion des ressources naturelles du parc
accentue la méfiance en des institutions officielles par les populations
locales. En effet, l?exclusion de ces populations de la gestion du parc donne
lieu à des pratiques populaires traduisant leur réappropriation
des ressources halieutiques du parc, ainsi que leur non-reconnaissance de
l?autorité de l?ICCN sur la gestion du parc.
(3) La méconnaissance ou l?ignorance des limites
naturelles exactes du parc par les acteurs, qu?ils soient institutionnels ou
locaux, est source de conflits et de mauvaises relations entre ces acteurs.
L?on constate pour le moins qu?une interprétation différente des
limites du parc amène à la confrontation de deux logiques
divergentes: d?une part une logique formelle de non-exploitation, et l?autre
informelle, de l?exploitation des ressources, produite par les pratiques
populaires.
0.3. Milieu d'étude
La présente étude s?intéresse à la
situation actuelle dans le parc national de la Salonga entre les populations
riveraines de la localité de Monkoto, dans le territoire de
Monkoto37 et l?Institut Congolais de Conservation de la Nature
autour des ressources halieutiques du parc, sur la rivière Luilaka
bordant la limite nord du bloc Sud du parc dans le territoire de Monkoto (cfr.
figure 1)
0.3.1. Parc National de la Salonga (PNS)
Crée par l?ordonnance n° 70-318 du 30 novembre 1970
en vue d?assurer la protection des espèces endémiques, ainsi
que des populations des grands mammifères qui y vivent, le Parc National
de la
37 Monkoto est à la fois territoire et localité.
Les populations concernées par cette étude, sont celles de la
localité et non du territoire.
Salonga est situé au coeur de la cuvette centrale du
Congo, entre 1°00? et 3°30? de latitude Sud et 2°00? et
23°00? de longitude Est38.
0.3.1.1 Données biophysiques
D?une superficie de 36 560 km2, le PNS est la plus
grande étendue de forêt dense humide protégée
d?Afrique et la seconde au monde après le parc de Tummucamaque au
Brésil. Le parc est divisé en deux grands blocs (blocs Nord et
Sud), séparés par un couloir d?environ 50km de large où
ont été relocalisées une partie des populations
déplacées lors de la création du parc 39(cfr.
figure1).
Il s?étend sur les provinces de l?Equateur, du Bandundu
et de deux Kasaï, oriental et occidental ; comprend six secteurs de
surveillance dont les plus anciens sont les secteurs Nord et Sud avec
respectivement Monkoto et Anga comme stations-mères. Il est très
isolé et accessible principalement par voie d?eau ou par
avion40.
Le parc est situé dans un vaste bassin de
sédimentation, entaillé par un réseau hydrographique
relativement dense. L?ouest du parc se présente sous forme d?un plateau
à très faible relief, aux rivières larges, sinueuses et
aux rives marécageuses. Le parc est traversé par plusieurs
grandes rivières (Lomela, Salonga, Yenge, Loile, Luilaka, Losoy, Lokolo,
Lokoro, Luila) s?écoulant pour la plupart du sud-est au nord-ouest. A
l?est, par contre, le relief se relève sensiblement et les
vallées y sont encaissées41.
38 ICCN: Statut juridique du Parc National de la Salonga,
http://www.iccn.cd/index.php?option=comcontent&task=view&id=79
Consulté le 10/02/2010 à 11 h.
39 UNESCO 2007. Etat de la Conservation des Sites de Patrimoine
Mondial: Parc National de la Salonga, RDC. Rapport de mission, 27
février-10 mars 2007
40 Rapport du Comité de Coordination du Site (CoCoSi) sur
le Paysage Salonga-Lukenie-Sankuru, 2006
41 D?HUART, J.-P.1988. Parc National de la Salonga (Equateur,
Zaïre): Conservation et Gestion, Développement des
Collectivités locales. Rapport to IUCN, Gland, Switzerland, 64p.
Figure 1. Paysage-Salonga-Lukenie-Sankuru
Source : GIS-WWF RDC
C?est l?habitat de plusieurs espèces endémiques
menacées, comme le chimpanzé nain (Pan Paniscus), le paon
congolais (Afropavo Congensis), l?éléphant de forêt
(Loxodonta africana cyclotis), le glavial africain ou « faux crocodile
»42.
Sa faune halieutique est, de plus, abondante mais l?on se rend
compte par la littérature existante que les poissons du PNS sont,
jusqu?à ce jour, mal connus du monde des scientifiques. A l?heure
actuelle, on ne dispose que de très peu des données qui sont
d?ailleurs fragmentaires, issues de quelques études menées sur
l?inventaire systématique des poissons sur quelques rivières
environnantes du PNS.
Il s?agit notamment des inventaires de 2001 et 2003 sur les
rivières Salonga et Yenge, publiés par Inongwabini en 2005
où 56 espèces furent identifiées43 et celui sur
la biodiversité aquatique des
42 UNESCO. (2003) Brèves descriptions des biens
inscrits sur la liste du patrimoine mondial, Centre du patrimoine mondial
de l?UNESCO, Paris, France, p54
43 INONGWABINI, B.I. (2005). Fish of the Salonga National
Park, Democratic Republic of Congo: survey and conservation issues. Oryx
Vol 39 N°1, 78-81
rivières limitrophes du Parc National de la Salonga qui
a été effectué en 2006 par The American Museum of Natural
History (AMNH) de New York City aux USA pour le compte de WWF/RDC, où
129 espèces de poissons ont été identifiés dans les
rivières Luilaka, Salonga et Yenge44.
0.3.1.2 Contexte Socio-économique
La densité des populations humaines est relativement
faible dans le paysage du site45, estimée à 2,4
hab/km2, avec des concentrations localisées dans les villes
d?Oshwe, Dékésé et entre les deux blocs du parc (surtout
au nord de Monkoto). Ces densités sont fortement influencées par
la présence du parc national qui couvre 35% du paysage.
Deux groupes d?individus résident entièrement ou
partiellement dans les limites du parc. Il s?agit respectivement des
Kitawalistes46 formant un village d?environ 3000 à 4000
personnes. Ne reconnaissant pas l?existence du parc, ils y pratiquent chasse et
agriculture; leur présence en cette partie nord-est du bloc sud, remonte
au début des années 70, et les Iyaelima (appartenant à
l?ethnie Mongo), occupant 8 villages le long de l?axe Anga-Mundja dans le bloc
sud du parc. Installés dans la région depuis le XIX è
siècle ils ont refusé de quitter le parc lors de sa
création47.
Les liens avec les terres ancestrales et la reconnaissance des
droits traditionnels sur les forêts sont très présents chez
les populations vivant autour du parc.
0.3.1.3. Structures et capacités de gestion du
PNS
Les infrastructures sont très sommaires. La
majorité des maisons est en pisé, et dans le cas de la station de
Monkoto, elles n?appartiennent pas à l?ICCN. Rappelons que ces
infrastructures de Monkoto, les seules en matériau dur et appartenant
autrefois à la société agricole de Bongonda, sont
occupées par l?ICCN en « échange » de l?accès
aux ressources halieutiques du parc.
Le PNS est resté dans l?oubli pendant très
longtemps. Historiquement le PNS n?a reçu que très peu de
soutien en faveur de son développement depuis sa création,
contrairement aux sites du patrimoine mondial de l?est du pays. Les deux
guerres qu?a connues la RDC ont menacé la faune
44 MONSEMBULA IYABA, J-C. R. (2007) Inventaire et
exploitation ilicite de l'Ichtyofaune des rivières du Parc national de
la Salonga. Mémoire de DEA en Biologie, Université de
Kinshasa, p.15
45
http://carpe.umd.edu/resources/Documents/SalongaSOF2006fr.pdf
Consulté le 23/03/2010
46 C?est une secte dérivée des Témoins de
Jéhovah Américains (Watch-Over, « La Tour de garde »).
Je recommande de voir le site
http://universalis.fr/encyclopedie/kitawala/
47 UNESCO. Etat de la Conservation des Sites de Patrimoine
Mondial, Op cit, 2007
de ce parc et perturbé certains programmes de recherche
et de conservation qui y avaient été
institués48.
Ce n?est qu?au début des années 2000 que les
appuis extérieurs ont commencé à se mettre progressivement
en place, avec les partenaires tels que World Wide life Fund for Nature (WWF),
Wildelife Conservation Society(WCS), Zoological Society of Milwaukee (ZSM), Max
Planck Institue (MPI) et Lukuru Wildelife Research Projet (LWRP).
Plusieurs études essentielles en collaboration avec
l?ICCN ont été menées dans le PNS49:
l?inventaire de grands mammifères(ZSM), études
socio-économiques (WCS 2004, WWF 2005), l?analyse de capacités de
gestion de l?ICCN (Ilambo 2005); l?étude de pêche (WFC 2006),
l?étude des filières des Produits Forestiers Non-Ligneux et
agricoles (PACT 2006), et une enquête sur le commerce de viande de
brousse (WWF 2007). Le parc n?ayant pas encore bénéficié
d?études scientifiques poussées, la connaissance de sa
biodiversité demeure incomplète.
Photo1. Parcours de la rivière Luilaka
(juillet 2006)
48 Ici nous faisons allusion au Plan d?action régional
pour l?Afrique Centrale (PARAC) de l?UICN dont découla la conception du
programme ECOFAC. La composante Zaïroise de ce programme était
concentrée sur le parc national de la salonga avec comme
spécificité «la conservation et la gestion d?un parc
forestier par le renforcement des infrastructures régionales, la mise en
place d?une station de recherche et le démarrage en
périphérie de petites initiatives de développement».
A cause des événements politiques de 1991 et 1993, ce programme
n?avait pas démarré.
49 DRAULENS , D et VAN KRUNLESVEN, 2002. The impact of war on
forest areas in the Democratic republic of Congo. Oryx 36 (1): 35-40.
IUCN/WWF (1985). Rapport d?une Mission au Zaïre et Rwanda. IUCN/WWF,
Gland, Switzerland.
Tableau 1. Etat des lieux du Parc National de la
Salonga
Pression/Menaces
|
Conséquences
|
Efforts déployés
|
Résultats obtenus
|
Défis à relever
|
Contraintes
|
1. Occupation du parc par les populations riveraines (Yaelima au
Sud et Kitawalistes au Nord).
|
- Destruction de l?habitat. - Réduction de la faune
- Conflits entre parc et populations riveraines de Yaelima et
Kitawaliste.
|
-Lobbying / sensibilisation et négociation avec les
autorités politico
- administratives, militaires au cours de la tripartite
Bandundu-Equateur-K.-O.
|
- Pas de résultat.
|
- Obtenir l?évacuation pacifique des populations Yaelima
et Kitawaliste du parc.
|
- Non-implication du Gouvernement.
|
2. Contestation des limites du parc en certains
endroits.
|
- Conflits entre parc et populations.
|
- Education et
sensibilisation environnementale
- initiation du processus de la délimitation
participative
|
- la matérialisation participative de 24km de la limite
ALA-LONKINA.
- Accroissement de
l?accessibilité de l?axe Wafanya-Boleko.
- Constitution des comités de consultation locale.
|
- continuer la délimitation
participative pour toutes les limites du parc.
|
- Implication insuffisante des autorités
politico-administratives et coutumières.
- Intoxication politique de la population contre le parc.
|
3. Braconnage commercial intensif soutenu ou actionné
par les militaires, déserteurs et chasseurs professionnels.
|
- Diminution considérable de la faune.
|
- Continuation de la restauration progressive de
la surveillance grâce à l?appui WWF (achat
pirogues motorisées, ration brousse et carburant et prime
de performance).
|
-augmentation de couverture de degré de patrouille.
- Limitation du braconnage à certaines zones du parc -
maintien de la faune sous contrôle.
|
- Contenir le braconnage dans des proportions acceptables.
- Mettre sur pied un réseau efficient
d?information.
|
- Formation insuffisante, insuffisance et vieillissement du
personnel de surveillance. -Insuffisance d?équipement de brousse, des
matériels roulants et d?ordonnancement.
|
4. Pêche illicite dans le parc.
|
- Exacerbation des conflits entre parc et populations. -
diminution de la faune ichtyologique.
|
- augmentation de degré de couverture grâce aux
pirogues motorisées - sensibilisation de l?autorité provinciale
et de la population locale sur
l?utilisation durable des ressources naturelles.
|
- Attitude positive de la population pour la recherche d?une
solution concertée relative à la pêche.
|
- Instaurer un système concerté de gestion durable
de la pêche.
|
- Implication insuffisante des autorités
politico-administratives et coutumières.
- Intoxication politique de la population contre le parc.
|
|
Source: Rapport Annuel de l?ICCN, 2009
0.3.2. Territoire de Monkoto
0.3.2.1. Contexte actuel: Démographie et
organisation sociale
D?une superficie de 36 385 km2, le territoire de
Monkoto est situé dans la province de l?Equateur, district de la Tshuapa
entre 01° 37? Sud et 20° 39? Est. Sa population était
estimée en 2004 à 99 585 habitants contre 47 466 habitants en
199450. Il est divisé en trois secteurs et constitué
de groupes d?origines ethnique diverses, surtout des Mongo (majoritaires), des
Mbole, des Iyongo, mais aussi des Mpenge et des Nkase Kungu qui se sont fondus
progressivement dans un même moule linguistique et culturel Mongo.
L?histoire du peuplement de la zone située entre les
rivières Loile et Luilaka, n?est pas antérieur au 19è
siècle. De quatre groupes Mongo qui sont arrivés les premiers
dans ce secteur, deux groupes sont partis en raison de conflits internes et se
sont installés vers le Nord, dans le territoire de Boende; les deux
derniers sont devenus les groupements actuels d?Etete et de Mpenge, et ont
permis aux groupes qui sont arrivés plus tard de rester dans ce secteur
à cause de leurs racines communes51.
Tableau 2. Composition du territoire
Secteur
|
Nombre de groupements
|
Nombre de villages
|
Bianga
|
5
|
63
|
Monkoto
|
18
|
109
|
Nongo
|
5
|
67
|
Source: RDC, Ministère du Plan
50 RDC, Ministère du plan (2005) Monographie de la
province de l?Equateur, Kinshasa-RDC.
51 COLOM, AlEJANDRA. (2006). Aspects
socio-économiques de l'utilisation et de la gestion des ressources
naturelles dans le paysage Salonga-Lukenie-Sankuru: un guide pour la
conservation et l'amélioration des conditions de vie. Rapport non
publié préparé par WWFRépublique
Démocratique du Congo, p.136
Comme ailleurs dans le paysage, le transport par voie
terrestre est devenu difficile, les routes de la période coloniale
n?étant plus praticables, et les rivières sont les seules
alternatives viables pour l?évacuation des produits et les
déplacements vers d?autres milieux. Cependant, le secteur semble
être moins isolé que d?autres. Le nombre plus élevé
de ménages engagés dans le commerce ainsi qu?une participation
plus élevée des ménages, par rapport au reste du paysage,
dans les groupes communautaires (ONG, Associations des pêcheurs,
agriculteurs, Coopératives), ~ peut être lié à un
plus grand mouvement d?informations et d?acteurs externes voyageant à
destination et en partance de ce secteur.
Les autorités locales se composent d?un chef de
groupement, autorité traditionnelle reconnue localement et responsable
de différents villages reliés par des liens de clan, du chef de
localité, le représentant du gouvernement congolais au niveau du
village ainsi que du chef de terre et anciens du village (notables),
identifiés localement mais non considérés comme faisant
partie de la hiérarchie administrative de l?Etat.
Les autorités traditionnelles comme le chef de
groupement et le chef de terre exercent une influence significative sur
l?utilisation des forêts locales par les populations locales et voisines
; cependant, elles ont peu de contrôle sur l?utilisation des ressources
locales par des étrangers.
Le pouvoir traditionnel est transmis par la ligne paternelle,
mais pas nécessairement du père au fils le plus ~gé.
L?habitation est patrifocale, avec la plupart des femmes s?installant dans le
village de leur mari et utilisant leur terre.
0.3.2.2. Conditions de vie et d?existence des
populations riveraines de Monkoto
Il y a un paradoxe criant entre l?abondance des ressources et
l?état d?extrême pauvreté dans lequel vit la
majorité de la population riveraine de Monkoto. La pauvreté dans
laquelle cette population vit, fait qu?elle s?accroche encore à des
pratiques rudimentaires de production avec faible productivité, la
maintenant ainsi dans un état perpétuel de
paupérisation.
Ce paupérisme a pour causes immédiates la
redistribution inéquitable des bénéfices d?exploitation
des ressources et les faibles moyens et capacités de production au
niveau local. Les causes sousjacentes sont la non-implication des
communautés locales dans le processus de planification, le faible niveau
d?instruction, le recours aux procédés traditionnels de
production, le manque de transfert de technologie et la faible
productivité d?intrants.
Dans le même ordre d?idées, Raoul Monsembula
affirme que les problèmes d?exploitation des ressources halieutiques
dans cette zone sont liés « à l'utilisation des intrants
de péche non réglementés, à
l'usage massif des ichtyo toxiques (plantes et produits
chimiques), aux pratiques de pêche irresponsables (feux de brousse de
rives, pièges, vidange des frayères, ...), et au non respect du
calendrier de péche »52.
0.4. Méthodologie et approches
d'étude
0.4.1. Approches d'étude
Nous allons adopter une approche interdisciplinaire pour
pouvoir comprendre les logiques d?acteurs vu la complexité du sujet sous
étude. Cette approche permet de mieux comprendre le contexte d?ensemble
du processus de négociation à l?oeuvre et d?identifier les
dynamiques sociales et locales qui sous-tendent les logiques d?action des
principaux acteurs qui interviennent dans la gestion et l?utilisation des
ressources halieutiques du PNS. Pour ce faire, le recours à l?approche
historique nous permettra d?étudier les relations qu?il y a eu entre le
PNS et les populations qui ont été déplacées avant
ou pendant la création de celui-ci. Cette observation des relations dans
le passé permettrait d?expliquer la situation qui se vit actuellement
dans les villages périphériques du PNS.
Nous allons aussi utiliser l?approche socio-économique
pour comprendre la situation générale des populations riveraines
du PNS ainsi que leurs activités génératrices de revenus
pour la survie de leurs ménages pour lesquels la pêche semble
avoir un impact significatif53.
Enfin, le recours à une approche du
développement durable centrée sur les acteurs est d?une
importance capitale pour permettre de comprendre les stratégies et les
logiques d?action mises en place par les acteurs intervenant dans l?utilisation
et la gestion des ressources halieutiques du PNS afin d?expliquer les
interactions entre ces acteurs.
0.4.2. Démarche méthodologique
La présente étude se base sur le vécu des
populations riveraines du Parc National de la Salonga. A partir d?une analyse
des logiques des acteurs, nous essaierons d?expliquer cette
réalité pour mieux comprendre les rapports de force dans le
conflit qui sévit actuellement entre les populations de Monkoto et les
gestionnaires du PNS.
52MONSEMBULA, IYABA J C R. (2007) Op.Cit p. 53 BENE C.
et al Op. cit 2006
Pour sa réalisation, nous ferons recours
- A la recherche documentaire orientée vers les ouvrages,
publications, et activités scientifiques ayant trait au sujet sous
étude;
- Ensuite, nous nous référerons aux rapports de
terrain des études menées respectivement en 2005 et 2006: «
Aspects socio-économiques de l?utilisation et de la gestion des
ressources naturelles dans le paysage Salonga-Lukenie-Sankuru : Un guide pour
la conservation et l?amélioration des conditions de vie )) et
« Etude des activités de pêche sur les rivières
bordant le Parc National de la Salonga, RDC et Recommandations sur la mise en
place d?une gestion collaborative du parc par les communautés riveraines
et l?ICCN.)), pour le compte du Bureau national du World Wide Fund for
Nature en RDC (WWF); études auxquelles nous avions participé dans
la supervision de collecte des données sans savoir qu?un jour on aurait
pensé à aborder un sujet comme celui-ci;
- Enfin, aux informations fraîches issues de nos contacts
avec les responsables locaux de l?ICCN, les autorités administratives
locales ainsi que la population de Monkoto.
