Ce travail de fin d'étude traite du respect de la
pudeur en milieu hospitalier. Inculqué dès le début de la
formation dans les écoles d'infirmières, j'ai souhaité
approfondir ce sujet sous différentes dimensions : historiques,
sociales, culturelles et physio-psychologiques.
Quiconque a été hospitalisé sait que
certains soins ou examens conduisent à exposer au regard d'autrui les
"parties honteuses" de notre corps. Nous allons voir que les personnes sont
différemment sensibles au fait de les exposer.
Dans ma pratique, je me suis interrogée sur le sens de
la pudeur. J'ai essayé d'avoir un esprit critique en améliorant
mon savoir-faire, mon savoirêtre dans ma pratique, pour une meilleure
prise en charge du patient et de son entourage.
Au fil de mes recherches, de mes observations, j'ai pu
découvrir qu'il n'y avait pas une, mais d'infinies formes de pudeur.
Elles varient selon la société à laquelle nous
appartenons, nos valeurs, nos croyances, notre vécu et surtout selon la
singularité de chacun.
De nombreuses questions me sont venues à l'esprit.
Qu'est-ce que la pudeur ? Ce sentiment a-il toujours existé ?
S'exprime-t-elle de la même manière dans toutes les civilisations
et quels sont leurs codes sociaux ? Quand les lieux protecteurs de la pudeur
sont-ils apparus ?
Si nous remontons à la mémoire de l'Homme, les
Evangiles en témoignent. Déjà, la Génèse
enseigne que la pudeur est liée au regard de l'autre et à la
proximité d'autrui, avec Adam et Eve qui se cachent lorsqu'ils
découvrent leur nudité. Pour Jeanne d'Arc (1430), son impudeur
réside dans le port de sa tenue masculine car pour l'époque il
est scandaleux de gommer la différenciation sexuelle voulue par Dieu.
Dans certains musées, on rencontre encore des
statuettes de diagnostic qu'utilisaient les Chinoises pour converser avec leur
médecin. Plutôt que de nommer ou de désigner l'endroit qui
les faisait souffrir, elles préféraient le montrer sur une de ces
figurines qui avaient soin d'exposer toutes les parties du corps.
Les prémices de la pudeur actuelle apparaissent dans
les monastères : distance minimale obligatoire entre les lits. Les
chaises percées (Montauban) sont transportées dans les chambres.
Ce n'est qu'au XIXème siècle que nous
voyons les premières salles de bain et les toilettes
privées. Puis, au lendemain de la seconde guerre mondiale, les
pensionnats et les couvents enseignent aux demoiselles de faire leur toilette
intime dans l'obscurité. En s'inventant des lieux d'intimité, la
pudeur s'est détachée du regard extérieur.
Enfin, le Code Napoléon et la loi de 1891 ont introduit
l'outrage à la pudeur. Ce code est toujours d'actualité. Le
naturisme est accepté en lieu privé. D'autres domaines de «
nudité partagée ou dévoilée » sont apparus
dans la même tolérance : les vestiaires sportifs et les
hôpitaux. Dans ce dernier cas, c'est au soignant de donner et de
faire respecter les limites.
Pendant mes différents stages pratiques, j'ai
constaté qu'en général la pudeur est respectée,
cependant, il est parfois difficile de la mettre en oeuvre, faute de moyens.
Elle apparaît « évidente » pour les soignants qui
travaillent en technique, mais aussi pour les visiteurs qui n'hésitent
pas à sortir de la chambre dès l'arrivée du soignant.
Pour approfondir ce thème, nous allons voir, dans un
premier temps, une situation vécue au début de ma formation,
suivie d'une problématique qui s'en dégage.
Dans un second temps, nous allons définir ce qu'est la
pudeur au regard de cette situation et les raisons pour lesquelles le soignant
doit agir à l'abri des regards. Celles-ci vont nous amener à
réfléchir sur les incidences du non-respect de la pudeur sur la
personne malade et de ces manifestations physiques.
Aussi, pour mieux comprendre l'incidence du non-respect de la
pudeur sur l'image corporelle, j'ai choisi d'analyser la situation de Mme G
selon la pyramide de Maslow.
Ensuite, toujours au regard de ma situation, j'ai
élargi mon travail d'étude à différentes
conceptions de la pudeur dans le monde, du point de vue psychologique,
sociologique, culturel et anthropologique. Ceci dans un objectif d'une
meilleure prise en charge des autres patients et de leur singularité
dans ma future profession.
Enfin, nous allons voir l'évolution des comportements
de la pudeur familiale et la nécessité de la présence des
proches auprès du malade lors de l'hospitalisation tout en ne perdant
pas de vue le respect de sa pudeur.
En avril 2002, Mme G., est hospitalisée en chambre
double dans un service de chirurgie orthopédique pour une
arthroplastie1. Elle souffrait de coxarthrose2 depuis une
dixaine d'années. Elle n'a pas d'autre antécédent
médical.
C'est une femme de 60 ans, de nationalité
française, elle est mariée, a quatre enfants (adultes et ne
vivant plus au foyer) et sept petits enfants.
Madame G. vit avec son époux dans un pavillon de plein
pied en Touraine. Elle est femme au foyer, catholique, non pratiquante. C'est
une femme réservée, discrête, parlant peu avec une voix
douce. Depuis son hospitalisation, elle est anxieuse quant à son
devenir.
A J5 de son intervention, dans l'après-midi, Madame G.
appelle le personnel soignant à l'aide de sa sonnette, pour l'aider
à se mobiliser et lui apporter un peu de confort. En effet, elle est
alitée et vient de terminer ses exercices d'arthromoteur pour sa
rééducation post-intervention (15 minutes/jour).
Dans un faux mouvement, elle a renversé de l'eau dans
son lit et sur sa chemise de nuit. De plus, lors de notre soin, elle se plaint
de douleurs lombaires du fait de son décubitus dorsal prolongé,
et son point d'appui sacré est endolori.
