De l'art de gouverner par les lois et par la force d'après Nicolas Machiavel( Télécharger le fichier original )par Julien Bukonod Université Saint Augustin de Kinshasa - Gradué en philosophie 2009 |
III.1. Les Leaders dits exemplairesEn tout réalisme, on peut avouer que les moyens employés en politique n'ont guère changé depuis Machiavel (lesquels moyens sont d'ailleurs pré-machiavéliens, comme indiqué supra). Les exemples où la fourberie et la force l'emportent sur l'honnêteté et le droit, l'arbitraire sur la justice et la démocratie, le mal sur le bien, composent jusqu'à nous toute l'histoire. Les meurtres des honnêtes leaders tels que Mahatma Gandhi, John Kennedy, Martin Luther King, etc, semblent confirmer ce dit de Machiavel : « l'histoire de notre temps enseigne que les princes qui ont fait peu de cas de leur parole et su adroitement endormir la cervelle des gens ont en fin de compte triomphé des honnêtes et des loyaux ». Mais, l'histoire ne peut-elle pas être changée, surtout quand elle a pris comme le dit Myriam Revault D'Allonnes, « non plus le visage du destin mais le visage de la terreur »99(*)? Thomas More, Nelson Mandela, Marien Ngouabi, Julius Nyerere, ... ont-ils gouverné par les lois et par la force ? C'est à quelques princes de cette trempe qu'est orientée la présente réflexion. Leur art de gouverner nous dira s'il faut clouer au pilori Machiavel ou lui donner acte. III.1.1. Mohandas Karamchand Gandhi, dit Mahatma Gandhi (1869 -1948)100(*)Le leader politique indien est pour beaucoup un témoin lumineux pour l'humanité. On le qualifie de politicien le plus saint. Bien que la non-violence, l'ahimsa, figurait déjà dans les enseignements de Bouddha101(*) et dans la Bible102(*), Gandhi transforma cette sagesse en enseignement politique et devint le premier leader à penser la non-violence en termes de stratégie politique. Pour lui, la non-violence est une attitude plus courageuse que la violence, un regard de bienveillance et de bonté envers le prochain ; elle est, selon lui, le principe de la recherche de la vérité, son credo. I believe in the principle of non violence103(*), aimait-il dire. Selon lui, la tolérance et la fraternité universelles sont les seuls chemins de bonheur pour l'humanité. Une notion qu'il élabora merveilleusement dans son vibrant Tous les hommes sont frères (1948). Gandhi a eu le pouvoir politique à portée de main mais ne l'a pas pris parce qu'il est allé au bout de sa conviction, celle d'après laquelle l'exercice du pouvoir amenait à faire preuve de violence. Cependant, « sur les traces » de Machiavel, Gandhi préconise la violence quand celle-ci est préférable à la lâcheté : « Je crois vraiment, affirme-t-il en 1920, que là où il n'y a que le choix entre la lâcheté et la violence, je conseillerais la violence. (...) C'est pourquoi je préconise à ceux qui croient à la violence d'apprendre le maniement des armes. Je préférerais que l'Inde eût recours aux armes pour défendre son honneur plutôt que de la voir par lâcheté, devenir ou rester l'impuissant témoin de son propre déshonneur »104(*) . Qu'un homme aussi saint que Gandhi arrive à encenser la violence politique ajoute un plus dans la pensée du vénérable Machiavel. * 99 M. REVAULT D'ALLONNES, op. cit., p. 170. * 100 C. BRUNIER, L'héritage de Gandhi, in membres.multimania.fr/manco/gandhi/gandhi.htm, visité le 20 avril 2010. * 101 Cf. J. ONAOTSHO, La philosophie orientale. Syllabus de G3 philosophie, USAKIN, 2010, p. 33. * 102 Cf. Le sermon sur la montagne (Mt 5 : 1 - 12). * 103 « Je crois au principe de la non-violence ». * 104 M. GANDHI, La jeune Inde, Madras, S. Ganesan Publisher, 1924, p. 132-133. |
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