Chapitre 1 CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL
Le présent chapitre présente les concepts
retenus lors de la lecture de la littérature sur le foncier, la
biodiversité, la gestion et la conservation des ressources naturelles.
Au travers de ces concepts, l?on peut comprendre et expliquer la situation des
populations riveraines du territoire de Monkoto vis-à-vis des ressources
halieutiques du parc national de la Salonga, en RDC.
Comme on le sait, on rencontre une multitude de
définitions autour d?un phénomène donné, chacune
d?elles privilégiant, soit un aspect, soit un élément de
l?ensemble d?une situation donnée, la bonne définition restant
toutefois celle qui est conforme à la nature de la réalité
étudiée et qui ne convient qu?à elle
seule54.
En ce qui me concerne, les notions suivantes: gestion
foncière, biodiversité et développement durable,
protection de l?environnement, gestion et conservation des ressources
naturelles, développement local et pratiques populaires, ont davantage
attiré mon attention et constituent un support théorique et
conceptuel à la compréhension du sujet sous étude.
1.1. Aperçu historique du foncier congolais
La terre constitue un bien que l?on ne peut déplacer ni
faire disparaître. Elle porte en son sein des ressources
exploitées par les hommes, résultant de leur travail ou
disponibles à l?état naturel. De ce fait, la relation de l?homme
au foncier est avant tout un rapport entre les hommes, entre passé et
présent, fait de négociations, d?accords et parfois de
conflits.
En Afrique, les conflits fonciers sont multiples entre les
populations d?éleveurs et d?agriculteurs, entre les populations
autochtones et allogènes, souvent entre l?Etat et les chefs coutumiers,
parfois avec des répercussions sur la géopolitique de certaines
régions. Souvent ces tensions sont analysées comme des conflits
ethniques alors qu?elles relèvent de conflits d?usage sur les terres;
l?exemple le plus marquant étant celui de la région des Grands
Lacs.
54 MULAMBA T. 2003. Phénomène enfants de rue
à Kinshasa. Expression de l'atomisation de la solidarité
traditionnelle africaine, mémoire de D.E.S. en Anthropologie,
Université de Kinshasa
M. Cubrilo.et C. Goislard C.
soulignent bien que « Les affrontements des dernières
années de l'Afrique des grands lacs ne peuvent pas être
analysés sous le seul angle des rivalités interethniques. La
dimension foncière paraît constituer un élément
explicatif important55 ».
Les migrations qui ont eu lieu suite aux conflits et aux
massacres dans cette région très instable de l?Afrique, entre le
Rwanda, l?Ouganda, le Burundi et la RD Congo, sont également à la
base des graves tensions autour de l?accès à la
terre56.
En Afrique, c?est le pouvoir politique qui est l?acteur
foncier principal. Les Etats ont été mis en place dès
l?implantation européenne pendant l?époque coloniale et ont
hérité du droit européen le rôle juridique et
l?organisation des pouvoirs politiques. Alors que depuis longtemps, le foncier
africain était marqué par des formes collectives de
propriétés, interdépendantes de l?organisation
sociale57.
Ce qu?il faut savoir ici, c?est que la terre était
perçue différemment de la conception des Etats coloniaux: en
effet, dans la gestion traditionnelle, la terre n?appartenait pas à
l?homme; mais c?est plutôt l?homme qui appartenait à la terre,
cette dernière étant considérée comme une
propriété collective.
Le droit coutumier n?est pas capable de faire face au
phénomène d?individualisation des terres, de leur appropriation
et de la prise de conscience de leur valeur marchande. C. Blanc, en abordant le
foncier rural, montre qu?un arbre planté traditionnellement est
propriété personnelle du planteur et que la terre reste
propriété des ancêtres ou de leurs
représentants58.
Afin de bien exploiter les ressources naturelles et assurer
l?expansion du capitalisme, l?Etat a procédé à des
modifications de gestion des terres dites traditionnelles ou
coutumières, d?où sa maîtrise du foncier. Localement le
domaine foncier était géré par les sociétés
présentes sur des terres qu?elles considéraient
légitimement comme leurs propriétés.
Méprisée par les administrations coloniales, cette gestion
coutumière a été réorganisée et
modifiée par une éviction pour assurer la domination de l?Etat
sur les ressources naturelles et les populations locales59.
55 CUBRILO M., GOISLARD C. (1998). Association pour la
promotion des recherches et études foncières en Afrique.
Bibliographie et lexique du foncier en Afrique noire, Paris, p5
56 BOURGEOIS U. (2009). Une gestion des terres conflictuelle:
du monopole foncier de l'Etat à la gestion locale des Mongo Territoire
de Basankusu, RD Congo, Université d?Orléans.
57 BOURGEOIS U. 2009.Op.cit.
58 BLANC C., 1981. Le foncier rural. Ministère de
l?Agriculture, Côte d?Ivoire, 76 p
59 Aux yeux des colons, cette gestion semblait primitive dans ce
contexte où c?est la civilisation qui était signe de
modernité ou de nouveauté.
Pour les africains, cet affaiblissement du droit coutumier qui
n?est pas réellement relayé par le droit moderne est une preuve
de la dépossession de leur droit coutumier par l?Etat, lequel droit
repose sur une propriété collective du sol: le sol étant
sacré et inaliénable. L?exploitant n?avait souvent qu?un droit
d?usage du sol60.
Le problème foncier actuel est le fruit d?un
affrontement entre des logiques différentes de sociétés. A
la conception réductrice de la valeur de la terre à un bien
individuel, s?oppose souvent une conception communautaire plus ancienne mais
vivace61. Qu?en est-il de la RDC en matière de la gestion
foncière?
Les conflits de terre au Congo datent de la colonisation. En
effet, une analyse d?exploitation et de prolétarisation de la
paysannerie congolaise pendant la colonisation montre l?expropriation des
terres des collectivités rurales par le pouvoir colonial et les
résistances opposées par la paysannerie dans de nombreuses
régions62.
Il est intéressant de noter qu?avant même la
constitution de l?EIC, il existait au Congo deux types de terre: d?une part,
les terres occupées par les autochtones (communautés locales) et
régies par la coutume et, d?autre part, celles occupées par les
allogènes (commerçants portugais, hollandais, anglais), en vertu
des contrats passés avec les chefs de terres
indigènes63.
Pendant l?Etat Indépendant du Congo, une ordonnance fut
promulguée le 1er juillet 1885, selon laquelle, à partir de la
proclamation de l?EIC, aucun contrat ni convention passé avec les
indigènes pour l?occupation, à un titre quelconque, de parties du
sol ne sera reconnu par le gouvernement, ni protégé par
lui64. Dans le premier temps, l?EIC reconnut trois sortes de
terres:
Les terres occupées par les autochtones à titre
collectif ou individuel et conformément à leurs pratiques
traditionnelles (agriculture extensive et nomadisme, habitation.). Ces terres
furent soumises à la coutume.
60 DUPUY B., 1998. Bases pour une Sylviculture en forêt
dense tropicale humide africaine, Série FORAFRI, Document n°4,
CIRADForêt, France.
61 Le ROY E., 1991. « L?appropriation des systèmes de
production » In: L?appropriation de la terre en Afrique noire,
Collection Economique et Développement. Paris, France, Ed.
Karthala, p.27-35
62 MERLIER M. (1962) Le Congo de la colonisation belge
à l'indépendance, Maspero, Paris (réédition
par l?Harmattan, Paris, 1992).
63 SÉRAPHIN MATSHITSHI (2006). Présentation
de la Problématique du Foncier de la RD Congo. Promotion de la bonne
gouvernance et gestion foncière, 5è Conférence
régionale de Fédération des Ingénieurs
Géomètres- Topographes, Accra, Ghana, 8-11 mars 2006.
64 NOBIRABO MUSAFIRI P. 2008 «Dépossession des
droits fonciers des autochtones en RDC: perspectives historiques et
d'avenir» in Les droits fonciers et les peuples des foréts
d?Afrique, Forest Peoples Programme, Royaume-Uni.
Les terres en possession des non-indigènes: tous les
contrats y afférents datant d?avant le 1er juillet 1885 furent reconnus
valables. Ces terres furent enregistrées et soumises à la
législation de l?Etat.
Le reste des terres, constitué de terres vacantes,
forma le domaine de l?état et une partie constitua le domaine
privé. Alors que pour des sociétés locales, la culture
itinérante avec jachère longue et les zones de chasse
indispensable à l?équilibre alimentaire exigeaient de vastes
territoires en apparence non occupés65.
A la cession de l?EIC à la Belgique, cette
dernière s?est engagée à respecter les fondations
existantes au Congo, ainsi que les droits acquis légalement reconnus
à des tiers, indigènes et colons
européens66.
Après l?indépendance, le régime foncier est
marqué par deux périodes essentielles: ? Le maintien du
régime foncier colonial (1960-1973)
Aux termes de l?article 2 de la loi fondamentale congolaise du
19 mai 1960 relative aux structures du Congo, les lois, les décrets et
les ordonnances législatives, leurs mesures d?exécution ainsi que
toutes les dispositions réglementaires existantes au 30 juin 1960,
resteront en vigueur tant qu?ils n?auront pas été
expressément abrogés. Cette disposition a pratiquement reconduit
le régime foncier hérité de la colonie
belge67.
Une fois accédé à la souveraineté
internationale, le Congo s?est doté d?une loi aux répercussions
multiples et d?une importance considérable. Il s?agit de
l?ordonnance-loi n° 66- 343 du 7 juin 1966, dite loi
Bakajika68, « assurant à la République
Démocratique du Congo la plénitude de ses droits de
propriété sur son domaine et la pleine souveraineté dans
la concession des droits fonciers, forestiers et miniers sur toute
l?étendue de son territoire ».
Certes, la loi Bakajika annulait toutes les cessions et
concessions successivement accordées par l?état
indépendant du Congo, par la colonie belge et par tous les pouvoirs
concédants
65 PEEMANS J.P. (1973) Le rôle de l'Etat dans la
formation du capital au Congo pendant la période coloniale,
Institut d?Etude des Pays en développement, Louvain-la-Neuve.
66 SÉRAPHIN MATSHITSHI, 2006. Op. Cit.
67 SENDWE P. 2003 Loi Fondamentale Belge du 19 mai 1960
relative aux structures du Congo, Académia Bruylant
68 L?ordonnance-loi n° 66-343 du 7juin 1966 tire son nom de
« loi Bakajika » du député qui en a pris l?initiative
en rédigeant le projet initial.
avant le 30 juin 196069. C?est ainsi que
l?état congolais s?est vu reconnaître le droit de reprise des
droits fonciers, forestiers et miniers cédés et
concédés avant le 30 juin 1960; ceci même dans le cas de
droits de propriété dont les tiers (personnes physiques ou
morales) étaient devenus titulaires ou exerçaient des droits
subjectifs en participation avec l?Etat70.
· La rupture de l?actuel régime avec le
régime colonial
L?actuelle loi foncière en vigueur au Congo a
été promulguée par le Président de la
république le 20 juillet 1973 sous le n° 73-021 portant
régime général des biens, régime foncier et
immobilier, et régime de süreté, dont l?article 53
décrétait que « le sol est la propriété
exclusive, inaliénable et imprescriptible de l?Etat ». Elle a
été modifiée et complétée par la loi n°
80-008 du 18 juillet 1980 en abolissant en conséquence l?appropriation
privative du sol71.
Cette loi a introduit la domanialisation
(récupération) de toutes les terres par l?Etat congolais.
Cependant, elle promet de régler la question des terres des
communautés autochtones (communautés traditionnelles) par la voie
de l?ordonnance présidentielle72.
Chose étonnante, jusqu?à ce jour l?ordonnance
présidentielle n?est toujours pas promulguée pour sanctionner les
droits de propriété foncière des communautés
autochtones en République Démocratique du Congo. En outre, la loi
foncière indique clairement que « les terres occupées par
les communautés locales deviennent, à partir de l?entrée
en vigueur de la présente loi, des terres domaniales
»73.
Ces terres sont celles que ces communautés habitent,
cultivent ou exploitent d?une manière quelconque, individuelle ou
collective, conformément aux coutumes et usages locaux74.
Alors qu?à l?époque du Congo-belge,
l?organisation des populations était marquée par
des traditions. Ces dernières jouaient un rôle très fort
dans l?organisation des rapports sociaux, des
69 L?ordonnance-loi n° 66-343 du 7 juin 1966 dite «loi
Bakajika», a été complétée par une ordonnance
d?exécution invitant les bénéficiaires à introduire
des nouvelles demandes dans un délai déterminé. Les terres
(fonds) n?ayant fait l?objet
d?aucune demande ont été déclarées
«biens abandonnés» par le ministre de plan de l?époque,
en vertu d?un texte qui lui en donnait le pouvoir.
70 NOBIRABO MUSAFIRI P. 2008, Op. Cit.
71 Ordonnance-loi n° 73-021 du 20 juillet 1973,
publiée au journal officiel de la République du 1er
Avril 1974.
72 L?article 389 de la méme loi foncière stipule
que «Les droits de jouissance régulièrement acquis sur ces
terres seront réglés par une ordonnance du président de la
République».
73 Article 387 de la loi n°73-21 du 20 juillet 1973
74 Article 388 de la loi foncière de 1973
rapports avec la terre, avec la religion, ~ Le village
était considéré comme l?unité politique dominante,
et chaque village était indépendant75.
La grande majorité du pays est rurale. Le droit d?Etat
est principalement efficace en zone urbaine, contrairement aux campagnes et aux
forêts où la propriété des terres est
gérée par les populations locales elles-mêmes. Le foncier
est donc géré localement sans trop d?interférences avec
l?Etat76.
La gestion foncière telle qu?elle est pratiquée
par l?Etat en milieu urbain est parfois en opposition avec une gestion
foncière locale complexe. Entre un système foncier
hérité du droit européen « droit écrit »
et une gestion marquée par des pratiques foncières anciennes et
orales, il existe des divergences. Cette situation paradoxale suscite souvent
des conflits entre l?Etat congolais et les communautés autochtones quant
à la propriété et donc à la cession des terres.
En général la gestion des espaces forestiers en
RDC et dans et autour du PNS en particulier, est handicapée par la
superposition de deux logiques foncières: il y a opposition entre
régime légitime mais considéré comme
illégal, le régime « coutumier » et un régime de
droit moderne, instauré par l?Etat et toujours contesté par les
populations autochtones.
Selon les autorités de l?Etat, « le sol et le
sous-sol appartiennent à l?Etat ». Et pour les villageois, la
forêt leur appartient, ils déclarent très souvent: «
la forêt est le passé de nos ancêtres et l?avenir de nos
enfants », étant donné que les forêts constituent pour
les populations locales un réservoir vital d?où elles tirent
l?essentiel des éléments contribuant à leur subsistance,
matériaux de construction et pharmacopée.
Et pourtant, le principal texte légal qui régit
la gestion des ressources forestières en RDC est la loi 011/2002 portant
code forestier promulguée en août 2002 qui a succédé
à une réglementation coloniale (décret) datant du
11/04/194977.Ce code forestier de 2002 s?inscrit « dans la
logique des principes modernes de gestion des ressources forestières et
des conventions internationales en matière de l?environnement ».
Son objectif était de créer un cadre
légal qui permet, à la fois, à la forêt de remplir
en équilibre ses fonctions écologiques et sociales, à
l?administration forestière de contribuer substantiellement
75 IBAÑEZ DE IBERO C. (1913). La mise en valeur du
Congo belge, étude de géographie coloniale. Paris, Recueil
Sirey, p.75.
76 BOURGEOIS U.; 2009 Op.cit.
77 Présidence de la République, Loi N°011/2002
du 29 Août 2002 portant CODE FORESTIER, Journal Officiel-Numéro
spécial 6, Novembre 2002.
au développement national et aux populations riveraines de
participer activement à la gestion des forêts pour pouvoir en
tirer un bénéfice légitime78.
1.2. Biodiversité et développement
durable
Les années 1980 ont apporté un autre regard sur
la diversité du monde vivant. La première organisation
internationale à faire explicitement référence au
développement durable est l?Union Internationale pour la Conservation de
la Nature (UICN) dans son rapport sur la Stratégie Mondiale de la
Conservation publié en 1980. Ce rapport se fixait comme objectif de
« contribuer à l?avènement du développement durable,
fondé sur la conservation des ressources vivantes ».
Il soulignait qu?un développement durable
nécessite avant tout la conservation des écosystèmes qui
supportent ce développement79.
Le monde scientifique prenait conscience, par la même
occasion, que l?on ne pouvait traiter de la diversité biologique sans
faire référence au développement durable et que, pour ce
faire, il fallait que sciences de la nature et sciences de l?homme et de la
société apprennent à travailler ensemble.
Les scientifiques ont aussi réalisé que
préservation de la diversité génétique et maintien
des processus écologiques indispensables à la production des
ressources, à la santé et à d?autres aspects de la survie
et du développement durable, nécessitaient une réflexion
plus globale regroupant sous le terme de «diversité
biologique» ou biodiversité aussi bien la diversité
génétique que celle des
écosystèmes80.
Cette période fut aussi propice, pour les
scientifiques, à s?interroger sur des questions essentielles pour
comprendre comment se constitue ou se reconstitue cette diversité
biologique. Ce fut également le temps de la découverte, tant dans
le monde marin que dans les écosystèmes continentaux, en
particulier dans les forêts tropicales humides, d?une abondance et d?une
diversité biologiques bien plus élevées qu?on ne
l?imaginait jusque-là81.
L?ensemble des réflexions sur notre planète, sur
la faiblesse des inventaires concernant «nos richesses
naturelles», sur l?extinction accélérée des
espèces sous l?action de l?homme, ne sont pas
78 Loi N°011/2002 du 29 Août 2002 portant CODE
FORESTIER, Op. Cit., p.4
79 UICN, (1980) rapport sur la Stratégie Mondiale de la
Conservation.
80 BARBAULT, R. (2003). Les grands enjeux de
l?interdisciplinarité dans les recherches en biodiversité, in
«Journées de l'Institut Français de la
Biodiversité» Tours, 18-20 décembre 2003
81 LEFEUVRE, J-C. (2003). Biodiversité: Naissance d?une
science globale, in «Journées de l'Institut Français de
la Biodiversité», Tours, 18-20 décembre 2003.
étrangères au fait que le Sommet de la Terre de
1992 devait faire de la biodiversité et du développement durable
l?un de ses thèmes prioritaires82.
A la suite de ce sommet, plusieurs initiatives internationales
virent le jour. En l?occurrence, la signature par 173 Etats du programme
d?actions pour le 21ème siècle « Agenda 21 », qui
définit les principes qui permettraient de concilier les trois piliers
du développement, à savoir la protection de l?environnement,
l?efficacité économique et l?équité
sociale83 ainsi que toutes les conférences des Nations
Unies84: en 1994 au Caire sur la population; en 1995 à
Copenhague sur le développement social et à Pékin sur la
place de la femme; en 1996 à Istanbul sur l?habitat; en 1997 à
Kyoto sur les changements climatiques...; et enfin en 2009, à
Copenhague, encore sur les changements climatiques.
Bien avant de parler de la gestion de la biodiversité,
rappelons quand même la signification des concepts de «
biodiversité » et « développement durable ».
1.2.1. Biodiversité: concept multidimensionnel
Terme qui désigne les gènes, les espèces
et les écosystèmes85, la biodiversité est
définie comme l?ensemble des êtres vivants, de leur patrimoine
génétique et des complexes écologiques où ils
évoluent86. La biodiversité est un concept global qui
permet de poser un nouveau regard sur ce que l'on appelle patrimoine naturel,
biosphère ou tout simplement nature.
Cette définition montre le caractère multiforme
et multidimensionnel de la biodiversité. Le concept a d?abord
été abordé au niveau des espèces (pluralité
et nombre des espèces), du fait que l?espèce est l?unité
de classification du vivant, ensuite, il s?est élargi aux niveaux de
perception: supérieur (écosystème) et inférieur
(génétique) de l?espèce.
Quant à la CDB, « Diversité biologique
c'est la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris
entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres
aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie, cela
comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces
ainsi celle des écosystèmes87 ».
82 Conférence des Nations Unies sur l?Environnement et le
Développement, Rio de Janeiro, du 3 au 14 juin 1992.