Avant de quitter sa chambre, nous la réinstallerons
confortablement dans son lit.
A notre arrivée, son époux est assis à
ses côtés. Depuis son hospitalisation, il est très
présent. Ce jour, sa voisine de chambre n'a pas de visite.
Madame G. nous demande donc de lui apporter notre aide
à se changer du fait de ses difficultés à se mobiliser.
Par conséquent, je demande à son époux de bien vouloir
sortir quelques instants dans le couloir, afin que nous puissions effectuer le
soin.
En effet, ma collègue et moi-même, toutes deux
étudiantes infirmières en première année, premier
stage, l'aiderons à se mobiliser, changer sa tenue (retirer sa chemise
de nuit mouillée), ses draps pour son confort, mais aussi pour
éviter toute altération de l'état cutané
(macération). Nous lui effleurerons la région lombo-sacrée
afin de prévenir des escarres.
De plus, à ce stade opératoire, Mme G. est
algique du fait de ses récents exercices d'arthromoteur et de son
alitement prolongé. Il relève du rôle propre de
l'infirmière de mettre en place des actions d'évaluation de la
douleur (EVA), de son anxiété, d'en référer au
médecin et de le transmettre à l'équipe.3
Mme G. étant à J5 d'une pose de prothèse
de hanche, elle risque une luxation de la hanche. Cette intervention
nécessite une éducation à la mobilité et une
période d'adaptation. Dans cette optique, nous devons lui reformuler les
consignes pour prévenir ce risque4: mettre un coussin entre
ses cuisses pour se tourner, mobiliser le bassin dans son ensemble, la jambe
doit suivre le mouvement, maintenue par le coussin.
Il est important d'établir une relation de confiance
avec elle pour lui permettre d'être plus à l'aise et d'exprimer
son ressenti, son vécu et ses craintes au regard de ce qui
précède. Cette relation de confiance permet d'améliorer la
communication. Mme G. est dans une chambre à deux lits (l'autre est
aussi occupé).
Dans sa chambre, nous sommes cinq: Mme G, son époux, sa
voisine de chambre et deux étudiantes infirmières. Nous ne
pouvons emmener Mme G. dans le cabinet de toilette. Ce soin se déroulera
donc au lit. Sa voisine est également alitée, dans
l'impossibilité de se déplacer. Je demande donc à M. G. de
« bien vouloir sortir » pendant le soin. Celui-ci acquiesce et se
lève pour nous laisser, ma collègue et moi-même
auprès de sa femme.
Madame G. saisit l'occasion pour demander à son
époux de lui rapporter des revues de la librairie du
rez-de-chaussée de l'hôpital.
Lors de notre soin présenté plus haut, la
patiente nous demande également de lui donner le bassin.
Plus tard, dans le couloir, ma collègue me dit
être très étonnée de ma requête auprès
de M. G. Elle estime qu'en tant qu'époux, mariés depuis 35 ans,
il connaît bien sa femme et que c'est plutôt indécent de lui
demander de nous laisser seules avec elle
3 Décret du 11 février 2002, articles
1,2,3,5 Annexe III et IV.
4 Décret du 11 février 2002, articles
1,2,3,5 Annexe III et IV.
Lorsque je me suis retrouvée devant cette situation, je
me suis interrogée sur mon attitude. Je me suis demandée pourquoi
j'avais effectivement demandé à ce mari de sortir : sur quelles
convictions, quels critères me suis-je appuyée ?
Etait-ce uniquement parce qu'on me l'a enseigné
à l'IFSI, ou plutôt parce que, moi-même, à la place
de Mme G, j'aurais aimé que l'on fasse sortir mon époux, ou bien
encore, est-ce mon éducation, mes valeurs qui ont influencé ma
décision.
Dans une optique professionnelle, j'ai décidé
d'analyser cette situation de soin qui renvoie comme tout un chacun à
son propre vécu, au regard du problème suivant :
Comment l'infirmière peut-elle respecter et
faire respecter la pudeur en tenant compte de la singularité
socio-culturelle du patient, des lois qui légifèrent sa
profession et des protocoles établis ?
Doit-elle systématiquement demander à
l'entourage proche de sortir ou doit-elle demander au patient ce qu'il souhaite
? Mme G. aurait peut-être été embarrassée d'avoir
à prendre elle-même la décision.
1 - LA PUDEUR.
Afin de traiter ce problème, il m'a parut important de
définir ce qu'est la pudeur :
« Discrétion, retenue qui empêche de
dire ou de faire ce qui peut blesser la décence (...). Réserve de
quelqu'un qui évite de choquer, de gêner moralement,(...).
Délicatesse. »5
Dans notre situation, cette première définition
s'adresse au soignant à qui il revient la décence et la
conscience professionnelle de ne pas choquer le patient en n'appliquant pas de
mesures en vue de la respecter dans sa pudeur.
Pendant le soin, nous avons communiqué, essayant ma
collègue et moimême d'établir une relation de confiance.
Nous étions à son écoute et disponibles. Dans
l'intimité, il nous a été permis d'instaurer un climat
propice aux échanges et donc induit une meilleure prise en charge. Cette
qualité de relation peut optimiser les effets du soin pour une meilleure
connaissance d'elle-même et de son corps.
A la fin de ce soin, Mme G. semblait plus détendue,
plus ouverte au dialogue. Elle était moins anxieuse, souriait et
semblait satisfaite du soin prodigué.
L'environnement instauré dans le respect de la pudeur
lors d'un soin est donc primordial pour son bon déroulement.
Cette première définition de la pudeur
s'applique aussi M. G. qui a fait preuve de délicatesse : il s'est
éloigné, s'est éclipsé pour la décence de
son épouse, pour ne pas la blesser. Il s'est abstenu de gêner
cette intimité féminine.
