De l'art de gouverner par les lois et par la force d'après Nicolas Machiavel( Télécharger le fichier original )par Julien Bukonod Université Saint Augustin de Kinshasa - Gradué en philosophie 2009 |
II.1. Le MachiavélismeLe machiavélisme n'est pas né au pays de Machiavel, en Italie. Il semble qu'il soit né en France. Mais en tant qu'agir, il a toujours existé. Machiavel lui-même semble le confirmer par le biais de Maurice Joly : « Le Machiavélisme est antérieur à Machiavel. Moïse, Sésostris, Salomon, Lysandre, Philippe et Alexandre de Macédoine, Agathocle, Tarquin, Jules César, Auguste et même Néron, Charlemagne, Théodoric, Clovis, Hugues Capet, Louis XI, Gonzalve de Cordoue, César Borgia, voilà les ancêtres de mes doctrines »81(*). Né, va-t-on dire, avant son père, le machiavélisme a survécu et survit encore avec une vraisemblable espérance d'éternité, universellement, à la nature, à la vie, à la société et à l'histoire des hommes. Le Dictionnaire Robert en donne cette définition : « le recours à la perfidie et à la ruse pour atteindre le but visé »82(*), tandis que le Dictionnaire Sans Agent le définit comme la « doctrine de Machiavel qui prône l'efficacité politique au détriment de la défense de la morale »83(*). Après l'expansion du mot, tout devient machiavélisme. Au XVIIè siècle on parlait de différentes sortes de machiavélisme : machiavélisme médical, machiavélisme rustique, machiavélisme théologique, machiavélisme littéraire, machiavélisme juridique, etc. On parlait même du machiavélisme érotique qui serait issu de L'Art d'aimer d'Ovide, du machiavélisme marital qui aurait été inventé par Honoré de Balzac, et du machiavélisme de veuvage (des veufs et veuves), inventé par Tommasini84(*). Au XXe siècle apparurent d'autres variantes : machiavélisme traditionaliste (avec Franco et Maurras), machiavélisme démocratique (Charles De Gaulle), machiavélisme révolutionnaire (Lénine, Staline et Mao Ze Dong). On comprend que, visée, touchée et retouchée ainsi au cours de six siècles, la figure de Machiavel ait pris des aspects très différents, les uns des autres, qui l'ont rendue beaucoup plus sombre, beaucoup plus énigmatique, beaucoup plus compliquée qu'elle ne le fut. Le comble est que même ceux qui n'ont jamais lu une seule ligne de Machiavel se servent à tort et à travers des verbes, substantifs et adjectifs tirés de son nom. Puisqu'il n'est pas possible d'énumérer tous les machiavélistes (machiavéliens et machiavéliques), nous sélectionnons quelques-uns parmi ceux que nous pensons être les plus influents. II.1.1. Le Pré-machiavélisme ou machiavélisme avant MachiavelIII.1.1.1. Jules César (100 / 101 - 44 av. J.C.)85(*)Jules César fut un grand général et homme politique romain. En 78 av. J.C., après la démission de Sylla, il entreprit une brillante carrière politique : questeur en 69 av. J.C., édile curule en 65 av. J.C., puis gouverneur en Espagne, il se joignit aux forces de Pompée et de Crassus pour former le premier triumvirat. Au début de 49 av. J.C., il marcha sur Rome, où il se fit nommer dictateur jusqu'à son élection au consulat en 48 av. J.-C. Il entreprit ensuite, entre ses campagnes, de profondes réformes : il affaiblit le pouvoir du sénat, des comices et celui des magistrats en multipliant le nombre de ces derniers. Sur le plan économique, il prit des mesures en faveur des travailleurs agricoles libres, en réduisant le nombre des esclaves, en fondant des colonies à Carthage et à Corinthe. Sa réforme du calendrier fournit à Rome un outil rationnel d'enregistrement du temps. Son habileté et sa sagesse furent de s'attribuer des pouvoirs sans partage, mais dans le respect de la légalité : il prit soin de se faire octroyer soit la dictature, soit le consulat, soit les deux fonctions simultanément pour une période d'abord limitée puis à vie. Machiavel loua la libéralité et la parcimonie dont il fit montre pour accéder à la tête de l'empire romain : « (Jules) César était un de ceux qui voulaient parvenir au principat de Rome ; mais si, après qu'il y était parvenu, il eût survécu et ne se fût pas tempéré dans ses dépenses, il aurait détruit ce pouvoir »86(*). * 81 M. JOLY, op. cit., p. 3. * 82 Le Robert, Paris, Le Robert-Sejer, 2009, p. 429. * 83 Dictionnaire Sans Agent, in http://dictionnaire.sensagent.com/machiavélisme.fr, visité le 15 mars 2010. * 84 Cf. C. BENOIST, Le Machiavélisme, vol I, Paris, Plon-Nourrit, 1907, p. 6. * 85 C. NICOLET - M. RAMBAUD, César Jules, in The New Encyclopaedia Britannica, Vol. 8, Knowledge in depth, 15th edition, New York, Encyclopaedia Britannica, 1982, p. 6355-6358. * 86 N. MACHIAVEL, op. cit., p. 122. |
|