83 Voir:
http://www.planetecologie.org/JOBOURG/Français/Agenda21Penser
Agir.html
84 Voir :
http://www.planetecologie.org/JOBOURG/Français/intro.html
85 On entend par écosystème, le complexe dynamique,
c.à.d en évolution permanente, formé des
communautés de plantes, d?animaux et de micro-organismes et de leur
environnement non vivant qui, par leurs interactions, forment une unité
fonctionnelle.
86 Centre National de Recherche Scientifique (1998). Dynamique de
la biodiversité et environnement, p.6.
87 Dossier de presse, Conférence internationale «
Biodiversité: science et gouvernance» de janvier 2005
Cette définition, se référant à la
« variabilité >>, tire son origine de la science
écologique, qui définit plusieurs indices de diversité.
Selon Mc Neely et al, Biodiversité se rapporte
plutôt à l'ensemble des organismes vivants ou de toutes
unités organisationnelles identifiables dans le monde vivant, et
même des processus biologiques auxquelles elles
participent88. Elle est un terme générique,
« an umbrella term >>, désignant même par extension
toute « la vie sur terre >>89. Cette définition
répond davantage aux préoccupations des « Conservationnistes
», qui désignent par là l?objet de leurs efforts de
protection.
L?on constate que le concept de biodiversité s?est
même élargi à une thématique qui englobe le champ
des interactions entre les sociétés humaines et le reste de la
biosphère90
Pour Di Castri et Younès, cités par
Barbault91, « le concept de biodiversité s'applique
à l'ensemble constituépar la diversité
génétique, la diversité des espèces et la
diversité écologique, ainsi qu'à ses
interactions.>>. La figure ci-dessous schématise ce concept
biodiversité.
Figure 2. Schéma du concept «
Biodiversité »
Diversité écologique
Diversité des espèces
Diversité génétique
Source: Di Castri et Younès
Pour Jean-Paul Ledant, il y a confusion entre aspects de la
biodiversité, entre échelles de perception et entre
définitions de la biodiversité. Une telle confusion handicape
l?efficacité et
88 Mc NEELY et al., (1990) Conserving the world's biological
biodiversity. IUCN, Gland; WRI, CI, WWF-US & The World Bank,
Washington
89 WCMC (1992) Global Biodiversity Status of the Earth's
living resources. Chapman & Hall, Londres.
90 AUBERTIN C. (2000) « L?ascension fulgurante d?un concept
iou >>. La Recherche. 333: 84-87
91 BARBAULT, R. (2003) Op. Cit.
l?efficience des efforts de conservation de la
biodiversité, dont les faibles performances sont illustrées par
la divergence entre l?expansion croissante des aires protégées et
le déclin continu des espèces que l?on souhaite
protéger92.
De même, lorsqu?il y a ambiguïté, le
discours dominant n?a plus de crédibilité auprès des
personnes vivant sur le terrain, que l?on cherche à persuader du
bien-fondé des actions de conservation93.
1.2.2. Développement durable
Il est souvent difficile de définir avec
précision le développement des Etats. Couramment, la
définition la plus citée est celle du rapport de la Commission
Brundtland (1987): « le Développement Durable se rapporte
à un mode de développement qui permet de répondre aux
besoins actuels de la population humaine, sans compromettre les
possibilités des générations futures de satisfaire les
leurs94 ».
Ce rapport décrit également le
développement durable comme un développement pourvoyant aux
besoins élémentaires des populations défavorisées
du monde et envisage l?économie dans la perspective de l?impact de
l?activité humaine sur l?environnement.
Deux concepts sont inhérents à cette notion: le
concept de « besoin », et plus particulièrement des besoins
essentiels des plus démunis à qui il convient d?accorder la plus
grande priorité, et l?idée des limitations que l?état de
nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité
de l?environnement à répondre aux besoins actuels et à
venir.
92 LEDANT J-P. (2005) « Etendre les aires
protégées, un objectif de développement? »,
Indicateurs pour un Développement Durable. N° 2005-4.
Institut pour un Développement Durable, Ottignies.
93 LEDANT, J-P (2007) Faut-il vraiment maximiser la
biodiversité? Institut pour un Développement Durable.
Ottignies.
94 BRUNDTLAND (1987) « Notre avenir à tous
» Rapport de la Commission mondiale sur l?environnement et le
développement, p.51
Figure 3. Schéma du concept «
développement durable »
vivable
Ressources naturelles, Ecosystèmes
Envir.
Qualité de vie, cohésion
sociale
Social
DD
Economie
Besoins, limitation des coûts
Equitable
viable
Source: conception personnelle, inspirée
du rapport Brundtland (1987)
La durabilité repose sur trois piliers principaux:
« l?efficacité économique », «
l?équité sociale » et « la prudence écologique
». L?efficacité économique vise la satisfaction des besoins
(alimentation, eau, énergie, emploi) ainsi que la limitation des
coüts; l?équité sociale vise la réduction des
inégalités de développement entre pays riches et pays
pauvres, la réduction des inégalités au sein des
sociétés, l?équité
intergénérationnelle, et la prudence écologique a pour
objectif de limiter les pollutions et les consommations des ressources
naturelles.
Les experts de l?UICN considèrent que les ressources
génétiques (essor des biotechnologies) constituent un potentiel
d?innovations et de profit important. Les forêts tropicales concentrant
une proportion importante de ces ressources, leur conservation entre dans une
stratégie de développement durable des pays du Sud. Ceci doit
officialiser un « Nouvel ordre économique » dans lequel les
pays du Sud entendent retrouver une certaine reconnaissance. Il s?agit
notamment du commerce des gènes, de la circulation des flux de capitaux
et des transferts d?innovations95.
95 BOISVERT V., VIVIEN F.D. (2008), Une solution marchande
à l'érosion de la diversité biologique , in H.
Guillemin, Echanges, Marché et Marchandisation, L?Harmattan.
Nous sommes à l?heure où la mondialisation de
l?économie accroît l?interdépendance des
écosystèmes de la planète, et donc de ses ressources
biologiques. Celles-ci sont essentielles à la fois pour les populations
locales, qui en vivent, et pour l?humanité dans son ensemble.
Pour certains auteurs << La difficulté est aussi
que des biens publics globaux aussi essentiels que la santé,
l?alimentation ou l?environnement peuvent être affectés, à
terme, par l?usage, privé ou public, qui est fait aujourd?hui, de la
diversité biologique »96.
Les bienfaits résultant de la biodiversité se
manifestent généralement sous la forme de services
écosystémiques (du complexe dynamique composé de plantes,
d?animaux, de micro-organismes et de la nature morte environnante agissant en
interaction en tant qu?unité fonctionnelle)97.
Les écosystèmes sains produisent une large
variété de biens, notamment des denrées alimentaires, des
matériaux de construction et des produits pharmaceutiques, mais aussi
des services, tels que la fertilisation des sols, la fixation du carbone, la
purification de l?air et des eaux, la fourniture de matériaux
génétiques et la maîtrise de l?érosion et des
inondations. Ces bienfaits de la biodiversité constituent des biens
publics locaux, nationaux ou mondiaux, qui, à ce titre, doivent
être réglementés au niveau approprié.
L?on constate aussi que l?accent est mis sur la
différence entre conservation de la biodiversité en tant que bien
public local et en tant que bien public mondial. Ces deux composantes du bien
public que représente la biodiversité sont souvent confondues ou
l?une des deux est ignorée. C?est cette confusion, ou cette
simplification, qui rend le débat sur la biodiversité obscur et
surtout qui empêche d?élaborer des solutions à la fois
équitables et efficaces98
Dès lors se pose la question de la
réglementation de l?accès et de l?usage de ces ressources.
Celleci doit intégrer un niveau global, pour tenir compte de
l?intérêt, présent et futur, de l?humanité, et un
niveau local, associant les pays et les populations concernées. Ainsi la
solidarité entre les générations s?étend à
la solidarité entre pays développés et pays en
développement, entre pays du Nord et du Sud, entre populations riches et
populations démunies, elle s?étend à la lutte contre
l?exclusion, au niveau international comme au niveau local99.
96 TROMMETER M. et J. WEBER (2003) << Biodiversité
et Mondialisation: défi global, réponses locales »,
Politiques Etrangères, p380-392
97 ONU(2004) Evaluation des écosystèmes pour le
Millénaire, rapport de 2004
98 PERRINGS C., MADHAV G. (2002) Sustainable and equitable
use of biodiversity : protecting the global and local public good, IDDRI,
Paris p.6
99 Voir :
http://www.planetecologie.org/JOBOURG/Français/Agenda21Penser
Agir.html
Quand on raisonne sur des espèces spécifiques
situées dans leurs aires de répartition, la fiction du libre
accès se heurte d?abord au principe de territorialité des Etats
et de leurs ressources, renforcé par la convention sur la
biodiversité de 1992, laquelle reconnait aux Etats la pleine
souveraineté sur leurs ressources naturelles et
biologiques100.
En effet, l?institution de véritables droits de
propriété a été initiée par la Convention
sur la diversité biologique , adoptée par Rio en 1992 et qui vise
trois objectifs: définir et appliquer des mesures incitatives pour la
conservation de la diversité biologique; favoriser les instruments et
actions allant dans le sens d?une utilisation durable de la
biodiversité; mettre en place des mécanismes et des instruments
permettant l?accès aux ressources génétiques et le partage
« juste et équitable » des avantages qui en sont
retirés. Afin d?atteindre ces objectifs, la CDB a défini trois
types de droits sur les ressources et les connaissances, à savoir:
- La souveraineté nationale sur les ressources
biologiques où les Etats ont la responsabilité de
légiférer en matière d?accès aux ressources
présentes sur leurs territoires, ce qui fait disparaître sans
raisonner, le caractère du bien public global.
- Les droits de propriété intellectuelle,
où le vivant devient brevetable, ce qui développe plus les
possibilités de valorisation économique des ressources
génétiques. Comme le montre bien Arnaud Diemer, « les
brevets permettent de générer des positions de monopoles, donc
des rentes substantielles (prix élevés), donc une forte
incitation à la conservation de la biodiversité (si
redistribution vers les populations locales!)101 ».
- Les droits de propriété des communautés
autochtones et locales, il s?agit ici de promouvoir les connaissances et les
pratiques de ces communautés. D?où la notion de savoirs
écologiques traditionnels.
Le principe du libre accès à la ressource est
devenu, dans les négociations préliminaires à cette
convention, un argument des pays industrialisés désireux de
maintenir un accès gratuit à la flore et à la faune
sauvage pour dénier aux Etats et populations concernées un droit
de propriété effectif sur les ressources génétiques
animales et végétales102.
100 Article 1er de la Convention sur la
biodiversité
101 DIEMER A. (2009) Du développement soutenable
à la préservation de la biodiversité: comment valoriser
les services écologiques? in Journées d?études,
« Biodiversité et gestion de l?espace », IUFM Auvergne, 13 mai
2009, p.18
102 SMOUTS M-C. « Un monde sans bois ni lois: la
déforestation des pays tropicaux », critique
Internationale, n°9, octobre 2000, pp 131-146
Toutefois, il existe une opposition entre le paradigme du Nord
et celui du Sud quant à la conservation de la faune sauvage. Marshall
Murphree103, démontre clairement qu?au Sud, la faune est
d?abord une ressource à valoriser pour permettre le développement
économique et social des populations qui vivent à son contact et
en subissent les nuisances; c?est lorsque la faune acquiert une valeur
économique qu?elle mérite d?être conservée.
Le même auteur ajoute qu?au Nord, la conservation est
devenue une activité spécialisée au sein d?une
société à dominante urbaine et technicienne. La nature y
est ce qui est mis << en réserve », i.e. ce qui n?est pas
destiné à être utilisé pour le développement,
mais y est conservé pour des usages récréatifs,
scientifiques ou pour la valeur esthétique qu?on lui prête.
Et comme l?affirme le professeur Daniel Compagnon, une
conception technicienne et marchande de la biodiversité (stock de
gènes pour l?agro-industrie et la recherche pharmaceutique de demain)
prend le pas sur la protection des écosystèmes comme condition de
la survie à long terme de l?espèce humaine104.
Généralement, dans la théorie
économique, on précise que la présence d?un bien public
requiert l?intervention de l?Etat. Toutefois, dans ce cas, les Etats sont
réticents à consacrer des ressources publiques rares à une
politique de conservation dont les dividendes leur échappent. C?est cet
état de fait qui serait, dans une perspective d?économie
libérale, à l?origine de la dégradation de la
biodiversité et qui aurait retardé la mise en place d?une
politique de protection105.
Pour Trommeter M et J. Weber, une concertation entre pays du
Nord et pays du Sud est donc plus que jamais nécessaire en la
matière, à la fois pour mettre en place une bonne gestion de la
biodiversité, et pour offrir à ces derniers un accès
réel et équitable aux marchés locaux, nationaux et
mondiaux106.
Si la biodiversité comme l?ensemble des richesses
génétiques, spécifiques (au sens d?espèces)
et écosystèmes, a une importance cruciale pour le devenir des
écosystèmes naturels, la
diversité génétique par contre, l?est peut-être
plus encore pour les humains, leur alimentation et leur cadre
103 MURPHREE M.W., (2000) << Ex Africa semper aliquid
novi? » Pour une nouvelle approche de la conservation », in
COMPAGNON (D.), CONSTANTIN (F.), dir. Administrer l?environnement en Afrique :
Gestion Communautaire, conservation et développement durable, Paris,
Karthala, pp.41-52
104 COMPAGNON D. (2001) << La conservation de la
biodiversité, improbable bien public mondial », Colloque <<
Les biens publics mondiaux», 25 et 26 octobre 2001, AFSP/Section
d?Etudes Internationales, France, p15
105 DIEMER A. (2009) Op. Cit. p.17
106 TROMMETER M. et J. WEBER (2003, Op. Cit.
de vie. Sa diminution entraîne un risque important en cas
d?épidémie ou de changement climatique107
La solution théorique passerait aussi par une
Convention Internationale, précisant des droits de
propriété encore mal définis. Il est clair que les
ressources de la biodiversité ont une valeur économique
potentielle, mais elles n?ont pas de propriétaires bien
identifiés, susceptibles d?en réguler l?accès et
l?utilisation.
C?est cette absence de droits de propriété
privés ou nationaux qui serait à l?origine des problèmes
de protection de la biodiversité108.
Boisvert et Vivien soulignent que la défaillance de la
structure des droits de propriété serait la cause de la
surexploitation des ressources naturelles. La notion de propriété
commune, étant associée à un libre accès et
à un gaspillage, la propriété privée se voit
conférer toutes les vertus régulatrices109
Les aires protégées, notamment
forestières, sont une nécessité pour la survie de
l?humanité. Elles constituent des réserves de gènes et
assurent la protection à long terme de la diversité
génétique. Si elles assument des fonctions sur les plans de la
science, de la récréation, du délassement et de
l?esthétique, elles sont également et surtout un besoin pour le
maintien des grands équilibres écologiques
mondiaux110.
En outre, la réduction de la déforestation
produit des avantages indirects évidents en matière de
préservation de la biodiversité et de réduction du risque
de catastrophes naturelles, telles que les inondations et les
sécheresses. D?où plusieurs conventions et déclarations
telles que la charte mondiale de la nature, la stratégie mondiale de la
conservation et la conférence de Rio mettent clairement l?accent sur la
nécessité d?assurer la protection de la biodiversité.
107WEBER, J. (1996) « Conservation,
développement et coordination : peut-on gérer biologiquement le
social ?», Colloque panafricain sur la gestion communautaire des
ressources naturelles renouvelables et le développement durable, Harare,
24- 27 juin 1996.
108 SEDJO R.A. (1992), «Property Rights, Genetic Resources
and Biotechnological change», Journal of Law and Economics, Vol
35, p.199-213
109 BOISVERT V., VIVIEN F.D. (2008) Op. Cit.
110 LANDU N. Populations et forêts: comment concilier
les besoins locaux, régionaux et nationaux. Séminaire
FORAFRI, s.d, Libreville, Gabon.
Avec le développement durable se sont imposés
depuis le début des années 1990 de nouveaux modèles en
matière de gestion des aires protégées et de conservation
de la biodiversité111, accordant une importance capitale
à la participation des populations locales à la définition
et la mise en oeuvre des politiques de conservation, et insistant sur
l?utilisation durable des ressources naturelles et des aires
protégées, comme modalité de protection112
Ce discours normatif, reflétant les pensées
dominantes de l?occident, est loin de se réaliser en RDC. Par rapport
aux 27 principes de Rio, les populations vivant dans et par les forêts
connaissent une extreme pauvreté due à l?exploitation
industrielle de leur environnement naturel.
La biodiversité est confondue avec les ressources
naturelles indispensables à des populations marginalisées,
souvent des crédits sont alloués pour des projets de
développement censés bénéficier à celles-ci,
mais biaisés en fonction des demandes étrangères et des
intérêts des experts, ce qui peut entraîner la
déviation des fonds de leur objectif légitime.
Et le tout premier des 27 principes adoptés au Sommet
de la Terre à Rio d?affirmer : « Les êtres humains sont
au centre des préoccupations relatives au développement durable.
Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la
nature »113.
Actuellement, deux objectifs cohabitent pour évaluer
les politiques en matière de conservation de la biodiversité.
D?un côté, l?Union européenne veut stopper l?érosion
de la biodiversité en Europe à l?horizon 2010. De l?autre, la
Convention sur la Diversité Biologique (CDB, 1992)114veut
simplement la ralentir. Les principales menaces pesant aujourd?hui sur la
biodiversité étant localisées dans les pays du Sud, il est
vraiment illusoire de vouloir stopper le déclin de la
biodiversité dans ces pays dans un si bref délai. Ma crainte est
que cette mobilisation européenne pour renverser le déclin de la
biodiversité reste bien vaine: l?objectif relève du pur symbole,
car aucun indicateur mesurable n?est mis en place pour le promouvoir et ne
permettra de vérifier s?il est atteint.
Le problème soulevé ici est celui de la gestion
pérenne de la biodiversité dans un contexte
de développement durable. Pour certains auteurs, en effet, la valeur
de la biodiversité résulte du seul
111 Il ne s?agit plus de soustraire les espèces et espaces
menacés à l?exploitation mais, bien au contraire, d?en faire des
leviers du développement local au moyen de stratégies de
valorisation économique adaptées
112 ANGEON V. et al (2007) La marque « Parc naturel
régional ». Un outil au service d?un développement local
durable et un modèle pour les pays du Sud ?, Afrique
contemporaine vol.2, N° 222, p. 149-166.
113 NATIONS UNIES (1992) Déclaration de Rio sur
l?environnement et le développement de principes de gestion des
foréts, texte adopté à l?occasion de la conférence
des Nations Unies sur l?environnement et le développement durable, Rio
de Janeiro, 3-14 juin 1990.
114 Voir
http://www.biodiv.org
fait de son existence, et non de l?usage dont elle fait
l?objet. Cette conception occulte le fait que la biodiversité est un
réservoir potentiel de médicaments, de denrées
agroalimentaires, etc.; elle fait aussi l?impasse sur la valeur d?usage qu?elle
représente pour les populations des pays en
développement115.
1.3. Protection de l'environnement
Dans la plupart des pays en développement, la
dégradation des ressources naturelles est intense. Elle se manifeste
notamment par la baisse de la fertilité des sols, la
désertification, la déforestation, l?épuisement des
ressources en eau et la réduction de la biodiversité.
La Communauté Internationale en général
et les Etats en particulier, ont considérablement pris conscience de
l?importance et de la nécessité de la protection de la nature et
de l?environnement. Il suffit, pour s?en convaincre, de compter le nombre
toujours croissant de conventions et accords internationaux conclus en
matière d?environnement.
Le concept de la protection de l?environnement est tellement
complexe que l?étudier demanderait à ce qu?on tienne compte de
trois différents aspects que prend le terme environnement:
l?environnement comme objet, l?environnement comme problème de
société et l?environnement comme système. Sans beaucoup me
lancer dans les définitions du concept environnement, je
m?intéresse au deuxième aspect: « environnement comme
problème de société ».