Autre définition :
« Sentiment de gêne qu'éprouve une personne
à se montrer nue ».6 Cette deuxième
définition exprime bien les conséquences profondes
psychiques de la personne, mal à l'aise à exhiber
son corps, dénudé à autrui. Pour toutes ces raisons,
« Le soignant doit agir à chaque fois qu'il le
peut à l'abri des regards, la personne ne doit pas se retrouver nue ; la
découvrir au fur et à mesure avec son accord
».7
2 - SI LA PUDEUR DE MME G. N'AVAIT PAS ETE RESPECTEE...
5 Définition du Petit Larousse 2000.
6 Formation de pratique du soignant, Ed. Masson, page
4.
7 Formation de pratique du soignant, Ed. Masson, page
9.
Mme G vient de subir une intervention chirurgicale (la pose de
prothèse de hanche) avec une cicatrice d'une trentaine de
centimètres sur la cuisse qui l'atteint dans sa chair.
Elle est fragilisée et peut éprouver des
difficultés à manifester sa
pudeur.
Elle n'est pas non plus en situation de force : elle n'est pas
sur son territoire.
Pour cette raison, il me paraît primordial d'introduire
le concept de l'image corporelle et des incidences qu'un non-respect de la
pudeur peut provoquer.
2-1 Concept de l'image corporelle :
En effet, dans une démarche de soin, nous pouvons
attribuer à Mme G le diagnostic infirmier suivant : « risque de
perturbation de l'image corporelle», lié à son
intervention chirurgicale (sa cicatrice), à sa perte de mobilité
et d'autonomie.
« L'image corporelle est un jugement que l'on porte
sur son propre corps, sur son apparence, sur la manière dont on montre
son corps aux yeux des autres ».8
Mme G doit se réapproprier son « nouveau corps
», de plus affaibli par l'intervention .
2-1-1 Incidence sur la relation de confiance :
En tant que soignant, si je ne fais pas le lien entre la
pudeur et la perturbation de l'image corporelle, cela peut avoir un
retentissement, une incidence sur la relation de confiance que je souhaite
établir avec Mme G.
Je souligne l'importance pour le soignant d'être
attentif aux signes, aux messages verbaux et non verbaux exprimés par
les patients, et d'en tenir compte.
2-1-2 Incidence psychologique du non-respect de la pudeur.
8 Formation et pratique du soignant, Ed. Masson.
En psychologie, la personnalité pudique se construit
selon ses valeurs, sa conformité, sa morale, ou ses censures. C'est le
Surmoi. Si elle est affectée, elle peut se sentir agressée.
Ce qui peut provoquer : conflits, nervosité,
anémosité envers les soignants et avoir un retentissement
psychologique sur Mme G : un repli, une dépression réactionnelle
si elle est blessée dans son amour propre car la situation est
peut-être culturellement inacceptable.
« Son atteinte donnerait des manifestations
psychosomatiques ...nous comprenons que lorsqu'une expérience
sensorielle est vécue en présence de témoins, le
schéma corporel se croise avec l'image du corps. Il représente
l'image de soi. »9
Comme l'exprime cette citation, si le sentiment de pudeur de
Mme G était perturbé, on pourrait voir apparaître une
surcharge d'émotion provoquant une tension psychique (des conflits
psychiques).
Mme G. étant déjà fragilisée par
son hospitalisation et par son altération physique, elle peut être
plus sensible à exposer son corps aux yeux de ses proches. L'expression
de son émotion se fera selon son histoire de vie, et selon sa
capacité à s'adapter ou se réapproprier son corps
cicatriciel parce que le schéma corporel est influencé par
l'intégrité physique.
2-2 Les manifestations physiques de la pudeur.
Si les émotions sont universelles et intemporelles, les
manifestations de pudeur sont modelées par les cultures. Autrement dit,
la pudeur est un sentiment qui s'applique à des contextes culturels
différents. On les reconnaît par les émotions qu'elle
provoque :
- rougissement,
- accélération du rythme cardiaque et
respiratoire,
- attitude de fuite : comme baisser le regard ou détourner
la tête, - avec une gêne ou un stress associés.
- érythème pudique (bien connue en dermatologie :
le cou et la poitrine sont tâchés de rougeurs).
Or, Mme G n'a pas eu le temps d'éprouver ses
émotions, puisque j'ai anticipé l'éventuelle gêne
qu'elle aurait pu subir.
9 Formation et pratique du soignant, Ed. Masson, page
51.
Je dois, par conséquent, être attentive aux
comportements qu'elle manifeste, en identifiant ses besoin qui peuvent
être perturbés, les facteurs en cause et ainsi, agir sur ces
derniers pour optimiser son adaptation à son environnement.
Pour parfaire cette étude, je me suis appuyée sur
la pyramide de Maslow dans le but d'une prise en charge globale de Mme G.
3 - LES BESOINS PERTURBES DE MME G. (selon la pyramide
de Maslow).
En tant que soignante, je dois prendre en charge Mme G dans sa
globalité. Nous allons voir l'importance du respect de la pudeur afin de
ne pas aggraver les besoins perturbés de Mme G.
3-1 Besoins physiologiques :
De par son état pathologique, Mme G. a ses
besoins physiologiques perturbés. Le simple fait
d'être hospitalisée peut la désorienter. Elle est
dépendante des contraintes, des horaires, des examens, d'un confinement
dans la chambre, d'une cohabitation plus ou moins voulue.
D'autre part, elle n'est pas libre de ses mouvements : ses
activités sont réduites au minimum (lectures, TV, visites). Elle
peut éprouver une sensation de perte de liberté (elle ne peut
plus effectuer certains gestes qu'elle avait l'habitude de faire). Elle a donc
besoin d'une aide partielle à effectuer ses auto-soins (hygiène,
confort, habillage, mobilisation.)
3-2 Besoin de sécurité :
Mme G éprouve également un besoin de
sécurité, un besoin d'être rassurée qui se
manifeste par sa demande d'accompagnement dans sa mobilisation mais aussi par
son anxiété quant à son devenir. L'hospitalisation est
toujours un changement du mode de vie. A son entrée à
l'hôpital, Mme G. ressent de l'anxiété.
