La recherche de l'Absolu dans la pensée de Plotin: dépassement du premier moteur d'Aristote( Télécharger le fichier original )par Jean Claude NGENZIRABONA NIYITEGEKA Université catholique d'Afrique Centrale/ institut catholique de Yaoundé - Licence en philosophie 2008 |
I. 2. Le Premier moteur et son rôle dans la philosophie premièreTout au long de son étude sur l'être, Aristote s'est senti obligé de poser l'existence du Premier moteur à partir des réalités sensibles. Il va aussi se demander comment peut-on atteindre cette substance éternelle et immobile qui est un être méta-sensible. Pour ce faire, Aristote va d'abord étudier le mouvement, puis la substance qui produit ce mouvement. Il distingue ainsi trois sortes de substances : « L'une est sensible, et elle se divise en substance éternelle et en substance corruptible [...]. L'autre substance est immobile »23(*). C'est par l'étude de cette substance immobile qu'il arrive à des orientations métaphysiques. I. 2.1. La nature du Premier moteurPour Aristote, c'est par nécessité qu'il existe une substance éternelle et immobile, capable de mouvoir tout ce qui se meut24(*). Cette substance n'est rien d'autre que le Premier moteur. Contrairement à d'autres moteurs, le Premier moteur que postule Aristote n'exerce aucune poussée mécanique sur quoi que ce soit. Il est plutôt la fin que désire tout ce qui existe. C'est pourquoi il en a fait non seulement la cause finale du mouvement, mais aussi l'objet du désir, celui de l'amour également, car « la cause finale meut comme objet de l'amour »25(*). Ainsi, comme objet de l'amour, le Premier moteur dont il est question ici est assimilable à un Dieu26(*), à un Etre suprême, la cause et la fin de tout ce qui est en mouvement. Dès lors, Aristote va toujours le considérer comme une substance dont le mouvement n'a point de commencement ni de fin contrairement à d'autres moteurs ou substances sensibles. Cette substance ainsi posée peut être définie comme un être en acte pur, puisque « ce qui est à la fois mobile et moteur n'est qu'un terme intermédiaire, on doit supposer un extrême qui soit moteur sans être mobile, être éternel, substance et acte pur »27(*). A cet effet, Aristote la réaffirme comme principe premier, origine de tout mouvement. En elle, le mouvement est éternel car, « il est impossible que le mouvement ait commencé ou qu'il finisse, car il est, disons-nous, éternel »28(*). Par conséquent, cette substance se suffit d'elle-même et elle remplit, suivant la théorie de la causalité, les mêmes fonctions et les mêmes caractéristiques que la cause efficiente. Mais comme principe premier, elle devient également la cause finale de tout mouvement. Cependant, Aristote ne se limite pas par là. Aussi, fait-il de cette substance éternelle et immobile l'objet de la philosophie première (ou théologie). Ce n'est que dans ce contexte que le Premier moteur soit mieux compris comme cause finale parce qu'assimilé à dieu. En effet, le dieu d'Aristote meut comme cause finale. Cette dernière ne s'oppose pas au Premier moteur qui est le principe premier dans l'hiérarchie des êtres. Il s'agit pour autant d'un principe pour la physique même s'il est un être métaphysique29(*). Mais il ne faudra jamais confondre ce dieu aristotélicien au Dieu d'amour des chrétiens, car comme moteur lointain, le Premier moteur ne reste qu'un « idéal immobile vers lequel s'épuisent les mouvements réguliers des sphères célestes, l'alternance des saisons, le cycle biologique des générations, les vicissitudes de l'action et du travail des hommes »30(*). Il est plutôt une substance séparée du monde sensible et fermée à tout ce qui lui est extérieur. Pourtant, toutes les autres substances ne peuvent être conçues que par rapport à elle, car elle reste la première dans l'hiérarchie. C'est pour cela qu'en empruntant l'expression de l'Iliade, Aristote est convaincu que « le commandement de plusieurs n'est pas bon : qu'il n'y ait qu'un seul chef »31(*). Le Premier moteur peut être aussi dit Pensée souveraine ou Pensée de la pensée dans la mesure où il pense « ce qui est le meilleur par soi »32(*). Autant qu'il est ainsi considéré, le Premier moteur devient également un être intelligiblement désirable. C'est ce que nous avons réaffirmé plus haut en le faisant avec Aristote la cause finale et l'objet d'amour. Mais comme Pensée souveraine ou divine, le Premier moteur est plutôt considéré comme un être séparé du monde changeant, puisque celui-ci ternirait sa propre pensée et cette relation l'amènerait à l'imperfection. Or, tel qu'il a été conçu par Aristote, le Premier moteur devrait demeurer parfait. Pour cela, il est l'objet de sa pensée. Dans cette perspective, J. Simon affirme que si Parménide ne parlait que de Dieu, Aristote parle de Dieu et du monde, mais que si ce monde ne soit point, son Dieu serait ce qu'il est33(*). Ainsi donc, le Dieu d'Aristote reste pour lui l'être le plus parfait, le plus achevé du monde, c'est-à-dire un absolu : principe ultime et fondateur de tout ce qui est en mouvement. Et, bien qu'il soit séparé du monde changeant ou ignorant toute vie biologique, le Premier moteur demeure nécessaire à toute vie et c'est pour cela qu'il est principe34(*). * 23 Ibid., 1, 1069 a 30 - 33. * 24 Ibid., 6, 1071 b 4. * 25 Ibid., 7, 1072 b 3. * 26 Ibid., 5 - 30. * 27 Ibid., 1072 a 24 - 25. * 28 Ibid., 6, 1071 b 6. * 29 Cf. S. ROUX, Op. cit., p. 143. * 30 P. AUBENQUE in Dictionnaires des philosophes, Paris, Albin Michel, 2001, p. 94. * 31 ARISTOTE, Métaphysique Ë, 10, 1076 a 4 - 5. * 32 Ibid., 7, 1072 b 19. * 33 Cf. Idem. * 34 Cf. Ibid., 10 - 17. |
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