Comme l?aborde Paul Vikanza, l'environnement en tant que
problème de société renvoie à celui qui fait
l'objet des représentations sociales et d'usages, d'inquiétudes
et de demandes, de conflits et finalement d'une gestion politique
administrative116.
Le champ de l?environnement suscite la question de savoir comment
penser l?intégration des humains et des non-humains dans une même
représentation117.
Lier la protection de l?environnement au développement
participatif en Afrique incite à porter une attention
particulière aux représentations que se font les habitants
eux-mêmes des relations entre l?homme et l?environnement. Les rapports
avec les ancêtres comme avec les vivants font partie des relations
socio-écologiques.
115 WEBER, J. (1996) Op. Cit
116 VIKANZA, P. (2005) Op.cit. p24
117 GODARD, O. Le concept d'environnement, une
hiérarchie enchevêtrée , in LERRERRE, C. et R.
LARRERE, éd, la crise environnementale, Colloque tenu à Paris du
13-15 janvier 1994, Paris, INERA, 1997, 302 pages.
La terre et la végétation conservent des liens
durables avec ceux qui les ont travaillées et façonnées
dans le passé. Ces représentations ne s?expriment pas
forcément en concepts familiers aux scientifiques et planificateurs
modernes118.
C?est aux scientifiques de reconnaître l?interaction
qu?il y a entre l?être humain et la nature et le besoin fondamental de
préserver l?équilibre entre les deux afin que l?environnement
soit préservé sans compromettre la survie de l?homme.
Une question se pose, celle de savoir si la
biodiversité importe vraiment pour la gestion de l?environnement? Comme
s?interroge Jean-Paul LEDANT, dans quelle mesure les dégradations de
notre environnement biologique se réduisent-elles à une baisse de
biodiversité? Ou dans quelle mesure les problèmes qui se posent
en rapport avec notre environnement biologique sont-ils des problèmes de
biodiversité?119
En pratique, ce sont essentiellement trois questions qui
surgissent, lorsque l?on cherche à déterminer ce qu?il convient
de faire ou de corriger ce que l?on fait. D?abord il s?agit de porter un
jugement sur les situations ou les trajectoires d?évolution de
l?environnement que l?on souhaite ou redoute, ce qui renvoie à
l?évaluation. Ensuite, il faut pouvoir prédire l?impact des
interventions physiques sur le milieu, pour déterminer quelles actions
sont favorables. Enfin, il s?agit de déterminer comment faire en sorte
que ces actions soient entreprises120.
1.4. Notions de conservation des ressources
naturelles
Le concept de conservation n?a pas
bénéficié d?une définition dans la Convention sur
la diversité biologique adoptée lors du Sommet de la Terre
à Rio de Janeiro en 1992, alors qu?il fait partie des 3 buts principaux
du traité international à savoir la conservation de la
biodiversité, l?utilisation durable de ses éléments et le
partage juste et équitable des avantages découlant de
l?exploitation des ressources génétiques.
A cet effet, le concept peut contenir une diversité de
définitions. Pour notre part, nous épousons la définition
de la stratégie globale pour l?environnement biophysique et la
biodiversité qui parle de la conservation comme étant <<
la gestion de l'utilisation par l'homme de la biosphère permettant
aux
118 FAIRHEAD et al. (1994). << Représentations
culturelles africaines et gestion de l?environnement» in: L?homme et la
nature en Afrique. Politique africaine, Ed. Karthala, France, 11-25
119 LEDANT, J-P. (2007) Op.cit
120 LEDANT J-P (2007) Op.cit, p6
générations présentes de profiter des
bénéfices durables tout en maintenant son potentiel de
répondre aux besoins et aspirations des générations
futures >>121.
Le secteur de la conservation de la nature est soutenu par des
organisations internationales de conservation de la nature telles que l?UICN
qui a pour mission d?influencer, d?encourager et d?assister les
sociétés dans le monde entier, dans la conservation de
l?intégrité et de la diversité de la nature, ainsi que de
s?assurer que l?utilisation de ces ressources naturelles est faite de
façon équitable et durable, et le WWF qui assure la conservation
de la nature, en préservant la diversité génétique,
en veillant à ce que l?utilisation des ressources naturelles soit
durable, dans l?immédiat comme à long terme, en encourageant des
mesures visant à réduire la pollution et le gaspillage dans
l?exploitation et la consommation des ressources et de l?énergie.
Le secteur dispose également d?une large base de
financement international. Au nombre des acteurs clés figurent la Banque
Mondiale, la FAO, le FMI, le PNUD, le PNUE et l?UE, ainsi que quelques ONG
internationales.
Tous ces acteurs dominants prônent, d?une part, la
participation des populations locales dans la conservation et gestion des
ressources naturelles et, d?autre part, ils ont chacun leur vision de la
conservation; laquelle vision va souvent à l?encontre des attentes des
populations locales dépendantes de ces ressources naturelles.
En RDC, la conservation des ressources naturelles se
conçoit en termes des aires protégées plutôt que des
espèces à protéger. Conformément à l?article
1er de l?ordonnance-loi n°69-041 du 22 août 1969,
<< toute partie du territoire national peut être constituée
en réserve naturelle intégrale lorsque la conservation de la
faune, de la flore, du sol, des eaux et, en général, d?un milieu
naturel, présente un intérêt spécial et qu?il
importe de soustraire de ce milieu toute intervention susceptible d?en
altérer l?aspect, la composition et l?évolution
>>122.
Les forêts, la faune et la biodiversité de la RDC
sont des ressources stratégiques. Elles représentent une
source irremplaçable de protéines animales, de
médicaments, d?énergie domestique, de matériel de
construction et de revenus monétaires, et jouent de ce fait un
rôle
121 <<The management of human use of the biosphere so
that many yield the greatest sustainable benefit to current generations while
maintaining its potential to meet the needs and aspirations of future
generations: Thus conservation in positive, embracing preservations,
maintenance, sustainable utilisation, restoration and enhancement of the
natural environment.>> "Global Biodiversity Strategy: Guidelines for
Action to Save, Study, and Use Earth's Biotic Wealth Sustainably and
Equitably", 1992
122 Voir l?ordonnance-loi n°69-041 du 22 août 1969
important dans la vie d?environ 40 millions de Congolais,
spécialement des populations rurales et autochtones123.
Par conséquent, la manière dont l?Etat, les
populations, la société civile, le secteur privé et
d?autres acteurs interagissent dans l?accès à ces ressources
naturelles, dans le partage des responsabilités de gestion, du maintien
des droits coutumiers et de la jouissance des bénéfices
économiques, n?est pas équitable.
De nombreux problèmes de gestion des
écosystèmes naturels dans les aires protégées et en
dehors de celles-ci se posent; entre autre l?inefficacité du suivi et du
contrôle de l?application de la réglementation régissant
l?exploitation des ressources biologiques (effectifs insuffisants, peu
formés, sous-équipés), la démotivation du personnel
due à l?insuffisance et à la modicité du salaire, des
primes et autres avantages sociaux, la non-implication des populations locales
et riveraines des aires protégées dans les programmes de gestion
et d?aménagement des écosystèmes naturels, le cadre
institutionnel de gestion mal adapté et aux contours souvent mal
définis124.
1.5. Développement local
Parler de développement local est un concept à
plusieurs dimensions. Définir ce qu?il est constitue déjà
une gageure, et on en trouve autant de définitions que d?ouvrages qui
lui sont consacrés. Revenons à une des définitions
classiques, donnée par Jean-Philippe Peemans : « Le
développement local est un processus de mobilisation et utilisation des
ressources d'un territoire, dans lequel la population de ce territoire
définit à travers un cadre institutionnel approprié, son
rapport à la nature et son mode de vie, perfectionne son organisation
sociale (lien social), améliore son bien-être et construit son
identité (campagnes et villes viables) >>125.
Le développement local, c?est aussi un secteur
clé qu?il faudra prendre en compte dans cette recherche
d?intégration en vue des objectifs de la conservation et de la gestion
durable de la diversité biologique. C?est dans cette perspective qu?il
convient notamment de circonscrire l?implication des communautés dans la
gestion des forêts et des aires protégées. C?est ce qu?on
appelle la « gestion communautaire >>.
123 MULIMA K.D. (2009), Programme National forêts et
conservation en RDC: la Banque Mondiale accorde un don de 77 millions USD.
La référence du 01/06/2009/Economie.
Voir
http://www.digitalcongo.net/article
58478 pour plus de détail.
124 LUHUMU S. et KIYULU J. (2001) Intégration de la
problématique de la biodiversité dans le secteur forestier de la
RDC, in
l?Intégration de la biodiversité dans les
programmes nationaux de planification forestière, atelier international
tenu au siège du CIFOR, Bogor, Indonésie, du 13 au 16 Août
2001, p 17
125 PEEMANS J.-P., (2010), Cours d?Acteurs et Territoires en
Master Complémentaire en Développement, environnement et
Sociétés, 2009-2010, Institut de Développement,
Université Catholique de Louvain.
Cependant, trois points nécessitent d?être
clarifiés. Premièrement, d?un point de vue sémantique, il
y a lieu de faire observer la confusion possible que véhicule ce terme
<< gestion communautaire >>. << Communautaire >> peut
signifier << en commun >>, et dans ce sens il fait
référence à un système de gouvernance où les
responsabilités et les tâches sont reparties entre
différents groupes d?acteurs. Par contre, il a aussi un sens plus «
local » faisant référence à la <<
communauté >>, qui dans le vocable anglo-saxon peut aussi se
traduire par << community >>. Pris dans ce cas, le terme gestion
communautaire veut tout simplement dire << community-base management
>>, faisant référence à un autre système de
gouvernance, où cette fois les responsabilités et les
tâches reviennent à une quelconque << communauté
>>, limitant de facto le rôle des autres groupes
d?acteurs126.
Nous inclinons pour l?utilisation du terme dans le premier
sens, c'est-à-dire dans le sens d?une gestion « collaborative
», impliquant les différents groupes d?acteurs (acteurs
conventionnels de la conservation des ressources naturelles), mais aussi
invitant d?autres acteurs (nouveaux acteurs: communautés riveraines, ONG
locales, etc.) à s?impliquer dans cette gestion. Cette gestion
collaborative, dans le jargon anglo-saxon est aussi appelé <<
co-management >> (<< co-gestion >> en français), par
opposition au terme << community-based management >>.
Deuxième point, le concept de << gestion
collaborative >> ou << co-gestion », c?est en fait un nouveau
paradigme en termes de gouvernance des ressources naturelles et en particulier
de gestion des AP. Ce type de gestion est en train d?être mis en place
dans un nombre croissant de pays à travers le monde. L?approche «
co-gestion >> a été, ces dernières années,
très fortement soutenue par les bailleurs et les institutions en charge
des programmes de conservation de la biodiversité.
Cette forte soutenance a poussé les chercheuses
Aurélie Binot et Véronique Joris, à se poser la question
de savoir << dans quelle mesure « cette participation » des
populations au projet environnementaliste débouche-t-elle sur un
réel partenariat? >>127.Encore faut-il observer
attentivement pour se rendre compte de son impact sur la vie des
communautés locales.
Enfin, l?on constate que les concepts de «
communautés » et de « participation » ont
été conçus par les acteurs dominants, comme des
procédés par lesquels les organisations internationales de
conservation parviennent à la réalisation de leurs objectifs
déjà définis, bien avant la participation ou l?implication
des communautés locales, ces dernières étant
considérées comme une passerelle,
126 BENE C. et al. (2006), Op.cit. p.20
127 AURELIE
BINOT. et VERONIQUE JOIRIS (2006),
<< Règles d?accès et de gestion des ressources pour les
acteurs des périphéries d?aires protégées: foncier
et conservation de la faune en Afrique subtropicale >>. Colloque
international Les frontières de la question foncière-Atthe
frontier of land issues, Montpellier.
pour accéder au contrôle de leurs ressources
naturelles. Dans de telles conditions, l?on se demande si ce type de gestion
conduit à une amélioration ou au contraire à une
dégradation des conditions de vie des populations locales, et en quoi
les politiques de conservation ont des répercussions sur le
développement local ?
En effet, la présentation des projets de conservation
ou d?exploitation durable des ressources naturelles laisse voir clairement que
la notion de << populations locales >> à laquelle il est
fait référence dans la rhétorique conservationniste,
recouvre une conception stéréotypée; on retrouve cette
vision institutionnelle idéalisée et limitée des <<
populations locales >>128.
Tel que l?a bien souligné Olivier de Sardan «
~une généralisation sélective et abusive
s'opère, qui aboutit à une représentation biaisée
de la paysannerie, formée d'images enchantées ou
déformées de la réalité
>>129. Cette vision masque une conception monolithique de la
communauté, qui ne serait composée que de paysans ou
d?exploitants « locaux », irrémédiablement
sédentaires, dépourvus de salariés, fonctionnaires,
marchants, etc., et qui n?entretiendrait pas de liens économiques,
sociaux et politiciens avec « l?extérieur » et ses
représentants à l?étranger,...
Sous couvert de participation et d?autonomie, les populations
locales sont souvent en fait de simples exécutants. Dans la plupart de
cas, les cadres qui fixent les responsabilités des commissions et
modalités d?installation, sont apportés par les projets. Ces
populations locales sont considérées par les agents de
conservation comme si elles n?étaient que rurales, sans initiatives
concrètes, pourtant elles maîtrisent les connaissances et les
pratiques traditionnelles pour la conservation de la biodiversité et
l?utilisation durable de ses éléments.
En plus, les paysans connaissent bien la ville. Depuis des
années il y a relation entre ville et campagne. Ils ne sont jamais
enfermés, il y a le réseau populaire qui articule les
déplacements entre villes et campagnes, mais qui est invisible aux yeux
des autres acteurs. Ils ont une élite, qu?il s?agisse au sein des
villages ou à l?extérieur de ceux-ci, qui les a toujours
mobilisés face aux opportunités, et manipulés en faveur ou
en défaveur d?un projet.
Pour le cas de la population riveraine au PNS sous
étude, l?on sait que celle-ci connaît d?énormes
difficultés en ce qui concerne ses conditions de vie: importante
marginalisation sociale et économique, pauvreté chronique
très marquée, interdiction d?accéder à des
ressources dont elle considère avoir été spoliée,
de surcroit elle est enclavée et manque de tout.
128 AURELIE BINOT et VERONIQUE JOIRIS (2006). Op.cit. p.7
129OLIVIER DE SARDAN, J-P. (1995) Anthropologie et
développement: Essai en Sociologie-anthropologie du changement
social. Marseille: AFAD-Karthala, p.59-69
Dans ces conditions, comment parvenir à convaincre une
telle population qu?il est de son intérêt d?investir dans la
gestion du PNS et la conservation de ses ressources naturelles, en particulier
halieutiques?
La gestion et la protection de la nature, ne dépend pas
seulement de l?apport de financement des partenaires internationaux et/ ou des
politiques coercitives de l?Etat mais aussi de facteurs socioculturels,
économiques qui sont en étroite interaction. Elle n?est possible
que si les politiques des organisations conservatrices de la nature rencontrent
une réponse positive en termes de changement dans les comportements de
la population locale face à l?exploitation des ressources naturelles.
Cela nécessite donc à la fois une volonté politique et des
mesures sociales de la part de l?Etat pour mettre en place un mode de gestion
adapté, et au niveau de la population locale, un environnement social
qui rendrait possible l?adoption de nouveaux comportements.
Ceci doit aboutir à la négociation d?un terrain
d?entente et à une légitimation des intérêts et
préoccupations locales, offrant aux acteurs locaux davantage de
possibilités de manoeuvrer.130 Faute de politique non
négociée en matière de gestion et protection des
ressources naturelles, dans laquelle la population locale ne trouve pas son
compte, cette dernière adopte d?autres comportements et procède
à d?autres moyens pour faire face à cette gestion qu?elle juge
injuste, coercitive et imposée.
1.6. Pratiques populaires
Ce concept est présenté dans un contexte
purement africain, où les populations locales face à la crise de
l?Etat se montrent capables, dans certains cas, d?inventer un ensemble de
règles et de les rendre effectives dans le cadre d?un espace clairement
identifié131.
Les pratiques populaires sont des stratégies et
logiques des acteurs locaux, plus ou moins élaborées et
liées à des contextes définis par l?histoire ancienne et
récente, aux résultats de rapports de force, à la nature
particulière de la crise de l?Etat132. Comme le
déclarent Etienne Verhaegen et Patricia Vandamme, « Les
pratiques populaires ne sont pas un phénomène nouveau. Elles
existent depuis toujours et sont une réponse en permanente
évolution aux sollicitations externes ou internes que
130 VIKANZA P. (2004) Op.cit. p.39
131 PIERRE-JOSEEPH LAURENT et JEAN-PHILIPPE PEEMANS (1998),
Les Dimensions socio-économiques du Développement Local en
Afrique au Sud du Sahara : Quelles stratégies pour quels acteurs? ,
Le bulletin de l?PAD, n° 15, Les dimensions sociales et économiques
du développement local et la décentralisation en Afrique au Sud
du Sahara, mis en ligne le 20 Décembre 2006. URL:
http://apad.revues.org/document553.html,
consulté le 8 juin 2010
132 CHARLIER S. et al. (2004) Gouvernance locale,
économie sociale, pratiques populaires face à la
globalisation, Presses Universitaires de Louvain, p.25
l'homme appréhende dans son quotidien. Elles
peuvent etre le fait d'individus ou de groupes évoluant dans des espaces
divers: la famille, le clan, la tribu, la commune, la ville, le village, etc.
elles tentent de répondre à des préoccupations
indissociablement économiques, culturelles, familiales ou claniques.
» 133.
La grande caractéristique de ces pratiques, c?est la
mise en place de régulations originales destinées à
sécuriser les acteurs populaires concernés. Souvent
derrière les pratiques populaires, on peut vivre deux
réalités, à savoir : (i) la ruse des institutions qui
détournent et instrumentalisent ces pratiques populaires en les fondant
dans les objectifs définis par leurs propres projets; et (ii) la
dynamique inverse où les pratiques populaires montent des
mécanismes propres pour contourner et détourner le projet des
institutions. Donc elles rusent et déjouent à la fois.
133 VERHAEGEN E. et PATRICIA VANDAMME, « Ruses
institutionnelles et détournement des pratiques populaires»,
atelier 1, p55 in CHARLIER S. et al. (2004) Gouvernance locale,
économie sociale, pratiques populaires face à la
globalisation, Presses Universitaires de Louvain
Figure 4. Actions mises en oeuvre sur le terrain par
opposition au niveau de la rhétorique conservationniste
Niveau conceptuel
Niveau de la pratique
Activités proposées aux populations
Niveau de la pratique locale
Développement durable
Gestion participative
Aménagement du territoire
Configuration étatique, para étatique de projet
Réalisations concrètes
Logiques et stratégies d'acteurs
Appropriation des réalisations concrètes
Lutte contre la pauvreté
Source: Inspiré de JOIRIS D. V. (rapport
annuel n°3 GEFAC, 2006) 1.7. Conclusion
partielle
A la fin de ce chapitre, sur le cadre théorique et
conceptuel, il sied de démontrer l?essentiel des points abordés
jusqu?ici.
La gestion foncière telle qu?elle est pratiquée
par l?Etat congolais en milieu urbain est parfois en opposition avec une
gestion foncière locale complexe. Cette situation paradoxale suscite
souvent des conflits entre l?Etat congolais et les communautés
autochtones quant à la propriété et donc à la
cession des terres.
En général la gestion des espaces forestiers en
RDC, dans et autour du PNS en particulier, est handicapée par la
superposition de deux logiques foncières: il y a opposition entre
régime légitime mais considéré comme
illégal, le régime « coutumier » et un régime de
droit moderne, instauré par l?Etat et toujours contesté par les
populations autochtones.
Selon les autorités de l?Etat, « le sol et le
sous-sol appartiennent à l?Etat » alors que pour les villageois,
la forêt leur appartient et ils déclarent très souvent:
« la forêt est le passé de nos
ancêtres et l?avenir de nos enfants », étant
donné que les forêts constituent pour ces populations locales un
réservoir vital d?où elles tirent l?essentiel des
éléments contribuant à leur subsistance, matériaux
de construction et pharmacopée.