Cette intimité lui permettra d'être plus
concentrée sur elle-même et de mieux accepter l'évolution
de sa cicatrisation et de ses mouvements.
La relation de qualité permet de diminuer cette
dernière. Elle induit la capacité de savoir observer,
écouter, communiquer avec respect, pour un meilleur vécu de
l'hospitalisation et donc faciliter son adaptation.
« L'homme est un être bio-psycho-social en
interaction constante avec un environnement. Il doit constamment faire face au
changement »10
Elle dépend du rôle propre de
l'infirmière. Par cette relation d'aide et d'écoute, il est aussi
possible d`informer la patient par une éducation postinterventionnelle
de cette envergure : pose d'une prothèse totale de hanche. Certaines
personnes n'osent pas se plaindre devant leur proche, ceci en vue de les
préserver. C'est une forme de pudeur.
3-3 Besoin d'appartenance :
Son hospitalisation affecte ses besoins
d'appartenance. Du fait de son hospitalisation, ses habitudes de vie
sont perturbées, de sa vie de couple, de son intimité. Elle peut
éprouver un sentiment de rupture avec son milieu familial et social
(perturbation de la dynamique familiale) du fait qu'elle est
momentanément exclue de la société. Elle n'a quasiment
plus d'interaction sociale (hormis le personnel soignant et ses visites), son
atteinte corporelle et/ou psychique peut en être
altérée.
3-4 Besoin d'estime et de considération:
C'est dans ce dernier besoin perturbé qu'intervient la
nécessité du respect à l'intimité.
Son besoin d'estime et de
considération est momentanément altéré, il
est lié à sa dépendance et à son corps cicatriciel
infonctionnel. Cela se manifeste par un manque de confiance en elle. En
saisissant l'occasion pour demander à son époux de lui faire des
courses, elle met de la distance entre eux pour son intimité.
En effet, le temps, pour M G de descendre au
rez-de-chaussée, de choisir ses revues, de remonter, Mme G prolonge
ainsi son absence. Peut-être pour lui permettre de s'oxygéner un
peu lui aussi. Dans ce message, je pense avoir saisi qu'elle m'approuvait dans
ma requête d'autant plus qu'elle en profite pour nous réclamer le
bassin.
10 Calista Roy USA.
De plus, M. G a compris que sa femme, pouvait se retrouver en
situation délicate, dénudée, en présence de quatre
personnes (les deux élèves infirmières qui effectueront le
soin, et la voisine de chambre).
Dans le respect de ce couple, il m'a semblé
nécessaire d'avoir leur accord implicite. Il en est de même pour
tous les soins comme le stipule la Charte du patient
hospitalisé.11
J'ai senti Mme G très sensible à son
état, à sa situation. Je ne peux affirmer qu'elle souffrait d'un
manque d'intimité : elle ne s'est jamais plainte de quoi que ce soit.
Cependant, c'est une femme réservée,
intériorisant ses émotions et discrète. Elle parle
calmement, d'une une voix douce. Ses gestes sont lents. Pour ces raisons, il
était utile de lui octroyer un milieu propice pour le respect de sa
pudeur, de manière à ce qu'elle éprouve le moins de
gêne possible.
Pour être considérée, Mme G ne doit pas
sentir qu'elle est l'objet de regards indiscrets. Nous devons réaliser
nos soins avec délicatesse dans un souci de la personne. L'estime et la
considération de Mme G sont primordiaux pour son rétablissement
et pour retrouver ses repères.
De tout temps, l'homme a éprouvé le besoin de
plaire, par l'intermédiaire de modèles par souci d'apparence.
Afin de préserver l'intimité du couple et de ne
pas induire la dépréciation de Mme G. atteinte dans sa chair, il
est donc important de mettre en oeuvre des actions, des codes hospitaliers dans
le but de la préserver (des regards d'autrui) lors de l'aide à
l'habillage, de la toilette, du confort.
De plus, nous ne devons pas entrer dans leur intimité :
peut-être est-ce un couple pudique l'un envers l'autre.
La première action réalisée dans cette
situation fût de : faire sortir son époux. Puis, en second lieu,
de considérer que Mme G . n'est pas seule dans la chambre. Un drap de
protection est laissé sur elle, ceci relevant d'une pratique
professionnelle pour préserver sa pudeur. C'est un code, un langage non
verbal enseigné dans les écoles. En troisième intention,
un des soignants se positionne entre les deux lits, pour appliquer
techniquement les règles ergonomiques et professionnelles de
discrétion inculquées lors des formations et des pratiques aux
soignants.
3-5 Pour un meilleur respect de la pudeur :
J'ai souhaité introduire dans ce travail la notion
d'intimité12, qui, je pense,
complète la notion de pudeur.
L'intimité comporte une dimension spatiale. C'est un
espace limité, non matérialisé dont les frontières
sont invisibles.
Dans notre situation, Mme G a profité de la distance de
son époux pour se centrer sur elle-même, d'être plus libre
d'être elle-même et bénéficier d'un sentiment de
sécurité : elle nous demande le bassin.
L'élimination fait partie du domaine du privé, et par
conséquent de l'intimité. Tout le monde élimine, c'est un
phénomène physiologique naturel.
En Occident, on le fait caché d'autrui. On apprend tout
bébé à vivre en société. Cet apprentissage
passe par la propreté :des lieux pour éliminer (toilettes ou
isolé) et rituels (accroupis, assis, le soir avant de se coucher...)
nous sont inculqués en grandissant.
Du fait de son alitement, Mme G est obligée
d'éliminer dans sa chambre, en présence de sa voisine de chambre
et de plus : allongée.
Cette situation délicate se rencontre
fréquemment lors de l'hospitalisation. Le soignant ne doit pas
s'immiscer dans l'intimité du patient. Il ne peut aller au-delà
de ce qui est autorisé. Nous connaissons les interdits selon notre
culture.