Dans le paysage Salonga-Lukenie-Sankuru, nous assistons
à une gestion soumise au principe de la domanialité publique, qui
postule que seul l?intérêt général de la protection
de l?environnement soit privilégié. Dans cette perspective, aussi
bien les normes que les institutions sont élaborées et mises en
oeuvre par l?Etat, le régime de gestion étant étatique et
excluant la participation des particuliers, cela au détriment des
intérêts des populations locales.
Il y a lieu d?harmoniser les rapports entre les populations
locales et les zones protégées afin d?éviter des conflits
de gestion des terres et de mieux préserver la diversité
biologique, notamment en organisant des activités de
développement social et économique en faveur des populations
vivant à la périphérie ou même à
l?intérieur du parc et des zones protégées.
Dans une perspective de développement durable, l?enjeu
est de maximiser durablement et équitablement non pas la
biodiversité (variabilité), mais les services
écosystémiques, tant planétaires (conservation des
espèces, régulation du climat) que locaux, sans les confondre ni
confondre les « bénéficiaires » et leurs attentes
respectives. Donc, il s?agit ainsi de gérer la «
biodiversité » au sens large, en tant que biosphère, mais
non de la maximiser (car n?étant pas quantifiable) même
strictement, de la protéger.
Il en est de même pour l?environnement, il n?est pas
menacé de disparaître mais se transforme, dans des directions plus
ou moins défavorables, et ce sont ces transformations qu?il nous faut
maîtriser dans un esprit de développement durable: pour une
satisfaction équitable des besoins du présent, sans compromettre
les capacités de subvenir à ceux des générations
futures.
Il faut souligner la nécessité d?allier
l?exploitation des ressources biologiques au développement durable en
mettant en place un programme cohérant de gestion susceptible de
garantir la pérennité des ressources renouvelables mises en
exploitation, et d?opérer un choix stratégique en ce qui concerne
le développement local organisé sur la
complémentarité et la solidarité des territoires ruraux et
urbains.
Chapitre 2 HISTOIRE DU PARC NATIONAL DE LA SALONGA FACE
AUX POPULATIONS LOCALES
Dans le présent chapitre, il sera question de
présenter la situation actuelle du PNS au travers des stratégies
ou logiques d?action utilisées d?une part, par les représentants
de l?état et, de l?autre, par les intervenants du milieu
c'est-à-dire les populations riveraines de Monkoto en vue de faire
adopter leur vision respective des enjeux lors de la gestion ou de
l?exploitation des ressources du parc. Cette situation ne peut être
rendue claire qu?à partir d?une compréhension et description des
événements qui ont marqué les populations locales de
Monkoto dans l?évolution historique du PNS, depuis sa création
jusqu?à nos jours, ce qui pourra nous permettre de comprendre le conflit
qui existe entre les populations locales et l?ICCN.
2.1. De la création du Parc National de la
Salonga
Il s?agit ici de décrire et expliquer les
événements qui ont marqué l?histoire de la création
du PNS face aux populations riveraines. Les faits qui y sont relatés
proviennent principalement des documents d?archives du PNS obtenus
auprès des autorités coutumières, des autorités
locales administratives, des articles et correspondances entre les
autorités de l?Institut National des Parcs du Congo belge et les
ministères des colonies, des terres et mines, de l?agriculture, et
surtout de l?histoire orale des anciens notables, témoins oculaires de
tous ces événements, les écrits sur l?origine du PNS
étant rares ou inexistants.
2.1.1. Les origines de la création
Les origines de la création du Parc National de la
Salonga remontent aux années 1956 avant même l?indépendance
du Congo belge. A cette époque, il y avait déjà
échange de correspondances entre le Ministre des colonies à
Bruxelles et le Gouverneur général du CongoBelge à
Léopoldville, en ce qui concerne le projet de création d?un Parc
National à la Tshuapa « Parc National de Monkoto »
également dénommé « Parc National Tshuapa ».
A la même période, on pouvait déjà
constater des déplacements massifs d?indigènes, de leur milieu
habituel vers d?autres villages en vue de l?implantation du futur parc de
Monkoto. Comme on peut le constater dans sa lettre N° 522/004648 du 11
février 1957, le Gouverneur général du Congo-Belge y fait
mention au Ministre des Colonies en ces termes:
« J'ai l'honneur d'accuser la réception de votre
lettre n° 411/278/Agri du 24 décembre 1956, ayant trait à la
création d'un Parc National à la Tshuapa.
Je n'ai pas d'objections à formuler en ce qui
concerne la création de ce parc, à condition que l'enquéte
confirme qu'il ne subsiste vraiment aucune occupation indigène. D'autre
part, la question se pose de savoir si les indigènes
déplacés dans les paysannats ont vraiment renoncé à
leurs droits sur les territoires qu'ils ont quittés. Ils devront, en
tout cas, assister à l'enquéte >>134.
2.1.2. Les objectifs visés à la
création du PNS
Au départ, la création du Parc visait un seul
objectif : c?était pour des raisons scientifiques. C?est ainsi
qu?à l?occasion d?une mission de l?Institut Géographique du Congo
Belge (IGCB) dans la région, l?Institut des Parcs Nationaux du Congo
Belge demandait la couverture photographique du parc comme « instrument
indispensable à l?étude scientifique ultérieure de cette
réserve naturelle >>135.
Dans sa correspondance à Monsieur le conservateur des
titres fonciers à Mbandaka, sur la transmission des
procès-verbaux de vacance des terres destinées à la
création du « Parc National de Monkoto >>, le Directeur Chef
de Service du Ministère des Terres, Mines et Energies des Titres
Fonciers, indique clairement cet objectif en ces termes:
« Cette transmission urgente vous est demandée
pour permettre à Monsieur le Ministre des Terres, Mines et Energies de
mettre ces terrains à la disposition de l'institut de Primatologie, par
le canal de l'Office de recherche Scientifique >>136
« · en attendant, vous devez maintenir le
statu quo car il est probable que la décision sera maintenue de
créer ce Parc qui servira beaucoup moins à des buts touristiques
qu'à des buts scientifiques. Il s'agit en effet d'un des plus beaux
vestiges du monde de la forêt primaire >>137.
Il est clairement indiqué par le WWF dans le Bulletin
des grands singes d?Afrique, je cite, que «Salonga, un site du
patrimoine mondial de 36 000 Km2 (environ la moitié des
Pays-Bas), est le seul parc
134 Extrait de la réponse du Gouverneur
Général du Congo-Belge à la lettre du ministre des
Colonies à propos de la création d?un Parc National à la
Tshuapa. Lire l?entièreté de la réponse en annexe.
135 Lettre du 17 mai 1957 de l?Institut des Parcs Nationaux du
Congo Belge, communiquée par dépéche n° 312/1829 du 8
juin 1957.
136 Extrait de la lettre N° TME/T.F/Dir./0652 du Directeur
Chef de Service des Terres, Mines et Energies au Conservateur des Titres
Fonciers à Mbandaka, 14 décembre 1968, paragraphe 3.
137 Extrait de la lettre N° MAF/T.F/Dom./00222 du Directeur
Chef de Service des Terres, Mines et Energies au Conservateur des Titres
Fonciers à Mbandaka, le 5 juin 1969, paragraphe 3.
national situé dans l'aire de répartition du
Bonobo. Il a été créé en 1970 spécialement
pour la sauvegarde du Bonobo >>138.
Présent dans les musées depuis 1881, le bonobo
<< Pan Paniscus >> ne fut officiellement décrit, au rang
spécifique, par Schwarz, qu?en 1929. La littérature rapporte
toutefois que c?est le célèbre primatologue R. Yerkes qui fut le
premier à en donner les caractéristiques en
1925.139
Le deuxième objectif visé avait des buts
touristiques, vu que ce parc est un des plus beaux vestiges du monde de la
forêt dense; mais il ne dispose d?aucune voie d?accès facile et il
faut bien convenir que, dans les circonstances présentes, son
intérêt est fort limité et sa rentabilité
économique, fort douteuse.
Bien qu?il ait été prévu initialement
qu?une étendue de l?ordre de 14.790 km2 ferait l?objet de 14
enquêtes de vacance distinctes, soit en principe une par groupement, sur
les territoires de Monkoto et de Bokungu, pour la création du <<
Parc National de Monkoto >>, la superficie en cause se trouve finalement
réduite à quelques 6. 475 km2 couvrant au total 5
blocs contigus de forêts dans le territoire de Monkoto (Yongo-Yela et
Boondo-Buene, Yongo-Nongo, Bolengangele, Nongelokwa, Nkwala Nord), plusieurs
entités foncières ayant refusé de céder tout ou
partie de ce qu?elles considèrent comme leur domaine ancestral.
Signalons que dans le bloc de Mundji-Yafé (territoire
de Bokungu) l?enquête de vacance avait recueilli l?accord des
ayants-droit coutumiers moyennant versement d?une indemnité de 700.000
Francs (700 Zaïres), qui malheureusement, fut estimée
exagérée par le service de l?agriculture, demandeur du terrain
qui, finalement, renonça au projet pour ce bloc; et l?étendue du
parc fut donc réduite au seul territoire de Monkoto avec ces 5 blocs
(cfr tableau 3).
Par ailleurs ces enquêtes de vacance furent
précédées d?une vaste opération de regroupement des
populations du territoire de Monkoto, dont la dispersion extrême
empêcha son épanouissement au point de vue politique,
économique et social.
Cette situation où la superficie totale
considérée comme libre des droits coutumiers était
estimée à 6. 000 km2, réduisant ainsi la
superficie du futur Parc National de Monkoto, n?a pas enchanté les
autorités administratives.
138 WWF/PJ STEPHANSON (2005) Bulletin des grands singes
d'Afrique. Les dernières nouvelles du programme du WWF pour les
grands singes d?Afrique, Numéro 1-Janvier 2005, Gland, Suisse, p.2 Voir
aussi ce document sur le site :
http://www.panda.org/africa/apes
139 GAUTIER-HION A., LOLYN M. et J.P. GAUTIER (1999) Histoire
naturelle des Primates d'Afrique Centrale, Backhuys Publishers,
Netherlands, U.K., p96
Il fallait alors procéder à l?extension du Parc
National par la poursuite de la procédure de domanialisation
abandonnée depuis 1960 et par la seconde proclamation des
résultats de diverses enquêtes et la conclusion des
conventions.
2.1.3. Extension du Parc National de la Salonga et sa mise
en oeuvre
Comme nous l?avons souligné au point
précédent, le projet du Parc National devait initialement se
réaliser sur une étendue d?environ 14. 790 km2, mais
le refus par plusieurs entités foncières de céder les
droits indigènes fit que le futur Parc National de Monkoto ne soit
créé que sur un seul territoire (de Monkoto), et inclus dans les
limites naturelles formées par les rivières Salonga, Yenge,
Belita, Lotohumbele et Luile et d?une superficie d?environ 6.475
km2.
Or, il était déjà prévisible
qu?avec les refus de cession des terres, ainsi que toutes les opérations
forcées d?indemnité lors des enquêtes de vacance des
terres, les contestations se feraient sentir lors de la domanialisation de ce
bloc. Voici ce que déclare le Ministre de l?Agriculture et du Service
Vétérinaire de l?époque dans sa réponse à
son homologue de Terres et Mines à Coquilhateville:
«Vos appréhensions, quant à la valeur
réelle des enquêtes de vacances, sont parfaitement fondées;
il est certain que des contestations vont survenir au moment de la
domanialisation de ce bloc.
Je pense que le Gouvernement sera d'accord avec moi pour
proposer de suspendre momentanément l'exécution de ce projet. Sa
rentabilité économique est d'ailleurs fort douteuse, le manque de
voies d'accès pratiques rend sa création très
aléatoire.
Je me propose de demander aux autorités de Monkoto
d'effectuer une enquéte approfondie à ce sujet. Bien
qu'ajourné, ce projet n'est cependant pas abandonné
»140.
Ce projet de création d?un Parc National de la Salonga,
datant d?avant 1960, fut réalisé par l?Institut pour la
Conservation de la Nature au Congo (ICNC), qui avait repris entre autres les
activités de l?ancien Institut des Parcs Nationaux au Congo Belge
(IPNCB).
Après l?indépendance du Congo, il entra dans les
intentions de cet Institut d?augmenter la superficie de ce parc en y incluant
la forêt primaire située dans le Nord des territoires
d?Oshwé (Bandundu) et Dekese (Kasaï Occidental).
140 Extrait de la lettre N° 500/CAB/145/DV du Ministre de
l?Agriculture et du Service Vétérinaire au Ministre de Terres et
Mines, du 9 mars 1961
Ainsi les mesures nécessaires pour éviter toute
implantation humaine à l?intérieur du périmètre de
ce parc furent prises, sans qu?aucune mesure sur les tracés des limites
définitives ne soit établie141.
2.1.4. Modes d'acquisition de l'espace
Deux modes furent utilisés dans l?acquisition de
l?espace par l?Etat. Il s?agissait de la domanialisation et de l?expropriation.
Le premier consistait à déclarer libres de tout droit les terres
et les vastes territoires en apparence non occupés, mais qui
étaient supposés appartenir aux indigènes et qui servaient
de culture itinérante avec jachère longue et comme zones de
chasse indispensable à l?équilibre alimentaire. Rappelons que
c?est depuis 1960 que la procédure de domanialisation de terres avait
été abandonnée.
Or, comme l?explique bien Pourtier dans son étude sur
la dialectique du vide, densité de population et pratiques
foncières en Afrique Centrale forestière, une réflexion
sur les conséquences de sédentarisation à la
période coloniale : « ces « vides > ces zones non
exploitées au temps « t > sont nécessaires pour permettre
aux dynamiques sociopolitiques de fonctionner (fusion et fission des groupes,
émergence de la jeune génération, etc.). De même les
espaces visiblement occupés et exploités, ces espaces «
vides > font partie intégrante de « l'espace vital > des
humains et correspondent à des étendues socialisées et
historicisées, c'est d'ailleurs là que se trouvent notamment les
sites d'anciens villages dont l'appropriation foncière est très
importante »142.
Le second mode avait consisté en une
dépossession des terres et droits coutumiers par l?Etat, en
déplaçant les villages entiers sur des terres de groupements
étrangers et en maintenant les populations regroupées de
façon à les empêcher de retourner vers leurs anciennes
terres, de peur que l?avenir du parc ne soit compromis.
Afin de bien empêcher le retour des populations et
d?assurer leur stabilité dans les nouveaux villages, un important
programme de travaux publics fut élaboré en leur faveur et dont
le coût fut évalué à 17.000 000 francs. C?est comme
l?exprime Monsieur Tevissen N., Conservateur en chef des Titres Fonciers du
Gouvernement Général du Congo Belge en disant: «
J'estime également qu'il
141 Extrait de la lettre N°00325/XX/T.F./DOM/01516 du
Secrétariat général de Direction des Titres Fonciers, du
17 décembre 1970.
142 POTIER (1986). La dialectique du vide, densité de
population et pratiques foncières en Afrique Centrale forestière,
Politique Africaine, 21 :10
faut faciliter dans toute la mesure du possible leur
installation aux nouveaux endroits et mettre à la disposition des
C.A.C.I. les crédits nécessaires pour rendre les nouveaux
villages plus attrayants et confortables que les anciens »143
Mais de tout ce qui avait été prévu, deux
travaux seulement furent entrepris, ou sur le point d?être mis en
chantier: le dispensaire de Nongo et la route maduo Bompele (3.400.000 frs); en
effet la crise budgétaire que traversa le pays à la veille de
l?indépendance, rendit la réalisation de ce programme fort
illusoire. D?où la difficulté du maintien des villageois
déplacés sur des terres de groupements étrangers qui
semblaient déjà contester leur présence.
Cette politique était accompagnée d?une
épreuve de forces avec des populations dont la surveillance était
rendue malaisée, autant par leur dispersion que par l?absence de moyens
de communication. Dans ces conditions il ne fait aucun doute que la valeur des
enquêtes de vacance considérées, et par le fait même
la validité des accords obtenus des populations
intéressées, était mise en cause par les indigènes;
ou soit que les résultats déjà acquis devaient être
invalidés, suite à l?application d?une procédure boiteuse,
car les autorités responsables devaient élaborer de nouveaux
principes en matière de domanialisation du sol.
2.1.5. La réaction des indigènes
Bien que le chef de la circonscription
intéressée soit légalement armé pour interdire la
résidence, dans les parties de terres domanialisées, des
populations soumises à son autorité, une partie de ces
populations déplacées avait rejoint ses anciens emplacements,
mettant ainsi en échec toute la procédure instaurée par
les enquêtes de vacance144.
Ce retour peut être justifié par le fait que ces
populations déplacées n?avaient pas
bénéficié, jusqu?alors, de conditions de vie meilleures et
qu?elles n?avaient pas non plus renoncé à leurs droits sur les
territoires qu?elles avaient quittés.
En plus, tous les groupements qui avaient consenti à ce
que leurs terres soient érigées en réserve totale de faune
et de flore, refusèrent toute indemnité, dont ils
interprétaient l?acceptation comme valant vente. Seul le groupement
Nongelokwa a accepté une indemnité forfaitaire de 1.000 francs en
faveur de tous les hommes faisant partie de la population de droit, 255.000
francs en tout. Mais cette exception ne fait que confirmer la règle
(cfr. tableau n°3).
143 Extrait de la Note N°441/001546 du Conservateur en Chef
des Titres fonciers pour le Directeur de la 2è Direction de la 5è
Direction Générale (522) du 29 mai 1957
144 Extrait de la lettre N°2072/01542 du Ministre Provincial
de l?Intérieur, de l?Information et du Travail, au Ministre provincial
des Terres et Mines à Coquilhateville, du 17 mai 1961.
Ceci prouve et montre bien clairement que ces populations
indigènes ne considèrent pas que les terres, objet des
enquêtes de vacance, soient entrées définitivement dans le
domaine privé de l?Etat, et que dans ces conditions, les chances
d?aboutir à une solution durable sur base de ces enquêtes
n?étaient que moindres, tandis que le danger de se trouver, dans peu de
temps, devant des difficultés semblables à celles qui menacent
l?existence des Parcs Nationaux en d?autres endroits du pays, semblait
évident. C?est ainsi par exemple que les anciens possesseurs des terres
inclues dans le Parc National des Virunga et le Parc National de l?Upemba
revendiquent actuellement l?exercice de droits fonciers cédés en
bonne et due forme il ya plus d?un demi-siècle et ne cessent de
contester leurs limites.
Tableau 3. Résultats des enquêtes de vacance
des terres
|
Territoire
|
Superficie
|
Date d'enquête
|
Accord/pas d'Accord
|
Indemnité/refus d'indemnité
|
Bloc de Mundji-Yafé
|
Bokungu
|
1.500 Km2
|
04/09/1958
|
Accord des ayants-droit coutumiers d?autoriser l?occupation du
terrain sans cession des droits indigènes.
|
700.000 Francs (700 Zaïres) que le service d?agriculture
jugea exagérée et proposa de renoncer au projet.
|
Bloc de Yongo-yela et Boondo-Buene
|
Monkoto
|
3.140 Km2
|
07/04/1959
|
Accord des ayants-droit coutumiers d?autoriser l?occupation du
terrain sans cession des droits indigènes.
|
Refus formel de toucher une indemnité quelconque
|
Bloc de Yonga- Nongo
|
Monkoto
|
1425 Km2
|
08/02/1959
|
Accord des indigènes d?autoriser l?occupation du
terrain sans cession des droits de chasse et de pêche sur quelque
étendue des terres entre les rivières losange, Luile et Yenge.
|
Refus d?être indemnisé
|
Bloc de Bolengangele
|
Monkoto
|
1.210 Km2
|
07/03/1959
|
Accord des ayants-droit pour une occupation par l?Etat du
terrain en cause. Par contre la partie du terrain s?étendant sur la rive
gauche de Yenge ne fut pas cédée à l?Etat.
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Refus d?indemnisation
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Blos de Nongelokwa
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Monkoto
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370 Km2
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24/03/1959
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Les autorités de contrôle estimèrent utile
de domanialiser toute l?étendue d?environ 555 Km2 et
d?accorder une indemnité de 1.200 francs par personne
intéressée.