Il est important de pouvoir les identifier selon des codes
sociaux, et de prendre en compte le ressenti de Mme G. Pour cela, il faut
être à son écoute et observer une communication non verbale
(les distances qu'elle instaure avec son entourage, les soignants, mais aussi
ses expressions du visage), et tenir compte de sa personnalité
plutôt introvertie.
4 - LA PUDEUR DANS LE MONDE.
La notion de pudeur de chacun peut renvoyer à la religion
et au culturel.
La pudeur n'est pas toujours liée à la religion.
Il faut prendre en compte les phénomènes socio-culturels. Prenons
l'exemple des grecques dont la pudeur correspond à une modestie de
comportement, de retenue verbale.13
Le fait de porter un jugement sur les différentes
valeurs culturelles des patients relève de l'intolérance, du
non-respect de ce qu'ils sont. Je dois pouvoir prendre du recul, mettre mes
propres valeurs de côté afin de faire de mon soin une relation de
confiance, non conflictuelle, tout en restant authentique, moi-même.
L'empathie, c'est à dire les comprendre sans fusionner, me le
permettra.
Le soignant doit faire preuve
d'altérité14 dans les soins,
de connaissance en sociologie, en anthropologie (que nous verrons dans le
prochain chapitre) afin de ne pas choquer, ne pas heurter les valeurs du
patient. Il doit être conscient que sa vérité, ses valeurs
ne sont pas forcément mieux que d'autres.
4-1 Comment tenir compte de la singularité du
patient en vue de respecter sa pudeur.
Pour une prise en charge soucieuse de Mme G, nous devons
prendre en compte sa singularité. Pour ce faire, il est
important d'être conscient que selon ses croyances, son vécu, le
patient ressent les choses différemment. Les sciences humaines sont les
sciences qui ont pour objet de donner ce savoir sur l'homme et la
société. Elles sont instituées dans les IFSI, cependant
chacun doit approfondir ses connaissances en sciences humaines.
En effet, elles répondent aux questions relatives aux
différences culturelles spécifiques à chacune.
Aussi, la pudeur est ressentie, interprétée
différemment dans chaque civilisation. Pourtant,
« Il est important que le soignant sache
qu'aucune population ne tolère la nudité totale
et que les codes du regard diffèrent beaucoup selon les
société . »15
13 Le nouvel observateur, HS, « la mythologie
grecque », 1999, 98 pages.
14 Définition du Petit Larousse 2000,
caractère de ce qui est autre.
15 Le Nouvel Observateur, HS n°39, 1999, DUERR
(H-P), « des vêtements invisibles », 98 pages.
En Afrique, le regard direct d'un non-familier est vécu
chez la plupart comme une agression. Il faut l'éviter afin de
prévenir les émotions qui conduiraient à un conflit
(témoignage personnel).
4-2 La pudeur catholique :
Pour respecter la pudeur de Mme G, nous devons avoir à
l'esprit qu'elle est française, de religion catholique et que les codes
de la pudeur son bien définis par cette religion. Cette dernière
sublime la pudeur :
« La pudeur est l'honneur des corps, l'ornement, la
sainteté des sexes...»16
et condamne l'impudeur :
« Par ailleurs, le croyant doit rejeter l'impudeur...
détester l'impureté qui plonge dans la dégradation et qui
s'attaque au corps et à l'âme... elle est nuisible, porte un coup
mortel à la vertu, elle pervertie les consciences honnêtes...
c'est un fléau de l'avenir, une corruption, débauches
monstrueuses. » 17
Pour Adam et Eve, dans la Genèse,
« Ils découvrent le rapport entre la
nudité et la ruse...leur première réaction est de se
couvrir dès qu'ils se voient nus. »18
En Angleterre ou en Allemagne où le catholicisme est de
rigueur, le même mot signifie à la fois pudeur et honte.
D'ailleurs, Freud qui était allemand n'a pas non plus fait la
différence.
De part sa religion, Mme G pourrait être affectée
du nom respect de sa pudeur et ressentir de la honte à se
dénuder. Elle aurait pu manifester de la gêne et se couvrir si sa
pudeur avait été affectée. Elle n'a pas eu le temps de
l'être, elle a été préservée. Il me
paraît donc important, en tant que soignant, d'avoir des connaissances en
culture religieuse afin de ne pas offusquer un patient d'une autre culture.
4-3 La pudeur en Orient :
16 Le Nouvel Observateur, HS n°39, 1999, WINTER
(J-P), « Eloge de cette vertue », 98 pages.
17 Le Nouvel Observateur, HS n°39, 1999, «
Eloge de cette vertue », 98 pages.
18 Le Nouvel Observateur, HS n°39, 1999, «
Eloge de cette vertue », 98 pages.
Par exemple, en Orient, il existe toute une civilisation de la
pudeur dans les rites des concubines en Chine, des Geishas au Japon et dans le
port du voile chez les filles du harem.
« La divergence d'attitudes à l'égard
du corps et de la nudité est flagrante avec ce que nous, les
européens, nous entretenons. La pudeur trace une frontière
virtuelle entre les civilisations occidentales et l'Orient. Le sourire sert en
Asie à exprimer le contentement et masquer le chagrin. Leur pudeur
interdit de les montrer, et à la mort d'un parent, un japonais sourit
alors qu'un français pleure. » 19
Dans sa pratique, le soignant est amené à
rencontrer différentes ethnies. Les croyances et les valeurs des malades
doivent être respectées, comme le stipule l'article 7 de la Charte
du patient hospitalisé.20
4-4 La pudeur pour les musulmans :
« Celui qui n'a pas de foi est dépourvu de
pudeur...s'il est impudique, alors c'est un mécréant... »
21
Selon l'islam, le corps est sujet aux pulsions, qui font
obstacle au salut de l'individu. La pudeur doit exclure la nudité. Par
conséquent, l'homme doit cacher la partie entre le nombril et les
genoux. Pour d'autres sociétés musulmanes, il ne faut pas non plu
s'exhiber le torse nu, pour d'autres encore ne pas sortir la tête
découverte. L'infirmière doit être à l'écoute
des codes vestimentaires qui recouvrent le corps.