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Les indigènes se sont opposés à la
cession de la partie sud de la rivière belita d?une superficie de 185
Km2, et ont refusé d?être indemnisés.
|
Bloc de Nkwala Nord
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Monkoto
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330 Km2
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07/04/1959
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Les ayants-droit sont disposés à céder
sans
indemnité l?étendue de terrain située
à gauche de la rivière Salonga dont la superficie n?est pas
évaluée. Refus de céder le terrain de la rive droite de
cette rivière.
|
L?indemnité proposée de 202.500 Zaïres est
refusée par les autorités coutumières suivant
procès verbal du 6 avril 1960.
|
Source: analyse personnelle des procès
verbaux d?enquêtes de vacance des terres, de Septembre 1958 à
Avril 1959
2.2. Acteurs impliqués dans la gestion et
utilisation des ressources halieutiques du PNS
Pour arriver à mieux analyser les acteurs
impliqués dans la gestion et l?utilisation des ressources halieutiques
du PNS, nous nous sommes inspiré du schéma actionnel
proposé par Frédéric DEBUYST, lequel schéma est
considéré comme fil conducteur qui assemble différentes
composantes d?analyse dans un espace/lieu où se déroule un
processus d?actions et de décisions, donnant forme à une
multiplicité d?acteurs (cfr figure n°5).
D?après Frédéric DEBUYST, « les
acteurs sont des individus et groupes sociaux qui interviennent, à plus
d'un titre, dans une action et se sentent impliqués dans les objectifs
de cette action. Ils agissent (pour ou sur) ou réagissent à des
décisions, objectifs positivement ou
négativement.»145. Deux groupes d?acteurs sont
impliqués dans la gestion et l?utilisation des ressources halieutiques
du PNS:
2.2.1. Acteurs institutionnels
Ce sont ceux qui disposent d?une autorité
légitime, des pouvoirs politiques à différents niveaux et
/ou d?un pouvoir accordé dans un cadre institutionnel reconnu. Il s?agit
dans ce cas de l?Institut Congolais de Conservation de la Nature (ICCN) et de
ses partenaires (WWF, WCS, PACT, ECOFAC, ...)
Les objectifs les plus déterminants de ces partenariats
sont essentiellement l?appui institutionnel, la réhabilitation des aires
protégées jugées prioritaires en relation avec les menaces
critiques ou la conservation de la biodiversité dans les sites du
Patrimoine mondial en danger, gestion durable des ressources naturelles et la
recherche scientifique.
2.2.2. Acteurs non-institutionnels
Ce sont des acteurs qui ne sont pas dotés de cette
autorité ou du pouvoir d?origine institutionnelle et qui peuvent, dans
certains cas, se constituer en collectifs, groupements, etc. Ces acteurs
non-institutionnels ne constituent pas un groupe homogène, mais
contiennent plusieurs catégories pouvant avoir des perceptions
différentes et subir différemment le jeu des pressions des
adjuvants et des opposants. Parmi eux, on peut citer les acteurs coutumiers
(chefs de terre, notables) et les acteurs populaires (élites, population
locale, communautés de défense, ONG locales, associations de
pêcheurs, d?agriculteurs, d?artisans, etc.).
145 DEBUYST F., P. DEFOURNY et H. GERARD, éds (2001),
Savoirs et jeux d'acteurs pour des développements durables,
Louvain-la-Neuve, Académia Bruylant, p.117
Comme le démontre Fréderic DEBUYST, «
la part de la population concernée qui se constitue en acteurs
(sujets actifs) dépend de la prise de conscience du problème et
de la mobilisation; la part des acteurs internes qui se constitue en agents
dépend de leurs capacités et ressources et de l'ouverture des
instances de décision à une représentation des acteurs
locaux ». L?on peut alors trouver les acteurs à
différents niveaux:
· Au départ des actions: ici les acteurs agissent
en fonction de leurs intérêts, perceptions, logiques,
positionnements et degré de pouvoir, en formant des systèmes de
relations ou réseaux;
· Dans la finalité des actions: il s?agit des autres
acteurs (cibles) visés dans les objectifs ou des acteurs-agents des
actions;
· Avec ou contre les actions: ce sont des acteurs issus des
alliances, consensus, conflits, résistances et différents champs
de négociation.
2.3. Logiques d'acteurs
Nous analysons le système d?action et de
décision entre acteurs, où les protecteurs de la ressource ainsi
que les communautés locales riveraines de Monkoto sont
considérés comme des acteurs privilégiés pour
l?analyse. Ce sont les intérêts et logiques des acteurs qui
confèrent du sens aux décisions et qui, dans une large mesure,
expliquent la réussite ou l?échec des actions menées.
Ces acteurs ont des intérêts divergents et
chaque groupe conçoit une stratégie propre qu?il met en place
pour atteindre son objectif. Cette stratégie peut consister en la
sélection d?un espace ou territoire d?opérations, la
considération d?étapes et d?un échelonnement de
décisions ou d?actions dans le temps, anticipation des actions des
opposants et des capacités réactives à celles-ci (jeu
d?acteurs), revalorisation des acquis et la récupération face aux
pertes.
Les rapports sociaux, conflictuels ou de coopération, au
même titre que les conditions matérielles et les capacités
techniques, indiquent les limites ou les potentialités des projets de
changement.
Il y a lieu de distinguer parmi les acteurs, deux types de
stratégies: (i) stratégies relationnelles, celles qui
répondent à des options et logiques d?interventions/actions
concernant les acteurs qui sont directement impliqués, alliés ou
adversaires et (ii) stratégies de réalisation, qui concernent les
voies et contenus des réalisations pour la poursuite des objectifs (cfr
figure.5).
2.3.1. Logiques des protecteurs du PNS (l'ICCN et ses
partenaires)
Lors de la création du Parc National de la Salonga,
aucune consultation publique n?a été faite. Et cette
création a suscité une multiplicité
d?intérêts locaux et extra locaux en concurrence. La conservation
de la biodiversité reste principalement du ressort de l?Etat central et
des décideurs internationaux pour qui les aires protégées
constituent des outils privilégiés de protection de la faune.
Sur le plan institutionnel, le PNS est l?arène de
rivalités et divergences d?intérêts qui s?appesantissent
sur sa gestion. L?obstacle majeur est la présence de plusieurs acteurs
institutionnels et des partenaires qui ne partagent pas la même vision
des stratégies de conservation, ni du partage du pouvoir et des
responsabilités. En plus, au niveau provincial, s?ajoutent
également les autorités politico-administratives à la fois
nombreuses et quasi totalement dépourvues de moyens (gouverneur de
province, commissaire de district, administrateurs des territoires avec,
à chaque niveau, leur services respectifs de l?Environnement et
Conservation de la Nature, la Police Nationale et la justice)146.
Du fait que l?ICCN a mandat de veiller à la protection
du patrimoine mondial qu?est le Parc National de la Salonga, il
bénéficie d?un intérêt particulier de la part de la
communauté internationale. Plusieurs partenaires l?appuient dans sa
mission plus que d?autres acteurs étatiques. Ce privilège
encourage l?ICCN à considérer la gestion du parc comme une quasi
exclusivité et à négliger l?importance de la concertation
institutionnelle. Ce caractère fortement centralisé du pouvoir de
décision au niveau du site réduit en tout cas les marges de
manoeuvre des échelons inférieurs pour collaborer avec les autres
parties prenantes.
Cependant, les structures étatiques centrales
connaissent d?extrêmes difficultés pour faire appliquer les
politiques de conservation sur le terrain du fait que le statut juridique des
ressources de la biodiversité ne permet pas son appropriation par des
communautés locales. Ainsi les représentants du PNS doivent
gérer les craintes des populations locales riveraines de se voir retirer
ou confisquer leur pouvoir d?utilisation et de gestion d?un territoire qui leur
appartient.
146 TREFON T.et KABUYAYA N. (2009). Evaluation
Socio-économique au Parc National de la Salonga. Rapport
d?enquête rapide des réalisations faite par WWF et
présentation de l?outil méthodologique, Kinshasa-RDC, p4-5
2.3.2. Logiques des acteurs locaux (populations
locales)
Les populations locales ont un ressentiment du fait que
l?Etat, avec la création du PNS, est venu entraver leurs
activités coutumières (pêche, cueillette, ramassage,
chasse, ...). Elles se sentent exclues de la structure de protection et de
gestion du PNS.
Pour ces populations directement confrontées aux
problèmes de subsistance, la notion abstraite de la protection des
ressources naturelles ne signifie pas grand-chose. Leur objectif primordial,
concret et souhaité, est avant tout l?amélioration de leurs
conditions de vie en termes de revenus, de santé, d?habitat, de
sécurité alimentaire, de moyens de production et d?accès
au marché.
Pour ce faire, la population locale s?est organisée en
ONG de développement et associations des pêcheurs et agriculteurs
qui militent pour le développement socio-économique de leur
territoire à partir des quelques activités mises en place avec
l?appui technique et financier de l?USAID via le CARPE dans son programme de
« petites subventions » accordées aux ONG de
développement qui oeuvrent dans le cadre de la gestion et protection des
ressources naturelles dans le Paysage Salonga-Lukenie-Sankuru.
Protection et gestion de la faune et flore du PNS
Gestion unilatérale du PNS, non implication de
populations riveraines du PNS
Améliorer les conditions de vie
Améliorer le revenu, la santé, l?habitat et la
sécurité alimentaire
Figure 5. Schéma actionnel
Adjuvants
- Acteurs institutionnels (ICCN, Partenaires),
Objectifs partiels et intermédiaires
Objectifs visés
Stratégies relationnelles
Stratégies politiques de réalisation
Opposants
- Acteurs noninstitutionnels (acteurs coutumiers, acteurs
populaires)
Ressources (foncières et halieutiques du PNS
Source: Traitement personnel inspiré du
schéma actionnel de Frédéric DEBUYST
2.4. Régulations ayant existé dès
la création du PNS jusqu'à ce jour
Ce point retrace toutes les formes de régulations qui
ont été mises en place et appliquées en matière de
pêche par les autorités de l?Institut Congolais de Conservation de
la Nature sur les eaux du parc et celles faisant limites de celui-ci.
2.4.1. La taxe de pêche
Depuis plusieurs années, les autorités du PNS
permettent la pêche à l?intérieur des limites du parc
contre payement d?une taxe. Les conservateurs de stations ont reçu
mandat de percevoir la taxe de pêche auprès de quiconque veut
pêcher dans les eaux du parc. Cette décision d?autoriser les
pêcheurs à accéder aux ressources halieutiques du PNS est
en parfaite opposition avec la loi 69- 041 du 22 Août 1969 qui
régit les aires protégées et interdit en particulier toute
activité d?exploitation à l?intérieur de celles-ci. Les
représentants du parc (agents ICCN) agissent à la fois pour la
protection du parc et son contraire.
L?existence d?une taxe de pêche donne accès
à toute personne (homme ou femme, locale ou migrante) qui s?acquitte de
sa redevance de 100 FC147/tête/jour auprès des gardes
de parc, de pratiquer l?activité de pêche dans les rivières
et cours d?eau qui traversent le parc, ainsi que dans les étangs et
autres marigots qui se trouvent à l?intérieur de celui-ci. Cette
activité de pêche ne tient même pas compte du calendrier de
pêche et s?exerce pendant la petite comme pendant la grande saison
sèche.
Ce système de taxe a favorisé d?une part, en
plus de l?exploitation des ressources halieutiques, le braconnage à
travers l?introduction d? armes et pièges dans le parc par les
populations tant locales que migrantes et de l?autre, une tracasserie de la
part des agents ICCN (gardes de parc) qui ne cessent de sucer les pauvres
pêcheurs, alors que les réalisations sur le terrain avec l?argent
perçu de la taxe restent invisibles; et, de surcroît, cet argent
n?est jamais entré dans les caisses de l?Etat mais va directement dans
les poches des conservateurs.
2.4.2. Le protocole d'accord de Bongonda
A cette taxe de pêche, s?ajoute un autre cas
particulier. Dans le territoire de Monkoto, un « protocole d?accord
» a été signé en 1990 entre la direction
générale de l?ICCN et les membres de
147 100 FC = 0,1$=0,081€
l?ex-coopérative Bongonda, autorisant les membres de
celle-ci à pratiquer l?activité de pêche gratuitement dans
le parc pendant les périodes de pêche autorisées (cfr
annexe 2).
En contrepartie les membres de la coopérative
consentirent à l?époque à céder à titre
gratuit la location des btiments de la coopérative à l?ICCN pour
y installer sa station de Monkoto148.
Il a été convenu que seuls les membres de la
Coopérative et leurs familles sont bénéficiaires de ce
protocole d?accord, qui concerne six groupements administratifs parmi les 18
que compte le territoire de Monkoto. Mais en pratique, cette clause n?a jamais
été respectée vu qu?il n?est pas facile de distinguer qui
est membre de la famille et qui ne l?est pas, parmi les personnes qui
pêchent dans les eaux du parc.
Il faut signaler que les deux parties avaient convenu
d?inventorier dans le parc les étangs familiaux concernés dont la
liste exhaustive fait partie intégrante du protocole d?accord, tandis
qu?en vue de protéger le PNS, la population avait accepté de ne
pas introduire dans le parc les armes, pièges ou tout autre moyen
susceptible de commettre le braconnage ou de le favoriser149.
2.4.3. Situation actuelle sur la gestion et l'exploitation
de la ressource halieutique
Comme souligné à la page 8, deux
événements récents ont marqué la
réalité au PNS: depuis novembre 2009, on assiste à un
climat d?aggravation de mésentente et de confusion entre les populations
riveraines de Monkoto et les responsables de l?ICCN, dü à
l?annulation brusque de la taxe de pêche et à la
libéralisation de celle-ci sur les deux rives de la rivière
Luilaka.
Cette mesure s?applique à toute la population dans son
ensemble (migrante et locale), même aux six groupements signataires du
protocole. Par contre, la pêche n?est plus autorisée sur les plans
d?eaux (rivières, étangs) à l?intérieur du parc et
cette prohibition vient, en quelque sorte, rendre caduc le protocole
signé entre la direction générale de l?ICCN et les six
groupements de l?excoopérative de Bongonda.
2.5. Conclusion partielle
L?histoire du PNS face aux populations riveraines de Monkoto,
laisse voir que sa création s?est faite dans les conditions de
non-respect des textes en matière foncière.
148 A partir de cet accord, les populations entraient dans le
parc et chaque clan ou famille allait pêcher dans leurs étangs
respectifs, et y appliquer ou faisait appliquer les droits d?usage.
149 Articles 8 et 9 du protocole d?accord de Bongonda du
27/09/1990 pour la pêche coutumière à Monkoto.
Il résulte du décret du 26 novembre 1931
organique de l?Institut des Parcs Nationaux que seules les terres domaniales
non cédées ni concédées peuvent être
affectées aux buts que poursuit l?institut (Art.3 et 4, alinéas
1et 2). De plus, la procédure normale pour déterminer la
domanialité d?une terre était seule instaurée par le
décret du 31 mai 1934 sur les enquêtes de vacance qui exigeait que
les indigènes assistent aussi aux enquêtes. Il est étonnant
de constater que la thèse officielle était basée sur le
principe de la domanialité du domaine traditionnel et que les
enquêtes de vacance furent précédées d?une vaste
opération de regroupement des populations du territoire de Monkoto.
Toutes ces ruses des autorités, les populations
riveraines les ont déjouées en acceptant une occupation de leurs
terres par l?Etat, tout en refusant toute indemnisation et sans cession des
droits indigènes (droits de chasse et de pêche).
A travers l?analyse des logiques d?acteurs, on observe
l?existence de trois régulations rivales qui s?affrontent et coexistent.
Il s?agit de la régulation formelle (de contrôle), issue de l?Etat
et de deux régulations autonomes dont l?une, forte, est issue des
pratiques coutumières et l?autre, des pratiques populaires. La
première, formelle (de contrôle), puise sa base dans la
législation écrite de l?Etat; la deuxième, autonome forte,
se traduisant par des pratiques coutumières de l?accès à
des ressources halieutiques, reste orale et s?applique conformément aux
habitudes traditionnelles non écrites; la troisième par contre,
est la conséquence de la dualité de deux
précédentes. Elle regroupe les acteurs qui appliquent un droit
qui n?est ni de contrôle, ni autonome (coutumier).
Ces trois régulations rivales interagissent et
s?appliquent sur les mêmes espaces géographiques et aux
mêmes communautés, au travers des mêmes acteurs. C?est le
cas de l?ICCN gestionnaire des aires protégées (ici du PNS) qui
s?arrange avec les notables des villages de Monkoto pour négocier
l?espace de travail (les btiments de l?ex-coopérative Bongonda).
Dès lors, les notables contractent des relations avec les
autorités de l?ICCN, et se voient accorder l?accès à leurs
anciens étangs, rivières et champs. Get accord vient encore
légitimer le droit coutumier sur les ressources halieutiques du parc; ce
qui pousse la population à ne pas baisser les bras et à continuer
de réclamer leur domaine.
Chapitre 3 ANALYSE DU CONFLIT DU PARC
Ce chapitre est consacré à l?analyse du conflit
entre PNS et les populations riveraines en territoire de Monkoto. Elle montrera
d?abord comment les populations riveraines accèdent aux ressources
halieutiques selon leur tradition. Ensuite viendront les différentes
stratégies des acteurs institutionnels utilisées pour implanter
le PNS (déplacement forcé des populations du territoire) et pour
sa protection (gestion unilatérale et non-implication de la population
riveraine dans cette gestion).
Sera également abordée la situation
économique de la région à partir des différents
événements qui ont affecté dans le passé les
changements dans l?utilisation courante des ressources naturelles, par les
populations riveraines de Monkoto et perturbé les conditions
socio-économiques des populations riveraines de ce territoire.
L?analyse s?achèvera par les réactions locales
des populations comme réponses aux actions extérieures du milieu,
c'est-à-dire aux actions des acteurs institutionnels et leurs
partenaires; la perception de la masse populaire vis-à-vis du PNS, ainsi
que la désobéissance civique et la non-reconnaissance de
l?autorité de l?organe protecteur du PNS
Enfin, la conclusion tentera de proposer un mode de gestion
que le protecteur et l?utilisateur des ressources halieutiques du PNS
accepteront en vue de diminuer le conflit qui existe déjà entre
ces acteurs et/ou prévenir un conflit qui pourra éclater suite au
manque d?un modèle négocié de gestion et d? utilisation
des ressources halieutique du PNS.
3.1. Accès aux forêts et aux ressources
locales
Rappelons que l?autorité au village est
représentée par le chef de village. Celui-ci est
désigné par le chef de groupement qui est le détenteur du
pouvoir coutumier pour tout le clan. Le chef de village est entouré des
« notables » chez qui réside le pouvoir de décider
comment la communauté doit préserver son passé et
organiser son devenir, il peut être responsabilisé par
l?administration et devient chef de localité avec pouvoir
politico-administratif. Le groupement correspond spatialement à un
ensemble des villages dirigé par plusieurs chefs de village. Quant au
chef de groupement, son autorité est coutumière; l?administration
entérine son titre en lui accordant un pouvoir
politico-administratif.
Les ménages locaux ont libre accès aux
ressources naturelles situées dans les forêts et les eaux de leur
village. Ces secteurs traditionnels comprennent également l?emplacement
précédent du village, tel que l?emplacement avant l?ère
coloniale où les gens non seulement chassent et pêchent, mais
récoltent des fruits et autres produits plantés par leurs
ancêtres. Les villageois peuvent défricher la forêt pour
leurs activités agricoles partout, à l?exception des
cimetières et des jachères d?autrui.
3.1.1. Mécanismes traditionnels d'accès aux
ressources
Comme mécanismes traditionnels d?accès, notons
que les chefs traditionnels continuent à contrôler l?accès
de la communauté à la forêt et aux ressources d?eaux
douces. Les individus des villages voisins et les étrangers souhaitant
accéder à la terre et aux ressources, doivent solliciter la
permission des autorités traditionnelles qui ont également le
pouvoir de refuser l?accès aux individus. Selon le village et la
ressource, l?accès peut être accordé avec ou sans
paiement.