Pour Mme G, catholique, il en est de même. Elle nous
demandera le bassin lorsque son époux sera sorti de la chambre. Mais
pour elle, c'est plus du domaine de l'intimité en relation avec des
conduites sociales.
4-5 La sociologie de la pudeur :
19 Le Nouvel Observateur, HS n°39, PADOUX (A),
« Les bains nippons »,1999, 98 pages.
20 Annexe I, article 7.
21 Le Nouvel Observateur, HSn°39, 1999,BENKHEIRA
(MH), « Le corps et l'islam », 98 pages.
D'une part la sociologie offre la possibilité
d'analyser les rapports entre les différents acteurs sociaux (soignants,
soignés, et famille) impliqués dans les situations de soin .
D'autre part, des moyens et des lois sont mis en place dans
notre
société pour respecter l'intimité et la
pudeur. Par exemple, s'exhiber est une
atteinte à la pudeur réprimée par le Code
Napoléon et la loi de 1891.
De tout temps, et dans les différentes cultures, on
pratique des rites. Ils
permettent de maîtriser l'angoisse, le temps, l'espace. Ils
impliquent :
- le corps, dans les gestes, les attitudes et des postures
codifiées.
- la croyance, dans les religions, les mythes, les idéaux,
les valeurs.
Par ailleurs, les conduites rituelles canalisent les
émotions (peur, haine,
joie) et ont un rôle de communication (système
codifié).
Nous les retrouvons également dans notre pratique
infirmière. :
Les rituels paramédicaux gèrent assez bien, dans
notre culture, ce problème. Prenons l'exemple d'une toilette au lit. Les
techniques de ce soin nous indiquent bien qu'il ne faut jamais dénuder
entièrement le patient. Le drap du dessus est replié sur le corps
de la personne alitée. En effet, nous ne devons pas découvrir ses
parties génitales ou son torse, ceci en vue de respecter sa pudeur.
4-6 L'anthropologie :22
« Le rapport de l'individu à son corps
évolue au cours des temps, mais est indissociable du processus de
civilisation auquel on appartient. Cela émane du psychisme, du culturel,
du collectif et de l'individuel. »23
Mme G. a, elle-aussi, sa propre conception de la pudeur, selon
sa culture familiale imprimée dès son enfance, qui est un
croisement de règles culturelles et sociales. Cela lui permet de
définir ses limites par rapport à un bon ou un mauvais
comportement.
L'anthropologie tente de répondre aux questions
relatives aux évolutions culturelles par l'observation des
civilisations. Nous pouvons observer une importante divergence de comportements
selon les pays :
22 Définition Petit Larousse 2000 : science des
sociétés primitives avec organisation de concepts et de
méthodes.
23 Le Nouvel Observateur, HS n°39, Dumas (D),
1999, 98 pages.
« Le corps entier est non dénudé en
Scandinavie, pas de seins dénudés en Amérique du Nord,
plutôt les fesses dénudées que les seins au Brésil,
en Asie, un chinois ne peut se baigner sous le regard de femmes, en revanche,
les portes des WC ne portent pas de cloison, ainsi il peut faire la
conversation à ses voisins. »24
Aussi, au regard de notre situation, mon «
savoir-être » pudique auprès de Mme G devrait s'adapter
à un autre patient d'un autre continent. Peut-être que si le
patient était un asiatique, il m'aurait fallu demander à un
collègue masculin de prodiguer les soins. Ceci en vue de respecter sa
singularité, sa pudeur.
Tels les anthropologues, l'infirmière doit mettre de
côté ses propres références culturelles pour
comprendre celles des autres. Il est toutefois important pour elle,
observatrice, d'inclure dans son travail d'analyse, sa propre position : ses
affects, ses croyances ainsi que ses appartenances sociales et culturelles.
Avec cette prise de conscience, je peux mieux m'adapter
à chaque individu (patient ou collègue), à sa culture. Les
moyens dont je dispose sont : la communication avec Mme G, elle-même, si
le discours est ouvert et qu'il s'est établi une relation de confiance.
Je pouvais, en effet, explicitement demander son avis ou encore, être
attentif aux signaux exprimés par celle-ci, c'est à dire, la
communication non verbale (l'observation des comportements, l'attention).
D'autre part, la communication verbale instaurée avec
Mme G., pendant notre soin de confort, a construit un bouclier de pudeur. Comme
le révèle M. Xavier Emmanueli (SAMU social) dans son discours sur
les vertus de la communication :
« Si je veux que le contact se fasse, je suis
obligé, en tant que médecin, de livrer un peu de mon être.
Paradoxalement, il faut s'exposer personnellement, se dévoiler un peu,
pour créer des liens et, par là, réintroduire la pudeur.
Avec le temps et l'expérience, je suis moins gêné alors que
j'ai plus de pudeur. (Xavier EMMANUELI , le Nouvel Observateur, HS n°39 de
1999).25
C'est un moyen que j'ai vu appliquer tout au long de mes
stages pour faire diversion : les soignants évitent au silence de
s'installer.
Il permet d'alléger le geste, le soin et
l'atmosphère. Le voile vestimentaire retiré ne jouant plus son
rôle, il est fait appel à la parole pour tenir lieu d'écran
en bannissant un silence parfois trop pesant, pour l'un comme pour l'autre.
Ainsi, la qualité et la formation du soignant, mais
aussi la prévenance, le respect, doit enlever toute équivoque au
geste qui pourrait l'être. Il est clair, toutefois que patients ou
patientes se voient contraints de vivre des situations impudiques auxquelles
ils ne sont pas toujours préparés.
5 - LE RESPECT DE LA PUDEUR AU SEIN DE LA FAMILLE.
La sociologie et la psychologie offrent des outils pour
analyser les rapports entre les différents acteurs sociaux
impliqués dans les situations de soin. Ainsi les rapports entre les
soignants et soignés, entre les soignés et leur famille.
Il me paraît important de rappeler l'évolution
des comportements face à la pudeur familiale. En effet, nous avons connu
un bouleversement socioculturel des comportements concernant la nudité
en famille en l'espace d'une seule génération : il n'y a encore
qu'une dizaine de décennies, il était exclu de se montrer
dénudé en famille alors qu'aujourd'hui comme le dit Intel:
« ne pas pouvoir se montrer nu à ses propres
enfants ou à son partenaire en dehors des rapports sexuels est un signe
négatif, indicateur de manque d'authenticité et de
proximité dans la relation, voire être limite « vieux jeu
». Les anciennes pudeurs semblent avoir soudainement disparu.
»26
Du fait de son immobilité, Mme G. ne peut s'isoler.
C'est donc à son époux de « s'éclipser » pour
préserver la pudeur de son épouse.
Ce problème de la pudeur, dans la pratique
médicale et les soins, est aussi ancien que l'art de guérir.
Déjà, Hippocrate, père de la médecine occidentale,
recommandait « de ne pas dénuder les malades sans
nécessité, surtout en présence des
proches.»27 Il conseillait d'autre part de le
faire avec tact.
26 Le Nouvel Observateur, HS n°39, 1999, WINTER
(J-P), « l'amour interdit », 98 pages.
27 BOLOGNE (J-C), « histoire de la pudeur »,
1999, Ed. Perrin.
Certains gestes ne sont qu'à soi. Certains sont
très personnels. Ainsi le partenaire faire preuve de discrétion
en ne s'imposant pas. Ce que M. G a fait. Il a eu du tact, a présenti
les signaux non verbaux et s'y est adapté.
Par ailleurs, comme nous avons vu plus haut, le couple peut
reposer sur le désir physique du partenaire ou le besoin de plaire.
Parfois, il est des impudeurs qui peuvent provoquer des dégoûts
ponctuels pouvant se généraliser en dégoût de
l'autre. Par exemple, l'expérience montre que des maris ayant
assisté à l'accouchement de leur compagne se trouvent, à
postériori, perturbés dans leur sexualité et leur
désir pour leur femme. Le rôle du soignant est alors d'anticiper
cette éventualité et proposer la présence du papa à
la tête de sa femme : il pourra se sentir plus utile dans son sentiment
d'impuissance à soulager sa femme.
Au regard de notre situation, il me paraît utile de
définir dans un premier temps ce qu'est le couple, puis d'élargir
le thème à la famille, puisque dans la pratique quotidienne, nous
sommes confrontés à leur présence :
5-1 Le couple c'est « un
homme et une femme unis par le mariage ou par des liens affectifs.
»28
M et MME G semblent être un couple uni. M. G,
retraité, ne quitte que très rarement son épouse. Il est
très attentionné. Il lui rapporte des fleurs, des photos de ses
petits enfants et des dessins qu'ils ont fait pour elle.
Pour Françoise Dolto « le corps passe par le
désir de l'autre».29 Le couple est soumis à
ce désir, et il y a accouplement dans l'intimité. De plus,
« De tout temps, l'Homme a éprouvé le besoin de plaire
».30 L'anxiété de Mme G. provient de son
atteinte corporelle. Elle est dépendante, elle vient de subir une
intervention qui lui vaut une cicatrice et une immobilité fonctionnelle.
Elle ne peut s'accomplir dans son désir de plaire. Aussi, elle
n'apparaît pas mécontente de l'absence de son époux lors
des soins.
Même si ses époux forment en apparence un couple
uni, il est difficile de connaître les degrés de pudeurs
respectifs. Le soignant doit être attentif aux manifestations verbales ou
non verbales même lorsque celles-ci relèvent de la pudeur
familiale.
28 Définition du Petit Larousse 2000.
29 Sciences humaines et soins infirmiers, Ed. Lamarre,
2000, 207 pages.
30 Sciences humaines et soins infirmiers, Ed. Lamarre,
2000, 207 pages.
5-2 La famille est :
« Un ensemble formé par père,
mère, enfant, famille nucléaire ou conjugale réunissant
dans un même foyer. Ensemble de personnes qui ont un lien de
parenté par le sang ou par alliance présentant des
caractères communs. Appartenance à un ensemble, avec une origine
commune, une même racine ».31
En ce qui concerne la famille, elle est souvent très
attentive aux souhaits du malade, elle va même au devant. Elle
connaît ses habitudes, ses goûts, ce qui peut lui faire plaisir ou
au contraire ce qui lui déplaît. Elle peut être aidante ou
pas.
« La famille est le témoin le plus
récent. Elle est le lieu de sa vie affective. Les liens familiaux sont
irremplaçables. »32
Elle est effectivement très importante pour le bien
être du patient. Elle est le lien entre le patient hospitalisé et
l'extérieur, la société. Cependant, l'entourage ne peut
pas tout apporter à son parent hospitalisé. Les soins techniques
relèvent des soignants. Il est peut être plus facile de montrer
son corps à des professionnels qu'à son entourage proche.
« Quand un malade entre dans le service, il nous faut
aussi prendre en charge sa famille avec lui. »33 En effet,
celle-ci peut-être émotionnellement affectée de
l'hospitalisation de son proche. Il faut pouvoir les guider, les
réconforter, les accompagner dans le cheminement d'une pathologie.
« Malheureusement, le manque de temps est souvent
évoqué par les équipes : il est la cause de regrettables
malentendus. »34
L'infirmière doit cependant prendre des « gants
», savoir employer les mots, le ton, pour ne pas offusquer un proche en
s'adressant à lui. Cela nécessite un savoir-être, un
savoir-faire.