Dans une étude sur les aspects
socio-économiques de l?utilisation et de la gestion des ressources
naturelles dans le paysage Salonga-Lukenie-Sankuru, les répondants aux
« focus groups » des hommes et femmes dans 10 villages de la
localité de Monkoto, ont été interviewés sur les
mécanismes d?accès pour l?agriculture, la chasse, la pêche
et la cueillette de produits forestiers non ligneux. La figure ci-dessous
montre les niveaux de restriction pour toutes ces catégories
d?accès.
Figure 6. Niveaux d'accès aux foréts et
aux ressources locales de Monkoto (10 villages)
0= accès libre, 1= permission, 2= Payement, 3= Pas
d?accès.
06
Source: Traitement personnel à partir
des données de l?étude de Colomb A. (2006)
La lecture de cette figure laisse voir que la restriction la
plus stricte pour des voisins concerne l?accès à la chasse,
suivie de l?agriculture et de la pêche. A Monkoto pour les
activités de chasse, l?accès est plus restrictif pour des voisins
que pour des étrangers. Tandis que l?accès aux forêts de
villages pour la collecte de produits forestiers non ligneux, pour l?usage de
subsistance, est libre aux voisins et aux étrangers.
Il ressort d?une étude des activités de
pêche sur les rivières bordant le PNS qu?à la question de
savoir « à qui appartient la rivière Luilaka du
côté de la rive opposée au parc », la majorité
de personnes interrogées à Monkoto (71%) avait répondu
« à tout le monde », insistant sur la nature d?accès
libre qui caractérise la ressource, tout au moins dans la perception que
les populations locales en ont.
L?Etat Congolais, responsable de jure de ces ressources, n?est
cité qu?en deuxième position avec seulement un quart (25%) des
réponses150.
Quant à l?accès aux zones de pêche
(rivières et étangs), la plupart des personnes interrogées
affirment que l?accès à la rivière Luilaka (cours d?eau
principal) est libre (99% des réponses) alors que l?accès aux
étangs se fait après demande d?autorisation (92% des
réponses), la plupart de temps, aux propriétaires ou au chef de
village.
En général, ces propriétaires sont des
descendants des premiers habitants des villages environnants ayant
découvert et s?étant approprié les étangs en
question, le plus souvent la demande de permission s?accompagne du payement
d?un droit d?accès (généralement une partie de capture
comprise entre 10% et 30%). Ces droits d?accès sont également
perçus lorsque les étangs se trouvent du côté du
parc.
Les conflits sont aussi possibles avec les droits
d?accès traditionnel. Notons que les populations locales acceptent et
respectent ces règles locales qui régulent de facto
l?accès aux étangs privés. Ainsi toute modification des
réglementations doit se faire en tenant compte de l?existence de droits
coutumiers ancestraux régulant l?accès aux étangs
privés si l?on veut éviter tout conflit avec le droit
d?accès traditionnel., il y a une forte cohésion de la population
locale vis-à-vis du respect de ces règles; laquelle
cohésion doit être observée à chaque fois que la
possibilité de négocier se présente.
150 BÉNÉ C. et al. (2006). Op.cit.
3.1.2. Contraintes et conditionnalités
Les systèmes traditionnels de la gestion de zones de
pêche sont limités aux règles d?accès
appliquées aux voisins et aux étrangers. Il n?y a aucune
restriction ou prohibition interne sur les différentes techniques ou le
nombre de matériels utilisés par les pêcheurs locaux. Une
demande croissante de l?extérieur du paysage pose également un
défi aux principes de la pêche soutenable et de gestion locale.
3.2. Déplacement forcé des populations
en vue de la création du PNS
Après l?échec lors des enquêtes de
vacance des terres et des tentatives de rachats des droits indigènes,
lequel échec était dû au refus des populations
indigènes de toucher les indemnités et de céder leur droit
indigènes, le seul moyen sür pour l?Etat à l?époque,
en vue d?implanter le Parc National de la Salonga, fut le déplacement
forcé des populations indigènes qui vivaient de leurs terres.
Plusieurs villages furent déplacés de leur
milieu d?origine vers d?autres, laissant derrière toutes les ressources
héritées des ancêtres. Ce déplacement forcé,
sans aucune mesure de sécurisation ni d?encadrement,
considéré comme source de conflit entre les protecteurs du PNS et
les populations riveraines, eut des conséquences sur le plan
économique, social et politique des paysannats et devait faire, par la
suite, l?objet de contestation par ces populations indigènes, alors que
le cas des autres Parcs Nationaux (des Virunga et Upemba) aurait dû
servir de leçon à l?Etat et à l?Institut des Parcs
Nationaux en cette matière.
En effet, les anciens possesseurs des terres inclues dans le
Parc National des Virunga et le parc National de l?Upemba revendiquent
actuellement l?exercice de droits fonciers cédés en bonne et due
forme depuis bientôt un demi-siècle et ne cessent de contester
leurs limites bien que, dans sa lettre au Ministre provincial des Terres et
Mines, le Gouverneur Général manifestait déjà son
intention de bien délimiter ce nouveau parc afin d?éviter toute
contestation de limites, en ces termes: « Il est certes souhaitable
d'assurer la délimitation de ce nouveau parc dans les meilleures
conditions, et de prendre dès à présent les mesures
susceptibles d'éviter toutes contestations de limites pour l'avenir
»151.
En plus une disposition de la couverture aérienne
immédiate fut proposée par l?Institut des Parcs Nationaux du
Congo Belge, mais malheureusement elle n?a pas été mise en
pratique, simplement
151 Extrait de la lettre N°44/002332 du Gouverneur
Général du Congo belge, Direction-Terres au Ministre provincial
des Terres et Mines à Coquilhateville, du 11/09/1958.
parce que le Gouvernement Général
évitait de mobiliser des moyens disproportionnés à
l?objet, et à s?engager dans les dépenses que l?IPNCB ne pouvait
supporter lui-même et qui n?avaient pas été prévues
au budget colonie. En effet, les frais relatifs à ce levé
photographique aérien s?élevaient à environ 1. 210.000
francs mais le budget de l?IPNCB ne lui permettait pas de faire face à
une telle dépense152.
Les autorités de l?Etat qui voulaient
privilégier la recherche scientifique sur les primates au
détriment de la valeur patrimoniale du paysage pour les populations
riveraines, ont adopté deux stratégies d?exclusion de ces
populations riveraines dans leur politique en matière de gestion et
protection des ressources du Parc National de la Salonga, afin de bien aggraver
la misère de ces populations vivant déjà dans des
conditions précaires.
3.2.1. Gestion unilatérale du PNS
Depuis le projet de sa création jusqu?à ce
jour, les autorités protectrices du PNS n?ont jamais changé de
politique dans la gestion de celui-ci. Cette manière de gérer
montre le caractère policier et dictateur basé sur l?imposition
des lois sans consultations des autres acteurs tant à l?échelon
national que local, ce qui discrédite davantage encore l?autorité
de l?Etat vis-à-vis de ces acteurs.
Les gestionnaires du PNS se font les avocats de la cessation
de toute activité humaine dans les zones protégées, en
maltraitant les populations rurales qu?ils considèrent comme « une
menace pour la nature >>. Dans son étude sur les <<
Populations Locales et Organisations de Conservation de la Nature >>,
Jeanrenaud Sally confirme bien toutes ces maltraitances subies par les
populations rurales en ces termes:
<< La première partie du 20è
siècle vit le durcissement des attitudes envers les populations rurales
et la mise en oeuvre de nombreuses politiques qui aliénèrent les
populations de leurs terres, y compris l'établissement d'un grand nombre
de parcs nationaux et de réserves dans les pays en développement.
Ceci s'est poursuivi jusque dans la période faisant suite à la
seconde guerre mondiale où les populations rurales étaient
souvent perçues comme une menace pour la Nature sauvage
>>153.
152 Extrait de la lettre de FEYTNANS G., Inspecteur Royal des
colonies, Ministère des colonies, 3è direction
générale, 2è bureau cartographie et cadastre, au
Gouverneur général du Congo belge, du 1er /Août /1958.
153 SALLY JEANRENAUD (2002) Populations Locales et
Organisations de Conservation de la nature : Le léopard serait-il en
train de muer ?, IIED-IDS, p.15
3.2.2. Non-implication de la population riveraine dans la
gestion du PNS
Le plus souvent le conflit entre les riverains des aires
protégées et les gestionnaires de celles-ci, résulte tout
autant d?une concurrence entre acteurs de la conservation et du terroir pour
l?accès à l?espace et le contrôle de la ressource.
C?est ce que soulignent Guimbatan et Baguitlat: «
Toute intervention extérieure dans la préservation d'un
paysage géré par les populations locales, pour qu'elle
réussisse, doit tout d'abord tenir compte de la valeur patrimoniale de
ce paysage pour ses habitants actuels, et agir en conséquence. Sinon,
les mesures de protection prescrites risquent de susciter le
mécontentement de la population, de provoquer des différends
vouant à l'échec toute coopération, et méme de
causer à l'avenir des dysfonctions dans la gestion du paysage
protégé »154.
Face à l?irrationalité supposée des
ruraux, l?Etat colonial puis indépendant a voulu s?approprier les
ressources naturelles pour garantir une gestion « rationnelle ». Les
règles étatiques sont entrées en contradiction avec les
systèmes de règles existantes (là où elles
existaient), fragilisant ou détruisant les règlementations
antérieures. Et l?intervention publique va souvent de pair avec
l?imposition de logiques techniciennes « rationnelles » de gestion
des ressources, et une volonté, explicite ou implicite, de
contrôle étatique de ces ressources. Ces logiques s?opposent aux
représentations locales de l?espace et des ressources, et aux
règles locales régissant l?accès et l?exploitation des
ressources155.
Comme le démontre Vedeld, c?est sur base de principes
exogènes aux acteurs locaux, les règles d?accès et
d?exploitation, que sont définies d?autres instances d?autorité
(services techniques ou associations ad hoc contrôlées par
l?Etat). Ces nouvelles règles entrent ainsi en conflit avec les
règles et institutions locales, fragilisant ces dernières, sans
toutefois être capables de les remplacer par d?autres plus
efficaces156.
Comme partout ailleurs dans le paysage, à Monkoto on
constate l?absence de l?ensemble des acteurs tant dans la gestion du PNS que
dans le processus de négociation, plus particulièrement ceux,
parmi les autorités coutumières, à qui incombe les
questions essentielles et incontournables de l?accès à la terre
et à ses ressources.
154 GUIMBATAN R. et BAGUILAT Jr.T., (2006) « Malentendus au
sujet de la notion de conservation des rizières en terrasses, paysages
culturels des Philippines », Revue internationale des sciences
sociales, Vol.1, N°187, p. 63.
155 LAVIGNE -DELVILLE, Ph. (2001) Quelle gouvernance pour
les ressources renouvelables ? La gestion des ressources renouvelables dans le
contexte de la décentralisation en Afrique de l'Ouest, GRET,
Collection Etudes de l?AFD.
156 VEDELD T. (1996) « Enabling Local institutions
Building: Reinventing or Enclosing the Commons of the Sahel?» in Marcussen
ed Improved natural resource Management.
La sphère de l?autorité coutumière est
incontournable sur le terrain en matière de règles d?usage des
ressources naturelles et de gestion du foncier. Il en résulte parfois de
profondes contradictions entre les champs de l?autorité
coutumière et légale, notamment pour ce qui concerne
l?accès à l?espace et l?usage des ressources
naturelles157.
Or cette sphère est souvent contournée par les
représentants de Ministère et d?organismes de conservation, pour
qui le pouvoir coutumier présente un caractère
éclaté, acéphale, et particulièrement insaisissable
du fait que les autorités coutumières exercent leurs fonctions au
sein de systèmes politiques locaux non hiérarchisés. C?est
ce « contournement » des ayants-droit coutumiers qui est souvent
à l?origine de blocages récurrents, conflits, menaces verbales et
sabotages de la part des populations locales vis-à-vis des agents de la
conservation.
Par contre, les quelques initiatives de
concertation/négociation qui se mettent en place autour des ressources
naturelles, représentent autant d?opportunités pour les
élites locales et revêtent une dimension politique en termes de
jeux de pouvoir, dépassant largement les préoccupations des
populations locales, ces dernières étant manipulées par
leurs élites en faveur ou en défaveur d?un projet. Cette
stratégie s?interprète généralement en fonction de
pratiques politiciennes, mais également en fonction du degré de
corruption inscrit dans les pratiques quotidiennes.
3.3. Situation économique dans la
région
L?effondrement du tissu socio-économique dans la
région au cours des vingt dernières années suite à
la destruction du réseau routier, la forte diminution du trafic fluvial,
l?effondrement du secteur agricole et le retour au système de troc pour
60% des transactions de produits manufacturés158, n?a fait
qu?accentuer la précarité socio-économique et alimentaire
des populations vivant dans et autour du PNS qui manquent de tout et sont
enclavées.
Cette situation de manque et d?enclavement constitue un vrai
obstacle au développement de ce territoire et freine le
déroulement des efforts de la conservation de la nature au niveau du
PNS. Dans ce contexte, la dépendance des populations aux ressources
naturelles (produits forestiers non ligneux, chasse, pêche) a
augmenté rapidement. Les principales activités économiques
et de subsistance, en ordre décroissant, sont: l?agriculture, la
cueillette, la chasse et la pêche.
157 BINOT A. et JOIRIS V. (2006) « Règles
d?accès et gestion des ressources pour les acteurs des
périphéries d?aires protégées: foncier et
conservation de la faune en Afrique subtropicale, p.6 ». Colloque
International Les frontières de la question foncière,
Montpellier, 2006 France
158 COLOM, A., op cit.2006
Ce sont essentiellement la pêche et la chasse qui sont
devenues des activités rémunératrices permettant de
remplacer les autres opportunités économiques
perdues159. En 2006, sur l?ensemble de la zone, la pêche
représentait en moyenne 65% du revenu total des ménages riverains
de la Luilaka160.
3.3.1. Changements perçus dans la région
Trois périodes principales de l?histoire ont
déterminé les conditions d?usage courant des ressources
naturelles dans le territoire de Monkoto:
· Le contact avec les européens, la
présence européenne a marqué le travail et la
relocalisation, mais également la disponibilité des produits
manufacturés, les services obligatoires comme l?éducation, la
santé et l?introduction d?une économie monétaire;
· Les conditions économiques et politiques
postindépendance, qui ont progressivement contribué au retour
à l?isolement géographique et commercial des populations de ce
territoire, exigeant des changements d?activités économiques afin
de continuer à satisfaire leurs besoins de base. La pêche et la
chasse commerciales sont devenues des solutions économiques de rechange
viables pendant que le revenu de l?agriculture chutait;
· La pression des marchés extérieurs, vers
la fin des années 1960 et le début des années 1970,
pression qui a été ressentie à travers le paysage, en
particulier dans les secteurs qui servent de points d?entrée aux
commerçants et étrangers y voyageant pour l?exploitation des
ressources.
3.3.2. Changements perçus au niveau local
Quelques changements sont perçus au niveau local: (i)
la pêche qui était autrefois une activité de subsistance
s?est actuellement transformée en activité commerciale. La cause
se trouverait dans le déclin de l?agriculture commerciale: en effet,
suite aux limitations des alternatives de rechange pouvant servir de source de
revenu, la population s?est lancée dans cette activité qu?elle
juge facile à exercer et prenant moins de temps que l?agriculture. (ii)
L?on peut facilement constater au niveau des populations locales une baisse des
stocks halieutiques161. Ce changement dans les
159 UNESCO. Etat de la Conservation des Sites du Patrimoine
Mondial, Op cit, 2007
160 BENE et al, Op.cit 2006
161 COLOMB A. (2006) Op.cit.155
stocks halieutiques peut être associé à
l?introduction et la prolifération des nouvelles techniques de
pêche (voir figure 6).
Nous pensons que la thèse selon laquelle il y a une
baisse des stocks halieutiques dans la localité de Monkoto, est à
prendre au conditionnel. En effet, elle se contente seulement d?une
évaluation participative basée sur la perception des populations
par rapport aux changements observés dans l?usage de la ressource, et
n?a pas fait l?objet d?une quelconque étude approfondie.
Notre argument est fondé sur nos observations de
terrain, montrant que les pêcheurs travaillent à partir des
campements ou villages installés le long de la rivière Luilaka,
où ils installent leurs instruments et matériels de pêche
pendant toute la saison de pêche (grande saison sèche:
juinaoût). Chaque année ils exploitent les mêmes endroits,
ce qui laisse croire que les stocks sont encore importants à ces
endroits. S?il n?en était rien, on assisterait à une
délocalisation des activités de pêche ainsi qu?au
déplacement des pêcheurs, d?un lieu moins productif à un
autre162.
En plus, il est évident que les populations qui vivent
d?une ressource ont tout intérêt à la maintenir, pour
autant qu?elle soit un enjeu réel pour elles, qu?elles en
dépendent effectivement, et veuillent éviter de la surexploiter;
ce qui est le cas pour la population riveraine de Monkoto qui n?a que cette
rivière comme enjeu pour son bien-être et son développement
local.
Enfin, vu les techniques de pêche peu efficaces
(hameçons, filets maillants, ...) utilisées par les
pêcheurs de la rivière Luilaka, nous pensons réellement que
les stocks halieutiques ne sont pas en baisse. Une étude sur
l?évaluation de l?état des ressources halieutiques de la
rivière Luilaka pourrait apporter de plus amples précisions sur
la disponibilité des ressources halieutiques de celle-ci.
Encore faut-il dire que ce n?est pas la pêche locale
qui présente une menace à la protection des ressources du PNS.
Par contre, l?accès aux ressources naturelles par les braconniers et les
pêcheurs commerciaux de l?extérieur du paysage, constitue une
menace pour la faune et les ressources halieutiques du Parc National de la
Salonga. Toutefois, une bonne exploitation durable des ressources naturelles
doit passer essentiellement par le contrôle des
prélèvements, qui doivent rester inférieurs à la
productivité de l?écosystème, d?où l?engagement de
la population locale à la gestion durable des ressources naturelles et
au renforcement des lois et règlements garantissant l?accès aux
ressources, afin de réduire efficacement la pression sur la faune locale
et les ressources halieutiques.
162 Nous avons été plusieurs fois sur la
rivière Luilaka pendant la période de pêche (grande saison
sèche), et les pêcheurs gardent leurs positions sur celle-ci,
pêchant toujours aux mêmes endroits.
Figure 7. Les causes des changements dans l'usage des
ressources halieutiques
Arrivée des commerçants extérieurs
Introduction de nouvelles pratiques et de matériels
Début de la pêche commerciale
Intensification des activités de pêche
Plus des locaux exploitant les ressources
Baisse dans les stocks halieutiques
Déclin de
l?agriculture
Besoin de
survivre et de produire du revenu
|
|
Implantation du parc et
déguerpissement
|
|
Source: Conception personnelle
3.4. Réaction de la population locale
En cas de déplacement forcé et non
indemnisé des populations, pudiquement appelé «
déguerpissement », le Parc National de la Salonga (au travers
l?institution protectrice, l?ICCN) condamne définitivement
l?accès aux terres et aux ressources villageoises. La diminution des
superficies des terroirs et bien entendu leur déplacement, impliquent de
la part des paysans, de modifier leur rapport à l?environnement, de
transformer ce que Weber & Reveréret appellent les cinq niveaux
d?appropriation de l?écosystème, donc d?adopter de nouvelles
représentations de la nature, de nouvelles stratégies
d?exploitation, de nouvelles modalités d?accès aux ressources, de
nouvelles formes de contrôle de l?accès et de nouvelles
façons de répartir ou partager les ressources au sein du
groupe163.
Pour ce faire, la possibilité pour les populations
d?accéder à des terroirs villageois, des forêts, des zones
de chasses, des rivières, ~ implique d?importants repositionnements
socioéconomiques et politiques locaux qui mènent à la
modification de ces niveaux d?appropriation de l?écosystème.
3.4.1. Perception de la population vis-à-vis du PNS
et de ses Partenaires
D?abord, à l?égard des gardes du parc, la
population locale dans son ensemble a une mauvaise opinion, due aux multiples
tracasseries (extorsion de matériels, instruments de pêche et de
chasse) qu?elle subit de la part de ces gardes. Cette même opinion
négative se manifeste au travers des relations qui se sont
établies entre cette population locale et les gardes de l?ICCN.
En effet, d?après la littérature, plusieurs
enquêtes qui se sont déroulées dans le paysage
SalongaLukenie-Sankuru, ont révélé la nature tendue des
relations qui existent entre les populations riveraines de Monkoto et le PNS et
ses institutions, en particulier les gardes de l?ICCN164. La figure
8 à la page suivante reprend les opinions des populations de
pêcheurs à propos de leurs relations avec les gardes du Parc.
163 WEBER et REVERERET (1993), cités par Binot A. et
Joiris V. (2006) Op.cit.
164 Ici, je fais allusion notamment aux études de WCS
2004, ILAMBU 2005, WWF 2005 et WFC 2006
Photo2: Interview de la population locale.
Focus-group homme (Rivière Luilaka) juillet 2006
Figure 8. Opinions des populations de pêcheurs
à propos de leurs relations avec les gardes de l'ICCN
Source: Traitement personnel à partir
des données de l?étude de Béné C. et al. (2006)
7
L?analyse de ce diagramme montre les mauvaises relations qui
existent entre les pêcheurs et les gardes de l?ICCN. Dans l?ensemble
(pêcheurs migrants+locaux), la majorité des pêcheurs
(58,5%)
(migrants+locaux)
a indiqué les mauvaises relations avec les gardes du
parc, suivie de 30% ayant déclaré de bonnes
he
relations, tandis que 7,5% de cette population de
pêcheurs a déclaré avoir des très
mauvaises relations, et seulement 3,8% pensent que leurs relations avec les
gardes de l?ICCN sont très
61%
bonnes.
45%
Quant aux pêcheurs locaux, le degré d?opinion
négative montre combien l?entente est difficile entre eux et les gardes
du parc. Plus de 80% des pêcheurs locaux (soit 71% pour mauvaises, et
9,7% pour très mauvaises), soulignent les relations négatives
entre eux et les gardes de parc contre seulement 19,3% de ceux qui jugent ces
relations positives, avec respectivement 16,1% pour des bonnes relations et 3,2
% pour des très bonnes relations avec les gardes du parc.
Chez les pêcheurs migrants, plus de la moitié
(54,5%) pensent que leurs relations avec les gardes du parc sont normales.
Parmi eux, 50% a déclaré que les relations sont bonnes et 4,5%
ont indiqué des très bonnes relations avec les gardes de parc.
Enfin, environ 45,5% estiment que ces relations sont négatives avec
respectivement 40,9% d?opinions pour de mauvaises relations et 4,5% pour de
très mauvaises relations.
En conclusion dans l?ensemble de la population des
pêcheurs c?est l?opinion négative (66% contre 34%) qui domine, et
l?on constate qu?il existe une nette différence entre pêcheurs
locaux et migrants, dans leurs opinions respectives par rapport à leurs
relations avec les gardes de parc. Les migrants ont tendance à
apprécier les relations avec les gardes du parc alors que les locaux
manifestent plus de mécontentement que les migrants dans les opinions
négatives (80,7% contre 45,5%), et moins de reconnaissance que les
migrants pour ce qui est d?opinions positives (19,3% contre 54,5%).
Cette attitude peut s?expliquer par le fait que ce sont les
pêcheurs locaux qui subissent le plus d?exactions et de maltraitance de
la part des gardes du parc. Un tel traitement ne fait qu?exacerber le
mécontentement, tandis que les migrants, pour la plupart,
fréquentent la rivière Luilaka pendant la saison (sèche)
de pêche et rentrent aussitôt la période terminée,
sans subir trop d?exactions.
Ensuite, la même opinion est exprimée à
propos du parc et de son partenaire principal (WWF) par la même
population, qui estime que l?ICCN qui interdit toute activité dans le
parc et exclut de sa gestion les populations riveraines, n?a aucun souci des
populations qui revendiquent leurs ressources, et par conséquent le
ressentiment les pousse à croire que PNS, « patrimoine mondial
» ne leur est profitable que pour accéder aux ressources
halieutiques, et que, en dehors de celles-ci, il ne prend soin que des animaux
et des plantes.
On peut constater ce mécontentement à travers
les citations ci-après qui reprennent les opinions des populations
riveraines de Monkoto, tirées d?un rapport sur l?évaluation
socio-économique au Parc National de la Salonga, septembre 2009:
· Perception du PNS par les villageois: .x C'est
un Patrimoine Mondial, mais sans aucun profit pour nous (la
population). Nous ne vivons pas les bienfaits du Parc : c'est un repas par
coeur; Le Parc est fait pour qui? Les animaux et les plantes, et non
pour les hommes »;
· Perception du PNS par un agent de l?administration: .x
Ndako eyambaka bapaya elalaka nzala te (La maison qui
reçoit beaucoup de visiteurs ne peut pas connaître la
famine), le Parc attire des étrangers »;
· Quant à l?interdiction d?exploiter les
ressources du PNS: .x Soki okitisi mwana mabele, lengela mpe biloko mosusu
ya koleisa ye (Si vous sevrez l'enfant, il faut prévoir comment le
nourrir, d'autres aliments) »;
Eleko oyo ezalaki mpo na biso kozua mbinzo ebele mpenza.
Lelo bopimeli biso yango mpe, bolingi kosilisa biso? (c'est durant
cette période que nous ramassions dans le parc des chenilles par
dizaines de sacs. Aujourd'hui, méme ces chenilles nous ont
été refusées. Est-ce notre extermination que vous
cherchez? )»;
· Avis d?un villageois sur le WWF et l?ICCN: .x Nous
ne connaissons pas le WWF, c'est l'ICCN que nous connaissons. Ils sont tous
deux à la base de notre souffrance. Ils ne nous autorisent pas à
pêcher ni chasser sur la terre de nos ancêtres, mais
eux-mêmes ne s'en privent pas »;
· Avis d?un villageois sur le WWF: .x C'est notre
ennemi ICCN qui l'a fait venir: l'ami de notre ennemi est aussi notre ennemi
».
3.4.2. Désobéissance civique et
non-reconnaissance de l'autorité de l'ICCN
L?Etat Congolais, au travers l?ICCN, se considère comme
le seul propriétaire de la forêt; ceci malgré le Code
Forestier de 2002 qui reconnait le droit d?usage des populations, dans les
forêts classées comme le PNS, et la présence des
communautés locales qui demeurent, en vertu de la coutume, les gardiens
de leurs forêts. Les populations riveraines du PNS réclament, sans
même avoir connaissance de cette loi, leurs droits d?usage sur les
ressources du Parc National de la Salonga. Mais malheureusement, l?ICCN et ses
partenaires, se bouchent .x les oreilles » et ignorent toutes ces
revendications. Devant une telle attitude, et sous l?influence d?élites,
la population locale à son tour pratique la désobéissance
et ne reconnait pas l?autorité de l?ICCN.
Nous avons été témoin d?un cas de
désobéissance civique de la population de Monkoto face à
l?autorité de l?ICCN. En effet, lors de notre séjour à
Monkoto en mai 2006, dans le cadre d?une .x étude des activités
de pêche sur les rivières bordant le Parc National de la Salonga,
et recommandations sur la mise en place d?une gestion collaborative. »,
pour le compte du WWF,
un homme politique du nom de LOOTA EBOLA, fit circuler un
document affirmant la nature non constitutionnelle des réglementations
de l?ICCN et en particulier la nature « caduque » de l?interdiction
faite aux populations locales de rentrer dans le PNS.
Il incita les populations au non-respect des
réglementations et les encouragea à pénétrer dans
le parc pour accéder à leurs ressources. Il s?en suivit une
grande confusion et on assista à un spectacle d?exploitation des
ressources pendant plusieurs jours et de désobéissance civile de
la part de la population qui pénétra effectivement dans le parc.
Il a fallu l?intervention des gardes et la tenue de plusieurs réunions
d?urgence avec les autorités locales pour ramener le calme à
Monkoto après quelques semaines.
CONCLUSION GENERALE
L?étude que nous venons de faire dans le cadre de ce
mémoire de Master Complémentaire en Développement,
environnement et sociétés a été consacrée
à l?analyse du conflit et des logiques d?acteurs impliqués dans
la gestion et l?exploitation des ressources halieutiques du Parc National de la
Salonga.
Notre préoccupation était de montrer que,
contrairement à une gestion du parc soumise au principe de la
domanialité publique, qui postule que seul l?intérêt
général de la protection de l?environnement soit
privilégié à la protection, le régime de gestion
unilatérale étatique de type policier et la politique d?exclusion
des populations riveraines de la gestion du parc par l?ICCN n?ont pas
réussi à satisfaire les besoins des populations locales par
rapport à leur milieu naturel. Elle n?a pas, non plus, pu empêcher
les populations riveraines de s?adonner à des pratiques d?exploitation
des ressources naturelles dont halieutiques qu?elles ne cessent de
considérer comme ressources spoliées par l?ICCN.
Pour la vérification de nos hypothèses, nous
avons eu recours à l?analyse des faits qui se sont
déroulés depuis les origines de la création du Parc
National de la Salonga jusqu?à ce jour, dans une perspective historique.
Nous avons emprunté à Frédéric Debuyst le
modèle du schéma actionnel pour analyser le système
d?action et de décision des acteurs impliqués dans la gestion et
l?exploitation des ressources halieutiques du PNS.
Après analyse, il s?avère que le conflit du parc
(l?ICCN) avec les populations riveraines ne date pas d?aujourd?hui, mais des
années 1956, avant même l?indépendance du Congo belge; date
à laquelle les premiers déplacements forcés des
populations indigènes ont été effectués par
l?Institut pour la Conservation de la Nature au Congo (ICNC), en vue de la
création du Parc National de Monkoto devenu Parc National de la Salonga
en 1970.
Déjà à cette époque, l?Etat
c'est-à-dire l?ICNC et les autorités du Gouvernement Central, par
leurs contradictions relatives aux modes d?acquisition de l?espace,
étaient incapables de répondre de manière satisfaisante au
programme de travaux publics qui fut élaboré en faveur des
populations indigènes (faciliter leur installation dans les nouveaux
villages, en les rendant plus attrayants et plus confortables que les anciens)
qu?ils ont eux-mêmes déplacé de manière
forcée, déclarant libres de tout droit les terres et les vastes
territoires en apparence non occupés, appartenant pourtant aux
indigènes et leur servant de culture itinérante avec
jachère longue et de zones de chasse et pêche indispensables
à leur équilibre alimentaire.
Face à cet échec, et malgré le fait que
le responsable des nouveaux villages était légalement armé
pour interdire la résidence dans les terres domanialisées par les
autorités, la plupart des populations indigènes
déplacées avaient résisté et rejoint leurs
anciennes terres, mettant en échec toute la procédure <<
boiteuse » instaurée par les enquêtes de vacance des terres.
Celles qui étaient restées dans les nouveaux villages avaient
déjoué le projet en acceptant une occupation de leurs terres par
l?Etat, tout en refusant toute indemnisation et sans cession des droits
indigènes (droits de chasse et de pêche).
L?enjeu de la conservation tel qu?il apparaît dans la
lecture historique du processus de l?implantation de ce Parc National de la
Salonga dans le territoire de Monkoto résidait dans la protection pure
et simple de l?espèce de chimpanzé nain << Pan Paniscus
» endémique de la RDC (précisément sur la rive gauche
du fleuve Congo), par le gouvernement congolais et ses partenaires
internationaux, au détriment des populations riveraines qui vivaient de
leurs ressources et qui, aujourd?hui, sont non seulement pauvres,
enclavées, dépourvues d?accès à cette
réserve, mais aussi exclues de la gestion de celle-ci.
Il nous a semblé dès lors utile d?étudier
cette politique de gestion du parc par l?ICCN pour tenter de comprendre les
relations qui se sont établies entre les populations riveraines de
Monkoto et les agents de l?ICCN, en particulier les gardes de parc.
Notre réflexion sur les relations de l?ICCN avec les
populations riveraines de Monkoto a mis en exergue la problématique de
la gestion et de l?exploitation des ressources du Parc. Nous avons
montré que cette mauvaise cohabitation entre population riveraine et
agents de l?ICCN est due, d?une part, à un fort sentiment de spoliation
et de rancoeur chez ces populations déplacées lors des
opérations de vacance de terre, à l?égard du parc et des
agents de l?ICCN; et d?autre part, au comportement un peu << policier
» des agents de l?ICCN, caractérisé par des exactions et des
maltraitances. L?analyse qui s?en est suivie nous a permis de soutenir que le
conflit du parc est généré par les autorités de
l?ICCN qui ne élaborent pas des politiques de gestion du parc qui
tiennent compte des intérêts des populations locales, de leurs
pratiques coutumières liées aux ressources et systèmes
traditionnels de régime foncier.
La gestion unilatérale du PNS par l?ICCN,
couplée à l?effondrement du tissu socio-économique dans la
région au cours des vingt dernières années, ont
accentué la précarité socio-économique et
alimentaire des populations riveraines de Monkoto. Il s?avère que,
depuis les années 1980, le territoire de Monkoto a connu la destruction
du réseau routier, une forte diminution du trafic fluvial,
l?effondrement du secteur agricole et l?on a constaté que la
dépendance des populations
aux ressources naturelles (produits forestiers non ligneux,
chasse, pêche) a augmenté rapidement. Au niveau local, quelques
changements sont perçus: autrefois la pêche était une
activité de subsistance mais actuellement, elle s?est transformée
en activité commerciale.
Face à cette précarité
socio-économique, les populations riveraines de Monkoto ont fait de la
disponibilité et de l?accès aux ressources, un
élément clé pour leur survie, elles se sont lancées
dans des activités économiques à travers la pêche
commerciale pouvant servir de source de revenu. En outre, elles se sont aussi
regroupées en créant des organisations et associations locales,
des coopératives de pêcheurs et d?agriculteurs.
Contrairement à ce que nous avions formulé dans
nos hypothèses, nous arrivons à la conclusion que les
problèmes les plus importants dans ce territoire sont moins les
problèmes de l?existence du parc que ceux des enclavements des
populations riveraines, considérés par ces dernières comme
étant un grand frein à leur développement
socio-économique et limitant leur chance d?être en contact avec le
monde extérieur (technologies nouvelles, informations scientifiques et
communication moderne). Il est urgent que les autorités administratives
commencent par désenclaver le secteur si elles désirent
gérer efficacement les ressources naturelles, dont halieutiques du Parc
National de la Salonga.
Autour du PNS, en général et à Monkoto en
particulier, se pose la question de la cohabitation d?une logique
conservationniste qui trouve son sens à l?échelle nationale et
internationale et d?une logique développementaliste qui implique
l?exploitation locale des ressources du parc. Ainsi pour concilier les
intérêts des uns et des autres et garantir la
pérennité du processus de conservation, nous suggérons la
mise en place d?une approche de conservation participative et communautaire au
lieu de celle protectionniste exclusive, c?'est-à-dire, une conservation
des ressources naturelles « avec, et par les populations ».
C?est cette approche que l?Union Internationale de
Conservation de la Nature (UICN) a appelé « Community-Based Natural
Resource Management ». Elle prône la prise en compte politique et
économique des thèmes de la durabilité des processus de
développement et des droits des peuples autochtones165.
165 U ICN/CMAP/WWF (1996) : Principes et lignes directrices
sur les peuples autochtones et traditionnels et les aires
protégées, in Congrès mondial de la nature sur les
populations autochtones et les aires protégées, Montréal,
Canada. Ces principes sont issus de la Résolution 1.53 fondée sur
les recommandations du IV è Congrès mondial sur les parcs
nationaux et les aires protégées (Caracas, Venezuela, 1992), qui
demanda l?élaboration de politiques sur les aires
protégées qui tiennent compte des intérêts des
peuples autochtones, des pratiques coutumières liées aux
ressources et des systèmes traditionnels de régime foncier.
Il est impératif de préconiser une gestion
participative, d?impliquer les populations locales tant au niveau de la
conservation qu?à celui de l?utilisation des connaissances sur
l?environnement. Une telle stratégie devrait offrir des alternatives
économiques aux populations concernées, par le biais notamment
d?activités génératrices de revenus et
l?aménagement d?infrastructures socioéconomiques, afin de
favoriser le développement social et économique des populations
vivant à la périphérie ou même à
l?intérieur du parc et des zones protégées.
Le Parc National de la Salonga est un patrimoine collectif qui
ne peut survivre qu?au travers d?un consensus général regroupant
les différents acteurs (Etat, collectivités rurales, industriels,
société civile, bailleurs de fonds, etc.). Une fois ces acteurs
identifiés, les priorités d?interventions doivent clairement
être hiérarchisées afin de promouvoir un échange
direct entre tous les acteurs intéressés. Chacun des intervenants
doit alors être conscient de ses droits et devoirs.
Le contexte dans lequel doivent s?opérer ces
interventions nécessite la prise en compte du caractère culturel,
des institutions locales, du savoir traditionnel, de la participation et de
l?approche participative, des ONG ainsi que de la société civile.
Si cette condition n?est pas réalisée, aucune autre gestion du
PNS, aussi parfaite soit-elle, ne sera durable ni satisfaisante.
C?est en Afrique australe et notamment au Zimbabwe, en Zambie
et au Botswana que des programmes pilotes d?association de communautés
locales à la gestion des parcs furent lancés au début des
années 1990 et servent depuis de référence pour la
généralisation de telles pratiques sur l?ensemble du continent,
voire au-delà. Avec la décentralisation des
responsabilités politiques dans certains pays, des dispositifs de
gestion durable des ressources naturelles, telle la faune et du foncier par les
communautés locales se sont mis en place166.
En Afrique de l?Ouest (Burkina Faso, Bénin), ils sont
arrivés jusqu?à la constitution d?unités de conservation
de la faune permettant aux collectivités locales de s?organiser pour
gérer les terres mises à leur disposition et percevoir des
revenus liés à l?exploitation de la faune. Il en est de
même au Congo Brazzaville avec le programme ECOFAC, dans le sanctuaire
à gorilles de la Lossi, les ayants droit coutumiers des terroirs de
chasse ont été associés à la valorisation de leurs
terres dans une perspective de tourisme scientifique et de vision, en
étroite collaboration avec les autorités administratives.
166 GIRAUT F. et al. (2003) Les aires protégées
dans les recompositions territoriales africaines, Vè congrès
mondial des parcs, Durban.
C?est également le cas au Gabon, dans la réserve
de faune de la Lopé, où les terroirs villageois tels
qu?exploités au moment de la préparation du plan de zonage,
d?aménagement et de gestion, recouvrent intégralement la zone
où les populations sont autorisées à pratiquer leurs
activités167.
Ainsi, nous proposons un transfert réel de pouvoir aux
populations locales et à leurs représentants par l?Etat. Une
autonomie plus grande doit être donnée localement, et une
véritable gestion « décentralisée » doit
être mise sur pied où les prises de décision ainsi que la
définition des règles de gestion émanent des populations
et de leurs représentants, l?Etat ne gardant plus qu?un rôle
d?orientation, autrement dit, définissant les conditions de cette
gestion décentralisée. Dès lors, la gestion
décentralisée implique autonomie et non indépendance,
l?Etat et ses Services techniques assurant toujours la politique d?orientation
et de contrôle.
Toujours sur la base d?une décentralisation, nous
suggérons encore qu?à l?échelon national une
véritable politique de gestion des ressources halieutiques du Parc
National de la Salonga soit élaborée, laquelle ne peut intervenir
que dans un cadre d?action démocratique respectueux du droit.
167 AURÉLIE, B. et V. JOIRIS (2006), Op.cit, p.6
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consulté le 17/07/2010
ANNEXES
ANNEXE 1. Cartes du paysage Salonga-Lukenie-Sankuru
Rivière Lukenie au Parc National de la Salonga
Source : GIS-WWF-RDC
Paysage Salonga-Lukenie-Sankuru
Source : GIS-WWF-RDC
Localisation des six stations de l?ICCN dans le PNS
ANNEXE 2. Protocole d'accord entre les membres de la
coopérative de Bongonda et l'ICCN sur la pêche coutumière
dans la zone de Monkoto
ANNEXE 3. Archives des autorités administratives
sur le projet de la création du PNS
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