5-3 Les différentes réactions des
familles : Les familles sont-elles toujours aidantes
?
31Définition du Petit Larousse 2000.
32 Formation du soignant, accompagnement au quotidien,
Ed. Masson, page 70.
33 Infirmière, Adonis (C), Ed. Grosset, 1979,
218 pages.
34 Infirmière, Adonis (C), Ed. Grosset, 1979,
218 pages.
Les familles éprouvent parfois des difficultés
dans leur relation. Il arrive aussi qu'elles se montrent agressives, peu
coopératives, elles protestent contre les pratiques de soin.
Le personnel soignant doit être conscient de ces
éventuelles réactions psycho-affectives. Ne le serions-nous pas
nous même lors de l'hospitalisation d'un proche ? d'un enfant ?
Dans la situation de M. G, il n'a pas été
question d'hostilité puisqu'il a acquiessé de suite et s'est
levé. Cela relève de la communication non verbale.
« Il y a effectivement des familles anxieuses,
hostiles, trop discrètes, envahissantes, celles qui ne veulent pas
comprendre ou qui n'entendent pas un diagnostic, celles qui n'admettent pas
l'échec, celles qui s'étonnent... et il y a aussi les familles
admirables ».35
Le soignant doit pouvoir gérer par anticipation : le
savoir-faire, la diplomatie et prendre un certain recul ou pouvoir
déléguer un entretien s'il sent que la relation va être
tendue : c'est le travail en équipe.
Rappelons aussi que la représentation de la famille est
très variée d'un pays à un autre et dans une même
société. Elle varie d'un groupe culturel à un autre, d'une
classe sociale, d'un niveau d'étude. L'infirmière doit tenir
compte de la vie privée de la personne comme le stipule l'article 9 du
code civil et la convention européenne les droits de
l'homme.36La personne hospitalisée peut recevoir dans sa
chambre les visites de son choix, mais l'infirmière est tenue de
respecter et faire respecter l'intimité.
Ce travail de fin d'étude m'a permis d'approfondir la
dimension du respect de la pudeur en milieu hospitalier.
Je me suis interrogée sur mon « savoir-être
» en tant qu'infirmière, face au patient, dans le cadre d'un soin.
La question que je me suis posée était la suivante : «
quelle approche dois-je avoir avec le malade pour respecter sa pudeur, tout en
conservant l'efficacité des soins que je dois lui prodiguer ? »
Tout d'abord, je dirais que sans l'apprentissage des
techniques de soins, cette approche n'a aucune consistance. Il est bien
évident que la connaissance des gestes professionnels permet
d'introduire une réflexion sur la
35 Infirmière, Adonis (C), Ed. Grosset, 1979,
218 pages.
36 Annexe I, droit à la vie privée et
à la confidentialité.
sensibilité de la personne soignée. Les
différents stages que j'ai effectués m'ont progressivement
conduite à m'interroger sur la personnalisation des soins. Si les
techniques restent les mêmes, l'intérêt que nous portons aux
fins d'aider le patient à garder sa dignité et lui accorder une
attention toujours renouvelée, doivent faire appel à des
qualités d'écoute et de discrétion dans le soucis de
préserver son intimité.
Au cours de mes recherches, l'étude de la sociologie
m'a permis de mieux connaître les autres et moi-même afin de
respecter les différentes formes ou manifestations pudiques. Il est
évident que le soignant doit se garder d'une implication personnelle
trop importante car il doit conserver le recul nécessaire à la
sérénité professionnelle et individuelle.
La pratique du « respect » est d'une grande
complexité, si une approche du problème est envisageable, il
n'existe aucune règle ou « recette » applicable. Trop de
paramètres sont présents entre la personnalité du patient,
celle du soignant et la présence de la famille. Il appartient à
chacun d'entre nous d'agir et de réagir au cas par cas en faisant preuve
de vigilance.
Les soins au corps et le respect de la pudeur en milieu
hospitalier impliquent donc de maintenir le proche à la fois dans la
proximité et dans l'éloignement. C'est un savoir qui se construit
dans des communications personnelles avec les patients et au fil du temps avec
l'expérience.
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages :
ADONIS (CA), 1979, Infirmière, Ed. Grosset, 218
pages.
BOLOGNE (J-C), 1999, Histoire de la pudeur, Ed. Perrin.
BURRUS (O), de VILLERMAY (D), 1997, L'infirmière
d'aujourd'hui, Ed. Josette Lyon, 175 pages.
CHAMPAULT (G), SORDELET, Le métier d'infirmière
: des études à la pratique , Ed. Masson.
DOLTO (F), 1990, Tout est langage, livre de poche, 191
pages.
23 DROUARD (J-P), 2002, Des soins infirmiers et des
cultures, Ed. Ellipses, 175 pages.
DUBOY-FRESNEY et PERRIN, Le métier d'infirmière
en France, Que sais-je ? n° 3052, 2308, 2200, 125 pages.
Formation et pratique du soignant, Ed. Masson.
GUEZ (E) et TROIANOVSKI (P), 2000, Sciences humaines et soins
infirmiers, Ed. Lamarre, 205 pages.
HESBEEN (W), 2000, Prendre soin à l'hôpital,
Inter-Editions Masson, 195 pages. LOUX (F), Traditions et soins
d'aujourd'hui, Inter-Editions.
TAYLOR (C.), 1991, Diagnostics infirmiers,
2ème Ed. Decarie Maloine, 1990, 336 pages.
Dictionnaires :
Le petit Larousse, 2000.
Le Larousse Médical, 2001.
Articles de publications périodiques :
«La pudeur, une histoire de la nudité »,1999,
Le Nouvel Observateur, Hors-Série n°39, 98 pages.
CASIMIR DUNCAN (Mireille) - février 2004 - n°123,
« formation à la pudeur », Objectif soins, p 13-15.
Textes officiels :
Recueil des principaux textes,2003, Profession infirmier,
Ed. Berger-Levrault, 87 pages.
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